L'Évolution Du Contrôle de Gestion Dans Le Secteur Public de Distribution D'Eau en Contexte Post-Soviétique. Une Approche Par Les Parties Prenantes

L’ÉVOLUTION DU CONTRÔLE DE GESTION DANS LE SECTEUR PUBLIC
DE DISTRIBUTION D’EAU EN CONTEXTE POST-SOVIÉTIQUE. UNE

APPROCHE PAR LES PARTIES PRENANTES
Irina Paladi, Pierre Féniès
AIRMAP | « Gestion et management public »
2020/3 Volume 8 / n° 3 | pages 47 à 72

© AIRMAP | Téléchargé le 13/02/2023 sur www.cairn.info via Université de Lille - Sciences Po Lille (IP: 194.254.129.28)
ISSN 2116-8865
DOI 10.3917/gmp.083.0047
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2020-3-page-47.htm
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Distribution électronique Cairn.info pour AIRMAP .

© AIRMAP . Tous droits réservés pour tous pays.
La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les
limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la
licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,
sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de
l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage
dans une base de données est également interdit.
Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

L’évolution du contrôle de gestion dans le secteur public
de distribution d’eau en contexte post-soviétique.
Une approche par les parties prenantes
The evolution of management control in the public water supply sector

in the post-Soviet context. A stakeholders’ approach
Irina PALADI
Maître de Conférences − Université de Bourgogne, IAE de Dijon − CREGO − irina.paladi@u-bourgogne.fr
Pierre FENIES
Professeur des Universités − Université Paris 2 Panthéon Assas − LARGEPA − pierre.fenies@u-paris2.fr
RÉSUMÉ des parties prenantes dans l’évolution des systèmes

de contrôle de gestion d’une société de distribution
Cette recherche se concentre sur la gestion des Sup- d’eau lors de la transition du système économique
ply Chains d’eau et l’utilisation des techniques de planifié vers l’économie de marché.
contrôle de gestion associées dans un ancien pays
soviétique. L’analyse qualitative est basée sur une Mots-clés
approche originale, couplant la perspective histo- Contrôle de gestion public ; Parties prenantes ; Sup-
rique et le cadre théorique des parties prenantes. ply chain de l’eau
Cette approche permet de mettre en évidence le rôle
ABSTRACT evolution of management control systems of

a water supply company during the transition
This research is focused on the management from the planned economic system to the market
of Water Supply Chains (WSC) and the use of economy.
associated management control techniques in a
former-Soviet country. The qualitative analysis
is based on an original methodological approach, Key-words
linking historical perspective and stakeholders’ Water supply chains; Public management control;
theoretical framework. This approach enables Stakeholders’ theory
to highlight the role of the stakeholders in the
Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 47

L’évolution du contrôle de gestion dans le secteur public de distribution d’eau en contexte post-soviétique. Une approche par les parties prenantes
INTRODUCTION ▪ Laà desdeuxième est de savoir si les SCG sont utilisables

fins de pilotage de performance en contexte
Basée sur une logique de quasi-gratuité durant la pé- de rareté des ressources financières ou répondent
riode soviétique, l’eau est devenue dans certaines ré- uniquement à un reporting formel exigé par les
publiques issues de l’ex-URSS un enjeu politique de PP (autorités de tutelles, organismes financiers).
grande importance. Après la chute du mur de Berlin,
le tarif de l’eau augmente progressivement. Cette tarifi- Dans la suite de ce papier, nous contextualisons notre
cation de la ressource « vendue » au client final combi- recherche avant de proposer le cadre conceptuel et le
née avec la vétusté des infrastructures surcapacitaires design de recherche. Nous détaillons ensuite l’étude
constitue un défi organisationnel pour les réseaux d’eau du macro-environnement de la société publique
dans un contexte de pénurie des ressources financières Moldwater et analysons en parallèle l’évolution du
propres aux Pays de l’Europe de l’Est en transition. SCG de cette société pendant la période soviétique et
Durant la période soviétique, ces pays ont subi un sys- les deux étapes de transition économique. La dernière
tème économique centralisé, visant à déployer dans partie discute des résultats de notre recherche.
toutes les entreprises l’idéologie et la stratégie du Parti
Communiste. Les changements induits par la chute
de l’URSS devraient se traduire aujourd’hui par une
transformation des méthodes de gestion dans toutes 1. ÉTUDE DU CONTEXTE
les organisations publiques, y compris celles gérant les
réseaux d’eau. Le management des réseaux d’eau constitue un enjeu
majeur de gestion publique et de nombreux articles
Cette recherche prend racine dans le pilotage des ré- traitent de son importance d’un point de vue géopoli-
seaux d’eau et dans l’application des techniques de tique (Baron, 2007) comme économique (Le Lannier et
contrôle de gestion associées. Ce papier vise à analy- Porcher, 2012). Pour analyser le contexte de notre re-
ser le type d’outils de contrôle de gestion utilisés pour cherche, nous caractérisons d’abord la notion de supply
piloter sous contraintes financières les activités opéra- chain de l’eau (water supply chain – WSC) et présen-
tionnelles et industrielles dans un contexte de gestion tons les différents modes de régulation associés dans un
publique particulier. Notre recherche se propose ainsi contexte global et dans le contexte « local » post-sovié-
de contribuer à la connaissance en contrôle de gestion tique. Nous réalisons une brève revue sur le contrôle de
public dans les pays post-soviétiques, un terrain fécond gestion dans les économies post-soviétiques dans les
et relativement peu étudié (Paladi et Fenies, 2018). organisations publiques comme privées.
Ce papier s’inscrit dans une démarche historique visant

à retracer l’évolution du contrôle de gestion dans une 1.1. Management public
ancienne entreprise publique soviétique de Moldavie de la supply chain de l’eau
lors de la transition du système planifié vers l’écono-
mie de marché. En mobilisant une approche mêlant les Par analogie avec les supply chains (Fenies, 2010), nous
Parties Prenantes (PP) et les logiques institutionnelles, définissions une WSC comme une coalition d’organisa-
nous analysons si un Système de contrôle de gestion tions autonomes dans laquelle une firme pivot coor-
(SCG) (concept renvoyant à Anthony, 1988 ; Bouquin, donne les activités d’un processus logistique intégré
2010) est utilisé par les sociétés de gestion de l’eau en assurant au client final la fourniture d’eau. Ce proces-
Moldavie et comment l’émergence de nouvelles PP fa- sus est constitué par les macro-activités de production,
çonne les SCG et leur usage. distribution et récupération de l’eau. Chaque activité
peut être réalisée de manière indépendante, autonome
Deux questions sont sous-jacentes à l’étude réalisée : ou coordonnée. De nombreuses études ont analysé, via
des méthodes économétriques et de benchmarking,
▪ Lales première est de savoir s’il existe un SCG dans
sociétés publiques de gestion de l’eau dans les
l’efficacité relative de WSC selon qu’elles soient gérées
de manière publique ou privée, dans les pays dévelop-
anciennes républiques soviétiques et comment il pés comme dans les pays en développement (Boston
évolue au cours de la transition ; Consulting Group, 2007). Les résultats montrent qu’il
48
Irina Paladi & Pierre Fenies
n’y a pas de consensus dans la littérature quant au type et privées. Cependant, en contexte post-soviétique, les
de gestion (public / privé / mixte) le plus efficace dans tentatives de mise en place d’une nouvelle forme de
les WSC, mais il semble ressortir un cycle de formation gestion publique basée sur la culture du résultat et des
des WSC : pratiques et outils issus du privé, dans l’esprit du New
Public Management (NPM) (Chappoz et Pupion, 2012)
▪ Latorités
construction de la WSC est assumée par les au-
publiques ;
montrent des résultats contrastés. Par exemple, l’étude
de Khodachek et Timochenko (2014) constate que les
reformes ont mené à une forme hybride de système
▪ Laopérateur
distribution est assurée, suivant les cas, par un
public ou privée ;
budgétaire du gouvernement russe, influencée par les
idées du NPM, mais également par les idées encrées
dans le passé russe, ainsi que par une rhétorique forte
▪ Lorsque les réseaux sont obsolescents inter-
viennent alors les multinationales de l’eau qui pro-
des responsables russes visant à renforcer l'image de la
Russie en tant qu’acteur souverain et indépendant mo-
fitent de ce « moment douloureux » pour prendre derne. Monobayeva et Howard (2015) soulignent éga-
« possession » de la WSC d’une grande cité, que lement les limites des réformes inspirées par le NPM,
cette cité soit dans un pays émergent ou dans un liées à l’héritage des pratiques administratives sovié-
pays développé. Cette prise de pouvoir se fait par tiques et à une tendance de mise en œuvre superficielle
des privatisations ou par le recours à des conces- de ces réformes.
sions, en arguant de la vétusté du réseau pour en
prendre possession de manière provisoire ou du-
rable et en jouant sur l’impact de la rénovation sur 1.2. Le contrôle de gestion
les finances publiques de la collectivité concernée ; dans les organisations publiques
et privées dans les PECO
▪ Après le passage des multinationales de l’eau, pour
des raisons dogmatiques ou pragmatiques, les L’effondrement du bloc communiste dans les pays de
pouvoirs publics essaient, dans de nombreux cas, l’Europe Centrale et Orientale (PECO) appelle depuis
de récupérer la gestion de leur WSC. plus de 20 ans à une redéfinition de l’entreprise dans
ces pays et la mise en place des méthodes de gestion
Les WSC soviétiques, en raison de la gratuité « histo- « occidentales ». Au cours des dernières décennies, la
rique » de l’eau pour le citoyen ont échappé à ce cycle recherche en Russie comme dans les pays en transi-
de formation et sont aujourd’hui exclusivement dans tion économique a été principalement axée sur les as-
le giron public. Notons enfin qu’à notre connaissance, pects macroéconomiques et la comptabilité financière,
aucune étude portant sur le contrôle de gestion n’a été peu d’auteurs analysant l’utilisation de la comptabilité
réalisée sur les services de l’eau dans les anciennes ré- dans la gestion interne des organisations (Moilanen,
publiques soviétiques, que ce soit d’un point de vue ef- 2008). L’accès difficile aux données et la réticence des
ficacité du réseau d’eau ou efficacité des techniques de managers à fournir de l’information contribuent égale-
contrôle de gestion. ment à ce manque de connaissances (Riskal, 2009). En
outre, le contrôle de gestion n’est pas encore reconnu
Caractérisée par l’absence de la propriété privée, la en tant que discipline académique indépendante dans
gestion des entreprises dans l’économie planifiée, et la majorité des pays ex-soviétiques, faisant partie de
donc des WSC, relève du domaine du management la comptabilité.
public, mais avec des traits particuliers dus à la plani-
fication centralisée (plan impératif, stratégie et objec- Les recherches sur le contrôle de gestion restent peu
tifs définis par les planificateurs et déployés au niveau nombreuses au regard des pays développés qui font
de toutes les entreprises d’État, qui sont soumises en- l’objet d’une littérature beaucoup plus riche (Nobre et
suite à de nombreux contrôles, mesure de la perfor- Riskal, 2003 ; Kallunki et al., 2008 ; Rejc et Zaman,
mance principalement par des indicateurs volumiques, 2012). Le passé communiste explique le retard de
forte orientation production, etc.). Les reformes de la ces pays en matière de recherche et des pratiques de
transition contribuent à la diffusion de nouvelles ap- contrôle de gestion. Comme le soulignent Pankov et
proches managériales dans les entreprises publiques Bailey (1998), le concept occidental de contrôle de

gestion serait incompatible avec l’idée de l’écono- seulement au calcul des coûts et sans assurer leur ana-
mie centralement planifiée et le contrôle de gestion lyse, contrôle et pilotage (Mihaila, 2013). De plus, elles
n’existerait pas dans l’ex-Union Soviétique (Moilanen, ne sont pas liées avec la stratégie et les performances
2008), même si des outils proches étaient mis en œuvre des organisations. D’autres thèses (Țugulschi, 2013 ;
(Plans, budgets, calculs d’écarts et système de compta- Bajan, 2015) font également ressortir que les méthodes
bilité analytique…). traditionnelles de calcul des coûts utilisées par les en-
treprises de Moldavie ne fournissent pas les informa-
L’étude de Paladi et Fenies (2018) montre que le plus tions nécessaires à la prise de décision. Ainsi, les pra-
souvent les travaux qui traitent du contrôle de gestion tiques de contrôle sont à l’étape embryonnaire.
dans les pays soviétiques ne portent pas sur les orga-
nisations publiques et sont principalement basés sur En conclusion de cette partie notons que :
des recherches-actions qui répondent aux besoins par-
ticuliers des entreprises, mais fournissent des résultats
moins généralisables. Notons qu’à notre connaissance,
▪ les pays soviétiques constituent un champ dans
lequel le contrôle de gestion est peu étudié ;
seule une recherche traite du contrôle de gestion dans
les organisations publiques en contexte post-commu-
niste : Sinković et al. (2011) s’intéressent à l’utilisation
▪ lorsque le contrôle de gestion et ses outils sont
étudiés, c’est rarement dans le champ du mana-
du Balanced Scorecard dans une entreprise publique en gement public ; pour de nombreux auteurs, le
Croatie. Leur étude identifie plusieurs obstacles quant contrôle de gestion n’existait pas avant 1991 (nous
à l’usage du Balanced Scorecard : style autocratique expliquerons notre désaccord avec ce point dans
de management, système de rémunération non lié aux la partie résultats) ;
performances, absence de planification stratégique,
manque d’intérêt pour la satisfaction client, auxquelles
s’ajoutent les barrières culturelles : bureaucratie poli-
▪ latoireMoldavie représente un véritable « labora-
de transition » qui permet de comprendre la
tisée, corruption et manque de volonté politique. Par transformation du contrôle de gestion dans l’en-
conséquent, nos connaissances sur le contrôle de ges- semble du « monde post-soviétique ».
tion dans les PECO ex-communistes, notamment en
organisations publiques, sont très limitées.
Dans le cadre de cette recherche, nous nous concen-

2. DESIGN DE RECHERCHE
trons sur la Moldavie1, une petite ex-République sovié- ET CADRE THÉORIQUE
tique, ouverte aux idées occidentales et aux aspirations
pro-européennes, et présentant en même temps de Les anciennes républiques soviétiques partagent un
nombreuses particularités du processus de transition passé commun dans le domaine économique et so-
(mentalités changeantes, institutions défaillantes, cor- cial. Ainsi, l’étude d’un pays anciennement soviétique
ruption, manque de connaissances sur les techniques contribue à la compréhension des situations passées
modernes de gestion, contexte culturel spécifique in- et actuelles dans les autres républiques (Alexander
fluencé par les cultures roumaine et russe et la période et Ghedrovici, 2013). C’est dans cet esprit que nous
communiste, etc.). souhaitons utiliser le contexte de la Moldavie afin de
comprendre l’évolution du contrôle de gestion dans les
Le terme contrôle de gestion n’est apparu que récem- firmes publiques anciennement soviétiques. Nous bâ-
ment (en 2013) dans les recherches moldaves. Les en- tissons notre réflexion à l’aide de constats nourris par
treprises appliquent peu d’outils de comptabilité de ges- l’expérience d’un des auteurs du papier qui a travaillé
tion, généralement liés au calcul de coût de production. en banque d’affaires en Moldavie, au contact d’entre-
Les méthodes traditionnelles de calcul de coûts utili- prises autrefois soviétiques. Dans ces entreprises, le
sées ne répondent pas aux besoins de gestion, servant système centralement planifié s’est traduit par la mise
1 Territoire historiquement roumain, la Moldavie a connu une forte « colonisation slave » : entre 1812 – 1918 sous l’Empire Russe (entre 1918-
1940 et 1941-1944 faisant partie de la Roumanie) et après 1944 quand elle a été annexée par l’URSS. Indépendante depuis 1991, la Moldavie n’a
pas achevé le processus de transition et le succès des réformes reste discutable.
50
en place des SCG identiques et l’émergence de nou- À travers une étude de cas sur une entreprise publique
veaux outils de contrôle de gestion est apparue che- (dans une perspective historique) nous illustrons les
min faisant vers la fin des années 1990 ; la transition principales caractéristiques du SCG dans le système
actuelle constitue une époque de reconstruction et de économique planifié et les changements induits par la
consolidation d’un contrôle de gestion « passerelle » transition vers l’économie de marché. Nous mettrons au
entre les outils issus de l’ancienne URSS et ceux issus centre de notre réflexion l’émergence de nouvelles PP et
du monde occidental. leur impact sur le SCG.
La figure 1 présente le design de recherche et la métho-

2.1. Design de recherche dologie pour les trois périodes. Pour chaque période,
nous proposons une analyse du contexte politique,
Retracer l’histoire du contrôle de gestion dans la période économique et social. Nous considérons que la comp-
de transition contribuera à une compréhension plus gé- tabilité et le contrôle ne sont pas seulement une tech-
nérale des logiques du fonctionnement des entreprises, nique, mais un système technique aux dimensions ma-
ainsi que de leur transformation (Labardin, 2017). térielle, économique, sociale et organisationnelle. Leur
L’approche historique permettra donc de suivre l’évo- histoire ne peut donc être isolée de celle des organisa-
lution des SCG en les ancrant dans leurs contextes his- tions et du système socio-économique (Colasse, 1988).
toriques, organisationnels et sociaux et tenant compte Par conséquent, les aspects techniques des SCG sont
de leur substrat idéologique. Pour mettre en évidence complétés par des considérations sur l’environnement
cette évolution dans le cadre de notre recherche, nous économique, le contexte idéologique/politique et social
délimitons trois périodes : (Berland, 1999).
▪ 1970-1991 (économie centralisée et planifiée) ; Étude de cas longitudinale. La circonstance rare

▪ changements(transition
1991-1998 néolibérale, période des que constitue la transition économique dans les an-
radicaux) (Andreff, 2007) ; ciens pays soviétiques justifie la méthodologie d’une
▪ les dimensions institutionnelles
Après 1998 (transition instituée, accent mis sur
de la transition)
analyse longitudinale par étude de cas (Yin, 2009). Un
cas longitudinal est un type particulier d’étude de cas
(Andreff, 2007). et consiste à étudier le même phénomène à différents
Figure 1 – Design de recherche selon les périodes historiques

Figure 2 – Histoire de Moldwater
moments (Yin, 2009). Il peut être défini par trois élé- Cadre d’analyse du
ments (Musca, 2006) : les données sont collectées sur Système de Contrôle de Gestion
au moins deux périodes distinctes, les sujets sont com-
parables d’une période à l’autre et l’analyse consiste Le concept de contrôle de gestion prend naissance chez
généralement à comparer les données entre différentes Anthony (1965), qui le définit comme « le processus
périodes ou à retracer l’évolution du phénomène analy- par lequel les managers s’assurent que les ressources
sé (dans notre cas – le contrôle de gestion). L’étude de sont obtenues et utilisées de manière efficace et effi-
cas longitudinale vise à examiner comment les condi- ciente pour la réalisation des objectifs de l’organisa-
tions économiques changent au fil du temps (économie tion » (Anthony, 1965), mais il reviendra plus tard sur
centralisée, différentes phases de transition) ; ainsi, sa définition en reliant contrôle de gestion et stratégie :
les intervalles de temps choisis reflètent les différentes « le contrôle de gestion est le processus par lequel les
étapes de changement (Yin, 2009). managers influencent d’autres membres de l’organisa-
tion pour mettre en œuvre les stratégies » (Anthony,
L’entreprise analysée, Moldwater, est une société pu- 1988 ; Anthony et Govindarajan, 2001).
blique de distribution de l’eau de Moldavie. Le premier
réseau de distribution de l’eau de la ville analysée, basé Pour Simons (1987 ; 1995), le contrôle de gestion com-
sur les eaux souterraines, a été créé en 1892. Le sys- prend « les processus formels et les procédures fondées
tème actuel de distribution d’eau qui utilise les eaux sur l’information que les managers utilisent pour main-
de surface a été créé pendant la période soviétique (les tenir ou modifier certaines configurations des activités
années 60). Comme son activité était subventionnée de l’organisation ». Simons (1995) opère une grande
par le budget public, après la chute du système com- différence entre : d’une part, le contrôle diagnostic,
muniste, l’entreprise a dû surmonter de graves difficul- un contrôle réalisé à l’aide de suivi d’indicateurs ayant
tés financières. En 2000 elle a été transformée en so- pour vocation de mettre en avant la performance de
ciété anonyme dont l’actionnaire unique est le Conseil l’entreprise et les informations nécessaires aux mana-
Municipal (avant c’était une Entreprise d’État). Elle gers (il s’agit d’un système de reporting classique) ;
emploie 2 100 salariés et gère un réseau de plus de et d’autre part, le contrôle interactif, qui est constitué
1 500 km de conduites pour distribuer l’eau potable qui par l’interaction des managers avec les opérationnels
alimente 800 000 habitants. pour traiter des priorités stratégiques et orienter les
décisions. Les deux autres leviers de contrôle de son
52
modèle concernent le système de croyances et le sys-

tème de barrières. Ce cadre conceptuel est revisité par
▪ L’organisation/structure
dans les entreprises ;
du contrôle de gestion
Tessier et Otley (2012), qui distinguent les intentions

de la direction concernant les SCG et les perceptions
▪ Les acteurs (qui fait du contrôle de gestion, qui
s’en sert) ;
des employés. Ils se concentrent sur les intentions ma-
nagériales qui comprennent trois niveaux : 1) types de
▪ Les outils du contrôle de gestion – aspects
techniques (budgets, reporting, systèmes de
contrôle (social et technique) 2) objectifs de contrôle calculs des coûts, tableaux de bord/indicateurs
(performance ou conformité) regroupés en quatre SCG de performance).
à deux niveaux organisationnels (opérationnel et stra-
tégique) et 3) usage des contrôles (diagnostic/interactif, Sources d’information (figure 1). Pour conduire
rôle habilitant/contraignant récompense/sanction). cette recherche, nous avons utilisé de multiples sources
d’information. Les données primaires ont été recueil-
Selon une approche plus récente de Malmi et Brown lies à partir des entretiens semi-structurés d’une durée
(2008), les SCG incluent tous les dispositifs utilisés par moyenne d’une heure et demie, avec des banquiers
les managers pour s’assurer que les comportements (2 entretiens) et employés de l’entreprise étudiée
et les décisions de leurs employés sont conformes aux (Directeur économique – 2 entretiens, ancien écono-
objectifs et aux stratégies de l’organisation. Ainsi, leur miste – 1 entretien) et des observations faites lors des
définition du SCG a une portée plus large et la typo- visites terrain.
logie proposée comprend un éventail des types de
contrôle qu’ils incluent dans le package des SCG, no- Les données secondaires sont basées sur l’étude des do-
tamment : la planification, le contrôle cybernétique, le cuments d’archives de la période soviétique (5 Fonds
système de récompenses, le contrôle administratif et le de l’Archive Nationale de la République de Moldavie)
contrôle culturel. ainsi que de la littérature d’époque pour l’analyse histo-
rique, du cadre législatif de la transition, des documents
Ferreira et Otley (2009) adoptent eux aussi un cadre internes, sites web, documents de presse – pour la pé-
élargi, qui permet de définir les SCG grâce aux 12 ques- riode actuelle.
tions caractérisant leur design et usage.
L’analyse des données a été réalisée avec un codage thé-
On peut donc noter une évolution quant à la définition matique manuel selon les critères issus de la revue de la
du contrôle de gestion vers des approches plus larges, littérature en contrôle de gestion et du cadre théorique.
qui intègrent à la fois des aspects formels et informels. Cela nous amène à classifier les données empiriques
Considérant que les différents contrôles informels font selon les thèmes principaux suivants :
l’objet d’autres domaines (comme la sociologie, les ap-
proches comportementales, la culture d’entreprise…),
▪ Contexte d’activité ;
notre travail met dans le centre de l’analyse les systèmes
▪ Influence des PP ;
formels de contrôle de gestion. Nous adoptons la vision
de Bromwich et Scapens (2016), selon laquelle seuls les
▪ ▪ organisation
Systèmes de contrôle de gestion :
du contrôle de gestion ;
aspects formels rentrent réellement dans la dimension ▪ Acteurs du contrôle de gestion ;
contrôle de gestion. ▪ Outils du contrôle de gestion ;
▪ Rôle et usage des systèmes de contrôle.
Dans la tradition d’Anthony (1988) ou de Bouquin
(2010), nous considérons le contrôle de gestion comme
un système qui soutient la mise en œuvre ou l’exécution 2.2. Cadre théorique
de la stratégie. Il comprend principalement les systèmes
de planification, les procédures de suivi et les systèmes Le choix de la théorie des Parties Prenantes comme
de reporting fondés sur l’utilisation de l’information cadre théorique est basé sur le contexte particulier des
par les gestionnaires (Simons, 1987). anciennes républiques soviétiques. Pendant la période
de l’économie centralisée, l’État a été la principale PP.
Nous analysons son évolution selon trois dimensions Ce n’est qu’après l’effondrement de l’économie planifiée
principales : que les transformations engendrées par la transition

vers l’économie de marché ont fait émerger de nouvelles groupes d’intérêts particuliers ou environnementaux,
PP qui ont modifié l’environnement organisationnel et les médias ou même la société dans son ensemble (ce
le fonctionnement des entreprises. Une approche par qui pourrait soulever des difficultés d’un point de vue
les PP souligne l’importance de l’émergence de nou- pratique car il est impossible de déterminer le meilleur
velles PP dans l’activité des entreprises et permet d’exa- intérêt d’un groupe aussi vaste et hétérogène) (Harrison
miner leur influence sur le SCG. et al., 2015).
La théorie des PP indique que les organisations ne sont Plusieurs études analysent les PP en fonction de leur
pas seulement responsables envers leurs actionnaires, degré d’influence sur l’entreprise. Ainsi, Mitchell et
mais qu’elles doivent également équilibrer une multi- al. (1997) identifie les PP comme les acteurs possé-
plicité d’intérêts des PP (Freeman, 1984). Cependant, dant au moins l’un des attributs suivants : le pouvoir
il n’existe pas de consensus quant à la notion de PP d’influencer l’organisation, la légitimité de la relation
(Mercier, 2010), la littérature présente différents attri- avec l’organisation, et l’urgence d’une revendication
buts permettant d’identifier les PP, allant des définitions sur l’organisation.
très étroites aux définitions générales. Ainsi, Freeman
(1984) définit les PP comme « tout groupe ou individu En fonction de la contribution de PP aux ressources
qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des fondamentales de l’entreprise et de la dépendance de
objectifs d’une organisation ». celle-ci vis-à-vis de ces ressources, Frooman (1999) dis-
tingue 4 types de relation entreprise-PP, caractérisés
Les PP peuvent être classées en internes et externes par différentes stratégies d’influence (Figure 3).
(Carroll et Näsi, 1997) et ont une relation réciproque
avec une entreprise puisqu’elles contribuent à la création Du point de vue du management des organisations, l’ap-
de valeur de l’entreprise et que la performance de l’en- proche des PP considère le contrôle de gestion comme
treprise affecte leur bien-être (Rezaee, 2016). D’autres un processus bidirectionnel qui permet (Atkinson et al.,
auteurs (Clarkson, 1995 ; Gibson, 2000 ; Harrison et 1997) :
al., 2015) distinguent des PP primaires (en raison de
leur implication dans les processus de production de va-
leur de l’entreprise : les employés, les actionnaires, les
▪ àobjectifs
la direction d’évaluer la contribution des PP aux
de l’entreprise ;
établissements de crédit, les clients et les fournisseurs)
et des PP secondaires, qui peuvent affecter ou être af-
fectées par l’entreprise, mais n’ont pas de transactions
▪ aux PP d’évaluer si l’organisation est capable de
s’acquitter de ses obligations envers eux mainte-
directes avec celle-ci ; telles que les communautés, les nant et dans le futur.
La PP dépend-elle de l’entreprise ?
Non Oui
dépend-elle de la PP ?
Interdépendance faible Pouvoir de l’entreprise

Non Stratégie d’influence indirecte, Stratégie d’influence indirecte,
L’entreprise
bloquer l’accès aux ressources conditionner l’accès aux ressources
Pouvoir de la PP Interdépendance forte

Oui Stratégie d’influence directe, Stratégie d’influence directe,
bloquer l’accès aux ressources conditionner l’accès aux ressources
Figure 3 – Classification des PP (Frooman, 1999)
54
Ainsi, les choix qu’une organisation fait en relation 3. L’ÉVOLUTION

avec ses PP devraient se refléter dans la conception
du SCG qui est l’outil utilisé par l’entreprise pour sur-
DU CONTRÔLE DE GESTION
veiller les relations avec ses PP (Atkinson et al., 1997). DE MOLDWATER
Dans notre contexte particulier de transition, cette ap- dans le contexte de transition
proche souligne comment l’émergence de nouvelles PP
influence et façonne le SCG. Nous considérons que les turbulences économiques et
politiques sont associées aux changements des tech-
L’approche néo-institutionnelle envisage les SCG niques de gestion comptable et de contrôle (Anderson
comme une réponse aux pressions subies par l’orga- and Lanen, 1999). Le recours à une étude de cas basée
nisation (DiMaggio et Powell, 1983) ou comme l’af- sur une entreprise publique existant depuis l’époque so-
fichage d’une structure de gestion qui constitue un viétique permet de comprendre l’évolution du contrôle
« mythe » ou « cérémonie » (Meyer et Rowan, 1977) de gestion de la période communiste jusqu’à la période
plutôt qu’un outil mis en place dans une logique de actuelle. Dans cette section, nous illustrons comment
recherche d’efficience et d’un comportement organisa- le SCG est « façonné » par les changements de l’envi-
tionnel rationnel. ronnement économique, social et politique qui déter-
minent par l’émergence de nouvelles PP l’évolution du
Il nous semble pertinent de compléter l’approche par contrôle de gestion de la WSC. Pour chacune des trois
les PP avec une perspective néo-institutionnelle, qui périodes analysées, nous discutons des éléments de
permettra d’expliquer les réponses des organisations contexte, des particularités du SCG et des liens entre les
face aux pressions exercées par les PP, en distinguant PP et Moldwater.
notamment adoption des SCG comme outils de pilo-
tage (recherche d’efficience, pour répondre aux besoins
organisationnels) et comme outils de légitimation (de 3.1. Période I. Économie centralisée
et planifiée (1945-1991)
manière « rituelle », « cérémonielle », découplée de la
gestion réelle).
3.1.1. Éléments de contexte
Dans le secteur public, Brignall et Modell (2000)
montrent que le découplage pourrait s’avérer une stra- Éléments généraux
tégie efficace en permettant aux organisations de faire
face à des pressions exercées par différentes PP avec Contexte politique. Le système politique de l’URSS
des intérêts divergents. Au lieu d’aggraver les conflits est totalitaire ; l’État prend toutes les décisions concer-
entre les PP, l’organisation est hypocrite, et donne nant le pays comme les individus. Les outils permettant
l'image d'être conforme aux attentes des PP. l’implantation du totalitarisme communiste sont basés
sur le parti unique, un contrôle quotidien des activités,
Le travail de Renaud (2009) montre l’intérêt d’une des droits de l’homme limités (avec notamment l’ab-
approche qui mixe théorie néo-institutionnelle et PP, sence de liberté et de propriété privée), la censure, des
en proposant une typologie des acteurs influençant élections manipulées, une bureaucratie extensive et
les décisions des entreprises en fonction des types de prégnante (Shama, 1994), une police secrète étendue
pressions institutionnelles qu’ils exercent. Ce cadre (Metreveli, 2013).
conceptuel permet d’analyser le rôle des outils formels
adaptés par les entreprises et de distinguer leur usage Système économique. L’économie planifiée sovié-
en tant qu’instruments de légitimation externe et de tique est caractérisée par un monopole d’État sur l’en-
pilotage de la performance. semble des moyens de production ; la production et
l’activité économique dans son ensemble sont organi-
En conséquence, dans cet article nous nous intéres- sées principalement en grandes entreprises et coopé-
sons aux PP primaires (actionnaires, employés, éta- ratives (Hare, 1987). Il y a une absence d’orientation
blissements de crédit, clients et fournisseurs) et leur consommateur et un manque de compétition ; dans un
influence sur le SCG de l’entreprise et son usage (outil tel système, les marchés, lorsqu’ils existent, sont fer-
de légitimation ou pilotage). més, orientés politiquement et cachent le sous-emploi

de la main-d’œuvre. La demande est plus grande que quasi gratuit. En même temps, les loyers payés par les
l’offre de biens et service (pénurie), entraînant l’exis- ménages couvrent une si petite fraction des opérations
tence d’un marché alternatif noir ou gris (parfois toléré) et de l’entretien ; les services publics sont fortement
(Shama, 1994). subventionnés et les logements construits par l’État
sont si fortement favorisés que l’eau est quasi-gratuite,
Contexte socio-culturel. Le contexte socioculturel seul un abonnement modique est facturé par logement
d’une économie dirigée est le socialisme, où, comme (les subventions pour les services publics d’eau, élec-
le dit Karl Marx, « de chacun selon ses capacités, à tricité, chauffage constituent 80-90 % des consomma-
chacun selon ses besoins ». Les considérations so- tions, soit 5 % du PNB de l’URSS en 1990). Durant la
ciétales sont plus importantes que les considérations période soviétique aucun service public n’est payé à
individuelles et l’État s’efforce d’assurer une distribu- son prix réel et l’aspect social de diminution artificielle
tion équitable du revenu, des salaires, de l’éducation du prix de services est imposé par l’idée politique qu’en
gratuite et des soins médicaux, bref une société sans socialisme, les services publics ne sont pas chers, mais
classes (Shama, 1994). Globalement, la politique so- accessibles pour tous à l’inverse du monde capitaliste.
ciale de l’URSS est articulée autour de cinq éléments : Il y a donc une forte influence politique, comme dans
(i) l’emploi garanti à vie ; (ii) le contrôle des prix à un tous les domaines de la vie économique, culturelle, so-
bas niveau ; (iii) la gratuité des services publics tels ciale ; le secteur de l’eau n’est pas différent d’un autre
que l’éducation et la santé ; (iv) de nombreux services secteur : il est public, comme toute l’économie.
subventionnés par les entreprises d’État (crèches, gar-
deries, logement, eau, chauffage, etc.) ; (v) un système
d’assurance sociale dont l’objectif était de compen- 3.1.2. Particularités du SCG
ser les interruptions du versement des salaires liées de Moldwater
à une maladie, à l’âge, à une situation d’invalidité.
Ainsi, la politique sociale soviétique garantit à chaque Le régime totalitaire communiste donne peu d’auto-
citoyen l’obtention d’un revenu décent et l’accès aux nomie aux entreprises. Celles-ci sont dirigées par des
services de base (santé, éducation et logement) ; ces fonctionnaires, qui « administrent », sans « mana-
différents services étant souvent assurés au niveau ger ». La prise des décisions stratégiques ne fait pas
des entreprises, l’entreprise d’État soviétique apparaît partie des missions du gestionnaire communiste, car
donc comme un acteur majeur de la politique sociale tout est préalablement pensé au niveau central. Non
(Bertin et Clément, 2008). seulement les dirigeants ne sont pas confrontés à des
problèmes de viabilité commerciale, mais encore la né-
Contexte de la WSC cessité d’assurer la survie des entreprises semble une
notion complètement hors de leur champ de compé-
Dans toutes les républiques de l’URSS, y compris la tences (Bailey, 1975). Par contre, ils sont soumis à un
Moldavie, la WSC est rattachée au secteur du loge- fort contrôle et à une censure exercés à la fois par la
ment/construction et planifiée dans les organes as- cellule de l’entreprise et par les organes régionaux et
sociés. Ce n’est pas un secteur économique majeur, centraux du Parti Communiste (Zaleski, 1959).
comme dans les pays occidentaux, mais plutôt une
obligation sociale que doivent remplir les organisa- Les traditions comptables et de gestion dans les sys-
tions administratives, les entreprises d’État ou les tèmes communistes diffèrent considérablement de
municipalités. Par conséquent, il n’y a pas de besoin celles des pays occidentaux. Dans l’économie plani-
d’analyse du comportement et de la performance de ce fiée, la comptabilité est un instrument de contrôle
secteur et l’administration empêche l’accès à l’infor- sur les entreprises d’État, faisant partie du système
mation (Renaud, 1995). L’URSS présente la structure de contrôle administratif hiérarchique. Elle a une
de propriété urbaine la plus déformée parmi les prin- macro-orientation et sert principalement pour le re-
cipaux pays socialistes, avec 83 % de logements dans porting auprès du gouvernement et des autorités fis-
le giron de l’état. Les droits au logement dans les ré- cales (Moilanen, 2008), ainsi que pour le suivi de l’exé-
publiques soviétiques déterminent la construction de cution du plan (Bailey, 1975). De plus, l’information
WSC surdimensionnées dans toutes les villes et capi- comptable manque de contenu économique (à cause
tales, avec comme objectif de fournir un service public des prix contrôlés) et l’évaluation de la performance
56
des entreprises se fonde principalement sur des indi- ▪ Calcul des coûts de revient dont une personne
cateurs quantitatifs (Mironova et Bovaird, 1999). uniquement dédiée au suivi de la consom-
mation d’électricité. L’électricité n’était pas
Organisation du contrôle de gestion. La struc- payée à son prix réel, mais subventionnée ;
ture organisationnelle typique des entreprises sovié- ▪ Élaboration du plan (Promfinplan) et des
tiques est la structure fonctionnelle, qu’on retrouve rapports… » Ancien économiste, Moldwater.
également dans les archives de Moldwater. Ainsi, le
« contrôle de gestion » est assuré par le Département Outils du contrôle de gestion. Comme dans le
Planification, une unité distincte de la comptabilité. secteur de la production industrielle, pour les services
Celui-ci est subordonné au Département financier à la population, le principal outil de contrôle de ges-
et de Planification2 du Ministère des services com- tion de l’économie centralement planifiée est le Plan
munaux (Fonds d’archives FR 3002-1 Département national (Gosplan), ses indicateurs clés étant ventilés
Administratif, Ministère des services communaux), au niveau de chaque république, secteur d’activité et
alors que la gestion de l’activité (de production) de union d’entreprises/entreprise.
Moldwater est sous la responsabilité de la Direction
des entreprises communales3 du même Ministère. Nous listons ici les principaux outils de contrôle de ges-
tion (système de planification et reporting ; indicateurs
Acteurs. Les « économistes » du département de performance ; méthode de calcul des coûts ; système
Planification assurent la planification (élaboration du de tarification) et caractérisons la nature de leur usage.
plan annuel selon les directives des autorités et les in-
dicateurs imposés) et le reporting vers les autorités so- Le système de planification et reporting. Le
viétiques (État, ministère, Banque (Gosbank), bureau plan annuel (industriel et financier) de l’entreprise –
des statistiques…). Cette information n’est pas utilisée « Promfinplan » – est le plan opérationnel et le pro-
à des fins de management en interne mais par les au- gramme d’exploitation de l’entreprise. Tous ses indices
torités de planification de l’État pour l’élaboration et le sont directement dérivés du plan national (Gosplan).
suivi du Plan national.
La structure de Promfinplan pour l’année 1971, d’après
« Au fil du temps, l’effectif des économistes au sein du les données d’archives du Fonds national d’archives
Département Planification a varié, mais on en comp- de la République de Moldavie est présentée dans le
tait environ une vingtaine en période soviétique (et a tableau 1.
diminué après).
Le chef du département signait tous les rapports, le Un outil de « planification » à long terme est le Plan
plan, le reporting. Il assurait la transmission d’in- de développement social du collectif des travailleurs
formation auprès des autorités. Les équipes étaient (Fonds d’archives FR 3024-1 348a, Direction des entre-
spécialisées : prises communales), qui est discuté lors des réunions
▪ Calcul des salaires et normes de travail avec les représentants des travailleurs, mais approuvé
de l’ouvrier (établissement de la journée par la Direction lors du comité du Parti. Pourtant, il ne
standard ; productivité, durée, taille des concrétise pas des objectifs précis ou décisions opéra-
équipes) ; tionnelles, jouant un rôle purement « idéologique ».
▪ Suivi de l’activité de production et distribu-
tion d’eau en volume ; Pour la partie reporting, le Rapport annuel d’activités
▪ Suivi de l’activité récupération des eaux ; opérationnelles et financières (Fonds d’archives FR
2 Département financier et de Planification : élabore les plans financiers et répartit les limites du personnel administratif et la masse
salariale ; élabore avec les autres départements du ministère les plans de production mensuels, trimestriels, annuels et de « perspective
(pluriannuels) », des plans de construction et rénovation des logements et des infrastructures et reçoit le suivi de l’exécution des plans. Il gère
l’élaboration du reporting statistique. (Source : FR 3002-1).
3 Direction des entreprises communales : gère l’activité de production des réseaux communaux d’eau, bains publics, transports électriques,
services funéraires, usines de réparations et mécaniques ; contrôle l’exécution des investissements du plan de toutes ces entreprises. (Source : FR
3002-1).

Le plan annuel
− Principaux indicateurs du plan opérationnel ;

− Plan de vente des produits (services) exprimé en volume (m3) ;
− Plan du calcul du coût de production (par m3) ;
− Calcul du nécessaire de combustible, matériaux, eau, etc. pour la réalisation du programme de
production ;
− Calcul de l'amortissement ;
− État du personnel d'exploitation ;
− Calcul des frais de la technique de sécurité ;
− Plan de charges d'atelier, administratives et autres charges d'exploitation ;
− Plan de travail ;
− Calcul du besoin en fonds de roulement ;
− Plan financier.
Tableau 1 – « Promfinplan » de Moldwater

Source : Fonds d’archives FR 3024, 1, 351,
Direction du bloc communal du Conseil Municipal des députés, Département Financier et de Planification,
année 1971, 163 pages ; traduction du Russe en Français par les auteurs.
3002-5-459 Rapport d’activité) contient les comparti- - population, 2 - entreprises des services publics, du
ments suivants : bloc communal, de commerce et agro-alimentaire, 3 -
entreprises en auto-gestion (khozrastcet), industrielles,
1. Partie technique ; elle est accompagnée d’un listing de bâtiment et autres) et région. Par exemple4, le tarif
des travaux effectués en conformité avec le plan ; en vigueur en 1973 pour la population est de 2,5 kopeik
2. Indicateurs du Réseau d’eau ; (dans toutes les régions), et 10 kopeik pour la catégorie
3. Indicateurs des Stations de Pompage ; 2 et 20 kopeik pour le troisième groupe d’usagers dans
4. Plan de production ; la capitale, alors que dans les autres régions les entre-
5. Suivi des coûts de production ; prises de groupe 2 et 3 payaient 20, respectivement 30
6. Suivi des tarifs et des bénéfices. kopeik pour le m3 d’eau (soit 8 et 12 fois plus que le tarif
fixé pour la population).
Notons que l’ensemble des indicateurs sont remontés
dans la bureaucratie soviétique et que les écarts entre Calcul des coûts (sebestoimosti’). La méthode so-
le prévisionnel et le réalisé sont presque toujours nuls, viétique de calcul des coûts est celle de coûts normés
ou en faveur d’une « très légère amélioration par rap- et standards basés sur une production standard. Les
port au plan » (ancien économiste). Le système est normes de personnel, consommation des matières,
très sophistiqué mais myope en même temps, car la combustible, amortissement sont fixées par les autori-
peur imposée par les contrôles politiques se traduit par tés, ainsi que leur coût.
un reporting dont on peut douter sur la véracité des
chiffres indiqués. Indicateurs de performances : principalement
basés sur des volumes physiques ; les coûts et les ta-
Fixation des tarifs. Les tarifs sont fixés par les rifs n’ont pas d’importance managériale car établis par
autorités et différenciés par catégories d’usagers (1 le pouvoir central ; la seule variable réelle porte donc
4 Fonds d’archives FR 3002, 5, 457, Ministère des Services communaux de la RSS Moldave, Département Financier et de Planification, année
1971.
58
sur les quantités et les volumes qui constituent le seul 3.2. Période II. Première phase de
type d’indicateurs réellement suivis. Malgré l’applica- transition – transition néo-libérale
tion des normes de qualité nationales (GOST) au niveau (1991-1998)
de l’URSS (pourtant les méthodes utilisées pour me-
surer le niveau de concentration chimique produisent 3.2.1. Éléments de contexte
des données biaisées et douteuses), aucune référence
aux indicateurs de qualité n’a été trouvée dans les docu- Éléments généraux
ments de reporting.
Contexte politique. L’effondrement des régimes
Rôle et usage du contrôle de gestion, extrait d’un communistes d’Europe Centrale et de l’Est conduit
verbatim d’un ancien économiste de Moldwater : inévitablement à la « casse » des institutions des éco-
nomies planifiées (Bailey, 1995) et la démocratisation
« Les outils de planification et reporting servent à su- du totalitarisme. L’établissement de nouveaux états
perviser et à mettre sous tension les dirigeants ; les indépendants et le développement progressif du mul-
autorités soviétiques étaient malgré tout conscientes tipartisme se caractérise par un nombre croissant de
que le système ne reflétait que partiellement la réali- droits nouveaux et d’institutions différentes : la liber-
té ; ils toléraient la partie informelle car cette marge de té d’expression, des élections libres et l’adoption de la
manœuvre permettait la survie du système. La logique constitution (Shama, 1994).
était de coercition pour forcer les entreprises et leurs
dirigeants à produire le plus possible, compte tenu de Depuis la proclamation de son indépendance en
la capacité de production, dans une situation de pénu- août 1991, la République de Moldavie s’est engagée
rie de matières premières et des biens. dans un processus de construction de l’État et de la
Les économistes élaboraient le plan de l’entreprise en nation (Liikanen et al., 2016). Dans la première phase
fonction des directives du Gosplan. L’objectif d’utilisa- de la transition, la priorité des autorités est de créer
tion maximale des capacités de production, sans tenir le fondement législatif nécessaire au nouvel environ-
compte du résultat ou de l’efficience, ne se discutaient nement économique (adoption de la Constitution de
pas et venaient d’en haut. la République de Moldavie et des lois sur la propriété,
Certains secteurs d’activité étaient planifiés à perte la privatisation, l’entrepreneuriat et les entreprises,
(agriculture, électricité, eau)… pour des raisons so- protection des droits des consommateurs, protec-
ciales et idéologiques… tion de l’environnement, Comptabilité, Institutions
Le ministère approuvait le tarif de l’électricité à un financières, restructuration des entreprises, Sociétés
prix subventionné, qui était ensuite utilisé pour la pro- par actions…).
duction d’eau à un tarif planifié, et utilisé ensuite pour
produire des biens et des services à des prix planifiés ; Système économique. Les principales réformes
les magasins et les distributeurs avaient une marge visant à amorcer le processus de transition de l’éco-
qui elle aussi était réglementée. L’activité économique nomie de marché planifiée concernent l’ouverture des
n’était pas un business, la planification inter croisée, marchés, la libéralisation des prix, la concurrence,
sur toute la chaîne de valeur, était la norme ». l’entrepreneuriat et la propriété privée, ainsi qu’une
orientation axée sur les consommateurs. Cette période
Les décisions sont prises par le GOSPLAN, sans justifi- se caractérise par un niveau de concurrence plus élevé
cation économique. Le secteur manque ainsi de projets (émergence soudaine de la concurrence pour les mar-
d’investissements cohérents, ce qui se traduit par des chés et les clients), mais un manque de compétences
infrastructures surcapacitaires et technologiquement de gestion pour développer et mettre en œuvre des
obsolètes. « Le président du Parti Communiste, ou les stratégies commerciales compétitives (Shama, 1994).
membres du Soviet Suprême influençaient fortement
la construction des réseaux : ainsi, des villages perdus Globalement, la transition se montre plus difficile que
mais dont sont originaires les membres du Parti sont prévu (Healey, 1994), les politiques publiques sont
connectés au réseau, tandis que certains quartiers, confrontées à une grave récession, à l’expansion du
voire certaines grandes villes du pays ne sont pas ali- chômage, à l’inflation, à une faible productivité, à un
mentées en eau » (ancien économiste). faible niveau de vie, au surendettement et à la peur de

changement (Budnikowski, 1992 ; Hooley et al., 2003). perception sociale du domaine dans lequel ce service
Comme dans d’autres économies postcommunistes, le public ne doit pas être payé à son prix réel et l’aspect
processus de transition en Moldavie est marqué par social de diminution artificielle du prix de services
une hyper inflation (1 280 % en 1992) et la production reste imposé par l’idée politique, ce qui constitue donc
massivement décroissante. Le risque politique et com- un héritage de la période soviétique.
mercial élevé se traduit par un faible investissement
direct étranger, reflétant la réticence des investis- Compte tenu du désintérêt des pouvoirs publics sur
seurs étrangers à prendre de tels risques (Siegelbaum, ce domaine qui est considéré par les autorités comme
2002). La Moldavie fait face à de nombreux obstacles n’ayant pas de valeur, Moldwater devient progressive-
tels que la guerre (transformée en « conflit gelé » en ment une organisation complètement discréditée (elle
Transnistrie), la grave récession économique et les est considérée comme un bastion soviétique) désorga-
crises bancaires et n’arrive pas à parvenir à un succès nisée et obsolète (d’un point de vue infrastructure) :
durable en matière de croissance ou de réduction de la
pauvreté (Siegelbaum, 2002). ▪ L’utilisation exclusive de l’outillage fabriqué dans
l’espace soviétique, qui n’était pas le meilleur (in-
Constatant que les entreprises d’État sont gérées de terdiction d’appliquer la technique et technologie
manière inefficace, le gouvernement crée une agence occidentale jusqu’à la chute du mur), se traduit
chargée de la privatisation pour fournir une assistance d’une part par une obsolescence des infrastruc-
technique dans la restructuration et la réorganisation tures (actuellement l’âge moyen du réseau – 30
des entreprises (IMF, 1996). Cependant, la privatisa- ans, alors que sa durée d’exploitation prévue n’est
tion n’est pas autorisée dans certains secteurs, plu- que 20 ans), et d’autre part une impossibilité à
sieurs activités sont restées sous contrôle public ; et trouver des pièces de rechange. De plus, l’absence
parfois ce n’est plus l’état qui est le propriétaire, mais de ressources financières empêche l’acquisition
une collectivité territoriale (Conseils municipaux pour de matériel occidental.
les WSC).
Contexte socioculturel. Dans la transformation du

▪ Laconsidère
population, en gardant l’ancienne mentalité,
qu’il est possible de ne pas payer pour
socialisme en capitalisme, l’individualisme gagne en les services de l’eau… en provoquant ainsi une
position. L’accent mis sur l’effort individuel entraîne explosion des dettes et la cessation de plusieurs
une plus grande inégalité des revenus, un salaire mi- WSC dans plusieurs localités de Moldavie (mais
nimum plus bas, un soutien de l’éducation et des soins pas pour Moldwater).
médicaux faible et un taux de criminalité plus élevé
(Shama, 1994). Les conditions politiques et écono- L’État perd sa position d’actionnaire unique, mais
miques instables minent le développement d’une so- une partie importante des entreprises demeure la
ciété civile qui fonctionne bien (Siegelbaum, 2002). propriété de l’État et est soumise à des degrés divers
de contrôle et de direction ministériels, comme c’est
Contexte de la WSC le cas des WSC. En poursuivant le modèle soviétique,
toutes les entreprises du secteur sont subordonnées à
La chute du mur entraîne de profonds changements : un Ministère de gestion des services communaux. Ce
Ministère fixe les tarifs de l’eau (jusqu’en 1998), mais
▪ chaque république s’affranchit de la tutelle de
Moscou et la colonisation russe prend fin ;
ce tarif ne reflète pas le coût de production, l’aspect
social étant primordial.
▪ l’idéologie communiste qui est utilisée comme

moteur de l’impérialisme russe est aussi rejetée 3.2.2. Particularités du SCG
et le capitalisme prend petit à petit sa place.
Créé au cours de la période soviétique, le système de
Le domaine des WSC n’est pas du tout vu comme « bu- comptabilité moldave continue d’être influencé par
siness utilities » et l’eau est perçue comme un domaine les systèmes de plans et de décisions centralisés, mal-
à fort enjeu social, mais sans enjeu économique. La gré certaines réformes mises en œuvre au début de
60
la transition (Ghedrovici et al., 2014). Le rôle de la Fixation des tarifs. Dans les premières années de
comptabilité dans la gestion des entreprises est mi- la transition, les tarifs de l’eau sont approuvés par les
nimisé, car elle est perçue comme un instrument de autorités centrales (Ministère), suivant la même lo-
contrôle indirect sur les entreprises privatisées. Les gique que pendant la période soviétique - une norme
principales considérations semblent être l’utilisa- fixe de consommation d’eau par habitant établie à un
tion de la comptabilité à des fins de surveillance (par niveau bas par des considérations sociales. Ce sys-
exemple pour le calcul des impôts) et la collecte de tème ne prend pas en compte la consommation réelle
statistiques économiques nationales (Bailey, 1995). et n’incite pas aux économies d’eau. En même temps,
Comme la comptabilité de gestion n’est pas séparée de les coûts enregistrés par les entreprises du secteur
la comptabilité financière (jusqu’en 1998), cela n’as- ne servent pas de base à la fixation des tarifs. Les in-
sure pas le maintien du secret commercial quant au vestissements dans l’infrastructure sont complète-
calcul des coûts et limite l’application des méthodes ment ignorés.
de comptabilité de gestion (Government of Republic
of Moldova, 1997). Rôle et usage. Le SCG comme outil de mise en place
et suivi d’une stratégie disparaît dans cette période,
Organisation du contrôle de gestion. Après la seulement un reporting a posteriori persiste et prend
dissolution du système de planification centralisée, note des données historiques concernant les revenus,
le Département économique continue d’exister et de les charges, sans une analyse de ces données.
faire remonter des informations et des rapports (prin-
cipalement des données statistiques) aux autorités du « Durant toute cette période, le Promfinplan n’exis-
Ministère et de l’État, même si son importance dimi- tait plus, l’activité était « chaotique », on vendait
nue considérablement (fin des plans centraux). Son ce qu’on vendait, on encaissait ce que les clients
rôle se limite à un reporting a posteriori, sans phase payaient, on constatait les faits… On avait un certain
de planification. nombre d’employés, car ils existaient déjà, il n’y avait
pas de normes…
Acteurs du contrôle de gestion. Les anciens éco- Pour résoudre une avarie on a dépensé x MDL, on ne
nomistes du Département Planification restent les sait pas si c’est beaucoup ou peu car on n’avait pas
principaux fournisseurs d’informations sur la plani- de normes de comparaison… » (ancien économiste).
fication et le reporting. Le destinataire principal de
l’information de contrôle de gestion est toujours l’État « Les économistes se contentent de constater les faits,
(Autorités Publiques) qui l’utilise à des fins statistiques par exemple la consommation d’électricité, sans une
et fiscales. analyse ou comparaison avec les périodes anté-
rieures, ou avec un « standard ». Juste « la consom-
Outils du contrôle (de gestion). La chute du sys- mation d’électricité a été de x kWh pour la période
tème communiste entraîne la disparition des plans et analysée, avec le détail par différents postes… Ils font
des indicateurs nationaux, et par conséquent, du plan remonter des « statistiques », mais pas de l’informa-
d’entreprise (sans obligation légale de le fournir, les tion économique » (ancien économiste).
entreprises ne l’établissent pas). En termes de repor-
ting, des rapports très similaires à l’ancien système Il y a une influence politique très forte sur l’activité :
remontent des données historiques ; cependant, les « L’entreprise devient autonome d’un côté – plus de
indicateurs utilisés (modèles de coûts / tarifs…) sont subvention, elle doit autofinancer son activité, et de
obsolètes et centrés sur des coûts au m3 et ne font pas l’autre côté elle reste dépendante du pouvoir public
l’objet d’une analyse. qui fixe les tarifs (insuffisants pour assurer la ren-
tabilité)… Un autre problème vient de la part des
On constate un « vide institutionnel » temporaire usagers, qui ne paient pas pour le service… le cadre
concernant le suivi de la qualité des services et les in- légal n’est pas encore clairement établi, l’entreprise
dicateurs de qualité de l’eau potable. La dissolution ne peut rien faire contre les mauvais clients… » (an-
des instituts de recherche chargés du suivi des normes cien économiste).
ne s’est pas traduite immédiatement par de nou-
velles agences.

3.3. Période III. Deuxième phase Pourtant, les SA du secteur ne sont pas privatisables,
de transition – transition mais la concession est possible. En outre, un vide juri-
institutionnelle (après 1998) dique est constaté concernant l’activité de distribution
d’eau (pas de loi sur l’activité de distribution d’eau,
3.3.1. Éléments de contexte pas de méthodologie claire d’approbation des tarifs - le
facteur politique est dominant).
Éléments généraux
Dans un premier temps, ce changement de périmètre
Contexte politique. Cette période se caractérise par avec une décentralisation de la compétence publique
une tentative de consolidation des principes démocra- se traduit par un changement dans la gestion du ré-
tiques et la Moldavie enregistre d’importants progrès seau et une prise en compte de problèmes locaux.
dans les relations bilatérales avec l’UE (le 27 juin 2014,
la Moldavie et l’UE signent un accord d’association, y La mise en place d’une nouvelle méthode de tarifi-
compris une zone de libre-échange approfondie et cation (pendant l’URSS et les premières années de
complète). La Moldavie a un bon niveau de liberté par transition – une somme fixe par habitant, avec l’in-
rapport à la région dans son ensemble, mais de nom- troduction des compteurs – la consommation réelle)
breuses préoccupations concernant la concentration et engendre une modification du comportement des
la transparence de la propriété des médias (ingérence consommateurs. Grâce aux compteurs, Moldwater
politique). La corruption demeure une préoccupation constate que la consommation effective d’eau par la
majeure, ainsi que le conflit Transnistrien qui n’est pas population est considérablement inférieure aux ca-
résolu (EUROPEAN COMMISSION, 2015). pacités de production. Pendant la période soviétique
les capacités des sociétés de distribution de l’eau ont
Système économique. Après plusieurs crises (crise été conçues dans une perspective de croissance des
russe - 1998, crise financière - 2008-2010), il semble villes, ce qui n’est pas le cas. De plus, l’industrie uti-
que la Moldavie ait récupéré la stabilité macroéco- lise actuellement beaucoup moins d’eau que pendant
nomique. Mais la crise du système bancaire de 2015 la période soviétique (actuellement l’industrie comme
(fraude massive) a eu des effets négatifs sur l’économie consommateur de l’eau représente 15 % du niveau en-
et a sapé la confiance des investisseurs. registré pendant les dernières années de l’URSS). Plus
globalement, sur cette période la capacité de produc-
Contexte socioculturel. Dans l’ensemble, les tion de Moldwater est de 120 millions de m3, seuls
conséquences socio-économiques de la transition com- 45 millions sont utilisés. Par conséquent, l’entreprise
prennent le chômage, la déqualification et l’insécurité supporte les mêmes changes fixes, mais le chiffre d’af-
de l’emploi (Simai, 2006). La pauvreté et les inégalités faires baisse considérablement.
sociales restent des préoccupations importantes. À la
suite de l’augmentation de la migration, les transferts Cependant, les tarifs sont toujours fixés par les
de fonds sont devenus l’une des sources de revenus Autorités Publiques (Conseil Municipal). Pour des rai-
les plus importantes pour de nombreux ménages mol- sons sociales et politiques, pendant plusieurs années le
daves, tout en finançant le déficit commercial du pays. tarif ne couvre même pas le coût de production, entraî-
nant une situation financière difficile de l’entreprise.
Contexte de la WSC En outre, un tarif différencié pour les ménages et pour
les entreprises est appliqué, celui pour les particuliers
Dans les années 1998-2000 le gouvernement transmet étant beaucoup plus bas que pour les entreprises (sans
la gestion des WSC aux Autorités Locales et transforme justification autre qu’un motif électoral). Cette situa-
toutes les sociétés de distribution de l’eau en Sociétés tion change en 2015 suite aux pressions des bailleurs
Anonymes avec le Conseil Local (Conseil Municipal) des fonds. En effet, les difficultés financières et le be-
comme actionnaire unique. soin impératif d’investissements dans l’infrastructure
forcent l’entreprise à chercher des financements au-
On note également une pression des opérateurs près des institutions financières internationales (IFI).
étrangers (européens/américains) pour prendre la Afin de sécuriser leur financement et de diminuer le
privatisation du réseau et changer le cadre législatif. risque de crédit, les IFI imposent plusieurs exigences
62
visant à améliorer la transparence et l’indépendance négatif sur les décisions prises par eux (Ghedrovici et
de l’activité de l’entreprise. al., 2014).
Les principales exigences pour le financement interna- Quant aux pratiques de contrôle de gestion, des études
tional concernent l’approbation du tarif de l’eau par une récentes montrent que le contrôle de gestion qui cor-
agence indépendante (ANRE - Agence Nationale pour respond à un système de comptabilité analytique
la Réglementation Énergétique) selon une méthodolo- est marginalisé, surtout dans les entreprises locales
gie explicite afin de mettre en place un tarif unique pour (Paladi et Fenies, 2016).
toutes les catégories de consommateurs. Le niveau des
prix doit être justifié par les coûts et se situer à un ni- Organisation du contrôle de gestion. Le
veau acceptable pour les investisseurs (pour assurer un Département économique de Moldwater reste l’enti-
retour sur investissement positif). Une autre exigence té en charge du contrôle de gestion, notamment deux
est la création d’un cadre légal afin de réglementer les de ces Divisions : Budget, Comptabilité, Finances
services publics de distribution d’eau, ainsi que la mise et Analyse économique et tarifs. Sa structure évolue
en place d’un contrat de délégation de services de distri- ces dernières années, afin d’améliorer l’efficacité du
bution d’eau, représentant un cadre clair pour l’activité processus de contrôle de gestion. Ainsi, les divisions
de l’entreprise. Budget, Finance et Analyse économique et Tarifs, sont
remplacées par une unité unique de Planification et
de reporting.
3.3.2. Particularités du SCG
Acteurs du contrôle de gestion. Les économistes
Des progrès sont enregistrés dans l’effort d’adapter la du Département Économique sont en charge de four-
législation comptable (réforme de 1998 et de 2007) nir l’information liée au calcul des coûts, établir le
aux principes de l’économie de marché, mais des mo- Business Plan et les reportings. L’État garde le rôle
difications sont toujours nécessaires. Le nouveau cadre de régulation du secteur, mais demande l’informa-
juridique ne permet toujours pas aux utilisateurs d’ob- tion uniquement à des fins statistiques et fiscales.
tenir les informations nécessaires à la prise de décision Les PP financières (les IFI) et l’actionnaire (Conseil
et n’apporte pas de transparence. Les informations Municipal) deviennent les principaux destinataires
contenues dans les états financiers ne sont pas dispo- des informations de contrôle de gestion, ainsi que le
nibles pour les utilisateurs externes, ce qui a un impact top management.
Indicateurs de performance pour l’actionnaire et le top management
1. Qualité de l’eau
2. Continuité du service
3. Temps de reprise du service en cas d’incident
4. Temps de réaction pour la prévention des dangers pour la santé et la vie des usagers
5. Niveau de fuites
6. Taux de recouvrement des factures
7. Temps de réponse, résolution des réclamations clients
8. Nombre optimal des salariés (pour 1 000 utilisateurs ; pour 1 km de réseau)
9. Efficience énergétique
Tableau 2 – Indicateurs de performance

Outils du contrôle (de gestion). traduisant à la fois l’implication politique de l’action-

naire unique mais également aussi le poids des PP fi-
Système de planification et reporting. Afin de nancières qui financent la mise à niveau progressive de
s’assurer l’accès aux financements, Moldwater doit la WSC de la ville.
respecter les conditions imposées par les IFI. Ainsi,
un contrat de délégation de la gestion des services de Néanmoins, on distingue des différences dans l’usage
distribution de l’eau est signé en mars 2015 entre le des outils de contrôle de gestion. Ainsi, le business plan
Conseil Municipal et la société. Ce contrat prévoit la et les indicateurs financiers servent comme reporting
mise en place d’un système de planification et de re- pour les banques (condition pour bénéficier du finance-
porting avec un Programme annuel des activités pla- ment), et n’ont pas encore de vrai usage interne.
nifiées (Programme annuel de production, Business
plan annuel et Plan d’investissements) et de repor- « La grande majorité de notre temps (Département
ting : Rapport annuel de gestion (Bilan, compte de Planification), on travaille pour les banques… sans un
résultat, rapport d’audit et analyse de l’exécution du logiciel destiné à la compta de gestion, on fait tous les
Programme annuel des activités planifiées) et Rapport calculs et consolidations des données sur Excel… 3 000
technique. Ces documents sont également destinés tableaux pour arriver à avoir le « modèle financier »
aux IFI. (les données financières prévisionnelles et réelles de
notre compte de résultat). Cela nous prend un temps
Indicateurs de performance. En même temps, fou !!! on n’arrive pas du tout à rentrer dans l’analyse
les bailleurs de fonds exigent le respect des certains de ces données… » (économiste). « On n’a pas le temps
ratios financiers (DSCR debt-service coverage ratio, pour faire des études et d’optimisations internes car
EBITDA, Cash Flow/Operating expenses), ce qui im- on ne finit jamais le reporting, on passe notre temps
pose l’entreprise de construire des budgets et des mo- à collecter, traiter et remonter des informations aux
dèles financiers afin de calculer et estimer ces indica- banques » (Directeur économique).
teurs sur la durée des emprunts bancaires.
« Afin de réduire le risque de crédit, nous avons exigé
Le contrat de délégation prévoit également le re- plus de transparence dans ce secteur d’activité, avec la
porting des indicateurs de performance auprès de mise en place d’un cadre légal qui présente les « règles
l’actionnaire (tableau 2), qui sont aussi suivis par le du jeu » afin de limiter l’influence politique de l’activi-
top management. té économique. Mais aussi plus de transparence dans
le processus de management, avec l’introduction d’un
Calcul des coûts et système de tarification. Pour système formel de planification et suivi d’activité – un
le calcul des coûts, Moldwater utilise la méthode du coût SCG. Cependant, on se rend compte que pour l’instant
standard, qui est un élément commun avec la période ils ne savent pas comment utiliser le SCG, et ne com-
soviétique. Cependant, la nouvelle méthodologie d’ap- prennent pas son utilité pour la gestion » (représen-
probation des tarifs reconnaît les coûts selon les normes tant IFI).
établies à partir des pratiques occidentales (pour des
conditions normales d’activité). Moldwater ne respecte Quant aux indicateurs de performance demandés par
pas toutes ces normes et n’a pas bénéficié d’une période l’actionnaire et le top management, ils concernent
de « transition » nécessaire pour s’adapter aux nou- principalement des indicateurs opérationnels d’effi-
velles normes. Ainsi, une partie importante des coûts cience et efficacité de la WSC (Fenies, 2010), ainsi que
constatés ne sont pas considérés comme admissibles et des indicateurs orientés Client et reflètent à la fois la
ne sont donc pas reconnus lors du calcul du tarif. qualité du service rendu et la satisfaction client, mais
également le risque financier client (taux de recouvre-
Rôle et usage du SCG. Avec le changement de la ment des créances). Ces indicateurs sont suivis par
forme juridique, la société doit respecter la loi sur les le management et servent au pilotage de l’activité de
SA, et avoir des organes de direction – AG, Conseil Moldwater. Quant à l’actionnaire, « la municipalité
d’administration, P.-D.G. Le reporting n’est plus fait ne se préoccupe pas du tout de l’entreprise qu’elle dé-
uniquement pour l’autorité extérieure, mais aussi pour tient… elle n’est pas intéressée par le business et le bé-
le PDG. Apparaissent ainsi de nouveaux indicateurs néfice » (Directeur économique).
64
4. DISCUSSIONS planificateurs centraux, alors que le pilotage de l’activi-

té est réalisé par des pratiques informelles. Toutes les
DES RÉSULTATS autres PP sont liées à l’État et au Parti Communiste.
D’après la théorie des PP, le SCG reflète le choix qu’une Période 2. Après l’effondrement de l’Union Soviétique,
organisation fait par rapport à ses PP et est influencé il y a un changement du niveau de granularité pour le
par les relations de l’entreprise et les PP. Dans notre SCG : ce n’est plus Moscou qui dirige, mais le Ministère
contexte de recherche, les changements engendrés de gestion des services communaux de la Moldavie.
par le passage de l’économie planifiée vers l’économie Le domaine des WSC est considéré par les autorités
de marché se traduisent par l’émergence de nouvelles comme n’ayant pas de valeur économique, mais uni-
PP, qui peuvent exercer des pressions et façonner par quement un secteur à fort enjeu social. Les pouvoirs
conséquent les SCG des entreprises. L’analyse des ré- publics montrent un désintérêt sur ce domaine et ne
sultats dans une perspective historique illustre cette s’impliquent pas dans la gestion des WSC. Ils gardent
évolution des SCG et souligne l’impact des différentes le rôle de fixation des tarifs, mais se basent sur l’as-
PP sur l’adoption et l’usage des SCG. pect social, comme pendant la période soviétique : ils
imposent une contrainte de tarification politique pour
Période 1. Avant 1991, toute l’activité économique re- que les « usagers électeurs » ne se servent pas de l’aug-
lève du domaine du management public. L’État sovié- mentation des prix de l’eau comme argument électoral.
tique est la seule PP des entreprises qui impose un mode L’État-actionnaire n’exerce aucune pression quant aux
de gestion particulier aux entreprises, basé sur la plani- outils de management des entreprises publiques.
fication centralisée impérative. Le contrôle de gestion
est une fonction aux mains de l’État stratège qui élabore Il n’existe pas de cadre légal reliant l’entreprise et ses
la stratégie et les outils de contrôle sont au service de clients/usagers. L’entreprise est obligée de fournir le
l’énorme « firme » soviétique. Il y a donc une forme de service et en cas de non-paiement, elle n’a pas de re-
contrôle de gestion comparable à celui d’une immense cours juridique et ne peut pas couper l’accès au ré-
multinationale fédérant les entreprises publiques sovié- seau. L’usager/client exerce une pression énorme sur
tiques comme les entreprises de la WSC ; ce contrôle Moldwater sans contrepartie. Un des efforts des entre-
de gestion est au service d’une stratégie d’état et les prises du secteur et du ministère est de faire émerger un
« économistes » sont les « contrôleurs de gestion sovié- cadre légal conforme à l’économie de marché.
tiques ». Les outils (états de résultats, plans, indicateurs
de performance…) sont comparables à ceux utilisés La situation sur le marché de l’emploi étant détestable
dans les multinationales de l’époque. Ce processus est (chômage qui s’envole), les employés sont fidèles et es-
bien un processus de contrôle de gestion puisqu’il est pèrent que l’entreprise ne les licenciera pas ou ne fera
au service d’une stratégie déterminée au niveau le plus pas faillite.
haut de l’organisation et les outils servent à contrôler et
diffuser la mise en œuvre de cette dernière. Sa finalité Les banques, comme les fournisseurs sont déjà dans
est par contre différente : elle ne sert pas à orienter les des logiques de marché sur lesquels plusieurs acteurs
organisations vers le profit mais à orienter le comporte- existent et ne peuvent pas ni exercer de pression ni
ment des individus au travers d’objectifs collectifs tour- en subir.
nés vers une certaine idée du « bien être communiste ».
D’un point de vue SCG, la dissolution du système centra-
L’État et le Parti Communiste apparaissent comme une lisé entraîne la disparition des plans et des indicateurs
PP en position dominante par rapport à l’entreprise nationaux, et par conséquent, des plans d’entreprise.
et s’insèrent dans la logique des cadrans de Frooman Dans un environnement chaotique, de changement
(1999). Il détient le pouvoir d’imposer la mise en place radical, il n’y a pas de SCG au service d’une stratégie
d’un SCG. Cependant, adopté « par obligation », ce- bien déterminée ; l’absence de stratégie sur ce domaine
lui-ci n’a pas d’usage interne, il est destiné à des « ac- conduit à maintenir les routines du passé alors que le
teurs externes » (l’État) et montre « ce que les planifica- monde a changé… On se retrouve avec un système d’in-
teurs voulaient », ayant un rôle de légitimation auprès formation ex post qui fait remonter des informations
la PP et assurant l’accès aux ressources allouées par les statistiques et réalise un calcul de coût obsolète, en

gardant les anciens outils, mais qui ne sert pas à la prise d’interdépendance par rapport à l’entreprise. D’un côté,
de décisions. La nouvelle configuration des PP ne sti- à cause du monopole sur ce service public, le client
mule pas et n’implique pas de nouveaux outils de SCG dépend de l’entreprise pour obtenir un service de pre-
car tous les efforts sont orientés dans l’édification du mière nécessité. De l’autre côté, la survie de l’entreprise
cadre légal. (comme l’a montré le cas de plusieurs sociétés du sec-
teur) dépend de sa capacité d’encaisser les créances
Période 3. Avec le changement de la forme juridique client. Le suivi d’indicateurs d’efficacité (orientés client)
et de l’actionnariat (autorités locales), il y a déconcen- relève donc des besoins organisationnels et joue un rôle
tration du domaine des WSC, en raison des difficultés fi- de pilotage. Ainsi, l’entreprise surveille en permanence
nancières, de surcapacité des réseaux et d’équipements la capacité de recouvrement des créances et travaille sur
obsolètes. Les financements des IFI semblent la seule l’amélioration de la satisfaction des clients ; la qualité
solution pour redresser la situation des entreprises du de l’eau et du service fourni devient un enjeu. La majo-
secteur. Cependant, les tarifs sont fixés par les autorités rité des indicateurs de performance suivis par le mana-
publiques locales, ce qui se traduit par une variété de gement sont orientés client et traduisent l’interdépen-
niveaux de prix dans différentes localités du pays, reflé- dance de l’entreprise et de ses usagers.
tant la volonté politique et pas les aspects économiques.
Pour pallier ces inconvénients, les IFI réclament un Si aucune modification des relations avec les fournis-
cadre clair et transparent pour guider l’activité de dis- seurs n’apparaît dans le contexte plus récent, la stabi-
tribution de l’eau, en mettant l’accent sur la fixation des lisation du marché de l’emploi se traduit par une faible
tarifs en fonction des coûts. Son objectif fondamental interdépendance entre les employés (qui peuvent trou-
consiste à éviter l’influence des pouvoirs publics impo- ver ailleurs) et l’entreprise (qui peut aussi embaucher et
sant des tarifs de l’eau inférieurs au coût de revient pour licencier sans difficulté).
des raisons politiques. Les PP financières influent ainsi
sur le SCG, en imposant pour l’octroi du financement Cette lecture de la dynamique des SCG par les PP met
la construction d’un système de reporting traduisant en évidence des rôles différents des SCG (légitimation
la solvabilité et la maîtrise des coûts par l’opérateur externe ou pilotage) en fonction de la position et de la
historique. Cependant, le système de planification et stratégie des différentes PP par rapport à l’entreprise
de suivi financier joue seulement un rôle de légitima- lors du passage du système planifié vers l’économie de
tion similaire à celui de l’ancien système de planifica- marché. La figure 4 reprend chacune des PP à l’aune du
tion et reporting soviétique, qui donne l’accès aux res- cadre théorique mobilisé et montre ainsi l’évolution des
sources financières. Les IFI ont « remplacé » l’État de liens de dépendance.
la période soviétique comme PP en position de force.
La réaction de l’entreprise face à ces pressions est de Cette classification montre qu’émerge un SCG que
mettre en place les outils exigés et assurer le suivi de- lorsque l’entreprise est en relation de dépendance vis-
mandé, mais sans s’en servir pour le pilotage de l’acti- à-vis d’une PP. Deux situations sont ainsi possibles :
vité. L’originalité de cette forme de système de contrôle (i) La PP détient le pouvoir et impose les outils (cas du
diagnostic (Simons, 1995) réside dans ses destinataires GOSPLAN durant la période soviétique ou des IFI ac-
qui sont des PP externes. tuellement avec les contrats de financement). L’usage
des SCG ne sert qu’à donner l’image de conformité aux
L’actionnaire, lui aussi détient une position de pou- exigences de ces PP. (ii) L’entreprise est dans une re-
voir, mais il ne s’intéresse pas à la gestion de l’entre- lation d’interdépendance et cette relation fait émerger
prise et n’impose pas la mise en place des outils de ges- des outils de pilotage nécessaires à la survie de l’entre-
tion interne. prise (comme le suivi des indicateurs clients et du taux
de recouvrement).
En même temps, on constate un changement ma-
jeur dans l’environnement de l’entreprise - les clients Comme les études précédentes en contexte post-com-
pèsent sur le système, il faut les faire payer, mesu- muniste (Riskal, 2009 ; Zernand-Vilson et Terk, 2009 ;
rer leur consommation et tarifer en fonction de la Albu et Albu, 2012), ce travail montre que l’adoption
quantité consommée (m3). Une nouvelle PP majeure des SCG lors de la transition est principalement asso-
émerge – les usagers deviennent clients, en position ciée à l’influence étrangère. Cependant, cette adoption
66
Liens de dépendance des PP avec Moldwater durant la Période Soviétique
Non Oui
Interdépendance faible
pend-elle de la PP ?
L’entreprise dé-
Non Fournisseurs, usagers, Pouvoir de l’entreprise

établissements de crédit (Gosbank), employés
Pouvoir de la PP
Oui Interdépendance forte
Gosplan (État-Parti Communiste)
Liens de dépendance des PP avec Moldwater durant la première phase de transition
Non Oui
Pouvoir de l’entreprise
L’entreprise dé-
Non Fournisseurs, Établissements de crédit

Employés
(Banques moldaves)
Pouvoir de la PP
Oui Interdépendance forte
État (Ministère) ; usagers
Liens de dépendance des PP avec Moldwater durant la deuxième phase de transition
Non Oui
L’entreprise dé-
Non Pouvoir de l’entreprise

Fournisseurs, employés
Pouvoir de la PP
Interdépendance forte
Oui Actionnaire (Conseil Municipal),
Clients
Établissements de crédit (IFI)
Figure 4 – L’évolution des liens de dépendances des Parties Prenantes durant les 3 périodes

ne se traduit pas automatiquement par un changement mais ont été adaptés pour être mis au service de
des pratiques. Notre recherche couvre cet aspect, ap- la stratégie pilotée par le Conseil Local sous la
portant une compréhension de l’émergence et l’usage contrainte de financeurs internationaux. D’un
des SCG en contexte de management public dans un point de vue empirique, cette étude montre qu’un
ancien pays soviétique. SCG semble facile à installer dans ces anciennes
firmes soviétiques, les efforts devraient être orien-
tés vers son usage par le management.
CONCLUSION ▪ D’un point de vue méthodologique, le couplage

d’une perspective historique d’analyse d’un SCG
Cet article se propose d’analyser le SCG d’une entre- avec un cadre théorique permet de mettre en évi-
prise publique d’une ancienne république Soviétique dence le rôle des PP dans l’évolution des outils et
en mettant en évidence le rôle des PP dans l’évolution des rôles du contrôle de gestion dans la WSC.
des outils de contrôle de gestion et de leur usage lors de
la transition du système centralisé vers l’économie de
marché. En mobilisant une approche historique, nous
▪ D’un point de vue théorique, le recours à la théo-
rie des PP explique certaines évolutions du SCG,
retraçons l’évolution du SCG d’une entreprise publique notamment les mutations récentes liées à l’arrivée
moldave de distribution de l’eau. Notre démarche longi- des bailleurs de fonds internationaux qui imposent
tudinale permet d’étudier à l’aide d’un cadre théorique un système formel de planification et reporting ré-
particulier, propre au management public et au contrôle alisé pour eux. Nos résultats mettent en évidence
de gestion, un environnement d’enjeu majeur pour le deux logiques opposées d’usage des outils de
management public qui est celui des WSC. contrôle de gestion et expliquent les choix organi-
sationnels quant à un de ces usages en fonction des
Plusieurs apports caractérisent notre travail : pressions exercées par les PP et le pouvoir/rapport
de force de l’entreprise avec les PP. Cependant,
▪ Notre recherche s’oppose au consensus de la lit-
térature récente (Moilanen, 2008) selon lequel le
certains phénomènes ne sont pas expliqués par
le recours aux PP, comme la continuation du sys-
contrôle de gestion n’existait pas dans l’économie tème de reporting soviétique sur la première pé-
centralisée, en montrant que l’URSS était gérée riode de transition. Des routines institutionnelles
comme une entreprise unique, avec un SCG au ni- expliqueraient peut-être ce phénomène. Une telle
veau macro qui servait à mettre en place l’idéolo- approche pourrait être intéressante pour des re-
gie communiste à tous les niveaux du système éco- cherches futures.
nomique. Le SCG est mis en place dans les entre-
prises par obligation légale, comme réponse aux Les limites de la recherche sont autant de pistes pour la
pressions d’une PP dominante (État actionnaire). mise en œuvre d’études futures ; deux limites et deux
Mais il sert uniquement comme outil de légitima- pistes de recherches nous semblent intéressantes.
tion externe, assurant aux entreprises l’accès aux
ressources, alors qu’il est découplé des pratiques La première limite porte sur le fait que les données
réelles de gestion. empiriques concernent un seul pays, la Moldavie.
Néanmoins, comme tous les pays de l’ex URSS par-
▪ Leles manque d’étude sur les SCG publiques dans
anciennes républiques Soviétiques pourrait
tagent un passé commun dans le domaine économique
et social, l’analyse de la situation dans un pays « labo-
suggérer que le contrôle de gestion n’est pas uti- ratoire de recherche » contribue à la compréhension
lisé dans ce contexte. Notre étude de cas montre des situations passées et actuelles dans l’ensemble de
au contraire qu’il y a réellement une démarche l’espace post-soviétique et permettrait l’extrapolation
publique de contractualisation de la performance des résultats selon Alexander et Ghedrovici (2013).
au service des PP et que les économistes assurent Cependant, afin de pouvoir extrapoler nos résultats
le suivi de cette contractualisation. Ainsi, les ou- d’une manière fiable, une première perspective est
tils, méthodes et acteurs de l’ancien SCG hérité du d’étendre notre recherche sur d’autres républiques
monde soviétique n’ont pas disparu dans la WSC soviétiques. Une approche multi-cas dans d’autres
68
anciens pays communistes d’Europe de l’Est permettra BIBLIOGRAPHIE

de comparer l’évolution et le rôle des SCG dans les so-
ALEXANDER, D. ; GHEDROVICI, O. (2013). « Evolution
ciétés d’eau publiques et les changements induits par la
of accounting in Moldova : Some reflections about the im-
transition dans le contexte particulier des WSC. portance of historical and cultural factors », Accounting
in Central and Eastern Europe. Research in Accounting in
La deuxième limite concerne l’approche qualitative de Emerging Economies. : Emerald Group Publishing Limited,
recherche. Compte tenu de notre terrain particulier p. 121‑142.
(ancien pays soviétique dans lequel les enquêtes par
ANDERSON, S.W. ; LANEN, W.N. (1999). « Economic tran-
questionnaire sont complexes et quasi-impossibles à
sition, strategy and the evolution of management accounting
mener correctement), le recours à une approche qua- practices : the case of India », Accounting, Organizations and
litative nous permet d’avoir une démarche compréhen- Society, 24(5‑6), p. 379‑412.
sive des phénomènes étudiés. De manière plus globale,
les limites inhérentes à toute recherche qualitative s’ap- ANDREFF, W. (2007). Économie de la transition : La trans-
pliquent à notre recherche et sont recevables. formation des économies planifiées en économies de marché,
Éditions Bréal.
Deuxième perspective : proposer un protocole de re- ANTHONY, R.N. (1988). Management Control Function,
cherche permettant de travailler en contexte post-so- Boston, Mass : Harvard Business Review Press.
viétique avec une approche quantitative en vue de
comparer nos résultats avec ceux d’une étude par ANTHONY, R.N. (1965). Management Planning and Control
questionnaires. Dans cette perspective, il convient de Systems : A Framework for Analysis, Boston, Graduate
School of Business Administration, Harvard University.
travailler avec une logique de fiabilité des données des
questionnaires et des firmes de manière à s’assurer de ANTHONY, R.N. ; GOVINDARAJAN, V. (2001). Management
la qualité des réponses et des interlocuteurs. L’objectif Control Systems, McGrawHill.
de cette recherche serait de parvenir à proposer une ty-
pologie des SCG des entreprises publiques travaillant ATKINSON, A.A. ; WATERHOUSE, J.H ; WELLS, R.B.
dans le contexte des WSC et issues des anciennes répu- (1997). « A Stakeholder Approach to Strategic Performance
Measurement », Sloan Management Review, 38(3), p. 25‑37.
bliques soviétiques.
BAILEY, D. (1995). « Accounting in transition in the tran-
sitional economy », European Accounting Review, 4(4),
p. 595‑623.
BAILEY, D. (1975). « The Business of Accounting : East and

West », Journal of Management Studies, 12(1), p. 28‑44.
BAJAN, M. (2015). Particularitățile contabilității și contro-

lului de gestiune în întreprinderile producătoare de mobilă
/ The peculiarities of accounting and management control
in the furniture manufacturing enterprises, Thesis. Chisinau,
Moldova : Academia de Studii Economice a Moldovei.
BARON, C. (2007). « Société civile et nouvelles formes de par-

tenariat pour l’accès à l’eau dans les pays en développement »,
Revue internationale et stratégique, (66), p. 79‑92.
BERLAND, N. (1999). L’histoire du controle budgetaire en

France. Les fonctions du contrôle budgétaire, influences de
l’idéologie, de l’environnement et du management straté-
gique, Phd Thesis. Université Paris Dauphine - Paris IX.
BERTIN, A. ; CLÉMENT, M. (2008). « Pauvreté, pénurie et

transition en Russie : de l’économie soviétique à l’économie
de marché », Revue d’études comparatives Est-Ouest, 39(1),
p. 179‑202.

BOSTON CONSULTING GROUP (2007). Étude écono- FROOMAN, J. (1999). « Stakeholder Influence Strategies »,
mique comparative relative aux modes de gestion des ser- The Academy of Management Review, 24(2), p. 191‑205.
vices d’eau, Boston Consulting Group.
GHEDROVICI, O. ; MIHAILA, S. ; ERHAN, L. ; BIRCA, A.
BOUQUIN, H. (2010). Le contrôle de gestion : contrôle de (2014). « Transition to IFRS in the Republic of Moldova :
gestion, contrôle d’entreprise et gouvernance, 9e édition general and practical aspects », Accounting & Management
mise à jour, Paris, Presses universitaires de France. Information Systems / Contabilitate si Informatica de
Gestiune, 13(2), p. 259‑280.
BRIGNALL, S. ; MODELL, S. (2000). « An institutional
perspective on performance measurement and manage- GIBSON, K. (2000). « The Moral Basis of Stakeholder
ment in the “new public sector” », Management Accounting Theory », Journal of Business Ethics, 26(3), p. 245‑257.
Research, 11 (3) , p. 281‑306.
GOVERNMENT OF REPUBLIC OF MOLDOVA (1997).
BROMWICH, M. ; SCAPENS, R.W. (2016). « Management Government Directive on Accounting Reform.
Accounting Research : 25 years on », Management
Accounting Research, 31 (Supplement C), p. 1‑9. HARE, P. (1987). « Economic Reform in Eastern Europe »,
Journal of Economic Surveys, 1(1‑2), p. 25‑58.
BUDNIKOWSKI, A. (1992). « Transition from a central-
ly planned economy to a market economy : The case of HARRISON, J.S. ; FREEMAN, R.E. ; SÁ DE ABREU, M.C.
Poland », Technological Forecasting and Social Change, (2015). « Stakeholder Theory As an Ethical Approach to
41(3), p. 257‑270. Effective Management : applying the theory to multiple
contexts », Revista Brasileira de Gestão de Negócios, 17,
CARROLL, A.B. ; NÄSI, J. (1997). « Understanding p. 858‑859.
Stakeholder Thinking : Themes from a Finnish Conference »,
Business Ethics : A European Review, 6(1), p. 46‑51. HEALEY, N.M. (1994). « The transition economic of cen-
tral and eastern Europe : A political, economic, social and
CHAPPOZ, Y. ; PUPION, P.-C. (2012). « Le New Public technological analysis », The Columbia Journal of World
Management », Gestion et management public, volume i/ Business, 29(1), p. 62‑70.
n° 2(2), p. 1‑3.
HOOLEY, G. ; FAHY, J. ; GREENLEY, G. ; BERACS, J. ;
CLARKSON, M.B.E. (1995). « A Stakeholder Framework for FONFARA, K. ; SNOJ, B. (2003). « Market orientation in
Analyzing and Evaluating Corporate Social Performance », the service sector of the transition economies of Central
The Academy of Management Review, 20(1), p. 92‑117. Europe », European Journal of Marketing, 37(1/2),
p. 86‑106.
COLASSE, B. (1988). « Les trois ages de la comptabilité »,
Revue Française de Gestion, p. 83‑87 et p. 209‑211. IMF (1996). Moldova : Recent Economic Developments,
International Monetary Fund.
DIMAGGIO, P.J. ; POWELL, W.W. (1983). « The Iron
Cage Revisited : Institutional Isomorphism and Collective KALLUNKI, J.-P. ; MOILANEN, S. ; SILVOLA, H. (2008).
Rationality in Organizational Fields », American Sociological Western management accounting and controls in Russian
Review, 48(2), p. 147‑160. firms : an analysis of the extent of the use and its in-
fluences, Oulu, Finland, Faculty of Economics and Business
EUROPEAN COMMISSION (2015). Implementation of Administration University of Oulu.
the European Neighbourhood Policy in the Republic of
Moldova Progress in 2014 and recommendations for ac- KHODACHEK, I. ; TIMOCHENKO, K.Y. (2014). Exploring
tions, Brussels. Russian government budgeting in its context, In
CIGAR Workshop.
FENIES, P. (2010). Manager la Performance de la Supply
Chain, Éditions universitaires europeennes. LABARDIN, P. (2017). L’essentiel de l’histoire de la gestion
2017-2018, Gualino.
FERREIRA, A. ; OTLEY, D. (2009). « The design and use of
performance management systems : An extended framework LE LANNIER, A. ; PORCHER, S. (2012). « Gestion Publique
for analysis », Management Accounting Research, 20(4), ou Privée ? Un benchmarking des services d’eau en France »,
p. 263‑282. Revue d’économie industrielle, (140), p. 19‑44.
FREEMAN, R.E. (1984). Strategic Management : A LIIKANEN, I. ; SCOTT, J.W. ; SOTKASIIRA, T. (2016). The
Stakeholder Approach, First edition, Boston, Harpercollins EU’s Eastern Neighbourhood : Migration, Borders and
College Div. Regional Stability, Routledge.
70
MALMI, T. ; BROWN, D.A. (2008). « Management control PANKOV, D. ; BAILEY, D. (1998). « Accounting for change
systems as a package − Opportunities, challenges and re- in Belarus », Management Accounting : Magazine for
search directions », Management Accounting Research, Chartered Management Accountants, 76(10), p. 56.
19(4), p. 287‑300.
REJC, B.A. ; ZAMAN, G.M. (2012). « Contemporary perfor-
MERCIER, S. (2010). « Une analyse historique du concept mance measurement systems in central and eastern Europe :
de parties prenantes : Quelles leçons pour l’avenir ? », A synthesis of the empirical literature », Journal for East
Management Avenir, n° 33 (3), p. 142‑156. European Management Studies, 17(1), p. 68‑103.
METREVELI, T. (2013). The Evolution of Totalitarianism : RENAUD, A. (2009). « Le rôle des outils de mesure de la per-
From Stalin to Putin, Atlantic Community. formance environnementale : le cas des audits et indicateurs
environnementaux dans dix entreprises françaises certifiées
MEYER, J.W. ; ROWAN, B. (1977). « Institutionalized ISO 14001 », Management Avenir, 29(9), p. 344‑362.
Organizations : Formal Structure as Myth and Ceremony »,
American Journal of Sociology, 83(2), p. 340‑363. RENAUD, B. (1995). « The Real Estate Economy and the
Design of Russian Housing Reforms, Part I », Urban Studies,
MIHAILA, S. (2013). Contabilitatea şi controlul de gestiune 32(8), p. 1247‑1264.
la întreprinderile de prelucrare a cărnii, Thesis, Republica
Moldova, Academia de Studii Economice din Moldova. REZAEE, Z. (2016). « Business sustainability research :
A theoretical and integrated perspective », Journal of
MIRONOVA, A. ; BOVAIRD, T. (1999). Performance Accounting Literature, 36, p. 48‑64.
Management in the Soviet Union : A conceptual framework,
Birmingham, Aston Business School. RISKAL, D. (2009). L’évolution des pratiques de contrôle
de gestion dans les entreprises russes après 1992, Thesis,
MITCHELL, R.K. ; AGLE, B.R. ; WOOD, D.J. (1997). « Toward France, Université de Strasbourg.
a Theory of Stakeholder Identification and Salience : Defining
the Principle of Who and What Really Counts », The Academy SHAMA, A. (1994). « The transformation of Russian ma-
of Management Review, 22(4), p. 853‑886. nagement : a qualitative and theory building approach »,
International Business Review, 3(3), p. 289‑309.
MOILANEN, S. (2008). The role of accounting in mana-
gement control systems of firms having subsidiaries in the SIEGELBAUM, P. (2002). Structural Adjustment in the
Former Soviet Union, Thesis, Oulu, University of Oulu. Transition : Case Studies from Albania, Azerbaijan, Kyrgyz
Republic, and Moldova, World Bank Publications.
MONOBAYEVA, A. ; HOWARD, C. (2015). « Are post-Soviet
republics ready for the new public management ? The case of SIMAI, M. (2006). Poverty and Inequality in Eastern
educational modernization in Kazakhstan », International Europe and the CIS Transition Economies, United Nations
Journal of Public Sector Management, 28(2), p. 150‑164. Department of Economic and Social Affairs.
MUSCA, G. (2006). « Une stratégie de recherche proces- SIMONS, R. (1987). « Accounting control systems and
suelle : l’étude longitudinale de cas enchâssés », M@n@ge- business strategy : An empirical analysis », Accounting,
ment, 9(3), p. 153‑176. Organizations and Society, 12(4), p. 357‑374.
NOBRE, T. ; RISKAL, D. (2003). L’évolution des pratiques SIMONS, R. (1995). Levers of Control : How Managers Use
de contrôle de gestion dans les entreprises russes après 1992, Innovative Control Systems to Drive Strategic Renewal,
Identification et maîtrise des risques : enjeux pour l’audit, la Boston, Mass : Harvard Business Review Press.
comptabilité et le contrôle de gestion, Belgique.
SINKOVIĆ, G. ; CURRIE, D. ; BEVANDA, V. (2011). « From
PALADI, I. ; FENIES, P. (2018). « Les spécificités du contrôle it to BSC : the importance of culture in implementing a per-
de gestion dans les pays de l’Europe centrale et orientale : une formance measurement system in Croatia », Indian journal of
revue de la littérature », Management international, 23(1), economics & business : IJEB, 10(1), p. 39‑55.
p. 117‑137.
TESSIER, S. ; OTLEY, D. (2012). « A conceptual development
PALADI, I. ; FENIES, P. (2016). « Performance Management of Simons’ Levers of Control framework », Management
in Central And Eastern European Countries : A Literature Accounting Research, 23(3), p. 171‑185.
Review », in EPSTEIN, M.J. ; VERBEETEN, F. ; WIDENER
S.K. (eds), Performance Measurement and Management ȚUGULSCHI, I. (2013). Perfecționarea contabilității
Control, Studies in Managerial and Financial Accounting, consumurilor în vederea luării deciziilor manageriale /
Emerald Group Publishing Limited, p. 217‑273. Improvement of costs accounting for managerial decision

making, Thesis, Chisinau, Moldova, Academia de Studii

Economice a Moldovei.
YIN, R.K. (2009). Case Study Research : Design and Methods,

4th edition, Sage Publications.
ZALESKI, E. ; GRANICK, D. (1959). « Management of the

Industrial Firm in the USSR », Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations, 14(2), p. 396‑398.
72

L'Évolution Du Contrôle de Gestion Dans Le Secteur Public de Distribution D'Eau en Contexte Post-Soviétique. Une Approche Par Les Parties Prenantes

Transféré par

Informations du document

Titre original

Copyright

Formats disponibles

Partager ce document

Partager ou intégrer le document

Options de partage

Avez-vous trouvé ce document utile ?

Ce contenu est-il inapproprié ?

Droits d'auteur :

Formats disponibles

L'Évolution Du Contrôle de Gestion Dans Le Secteur Public de Distribution D'Eau en Contexte Post-Soviétique. Une Approche Par Les Parties Prenantes

Transféré par

Droits d'auteur :

Formats disponibles

L’ÉVOLUTION DU CONTRÔLE DE GESTION DANS LE SECTEUR PUBLIC

DE DISTRIBUTION D’EAU EN CONTEXTE POST-SOVIÉTIQUE. UNE

Irina Paladi, Pierre Féniès

AIRMAP | « Gestion et management public »

2020/3 Volume 8 / n° 3 | pages 47 à 72

Distribution électronique Cairn.info pour AIRMAP .

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

The evolution of management control in the public water supply sector

RÉSUMÉ des parties prenantes dans l’évolution des systèmes

ABSTRACT evolution of management control systems of

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 47

INTRODUCTION ▪ Laà desdeuxième est de savoir si les SCG sont utilisables

Ce papier s’inscrit dans une démarche historique visant

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 49

Dans le cadre de cette recherche, nous nous concen-

La figure 1 présente le design de recherche et la métho-

▪ 1970-1991 (économie centralisée et planifiée) ; Étude de cas longitudinale. La circonstance rare

Figure 1 – Design de recherche selon les périodes historiques

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 51

Figure 2 – Histoire de Moldwater

modèle concernent le système de croyances et le sys-

Tessier et Otley (2012), qui distinguent les intentions

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 53

Interdépendance faible Pouvoir de l’entreprise

bloquer l’accès aux ressources conditionner l’accès aux ressources

Pouvoir de la PP Interdépendance forte

Figure 3 – Classification des PP (Frooman, 1999)

Ainsi, les choix qu’une organisation fait en relation 3. L’ÉVOLUTION

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 55

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 57

− Principaux indicateurs du plan opérationnel ;

Tableau 1 – « Promfinplan » de Moldwater

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 59

Contexte socioculturel. Dans la transformation du

▪ l’idéologie communiste qui est utilisée comme

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 61

Indicateurs de performance pour l’actionnaire et le top management

3. Temps de reprise du service en cas d’incident

6. Taux de recouvrement des factures

7. Temps de réponse, résolution des réclamations clients

Tableau 2 – Indicateurs de performance

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 63

Outils du contrôle (de gestion). traduisant à la fois l’implication politique de l’action-

4. DISCUSSIONS planificateurs centraux, alors que le pilotage de l’activi-

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 65

Liens de dépendance des PP avec Moldwater durant la Période Soviétique

Non Fournisseurs, usagers, Pouvoir de l’entreprise

Liens de dépendance des PP avec Moldwater durant la première phase de transition

Non Fournisseurs, Établissements de crédit

Liens de dépendance des PP avec Moldwater durant la deuxième phase de transition

Non Pouvoir de l’entreprise

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 67

CONCLUSION ▪ D’un point de vue méthodologique, le couplage

anciens pays communistes d’Europe de l’Est permettra BIBLIOGRAPHIE

BAILEY, D. (1975). « The Business of Accounting : East and

BAJAN, M. (2015). Particularitățile contabilității și contro-

BARON, C. (2007). « Société civile et nouvelles formes de par-

BERLAND, N. (1999). L’histoire du controle budgetaire en

BERTIN, A. ; CLÉMENT, M. (2008). « Pauvreté, pénurie et

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 69

Revue Gestion & Management public | Vol. 8, n°3 - 2020 71

making, Thesis, Chisinau, Moldova, Academia de Studii

YIN, R.K. (2009). Case Study Research : Design and Methods,