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Chapitre 1
Vingt heures. Je prépare machinalement la salade parisienne préférée des garçons. Le cœur n’y
est pas. Il va falloir que je sois forte pour affronter ce que le destin va m’infliger, va leur infliger
plutôt. Les souvenirs me reviennent tels des boomerangs, emplis de rancœur, de honte, de déni
La porte d’entrée claque, les deux garçons entrent en commentant leur séance de boxe à
— Arrête de comparer Steph avec Vincent ! Tu vois bien qu’ils n’ont pas du tout la même
technique ! Steph était beaucoup plus percutant ! Il a toujours des filons pour esquiver son
adversaire ! Et il nous a bien aidé à progresser. Vincent lui est plus scolaire. On dirait qu’il a
appris à boxer dans les livres ! s’exclame Max, faisant référence à leurs entraineurs respectifs.
— Eh bien moi je trouve qu’ils se ressemblent. Ils ont tous les deux un jeu de jambes terrible…
rétorque Edouard.
Je regarde mes deux fils se déchausser dans le couloir. Comment leur annoncer ? Je n’arrive
pas à imaginer leur réaction face à une telle révélation, qui va, c’est sûr, complétement
La nuit tombe sur la petite ville de Collioure, et sur ma vie. Je mets la table dehors, sur la
grosses lanternes blanches sur la table en teck créant ainsi l’esprit déco bord de mer que
j’affectionne tant. J’ai mal à l’âme : cette sensation de malaise extrême que je connais depuis
des années, mêlant la douleur physique à celle morale. C’est atroce ! L’envie subite de tout
envoyer valser et de partir loin pour échapper au pire, m’obsède. Mais non, il faut rester,
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assumer, rembourser ma dette de vie. Des années que j’essaie de me racheter et apparemment
— Mam, viens t’asseoir ! Profite un peu de tes vacances et de cette belle soirée ! s’exclame
Max.
— Merci Mam, toujours à nos petits soins, et hum… que c’est cool de boire un coca après un
tel match !
Je m’installe et regarde mes enfants se servir. Je les dévisage presque, comme si j’allais leur
faire mes adieux. J’observe leurs mèches rebelles s’entremêler dans la brise légère. Si
Je me place face au jardin, un véritable plaisir pour les yeux, un moment d’évasion évoqué par
des palmiers nains, des hibiscus, des magnolias, toutes ces plantations véhiculant des sensations
d’exotisme et de détente que j’ai mis des années à arranger. Mon jardin est ma valeur refuge,
mon bouton « off » lorsque je me sens stressée, fatiguée, ou quand je me sens intérieurement
seule. La nuit tombante rend cet endroit mystérieux. Les ombres dansent, les bambous
frémissent en cœur. Parfois, j’aperçois des personnages fugaces, voguant au gré de mes pensées,
revêtant tantôt un visage flou à l’expression joyeuse, tantôt un visage emblématique torturé.
— Rien, rien, un peu de fatigue. Je ne pense pas faire long feu. Comment s’est passée votre
journée ?
— On s’est éclatés ! s’exclame Max. Tu sais, on est allés voir Armand dans sa nouvelle maison.
Je t’avais dit que ses parents ont acheté une villa en bord de mer, dans la rue Colignon. Et
aujourd’hui, ils avaient les clés pour prendre les cotes des pièces.
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Armand nous a contacté, on était en rando. Ça lui a pris comme ça. Il avait tellement envie de
La maison est superbe, tu te croirais dans la villa de « Basic instinct » avec ses grandes baies
donnant sur la mer. On va en faire des soirées là-bas ! Ça promet ! Et devine !! Dans le jardin
se cache une belle piscine en forme de lagon, tu sais, comme dans les pubs de déco ! Il voulait
Tu verrais cette maison ! Elle est baignée de lumière et ils ont un accès direct à la mer. Ils ont
— Oui, on la devine lorsqu’on passe dans la sente mais elle est tellement cachée avec les pins
qu’on ne voit rien. Elle doit être sublime. Mais tu sais les murs, c’est une chose ; le bonheur en
est une autre… alors contentons-nous de ce que nous avons. Nous aussi on est bien. Une maison,
un jardin, et vous avez chacun votre chambre, c’est quand même beaucoup déjà.
Max avait toujours voulu plus, plus qu’elle, plus qu’Edouard, plus que tout le monde. Il avait
cet esprit de compétition qui le poussait à gagner et bien entendu, l’échec en horreur. Ce n’était
pas simple de le contenir ! Quand Max désirait quelque chose, il l’obtenait ! Et les rares échecs
qu’il avait pu essuyer l’avaient rendu agressif, puis l’avaient endurci pour en faire un jeune
homme déterminé dans ses choix. C’était un battant, mais aussi un dur au cœur tendre et entier.
Il était capable du pire comme du meilleur, et c’est bien ce qui m’inquiétait. Je savais que ses
La boxe lui convenait complètement, ce sport lui permettait d’évacuer le trop plein d’énergie
tout en respectant les règles. A dix-neuf ans, il s’était forgé « une gueule » et un corps de
combattant, musclé, charpenté mais aussi abimé. Il avait le nez du boxeur, mais, il lui allait
bien. C’était un personnage, Max. Il ne laissait personne indifférent. Il émanait de lui une telle
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Quand il donnait son amitié, c’était en bloc ; et si un ami le trahissait, il était banni à vie. Il était
— Bon je crois que je vais aller me coucher, les garçons, je suis exténuée. Demain sera un autre
— Merci de gérer les garçons, quel soulagement de pouvoir compter sur vous.
S’occuper de jumeaux n’avait pas toujours été rose, plutôt un chemin long et sinueux, mais
j’avais toujours tenu le coup, même dans les pires moments. Ma détermination à réussir mon
devoir de mère, mon courage et ma force de caractère étaient les composants majeurs de ma
réussite, car, aujourd’hui, ils étaient devenus des hommes de valeur à mes yeux. Petit, Max lui
en m’avait fait voir de toutes les couleurs, surtout du rouge. A l’école, il se battait comme un
chiffonnier, répondait à ses professeurs Il avait été terrible, m’infligeant des nuits blanches,
ponctuées de larmes. Puis peu à peu, avec un mélange de patience de fermeté et de dialogue, il
commençait à s’assagir. Il faut dire qu’il était convoqué par le directeur au moins trois fois par
an avec, à la clé, des retenues. Max avait même eu une mise à pied de trois jours parce qu’il
avait refusé de faire un devoir d’anglais. Prétextant qu’il avait trop de devoirs, il avait fait
Je me souviens de cette période avec tristesse, ma vie à l’époque n’était que conflits.
délaissé durant ces années tumultueuses, mais l’énergie déployée pour essayer de raisonner
Max étant considérable, je m’étais reposée sur le fait qu’Edouard comprenait la situation, et
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Oui, élever des jumeaux est compliqué. Mais, aujourd’hui je semble être sortie de l’impasse.
Enfin…
J’entre dans la salle de bains pour mon rituel de la nuit : un profond démaquillage avec de
l’huile de jojoba bio, suivi d’un passage à l’eau micellaire. La douceur des soins sur ma peau
me procure un intense moment de détente, à chaque fois. J’ai récemment acheté une crème
détox régénérante aux algues vertes qui s’utilise deux fois par semaine. J’applique ensuite ma
crème de nuit, à base d’huile d’argousier et de fleurs exotiques. Cette crème est un vrai régal
pour ma peau. Je regarde dans le miroir blanc où les ombres de la nuit jouent de leurs plus beaux
reflets, comme pour faire une danse nocturne aux mille visages. Le temps, pour l’instant, ne
semble pas avoir d’emprise sur moi, malgré la cinquantaine. Seules, quelques fines ridules
courent sur mon front. J’ai toujours pris soin de moi. C’est plus que nécessaire : une fois par
semaine, je m’offre un moment à moi : une heure de marche par exemple, un soin détox, un
hammam, un bain de mer… loin des obligations, des soucis, loin du monde. Ces moments de
lâcher prise m’ont permis de tenir le coup, cela semble insignifiant, mais pour moi, c’est
beaucoup. En massant mon visage, je trouve que mes traits sont tirés et ses yeux verts dorés,
cernés. Rien d’étonnant. Dans les jours qui suivent, je vais devoir annoncer la dure nouvelle,
une nouvelle avec des points d’interrogations, des nuits blanches, des larmes, des espoirs aussi
peut-être. Il faut que je trouve le bon moment pour parler aux garçons, ce week-end
certainement. Le vendredi soir, ils ne sortent que rarement. Ils vont pratiquer la boxe et rentrent
Tous les deux sont en deuxième année de fac de droit à Perpignan, et le sport, c’est leur bouffée
d’oxygène.
Moi, Elise, leur mère, je vais peut-être devenir une étrangère à leurs yeux.
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Je brosse mes longs cheveux bruns, longuement, en essayant de penser à autre chose, mais les
Je vais retrouver mes fils restés sur la terrasse pour leur dire au revoir, il est vingt-deux heures.
Les garçons ont déplacé la télévision dehors pour l’occasion. Le début de la mi-temps est bien
amorcé et ils sont plongés dans leurs transats, à spéculer sur l’équipe qui remportera la partie.
— Quelle chaleur encore ce soir. Je vous tire ma révérence, demain, je serai en bonne forme
— Super, Mam, tu vas pouvoir te ressourcer, c’est bien mérité ! Que dirais-tu d’aller faire une
balade demain matin en bord de mer ? Ça fait un bail qu’on ne s’est pas promené tous les trois.
— Oui !! clame Edouard, comme avant, on a perdu l’habitude. Demain on va marcher au gré
du vent !
Eh bien, voilà ! Comme un signe du destin, c’était écrit ! Demain, je parlerais aux garçons. Il
le fallait.
Je m’engouffre dans mon lit, lessivée, inquiète. La nuit est tombée, les étoiles au travers des
rideaux en lin blanc laissent passer la lumière. L’ambivalence de la nuit oscille entre angoisse
et tranquillité.
Je me retourne sans cesse dans mon lit à la recherche du sommeil perdu, et je finis par
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— Mam !! lève-toi !!! s’écrie Max en tirant brutalement les rideaux. Ton premier jour de
— Neuf heures. J’ai préparé ton petit dej sous la véranda, comme un bon fils que je suis !
J’enfile ma robe de chambre crème, et passe dans la salle de bains pour me rafraichir. Je rejoins
ensuite la véranda qui baigne dans la lumière. La chaleur commence déjà à arriver.
— Je vais te chercher ton café, dit Max d’un ton enjoué, Edouard est sous la douche, impatient
— Bonjour, bien dormi ? demande t’elle en lui plaquant un bisou sur la joue.
— Très bien, Mam, j’ai une humeur de ouf. Viens vite, on y va.
J’enfile un jogging rose avec ses baskets assorties, attache mes cheveux à la va vite, et retrouve
Nous traversons le minuscule bout de terrain devant la maison. Je ferme la grille bleue
provençale, et nous commençons à arpenter les petites rues, gorgées de soleil. Le trajet jusqu’à
la mer est assez long, cinq kilomètres environ, juste parfait pour une bonne balade en famille et
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Arrivés à mi-chemin, et prenant mon courage à deux mains, je m’avance vers un banc en pierre,
— Venez les garçons, on s’arrête. J’ai quelque chose d’important à vous dire. Mes mains
tremblent, je tiens fermement mon sac à dos devant moi, comme pour me protéger d’impacts.
Mes yeux se remplissent de larmes trop longtemps contenues, et se mettent à couler, mouillant
La terre semble se dérober sous mes pieds ; alors, je m’assois, l’expression du désespoir au fond
Edouard et Max s’installent près de moi, le regard soudain apeuré ; ils comprennent
— Qu’est ce qui se passe, Mam ? C’est grave ? Tu nous fais peur !! Parle !!
— Oui, Mam, tu es malade ? Qu’est -ce qu’il y a ? renchérit Edouard, les traits soudainement
tendus.
— Je dois vous dire quelque chose...quelque chose…de très important. J’espère que vous ne
m’en voudrez pas. Si jusqu’à maintenant, je n’ai pas voulu vous en parler, c’était pour vous
protéger, mais des événements sont venus perturber mes intentions. Voilà, j’ai une maladie
génétique.
— Il y a trois mois environ, ma gynéco m’a fait passer une échographie, et a décelé un petit
kyste. Elle a fait faire des analyses complémentaires ; et il s’avère que ce kyste est un début de
cancer de l’ovaire. Mais, surtout, pas d’inquiétude. J’ai été prise à temps. Lorsque je vous avais
dit il y a un mois que je passais six jours de vacances en Espagne avec ma collègue Patricia,
c’était un mensonge. En fait, je me suis faite opérée ; et l’opération s’est très bien passée.
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— Ouff !!! Tu m’as fait peur !!! cria Max, pourquoi tu ne nous as parlé de rien ?
— J’avais peur pour tout à vrai dire, peur de vous inquiéter. Quand votre grand-mère a été
hospitalisée suite à ses problèmes cardiaques, elle se plaignait aussi d’avoir des douleurs dans
le bas ventre. Ils devaient faire des examens, mais n’ont pas eu le temps car elle est morte avant.
Mon gynécologue pense qu’elle développait aussi cette maladie, sans le savoir.
Mes larmes coulaient. Le souvenir de la perte de ma mère d’une crise cardiaque il y a cinq ans
— Quand j’ai expliqué cela à ma gynéco qui a découvert le petit kyste, elle a décidé de me faire
faire une pléthore d’examens et il s’avère que j’ai le gène de cette maladie, apparemment
transmise de génération en génération. Cependant, elle peut sauter des générations. On est
encore en recherche sur cette maladie génétique et ses conséquences, d’après ce qu’elle m’a dit.
En tous les cas, je suis porteuse du gène ce qui veut dire que je peux le transmettre si j’avais
une fille.
L’atmosphère devient soudainement pesante, le temps s’est arrêté. Je sens mes jambes trembler,
et je me sens blémir.
Max prend mes mains dans les siennes, ses yeux cherchent la réponse dans mes yeux, noyés
par les larmes incontrôlables qui s’écoulent doucement le long de mes joues.
— Tu nous fais peur ! Dis-nous ce qui se passe !! ordonne Edouard, d’habitude très posé.
— Une sœur ??? mais c’est quoi cette histoire ! Tu divagues ou quoi ?? s’exclame Max, le
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Max s’agenouille face à moi, et me regarde droit dans les yeux.
Son regard se teinte de noir, comme lors des mauvais jours, les jours où on ne veut pas sortir
de son lit pour ne pas affronter le quotidien, les jours de peine et de déception.
Je pose alors mes mains sur sa tête comme pour le protéger d’un mauvais sort, puis je prends la
Je me rends compte à quel point j’ai de la chance d’avoir mes deux garçons, ils sont formidables,
Bien sûr, ils ont aussi des faiblesses et des défauts, mais cela les rend encore plus humains, plus
— C’est une longue histoire. Une histoire dont je ne suis pas fière. J’y pense souvent, tous les
Des images, des visages, affluent dans ma tête. Je me sens transportée dans mon corps de jeune
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Chapitre 2
Année 1987. J’ai dix-huit ans et je suis en terminale scientifique. J’ai rencontré un garçon. Il
s’appelle Clément.
Il est beau et plein d’humour, un beau brun sympa ! Enfin bien sûr, je ne vois que ses qualités.
Il s’intéresse beaucoup à moi, et je me sens gênée lorsque je croise ses regards en cours.
Il va venir à la soirée d’anniversaire organisée par Garance, ma meilleure amie. Je suis folle
de joie d’y aller, pour une fois que mon père accepte de me lâcher la bride. Il est strict ! Les
études pour lui, c’est primordial et il faut faire des pieds et des mains pour aller à une fête
d’anniversaire. Je pense que son caractère dur vient de son enfance, c’est sa carapace. Mais
dans le fond, je sais qu’il a du cœur. Son père était très strict aussi et sa mère effacée ; ça
laisse des marques. Il a reproduit les comportements de son père, un homme macho, bourru,
qui ne supportait pas le non. Il ne parlait que rarement de ses parents, que je n’ai pas connus,
Maman est bien souvent de connivence avec moi pour m’aider à obtenir les fameuses
autorisations de sorties; elle use de stratagèmes, montre mes bonnes notes à papa…c’est
comme un rituel. Bien souvent, il commence par dire non, puis, sous la pression féminine,
Maman a toujours gain de cause quand même. Je reste tranquillement dans ma chambre en
attendant le verdict. Elle frappe alors à ma porte : trois fois, c’est notre code pour Oui. Deux
Les fois où c’est non, j’en pleure des heures, tout ça parce que mes notes ont baissé en anglais
ou dans une autre matière. Je suis alors révoltée mais jamais je ne me rebelle contre mon père
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car je sais que la sentence pourrait être encore plus dure. Cette méthode de la carotte
Papa, c’est le patriarche par excellence, avec un cœur d’or bien caché. Il aime montrer qu’il
commande ; mais, au final, c’était plutôt maman. Ce qui est sûr, c’est que j’ai peur de son
regard et surtout, je ne veux pas le décevoir, lui qui s’est toujours battu pour avoir ce qu’il a :
une petite maison au soleil ; et « pas n’importe quel soleil » -comme il dit- « celui de Collioure !
Clément et moi commençons à nous fréquenter sérieusement. Mes parents ne sont pas au
courant. Nous nous voyons en cachette. Maman me laisse de temps en temps aller chez tante
Catherine le samedi quand elle va aider papa au magasin. Et j’ai mis Catherine au courant.
C’est difficile pour moi de lui parler de ma relation, mais je pense qu’elle l’a déjà devinée. Je
magazines de mode.
Elle est mon principal soutien et ma complice Je n’ose en parler à maman de peur qu’elle ne
prévienne papa.
Je sors l’après-midi dans Collioure. Avec Clément, nous nous donnons rendez-vous la semaine.
A chaque fois, un endroit différent pour ne pas nous faire repérer. Et au bout de quelques mois,
J’ai mis Garance au courant. Elle aussi, entretient une relation sérieuse avec un autre garçon
de la classe, José. On se dit tout, avec la fougue de la jeunesse et les rêves de l’innocence.
Quelques mois après, début juin, je commence à me sentir mal. J’ai des douleurs intenses à la
poitrine.
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Je suis sur le point de passer mon bac, je commence à être très stressée. J’en parle à maman.
Le docteur m’ausculte, puis me pose certaines questions. Il me tend une ordonnance pour faire
Le lendemain en fin d’après-midi, je passe au labo avec maman chercher mes résultats. Ma
Toutes les deux assises, pendues à ses lèvres, le docteur lit les résultats.
— Bon Elise, reste bien assise. Voilà. Je ne vais pas passer par quatre chemins : Elise, tu es
enceinte…
Mes jambes se dérobent, je blêmis, mes mains tremblent, ma gorge se serre. C’est un
cauchemar.
— Mais docteur, comment est–ce possible ?? Elise n’a pas de petit ami, il doit y avoir erreur.
— Eh bien, à moins que ce ne soit l’œuvre du Saint -Esprit mais Elise est bien enceinte et il va
falloir passer une échographie en urgence. Je ne peux dater la grossesse comme tu es encore
inconsciemment de voir qu’elles sont enceintes. Leur déni psychique est extrême si bien que le
Il arrive aussi que le bébé se cache, comme s’il se faisait tout petit, la maman prenant peu ou
pas de poids. Certaines femmes accouchent alors qu’elles ne savent pas qu’elles sont
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enceintes ! Elles sont surprises par de violentes contractions jusqu’à l’accouchement. Les cas
— Non merci, dis-je fermement, encore sous le choc de la nouvelle. Et selon vous, je suis
enceinte de combien ?
— Comme tu es toujours réglée, ce sera approximatif. Je te fais une lettre pour passer une
— Bien, je les préviens. Vas-y pour seize heures. Je vais dire que c’est une urgence.
— A demain.
Lorsque nous sortons, j’ai l’impression que le ciel me tombe sur la tête. Maman et moi sommes
proches, mais pour cette histoire de cœur, j’ai décidé de garder le secret à cause des possibles
réactions de papa. Et je suis loin de m’imaginer que cette aventure puisse prendre cette
tournure.
— Peut-être parce que j’ai craint que tu en parles à papa. Tu sais, je sens qu’il me met toujours
la pression pour les études et, je suis sûre, que si je lui disais, il me pousserait à bout pour que
— Le samedi après-midi quand je vais me balader. C’était là qu’on se retrouve, mais tante
Catherine n’est pas au courant, - dis-je en mentant. Au début, ce n’était qu’une amourette, et
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puis, ça a commencé à devenir sérieux. Et un jour, on a eu un rapport. Je n’ai pas envie d’en
parler plus et de rentrer dans les détails. Pourtant, il se protège…alors je ne comprends pas ce
— Pour l’instant, on ne lui en parle pas ! Attendons de savoir s’il est possible de faire quelque
chose. Si tu ne veux pas de cet enfant, je comprends. Je sais que tu es perdue, mais je sais aussi
que tu as les pieds sur terre, et que tu ne garderas pas un enfant si tu te sens incapable de t’en
occuper.
Maman me prend dans ses bras. Une éternité qu’elle ne l’avait pas fait. Elle a toujours la tête
dans le guidon, occupée à aider mon père dans sa petite épicerie, entre aide à la vente,
Elle doit sentir mon profond désespoir, ma sincère détresse. Je suis soudain prise d’une grosse
jusqu’à un banc, sur la place des oliviers. Je mets une demi-heure à me remettre. Je suis lessivée
et tétanisée.
Péniblement, nous rentrons à la maison. Notre angoisse est palpable mais mon père ne
s’aperçoit de rien, tellement occupé à passer ses commandes auprès de ses fournisseurs et à
terminer ses dossiers urgents. Il s’est enfermé dans son bureau pour la soirée, et nous a
demandé de ne pas l’attendre pour dîner. Impossible pour moi de manger, maman n’insiste
Je pars me coucher, épuisée. A trois heures du matin, je ne dors toujours pas. Je finis par
trouver le sommeil au petit matin quand le réveil sonne. Non, ce n’était pas un cauchemar mais
la triste réalité.
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La journée passe péniblement. L’attente est terrifiante, d’autant plus que nous étions à quinze
jours du bac. Il fallait que je réussisse, absolument, car j’avais décidé de faire l’équivalent d’un
Bachelor immobilier dans une école privée à Perpignan, afin de gérer une agence immobilière
sur Collioure.
Bien sûr, mon père aurait préféré que je reprenne la petite épicerie à Collioure. Mais, j’avais
toujours eu la passion pour les bâtisses. Mon avenir était déjà décidé depuis longtemps.
Nous voici arrivées devant l’hôpital, il est seize heures. Très peu d’attente, heureusement. Le
Maman est assise près de moi et c’est tout juste si je ne lui ai pas pris la main pour me rassurer.
En m’allongeant sur le lit médical, j’ai l’impression que le plafond va tomber sur moi. Je suis
tétanisée, ahurie.
Qu’est-ce-que je fais là ?
— Bon, Mademoiselle Bousquet, j’ai eu connaissance hier de votre dossier par le docteur Vidal
Le docteur me fait relever mon tee-shirt, dévoilant mon bas ventre. Oui, il était un peu gonflé,
mais en fait, avec le stress du bac approchant, je dévorais. Des révisions intenses avec des
J’avais pris du tour de taille. J’étais ronde mais pas grosse. Je ne m’étais pas pesée depuis un
moment, et je ne voulais juste pas me peser. J’avais la tête ailleurs, entre les études et mon
amour de jeunesse.
Je ne portais jamais de pantalons, j’adorais les robes. J’étais plus enrobée qu’au début de
l’année scolaire, mais quand même ! La dernière fois que je me suis pesée date de mars je
pense. Effectivement j’avais pris six kilos, mais bon, je gardais toujours mon visage fin, et je
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Le docteur m’ausculte, me palpe le ventre sans un mot, puis commence l’échographie. Pas de
douleurs. Son visage commence à s’obscurcir. Il reste silencieux un moment. Puis, d’une voix
enrouée :
— Mademoiselle, je suis content que vous soyez allongée. Ce que je vais vous dire va vous
choquer, alors je ne vais pas garder le suspens plus longtemps : voilà, vous êtes bien enceinte
J’ai failli m’évanouir ! La chaleur en moi monte, monte, telle une onde de choc. Ma vision
— Mais c’est impossible !!! non, ce n’est pas vrai !! Maman se leve ébahie et choquée.
— Si ! Madame. On va dire un mois maximum. Je ne peux pas être précis car je ne connais la
date de conception. Par contre, ce dont je suis sûr c’est que le bébé a déjà une bonne taille. Il
s’est caché. Vous faites un déni de grossesse, Mademoiselle. J’en suis désolé. Je vois que ce
n’est pas une bonne nouvelle pour vous. Il va falloir vous faire suivre psychologiquement et
prendre rendez-vous avec l’hôpital au service gynécologie car je vais vous prescrire d’autres
examens et prises de sang. Je comprends votre désarroi. Surtout si vous ne souhaitiez pas avoir
Prenez le temps de la réflexion et surtout, essayez de vous poser. Ne prenez aucune décision à
la hâte que vous pourriez regretter. La venue d’un enfant est, à mon sens, ce qu’il y a de plus
précieux. Mais si l’enfant n’est pas voulu, cela peut devenir une terrible contrainte qui
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— Docteur, dis-je en pleurant. Ça…ça…n’est pas possible !!!! Non docteur, je ne VEUX PAS
Je m’écroule sous le poids des larmes, je suis terrifiée, pétrifiée, choquée. Je haïs ce bébé qui
arrive au moment où j’allais construire ma vie, vivre ma vie, poursuivre mes études, mes
projets. J’ai envie de m’évanouir, et qu’on me retire cet enfant que je n’ai pas envie de
connaitre. Je pense aussi à la réaction de mon père. Il serait furieux ! peut-être qu’il me mettrait
à la rue aussi…lui qui avait fait un enfant pour faire plaisir à ma mère, qui l’avait tanné durant
— C’est impossible, Mademoiselle ; si vous ne voulez plus de cet enfant. Il n’est plus possible
de l’enlever. Vous avez largement dépassé la date pour qu’un avortement soit possible. La seule
issue est un accouchement sous X. Mais je vous mets en garde : ce sera très dur
psychologiquement pour vous, votre famille et pour l’enfant qui grandira avec ce lourd secret.
Prenez le temps de la réflexion. Peut-être que vous verrez les choses différemment après. Même
si cet enfant n’était pas prévu, c’est un être humain. Réfléchissez, s’il vous plait.
— Mon père va me tuer !!! Et je vous le répète, je ne veux pas de cet enfant, que ce soit
aujourd’hui, demain ou dans cinq ans !! C’est non, et NON !!!Enlevez-le-moi s’il vous plait.
Aidez- moi, faites quelque chose !! Je ne ferai pas d’autres examens, je veux juste qu’on le
retire.
— Je vous fixe un autre rendez-vous pour demain en urgence avec le service. Vous en discuterez
avec une collègue, le docteur Béatrice Vadali, qui a déjà eu affaire à des cas similaires au
vôtre.
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Le docteur consulte le planning de sa collègue, et place d’emblée un rendez-vous pour le
lendemain seize heures, le service gardant des plages horaires disponibles pour pourvoir
— Essayez de vous calmer. Madame, voyez si vous pouvez communiquer clairement avec votre
fille. C’est un choc, je le sais, mais rien n’est immuable dans la vie. Revenez demain, je prendrai
En attendant, si vous avez besoin de quoique ce soit, vous pouvez me joindre. Il griffonna son
— Voici, c’est mon numéro direct. Prenez-le, je reste à votre disposition pour vous aider.
— Merci docteur. Je suis sous le choc, je n’y crois toujours pas. Ma fille est très choquée, et
nous allons devoir être fortes pour ce qui nous attend. Je connais bien ma fille, elle ne veut pas
de cet enfant, c’est sûr. Elle a toujours dit qu’elle n’en n’aurait pas et je sais que quand elle
décide quelque chose, même sous la colère, même sous la tristesse ou autre, elle ne change
jamais d’avis. Pour ma part, je ne veux pas aller contre son avis. Je veux que ma fille reste
cette jeune femme épanouie, enjouée et pleine de projets que je connais. Sa santé mentale est
en jeu…bien sûr, c’est une lourde décision !!!elle ne se prend pas à la légère, mais sachez,
docteur, que nous avons toutes les deux la tête sur les épaules. Nous ne sommes pas des femmes
écervelées. Nous avons aussi du cœur, mais là, c’est juste impossible !!! vous comprenez ? il
JAMAIS !
— Ne vous énervez pas. Vous êtes encore sous le coup de l’émotion. J’ai compris ce que vous
me dites. Vous ne voulez pas de cet enfant, mais, en tant que médecin, je me dois de vous mettre
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en garde et vous faire réfléchir aux conséquences de vos actes, car après, il sera trop tard. Se
séparer d’un enfant n’est pas une décision que l’on prend à la légère. Ceci entraînera des
répercussions tout au long de votre vie. Des répercussions psychologiques que vous n’imaginez
même pas. Des études ont été faites sur le sujet, des études sérieuses. Certaines personnes ne
se remettent jamais de cette décision d’abandonner un enfant. Car il s’agit bien là d’un
abandon. Après, je ne dois pas vous influencer sur votre choix. Mon rôle n’est pas là. Je dois
cependant vous préparer et vous mettre en garde sur ce qui vous attend au cas où vous
— Oui, docteur, merci, mais ma décision est prise avant même d’avoir eu à la prendre.
— Au revoir, mesdames.
Maman semble vieillie, d’un seul coup. Moi, je n’ai même plus de jambes. Je suis comme dans
un état second, mi consciente, mi –comateuse, comme si mon esprit et mon corps voulaient nier
— J’ai quelque chose à te dire. Viens, on va au bord de la mer, ce sera mieux pour discuter.
— Monte, on y va.
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Chapitre 3
Ça y est ! Le ciel est tombé sur nos têtes. C’était la fin de ma vie, la fin de mes rêves et le début
des ténèbres.
Je sens mon cœur chavirer, des frissons parcourent mon corps qui subit un véritable raz de
Je perds connaissance dans la voiture, là, près de ma mère, qui tente de me réanimer,
Environ un quart d’heure après, elle parvient à me faire reprendre connaissance. Elle prend
une bouteille d’eau et me mouille le visage. Elle fini par me donner des claques, ce qui me fait
Elle s’apprête à contacter les secours, mais sentant ma respiration, elle tente tout pour essayer
de me faire revenir.
Soudain, la réalité enfouie ressurgit pour me sauter au visage, telle une vague coléreuse contre
les rochers.
peur !
Elles commencent à rire. C’est bien la première fois depuis un moment. Les clins d’œil de la
vie peuvent ressurgir, même dans les moments les plus tragiques. C’est ce qui nous rend
humains et vivants.
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—Non, non, vas-y ! Je te dis que je me sens mieux. Et tu ne peux pas m’annoncer pire, non ?
Si ?
— Non, je ne crois pas. Ce que j’ai à te dire, c’est que hooo ! tu dois t’en douter, c’est que ton
père ne se remettra pas d’apprendre cette vérité. Tu sais à quel point il est compliqué. Et de
savoir que sa fille chérie attend un enfant, il ne connait même pas ton ami. Je crains que ça
l’achève, avec sa santé fragile. J’ai peur de sa réaction ! et je ne sais pas si on peut lui cacher
tout ça !
— Si ! On peut ! Si mon accouchement arrive à tenir jusque début juillet. Le docteur a parlé
d’un mois. On avait convenu que je passe une partie des vacances avec tante Catherine. On
— Oui, je suis certaine. Maman, même si je suis jeune, je ne veux pas d’enfant. Je n’en ai jamais
voulu et je ne me sens pas capable de m’en occuper. Je viens de démarrer dans la vie, ce garçon
c’est mon premier amour, vraiment, mais je ne veux pas me caser avant d’avoir vécu. J’espère
que tu comprends ? D’ailleurs, j’ai l’impression de ne plus l’aimer, comme s’il m’avait volé
mon avenir.
— Je ne peux aller contre ta décision, même si elle me pose un cas de conscience ! C’est dur,
Elise, c’est tellement dur. Pourquoi on nous inflige ça, alors que tout allait bien ?
Je veux que tu réfléchisses encore ce soir, même si ta décision est sûre. Tu ne devras pas
regretter ensuite.
Nous sommes deux à nous battre et à vivre ça. Je reste à tes côtés quel qu’en soit l’issue.
— Maman, pour moi c’est très dur de penser à abandonner un enfant. Mais l’inverse sera
encore plus dur, et je crains la réaction de papa. Je suis majeure mais son avis compte
beaucoup et je sais qu’il ne me soutiendra pas dans cette voie. Son principal souci est que je
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sois bien installée dans la vie. Il a eu du mal, il s’est accroché et a fini par réussir, à force de
courage.
Vous vous êtes sacrifiés pour mes études, pour que je n’ai pas à vivre ce que vous avez vécu :
Les fins de mois difficiles, les petits plaisirs de la vie, les vacances passées à restaurer la maison
avec peu de moyens. Enfin, tout cela, papa ne voulait pas que je le vive. Après, il est très dur
Si j’accouche sous X, le bébé pourra être placé. Il pourra vivre et aura surement une belle vie
— Oui, mais je ne connais pas exactement la procédure. Tant qu’on n’est pas concerné, on ne
J’ai hâte que tout ça soit terminé. Dire que je ne me suis aperçue de rien, c’est quand même
fou.
Je vais casser avec Paul. Je suis trop dégoûtée et je ne veux pas qu’il sache. J’ai assez de soucis
comme ça. Je vais le prévenir vite, je n’en peux plus de cette histoire de fous. J’ai mon bac à
— Comme tu veux. On va rentrer avant qu’il ne soit trop tard. On va prétexter ton rendez-vous
médical pour tes maux de tête et tes nausées dues à ton stress du moment. Il y avait du monde
— Oui.
Je jette un œil à travers la vitre pour apercevoir la mer le long de la baie. Mais le ciel, bien
assombri ne laisse rien percevoir. Une journée dans la nuit, et ce n’était pas fini.
Heureusement, papa ne se rend compte de rien. Il n’est pas encore rentré, trop affairé à
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Il réorganise l’épicerie pour faire face à cette arrivée massive. Parfois, il ne prévenait pas
maman quand il rentrait tard, il ne voyait pas le temps passer. Heureusement que maman avait
Le repas est triste, chacune dans ses pensées. On ne parle plus, on ne fait que réfléchir à la
Je passe la nuit à penser, me retournant sans cesse. L’heure ne passe pas, mais les pensées,
Cette nuit blanche marque à jamais ma vie de jeune femme. Elle représente la nuit qu’aucune
Le lendemain, tout me semble interminable. Je dois passer mon bac dans quinze jours. Jamais
Cet être que je porte en moi, que je n’ai jamais désiré et qui arrive là, au moment où je suis en
pleine construction de ma vie de femme. Il s’est bien caché, dans l’ombre de mes entrailles. Je
ne me suis aperçue de rien, rien ! Pas une nausée, pas de mal de ventre, règles, je suis anéantie.
Parfois, la vie nous réserve des surprises. Parfois, nous ne voulons pas les accueillir comme
des surprises mais comme des malédictions parce qu’elles tombent mal, parce qu’on n’est pas
prête à les recevoir. Et aussi parce qu’elles vont changer le cours de la vie qu’on avait dessiné.
J’avais l’intention de parler à Clément le lendemain, de le quitter. Je le détestai déjà pour tout
ça !
A seize heures exactement, nous attendons dans la salle d’attente. J’avais prétexté un gros mal
de tête à ma prof principale du Lycée, qui avec une autorisation de sortie, m’avait libérée.
La porte du docteur Vadali était bleue. Mes yeux étaient rivés dessus. Maman est bien sûr près
de moi. Mon pilier, mon soutien dans cette épreuve. Je voulais me confier aussi à Garance mais
pour le moment, j’étais tellement choquée, que je devais moi-même accuser le coup avant de
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La porte s’ouvre, découvrant le visage souriant du docteur et des yeux pétillants de malice.
— Merci.
— Mon collègue m’a fait part de votre situation, et je comprends votre désarroi. Vous êtes sur
— Je dois passer mon bac dans une semaine, dis-je en me mettant à pleurer.
— Eh bien, je pense que ça peut tenir jusque-là. Nous pensons à un délai de trois semaines
Je sais que le problème lié à votre grossesse est votre priorité, et que les émotions liées à ce
déni explosent aujourd’hui mais mon rôle est de vous expliquer ce qui va se passer maintenant.
— Non !
— Vous en êtes certaine ? Car votre décision sera définitive. A partir de votre accouchement,
vous aurez deux mois pour revenir sur votre décision de laisser votre enfant ou pas. Si vous
souhaitez accoucher sous X, l’enfant au-delà de ces deux mois sera placé en pouponnière puis
Il est assez courant qu’avec le choc de ce type d’accouchement non souhaité, les femmes
rejettent souvent leur enfant. Mais attention, cela peut être passager, c’est pourquoi la loi leur
accorde deux mois pour revenir sur leur décision. En clair, vous avez deux mois pour vous
— Je veux juste savoir si vous avez bien réfléchi ! C’est un être humain.
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— Oui, je ne suis pas une inconsciente. Juste une jeune femme qui ne peut pas accepter cette
— On va faire au mieux pour le bébé et pour vous. Vous allez accoucher, et on va le prendre
en charge après.
— D’accord. Le service va vous fournir tous les documents relatifs à cette procédure. Je vais
vous les faire préparer. Tout y est expliqué dans les moindres détails. Et surtout, n’hésitez pas
à me contacter pour toutes questions. Donnez votre nom au secrétariat et je vous recontacterai.
— Bien, vivement que ça soit terminé. J’ai l’impression de vivre un véritable cauchemar.
— Je vais vous prescrire quelques examens, prises de sang, contrôles, etc.… Si vous voulez
passer dans la salle à côté, je vais appeler l’infirmière qui va s’occuper de vous.
Le temps a passé très péniblement. J’ai passé les examens, tous normaux. Puis, j’ai passé mon
bac que j’ai eu haut la main mais j’étais complétement démoralisée. Je n’ai même pas esquissé
J’oubliais de préciser aussi que j’avais largué Clément le lendemain de ma visite chez le
docteur. Il n’a rien compris. Je lui ai tout simplement dit que je n’éprouvais rien. Par la suite,
il se trainait au lycée, semblait anéanti, me lançait des regards furtifs que j’ignorais. Je le
tenais pour responsable de cette situation. A ma manière, lui faire porter le chapeau me rendait
D’ailleurs, après ce rendez- vous où j’ai vraiment pris conscience que j’étais enceinte, je me
suis renfermée sur moi-même. Moi qui étais d’habitude enjouée et vive, je suis devenue l’ombre
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de moi-même. Je mangeais très peu, mes nuits étaient ponctuées de cauchemars, je parlais
rarement, plus rien ne m’intéressait. J’avais parlé aussi à Garance. Elle était du même avis
que moi, elle n’aurait pas supporté cette situation et aurait suivi le même chemin.
Heureusement, papa ne se doutait de rien. La saison touristique avait débuté et il était débordé,
J’ai vécu les pires moments de mon existence. Quand je suis arrivée chez tante Catherine,
j’étais soulagée. Enfin, je pouvais me cacher, et dissimuler cette honte qui m’envahissait. Rien
J’étais dans un déni de grossesse dans toute sa splendeur. Ajouté à cela la menace
psychologique de papa, et la pression scolaire. On va dire dans des termes actuels que j’avais
pété un câble.
Le quinze juillet vers midi, je perds les eaux. J’étais en train de déjeuner avec Catherine. Elle
m’a tout de suite emmenée aux urgences. J’avais averti maman. Elle a prétexté une invitation
en soirée par son frère Baptiste et sa femme qui vivent à Perpignan. Il lui arrive fréquemment
d’aller les voir, ce qui n’a pas étonné papa. Heureusement, encore une fois, en pleine période
touristique, le travail ne manquait pas. Maman avait prévenu qu’elle dormirait sur place. Tout
Pour ma part, j’étais censée être en Espagne, à Madrid exactement, dans une petite villa soi-
De l’autre côté, ce fût la descente aux enfers. Arrivée à l’hôpital avec ma tante, je suis tout de
suite prise en charge. Le docteur connaissait bien mon dossier, elle avait laissé des consignes.
Elle me rejoint dans ma chambre, vérifie mon col qui était bien ouvert, et me rassure.
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La douleur, les contractions m’envahissent. Rien ne compte plus que cette douleur qui me fait
perdre tous mes moyens. J’hurle, alors on m’administre un léger calmant mais il n’est pas
question de péridurale pour moi, mon col est presque complétement ouvert et la naissance
imminente.
L’équipe me transporte dans la salle d’opération ; maman, qui était venue nous rejoindre,
pleure. Elle me tient la main lorsque je suis allongée sur le brancard qui m’amène vers la
délivrance.
Elle me dit qu’elle m’aime et qu’il faut que je sois forte. Et que tout se passera bien.
Oui. Tout se passerait bien. C’était complétement ridicule de penser ça. Je me suis mise à haïr
ce monde, ces gens, cette vie, tout ! Je me disais : plus jamais d’enfants, plus jamais de ma vie
Les contractions se sont faites de plus en plus fortes et rapprochées sous les encouragements
de l’infirmière qui me caresse la tête en me disant : « Allez, allez, vous y êtes presque ! ».
On l’enlève de suite. Moi, je reprends mes esprits avec difficultés. Je suis broyée, hachée,
Elle revient avec la petite qui venait de pleurer et la pose cinq minutes sur moi. Un sentiment
étrange et inconnu me transperce. Elle est si petite, si belle, si… Ses mains minuscules sont
recroquevillées comme si elles étaient encore dans le cocon protecteur de mon ventre.
Je reçois, d’un seul coup, un coup de poignard dans le cœur et un dans mon âme. Je suis
soudain prise de remords. Mais ma raison est la plus forte. J’imagine repartir avec cet enfant.
Et là ! je crois que mon père en aurait fait une crise cardiaque. Il ne savait rien. Il n’aurait pas
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supporté et je crois que de colère, il aurait pu me jeter à la rue, même si ma mère avait tenté
de me protéger. Les pensées défilent comme des voitures de courses sur un rallye, et je me suis
dit, que cette enfant trouverait une famille, que le temps agirait pour panser mes blessures
morales, et que dorénavant, je faisais une croix sur une vie future en couple. Ce n’est pas fait
pour moi. J’avais beau me dire ça, les pensées contraires m’envahissaient. Une torture.
Je peux voir la petite qui est placée en couveuse. Elle doit reprendre du poids car il est inférieur
à la normale.
Sa couveuse plastifiée représente ces barricades psychologiques entre elle et moi, celles que
j’ai posées.
Ce petit être minuscule se bat pour la vie, elle sait déjà ! Elle s’est faite très petite en moi, d’où
son faible poids. Elle veut passer inaperçue, elle sait que je n’en voudrais pas. Je me mets à
Maman est aussi allée la voir, et à en voir ses yeux rougis, je pense qu’elle avait dû beaucoup
Puis, j’ai signé tous les documents nécessaires à la procédure d’accouchement sous X. Des
tonnes de papiers.
J’ai souhaité lui donner un prénom et un nom. J’ai donc donné trois prénoms, et selon la
procédure existante, le dernier prénom serait utilisé comme nom de famille. J’ai donc donné
Juliette, le prénom de maman, Catherine celui de ma tante et Camille qui deviendra son nom
de famille.
Juliette Camille. Juliette Camille. Juliette Camille. Ces noms raisonnent dans ma tête comme
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Puis, je me suis imaginée, pour me protéger des mauvaises pensées, qu’elle tomberait dans les
bras de personnes bienveillantes, qui ne pouvaient pas avoir d’enfants, qui l’adopteraient et
Je me suis forgée une carapace, un truc fait dans un matériau qui résiste à tout, même au pire.
J’ai encore deux mois pour me désister, deux longs mois durant lesquels je peux revenir sur
mon choix.
Mais je suis toujours dans l’optique de rester sur ma décision. Il m’est impossible de revenir à
Et, je veux clore définitivement cette histoire, comme s’il était possible de l’effacer, d’un revers
de main. Je suis très jeune et encore immature et surtout, je viens de subir des chocs d’une
Dans la procédure, on peut laisser une lettre explicative à l’enfant pour lui expliquer
l’abandon, si bien sûr on souhaite le faire. Je l’ai fait. Sans rentrer dans les détails, je lui ai dit
Je reviens chez Catherine pour le reste des vacances. Elle a aménagé un chalet dans le jardin
depuis plusieurs années, qui lui sert de chambre d’amis. Franchement, c’est le paradis pour
Ayant eu mon bac, papa me cède tout. Tellement content. Ce chalet est mon jardin secret. Mais
cet été-là, je ne veux voir personne sauf Garance et maman. Papa doit penser que je profitais
En fait, je fais une dépression. Ma tante a pris rendez-vous pour moi chez un psychologue. J’y
vais plusieurs fois mais j’ai l’impression que c’est inutile. J’ai eu droit aussi à un
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antidépresseur prescrit par mon docteur. Avec Garance, on fait de longues balades près de la
côte ou dans les terres. Elle semble aussi malheureuse que moi. Nous sommes très proches.
Je pense sans cesse à ce petit être que j’ai mis au monde. J’essaye de me représenter la scène
avec une infirmière lui donnant le biberon, la câlinant, la consolant quand elle pleure. Je suis
torturée.
J’ai prévu de poursuivre mes études dans le domaine de l’immobilier. J’ai toujours été attirée
par ça. Avant de passer mon bac, j’avais fait mes vœux pour une école de formation à
La sélection se fait sur dossiers après résultats du bac. Ayant obtenu une moyenne de 15.75 au
C’est maman qui m’a prévenue. Enfin une lumière au bout du tunnel même si elle semble
dérisoire comparé à la teneur de ces derniers événements. Il est temps que je rentre à la maison.
Nous avons tout prévu avec maman. Je logerai chez mon oncle et ma tante pendant quelques
mois, le temps de voir si cette filière était la bonne pour moi et également par soucis
d’économies car nous n’avions pas les moyens de louer un appartement en sachant que
l’organisme de formation coûtait cher. Je sais que mon père se sacrifiait pour ça. Le revenu
qu’il dégageait suffisait juste à nous faire vivre décemment. Il n’avait jamais voulu que maman
travaille à l’extérieur. Elle devait juste l’aider au magasin il était débordé. Il disait
toujours : « tant que nous pouvons vivre décemment avec mes revenus, on en profite. Même si
vous n’avez pas tout ce que vous désirez, vous avez une chose importante, plus importante que
Il disait vrai. Je me souviens que cette période était agréable. Maman m’amenait à mes
activités : danse, dessin etc.… et m’accordait du temps. Je pense que ces moments passés en
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Elle nous préparait aussi beaucoup de petits plats. Elle ne le faisait pas par obligation, mais
par plaisir. Elle aidait aussi papa à gérer l’épicerie. Nous formions une famille unie et
heureuse. Le seul gros point noir : obéir et aller dans le sens de mon père.
Par moment, j’avais l’impression qu’il était le seigneur. Et autour, ses apôtres.
L’obéissance, le respect, étaient ses conditions. Rompre une seule des deux, et c’en était fini. Il
aurait pu jeter mes affaires dehors et me mettre à la rue. Ses colères étaient mémorables. Je les
redoutais. Maman aussi, donc, on évitait tout ce qui fâche, on détournait, on mentait parfois.
On voulait avoir la paix et on savait que se battre contre ça était perdu d’avance. Vous diriez
Je rentre donc à la maison. Mon corps s’est un peu affiné, mais, rien ne transparait. Papa ne
Il est toujours très occupé en cette période estivale : « c’est là qu’il faisait son beurre » comme
La rentrée est prévue mi-septembre dans cette école privée nommée UPVI, spécialisée dans le
droit des biens et l’immobilier. Les candidats sont nombreux à vouloir y entrer. Les meilleurs
ont été sélectionnés, non pas seulement sur les résultats obtenus au bac, mais aussi et surtout
sur leur motivation à faire carrière dans l’immobilier. J’avais d’ailleurs eu un entretien au
préalable, où j’avais exprimé toute ma motivation, en citant l’exemple de mon père, qui étant
parti de rien, avait réussi à se faire « une place au soleil ». Je crois que ça a bien contribué à
ma sélection.
Si tout allait bien, le diplôme obtenu serait un Bachelor responsable d’affaires immobilières.
Je sentais que ce défi allait m’aider à surmonter l’épreuve que je venais de vivre et également
à obtenir ma liberté tant rêvée. Ce Bachelor me permettrait alors d’ouvrir une agence. C’était
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On court souvent après nos rêves : par moment, ils nous offrent des passerelles et c’est à nous
de les traverser.
La rentrée arrive, comme une bouffée d’oxygène, mêlée de soif d’apprendre, de stress, et
d’engouement. Un véritable raz de marée émotionnel m’a envahie. Je pense que ce nouveau
départ m’a permis de rebondir, et de me sortir de l’impasse. Enfin un autre sujet de réflexion
Je suis hébergée chez Baptiste, mon oncle et Céline, sa femme. C’est eux qui me l’ont proposé.
Ils ont un joli mas de style provençal à la sortie de Perpignan. Un mas comme je les aime,
bordé d’oliviers avec toutes les senteurs des fleurs que ma tante aimait voir évoluer. Cactus,
superbe » comme disait ma tante. Ces effluves sont ancrés dans mon âme. Le jardin est
relativement petit, dans les 800 m2, et heureusement, vue l’énergie que déployait Céline pour
le rendre attrayant. Elle fait même des croisements d’orchidées, cherchant à créer de nouvelles
couleurs, mais elle a finalement laissé tomber : trop de travail, trop de patience et de difficultés.
Baptiste a aménagé une chambre pour moi dans une pièce qui servait à la base de débarras.
Une jolie chambre que Céline a décorée avec goût dans des tons beige et blanc et repeinte avec
une peinture à la chaux d’un blanc immaculé. Ils n’ont pas lésiné sur les dépenses. Je vais
dormir dans des draps en voile de lin beige et Céline a acheté une belle commode en bois brut,
une psyché et un tapis de jute blanchi finement tressé. Des rideaux en lin blanc laissent passer
la lumière comme un voile, presque irréel. Quelques objets de déco, dont un grand vase en
le tout.
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Ils veulent que je me sente bien. Ils me considèrent comme leur fille. Ils n’ont jamais eu
d’enfants. Ils ont essayé, mais en vain. Rien à faire. Céline, au lieu d’en faire une fixation, s’est
résignée, mon oncle aussi. Ils n’ont jamais voulu aller plus loin, faire des examens, se faire
traiter peut-être, ou même adopter. Ils ont préféré abandonner l’idée. En fait, je pense qu’ils
n’en n’ont jamais beaucoup souffert. En tous cas, ça ne se ressentait pas dans leurs
comme secrétaire. Ils avaient tous les deux un très bon niveau de vie qui leur permettait de
Je pense que ma vocation de travailler dans l’immobilier- car pour moi, c’est une véritable
Baptiste a également l’amour des vieilles pierres, celles qui gardent en elles l’empreinte et
l’âme de leurs propriétaires. Ces maisons vivent, j’en suis certaine. On ressent comme une
Quand je rentre des cours, je retrouve sur mon bureau de petites attentions : posés sur un
plateau, un sachet de thé différent chaque jour, un cookie maison et tous les jours, un bouquet
de fleurs. Je prends le thé, puis, en général, je vais me ressourcer dans le jardin sur un transat.
Je ferme les yeux et je respire les parfums de la vie qui s’ouvre à moi.
— Non, dites-lui que c’est Elise Bousquet qui cherche à la joindre et c’est personnel.
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Merci, répondis-je d’une voix éteinte.
— Oui, bonjour. Docteur, je sais que l’échéance est imminente pour ce que vous savez.
— Bien, dans ce cas, nous allons prendre des décisions pour elle, dit-elle d’un ton assez sec,
Je pense que si elle avait été ma mère, elle aurait raccroché de déception. Bien sûr, de par sa
fonction, elle ne devait rien montrer. Mais sa rancune transpirait. Je pense qu’elle avait espéré
J’avais retourné la question mainte et mainte fois et à chaque fois, je revenais à mon premier
— Elle va bien, elle a récupéré son retard de poids et elle est sortie de couveuse il y a trois
— Nous attendions le dernier moment pour prendre certaines dispositions, dans l’attente de
votre réponse ferme et définitive, si on peut parler de ça comme ça. Nous allons attendre le
délai réglementaire dans une semaine puis, cette petite sera bientôt sous la responsabilité des
services départementaux qui la placeront dans une famille d’accueil en vue d’une adoption. Ce
Comme vous avez voulu préserver votre anonymat à vie, ce sera chose faite. La petite ne saura
Voilà, je reste à votre disposition si vous avez besoin de parler. Cependant, bientôt, cette petite
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Quant à moi et aux deux infirmières qui vous ont accompagnées lors de votre accouchement,
nous sommes tenues par le secret professionnel. Donc, rien ne sortira de cet hôpital.
— D’accord, merci docteur. Je garde vos coordonnées au cas où, et je vous remercie pour tout.
— Au revoir, docteur.
Voilà, le dernier chapitre était clos. J’avoue qu’une semaine après, j’étais tourmentée. Je
pensais à cette enfant et à son devenir. Est-ce qu’elle aura une famille aimante ? Est-ce que
malgré son passé douloureux, elle pourra s’épanouir ? Tant de questions qui resteront à jamais
sans réponses.
Bien sûr, je n’avais rien dit à Baptiste et Céline. Ce secret resterait à jamais enfoui en moi.
Seules, maman, Garance et Tante Catherine étaient au courant. Et elles se gardaient bien de
m’en parler. C’était tabou. Mais c’est sûr que ça devait les hanter. Le temps effacerait la
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Chapitre 4
Max s’emporte :
— Comment as-tu pu nous mentir pendant toutes ces années ? Sur un sujet aussi grave ?
— Je voulais vous protéger de cette vérité. J’étais très jeune, dix-huit ans, et sous influence de
Papi qui n’aurait pas supporté ça. J’ai rencontré un garçon au lycée, j’ai fait un déni de grossesse
jusqu’à mon accouchement, on va dire. J’ai laissé tomber mon copain à la suite de ça. Il n’a
jamais été au courant de rien. Cet enfant, je ne pouvais pas le garder. J’étais choquée, anéantie,
vous comprenez. Et papi m’aurait mise à la rue, mamie n’aurait rien pu faire. Donc, j’ai fait le
choix d’accoucher sous X, sans laisser d’adresse. Je me suis dit que cette petite Juliette pourrait
être adoptée dès sa naissance. J’étais en tous les cas, incapable de m’en occuper. Mamie et tante
Catherine étaient les seules à savoir. Elles ont respecté mon choix et j’ai pu accoucher dans le
— Je sais que si tu l’as fait, c’était parce que tu n’avais pas le choix où plutôt que ce choix était
forcé. Tu as du cœur. Tu t’es toujours bien occupée de nous. Et c’est vrai que papi n’est pas
facile. Et je crois qu’il faut se remettre aussi dans le contexte de l’époque. Tu es notre mère, et
nous t’aimons. Franchement, je suis déçu et même choqué d’apprendre ça. Mais le mal est fait
maintenant, et ça s’est passé il y a tellement d’années. On ne peut pas revenir sur le passé. Il va
— Tu ne sauras jamais ce qu’elle est devenue ? Et elle ne saura jamais qui nous sommes ?
— Non, c’est bien le problème. Car il faudrait que je la retrouve. Sa santé en dépend. D’après
ce que m’a dit le docteur, il faut anticiper et faire une ovariectomie, c’est-à-dire, retirer les
ovaires car si la maladie se déclare, elle peut la tuer et rapidement. En plus à son âge, on ne
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surveille pas forcément son corps comme à mon âge. Et elle ne peut pas savoir que sa génétique
va très probablement lui jouer des tours. Le docteur pense que les probabilités de l’avoir sont
de 80%.
— Si je calcule bien, nous sommes en 2018 donc elle aurait trente et un ans, non ? intervient
Edouard.
— Oui, c’est ça. Trente et un ans ! Qui sait, elle a peut-être déjà des enfants ? se demande Max.
Max se lève soudainement et met un coup de poing contre l’olivier. Puis se retourne vers moi :
— Mam, on doit la retrouver !!! On ne peut pas la laisser comme ça avec cette épée
vraiment la poisse. Cette sœur je ne la connais pas, mais je sais que son sang est le nôtre, et je
Je reconnais bien alors les signes du trop-plein dans le comportement de Max. Entier, écorché
vif. Il a du mal à se contenir parfois. Il s’était amélioré, la vie lui ayant donné des leçons de
patience, mais, lorsque les émotions étaient trop fortes, il fallait qu’il se décharge. La douleur
— Calme toi ! Répond Edouard en se levant- y’en a marre ! Ça ne servira à rien d’abattre cet
olivier !
Ils ont tous trois, à cet instant, un fou rire ! Un fou rire qui évacue les tensions, qui ramène les
— On s’en va les garçons, ça fait plus de deux heures qu’on est là. J’ai encore des choses à
vous dire mais on va aller manger. J’ai besoin de faire une pause et vous aussi.
— Je n’ai pas faim, j’ai juste envie de prendre la voiture et d’aller à sa recherche, dit Max sur
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— Non, on va manger, Mam a encore des choses à nous dire, et pour l’instant on n’a aucune
— J’ai pris ma carte dans mon sac à dos, on va dans le centre. On va chez Le Mathilda si vous
Nous prenons un chemin escarpé, un raccourci bien connu des habitants locaux, qui permet
d’accéder au centre rapidement sans être importuné par les voitures. La chaleur devient intense,
pas un souffle de vent, le ciel semble figé à jamais dans ce bleu presque irréel. Nous
arrivons devant Le Mathilda vers treize heures. Il y a encore de la place en terrasse. A cette
heure, les touristes préfèrent la clim de l’intérieur. Nous avons nos habitudes dans ce petit
restaurant où nous nous rendons souvent le week-end. La terrasse ombragée par les
oliviers est très cosy, avec ses tables en rotin tressé. Marco, le patron, vient les accueillir avec
— Bonjour les amis ! Installez-vous ! Alors, ça y est, les vacances ? C’est bien ce que j’ai cru
Je m’installe sur un fauteuil confortable avec des coussins délavés par le soleil.
— Oui, enfin !
— Toute la famille est épuisée, répond Max en serrant une poignée de main chaleureuse à
Marco. J’aurais préféré être à Ibiza mais... rester à Collioure, ça n’est pas le bagne non plus !
— Ha ça non ! ce n’est pas moi qui dirais le contraire ! ajoute Marco en riant. On a tout, la
beauté des lieux, une mer calme et limpide, et surtout les meilleurs tapas au monde !
Je prends la carte que je connais par cœur, pour commander toujours la même chose :
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— Oui, comme d’habitude, renchérit Max. Je n’ai pas trop faim, mais je vais faire exception
— Ok, alors je vous apporte ça, avec des bières comme d’habitude et un coca pour toi, Elise ?
— Mam, dis- nous la suite de ton histoire s’il te plait ! suggère Max en voyant s’éloigner
Marco.
— Je ne crois pas que ce soit le meilleur endroit pour en parler. Ici, les murs ont des oreilles et
— Pour moi aussi, répond Edouard, d’ailleurs j’ai un mal de tête qui débute. Tu as du
doliprane ?
— Oui, j’en prends toujours au cas où. Va demander un verre d’eau à Marco s’il te plait.
Edouard se lève, et en s’éloignant, je remarque à quel point il s’est transformé. C’est un homme
à présent. Elancé, brun, les yeux noisette et une allure folle. Sa douceur, son tempérament posé
même dans les pires moments, contrastent avec la fougue et l’extrême sensibilité de Max. Deux
frères, deux caractères et deux physiques différents mais tellement attachants tous les deux. Ils
sont assez fusionnels malgré leurs différences. Ils se partagent aussi les mêmes amis, les mêmes
Je sors de mes pensées, alors que Marco apporte des gambas et des petits pains à la sauce aïoli,
des bières pour les garçons et un coca frais pour moi. Edouard le suit avec un son verre d’eau.
Tout serait tellement agréable si les récents événements de la vie n’étaient pas venus compliquer
ce carpe diem.
Je me demande qu’elle serait leur réaction si un jour, ils se retrouvaient face à face avec leur
sœur. Ce sera un choc pour tous les trois, c’est certain. Comment va-t-elle réagir ? A quoi
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Tant d’interrogations ! Même si j’appréhende de possibles retrouvailles, ma volonté de la
prévenir est plus forte. Ce serait non-assistance à personne en danger si je ne la sauvais pas de
quasi certaines complications de santé. Je l’ai abandonnée une fois. Il est hors de question que
je récidive, je ne le supporterais pas. Et les garçons non plus. Alors, la question est maintenant
Le temps a passé, et maintenant, le temps la rattrape, comme si les erreurs de la vie remontaient
à la surface pour transmettre un message, comme une bouteille à la mer : allez, maintenant
répare ! Répare ce qui a été cassé, même si ce n’est pas parfait. Même s’il y a des brèches, tu
J’avais effectué des recherches après ma visite chez le docteur, en cherchant le nom de Juliette
Camille d’abord sur l’annuaire puis plus tard, sur les pages blanches d’internet. Mais pas de
Juliette Camille. Introuvable. Peut-être est-elle sur liste rouge, à l’étranger, mariée ? Je
n’ai jamais cherché avant, par peur, par honte, par lâcheté, par déni. Il fût un temps aussi, après
avoir eu les garçons, où j’avais l’impression de ne jamais avoir eu de fille, comme si je m’étais
persuadée qu’elle n’avait jamais existé. Mais, les années passant, le souvenir avait ressurgi,
d’abord lointain puis, de plus en plus vivace. Et voici qu’il m’explose au visage. Maintenant,
c’est à moi de faire le pas, d’agir, de dévoiler mon identité. C’est comme un signe du destin qui
dit : maintenant, c’est le moment ! Je te donne un signe, c’est toi qui trouves le chemin pour
Je relève la tête. Pas un bruit à table, les garçons semblent perdus dans leurs pensées, ils
mangent dans le calme presque dans la communion. Des notes de musique s’échappent du
restaurant, une mélodie gitane, probablement du Manitas de Plata. Avec un peu d’imagination,
on pourrait se croire transporté sur une plage le soir, entre amis, avec un feu de camp, des
chansons tziganes, le bruit des vagues et la chaleur encore présente d’une nuit d’été. Et c’est là
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qu’on pourrait refaire le monde. Mais non, aujourd’hui, c’est le début d’une histoire mystérieuse
Nous terminons notre crème brulée dans le silence. A l’intérieur du restaurant, le brouhaha des
touristes nous indiffère. Eux qui d’habitude discutent de tout, semblent s’enfoncer dans un
— Hé ! les amis ! qu’est ce qui se passe ? Vous êtes particulièrement calmes aujourd’hui !
— Vous allez pouvoir vous reposer ! et me revenir en pleine forme la prochaine fois, j’espère.
— Ok, pas de soucis. Voici la note. Je vous offre les crèmes aujourd’hui, pour le premier jour
des vacances.
— Merci Marco.
— A bientôt Marco.
Nous prenons le même chemin qu’à l’arrivée, repassent devant l’olivier qui en a vu de toutes
La chaleur est devenue trop étouffante mais vivre dehors l’été, c’est une habitude pour nous. Je
baisse le store automatique sur le salon de jardin. Les plantes, les arbres, la pelouse sont déjà
quasi grillées, semblent souffrir de cette chaleur. Les garçons vont chercher eau fraiche et
glaçons dans la cuisine et moi, une bassine. Les garçons me versent l’eau et les glaçons et
je pose mes pieds dans l’eau glacée. C’est pour moi le meilleur moyen de me rafraîchir. Les
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garçons le savent bien. Ils connaissent tout ou presque de mes petites habitudes. Pas besoin que
je leur demande. Après dix minutes de ce traitement de choc, je me sens mieux et je vais
m’installer dans le transat en teck avec ses coussins de lin brut. Les garçons me suivent
et s’installent dans leurs transats, près de moi. L’heure est au dialogue. Je sens que les choses
qui vont être dévoilées ce soir vont avoir un impact certain sur leur mental.
Je le sais, je respire fort et ferme les yeux un instant comme pour conjurer le sort. Puis, je
me lance :
— Je dois tout vous expliquer pour que vous compreniez bien ce qui se passait dans ma tête et
— Mam, tu as toujours été évasive sur ton passé, sur notre père et notre famille, ajoute Max.
Dès qu’on te posait une question sur ton passé, tu semblais si contrariée qu’on était coupés net !
— Tu te souviens Mam, un jour je me suis même fâché quand j’ai voulu te questionner sur
notre père. Nous annoncer qu’il était parti avec une autre avant notre naissance, ce n’est pas un
peu léger ? C’est vrai ? Maintenant, avec toute cette histoire, je doute de tout, même de ça. Tu
es capable de quoi encore pour nous protéger ? Jusqu’où es-tu capable d’aller ? Franchement,
Mam, tu ne crois pas que ça suffit, qu’il faut lever les masques ? Car là, j’ai l’impression d’être
le fruit d’un mensonge. Je ne sais plus où j’en suis, où nous en sommes tous.
— C’est vrai, Mam, dis-nous la vérité maintenant, nous sommes des hommes, on ne veut pas
être protégés, on veut savoir, et si tu nous avais dit la vérité depuis longtemps, on n’en serait
sûrement pas là, à nous poser des questions existentielles et à nous morfondre tous les trois.
— J’ai volontairement masqué des choses, des faits et des actes pour vous prémunir.
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Chapitre 5
Après avoir rendu ma décision ferme et définitive, je me jette à corps perdu dans mes études.
Je suis passionnée. Assorti à cela, un environnement plus que favorable, j’ai tous les
ingrédients pour réussir. Le week-end, je vais retrouver les parents. Papa est fier de moi, de
mon parcours, de la vie qui allait me sourire. Jamais il ne m’a posé de questions sur un
hypothétique petit ami, jamais. Il m’a juste dit une fois : prends ton temps. Si un jour tu veux
rencontrer l’âme sœur, réfléchis bien. Tu as tout ton temps, ne te précipite pas. Fais carrière,
stabilise-toi, aie ton chez toi, ne dépends de personne, car, dans la vie on ne sait jamais. Et je
ne supporterai pas que tu tombes sur un homme qui ne te vaut pas, où que tu sois dépendante
de lui. C’est pour ça, choisis un homme comme on choisit un avenir. Ne te laisse pas choisir !
c’est toi qui as toutes les cartes en main : belle, intelligente, indépendante. Ne laisse jamais
Garde toujours la tête haute, quoiqu’il arrive et surtout soi le seul et unique maître de tes choix
C’est la seule et unique fois où il m’a parlé de ça. Ses mots résonnent dans ma tête, comme des
leçons apprises par cœur. Je crois avoir suivi les croyances et les vérités de mon père, comme
une gentille petite fille qui ne désobéit pas. J’avais besoin de son approbation. Je ne la
A l’école où je suis ma formation, j’ai du succès. Il faut dire que le milieu était particulièrement
J’ai un petit cercle d’amis : José, Olivier, Hugues et Jeanne. Notre amitié s’est forgée autour
de notre passion pour les vieilles pierres. D’après ce que me rapporte Jeanne, je suis convoitée.
Elle est en couple avec Olivier, ils ont un petit appartement dans Perpignan. Ils s’étaient connus
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Comme Olivier a plusieurs amis dans la promo, il est au courant de tout et parle à Jeanne, le
C’est comme ça que j’ai su que quatre garçons étaient amoureux de moi en secret, dont Hugues.
Mais bien sûr, je suis tenue par le pacte de l’amitié et je ne suis pas du genre à dévoiler les
Les trois autres, je ne leur adresse pas la parole, non pas que je suis fière mais juste que je ne
Nous sommes souvent tous les quatre au moment de la pause. Olivier et Jeanne organisent
aussi régulièrement des soirées le mercredi soir pour pouvoir décompresser et c’est vrai que
d’immobilier bien sûr et de vieilles pierres. Mais c’est aussi le moment où Jeanne me dévoile
les derniers ragots en cours. Comme Olivier est aussi ami avec d’autres hommes de la promo,
et qu’il est du genre très ouvert et convivial, les confidences vont bon train. Aucun de mes
prétendants n’a jamais osé venir me parler en direct. Ils passent des messages à Olivier, qui
transmet à Jeanne et qui me reviennent. Le téléphone arabe en quelque sorte et c’était à mourir
de rire. Même Hugues qui fait pourtant partie de notre cercle d’amis, n’a jamais osé se dévoiler
devant moi. Je pense que je devais les impressionner. D’après ce que me disait Jeanne
l’expression de mon regard y était pour quelque chose. Très expressif, mystérieux et intense.
Comme un parfum inoubliable. Assorti à cela des longs cheveux noirs de jais, je ne passais pas
inaperçue, selon eux. Alors je m’amusais à découvrir tous ces commentaires. C’est vrai, j’ai
du tempérament. Autant je crains le regard critique de mon père, autant je suis affirmée et sûre
de moi à l’extérieur. Mais ce que seulement quelques personnes savent, c’est que non ! Non
jamais je ne me mettrai en couple. Plus tard, peut-être. Mes pensées étaient à mille lieux de
cela. Pas de couple, pas de lien, pas d’enfant. Rien que la recherche de la liberté morale et
financière.
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Jeanne le sait, et par le biais d’Olivier, prétextait que j’avais eu un jour une aventure
douloureuse et que je n’étais pas prête. Que j’étais une véritable passionnée par mes études et
que c’était tout ce qui comptait. Et heureusement pour moi, personne n’était venu me déclarer
sa flamme.
Hugues est à mes petits soins lors des soirées. Il me demande régulièrement si je veux reprendre
de tel ou tel plat, va me chercher une boisson fraiche, mais rien de plus. Et ça me fait bien
sourire intérieurement.
C’est sûr que sa prévenance ne m’est pas indifférente, je le trouve agréable et mignon, mais
c’est tout. Était-ce ma forte détermination à rester célibataire qui me mettait des barrières ? Je
ne le savais pas. Seul l’instant présent passé entre amis comptait dans ces moments et la teneur
de nos discussions.
Je passe trois années comme cela, trois années agréables dans l’environnement qui me
convient. J’ai parfois des pensées pour Juliette mais je les balaye en me jetant dans le travail.
Je vois aussi Garance le week-end. Je ne l’ai jamais perdue de vue. Elle s’est installée à
Collioure, à la sortie de la ville dans une petite maison. Elle avait rencontré Paul, quelques
années après avoir largué son ami à l’époque du lycée. Il a dix ans de plus qu’elle. Mais déjà
à l’époque, il lui apportait tout ce qu’une femme pouvait espérer : amour, reconnaissance,
respect et humour !
Elle n’a jamais pu avoir d’enfants. Le grand drame de leur vie. Heureusement qu’elle a des
passions : le poker, la peinture, et que Paul aussi. Je pense qu’elle m’a un peu jalousé lorsque
j’ai accouché des garçons. Je l’ai vu dans son regard, quand elle est venue me voir à la
maternité. C’est humain, c’est logique. Avoir tant galéré pour avoir un enfant, et voir sa
meilleure amie réussir là où elle avait échoué, ça doit être très dur. Mais cette jalousie n’a duré
que le temps d’un regard, le temps de réaliser que ce n’était pas n’importe qui mais son amie
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de choses. Elle s’est penchée sur les berceaux, telle une fée qui donne et transmet des pouvoirs
magiques, et a déclaré, sans aucune gêne et avec un aplomb de fou : « C’est moi la
marraine ! ».
Donc, ma vie à cette époque est quasi idyllique. Je trouve un nouvel équilibre moral, j’ai relevé
J’obtiens mon diplôme avec brio. Franchement, il m’est impossible de ne pas afficher ma fierté.
Le jour de la remise des diplômes, je suis sur mon trente et un avec mon tailleur bleu nuit, mes
talons haut noir brillant, mes cheveux savamment arrangés en chignon coiffés-décoiffés, mon
Je n’en peux plus ! Je suis en transe ! J’ai eu quinze de moyenne, et quinze c’était super bien
car le niveau était élevé. Mes amis aussi l’ont eu : Olivier Jeanne et Hugues. Seul José est
recalé, il souhaite refaire une année. Il est aussi dégouté parce que tout le cercle d’amis l’a eu.
Mais bon, il n’a jamais redoublé, il n’y a rien de catastrophique. Il s’est juste planté à l’étude
de cas qui était au coeff huit alors que les autres matières étaient au coeff quatre, alors
forcément…
Le jour de la remise des diplômes, papa et maman sont là, mon oncle et ma tante et aussi tante
Catherine. Tous, sont aux anges. Le directeur de l’organisme de formation vient me parler pour
me féliciter. Il me dit que mes notes sont le reflet de mon investissement et que si mon souhait
était d’avoir ma propre agence, les concurrents n’avaient qu’à bien se tenir. Ça me fait
énormément plaisir. Je lui réponds que mes notes correspondaient au degré de passion que
j’avais pour ce métier. Deux mois avant la fin de la formation, j’avais souhaité faire une
spécialisation en droit immobilier, pour connaître toutes les palettes de cette activité, et dans
ce même organisme. Il me répond que c’est accepté sur le champ, vu mes notes aux épreuves.
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Nous dégustons des petits fours offerts par l’organisme. Il est treize heures, le ciel était d’un
bleu ! Tous ces étudiants partis vers leurs chemins respectifs. La joie transpire sur les visages
des lauréats, des parents et des enseignants. Nous sommes devenus des adultes, déjà bien
préparés pour notre avenir professionnel. Nous avons des armes juridiques, comptables,
Avec mes amis, tous présents, sauf José qui ne se sent pas le courage ni le moral de venir, nous
avons décidé de faire un super week-end de festivités pour célébrer nos diplômes.
Papa se propose pour les accueillir pendant deux jours, mon oncle et ma tante aussi, et bien
sûr tante Catherine. Il est clair que j’aurais préféré faire la fête chez tante Catherine, car le
chalet, c’était vraiment l’endroit idéal. En même temps, je ne voulais pas décevoir mes parents.
Alors, on convient que ce serait pour le week-end suivant et comme dit papa : « quand on vient
d’avoir un diplôme, il faut fêter ça rapidement, il faut vite savourer son bonheur sinon, on passe
à autre chose, et n’oublions pas que le bonheur est un moment qui se déguste à l’instant
présent ».
Maman a fait attention à l’argent pendant toutes ces années, dépendante de mon père. Il lui
versait cependant une somme chaque mois, dont elle pouvait disposer comme bon lui semblait.
Les revenus du foyer étaient assez serrés mais nous n’étions pas malheureux non plus.
Le lendemain des résultats, elle m’emmène à Perpignan, dans le centre, et dans des boutiques
accessibles financièrement. Nous passons un superbe samedi. Je choisis des robes fluides col
V, des hauts très féminins et légèrement échancrés, moi qui ne prenais que des cols ronds. Elle
m’achète du maquillage, un fond de teint légèrement doré pour aller avec ma carnation et du
blush corail irisé, du rouge à lèvres. Et du mascara noir ébène. Elle prend enfin conscience
que je suis devenue femme. En essayant les vêtements devant le miroir dans la boutique, j’ai
l’impression d’être une autre, une jeune femme d’affaires, élégante et raffinée. Nous allons
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boire un café, et, ce samedi-là, elle me confie combien elle est fière de ce que je suis devenue
Elle croit en mon projet d’avoir ma propre agence. Sur Collioure, les touristes sont toujours à
l’affût de maisons secondaires. Elle pense que ma vie pourra être confortable, que je pourrais
profiter, voyager, m’offrir ce qui me faisais envie, m’offrir une maison et effectuer des travaux
si besoin, sans être obligée d’être dans le rouge chaque mois. Même si tout ça c’est matériel,
ça contribue au bonheur, c’est une des conditions du bonheur même si l’argent ne fait pas tout.
Oui, je suis plus que jamais déterminée et battante. J’ai construit un plan dans ma tête,
longuement réfléchi, j’avais eu le temps en trois ans ! Je veux décider de la suite et me donner
les moyens d’y parvenir. En plus, avec ma spécialisation en droit immobilier, j’ai tout à gagner
Ce soir-là, nous rentrons à la maison avec plein d’étoiles dans la tête. Papa nous attend sur la
terrasse et a préparé un plateau spécial fruits de mer avec des fruits exotiques et du champagne.
Le samedi suivant arrive rapidement, nous avions tout prévu pour les invités. Les couchages
d’appoint, les repas, papa a nettoyé à fond la piscine, qui ne servait jamais avant, car
l’entretien était trop onéreux. Maman a préparé une tonne de desserts maison. Tout le monde
arrive vers dix-neuf heures, papa ayant horreur des retardataires. Et la soirée la plus belle de
ma vie commence, bercée par les notes des groupes anglais des années quatre-vingt, mes
préférés. Tout le monde est présent, tante Catherine, oncle Baptiste et Céline, Hugues, Olivier,
Jeanne et également Garance, mon amie de toujours qui ne voulait surtout pas manquer ça.
Nous avons installé des tréteaux pour l’occasion, et les avons recouverts de nappes blanc
immaculé. Des bougies viennent compléter le tout. La conversation est très animée, tout le
monde étant ravi d’être présent et surtout de passer deux jours ensemble. Tout est devenu si
léger, si joyeux, si simple. Je me mets à danser pieds nus, en invitant les amis à venir me
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rejoindre, et ce soir-là, seules les étoiles semblent nous éclairer. La luminosité de la nuit
tombante est si intense. C’est un soir presque féérique qui m’invite à penser que les signes du
destin me montrent le chemin. Le chemin qui m’indique que cette voie est la bonne, que rien ne
pourrait m’arrêter, et que les outils de l’apprentissage et émotionnels sont les bons. Ce soir-là,
même les étoiles se sont mises à danser, nous accompagnant dans notre joie de vivre. Un samedi
soir particulier sur la Terre. Nous avons fait la fête jusqu’à trois heures du matin, puis nous
nous sommes jetés sur nos lits en riant, enivrés par l’ambiance fantastique de cette soirée.
Le lendemain, après déjeuner, nous allons faire une longue balade en longeant la plage. J’ai
mis ma longue robe fluide, beige et dorée. Je me sens légère comme l’eau, je rayonne. Nous
nous sommes promis de refaire des week-ends comme ça, sans que jamais les aléas de la vie
ne puissent nous séparer. Le soir, nous débutons le repas avec un discours de mon père, de
mon enfance à ma nouvelle vie de femme qui commence. Il est ému aux larmes, je crois que je
ne l’avais jamais vu comme ça. Maman pleure. Tant de souvenirs résumés avec tant de
sensibilité, ce n’était pas du tout le style de mon père. Je crois que l’ambiance festive, ma
réussite, la pensée d’un avenir heureux, le champagne, ont largement contribués à le faire
Etonnée, je vais voir, sous les regards complices des invités. Une Peugeot 205 crème est garée.
On voit qu’elle est d’occasion, mais elle est encore bien propre. Sur le pare-brise, une jolie
carte signée de toute ma famille. Père, mère, tantes et oncle…Je me mets à pleurer, je ne peux
plus bouger. Je suis là, immobile, à ne pas pouvoir regarder cette voiture, submergée par
l’émotion. Je finis quand même par prendre la carte : « En souvenir de nous, pour ce bonheur
que tu nous apporte. Qu’elle t’emmène là où tu voudras que la vie t’emmène. On t’aime tous.
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Bravo à toi ! ». Je suis sidérée, époustouflée, j’ai même crié ma joie dans la rue. Tout le monde
Puis, maman m’apporte mon sac et mon permis que j’avais eu grâce aux cours de conduite que
je prenais chez mon oncle et ma tante le jeudi soir durant ma scolarité. Je monte dans la voiture.
Olivier, Jeanne, et Garance prennent place aussi, et nous partons rouler le long de la côte. On
se serait cru dans un tournage de film. Ma première voiture était le symbole de Liberté avec un
grand L, j’allais pouvoir bouger sans dépendre de quelqu’un à chaque fois. Je l’ai eue grâce à
intégralité, c’est papa qui me l’a dit plus tard. Quand nous sommes rentrés, tout le monde nous
attendait pour le dessert, une coupe de champagne à la main. Et j’ai découvert le reste de mes
cadeaux avec euphorie : un joli sac offert par Garance, un stylo de marque offert par Hugues,
et un coffret de produits de beauté par Jeanne et Olivier. Ce fut encore une soirée marquée de
plaisir et de joie, une soirée pour moi, la vedette depuis deux jours.
Les invités doivent repartir le lundi matin. Ils étaient tous en vacances et rien ne les attend.
Après le petit déjeuner, papa propose de continuer sur la lancée en préparant une sardinade
pour le midi. Après tergiversations, tout le monde tombe d’accord. Seul papa devra aller
Nous passons encore un superbe moment, et nous nous sommes rafraichis dans la piscine
l’après- midi.
Le lendemain matin, tous les invités partent sauf tante Catherine qui a demandé à prolonger
son séjour de quelques jours. Cet été-là est magique, je suis complètement détendue et je profite
de chaque instant. Je suis allée voir Garance qui vivait encore chez ses parents. Elle était en
recherche d’une petite maison dans les terres. Elle va être professeur des écoles à la rentrée.
Encore célibataire, elle ne cherche pas à rencontrer quelqu’un. Elle avait bien eu des
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amourettes mais, rien qui puisse faire vibrer son cœur au point de construire une histoire
durable. Elle avait énormément forci et avait décidé de se reprendre en mains : son objectif
avait été comme elle le disait : « zéro défaut sur la plage cet été ». Et son objectif, elle se l’était
fixé en janvier, au moment des vœux de bonnes résolutions pour la nouvelle année. Nous étions
en juillet, et elle était assez démoralisée à cause de ce surpoids qui la hantait. Elle avait décidé
de se mettre au sport. On avait bien ri car elle m’avait dit : « tu sais quoi, ce n’est pas pour
J’essayais de la motiver. On avait prévu d’aller courir tous les dimanche matin, à la fraîche,
lorsque le flot de touristes n’a pas encore envahi les chemins de traverse. Ça a vraiment été
compliqué, on était tellement motivées qu’au début, on s’est arrêtées pour manger de délicieux
pains au chocolat à la boulangerie, sur le trajet. Que de fous rires sur ces parcours de sportif
du dimanche. A la fin des vacances, Garance avait pris trois kilos supplémentaires. Quant à
moi, j’étais devenue assez fine depuis plusieurs années, sûrement à cause du stress des études.
Le mois d’août est passé très vite. Je suis allée voir une fois Jeanne et Olivier à Perpignan qui
comptent sur leur ténacité, leur esprit combattif pour réussir. Ils n’ont pas le droit à l’erreur,
car ils vont être associés dans cette agence. Olivier s’était dit qu’au pire des cas, si l’activité
avait du mal à démarrer, il travaillerait pour une autre agence le temps de faire émerger le
tout.
On fait des soirées entre amis, on sort dans des piano bars à Perpignan. Hugues nous rejoint
et à chaque fois, je croise ses regards furtifs. Depuis le temps qu’on se connait, il n’arrive pas
à me regarder longtemps droit dans les yeux. Jeanne m’a dit qu’il est amoureux. Je le savais,
j’avoue que ça m’embête, car de mon côté, je ne ressens rien et je dirais même que cette
situation commence sérieusement à m’énerver. Je trouve que ça gâche un peu l’ambiance car
il y a toujours cette part de sous-entendus entre nous. Moi, je ne rêve que de m’amuser, de
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danser, de profiter de la chaleur de l’été, de mes amis et ma famille. Je n’ai pas besoin d’un
homme dans ma vie. Je suis bien, seule, je suis libre et j’ai tellement de projets. Garance
m’accompagne souvent aussi, et j’ai bien pensé au couple Garance-Hugues, qui pourrait vivre
heureux et avoir beaucoup d’enfants, mais non, même pas, aucun déclic entre eux, ni du côté
d’Hugues, ni du côté de Garance. Le vide complet, le calme plat, juste un début d’amitié, et
encore, je ne dirais même pas ça, il n’y a aucun atome crochu entre eux. C’est tout, c’est comme
Je profite des moments avec Tante Catherine. Nous sommes allées visiter une usine de parfums
à Grasse, depuis le temps que j’en avais envie. Je suis subjuguée par la beauté des millions de
pétales de rose, qui attendent sur le sol de participer à l’élaboration de sillages féminins. A la
fin de la visite, nous pouvions créer notre parfum avec l’aide d’une spécialiste. J’ai choisi pour
ma part des essences d’ambre, rose et jasmin sauvage. Un oriental fleuri pour moi et un parfum
à base de roses de Provence pour tante Catherine. Ces odeurs de Provence sont inoubliables
et intemporelles.
La fin des vacances approche, les touristes commencent à partir laissant place aux retraités
désireux de trouver calme, sérénité et climat plus propice. Nous sommes fin août et je dois
reprendre mes cours mi-septembre. J’ai déjà préparé mes affaires, regroupées en trois gros
cartons. Papa n’a pas voulu que je l’aide à la boutique de toutes les vacances, il voulait que je
décompresse totalement. Il m’arrive d’aller me baigner seule le matin dans la mer. Cela me
fait un bien fou, la mer délassant tous mes muscles et mes tensions, et même ma tête. Je rêve
d’une maison en bord de mer avec une grande baie vitrée donnant sur le grand bleu. Bien sûr,
ce serait inaccessible pour moi, de telles bâtisses étant réservées aux notables et aux
entrepreneurs ayant réussi. Je n’envie pas leur richesse, juste le choix de leur emplacement.
On verrait plus tard ce que l’avenir me réserverait. La vie ne se résume pas non plus au
matériel. Mais vivre comme ça, entourée de ma famille et de mes amis me satisferait. Au final,
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je n’avais pas besoin de grand-chose pour être heureuse. Juste profiter des moments où nous
Dans quinze jours, c’est la rentrée. Je savais que cette année allait être compliquée. Le droit
des affaires comprend beaucoup de par cœur et de stratégie. Ça allait être un véritable
challenge, j’allais entrer dans la finesse du métier. Après, je pourrai enfin m’adonner à ma
passion. Je continuerais à voir mes amis à Perpignan et j’avais chaud au cœur de pouvoir
revivre des soirées comme l’année d’avant. La porte était toujours grand ouverte chez eux, et
Ce jour arrive très vite, je reprends ma chambre chez mon oncle et ma tante. Toujours un
bouquet sur mon bureau et la déco avait été changée. Elle était passée en colorée dans les tons
dorés et vert amande. C’était beau, stylé et raffiné. Ma tante a du goût et comme avant, elle
Il fait encore chaud mi-septembre, et cela va me permettre de profiter encore un peu de mes
Je reprends mon parcours studieux. Certains étudiants de l’année d’avant ont également opté
pour une spécialisation mais il y a de nouveaux arrivants. Nous ne sommes plus de quinze et le
niveau va monter d’un cran, ce qui n’était pas pour me déplaire. Ça devient encore plus
intéressant. En pause, je ne me mêle pas au groupe. J’ai, à mon sens, suffisamment d’amis dans
ma vie bien remplie. Je ne suis pas non plus complétement indifférente au groupe mais je garde
certaines distances. Elles se ressentent vite quand on comprend que la personne ne souhaite
pas se lier.
Je m’aperçois rapidement que l’investissement intellectuel allait être très ardu. Je travaille le
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ingurgiter, à retranscrire et études de cas en veux-tu, en voilà. Alors, pour tenir le choc, je me
mets à courir trois fois par semaine, au début très peu, puis progressivement je passe à une
heure environ. C’est mon défouloir, et c’est ce qui me permet de tenir le choc, moi qui n’étais
pas accro au sport. Je me suis affutée, et encore affinée à tel point que j’ai sauté une taille et
que j’ai dû me racheter des vêtements, grâce aux économies de maman. Je ne faisais pas maigre
J’ai toujours du succès en cours, je le vois encore à travers le regard des hommes posés sur
moi. Mais, fidèle à moi-même, je suis devenue une adepte de la politique de l’autruche. Je m’en
amuse même. Je vais encore aux soirées organisées par mes amis. La nouveauté c’est
qu’Hugues a rencontré une fille, une certaine Lisa, très douce et posée. Elle est en cursus pour
devenir prof d’anglais. Je crois qu’il est vraiment amoureux. Sa prévenance a bifurqué vers
elle. Au final, j’en suis satisfaite, étant enfin libérée de ses regards furtifs qui, à la longue, me
fatiguaient. Je suis contente pour lui, il le mérite. C’est un homme bien, plein de valeurs et je
pense qu’il rendra sa femme heureuse. Olivier et Jeanne, eux sont heureux comme au premier
jour, tout enjoués par la tournure que prend leur vie sous leur impulsion. L’agence marche
bien, les clients trop heureux d’avoir un jeune couple de passionnés et surtout pas voleurs, pour
s’occuper de leurs affaires. En fait, Olivier et Jeanne avaient décidé de prendre plus d’affaires
avec des commissions moindres, ce qui exigeait quand même de travailler plus. Ils ont décidé
que d’ici un an, ils embaucheraient un agent immobilier pour les aider. Ils n’ont pas d’heure,
ils rentrent parfois vers dix heures du soir voir plus, toujours satisfaits, jamais fatigués. Ils
gardent le créneau du mercredi soir pour la traditionnelle soirée d’amis : c’est pour couper la
semaine. José ne vient plus, il a repiqué ailleurs, pour repasser le fameux diplôme. Au début, il
donnait quelques nouvelles par téléphone à Olivier, mais après, les coups de fils se sont espacés
puis réciproquement, ils ont laissé tomber. L’année est très vite passée, et je me suis vite
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Chapitre 6
C’est de nouveau le jour J, mon cœur bat la chamade. Mes parents sont venus pour l’occasion
chez mon oncle et ma tante ainsi que tante Catherine. Les résultats devaient être affichés devant
Nous sommes tous à attendre dans le couloir, et soudain, mon prof vient afficher en format A3
les résultats avec les notations sur la porte. Nous faisons la queue pour venir voir si nous avons
obtenu le saint graal. Le suspense et l’angoisse sont à leur comble. Arrive mon tour. En rouge
est noté le pourcentage de réussite, effarant : 23%. Puis mes yeux descendent jusqu’à mon nom
Je laisse ma place dans le silence, pour sortir dans la cour où sont installées pour l’occasion
les tables de cocktail. Mes parents me suivent, et en me retournant, je croise leur regard inquiet.
Et là, mains et jambes tremblantes et visage blême, je murmure dans l’oreille de papa :14.
Puis me tournant vers maman: « ça va m’en faire des nouvelles robes ! ». Nous nous tenons
longuement, là, au milieu de la cour, n’arrivant pas à réaliser ce qui vient de se passer, puis,
le sourire éclairant nos visages, nous reprenons pieds dans la réalité. Ce jour-là, j’ai pris au
moins quatre coupes de champagne et dix petits fours, l’émotion ayant été trop forte. J’avais
besoin de décompresser. Mes parents sont fous de joie. Mon professeur principal fait un
discours sur une mini estrade installée pour l’occasion. Le pourcentage de reçus est bien faible,
mais selon lui, le niveau est tellement élevé et surtout pointu, qu’il faut en général deux ans
pour réussir, voire trois. C’est pour cela, que ceux qui ont échoué ne doivent pas se décourager
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Nous ne sommes plus nombreux à attendre les petits fours, certains étudiants sont repartis
directement, déçus, dégoutés où découragés. C’est bien triste étant donné l’investissement
financier et moral que cette année a représenté pour tous. Mais, moi, je ne veux pas me laisser
envahir par la morosité. Après tout, c’est le jeu et on est tous logés à la même enseigne.
— Bravo Elise ! Tu es une des meilleures. Tu vas être happée par les agences, car elles vont
— Ce serait bien en attendant de monter ma propre agence. Je veux me faire les crocs avant
de me lancer, et c’est vrai que devoir choisir entre plusieurs propositions d’agence serait
l’idéal. Et je rêve d’un mois de vacances au moins, je suis fatiguée et j’ai besoin de
décompresser.
— Oui, je comprends. En tous les cas, encore félicitation pour ta performance. Tu sais qu’il est
— En tous les cas, tu es vraiment faite pour ce métier. Tes qualités de négociatrice, tes
connaissances et ta volonté vont te permettre d’être une des meilleures, si ce n’est la meilleure.
— Oui, c’est mon souhait le plus cher, en plus je connais Collioure et ses environs comme ma
— C’est sûr que nous avons un des plus beaux territoires pour travailler ! Est- ce que je peux
transmettre tes coordonnées aux agences qui vont être intéressées par ton profil ?
— Oui, merci.
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Nous avons prévu de fêter cette victoire le week-end d’après, chez mes parents, en invitant toute
la joyeuse équipe de l’année d’avant. Je reprends donc mes affaires pour revenir chez mes
parents.
La semaine après avoir reçu mon diplôme, je recevais déjà mes premiers coups de fil. Trois
agences étaient intéressées par mon profil. La seconde m’intéresse. Elle est située à dix
Ils me proposent un contrat de six mois dans un premier temps, à compter de début août. Ça
ne m’arrange pas trop car je veux vraiment faire une grande pause, mais, en même temps, je
me dis qu’une occasion comme ça ne se représentera peut-être pas. Bien sûr, j’ai envie d’avoir
mon propre chez moi, mais il aurait été impossible pour mon père de me financer un logement.
Je vais pouvoir prospecter sur mon lieu de prédilection et me familiariser avec la clientèle.
essence et des petits extras. Nous devions nous rencontrer deux jours après pour un entretien,
mais déjà au téléphone le courant était bien passé avec Madame Lalieu, la responsable d’agence.
J’étais contente, la voie que j’avais choisie semblait de toute évidence être faite pour moi.
Deux jours après je me présente à dix heures devant l’agence « Sud Immo », une petite agence
située dans le centre de Port Vendres. La responsable, une femme d’une quarantaine d’années
vint m’accueillir. Elle porte un tailleur corail avec un haut blanc et un minuscule foulard marine
avec des motifs, noué autour du cou. J’ai vu au premier regard qu’elle avait du caractère. Ses
yeux vert émeraude, sa longue chevelure châtain savamment lissée, son regard, semblaient me
signifier que non, elle ne laissait rien au hasard, qu’elle était hyper maniaque.
Après présentations, elle m’explique que son meilleur élément, un dénommé Martin, souhaite
déménager dans le nord de la France. Il avait un mois de préavis ce qui nous mènerait au six
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août, si cela me convenait. Elle avait été si séduite par l’éloge qu’avait fait de moi l’organisme
de formation, qu’elle me voulait absolument. Je n’avais pas parlé de mon projet de monter ma
propre agence, déjà parce que ce n’était pas pour tout de suite, et ensuite parce que je ne
voulais pas qu’elle pense que je serais moins motivée. L’agence comptait seulement trois
personnes : elle, Martin qui allait partir, et Bérénice, une jeune recrue également d’une
précédente promo. Bérénice était en clientèle, je n’ai pas pu la rencontrer ce jour-là. Elle était
aussi fortement intéressée par ma spécialisation en droit immobilier car elle m’avait expliqué
Nous sommes tombés d’accord pour un démarrage le six août. Je suis contente, tout s’organise
Mes parents accueillent cette nouvelle avec joie. Papa m’annonce dans un sourire : « encore
une chose à fêter ce week-end ! ». Les invités ont d’ailleurs répondu présents -sauf Hugues qui
recherche de vêtements. Je décide d’acheter des tailleurs pour mon emploi. Des tailleurs
colorés, plein de peps, et dans de belles matières. Nous passons une belle journée, ponctuée de
rires et d’entrain. J’ai trouvé trois beaux tailleurs, dans nos prix, dans une boutique que nous
Le week-end arrive vite et les invités se présentent le samedi matin, tous enjoués à l’idée de
revivre des bons moments ensemble. Papa avait prévu des barbecues pour le week-end. Comme
l’année dernière, le temps est au beau fixe, et la bonne humeur au plus haut.
Nous prenons l’apéro sur la terrasse, le champagne étant de nouveau au rendez-vous. Papa
voulait m’offrir « ce que je méritais » selon lui. Il avait demandé aux invités d’amener leurs
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maillots de bain car une surprise les attendrait. En levant sa coupe à mon honneur, papa me
félicite et me demande de faire un discours. J’annonce alors la bonne nouvelle : j’ai trouvé
Les invités me félicitent et Jeanne et Olivier me questionnent sur la teneur de mon contrat.
Tante Catherine m’explique qu’il serait peut-être temps pour elle de trouver une maison plus
petite sur Collioure car elle avait trop d’entretien avec le jardin.
— Ma fille est une battante, rien ne lui est impossible ! ajoute Papa.
Je me dis en moi-même : Mon Dieu, qu’est-ce qu’il a changé. Il est devenu plus agréable, plus
sensible, moins dictateur. Etais-ce dû à mes réussites ? Oui, je le croyais sincèrement, il devait
se sentir soulagé pour mon avenir. Je pense aussi qu’il avait dû traverser des périodes difficiles
au niveau financier. Et que depuis que tout allait mieux, il se sentait revivre. En fait, il avait
trouvé depuis quelques années déjà, de nouveaux fournisseurs qui lui accordaient de meilleures
remises. Sa marge était plus grande et les finances étaient au beau fixe. De plus, Collioure
s’était doté d’un nouveau camping il y a quatre ans, proche de l’épicerie, ce qui boostait ses
ventes.
A table, les discussions vont bon train : Tante Catherine a désormais un chien nommé Nougat,
un petit yorkshire qu’elle emmène partout ; Jeanne et Olivier prospèrent dans leur agence et
ont décidé d’embaucher un jeune agent en octobre, mon oncle et ma tante sont sur le point de
partir en croisière aux Caraïbes. Nous passons l’après-midi à discuter des nouvelles fraîches,
sous un soleil de plomb. En soirée, papa rallume le barbecue pour faire ce qu’il appelle « les
trésors de la mer ». Il a fait mariner la veille, des poissons, thon et saumon, dans les herbes et
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les épices. Maman et moi avions préparé une soupe froide de tomates, un taboulé géant, et des
Puis arrive l’heure du dessert. J’espère avoir une autre voiture !! Non, non ! Je plaisante. Je
ne voulais rien, mais je savais que papa avait dû prévoir encore quelque chose. C’est maman
qui arrive avec un plateau, des coupes de champagne, et une boîte noire.
précieusement depuis des années. Elle n’avait jamais osé la mettre de peur de la perdre. C’est
un solitaire, et la monture avait été changée. Elle est assez fine pour laisser toute la place à la
— Vous ne pouviez pas me faire plus plaisir ! clamais-je. Merci, je garderai à jamais ce
Puis les invités apportent leurs présents. Je reçois un joli bracelet de perles par Garance et de
jolies boucles forme créole par Jeanne et Olivier ainsi qu’un manteau camel par tante
La soirée se termine plusieurs heures plus tard, dans la joie et la bonne humeur.
Le lendemain est tout aussi magique, Papa nous annonce l’après le petit-déjeuner, nous allons
Et c’est fantastique. Je n’avais jamais pris le bateau pour aller les voir. Le spectacle est
féérique, nous avons vu les dauphins au large. Ils nous montrent le chemin, traçant des sillons
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sur la mer limpide. Certains sautent près de la coque comme pour nous dire de les rejoindre
dans l’eau. Puis nous allons manger des tapas chez Marco et nous passons le reste de l’après-
Les invités prennent congés le soir, laissant un vide derrière eux. Je vais me coucher avec ma
Le reste des vacances passe à une vitesse folle, entre jogging le matin, parfois accompagnée de
Le six août, comme prévu, je me présente à neuf heures à l’agence. Madame Lalieu m’accueille
Elle me propose alors de m’installer dans le petit bureau qui allait être le mien.
— Comme vous pouvez le constater, il n’est pas très grand mais fonctionnel ; et de toutes
Elle me présente Bérénice, une jeune fille d’une trentaine d’années, petite et fine, blonde aux
yeux noisette, un style à l’image de la gérante, avec un tailleur noir et un tee- shirt rose poudré.
Elle doit avoir le souci du détail car j’ai remarqué qu’elle avait des bracelets très fins et
travaillés et des boucles d’oreilles toutes fines, des anneaux en argent. Elle portait un simple
rouge à lèvre, rose pâle assorti à son tee-shirt. Il en résulte une certaine élégance, un style
intemporel comme sur les couvertures des magazines, présentant des modèles semblant
traverser le temps.
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Nous prenons un café toutes les trois, dans mon petit bureau. Bérénice ma raconte qu’elle a
suivi la même formation que moi mais à Paris. Elle n’avait cependant pas fait de spécialisation.
Elle avait décidé de suivre son compagnon, muté dans le sud. Ils étaient installés depuis un an,
— Franchement, par rapport à Paris, ça n’a rien à voir ! Ici, le chant des cigales, les tapas, les
Mme Lalieu m’explique qu’elle avait tout d’abord été un peu réticente à l’idée de prendre une
recrue qui n’était pas du secteur. Mais, l’enthousiasme, la motivation de Bérénice avait levé
Madame Lalieu n’est pas du genre à perdre son temps, elle vit à cent à l’heure. Toujours à
Elle vit pour son agence, elle ne compte pas ses heures. D’après ce qu’elle m’a dit, celle-ci se
porte bien, propulsée par sa ténacité, son sens des affaires et la qualité de sa collaboratrice.
perspicacité. Je vais avoir un fixe, l’équivalent d’un smic mais pour vraiment bien gagner, je
dois me donner à fond pour toucher les fameuses commissions, qui peuvent vite monter selon
le nombre d’affaires et le montant des biens vendus. Par contre, m’a t-elle expliqué, toucher ce
smic ne durera pas longtemps, si je ne fais pas le chiffre minimum escompté. « On a la fibre ou
pas, et je vais vite m’en apercevoir. Je ne peux pas me permettre de garder une personne qui
ne pourra pas devenir une référence dans le domaine. Je veux vous en donner les moyens, mais
si cela ne fonctionne pas, je ne pourrais pas vous garder, je ne veux pas mettre en péril mon
agence ».
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Je la comprends. Dans l’immobilier, on doit toujours se battre si on veut survivre. C’est ce que
— Elise, tu vas m’accompagner toute cette semaine, tu vas te faire les dents. Il n’y a que sur le
terrain qu’on peut apprendre les rouages du métier, et tu vas vite t’apercevoir qu’entre la
Deux fois par semaine, de neuf heures à midi, nous faisons du porte à porte. Franchement, ça
n’est pas très agréable, car beaucoup de personnes nous ferment la porte au nez, mais, au final,
nous récoltons pas mal d’informations qui débouchent sur des ventes. Des personnes au
courant que des voisins veulent vendre, des histoires de batailles juridiques sur des terrains à
bâtir que des enfants se disputent lors d’héritages, des histoires de famille. On était souvent au
cœur d’histoires familiales où jaillissent les faces cachées de l’être humain. Parfois, on écoute
quand même de belles histoires, dont une avec un père qui a économisé une grande partie de
sa vie pour acheter un terrain face à la mer et en faire la surprise à son fils et sa belle-fille le
jour de leur mariage. Oui, dans l’immobilier, on peut rencontrer le pire comme le meilleur, on
ne s’ennuie jamais.
Cette semaine-là, nous vendons trois maisons et apportons à l’agence deux pavillons à vendre,
Comme le dit Mme Lalieu, beaucoup d’agences ne consacrent pas assez de temps à la
prospection, tout simplement car c’est une partie difficile. Mais il faut savoir que c’est la base
car une fois l’annonce passée dans les journaux par les particuliers, c’est fini. Tous les vautours
sont là, à roder autour, pour obtenir une exclusivité. Et là, il devient très compliqué de vendre
avec toute cette concurrence qui nous met des bâtons dans les roues. Ce métier est un métier
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de vautour. On doit toujours être à l’affût de tout, et on doit tout savoir avant que les gens
s’expriment.
Elle veut me transmettre le maximum de choses, me quadriller dans son mode de pensée. Ce
n’est pas pour me déplaire, je suis avide de la moindre information qui me permet de progresser
et d’apprendre.
Par contre, elle insiste : « Sois toujours honnête ! Paie- toi bien, mais ne vole pas ! ».
Je n’en ai pas l’intention. J’étais allée à bonne école, et jamais je n’aurais pu voler quelqu’un.
Elle m’apprend énormément de choses, elle me prodigué des conseils, me donne des tuyaux. Je
prends tout avec intérêt. Je veux devenir la référence, celle vers qui on se dirige pour trouver
la perle des habitations, le mouton à cinq pattes, ou l’habitation que jamais on ne voudrait
Je me souviens également d’un client fortuné, nous lui avons trouvé un terrain face à la mer. Il
a fait bâtir une maison ultra moderne. Il nous a montré les plans. Ça n’était pas à notre goût
car nous étions amoureuses des vieilles pierres et nous nous sommes demandées pourquoi la
mairie avait accepté ces plans. Tout simplement car cet investisseur amenait de l’argent à la
commune. Nous avons été invitées toutes les trois à l’inauguration de la maison, et là, nous
avons été quand même époustouflées. Non pas que l’extérieur nous plaisait, avec ses blocs de
béton blanchi, mais la conception intérieure était sublime. Le jardin avait été créé par un
paysagiste. Un jardin exotique où allaient pousser bananiers, figuiers, oliviers, Aloe vera
géantes. Les arbres étaient arrivés très grands déjà, on avait l’impression qu’ils avaient
toujours été là. Le jardin donnait sur une petite plage privée avec un ponton.
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Dans le jardin était posée une grande pergola, le salon de jardin en bois blanchi était installé
dessous avec de gros coussins blanc albâtre, digne des plus beaux hôtels de Santorin. Bien sûr,
la piscine était présente. Son revêtement devait être vert émeraude. La pelouse était taillée au
millimètre. De gros pots en terre cuite çà et là, proposaient des agaves géants, des cactus rares.
Nous avons continué la visite en passant par l’immense baie vitrée donnant sur le jardin, et
dans le fond, la mer. Un immense salon dans les tons blancs, des meubles en bois clair patinés
Le reste de la bâtisse était à l’image du bas, tout semblait si irréel. Comment pouvait-on avoir
de l’argent à ce point pour construire de si belles demeures ? Le client était un avocat de renom.
Il vivait à Paris, mais le reste du temps, il aimait se ressourcer ici avec sa famille.
Je ne l’enviais pas, mais j’étais véritablement scotchée de découvrir cette maison qui tranchait
véritablement avec l’esprit de Collioure. Au final, le rendu était vraiment sympa, le moderne
se mariant bien aussi avec la nature. Ce jour-là, mes idées préconçues sur le moderne se sont
évanouies, laissant place à une plus grande ouverture d’esprit et une plus grande curiosité.
Nous avons eu droit au champagne et aux petits fours avec sa femme, et cette histoire a entraîné
Je n’ai pas mis beaucoup de temps pour me faire au métier, je pense que j’étais faite pour ça.
Madame Lalieu est satisfaite des entrées financières. Nous formons une équipe soudée de trois
drôles de dames. Pour ma part, je garde de la distance avec la gérante, elle aussi d’ailleurs.
Pas de familiarités comme on disait. Ce n’en était que mieux, c’était une forme de respect et
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c’était mieux pour l’agence. Jamais nous n’avons fait un restau ensemble. Nous sommes là
Le temps passe, je suis désormais embarquée dans une vague qui ne s’écrase jamais, toujours
au plus haut de ce que je peux faire, sans jamais avoir l’envie de redescendre. Je suis tout
simplement heureuse.
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Chapitre 7
— Oui.
— Tu nous avais dit que tu l’avais rencontré au travail, que c’était un client. Tu ne nous mens
— Oui. Je vais vous raconter. Mais Max, s’il-te-plaît, amène- moi un verre d’eau, je suis
desséchée.
Je regarde furtivement ma montre, il est dix-neuf heures trente ! Je ne me suis rendu compte de
rien, passionnée par mon récit. Les garçons non plus. Ils ont bien senti que la chaleur était moins
forte, et que la luminosité a fortement baissé, mais qui peut ne pas être passionné par le récit
Enfin, ils vont enfin connaître les détails d’une vie atypique.
— Entre, Garance.
— Oui, oh ! Désolée, je n’ai pas vu le temps passer. Mais, de toute façon, elle est au courant de
tout.
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Pendant que je vais ouvrir la porte, les garçons se décomposent. Un sentiment de jalousie
intense les envahit. Comment une mère peut se confier à sa meilleure amie et laisser de côté sa
chair et son sang ? Max passe la main dans ses cheveux, comme s’il voulait remettre à leur
place des choses éparpillées, comme s’il voulait remettre de l’ordre dans ce flot d’informations
Edouard, dans son air faussement désinvolte, n’arrête pas de se frotter la cheville, comme un
tic.
Garance arrive, un bouquet de fleurs à la main et une grosse boîte rose, synonyme de desserts
affriolants.
Les garçons ont une mine déconfite, tragique. Ils se lèvent d’un seul coup de leurs transats, pour
saluer Garance.
— Comment ça va les gars ? interroge Garance. Vous faites une de ces têtes. C’est les vacances,
non ?
Je en retard sur le timing, Garance est arrivée plus tôt que prévu. Les dîners commencent tard
en général dans le sud, à cause de la chaleur. Plutôt vers vingt et une heures. Mais Garance
préfère toujours venir plus tôt, pour profiter de la soirée et de sa famille de cœur.
J’avais prévu un apéro dinatoire avec moules farcies, tapas, toast à la tapenade et cocktails
maison au curaçao bleu océan. Ensuite, une quiche lorraine froide avec une énorme salade
mêlée de roquettes et de cœurs de batavia avec des noix et des herbes fraiches.
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Nous nous installons tous autour de la table, rapidement dréssée pour l’occasion. Bougies
flottantes, nappe de jute blanchie, assiettes bleues délavées faites main, verres en cristal.
Edouard allume la lumière sous le store qui protège la terrasse des rayons brûlants.
— Non, il est fatigué en ce moment. J’avais prévenu Elise hier, ce n’était pas sûr qu’il vienne.
— Oui, en partie, et aussi le travail je crois. Il va avoir sa soirée tranquille et moi, ma soirée
Garance est rayonnante ce soir, elle fait toujours des efforts pour se vêtir lors des invitations.
Elle porte une petite robe noire mettant en valeur sa peau bronzée. Sur cette robe noire de petites
Elise et les garçons sont restés en décontracté, n’ayant eu ni le temps, ni l’envie de se changer.
– Vois-tu, Garance, depuis ce matin, on discute du passé, de mon histoire, et par conséquent de
— Ho, désolée ! dit Garance, tu veux que je m’éclipse, et on remet ça à plus tard ?
— Non surtout pas ! Reste ! D’ailleurs tu fais partie de la famille et tu connais tout de moi.
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— Ha…Eh bien… D’accord. Mais le sujet est délicat, et j’espère qu’on aura assez de la nuit,
car les événements sont, on va dire, particuliers. Quoique je ne sais pas si c’est le bon mot.
Garance s’éloigne dans le jardin pour prévenir Paul. Les garçons se regardent, le temps est aux
— C’est bon. Pas de soucis. Paul m’a dit qu’au final, il allait pouvoir faire une bonne nuit sans
Les plats sont disposés sur la table. Comme tout est froid, c’est pratique pour pouvoir discuter
tranquillement.
— Bon, voilà, j’en étais où ? Ah oui…au mois de mai de cette même année, alors que les
affaires battaient leur plein, un homme est entré dans l’agence. C’est moi qui l’ai accueilli.
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Chapitre 8
Un homme grand, élancé, brun, yeux noirs, coupe ultra courte entre dans l’agence. Quand il
est rentré, j’ai l’impression que le temps d’habitude si volatile, s’est figé.
— Bonjour, je me présente : Monsieur Romain Faber. Je pense que vous pouvez faire beaucoup.
Je suis à la recherche d’un bien d’exception sur Collioure même, si possible en bordure de mer.
— Oui, je pense que oui. Avez-vous fait le tour des biens à vendre en photo sur la vitrine ?
piscine ou pas ?
— Non, je suis entré directement, dit-il, un sourire enjôleur aux lèvres. Je vis à Paris, mais je
— Non, je n’ai pas le coup de cœur. Vous n’avez pas quelque chose de plus, de mieux ?
— J’ai rentré deux biens d’exception hier, c’est tout frais. Vous voulez voir les photos ? Je
laisse certains biens dans un fichier à part, pour une clientèle-on va dire- qui veut le must du
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must. Bien évidemment, les prix ne sont pas dans les mêmes fourchettes. Puis-je vous demander
— Non, montrez- moi ces biens avant, nous parlerons du budget après.
Je devine un caractère bien trempé, derrière le physique plus qu’agréable, je dirais même à
tomber.
— Normalement, je dois les afficher avant, c’est la procédure mais, évidemment, je vais faire
— Non merci.
— Alors, d’accord.
J’étale les quelques photos de la première bâtisse. Aucune réaction. Pas une question. Je
Je retire les quatre photos de mon book et les pose délicatement devant lui.
— Intéressant, dit-il.
— Ouf ! pensais-je intérieurement. C’est une petite maison pleine de charme et d’âme. Je l’ai
visitée hier après -midi. Elle fait 130 m2, sans vis-à-vis. Elle est située en bordure de mer, on y
accède par un chemin boisé, qu’on appelle le jardin des Oliviers, peu connu des touristes mais
bien connu des habitants de Collioure, car beaucoup y pratiquent le running en toute
tranquillité. La maison est cachée par des arbres. Mais passé le portail, cette maison nous
emprisonne l’âme, si je puis dire. Elle a un charme fou. C’est une ancienne maison de pêcheur
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remise au gout du jour. Vous constaterez que bizarrement l’intérieur est moderne, la cuisine
dernier cri dans les tons noir mat et doré. Les poutres ont été blanchies à la chaux, elles sont
apparentes dans toutes les pièces. Et le salon ! Une belle pièce de 50m2 ouverte sur le jardin,
avec une immense baie vitrée. Il y a également une cheminée suspendue ultra moderne au
— Je n’ai pas le temps de négocier, je dois poser mes valises dans trois semaines. J’ai fait
plusieurs agences, et je n’ai rien trouvé à mon goût. Quel est votre prix ?
Je donne le prix avec une petite marge de négociation possible soit l’équivalent du prix de deux
Il ne bronche pas.
— Je peux voir si on peut la négocier un peu, mais je pense qu’avec les touristes fortunés
— Il ne partira pas, je le prends. Votre prix est le mien. Par contre, je souhaite en disposer
— Mais, c’est juste impossible. Il faut deux mois environ pour finaliser la vente. Il faut respecter
les délais de rétractation de la banque, etc.… ça ne peut pas se faire comme ça, en un
claquement de doigt.
payer cash. Je la veux rapidement. Et je sais que ce sera elle. Peut-on aller la voir ?
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— Oui, je préviens mes deux collègues, je ferme l’agence et on y va.
— Non merci, on prend ma voiture si vous voulez, je dois suivre le protocole. Par contre, il faut
Nous avons pris le chemin du jardin des Oliviers et nous sommes arrivés devant le portail
maison.
La piscine n’était pas très grande, juste assez pour pouvoir se délasser après une journée de
travail. Au fond du jardin, une porte électrique, et là, un minuscule chemin menant directement
Les meubles ont été retirés, et la blancheur des lieux était comme un souffle d’air frais dans la
canicule. A l’étage, une mezzanine en bois desservait une salle d’eau et deux chambres.
Un petit paradis, pensais-je, le style de maison que je pourrais difficilement me payer. Il fallait
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Le temps de la visite terminé, ils rentrent à l’agence.
— Ma banque va vous contacter tout à l’heure. Il n’y a pas de temps à perdre. J’espère que
vous comprenez ma précipitation et que vous pourrez booster le dossier pour qu’il passe très
vite, car je préfèrerai vivre dedans dans trois semaines plutôt que de me retrouver à l’hôtel.
— Merci, sur ce, je vous laisse et je suis impatient d’avoir de vos nouvelles. Vous aurez tous
les documents tout à l’heure par ma banque. Je vous contacte demain, ou mieux, je passerai.
De retour à l’agence, je fis un compte rendu à la gérante qui me félicita. Une maison vendue
La banque m’avait bien contacté : effectivement, son entreprise était saine, même florissante.
Elle me questionne sur l’énigmatique Monsieur Faber. Je n’ai pas grand-chose à lui dire à son
sujet, le mystère du personnage reste complet. Je la rassure néanmoins sur les éléments
— Eh bien, on dirait que tous les compteurs sont ouverts ? note Madame Lalieu.
La journée s’achève, J’avais déjà pratiquement réuni toutes les pièces nécessaires.
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— J’aurais l’accord écrit de la banque demain. Ils connaissent bien cette personne. Il n’y aura
— D’accord. Au niveau du timing ça fait vraiment court, mais je pense qu’on peut y arriver,
— Oui, ils veulent rejoindre leur fille en Hollande. Vous vous rendez compte ? Ce bien mis en
— Il a été séduit sur quelques photos et notre visite a confirmé ses impressions.
Nous arrivons sur les lieux vers dix-neuf heures. La luminosité a baissé, mais la maison,
blanchie, semble rayonner sur le jardin. Madame Lalieu est fascinée par ce mix d’ancien et de
Je rentre chez moi ce soir-là, des lumières plein les yeux. Je ne parviens pas à trouver le
sommeil. Cet homme me revient sans cesse à l’esprit. Ce n’est pas forcément sur son physique
que j’avais craqué, mais surtout sur son charme fou. Ce petit truc en plus qu’ont certaines
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Sur les papiers, j’ai vu qu’il avait trente-deux ans. Il n’est pas marié apparemment. Pas
d’enfants.
Moi qui me suis promise de ne plus avoir de relation amoureuse, voilà que je me sens envahie
par une nouvelle émotion, un truc que je n’ai jamais ressenti auparavant. Comme une évidence,
Je ne dois pas me laisser aller dans ces pensées, surtout pas. Je lutterais et puis, il ne serait
que de passage. Une fois la maison vendue, peut-être que je ne le croiserais jamais ?
Je parviens à m’endormir sur le matin, la vague en moi est puissante. Je m’étonne même de la
ressentir, moi, Elise, la femme posée, réfléchie, sûre de ses choix et complétement réfractaire
C’était sans compter sur les émotions, la puissance du moi intérieur qui n’a que faire de la
raison.
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Chapitre 9
Le lendemain, je n’ai qu’une hâte. Qu’il passe ! Non mais! ça ne va pas ? je deviens dingue où
quoi ?
Vers quinze heures, il passe. En fait, je l’attendais. J’avais remis la visite d’une maison prévue
au lendemain matin. Ce qui m’arrivait me dépassait. Je ne pouvais pas lutter, c’était fort, c’était
impérieux.
Quand les forces du destin sont plus fortes que celles de la raison, alors il faut se laisser aller,
car cela signifie que le corps et le moi inconscient sont d’accord. C’est comme une évidence,
un problème mathématique, c’est comme une science exacte. Il ne faut pas lutter contre ou
vouloir démontrer autre chose car quel que soit le chemin emprunté, on revient toujours au
Nous nous installons dans mon bureau. Madame Lalieu est passée se présenter, a échangé
quelques mots, puis est partie rejoindre son bureau, un petit sourire aux lèvres, voulant dire «
à toi de jouer ».
— J’ai de bonnes nouvelles. Votre dossier est déjà en bonne voie. Tout est vert. J’attends encore
des documents de votre banque mais l’affaire suit son cours à vitesse grand V. Les propriétaires
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— Si c’est ainsi, c’est que cela devait se faire.
— Oui, je le pense aussi. J’avais préparé certains documents, que vous devez lire et signer.
Rien qu’à cette pensée, je m’en voulais. Cet inconnu, qui sort d’on ne sait où, provoquait une
Il me regarde droit dans les yeux, comme s’il venait de deviner ma pensée. Je ne sais plus où
me mettre, je sens la chaleur monter aux joues. Pourvu, pourvu, qu’il ne remarque rien,
pensais-je.
Il prend son stylo, puis commence à lire. Il sait exactement où signer. Il doit être rodé à ce style
de paperasse.
Ce qui aurait pris une heure à un client lambda, mit vingt minutes avec lui, alors que j’aurais
voulu que ce moment dure longtemps, le temps de l’observer, de regarder ses mains, ses
— Je suis tout nouveau ici à Collioure et j’aimerais faire des connaissances car sinon, le temps
va me sembler long. Je n’ai ni famille, ni amis sur le secteur. Que diriez-vous de venir ce soir
— Heu…pourquoi pas ? Oui, excellente idée. Je vais demander à Madame Lalieu et je reviens.
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Je me suis dit...Franchement, n’importe quoi ! j’aurais dû prendre des rollers pour demander
à Madame Lalieu ! ça fait vraiment trop empressée, il a dû avoir l’impression que je sautais
Je claque des talons et file voir Madame Lalieu, qui, bien entendu, allait être d’accord. J’en
étais sûre.
— Ok, merci. Et la suite, y aura-t -il de nouveaux papiers à signer ? des démarches à faire ?
— Non, juste vous mettre en relation avec votre notaire. L’agence s’occupe de tout le reste.
Peut-être aussi encore des signatures. C’est tout. Nous voulons que nos clients soient
— Bien, c’est très professionnel. J’apprécie cette démarche qualité, moi-même je suis dans cet
état d’esprit. Parfait, je vous dis donc à ce soir. Vers dix-neuf heures ? Mais où ? demanda-t-
— « Aux 2 mers » ? c’est un café très sympa en bordure de mer. On y prend des apéros
— Oui, c’est parfait, ça fait une éternité que je n’ai pas mangé de tapas. A ce soir donc, je viens
Voilààààà !!! Ouh !!!! c’était une impression folle !! J’en ai encore les jambes qui tremblaient.
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Je m’empresse d’aller retrouver Madame Lalieu.
— Eh bien, Elise, tu nous en trouve des trésors ! Non seulement ce client a un dossier en béton,
— Oui, répondis-je simplement. Je voulais dévier la conversation sur un autre sujet, submergée
par les émotions contradictoires qui m’assaillaient. Nous en saurons plus ce soir. Il m’a dit
qu’il voulait se faire des amis. Il vient s’installer ici pour créer sa boite de maçonnerie sur
Collioure. Il ne connait pas du tout la région. Il pense que Collioure sera un point stratégique
pour ses futures affaires. Il a réuni beaucoup de données économiques et commerciales sur le
secteur.
— Il a fort bien fait. Il y a fort à faire dans les terres, et puis, c’est toujours bon pour l’activité
économique de la région. Toi qui aimes les vieilles pierres, ça doit te décevoir ?
— Non, car d’après ce que j’ai compris il va faire de la rénovation aussi, et quand j’ai vu sa
future maison, mi ancienne, mi moderne, mes positions ont changé. Rénover l’ancien, ça ne
— Oui, sa future maison est magnifique. Une maison de pêcheur à la base, devenue une
demeure de rêve.
Je passe le reste de la journée ailleurs, ailleurs dans mes pensées, entre terre et mer, là où il
A dix-neuf heures précises, il est là, habillé en décontracté. Un jean, et un sweat léger bleu
Nous montons toutes deux dans sa BM. Bérénice n’est pas présente, elle avait pris des congés.
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Je lui indique la route des « 2 mers », en bordure de plage. Il n’y a pas encore beaucoup de
monde à cette heure, les touristes venaient plutôt vers vingt heures.
L’air chaud est encore fortement présent. Nous choisissons de rester à l’extérieur. La vue sur
la mer est juste magnifique. Quelques touristes, se baignent encore, certainement très heureux
— Est-ce que l’on prend des gâteaux apéro ou est-ce que l’on peut manger directement ? J’ai
repéré des gambas grillées aux poivrons, et ça n’a pas l’air mal ou peut-être êtes-vous
attendues ce soir.
Ils passent commande et se régalent. Les gambas grillées accompagnées de vin blanc frappé
— Non je ne pense pas. Mes affaires principales sont à Paris. Je vais lancer l’affaire ici. Je
pense rester un an ou deux maxi pour que tout soit bien installé. Je ferai des allers et retour à
Paris de temps à autre. Je vais prendre une équipe et un chef de chantier. Mais une fois lancé,
je pense revivre à Paris et faire des voyages sur Collioure quand ce sera nécessaire. A moins
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— J’en mettrais ma main à couper, dis-je. Comment ne pas tomber amoureux de cette région ?
Nous passons un agréable moment, l’embrun de la mer vient nous rafraîchir. Nous parlons de
— Je vis en ce moment à l’hôtel des cinq étoiles, et franchement, j’y suis très bien. J’ai hâte
cependant de me poser chez moi. J’aimerais aussi découvrir Collioure, ses lieux typiques, ses
spécialités.
— Avec plaisir.
— Pour ma part, c’est un peu compliqué car je travaille tous les jours même le dimanche,
précise Madame Lalieu. Pour nous, c’est une période très énergivore en temps.
— Le dimanche matin, je fais mon footing. Par contre l’après- midi je suis disponible, et vous
? demande -t -’il.
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— C’est d’accord pour moi, je n’ai rien de prévu dimanche. On se donne rendez-vous pour
La soirée se déroule dans une humeur joviale. Nous rentrons à l’agence en passant par les axes
secondaires de Collioure, pour admirer les maisons éclairées, dans la nuit et l’atmosphère
estivale. J’ai l’impression d’un déjà vécu, comme si, je revivais ce qui s’était déjà produit dans
une autre vie. On appelle cela la mémoire de la conscience. C’est un phénomène étrange. Que
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Chapitre 10
l’intensité de mon rouge à lèvres, quand la voiture de Romain se gare derrière moi. Vite, je
remballe le tube dans mon sac, faisant semblant de chercher désespérément quelque chose.
Il vient à ma rencontre. J’ouvre ma vitre, et, d’un ton plus que charmeur:
— On y va à pied ?
— Oui, c’est préférable. Je vous emmène au château Royal puis, nous irons au port de
Collioure.
— Tout un programme !
Il est vêtu d’un short et d’un maillot noir assorti. Lunettes de soleil et sac-à-dos. Mon dieu,
pensais-je, réveillez-moi !
De mon côté, j’ai adapté ma tenue à la marche. Un jogging de fitness noir et rose fluo, un sac
Comme c’est étrange, il y a deux jours je ne connaissais pas cet homme, et voilà que je vais
faire une balade avec lui ! Ce sont les surprises de l’existence. Comme des cadeaux imprévus.
Car pour moi, cet homme est un cadeau, je le savais au plus profond de mon être.
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Nous visitons le château, lieu de résidence des rois de Majorque, entre autres, puis, le port, en
— Je crois que je vais me plaire ici ! dit-il en admirant le paysage. Est-ce que vous voulez faire
un tour de bateau ?
— Oui, répondit-il. Sincèrement, je n’ai jamais fait de bateau, avoue t’il en éclatant de rire.
— Il n’y a rien de ridicule, vous venez de Paris. Pour nous, le bateau, c’est presque comme la
Plusieurs bateaux attendaient les touristes. Les navettes sont régulières vers les criques. Environ
toutes les heures. Ils arrivent juste à temps pour prendre le bateau. Et ils ne sont pas déçus du
spectacle qui s’offre à eux. Des criques de toutes sortes, la couleur de l’eau jouant avec la
lumière, des petits poissons frétillant près des rochers. L’eau y est transparente et limpide.
Nous rentrons au port après en avoir eu plein les yeux, et rejoignons nos voitures respectives.
— Bon, je crois que c’est l’heure de se quitter. J’espère que vous avez passé une agréable après-
— Comment vous dire, cette journée, c’est le symbole de ma nouvelle vie ! C’était superbe.
— Et moi, je n’ai pas envie de partir, j’ai envie de prolonger cette journée, lâchais-je, étonnée
— J’allais vous suggérer la même chose, mais je ne veux pas empiéter sur votre temps.
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— Pas du tout ! Venez, on prend la voiture. Je vous emmène au quartier du Mouré, le quartier
des peintres. Matisse y avait exposé. Là-bas, avec ces maisons ocre et roses aux teintes
éclatantes, ces balcons fleuris, ces ruelles pavées de galets, ces jeux de lumière, cet endroit
— Oui, répondis-je, l’air un peu gêné. Vous…Tu…es intéressé pour visiter ces vieilles ruelles
ou tu veux aller autre part ? Car comme tu l’as dit une fois, tout dépend des priorités.
La vie est bizarre, pense-t-elle. On vit seule, ça nous convient si on fait ce choix-là, et d’un seul
coup, ce qu’on croyait être la seule et unique vérité compatible avec nous depuis des années, se
transforme en mensonge. Et là, on se retourne et on se dit : que d’années perdues à ne vivre que
Nous visitons les ruelles et contemplons les toiles exposées ci et là, un sorbet à la main, comme
Je réalise que je suis foudroyée par cet homme que je connais à peine. Cela ne me ressemble
pas, ce n’ést pas moi, cette fille qui marche dans la rue à côté d’un inconnu.
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La même mais amoureuse pour la première fois.
Oui, il faut l’accepter. C’est trop fort pour le nier. Reste à découvrir si c’était réciproque.
Les regards échangés semblent lui dire que oui, et également certaines intonations dans la voix.
— Oui, bien sûr. Je ne suis pas vieille non plus, dis-je en riant. Je vais sur mes vingt-trois ans
seulement…
— Ha non, désolée !
Je suggère que chacun prenne sa voiture, et se rejoigne de nouveau devant l’agence dans une
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Chapitre 11
Une heure plus tard, nous prenons sa voiture de Romain et roulons, en passant par le bord de
mer. La vue est magnifique, la côte Vermeille offrant de splendides panoramas. En contrebas,
la mer, limpide, prête à ouvrir le rideau sur un coucher de soleil. Nous nous sommes arrêtés à
la sortie de Collioure, dans un petit restaurant que je connaissais bien : « L’assiette des
embruns ».
fondants.
Romain a commandé du champagne à l’apéro, servi avec une fougasse aux lardons, chorizo, et
olives.
Nous prenons une table dehors, près de la rambarde. En contrebas, se trouve une crique encore
sauvage, difficile d’accès à pied. La vue est juste sublime, presque irréelle.
Je veux que le temps s’arrête là, ou que je meurs de suite, tellement ce moment est puissant en
— Alors, quand ta société va-t-elle ouvrir ? demandais-je, pour éloigner les pensées qui me
harcelaient.
— En octobre, je pense. Je suis en cours d’achat d’un bâtiment à la sortie de Collioure. C’est
un petit bâtiment agricole. Il servira de stockage pour le matériel. Je vais recruter une équipe de
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quatre personnes sur place, le salaire sera très convenable car je veux pouvoir garder les
personnes et les motiver. Toute la partie administrative se fera dans ma nouvelle maison.
— Et toi, parle-moi un peu de toi ! As-tu des frères et sœurs ? As-tu des passions ?
— Oh, je mène une vie très simple. Je suis fille unique. Mon père tient une épicerie dans
Garance, mon amie d’enfance. J’ai aussi d’autres amis rencontrés à Perpignan, quand j’ai fait
mes études post bac. Pour les passions, non, pas beaucoup à part le domaine immobilier, en
particulier les vieilles pierres. C’est mon unique passion avec la déco. Ça me prend tout mon
temps et mon énergie, mais comme j’aime ça, ça ne me dérange pas. Et toi ?
— La même chose que toi, mais en plus avancé dans la vie, de par mon âge. Une société saine
à Paris. J’ai un appartement à Montmartre. Je n’ai pas à me plaindre, j’ai repris la société de
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mon père il y a quelques années déjà, qui se portait déjà bien. Mon souhait est de me diversifier,
c’est pour cela, le sud. Mes parents sont en retraite et vivent à l’étranger.
Mon métier me prend aussi tout mon temps, je n’ai pas de vie sentimentale.
C’était mon jour de chance. Tous les curseurs étaient dans le vert. Cet homme m’avait été
envoyé par je ne sais quelle bonté divine. Restait à savoir si je lui plaisais. J’avais bien ma petite
idée, mais je voulais en être sûre et je souhaitais surtout qu’il fasse le premier pas.
S’il m’avait dit, viens on va vivre ensemble, je crois que je l’aurais suivi tout de suite, comme
une ado qui s’amourache d’un garçon, prête à tout abandonner, à fuguer, pour le suivre.
Oui, tout cela ressemblait au fruit de la passion. Le fruit de la passion, c’était cette envie
irrésistible de vouloir tout de l’autre, sans attendre, sans en savoir plus, inconditionnellement.
J’étais menée par cette soudaine émotion par le bout du nez, mon cerveau, ma raison s’étaient
connaitre depuis longtemps, comme si tu avais toujours fait partie de ma vie. Je ne suis pas du
style à me confier habituellement et surtout pas à une inconnue, mais, là, j’avoue que j’ai du
— Ne t’en fais pas…Ne te fatigues pas à m’expliquer. Je ressens la même chose. C’est d’ailleurs
incroyable. Ce qui m’arrive est nouveau, jamais vécu. Et comme toi, je ne suis pas du style à
— Je vais recommander du champagne, alors, ce soir est un soir spécial. Je vais te confier
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Ça y est !!! Le signal !!! Le voici…Il vit la même chose que moi. Les dés étaient lancés.
Le dîner s’achève sur une note musicale, un guitariste vient nous jouer quelques notes au
dessert.
— Tu veux de l’aide ?
— Si ! en ce moment, je la perds…
— Moi aussi.
Il me dévore des yeux. Son regard est un des plus magnétique et énigmatique qui soit. Un regard
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Je ne m’attends pas à une telle précipitation, mais en même temps, j’avais tellement imploré les
dieux de l’amour et de la fougue, que je l’ai embrassé, avec passion, avec soif, avec frénésie.
Encore une fois, c’était beau, c’était intense. Je ne sais pas combien de temps notre baiser dure
mais je pense que la voiture s’en rappelle encore. La noirceur de la nuit nous a enveloppé,
véhiculant toutes sortes d’idées noires, et lui, me protége dans son être, dans sa chaleur. L’odeur
de sa peau me rappelle des souvenirs d’enfance, entre parfums de glace à la vanille, fleurs des
champs et herbes coupées. Une odeur que je connais et que je n’ai pas senti depuis longtemps.
Je sors de cet état second quand j’ai entend une moto qui passe à côté.
— Je dois rentrer, j’avais dit à mes parents que je rentrerais vers onze heures trente. J’étais
supposée être avec Garance au restau et il est minuit. Il faut que je rentre.
— Oui, mais je vis sous leur toit, et mon père est quelqu’un de bileux. Je préfère rentrer. Qu’est-
ce que tu dis de se revoir demain ? A dix-neuf heures devant l’agence. Je dirais à mes parents
— Oui…
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Il met ses mains sur mes joues et m’embrasse fougueusement, comme un marin qui n’a pas
— Coucou papa je vais me coucher, je suis épuisée. On a regardé des films avec Garance et je
— Oui, papa repose toi bien aussi. Au fait, demain, je retourne chez Garance. On regarde une
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Chapitre 12
Le lendemain, la journée passa relativement vite, je devais honorer les rendez-vous repoussés.
Dix-neuf heures arrivèrent. En sortant, je vis qu’il m’attendait, garé presque en face de l’agence.
Je monte dans la voiture, j’ai mis ma plus belle robe la noire, celle avec de grosses fleurs roses
fondues comme dans une aquarelle, avec un décolleté V assez profond découvrant un collier
avec une seule et unique perle crème nacrée. J’ai pris un petit sac fourre- tout et j’ai glissé une
nuisette, une petite pochette avec quelques produits de beauté. Je ne veux pas que Romain se
doute que j’ai pris un sac pour passer la nuit avec lui. On verra bien le déroulement de la soirée.
Il m’embrasse d’un rapide baiser sur la bouche pour ne pas me mettre mal à l’aise devant
d’éventuelles connaissances.
— Ça va ?
— Tu as bien dormi ?
— Non.
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— Tu veux manger ?
Je lui indique alors le chemin d’un autre restaurant où on pouvait manger dans un jardin.
Un jardin avec des oliviers centenaires. Des lanternes étaient suspendues dans les branches,
J’ai l’impression d’être à un mariage, au vin d’honneur, dans un décor de rêve et que la suite
nous réserve une nuit de folie, accompagnés par les convives heureux et un joli cadre. Romain
a mis une chemise blanche en lin, ce style de chemise à la fois décontractée et terriblement
classe. Son regard est empreint d’une chaleur et d’un mystère indescriptible, celle qui nous
— Je te conseille les noix de Saint jacques et leur fondue de poireaux, c’est divin. Nous sommes
allées manger ici il y a quinze jours avec Garance, et cet endroit est une vraie découverte.
— Je veux passer par les mêmes chemins que toi, gouter les mêmes choses que toi…
Je me sens rougir, car ces paroles signifiaient qu’il devait être complétement accro à moi,
— Cet endroit est magique, dit-il. Ça me change vraiment de Paris. C’est une autre vie, je pense
— Je ne sais pas, je ne connais pas la vie ailleurs. J’ai juste Collioure dans mes gènes. Et je ne
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— Ce qui veut dire que tu ne partirais jamais vivre ailleurs.
— Oui.
— Qu’est-ce-que c’est ?
— Comment ça ?
— Oui, certainement.
Je comprends l’allusion soudainement. J’explose de rire. Les autres clients regardent dans ma
direction. Je m’en moque. Je suis bien, légère, jeune, heureuse, je me fous royalement des
autres, et de la terre entière. Ne compte que ce moment, ces rires, ce regard, cet olivier, cette
nuit.
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— Je ne sais pas, je vais déjà prendre mon dessert, dit-elle, malicieusement, un petit sourire aux
lèvres. Je dégrafe deux attaches de mon col Mao, la chaleur me monte aux joues.
Je prends un sorbet et Romain m’observe alors que je le déguste. C’est gênant, je ne l’ai pas
fini. Je n’ai pas faim, juste envie de profiter de cet instant, tous les deux, dans la jeunesse de
l’âge, frais et heureux comme des ados pour leur première sortie.
— Oui, il faut juste que je sois arrivée vers neuf heures trente. La gérante arrive habituellement
— Tu y seras.
— Très bien, on va où ?
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— A l’hôtel, tu vas voir il est vraiment sympa. A moins que tu veuilles faire un bain de minuit
— Ah bon, secrète ?
— Oui, moi seule et Garance la connaissons et certains habitants. Les plus belles criques ont
un accès difficile. Tu verras. C’est un endroit merveilleux. Il vaut mieux y aller en fin d’après-
midi, il n’y a jamais personne à cette heure. Il faudra marcher environ une demi-heure avant
— Oui, ça me tente.
Il se gare juste devant l’hôtel, sur un parterre de petits cailloux blancs. Il fallait monter plusieurs
marches pour accéder à cette magnifique bâtisse surplombant la mer. De l’extérieur, on ne voit
que la façade, les jardins sont cachés par de grands arbres. De la plage, on distingue un grand
C’est incroyable ce qu’on peut avoir et faire avec l’argent, me dis-je. Même la plage, on peut
Je chasse ces idées de ma pensée, ce soir, c’est notre soir. Je n’ai plus aucune appréhension. Je
Je décide de profiter à fond de ce qui vient de me tomber sur la tête. L’entrée est immense. Au
sol, un carrelage en pierres anciennes magnifiques, dans les tons blanc cassé, aux murs des
photos en noir et blanc, d’un autre temps, représentant Collioure à différentes époques. Sur le
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carrelage, des tapis persans. On doit monter dans les chambres par un grand escalier central en
Il a une belle suite, un grand lit avec une parure blanche, et surtout, une porte fenêtre donnant
sur une terrasse. Cette terrasse donnait sur la baie de Collioure. Un spa était là, éclairé.
En contrebas, on peut voir le chemin, à travers les jardins d’oliviers centenaires qui mène à la
plage privée. Le tour de la terrasse est bordé de bambous plantés dans des grosses jardinières
en pierre polie.
— Moi aussi, je l’ai mon Blue Lagoon, dit-il en allumant les lumières qui donnaient à l’eau une
— Il y a même un bar.
— C’est le grand jeu, dis-je en m’asseyant dans l’un des fauteuils moelleux de la terrasse.
— L’eau devrait être chaude dans un quart d’heure, juste le temps pour nous de profiter d’une
coupe.
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— Pas besoin.
— Attends, si !!!
Je me mis à rire.
— Alors d’accord, mais, mets les remous et ne regarde pas quand je vais rentrer dans l’eau.
— Promis.
Le quart d’heure passe difficilement. Je suis prise d’une soudaine appréhension. Romain me
sert une autre coupe. C’est vraiment une soirée très spéciale.
Puis, je lui demande de s’éloigner. Je me déshabille à vitesse grand V et rentre dans l’eau
Il se met à rire.
— Non pas timide, juste un peu étonnée de vivre cela maintenant alors que nous venons de faire
— Pas le mien non plus. Mais laissons à la vie le droit de nous montrer le chemin.
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— Je trouve ça plutôt poétique.
Il est entré dans l’eau. Les remous, les buses de massage sont délassantes. On ne voit strictement
rien dans l’eau. Puis, au bout de cinq minutes, il stoppe les bulles.
Quel romantisme !
Puis, nous nous calmons et Romain vient m’embrasser avec une fougue extrême. Nous nous
enflammons dans l’eau bleue des mers du sud. Puis, nous sortons rapidement, nous sommes
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Chapitre 13
Une relation passionnelle débute. Un mois après, je le présente à mes parents. Papa le trouve
très bien ; en fait, il correspond au gendre idéal, de par sa façon de prendre soin de moi, sa
situation professionnelle et son charisme. Maman est sous le charme, Garance aussi. Un peu le
Je m’installe à l’hôtel. Ça me gêne un peu au début, mais Romain m’a dit qu’il fallait que je
reste, que cela ne lui posait aucun problème. Donc, j’ai dit oui.
Nous nous posons mi –septembre, Romain ayant fait quelques petits travaux d’aménagement
dans sa nouvelle maison avant d’y rentrer. L’endroit est magique, j’ai le sentiment d’avoir déjà
Il m’interpelle : « Tiens, voici une carte bleue. C’est ta carte blanche ! Fais toi plaisir et achète
ce qui te plais pour la maison. J’ai envie que tu mettes ta touche, ton empreinte. Je sais que tu
es censée, et que tu dépenseras uniquement pour tes coups de cœur et que tu ne feras pas
n’importe quoi.
— ça me touche beaucoup. C’est vraiment génial. Je vais appeler maman et Garance et tante
Nous partons le matin même, par chance, tout le monde est dispo.
Je m’éclate comme jamais, on commande des tapis persans ressemblant étrangement à ceux de
l’hôtel, trois fauteuils en lin blanc magnifiques et confortables, de la vaisselle, un salon de jardin
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exotique en bambou tressé, deux commodes en bois de manguier brut pour mettre dans notre
Les anciens propriétaires ont laissé sur place de jolis meubles se mariant bien avec l’âme de la
maison et je veux prendre le temps de la réflexion pour le reste en installant déjà ce que j’ai
commandé.
— Voilà, je suis satisfaite. J’ai vraiment acheté mes coups de cœur, le linge de lit dans les bras.
Les meubles vont nous être livrés début de semaine prochaine et nous avons pris ce qui était
transportable. Je veux y retourner fin de semaine prochaine quand tout sera installé dans la
maison.
— Bien, dit-il. Je te fais confiance, ça à l’air d’être de très bon goût tout ça, en voyant tante
— Je suis fatiguée, répondit maman. Mais pourquoi pas. Elise, demande à ton père s’il veut se
joindre à nous.
Papa ne peut pas venir, comme à son habitude. Le soir, ce n’est pas simple pour lui.
Romain prépare un barbecue. Poissons et poivrons grillés, riz et salade. L’arrière- saison est
On passe de très bons moments. J’invite régulièrement mes amis et la famille chez nous. Jeanne
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Tous le trouvent vraiment sympa, élégant et charismatique.
Quand on le questionne sur sa famille, Romain reste très évasif sur le sujet. Il est fils unique, sa
famille restreinte. Le peu de famille qu’il a, est éclatée à l’étranger. Je crois qu’il lui reste sa
Ses parents sont partis vivre au Canada pour leur retraite, leur rêve de jeunesse. C’est lui qui
les a poussés à partir en leur disant qu’ils devaient réaliser leur rêve de toujours. Qu’il n’y aurait
aucun problème pour lui, qu’il était lancé dans la vie, que son entreprise marchait bien et qu’ils
n’avaient pas de soucis à se faire. Cela fait environ trois ans qu’ils sont partis. Il est allé les voir
une fois, mais n’a pas pu y retourner, tellement pris par son travail. Mais tout va bien, ses parents
se plaisent dans leur nouvelle vie. Ils se sont fait des amis et ont aussi une vie bien remplie,
Le temps s’écoule rapidement, rythmé par une activité professionnelle importante. Pour
Romain, malgré un démarrage long et difficile, la société devient finalement prospère. Sa petite
Il s’absente tous les mois, cinq à six jours environ, pour gérer son autre entreprise à Paris. Il a
embauché un chef d’équipe là-bas, digne de confiance mais il doit faire régulièrement le point
sur place. Ça me permet de m’occuper de moi pendant ce temps, de passer des soirées avec
Garance, faire des soins de beauté, des spas et hammam. Enfin, toutes ces choses que beaucoup
de femmes aiment faire. Quand il n’est pas là, maman vient souvent dormir à la maison, on
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Quatre ans s’écoulent, je suis toujours amoureuse de lui. Quand on est éprise, le temps ne
compte pas, les moments du quotidien sont embellis. Ce qui pourrait nous sembler fade dans
une vie monotone et émotionnellement vide, nous semble si pétillant dans une vie amoureuse
intense. L’amour doit certainement activer certaines connections de notre cerveau, tout nous
liberté morale.
Et puis, un beau de jour de printemps, j’ai un déclic, celui de ma vie. Sans savoir pourquoi, j’ai
envie d’avoir un enfant. Moi, qui me suis fermée définitivement à la maternité, je mûri
insidieusement le projet de devenir mère pour la seconde fois. Je n’avais jamais parlé à Romain
de ce qui m’était arrivé plus jeune. C’était tabou, pas réel. Cette fois ci, tout est réuni pour avoir
et élever cet enfant : l’amour, une plus grande maturité, la stabilité émotionnelle et financière.
J’ouvrirais mon agence plus tard. Et quoi de mieux que de lui faire la surprise ? Lui qui adore
les surprises. Il semble d’ailleurs apprécier les enfants. Garance était venue une fois
accompagnée d’une petite fille qu’elle gardait pour dépanner une amie, il avait beaucoup joué
avec elle, lui avait raconté des histoires de magiciens. Il est tellement pris par son métier qu’il
ne voit pas le temps défiler, et risque de passer à côté des choses importantes de la vie. Je
m’imagine alors lui faire un paquet cadeau avec un test de grossesse montrant les barres
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Chapitre 14
Je fais le test dans les toilettes. C’est un samedi après-midi, je veux savoir. J’achète quatre tests
au cas où. Je ne m’attends à rien, mais je veux contrôler. Je regarde le résultat : deux petits
tirets, à peine visible, semblent se dessiner. Je file à la lumière du jour : deux semblants de tirets.
Est-ce mon imagination ? Je recommence le lendemain, les tirets semblent se prononcer, puis
le surlendemain : pas de doutes, cette fois ci, ils sont bien là. Je suis enceinte ! Je ne rêve pas !
Le samedi soir, je commande un buffet pour deux. Je prends les plus belles coupes, les plus
belles assiettes, je mets la plus belle nappe, une musique d’ambiance, j’allume les bougies et je
mets ma plus belle robe, celle des grandes occasions. Une robe vert amande, fluide, romantique.
Romain, est allé faire un tour au bâtiment, fief de la société, pour reprendre du matériel qu’il
doit emmener en réparation. Je n’ai que très peu de temps pour préparer cette surprise, il peut
— Mais, qu’est ce qui se passe ? tu t’es mise sur ton trente et un ? On sort ? Tu es vraiment très
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Je le prends par la main, pour l’emmener dehors, sur la terrasse, où la table avait été dressée
pour l’occasion. Les lumières de la piscine éclairent délicatement le sol, les bougies sont
— Bien, voilà.
— Tiens… Voici. Je lui tends une boîte, décorée avec des perles.
— Humm…un cadeau ?
— Oui.
— Oui, mon ange. Je voulais te faire la surprise. Ça fait quatre ans que l’on est ensemble
maintenant et pour moi, c’est la plus belle surprise qu’une femme puisse faire à son chéri.
Silence.
— De combien ?
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J’avais besoin qu’il me rassure, là, tout de suite. C’était vital.
— Oui, c’est certain, mais la nature est bien faite. Il n’y a aucune raison que ça se passe mal. Je
suis désolée, je pensais que cette nouvelle t’aurait rendu fou de joie.
— Attends, laisse-moi accuser le coup. Je ne suis pas prêt pour avoir un enfant.
— Bien sûr, mais là tu me mets devant le fait accompli. En gros, je n’ai pas le choix. Et j’aime
– Oui.
Je me ferme, je suis dépitée, lavée, déçue de sa réaction, pour la première fois. La colère monte
— Toi.
— Et à part moi ?
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— Tu n’aimes pas les enfants ?
— Rien.
— Mais si !!! Rien, ça ne veut rien dire. C’est nul de dire rien ! Le feu me monte aux joues et à
l’âme.
— Non, merci. Parler de petits fours dans un moment si important, franchement. Je vais me
Je laisse tout comme ça, je suis révoltée. Comment aurais-je pu m’attendre à ça ? Lui qui dit
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moment de lui donner en cadeau le symbole de notre amour, il me répudie. « Tiens, prends un
Je file dans la salle de bains à la recherche d’un somnifère. J’en avais pris au début, lorsque
Romain s’absentait pour aller à Paris et que je me retrouvais seule. J’avais un peu peur. Maman
Je vérifie la notice, il n’est pas dangereux en cas de grossesse. Les larmes coulent le long de
Tout s’écroule autour de moi, tout me semble si dérisoire maintenant. Tout est faux, son
apparence, cette maison, cette vie qui pourtant est venue à moi.
Je me couche, le cœur gros. Demain…demain, on parlerait de ça ? Pour dire quoi ? Parce qu’il
voulait certainement que je l’enlève ? C’est ça, hein ! Et bien non, non, cet enfant je le garde,
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Chapitre 15
Je me réveille le lendemain en sursaut. Le lit est vide à côté de moi. Je jette un œil sur mon
réveil. Sept heures. L’oreiller et la couette n’ont pas bougé près de moi. Je me lève en trombe,
et me rend directement sur la terrasse. La table a été débarrassée. Rien ne traîne. Je vais vérifier
si ses clés sont sur le meuble d’entrée. Rien. Pas de voiture dehors. Il est parti. Je n’ai rien pour
Je cherche dans la maison, rien, il n’a pas pris d’affaires. Juste sa sacoche. Et soudainement,
sur le guéridon de la chambre, je vois une enveloppe blanche. Je suis passée à côté sans la voir.
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Chapitre 16
Ma main tremble, je prends l’enveloppe et m’assied sur le lit. Je reste figée là cinq minutes,
sans réagir, à fixer l’enveloppe. Puis, d’un geste brusque et tremblant, je l’ouvre.
Elise,
Quand tu te réveilleras, tu verras mon enveloppe. Inutile de me chercher Elise, je vais être
franc et honnête. Tu m’as fait mal hier, car je pensais être assez important pour toi pour ne pas
me laisser devant le fait accompli. C’est une chose que je ne comprends pas et que je ne veux
pas comprendre. Et puisque nous en sommes aux révélations, je veux te dire aussi quelque
chose, quelque chose dont je ne suis pas fier, mais que j’espère tu comprendras un jour. Puisque
tu m’aimes et que comme moi, tu as été portée par la passion. Elise, je pense te faire du mal
quand je vais t’annoncer cela, mais comment le faire ? Je ne sais pas. Alors, je vais parler avec
mon cœur. Je suis désolé de te l’apprendre comme ça, je voulais te le dire face à face, pas tout
de suite, mais prochainement, car je n’étais pas prêt. Ton annonce, hier, a donc précipité les
choses.
Voilà, j’ai quelqu’un à Paris. Une femme. Elle est journaliste. Je la fréquentais depuis dix ans
quand je t’ai rencontré. Je ne voulais pas vivre une autre aventure quand je t’ai rencontré,
mais, voilà, j’ai eu le coup de foudre, le coup de folie qui nous fait tout oublier et qui nous rend
dingue. Cette femme, je l’aime aussi, mais d’un amour complétement différent. Oui, on peut
Je n’avais pas prévu tout cela. Je t’ai rencontré et ça a été un véritable cataclysme. Je me suis
laissé emporter.
Cette femme est régulièrement absente, elle suit les médecins sans frontières entre autres.
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Je l’aime, et je ne peux concevoir ma vie sans elle. C’est une femme libre, très indépendante.
Ne m’en veux pas. Je sais, ça fait quatre ans qu’on se connait, qu’on s’est aimés ; mais
aujourd’hui, je dois mettre un terme à notre relation car elle m’emporte dans un tourbillon que
je ne veux plus connaître. Je préfère -même si c’est horrible de dire ça- te faire souffrir
aujourd’hui que dans cinq ou dix ans. De toutes manières, je ne pouvais pas continuer comme
ça, dans le mensonge et les non-dits. Je sais que tu vas me haïr, et je le comprends. Maintenant,
quand tu m’as annoncé la nouvelle hier, je ne pouvais être que choqué, car, sincèrement, vu la
J’ai essayé de la quitter mentalement durant ces quatre années, d’effectuer un travail sur moi,
mais c’est plus fort que moi. Je ne veux pas qu’elle sorte de ma vie. Toi non plus, je ne voulais
pas que tu en sortes, mais hier, j’ai dû faire un choix. Un choix de vie, un choix entre deux
femmes même si je déteste ces mots, mais c’est pourtant la triste réalité.
Je suis assez égoïste. Le voici mon défaut, toi qui ne te doutais de rien.
Saches que je t’aime, même si tu en doutes à présent. Sois forte comme tu l’as toujours été. Ta
famille et tes amis seront tes meilleurs soutiens. Tu n’as rien à te reprocher, sauf le choix que
tu as fait hier toute seule. Je t’en veux pour ça car ça me rend la décision encore plus difficile,
mais cette décision, tu dois l’assumer dès à présent car, je ne sens aucunement responsable et
J’espère que tu feras le bon choix concernant cet enfant. Réfléchis bien, car il devra grandir
sans père, et ce sera lourd de conséquences. Mais je sais que tu es une femme solide, et qu’un
mois de grossesse, c’est très peu. Je ne suis pas un monstre, je veux te dire que tu es jeune et
que tu as toute la vie devant toi. Et que ces choix-là, ils devront être éclairés avec une personne
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qui est d’accord pour suivre ce chemin. Ça me fait mal de dire ça, de te mentaliser avec
quelqu’un d’autre. Mais je suis désormais sûr de mon propre choix. C’est vital.
Je te laisse la maison, les meubles, tout. Tu pourras jeter mes vêtements ou les donner. Ce n’est
pas une compensation, ne crois pas cela. C’est aussi par amour que je le fais. Je sais que tu
t’en moque pour l’instant mais, garde tout cela, ça te permettra de bien démarrer dans la vie.
Je ne te donnerais pas de nouvelles, même si j’en meurs d’envie. Le mieux est de nous séparer
une seule et unique fois, car la souffrance sera plus forte, si on le fait plus tard.
Prends bien ta décision au sujet de l’enfant que je ne pourrais jamais reconnaitre, ni assumer.
Ne me hais pas,
Romain.
La lettre tombe. Les tremblements ont laissé place à la mollesse de ses membres, comme si je
— Maman ?
— Oui ?
— Viens s’il-te-plaît.
Elle a compris. Il a suffi d’une intonation de voix. Ce que les mères ressentent de suite quand
leur enfant va mal. C’est viscéral, c’est comme si elle le sentait dans son propre corps.
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Un quart d’heure après, elle arrive, le visage grave, inquiet.
Elle me prend dans ses bras sans poser de questions. Je pleure. Je me revois, il y a quelques
années, dans le même état et vraiment, ma maman c’est la seule personne que je veux voir. Elle
Je lui explique tout de suite, mes propos sont saccadés, entrecoupés de larmes et de hoquets
incontrôlables.
Puis, nous nous installons dans le canapé, toutes deux l’une contre l’autre, collées comme des
Une seule solution : prendre mes affaires et je partir chez mes parents.
Ils tombent de leur petit nuage ce jour-là, mes parents lui vouant une admiration sans failles. Ils
décident de respecter mon choix pour l’enfant à venir. Je suis si mal. Ma décision de le garder
faillit pas.
J’ai besoin de rester chez eux, je ne peux pas vivre seule dans cette maison, sans Romain. C’est
trop dur.
Quelques jours après, en allant reprendre des affaires à la maison, une lettre m’attend dans la
boite aux lettres. Romain a mis la maison à mon nom. Pas d’autre mot. C’est terrible. Je me
suis dit qu’au final, je l’acceptais. Je la revendrais et placerais l’argent pour l’enfant à venir.
Et puis, je fais des examens pour ma grossesse. Tout va bien. De ce côté-là, je suis soulagée. Je
préviens Madame Lalieu, la responsable de l'agence. Je lui dis tout aussi. Elle compatit devant
ma peine, et ne sait que faire pour m’aider. Puis, quelques temps après, je relève la tête. Je ne
suis plus seule désormais, il est de mon devoir de préparer l’avenir pour ce petit être à venir. Je
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refais toute la déco de ma chambre dans des tons neutres même si j’en suis juste à deux mois
Collioure, maman m’accompagne. Tout semble normal. Nous sommes rassurées, car je vis
savoir plus.
— Comment ?
— Oui, vous attendez deux bébés. Avez-vous des antécédents de jumeaux dans la famille ?
— Non.
Je me rends compte que je ne sais pratiquement rien des antécédents de Romain. Peut-être m’a
— Tout va bien. Il va falloir tout préparer en double, alors. Nous allons vous suivre tous les
mois. Une grossesse gémellaire est plus risquée qu’une grossesse normale. Après, il n’y a pas
de raisons que ça se passe mal. Il faut juste être vigilant et vous aller devoir vous ménager au
maximum, surtout vers la fin de grossesse. Les risques de prématurité sont plus élevés.
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Maman reste bouche-bé. Je suis estomaquée aussi. Mais, voilà, c’est la vie. Il faut faire avec.
Ce sera plus dur, c’est sûr, mais je ne suis plus à ça près. M’occuper de deux enfants au lieu
d’un m’empêcherait de penser, je n’aurais plus une minute à moi. De toutes façons, j’avais
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Chapitre 17
Le temps passe, j’ai des écographies tous les mois. Le docteur me prescrit un arrêt de travail au
quatrième mois, car je me sens fatiguée. Les jumeaux où jumelles me prennent déjà toute mon
A quatre mois et demi, cinq mois, le gynécologue me demande si je veux connaitre le sexe des
Il m’ annonce être sûr à quatre-vingt-dix pourcents que les bébés sont de magnifiques petits
garçons.
Je suis contente, filles ou garçons, je m’en moque. Maman aussi est heureuse d’avoir une petite
A six mois de grossesse, mon col commence déjà à s’ouvrir. Le docteur me demande de rester
Heureusement, que maman est là, toujours à mes petits soins. L’attente est longue, très longue,
je passe mon temps à lire où devant la télévision dans le salon, où mes parents ont installé un
lit. Garance vient me voir régulièrement, elle est ma bouffée d’air pur. Devenue professeur des
écoles à Collioure, elle a toujours des anecdotes à me raconter, elle me fait rire. Olivier et Jeanne
viennent aussi passer quelques week-end avec tante Catherine. Ça me fait un bien fou, et
Durant cette période, je vends la maison où j’ai vécu avec Romain. La gérante de l’agence s’est
occupée de la vente. Mes parents et mes amis sont allés faire le déménagement ; tout a été
vendu, les meubles, la vaisselle, tout y est passé. Je ne voulais garder aucun souvenir de cette
vie-là.
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J’ai placé la somme, une grosse somme qui me permettra de dormir tranquille et d’assurer
Puis à sept mois, je commence à avoir des contractions. Je dois être hospitalisée, le docteur veut
mettre toutes les chances de mon côté et du côté des bébés. Je reste un mois à l’hôpital, entre
perds les eaux dans mon lit. Le docteur souhaite me faire une césarienne, pour éviter la
Je pars au bloc à vingt heures. N’ayant eu qu’une anesthésie locale, j’entends tout. Je sens quand
on sort les bébés de mon corps, c’est une sensation vraiment étrange.
Mes trésors, mes pépites. Vous criez de toutes vos forces ! On vous pose sur moi après les
premiers soins pour un peau à peau. C’est vraiment magique. Une communion unique. Le plus
Les bébés ont déjà un bon poids pour des faux jumeaux. Ils ne restent qu’une petite semaine en
couveuse. Les biberons sont dévorés, c’est infernal. Max, fait bien entendre sa voix, et Edouard,
reste calme. Comme quoi, les tempéraments d’hier semblent être les tempéraments de demain,
en plus puissants.
Tout le monde passe voir ces petites merveilles, avec leurs cheveux déjà bien fournis. Ils sont
très éveillés, c’est ce que souligne la sage-femme. Papa et maman sont fous de joie, même s’ils
pensent déjà aux conséquences qu’impliquent la venue de faux jumeaux. Le travail, la fatigue,
Tante Catherine se propose pour venir un mois à la maison afin de nous aider à faire face à cette
nouvelle vie qui nous attend. Avec l’accord des parents, je dis oui. Garance, quant à elle, se
propose pour faire des courses, du repassage, afin que le quotidien soit un peu moins épuisant.
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Je dis oui aussi. Toutes ces bonnes volontés sont sincères et bienveillantes, et je suis heureuse
Quand je rentre à la maison, je n’ai aucune appréhension, comme si, ils manquaient à ma vie.
J’ai déjà acquis tous les gestes de maman, rien ne me fait peur.
Je suis bien organisée, maman aussi. On est complémentaires. C’est un vrai bonheur de l’avoir.
Papa n’est pas une semaine sans ramener des peluches, des accessoires divers.
C’est une très bonne époque. Nous sommes rythmés à la fréquence des biberons, et les relais
J’ai droit à un congé parental jusqu’à leur rentrée en maternelle. Ça me laisse le temps de
Je décide alors, quelques mois avant la rentrée scolaire d’avoir ma propre maison et finalement,
d’utiliser une partie de l’argent que j’ai placé. Ce sera un investissement pour les enfants après
tout, et ça nous profitera à tous. Ce n’est pas que je suis mal chez mes parents, bien au contraire,
mais je pense que cette cohabitation a trop duré et qu’il va falloir que je prenne mes propres
responsabilités. Je ne peux pas rester ad vitam aeternam chez eux. Je leur annonce. La déception
est perceptible dans leurs yeux mais ils comprennent. Je ne veux pas m’éloigner d’eux.
Je contacte madame Lalieu pour une recherche de maison dans le quartier de mes parents. Par
chance, elle a rentré un bien tout récemment. Un couple qui part rejoindre leur fils à l’étranger,
et leur maison est en vente. Elle doit rentrer aussi un autre bien, mais trop grand et trop coûteux,
selon elle.
Je suis impatiente de la découvrir. Le rendez-vous est fixé pour l’après-midi même. Maman et
papa m’accompagnent. Quand elle arrive, j’ai le réflexe de vouloir prendre la voiture. Elle se
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met à rire : pourquoi prendre la voiture puisque le bien est situé à trois maisons d’ici. On peut
Mes parents n’ont pas entendu parler de cette vente, parce que ce couple vit à Paris et ne vient
Le portail électrique est de couleur gris clair et s’ouvre sur une petite maison, une maison de
pêcheurs comme je les aime. Le bas est assez spacieux avec une grande salle à manger
prolongée par une cuisine aménagée. Une baie vitrée donne sur la terrasse, en éclairant la pièce.
Un couloir avec deux chambres, une salle de bains et des toilettes, composent le reste du rez-
de-chaussée.
Le haut est pré-aménagé mais rien n’est terminé, c’est une grande pièce à vivre. On aurait pu y
J’ai tout de suite le coup de cœur. Un jardin entoure la maison, il est doté d’une petite piscine.
Mes parents aussi tombent sous le charme, et surtout, elle est vraiment proche.
Madame Lalieu aborde le prix. Ça tient. En plus, elle ne veut pas prendre de commission, c’est
cadeau. Un juste retour de mon investissement dans l’agence, comme elle dit.
Deux mois après, j’emménage avec l’aide de ma joyeuse troupe. Tante Catherine, Jeanne et
Olivier, Garance. Seuls mon oncle et ma tante sont absents, en voyage à l’étranger.
Je commande un grand canapé avec méridienne, j’achète des rideaux en lin blanc, des tapis
crème, des lits pour les enfants qui dorment tous les deux dans la même chambre, et un lit pour
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moi avec deux grands dressings. Je prends aussi un canapé convertible pour mettre en haut et
un salon de jardin en bambou. Je meublerais tranquillement le reste. Tout est livré une semaine
avant mon aménagement, avec l’autorisation des vendeurs. Nous avons également refait toutes
les peintures et le carrelage de la pièce à vivre qui ne me plaisait pas. Papa m’a offert les services
d’une équipe de professionnels pendant sept jours. C’est mon cadeau de bienvenue, un
magnifique cadeau. J’ai choisi une couleur lin clair dans la pièce à vivre et blanc dans toutes
les autres, aucune faute de goût ne sera possible. Mes amis arrivent le samedi matin ; et le
dimanche soir, tout est installé, nous sommes bien organisés. Papa a apporté des matelas
Tante Catherine se propose pour rester quelques jours avec moi et les garçons. J’accepte. Je
Nous passons cinq jours à peaufiner la maison, à décorer et à faire les derniers achats.
Puis, je me retrouve seule avec les enfants et je dois gérer le quotidien. Ils feront première
rentrée en maternelle à Collioure en septembre. Nous sommes début août, il me reste un mois
C’est du sport. La chance que j’ai, c’est qu’ils sont relativement calmes. Sauf Max qui pique
des colères de temps à autres. Et nous trouvons un certain équilibre, une harmonie qui s’installe
progressivement entre nous. Trois âmes accrochées les unes aux autres, comme des ancres à
des navires.
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Chapitre 18
Maman vient nous voir tous les jours, m’apporte des petits plats, des purées pour vous. Ce sont
des attentions quotidiennes qui semblent si insignifiantes, mais qui sont tellement importantes
quand on y pense.
Les amis viennent me rendre souvent visite, Garance m’aide régulièrement. Ils viennent passer
Puis, l’heure de la rentrée sonne. J’en pleure. Cet éloignement soudain me porte au cœur. Je
verse des larmes d’arrachement. Puis, je fini par m’y faire. Maman et papa viennent chercher
les petits à la sortie de l’école et s’occupent d’eux tous les mercredis. Je sens que je ne tiendrais
pas longtemps comme ça. J’ai trop mauvaise conscience et je passe à côté d’eux. Je demande
alors à Madame Lalieu mes mercredis. Elle tique au début, puis accepte par gentillesse et
surtout, parce qu’elle sait que de s’occuper de jumeaux est épuisant. Je vais perdre beaucoup
en salaire mais papa propose de m’aider, l’épicerie peut nous l’offrir. Je vais pouvoir souffler.
J’ai donc mon samedi à partir de seize heures car je parviens à décaler mes rendez-vous pour
être libre à cette heure-là, mon dimanche et mon lundi. C’est vraiment un confort. Je perds alors
tous mes kilos de grossesse, je peux remettre les robes de mes vingt ans. Je me sens libre et
responsable.
Puis, aux dix ans des jumeaux, j’ouvre l’agence à Collioure « Immo du Sud ». Je recrute Elodie.
Le grand drame arrive pour les quinze ans des jumeaux. Nous perdons Maman. Le choc est
intense, et papa, inconsolable. Une perte immense. Les garçons sont profondément affectés,
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Papa a mis des années à s’en remettre. Heureusement que l’épicerie était là, elle lui permettait
de penser à autre chose la journée, et, surtout, heureusement que les jumeaux étaient là. C’est
grâce à eux que papa a pu tenir le choc. Pas un jour sans passer nous voir, nous sommes son
seul repère.
Maintenant, à quatre-vingt ans, je trouve qu’il a une forme incroyable. Et son seul but, ce sont
les garçons, leur bien –être, leur étincelle dans les yeux lorsqu’ils sont heureux. Il ne sait pas
quoi faire pour leur faire plaisir. Il a bien changé. Quand j’étais jeune, je n’avais pas droit à tout
ce traitement de faveur, l’âge, la peine, les aléas de la vie l’ont ramolli comme une figue trop
mûre.
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Chapitre 19
— Voilà, maintenant, vous connaissez le principal dans les moindres détails. Vous connaissiez
ma vie mais je n’avais raconté que les grandes lignes, en omettant des faits et des actes. Sur
votre père, vous avez découvert son sale comportement. ur votre sœur, son existence. Mes
Max me regarde droit dans les yeux, un éclair passe dans son regard :
— Mam, tu n’avais pas à nous cacher la vérité…mais, voilà, c’est fait et on ne va pas épiloguer
— Retrouver Juliette.
Edouard soupire :
Max s’enflamme :
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— Quels sont les indices ? Ou chercher ? Comment peut-on la retrouver après tant d’années ?
— J’ai déjà effectué des recherches, et il existe apparemment des groupes Facebook qui
permettent de retrouver des proches, des enfants nés sous X ! Mais en général, ce sont les
enfants qui recherchent leurs parents. L’inverse est plus rare. J’attendais qu’on en parle
ensemble.
— Eh bien, inscris-toi et passe une annonce. Moi, et les réseaux sociaux, ça fait deux.
— Très bien, je m’en charge. Je vais venir te demander tous les renseignements nécessaires dès
— De mon côté je vais essayer de me renseigner sur les organismes et institutions spécialisées.
Je vais faire des recherches sur internet pour récolter les éléments qui pourraient nous aider à
la retrouver. J’y vais tout de suite, je vais dans ma chambre sur l’ordi, si ça ne vous gêne pas,
ajoute Edouard.
— Vas-y, fonce. Le souci c’est que je n’ai jamais voulu laisser mes coordonnées où d’éléments
lui permettant de me retrouver ; et rien ne nous dit qu’elle connait la vérité. Elle a peut-être été
adoptée et ses parents n’ont peut-être pas voulu lui dire la vérité ?
— Mam, ça y est ! le groupe est réactif. Il m’a accepté. Redonne-moi tous les éléments en ta
possession pour pouvoir faire l’annonce. La date exacte de naissance, l’heure, son poids et taille,
Je reviens un stylo à la main, mon calepin et toutes les notes de l’époque que j’avais enfoui
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Une bouteille à la mer.
Une heure plus tard, Edouard, vient nous rejoindre, un scintillement d’espoir dans les yeux :
130
Chapitre 20
— Quoi ? Déjà ?
— Oui, écoutez-ça ! J’ai slalomé sur des sites sérieux parlant de l’accouchement sous X : En
fait, l’organisme qui va peut-être nous sauver c’est la CNAOP, le Conseil national d’accès
— Je vais essayer de résumer mes notes. Tu penses qu’elle a été adoptée, Mam ?
— Donc, si on a été adopté et que l’on souhaite connaître l’identité des parents de naissance, il
faut formuler une demande par écrit ou par mail au Conseil national d’accès aux origines
personnelles, c’est-à-dire, le CNAOP qui est à Paris. On ne peut pas leur téléphoner, il faut
faire une demande écrite. Et si la mère de naissance a déposé une déclaration expresse de levée
de secret de son identité de sa propre initiative, sans avoir été contactée par la CNAOP, son
— Si j’ai bien compris, si Juliette a fait une demande auprès du CNAOP et que Mam va lever
le secret, ce même organisme va communiquer nos coordonnées à Juliette qui pourrait nous
retrouver ?
— Exactement, mais cela suppose qu’elle ait fait des démarches pour te retrouver. Si tel n’est
pas le cas, c’est foutu. Il faudra rechercher une aiguille dans une botte de foin.
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Je me tiens les mains comme pour me rassurer :
— Oui, clairement. J’espère que nous avons une belle étoile, car sinon, il nous reste quoi à part
ça pour la retrouver ?
— « L’association pour les personnes nées sous X » et Facebook. Rien d’autre, c’est super
complexe et tabou comme sujet. Mais Facebook est puissant, qui sait ? rajoute Edouard. Mam,
— Je fais un mail tout de suite. Je leur explique tout et surtout le fait que je veux lever
Garance est couchée en haut et les garçons doivent dormir. Moi je ne dors pas, tiraillée par mes
pensées. Pourvu, faites que. Toutes ces demandes, ces appels allaient-ils avoir un écho, une
Le dimanche, nous partons faire une balade pour nous vider la tête au bord de la mer. Le temps
C’est fou comme l’environnement ne compte plus quand on est contrarié. Ce qui nous paressait
si beau hier, nous semble dérisoire aujourd’hui. Seule l’issue de cette histoire compte. Garance
part à vingt heures en me demandant de l’informer de la suite. Elle laisse un silence de plus car
Le lundi matin, je reçois un accusé réception de cet organisme. Ils ont lu mon mail et répondent
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Dans mon message, je fais état de l’urgence de retrouver ma fille, au vu du contexte héréditaire
médical.
Et puis, dans l’après –midi, mon portable sonne. Je suis seule à la maison, les garçons sont
— Oui.
— Bonjour, je suis Madame Delisle, une des responsables du centre. Pouvez–vous me décliner
Je m’exécute tel un automate. Mes paroles sont saccadées, déformées d’émotion et de peur.
— Oui. Voulez- vous que je vous mette en relation avec un correspondant local à Perpignan ?
Qu’il vous explique tout cela en face à face ? Ce serait peut –être plus facile pour les
échanges ?
— Juliette Camille c’est le nom que vous aviez donné à votre fille ?
— Oui, exact.
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— Au vu du contexte médical et de l’urgence, je vais faire exception à la règle. Normalement,
nous devons voir le ou les parents en face à face pour éviter tout quiproquo et avoir l’assurance
de votre identité. Mais cela va prendre un peu de temps avant d’organiser un rendez-vous à
Perpignan avec notre correspondant local. Avez-vous un peu de temps devant vous ?
— J’ai toute la vie. Quelle idiote d’avoir dit ça ! me dis-je. Il est bien temps ! Essayer de réparer
— Pouvez-vous vous connecter et me rappeler une fois que ce sera fait ? Je vais vous envoyer
un lien par sms, un lien confidentiel. Nous pourrons mieux communiquer comme cela.
Mon cœur bat la chamade. Je me dépêche de brancher mon ordi posé sur la table de ma chambre
qui me sert de bureau. Je tire les rideaux en lin d’un coup sec pour éviter la réverbération. Puis
Le lien fonctionne et je ne sais pas par quel hasard je parviens à me connecter du premier coup,
J’active la caméra et le micro et soudain, le visage d’une femme d’une cinquantaine d’années
environ apparaît, avec des lunettes écailles de tortue, un rouge à lèvres rose discret et de petits
yeux bleus malicieux. Elle porte un tailleur de couleur sombre. On dirait une directrice d’école.
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— Pouvez-vous me montrer votre pièce d’identité et un justificatif de domicile s’il vous plaît ?
Je me lève, cours chercher mon sac et trébuche sur le tapis. Je tombe de tout mon long, me fait
mal aux genoux, peste, puis me relève à la vitesse de l’éclair. Je reviens avec mon sac et je
m’installe, haletante :
— Oui, allez-y, je suis prête, en lui montrant le recto de sa pièce d’identité. J’ai aussi une facture
— Oui, s’il vous plaît. Bien, parfait, on peut continuer. J’ai pris connaissance de votre mail. Je
suis très touchée par ce qui vous arrive et j’approuve votre démarche. J’insiste sur le terme
« j’approuve » car il est assez rare pour des mamans qui n’ont pas voulu laisser d’adresse de
revenir très longtemps après sur leur décision. Dans les deux mois qui suivent la naissance,
c’est fréquent mais pas trente ans après. Alors, pouvez-vous m’expliquer en détail ce qui
motive votre décision, j’ai compris que vous aviez eu des soucis de santé ?
— Oui, je ne me suis pas trop étalée dans mon mail. J’ai une maladie génétique. Il y a environ
80% de chances pour que Juliette l’ait aussi. Moi, je suis sauvée, j’ai été prise à temps et j’ai
subi une opération des ovaires. Juliette devra se faire opérer ou du moins suivre, avant que la
maladie puisse se déclarer. J’ai dû prévenir mes deux garçons car il fallait que je retrouve
Juliette pour lui parler et que le secret était trop lourd à porter. Mes deux garçons sont nés
d’une autre union, ils ont vingt ans. J’ai envie de voir Juliette, pas uniquement pour l’avertir
sur mon dossier médical héréditaire, mais pour la découvrir et surtout pour qu’elle me
pardonne et me donne une chance de revenir dans sa vie. Quand j’ai eu Juliette, j’avais fait un
déni de grossesse. J’étais toute jeune et sous l’emprise de mon père qui n’aurait pas admis ça
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et m’aurait certainement mise à la rue. Je suis fille unique. J’ai eu peur, j’étais tétanisée. J’ai
— J’ai besoin de la rencontrer et de lui présenter ses frères, si elle veut bien, ce que j’espère de
tout cœur.
— Je ne connais pas cette jeune fille personnellement. Par contre j’ai son dossier. J’en ai pris
connaissance ce matin à la réception de votre mail. Juliette a été placée dans une famille
d’accueil après sa naissance, puis elle a été adoptée. A quinze ans, elle avait fait une demande
pour retrouver ses parents biologiques, restée sans réponse puisque vous n’aviez pas laissé
d’adresse dans le dossier, et que vous ne vouliez pas à l’époque que l’on vous retrouve. Et
puis, le papa apparemment, il est inconnu au bataillon, n’est-ce-pas ? Ce sont les informations
— Oui, enfin presque, il n’est pas inconnu mais j’avais fait un déni de grossesse et nous avions
rompu peu de temps après, il ne sait rien pour l’enfant. Entre lui et moi, ce n’était qu’une
amourette.
— D’accord. Sachez que je ne suis pas là pour vous juger, juste pour faire en sorte de
transmettre les informations entre les deux parties en vue d’une rencontre. J’ai contacté
Juliette ce matin.
— Je n’ai pas parlé de votre dossier médical pour le moment. Ce sera à vous de le faire.
La bonne nouvelle, c’est qu’elle accepte de vous rencontrer. Je lui ai donné vos coordonnées et
votre numéro de téléphone puisque vous aviez fait la demande pour lever le secret.
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— Elle risque de vous contacter très vite. Je lui avais dit que je vous contacterai aujourd’hui
même. Tenez-moi informée de la suite. En tous cas, je reste à votre écoute. N’hésitez pas à
me donner de vos nouvelles. Je vous envoie mon numéro de portable par sms.
moindre de mes cellules. Le tout est d’une intense profondeur. Je n’ai jamais ressenti ça
auparavant.
— Merci beaucoup.
— A bientôt.
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Chapitre 21
Je reste assise, sur l’ordi, zoom s’est déconnecté. Une angoisse monte, intense. Je me sens
tomber dans les pommes, mais me ressaisis. Je me lève et cours m’asperger d’eau dans la vasque
de la salle de bains.
Peut-être va-t-elle me contacter aujourd’hui, ou demain, ou jamais ? Après tout, ce ne serait que
Les garçons rentrent vers dix-huit heures, ils étaient passé voir un ami.
— Oui.
— Dis-nous !
Ils sont plantés là dans l’entrée, dans l’attente d’une porte ouverte sur tous les possibles.
— Eh bien, j’ai eu le CNAOP. Juliette sait depuis ce matin que j’ai levé le voile sur mon identité,
et que je cherche à la rencontrer. Elle avait fait une demande pour me retrouver à l’âge de quinze
ans déjà. La responsable l’a contactée et elle veut bien me rencontrer. Elle ne sait même pas
que vous existez. J’attends toujours l’appel de Juliette, j’ai peur, je pensais qu’elle aurait déjà
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— Désolé, c’est sorti tout seul. Désolé.
Tous les trois, trois corps perdus, trois cœurs ouverts à l’inconnu.
Le soir passe. Il est lent, mystérieux, anxiogène. Dehors, la chaleur est étouffante, oppressante.
Je vais prendre un bain en gardant mon portable à côté. Je ne l’ai jamais fixé ainsi. Plus les
Les garçons, eux, essaient de se concentrer sur un film policier dans le salon. Le son est mis au
Puis, c’est la plongée dans les ténèbres. Il est minuit, les garçons se sont endormis dans le
canapé. Je les réveille, ils partent difficilement se coucher. Je prends un somnifère. Les étoiles
sont fades.
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Chapitre 22
— Mam, viens avec nous, on va faire une rando. On ne peut pas rester comme ça à attendre !
Allez, viens. Garde ton portable avec toi. Si elle appelle, tu l’entendras.
— Et si elle passe ?
— Pourquoi elle passerait ? elle ne prendrait pas le risque que tu sois absente surtout en pleine
journée.
— Allez viens, on va prendre notre petit déj dehors, la journée va être belle. Elle va sûrement
— Je ne vous l’ai pas dit parce que j’ai zappé, mais tante Catherine vient passer quelques jours
Ils déjeunent et se préparent tous les trois, tels des automates. Puis, ils reprennent « le chemin
de l’olivier blessé » comme ils l’ont appelé, depuis que Max l’a frappé. Il devient le symbole
La balade en bord de mer nous soulage. Incroyable cette puissance de l’eau pour apaiser les
tensions. Les gouttelettes iodées rafraichissent nos esprits fermés par les pensées qui tournent
en boucle.
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Nous repartons en courant à petites foulées, pour éliminer toutes les pensées toxiques et
— Allez, vas-y, aide-nous s’il te plaît. Fais qu’elle nous appelle et surtout qu’on puisse rattraper
— Plutôt celui de tous les possibles ! Demain, on viendra y graver nos initiales comme des
— Si tu veux, mais j’aimerais que Juliette vienne aussi les graver de ses propres mains.
Ils rentrent en sueur, la température ambiante avoisine déjà les vingt-six degrés.
Elise entend son téléphone sonner dans sa poche de jogging. Elle l’arrache presque littéralement
de sa poche.
— Allo?
— Juste pour te demander si je peux venir à midi. Ça m’a pris comme ça ce matin j’ai fait des
— Au contraire, viens. J’ai des choses à te dire, mais ne t’inquiète pas surtout, rien de grave…
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Je n’avais parlé à personne encore sauf à Garance, c’était tout frais. Et pour mon père, comment
faire ? Ça le tuerait d’apprendre cette vérité à son âge. On verra bien. Chaque chose en son
Bon, et puis, pourquoi se morfondre ? Ça ne servait à rien. Elle ne connaissait pas cette jeune
Ça, c’était la voix de la raison qui parlait, mais la voix du cœur, elle, disait : « Viendra-t-elle ? ».
Tante Catherine arrive vers treize heures, les bras chargés, comme toujours. Elise est contente,
elle a besoin de sa tante, sa confidente, depuis toujours. Sa présence est un souffle de bonne
humeur, de réconfort, de chaleur humaine. Elle voit toujours le bon côté des choses et c’est
— Merci, moi aussi, viens m’aider à chercher le reste dans le coffre. J’ai plein de surprises pour
les garçons.
— Non, pas aujourd’hui, il a des choses à faire mais il passera faire un tour demain.
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— Sous la véranda, ils attendent tes délicieuses pizzas, je crois.
— Bonjour Catherine, il ne faut pas nous gâter toujours comme ça, c’est trop sympa !
Elle tend à Edouard et à Max, deux tee-shirts noirs et deux bermudas avec des motifs différents,
— Je les ai trouvés dans une petite boutique à Perpignan et j’ai tout de suite pensé à vous.
— J’aime beaucoup aussi. On tirera au sort pour les bermudas ! ajoute Max.
— Oui, je te l’ai dit, rien d’inquiétant. C’est juste que les garçons sont au courant que Juliette
— Et j’ai levé le secret hier auprès de l’organisme en charge des relations enfants-parents.
Juliette est informée depuis hier que j’ai levé ce fameux secret et apparemment, une des
responsables m’a dit qu’elle avait déjà fait une demande bien avant. Mais comme tu sais que
— Oui, et ??
— Et apparemment, elle lui a dit qu’elle était d’accord pour une rencontre.
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— Et ?
— Et rien, rien de rien. Pas de nouvelles depuis hier. Je suis angoissée, tu ne peux pas savoir.
— Allez, ne te tourmente pas comme ça, voyons. Elle va te contacter, puisque c’était son idée.
Elle est peut-être trop prise pour le moment et ça se digère une annonce comme ça.
— Oui, merci, tu as toujours les mots pour relativiser. Ça me fait un bien fou que tu sois là, ma
deuxième maman.
— Maintenant, vous allez tous vous changer les idées !! Allez, on ne se laisse pas abattre comme
ça. Vous allez gouter à vos pizzas préférées, je les ai préparées avec amour et spécialement
pour vous ! Juliette fera son apparition c’est sûr, alors, on attend qu’elle choisisse le bon
moment.
Max se lève et coupe la pizza des merveilles, c’est le nom que les garçons lui avaient donné.
— D’accord, tu as raison, allez je vais couper cette belle pizza qui me fait de l’œil.
Ils passent le restant de la journée à regarder de bons films. Mais l’appréhension et les doutes
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Chapitre 23
— Oui ?
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Chapitre 24
Je cours presque pour aller à sa rencontre, les garçons et tante Catherine se lèvent en sursaut,
puis restent statiques comme pris dans un glacis d’étonnement et attendent l’arrivée de cette
inconnue. Puis, n’y tenant plus, ils se dirigent tous vers la porte et assistent à un poignant
spectacle.
Je regarde Juliette, scotchée par la puissance des ressentis. Elle me regarde aussi, longuement.
Nous ne parlons pas. Nos regards sont intenses, comme si on pouvait transpercer l’âme de
l’autre, à la recherche des souvenirs perdus. Les larmes coulent sur les joues des garçons, tante
Catherine a mis ses mains devant ses yeux, elle ne peut regarder, elle aussi est envahie par un
raz de marée.
Nos bras en tombent. Nous nous regardons vraiment pour la première fois.
J’avais joué toutes les combinaisons possibles des retrouvailles dans ma tête. Mais rien, rien,
Je finis par lui tendre la main, les yeux rougis, le visage marqué par l’émotion. Et Juliette, elle,
cette belle jeune femme scrute mon regard mais ne la prend pas. Je me sens gênée, mais je ne
« C’était comme si je te revoyais toute jeune », déclara tante Catherine plus tard. C’était
incroyable de ressemblance, une photo de jeunesse qu’on ressort d’un vieil album ». Les mêmes
yeux verts qui rient, la même bouche pleine, les pommettes saillantes, le même visage fin et le
même corps élancé. Seule la coupe diffère un peu, Juliette a un carré dégradé wavy, noir de jais.
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Tante Catherine brise le silence :
— Oh mon dieu ! Tu es le portrait de ta maman !! Ce n’est pas possible ! Le mot maman lui a
Elle s’avance vers eux, et Max, l’écorché vif, l’entier, la prend soudainement dans ses bras
pendant qu’Edouard laisse couler ses larmes en silence. Cette fois, Juliette se laisse aller à
Juliette ne regarde rien dans la maison, tout ceci semble n’avoir aucune importance ; elle rejoint
la terrasse directement.
Tante Catherine va chercher des rafraichissements pendant que je m’installe à côté de Juliette.
— Oui, j’ai tourné et retourné la façon de me présenter, et au final, c’était très bien, on n’a rien
dit !
— Ça dépend.
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On est tous là, à la dévisager, mais en même temps, son visage et sa présence me sont familiers,
— Je vais faire des examens en tous cas, puisque tu me le conseille. Je suis bien suivie par ma
gynécologue en privé. Elle n’a rien dépisté d’anormal. Je vais quand même prendre rendez-
vous en lui expliquant ton histoire. S’il faut, je me ferais opérer pour anticiper tout problème.
— Pour moi, en résumant, elle est très simple. J’ai été adoptée rapidement après ma naissance.
Puis, quand j’ai été en mesure de comprendre, mes parents adoptifs m’ont tout expliqué, enfin
le peu qu’ils savaient. J’ai été élevée à Perpignan. J’ai eu une enfance relativement heureuse,
j’ai été choyée. Ils m’ont adoptée sur le tard car ils avaient essayé d’avoir un bébé, mais
impossible. Ils ont la soixantaine passée à présent. Ils vivaient et vivent toujours assez
simplement. Quant à moi, je ne pense pas avoir été une enfant trop gâtée, mes parents voulaient
Je ne vous cache pas que d’être née sans racines, est un handicap psychologique. Pendant des
années, j’en voulais à ma famille fantôme, j’ai même eu des pensées suicidaires avant
pendant de longues années. Puis, j’ai muri et je me suis fait une raison, d’où ma réaction à mes
quinze ans de vouloir retrouver mes parents biologiques. La colère était passée et j’étais prête
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Mes parents adoptifs et ma famille sont tout pour moi, je pense être encore plus attachée à eux
qu’une personne née avec des attaches. Les miennes, je me les suis construites.
Avant de te rechercher, je m’étais dit : peut-être que ma mère a levé le secret depuis le temps,
sa situation peut avoir changé. Je me suis adressée à l’organisme en charge des relations parents-
enfants nés sous X. Mais non, impossible de savoir, tu n’avais pas laissé d’adresse. A partir de
Plus tard, j’ai passé mon bac puis j’ai intégré une école de décoration d’intérieur. A cette même
époque, j’ai rencontré celui qui deviendrait mon mari. Il s’appelle Léo Romani, il est d’origine
d’intérieure à mon compte, et ça va, je ne me plains pas. J’ai une bonne clientèle. Nous avons
acheté une maison à Perpignan, il y a cinq ans et je suis l’heureuse maman d’une petite fille
appelée Cécilia âgée de trois ans. Voilà, j’ai une vie bien remplie mais je me réserve beaucoup
— Oui. Elle est pleine de vie, c’est une adorable tornade. Un peu comme moi, j’ai un caractère
déterminé et enjoué et je ne me laisse pas faire quand on veut toucher à mon intégrité. Mais, en
même temps, j’ai le cœur tendre. Il a des failles. Je peux par exemple, me mettre à pleurer pour
des petits détails qui me touchent, un oiseau blessé, un chien perdu, un enfant qui pleure…
J’ai appris à travers ces années à canaliser mes angoisses et ma rancune grâce à l’amour de mes
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Je suis donc venue comme je suis, entière, sans à priori. Pour te voir, pour vous voir, et je suis
satisfaite d’avoir pu enfin mettre un visage sur mes interrogations d’enfant, d’ado et d’adulte.
Car la nuit, j’ai toujours fait des cauchemars. Ne pas savoir, c’est terrible.
— Oui, on va organiser tout ça. Ça va être un peu compliqué pour ton grand-père, car il n’est
pas au courant de ton existence, mais on va trouver un moyen de lui raconter en le ménageant.
— Le temps nous le dira. Et pour mon père, est-ce que je vais pouvoir le rencontrer un jour ?
— Là c’est pareil, ça va être super compliqué. Si tu veux bien, on en reparle plus tard ?
— D’accord, le principal c’est de vous connaitre. J’ai envie de discuter aussi avec mes frères.
— Cécilia est chez ses grands-parents pour trois jours. J’avais pris une valise au cas où…
Max la regarde, se yeux s’illuminent comme les étoiles d’une nuit d’été :
— L’olivier ?
FIN
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