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Le vilain de Bailleul

Si un fabliau peut être vrai,


Alors, il est arrivé ce que vivait mon maitre
A Bailleul vivait un paysan qui,
Il labourait les champs de blé et les terres
Ni changeur, ni usurier,
Un jour, à l'heure de midi,
Il s'en revint très affamé à la maison.
Il était grand et étonnant,
Et difforme, il avait une sale tête.
Sa femme ne se souciait pas de lui
Car il était sot et hideux.
Et elle aimait le chapelain,
Elle et lui s’étaient mis d’accord
Pour passer la journée ensembles
Le jour entre lui et le prêtre
Tout était déjà préparé,
Le vin était dans le baril
Elle avait fait cuir un chaperon
Et le gateau je pense bien,
Etait couvert d’une serviette
Arrive le vilain qui baille
Et de faim et de lassitude
Elle court lui ouvrir la porte
Sans se réjouir de sa venue
C’était l’autre bien entendu qu’elle eu préféré recevoir
Elle lui dit pour le tromper
En femme qui du fond du cœur souhaitait qu’il vu enterré
« Sire, fait-elle, que dieu veuille me bénir
Que vous êtes pâle et défait :
Vous reste que les os et la peau !
- Erme dit-il, je meurs de faim
Fait-il, a-t-on fait bouillir le maton ?
- Oui vous mourrez j’en suis certaine
Vous n’entendrez rien de plus vrai :
Couchez-vous vite car vous mourrez
Pauvre de moi, quelle infortune
Après vous peu me chaud de vivre
Puisque vous allez me quitter
Sire, vous vous en allez
Vous allez bientôt rendre l’âme
- Vous vous moquez de moi dame Erme ?
J’entends bien vos vaches cris :
Je n’ai pas envie de mourir
Et pourrait certes vivre encore
- Sire, la mort vous enivre
Tant vous épuise et vous accable
Qu’il ne reste de vous qu’une ombre :
Elle va vous gagner le cœur !
- Et bien couchez moi, belle sœur
Fait-il puisque je suis perdu. »
Elle s’évertue de son mieux
A le leurrer par ses mensonges
Et dans un coin elle lui prépare
Un lit fait de paille et de cosse
Et des draps de chanvre ;
Puis elle le déshabille, le couche ;
Lui ferme les yeux et la bouche.
Puis le laisse (é)choir (advenir) sur son corps :
« Frère, dit-elle, tu es mort :
Que dieu ait pitié de ton âme !
Que deviendra ta pauvre femme
Qui pour toi mourra de douleur ? »
Le vilain git sous le drap de lit,
Il est convaincu d’être mort.
Celle-ci s’en va trouver le prêtre,
Qui en grand nombre fut intelligente et XX ;
Pour lui parler de son vilain
Et lui raconter sa sottise
L’un et l’autre sont forts heureux
Qu’il en soit ainsi advenu
Voici qu’ils reviennent ensemble
S’entretenant de leur plaisir
Quand le prêtre a franchi la porte,
Il se met à lire des psaumes,
Et la femme se bat les paumes.
Mais si dame Erme est celle à feindre (qui manque de courage),
Avant d’en arriver aux larmes
Elle se lasse et elle abandonne
Et le prêtre écourte ses prières
A quoi bon recommander l’âme !
Il prend la dame par la main,
D’une part l’emmène dans un autre coin ;
Il la défait et la déshabille.
Sur un lit de paille fraichement battue
Tous deux prennent leurs ébats
Elle dessous et lui dessus
Le vilain couvert du drap,
Qui garde les yeux ouverts,
Ne peut ignorer le manège.
Il voit bien la paille remuer
Et le chaperon s’agiter
Il le reconnait, c’est le prêtre
« Aie aie dit le vilain
Au prêtre, affreux fils de putain
Certes, si je n’étais pas mort,
Vous auriez fort à regretter de vous être pris à elle
Nulle n’aurait été mieux corrigé que vous le seriez, sire prêtre !
- Ainsi, fait-il, c’est possible !
Sachez, si vous fûtes encore vivant,
XX Viennent un grand nombre d’envies
Votre corps aurait-il son âme
Je serai venu à regret puisque vous être mort
Je puis bien agir à mon aise
Tenez-vous cois, fermez les yeux
Vous ne devez plus les ouvrir »
Le vilain cloue ses paupières
Recommence à se taire
Quant au prêtre il eut son plaisir
Sans inquiétude et sans soucis

Mais je ne puis vous affirmer


Si le lendemain au matin ;
Mais le fabliau dit à la fin
Qu’on doit tenir pour fou celui
Qui croit mieux sa femme que lui !

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