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Bref historique
L'histoire de l'homme a toujours intéressé les hommes dans toutes les cultures. Il existe de
nombreuses mythologies se rapportant à ses origines, qu'il s'agisse de la genèse ou pour les
religions du Livre, ou d'autres origines pour d'autres cultures.
Depuis les grands efforts de classification au 18ème siècle, il est reconnu que l'homme est
plus proche des primates que des autres mammifères. Dans Systema naturae (1758), Linné
indique Homo sapiens aux côtés du chimpanzé qu'il nomme Homo troglodytes, ce qui montre
bien les affinités entre ces espèces. Avec l'avènement des idées évolutionnistes de Lamarck,
dès 1801, puis de Darwin à partir de la publication de l' « origine des espèces » en 1856, il est
alors de plus en plus admis que l'espèce humaine n'est pas à séparer des autres espèces, mais
en est un proche parent. Les premiers travaux sur l'origine de l'homme sont des travaux
comparatifs de l'espèce humaine avec les primates, en particulier « L'ascendance de
l'homme » de Charles Darwin (1871) et « l'évolution de l'homme » de Ernst Haeckel (1874).
La comparaison de l'anatomie humaine et de l'anatomie des Primates montre que ceux-ci sont
fort diversifiés, et que l'homme est un proche parent du groupe des Primates que l'on appellera
plus tard anthropoïdes : l'orang-outang, le chimpanzé et le gorille.
Les premières découvertes d'homme fossiles eurent lieu fortuitement. La découverte d'un
crâne à Engis (Province de Liège, Belgique) en 1829 fut d'abord attribuée à un individu
aberrant ou malade. Ce n'est que lorsque d'autres découvertes d'un même morphotype eurent
lieu, en particulier dans la vallée du Neander en Allemagne, que l'on reconnut être en
présence d'une espèce d'homme fossile, que l'on appela alors Homo neanderthalensis.
De manière plus organisée, un médecin hollandais, Eugène Dubois, avait remarqué que les
grands singes anthropoïdes actuels habitent les régions tropicales d’Afrique et d’Asie. Il en
déduisit que l'origine de l'homme devait donc se trouver dans les régions tropicales de
l'Ancien Monde. Il s'engagea donc comme médecin pour Java, où il mena des fouilles
importantes dans le but de trouver « le chaînon manquant » entre l'homme et le singe. En
1891, il trouva une calotte crânienne, puis un fémur, auquel il donna le nom de
Pithecanthropus erectus, littéralement « l'homme ancien debout ».
Ces premières découvertes du XIXè siècle établirent à la fois l’ancienneté de notre lignée, et
notre parenté avec les grand singes actuels. Le XX siècle fut extrêmement riche en
découvertes. En 1925 Raymond Dart découvrit un crâne d’Australopithecus africanus en
Afrique du Sud. Ce fut le premier fossile vieux de plusieurs millions d’années. Sa découverte
en Afrique, alors que tous les fossiles précédent avaient été découverts en Europe ou en Asie,
ne fut pas reconnue comme importante pour notre lignée. Les recherches entre les deux
guerres furent principalement menées en Asie et en Europe. Les découvertes asiatiques
concernèrent le Pithécanthrope, dont de nouveaux spécimens furent mis à jour à Java, et
l’«Homme de Pékin » fut découvert à Zhoukoudian dès les années 1920.
En 1959, Mary et Louis Leakey découvrirent à Olduvaï (Tanzanie) un fossile
d’australopithèque présentant une face large, et de larges dents, auquel fut donné plus tard le
nom de Paranthropus boisei, espèce proche de Paranthropus robustus, qui était connu
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Suivant les references utilisées, la famille des Hominidae (ou Hominidés) est définie de manière plus ou moins
restrictive. Lecointre et Leguader (2001), par exemple, en excluent l’orang outang. Le point important est de
retenir les relations de parenté entre orang-outang, chimpanzé, gorille et homme.
Certaines de ces différences sont liées à l’attitude redressée (la bipédie) de l’homme moderne.
D’autres sont liées d’une part à la paedomorphose2 de l’homme, où les adultes ressemblent
plus à des juvéniles qu’à des adultes de leurs ancêtres, et d’autre part à l’augmentation
progressive du volume crânien principalement au sein du genre Homo.
Bipédie
Un des éléments anatomique et comportemental les plus importants de l’espèce humaine est
sa bipédie. Les autres singes hominidés, comme le chimpanzé et le gorille, se déplacent
habituellement sur leurs quatre membres. On peut enseigner à un chimpanzé à se déplacer sur
les membres postérieurs uniquement, mais sa démarche sera différente. En particulier elle
nécessite un basculement du poids du corps alternativement sur les pattes droite et gauche, ce
qui provoque un dandinement important et une dépense d’énergie plus importante que pour le
même déplacement chez l’homme (estimé en énergie dépensée par kg déplacé par m de
déplacement).
D’un point de vue anatomique, la bipédie est liée à une modification importante des membres
postérieurs. L’articulation du genou est disposée à la verticale du pubis (figure 2), les deux
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La paedomorphose est un phénomène évolutif par lequel les adultes d’une espèce ressemblent plus aux
juvéniles d’une espèce ancestrale qu’aux adultes de celle-ci. Son contraire, la péramorphose, plus rare, concerne
un pas évolutif où les descendants adultes possèdent de manière accentuée les caractères adultes de l’espèce
ancestrale. Une synthèse de cette question a été publiée dans La Recherche :
Chaline, J. & Marchand, D., 1999. Quand l'évolution change le temps des êtres. La Recherche, 316 (janvier
1999) : 56-58.
Paedomorphose de l’homme
Une comparaison du développent du crâne entre la naissance et l’âge adulte (figure 6) montre
que le crâne humain adulte a une forme plus proche de celle du crâne de chimpanzé juvénile
que de celle d’un chimpanzé adulte. Il s’agit là d’une modification de la vitesse de
développement des différentes parties du crâne. Chez l’homme moderne, le développement de
la face est plus lent et s’arrête avec une forme orthognathe (le menton et les incisives à la
verticale du front), alors que chez le chimpanzé le développement de la face se poursuit pour
présenter une face fortement prognathe, comme on la retrouve aussi chez les
australopithèques.
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Gould, S.J., 1977. Ontogeny and Phylogeny. Harvard UP, Cambridge (Mass.), 501 pp.
Il y a environ deux millions d’années, au moins trois espèces appartenant à deux genres
différents ont coexisté dans ce qui est le Kenya actuel : Paranthropus boisei, Homo habilis et
Homo rudolfensis. Paranthropus est un genre regroupant les « australopithèques robustes »,
caractérisés par des molaires très larges (environ 2 cm), un fort rétrécissement post-orbitaire
et une crête sagittale, signe d’une forte musculation de la mâchoire (Figure 9). Ils étaient
vraisemblablement végétariens. Les deux autres espèces appartiennent au genre Homo (Figure
10), et sont caractérisées par des bourrelets sus orbitaux plus petits que ceux de Paranthropus.
Les deux espèces furent rencontrées avec des outils de pierre, indiquant leur appartenance à
une culture. Certains anthropologues suggèrent que jusqu’à cinq espèces d’Hominidés ont
coexisté à l’époque.
Proconsul africanus
Le premier crâne de Proconsul africanus fur trouvé par Mary Leakey au Kenya en 1948. Il
date de 18 à 22 millions d'années. C'est le plus ancien crâne d'Hominoïde, un groupe
comprenant à la fois l’homme moderne t ses proches parents : Gorille, Chimpanzé et Orang-
Australopithecus anamensis
3.9 à 4.2 millions d'années. Kanapoi, Kenya. Capacité crânienne inconnue.
Kenyanthropus platyops
3.5 à 3.2 millions d’années. Capacité crânienne : 400 à 500 cm³.
Crâne découvert en 1999 (Nature du 22 mars 2001) par l’équipe de Meave Leakey, sur les
bords du lac Turkana (Kenya). Face assez plate ; ses dents plus petites que celles de A.
afarensis suggèrent un régime végétarien.
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Les anthropologues ont l’habitude de donner un surnom aux fossiles importants qu’ils découvrent. Ici « Abel »
est le prénom du géologue Abel Brillanceau décédé lors d’une mission au Cameroun en 1989.
Une espèce proche, Paranthropus boisei (2.4 à 1.2 Millions d’années - Capacité crânienne :
500 cm³ ; masse corporelle : 34 à 49 kg.) a été décrite du Kenya. (figure 9)
Le genre Paranthropus est caractérisé par une crête sagittale importante et un aplatissement
dorso-ventral du crâne, face large, avec de robustes arcades zygomatiques. Celles-ci, ainsi que
la crête sagittale dénotent des importants muscles de la mâchoire. P. robustus était un
herbivore se nourrissant de végétaux coriaces, nécessitant donc un fort outil masticateur. Ses
mâchoires inférieures étaient très robustes, en forme de U, avec de grandes molaires et
prémolaires plates; incisives et canines réduites.
Homo erectus
(Afrique – maintenant mis souvent sous les noms de H. ergaster et H. rudolfensis, Chine,
Java)
Homo erectus est le premier hominidé à être présent hors d'Afrique; on en connaît des fossiles
en Asie, en Europe et en Afrique. Il s'agit donc là de la première colonisation importante par
une espèce humaine.
Cerveau d'environ 900 à 1100 cm³. Masse corporelle : 56 à 66 kg Bourrelets sus-orbitaires
importants, plus prononcés dans les spécimens chinois et javanais qu'africains. Crêtes
temporales bien marquées.
1 million d'années à -30 000 ans (les spécimens les plus jeunes sont connus uniquement de
Java, Science 274 : 1870-1874, 1996).
Cette espèce issue d’une première colonisation de l’Ancien Monde au départ de l’Afrique
aurait donné lieu à plusieurs lignées, en Afrique, en Europe, en Chine et à Java. Toutes celles-
ci auraient alors disparu récemment (moins de 100 000 ans) à l’exception de la lignée
africaine qui aurait alors donné naissance à Homo sapiens, qui est la seule espèce actuelle du
genre Homo (Figure 16).
Homo neanderthalensis
Découvert dans la vallée du Neander au 19ème siècle. H. neanderthalensis est connu de toute
l’Europe moyenne et méditerranéenne jusqu’au proche orient (Irak, Kazakhstan). Les fossiles
datent de –100 000 à –35000 ans (figure 12).
Physiquement cette espèce présente de nombreux traits présents chez l’homme moderne :
bipédie totale, volume cérébral important. Par contre, son front était fuyant et ses bourrelets
sus-orbitaires importants, sa calotte crânienne était plus allongée que celle de l’homme
moderne et soulignée à l’arrière par une fosse sus-iniaque ; il n’avait pas de menton.
En Europe, Homo neanderthalensis est éteint depuis environ 35 000 ans, et il y a coexisté
avec Homo sapiens (sous la forme « Homme de Cro-magnon ») pendant au plusieurs milliers
d’années. Les raisons de la disparition de H. neanderthalensis ne sont pas connues. Certains
suspectent qu’il n’a pas pu résister à la compétition avec Homo sapiens. S’il est probable que
des individus des deux espèces se soient rencontrés, on ne connaît pas de gisement mixte qui
aurait pu permettre de comprendre leurs relations. Un squelette d’enfant trouvé au Portugal a
été décrit comme un hybride entre les deux espèces, ce que réfutent certains anthropologues.
L’identification d’un spécimen immature est toujours difficile.
En soi, il ne serait pas exclu qu’une hybridation Homo sapiens – H. neanderthalensis ait pu
avoir lieu, mais il est clair qu’elle a été sans postérité. En effet, plusieurs études génétiques sur
des fragments de l’ADN mitochondrial de H. neanderthalensis ont montré que toutes les
populations humaines actuelles sont plus apparentées entre elles que vis-à-vis de H.
neanderthalensis (figure 13). Or si H. neanderthalensis avait été un ancêtre de l’homme
moderne, il ne l’aurait été que des populations européennes, et celles-ci auraient été alors plus
proche parent d’H. neanderthalensis que de populations actuelles d’Afrique du Sud par
exemple. Or les populations humaines actuelles sont plus apparentées entre elles que vis-à-vis
de H. neanderthalensis ; cet élément, couplé avec l’ancienneté de Homo sapiens (les plus
anciens spécimens datent de plus de 100 000 ans), montre clairement que H. sapiens ne peut
pas être « notre » ancêtre. Par ailleurs, une comparaison de la forme du crâne entre différentes
espèces de Primates montre clairement que les crânes de toutes les populations actuelles de
Homo sapiens se ressemblent plus entre elles que vis-à-vis d’Homo neanderthalensis. Par
ailleurs le degré de différence que l’on trouve entre H. sapiens et H. neanderthalensis est du
même ordre de grandeur que ce que l’on trouve habituellement entre espèces ou genres chez
les autres Primates (figure 14). H. neanderthalensis est donc est proche parent de H. sapiens
qui est éteint sans postérité.
Collectif, 1999. Les origines de l'humanité. Pour la Science, dossier hors série, janvier 1999.
De Bonis, L. 1999. La famille de l’Homme. Bibliothèque Pour la Science, Belin, Paris.
Tattersall, I. & Matternes, J., 2000. Autrefois, nous n'étions pas seuls. Pour la Science, 269
(mars 2000) : 74-79.
Wong, K., 2005. Le plus petit homme. Pour la Science, 329 (mars 2005) : (publié
originellement en anglais dans Scientific American, February 2005, pp 40-49).
Une bibliographie commentée est disponible sur le site du cours de G. Nève :
http://perezyvan.free.fr/Gabriel_Neve/References.htm
http://www.hominides.com/ est un site internet présentant de nombreux documents sur
l’histoire évolutive des Hominidés.
Exercices :
1. Sur les 16 caractéristiques de Homo sapiens, quels sont celles liées (1) à la
paedomorphose de l’homme, (2) à sa bipédie, aux deux, ou à aucun des deux ?
2. Sur une feuille quadrillée, tracez un graphe avec en abscisse l’âge de chaque espèce
présentée (de moins de 4 millions d’années), et en ordonnée son volume crânien (pour
les espèces dont les données sont disponibles). Pour chaque espèce indiquez par un
trait vertical l’étendue entre les volumes crâniens maximal et minimal observés et
faites de même horizontalement pour la masse du corps. Chaque espèce sera ainsi
représentée par une croix.
B = kM 0.75 + C
avec les valeurs suivantes pour les Pongidae (Orang-outang, Chimpanzés, Gorilles):
- k=0.0464
- C=236
- B et M en g.
Connaissant la masse d’un individu (exprimé en grammes), on peut donc estimer la masse
du cerveau d’un Pongidae de cette masse par cette formule, qui donnera alors la masse
attendue du cerveau (notée Batt – avec B pour brain, cerveau). Le coefficient
d’encéphalisation (noté CE) de chaque espèce est le quotient de la masse du cerveau
observé (noté Bobs) par la masse attendue : CE = Bobs / Batt . Calculez et comparez les
coefficients d’encéphalisation de chaque espèce pour laquelle les données sont
disponibles, ainsi que pour le chimpanzé (masse corporelle : environ 45 kg ; masse du
cerveau : 395 g). Pour les cas où une plage de valeurs est donnée, calculez Batt à partir de
la masse moyenne M du corps (convertie en g), et calculez ensuite CE en utilisant la
valeur obtenue et la valeur moyenne de la masse du cerveau (Bobs), en considérant que
1 cm3 de cerveau pèse 1 g (ce qui est très proche de la réalité).
Calculez le coefficient d’encéphalisation d’Homo sapiens, à partir de vous-même (ou de
n’importe quel autre volontaire). Dans ce cas, estimez le volume du cerveau à partir du
tour de tête (T, en cm) mesuré par un mètre ruban. On peut estimer que le cerveau a le
volume de la demi-sphère du rayon correspondant, duquel on aura retranché l’épaisseur du
crâne et du tégument (~ 0,5 cm).
Figure 16. Evolution et remplacement des espèces issues d’Homo erectus. Suivant ce
schéma, H. erectus aurait colonisé l’ancien monde au départ de l’Afrique, et aurait donné
naissance à l’homme de Néanderthal et à l’Homme de Flores, mais ces souches se seraient
étientntes et auraient été remplacées par une seconde colonisation par Homo sapiens,
également issue d’Afrique.