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Thierry Mathou
La Découverte | Hérodote
2007/2 - n° 125
pages 28 à 50
ISSN 0338-487X
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dans l’Himalaya, devenu depuis peu une des « nouvelles frontières » de la Chine.
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tibétaine, le Tibet est longtemps resté l’« arrière-cour de l’Empire », sorte de zone
tampon entre la Chine et l’Inde. Devenu une des vitrines de la politique de
développement de l’Ouest chinois, il est aujourd’hui considéré à Pékin comme un
lien virtuel entre la Chine et l’Asie du Sud. De là à lui redonner le rôle central
qu’il avait jusqu’au début du XXe siècle dans l’espace himalayen, il n’y a qu’un
pas rendu possible par le réchauffement des relations sino-indiennes et par la
priorité accordée par la Chine depuis 1999 au développement de ses provinces
occidentales. Les trois priorités – valorisation des transports, des ressources en
eau, et du secteur minier – autour desquelles s’articule la politique de dévelop-
pement mise en œuvre par les autorités centrales au Tibet, sont susceptibles
d’avoir des conséquences importantes non seulement sur l’économie de la région
autonome mais aussi sur son positionnement par rapport à ses voisins 1.
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1. Voir une analyse plus détaillée de cette problématique dans Thierry MATHOU, « Tibet and
its neighbours : moving toward a new strategy in the Himalayan region », Asian Survey,
août 2005, vol. 45, n° 4, p. 497-502.
2. 1,18 million de passagers et 1,16 million de tonnes de marchandises ont été transportés
sur la ligne de chemin de fer jusqu’au 1er janvier 2007.
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Moins médiatisée que le développement des transports, même si elle est sus-
ceptible d’impliquer des projets gigantesques 3, l’exploitation du réseau hydrogra-
phique tibétain constitue un levier stratégique particulièrement important.
Véritable château d’eau de l’Asie continentale 4, le plateau tibétain offre à la Chine
la possibilité de contrôler une partie de l’approvisionnement en eau de ses voisins
méridionaux qui ne manqueraient pas d’être affectés par la construction d’un
grand barrage ou par le détournement des eaux d’une rivière tibétaine. La Chine a
adopté dans ce domaine une approche prudente comme l’illustre la coopération
engagée avec la Commission pour le développement du Mékong et la suspension
en avril 2004, officiellement pour des raisons écologiques, d’un projet de barrage
sur la Salouen qui aurait directement affecté la Birmanie. L’importance de ses
besoins énergétiques rend toutefois inéluctable la valorisation des ressources en
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eau du Tibet, qui constitue une des priorités du XIe plan quinquennal. Comme
Tsanpo au Tibet –, l’Indus, la Sutlej, le Mékong – Lancang au Tibet –, et au moins deux des
principaux affluents du Gange – l’Alaknanda et la Bhagirathi – y prennent leur source. 90 % des
rivières tibétaines coulent non seulement vers la Chine continentale mais aussi vers le Cambodge,
le Laos, le Viêtnam, la Thaïlande, la Birmanie, le Bangladesh, l’Inde, le Népal et le Pakistan.
5. Le Tibet dispose de réserves, dont certaines parmi les plus importantes de Chine, pour les
métaux suivants : l’or, la chromite, le lithium, le cuivre, le molybdène, le cobalt, le tungstène, le
platine, le nickel, l’argent, la magnétite, utilisée dans l’industrie métallurgique, et la moscovite,
employée dans les industries de la défense et de l’électronique. Le China Daily s’est récemment
– 13 février 2007 – fait l’écho d’un rapport du Bureau de la géologie à Pékin qui aurait identifié
des réserves de « 30 à 40 millions de tonnes de cuivre, 40 millions de tonnes de plomb et de
zinc, et plusieurs milliards de tonnes de minerai de fer », dont l’exploitation devrait contribuer à
desserrer la contrainte qui s’exerce sur le marché chinois.
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L’HIMALAYA, « NOUVELLE FRONTIÈRE » DE LA CHINE
CARTE. – L’HIMALAYA, « NOUVELLE FRONTIÈRE » DE LA CHINE
Hérodote, n° 125, La Découverte, 2e trimestre 2007.
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la visite en Inde du président Jiang Zemin en 1996. Les essais nucléaires indiens
de 1998 avaient imposé un brutal coup d’arrêt à ce processus. La normalisation
s’est néanmoins poursuivie à partir de 2001 toujours à l’initiative de la Chine 7.
Elle a débouché sur une déclaration commune, véritable feuille de route de la rela-
tion bilatérale, adoptée en juin 2003, lors de la visite en Chine du Premier ministre
indien de l’époque Atal Behari Vajpayee. Même si elle n’a pas marqué d’avancée
significative dans la relation bilatérale, la visite à New Delhi en novembre dernier
du président Hu Jintao s’inscrit dans la même logique. Cette évolution est indisso-
ciable du rééquilibrage de la politique pakistanaise de la Chine. Amorcé en 1996 à
la faveur d’un apaisement des tensions entre New Delhi et Islamabad, et relancé
dans le contexte de l’après-11 septembre, celui-ci s’est traduit par l’abandon, au
moins temporaire, de la stratégie chinoise d’endiguement de l’Inde fondée sur
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rités chinoises. Même symbolique 9, elle permet à Pékin d’éviter que la question
tibétaine ne devienne un sujet de polémique avec son voisin. Bien que l’Inde ait
reconnu dès 1954 la souveraineté chinoise sur le Tibet, la réaffirmation écrite de
ce principe dans la déclaration de Pékin fut considérée comme un acquis majeur
de la diplomatie chinoise. Même si cela ne constitue plus à proprement parler un
irritant de la relation bilatérale, le statut de résident accordé par l’Inde au dalaï-
lama reste un sujet de préoccupation à Pékin, où Dharamsala est considéré comme
le foyer illégitime d’une activité antichinoise qui continue à drainer les flux d’immi-
gration clandestine venus du Tibet.
La décision de nommer deux représentants spéciaux pour « explorer d’un point
de vue politique l’ensemble de la relation bilatérale et le cadre du règlement de la
question frontalière » montrait que beaucoup de chemin restait encore à parcourir.
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un nouveau poste frontalier, puisqu’il en existait déjà deux, que dans la symbo-
lique du site – une zone hautement militarisée à proximité du Sikkim, dont la
Chine ne reconnaissait pas l’appartenance à l’Inde –, dans le caractère solennel de
l’annonce – un accord écrit préfigurant l’ouverture d’autres postes frontaliers – et
dans l’espoir de générer de nouveaux flux d’échanges.
9. Le renouvellement de cette déclaration en novembre 2006 n’a pas empêché plusieurs cen-
taines de Tibétains de manifester dans le centre de New Delhi lors de la visite du président
chinois.
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10. Dans la pratique, ces cols ne sont ouverts que quatre mois par an, de juin à septembre, il
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Sikkim, des simulations ambitieuses ont été faites sur les conséquences de la réou-
15. La région autonome comptait sur une augmentation de 15 % par an de son commerce.
Selon une étude réalisée par le Sikkim’s Nathu La Trade Study Group, le commerce transitant
par le col pourrait atteindre 3,53 milliards de roupies (60,3 millions d’euros) en 2010 et
5,75 milliards de roupies (98,3 millions d’euros) en 2020.
16. Ces produits sont des épices, des herbes, des légumes, des fruits, des huiles végétales, de
l’orge, du café, de la farine, des conserves. Sont également concernés des fournitures pour
l’agriculture – essentiellement des engrais –, des produits textiles – vêtements et couvertures –,
des produits de consommation courante – chaussures, montres, cigarettes, papeterie –, de
l’essence et des produits en cuivre.
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Chin 17, et a obtenu du Pakistan la cession par traité d’une partie du Cachemire,
revendiqué par l’Inde 18. Des progrès ont certes été réalisés pour pacifier la fron-
tière et encadrer les négociations : accords sur le respect de la ligne de contrôle
effectif (LAC) en 1993 et sur l’établissement de mesures de confiance réciproques
en 1996 ; échange de cartes sur le secteur central en 2000 19 ; nomination en 2003
des représentants spéciaux chargés de superviser le groupe de travail sur les fron-
tières qui a intégré le secteur occidental, y compris l’Aksai Chin, dans ses travaux
en 2002 ; mesures de confiance symboliques comme la visite au Tibet en
novembre 2003 d’une délégation du 4e corps de l’armée indienne, stationné sur la
frontière de l’Arunachal Pradesh. Les divergences restent néanmoins profondes, y
compris sur la méthodologie des négociations – délimitation de la ligne de
contrôle effectif 20 –, qui implique une tierce partie – le Pakistan –, et sur leur éten-
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due : le secteur oriental, le plus sensible, qui n’est pas couvert par les discussions.
veulent déterminer jusqu’où le contrôle effectif devrait s’étendre. Pékin ne veut donc pas traiter
de la ligne de contrôle effectif à l’ouest du Siatchen, qui n’est pas sous contrôle effectif de
l’Inde, alors que New Delhi veut traiter de tout, même de la frontière qui n’est que théorique,
puisque située au Cachemire sous administration pakistanaise, et considère que Pékin doit
accepter la frontière du Raj britannique, comme elle l’a fait pour la Birmanie en 1960 et le
Pakistan en 1963, bien que des régions tibétaines comme Tawang en Arunachal Pradesh soient
clairement tibétaines. À ce titre, il est inenvisageable pour l’Inde de restituer à la Chine les
zones de culture tibétaine réclamées par Lhassa en 1947.
21. Ces concessions pourraient être la reconnaissance officielle écrite de l’appartenance du
Sikkim à l’Inde, voire l’évacuation sous conditions d’une partie de l’Aksai Chin.
22. Située sur les lignes de crête, cette position est essentielle pour permettre à l’Inde
d’assurer la défense de la plaine gangétique.
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une zone rendue instable par les mouvements indépendantistes – Bodos, Assamais,
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sécurité des Nations unies, qui demande à New Delhi et à Islamabad de renoncer à
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par un traité d’amitié avec l’Inde, qui organise une relation particulière entre les
deux pays en matière de politique étrangère, le Bhoutan s’en est longtemps remis
à New Delhi pour gérer les positions chinoises dans la région, y compris lorsqu’il
s’est agi d’évoquer la situation de la frontière sino-bhoutanaise. Le statu quo qui
prévaut depuis cette époque est toutefois en train d’évoluer. Les contacts poli-
tiques entre Thimphou et Pékin ont été renoués en 1984. Des délégations se
rencontrent chaque année dans l’une ou l’autre capitale pour discuter de la
délimitation de la frontière. Même si le contentieux n’est pas réglé, des progrès
significatifs ont été réalisés au cours des dernières années. Le contentieux terri-
torial a été réduit à un secteur situé au nord-ouest du Bhoutan. Les incidents de
pâturages, opposant chaque année à la belle saison les éleveurs bhoutanais et
tibétains conduisant leurs troupeaux sur des prairies d’altitude dans les zones
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frontalières, se sont faits plus rares. Un négoce local portant sur des produits tradi-
27. Les deux pays ont signé en février 2007 un nouveau traité d’amitié qui rend leurs rela-
tions diplomatiques plus équilibrées que dans le cadre du traité de 1949, qui faisait implicite-
ment de l’Inde le « tuteur » du Bhoutan en matière de politique étrangère. Le Bhoutan a
désormais, par exemple, la possibilité d’importer librement, sans l’accord préalable de l’Inde,
des équipements militaires non meutriers.
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Bhoutan une déclaration sur le Tibet, qui n’est même pas mentionné dans les
communiqués conjoints adoptés par les deux gouvernements au terme de leurs
rencontres annuelles.
Bien que modestes, compte tenu de la taille du Bhoutan, les conséquences
économiques d’une éventuelle normalisation de la relation sino-bhoutanaise ne
doivent pas être négligées. Sur le long terme, la réouverture de la route commer-
ciale entre Lhassa et le Sikkim est susceptible d’avoir un impact sur le royaume.
Il est peu probable que le modèle économique et commercial qui prévalait au
début du XXe siècle dans l’organisation du commerce bhoutanais, presque exclusi-
vement tourné vers le Tibet, réapparaisse. La fermeture de la frontière sino-
indienne a en effet conduit le Bhoutan à faire basculer complètement le centre de
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gravité de ses échanges du Nord vers le Sud. L’Inde est devenue son fournisseur et
son débouché quasi exclusifs. Tout le réseau routier et tout le tissu économique du
royaume ont été conçus dans ce cadre. Tout changement serait non seulement
déstabilisateur pour l’économie bhoutanaise mais aussi difficile à mettre en place
dans la mesure où il supposerait la construction de routes dans le nord du pays dans
des zones faiblement peuplées et souvent inaccessibles. Nul doute que la Chine,
qui s’emploie actuellement à construire un réseau routier du côté tibétain de la
frontière, serait prête à financer ce type d’investissements au Bhoutan, comme elle
l’a fait au Népal. Dans l’immédiat, la levée de l’embargo avec le Tibet n’aurait
vraisemblablement que des effets circonscrits aux zones frontalières. Les consé-
quences d’une arrivée de l’influence et des produits chinois au Bhoutan sont tou-
tefois prises très au sérieux tant à Thimphou qu’à New Delhi, ce qui conduit les
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aurait beaucoup à gagner d’une telle évolution, qui lui permettrait non seulement
des Tibétains pour qui la route du Népal reste la voie royale pour rejoindre le
dalaï-lama à Dharamsala. Les ONG estiment qu’entre 2 500 et 4 000 Tibétains
continuent à emprunter cette route chaque année. Depuis la fuite spectaculaire en
décembre 2000 du Karmapa, un des grands hiérarques du bouddhisme tibétain,
qui a quitté sa résidence de Tsurphu près de Lhassa pour gagner l’Inde via le
Népal, les contrôles frontaliers ont été considérablement renforcés 28. Cela a été
28. Ce durcissement a été illustré lors de l’incident survenu le 30 septembre 2006 au Tibet
au col de Nangpa, où une fusillade est intervenue entre les gardes-frontières chinois et un
groupe de Tibétains qui cherchaient à se rendre au Népal.
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temps, leurs manifestes ont été encore plus violents contre l’Inde, avec laquelle ils
ont préconisé une remise à plat complète de la relation bilatérale : dénonciation du
traité indo-népalais de 1950 ; contrôle et gestion autonome de la frontière ; fin
du « monopole » indien dans l’économie népalaise. Même si Prachanda, le leader
charismatique des maoïstes, a adopté, depuis la visite qu’il a effectuée à New Delhi
en novembre 2006, une position mesurée voire positive à l’égard de l’Inde, dont il
souhaite la bienveillance dans l’accompagnement du processus de transition poli-
tique au Népal, le poids des maoïstes dans les futures institutions et l’infléchis-
sement éventuel qu’ils pourraient apporter à la politique extérieure du Népal
restent une inconnue qui freine pour l’instant les ambitions chinoises dans la
région. Les violents incidents survenus récemment dans le Terai, territoire situé à
la frontière indo-népalaise, où fermentent des velléités autonomistes, rappellent
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que le Népal, véritable mosaïque ethnique, reste une nation en devenir. La multi-
Conclusions
L’Himalaya offre un excellent exemple de la nouvelle politique frontalière
de la Chine. Zone de contact entre deux « mondes », il est aussi un espace de
conflits potentiels. Si la Chine a choisi d’y faire progresser son nouveau partena-
riat avec l’Inde en mettant délibérément de côté le contentieux frontalier qui
oppose les deux pays, c’est avant tout pour asseoir sa nouvelle politique en Asie
du Sud. Ayant récemment obtenu le statut d’observateur au sein de la SAARC
(Association pour la coopération régionale en Asie du Sud) – en échange d’un statut
équivalent pour l’Inde au sein de l’ASEM –, la Chine souhaite rattraper le retard
diplomatique qu’elle a accumulé dans cette partie de l’Asie où son influence, qui
Hérodote, n° 125, La Découverte, 2e trimestre 2007.
se heurte à celle de son grand voisin, reste limitée. Sur le plan régional, cette
stratégie répond à cinq objectifs :
1) définir un positionnement stratégique dans un contexte régional nouveau.
Le rapprochement entre New Delhi et Washington, qui entretient les craintes
31. Pékin a récemment dépêché à Katmandou un envoyé spécial qui a eu des contacts avec
des responsables du mouvement maoïste, le CPN-M. C’est la première fois qu’une rencontre de
ce type était organisée entre des officiels chinois et les anciens rebelles, qui devraient être reconnus
comme des acteurs à part entière de la scène politique népalaise par la plupart des puissances
étrangères, dont la Chine, dans le cadre du processus de normalisation en cours.
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L’impact de cette politique sur le plan intérieur, notamment pour le Tibet, est
difficile à évaluer. Le développement des relations transfrontalières est susceptible
d’avoir des conséquences multiples et contradictoires. Si la Chine cherche princi-
palement à développer les canaux d’exportation de produits manufacturés vers
l’Asie du Sud, les conséquences pour l’économie tibétaine seront marginales voire
négatives. L’essor du commerce extérieur attirera probablement de nouveaux
travailleurs migrants au Tibet. L’implication des communautés locales dépendra
largement de la mise en œuvre d’une stratégie de développement global impli-
quant tous les secteurs de l’économie, comme cela semble être le cas dans le
district de Yadong. Il existe déjà un certain nombre d’entreprises tibétaines pro-
duisant principalement pour le marché local. Certaines d’entre elles exportent déjà
une partie de leur production. L’amélioration du réseau de transport pourrait leur
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de maîtriser tous les paramètres. Tous les types d’interactions sont envisageables.
Les uns y voient la possibilité pour la Chine d’utiliser sa position dominante dans
le commerce himalayen pour obtenir des avantages politiques dans la région.
Jusqu’à quel point les progrès des échanges transhimalayens affecteront les rela-
tions entre le gouvernement indien et les exilés tibétains reste encore à voir.
Certains à Dharamsala critiquent le développement du tourisme religieux au Tibet,
qui constituerait une nouvelle étape dans la reconnaissance par l’Inde de l’inté-
gration du Tibet à la Chine. D’autres préfèrent insister sur les opportunités qui ne
manqueront pas de résulter d’une plus grande ouverture de la région autonome.
Force est de constater que cette ouverture, qui reste relative compte tenu de la
prudence indienne, ne peut aller au-delà des limites imposées par les réalités
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33. Les lhotshampas désignent les Bhoutanais d’origine népalaise dont plusieurs dizaines de
milliers sont aujourd’hui réfugiés dans des camps installés à l’est du Népal, où s’est développée
une opposition au gouvernement bhoutanais.
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