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La Grenouille de

Bénitier
Parce qu’un saint triste est un triste saint
Amiens, le 18 avril 2022

Aujourd’hui c’est fête ! Les orgues de la cathédrale retentissent, le cierge pascal se dresse noblement
hors de portée du cérémoniaire, le clergé brille dans les chapes tout droit sorties du pressing, les
servants se battent en duel avec les cierges de la vigile pascale, les choristes s’étranglent sur un
alleluia fraîchement redécouvert, les séminaristes se coiffent de paniers en osier ; joie de Pâques et
gazouillement de cloches à n’en plus finir. Au milieu de ces caquètements pastoraux, cependant, un
nouveau venu émerge monumentalement de son brouillard odorant. Ventru, brillant, répandant son
fumet au rythme chaloupé imposé par un thuriféraire solennel, le nouvel encensoir a fait, dès son
apparition le Jeudi Saint, la controverse dont toute la paroisse s’abreuvera jusqu’à la Pentecôte. En
effet, on n’en finit plus de parler de l’achat récent de notre bien-aimé curé. Se déclinant en doré et
en argenté, c’est apparemment le nouvel encensoir de la cathédrale pour toutes les cérémonies à
venir. Mais il s’avère que tout, dans ce nouvel objet liturgique, porte à controverse. Que dire d’abord
de son apparence, qui évoque pour certains une pièce montée, pour d’autres un plat à tajines, pour
d’autres encore une soupière, et on a même entendu passer les mots « chicha » et « soucoupe
volante » … Et si ce n’était que son apparence qui posait problème ! On évoquait, tout à l’heure, le
poids de l’instrument. Certes, personne ne déplorera une prise de masse des thuriféraires à la
Dwayne Johnson, si ce n’est la pauvre couturière en charge des aubes, mais il s’agirait de ne pas
mettre en danger nos chers membres du clergé par un coup de massue malencontreux ! Don Paul
Préaux ne serait certainement pas content qu’on lui rende ses prêtres cabossés. Une dernière
considération semble enfin avoir échauffé les esprits : qu’en est-il de la consommation de l’engin ?
Nous nous sommes renseignés pour vous sur l’affaire, très chers lecteurs : un encensoir de taille
habituelle consomme maximum sept charbons par grand’messe ; or on aurait compté, pour le
Vendredi Saint, vingt-six charbons utilisés, trente pour la vigile pascale et quarante pour la messe du
jour de Pâques ! Scandale ! Pense-t-on seulement aux servants d’autel étouffés par la fumée, aux
asthmatiques qui se pensaient bien à l’abri au troisième rang de notre volumineuse cathédrale et à
l’économe de la paroisse qui mange son budget ? Que dire de l’empreinte carbone d’un tel objet ??
Entre la production des charbons et la quantité de fumée rejetée lors d’une messe, nous n’osons pas
imaginer, très chers lecteurs, la tête que ferait M. Jadot s’il venait à s’asseoir sur nos bancs. S’il y en a
un qui ne manque pas d’air, c’est bien notre curé, à vouloir avoir un encensoir « à la mesure de notre
cathédrale ». Pensez ce qui vous plaît, on ne m’enlèvera pas de l’idée que c’est pas très Laudato Si,
tout ça.

Services paroissiaux autoproclamés du pamphlet

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