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Université de Lille UFR MIME

L1 EG F. Jean-Baptiste / J-P. Garnier

chapitre 7
demande de monnaie et courbe lm

1 Introduction
La courbe LM (Liquidity Preference and Money Supply) trace la relation entre le taux d’intérêt et le niveau
de revenu qui assurent l’équilibre du marché monétaire. La théorie quantitative de la monnaie nous a permis
de comprendre pourquoi la demande de monnaie (demande de liquidités) dépend positivement du revenu.
En effet, un revenu élevé induit en général une dépense elle aussi élevée car les individus réalisent davantage
de transactions impliquant l’utilisation de monnaie. Néanmoins, le revenu n’est pas le seul déterminant de
la demande de monnaie. Keynes, dans son ouvrage intitulé La Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et
de la monnaie, paru en 1936, postule que le taux d’intérêt est une autre variable qui est prise en compte
dans les motifs de détention de la monnaie. Ce taux s’ajuste en effet pour égaliser l’offre et la demande de
monnaie. Un des objectifs de Keynes est de comprendre les mécanismes qui poussent les individus à détenir
la monnaie sous forme liquide. Pour cette raison, sa théorie porte le nom de théorie de la préférence
pour la liquidité.

2 La théorie de la préférence pour la liquidité


2.1 L’offre de monnaie
La théorie de la préférence pour la liquidité est une théorie de la demande de monnaie, pas de l’offre de
monnaie. Par conséquent, elle fait l’hypothèse que l’offre de monnaie est exogène, c’est à dire déterminée
ailleurs. Sans perte de généralité, nous supposerons que l’offre est déterminée par les autorités monétaires
(Le chapitre précédent nous dit comment l’offre de monnaie est déterminée).
Parce que l’offre de monnaie est exogène, résumons-la par la relation suivante :

M
(M/P )o = . (1)
P
L’équation (1) dit que l’offre de monnaie exprimée en termes réels (pouvoir d’achat de la monnaie) est
M
égale à une quantité fixée , elle aussi exprimée en terme de pouvoir d’achat de la monnaie. L’offre de
P
monnaie est considérée comme une variable exogène. Le prix est aussi considéré comme exogène car le
modèle IS-LM -dont nous débutons la construction avec ce chapitre-, propose une explication de l’économie
uniquement à court terme. En effet, à court terme, on peut raisonnablement faire l’hypothèse que les prix
ne s’ajustent pas automatiquement. En combinant une offre et un niveau de prix exogènes, nous aboutissons
à une offre de monnaie (en termes réels) exogène. En particulier, cette offre de monnaie ne dépend pas du
taux d’intérêt de notre modèle.

2.2 La demande de monnaie


Quid de la demande de monnaie? Keynes a identifié trois motifs pour lesquels les individus veulent détenir
de la monnaie. Les gens détiennent de la monnaie parce qu’elle constitue un actif liquide : elle permet de
réaliser des transactions immédiates. C’est donc le motif de transaction. On suppose que plus le revenu
des individus augmente, plus ils sont capables d’effectuer des transactions. La demande pour motif de
transaction est donc reliée positivement au revenu.
Ensuite, l’incertitude inhérente à la vie économique en général incite les gens à détenir de la monnaie
pour faire face à des situations imprévues, à des dépenses inopinées. Ceci caractérise la demande de monnaie
pour motif de précaution. Notons que cette demande dépend également positivement du revenu. Elle est
donc similaire à la demande de monnaie pour motif de transaction. Il n’est donc pas nécessaire de traiter
ces deux motifs séparément.

1
Enfin, Keynes distingue un troisième motif : le motif de spéculation. Ce motif stipule que la quantité
de monnaie demandée dépend du taux d’intérêt. En effet, tout ménage a la possibilité d’arbitrer entre la
détention d’un actif liquide non rémunéré (la monnaie) et d’un actif moins liquide (les titres : par exemple,
les obligations), rapportant des intérêts r.1
Dans ce contexte, le taux d’intérêt est simplement le coût d’opportunité de la détention de monnaie, c’est
à dire ce à quoi on renonce en détenant de la monnaie qui n’est pas rémunérée par aucun taux d’intérêt.
On dit dans ce cas que la monnaie est un actif dominé. Quand le taux d’intérêt augmente, les agents
réagissent en détenant une fraction moindre de leur revenu sous forme liquide. Autrement dit, la demande
de monnaie pour motif de spéculation diminue au fur et à mesure que le taux d’intérêt augmente. Elle peut
même devenir nulle pour pour des valeurs très élevées du taux d’intérêt.
Existe t-il des valeurs du taux d’intérêt pour lesquelles l’agent préfère de la monnaie aux obligations?
La réponse est clairement positive. En effet, pour des valeurs très faibles du taux d’intérêt, la rémunération
qu’offre, par exemple, une obligation, ne vaut pas le risque encouru par la détention d’une telle obligation.
Pour de telles valeurs du taux d’intérêt, l’agent préfère garder tout son argent sous forme liquide.
Écrivons la fonction de demande monnaie associée à ces différents motifs ...

• Motif de transaction et de précaution : (M/P )d1 = βY avec β > 0. Puisque ces deux motifs font
dépendre la monnaie positivement du revenu via un coefficient de proportionnalité β, on peut les
agréger en une seule.

• Motif de spéculation : (M/P )d2 = −λr avec λ > 0, où r désigne le taux d’intérêt nominal.

La demande de monnaie totale est la somme des demandes :


 d  d  d
M M M
= + .
P P 1 P 2
... ainsi que leur représentation graphique.

Pour représenter la demande spéculative, nous considérons deux seuils du taux d’intérêt : rmin et rmax .
Lorsque le taux d’intérêt est élevé (r > rmax ), la demande spéculative est faible (voir nulle) car les titres
offrent des rendements élevés. Les agents montrent ainsi une préférence quasi-absolue pour les titres. Lorsque
le taux d’intérêt est faible (r < rmin ), la demande spéculative est élevée en raison du faible coût d’opportunité
de la monnaie. Les ménages préfèrent dans ce cas de la monnaie aux titres : la rémunération qu’offre
l’obligation est faible par rapport aux risques encourus. Cette situation caractérise la préférence absolue des
agents pour la monnaie. On parle aussi de trappe à liquidités (ou trappe à monnaie).
Les valeurs seuils du taux d’intérêt dépendent de la situation de l’économie. Durant la récente crise
financière, on a constaté des niveaux de taux d’intérêt assez bas, voire proches de zéro.
Entre ces deux seuils considérés comme deux cas polaires, la fonction de demande de monnaie pour motif
de spéculation est décroissante avec le taux d’intérêt.
Notons que la trappe à liquidités peut se comprendre d’une autre manière, en exploitant la relation
inverse entre le cours des obligations et le taux d’intérêt. En effet, lorsque les taux d’intérêt augmentent
(diminuent), la valeur (ou le cours) des obligations diminue (augmente). Pour le comprendre, supposons
1
Afin de bien exposer le jeu des comportements de spéculation que font les agents économiques, on supposera que seules
deux sortes d’actifs leur sont proposés : la monnaie d’une part et les obligations d’autre part.

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qu’en 2010 une obligation d’une valeur de 1000 euros rapportait un taux d’intérêt de 5.5%. 5 ans après,
une autre obligation ayant les mêmes caractéristiques rapporte 7%. L’obligation émise en 2015 rapporte
beaucoup plus que celle émise en 2010. Pour attirer de nouveaux épargnants, la valeur de l’obligation émise
en 2010 doit donc baisser. Tout épargnant rationnel n’acceptera jamais de détenir des obligations présentant
des risques identiques mais offrant des rendements inférieurs.
Le lien avec la trappe à liquidités est direct : lorsque le taux d’intérêt est très bas, les agents ne peuvent
s’attendre qu’à une hausse de celui-ci, et donc une baisse de la valeur des titres. Ils anticipent ainsi une hausse
de taux d’intérêt. En attendant que leurs anticipations se concrétisent, les agents préfèrent se débarrasser
de leurs obligations (en les vendant contre de la liquidité).
En combinant les demandes pour les différents motifs, nous obtenons la demande de monnaie globale
résumée par la relation

(M/P )d = βY − λr. (2)


Il est possible d’enrichir cette demande globale en y incluant un terme purement exogène, L0 , qui ne
dépend ni du revenu, ni du taux d’intérêt. On considèrera que L0 ≥ 0. Dès lors, la demande totale de
monnaie est

(M/P )d = βY − λr + L0 . (3)

3 L’équilibre sur le marché de la monnaie et la courbe LM


L’équilibre sur le marché de la monnaie est caractérisée par une offre et une demande de monnaie réelles
toutes deux égales. En combinant (1) et (3), on aboutit à la relation suivante, entre le taux d’intérêt et le
revenu :

M /P − L0 λ
Y = + r (4)
β β
ou
L0 − M /P β
r= + Y (5)
λ λ
Ces deux relations donnent la courbe LM. La seule différence est que la relation 5 est plus pratique pour
les représentations graphiques.

Définition : Courbe LM.


La courbe LM est l’ensemble des couples formés par le revenu et le taux d’intérêt qui assurent l’équilibre
sur le marché de la monnaie.

Construction de la courbe LM.

3
Imaginons deux valeurs Y1 et Y2 du revenu, choisies arbitrairement, avec Y2 > Y1 . D’après la théorie
de la préférence pour la liquidité, une augmentation du revenu entraı̂ne une augmentation de la demande
de monnaie (pour motifs de transaction et précaution). Pour le revenu Y1 , la courbe de demande de
monnaie correspondante est (M/P )d1 (Y1 , r). Pour le revenu Y2 , la courbe de demande est (M/P )d2 (Y2 , r).
L’intersection de ces courbes de demande à la courbe d’offre permet de définir deux taux d’intérêt, r1 et
r2 , avec r1 < r2 . Ainsi, la hausse du revenu provoque une hausse du taux d’intérêt, qui est nécessaire pour
rééquilibrer le marché de la monnaie (puisque l’offre de monnaie est inchangée). En reportant les valeurs
des taux d’intérêt et du revenu dans le repère (Y, r), on obtient deux points par lesquels passe une courbe,
la courbe LM. Elle est en quelque sorte une synthèse des variations du taux d’intérêt et du revenu sur le
marché monétaire.
Résumé :

• Une augmentation du revenu fait augmenter la demande de monnaie.

• Cette augmentation de la demande de monnaie provoque une hausse du taux d’intérêt pour rééquilibrer
le marché de la monnaie (car l’offre de monnaie est restée la même).

• Partant d’une hausse du revenu, on aboutit à une hausse du taux d’intérêt. Cela traduit bien une
relation entre revenu et taux d’intérêt qui est croissante. Une telle relation est résumée par la courbe
LM.

4 Déplacement de la courbe LM : rôle de la politique monétaire.


La courbe LM traduit le taux d’intérêt qui équilibre le marché monétaire pour tout niveau donné du revenu.
On a vu également que le taux d’intérêt d’équilibre dépend également de l’offre de monnaie en termes réels
(M/P )o car le taux d’intérêt évolue de manière à ajuster l’offre et la demande de monnaie. Par conséquent,
la courbe LM se trace donc pour une offre donnée du stock réel de monnaie. Ceci signifie que pour chaque
offre de monnaie donnée, il y a une courbe LM correspondante. Dès lors, si le stock réel de monnaie varie,
sous l’effet d’une modification de l’offre de monnaie (politique monétaire) décidée par la banque centrale, la
courbe LM se déplacera pour donneer lieu à une nouvelle courbe LM. Mais comment va t-elle se déplacer?
Supposons que la banque centrale diminue l’offre de monnaie de M̄1 en M̄2 , ce qui conduit l’offre
d’encaisses réelles à baisser de M 1 /P à M 2 /P . Le niveau de revenu et donc la courbe de demande de
monnaie étant maintenus constants, une réduction de l’offre de monnaie fait augmenter le taux d’intérêt qui
équilibre le marché monétaire. La courbe LM se déplace donc vers le haut.

De même, si la banque centrale augmente l’offre de monnaie, la courbe LM se déplacera vers le bas.

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