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Chapitre 2: Politiques Monétaires: Modèle Mundell-Fleming

1. Economie en mobilité parfaite des capitaux : Modèle Mudell-


Fleming
Le modèle de Mundell (1962, 1968) et Fleming (1962) suppose une parfaite
mobilité des capitaux avec un taux de change flottant. En effet, ils se sont intéressés à
l’analyse simultanée des équilibres interne et externe d’une économie : le taux de
change, le taux d’intérêt et le niveau de production résultent de l’équilibre simultané
du marché des biens, de la monnaie et des actifs financiers. Dans la polémique sur les
régimes de changes, Mundell et Fleming ont montré que le retour à un système de
changes flottants rendrait aux autorités de chaque pays l’usage de la politique
monétaire pour réguler la conjoncture. On suppose qu'on est dans le cas d'un petit
pays comme l'Algérie, de sorte qu'il peut emprunter et prêter sur le marché monétaire
mondial sans que cela n'ait d'influence sur le taux d'intérêt1. L'équilibre dans cette
économie est résumé par trois équations: l'équilibre sur le marché des biens et
services, l'équilibre sur le marché de la monnaie et des changes, et l'équilibre
simultané sur le marché des produits et des actifs.

Rappel
Les quatre principaux objectifs de la politique économiques qui sont :
· La croissance économique : (évaluée par le taux de croissance du PIB). L’Etat
cherche à promouvoir une croissance économique forte et durable.
· La situation de l’emploi : (mesurée par le taux de chômage en % de la population
active). Le rôle de l’Etat est de favoriser la création d’emploi directement ou
indirectement.
· La stabilité des prix : (mesurée par le taux d’inflation en %) L’Etat cherche à
garantir le pouvoir d’achat des agents économiques en luttant contre l’érosion
monétaire liée à l’inflation.
· L’équilibre des comptes extérieurs et stabilité des taux de change : (mesuré par le
solde de la balance des paiements en % du PIB).

1
Le taux d'intérêt peut être défini comme le coût de l'argent emprunté (i.e., différents produits
financiers qui s’échangent sur les différents marchés) par un agent financier ou non a un autre agent
financier ou non.
1.1. Équilibre sur le marché des biens et services
L'intégration du "marché extérieur" au modèle ISLM a pour conséquence de
traiter les importations comme l'épargne et les exportations comme les dépenses
gouvernementales.
Sur ce marché, le niveau général des prix étant donné, l'offre (Y) correspond au
revenu, qui se partage entre la consommation (C), l'investissement (I) et la balance
commerciale (la différence entre les exportations (X) et importations (N):
Y=C(Y-T)+I(i)+G+X(Ye,e)-N(Y,e)
L'investissement est une fonction décroissante du taux d'intérêt, en augmentant le
coût de financement pour les entreprises, le montant des investissements rentables
réduit.
Le taux de change (e) est le prix d'une monnaie en termes d’une autre monnaie. Il
y a deux manières de l'exprimer (voir Figure 4): la quantité de $ que l'on peut acheter
avec 1€ (1€=1.55$) ou, la quantité d'€ nécessaire pour acheter 1$ (1$=0.65€). Les
deux mesures sont équivalentes, mais généralement on choisit la deuxième dans les
modèles:
- Si e diminue, il faut moins d'€ pour acheter 1$, l'euro s'est apprécié (il vaut plus en
termes de $).
- Si e augmente, il faut plus d'€ pour acheter 1$, l'euro s'est déprécié (il vaut moins en
termes de $).
Figure 4. Demande et offre de l’Euro
Source : illustrée par l’auteur.

L'équation IS, i.e., la demande agrégée contient maintenant la balance


commerciale: la différence entre les exportations et importations:
X(Y*,e): exportations dépendent du revenu mondial (exogène) et du taux de change
N(Y,e): importations dépendent du revenu national et du taux de change
- Si e augmente (dépréciation): les exportations sont plus compétitives (parce qu’elles
augmentent en volume) et les importations sont découragées (car elles sont devenues
trop coûteuses). Le solde de la balance commerciale s’améliore.
- Si Y augmente: les importations augmentent, et le solde de la balance commerciale
diminue.
Y* est exogène, et Y est déjà expliqué dans ISLM. Mais il y a maintenant une variable
de plus qui intervient: le taux de change e.
- Si la balance commerciale est en déficit (X-N <0), il y a un déficit d'épargne. Le
financement des investissements (I) doit venir de l'étranger.
- Si la balance commerciale est en excédent (X-N >0), il y a un excédent d'épargne.
Cet excédent sert à financer des investissements à l'étranger.
L'ajustement se fait donc par un influx ou en départ d'épargne: c'est la balance des
capitaux. G et T désignent respectivement les dépenses publiques et les impôts et, sont
fixés de manière exogène par les autorités publiques.
Complément : Contrôle des changes
Le contrôle des changes consiste en un ensemble de mesures dont l'objectif est de
réglementer les paiements entre résidents et non résidents, où le gouvernement
pourrait :
- limiter les sorties de devises par les touristes ou les résidents (e.g., fixer une somme
maximale) ;
- limiter le temps de détention des devises des particuliers ;
- limiter l'achat de valeurs mobilières à l’étranger ;
- limiter les emprunts des banques nationales auprès des non-résidents, mais qui est un
mécanisme très lourd à mettre en place.

1.2. Équilibre sur le marché de la monnaie et des changes


L'équation LM est formulée comme suit :
M=DT (Y)+DS (e)
 L'équation LM, i.e. l'offre de la monnaie est déterminée par la politique de la
Banque Centrale. La courbe LM représente l'ensemble des combinaisons de taux
d'intérêt (i) et de revenu (Y) qui assurent l'équilibre sur le marché monétaire. La
demande, L (pour liquidité), se partage en une demande d'encaisses de transaction
(DT) et de spéculation (DS).
 La demande d'encaisse de transaction (DT) est une fonction croissante du niveau
du revenu (plus on est riche, plus on dépense et plus on a besoin de moyens de
paiement).
 La demande d'encaisse de spéculation (DS) s'explique ainsi: les spéculateurs
conservent leurs encaisses monétaires lorsque les cours des titres financiers sont
élevés, car ils anticipent alors une baisse du rendement effectif de ces titres. Ils
les utilisent au contraire pour acheter des titres quand les cours sont bas, espérant
réaliser une plus-value. DS est une fonction décroissante du taux d'intérêt car le
cours des titres varie en sens inverse du taux d'intérêt, DS=f(i).
1.3. Équilibre simultané sur le marché des produits et des actifs
La dernière équation traduit l'équilibre de la balance des paiements (BP), quand
on a une mobilité parfaite des capitaux. Elle énonce le taux d'intérêt national i est
égal au taux d'intérêt mondial i0 comme suit : i= i0 .
L'idée est la suivante, en raisonnant sur le DA: lorsque le taux d'intérêt en Algérie
est supérieur au taux d'intérêt mondial, il est plus intéressant pour les investisseurs
étrangers d'investir en Algérie (par des placements). Cet échange se fait par la
création de DA par la Banque d'Algérie qui met en réserves les devises achetées. La
masse monétaire augmente, ce qui réduit le taux d'intérêt sur le marché de la monnaie
et le ramène à son niveau antérieur. Les investisseurs se désintéressent des placements
en DA avec des devises et le phénomène inverse du mouvement initial apparaît:
l'offre de DA augmente et Banque d'Algérie achète des DA avec des devises, ce qui
réduit la masse monétaire et fait croître le taux d'intérêt jusqu'à son niveau initial,
celui où le taux algérien est égal au taux mondial (et où il n'y a donc plus de raison de
modifier la localisation des investissements). Le graphique à trois dimensions illustré
dans la Figure 5 représente l'équilibre simultané dans le court terme sur les marchés
de produits, de la monnaie et des devises.

Figure 5. Mobilité parfaite des capitaux

Source : illustrée par l’auteur.

Fondamental : Choix du taux d'intérêt nominal

Ce choix constitue un objectif intermédiaire soumis à discussion : le taux d'intérêt


nominal est constitué de la rémunération du prêt et de l'anticipation de l'inflation. Si sa
tendance est à l'augmentation, l'offre de la monnaie doit augmenter pour limiter cette
hausse (selon les keynésiens), alors que l'on ignore exactement la nature de cette
augmentation (selon les monétaristes).

2. Effet du taux de change de Mundell-Fleming


Une baisse de prix dans une économie ouverte provoque une baisse du taux
d'intérêt national i. Certains investisseurs préfèrent avoir des IDE à l'étranger. Une
situation qui engendre une offre de devises domestiques et une dépréciation du taux
de change réel. Cet excédent de la balance commerciale implique une augmentation
de la demande globale.

2.1. Graphiquement, quelle est l'impact du déplacement de la courbe de la


demande ?
Le déplacement de la courbe de la demande s'explique par deux facteurs (voir
Figure 6) :
a. La variation des plans de consommation des ménages et des entreprises.
b. Le changement de la propension à importer et la variation exogène des
exportations.
Nous représentons ci-dessous le déséquilibre macroéconomique.

Figure 6. Déséquilibre macroéconomique

Source : illustrée par l’auteur.

L'équilibre interne, représenté par Y*, correspond à un déficit externe, puisque


Y* se trouve sous BP.
Les équilibres interne et externe ne sont réalisés ensemble que dans le cas précis
où les trois courbes IS, LM et BP se coupent en un même point. Nous avons affaire,
dans ce cas, à un équilibre dit complet.
Le déséquilibre externe doit être nécessairement résorbé : l'ajustement de la
balance des paiements prend des chemins différents selon que l'on est en régime de
changes fixes ou en régime de changes flottants.

2.2. Ajustement de la balance des paiements : changes fixes (équilibre par les
quantités)
Le déficit externe décrit par la Figure 6 a pour effet la dépréciation de la monnaie
nationale résultant de l'excédant de la demande de devises vis-à-vis de l'offre de
monnaie nationale. Mais comme en changes fixes, la banque centrale doit maintenir le
cours de sa monnaie : elle doit intervenir sur le marché des changes pour empêcher ce
mouvement naturel, on parlera ici de la politique monétaire. En l'occurrence, en
fonction de la loi de l'offre et de la demande sur le marché des changes, elle demande
sa monnaie contre l’offre de devises. Ce faisant, la masse monétaire intérieure se
réduit.

Rappel
Un taux de change fixe est un taux dont le cours d'échange est fixé par la banque
centrale. Tous les systèmes de changes fixes acceptent des variations réduites du taux
de change autour de sa valeur de référence. Au surplus, même dans un système fixe,
un pays peut décider de modifier la valeur de référence, par une dévaluation ou une
réévaluation de sa monnaie.

Graphiquement, cela se traduit par un déplacement de LM vers la droite (voir


Figure 7). Le revenu diminue, ce qui freine les importations, et le taux d'intérêt
augmente, ce qui favorise les entrées de capitaux, d'où une amélioration progressive
de la balance des paiements. Le mouvement se prolonge jusqu'à ce que l'on parvienne
à l'équilibre complet.
Figure 7. Politique monétaire en changes fixes

Source : illustrée par l’auteur.

2.3. Ajustement de la balance des paiements : changes flottants (équilibre par les
prix)
En régime de changes flottants, le mouvement de dépréciation de la monnaie
nationale continue entraînant le déséquilibre déficitaire de la balance extérieure. Le
taux de change de la monnaie nationale diminue, ce qui a tendance à freiner les
importations. Graphiquement deux conséquences sont observables (voir Figure 8): la
courbe IS se déplace vers la droite (les injections augmentent et les fuites diminuent)
et la courbe BP s'abaisse (les conditions de l'équilibre courant s'améliorent et par
conséquent, pour le même Y, on peut se contenter d'un taux e relativement plus
faible). Ce double mouvement se poursuit jusqu'à l'obtention de l'équilibre complet.
Figure 8. Politique monétaire en changes flottants

Source : illustrée par l’auteur.


Remarque

En économie ouverte, les interventions de l'État n'ont pas le même impact selon que le
système de changes est celui des changes fixes ou celui des changes flottants.
Cependant, résorber le déséquilibre interne peut détériorer l'équilibre externe, et
réciproquement : d'où des conflits qui posent de délicats problèmes de choix aux
responsables économiques.

2.3.1. Politique budgétaire et monétaire en changes fixes


On suppose une hausse des dépenses publiques, G (voir Figure 9). Cette hausse
stimule la demande, ce qui accroît le revenu Y. Sur le marché de la monnaie, la
hausse de Y accroît la demande de monnaie et accroît le taux d'intérêt, comme en
économie fermée. Mais cette hausse du taux d'intérêt n'est que temporaire. Elle induit
une entrée de capitaux qui pèse positivement sur le taux de change ayant pour
conséquence un impact négatif sur les exportations nettes. Mais la banque centrale
doit maintenir l'offre de la monnaie nationale, ce qui accroît la masse monétaire
(réduisant ainsi le taux d'intérêt à son niveau mondial.
Figure 9. Politique budgétaire en changes fixes

Source : illustrée par l’auteur.

2.3.2. Politique budgétaire et monétaire en changes flottants


Une politique budgétaire expansionniste (augmentation des dépenses publiques,
réduction des taxes ou une combinaison des deux) résulte en un accroissement de la
production réelle de biens et services.
Si on suppose une hausse des dépenses publiques (G), la demance interne de
biens et services est stimulée vers une hausse, ce qui accroît le revenu Y. Sur le
marché de la monnaie, la hausse de Y accroît la demande de monnaie et le taux
d'intérêt s’apprécie, comme en économie fermée. Mais cette appréciation du taux
d'intérêt n'est que temporaire. Toutefois, la banque centrale doit maintenir la parité de
la monnaie nationale : toute création monétaire additionnelle exerce des pressions à la
baisse sur les taux d’intérêt intérieurs et se solde par une sortie immédiate de capitaux
d’un montant équivalent. Cet accroissement de la masse monétaire accroît l'offre de
monnaie sur le marché de la monétaire, ce qui réduit le taux d'intérêt à son niveau
mondial (i*, par définition) (voir Figure 10). Il n'y a pas d'effet d'éviction du taux
d'intérêt sur la demande. Après le stimulus budgétaire, i reste identique et la masse
monétaire a augmenté.

Figure 10. Politique budgétaire en changes flottants

Source : illustrée par l’auteur.

3. Politiques de stabilisation et économie ouverte à prix fixes


La flexibilité du change isole une petite économie ouverte de la conjoncture
étrangère, comment cela se passe t-il dans le modèle Mundell-Fleming ?
Une récession étrangère détériore la balance commerciale, en réduisant les
exportations. La courbe IS se déplace vers la gauche (voir Figure 11). En changes
flexibles, la détérioration de la balance commerciale, en provoquant un excès de
demande de devises étrangères, conduit à une dépréciation de la monnaie domestique.
Cette dépréciation favorise les exportations et annule ainsi l’effet initial sur la balance
commerciale. La courbe IS retourne à son niveau initial, quel que soit le degré de
mobilité des capitaux. La flexibilité du taux de change permet d’isoler l’économie de
la conjoncture étrangère.

Figure 11. Flexibilité du taux de change Mundell-Fleming

Source : illustrée par l’auteur.

En régime de changes fixes, la détérioration de la balance commerciale, en


provoquant un excès de demande de devises étrangères, conduit à une baisse des
réserves pour maintenir la fixité du change : les courbes LM et BP se déplacent vers la
gauche (voir Figure 12). Quel que soit le degré de mobilité des capitaux, la récession
étrangère a une influence négative. Les changes fixes n’isolent pas l’économie de la
conjoncture étrangère.

Figure 12. Taux de Change fixes et mobilité des capitaux

Source : illustrée par l’auteur.

Le choix d’un régime de change dépend du degré de mobilité des capitaux et


des besoins en matière de stabilisation macroéconomique.
Le modèle Mundell-Fleming met en évidence un trilemme : l’impossibilité de
concilier à la fois la fixité du taux de change, l’autonomie de la politique monétaire et
la parfaite mobilité des capitaux. Par conséquent, il y a trois choix possibles :
1. Changes flottants : on peut avoir une autonomie de la politique monétaire avec
une mobilité parfaite des capitaux.
2. Union monétaire : en renonçant à l’autonomie de la politique monétaire, on
peut avoir des changes fixes et une mobilité parfaite des capitaux.
3. Autarcie financière : en absence de mobilité internationale des capitaux, on
peut concilier les changes fixes et une politique monétaire autonome.
Cela correspond à choisir un des côtés du triangle d’incompatibilité de Mundell
(voir figure 13).
Figure 13. Équilibre macroéconomique

Source : illustrée par l’auteur.

En outre, l’efficacité de la relance budgétaire dépend du régime de change et du


degré de mobilité des capitaux : en changes fixes (flexibles), plus les capitaux sont
mobiles, plus (moins) la relance budgétaire est efficace.

Conclusion
Ce chapitre traitant du modèle de Mundell et Fleming montre qu’il convient d’affecter
la politique monétaire à la recherche de l’équilibre externe et la politique budgétaire à
la recherche de l’équilibre interne.

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