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Chapitre II : la demande de monnaie : Aperçu théorique

L’analyse de la demande de monnaie consiste à chercher les raisons pour lesquelles les agents
économiques la détiennent. Cette analyse permet de connaitre les motifs de la détention de la
monnaie et les interactions entre celle-ci et l’activité économique.
Section 1 : l’analyse classique :
L’analyse classique a développé trois grandes idées qui concernent la monnaie :
- La monnaie n’est qu’un moyen de transaction ;
- La monnaie est neutre ;
- La monnaie influence les prix.
1-1- la monnaie n’est qu’un moyen de transaction
Pour les classiques, la monnaie n’est pas demandé pour elle-même, elle est demandée
uniquement pour acheter de la marchandise. Dans ce sens elle est analysée comme un moyen
qui permet de faciliter l’échange. Elle est donc demandée uniquement pour des motifs de
transaction ;
1-2- la neutralité de la monnaie :
Selon l’analyse classique la production et la consommation des biens ne dépendent que des
demandes et des offres de ces biens. L’équilibre du marché des biens ne dépend pas du marché
de la monnaie. Le rôle de la monnaie se limite dans la fixation du niveau général des prix, car
elle est conçue comme un étalon qui fixe la valeur des biens. Cette absence d’interaction entre
les deux marchés (marché des biens et marché de la monnaie) illustre la neutralité de la
monnaie.
Cette neutralité de la monnaie, illustrée par la formule de Jean-Baptiste Say : « la monnaie n’est
qu’un voile », revient à nier la fonction « réserve de la valeur » de la monnaie. Car on vend un
produit, non pas pour récupérer de la monnaie, mais pour pouvoir en acheter un autre. Pour
Jean-Baptiste Say « les produits s’échangent contre les produits » et la monnaie n’est qu’un
instrument qui facilite les échanges, pour éviter le troc.
1-3- La monnaie et les prix
La relation entre la monnaie et les prix, s’exprime à partir de la célèbre équation d’Irving
Fisher, connue sous l’appellation théorie quantitative de la monnaie. Cette théorie a été
développée au début du XXe siècle, sur la base de l’expression suivante :
MxV=PxT
M : est la masse monétaire en circulation (la masse monétaire);
V : la vitesse de circulation de la monnaie (nombre de transactions réalisées par unité de
monnaie) ;
P : le niveau général des prix ;
T : le volume des transactions.

Pour comprendre la notion de la vitesse de circulation de la monnaie, on peut imaginer une


situation où les prix et la quantité de monnaie sont constants, si la vitesse de circulation de la
monnaie est multipliée par deux, les billets, par exemple, circulent deux fois plus vite et
permettent d’acheter deux fois plus de biens.
Selon la théorie quantitative de la monnaie, lorsque le volume des transactions et la vitesse de
rotation de la monnaie ne se modifient pas, une variation de la quantité de monnaie entraîne
une variation des prix.
Section 2 : l’apport keynésien
Selon la théorie keynésienne, la monnaie n’est pas demandée uniquement pour des motifs de
transaction comme il est présenté dans la thèse classique, mais il existe d’autres motifs :
précaution et spéculation.
Keynes désigne la demande de monnaie par le terme « préférence pour la liquidité ». Cette
préférence pour la liquidité infirme la loi des débouchés de Jean-Baptiste Say « l’offre crée la
demande » et « les produits s’échangent contre les produits », car cette préférence pour la
liquidité selon Keynes à un effet d’éviction sur la demande et sur le volume des transactions.
Donc la monnaie n’est pas neutre, elle est active.
2-1 les nouveaux motifs de détentions de la monnaie :
Selon Keynes, la monnaie n’est pas demandée uniquement pour des motifs de transaction, mais
aussi pour des motifs de précaution et spéculation.
2-1-1 la demande de monnaie pour motif de précaution :
Pour comprendre pourquoi la monnaie est demandée pour motif de précaution, on doit
commencer par se poser la question sur cette notion de « la préférence pour la liquidité », en
d’autres termes pourquoi les agents économiques ont une tendance à détenir de la monnaie
liquide au lieu d’autres actifs qui sont plus rentable ?
Cela peut être justifié par les coûts de transaction que peut subir un agent économique pour
convertir ses actifs en liquidité au cas de besoin. Donc, on peut dire que la monnaie dans ce cas-
là, est demandée pour motif de précaution. Ce motif de précaution peut être considéré comme
une passerelle entre la fonction transaction (intermédiaire d’échange) et la fonction de réserve
de la valeur (constituer une encaisse pour faire face aux transactions).
La détention de la monnaie pour motif de précaution se justifie donc, par le souci de prévention
de certains besoins qui nécessitent des dépenses inattendus (maladie, accident, hausse des prix,
perte d’emploi…).
2-1-2 la demande de monnaie pour motif de spéculation :
Selon Keynes les agents économiques conservent des encaisses spéculatives pour pouvoir
acheter des obligations. La question qui se pose à ce niveau, c’est quand décide-t-on de placer
la monnaie sous forme d’obligation ?
Pour décider l’agent économique compare le rendement de la monnaie liquide à celui de
l’obligation. La décision est liée aux anticipations de gains ou de pertes basées sur l’évolution
prévue du taux d’intérêt.
Le rendement de la monnaie est constant en valeur nominale, mais le rendement des obligations
dépend des taux d’intérêt courants et des taux d’intérêt anticipés.
Généralement, un agent économique décide d’acheter des obligations lorsque le cours des titres
est élevé avec des anticipations d’une baisse, et il décide de les vendre lorsque les taux d’intérêts
courants sont bas avec des taux d’intérêts anticipés qui tend vers la hausse.
Synthèse :
Lorsque les taux d’intérêts sont bas et qu’on anticipe une hausse des taux d’intérêts, il n’est
pas profitable d’acheter l’obligation, il est intéressant de conserver la monnaie pour être prêt
à toute opportunité d’achat.
D’après tout ce qui précède on peut dire que selon Keynes, la demande de monnaie pour
motif de transaction et motif de précaution (L1) dépend du revenu, et celle pour motif de
spéculation (L2) dépend du taux d’intérêt. La formulation de l’équation Keynésienne de la
demande de monnaie se présente comme suit : DM = L1 (R) + L2 (i)
Avec R : Revenu et i : taux d’intérêt
2-2- La monnaie n’est pas neutre
Pour Keynes la monnaie n’est plus neutre, il existe une interaction entre la monnaie et
l’activité économique à travers le taux d’intérêt qui dépend de l’offre et la demande de
monnaie. Cette interaction peut mieux être dégagée par le schéma de causalité suivant :
Augmentation de la masse monétaire

Hausse de la demande Baisse des taux d’intérêt

Augmentation de la consommation et Augmentation de l’investissement et


de l’investissement des crédits à la consommation

Hausse de la croissance et de l’emploi

Dans ce schéma l’augmentation de l’offre de monnaie permet d’augmenter la demande et de baisser


le taux d’intérêt, ce qui influence positivement la production, la croissance et même l’emploi. Le
taux d’intérêt donc, constitue un lien entre la sphère réelle et la sphère monétaire.
2-3 La monnaie et les prix
Selon Keynes l’augmentation de masse monétaire n’engendre pas directement une hausse des prix,
car les prix sont liés à la loi de l’offre et de la demande. Donc, l’augmentation de la masse monétaire
va engendrer une augmentation de la demande par rapport à l’offre, et si l’économie dispose d’une
capacité productive non utilisée, l’offre peut répondre à cette nouvelle demande, donc il n’y aura
pas d’influence de la monnaie sur les prix. Mais si la capacité productive est épuisée, l’offre ne peut
pas répondre à cette nouvelle demande, donc il y aura une hausse des prix (phénomène de
l’inflation), puisque la demande sera supérieur à l’offre.
Section 3 : l’apport des monétaristes
Les monétaristes, notamment Militon Friedman, ont élargie l’analyse Keynésienne de la demande
de la monnaie tout en restant fidèles à la thèse classique de la neutralité de la monnaie.
Pour les monétaristes, l’augmentation de la masse monétaire entraine une variation du niveau des
prix sans modification de la production ou de l’emploi. Cette variation du niveau des prix est
proportionnelle aux fluctuations de l’offre de monnaie.
Pour mieux expliquer ces conclusions monétaristes, on reprend l’équation de la théorie quantitative
de la monnaie : M x V = P x T
Les monétaristes suivent la même analyse keynésienne, ils supposent que la vitesse de circulation
et le montant global des transactions est constant. Donc toute hausse de la masse monétaire se traduit
par une augmentation proportionnelle du niveau des prix.
Les monétaristes proposent d’adopter une règle d’augmentation de la masse monétaire qui permet
de maitriser le niveau des prix (l’augmentation de la masse monétaire doit être proportionnelle à
l’augmentation de la capacité productive, pour pouvoir répondre à la nouvelle demande et éviter le
phénomène de l’inflation).
Au sujet de la neutralité de la monnaie, les monétaristes se divisent en deux courants qui rassemblent
deux générations différentes :
- La première génération des monétaristes (Militon Friedman) pense que la monnaie est
active à court terme et neutre à long terme :
 A court terme : l’augmentation de la masse monétaire entraine une augmentation des prix
et par la suite une augmentation des profits, ce qui encourage d’avantage l’investissement
et augmente la production ;
 A long terme : l’action sur la monnaie n’a aucun effet, car l’augmentation de la masse
monétaire entraine l’augmentation des prix, cela va détériorer le pouvoir d’achat des
salariés, qui vont revendiquer l’augmentation de salaire, ce qui bloque les profits et stabilise
l’investissement et la production ce qui va engendrer un retour à la situation initiale.
- La deuxième génération des monétaristes, pense que la monnaie est neutre à court et à long
terme, car toute augmentation de la masse monétaire sera sujet d’anticipations rationnelles par
les agents économiques, qui seront informés, cela va engendrer des revendications
d’augmentations des salaires. Donc dès le départ l’effet stimulant des prix sur la production
et annulé par l’augmentation des coûts de production, et la manipulation de la masse monétaire
n’a aucune influence sur les prix.
Exercices
Exercice N° 1
1- Calculez la vitesse de circulation de la monnaie dans les cas suivants :
(M, PNB) = (200, 800) ; (225,100) ; (250,1500).
2- Supposons une économie à cinq biens (A, B, C, D, E)
- Calculez le nombre de prix relatifs dans le cas d’une économie du troc, le nombre de prix
absolus si l’un de ces biens est choisi comme instrument monétaire ;
- Généralisez le nombre de prix relatifs à (n) biens dans le cas d’une économie du troc et
dans le cas d’une économie monétarisée (monnaie marchandise). Quel est le gain réalisé
en termes d’informations dans le passage d’une économie du troc vers une économie
monétarisée.
3- Le tableau suivant présente les prix et les quantités consommées des cinq biens
(A,B,C,D,E) :
Biens (prix) A (1) B (0,75) C (5) D (2,25) E (1,5)
Quantité 50 50 50 50 50
- Calculez le prix moyen (P) et le volume total des transactions (T) ;
- Déduire la valeur du PNB de cette économie ;
- Calculez la vitesse de circulation de la monnaie dans cette économie, sachant que la masse
monétaire est 105.
Solution :
1-
La masse monétaire 200 225 250
Le PNB 800 100 1500
La vitesse de circulation de la monnaie 4 0,44 6

2- le nombre de prix relatifs dans cette économie : 20 prix relatifs


- le nombre de prix absolus si l’un de ces biens est choisi comme instrument monétaire :
Si on prend par exemple le bien A comme monnaie d’échange, il y aura donc 4 prix
relatifs (le bien A est lui-même la monnaie d’échange et le prix des quatre biens qui
restent sera représenter par rapport au bien A) ;
- Généralisation à (n) biens :
 Le nombre de prix relatifs dans une économie du troc est : n (n-1)
 Le nombre de prix relatifs dans une économie monétarisée : (n-1)
- Le gain réalisé en termes d’informations dans le passage d’une économie du troc vers
une économie monétarisé (n-1)2 :
G = 20 prix relatifs – 4 prix absolus = 16 prix
3-
- le prix moyen (P) des cinq biens :
P = ∑pi=5 / 5 = 2,1
- le volume total des transactions (T) : C’est la quantité totale consommée des cinq biens
T = ∑qi=5 = 250
- la valeur du PNB de cette économie :
PNB = ∑pi=5 qi=5 = P x T = 2,1 x 250 = 525
- la vitesse de circulation de la monnaie dans cette économie, sachant que la masse
monétaire est 105.
M x V = P x T (la théorie quantitative de la monnaie)
V = (P x T) / M = 525 / 105 = 5

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