Vous êtes sur la page 1sur 7

L’éclatement d’un AR-15/M16

Figure 1 - Le M16 en service pendant la guerre du Viêtnam - Source : The Life Images Collection

J’ai récemment inspecté un S&W M&P-15 Sport qui a subi un « démontage rapide et extrêmement
violent ». Le propriétaire de l’arme, débutant le rechargement, aurait employé une cartouche
rechargée par ses soins, utilisant une lourde ogive de 77 grains. Il reste, à ce jour, persuadé que
l’arme était défectueuse. La marque a refusée de prendre en charge la réparation.

L’Histoire prouve que le propriétaire est dans l’erreur. Sauf un défaut évident de métallurgie, l’ultra-
majorité des éclatements de M16/M4 impliquent un niveau de pression dépassant très largement
les capacités du design. Les origines d’une surpression peuvent être multiples et se combiner : une
cartouche inappropriée (calibre incompatible, tels que le maintenant classique .300AAC Blk dans une
chambre .223Rem/5.56, mais aussi poudre inappropriée, une feuillure défectueuse, une douille
excessivement grasse, un étui réutilisé trop souvent,…) ou une obstruction du canon (terre, eau,
morceau de flanelette mais même restes de brosse de nettoyage, ou projectile resté bloqué dans
l’âme lors du tir précédent). Seulement un petit pourcentage d’accident peut être attribué à une
autre cause ; habituellement le verrou.

Gabriel Kempeneers | KW
Figure 2 - Un dommage massif mais sans conséquence irréversible pour l'arme, le verrou est fendu de haut en bas

Le M16, et ses dérivés M4 et AR-15, montrent un pattern similaire de destruction lors d’une
surpression massive. La conception de ces armes mêmes prête une attention particulière à la
protection de l’utilisateur ; bien au-delà de ce que considère l’utilisateur lambda. L’US Army et les
autres branches du DoD US ne révèlent pas de blessures graves lors de ces incidents ; ce qui est un
résultat remarquable s’il est comparé aux armes précédemment en service (lesquels connurent des
accidents conduisant à des blessures graves, des amputations ou des décès).

Surpression :

Lorsqu’une cartouche est mise à feu, la pression à l’intérieur de celle-ci va atteindre une moyenne
de 3500 Bar, mais peut monter jusqu’à bien plus, avoisinant les 4000 Bar. Une cartouche
défectueuse, ou un canon obstrué, causera une augmentation de la pression à un niveau encore
bien plus élevé. Cet évènement va survenir en bien moins d’une milliseconde.

Une fois l’allumage de la poudre réalisé, l’intérieur de la douille se pressurise avec une relative
uniformité. Les parois de la douille vont prendre appui sur celles de la chambre, tandis que la douille
va simultanément s’allonger jusqu’à prendre contact avec la cuvette de tir, soumettant ainsi le
verrou à une rapide montée en pression.

Gabriel Kempeneers | KW
Une déchirure de l’étui permet à ces gaz à très haute pression de s’échapper dans l’annexe de
canon, où ils vont entrer au contact du verrou et de sa glissière. Pendant leur expansion, ces gaz
trouvent un volume bien plus important sur lesquels s’exercer que lorsqu’ils restent confinés dans
l’étui. Cela place des contraintes extrêmement importantes sur le verrou et la glissière.

Figure 3 - Le résultat d'une surpression massive ; avec le verrou fissuré, l'extracteur arraché et la glissière éclatée

Les gaz vont plier l’extracteur, forçant celui-ci vers l’extérieur et le bloquant derrière le tenon de
verrouillage correspondant dans l’annexe de canon ; effectivement bloquant l’arme en position
verrouillée. Dans quelques rares cas, les plus extrêmes, l’annexe de canon peut se fendre.

Les gaz impacteront la cuvette de tir. L’énergie déposée dans le verrou va alors prendre différentes
formes. Les dommages suivants peuvent être découvert et, très rarement, se retrouver dans le
même verrou :

1. Le verrou peut se fissurer, dans une fissure courant du logement de l’extracteur jusqu’à la
lumière du percuteur, pouvant même se prolonger au-delà, jusqu’au logement de l’éjecteur.
2. Les tenons de verrouillage peuvent être cisaillés, provoquant l’ouverture brutale du verrou
(ce qui constitue le scénario le plus dangereux)
3. Le verrou peut se briser au niveau du passage de la came de manœuvre et/ou casser la
queue du verrou, qui est la partie la plus fine de ce dernier (en fonction de l’ajustage du
percuteur et de son orifice de passage).

Les gaz, continuant leur expansion, passent autour du verrou et pénètrent dans la glissière. Celle-ci
peut être fissurée à son passage le plus fin, celui situé à 06hr00, et surmontant le chargeur. Un
morceau de la glissière peut s’arracher, et être propulsé dans le chargeur.

En passant dans le chargeur, les gaz compressent les cartouches vers le fond, jusqu’à la rupture du
corps de chargeur. Selon sa construction, seul le fond peut céder, libérant ainsi son ressort, la

Gabriel Kempeneers | KW
planchette élévatrice et, enfin, la pile de cartouches. Dans d’autres cas, le corps du chargeur peut
éclater et/ou provoquer le gonflement du boitier inférieur, déformant définitivement le puit-
chargeur.

Figure 4 - Le résultat d'une surpression "modérée" : l'extracteur est déformé vers l'extérieur et une partie de l'étui est
toujours collé dans la chambre

Les gaz vont également pouvoir s’échapper par le dessus de la glissière, remplissant l’espace entre
cette dernière et le boitier supérieur. A cet instant, la partie supérieure du boitier peut se déchirer
du boitier mais un morceau du boitier peut également être arraché et projeté au loin. Dans de très
rares cas, le filetage du boitier peut se rompre, en fonction de l’ajustage de l’annexe du canon avec
le boitier.

Gabriel Kempeneers | KW
Figure 5 - Le résultat d'une surpression massive : l'étui est déchiré, le culot déformé et la marque du logement de
l'extracteur est visible (source : Recoilweb)

Au démontage, l’étui (s’il existe encore ou, du moins, ce qu’il reste) montrera une ou des déchirures.
L’étui peut également s’être déformé pour se confondre avec les logements de l’extracteur et de
l’éjecteur. Généralement, des résidus de vapeur de cuivre donnent une couleur jaune/bronze aux
différentes pièces internes de l’arme.

Figure 6 - Après une surpression (.300AACBlk dans 5.56), on peut voir les résidus jaunâtres sur les pièces de l'arme et,
également, un morceau de glissière manquant (source de l'image : LFD Research)

Gabriel Kempeneers | KW
Bris du verrou :

Il arrive qu’un verrou défectueux ou simplement usé se brise. La distinction entre un bris dû à une
munition défectueuse et un verrou fatigué est parfois difficile sans une analyse minutieuse.

Il faut distinguer deux types de bris du verrou :

Le bris de la queue du verrou :

Le bris de la queue du verrou est un classique bris


dû à une fatigue liée à une vitesse de
fonctionnement trop rapide et/ou à une trempe
excessive. Ces ruptures sont propres et sans
conséquences pour l’utilisateur récréatif ; hormis
un enrayage frustrant. Sur la majorité des verrous,
un tel bris, sur un système d’emprunt de gaz
Carbine (ou plus court), va intervenir quelque part
en 4500 et 9500cps, en fonction de l’arme, de la
munition, de la métallurgie et de l’ajustage des
différents composants. Mais avec des composants
défectueux, une rupture peut intervenir très tôt,
après à peine quelques milliers de coups.

Figure 7 - Le classique bris de la queue du verrou

Le bris des tenons de verrouillage :

Les tenons tendent à se briser en permanence selon


le même procédé, avec le tenon le plus proche de
l’extracteur se fissurant avant de, finalement, se
casser. Puis, le tenon situé de l’autre côté de
l’extracteur connaîtra le même sort. Par la suite, les
tenons situés à l’opposé se fissureront et cèderont à
leur tour. Avec un verrou de qualité militaire (à ne
pas confondre avec le « standard militaire » : les
verrous civils varient en qualité par rapport aux
verrous militaires, pour le meilleur comme pour le
pire). Habituellement, des centaines de tirs pourront
être effectué entre l’apparition d’une fissure autour
d’un tenon de verrouillage et sa rupture complète.
Figure 8 - Un verrou AR-15 avec un tenon de Des tirs ont également été effectués sans risque
verrouillage brisé
avec deux tenons complètement manquants.

Lorsque l’explosion de l’arme est causée par la fatigue du verrou, les gaz provenant du tir peuvent
s’échapper de l’étui déchiré mais à un niveau bien moindre que dans le cas d’une surpression.

Gabriel Kempeneers | KW
Néanmoins, dès l’apparition d’une fissure autour d’un tenon de verrouillage, le tir doit être
suspendu avec l’arme en question jusqu’au remplacement du verrou.

Gabriel Kempeneers | KW

Vous aimerez peut-être aussi