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management sup

Management – Ressources humaines

Théories
du leadership

Modèles classiques
et contemporains

Jean-Michel Plane
Mise en page : Belle Page

© Dunod, 2015
5 rue Laromiguière, 75005 Paris
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-072038-5
Table
des matières

Avant-propos V

Introduction 1

1 Les fondements du leadership et les approches


par les traits de personnalité 7

Section 1 Les précurseurs sur la question du leadership 9


Section 2 L’essor des théories du leadership 18
Section 3 La théorie des traits de personnalité des leaders 24
Section 4 Personnalité et motivation :
la contribution de McClelland 41

2 Les théories comportementales du leadership 47

Section 1 La théorie des quatre systèmes


de Likert 49
Section 2 Les grilles d’analyse des approches
comportementales du leadership 54
Section 3 Leadership et développement du potentiel
humain 61
Section 4 Le projet GLOBE (Global Leadership and
Organizational Behavior Effectiveness) 66

III
Théories du leadership

3 Les théories de la contingence 73

Section 1 Le modèle de Fiedler et la théorie


de l’objectif-trajectoire 75
Section 2 Les modèles de leadership fondés sur l’échange,
la participation et l’action 78
Section 3 La confiance : un facteur de contingence 82
Section 4 Leadership et développement
organisationnel (OD) 84
Section 5 Leadership et théorie socio-économique
des organisations 89
Section 6 La théorie du leadership situationnel 95

4 Leadership et management dans un monde


qui change 99

Section 1 Les approches contemporaines


du leadership : émotions et néocharisme 101
Section 2 Le leadership transformationnel et visionnaire 107
Section 3 Les théories positives du leadership 111
Section 4 Leadership et management : les apports
de Hamel, Mintzberg et March 118
Section 5 Leadership et altérité : du « servant leader »
au leadership spirituel 131
Section 6 Steve Jobs et Mark Zuckerberg : leadership
et méthodes de management 141

Conclusion 149

Bibliographie 153

Index 165

IV
Avant-propos

L’historicité des idées

« Il n’y a, au fond, de réel que l’humanité. »


A. Comte

Depuis plusieurs mois, la notion de leadership est devenue – sou-


vent implicitement – d’une actualité brûlante. Certaines entreprises
ou organisations souffriraient d’un déficit de leadership ; certaines
nations ne seraient pas suffisamment capables de produire les leaders
de demain. Le développement des capacités de leadership des per-
sonnes au travail est-il un enjeu majeur pour la société contempo-
raine ? Le projet de cet ouvrage est de tenter d’apporter des éléments
de réponse dans un contexte en perpétuelle mutation. Ce livre propose
d’abord de rendre compte de façon synthétique et parfois critique de
l’historicité, de la diversité et de la richesse des théories et des
auteurs. Il cherche aussi à discuter librement des analyses assez dis-
parates des théories du leadership dans les organisations et de l’exer-
cice du pouvoir. Il s’intéresse également – dans une vision
prospective – aux développements contemporains récents parfois
difficiles à décrypter tant le thème est foisonnant et les idées sur le
sujet bouillonnantes.
De ce foisonnement, il ressort tout de même plusieurs tendances
même s’il est évident que les modèles n’ont pas tous la même

V
Théories du leadership

profondeur. Ils évoquent cependant ces hommes et ces femmes


capables de « bousculer les usages » (Plane, 1994), de faire preuve
de créativité et d’apporter les innovations de toutes sortes. Faire le
point sur les théories et les modèles existants sur le leadership, c’est
tenter d’une certaine façon d’en mesurer aujourd’hui leur portée et
leur opérationnalité pour le management. Le pari est risqué tant ce
corpus théorique est disparate et dispersé, tant certaines approches
semblent inachevées, contradictoires ou inadaptées au contexte
contemporain ou manquant parfois aussi de profondeur (March,
2003).
Cet ouvrage part aussi de quelques intuitions et c’est de la gestion
de ces intuitions dont nous devons parler dans cet avant-propos. En
premier lieu, le leadership en soi n’est pas une idée neuve mais,
curieusement, il y a encore peu de travaux en sciences de gestion
consacrés à cette notion. Il est donc évident que la question du
leadership ne peut se limiter à une simple théorie du chef (ou de
chefferie) qui s’appuierait sur son pouvoir et son prestige pour s’ins-
crire dans un rapport de force, imposer sa volonté ou encore séduire
et manipuler. En second lieu, le thème est incontestablement un peu
énigmatique tant nous avons l’intuition que l’avènement du leader-
ship comporte une certaine part d’irrationnel et s’appuie, pour citer
Weber, sur les idées de communauté émotionnelle et de spiritualité.
Enfin, il est également possible (voire souhaitable) d’avoir une vision
historique du leadership tant le comportement des leaders a eu un
impact considérable sur le devenir des sociétés et même de l’huma-
nité toute entière. En même temps, les évolutions contemporaines
sont telles que l’idée d’un leadership partagé par une communauté
progresse. Ainsi Henry Mintzberg (2008) – plutôt en opposition
avec l’idée d’un leadership inspirant – parlait récemment d’un pro-
cessus de leadership partagé entre plusieurs personnes qu’il suggère
de nommer communityship. La prise en charge de la vision, de la
répartition des rôles, de la stratégie et du développement de com-
pétences serait ainsi assumée par une communauté de personnes
assumant le rôle de leader. Cet ouvrage universitaire se veut donc
essayiste sur cette question que nous avons d’ores et déjà mise en
débat, dans la communauté scientifique, en tant que président de
l’Association francophone de Gestion des Ressources Humaines
(www.agrh.eu).

VI
Avant-propos

Mes travaux et mes réflexions sur le leadership ont été portés et


enrichis par l’apport et les discussions souvent informelles avec de
nombreux collègues universitaires mais aussi avec des praticiens de
bon niveau de la gestion des organisations avec lesquels je travaille
en permanence (managers, responsables d’équipe ou de projet, entre-
preneurs, consultants, etc.). Qu’ils trouvent à travers cet ouvrage une
marque de reconnaissance. Je voudrais citer notamment ma collègue
et amie le professeur Florence Noguera dont le dynamisme autour
de l’Executive MBA Leadership et Management des équipes participe
à l’enrichissement du thème. Mes remerciements vont aussi à mes
collègues et amis Adda Benslimane, Yann Bisiou, Marc Bonnet, Alain
Briole, Stéphane Bolle, Laurent Cappelletti, Michelle Duport, Joline
Eyang Same, Jacques Igalens, Zino Khelfaoui, Jean-Marie Peretti,
Roland Pérez, Cathy Perroux, Henri Savall, Jean-Paul Tchankam,
Philippe Vernazobres, Odile Uzan, Zahir Yanat et Véronique Zardet
notamment qui ont su partager – à un moment ou à un autre – mes
doutes et mes interrogations sur la problématique de la production
des leaders, leurs circonstances et leurs traits caractéristiques.
Évidemment, beaucoup d’autres collègues, que je ne peux citer ici
tant ils sont nombreux, sont stimulants pour la réflexion intellectuelle.
En particulier, les collègues de l’AGRH mais aussi ceux qui tra-
vaillent avec moi autour du Master en Sciences des Organisations et
des Institutions (SOI) que je dirige et dont le programme porte sur
la gestion des comportements organisationnels. Je voudrais enfin
terminer cet avant-propos par une pensée sincère pour mes étudiants
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et mes doctorants qui discutent depuis un certain temps les idées


contenues dans le présent ouvrage. Qu’ils trouvent à travers cet essai
une marque de reconnaissance et d’affection.
Je me remémore encore ce samedi hivernal du 21 décembre 2013
où, dans un style quasi-doctoral, je disais difficilement quelques mots
pour évoquer son souvenir. J’évoquais alors la stylisation de la
volonté, la centralité du travail et la sublimation de l’espérance :
qualités auxquelles j’ajouterais volontiers aujourd’hui « les forces
de l’esprit ». On retrouve ainsi à mon sens les quatre pierres angu-
laires fondamentales constitutives de la consistance d’une personne.
On est bien dans quatre dimensions qui font probablement sens pour
comprendre l’engagement des personnes. Je voudrais dédier cet
ouvrage à la mémoire de mon père.

VII
Introduction

Le leadership : éléments de définition


et de caractérisation

« Certes, si l’hypothèse du docteur Mortimer est exacte


et si nous avons affaire à des forces débordant les lois
ordinaires de la nature, notre enquête devient inutile. Mais
il nous faut épuiser toutes les autres hypothèses avant de
retomber sur celle-là. »
Sir A. Conan Doyle, Le Chien des Baskerville, 1902.

Composant essentiel de ce que l’on nomme déjà depuis de nom-


breuses années, l’Organization Behavior (le comportement organi-
sationnel), le leadership est une thématique encore énigmatique bien
plus enseignée outre-Atlantique que dans la vieille Europe. Le com-
portement organisationnel est un domaine d’études et de recherches
dont la finalité est de comprendre l’impact des individus, des groupes
et des structures sur les comportements des acteurs d’une organisation
en vue d’améliorer son efficacité. On est bien dans la perspective de
la recherche des clés de l’efficacité de l’individu et des groupes dans
l’organisation. La place du leadership s’inscrit totalement dans cette
logique de réflexion et d’action. Cependant, la question de la pro-
duction des leaders en France est assez curieusement absente de la

1
Théories du leadership

plupart des manuels de référence en management stratégique et en


gestion des ressources humaines. Comme si la question de la gestion
des leaders ne se posait pas en Europe comme c’est le cas sur le
continent américain.

Le leadership : un concept complexe

Davantage considéré dans l’hexagone par les psychosociologues


et plus largement encore par les consultants en développement per-
sonnel, le leadership peut être défini comme un processus d’orien-
tation et d’influence décisif d’une personne sur l’action d’un groupe
humain en vue de mettre en place une politique et d’atteindre un
certain nombre d’objectifs plus ou moins précis. Ce processus com-
plexe se manifeste à travers la capacité de mobilisation et de fédé-
ration d’individus et/ou de groupes autour d’une action collective.
Le leadership s’incarne à travers la personne du leader dont la capa-
cité de vision et d’animation s’avère fondamentale pour dynamiser
ledit processus. Il faut bien sûr relever aussi qu’il existe deux types
de leadership pouvant d’ailleurs se cumuler : le leadership de droit
et le leadership de fait.
En premier lieu, le leadership de droit fait référence au lien de
subordination induit par le contrat de travail qui lie un employé à
son patron. Le premier est bien sous l’autorité formelle du second
qui peut le sanctionner ou au contraire le récompenser.
En second lieu, le leadership de fait est plus informel et l’influence
du leader peut résulter de sa personnalité, de ses qualités personnelles
ou de son projet. Dans cette optique, le leader inspirant exerce une
influence forte sur le groupe de façon quasi-naturelle : cela peut être
lié à la supériorité de ses compétences ou mieux à son talent, à son
allure générale et à son charisme, ou encore au respect de certaines
traditions. Le fameux savant Max Weber explique remarquablement
bien cela dans Économies et Sociétés – nous y reviendrons plus loin.
Tout ceci est également très bien montré dans l’excellent film bio-
graphique de J. M. Stern, Jobs (sorti en août 2013), retraçant la vie
de Steve Jobs. Le film met en avant les dimensions charismatique et
inspirante du personnage – mais aussi son fameux souci excessif du

2
Introduction

détail et son « micro-management » que l’on peut définir comme la


capacité à descendre et à intervenir à tous les niveaux de l’organisa-
tion. Riche en enseignements pour la gestion, l’entrepreneuriat et le
leadership, ce film devrait être visionné par tous les étudiants et
apprenants. En tout état de cause, il est essentiel d’approfondir les
recherches dans le domaine du leadership par des méthodes de
recherche fondées sur des investigations approfondies dans les orga-
nisations (Girin, 1990 ; Plane, 2000 ; David, 2001 ; Savall, Zardet,
2004 ; Dumez, 2013).
Selon Meyer et al. (2004), le leader entraîne les autres par sa capa-
cité d’attractivité et conduit une équipe vers la performance durable.
Le leadership peut aussi être défini comme « la capacité d’un individu
à influencer, à motiver, et à rendre les autres capables de contribuer
à l’efficacité et au succès des organisations dont ils sont membres »
(House et al., 2004). Dans cette optique, il recouvre les comporte-
ments que l’on associe à celui ou à ceux qui assument la fonction de
leader. Plusieurs auteurs (Hollander, 1992 ; Dejoux, 2014) évoquent
deux conceptions historiquement opposées.
La première est celle des psychologues qui raisonnent plutôt dans
la perspective d’un leader émergent, c’est-à-dire la personne la plus
aimée, la plus reconnue, la plus influente ou la plus identifiable.
La seconde conception, qui apparaît plus tardivement, est celle des
gestionnaires. Elle repose sur le statut hiérarchique, le pouvoir ou
encore l’autorité du chef ou du dirigeant. On peut ainsi recenser, dans
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

le domaine de la gestion, beaucoup de travaux et de typologies sur


le dirigeant, l’entrepreneur ou le chef d’entreprise. Il existe aussi
quelques travaux récents tout à fait intéressants sur le coaching et le
développement managérial (Vernazobres, 2013).
La vision des psychologues se réfère plutôt à l’influence sociale
générée par le leadership alors que celle des gestionnaires a trait au
cadre formel et procédural permettant d’obtenir l’obéissance.
Incontestablement, Henri Fayol (1841-1925) et Chester Barnard
(1886-1961) s’inscrivent dans cette seconde logique d’action.
Dès la Première Guerre mondiale en France (1916), Henri Fayol
s’intéresse à la question du commandement dans les organisations.
Il est probablement le premier praticien de l’ère moderne à avoir

3
Théories du leadership

théorisé son expérience. Ingénieur de formation, il a été le directeur


d’une société métallurgique et minière : la Commentry-
Fourchambault à Decazeville. Il aurait réussi à redresser la situation
de cette compagnie au bord de la faillite par sa personnalité mais
aussi par la mise en œuvre de principes de gestion. D’une certaine
façon, il aurait, par ses capacités de leadership, trouvé les clés de
l’efficacité des organisations. En conceptualisant la fonction de
direction, on peut dire que Fayol est probablement le père du lea-
dership et de ses principes d’action pour le management des orga-
nisations.
Clémenceau, influencé par ces idées nouvelles, ordonne leur mise
en application dans les usines contrôlées par l’État. Il s’agit alors de
faire face aux efforts de guerre et d’augmenter la productivité
ouvrière. L’Américain Chester Barnard élabore, dans un ouvrage
célèbre (The Functions of the Executive, 1938), une théorie du mana-
gement qui montre que les managers doivent créer par leur action
les conditions d’une coopération durable dans les organisations.
Barnard insiste déjà sur l’importance de la qualité du système de
communication, sur la prise en compte des relations informelles mais
aussi sur la capacité du leader à favoriser la convergence de tous vers
des buts communs.
Par ailleurs, il renverse aussi la perspective d’analyse de l’autorité
en plaçant la source du pouvoir chez le collaborateur et non chez
le leader. Selon cette analyse, le collaborateur suivra un ordre uni-
quement s’il le trouve légitime, acceptable et conforme aux objec-
tifs de l’entreprise. C’est bien le caractère authentique de l’ordre
qui lui confère sa légitimité et entraîne une adhésion de la part du
collaborateur. On est déjà dans une conception consultative du lea-
dership.

Les enjeux du leadership dans un monde qui change

La révolution des métiers et des compétences dans les organisations


est en marche. Mondialisation, transformation digitale, dynamique
des technologies, apparition d’activités innovantes font apparaître la

4
Introduction

nécessité de maîtriser de nouvelles compétences clés tandis que


d’autres perdront du terrain progressivement.
Les compétences managériales (Mintzberg, 2011) peuvent se
décomposer en cinq catégories : les compétences liées au rapport à
soi, les compétences liées au rapport aux autres, les compétences
liées à l’action, les compétences liées au grandissement de soi et les
compétences liées au pouvoir (Whetten, Cameron, 2011). Les com-
pétences liées au rapport à soi impliquent un leader doté d’une cer-
taine conscience de soi, capable d’être maître de lui-même et de gérer
son stress. Les compétences liées au rapport aux autres font plutôt
référence à l’altérité et à la gestion des relations humaines. Les com-
pétences liées à l’action dépendent de la capacité à entreprendre,
prendre des décisions et agir. Les compétences liées au grandissement
(que l’on oublie souvent) font référence aux capacités d’apprentis-
sage et de remise en cause personnelle (désapprendre certaines rou-
tines notamment). Enfin, les compétences liées au pouvoir (plus
complexes) peuvent représenter la capacité à entraîner et à influencer
les autres. Elles peuvent sembler difficiles à développer par la for-
mation. C’est aussi celles-ci que cet ouvrage souhaite analyser.
Les observations de terrain que nous avons menées indiquent que
les compétences comportementales sont de plus en plus recherchées
probablement au détriment des compétences techniques. En effet, la
capacité de compréhension d’un secteur d’activité, d’un environne-
ment donné, d’une culture ou d’un contexte peut être décisive dans
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un monde en mouvement. Dans ce monde en proie à un changement


accéléré, les leaders de demain seront certainement ceux qui com-
prendront la nature même de ces mutations et de leur irréversibilité.
Certains auteurs, comme Henry Mintzberg, utilisent parfois la méta-
phore du caméléon pour illustrer ces changements importants : un
animal doué d’une importante faculté d’adaptation mais hélas fragile.
D’autres spécialistes se demandent quels liens il est possible d’éta-
blir entre qualité du leadership et création de valeur dans la perspec-
tive d’une nouvelle approche du capital humain (Cappelletti, 2012).
Le leader de demain doit-il être doté d’une personnalité globale ?
Est-il un bon communicant, ayant un fort esprit d’équipe, capable
de travailler en collaboratif ? Ou bien est-ce plutôt le narcissique
déviant capable d’explorer des chemins de traverse et de s’impliquer

5
Théories du leadership

dans des domaines ou des contextes encore inconnus ? Est-il un créa-


teur de valeur supplémentaire hors norme ? Le débat est ouvert.

Plan de l’ouvrage

Pour traiter de ces questions, le premier chapitre portera sur une


analyse de la littérature existante concernant les traits de personnalité
des leaders d’hier et de demain. Une analyse des caractéristiques les
plus manifestes des leaders sera discutée à partir de divers travaux
de recherche notoirement connus.
Le deuxième chapitre discutera des modèles comportementaux liés
au leadership à travers des recherches qui s’appuient sur le style de
leadership en tant que tel.
Le troisième chapitre introduira de la relativité dans les modèles
existants, puisqu’il s’agira alors de discuter de contingence. En effet,
les théories de la contingence des leaders ont pris une certaine
ampleur et il s’agira alors d’en examiner le contenu et la portée.
Enfin, le quatrième et dernier chapitre – à la fois plus prospectif et
plus essayiste – analysera les modèles contemporains (souvent ina-
chevés) du leadership dans la perspective d’une légère anticipation.
D’une certaine façon, cet ouvrage avancera une thèse dont nous dis-
cuterons en fin d’ouvrage. La conclusion de l’ouvrage visera à sug-
gérer des prolongements et des pistes de recherche à ce travail mais
aussi à en résumer les contributions pratiques.

6
Les fondements

1
Chapitre
du leadership
et les approches
par les traits
de personnalité
« La science, l’art, la création, la beauté, l’amour… Le jeu,
la tendresse, les rires… Que la vie mes chers amis est belle !
Qu’elle est merveilleuse, et que nous souhaiterions la voir
durer éternellement !... Cela mes chers amis, sera possible,
sera bientôt possible… La promesse a été faite, et elle sera
tenue. »
Michel Houellebecq, La Possibilité d’une île

OBJECTIFS
La naissance et le développement des idées sur le leadership sont par-
ticulièrement complexes à saisir et à situer dans l’histoire du mana-
gement. Les caractéristiques du leadership et sa genèse amènent à
revenir sur quelques expériences fondatrices et travaux pionniers.
Cela conduit aussi à considérer la théorie des traits de personnalité
comme la première grande approche. On parle alors de Great Man
Approach. Certains auteurs ont aussi analysé la personnalité et la
mentalité des dirigeants ; d’autres, leurs compétences distinctives.
Envisagés comme des personnalités dotées de qualités exception-
nelles, les leaders influencent et mobilisent leurs collaborateurs. Ils
exercent ainsi dans cette perspective un certain pouvoir. Afin de com-
prendre l’évolution de la notion de leadership, il convient :

7
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

 d’analyser la pensée des précurseurs sur le leadership ;


 de comprendre comment la conception du leadership s’insère
dans les pratiques de management ;
 d’étudier les traits de personnalité des leaders et le charisme ;
 d’établir le lien entre personnalité, compétences et organisation
pour envisager des logiques managériales fondées sur le partage,
la collaboration, le savoir et la gestion de la connaissance.

SOMMAIRE
Section 1 Les précurseurs sur la question du leadership
Section 2 L’essor des théories du leadership
Section 3 La théorie des traits de personnalité des leaders
Section 4 Personnalité et motivation : la contribution de McClelland

L a notion de leadership fait l’objet depuis quelques années d’un


certain renouveau en sciences de gestion et semble trouver une
place de plus en plus conséquente dans les programmes d’ensei-
gnement de la gestion des entreprises (Masters, MBA, etc.). Ce
renouveau n’est-il pas dû à la recherche de solutions innovantes
pour développer la performance des organisations et le renforce-
ment des capacités des personnes ? Peut-on avoir une vision natu-
raliste du concept (le leadership serait inné) ou bien faut-il
privilégier – tel le projet GLOBE – une vision culturaliste (il résul-
terait d’une programmation mentale) ? Curieusement, ce débat inté-
resse peu les chercheurs français et le concept ne semble pas avoir
eu le succès escompté en France alors qu’il est un élément majeur
des programmes et des enseignements relatifs à ce que les Anglo-
Saxons appellent le comportement organisationnel (Organization
Behavior). Dans un contexte en pleine mutation et dans la perspec-
tive d’un monde qui change, la question de la formation des leaders
dans les sociétés contemporaines se pose avec davantage d’acuité.
Comment former les leaders de demain ? L’avenir d’un pays

8
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

n’est-il pas conditionné en partie par sa capacité à produire des


leaders de qualité ?
En matière de leadership, il existe un panorama assez vaste d’ap-
proches et de théories stimulantes et utiles pour le management des
organisations. Pour comprendre le concept et le positionner claire-
ment dans l’histoire des idées, il convient d’abord de réfléchir sur
les travaux des auteurs précurseurs. Il nous paraît important de
préciser la notion et de l’expliciter à partir d’un auteur clé inévita-
blement associé à la notion même de leadership : Warren G. Bennis.
Dans cet ouvrage, nous le considérerons un peu comme un « explo-
rateur » puis nous développerons la dynamique des idées associées
au leadership de façon plus chronologique.
Pour trouver les premières réflexions de l’ère dite moderne, il faut
remonter aux travaux précurseurs de Max Weber mais aussi à ceux
visionnaires de M. P. Follett. Sa théorie des équipes est d’ores et déjà
une théorie du leadership. Progressivement, avec l’apparition de la
psychosociologie naissante dans les années 1940 et les travaux de
Kurt Lewin notamment, les chercheurs ont exploré une voie diffé-
rente : l’examen des traits de personnalité et des compétences des
leaders ainsi que leurs impacts sur l’efficacité et l’efficience des orga-
nisations.

1
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Sec­­tion Les précurseurs sur la question


du leadership

1  Weber : des travaux fondateurs


sur le leadership et l’autorité

Auteur prolifique et intellectuel remarquable pour son temps, Max


Weber (1864-1920) qui fit ses études à l’Université de Heidelberg
(avant de devenir professeur) fut probablement l’un des premiers
– sans réellement en être conscient – à travailler sur le leadership.
Longtemps méconnus, les travaux de Weber n’ont été que tardive-
ment accessibles aux États-Unis et en France. Curieusement, son

9
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

premier texte publié en Amérique relève de la question de la spiri-


tualité puisqu’il s’agit de la traduction de L’Éthique protestante et
l’esprit du capitalisme. De manière générale, on peut considérer que
cet ouvrage, publié en 1905, est un texte capital pour envisager l’en-
trepreneuriat par le biais de la spiritualité. Cela dit, Weber fait aussi
l’apologie de la science et montre l’importance de la recherche et de
la formalisation d’une sociologie compréhensive des faits. Ces tra-
vaux sont publiés chez Plon : Essai sur la théorie de la science (1965)
et Le savant et le politique (1959).
En matière d’analyse des organisations et de gestion des comporte-
ments organisationnels, c’est surtout Économies et sociétés (1922) qui
est l’ouvrage le plus significatif. En ce sens, il analyse le rôle du leader
et examine comment et pourquoi les individus réagissent à des formes
diverses d’autorité. Il faut savoir qu’il est le premier auteur à utiliser
le terme « charisme » dans son acception moderne caractérisant les
qualités personnelles d’ascendant sur les autres que peut posséder une
personne. On est quasiment dans la perspective de l’idée de héros.

1.1  La pensée de Weber

L’œuvre de Weber est considérable et s’articule pour l’essentiel


autour de trois grands axes.
Le premier est philosophique puisqu’il s’interroge sur le devenir
d’une société européenne en proie aux éclatements idéologiques et
à la montée de l’individualisme et de la rationalité. Il montre, en ce
sens, les dangers de la rationalité croissante due aux capacités de
calcul et pouvant conduire à limiter les capacités de créativité et
d’innovation qui ne sont possibles, selon lui, que par des actes
déviants et irrationnels. Cette idée de transgression des valeurs
usuelles en tant que mode de développement de la créativité provient
probablement de l’influence de Nietzsche sur la pensée de Weber.
Le second axe concerne une théorie des sciences humaines à par-
tir d’une étude des conditions scientifiques de la connaissance des
faits humains. C’est à partir de là que Weber propose le recours à
ses fameux « idéaux-types » qui ne sont rien d’autre qu’une construc-
tion intellectuelle que le savant élabore « en accentuant par la

10
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

pensée » des données et des faits du réel « mais dont on ne rencontre


jamais d’équivalent dans l’empirie ». Les typologies sur le leadership
que nous présenterons doivent d’ailleurs s’entendre comme des
idéaux types utiles pour analyser une réalité sociale. Par exemple,
« la bureaucratie wébérienne » inspirée par le modèle de l’armée
prussienne est un idéal-type, un concept singulier dont le rôle et
l’usage sont de mener, par comparaison entre idéal-type et réalité, à
la compréhension de situations réelles.
Enfin, le troisième axe, et probablement le plus important, est l’axe
sociologique. En effet, Max Weber est aujourd’hui considéré par les
sociologues comme le maître de la sociologie compréhensive. Il
s’agit d’une sociologie qui cherche à comprendre la réalité sociale
par la pénétration et l’interprétation des significations que les per-
sonnes donnent à leurs actes. Précisément, nous rappellerons son
célèbre aphorisme écrit dans Économies et Sociétés : « Il n’est pas
nécessaire d’être César pour comprendre César. »

1.2  Les fondements du leadership dans les organisations

L’élément central de l’apport de Weber aux théories du leadership


réside dans une analyse des formes d’administration et de direction
au sens large. Ces travaux s’intéressent à la manière dont les hommes
gouvernent, en particulier pour imposer une autorité et faire en sorte
que la légitimité de celle-ci soit reconnue par tous. Autorité et légi-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

timité donnent naissance à trois formes de leadership désormais


célèbres : l’autorité à caractère rationnel qui se rapproche de l’admi-
nistration moderne, l’autorité traditionnelle et l’autorité à caractère
charismatique.

■■  Le leadership légal fondé sur une autorité rationnelle

Weber considère cette forme d’autorité comme la forme dominante


des sociétés modernes. Ce sont les textes qui confèrent à une personne
une position de leadership. Pour l’auteur, « la légitimité de l’autorité
est transformée en la légalité de la règle générale, celle-ci étant élabo-
rée consciemment et par rapport à des buts, et décrétée et publiée selon
des règles formelles » (1922). Celle-ci repose sur un système de buts
et de fonctions étudiés rationnellement, conçu pour maximiser la

11
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

performance d’une organisation et mis à exécution par certaines règles


et procédures. L’essentiel des décisions et des dispositions est écrit.
C’est la fonction ici plutôt que l’individu qui est investie de l’autorité.
Ce système impersonnel correspond pour Weber à la bureaucratie qui
est pour lui la forme d’administration des choses la plus efficace car
elle ne tient pas compte des qualités personnelles des individus.

■■  Le leadership traditionnel

Fondé sur une autorité traditionnelle, c’est le respect des traditions et


de l’histoire d’un groupe humain qui confère ici une position de lea-
dership. Selon l’auteur, « l’autorité traditionnelle est un rapport de pou-
voir qui repose sur le respect envers ce qui, réellement ou de manière
supposée ou prétendue, a toujours existé » (1922). Celle-ci est davan-
tage liée à la personne qu’à la fonction par exemple au sein des entre-
prises familiales. Le nouveau leader se voit confier son mandat par son
prédécesseur. Ce concept de tradition peut également se trouver dans
les cultures de certaines entreprises où l’attitude dominante consiste à
dire « nous avons toujours fait comme cela ». Cette forme d’autorité
repose ainsi sur l’adhésion au bien-fondé de dispositions transmises
avec le temps. L’obéissance repose sur une relation personnalisée et le
droit est un droit coutumier. Dans ce modèle – rationnel en valeurs –,
l’action des individus s’explique avant tout par leur éthique.

■■  Le leadership charismatique

Imaginé par Weber, le leadership charismatique est la forme de


direction à la base des récits les plus fascinants de l’histoire du mana-
gement. Selon Weber, « l’autorité charismatique doit être comprise
comme une autorité sur les hommes à laquelle les sujets se soumettent
en vertu de leur croyance en cette qualité extraordinaire de la personne
considérée… » (1922). Le leadership charismatique repose sur les
qualités personnelles d’un individu et ne peut se transmettre car elle
tient exclusivement à sa personnalité. Il s’agit d’une relation de pro-
phète à adeptes qui implique la révélation d’un héros et sa vénération.
Cependant, celle-ci est instable, car si le détenteur du pouvoir est
abandonné par la grâce, son autorité s’effrite. Le groupe fonctionne
ainsi comme une communauté émotionnelle. Le leader provoque des
émotions susceptibles de soulever les foules et de produire des

12
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

mobilisations de grandes ampleurs. À ce titre, l’histoire de France


pourrait nous fournir de nombreux exemples. On terminera ce point
par un contre-exemple : le manque de charisme de Louis XVI, una-
nimement souligné par les historiens, ne lui a-t-il pas coûté sa tête ?
En définitive, c’est l’approche rationnelle qui constitue le pilier
d’une direction efficace selon Weber. Il précise que cette forme de
leadership peut se retrouver dans toutes sortes d’entreprises ou d’or-
ganisations. Il y a un peu plus d’un siècle, Weber était convaincu de
leur supériorité pour conjuguer les efforts des individus au travail.
Selon lui, le capitalisme a joué un rôle majeur dans le développement
du leadership à travers la figure de l’entrepreneur. C’est aussi un
système économique fondé sur le calcul rationnel du gain à long
terme. Il établit également un lien entre organisation et spiritualité à
travers sa thèse consacrée aux relations étroites selon lui entre
l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. La spiritualité de
l’entrepreneur s’avère déterminante pour l’esprit d’entreprise et la
création de richesses. Fondamentalement, il pense que l’essor du
capitalisme et de la bureaucratie est favorisé par une spiritualité et
une attitude morale particulière : la religion protestante qui favorise
l’accumulation du capital avec sa croyance dans une rédemption
fondée sur une activité créatrice sur Terre.
Pour Max Weber, le leadership moderne doit reposer sur l’entre-
prise rationnelle, industrielle dont le but est de faire du profit par le
calcul économique et la production. C’est la jonction du désir du
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

profit et de la rationalité qui constitue l’originalité du capitalisme


occidental. Mais il y a bien une mentalité particulière, une éthique
protestante selon laquelle les biens et les richesses accumulés ne
doivent pas être dépensés de manière somptuaire. Au contraire, cette
accumulation de richesses va de pair avec une morale austère,
méfiante vis-à-vis du monde et de la jouissance qu’il pourrait pro-
curer. Cette vision du monde se développe dans un climat individua-
liste : chacun est seul face à Dieu. Cette affinité spirituelle entre l’état
d’esprit protestant et le capitalisme repose sur une organisation
rationnelle et légale du travail en vue de produire toujours davantage
dans l’intérêt général. Forte de ces fondements quasiment épistémo-
logiques, une femme américaine s’est illustrée par ses écrits sur les
questions d’autorité : M. P. Follett.

13
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

2 
Leadership, pouvoir et coopération : l’apport
précurseur de Follett

Dès les années 1920, Mary Parker Follett étudie les questions de
leadership et de management dans les organisations, même si ses
observations partent des administrations publiques. Son travail sera
salué par Theodore Roosevelt et inspirera probablement Peter Drucker
dont l’œuvre commence à partir des années 1950. Follett (1868-
1933), de nationalité américaine, est spécialisée en science politique.
Elle publie en 1918 un ouvrage, jamais traduit : The New State :
Group, Organization. The Solution of Popular Government. Puis, un
second ouvrage en 1924 : The Creative Experience. Enfin, toutes ses
réflexions seront regroupées dans un livre publié à titre posthume en
1941 : Dynamic Administration. Suite au développement du machi-
nisme industriel, on peut admettre qu’elle fut la première à poser
l’importance de la dimension groupale dans la direction des organi-
sations. Son œuvre et ses textes essentiels pour le management seront
introduits en France à titre posthume en 2002 dans un ouvrage :
Diriger au-delà du conflit, faisant office de recueil de textes (Follett,
2002 ; Mousli, 2002). Elle établit ainsi le lien subtil entre pouvoir et
leadership.

2.1  Pouvoir et leadership : la « loi de la situation »

La conception du pouvoir de Follett repose sur une vision relati-


vement partagée. En effet, le pouvoir n’est jamais absolu et implique
le plus souvent une négociation implicite. Elle est ainsi convaincue
des effets positifs de la participation des personnes à tous les niveaux
de la hiérarchie. Elle fut l’une des premières à promouvoir la position
communautaire « gagnant-gagnant » dans le management et l’impor-
tance du leadership. Travaillant sur le pouvoir et l’autorité, elle
s’intéresse presque naturellement aux fonctions du leadership dans
les organisations : coordonner, finaliser et anticiper. La coordination
implique de rassembler toutes les forces dispersées de l’entreprise ;
c’est bien au cœur du métier de dirigeant. Le dirigeant de Follett doit
aussi être capable de saisir une situation dans sa globalité et de fixer
un cap sans laisser les événements conjoncturels l’obscurcir (Follett,

14
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

2002). Enfin, l’anticipation occupe une place prépondérante dans la


fonction de leadership. Follett insiste sur l’importance de la vision
du futur des dirigeants et de leurs facultés à créer des événements
nouveaux. Le rôle du leader est bien d’anticiper les changements
mais aussi de fédérer les intelligences.
D’une certaine façon, le leader conceptualisé par Follett exerce une
influence décisive sur le groupe mais peut aussi, simultanément, être
influencé par lui. Pour l’auteur, le pouvoir du leader est certes un
pouvoir d’influence mais aussi un pouvoir intégrateur. Ce pouvoir
d’intégration fait du leader le représentant du groupe ; ce rôle de
représentation est particulièrement moderne car il doit encourager
ses subordonnés à être créatifs, à prendre des initiatives et à être
autonomes dans la perspective de l’accroissement du « pouvoir-
faire ». M. P. Follett se préoccupe aussi de la pertinence du choix
des méthodes de travail, des conditions de travail et de la clarté des
instructions données aux collaborateurs. Suivant sa pensée, un bon
chef est aussi capable de renforcer les attitudes positives au sein de
son équipe et de dépersonnaliser les ordres pour valoriser davantage
« la loi de la situation ». Elle avance l’idée de l’importance du
contexte dans l’exercice de l’autorité et a la clairvoyance de suggérer
une méthode : la recherche pour le management de la position com-
munautaire et la responsabilisation des hommes (Follett, 2002).
D’une certaine façon, elle promeut l’idée avant-gardiste de « pouvoir-
avec » plutôt que celle plus traditionnelle du commandement par
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’autorité au sens de Fayol.

2.2  Leadership et cohésion des équipes

Particulièrement préoccupée par la dimension politique des orga-


nisations, Follett poursuit plusieurs objectifs novateurs pour l’époque.
Elle travaille sur les notions d’autorité, de pouvoir et de management
des groupes. Follett analyse l’autorité qui est fortement liée aux fonc-
tions confiées à un supérieur hiérarchique. Celle-ci est indissociable
de la position occupée dans une organisation. Dans la perspective de
la croissance d’une structure, elle suggère de réaliser un partage de
l’autorité. Elle est finalement un des premiers auteurs à suggérer le
développement d’un leadership partagé. Ces réflexions conduisent à

15
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

opposer l’autorité centrale à une autorité fonctionnelle préférable


pour obtenir une organisation plus efficace. Elle remet aussi en cause
l’idée de soumission des subordonnés à une autorité absolue, préfé-
rant voir des spécialistes investis d’une autorité relative à leur champ
de compétences. En seconde analyse, M. P. Follett oppose le pouvoir
dominant au pouvoir commun. Elle préconise plutôt la diffusion du
pouvoir commun au sein de toute la structure organisationnelle à
partir de la mise en place d’un véritable système de répartition des
responsabilités.
En résumé, on peut considérer qu’elle est l’une des toutes pre-
mières à esquisser le concept de décentralisation organisationnelle.
D’une certaine manière, elle relativise aussi la place du leader dans
une organisation et plaide pour approche collégiale du pouvoir. Elle
s’intéresse aussi à la psychosociologie des groupes et des équipes
en situation de travail, et pose comme hypothèse fondamentale
l’importance de la cohésion des équipes sur la productivité humaine.
On peut considérer qu’elle a formulé une théorie des équipes fon-
dée sur un leadership partagé. Ses réflexions dans ce domaine
consistent à dire que pour analyser le leadership, il est nécessaire
de comprendre à la fois l’ensemble d’une équipe ainsi que chaque
membre pris individuellement (Follett, 2002). Ses recherches s’ins-
pirent de la théorie du renforcement (approche behavioriste) mais
aussi d’une psychologie de la Gestalt. Elle ne croit pas vraiment à
l’idée du leader omniscient ou héroïque. Au total, elle suggérera
quelques pistes pour améliorer la qualité du leadership dans les
organisations.

2.3  Les propositions de Follett

La pensée de M. P. Follett préfigure presque toute la littérature sur


le leadership tant les idées sont foisonnantes. Plusieurs prescriptions
peuvent être discutées en vue de renforcer la qualité du leadership
dans les organisations et la performance des leaders (Follett, 2002 ;
Mousli, 2002). En premier lieu, le leader doit être capable d’identi-
fier, de rassembler, de fédérer et de mettre en cohérence l’ensemble
des capacités des membres d’un groupe. Cette logique d’intégration
vise à une meilleure cohésion d’une équipe orientée vers des

16
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

objectifs communs. On est bien dans une logique d’intégration : un


leadership intégrateur. En deuxième lieu, le leader constitue en
quelque sorte le ciment de l’équipe : celui qui unifie et qui dépasse
les seuls objectifs individuels. En troisième lieu et ceci est très impor-
tant, le leader doit avoir une capacité de vision de manière à ce que
le groupe se projette dans un avenir désirable. Cette approche doit
réduire les tensions et renforcer la coopération entre les membres du
groupe. Enfin, le leader fait partie intégrante de l’équipe et, à ce titre,
a au moins les mêmes devoirs et obligations. On est dans une réflexion
d’ordre éthique. De ce point de vue, la conception philosophique de
Follett repose sur l’idée que chaque membre d’un groupe est un
leader potentiel.
Plutôt opposée à la domination de l’homme par l’homme,
M. P. Follett pense que la coordination du travail peut être fondée
davantage sur différentes formes de coopération que sur la seule
hiérarchie. En ce sens, l’exercice du pouvoir et de l’autorité
s’éloigne d’une vision coercitive pour tendre vers une approche
constructive et coopérative. Dans le fond, le mode de coordination
principal devrait être fondé sur une vision horizontale et transver-
sale de l’organisation, davantage que sur un contrôle vertical hié-
rarchique. Dans cette perspective, les apports de Follett s’opposent
pleinement à ceux de Fayol. Le conflit constructif et le leadership
coopératif sont des sujets finalement très en avance pour l’époque
et peut-être aussi un peu décalés tant les usines Ford ou celles de
la General Motors étaient à la recherche d’efficience et de produc-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tivité à court terme. L’effort de guerre qui suivra les écrits de Follett
éloignera les praticiens du management d’une œuvre probablement
trop atemporelle.
En somme, la pensée de M. P. Follett apparaît très en avance sur
son temps. Sa vision du leadership coopératif dépasse déjà celle d’un
leader centralisateur à l’autorité absolu. Auteur précurseur sur de
nombreuses questions, elle s’oppose de façon radicale à la conception
taylorienne et fordiste du travail qui pourtant l’emportera sur le ter-
rain. La plupart des idées initiées par Follett seront reprises bien plus
tard par les théoriciens des organisations préoccupés par la dimension
sociale du management (Rojot, 2005).

17
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

2
Sec­­tion L’essor des théories
du leadership

1 
Les travaux de Lewin et la naissance
des théories du leadership

C’est toujours à la fin des années 1930 que Kurt Lewin (1890-1947)
s’intéresse au phénomène du leadership dans les organisations et
expérimente différentes formes de commandement auprès de publics
variés. En 1935, il publie l’ouvrage A Dynamic Theory of Personality
à travers lequel il rend compte à la fois d’une méthode de recherche
(Action Research) mais aussi et surtout de l’analyse de différentes
formes de leadership dûment expérimentées. Il réalisera certaines de
ses expériences avec deux collaborateurs qui deviendront plus tard
célèbres en psychologie sociale : Ronald Lippitt et Ralph White. Les
recherches de Lewin accordent une véritable place aux chercheurs
dans le dispositif d’analyse, ce qui lui sera d’ailleurs parfois reproché.

1.1  Les premières expériences de Lewin sur le leadership

Avec Lippitt et White, il va donc tester trois formes de leadership


sur trois groupes. Le leadership autoritaire, le leadership démocra-
tique et le laxisme. Ses conclusions sont assez implacables pour
l’époque : l’autoritarisme est en quelque sorte le nid du développe-
ment de l’agressivité et de la pression au sein d’un groupe, la parti-
cipation nécessite des compétences en management et un long
apprentissage et le laxisme d’un leader est la pire des méthodes.
Au sein du groupe dirigé autoritairement, le rendement est mani-
festement plus élevé que dans les autres groupes. Pour autant, la
pression portée sur le groupe fait qu’il n’y a pas de véritable relation
de confiance, ce qui se traduit parfois par des actes de défiance ou
de rébellion. Certaines personnes ont parfois adopté une attitude
agressive au sein du groupe, ce qui a eu des conséquences en parti-
culier sur l’ambiance de travail et le climat social. Au sein du groupe
participatif, il apparaît que la mise en place d’un système d’animation
du groupe fondé sur la démocratie ne s’est faite que progressivement.
En effet, l’acquisition par le groupe de règles de fonctionnement

18
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

subtiles a nécessité un certain temps d’apprentissage. Pour autant,


Lewin observe que les membres du groupe avec un leader démocra-
tique manifestaient des relations plus chaleureuses et amicales, par-
ticipaient beaucoup plus aux activités du groupe et, une fois le leader
parti, continuaient le travail et faisaient preuve d’autonomie dans
l’activité. Les expériences montrent les difficultés inhérentes à la
mise en place de ce mode d’exercice de l’autorité qui conduit cepen-
dant à des résultats intéressants à moyen terme. Enfin, le « laisser-
faire » semble être la pire des méthodes. Le groupe n’obtient pas de
résultats satisfaisants, reste paradoxalement très dépendant d’un
leader peu impliqué et demeure constamment en quête d’informations
et de consignes.
Lewin sera le premier à montrer l’importance du comportement du
leader sur le niveau de satisfaction des collaborateurs. Certes, ces
résultats de recherche ont été justement nuancés mais ils annonçaient
déjà le rôle clé et l’influence fondamentale du processus de leadership
sur le comportement des groupes et des équipes. On sait finalement
depuis K. Lewin que le leader est un des déterminants majeurs sur le
devenir d’un groupe ou d’une nation. Par ailleurs, Lewin est aussi
l’un des premiers chercheurs en sciences sociales à montrer l’impor-
tance de la confiance dans les processus de gestion d’une équipe de
travail et ses impacts sur la performance globale. Au fond, la confiance
semble consubstantielle au leadership tel qu’il se forge et se développe
dans la vie des groupes et des équipes. Une perte de confiance produit
souvent une crise du leadership et s’est avérée aussi souvent à la base
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

des changements les plus radicaux.


En définitive, le leadership démocratique est celui qui produit les
résultats les plus intéressants. Un tel système implique aussi de réu-
nir certaines conditions : un dialogue social, de la confiance dans les
relations interpersonnelles ainsi que la responsabilisation d’un
groupe.

1.2 L’expérience de Coch et French et le leadership


de participation
Après la Seconde Guerre mondiale, Coch et French réalisent une
expérience considérée comme un modèle de recherche scientifique

19
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

effectuée en entreprise et publiée en 1948 dans la revue Human


Relations. Le texte est intitulé Overcoming Resistance to Change.
Ils analysent les résultats de cette expérience conduite dans une
usine de production de pyjamas : le principal établissement de
Harwood Manufacturing Corporation situé en Virginie aux États-
Unis. Le leadership apparaît alors clairement comme un déterminant
majeur sur la capacité à gérer le changement. La direction de l’usine,
plutôt en avance socialement pour l’époque, se préoccupe des pro-
blèmes sociaux en encourageant les salariés à faire part de leurs
difficultés. Le rôle des relations humaines est pris au sérieux et
l’usine consacre des dépenses à la formation de ses contremaîtres
et semble sensible aux revendications ouvrières. L’intention pre-
mière des chercheurs est d’abord d’analyser les causes de la résis-
tance au changement. C’est dans une telle perspective que quatre
groupes d’expérimentation seront mis en place. Le groupe animé
suivant le principe de la participation totale et suivant un leadership
démocratique obtient largement les meilleurs résultats (productivité
en hausse, baisse des dysfonctionnements sociaux, amélioration du
climat social et de l’atmosphère de travail).
Le caractère spectaculaire de l’expérience de Coch et French
conduit à remettre en cause le leadership autoritaire et les principes
de l’OST de Taylor. L’expérience popularise les thèses de Kurt
Lewin sur la dynamique des groupes dont la portée théorique et
pragmatique apparaît plus clairement. La thèse de Lewin soutient
l’idée qu’il est plus facile de transformer les habitudes d’un groupe
que celles d’un individu pris isolément. Les auteurs du cas insistent
sur l’importance du leadership sur la cohésion d’un groupe et sur
sa faculté à prendre des décisions de telle sorte que l’on peut obser-
ver une certaine homogénéité des comportements. L’individu s’ef-
face en quelque sorte devant la force du groupe qui impose des
normes à tous (les célèbres expériences de Shérif dès 1935 puis de
Asch en 1956 montrent aussi l’importance de l’effet de normalisa-
tion puis du conformisme dans la vie d’un groupe). Le groupe a
réellement le sentiment d’avoir une influence légitime sur les chan-
gements entrepris, il semble en contrôler suffisamment les consé-
quences et considère ainsi la participation comme légitime. Pour
autant, ces décisions de changement sont acceptées parce que les
ouvrières en ont fait le choix. La participation n’est donc pas une

20
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

panacée, elle ne fonctionne correctement que lorsqu’elle résulte


d’une décision prise par le groupe qui y trouve un intérêt certain.
En définitive, les résultats de Coch et French vont favoriser l’émer-
gence aux États-Unis d’un nouveau courant managérial, le dévelop-
pement du leadership (Bennis, Beckhard, Drucker notamment), qui
s’organisera à partir des années 1960 tout en remettant largement en
cause les thèses relatives à la théorie du chef. Un auteur comme
Douglas McGregor ira encore plus loin dans l’analyse de la menta-
lité des leaders à partir notamment de l’analyse de contenu des pro-
grammes de formation pour dirigeants.

2 
McGregor et les théories XY du commandement
des hommes

En matière de réflexion sur la qualité du leadership et l’importance


du management des équipes, on peut considérer que Douglas
McGregor (1906-1964) fait partie des fondateurs. Fortement soutenu
dans sa carrière par Alfred Sloan, PDG de la General Motors,
McGregor s’impose progressivement comme un des précurseurs du
leadership moderne. Professeur au MIT à Harvard, Douglas McGregor
va plus loin que Lewin et élabore une véritable théorie du leadership,
c’est-à-dire une manière de conduire les hommes. Celle-ci est publiée
dans un ouvrage de référence paru en 1960 : La dimension humaine
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de l’entreprise. Ses travaux seront en partie financés par la fondation


Alfred Sloan. Malheureusement, sa disparition prématurée l’empê-
chera de poursuivre son œuvre. Il laissera finalement assez peu de
publications. McGregor part du constat qu’il n’existe pas de théorie
satisfaisante du fait qu’aucune approche ne rend compte du potentiel
que représentent les ressources humaines dans l’entreprise. En com-
parant les programmes de formation au leadership des dirigeants de
grandes entreprises américaines, il en conclut que les résultats de la
formation ont peu d’effets sur les pratiques. Il n’y a donc pas d’effet
formation sur les pratiques de gestion. D’après ces analyses, les diri-
geants changent leur mentalité, comportement et style de manage-
ment non pas en fonction du contenu de la formation, mais de la
conception qu’ils se font de leur rôle de dirigeant. La manière dont

21
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

ces derniers se projettent est donc décisive. Il formule l’idée qu’ils


font des hypothèses implicites sur la nature humaine au travail qui
guide leur conception du management.
D. McGregor oppose deux conceptions de l’homme au travail, appe-
lées la théorie X et la théorie Y. À partir de 1981, William Ouchi déve-
loppera la théorie Z à partir de l’approche XY. La conception de Ouchi
vise à discuter du modèle japonais dont l’efficacité semble reposer sur
sa capacité à mobiliser les salariés par leur adhésion à une culture
d’entreprise. Cela implique aussi un leadership qui intègre le respect
des individus et leur participation. C’est dans une telle perspective que
se développeront au Japon les cercles de qualité (groupes de créativité
de salariés) que l’on trouvera d’abord chez Toyota, Honda ou Matsushita.

2.1  La théorie X : un leadership autoritaire

Suivant McGregor, la théorie X correspond à une approche large-


ment dominante aux États-Unis et repose sur trois hypothèses fon-
damentales :
•  la direction gère la répartition des ressources de l’entreprise en
personnel, capitaux, matières premières, technologies et définit
une politique générale d’entreprise ;
•  le rôle des dirigeants est d’orienter les efforts des salariés en cher-
chant à les motiver tout en contrôlant leur activité. Les comporte-
ments des salariés doivent être régulièrement adaptés aux
exigences de l’organisation et de son environnement ;
•  enfin, la direction, à travers son mode de management, doit inter-
venir face à la passivité naturelle des salariés. Il s’agit de les
récompenser justement et de les sanctionner pour éviter des com-
portements flegmatiques.
McGregor souligne que ces trois hypothèses de base reposent sur
quatre postulats implicites :
•  l’individu moyen éprouve une aversion innée pour le travail qu’il
fera tout pour éviter ;
•  à cause de cette aversion, les individus doivent être contraints,
contrôlés, dirigés, menacés de sanction, si l’on veut qu’ils four-
nissent les efforts nécessaires à la réalisation des objectifs organi-
sationnels ;

22
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

•  l’individu moyen préfère être dirigé, désire éviter les responsabi-


lités, a peu d’ambition et recherche la sécurité avant tout ;
•  le salarié moyen est égoïste, égocentrique et indifférent quant à la
stratégie de l’organisation. Il est naturellement opposé au change-
ment, intimement centré sur lui-même mais facile à tromper.
À travers la théorie X, McGregor montre que ces hypothèses sont
en réalité de véritables postulats pour les dirigeants et constituent
une idéologie dominante. Cette théorie repose sur une vision infan-
tilisante des salariés.

2.2  La théorie Y : une autre manière de « leader » possible

À partir de la discussion des fondements de la théorie X, McGregor


propose de nouvelles hypothèses, de nouveaux postulats qui donnent
forme à la théorie Y présentée comme une réelle alternative :
•  la dépense physique est aussi naturelle que le jeu ou le repos pour
l’homme. Il peut s’autodiriger et s’autocontrôler ;
•  l’engagement personnel est en fait le résultat d’une recherche de
satisfaction de besoins sociaux. L’homme apprend à rechercher
les responsabilités. De fait, la motivation, la possibilité de se déve-
lopper, l’acceptation de responsabilités sont des éléments devant
être cultivés dans l’organisation ;
•  la capacité d’exercer son imagination, son ingéniosité et sa créati-
vité au service d’une organisation est largement répandue parmi
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

les hommes ;
•  dans beaucoup de conditions de travail, les possibilités intellec-
tuelles des hommes sont largement inutilisées ;
•  par ailleurs, les salariés ne sont pas, par nature, systématiquement
opposés à la stratégie des dirigeants, même si la direction doit
rester responsable de l’allocation des ressources nécessaires au
fonctionnement et au développement de l’organisation.
Pour McGregor, ces deux approches induisent deux styles de
gestion différenciés. Il développe la thèse suivant laquelle la théo-
rie Y et le style de gestion qui en résulte sont plus adaptés à la
nature humaine car ils reposent sur des motivations plus profondes.
En effet, cette conception de la gestion permet d’intégrer les buts
de l’individu et de l’organisation à travers le mode de management.

23
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

Le salarié doit pouvoir remplir ses propres besoins en accomplissant


les objectifs de l’organisation. Cette approche consiste donc à uti-
liser des moyens qui favorisent le travail d’équipe, à supprimer le
plus possible les contraintes, à encourager le développement et la
formation. L’objectif de ce mode de leadership alternatif est bien
de chercher à orienter les efforts des salariés en vue de les rendre
compatibles avec les objectifs stratégiques de l’organisation.
Finalement, McGregor pense que les personnes peuvent révéler des
potentiels beaucoup plus importants que l’encadrement actuel des
entreprises ne peut l’imaginer. Si la théorie X nie l’existence de ce
potentiel, la théorie Y donne la possibilité à l’encadrement d’inno-
ver, de découvrir de nouveaux moyens d’organiser et de diriger
l’effort humain.
Près de vingt ans plus tard, William Ouchi popularisera la théorie Z
fondée sur le modèle japonais (1981). On peut aussi considérer que
c’est à partir du début des années 1980 que se développeront de
nombreux travaux sur les traits de personnalité et les compétences
des leaders.

3
Sec­­tion La thÉorie des traits
de personnalitÉ des leaders

1 
La conception moderne des traits de personnalité
et des compétences des leaders :
l’apport de Bennis

Considéré à juste titre par beaucoup comme l’un des meilleurs


spécialistes du leadership, Warren G. Bennis de l’Université de
Californie du Sud s’appuie sur de très nombreuses expériences pro-
fessionnelles mais aussi sur son activité de conseil auprès de quatre
présidents américains. Bennis se situe d’emblée dans le prolongement
de La dimension humaine de l’entreprise – titre de l’ouvrage célèbre
de McGregor – qui conceptualise la théorie Y de l’entreprise.
L’influence des travaux de McGregor conduit Bennis à reconsidérer
les structures de l’entreprise et le mode de commandement

24
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

généralement observable. Il est convaincu de l’importance de l’intro-


duction de mécanismes de participation dans les organisations pour
renforcer le rôle du leadership et la mobilisation des acteurs autour
de buts à atteindre. Dès 1968, il suggère dans The Temporary Society
(publié avec P. Slater) de tendre vers des structures adhocratiques
manifestement plus horizontales et moins verticales afin de renforcer
le rôle des équipes projets et l’autonomie des personnes au travail.
Il a aussi l’intuition que la qualité du leadership est un déterminant
majeur pour la réussite des organisations même s’il y a alors encore
bien peu de travaux sur le sujet.

1.1  Les principes clés de la direction des entreprises

C’est à partir de 1985 que W. G. Bennis donne une orientation


plus nette vers l’exploration de la question du leadership comme
objet de recherche. L’ouvrage publié en 1985 (avec B. Nanus)
Leaders: Strategies for Taking Charge apparaît alors comme fon-
dateur d’une pensée novatrice sur la question. Il avance en parti-
culier l’idée que les grands leaders ont des capacités d’abstraction,
de conceptualisation et de vision hors normes, ce qui éclaire souvent
leur cheminement. Au fond, il y a dans le processus de leadership
une part de déviance, d’audace et de courage qui n’est pas toujours
suffisamment mise en avant. Il faudra attendre 1989 pour que l’ou-
vrage le plus abouti de W. Bennis (probablement son livre culte) :
On Becoming a Leader consacre les intuitions qui étaient alors les
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

siennes. Dans cet ouvrage, il analyse le cas de près de quatre-vingt-


dix personnalités américaines qu’il convient avant tout de ne pas
assimiler à des managers. Suivant Warren G. Bennis : « On ne naît
pas leader, on le devient » et ce qui permet de le repérer est plutôt
le fait que le leader sait (presque intuitivement) ce qu’il faut faire.
Ce sont bien donc les capacités de créativité et d’innovation qui
font les leaders. Toute la question est alors de savoir s’il est possible
de conceptualiser une méthodologie d’apprentissage du leadership.
Pour ce faire, il insiste sur quatre compétences génériques souvent
propres au leader : la capacité de vision, la qualité des communi-
cations, la confiance et le rapport à soi (que l’on peut presque
assimiler au narcissisme).

25
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

1.2  Leadership et compétences distinctives des leaders

Au fond, on peut résumer l’apport fondateur de Bennis à travers


l’idée que le leadership est un processus qui repose sur la capacité
d’un individu à avoir une vision globale, de la traduire en action
concrète tout en la maîtrisant dans la durée. On est bien alors dans
la perspective d’une logique de performance durable. Bennis évoque
aussi l’idée qu’un leader est un architecte social ayant une capacité
de traduction permettant de faire partager au plus grand nombre les
valeurs de l’organisation et les objectifs à atteindre. Le leader produit
un ciment émotionnel avec ses collaborateurs, une capacité de rap-
prochement provoquée entre différents niveaux hiérarchiques. Il
insiste également sur le rapport à soi, c’est-à-dire la capacité à se
gérer soi-même. L’auteur souligne l’idée qu’il est fondamental qu’un
leader ait une bonne connaissance de lui-même, de ses qualités mais
aussi de ses défauts. Sa personnalité est orientée vers une capacité à
relever des défis, à gérer des contradictions mais aussi à prendre des
risques. Par ailleurs, un grand leader est aussi « un communiquant »
précise Bennis. La qualité des communications est même essentielle
dans la perspective de luttes concurrentielles féroces. Les messages
véhiculés peuvent effectivement avoir une valeur stratégique parfois
décisive dans une logique de valorisation de l’action collective.
Actuellement, les logiques de « marques employeurs » développées
par les directions des ressources humaines des grands groupes du
CAC 40 illustrent bien l’idée qu’une organisation doit communiquer
de façon pertinente sur ses capacités de leadership et la qualité de
vie au travail qu’elle propose.
En somme, les leaders se caractérisent par leur engagement au travail,
leur capacité d’apprentissage et, généralement, sont capables de tirer
des enseignements constructifs de leurs propres échecs. Bennis est
particulièrement frappé par la très grande capacité qu’ont les leaders
à assumer leurs échecs, qu’ils peuvent parfois réussir à transformer,
d’une manière ou d’une autre, dans un sens qui leur est plus favorable.

1.3  La distinction leader/manager

Cette distinction a particulièrement été discutée par le grand pro-


fesseur de leadership de Harvard A. Zaleznik. À travers son analyse

26
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

de la compréhension du leadership et de ses fondements W. Bennis


apporte néanmoins des éclairages novateurs et pertinents sur le sujet.
À travers ses écrits, Bennis développe l’idée désormais célèbre sui-
vant laquelle les leaders ne sont pas nés leaders mais le sont devenus,
le plus souvent par eux-mêmes. Bref, les leaders s’inventent. Le point
de vue avancé par l’auteur est que le développement et la prospérité
des nations et des entreprises passent par l’émergence de grands
leaders. En somme, l’auteur avance une thèse selon laquelle « ce qui
différencie un leader d’un manager est aussi ce qui différencie ceux
qui dominent leur environnement de ceux qui en sont dominés ».
La distinction leader/manager peut aussi être déclinée en opposant
le manager qui administre et le leader qui innove (Bennis, 1991).
Celui qui gère des affaires courantes et celui qui développe des nou-
veautés ; celui qui se concentre sur les systèmes et les structures et
celui qui se focalise sur les hommes. Le manager use du comman-
dement et a une vue plutôt à court terme ; le leader inspire la confiance
et a une perspective de long terme. Finalement, le manager imite,
copie alors que le leader crée, défie et est lui-même. En d’autres
termes, « le manager fait ce qu’il doit faire ; le leader fait ce qu’il
faut faire ». En prenant l’exemple de nombreux présidents américains
mais aussi de grands capitaines d’industrie ou encore du réalisateur
Sydney Pollack, Bennis insiste sur les qualités intrinsèques des lea-
ders : imagination, ouverture, synthèse, risque, flexibilité, expéri-
mental, cerveau total et long terme. Suivant ces analyses, il est vital
de devenir l’auteur de sa propre vie pour devenir leader et devenir
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

soi-même. Bennis nous enseigne qu’il n’existe pas de règles pour y


parvenir, mais seulement quelques enseignements comme la connais-
sance de soi-même, la connaissance du monde, agir d’instinct mais
aussi frapper fort et se réaliser en osant (Bennis, 1991). Pour sortir
du chaos, il reste important de rallier les suffrages et de s’appuyer
sur le rôle critique de l’organisation. En définitive, on peut conclure
sur ce point : d’abord, beaucoup de choses s’apprennent et s’expé-
rimentent ; ensuite, l’organisation doit davantage fonctionner orga-
niquement, c’est-à-dire que ses objectifs doivent déterminer sa
structure – et non l’inverse – et qu’elle doit davantage fonctionner
comme une communauté que comme une hiérarchie (Bennis,
Biederman, 1997).

27
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

1.4  Avenir du leadership et Organizing Genius

L’originalité de l’ouvrage Profession : leader réside dans le fait


que l’auteur propose une actualisation des caractéristiques person-
nelles des leaders en situation de crise. La problématique du livre
tourne autour de la question suivante : comment devenir un leader ?
Bennis propose dix pistes d’action pour faire face au changement,
envisager un avenir meilleur mais aussi développer des organisations
apprenantes (Bennis, 1991). Ces suggestions s’inscrivent totalement
dans la logique des organisations apprenantes et évolutives capables
de désapprendre certaines routines pour entrevoir les choses de façon
différente.

■■  Dix facteurs pour demain


•  Les leaders gèrent le rêve car ils promeuvent une vision évolutive
mais qui s’imposera à tous. La responsabilité d’un leader est aussi
de transformer la vision en réalité en ne perdant pas de vue que
c’est parfois dans les rêves que se construit la réalité.
•  Les leaders acceptent l’erreur dans le sens où ils savent les recon-
naître et créer un environnement où la prise de risque est acceptée.
Citant Sydney Pollack, l’auteur considère que la seule erreur est
« de ne rien faire ». On est finalement assez proche du principe de
Tom Peters et Robert Waterman déjà évoqué dans Le prix de
l’excellence : le parti pris de l’action et la tolérance de l’erreur.
•  Les leaders encouragent le retour d’information critique dans la
mesure où ils reconnaissent qu’il est essentiel d’avoir auprès de
soi quelqu’un qui n’hésite pas à dire la vérité, à faire part de cri-
tiques. Bennis fait part de son étonnement dans l’ouvrage Diriger
devant le fait que la plupart des grands PDG qu’il a rencontrés
sont encore mariés avec leur premier conjoint (Bennis, Nanus,
1985). Au fond, ce sont des personnes qui ont su tisser une rela-
tion de confiance, profonde et durable, avec une personne qui a
joué pendant de nombreuses années le rôle d’un miroir, permet-
tant au leader d’apprendre sur lui-même.
•  Les leaders stimulent la contradiction et peuvent être entourés de
personnes ayant un esprit critique pouvant faire contrepoids aux
idées dominantes. En pratique, il est évident que le personnel
laisse en général le leader commettre des erreurs même s’il le sait

28
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

pertinemment. Au fond, Bennis évoque la nécessité pour tout lea-


der de posséder un Fou, c’est-à-dire une personne capable de
« semer de la perturbation » et d’évoquer ce que personne n’ose
dire. D’une certaine façon, le Fou est cette personne qui par la
dérision est capable de mettre « les pieds dans le plat » en jouant
le rôle du contradicteur.
•  Les leaders possèdent le facteur Nobel qui consiste à faire preuve
d’optimisme, de foi et d’espoir. En effet, l’optimisme et l’espoir
ouvrent beaucoup de perspectives d’action ; il s’agit donc d’une
attitude générale qui consiste à avoir foi en un avenir meilleur.
•  Les leaders comprennent l’effet Pygmalion dans le sens où les
personnes jouent en général le rôle que l’on attend d’eux. Ce qui
caractérise le grand dirigeant, c’est son aptitude à inciter ses
subordonnés à atteindre le haut niveau de performance qu’il a fixé.
D’une certaine façon, ils attendent beaucoup de leur entourage et
le fait d’attendre de grandes choses est souvent le gage le plus sûr
de les obtenir ! Les méthodes d’entraînement et de coaching du
grand coach de football de Chelsea José Mourinho semblent tout
à fait caractéristiques de l’effet Pygmalion. Néanmoins, ces
attentes restent réalistes et toujours déterminées dans une perspec-
tive d’efficacité. L’idéal est peut-être de pousser l’individu à son
maximum sans pour autant le faire échouer trop souvent !
•  Les leaders ont le facteur Gretzky qui consiste à avoir le sens de
l’évolution de la culture et de l’organisation évolutive. Warren
Bennis nous dit que les grands leaders – à l’instar de Wayne
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Gretzky, joueur de hockey exceptionnel souvent évoqué par Steve


Jobs – savent par instinct dans quel sens positif vont évoluer les
choses. D’une certaine façon, on peut donc dire que ce sont des
personnes instinctives, capables d’anticiper les évolutions et les
changements majeurs.
•  Les leaders ont une vue à long terme et, par conséquent, peuvent
être capables de beaucoup de patience. Bennis évoque en ce sens
la patience des Japonais souvent surprenante dans le monde des
affaires par opposition aux approches à court terme de Wall Street
et des stars de la finance.
•  Les leaders connaissent en général la symétrie des enjeux. En
effet, ils savent que chaque partie prenante a des enjeux spéci-
fiques et que les décisions prises doivent respecter les grands

29
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

équilibres et toutes les parties prenantes, surtout dans la perspec-


tive d’une organisation élargie.
•  Les leaders créent des partenariats et des alliances stratégiques
dans le sens où ils évoluent en réseau et savent que le monde
entier est leur horizon. On est évidemment dans la perspective de
l’entreprise en réseau.
Warren Bennis revient sur les qualités personnelles des leaders
fondées sur une solide éducation, beaucoup de curiosité et d’enthou-
siasme, de la confiance envers les hommes et les équipes mais aussi
une capacité à prendre des risques (Bennis, Nanus, 1985 ; Bennis,
1991). Finalement, c’est l’engagement à l’égard de l’excellence qui
les caractérise ainsi que la recherche d’une croissance à long terme
mais aussi leur capacité de réactivité. De leur vertu et de la qualité
de leur vision dépendent fortement la prospérité et la richesse de
l’organisation dans un contexte en perpétuelle mutation.

■■  Génie organisationnel et collaboration créative

En 1997, Warren Bennis publie un livre en collaboration avec


Patricia Biederman : Organizing Genius: The Secrets of Creative
Collaboration. L’ouvrage opère une certaine rupture avec les écrits
précédents de Warren Bennis. Le monde change, ainsi que les orga-
nisations ! Bennis tient à mettre fin au mythe du grand homme appli-
qué à l’entreprise performante. Au contraire, il développe la thèse de
« l’avantage coopératif » et la nécessité d’organiser le génie par
l’élaboration d’équipes de travail cohérentes et performantes. En ce
sens, Bennis et Biederman démontrent, à partir de nombreuses études
de cas, les conditions nécessaires à une collaboration réussie. C’est
bien la gestion des talents et l’agencement de compétences complexes
qui constituent aujourd’hui les principaux facteurs clés de succès
pour davantage de compétitivité. C’est suivant cette analyse que les
auteurs développent l’idée que la principale qualité du leader dans
le monde contemporain est d’obtenir des alliances créatives et d’ai-
der les personnes à s’accomplir par le travail. En ce sens, le choix
de la collaboration s’avère décisif puisqu’il repose sur une vision
inclusive des talents et des compétences de personnes enthousiastes
capables de travailler et de progresser avec les autres. Le génie de
l’organisation réside bien dans la capacité à percer les secrets de la

30
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

collaboration créative pour forger les équipes qui relèveront avec


succès les défis de demain. Cette analyse s’éloigne de la conception
du leadership fondée sur des caractéristiques intrinsèques. On est
plutôt dans la perspective d’un leadership coopératif et de dirigeants
capables de mobiliser et de conserver les personnes talentueuses qui
seront plus créatives. Pour Bennis, ce choix n’est pas seulement
souhaitable, il est devenu inévitable.

1.5 « Devenir un grand leader » ou le leadership


au quotidien de Sample
Successivement ingénieur, musicien, professeur, inventeur et pré-
sident de l’Université de Californie du Sud, Steven B. Sample pro-
pose une réflexion pragmatique et originale sur le leadership au début
des années 2000. Il est fortement influencé par la pensée de Warren
Bennis avec lequel il a enseigné le leadership pendant de nombreuses
années. Celui-ci a d’ailleurs préfacé son livre, publié en 2002 : The
Contrarian’s Guide to Leadership. L’ouvrage sera traduit en 2005
sous le titre : Devenez un grand leader. À propos du livre de Sample,
Bennis écrit ceci : « Dans la société américaine actuelle, les esprits
non-conformistes, ceux capables de tenir un discours personnel,
d’offrir un point de vue original et une authenticité stimulante, consti-
tuent une espèce en voie de disparition. » Au fond, l’auteur propose
une vision situationnelle du leadership dans le sens où tout ce qui
réussit dans un contexte donné ne réussira pas forcément dans un
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

autre contexte. En ce sens, Sample et Bennis se demandent souvent


si l’histoire fait les leaders ou si ce sont les leaders qui font l’histoire.
Il est intéressant de relever la confrontation par ces grands spécialistes
du leadership de deux monuments de la littérature. D’un côté, Guerre
et Paix de Léon Tolstoï et de l’autre, les essais de Thomas Carlyle
pour qui les leaders font l’histoire. L’histoire serait ainsi écrite par
les grands hommes. Bien au contraire, la thèse de Tolstoï est que les
rois et les généraux sont les esclaves de l’histoire. Il évoque les
innombrables forces qui échappent à leur contrôle et qui dépassent
même leur entendement. Le monde ressemble fortement à celui décrit
par Tolstoï, à savoir un monde dominé par d’irrésistibles forces his-
toriques qui dépassent la conscience des individus par leur ampleur
et leurs conséquences. En même temps, Carlyle n’a pas tout à fait

31
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

tort lorsqu’il évoque l’impact durable que peuvent avoir les décisions
humaines sur le cours des choses (Sample, 2007). D’une certaine
façon, il n’y a pas de déterminisme historique réel, mais il y a certes
une relation entre l’histoire et la destinée des leaders.
Sample insiste sur la responsabilité morale des leaders d’au-
jourd’hui et de demain et suggère à ces derniers de cultiver leur
indépendance intellectuelle et de privilégier leur expérience person-
nelle pour davantage d’efficacité sur le plan pratique et moral. Pour
lui, le leadership est bien un art et non une science dans le sens où
il serait plus proche de la peinture, de la musique ou de la poésie que
d’activités humaines dont l’objet et la méthode sont clairement défi-
nis. Dans le fond, le leader de Sample pense hors des sentiers battus,
est animé par ses passions, possède une pensée nuancée et affranchie
et surtout, est capable de faire émerger au sein de son équipe une
intelligence collective, une imagination créative et tout simplement
des idées nouvelles. Les dirigeants sont toujours obligés de faire des
compromis ; la quête de perfection est finalement presque contraire
à un leadership efficace. Pour l’auteur, « quelque chose qui vaut la
peine d’être réalisé mérite de l’être correctement mais sans plus ».
L’ouvrage de Sample est particulièrement riche et actuel ; dans le
cadre de ce manuel, nous développerons quatre apports importants.

■■  La pensée de Machiavel et ses apports


au leadership contemporain
Né à Florence en Italie, Nicolas Machiavel publie en 1513 un
ouvrage d’une rare richesse à l’usage des gouvernants et des diri-
geants. Penseur humaniste, il a l’ambition de donner « des règles de
conduite à ceux qui gouvernent ». Selon lui, l’exercice du pouvoir
se caractérise par le mouvement, des ruptures violentes et des conflits.
Il est ainsi fondamental d’apprendre « l’art de bien gérer la cité »
mais aussi de se maintenir au pouvoir dans un contexte ouvert à tous
les retournements possibles. C’est dans cet esprit qu’il commence la
rédaction de son ouvrage majeur en 1512. Président d’une grande
université américaine au xxie siècle, Steven Sample insiste sur l’ac-
tualité et la pertinence de ce livre sur le leadership paru il y a plus
de cinq cents ans. Même s’il est évident que l’on ne peut pas approu-
ver toutes les idées de Machiavel, certaines restent stimulantes pour

32
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

la réflexion et l’action. En voici quelques-unes (Machiavel, 1513 ;


Aron, 1962 ; Sample, 2007) :
•  Aucune politique n’est sans risque, ce qui conduit un leader talen-
tueux à identifier les risques de chacune avant de décider.
•  La volonté de conserver l’unité civile et d’éviter la domination
extérieure justifie largement toutes les actions d’un prince.
•  Il ne faut jamais humilier quelqu’un à moins de lui ôter entière-
ment le pouvoir de se venger.
•  Le prince ne doit pas se compromettre pour éviter une guerre.
•  Le hasard sourit aux audacieux et conditionne la réussite d’un
leader ; il est davantage favorisé par ceux qui sont impétueux que
par ceux qui procèdent lentement.
•  Suite à une conquête, le prince doit d’abord prendre les décisions
les plus impopulaires avant d’échelonner dans le temps ses bien-
faits pour que le peuple l’apprécie progressivement.
•  Les qualités principales d’un bon prince sont d’avoir du talent (ou
de faire semblant le cas échéant d’en posséder), d’encourager les
vocations, de laisser les hommes conserver leurs biens, de conser-
ver des ministres et des juges probes et incorruptibles et surtout de
défendre la principauté contre toute domination étrangère.
Finalement, Machiavel enseigne qu’un bon leader doit davantage
être craint qu’aimé. Dans le monde contemporain, il semble néces-
saire d’avoir des leaders capables de poser des règles et de sanction-
ner objectivement ceux qui ne les respectent pas. Certes, cela peut
paraître paternaliste mais l’incapacité à faire respecter des règles de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

conduite peut précipiter la chute d’un chef. La pensée de Machiavel


– même si elle doit être adaptée au monde contemporain – reste
éclairante pour leader avec pertinence.

■■ La différence fondamentale entre devenir dirigeant


et diriger
Comme l’a aussi évoqué Machiavel en son temps, il faut distin-
guer la conquête du pouvoir et son exercice. Vouloir devenir diri-
geant est une chose (c’est un problème de conquête) ; exercer et
durer en est une autre (c’est alors un problème d’exercice).
Conquérir le pouvoir et l’exercer ne relèvent pas de la même
logique, ne mobilisent pas les mêmes qualités et compétences.

33
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

Certes, le leadership est une vocation particulière : exercer un poste


de direction est difficile et complexe. Sample (2007) montre que
l’on trouve généralement beaucoup de gens qui veulent accéder à
une fonction de direction générale, mais qu’ils sont finalement rares
à vouloir exercer ce métier. Les tâches de dirigeants ne plaisent pas
nécessairement à tout le monde ; en ce sens, le meilleur médecin
ne fera pas systématiquement un bon directeur d’hôpital ou encore
un excellent professeur d’université ne sera pas pour autant un bon
président d’université (l’inverse est également vrai) ! Tout n’est pas
stimulant et passionnant quand on exerce une fonction de direction
et il faut donc savoir réaliser avec dévouement des tâches que l’on
trouve inintéressantes. Celles-ci sont toujours en nombre élevé et
les activités valorisantes et passionnantes ne sont en définitive
qu’une minorité. L’auteur avance un rapport de 70/30 qu’il est vital
de respecter si l’on souhaite se maintenir durablement à une fonc-
tion de direction générale : 30 % du temps doit être consacré à des
activités ou à des tâches valorisantes ou intéressantes. Cela peut
paraître assez peu, mais c’est finalement beaucoup pour maintenir
un niveau convenable de satisfaction au travail.

■■  Contribuer à la réussite des collaborateurs


Dans son ouvrage, Sample insiste sur l’importance pour un leader
de travailler pour ceux qui travaillent pour lui ! On peut ainsi
reprendre la citation de Roosevelt : « Le meilleur dirigeant est celui
qui recrute les hommes les plus compétents, leur dit ce qu’ils ont à
faire et s’efface pour les laisser faire. » De façon plus générale, on
peut aussi mobiliser dans l’histoire de nombreuses figures comme
celle de Gengis-Khan qui a su réunir et entraîner derrière lui de
nombreuses tribus pour former un État unifié et réaliser de multiples
conquêtes. On sait aujourd’hui que Gengis-Khan s’est entouré de
lieutenants talentueux pour accomplir avec beaucoup d’efficacité son
projet de conquête. Sample montre aussi qu’il est important de savoir
réunir autour de soi une équipe diversifiée de collaborateurs. En
d’autres termes, des gens qui pensent différemment les uns des autres,
même s’il ne sera pas aisé pour le dirigeant d’intégrer des personnes
aux idées et aux valeurs variées. En résumé, il semble essentiel pour
renforcer l’action d’un dirigeant qu’il puisse s’entourer de personnes
avisées et compétentes mais aussi aux profils et aux expériences

34
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

différentes. Rappelons aussi ce que disait Machiavel : « Un prince


qui s’entoure de mauvais conseillers est un mauvais prince. »

■■ La théâtralisation du rôle de leader

À partir de son expérience à la présidence de l’Université de


Californie du Sud, Steven Sample discute également de la dimension
théâtrale du rôle, qui semble presque inhérente à un leadership effi-
cace. Au sein d’une hiérarchie, un bon leader doit être capable de
divertir en se montrant drôle et spirituel. C’est en tout cas l’une des
thèses de Bennis et c’est aussi ce que montrent de nombreux exemples
célèbres. Il semblerait qu’un leader efficace sache attirer l’attention
des autres par son humour ou son talent comique. Parmi les présidents
américains, Sample évoque le souvenir de Lincoln, Kennedy et
Reagan qu’il oppose à Carter ou Nixon. Les premiers étaient des
hommes chaleureux et parfois drôles alors que les seconds n’avaient
aucun sens de l’humour. En d’autres termes, on insistera pour termi-
ner ici sur l’importance de la dimension spirituelle, de la verve et
d’un langage imagé qui renforcent incontestablement la théâtralisa-
tion du rôle du leader ainsi capable de raconter des histoires capti-
vantes. Au fond, les histoires et les paraboles présentent la
caractéristique d’exercer un pouvoir d’attraction et peuvent être aussi
des moyens efficaces de dynamiser les équipes.
Les apports de Sample au leadership sont avant tout pragmatiques
mais aussi moraux. Le leadership ne se décrète pas, mais il peut
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

s’expérimenter et se développer au gré des épreuves. Un grand leader


est inévitablement un esprit ouvert et indépendant mais également
quelqu’un à la pensée fine et nuancée. C’est aussi un personnage qui
sait affronter avec courage les difficultés en face et qui ne recule pas.
C’est enfin quelqu’un qui se donne une ligne de conduite avec ses
collaborateurs mais aussi vis-à-vis de toutes les parties prenantes
dans la perspective d’une organisation élargie.
Pour conclure, on pourra retenir que l’œuvre de Warren G. Bennis
et l’apport pragmatique de Steven Sample constituent un ensemble
assez disparate. Les leaders se caractérisent par leur engagement au
travail, leur capacité d’apprentissage et, généralement, sont capables
de tirer des enseignements constructifs de leurs propres échecs.
Bennis est particulièrement frappé par la très grande capacité qu’ont

35
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

les leaders à assumer leurs échecs qu’ils peuvent parfois réussir à


transformer, d’une manière ou d’une autre, dans un sens qui leur est
plus favorable. C’est dans une perspective théorique un peu similaire
que se développera la théorie des traits de personnalité des leaders.
Celle-ci sera fondée sur des cartographies de traits caractéristiques
majeurs.

2 
L’apport de Kirkpatrick et Locke (1991)

Historiquement, c’est la conception du leadership la plus ancienne.


Il s’agit d’une théorie qui vise à distinguer les leaders des suiveurs
sur la base de caractéristiques et de qualités personnelles. On est bien
ici dans une perspective d’identification de traits distinctifs person-
nels censés créer davantage de performance. Au fond, il s’agit de
mobiliser un ensemble de qualités caractéristiques des leaders telles
que l’intelligence, le dynamisme, l’ouverture d’esprit, l’adaptabilité,
la détermination ou encore l’intégrité. Généralement, cette théorie
repose aussi sur la mobilisation de leaders forts (les « grands
hommes ») tels que Roosevelt, Churchill, Jaurès, Mandela, Gandhi,
etc. Des personnalités exceptionnelles dont les qualités de vision, de
commandement et de mobilisation ont marqué l’histoire. Les travaux
de recherche se sont essentiellement focalisés sur la mise en évidence
de caractéristiques singulières associées aux leaders.

2.1  Les traits de personnalité caractéristiques des leaders

Dans leurs travaux de recherche, Kirkpatrick et Locke (1991)


repèrent six traits caractéristiques propres aux leaders : l’honnêteté
et l’intégrité, l’assurance, le dynamisme, le désir de diriger, l’intel-
ligence et la compétence professionnelle. La première caractéristique
est liée à la cohérence entre les actes et les paroles ; les leaders sont
droits et honnêtes puisqu’ils arrivent à établir des relations de
confiance avec leurs collaborateurs. En deuxième lieu, les leaders
font preuve d’assurance à partir de leur sûreté d’eux-mêmes et de
leur capacité à partager leur vision. Ils sont également dynamiques
dans le sens où ils font preuve de beaucoup d’implication et ont
généralement un haut niveau d’accomplissement au sens de Maslow.

36
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

Ils ont aussi – et c’est fondamental – une grande capacité d’initiative.


Le désir de diriger est également une caractéristique discriminante ;
il s’exprime par la recherche de responsabilité et de pouvoir (capacité
à imposer sa volonté). Enfin, les leaders sont intelligents et font
preuve de compétence professionnelle. Intelligents car ils connaissent
la valeur stratégique de l’information et savent prendre les bonnes
décisions. Compétents puisqu’ils connaissent de façon approfondie
les problèmes industriels, commerciaux ou techniques permettant de
prendre les décisions pertinentes. La littérature sur le leadership
indique aussi que les leaders sont rarement introvertis ; ils font plu-
tôt preuve d’extraversion. En même temps, des travaux montrent
également que les leaders performants sont aussi méfiants et qu’ils
ont une confiance en eux modérée. Andy Grove ne dit-il pas que dans
ce monde, seuls les individus paranoïaques survivent ? Finalement,
extraversion, ouverture et application semblent être des traits carac-
téristiques importants (Judge, Bono, Ilies, Gerhardt, 2002).

2.2  Le rôle de l’intelligence émotionnelle

D’autres auteurs ajoutent l’intelligence émotionnelle comme trait


caractéristique majeur (Goleman, 1998). L’intelligence émotionnelle
peut être définie comme l’ensemble des facultés, des aptitudes et des
compétences d’une personne à comprendre les émotions et à les
gérer. Cette capacité a un impact sur la façon de répondre aux besoins
et aux pressions de l’environnement (Robbins, De Cenzo, 2004).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Généralement, les auteurs considèrent qu’il y a cinq dimensions


s’agissant de l’intelligence émotionnelle : la conscience de soi, la
maîtrise de soi, la motivation, l’empathie et l’aptitude pour les rela-
tions sociales (Goleman, 1998, 2000). L’empathie est un trait singu-
lièrement important suivant cette approche car elle permet de
comprendre les autres en se mettant à leur place. Le fait de montrer
de l’intérêt aux autres et de sentir leurs besoins semble ainsi une des
clés de l’efficacité du leadership. Certes, ces traits expliquent la qua-
lité du leadership mais ne la déterminent pas pour autant. En effet,
il apparaît dans les recherches que l’intelligence émotionnelle permet
de prédire la capacité de leader mais ne garantit pas pour autant que
la personne amènera ses collaborateurs à accomplir leurs buts
(George, 2000).

37
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

En résumé, il s’agit d’être humble quand on a recours à la théorie


des traits de personnalité qui ne permet pas vraiment de distinguer
les personnes performantes de celles plus en dedans. Cela dit, les
leaders efficaces semblent capables de faire preuve d’introspection
(Plane, 1994, 2000) mais aussi de créativité et de pertinence dans la
prise de décision. L’identification et l’analyse de ces traits de per-
sonnalité sont intéressantes dans une perspective managériale mais
ne suffisent pas pour expliquer totalement la notion de leadership
pour autant car les facteurs situationnels ne sont pas pris en compte.
En effet, si une personne possède tel ou tel trait de personnalité, cela
lui procurera incontestablement un avantage mais celui-ci ne s’avé-
rera véritablement décisif que si le leader comprend précisément le
contexte dans lequel il évolue. Par ailleurs, les spécialistes de la
motivation au travail ont également établi un lien entre personnalité
et organisation.

3 Le courant psychanalytique : les apports de Zaleznik


et de Kets de Vries à l’analyse du leadership
3.1  Zaleznik et l’analyse freudienne du leadership

Abraham Zaleznik (1924-2011) a longtemps été professeur à


Harvard où il a effectué toute sa carrière. Son apport au leadership
est considérable ; il a publié précisément 16 ouvrages sur l’analyse
et le fonctionnement des organisations en privilégiant la question du
leadership. Kets de Vries sera l’un de ses disciples avec lequel il
publiera d’ailleurs des ouvrages (c’est sans doute son disciple le plus
connu aujourd’hui). Son œuvre est considérée comme capitale. Ses
investigations auprès de nombreux dirigeants et cadres d’entreprises
sont considérables. Il sera notamment rendu célèbre par le papier
publié en 1977 dans la Harvard Business Review : Managers and
Leaders : Are They different ? Dans ce texte un peu controversé et
qui provoquera des polémiques, l’opposition qu’il établit le premier
entre la figure du leader et celle du manager fera date. Pour Zaleznik,
le manager analyse les processus d’activité, recherche la stabilité,
exerce un contrôle sur les activités et s’inscrit le plus souvent dans
une logique de résolution de problèmes. Le leader est beaucoup plus

38
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

créatif, peut s’accommoder du chaos et du manque de structure ; il


est aussi en quête de sens et de problématiques nouvelles. Cette
opposition est très forte dans la pensée de l’auteur. Le manager est
dans la rationalisation et dans les multiples process, le leader dans
la création, la déviance parfois, voire le mysticisme.
Certainement influencé par les travaux précurseurs de McGregor
puis de Ouchi, Zaleznik s’intéresse au pouvoir dans les organisa-
tions et découvre progressivement l’œuvre et la portée des travaux
de Freud pour le management des organisations. Influencé égale-
ment par les travaux de Harry Levinson (1972), il cherche à jeter
un pont entre la psychanalyse et le monde de l’entreprise. C’est
dans cette perspective théorique qu’il publiera en 1966 : Human
Dilemmas of Leadership. L’individu en quête d’estime de soi
assume des responsabilités et développe sa fonction de leadership.
En 1990, il publiera un ouvrage célèbre traduit en français en 1994 :
Les ressorts de l’action. Dans cet ouvrage, Zaleznik détaille son
approche freudienne des organisations et des leaders notamment à
partir des notions d’inconscient ou de névrose. Il focalise princi-
palement son analyse sur le fonctionnement des petits groupes.
L’ouvrage est également consacré à une discussion sur le rôle des
consultants ; il met en avant l’importance de la raison. Dans ses
derniers ouvrages, il développe notamment la notion de pouvoir et
il réfléchit particulièrement sur le rôle du chef. En somme, le lea-
dership est un travail sur soi-même mais aussi sur le monde pour
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Zaleznik ; il insiste sur l’idée que le chef doit conquérir le soutien


de ses collaborateurs et intégrer les limites du pouvoir.
Zaleznik proposera aussi une typologie des leaders composée de
cinq catégories : les optimistes (qui croient à leurs perceptions mais
ne voient pas la complexité du monde), les narcissiques (capables
de développer des moyens de s’émanciper des autres pour déve-
lopper leur force), les managers (concentrés sur les dispositifs orga-
nisationnels et les outils de gestion), les « habilitateurs » (qui
assument un rôle de chef charismatique et montrent la voie), les
humanistes (qui ont le talent de comprendre l’homme). En défini-
tive, l’œuvre fleuve et complexe de Zaleznik emprunte beaucoup
aux sciences humaines et constitue une contribution majeure à
l’analyse du leadership. L’aptitude à exercer le pouvoir est

39
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

envisagée comme un « vrai travail » qui doit se développer dans


trois directions : la maîtrise psychique (gérer ses pulsions et consti-
tuer son identité sociale), le façonnage de son talent (développer
des soft skills) et le rapport à l’altérité (faire preuve d’empathie et
de perspicacité quant à l’analyse des compétences d’autrui). Pour
l’auteur, cette aptitude ne vient pas naturellement ; elle résulte
d’une trajectoire, de la richesse des expériences passées et des
épreuves que les leaders ont dû affronter.
Finalement, Zaleznik restera dans l’histoire du management, le
grand professeur de Harvard qui a osé le premier opposer managers
et leaders et introduire la théorie psychanalytique freudienne dans
l’analyse du leadership. En France, un auteur intéressant – Eugène
Enriquez – fera également la même tentative dans un ouvrage connu :
L’Organisation en analyse (1992).

3.2  Kets de Vries et L’entreprise névrosée

Psychanalyste et diplômé de Harvard, Manfred Kets de Vries a


développé des travaux sur le pouvoir et le leadership en s’appuyant
sur les apports de la psychanalyse. Cet ancien disciple de Zaleznik
s’est orienté pour l’essentiel vers le parcours et la personnalité des
dirigeants ainsi que leurs difficultés. Kets de Vries étudie les inci-
tations et les perspectives au travail et dans la sphère familiale au
cours de différentes étapes de leur vie. Cette analyse montre notam-
ment que les leaders doivent faire face à des difficultés différentes
à chaque étape de leur vie (début, milieu, acceptation et préretraite).
Il approfondit ses travaux vers l’analyse de la personnalité des
leaders à travers l’idée de théâtre interne que l’on trouve chez Freud.
Le théâtre interne est l’image du monde qu’une personne a comme
fantasme et qui influence fortement ses attitudes et comportements.
Cette recherche sur la personnalité va conduire l’auteur à privilégier
dans ses analyses les personnalités narcissiques ou paranoïaques.
Cela le conduira également à identifier la dimension F du leader-
ship, qu’il analyse comme l’ensemble des dimensions (forces) qui
peuvent amener le leader à l’échec. Ce résultat de recherche est
important et peut prendre des formes diverses. En ce sens, la dimen-
sion F peut s’expliquer par la solitude du pouvoir, la peur du succès,

40
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

le comportement des followers, etc. L’originalité de cette démarche


intellectuelle réside dans le fait que l’explication qui est donnée de
l’échec d’un dirigeant est d’ordre psychanalytique. Avec Dany
Miller en 1985, Kets de Vries publie un ouvrage qui rendra ses
analyses célèbres : L’entreprise névrosée. Dans cet ouvrage, remar-
quablement bien illustré par des exemples concrets, les auteurs
proposent cinq configurations organisationnelles (au sens de
Mintzberg) qui correspondent à cinq types de névroses : l’organi-
sation paranoïaque, compulsive, théâtrale, dépressive et schizoïde.
La thèse défendue par Kets de Vries et Miller est que les problèmes
stratégiques et managériaux d’une organisation constituent le reflet
de la structure psycho-dynamique de la névrose de leurs leaders.
L’apport à l’analyse du leadership de Kets de Vries est intéressant
car il explore la psychanalyse et enrichit en quelque sorte l’approche
par les traits de personnalité en explorant l’inconscient des leaders
nourri par les organisations. En analysant aussi comment, récipro-
quement, les organisations s’imprègnent des névroses de leurs diri-
geants : cela change incontestablement le regard que l’on peut porter
sur elles. Ket de Vries poursuit actuellement ses investigations sur
la personnalité avec des travaux récents et prometteurs sur Mindful
Leadership Coaching (2014).

4
Sec­­tion PersonnalitÉ et motivation :
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

la contribution de McClelland

1 
McClelland : leadership et motivation
par réalisation d’objectifs

Psychologue américain et chercheur à Harvard, David McClelland


a publié de nombreux ouvrages dont : The Achieving Society au
sein duquel il formule une approche du leadership fondée sur la
réalisation des objectifs des individus. McClelland est connu pour
ses travaux portant sur les besoins les plus élevés de la hiérarchie
de Maslow que Alderfer appelle dans son modèle ESC (Existence,
Sociabilité, Croissance) les besoins de croissance. Pour sa part,

41
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

Maslow (1908-1970) préfère parler des besoins d’accomplissement


personnel des individus, c’est-à-dire la possibilité de satisfaire leurs
aspirations profondes. McClelland, à travers son projet de recherche,
cherche à expliquer comment les besoins de croissance influencent
le comportement humain en milieu de travail. Pour ce faire, il foca-
lise son attention dans ses recherches sur trois besoins manifeste-
ment liés au travail : le besoin de réalisation, le besoin d’affiliation
et le besoin de pouvoir. Il développe l’idée selon laquelle chaque
individu en situation de travail manifeste une dépendance envers
l’un de ces besoins. Cependant, il pourra aussi être influencé par
les deux autres besoins en fonction des circonstances. La force du
besoin et les comportements qui en résultent dépendront principa-
lement des caractéristiques de la situation. En d’autres termes, c’est
le niveau d’intensité du besoin qui conduira une personne à s’enga-
ger dans des comportements visant à le satisfaire. La théorie de
McClelland présente aussi l’originalité de suggérer que les besoins
proviennent de la culture, des normes et des expériences person-
nelles.

1.1 Le leadership : une expression des besoins


de réalisation, d’affiliation ou de pouvoir
L’approche de McClelland repose sur trois types de besoins : les
besoins d’affiliation, de pouvoir et d’accomplissement. Selon lui, le
besoin d’affiliation est le désir que ressent une personne d’établir et
de maintenir des relations d’amitié avec les autres. Certaines per-
sonnes ont besoin d’approbation sociale, de se sentir considérées et
intégrées au sein d’un collectif. McClelland montre que ces personnes
risquent de réussir particulièrement dans des situations de travail où
la qualité des relations interpersonnelles est fondamentale. Le besoin
de pouvoir traduit la volonté de chercher à exercer une influence sur
les autres. Les personnes ayant un fort besoin de pouvoir chercheront
des situations où il existe des possibilités de contrôler des contextes
et d’influencer des personnes. Enfin, le besoin de réalisation traduit
une forte tendance à vouloir exceller par la compétition à l’intérieur
des situations dans lesquelles une personne s’engage. Ce besoin
conduit à l’accomplissement. Suivant les analyses de McClelland,
les gens ayant un besoin aigu d’accomplissement supportent plus

42
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

facilement que d’autres les pressions sociales de leur milieu, sont


hantés par le succès non pas en fonction des avantages monétaires
qui en résultent, mais plutôt grâce à la satisfaction considérable pro-
curée par le sentiment d’avoir relevé un défi avec succès. McClelland
oppose dans ses travaux l’accomplissement au besoin de pouvoir.
Pour lui, le pouvoir amène plutôt à respecter la discipline et la hié-
rarchie même si le mode de management est de type démocratique.
Le principe d’équité (Adams, 1963) vise dans cette logique à être
respecté et l’intérêt général de l’entreprise doit primer sur l’intérêt
individuel et la créativité. Finalement, ces travaux sont focalisés sur
le fait que seuls les besoins dominants sont motivants. L’auteur insiste
aussi sur la nécessité de se focaliser et de concentrer les efforts et
l’engagement sur le besoin dominant, en l’occurrence ici, le besoin
d’accomplissement.
Les besoins d’affiliation, de pouvoir et de réalisation identifiés par
McClelland motivent singulièrement les personnes au travail. Il
n’existe aucune progression, ni aucune préséance hiérarchique entre
eux. Ces trois types de besoins sont ressentis indépendamment de la
satisfaction des autres, et cela en fonction des caractéristiques de la
situation dans laquelle évolue la personne.

1.2 La théorie de la motivation par la réalisation


d’objectifs et la recherche de leadership
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

En 1971, McClelland développe ses travaux dans un ouvrage inti-


tulé Assessing Human Motivation fournissant ainsi un cadre d’ana-
lyse intéressant afin d’expliquer la performance de cadres à haut
potentiel à la recherche de leadership. Ses résultats montrent que les
personnes qui ressentent le besoin de se fixer des objectifs ambitieux,
élevés et difficiles à atteindre ont une attitude positive face au risque.
Concrètement, les managers performants dans un environnement
compétitif semblent avoir un besoin d’accomplissement très élevé.
Les séminaires de formation et de perfectionnement peuvent égale-
ment contribuer à renforcer ce besoin d’accomplissement. La thèse
de McClelland réside donc dans l’idée que les leaders performants
sont des personnes qui préfèrent fixer eux-mêmes leurs propres objec-
tifs plutôt que de se les voir imposer par la hiérarchie. Ce sont des

43
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

personnes qui cherchent à accomplir des actions ambitieuses ; elles


ont ainsi un fort besoin d’accomplissement. Elles préfèrent décider
elles-mêmes plutôt que de laisser les autres décider. En second lieu,
il insiste sur le fait que ces personnes cherchent généralement à
éviter les extrêmes en termes de difficulté mais aussi de facilité. Les
objectifs jugés irréalisables mais aussi trop faciles à atteindre seront
évités au profit d’objectifs pensés comme réalisables et facteurs clés
de succès. En d’autres termes, ces personnes aiment se mettre à
l’épreuve et prendront du plaisir à réaliser des actions qui les condui-
ront à se surpasser.
Enfin, McClelland insiste sur l’idée que le haut niveau de perfor-
mance est aussi lié au fait que ces personnes cherchent régulièrement
à mesurer un retour sur investissement ou, tout au moins, une pro-
gression personnelle. Elles sont ainsi déterminées par leur besoin
d’accomplissement et elles auront une préférence pour des activités
qui apportent une rétroaction immédiate. Cette caractéristique
implique un fort esprit d’entreprise et de leadership ainsi qu’un
besoin de feedback plus élevé que la moyenne.

1.3 Une différence d’approche du leadership :


Alderfer vs McClelland
Contrairement à ceux de McClelland, les travaux de Alderfer et
sa théorie de la motivation ESC insistent davantage sur l’idée de
simultanéité des besoins. Pour ce faire, il distingue trois grandes
catégories de besoins : les besoins d’existence, de relations et de
développement (le modèle ESC). Il suggère des relations multiples
et simultanées entre ces différentes catégories. Les besoins d’exis-
tence sont très intenses s’ils ne sont pas assez satisfaits. Il réalise
la même analyse pour les besoins de relations bien que leur frus-
tration puisse aussi créer d’autres besoins d’existence. L’absence
de réalisation de besoins de développement provoque, en revanche,
toujours des besoins de relations. Finalement, la thèse de Alderfer
réside dans l’idée que la réalisation de besoins d’existence conduit
toujours à des besoins de relations et la satisfaction de ces derniers
provoque des désirs de développement. Les besoins de développement
présentent la caractéristique de se renforcer eux-mêmes par leur

44
Les fondements du leadership et les approches…  ■  Chapitre 1

réalisation. On est proche de la théorie du renforcement positif


(Skinner, 1971). On est bien ici aussi dans la perspective du besoin
de développement des capacités de leadership. L’intérêt de cette
approche réside dans le fait qu’elle montre que tous les besoins
peuvent être simultanément motivants, ce qui offre des possibilités
multiples de réalisation.
En somme, ces travaux s’opposent à ceux de Maslow principale-
ment parce qu’ils ne sont pas véritablement hiérarchisés entre eux
puisque les auteurs indiquent qu’ils peuvent coexister et motiver dans
leur simultanéité. McClelland apporte un éclairage original et inté-
ressant aux théories de la motivation et du leadership en avançant la
thèse suivant laquelle c’est la nature même des objectifs que l’on se
fixe, et non le niveau de hiérarchisation des besoins, qui provoque
l’accomplissement de soi et la performance et la réalisation person-
nelle (McClelland, 1998). Le développement des capacités de lea-
dership est donc pensé ici comme la conséquence de la recherche de
satisfaction du besoin d’accomplissement. Cela constitue aussi un
trait de personnalité majeur suivant cette analyse dans la mesure où
le leader est animé principalement par une perspective de croissance.
En ce sens, l’apport de McClelland est important puisqu’il justifie
les conceptualisations et les analyses fondées sur les histoires per-
sonnelles, les parcours individualisés et les expériences passées. Cela
dit, ces analyses centrées sur l’analyse de la personnalité ne consi-
dèrent pas le comportement des leaders et leur style en situation de
management. C’est en ce sens que plusieurs auteurs ont développé
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

des grilles d’analyse comportementale axées sur le rôle des leaders


dans les organisations.

45
Chapitre 1  ■ Les fondements du leadership et les approches…

L’essentiel
Les premières réflexions modernes sur le leadership apparaissent
avec Weber, Follett et Barnard dès le début du xxe siècle. Très vite,
se pose la question de savoir si le leadership relève davantage
d’une approche naturaliste ou culturaliste et sociétale. Weber
montre remarquablement bien l’origine de l’autorité et du pouvoir
tel qu’il se joue dans les organisations. Discutant le leadership
sous l’angle de la légitimité, il distingue dans Économies et
Sociétés trois figures clés : le prophète, le magicien et le prêtre.
Coch et French ou encore Sloan à la General Motors réaliseront
des enquêtes pionnières permettant de mesurer les effets du
leadership sur la performance organisationnelle.
Souvent considéré comme l’un des auteurs fondamentaux sur le
leadership, Warren G. Bennis propose un modèle fondé sur les
compétences des leaders. Architecte social, visionnaire, commu-
niquant, mobilisateur, le leader de Bennis s’appuie sur des compé-
tences distinctives fortes qui font de lui un leader transformateur.
Presque dans la même perspective, la théorie des traits de person-
nalité de Kirkpatrick et Locke présente une cartographie quasi-
ment exhaustive quant aux caractéristiques détenues par les
leaders : l’énergie, la communication, la recherche de l’excel-
lence, la sociabilité. Les leaders font preuve d’intelligence émo-
tionnelle au sens de Goleman. Ils peuvent être patients, à l’écoute
des autres dans une posture de soutien aux collaborateurs. Suivant
cette conception, il est difficile d’envisager une formation au lea-
dership puisque les qualités du leader sont décrites comme
innées. L’étude de la personnalité des individus aux performances
exceptionnelles a conduit McClelland à analyser leur besoin
d’accomplissement. Il ressort de cette recherche qu’il existe un
lien fort entre besoin d’accomplissement et supériorité des perfor-
mances. Au fond, il s’agit ici d’une explication – et même d’une
thèse – du leadership par la recherche de la satisfaction des
besoins d’accomplissement personnel.

46
2
Chapitre
Les théories
comportementales
du leadership

« Enseignez-vous le leadership à vos étudiants ?


– Je leur expose les mécanismes et les théories du leadership,
pas le leadership lui-même. Ce n’est pas quelque chose
que l’on peut enseigner, d’après moi. C’est surtout une
prédisposition naturelle, que l’on doit pouvoir détecter et
même favoriser, mais pas provoquer. »
Robert J. House, 2008,
Wharton Business School, University of Pennsylvania

Objectifs
Les traits de personnalité et les compétences des leaders ne peuvent
pas suffire à expliquer la performance du leadership. Les approches
comportementales des leaders mettent l’accent sur la capacité du
leader à apporter du soutien psychologique et à contribuer à la
sûreté de soi. Elles insistent aussi sur la capacité de structuration
du leader qui développe la logique de renforcement des capacités
des collaborateurs et leur maturité psychologique. En somme, c’est
bien le développement du potentiel humain dont les organisations
disposent ou encore l’efficacité et l’efficience qui sont recherchées à
travers cette approche normative du leadership.

47
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

Les objectifs de ce chapitre sont :


 de comprendre la première grande typologie de style de leadership
proposée par R. Likert ;
 d’étudier différentes grilles d’analyse telle que la « Leadership
Grid » ou encore le continuum décisionnel ;
 d’explorer l’idée de développement du potentiel humain par le
leadership ;
 de maîtriser les fondements et les principes d’actions issus du
projet GLOBE.

Sommaire
Section 1 La théorie des quatre systèmes de Likert
Section 2 Les grilles d’analyse des approches comportementales
du leadership
Section 3 Leadership et développement du potentiel humain
Section 4 Le projet GLOBE (Global Leadership and Organizational
Behavior Effectiveness)

L es approches comportementales du leadership mettent particu-


lièrement l’accent sur le style que les leaders peuvent mobiliser
pour faire face à des situations complexes. Elles montrent aussi dans
quelle mesure un dirigeant peut changer de manière d’animer les
hommes en fonction du contexte dans lequel il se trouve. Ces
recherches visent ainsi à analyser la conduite particulière de ces
personnes pour mesurer leur contribution à l’efficacité des organisa-
tions. Des travaux sur le leadership comportemental montrent ainsi
que de nombreux leaders sont particulièrement prévenants et struc-
turés (Judge, Picolo, Ilies, 2004). Les recherches sur le leadership
comportemental tendent à valoriser deux dimensions complémen-
taires : la considération et la structuration. La considération peut être
appréhendée comme le fait de susciter la confiance et le respect ; elle
fait référence à un leader soucieux des relations humaines. La

48
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

structuration implique le fait de définir et de clarifier le rôle des


collaborateurs ainsi que son propre rôle. Le leader organise l’activité
et développe des relations managériales en conséquence. L’objectif
principal ici est la réalisation de l’activité de production. Au fond, le
comportement du leader caractérise son style ; ne dit-on pas souvent
que le style, c’est l’homme ? Avant d’aborder les différentes grilles
d’analyse existantes en matière de « gestion du leadership » (Plane,
2015), il convient d’approfondir l’apport de R. Likert, probablement
le premier auteur de la théorie des organisations à avoir proposé une
typologie élaborée des styles de leadership. Le chapitre sera parti-
culièrement consacré à la discussion de deux outils majeurs : la
« Leadership Grid » de Blake et Mouton et le continuum décisionnel
de Tannenbaum et Schmidt. Les travaux de C. Argyris sur le succès
psychologique, le management du changement et les organisations
apprenantes permettront de mieux saisir la contribution de la qualité
du leadership au développement du potentiel humain. Enfin, nous
explorerons les leçons à tirer du vaste projet de recherche GLOBE
animé par R. House au début des années 2000.

Sec­­tion
1 La thÉorie des quatre systÈmes
de Likert

1  Likert : des relations intégrées


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

aux styles de leadership

Lewin a une influence importante sur Rensis Likert (1903-1981)


qu’il rencontre pour la première fois en 1933 aux États-Unis. À la
disparition de Lewin, son Research Center for Group Dynamics
rejoint l’Université du Michigan et fusionne avec le Survey Research
Center pour devenir l’Institute for Social Research. C’est dans ce
laboratoire de recherche que Likert publiera en 1961 un ouvrage
majeur pour l’histoire de la pensée managériale : Le gouvernement
participatif de l’entreprise. Ses apports sont importants, notamment
sur le plan méthodologique avec une technique d’enquête particu-
lière : l’échelle de Likert. Professeur à l’Université du Michigan où

49
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

il fut l’un des fondateurs du Michigan Institute for Social Research,


il pilote des recherches sur les attitudes et les comportements humains
au travail. Dans cette perspective, il est un continuateur de Mayo et
Lewin puisqu’il cherche à comprendre dans quelle mesure la nature
des relations entre supérieur et subordonnés peut conduire à des
résultats très différents dans un contexte organisationnel semblable.
Il introduira notamment une distinction entre le leader consultatif et
le leader participatif ou encore entre le manager paternaliste et le
manager autoritaire exploiteur. Likert sensibilise les dirigeants au
principe des relations intégrées et à la notion de participation souvent
décisive sur l’amélioration des performances à atteindre et des défis
à relever. Cependant, il ne montre pas les limites inhérentes au gou-
vernement participatif des entreprises principalement liées à la com-
plexité des règles de fonctionnement introduites et aux comportements
à adopter en conséquence.

1.1  Le principe des relations intégrées

À partir d’enquêtes auprès de directeurs de grandes compagnies


d’assurance, il observe que ceux qui ont les résultats les plus
médiocres présentent des traits communs. Leur conception du com-
mandement les conduit à se focaliser sur les tâches à accomplir, leur
mission est avant tout orientée vers la surveillance et le contrôle, ils
adoptent les principes de l’organisation taylorienne du travail (travail
prescrit, aucune autonomie, salaire au rendement, etc.).
Ce mode de management est dominant après la Seconde Guerre
mondiale aux États-Unis. Pour autant, il relève que certains dirigeants
semblent obtenir de meilleurs résultats avec une autre attitude vis-à-
vis des hommes en situation de travail. En effet, ces derniers ont la
conviction qu’il est nécessaire de comprendre les attentes et les
valeurs personnelles des salariés afin d’améliorer leur degré de moti-
vation et d’implication au travail. Pour ce faire, leur mode de com-
mandement vise pour l’essentiel à établir une relation de confiance
durable dans l’organisation en adoptant un comportement fondé sur
l’empathie, c’est-à-dire l’écoute et la prise en considération des capa-
cités de chacun et des difficultés rencontrées. Cette grande enquête
a permis de poser le principe des relations intégrées selon lequel les

50
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

relations entre les membres d’une organisation intègrent les valeurs


personnelles de chacun. Cela conduit à considérer que dans une orga-
nisation, toute personne doit se sentir considérée et nécessaire dans
l’entreprise pour travailler efficacement. Selon Likert, l’efficacité au
travail passe par l’abandon de la relation man-to-man (homme contre
homme) et nécessite la mise en œuvre d’une organisation par groupe
de travail au sein duquel les problèmes rencontrés sont abordés et
résolus collectivement.
Au total, Likert – comme Lewin – développe l’idée d’un mode de
management participatif par groupe de travail. Les enquêtes réalisées
indiquent que ce mode d’organisation semble plus efficace car il
s’appuie sur des attitudes plus coopératives et sur des relations de
confiance. Pour autant, Likert note que ce mode de management est
difficile à mettre en place car il nécessite l’acquisition par les salariés
de règles de fonctionnement subtiles ainsi qu’un niveau de conver-
gence suffisant entre les valeurs personnelles des membres du groupe.

1.2  Les quatre systèmes de leadership de Likert

Dans son ouvrage, R. Likert formalise à partir d’enquêtes quantita-


tives quatre styles de direction dans une conception assez normative
de ce que devrait être le mode de commandement idéal. C’est la raison
pour laquelle on peut parler de quatre systèmes d’après Likert.

■■  Le leader autoritaire exploiteur


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

C’est un système où le leader-manager entretient des rapports dis-


tants et ne fait pas confiance à ses collaborateurs. Le système de
motivation et d’implication des personnes est fondé sur la crainte, la
menace de sanctions et la distribution de récompenses. Très centra-
lisé, il s’agit ici d’un véritable mode de management par la peur.
Psychologiquement, les managers et les employés sont finalement
très éloignés. Ce style de management peut générer l’hostilité des
personnels à l’égard des objectifs de l’organisation et donc des
conflits sociaux. L’accent n’est absolument pas porté sur l’esprit
d’équipe et le rôle des groupes n’est pas envisagé. La prise de déci-
sion est centralisée au sommet de l’organisation, le système de délé-
gation se réduit à sa plus simple expression et les objectifs sont

51
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

imposés sans être explicités. Un tel mode de management existe


toujours et concerne le plus souvent du personnel peu qualifié. Il
reste fondé sur l’autoritarisme et l’exploitation.

■■  Le leader autoritaire paternaliste


Ce deuxième système se caractérise par un style de gestion assez
proche du précédent, même si l’on peut considérer qu’il existe des
formes de confiance condescendantes. En ce sens, il peut combiner
autoritarisme et bienveillance. Le commandement paternaliste se dis-
tingue du précédent par des relations de proximité entre le dirigeant
et ses subordonnés. Le contact et les relations hiérarchiques sont
directs, souvent francs et le système de motivation et de récompense,
particulièrement arbitraire. Pour autant, le dirigeant peut, dans certains
cas et du fait de contacts directs, consulter ses collaborateurs, prendre
parfois en considération leurs suggestions et leurs critiques. Dans une
telle organisation, le niveau de performance de l’organisation est sin-
gulièrement variable et dépend, pour l’essentiel, de la personnalité et
de la culture du propriétaire-dirigeant de l’entreprise. Finalement,
l’influence du système de valeurs s’avère souvent décisive sur le style
de commandement adopté.

■■  Le leader consultatif


Le troisième système de leadership de Likert apporte une certaine
originalité à l’analyse. Ce type de leader-manager entretient des rela-
tions étroites avec ses collaborateurs. Il cherche à créer un climat
fondé sur la confiance et l’échange même si le système de délégation
du pouvoir a certaines limites. Ce style de commandement se singu-
larise par la recherche d’une large consultation auprès des collabo-
rateurs et vise à susciter une adhésion autour des principaux objectifs
de l’entreprise. Les différentes expériences réalisées et visant à intro-
duire un mode de management participatif s’inscrivent pleinement
dans cette logique.

■■  Le leader participatif


Le quatrième système introduit un mode de commandement non
directif. Le leader-manager cherche à développer des relations de
confiance fortes avec ses collaborateurs. Le système de motivation

52
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

et de rémunération est particulièrement sophistiqué et vise à intro-


duire de la participation et de l’intéressement aux résultats de l’orga-
nisation. L’esprit d’équipe et les dynamiques de groupe constituent
de véritables objectifs stratégiques internes à la structure et le mode
de management cherche à expliciter les buts à atteindre, le projet de
l’entreprise. Pour autant, cette approche préconisée par Likert pré-
sente également des limites pas toujours clairement perçues par les
promoteurs des modèles de management fondés sur l’autonomie et
la prise d’initiative des personnes. En effet, une telle conception du
management suppose chez les collaborateurs une capacité de prise
de recul, d’abstraction, de créativité qu’ils n’ont pas toujours et peut,
comme le montrent certaines expériences récentes, être sources de
stress et d’implication excessive.
Cette typologie s’appuie sur des recherches effectuées auprès des
employés de grandes compagnies américaines. Likert développe l’idée
que les organisations fondées sur du travail prescrit, dont le manage-
ment est centré sur des tâches, reposent pour l’essentiel sur une concep-
tion taylorienne du travail globalement moins efficace. A contrario,
les entreprises qui adoptent un mode de leadership orienté sur les
hommes et la compréhension des relations semblent plus performantes.
L’objectif ici est de développer des groupes de travail performants par
la recherche d’une cohésion d’ensemble ; le mode de management est
axé principalement sur le développement des personnes et des groupes.
Enfin, Likert met également en avant la participation aux décisions
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

comme critère clé ainsi que la priorité accordée à la réalisation d’objec-


tifs davantage qu’aux méthodes utilisées.
En définitive, l’apport de Likert est de sensibiliser les dirigeants
au principe des relations intégrées et à la notion de participation
souvent décisive sur l’amélioration des performances à atteindre.
Cependant, il ne montre pas les limites inhérentes au gouvernement
participatif des entreprises principalement liées à la complexité des
règles de fonctionnement introduites et aux comportements à adop-
ter en conséquence. En ce sens, il peut être simplement considéré
comme un précurseur en matière d’analyse des différents styles de
management possibles. On peut également penser que Likert est
l’inventeur du management participatif dans les entreprises.
L’approche comportementale du leadership s’est progressivement

53
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

enrichie de travaux empiriques et de grilles d’analyse publiés dans


la célèbre Harvard Business Review (HBR).

2
Sec­­tion Les grilles d’analyse
des approches comportementales
du leadership

1 
Le continuum comportemental des leaders
de Tannenbaum et Schmidt

C’est en 1973 que B. Tannenbaum et W. Schmidt publient un article


important dans la HBR. Le texte intitulé How to choose a leadership
pattern ? présente une véritable théorie du leadership fondée sur une
grille d’analyse : le continuum décisionnel. Suivant ces auteurs,
l’efficacité du management de l’organisation dépend de trois éléments
déterminants : le leadership, la qualité des collaborateurs et le type
de situation de gestion. Par ailleurs, Tannenbaum et Schmidt notent
qu’il existe des facteurs contribuant à révéler le comportement d’un
leader. Il s’agit, d’une part, de facteurs tels que la confiance en soi,
en ses propres collaborateurs, son système de valeurs et le style qu’il
souhaite adopter. D’autre part, les collaborateurs chercheront natu-
rellement à influencer leur leader. Enfin, les relations entre leader et
subordonnés seront également influencées par la nature des pro-
blèmes et des dysfonctionnements rencontrés, l’environnement et la
concurrence, le style de la direction de l’entreprise ainsi que la
manière dont les collaborateurs réalisent les différentes activités. Au
fond, les auteurs interrogent la relation de pouvoir existante entre
supérieur et subordonnés à partir d’un continuum. Les éléments de
réponse apportés sont structurés autour de deux pôles opposés per-
mettant ainsi de formaliser différents types de management. Le pre-
mier pôle est constitué par un style de direction centré sur le supérieur
hiérarchique. Le second pôle, a contrario, est structuré autour d’un
style de direction centré sur le subordonné. En d’autres termes,
Tannenbaum et Schmidt opposent deux pôles extrêmes : l’autorita-
risme et la non directivité accordée aux collaborateurs.

54
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

Style de direction Style de direction


centré sur le centré sur le
supérieur subordonné

Autorité du
supérieur Liberté d’action
du subordonné

Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant Le dirigeant


prend les « vend » présente ses présente présente le définit des laisse le
décisions ses idées et une problème, limites et groupe
puis les décisions demande à décision obtient des demande au libre de
annonce chacun son conditionnelle suggestions groupe de choisir
avis qu’il se et prend prendre une tant que
déclare sa décision. décision à certaines
prêt à l’intérieur contraintes
changer de ces limites sont
respectées

Figure 1 – Le continuum des styles de direction


de Tannenbaum et Schmidt

Le modèle de Tannenbaum et Schmidt propose un spectre des styles


de direction possibles. Les deux extrêmes en matière de commande-
ment ainsi que les modes de gestion intermédiaires reposent tous sur
un questionnement sous-jacent. Quelle est la conception du pouvoir
du dirigeant de l’organisation ? Quel est son système de valeurs ?
Quelles sont les caractéristiques et les attentes des salariés ? Qu’est-ce
qui caractérise les situations de gestion auxquelles les différentes
catégories d’acteurs sont confrontées ? Le style de commandement
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

adopté, suivant la thèse des auteurs, devra être en congruence avec


les éléments de réponse résultant de ce questionnement.
Finalement, les différents apports des auteurs quant à l’analyse des
approches comportementales montrent l’importance de deux dimen-
sions dans l’analyse du leadership : la structuration et la considération.
La structuration indique la volonté d’un leader à préciser et à structu-
rer son rôle et celui de ses collaborateurs dans une perspective de
recherche d’efficacité. La considération désigne la capacité d’un leader
à établir des relations de travail de confiance réciproque et de respect
vis-à-vis des collaborateurs. On est bien ici encore dans la recherche
chez les leaders de caractéristiques comportementales susceptibles de
déterminer leur efficacité mais aussi de susciter la satisfaction des
collaborateurs. D’autres travaux de recherche sur le leadership ont

55
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

également visé à mettre en évidence deux dimensions fondamentales


dans le comportement des leaders : l’orientation vers l’employé et
l’orientation vers la production. Dans le premier cas, les leaders mettent
l’accent sur le facteur humain et les relations interpersonnelles. Ils
accordent de l’importance aux besoins des collaborateurs et acceptent
leurs différences individuelles et leurs attentes. Dans le second cas, les
leaders sont orientés vers la production et se focalisent sur les aspects
productifs et techniques du travail. Dans cette perspective, ils se pré-
occupent plutôt de l’accomplissement des tâches, de la productivité et
les employés sont considérés comme de simples exécutants. La modé-
lisation la plus célèbre de ce raisonnement est l’œuvre de Blake et
Mouton à travers la grille managériale ou « Leadership Grid ».

2 
La « Leadership Grid » et les styles de gestion
de Blake et Mouton

En 1969, Robert Blake et Jane Mouton élaborent un modèle synthé-


tisant différents modes de leadership imaginables dans les organisa-
tions. Les résultats de leurs travaux ont été publiés dans un ouvrage
traduit en français sous le titre suivant : Les Deux dimensions du mana-
gement. Les auteurs affineront et développeront progressivement leur
modèle au fil du temps à travers une succession de publications (en
particulier La Troisième dimension du management, ouvrage publié
en 1987 en France). Les auteurs évoquent le leadership « dès qu’il est
question d’obtenir des résultats avec et par l’intermédiaire d’autres
acteurs ». Le leadership peut alors s’entendre comme la capacité à
entraîner des hommes dans un contexte organisationnel donné. C’est
dans cette perspective méthodologique que l’approche de Blake et
Mouton repose sur une conception bipolaire du management. Ils
opposent ainsi deux grandes conceptions du management. Pour une
première catégorie de managers, l’encadrement de salariés consiste
avant tout à chercher à faire réaliser des tâches par des subordonnés.
Ce sont des managers plutôt centrés sur des tâches à accomplir. Il s’agit
suivant les auteurs « des activités qu’une organisation demande à son
personnel d’exercer ». Une seconde catégorie de managers a, par oppo-
sition, une vision de l’encadrement portée sur le degré d’attention aux
personnes ; ils sont ainsi centrés sur des hommes et non sur des tâches.

56
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

Selon les auteurs, cela consiste à : « obtenir des résultats par la
confiance et le respect, l’obéissance ou la sympathie, ou encore la
compréhension et le soutien, qui sont tous des manifestations de l’in-
térêt qu’un manager porte au facteur humain ». Suivant cette concep-
tion, l’activité de management consiste surtout à s’intéresser à des
problèmes de motivation et d’implication au travail, à gérer des rela-
tions interpersonnelles. Cette focalisation sur les relations de travail et
sur la confiance implique bien une conception différente du manage-
ment. Manager, c’est avant tout créer et développer des relations
sociales, une ambiance et un climat social, une culture particulière de
travail, etc. Ces deux conceptions du mode de management ont été
intégrées par Blake et Mouton dans leur modèle aujourd’hui devenu
célèbre : la Leadership Grid.

élevé

1,9 9,9
9
Le management « country-club » Le management fondé sur
L’accent est mis sur les besoins des indi- le travail en équipe
vidus afin d’établir de bonnes relations, ce Les résultats sont obtenus par des mem-
8 qui crée une organisation dont l’ambiance bres se sentant tous engagés. L’interdépen-
est conviviale et le rythme de travail dance résultant de cet enjeu commun crée
confortable. des relations de confiance et de respect.
7
INTÉRÊT PORTÉ AUX HOMMES

5,5
6 Le management institutionnel
Il est possible, pour une organisation,
d’atteindre des performances correctes en
5 établissant un équilibre entre les nécessités
de production et le maintien du moral des
employés à un niveau satisfaisant.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

3 1,1 9,1
Le management appauvri Le management fondé
Le minimum d’effort est déployé pour sur l’autorité et l’obéissance
2 accomplir la tâche requise afin de se main- L’efficacité des opérations est d’autant plus
tenir dans l’organisation. grande que le travail est arrangé de façon à
ce que l’élément humain intervienne le
1 moins possible.
faible
faible 1 2 3 4 5 6 7 8 9 élevé
INTÉRÊT PORTÉ AUX TÂCHES

Figure 2 – La Leadership Grid de Blake et Mouton

57
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

La grille d’analyse proposée par les auteurs permet de formaliser


cinq styles de management qui ont été définis à partir des deux
conceptions radicalement opposées du management : l’importance
accordée par la direction de l’entreprise aux tâches à exécuter et
l’importance accordée aux personnes de l’organisation. C’est dans
cette perspective méthodologique qu’il est possible de distinguer
différentes approches comportementales du leader.

■■  Le management appauvri (1.1)

Ce style de leadership repose sur un minimum d’efforts consentis


pour réaliser le travail et se maintenir au sein de l’organisation. On
est clairement dans le « laisser-faire » dont Lewin nous enseigne
qu’il s’agit de la « pire des méthodes ». Dans cette situation, le
manager prend peu de décisions et ne s’implique pas dans les rela-
tions managériales. Dans ce cadre, les relations sociales sont très
peu développées et le travail ne présente pas beaucoup d’intérêt.
Historiquement, cette approche du management a souvent été source
de conflits sociaux importants et de mouvements ouvriers finalement
très revendicatifs. Naturellement, Blake et Mouton suggèrent d’évi-
ter ce style de direction.

■■  Le management fondé sur l’autorité et l’obéissance (9.1)

Un tel mode de management repose avant tout sur la recherche du


strict respect des règles et des procédures. On est également dans
une logique d’efficience. L’objectif principal est de réaliser la pro-
duction dans une perspective d’économie de moyens et de maximi-
sation de la productivité. Cette conception de la performance humaine
repose sur l’idée qu’il y a lieu d’éviter que le facteur humain interfère
sur le mode d’organisation adopté. Suivant cette logique, l’objectif
des managers n’est absolument pas de prendre en considération la
subjectivité des personnes et leurs attentes. Facteur de frustration et
d’insatisfaction dans de nombreux cas, ce style de direction présente
de nombreuses limites et peut être source de dysfonctionnements
sociaux importants. Plusieurs observations indiquent aussi que ce
mode de leadership génère le plus souvent de l’agressivité au sein
des équipes mises sous tension.

58
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

■■  Le management institutionnel (5.5)

Ce style de leadership redevient au goût du jour car il s’agit de la


recherche de compromis. Dans le fond, le leader vise à rechercher
un équilibre entre les performances à atteindre, c’est-à-dire un certain
niveau de production et de productivité, et un climat social de qualité
satisfaisante. Ce mode de management constitue une voie médiane
au sein de laquelle la recherche de négociations et de compromis est
fréquente. Le manager tente ainsi de convaincre davantage que d’or-
donner. La recherche de compromis peut aussi être perçue par les
collaborateurs comme le souci de rechercher les conditions d’une
paix sociale par la prise en compte du facteur humain.

■■  Le management « country-club » (1.9)

Cette approche très particulière du leadership repose avant tout sur


la recherche de la satisfaction des besoins des personnes qui tra-
vaillent et la prise en compte de leurs attentes. Le leader pleinement
à l’écoute s’inscrit souvent dans une logique de séduction : il cherche
davantage à plaire à son équipe qu’à contrôler. L’objectif principal
est de rechercher à entretenir des relations sociales durables, de bonne
qualité et d’éviter les conflits. La finalité de cette approche est de
créer et de développer une ambiance de travail conviviale à partir
d’un rythme de travail accepté par tous. Cette conception très feutrée
du management peut se révéler, dans certains cas, parfaitement adap-
tée aux besoins d’une structure de type missionnaire au sein de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

laquelle l’adhésion des membres aux objectifs, et surtout aux valeurs


de l’organisation, constitue un objectif prioritaire. Une telle approche
présente également des risques de dérives possibles telles que la
démagogie ou l’évitement systématique du débat, de la confrontation
d’idées. Il convient également de noter l’originalité de l’expression
« country-club », presque intraduisible en français, mais qui repose
sur la métaphore d’un club de vacances où l’objectif principal est la
recherche de la satisfaction des clients.

■■  Le management fondé sur le travail en équipe (9.9)

Il s’agit ici d’une forme de leadership intégrateur qui consiste à


rechercher une performance de type socio-économique. Ce style de

59
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

management repose sur le développement de la confiance et du res-


pect entre les personnes. La performance humaine réalisée est d’un
niveau élevé. Elle est obtenue par l’implication des personnes qui se
sentent engagées et qui manifestement adhèrent à un projet d’entre-
prise partagé. La qualité des relations interpersonnelles, l’empathie
entre les personnes, la confiance constituent un enjeu commun par-
ticulièrement mobilisateur et source d’énergie. Actuellement, la ges-
tion de projet qui repose sur le modèle de la compétence vise à
s’inscrire dans une telle conception du management des hommes.
Pour autant, l’autonomie et l’initiative accordées aux personnes
peuvent aussi, dans certains cas, être sources de tensions et de stress
compte tenu des responsabilités importantes confiées aux personnes.
La relecture de Blake et Mouton invite à rester prudent sur ce mode
de management, même s’il est porteur de potentialités riches.
Finalement, les travaux de Blake et Mouton reposent sur la thèse
suivant laquelle le choix du mode de leadership doit être pensé en
fonction de la nature du travail et des tâches à réaliser, des caracté-
ristiques des personnes impliquées, de leurs attentes mais aussi de
leurs marges de manœuvre au sein de l’organisation. Les auteurs
introduisent implicitement le débat entre la directivité induite par le
management et le degré de participation donné aux personnes.
Suivant la nature des situations de gestion et de la structure de l’or-
ganisation et de la hiérarchie, Blake et Mouton invitent à se poser
des questions sur les effets produits par le mode de management sur
le comportement des personnes. L’adoption d’un style dépend véri-
tablement de la conception du leader de son organisation et reflète
ses valeurs de référence. Cela dit, les managers peuvent aussi avoir
« un, voire plusieurs styles de rechange » quand le style dominant
ne peut pas être mobilisé. Il faut relever que n’importe quel style
peut être retenu en rechange par rapport au style dominant, ce qui
permet une grande variété de combinaisons dans la réalité.
En définitive, les différentes approches comportementales nous
aident à mieux analyser ce qui définit l’efficacité du leadership. Pour
Blake et Mouton, « le type de leadership est un facteur important
pour le succès ou l’échec d’une organisation. Un leadership fort et
efficace crée un niveau élevé d’implication et d’engagement collec-
tif qui va stimuler les gens à surmonter les obstacles afin d’atteindre

60
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

un résultat maximum ». Appliquée aux employés dans des circons-


tances particulières, l’approche de Blake et Mouton peut s’avérer
très utile. Par exemple, le « country-club » peut marcher… Il a d’ail-
leurs récemment été remis au goût du jour avec l’excellent essai de
Vineet Nayar : Les employés d’abord, les clients ensuite. PDG d’une
société informatique à la croissance folle – HCL Technologies – et
praticien réflexif de haut niveau, Nayar suggère de faire plus avec
moins en s’appuyant notamment sur une nouvelle génération de sala-
riés : la génération Y capable de performances renversantes. Consacré
au renversement des règles de management, l’ouvrage remarquable
de Nayar envisage une révolution du management et revendique
même le mode de management le plus moderne du monde. Sans
rentrer dans le débat sur la scientificité de son approche, force est de
constater le succès du livre et l’originalité des idées et des expériences
proposées. Cependant, leur reproductibilité reste certainement pro-
blématique.

3
Sec­­tion Leadership et dÉveloppement
du potentiel humain

1 
Argyris : vers un style de leadership
centré sur le développement humain
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Disparu en novembre 2013, Chris Argyris (1923-2013) laisse une


œuvre majeure au management des organisations. Il fut longtemps
professeur de management à la prestigieuse Harvard Business School
où il a enseigné l’administration des entreprises. Spécialiste en ana-
lyse des comportements organisationnels, il a développé suite à
K. Lewin une méthode de recherche-intervention en milieu industriel.
Il a publié de nombreux ouvrages sur le management dont Personality
and Organization, en 1957. Pour Argyris, chaque individu a un poten-
tiel qui peut être développé ou infirmé par l’organisation et l’envi-
ronnement particulier du groupe pour lequel il travaille. Le
développement du potentiel de l’individu ne peut se faire qu’au béné-
fice mutuel de l’individu et de l’organisation mais les leaders

61
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

manquent souvent de confiance interpersonnelle pour permettre un


tel développement.

1.1  Le succès psychologique

À partir de l’étude de six sociétés, Argyris conclut que la manière


dont sont prises les décisions crée souvent une atmosphère de défiance
et d’inflexibilité alors que les managers concernés considèrent que
la confiance et l’innovation sont essentielles pour une prise de déci-
sion satisfaisante. Il préconise donc que les dirigeants s’efforcent de
poser les questions importantes, susceptibles de produire des réponses,
en période de tranquillité et se remettent en cause à partir d’enregis-
trements de leurs réunions pour entrer activement dans un processus
d’apprentissage de leur comportement et de celui du groupe managé.

■■  Un management par les valeurs

Dans ses recherches, Argyris identifie trois valeurs de base qui


affectent les groupes de travail. Ce diagnostic assez implacable est
à la base de ce que sera vingt ans plus tard la théorie de l’apprentis-
sage organisationnel :
•  les seuls rapports humains intéressants sont ceux qui ont pour
résultat l’accomplissement des objectifs de l’organisation. En
d’autres termes, si les cadres concentrent leurs efforts sur l’ac-
complissement des tâches, c’est souvent pour éviter d’approfondir
les facteurs relationnels entre employés et le mécanisme de fonc-
tionnement des groupes entre eux ;
•  il faut accentuer la rationalité cognitive, et minimiser les senti-
ments et les émotions. C’est ainsi que les relations interperson-
nelles sont considérées comme hors de propos dans le cadre de
l’entreprise et ne concernent pas le travail ;
•  les rapports humains sont plus utiles lorsqu’ils sont orientés par un
système de direction, de coercition et de contrôle unilatéraux,
ainsi que par des primes et des amendes. Argyris constate que
l’autorité et le contrôle sont acceptés comme étant inévitables,
inhérents et indissociables de la chaîne hiérarchique.
À partir de ce diagnostic, Argyris réalise une véritable critique de
l’efficacité dans les entreprises.

62
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

■■  Efficacité et succès psychologique

Pour la plupart des managers, une organisation efficace concourt


à l’atteinte des objectifs qu’elle s’est fixée. Cette définition est
beaucoup trop restrictive selon lui. Il développe l’idée qu’une orga-
nisation efficace doit aussi utiliser toutes les ressources dont elle
dispose, en particulier l’énergie humaine. Il souligne que l’énergie
humaine a pour principale composante l’énergie psychologique qui
peut se développer sous la confiance et propose le concept de suc-
cès psychologique. Suivant Argyris, une organisation est efficace
si elle permet fondamentalement à tous ses membres d’arriver au
succès psychologique. Pour ce faire, elle doit donner à tout un
chacun la possibilité de développer son efficacité personnelle. Cela
implique pour l’essentiel deux conditions. D’une part, les individus
doivent s’accorder de la valeur et aspirer à un sentiment croissant
de compétence, notamment en se fixant des défis à relever. D’autre
part, l’entreprise doit favoriser la compétence et l’estime de soi, ce
qui va à l’encontre de cultures organisationnelles favorisant au
contraire l’apathie ou le fatalisme.
Le fonctionnement des organisations doit être modifié pour per-
mettre aux individus d’atteindre le succès psychologique. Le modèle
d’organisation suggéré par Argyris s’appuie ainsi sur plusieurs
principes d’action : les interrelations entre les composantes de
l’organisation peuvent favoriser sa direction, il doit exister une
conscience globale de l’organisation, les objectifs réalisés doivent
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

être ceux de l’ensemble de l’organisation. Argyris ajoute l’idée


qu’il doit exister au sein des organisations une capacité de modifier
les activités internes (restructurer les emplois, les services, etc.) et
les activités externes (s’adapter à de nouvelles demandes, à de
nouveaux clients, etc.). Enfin, il propose une vision élargie de l’ave-
nir des organisations puisqu’il insiste sur l’idée que les dirigeants
et les managers doivent avoir une vision prospective et chercher à
anticiper les grandes évolutions. Le mode de management préconisé
pour accroître les chances de développement du succès psycholo-
gique repose sur les principes suivants :
•  l’élargissement et l’enrichissement du travail par une participation
au processus de prise de décision, une participation à la concep-
tion du travail et des informations sur les résultats atteints ;

63
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

•  le changement de valeurs et de comportement des managers


davantage orientés vers la confiance et un management relation-
nel ;
•  la décentralisation du contrôle de gestion et la sensibilisation des
salariés aux aspects économiques de leur activité ;
•  l’évolution des systèmes de rémunération et d’évaluation des
employés. Ceux-ci doivent être davantage orientés vers l’encoura-
gement à une contribution au maintien du système d’organisation
interne et à l’adaptation à l’environnement de l’entreprise. Ces
systèmes doivent chercher à favoriser le développement du poten-
tiel des individus en accordant plus d’attention aux facteurs émo-
tionnels et à la compétence interpersonnelle pour se rapprocher
des valeurs fondamentales de l’organisation.

■■  La science de l’action d’Argyris

Sur le plan des méthodes de recherche, Chris Argyris milite


depuis toujours pour une démarche scientifique démocratique et
participative capable de générer pour les acteurs sociaux de la
connaissance directement utile à l’action (David, 2001). L’enjeu
de la production de connaissances est d’une certaine manière de
libérer les acteurs de poids qui les empêchent d’agir de façon effi-
cace. Suivant Argyris, les théories en usage bloquent les acteurs
dans leurs capacités d’évolution et de transformation. La science
de l’action développée par le chercheur vise la mise en œuvre d’un
processus d’apprentissage organisationnel qui facilite l’exploration
des possibles par les acteurs et la reconsidération de leurs théories
de l’action. Comme K. Lewin, Argyris part du terrain, considéré
comme un moyen privilégié de production de savoirs, pour élabo-
rer des connaissances contextualisées élaborées pour stimuler
l’action collective. Il existe ainsi une continuité entre l’activité
scientifique de production de connaissances et celle d’apprentissage
dans un contexte d’action concrète. C’est à partir d’une telle
conception de la recherche en management, fondée sur un chercheur
pragmatique et articulée avec l’idée du praticien réflexif sur les
théories en usage, qu’Argyris et Schön ont développé la théorie de
l’apprentissage organisationnel.

64
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

1.2  Apprentissage organisationnel


et leadership apprenant
Plus récemment, les recherches d’Argyris montrent que les orga-
nisations du futur seront celles qui seront capables de développer
leur faculté d’adaptation grâce à leur capacité d’apprentissage. Dans
un ouvrage publié en 1978 avec D. Schön et intitulé Organizational
Learning : A Theory of Action Perspective, les auteurs soutiennent
la thèse suivant laquelle le développement d’organisations appre-
nantes semble être une nécessité pour les sociétés modernes. Selon
eux, il est indispensable que les routines défensives faisant obstacle
au changement et à l’apprentissage soient maîtrisées. Argyris et
Schön avancent l’idée suivant laquelle c’est en aidant les membres
de l’organisation à modifier leur manière de raisonner et à faire
l’apprentissage d’un raisonnement constructif que l’organisation
deviendra apprenante.

■■  L’apprentissage en simple boucle

Suivant l’approche de C. Argyris, les salariés doivent savoir


résoudre les problèmes routiniers liés à l’apprentissage qu’il appelle
en simple boucle. Dans une telle perspective, les acteurs cherchent
à jouer mieux. Dès lors qu’il y a adaptation aux évolutions de l’envi-
ronnement de l’entreprise, il y a apprentissage organisationnel en
simple boucle. Il s’agit d’un mode d’apprentissage peu novateur qui
ne remet en aucun cas en cause les cadres de référence de l’organi-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

sation. Le mode d’apprentissage s’appuie sur la répétition, la routi-


nisation et l’imitation. Néanmoins, ce type d’apprentissage respecte
les équilibres en présence et garantit une certaine stabilité organisa-
tionnelle. Cependant, Argyris relève que les acteurs doivent aussi
être capables de faire face à des problèmes plus complexes lorsqu’ils
sont confrontés à des situations de travail difficiles ; cela nécessite
alors un apprentissage en double boucle.

■■  L’apprentissage en double boucle

L’apprentissage en double boucle permet de rendre l’entreprise


apprenante. Il implique une transformation du cadre de référence de
l’organisation. Dans une telle perspective, les acteurs vont chercher

65
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

à jouer autrement. Il s’agit d’une forme d’apprentissage fondée sur


l’expérimentation et la transformation qui favorisent la créativité et
la mise en œuvre d’idées et de projets innovants. Ce processus de
modification des routines engage l’organisation à « apprendre à
apprendre », donc à accroître sa capacité à mener des enquêtes orga-
nisationnelles afin de faire disparaître les erreurs et les incohérences
qui apparaissent normalement quand le système organisation/envi-
ronnement change. Si l’organisation développe sa capacité « d’ap-
prendre à apprendre », simultanément elle cherche aussi, et ceci est
fondamental, à « apprendre à désapprendre » les routines organisa-
tionnelles. Néanmoins, ces transformations organisationnelles intro-
duisent inévitablement dans les entreprises des perturbations qui
peuvent être sources d’instabilité. Au total, la théorie de l’apprentis-
sage organisationnel s’intéresse aux différents modes d’acquisition
des connaissances des acteurs au sein des structures organisation-
nelles. Elle rejoint d’une certaine manière la théorie de la connais-
sance qui est avancée par deux auteurs japonais : I. Nonaka et
H. Takeuchi. D’une certaine façon, on pourra alors parler d’une forme
de leadership émergent par le partage des connaissances, c’est-à-dire
un leadership plus agile et collaboratif fondé sur le partage d’expé-
riences entre les acteurs.

4
Sec­­tion Le projet GLOBE (Global Leadership
and Organizational Behavior
Effectiveness)

Souvent évoqué dans les MBA spécialisés en gestion des compor-


tements organisationnels, le projet de recherche GLOBE est dirigé
par le professeur Robert J. House de la Wharton Business School de
l’Université de Pennsylvania. Pour l’essentiel, le projet s’est déroulé
de 1992 à 2010 avec une première publication majeure en 2004. Une
publication plus récente en 2013 précise certains résultats. GLOBE
est une vaste enquête réalisée par de nombreux chercheurs (le projet
aurait mobilisé près de 60 chercheurs) dont la finalité est de chercher
à mesurer l’efficacité des comportements des organisations et des
dirigeants au niveau mondial. Élaboré par Robert J. House à partir

66
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

de 1991, le programme s’appuie notamment sur un élargissement du


modèle de Hofstede (2010) et du paradigme des dimensions propo-
sées par celui-ci dans la perspective des comparaisons intercultu-
relles.

1 
Les questions de recherche du projet GLOBE

L’idée de base consiste à se poser la question suivante : qu’est-ce


qui fait un leader efficace dans les différentes régions du monde ?
Les enseignements issus du modèle anglo-saxon sont-ils pertinents
pour leader dans d’autres régions ? Les modèles de management
occidentaux sont-ils universels ou nécessitent-ils des adaptations
ou des remises en cause fondamentales ? Quels sont les liens exis-
tants entre culture nationale et leadership ? Qu’est-ce qui fait un
leader exceptionnel dans différentes régions du monde ? Cette
recherche longitudinale s’appuie sur des données recueillies auprès
de 17 000 collaborateurs dans le monde dans près de 1 000 orga-
nisations purement nationales implantées dans trois secteurs indus-
triels sur 62 pays : agro-alimentaire, services financiers et
télécommunications. Au total, l’étude a mobilisé des personnes sur
les cinq continents. Elle met particulièrement l’accent sur les com-
paraisons interculturelles mais se focalise aussi sur les processus
de leadership. Le projet de House est décrit de la façon suivante dans
sa préface à l’édition 2004 du GLOBE Project : « Nous avons un
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

ensemble de données parfaitement adaptées pour reproduire la


remarquable étude de Hofstede (1980) et pour l’étendre afin de
tester des hypothèses relatives aux relations au sein de variables
sociétales, des pratiques organisationnelles et des prérogatives et
du comportement des dirigeants. » Les chercheurs du GLOBE ont
élargi les cinq dimensions du modèle de Hofstede à neuf en inté-
grant notamment les idées de confiance en soi, d’orientation vers
l’avenir ainsi que l’orientation humaine d e l’action ou l’orientation
à la performance. Il est intéressant de noter que cet élargissement
se fait semble-t-il pour mieux capter les phénomènes et perceptions
relatifs au leadership. Les chercheurs se sont vite rendu compte
qu’il était important de parler de « leadership organisationnel »
dans les enquêtes pour éviter toute confusion avec le monde

67
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

politique (leadership politique). Le monde politique peut en effet


être compris implicitement dans l’idée de leadership selon les pays
(par exemple en Iran, notent les auteurs). L’objectif principal du
projet de recherche GLOBE est de faire le lien de façon empirique
entre la culture et le leadership. Il permettra d’élaborer une théorie
de la convergence culturelle.

2 
Les résultats de la recherche sur culture
et leadership : la théorie de la convergence
et les styles de leadership du GLOBE

À ce jour, les investigations ont donné naissance à trois publications


importantes : Culture, Leadership and Organizations publié en 2004,
Culture and Leadership Across the World paru en 2007, et Strategic
Leadership Across Cultures en 2013. Ces travaux s’appuient sur une
méthodologie approfondie et sur des milliers de questionnaires et
d’entretiens réalisés dans tous les secteurs d’activité sur les cinq
continents dans plus de 65 pays.

2.1  La théorie de la convergence culturelle

Les résultats de la recherche révèlent de façon assez surprenante


que les cultures du monde ont beaucoup de valeurs communes et que
les individus ont finalement des aspirations assez semblables.
Finalement, la recherche a permis d’établir des traits d’union entre
les pays et les peuples sur la façon de gérer dans un monde globalisé.
Cette recherche de très grande ampleur sur l’étude des comporte-
ments organisationnels et plus spécifiquement du leadership a produit
un certain nombre de résultats autour de la théorie de la convergence.
La problématique relative au leadership permet ainsi d’identifier plus
de 165 traits souvent prêtés au leader. Il apparaît que l’inspiration,
l’intégrité, la dimension intégrative pour l’équipe, les compétences
gestionnaires et la culture de la performance notamment constituent
les traits caractéristiques majeurs pour définir le leadership dans le
contexte de la globalisation. Il est également important de relever
parmi les résultats le fait que la patience constitue probablement la

68
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

qualité la plus importante dans un environnement interculturel. Il


s’agit de l’entendre presque au sens de l’empathie (intelligence émo-
tionnelle), c’est-à-dire attendre avant de formuler un jugement.

2.2  Les styles de leadership du projet GLOBE

Conceptualisées à partir de 2004 et développées dans l’ouvrage de


2013, les observations qui suivent sont issues des conclusions du
Center for Creative Leadership et des travaux de R. F. House et de
ses collaborateurs.
Au total, le projet GLOBE permet de mettre en évidence six styles
de leadership (House et al., 2004).
•  Le style défensif : le leader cherche à préserver des positions
acquises et à conserver une réputation ainsi que le maintien des
intérêts du groupe.
•  Le style équipe : l’approche du leadership vise à favoriser et ren-
forcer le travail collaboratif, les objectifs communs, la cohésion et
le partage d’expériences. Il s’agit ici de veiller à la dynamique
d’une performance collective en minimisant les facteurs trop indi-
vidualisants.
•  Le style humain : le style de leadership de type « country-club »
vise à stimuler le bien-être des collaborateurs, la générosité et à
introduire de l’humanisme dans les organisations (en réaction au
cynisme trop souvent ambiant).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

•  Le style charismatique : le leader présente une vision inspirante


qui s’appuie sur beaucoup de communication et a un rôle exem-
plaire. Le groupe réagit tel une communauté émotionnelle mais la
recherche de performances élevées est privilégiée sur le bien-être
des collaborateurs.
•  Le style autonome : il s’agit d’une approche fondée sur un lea-
dership de délégation qui repose ainsi sur un leader en quête
d’autonomie, voire d’indépendance. Les collaborateurs font preuve
de maturité professionnelle et psychologique et évoluent avec
confiance dans un environnement souvent complexe.
•  Le style participatif : il s’agit d’un mode de leadership fondé sur
l’implication de chacun, la délégation du leadership, les stratégies
de type Empowerment au sens de P. Drucker. La structure

69
Chapitre 2  ■ Les théories comportementales du leadership

organisationnelle est ici souvent matricielle et les acteurs évoluent


dans une logique de projet et de partage d’expériences et de
connaissances.
Les résultats des travaux de recherche du groupe GLOBE
indiquent qu’il existe bien des différences culturelles significatives
dans le leadership. Déjà sur un plan strictement sémantique, le
terme peut recouvrir des acceptions différentes. Par ailleurs – et
c’est là l’essentiel – en fonction du pays de référence, le style de
leadership peut varier. Par exemple, en Allemagne il y a un intérêt
croissant pour les styles équipe et autonome alors qu’en France il
semble y avoir une préférence pour le style charismatique. En défi-
nitive, les conclusions de l’étude GLOBE sont assez nuancées sur
la relation culture-leadership. En effet, s’il existe une évolution des
sociétés et des peuples vers une convergence de valeurs, il y a
encore de grandes disparités culturelles en fonction des pays. En
ce sens, la distance hiérarchique, la sévérité, l’individualisme, le
rapport à l’incertitude, la masculinité des valeurs ou encore l’orien-
tation à long terme (Hofstede et al., 2010 ; Meier, 2013) peuvent
varier de façon assez significative encore aujourd’hui. Cela dit, le
monde semble converger progressivement.
En somme, aussi importants que soient les traits de personnalité,
les compétences et les comportements des leaders pour expliquer
leurs performances, ils ne garantissent pas pour autant leur succès.
La prise en compte des paramètres situationnels et du contexte
importe également. La perspective d’une approche contingente et
situationnelle du leadership s’impose progressivement.

70
Les théories comportementales du leadership  ■  Chapitre 2

L’essentiel
L’approche comportementale du leadership émerge suite à l’ob-
servation des insuffisances de la conception fondée sur les traits de
personnalité (Great Man Approach). Il ne s’agit plus ici d’envisa-
ger des leaders aux qualités exceptionnelles mais plutôt de réflé-
chir sur le style (la manière de faire) en tant que déterminant
majeur sur l’efficacité au travail et/ou la satisfaction au travail.
Pour ce faire, plusieurs auteurs proposent des outils assez norma-
tifs (souvent implicitement normatifs d’ailleurs) comme la
Leadership Grid de Blake et Mouton ou encore le continuum
décisionnel de Tannenbaum et Schmidt. Ces grilles d’analyse pré-
sentent l’avantage de situer l’action du leader et de caractériser
son style en vue de générer un certain nombre de résultats. Fondés
sur des observations empiriques, ces outils favorisent incontesta-
blement la compréhension que l’on peut avoir des différents styles
de gestion possibles.
Un chercheur comme C. Argyris insistera davantage sur la capa-
cité des leaders à pratiquer le management par les valeurs afin de
développer un sentiment de succès psychologique. Ses premiers
travaux sur la personnalité valorisent fortement les comporte-
ments managériaux fondés sur l’empathie. En somme, on retrouve
également ici implicitement l’idée d’intelligence émotionnelle.
Plus récemment, il développera des recherches sur les organisa-
tions apprenantes considérées comme des organisations du futur
reposant sur un leadership partagé.
Un vaste programme de recherche sur l’efficacité du leadership et
de la gestion des comportements organisationnels (le projet
GLOBE) actualise la conception que l’on a des styles de leader-
ship. Ce projet de recherche en management interculturel met en
tension leadership et culture, ce qui permet d’identifier des traits
d’union et surtout de poser les jalons de la théorie de la conver-
gence culturelle. Le second résultat majeur est la conceptualisa-
tion de six styles de leadership dans un monde désormais
globalisé et toujours à la recherche de l’efficacité : défensif,
équipe, humain, charismatique (visionnaire), autonome, partici-
patif. D’une certaine façon, il s’agit d’une actualisation récente
de la théorie comportementale du leadership.

71
3
Chapitre
Les théories
de la contingence

« Les leaders ne sont pas nécessairement compétents pour


administrer ou gérer les ressources. »
John Adair, 1988
« On ne peut pas fabriquer un manager dans une salle
de classe. C’est même impossible. »
Henry Mintzberg, 1990

Objectifs
Ce chapitre vise à introduire le courant de la contingence en matière
de leadership organisationnel. Apparue avec l’essor de la théorie de
la contingence structurelle, l’approche relativiste du leadership pré-
sente l’avantage de promouvoir une conception adaptative du pro-
cessus. Avec cette vision, il n’y a plus vraiment de leader exceptionnel
mais plutôt des personnes adaptées à des situations de plus en plus
complexes. Le style n’est pas bon en soi, il est par contre adapté ou
non au contexte. Plusieurs facteurs de contingence sont envisagés
par les auteurs, en particulier la situation ou les collaborateurs eux-
mêmes. À travers ce chapitre, nous nous intéresserons donc :
 à une première approche de la contingence du leadership avec le
modèle de Fiedler ;
 à la question de la participation des leaders eux-mêmes à la
production ;

73
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

 à l’échange complexe et dynamique entre leaders et followers ;


 à la confiance comme condition indispensable à la qualité du
leadership ;
 au retentissant succès remporté par l’approche situationnelle
développée par Hersey et Blanchard.

Sommaire
Section 1 Le modèle de Fiedler et la théorie de l’objectif-trajectoire
Section 2 Les modèles de leadership fondés sur l’échange, la parti-
cipation et l’action
Section 3 La confiance : un facteur de contingence
Section 4 Leadership et développement organisationnel (OD)
Section 5 Leadership et théorie socio-économique des organisations
Section 6 La théorie du leadership situationnel

L es organisations et les différents styles de leadership que l’on


peut leur associer sont influencés, suivant les cas, par leur envi-
ronnement anthropologique, culturel, économique, politique, reli-
gieux, sociologique et technologique. Ce constat a été le point de
départ de nombreuses recherches (par exemple le groupe londonien
ASTON), dont certaines ont eu pour ambition de créer une véritable
science des organisations, établissant des lois complexes reliant un
état de l’environnement donné avec les structures des organisations
(Lawrence et Lorsch, 1967) ou différents styles de leadership
(GLOBE, 2013). On peut distinguer plusieurs facteurs présentés
comme exerçant une influence sur les organisations ou le leadership
dans une approche que l’on appelle l’école de la contingence. La
contingence est un concept clé en matière d’analyse des organisations
et se définit comme une situation spécifique et évolutive qui conduit
à rejeter des prescriptions uniques et standardisées. S’agissant du
leadership, cette contingence est structurelle ou comportementale car
les changements dans les variables externes (technologies, marchés,

74
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

formations, qualifications, etc.) provoquent des évolutions dans le


management des organisations. Au-delà même de cette contingence,
d’autres recherches établissent un parallèle biologique et considèrent
que les organisations, comme les espèces, croissent et disparaissent
selon certaines lois. La volonté de la plupart de ces recherches est
de mesurer l’influence de facteurs de contingence sur les caractéris-
tiques des organisations.
La réflexion sur le leadership et son caractère parfois énigmatique
(Plane, 2015) amènera les chercheurs à approfondir le concept et à
explorer de nouvelles voies, notamment en direction de la prise en
considération dans l’analyse de paramètres situationnels. Dans ce
chapitre, nous évoquerons les principales théories de la contingence
du leadership. La thèse défendue selon cette conception du leadership
réside dans l’idée qu’il n’existe pas (dans l’absolu) de bon ou de
meilleur style de leadership mais plutôt des styles adaptés à des
situations et inadaptés à d’autres. Progressivement, les chercheurs se
sont intéressés de près à l’influence de la situation. Pour ce faire, il
fallait établir le lien entre les styles de leadership et l’efficacité de la
situation. L’objectif des recherches consiste alors à chercher à iden-
tifier des facteurs de contingence pertinents pour comprendre une
situation donnée et l’efficacité ou non du style de leadership retenu.
Plusieurs modèles feront ici l’objet d’une présentation et d’une dis-
cussion académique : le modèle fondateur de Fiedler, la théorie de
l’objectif-trajectoire de House, l’approche par la confiance et la théo-
rie situationnelle de Hersey et Blanchard.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Sec­­tion
1 Le modÈle de Fiedler et la thÉorie
de l’objectif-trajectoire

1 
L’approche de Fiedler et la prise en considération
de la situation de management

Fred E. Fiedler est le premier auteur connu à proposer un modèle


contingent de leadership dans un ouvrage publié en 1967 à New
York : A Theory of Leadership Effectiveness. Fiedler a pour objectif

75
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

principal de chercher les facteurs de contingence qui accompagnent


l’efficacité de tel ou tel style. Il considère ainsi que c’est l’adéquation
entre le style et la situation qui garantit la performance du leadership :
la prise en compte des facteurs de contingence est bien un détermi-
nant majeur de la performance des organisations. Dans son ouvrage,
il postule que la performance d’un groupe dépend de l’adéquation
entre le style de leadership et le degré de contrôle que lui donne la
situation dans laquelle le leader évolue. Pour ce faire, Fiedler a éla-
boré un outil : le questionnaire du collaborateur le moins apprécié
permettant de déterminer l’orientation comportementale du leader
vers les opérations (leader fonctionnel) ou vers les relations humaines
(leader affectif). Il a également identifié trois critères situationnels :
les relations leader-membres, le pouvoir hiérarchique et la structure
des tâches. Ce qui est fondamental dans ce modèle, c’est finalement
la définition de la situation. L’approche consiste à se poser la question
de savoir quels leaders pour quelles situations ? Par exemple, plus
les relations leader-membres sont bonnes, la structuration des tâches
forte et le pouvoir hiérarchique élevé, plus l’influence et l’autorité
du leader seront importantes. En somme, si on associe les trois fac-
teurs de contingence, il existe potentiellement huit situations dans
lesquelles un leader est susceptible d’évoluer. Suivant la conception
de Fiedler, les individus ne sont pas vraiment capables de changer
de style de leadership ; il s’agit donc de choisir un leader adapté à
la situation ou bien d’adapter la situation à celui-ci en restructurant
les tâches ou en agissant sur son pouvoir hiérarchique. À l’origine,
Fiedler pensait que les leaders préoccupés par la qualité des relations
interpersonnelles auraient les meilleurs résultats. En réalité, tout
dépend de la situation. C’est suivant cette logique qu’il a conceptua-
lisé un modèle sur la contingence du leadership qui intègre bien deux
paramètres : l’orientation du leader et la situation.

1.1  L’orientation du leader

C’est dans une perspective méthodologique que Fiedler mesure


l’orientation du leader par l’approche LPC (Last Preferred
Co-Worker). Il n’interroge pas les encadrants sur leur manière d’ani-
mer les équipes et les groupes et de considérer les personnes et/ou
de les soutenir mais il leur demande plutôt de décrire avec une échelle

76
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

de mesure le collaborateur le moins apprécié. Les descriptions obte-


nues peuvent être favorables ou défavorables. Dans le premier cas,
on va considérer que l’on a affaire à un leader centré sur l’équipe et
les relations et dans le second cas, à un leader centré sur l’activité.
De nombreux travaux de recherche en psychosociologie confirment
cette tendance et ce résultat (Demailly, 1996 ; Louche, 2001).

1.2  La situation de management

Fiedler propose d’analyser la situation sous trois angles complé-


mentaires : la structure de l’activité (structurée et laissant peu d’au-
tonomie ou pas), le pouvoir du leader (capacité à peser sur les
sanctions des collaborateurs et leur carrière) et les relations entre le
leader et l’équipe (le degré d’acceptation du leader par le groupe).
La combinaison de ces trois variables permet d’évaluer si la situation
est favorable au leader ou, au contraire, défavorable. Dans ce dernier
cas, il sera nécessaire de faire évoluer le style de leadership et même
(le plus souvent d’après Fiedler) de changer de leader.
Fiedler lui-même sera critique quant à la portée opérationnelle de
son modèle dans la mesure où il insiste sur ses limites. Cependant,
il est probablement le premier auteur connu à avoir introduit l’impor-
tance de facteurs de contingence pour comprendre la qualité d’une
situation de leadership. De façon générale, les recherches réalisées
autour du modèle de Fiedler ont confirmé sa pertinence et son carac-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

tère prédictif, son modèle apportant également une meilleure com-


préhension des facteurs situationnels.

2 
La théorie de l’objectif-trajectoire

Il s’agit d’une approche développée par R. House de l’Université


d’Ohio State en 1971 qui consiste à élaborer une conception du
leadership à partir de l’identification d’un cheminement critique.
L’idée centrale est qu’il est de la responsabilité du leader d’aider les
collaborateurs à atteindre leurs objectifs en apportant à la fois le
soutien psychologique nécessaire (les besoins de soutien) et les ins-
tructions techniques (les besoins de conseil). Les leaders efficaces

77
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

sont donc bien des facilitateurs qui éclairent le chemin, facilitant


l’accomplissement des subordonnés. Dans cette perspective, House
identifie quatre comportements : le leader bienveillant qui adopte une
attitude amicale et prend en compte les besoins des autres, le leader
directif qui est prescriptif, le leader orienté vers l’accomplissement
qui fixe des objectifs ambitieux et le leader participatif qui prend en
considération les propositions des collaborateurs. La thèse de House
est que les leaders peuvent être flexibles et donc changer de style en
fonction des circonstances et de la situation donnée. Le modèle de
l’objectif-trajectoire de House repose sur plusieurs facteurs de contin-
gence que l’on peut classer en deux catégories : les variables envi-
ronnementales et les variables liées aux caractéristiques des individus.
Les premières variables sont celles sur lesquelles le collaborateur n’a
aucun contrôle (configuration du groupe de travail, structuration des
tâches, organisation formelle de l’autorité) et les secondes sont liées
à l’individu lui-même (maîtrise, expérience, compétence profession-
nelle). En définitive, la théorie prédit que le comportement du leader
ne sera efficace que s’il est en cohérence avec les caractéristiques
des collaborateurs et s’il ne présente pas de redondance avec les
facteurs structurels environnementaux.

2
Sec­­tion LeS modèleS de Leadership fondés
sur l’Échange, la participation
et L’action

1 
Le modèle de la participation du leader de Vroom

Cette approche repose sur le lien qui existe entre le comportement


du leader et sa participation aux processus de décision. Proposé par
V. Vroom et P. Yetton, le modèle suggère que le comportement du
leader doit être adapté aux spécificités structurelles. Il s’agit bien ici
d’un modèle contingent. Plus la situation est complexe et les déci-
sions importantes à prendre, plus l’implication organisationnelle du
leader est décisive dans une perspective d’efficacité. Plus le problème
à résoudre est peu structuré et complexe, plus l’engagement du

78
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

leader sera nécessaire. La participation du leader peut également être


essentielle pour développer les compétences décisionnelles et com-
portementales des collaborateurs. En somme, le style de leadership
dans ces recherches dépend de nombreuses variables comme la struc-
turation des problèmes, le niveau de maturité professionnelle et psy-
chologique des collaborateurs, l’autonomie des personnes, le niveau
et la portée des décisions à prendre, les contraintes de temps ou
encore l’éventualité d’un conflit. Au total, Vroom et Yetton insistent
particulièrement sur la nécessité de prendre en considération de nom-
breuses variables de contingence avant de prendre des décisions et,
surtout, d’adopter un style de leadership adapté. Le modèle de
l’échange leader/followers introduit l’idée de préférence du leader
dans la théorie de la contingence.

2 
La théorie de l’échange leader/followers

Cette approche se focalise sur la création et le développement d’une


relation d’échange nourrie entre le manager et ses subordonnés.
L’idée fondamentale est que les leaders ne considèrent et ne traitent
pas tous leurs collaborateurs de la même façon. Le style de leadership
de référence peut donc varier et n’est pas nécessairement homogène.
Les fondements de la théorie de l’échange leader/membre furent
élaborés par R. Dienesch et R. Liden et publiés dans Academy of
Management Review en 1986. Cette théorie fut ensuite approfondie
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

par G. Graen et M. Uhl-Bien en 1995 dans la revue Leadership


Quaterly.

2.1  L’échange négocié

Suivant ces auteurs, il y a bien un échange négocié entre un res-


ponsable et un subordonné. L’approche rompt ainsi avec l’idée que
le leader se comporte de la même façon avec tous les collaborateurs
qui sont dans une situation donnée. Concrètement, les chercheurs
considèrent que les leaders ont tendance à classer leurs collaborateurs
en deux catégories dénommées in-group et out-group. La catégorie
in-group désigne une relation de grande qualité et les collaborateurs

79
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

bénéficient de soutien et de considération de la part de leurs supé-


rieurs. En revanche, la catégorie out-group suggère une relation
médiocre fondée sur la méfiance réciproque où les deux parties s’en
tiennent – pour l’essentiel – à la stricte application des règles et des
procédures. Suivant ce modèle, on le voit bien, le leader communique
à ses collaborateurs une attente de rôle et apporte des récompenses
qui ne sont pas nécessairement de même nature : certaines sont tan-
gibles, d’autres intangibles.

2.2 La qualité de l’échange : un déterminant


de la performance organisationnelle
Leaders et collaborateurs négocient au mieux entre eux et apportent
dans l’échange ce qu’ils peuvent, ce qui peut expliquer la maturité
de la relation. Si cette relation n’est pas de bonne qualité, les leaders
exerceront généralement une autorité formelle dans le cadre des
règles et des procédures. A contrario, si l’échange est de bonne qua-
lité, les collaborateurs pourront être amenés à performer et même à
dépasser les objectifs déterminés par leur supérieur. En ce sens, la
satisfaction personnelle au travail des collaborateurs sera meilleure,
ce qui sera aussi bénéfique pour le climat social et l’atmosphère
générale de travail. Néanmoins, la manière dont les followers sont
sélectionnés pose question car la façon dont un leader détermine son
cercle interne de proches est assez énigmatique. On peut noter que
les recherches des auteurs indiquent qu’un leader a tendance à s’en-
tourer de personnalités proches de la sienne souvent dotées de com-
pétences supérieures aux autres. Finalement, ce sont bien les
caractéristiques des collaborateurs qui guident le leader dans son
choix. En général, les leaders investissent sur des individus dont ils
pensent qu’ils auront des performances supérieures à la moyenne. Il
peut aussi s’agir de caractéristiques simplement liées aux affinités
qu’un leader peut partager avec des collaborateurs constitutifs de son
premier cercle (le cercle interne). Ces observations indiquent aussi
à quel point la confiance et l’affect sont des éléments déterminants
pour une qualité du management.
Ce modèle a connu un franc succès en matière de recherche de telle
sorte que Graen et Uhl-Bien (1995) proposent un bilan approfondi

80
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

du modèle de l’échange. Ils signalent qu’il existe un lien important


dans de nombreuses recherches entre la qualité de l’échange leader/
followers et de multiples résultats organisationnels : satisfaction au
travail, performance, implication, engagement, atmosphère de travail
et climat social notamment. Ces recherches justifient l’intérêt du
modèle de l’échange pour une qualité du leadership même s’il porte
davantage sur les relations interpersonnelles que sur la dynamique
des groupes et des équipes. Ce point constitue une limite très contra-
dictoire avec les leçons de leadership proposées par l’un des meilleurs
spécialistes européens : John Adair.

3 Le leadership orienté vers l’action


et les équipes d’Adair

Britannique et diplômé de Cambridge, John Adair (1934-…) fut


général et commandant de Légion dans l’armée. Il fut aussi pro-
fesseur invité à l’Oxford Centre for Management Studies où il s’est
impliqué dans le département Leadership. Il a publié de nombreux
ouvrage sur le leadership dont Effective Leadership en 1983 et Le
Leader, l’homme d’action en 1991. Adair s’est fait notamment
connaître par la distinction qu’il opère entre leading (commander)
et managing (gérer). Pour lui, le leadership implique une direction
ou une orientation alors que managing suppose plutôt de manipu-
ler, manier ou maîtriser, ce qui relève finalement d’une logique
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’action assez différente. Adair a été l’un des premiers auteurs à


montrer que le leadership ne relève pas d’une aptitude innée mais
s’acquiert par l’action, comme toute autre qualité. Il propose ainsi
un concept, le « leadership orienté-action », qui implique de définir
l’action de leader à partir de trois cercles qui se recoupent : Activité,
Équipe et Individu. Pour Adair, le leadership est lié à l’enthou-
siasme et à l’engagement propre du leader (Adair, 1997). Il concerne
essentiellement la création et le développement des équipes et le
travail en groupe. Le groupe constitue la clé du leadership selon
Adair dans le sens où il contient trois types de besoins communs :
le besoin d’accomplir une tâche, le besoin de développer l’équipe
et la somme des besoins individuels des personnes qui composent
l’équipe.

81
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

En somme, activité, équipe et individu s’interpénètrent tels trois


cercles mutuellement en interaction dynamique. Finalement, le lea-
dership serait une motivation extérieure aux individus provoquée par
l’orientation-action que prennent les individus au travail. Dans une
telle perspective, la place de la confiance semble de plus en plus
importante pour le développement du leadership.

3
Sec­­tion La confiance : un facteur
de contingence

Le néomanagement du xxie siècle ne cherche-t-il pas à personna-


liser les rapports avec les clients, les salariés, les fournisseurs, les
partenaires financiers ? En tout état de cause, l’éthique et la confiance
semblent être devenues de véritables mots d’ordre en matière de
gestion et d’administration des affaires. En effet, les praticiens du
management cherchent à instaurer des pratiques plus vertueuses car
la confiance se perd quand elle est déçue (Duluc, 2013). À une époque
où l’on se réfère d’autant plus à l’éthique que fleurissent dans la
presse les affaires, deux points de levier paraissent se dégager pour
surmonter les ambiguïtés posées par la confiance. C’est suivant cette
logique que l’on peut parler d’un leadership par la confiance en vue
de contribuer à l’essor d’une stratégie de développement organisa-
tionnel.

1  Le leadership par la confiance

L’observation des relations d’affaires suggère que la confiance joue


bien un rôle important par-delà la poursuite des intérêts égoïstes. En
fait, c’est souvent dans un environnement de confiance que les rela-
tions commerciales produisent les plus grands bénéfices pour les
acteurs économiques. Si l’on prend l’exemple célèbre de la Silicon
Valley en banlieue de San Francisco, on peut observer plusieurs prin-
cipes de leadership manifestement sources de performance (Picq,
2000). En premier lieu, l’idée de vitesse (high speed) est essentielle

82
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

à comprendre pour étudier le comportement des acteurs de cette


région du monde où le client constitue bien la finalité de l’entreprise.
En second lieu, l’attention est davantage portée sur les résultats plu-
tôt que sur les individus en matière de Human Resource Management.
Le système de management fondé sur les compétences et le talent
cherche à récompenser le risque. Enfin, l’esprit d’entreprise est omni-
présent et le marketing est considéré comme une fonction primor-
diale. Le business force les acteurs à être des innovateurs et implique
une grande confiance en soi (Confidence). Finalement, qu’est-ce qui
explique une telle croissance économique ? La première explication
est liée à la présence sur la zone géographique d’une forte densité
d’agents et de leaders forts qui semblent se faire confiance (Trust).
La deuxième explication est qu’il y a sur cette zone beaucoup de
communications, de réseaux relationnels, d’échanges entre leaders ;
la troisième, un certain degré de diversité, des leaders en provenance
d’horizons différents. La dernière explication qui peut être avan-
cée est l’intensité de l’engagement et de l’implication au travail. Les
acteurs sont généralement très motivés, en particulier par le système
d’intéressement de l’entreprise (Picq, 2000). En définitive, ce cas
montre bien que la confiance est dépendante de l’existence de codes
et de conventions. Dans cette optique, elle sera renforcée ou diminuée
selon que les acteurs observeront une conformité avec les normes
sociales de comportement. Au total, la confiance prend deux formes
en synergie : Trust (la confiance inter-organisationnelle et interper-
sonnelle) et Confidence (la confiance en soi).
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2  Confiance et customisation

Le management de la confiance conduit ainsi à la considérer comme


un actif intangible probablement source de good will. En France, on
peut prendre l’exemple de la Fnac qui cherche depuis plusieurs
années déjà à passer d’un marketing transactionnel à un marketing
relationnel. Objectif affiché : nouer avec les clients des relations
moins anonymes, des relations partenariales de long terme. Une telle
logique vise la fidélisation à long terme du client. Cette démarche
s’oppose à la logique de conquête par des ventes isolées à plus court
terme. Chercher à avoir des clients relationnels, c’est nouer des liens

83
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

plus étroits, plus constants et plus personnels entre l’entreprise et ses


clients. Par un portefeuille de produits renouvelé, la Fnac s’efforce
de développer la confiance chez ses clients. Dans une perspective
similaire, d’autres entreprises comme Dell Computer ou encore
Levi’s cherchent à instaurer ce que l’on appelle désormais le one to
one, c’est-à-dire une nouvelle manière d’approcher le client. L’idée
est de le traiter comme une personne. On parle aussi de customisation.
Dell et Levi’s fabriquent des produits sur commande, ils font en
quelque sorte du « sur-mesure de masse ». Créer un sentiment de
confiance durable est l’un des principaux objectifs de ces entreprises.
Ce mouvement trouve son aboutissement dans le CRM (Customer
Relationship Management), c’est-à-dire le management de la relation
avec le client. D’une certaine façon, on peut même parler de custo-
misation de la société mondiale. Ce mouvement s’explique en grande
partie par deux raisons. En premier lieu, l’importance de la valeur
perçue par le client est désormais considérée comme décisive. La
valeur est dans l’évaluation des critères objectifs et subjectifs d’un
produit mais aussi par le fait qu’il est capital que le produit crée plus
de valeur que la concurrence. En second lieu, les nouvelles possibi-
lités techniques offertes par les systèmes d’information favorisent
l’essor du one to one et du CRM. Par exemple, il est remarquable de
constater que l’échange de données informatisées (EDI) contribue à
aider un fournisseur à améliorer sa connaissance des besoins de son
client, le détaillant. Au total, ces différents exemples montrent bien
dans quelle mesure le management de la confiance est un enjeu pour
les firmes qui semblent poursuivre de plus en plus une stratégie de
développement organisationnel.

4
Sec­­tion Leadership et dÉveloppement
organisationnel (OD)

Le courant de l’OD (Organization Development) est apparu dans la


continuité des travaux réalisés dans le champ de la théorie de la contin-
gence. Des chercheurs comme Richard Beckhard (1975) ou Warren
G. Bennis (1975) ont fortement contribué au développement des

84
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

connaissances sur ce courant managérial. Pour Beckhard, le leadership


et la conception du fonctionnement des organisations sont approchés
dans une perspective plus volontariste (une stratégie) et plus dynamique
du point de vue du fonctionnement interne. Avant tout, ce courant
s’adresse aux managers, à leur capacité de créativité et de développe-
ment de la confiance. Le développement des organisations cherche
aussi à intégrer les apports des sciences sociales permettant de mieux
maîtriser les paramètres psychosociologiques et politiques dans les
organisations. Une véritable critique de l’efficacité technocratique est
réalisée par Beckhard qui souligne surtout son incomplétude
En matière de gestion des organisations, il s’intéresse aux tensions
sociales et les sciences sont envisagées comme pouvant guider le
décideur confronté à une stratégie de changement. Considérées aussi
comme un outil politique, elles peuvent contribuer à révéler les
contradictions et les ambiguïtés auxquelles se heurtent souvent les
managers dans une logique de changement organisationnel. Selon
ce raisonnement, le développement organisationnel doit être compris
avant tout comme un changement planifié par opposition à un chan-
gement spontané. Pour transformer le fonctionnement des organisa-
tions, il s’agit de promouvoir des efforts volontaires, réfléchis en vue
d’atteindre des objectifs planifiés. Ce qui implique un leader réfléchi,
pragmatique et méthodique presque au sens de Barnard ou de Fayol.
L’un des promoteurs de l’Organization Development, W. Bennis
définit le concept comme une « stratégie éducative permettant de
susciter le changement organisationnel planifié ». Par contre, la défi-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nition de R. Beckhard met particulièrement l’accent sur l’idée d’in-


tervention en management ainsi que sur l’apport potentiel des
sciences sociales. Il définit le développement organisationnel comme
étant « un effort programmé global, c’est-à-dire au niveau de l’en-
semble de l’organisation, encadré et animé par les dirigeants au som-
met, en vue d’améliorer l’efficacité et le bien-être des organisations,
en modifiant les processus de fonctionnement de l’organisation et en
faisant appel aux apports des sciences humaines ». L’OD repose taci-
tement sur une conception humaniste et dynamique de l’homme au
travail ainsi que sur l’importance des relations interpersonnelles.
W. Bennis montre que l’OD s’articule autour de plusieurs grands
principes d’action.

85
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

1 Une stratégie éducative

En premier lieu, le développement organisationnel est une stratégie


éducative suscitant un changement organisationnel planifié. Ces stra-
tégies peuvent différer d’un cas à l’autre. Dans une telle perspective,
les méthodes mobilisées sont relativement diverses. Dans beaucoup
de cas, les relations interpersonnelles sont considérées comme un
levier stratégique important. Le facteur humain est ainsi toujours
privilégié à tel point que l’agent de changement est souvent un spé-
cialiste des sciences du comportement focalisé sur la dimension
humaine de l’entreprise. Bennis relate le cas d’une petite raffinerie
de 500 employés environ au bord du dépôt de bilan et pratiquement
condamnée, du fait d’un excédent des ressources pétrolières sur le
plan mondial. Une volonté politique et syndicale de redresser la situa-
tion amène le siège social de New York à réagir en nommant un
nouveau directeur général pour favoriser le développement organi-
sationnel de l’usine. Une grande enquête sur le management de la
raffinerie fut réalisée, l’encadrement participa à des sessions de for-
mation axées sur le management des compétences et les relations
interpersonnelles. Le personnel de la raffinerie fut impliqué par un
système de commissions paritaires mis en place pour garantir la
participation de tous. Au total, ces travaux visant à améliorer la cohé-
sion et la confiance au sein des groupes de travail ont contribué à la
pérennisation de la raffinerie.

2 Une stratégie de résolution de problèmes


et de changement

En second lieu, Bennis insiste sur l’idée que les changements recher-
chés sont toujours directement liés aux types de problèmes auxquels
l’organisation tente de répondre. La demande de l’organisation est bien
essentielle dans la démarche. Dans la plupart des cas, il s’agit de
construire une entreprise nouvelle visant à résoudre des problèmes
d’efficacité organisationnelle, des conflits intergroupes ou de leader-
ship. Par ailleurs, la capacité de l’organisation à offrir des motivations
adéquates et appropriées au personnel est interrogée.

86
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

2.1  Une logique d’expérimentation

L’Organization Development présente la caractéristique de s’ap-


puyer sur des expérimentations réelles, ce qui lui donne un véritable
caractère scientifique. Les expérimentations réalisées visent à créer
des données qui seront toujours restituées aux acteurs en vue de
partager les informations, de les faire réagir et de les mobiliser. Pour
Bennis, la notion de feedback, c’est-à-dire de restitution des résultats
aux acteurs à travers ces expériences est essentielle.

2.2 Des agents du changement

Les agents du changement sont pratiquement toujours extérieurs à


ce que Bennis appelle le système client. Ils apportent souvent un
regard neuf sur les problèmes structurels et organisationnels et n’hé-
sitent pas à soulever des questions taboues rarement remises en cause.
D’une certaine manière, ils bousculent l’organisation par leur pré-
sence et leur prestation sur le terrain. Ils sont des intrus stimulants
mais toujours suspects de vouloir révéler des informations que les
acteurs préfèrent taire (Plane, 1994).

2.3 Des relations de coopération et de confiance

Le développement des organisations présente aussi comme carac-


© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

téristique de chercher à établir une relation de coopération entre


l’agent du changement et les acteurs de l’organisation. Une telle
relation suppose une confiance mutuelle, la détermination commune
d’objectifs à atteindre et de moyens à mettre en œuvre. Finalement,
il s’agit de mettre en place un groupe efficace de management. Son
efficacité nécessite du temps et de la patience et ne peut être obtenue
que progressivement.

3 Une philosophie sociale

Bennis met en cause – en se référant à Argyris – les valeurs bureau-


cratiques, fondamentalement impersonnelles, centrées sur la tâche

87
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

et refusant les valeurs humanistes et démocratiques. Celles-ci condui-


raient à des relations interpersonnelles pauvres, superficielles et de
défiance. Dans cette optique, il relève que sans confiance interper-
sonnelle, l’organisation est un terrain propice à la méfiance, voire à
la défiance de certains salariés, aux conflits intergroupes, ce qui peut
engendrer une atrophie de la capacité de l’organisation à résoudre
des problèmes. Seule l’émergence d’une nouvelle philosophie sociale
peut aider les dirigeants à dépasser ces valeurs bureaucratiques afin
d’assumer les rôles humains que l’organisation exige d’eux. On est
presque dans la perspective de l’essor d’un leadership transforma-
tionnel. On y reviendra plus loin.

4 Une stratégie de transformation


organisationnelle

Le développement des organisations repose également sur le par-


tage d’un ensemble d’objectifs normatifs. On peut avancer que les
objectifs les plus couramment recherchés dans une stratégie de déve-
loppement organisationnel sont la recherche de l’amélioration de la
confiance interpersonnelle (trust) mais aussi de la confiance en soi
(confidence). Le développement des organisations implique bien un
changement du système de valeurs, la mise en œuvre d’un manage-
ment d’équipe, le développement de méthodes de résolution des
conflits et une organisation organique au sens des travaux précurseurs
de Burns et Stalker.
En définitive, un leadership et une stratégie de développement
organisationnel s’appuient sur des programmes éducatifs fondés
sur l’expérience, sur des réunions de confrontation ainsi que sur la
variété des apports. L’OD ne peut en aucun cas se limiter à des
groupes de sensibilisation ou encore moins à un mode de leadership
plus permissif. Bennis ne préconise pas un mode particulier de
leadership, il recherche plutôt à promouvoir la liberté et la confron-
tation entre les acteurs et ne recherche pas le consensus à n’importe
quel prix. C’est dans une telle perspective théorique qu’il montre
que l’OD s’appuie sur une valeur fondamentale, celle du choix. Le
choix comme rationalité de l’OD. En effet, le développement

88
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

organisationnel fondé sur une stratégie éducative, utilisant les


moyens les plus larges possibles, conduit à la multiplication des
choix possibles, ce qui peut favoriser des décisions organisation-
nelles mieux adaptées à un environnement en mouvement. Le cas
du développement des organisations semble indiquer que la
confiance, à travers un tel processus, est bien un actif intangible et
spécifique aux organisations. La confiance a ainsi des implications
managériales très concrètes (Duluc, 2013).

5
Sec­­tion Leadership et théorie socio-
économique des organisations

En France, les travaux de recherche sur l’approche socio-écono-


mique des organisations se développent et contribuent à un corpus
de connaissances originales sur le fonctionnement des organisations
(Savall, Zardet, 1987, 2004, 2015 ; Cappelletti, Noguera, 2012,
2013). La question du développement du leadership dans ces travaux
est liée à la capacité des acteurs à s’approprier une méthode et des
outils de travail structurés pour renforcer le pilotage des unités de
travail. L’implication des acteurs dans une démarche instrumentale
et managériale très structurée a pour conséquence le renforcement
du rôle des leaders. La qualité du leadership est ainsi impactée par
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’apport d’énergie stimulée par une intervention méthodique dans


l’organisation. Plus globalement, ces réflexions portent sur la qualité
du management des hommes – et de façon plus générale sur l’impor-
tance du capital humain – considérée comme un facteur de compé-
titivité et de pérennisation des entreprises et des organisations. Les
recherches de l’ISEOR (www.iseor.com) montrent que l’accroisse-
ment de la performance économique des organisations passe par le
développement de son potentiel humain (Buono, Savall, 2015). Le
développement et le renforcement d’un leadership de type socio-
économique sont ainsi observables. Les leaders travaillent, à partir
d’une démarche progressive mais très structurée, sur des indicateurs
de mesure, de pilotage, ce qui a aussi pour effet de stimuler leur
ambition stratégique et de démultiplier leur énergie de transformation.

89
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

Finalement, cette approche du leadership est assez éloignée de la


vision instinctive et naturaliste des leaders mais correspond davantage
à une approche organisée et méthodique du leadership.

1 Les fondements de l’approche socio-économique


des organisations

Dès 1974, Savall publie un ouvrage fondateur de l’approche intitulé


Enrichir le travail humain. L’évaluation économique. La démarche
et le programme de recherche des chercheurs de l’ISEOR consistent
à réaliser dans les organisations des expérimentations en profondeur
et de longue durée en vue d’élaborer, de tester puis de stabiliser des
concepts, méthodes et outils de management. La question de la qua-
lité des leaders émerge presque implicitement de ces travaux ; elle
est quasiment consubstantielle à l’approche à notre sens. De nom-
breux résultats issus de ces recherches-interventions ont été publiés
à partir de 1987 par Henri Savall et Véronique Zardet dans l’ouvrage
Maîtriser les coûts et les performances cachés. Ils peuvent être riches
d’enseignements pour les leaders de demain dans le sens où ils sug-
gèrent des propositions visant à dynamiser le rôle de l’encadrement.
Cette approche propose un mode de management innovant et repose
sur l’idée selon laquelle toute organisation produit des dysfonction-
nements, sources de coûts cachés. L’approche socio-économique
s’inscrit dans un courant de pensée remettant en cause la dichotomie
existante entre l’efficacité économique et la performance sociale des
organisations. Les recherches ont pour principal objectif la démons-
tration, par l’expérimentation, de zones de compatibilité entre la
performance sociale et l’efficacité économique. Ce courant de pensée
propose un mode de management s’appuyant sur le développement
de tout le potentiel humain et intégrant la performance sociale et la
performance économique. L’hypothèse fondamentale de l’approche
est d’ordre explicative et prescriptive sur le fonctionnement général
des organisations. Cette hypothèse présente une organisation comme
un ensemble de structures et de comportements en interaction et
déterminant la qualité de son fonctionnement. Dans une certaine
mesure, il est possible de réduire les dysfonctionnements, et donc
les coûts cachés qui en découlent, par des actions de management

90
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

socio-économique synchronisées mais aussi par un leadership volon-


tariste, portant simultanément sur les structures et sur les comporte-
ments afin d’améliorer la performance économique et l’efficacité
sociale.

2  Les outils de l’approche socio-économique

Dans la théorie socio-économique, la performance économique se


compose des résultats immédiats, charges et produits du compte de
résultat de l’exercice en cours, et de création de potentiel qui auront
un impact sur les exercices ultérieurs. L’efficacité sociale qui façonne
la qualité intégrale de l’entreprise s’analyse selon six domaines de
dysfonctionnements et d’actions : les conditions de travail, l’organi-
sation du travail, la gestion du temps, la communication-coordina-
tion-concertation, la formation intégrée et la mise en œuvre
stratégique. Le fonctionnement d’une organisation est caractérisé par
une performance. Le concept de performance socio-économique
associe aussi bien la performance financière à court terme, appelé
résultat immédiat, que la performance à moyen et long termes, appe-
lée création de potentiel. Cette performance économique dépend de
l’état des domaines de dysfonctionnements qui façonnent la qualité
intégrale d’une organisation. Lorsque le fonctionnement de l’orga-
nisation se caractérise par une hypertrophie des dysfonctionnements,
la performance économique est atrophiée par les conséquences éco-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

nomiques des dysfonctionnements. Les conséquences économiques


des dysfonctionnements sont appelées coûts cachés car elles ne sont
pas repérées dans les systèmes usuels de comptabilisation des coûts
utilisés dans les organisations. C’est dans cette perspective qu’il y a
un enrichissement potentiel du leadership dans la mesure où la ges-
tion socio-économique apporte de la visibilité et des éléments de
prise de décision. Il peut aussi contribuer au développement du capi-
tal humain par un contrôle de gestion de l’immatériel et des outils
de pilotage (Cappelletti, 2013). L’objectif des leaders sera alors d’agir
simultanément sur les structures et sur les comportements afin de
chercher à réduire les dysfonctionnements, et, en conséquence, les
coûts cachés. Suivant cette démarche, la synthèse des coûts-perfor-
mances cachés est réalisée sous forme de matrice où chaque

91
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

indicateur est décomposé en cinq composants : surtemps, sursalaires,


surconsommation, non-production et création de potentiel. L’analyse
doit être menée par les dirigeants et l’encadrement sur les indicateurs
et/ou les composantes. On est bien dans la perspective d’un leadership
socio-économique. L’information apportée est nouvelle puisqu’elle
n’apparaît pas dans la comptabilité analytique classique car elle ne
prend en compte que les coûts visibles. Elle peut aussi légitimer des
décisions importantes et stimuler ainsi le rôle des leaders au sein des
unités de travail. Cette théorie des coûts cachés est centrale dans les
recherches de l’ISEOR. Les coûts cachés s’opposent aux coûts
visibles caractérisés par une dénomination précise, une mesure et un
système de surveillance. Les conséquences économiques des dys-
fonctionnements, appelées donc coûts cachés, peuvent être mesurées
par l’évaluation de cinq indicateurs : l’absentéisme, les accidents du
travail, la rotation du personnel, la qualité des produits, les écarts de
productivité directe. Pour réduire ces coûts cachés, un processus
général d’amélioration du leadership et de la qualité du management
de l’organisation permet de dynamiser l’entreprise en s’appuyant sur
des outils opérationnels progressivement intégrés par l’encadrement
puis l’ensemble du personnel :
•  le contrat d’activité périodiquement négociable (CAPN) formalise
les objectifs prioritaires et les moyens mis à disposition, pour
chaque personne de l’entreprise, au travers d’un double dialogue
semestriel personnalisé avec le supérieur hiérarchique direct. Il lui
est attaché un complément de rémunération lié à l’atteinte des
objectifs collectifs, d’équipe et individuels, autofinancé par la
baisse des coûts cachés. D’une certaine façon, ce contrat parie sur
l’autonomie concertée et le degré de responsabilité accordé aux
acteurs. Il peut ainsi contribuer à un leadership de délégation
concertée ;
•  la grille de compétences est un tableau permettant de visualiser les
compétences effectives disponibles d’une équipe et de son organi-
sation. Elle permet d’élaborer un plan de formation intégrée par-
ticulièrement bien adapté à chaque personne et aux besoins
évolutifs de l’unité. Les compétences en matière de direction et
d’animation des équipes de projet et de travail peuvent ainsi être
renforcées par cet outil ;

92
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

•  le plan d’actions prioritaires est l’inventaire concerté des actions à


réaliser dans un semestre pour atteindre les objectifs prioritaires
après arbitrage sur les priorités et tests de faisabilité. Il stimulera
ainsi la prise de décision et le passage à l’action ;
•  le tableau de bord de pilotage regroupe les indicateurs qualitatifs,
quantitatifs ou financiers utilisés par chaque membre de l’enca-
drement pour piloter concrètement les personnes ou les activités
de sa zone de responsabilité. Il permet de mesurer, d’évaluer, de
suivre la réalisation des actions et de surveiller les paramètres
sensibles des activités opérationnelles et stratégiques. On est dans
la perspective du développement d’un leadership socio-écono-
mique par la formalisation d’indicateurs pertinents ;
•  la grille d’auto-analyse du temps ou gestion du temps permet la
recherche d’une structure plus efficace de l’emploi du temps en
développant la programmation individuelle et collective ainsi que
la délégation concertée ;
•  le plan d’actions stratégiques internes et externes clarifie la straté-
gie de l’entreprise à trois ans, voire cinq ans, aussi bien vis-à-vis
de ses cibles externes (clients, fournisseurs...) que de ses cibles
internes (du PDG à l’employé ou ouvrier). Il est réactualisé
chaque année pour tenir compte de l’évolution de son environne-
ment externe pertinent et de son personnel. Cet outil de direction
générale permet de stabiliser la vision et la politique générale du
ou des dirigeants de l’organisation. Il est aussi un instrument de
gouvernance durable et responsable.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

D’une façon générale, nous avons pu observer les effets de cette


démarche très structurée dans les organisations (Plane, 1994, 2000).
Par exemple, un dirigeant d’une caisse d’allocations familiales de
taille moyenne formé à cette approche a su en tirer clairement profit
à la fois par l’amélioration du système de pilotage de la CAF mais
aussi par une réflexion approfondie sur le leadership et le rôle de
l’encadrement. Vingt ans plus tard, force est de constater que son
parcours professionnel est devenu exemplaire tant du point de vue
de sa carrière professionnelle que de la profondeur de ses analyses.
C’est aussi en ce sens que la mise en œuvre de ces outils de mana-
gement contribue à l’amélioration des performances économiques et
sociales de l’entreprise par la réduction des coûts cachés ainsi que
par le développement des compétences managériales et du potentiel

93
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

humain de l’organisation. Finalement, une formation de grande qua-


lité au management contribue à l’essor des leaders de demain. À la
thèse naturaliste de type anglo-saxonne fondée sur une vision qua-
siment innée du leader succède une approche culturaliste fondée sur
le développement du professionnalisme des acteurs.

3 La méthode d’intervention de l’ISEOR


Cette méthodologie d’intervention est une démarche progressive
et très structurée qui peut être appliquée à tout micro-espace ou toute
entité. Elle consiste en une étude en profondeur du fonctionnement
de l’organisation et en une analyse des dysfonctionnements et des
coûts cachés. Pour cela, il est nécessaire de réaliser une intervention
en profondeur et de segmenter l’entreprise en groupements socio-
organisationnels respectant l’organigramme.
Progressivement, au cours de ce processus, une instrumentation est
réalisée dans le but de créer une base d’informations stimulantes afin
de surveiller le fonctionnement de l’organisation et l’évolution de ses
dysfonctionnements. Ce processus n’est pas mené simultanément dans
l’organisation mais suivant le processus qui comprend une action
horizontale, impliquant toute l’équipe de direction et d’encadrement,
et une action verticale, impliquant le reste de l’organisation, c’est-à-
dire la totalité des micro-espaces, du chef de service à l’ensemble du
personnel (Savall, Zardet, 1987). Cette implication progressive se fait
par une intervention dans un nombre croissant d’unités complètes :
deux unités en phase d’expérimentation, puis extension et générali-
sation à l’ensemble des services et unités. Cette méthodologie d’inter-
vention opératoire permet d’articuler l’intervention à la stratégie de
l’entreprise, de résoudre les dysfonctionnements opérationnels et
stratégiques, d’impliquer la totalité de l’encadrement. Ce processus
général permet de dynamiser le leadership organisationnel afin de
mettre en place un mode de gestion socio-économique s’appuyant sur
des outils opérationnels progressivement intégrés par l’ensemble du
personnel.
En définitive, Savall et les chercheurs de l’ISEOR insistent sur le
déficit d’anticipation du potentiel humain des organisations, le
manque de leadership organisationnel et de professionnalisme du

94
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

management, les défaillances dans la synchronisation des actions


stratégiques, une stimulation insuffisante des acteurs et le manque
d’exigence partagée. Dans le fond, cette méthodologie est fondée sur
le recyclage des déperditions d’énergie humaine en énergie straté-
gique qui revitalise l’organisation par la mise en œuvre de nouvelles
actions. C’est sur cette énergie renouvelée que le leadership s’ap-
puiera pour entraîner et dynamiser les équipes et les projets straté-
giques. En d’autres termes, la démarche apporte de l’énergie aux
acteurs et constitue un levier de changement sur lequel le leadership
organisationnel comptera dans une perspective de transformation.
Cette théorie de l’entreprise et du leadership socio-économique
implique une tentative de pacification contractuelle qui suppose la
reconnaissance des acteurs comme vecteurs essentiels des progrès
de l’entreprise. D’une certaine façon, on est bien dans la perspective
d’un leadership transformateur, partagé et communautaire.
Nonobstant, il convient aussi d’analyser plus en détail la diversité
des situations de management auxquelles sont confrontés les leaders
pour justifier le développement d’un leadership situationnel au sens
du célèbre modèle de Hersey et Blanchard.

6
Sec­­tion La thÉorie du leadership
situationnel
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ce modèle développé par Paul Hersey et Ken Blanchard est pro-


bablement l’un des plus célèbres. Un peu comme la pyramide de
Maslow, on peut considérer que c’est son pouvoir pédagogique qui
explique en partie son succès. Cette approche montre comment un
leader peut ajuster son style de leadership afin de s’adapter au
niveau de maturité et d’autonomie de ses collaborateurs. Au sens
de Hersey et Blanchard, maturité et autonomie désignent la com-
pétence mais aussi l’engagement d’un individu vis-à-vis d’une
activité. On est totalement ici dans l’idée de contingence dans le
sens où le modèle se focalise sur les caractéristiques des collabo-
rateurs et en particulier leur maturité, leur confiance en eux et dans
le management. Généralement, la maturité est de deux sortes : la
maturité psychologique (confiance en soi, sûreté de soi, équilibre)

95
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

et la maturité professionnelle (compétences techniques, habiletés


et savoir-faire ou Soft Skills, talent individuel). Les auteurs concep-
tualisent quatre comportements de leadership qui vont de la direc-
tivité à la délégation totale. Le comportement managérial le plus
efficace est celui qui intègre bien le degré de compétence et d’im-
plication du collaborateur mais aussi son niveau de maturité pro-
fessionnelle (besoin de conseil) et/ou psychologique (besoin de
soutien).

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Source : Hersey P. (1985), The Situational Leader,


New York, Warner Books

Figure 3 – La matrice de Hersey et Blanchard

96
Les théories de la contingence   ■  Chapitre 3

La modélisation proposée est finalement très explicite. Il est


évident que si les collaborateurs sont peu compétents et impliqués,
le leader devra être directif voire autoritaire. En revanche, si les
collaborateurs sont formés, compétents et motivés, le leader pourra
mettre en place des pratiques de délégation adaptées. En l’absence
de motivation, le leader pourra aussi apporter un soutien psycho-
logique pour chercher à dynamiser ses collaborateurs. Au total,
l’approche de Hersey et Blanchard permet d’identifier et de discu-
ter quatre formes de leadership : le leadership autoritaire, le lea-
dership de motivation, le leadership de participation et le leadership
de délégation. D’une certaine façon, le leader se comporte comme
un adulte vis-à-vis de ses enfants qui progressent lentement en
maturité et en responsabilité. Le style de leadership en ce sens va
du plus directif au plus détendu. Au total, les clés de l’efficacité du
style de leadership dépendent totalement dans ce modèle des capa-
cités et de la motivation des collaborateurs. Le leader peut être
particulièrement bienveillant pour favoriser l’implication et l’enga-
gement dans le travail des collaborateurs.
Ce modèle est fondamental car il reconnaît le rôle central dans le
leadership des salariés dont un leader a la charge. Le style de leader-
ship peut compenser leur manque de compétence ou de motivation.
Les recherches récentes sur le leadership remettent en partie en cause
la pertinence de ce modèle qui reste très discuté malgré son succès
dans les écoles de management et les programmes de formation conti-
nue de type Executive MBA. Le caractère pédagogique et intuitif de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

cette approche explique en grande partie cette popularité dans les


formations même si la notion de participation est certainement à
creuser. C’est également en ce sens que se développeront les
approches contemporaines.

97
Chapitre 3  ■ Les théories de la contingence

L’essentiel
Avec l’ouverture internationale et le développement des échanges
sur le plan mondial, de nombreux chercheurs sur le leadership ont
été fortement influencés par la théorie de la contingence structurelle
(en particulier les travaux de Lawrence et Lorsch de Harvard).
Progressivement, la perspective d’une théorie contingente du
leadership est apparue. D’abord avec Fred Fiedler qui suggère
d’étudier les styles de leadership en fonction de la situation dans
laquelle se trouvent les collaborateurs. Cette situation est simple
ou complexe ; les activités sont fortement structurées ou pas et
l’exercice du pouvoir est plus ou moins autoritaire. Cela permettra
à Fiedler d’avancer la thèse selon laquelle ce sont les leaders les
plus adaptés à une situation qui obtiennent les meilleurs résultats
sur l’efficacité et l’efficience, mais aussi sur la satisfaction au
travail.
Un peu dans la même perspective, Hersey et Blanchard proposent
un modèle devenu célèbre sur le leadership situationnel. L’idée
centrale est que le mode de leadership dépend avant tout des
caractéristiques des collaborateurs. S’ils sont compétents et
motivés, on peut envisager un leadership de délégation ou de
participation. En revanche, s’ils sont peu compétents et peu
motivés, il faudra plutôt mettre en place un leadership autoritaire
ou de motivation.
D’autres travaux peut-être plus prometteurs portent sur la nature
même de l’échange entre leader et followers et indiquent que la
performance semble liée au caractère nourri et réciproquement
fructueux de ces échanges entre supérieur et subordonnés
(Dienesch, Liden, 1986 in Academy of Management Review,
Graen, Uhl-Bien, 1995 in Leadership Quaterly). Ces recherches
apparaissent plus convaincantes car elles envisagent le leadership
sous l’angle de la singularité des relations interpersonnelles et des
échanges leader/followers ; on est presque aussi dans la perspective
d’analyse que l’on trouve dans les nombreuses recherches sur
l’implication et l’engagement au travail (Allen et Meyer, 1990).

98
4
Chapitre Leadership
et management
dans un monde
qui change

« En dépit de tout ce que l’on peut vous raconter, les mots
et les idées peuvent changer le monde. »
Pr. John Keating dans Le Cercle des poètes disparus
de P. Weir, 1989
« Le leader doit savoir apprécier la vie, être conscient de
la réalité, sans se faire enfermer dans le cynisme et l’aigreur
que peut provoquer la conscience de la vanité probable
de nos efforts. Il doit savoir goûter les charmes des joies
simples et apprécier la gloire de la volonté humaine. »
James G. March, 2003

Objectifs
Ce monde qui change voit émerger une transformation digitale et
de nouvelles formes organisationnelles au sein desquelles le travail
devient plus coopératif, avec des modes de management fondés sur
davantage de partage, de prise en compte des émotions et de logiques
de renforcement de capacité. On assiste aussi au développement de
travaux et de réflexions passionnantes autour de la spiritualité et du
management. Ce dernier chapitre vise à :
 clarifier la prise en compte de l’intelligence émotionnelle dans la
compréhension du leadership ;

99
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

 expliciter l’approche transformationnelle du leadership et ses


apports au management contemporain ;
 développer les apports de G. Hamel, H. Mintzberg et J. March pour
tendre vers un leadership 2.0 ;
 discuter de la pertinence du « servant leader » et du leadership
spirituel.

Sommaire
Section 1 Les approches contemporaines du leadership : émotions
et néocharisme
Section 2 Le leadership transformationnel et visionnaire
Section 3 Les théories positives du leadership
Section 4 Leadership et management : les apports de Hamel,
Mintzberg et March
Section 5 Leadership et altérité : du « servant leader » au
leadership spirituel
Section 6 Steve Jobs et Mark Zuckerberg : leadership et méthodes
de management

R efuser le conformisme pour promouvoir l’avènement


d’idées nouvelles, de concepts originaux et de méthodes de
travail repensées : tel pourrait être le projet intellectuel et pragma-
tique de l’approche du leadership au xxi e siècle. L’entreprise
contemporaine a incontestablement besoin en effet de la qualité du
leadership pour demeurer un lieu de création de richesse important
mais aussi pour une meilleure qualité de vie au travail, plus créative
et plus intense. Selon James March (2003), la question de la pro-
duction de leaders de qualité et l’amélioration des pratiques de
leadership sont un des enjeux importants de l’économie contem-
poraine. C’est peut-être l’une des raisons qui fait que les approches
récentes du leadership semblent revenir sur les traits de personna-
lité. Les leaders contemporains seraient plus créatifs, plus

100
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

responsables et surtout plus authentiques que leurs aînés. Cela reste


bien sûr à démontrer, même si les théories positives du moment se
réfèrent aux valeurs, à l’humanisme ou à l’intelligence. En ce sens,
les approches les plus récentes du leadership tendent à revenir aux
traits de personnalité des leaders et à leur éthique personnelle. On
s’orienterait presque vers une approche néocharismatique du lea-
dership au sens de House (2013). De manière générale, les
recherches penchent vers ce que l’on appelle souvent un « leader
inspirant », le leader étant un individu capable d’inspirer les autres
par ses émotions, ses idées, ses attitudes ou ses comportements.
On développera ici plusieurs approches contemporaines du leader-
ship : le leadership émotionnel avec les travaux de Goleman, le
leadership charismatique, le leadership transformationnel et le lea-
dership spirituel. Dans une seconde partie, nous reviendrons sur la
distinction qu’il y a entre leaders et managers et les complémenta-
rités possibles ; en ce sens, nous examinerons la pensée de trois
auteurs clés dans le domaine : Garry Hamel, Henry Mintzberg et
bien sûr James March. Enfin, nous terminerons cet ouvrage sur
l’étude de la relation qu’il y a entre leadership et altérité mais aussi
sur la question du développement du leadership dans la perspective
de la postmodernité. Cette troisième partie du chapitre sera en par-
tie consacrée à une approche séduisante et actuellement très discu-
tée : le leadership spirituel.
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Sec­­tion
1 LES APPROCHES CONTEMPORAINES
DU LEADERSHIP : ÉMOTIONS
ET NéOCHARISME

1 
Le leadership émotionnel et les travaux
de Goleman

Chercheur américain, diplômé de Harvard et docteur en psycho-


logie clinique, Daniel Goleman (1946-…) a longtemps travaillé
sur le leadership et ses conséquences sur la performance des orga-
nisations. Passionné par les sciences du comportement, il est

101
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

également connu pour ses travaux et pour son livre majeur sur
l’intelligence émotionnelle, paru en 1995. Longtemps journaliste
au New York Times, Goleman suit l’actualité des leaders depuis
toujours. Pour Goleman (2000), un leader de qualité possède un
ensemble de compétences relationnelles ainsi que des qualités per-
sonnelles distinctives. Auteur de plusieurs articles dans le domaine,
il publie notamment Leadership That Gets Results en 2000 dans
la Harvard Business Review. Son tout dernier ouvrage publié chez
Harper en 2015 est plus normatif : Focus. The Hidden Driver of
Excellence. C’est en 2002 qu’il publie un ouvrage majeur sur le
leadership : Primal Leadership : Realizing the Power of Emotional
Intelligence. Dans cet ouvrage, il établit explicitement le lien qu’il
fait entre style de leadership et intelligence émotionnelle (son
second grand thème de recherche). Le leadership émotionnel ren-
voie à la prise en considération de l’intelligence émotionnelle dans
la prise de décision. Historiquement, les premiers travaux sur le
sujet datent de Salovey et Mayers (1990, 1997). Goleman (2000)
s’appuie sur leurs travaux pour développer avec succès le concept
d’intelligence émotionnelle et ses relations avec les styles de lea-
dership. Ses recherches personnelles le conduisent d’abord à iden-
tifier et à discuter six styles de leadership liés aux caractéristiques
personnelles des dirigeants. Ces styles ne sont d’ailleurs pas vrai-
ment exclusifs mais peuvent être partiellement combinés dans
l’exercice du leadership.

1.1  Le leader directif

Il correspond dans la typologie au style le plus autoritaire, laissant


peu de place à l’autonomie des collaborateurs et à la prise d’initia-
tives. Le leader cherche ici à imposer sa volonté sans discussion
possible ni marge de manœuvre pour ses subordonnés. Il pratique
avant tout le micro-management en cherchant à faire réaliser des
tâches et à contrôler leur bonne exécution. Il n’a pas de réelle vision
globale et met en quelque sorte son groupe sous pression.
Incontestablement, ce style de leadership ne favorise pas la confiance
chez les collaborateurs, ni la quête de sens. Par contre, il peut per-
mettre dans certains cas d’obtenir des avancées rapides et significa-
tives. Ceci dit, ce style peut aussi se heurter à de la résistance au

102
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

changement et semble inadapté si le travail à réaliser est complexe


et implique la créativité des collaborateurs. Combiné avec d’autres
styles de leadership comme le visionnaire et le participatif, il peut
apporter efficacité et équilibre social.

1.2  Le leader chef de file

Moins autoritaire que le précédent, ce type de leadership vise


l’excellence chez les collaborateurs et recherche ainsi un haut niveau
de performance. Davantage centré sur les résultats à atteindre que
sur l’ensemble, il impulse un rythme de travail à ses équipes et se
présente comme exemplaire. Modèle de référence pour ses collabo-
rateurs, il est très exigeant et peut donc aussi susciter le décourage-
ment ou le désengagement. En effet, seuls les subordonnés qui suivent
pourront conserver leur implication, les autres pourraient être démo-
tivés avec le sentiment de ne pas pouvoir suivre. Ce style apporte
comme avantage décisif d’obtenir des résultats significatifs mais ne
favorise pas l’autonomie, l’empowerment, ni le développement des
compétences et des équipes. Utile pour obtenir des résultats signifi-
catifs rapidement à partir d’une équipe compétente et motivée, ce
modèle ne peut fonctionner que si celle-ci respecte son leader réfé-
rence. Pertinent dans certaines situations, ce style peut se combiner
avec le visionnaire qui apporte de la passion et le collaboratif qui
contribue à la cohésion.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.3  Le leader visionnaire

Très séduisant et vecteur de passion et d’enthousiasme, le style


visionnaire est fondé d’abord sur les qualités personnelles d’un
leader charismatique. Il apporte une vue d’ensemble et globale et
donne du sens ainsi qu’une direction générale. Si le leader charis-
matique apporte le pourquoi des choses, il compte sur ses meilleurs
collaborateurs pour se préoccuper du comment. Dans cette pers-
pective, les équipes de travail doivent mettre en œuvre la stratégie,
identifier des solutions pertinentes et viables et contribuer ainsi à
une performance durable. Le leader apporte l’inspiration et les
valeurs indispensables à la viabilité du projet. Il a un impact fort

103
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

sur ses collaborateurs par sa vision inspirante et son projet porteur


de sens pour tous les acteurs. Si cette approche du leadership pré-
sente peu d’inconvénients, il convient tout de même de souligner
que la vision ne doit pas être trop abstraite ou théorique (dans le
mauvais sens du mot). Elle doit pouvoir se traduire par un plan
d’action source de progrès. En période de crise, cette méthode de
management n’est pas optimale car elle manque souvent de direc-
tivité et d’efficience. Ceci dit, elle permet de montrer le chemin et
de galvaniser les foules.

1.4  Le leader collaboratif

Il s’agit d’une personne qui cherche l’harmonie et les conditions


d’une meilleure cohésion. Dans cette perspective, le but principal est
d’encourager les interactions et de comprendre les désirs d’une
équipe. Pour réduire les conflits et satisfaire d’abord les collabora-
teurs, le leader pourra mettre en place des séminaires de team-buil-
ding en vue de susciter de la confiance et de l’engagement affectif.
Ce style de leadership est parfois inadapté aux personnes qui
recherchent une forte valorisation individuelle car il favorise plutôt
le collectif. D’une certaine façon, il est trop doux pour des personnels
très performants qui visent des résultats spectaculaires et immédiats.
Ce style de leadership est adapté pour créer de la motivation collec-
tive et améliorer le climat social et l’atmosphère de travail. Il peut
avoir des effets positifs sur des équipes d’experts habitués à travail-
ler seuls. Pour Goleman (2000), il faudrait idéalement l’associer au
visionnaire pour donner davantage de sens au collectif.

1.5  Le leader participatif

À l’écoute avant tout des collaborateurs et de leurs suggestions, ce


style de leadership est d’abord à la recherche du consensus et de
l’intelligence collective. Il s’agit d’une méthode de management qui
suscite la discussion, le dialogue et une attitude ouverte et construc-
tive. Créativité et innovation sont particulièrement attendues suivant
cette approche particulière du leadership. Les observateurs attribuent
généralement ce mode de management aux entreprises à la recherche
d’idées nouvelles et de nouveaux apports potentiellement utiles dans

104
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

une perspective de développement organisationnel (au sens de W. G.


Bennis ou de R. Beckhard). Ce style de leadership fondé sur l’empa-
thie est intéressant pour obtenir du consensus, une certaine unanimité
mais ne produit que rarement des résultats rapidement. Son efficacité
n’est possible qu’à moyen terme car il suppose un certain niveau
d’apprentissage et d’assimilation par les collaborateurs.

1.6  Le leader coach

Le coach est une personne qui aide les collaborateurs à progresser.


D’une certaine façon, on peut considérer que le leader coach inves-
tit sur les personnes dans le sens où il cherche avant tout à les aider
à progresser et à corriger leurs faiblesses. Son action se situe plutôt
à moyen et long termes et vise la construction d’équipes de travail
autonomes et compétentes. Particulièrement complexe à mobiliser,
ce style de leadership génère de la satisfaction au travail car il est
aussi fondé sur le soutien psychologique des collaborateurs. Cela dit,
il est difficile d’orienter les individus tout en leur laissant de l’auto-
nomie ou de la liberté. Cependant, il s’agit d’une posture fondée sur
la bienveillance qui peut stimuler tout un chacun dans la recherche
de l’amélioration. Peu efficace pour obtenir des résultats dans l’im-
médiat, le leadership coach n’est pas du tout adapté au micro-mana-
gement qui consiste avant tout à faire exécuter un ensemble de tâches
à des collaborateurs. Pour autant, on sait aujourd’hui que le coaching
a aidé beaucoup de personnes à développer leurs ressources en situa-
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tion de travail, à renforcer leurs capacités et à améliorer leur produc-


tivité à moyen terme.
L’approche de Daniel Goleman (2000) se distingue de l’autorité et
repose sur une définition du leadership désignant la faculté de mobi-
liser, par l’influence, une personne ou un groupe de personnes vers
un objectif. Goleman a également cherché à mesurer l’impact de
chacun des styles sur le moral des équipes (climat social, atmosphère
de travail, satisfaction au travail). Finalement, deux styles ont un
impact particulièrement positif : le style visionnaire et le style col-
laboratif. En revanche, le style directif est globalement perçu néga-
tivement car il implique une pression sur les collaborateurs qui
appliquent des procédures sans aucun sentiment de responsabilité

105
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

personnelle. En définitive, il est important aussi de relever dans les


travaux de Goleman la nécessité pour un leader dans l’action de mixer
son style pour s’adapter à différents contextes tout en ayant son style
propre et personnalisé. Il s’agit aussi de passer avec agilité d’un style
à l’autre en fonction des situations, des personnes et des contextes.
Les clés de l’efficacité du leadership semblent ainsi liées à leur uti-
lisation de la meilleure des manières. On est bien dans la perspective
de la prise en compte de l’intelligence émotionnelle et de sa contri-
bution majeure à l’amélioration du mode de management des orga-
nisations contemporaines.

2 
Le renouveau du leadership charismatique

Il faut remonter à Max Weber (Économies et Sociétés, 1922) pour


trouver une définition convaincante du charisme, à savoir « la qualité
extraordinaire d’un personnage doué de forces ou de caractères sur-
naturels ou surhumains ». Cette conception du leadership s’inscrit
dans le prolongement des théories de l’attribution et repose sur
l’exemple de grands personnages (Charles de Gaulle, John Fitzgerald
Kennedy) à partir desquels les subordonnés, face à certains compor-
tements, attribuent au leader des compétences extraordinaires ou
héroïques. Il existe beaucoup de recherches sur le sujet mais géné-
ralement, on tend à distinguer cinq caractéristiques considérées
comme essentielles (Conger, Kanungo, 1988) : la vision, la prise de
risque, la sensibilité environnementale, la sensibilité aux besoins des
subordonnés et le comportement non conformiste. De façon générale,
les études convergent aussi vers l’idée que le leader développe une
vision séduisante, donne de l’ambition et réussit à convaincre les
collaborateurs des chances de succès de la stratégie à suivre. Il est
finalement exemplaire et on observe dans beaucoup de cas une cor-
rélation entre le leadership charismatique et l’augmentation de l’ef-
ficacité et de la satisfaction des collaborateurs. Les travaux plus
récents de Conger, Kanungo (1998) en Californie confirment cette
orientation. Le charisme du leader conduit à obtenir davantage d’ef-
forts pour plus de résultats et la dimension affective conduit à l’aug-
mentation sensible de la satisfaction au travail. Si le charisme est
donc bien un déterminant essentiel pour la performance du leader,

106
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

pourquoi ne pas développer des programmes de formation dans cette


direction ? Tout simplement car la présence d’un leader charismatique
n’est pas toujours la réponse la plus adaptée à des situations d’entre-
prise complexes. D’autres dimensions entrent également en ligne de
compte comme la complexité de la technologie, le dynamisme de la
concurrence ou encore l’incertitude des marchés.

2
Sec­­tion Le leadership transformationnel
et visionnaire

1 
Le leadership transformateur

Des travaux de recherche approfondis et récents (Bass, 1990 ;


Boudrias, Brunelle, 2015) mettent en avant la distinction entre le
leader transactionnel et le leader transformationnel et reviennent sur
les traits caractéristiques des leaders transformateurs. Cette distinc-
tion a été introduite pour la première fois par Burns (1978). Le lea-
der transactionnel reconnaît que ses collaborateurs ont des attentes
de récompenses et les satisfera en conséquence si les résultats sont
convenables. On est bien dans la transaction et l’échange ici. La
transaction porte bien sur l’intérêt immédiat du collaborateur en
termes de récompense. Le leader transformateur s’inscrit dans une
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

logique différente dans la mesure où il revitalise une organisation et


cherche à métamorphoser les salariés par sa vision, son charisme,
son style et son projet. De façon assez classique, les premiers orientent
et motivent leurs collaborateurs en vue de développer leurs perfor-
mances. Les seconds stimulent leur équipe en incitant les collabora-
teurs à transcender leur intérêt personnel et surtout exercent une
influence profonde et durable.
Les leaders transformateurs changent le regard que les collabo-
rateurs peuvent avoir sur le monde qui les entoure, leur conception
de l’entreprise et des projets ou du travail et conduisent à une
métamorphose de leurs collaborateurs. D’une certaine façon, on
peut considérer qu’ils utilisent la stimulation intellectuelle pour
encourager les personnes à penser différemment (l’exemple de

107
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

Steve Jobs semble significatif sur ce point). D’après les travaux de


Bennis et Nanus (1985) et de Bass (1990), le leader transformateur
présente quelques traits caractéristiques précis : le charisme et la
vision, l’inspiration et le partage de l’information, la stimulation
intellectuelle et l’activité cérébrale ainsi que la considération indi-
viduelle en apportant soutien et conseils. Le leader transformation-
nel est capable de susciter la confiance en se montrant fiable
vis-à-vis de ses collaborateurs. Il est aussi capable de se réaliser
pleinement en s’appuyant sur une forte confiance en lui car il
connaît bien ses aptitudes et ses points forts. Il est également lucide
quant à ses points à améliorer.
Des travaux de recherche récents (Boudrias, Brunelle, 2015) visent
à se demander « Qui sont les leaders transformationnels ? » et à ques-
tionner une « panoplie d’antécédents » que l’on pourrait significati-
vement associer à l’émergence du leadership transformationnel. Les
auteurs de l’étude distinguent trois catégories d’antécédents : les
antécédents liés à la personnalité, au contexte ou à la motivation. Sur
le plan de la personnalité, un leader transformationnel serait parti-
culièrement sociable et à l’écoute des autres avant de décider. On est
assez loin du leader doté de qualités extraordinaires et perçu en tant
que tel par ses collaborateurs. Au niveau des antécédents liés au
contexte, on peut identifier un leader transformationnel dans le sens
où il a su créer une culture organisationnelle d’innovation, de dépas-
sement et d’initiative. Il valorise à la fois une culture humaniste de
soutien aux personnes tout en fixant des objectifs très élevés. Enfin,
les antécédents liés à la motivation montrent que c’est surtout l’im-
plication du leader envers ses collaborateurs qui est un facteur moti-
vationnel clé favorisant l’essor du leadership transformationnel. Cette
recherche montre également que la combinaison entre des qualités
personnelles attendues du leader (extraversion, souci modéré du
détail) et sa motivation à s’impliquer et à apprendre dans un contexte
de culture d’innovation représente les conditions favorisant l’émer-
gence de ce type de leaders (Boudrias, Brunelle, 2015). En réalité,
le leader transformationnel pourrait être beaucoup plus commun que
ce qu’une partie de la littérature managériale laisse entendre (Burns,
1978 ; Bennis, Nanus, 1985).

108
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

En définitive, l’approche transformationnelle – par opposition à


l’approche transactionnelle – a un impact profond sur les collabora-
teurs, leurs attitudes et leurs comportements et impacte de façon
décisive leur parcours professionnel. Des travaux récents montrent
aussi que le leadership transformationnel crée de la confiance au sein
d’une organisation et qu’il a un impact positif sur l’absentéisme et
la rotation du personnel (Plane, 2014). Il semblerait qu’il puisse
renforcer l’estime de soi, la productivité et la satisfaction au travail.
Finalement, la théorie transformationnelle, comme le relève Dejoux
(2014), repose sur quatre principes majeurs : le leader a une vision
qu’il explicite en vue d’influencer positivement son équipe, il est
inspiré et exemplaire, il est motivationnel et peut coacher certains
collaborateurs en cas de besoin. Au fond, le leadership transforma-
tionnel semble présenter toutes les caractéristiques d’une approche
universelle mais a aussi pour limite le caractère très homogénéisant
de la vision du dirigeant ou de l’entrepreneur.

2 
Le leadership visionnaire
et l’approche de Koestenbaum
2.1  Le concept de vision

Le concept de vision occupe une place importante dans la littérature


en management stratégique (voir par exemple Mintzberg, 1990 ou
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

encore Schein, 1992). Henry Mintzberg a pendant longtemps opposé


la vision à la planification stratégique, notamment pour montrer les
effets de levier et de tension créés par une représentation pertinente et
enviable du futur. Il y a presque de la déviance et de la démesure dans
l’idée de vision stratégique. Il s’agit de la capacité à se projeter dans
un avenir désirable ; il semble à peu près clair que la vision stratégique
dépend de la qualité des intuitions d’un dirigeant. Les intuitions mais
aussi les valeurs jouent bien un rôle déterminant dans la formulation
de la vision. Dans le fond, le leadership visionnaire s’inscrit dans une
époque, un contexte et une perspective qui vont refléter d’une certaine
manière la culture d’une entreprise ou d’une organisation. On citera
volontiers Henry Ford et le modèle fordiste, Steve Jobs et la fondation
de Apple, Tom Watson et IBM ou encore Jeff Bezos et Amazon.

109
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

La vision doit ouvrir des perspectives inspirantes, singulières et


presque reposer sur un modèle économique et organisationnel. Elle
doit aussi être mobilisatrice pour les collaborateurs. D’une certaine
manière, la vision doit être ambitieuse mais réalisable aux yeux des
collaborateurs et des partenaires de l’entreprise. Elle incarne finale-
ment un mélange de rêve et de pragmatisme, de créativité et de
chemin à suivre. Le leader visionnaire doit être capable de pédagogie
et de clarté en exprimant verbalement sa vision de façon à ce qu’elle
puisse faire sens pour les collaborateurs. Le comportement du leader
doit aussi être en cohérence avec la vision explicitée. Toute forme
de dissonance ne semble pas souhaitable car il aurait pour consé-
quence de brouiller le chemin proposé. Par ailleurs, le leader doit
être capable de s’adapter à différents contextes et surtout de sérier
les activités de l’entreprise de manière à ce que la vision puisse
s’adapter à des situations différentes mais complémentaires. D’une
certaine façon, la qualité de la vision va contribuer à unifier l’entre-
prise, à lui donner une cohésion et à contribuer à un management
intégrateur. Dans le fond, le leadership visionnaire stimule l’organi-
sation par la perspective d’un avenir désirable, d’un rêve à la mesure
de tout un chacun dans l’organisation.

2.2  L’approche du leader visionnaire de Koestenbaum

Le docteur Peter Koestenbaum, savant diplômé de Harvard et de


Stanford, travaille sur la question du leadership depuis de nombreuses
années. En 1991, il publie un ouvrage sur le leadership qui produit
beaucoup d’effet, notamment auprès des praticiens du management :
Leadership : The Inner Side of Greatness: A Philosophy for Leaders
traduit en français en 1993 : Les quatre vérités du management : vision,
éthique, courage, réalité. L’ouvrage – qui sera actualisé et enrichi en
2010 – s’appuie sur plus de dix ans de recherche sur la question et est
fondé sur des rencontres avec de très nombreux chefs d’entreprises et
leaders du management. L’approche est centrée sur l’esprit de grandeur
de leadership et repose sur une modélisation qui prend la forme d’un
diamant constitué par quatre axes : la vision (un regard nouveau),
l’éthique (l’intégrité), le courage (être libre et responsable) et la réalité
(affronter la vie en s’appuyant sur des données factuelles et comprendre
ce que les autres considèrent comme vrai). La méthodologie proposée

110
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

ici repose donc sur un modèle des quatre coins et s’appuie sur ce que
Koestenbaum appelle l’intelligence du leadership, à savoir l’état d’es-
prit requis pour agir. Pour ce dernier, il est nécessaire de développer
cette intelligence au sein de l’organisation pour faire progresser et
grandir les personnes. En ce sens, le facteur clé de succès, décisif pour
l’auteur, est de développer significativement le sentiment de grandeur
dans le leadership de manière à ce que les personnes et l’organisation
parviennent à réfléchir et à agir à la façon des leaders. La grille d’ana-
lyse des fondements du leadership s’appuie sur neuf caractéristiques
qui fondent le leader visionnaire : l’ouverture à l’esprit de leadership,
la force personnelle, la mentalité de leader (vision par la pensée) alliant
perspicacité et efficacité, l’apprentissage par l’entraînement au leader-
ship, l’approfondissement de l’esprit, la prise en charge de la grandeur
du rôle de leader, être à l’affût du changement, développer et généra-
liser le leadership et l’intelligence de leadership, la maîtrise par le
leadership.
Au fond, l’approche de Koestenbaum repose fortement sur la qua-
lité de la vision afin de stimuler « l’esprit de grandeur du leadership »
dans le sens du développement de l’intelligence collective au sein de
l’organisation. Finalement, cette approche annonce aussi le dévelop-
pement du modèle du leadership spirituel qui sera fortement déve-
loppé à partir des années 2000 et qui place au cœur de la
problématique du leadership, la question de la confiance.
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3
Sec­­tion Les thÉories positives
du leadership

Les rôles joués par l’éthique et la confiance dans la manière de


conduire les hommes ont été jusqu’ici assez peu pris en compte dans
les modèles. Pourtant, le monde contemporain tend probablement à
rechercher davantage d’authenticité que par le passé. Le leader
authentique connaît les valeurs auxquelles il adhère et agit à partir
d’une véritable ligne de conduite. Le leader authentique crée de la
confiance autour de lui dans la mesure où ses actions sont guidées
par une éthique qui respecte ses idéaux. D’une certaine manière, il

111
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

cherche à être exemplaire et fidèle à lui-même : il encourage, res-


pecte, exprime librement ses idées. Bref, il provoque la foi chez ses
collaborateurs. Finalement, il est un leader exemplaire et respecté
pour ce qu’il est. Il y a encore assez peu de travaux sur cette dimen-
sion du leadership (Werner, 1987 ; Terry, 1993 ; Ladkin, Taylor,
2010). Bien que discutée depuis plusieurs années, la question de la
confiance reste centrale en sciences de gestion.

1 
Hypocrisie organisationnelle, confiance
et leadership

Pour le praticien de la gestion des organisations, se poser des ques-


tions sur la confiance soulève des problèmes théoriques et pratiques
qui n’ont jamais pu être totalement résolus. L’intérêt théorique de
réfléchir sur la confiance conduit à soulever des contradictions inhé-
rentes à certaines pratiques de management. Par exemple, le cas des
contrats d’abonnement à des opérateurs mobiles mis en cause par
des associations de protection des consommateurs l’indique claire-
ment. En sciences de gestion, la confiance est un objet transversal
qui stimule la pensée et les pratiques de gestion. S’agissant du lea-
dership, la confiance apparaît comme l’un de ses premiers attributs.
Elle suscite une attitude positive ; on peut espérer qu’elle ne générera
pas une attitude opportuniste. En ce sens, les spécialistes du mana-
gement contemporain prônent une gestion plus morale (Business
Ethics) et les approches en termes de gouvernance cherchent à inté-
grer l’intérêt d’une diversité de parties prenantes. Le management
ou la gestion en tant qu’objet devient plus hétérogène et cherche à
trouver des zones de compatibilité suffisantes entre différentes caté-
gories d’acteurs. On tend d’ailleurs à qualifier le management de
plus furtif, plus fugitif et plus singulier. Finalement, l’intégration de
la confiance en tant que paramètre dans le mode de management
constitue probablement aujourd’hui un des rôles clés du leader de
demain.
Si l’on s’intéresse à la transformation du rôle des leaders pour le
xxie siècle, la prise en compte de la confiance est sûrement fonda-
mentale. D’un point de vue externe à l’entreprise, la création de la

112
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

confiance se pose aussi avec ses principaux partenaires : clients,


fournisseurs, institutions bancaires et de crédit. Comment générer de
la confiance au moins à moyen terme ? Finalement, confiance et lea-
dership posent toute une série de problèmes d’une actualité brûlante
mais aussi soulèvent des questions qui existent depuis la nuit des
temps : ne se posaient-elles pas déjà au marchand phénicien ?
La question de la confiance se traduit bien par une relation conflic-
tuelle, par des contradictions, des paradoxes, des dilemmes à résoudre.
Un conflit qui oppose bien sûr… mais d’une certaine manière, un
conflit qui réunit. Opposition d’un côté, réunion de l’autre, ceci nous
conduit naturellement à avancer les dimensions clés qui sous-tendent
le concept de confiance : la compétence, la cohérence, la loyauté,
l’ouverture et l’intégrité. La compétence désigne d’abord une attitude
globale et intelligente face à des situations de plus en plus com-
plexes ; elle englobe les compétences comportementales, relation-
nelles et techniques. La cohérence entre le dire et le faire, cela importe
pour un individu au travail ; la confiance peut d’ailleurs être aussi
une condition préalable à l’implication au travail. Il s’agit avant tout
d’éviter l’hypocrisie organisationnelle au sens de Nills Brunsson
(2002), situation dans laquelle les acteurs ne croient plus à la parole
du leader. La loyauté d’un individu désigne un comportement dénué
d’opportunisme et caractérisé par la fiabilité et la fidélité. L’ouverture
peut être analysée comme la capacité d’un individu au travail de dire
la vérité et de faire preuve de sincérité. L’intégrité est liée à la valeur
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morale de la personne et représente en quelque sorte la sincérité


perçue ; il s’agit incontestablement d’une dimension essentielle du
leadership contemporain. Au total, il apparaît dans beaucoup de
recherches que l’honnêteté est un paramètre très important dans la
dynamique du leadership et du management d’équipe.

2 
Confiance et théorie des organisations

En théorie des organisations, la question de la confiance se pose


dans de nombreuses analyses. Pour limiter les comportements oppor-
tunistes, la théorie de coûts de transaction développée par Williamson
préconise le recours à la transaction interne, à la hiérarchie et au

113
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

contrat. La théorie de l’agence développée par Jensen et Meckling


montre également que des problèmes de confiance peuvent se poser
entre dirigeants et actionnaires ; on parle alors de coûts d’agence. On
peut aussi remonter aux travaux fondateurs de Berle et Means qui
s’interrogent sur les effets de la séparation entre propriété et contrôle
des entreprises dès 1932. Des conflits d’intérêts peuvent naître, don-
nant lieu à des coûts d’agence. C’est l’Ubris (l’orgueil) des dirigeants,
leur volonté de puissance (au sens de Nietzsche) qui peuvent dans de
nombreux cas aller à l’encontre d’une logique de maximisation de la
valeur de l’action. Enfin, la théorie des droits de propriété présente
l’intérêt de montrer que l’entreprise est une forme d’organisation effi-
ciente de la production en équipes. Il y a production en équipes quand
le produit est le résultat de la coopération et de la confiance de diffé-
rents agents. C’est manifestement ce qui s’est produit bien plus tard
chez Renault où la conception de la Twingo s’est aussi appuyée sur
des capacités de coopération entre différentes catégories d’acteurs
relevant de métiers différents par ingénierie simultanée. La confiance
entre différentes catégories d’acteurs sur un plateau n’a-t-elle pas
permis d’imaginer et de concevoir un produit compétitif ?

3 Leadership et contexte d’hypercompétition

L’évolution de la pensée et des pratiques de gestion s’inscrivent


toujours dans un contexte économique et historique donné. Dès
1994, Richard D’Aveni imagine le concept d’hypercompétition. Il
le développera et le systématisera en 2002. L’hypercompétition
positionne les entreprises dans une situation où il y a lieu de conju-
guer plus vite que la concurrence des avantages concurrentiels non
définitifs. C’est bien la simultanéité et la conjugaison d’avantages
concurrentiels non durables qui caractérisent le phénomène d’hy-
percompétition mondialisée. Pour les compétiteurs, l’objectif pre-
mier consiste désormais à créer de la perturbation. Suivant la
pensée de D’Aveni, les firmes cherchent à agir sur cinq leviers
d’action en constante évolution : le rapport coût/qualité, le temps,
le savoir-faire, la capacité financière et les barrières à l’entrée
(D’Aveni, 2002). L’exemple de l’entrée de Free dans le marché de
la téléphonie mobile en France en est une illustration. Dans quelle

114
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

mesure l’acquisition d’une nouvelle licence d’exploitation pour une


somme considérable peut-elle être décisive du point de vue de la
compétitivité ? Force est de constater que le contexte d’hypercom-
pétition interroge la place de la confiance et du leadership dans le
management. Les entreprises et les organisations sont confrontées
à un management en mouvement ainsi qu’à des contradictions nou-
velles qui se posent aux managers.

4 Un management en mouvement :


les stratégies d’intention

Dès la fin des années 1980, Hamel et Prahalad ont mis en avant
l’originalité des stratégies d’intention. Pour cela, les auteurs se sont
appuyés sur un cas devenu célèbre : le cas de Canon. Les stratèges
de Canon ont cherché à bouleverser le champ de bataille (le jeu
concurrentiel) par de nouvelles armes concurrentielles (la diversité
des produits, une combinaison efficiente coût/qualité, l’innovation).
À travers leur analyse du cas de Canon et de la pensée de Hamel
et Prahalad, Saias et Métais montrent bien que la firme japonaise,
par la confiance en ses ressources et ses compétences centrales, a
transformé par une stratégie de mouvement (a priori plus risquée
qu’une stratégie de position) le jeu concurrentiel à son profit. Plusieurs
axes d’action montrent une grande confiance en ses capacités (Saias,
Métais, 2001). En premier lieu, la confiance dans une vision du futur,
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

c’est-à-dire un avenir désirable. La vision de Canon relève manifes-


tement davantage du rêve que de la prospective. Elle se caractérise
par une certaine démesure, voire une déviance, elle s’appuie para-
doxalement sur une situation de carence de ressources, un vide entre
le présent et le futur et sur un sentiment d’insatisfaction et d’incom-
pétence au sens de Schein. Une telle situation de carence a généré
par un processus de confiance en l’avenir un double effet.
Premièrement, un effet de tension qui revient à chercher à mobiliser
de façon nouvelle des ressources. Ceci traduit un comportement
d’innovation. Deuxièmement, un effet de levier qui vise à maximiser
l’usage des ressources existantes. En second lieu, Canon a fait
confiance à ses compétences centrales et ses savoirs ainsi qu’à ses
capacités organisationnelles pour les utiliser au mieux. Le choix de

115
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

partir des compétences centrales plutôt que des traditionnels domaines


d’activité stratégique (DAS) s’est avéré décisif dans la lutte concur-
rentielle. En effet, c’est dans un environnement devenu turbulent que
les compétences centrales s’avèrent être des points de repère plus
clairs et plus stables que les DAS puisque le cycle de vie des produits
s’est considérablement accéléré ces dernières années. Cette confiance
de la direction japonaise de la firme en sa vision du futur, ses com-
pétences centrales mais aussi ses ressources (notamment la qualité
de ses actifs spécifiques) s’avèrent remarquables et redoutables pour
ses adversaires. Au total, ce sont bien les actifs spécifiques de Canon
(immatériels, tacites et peu imitables) qui lui ont permis de boule-
verser en sa faveur un ordre établi depuis longtemps par les firmes
américaines. Les Japonais ont su renverser des armes concurrentielles
que l’on croyait établies telles que l’expérience ou encore le coût.
En résumé, la confiance en de nouvelles armes stratégiques telles
que la vitesse d’exécution, la prise en compte du temps et de la
diversité de l’offre a été source de gains de compétitivité.
En matière de gestion de production et de contrôle de gestion,
certaines entreprises ont également su adopter une stratégie de mou-
vement par la confiance en leur capacité organisationnelle. Prenons
le cas de Fuji. Dans les années 1990, Fuji sort un nouvel appareil
photo révolutionnaire : le 35 mm jetable. Son principal concurrent
du moment, Kodak, n’a rien de comparable. Cependant, la direction
de Kodak décide de réagir très vite à partir d’une nouvelle méthode
de gestion de production : l’ingénierie simultanée ou concourante.
L’entreprise réunit sur un plateau concepteurs de produits, ingénieurs
de production, contrôleurs de gestion et technico-commerciaux.
L’objectif stratégique est d’accélérer la mise sur le marché d’un nou-
vel appareil photo jetable en mêlant les phases de conception, de
production et de commercialisation du produit. En définitive, il aura
fallu moins de vingt-huit semaines à Kodak pour proposer au marché
un appareil compétitif tout en réduisant son coût de production de
25 %. Ce cas illustre bien la confiance dans la capacité productive
de l’entreprise mais aussi dans sa faculté à relever de nouveaux défis
par sa flexibilité organisationnelle. Finalement, la confiance est bien
un moteur pour une entreprise ayant adopté une stratégie de mouve-
ment, mais elle interroge aussi le manager et son mode de manage-
ment.

116
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

5 Les contradictions posées par la confiance

Du point de vue de la gestion des ressources humaines, le contexte


d’hypercompétition conduit à une évolution rapide des métiers. C’est
dans une telle perspective que le rôle des directeurs des ressources
humaines s’est transformé ces dernières années, comme le montrent
les travaux de D. Ulrich. Pour l’essentiel, Ulrich met en évidence
deux nouveaux rôles qui incombent plus que jamais au DRH : le
management de l’implication et de la transformation (Ulrich, 1997).
Ceci conduit à considérer du point de vue du management des
hommes tant le niveau individuel que collectif, les conditions de
travail que la productivité.
La GRH devient alors une analyse critique de la valeur de l’orga-
nisation mais s’appuie également sur une confiance en la valeur des
personnes qui contribuent au développement de l’entreprise. Par
exemple, le DRH du groupe Schneider (près de 70 000 salariés) a
placé au premier rang de ses priorités stratégiques la nécessité d’une
gestion des compétences en coopération avec les managers d’équipe.
C’est dans une perspective similaire que le groupe Usinor a été l’un
des premiers à avoir mis en place un comité de carrières afin de
chercher à faire coïncider les souhaits d’évolution des salariés et les
plans de la direction. Le groupe a également mis en place depuis
quelques années une politique de gestion de ses cadres à haut poten-
tiel afin de développer leur confiance en l’avenir du groupe et de leur
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

carrière. Dans le même sens, Lafarge propose des solutions d’expa-


triation à un cadre sur quatre et tout ceci ne semble être qu’un début.
Pourtant, un dilemme se pose toujours à ces grands groupes : com-
ment fidéliser durablement les salariés les plus performants dans un
contexte de guerre des talents ? Comment éviter le nomadisme des
cadres, en particulier des plus jeunes ayant du talent ? À la fin des
années 1990, les petites entreprises start-up sont devenues pour les
grands groupes ce qu’est le top model pour l’adolescente : une figure
mythique créatrice de complexes ! Depuis, le phénomène s’est lar-
gement estompé, laissant place à davantage de réalisme.
Dans le fond, c’est probablement en créant de la confiance en
l’avenir de l’entreprise mais aussi en son mode de management des
hommes que les DRH pourront dépasser ces contradictions. En

117
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

définitive, la création et la gestion de la confiance posent bien des


problèmes cruciaux qu’il semble indispensable de dépasser dans un
contexte d’hypercompétition (D’Aveni, 2002) et suivant une logique
d’accroissement de la compétitivité. Cela semble passer inexorable-
ment par le management de la confiance.

4
Sec­­tion leadership et management :
les apports de Hamel, Mintzberg
et march

Peu de choses ont finalement été écrites en français sur les diffé-
rences existantes entre leadership et management. De ce point de
vue, les réflexions récentes de Gary Hamel (2007), de Henry
Mintzberg (2011) ou de James March (2003) contribuent au renou-
vellement de la pensée dans le domaine. La « fin du management »
serait proche suivant Hamel et nous serions « sur-dirigés » et « sous-
managés » en quelque sorte selon Mintzberg. L’apport principal de
Hamel est d’annoncer l’importance d’un renouveau managérial basé
sur la créativité de tous et la recherche permanente de l’innovation.
La contribution de Mintzberg est axée sur l’urgence d’un leadership
intelligent et sur la compréhension du rôle des managers. Mintzberg
participe incontestablement (et depuis longtemps) au renouvellement
de la pensée en management mais également à la stratégie, ce qui
nous semble décisif pour gérer les organisations du xxie siècle. Ses
dernières interventions publiques en faveur du rééquilibrage des sec-
teurs privé et public au sein des sociétés occidentales l’attestent. Par
ailleurs, d’une gestion stratégique des ressources humaines, on
s’orienterait davantage désormais vers un management des personnes
(un Managing People), ce qui légitime d’autant plus le rôle des
coachs (l’accompagnement personnalisé) dans le domaine. Enfin,
March porte un regard curieux et septique sur la question du com-
mandement dans les organisations. Il développe l’idée selon laquelle
il faut saisir aussi la relation entre bien-être individuel et statut du
chef pour comprendre les obligations liées au pouvoir et la dépen-
dance que cela provoque.

118
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

1 
Hamel : l’avenir du leadership
dans un monde qui change

Professeur de management stratégique à la Harvard Business School


et consultant réputé dans le domaine du leadership et de la stratégie
d’entreprise, Gary Hamel remet en cause les principes mêmes du
management contemporain. Les méthodes et les outils du management
tels qu’ils ont été conceptualisés et expérimentés au xxe siècle ne
seraient plus adaptés à la turbulence des environnements concurren-
tiels et mondialisés. Suivant l’auteur, il est fondamental d’inventer de
« nouvelles règles » de management contribuant ainsi à l’émergence
d’un management 2.0. Pour confronter sa thèse, Hamel appuie sa
réflexion sur les cas d’entreprises pionnières en matière de créativité
et d’innovation (le cas de Google étant bien entendu le plus exem-
plaire). L’ouvrage repose tout de même sur de nombreux exemples
recueillis auprès d’une centaine d’entreprises et de secteurs d’activité
différents. Dans une telle perspective méthodologique, le livre soulève
beaucoup de questions pertinentes (par exemple l’opposition concep-
tuelle entre discipline et liberté). Hamel suggère un processus d’inno-
vation permanent pour chercher au cas par cas les meilleures réponses
et les solutions les plus pertinentes compte tenu du contexte mouvant
dans lequel elles se trouvent et de la transformation digitale en cours.
Il propose aussi de remettre en cause nombre d’idées reçues.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.1  Le management est dépassé

Le titre de la version originale de l’ouvrage de Hamel est The


Future of Management. Celui-ci est certes plus optimiste que la tra-
duction française qui en a été faite (La fin du management constitue
finalement un renversement du titre original). Pour autant, le sens de
la traduction française reflète peut-être mieux la pensée de l’auteur
qui annonce que les méthodes managériales contemporaines étouffent
l’innovation et que celles-ci sont finalement devenues nuisibles tant
elles semblent faire obstacle à la réussite des entreprises. L’idée direc-
trice est qu’il y a lieu de repenser profondément le management et
que celui-ci arriverait à saturation. Avec la crise systémique, écono-
mique et financière qui gronde et ses effets désastreux sur la qualité

119
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

de la vie au travail, tous les observateurs avertis mesurent bien


aujourd’hui les limites d’un système libéral et ses effets négatifs sur
les salariés. Ce modèle managérial productiviste encore dominant et
venu pour l’essentiel d’outre-Atlantique ne correspond pas bien aux
valeurs européennes humanistes et démocratiques. Ce modèle de
management ultralibéral présente des traits caractéristiques bien
connus : reporting, indicateurs, évaluation, assessment center, pres-
sion à la performance et à l’efficacité, etc. L’hypercompétition telle
qu’elle a été théorisée par R. D’Aveni s’appuie sur des valeurs en
partie rejetées par les salariés probablement en quête d’autres valeurs
(responsabilité, autonomie, travail collaboratif, développement per-
sonnel, bien-être au travail, prise d’initiatives, etc.).

Exemple – Qualité du leadership et bien-être au travail


Incertitude face à l’avenir mondialisé, peur du déclassement, crise
économique et financière, stress : de multiples facteurs viennent tendre
les relations de travail. Les risques psycho-sociaux sont devenus une
préoccupation majeure de nombreuses directions des ressources
humaines en France. C’est dans la perspective d’une prise de conscience
en marche qu’est paru le rapport « Bien-être au travail et efficacité
professionnelle » à la demande du Premier ministre en février 2010.
Dans ce texte très pragmatique, Henri Lachmann, Christian Larose et
Muriel Pénicaud avancent 10 propositions afin d’améliorer la santé
psychologique des salariés dans les entreprises françaises. Celles-ci
peuvent être résumées de la façon suivante. En premier lieu, l’implication
de la direction générale de l’entreprise et de son conseil d’administration
est indispensable, la santé des salariés est d’abord l’affaire des managers.
En second lieu, il convient de restaurer des espaces de discussion et
d’autonomie dans le travail. Il convient d’essayer de satisfaire les besoins
d’accomplissement des salariés. En troisième lieu, il est indispensable de
s’appuyer sur le dialogue social et les partenaires sociaux mais également
sur les managers de proximité afin que les conditions de santé dans
l’entreprise deviennent l’affaire de tous. Enfin, les auteurs du rapport
insistent sur l’importance de la performance collective et sur l’anticipation
des conséquences humaines des changements organisationnels et/ou
technologiques. Face à de telles situations et à un contexte en perpétuelle
évolution, il convient pour améliorer le bien-être au travail des salariés de
lutter contre l’isolement au travail. En somme, le bien-être dans
l’entreprise semble passer par une meilleure compréhension des attentes

120
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

des individus au travail ainsi que par l’accompagnement des personnes


en difficulté. L’intérêt de ce rapport est de replacer le facteur humain au
centre des débats dans une perspective de prévention des risques psycho-
sociaux que beaucoup de spécialistes français résument autour des trois
S au travail (stress, souffrance, suicide).

Source : H. Lachmann, C. Larose, M. Pénicaud, « Bien-être au travail et efficacité


professionnelle », Rapport à l’attention du Premier ministre, février 2010.

1.2  Vers un leadership 2.0


Le projet intellectuel de Gary Hamel dans son livre est bien « d’ima-
giner l’avenir du management » (p. 113). Cela revient à « déclarer la
guerre aux certitudes héritées du passé » (p. 116). En premier lieu,
l’auteur recommande à ses lecteurs de se poser les bonnes questions
en poussant à l’extrême l’esprit de contradiction. En second lieu et
ceci est un des apports majeurs de l’ouvrage, Hamel suggère de faire
de l’innovation l’affaire de tous et s’appuie principalement sur le cas
d’IBM (p. 201 et suivantes). Le management du xxie siècle est devenu
plus singulier, de telle sorte que chaque entreprise est différente et
que tout dirigeant a ses propres contraintes et évolue dans un contexte
particulier. Celui-ci est peut-être aussi plus fugitif si l’on admet l’idée
qu’il n’y a plus d’avantages concurrentiels définitifs.
Suivant cette analyse, Hamel préconise d’inciter les salariés à don-
ner le meilleur d’eux-mêmes au sein de l’entreprise et d’une certaine
manière de s’appuyer sur leur intelligence des situations de travail
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

et de gestion. Nonobstant, chaque salarié sait en général pertinem-


ment ce qui se passe dans son entreprise, quelles sont les choses qui
marchent et celles qui ne marchent pas. Ils en connaissent aussi les
raisons, le plus souvent. Bref, les salariés ont généralement une ana-
lyse pertinente et critique du fonctionnement de leur organisation.
D’une certaine manière, il s’agit de faire confiance à l’intelligence
des salariés dans l’entreprise. On est bien dans la perspective d’un
leadership participatif. S’appuyant également sur les cas de Google,
Whole Foods et Gore, Gary Hamel montre que ces entreprises ont
adopté des structures hiérarchiques plates et des équipes autonomes.
Les salariés comptent dans ces entreprises, on sait les écouter et ils
participent le plus souvent à l’évolution et à la dynamique de l’orga-
nisation. Ces entreprises ont su mettre en place un système

121
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

managérial qui valorise les idées et les initiatives des personnes au


travail. Une des thèses de Hamel est en définitive de chercher à
valoriser le « salarié ordinaire » en cherchant à réveiller chez lui la
passion de la créativité et de l’innovation au travail. En ce sens, il
convient de réhabiliter la déviance, à « normaliser l’anormal » afin
d’identifier de nouvelles idées, de nouveaux projets, de nouvelles
méthodes de travail. Cette conception du management 2.0 fondée
sur le repérage systématique des « déviants positifs » semble consti-
tuer un chemin fécond vers l’innovation et la création de valeur.
D’une certaine manière, il s’agit de réhabiliter par le leadership
déviance et créativité organisationnelle.

■■  Pour une démocratie des idées

Renforcer le dialogue social et les logiques de confrontations et


de débats ne va certes pas de soi dans l’entreprise du xxe siècle
fondée sur le management 1.0. Le management 2.0 tel qu’il est par
exemple pratiqué chez Gore laisse une grande liberté d’action aux
salariés. L’idée directrice est qu’un salarié est d’autant mieux rému-
néré qu’il apporte à l’entreprise ; la hiérarchie des salaires est donc
directement liée aux contributions de chacun et non pas à l’ancien-
neté ou au diplôme. Cependant, Gore propose un système d’inté-
ressement annuel qui permet à ses salariés de bénéficier à court
terme de la réussite de l’entreprise. Hamel insiste sur le fait que
l’innovation managériale chez Gore redistribue pouvoir et leader-
ship dans l’entreprise ; il est donc essentiel pour favoriser la créa-
tivité de faire cohabiter des collaborateurs aux compétences
diverses. Le processus créatif doit aussi être favorisé par des marges
de manœuvre et de liberté laissées aux salariés pour développer des
projets « hors budget » ou bien « hors sujet » et ceci afin de laisser
du temps pour mûrir de nouvelles idées (p. 91). Une telle démo-
cratie des idées ne peut que favoriser l’innovation managériale
même si souvent, à court terme, les coûts semblent plus visibles
que les bénéfices.

■■  Renforcer l’hyperadaptabilité

Le cas d’adaptabilité permanente le plus célèbre au monde selon


Gary Hamel est bien celui de Google. L’auteur insiste sur la

122
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

singularité du cas et montre que celui-ci repose en réalité sur un


nouveau modèle de management. À tout moment de son histoire,
l’entreprise a su faire évoluer son cœur de métier en privilégiant
l’innovation et la prise de risque face aux imitateurs. Véritable four-
milière de surdoués, Google repose sur une organisation peu hiérar-
chisée, de petites unités de travail, beaucoup d’expérimentations et
d’échanges entre collaborateurs dont la mission reste de chercher à
bâtir un monde meilleur. La structure organisationnelle est donc plate,
radicalement décentralisée et les petites équipes sont autogérées. L’un
des mots d’ordre est « faites ce qui vous intéresse ou ce qui vous
passionne », ce qui amène inévitablement à un cœur de métier exten-
sible mais aussi à des variations de rémunération importantes compte
tenu des résultats obtenus. Les dirigeants de Google ont aussi fait le
pari un peu audacieux des innovations managériales qui peuvent
humaniser le travail dès lors que le leadership encourage les gens à
dire ce qu’ils pensent et à faire ce qui les passionne. Dans une telle
perspective, force est de reconnaître que la méthode Google est
aujourd’hui présentée comme exemplaire dans beaucoup d’écoles de
management et de gestion.
Réfléchir puis construire l’avenir du management, c’est également
le projet intellectuel d’Henry Mintzberg (2009), même si ce dernier
semble plus critique quant à la capacité des managers du xxie siècle
d’intégrer démocratie des idées, innovations managériales et adap-
tabilité permanente dans leur mode d’action et leur vision de cette
profession en pleine mutation.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

2 
Mintzberg : « Manager. La réalité du travail
de manager »

Le dernier ouvrage de Mintzberg est paru en version originale en


2009 sous un titre relativement sobre : Managing. La traduction fran-
çaise publiée en 2011 suscite la réflexion sur la question de recherche
de départ d’Henry Mintzberg, à savoir : que font réellement les mana-
gers ? Ouvrage créatif et un peu à contre-courant, Manager. Ce que
font vraiment les managers repose sur une méthodologie qualitative
fondée sur l’observation et la discussion de l’auteur avec 29 managers

123
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

relevant de différents secteurs d’activité : le privé, la fonction


publique, la santé mais également le secteur associatif (associations
à but non lucratif, ONG, etc.). Les managers rencontrés évoluent
dans des contextes particulièrement variés : certains exercent dans
de grands centres urbains (Londres, Paris, Montréal), d’autres dans
des endroits plus éloignés (N’gara en Tanzanie par exemple). Toutes
ces journées passées à rencontrer ces managers, à échanger avec eux
tant sur leur contexte que sur le contenu de leur travail ont contribué
à nourrir la réflexion et les propositions de l’auteur du Manager au
quotidien, ouvrage paru trente ans plus tôt ! L’ouvrage foisonne de
réflexions et d’exemples très utiles pour tenter de mieux saisir les
enjeux contemporains.

2.1 De la distinction entre leader et manager

L’un des premiers apports de l’ouvrage est la remise en cause de


la distinction opérée et très courante dans les manuels et les revues
spécialisées entre leaders et managers. Mintzberg précise ne pas bien
comprendre le sens de la distinction, particulièrement sur le plan
pratique (peut-on être durablement sous les ordres de quelqu’un qui
ne manage pas ?). Au fond, la thèse de l’auteur est de dire que nous
sommes globalement « sur-dirigés » et « sous-managés » (p. 19). Il
est vrai que la question du leadership fascine et obsède les étudiants
en management et semble surabondante au sein des programmes de
formation en gestion au sein des grandes écoles et des universités,
en particulier dans le monde nord-américain (c’est moins le cas en
Europe). Nonobstant, Mintzberg insiste sur le rôle de l’expérience
et la compréhension des contextes dans l’acquisition et le dévelop-
pement de compétences en matière de leadership.
Leadership et management seraient ainsi pour l’auteur de Structure
et dynamique des organisations indissociables et il conviendrait
d’admettre définitivement que le management est d’abord une pra-
tique qui est ancrée dans un contexte précis et qui se maîtrise d’abord
et surtout par l’expérience acquise. Suivant cette analyse, le leader
doit contribuer à amener les personnes à donner le meilleur d’eux-
mêmes dans le but qu’ils puissent mieux agir. Mintzberg insiste fina-
lement sur l’idée que le management relève davantage de la vocation.

124
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

Bien entendu, il faut rappeler aussi son point de vue corrosif sur la
formation au management avec l’idée « que l’on ne peut pas fabriquer
un manager dans une salle de classe » (Mintzberg, 1990).

2.2 Les caractéristiques du management


d’hier et d’aujourd’hui
Pour Mintzberg, les caractéristiques fondamentales du management
n’ont pas changé depuis la parution de son premier ouvrage consacré
au manager au quotidien. Cet ouvrage, paru pour la première fois en
1973, décrivait le management suivant deux axes complémentaires.
En premier lieu, les caractéristiques du travail de manager : un rythme
très soutenu, de nombreuses interruptions, la multiplicité des échanges
verbaux, la propension et le parti pris de l’action. En second lieu, le
contenu du travail à travers les dix rôles du cadre. Mintzberg entend
précisément par caractéristiques du management la manière dont les
gens travaillent ainsi que les pressions auxquelles ils sont inévitable-
ment soumis. Les 29 journées d’observations réalisées lui ont permis
revenir sur les conclusions du Manager au quotidien.
Actualisées en 2009 dans Managing, les caractéristiques du travail
de manager sont les suivantes dans les années 2000 (p. 31) : la briè-
veté et la variété des activités, un rythme soutenu, la propension à
l’action, la fragmentation et la discontinuité du travail, la préférence
pour les communications informelles et verbales, le contrôle implicite
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

plutôt qu’explicite, la nature fondamentalement horizontale de la


fonction (avec partenaires et collègues). Enfin, il semble aussi que
les managers cherchent à trouver un équilibre délicat à construire
entre le besoin de contrôler sans pour autant chercher à tout maîtri-
ser. Ces caractéristiques se trouvent renforcées par l’essor et le déve-
loppement des technologies de l’information et de la communication
(qui peuvent parfois conduire à l’addiction). Par exemple, les e-mails
confortent ces traits caractéristiques pour les pousser parfois jusqu’à
leurs limites. Ces analyses réfutent définitivement l’idée reçue d’un
manager planificateur, réfléchi et systématique pour tendre plutôt
vers une réalité plus complexe : un rythme fébrile, de la brièveté, de
la fragmentation et de la discontinuité ainsi que des activités totale-
ment orientées vers l’action.

125
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

Suivant Mintzberg, « manager est une activité qui ne s’arrête


jamais : le manager n’est jamais libre d’oublier un instant ses respon-
sabilités, ni d’éprouver le plaisir de savoir, pour un court moment,
qu’il n’a rien à faire » (p. 33). L’activité d’un manager est ainsi sin-
gulièrement variée, tolérant les interruptions car favorisant la remon-
tée des informations favorables à la créativité et opposées à la routine.

■■  Les managers aiment l’actualité et les sollicitations


La prédilection des managers pour le mouvement et des activités
variées concrètes qui s’enchaînent s’observe dans presque tous les
cas. La routine est un terme perçu comme à forte connotation péjo-
rative dans des univers dominés par l’omniprésence de l’action à
entreprendre et même de l’urgence. En réalité, les managers privilé-
gient la communication orale, informelle mais aussi les contacts
téléphoniques, les e-mails, et les échanges verbaux à l’occasion de
réunions. Finalement, on retrouve dans ces analyses l’un des prin-
cipes mis en évidence par Peters et Waterman dans Le prix de l’excel-
lence : le management baladeur conceptualisé à partir d’observations
réalisées chez Hewlett-Packard. Les cadres aiment l’action, la réso-
lution de problèmes concrets et leur travail est rythmé essentiellement
par la multiplicité des sollicitations.

■■ 
Les contacts et l’oralité : une grande partie du travail
des managers
« La parole est la technologie du leadership » et « l’information
parallèle » semblent appréciées par des nombreux managers en ce
sens qu’elles apportent souvent de la nouveauté, voire parfois du
sensationnel (par exemple la rumeur d’une éventuelle fusion entre
universités concurrentes). Par ailleurs, le manager accorde dans la
pratique beaucoup d’importance aux interactions horizontales entre
collègues ou bien avec des partenaires. Contrairement aux idées
reçues, manager, ce n’est pas avant tout des relations entre un supé-
rieur et un subordonné. On est plutôt ici dans le champ du leadership.

■■ 
L’opposition de la pensée de Mintzberg à celle de Drucker
Ce n’est pas nouveau : les deux auteurs s’opposent sur presque
tout ! D’après les nombreux travaux et ouvrages de Peter Drucker

126
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

(2010), le manager est avant tout un chef d’orchestre compositeur.


Suivant Mintzberg, un manager planifie peu ses activités et son effi-
cacité semble d’abord liée à l’utilisation avantageuse qu’il arrive (ou
pas) à faire des marges de manœuvre dont il dispose inévitablement.
En résumé, Mintzberg s’éloigne de la pensée managériale de Drucker
dans le sens où un manager ne se limite pas à faire son travail ; il le
crée bien souvent et sa performance globale réside en sa capacité à
actionner des ficelles et à tirer des profits durables des activités qu’il
accomplit.

■■ 
De l’effet d’Internet sur les caractéristiques du management
La thèse de l’auteur sur ce plan est de dire qu’Internet semble
accentuer les caractéristiques du travail du manager plutôt que de les
atténuer : accroissement de la vitesse, des sollicitations, de la briè-
veté, de l’instantanéité, du rythme de travail, de sa pression mais
aussi de la propension à l’action. Au fond, Internet ne transforme pas
la pratique du management mais semble pousser celle-ci « au-delà
des limites du gérable, la rendant si frénétique qu’elle en est devenue
superficielle, déconnectée et conformiste » (p. 53).

2.2  Le modèle de management de Mintzberg

Le travail initial de Mintzberg (1973) visait finalement à caracté-


riser les rôles du manager à travers une liste pensée et présentée
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

comme exhaustive. Le modèle est structuré autour de trois grandes


catégories de rôles constituant ainsi l’autorité formelle et le statut
d’un manager (Mintzberg, 1973 et Mintzberg, 2011, p. 57) : 
•  des rôles interpersonnels : figure emblématique (le symbole), lea-
der et agent de liaison ;
•  des rôles liés à l’information : observateur actif, diffuseur d’infor-
mation et porte-parole ;
•  des rôles décisionnels : entrepreneur, conciliateur, répartiteur de
ressources et négociateur.
Selon Mintzberg, les rôles du manager n’ont finalement que peu
changé ces dernières décennies malgré l’évolution des technologies
et les changements organisationnels. Ceci dit, l’évolution de la

127
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

pensée de l’auteur sur la question stimulante et essentielle de l’iden-


tification des rôles du manager tend vers une plus grande prise en
compte de la complexité du problème. En effet, manager pour
Mintzberg, c’est agir, contrôler, négocier, réfléchir, diriger, décider,
etc., l’ensemble formant un tout complexe mais finalement cohérent.
Une critique de l’apport des spécialistes les plus connus et sans doute
les plus lus du management (Drucker, Peters, Porter, Simon, March
notamment) conduit l’auteur à proposer un modèle général de la
fonction de manager.
La modélisation proposée par Mintzberg représente le management
comme une activité s’exerçant sur trois plans qui vont de l’analyse
conceptuelle à l’action concrète : par l’information, avec les per-
sonnes et pour l’action. Sur chacun de ces plans, le cadre tient deux
rôles. Sur le plan de l’information, il communique et contrôle.
S’agissant des personnes, il fait le lien entre elles tout en étant leader.
Sur le plan de l’action, il agit à l’intérieur et négocie à l’extérieur.
Enfin, il structure ses stratégies et ses priorités et s’organise à travers
son emploi du temps. Finalement, le manager forge un contexte de
travail aux acteurs de son unité. Mobilisant à nouveau les travaux de
Simon, Mintzberg indique que le rôle de conception reste fondamen-
tal dans le management contemporain.

■■ 
Manager avec les personnes et contribuer
au développement des individus

Dans son rôle de leader, le manager doit contribuer à former, aider,


coacher, encourager les personnes au travail dans son unité. Dans
l’idéal, il devrait aider les individus à se développer eux-mêmes. On
serait ici plutôt dans la perspective d’un leadership transformationnel.
Il s’agit aussi de chercher à susciter des comportements plus impliqués,
plus coopératifs, plus productifs, plus créatifs… en aidant les collabo-
rateurs « à laisser libre cours à leur énergie naturelle » (p. 81).

■■  La création de liens avec l’extérieur

Suivant Mintzberg, le réseautage est désormais omniprésent dans


l’activité de management. Quasiment tous les managers établissent

128
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

des réseaux de relations de coopération (principalement de contacts


et des coalitions externes de soutien).

■■  Pratiquer un leadership et un management équilibrés

Selon les analyses de Mintzberg, si une importance trop grande est


accordée au leadership (manière de diriger selon lui), la fonction de
management pourrait être sans contenu et surtout sans action. Or il
est décisif de pratiquer un management équilibré, c’est-à-dire une
combinaison d’actions portées simultanément sur le plan de l’infor-
mation (la communication et le contrôle), sur le plan des personnes
(le leadership et la création de liens) et sur le plan de l’action (l’ac-
tion interne par la réalisation de projets et le traitement des événe-
ments imprévisibles ainsi que la négociation).
En définitive, le nouveau modèle proposé par l’auteur du
Management. Voyage au centre des organisations montre qu’il est
essentiel de « tendre vers une posture » si l’on convient que le mana-
ger efficace ne cherche pas un équilibre parfait entre ces différents
rôles mais qu’il peut en privilégier certains même si d’autres seront
négligés. Finalement, la clé du métier de manager pourrait résider
dans la « fusion équilibrée de tous ces aspects ». Le management
apparaît ici comme obéissant à un équilibre dynamique. En pratique,
la distinction de ces rôles se brouille et le management se situe ainsi
à l’interface des rôles. S’agissant de l’activité d’un manager, force
est de constater que son activité mobilise différents rôles pouvant
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

inévitablement se chevaucher entre eux. Enfin, Mintzberg s’appuie


aussi sur l’une des thèses de Karl Weick pour qui un rôle peut s’in-
filtrer dans un autre. Pour ce dernier, par exemple, les activités mana-
gériales peuvent s’accomplir avec plus ou moins de réflexion.
Finalement, l’observation de pratiques managériales indique bien
qu’il existe une certaine combinaison de rôles chez le manager en
fonction du contexte dans lequel il évolue mais aussi en fonction de
ses préférences, de ses aspirations et de ses ressources. Il n’y a rien
d’aussi fort et important suivant la pensée de Mintzberg que des
managers impliqués dans leur propre développement et celui de leur
organisation.

129
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

3  March : une critique de la fonction de leadership

L’ouvrage proposé par March et Weil en 2003 : Le Leadership


dans les organisations présente beaucoup d’originalité. D’abord,
parce que c’est un essai résolument critique sur les modèles de
leadership et leur enseignement dans les écoles de gestion. Ensuite,
parce que March développe l’idée que les problèmes auxquels doit
faire face le leader sont mieux abordés dans les grandes œuvres de
la littérature que dans les ouvrages de gestion. Pour développer sa
démonstration, March s’appuie sur quelques grandes œuvres
majeures comme Guerre et Paix de Tolstoï ou encore Don Quichotte
de Cervantès qui favorisent la stimulation d’un esprit critique sur la
question du leadership. De fait, les leaders que March appelle de
ses vœux sont davantage mus par les plaisirs quotidiens de l’action
que par l’espérance de récompenses rationnelles.
Plaidant pour davantage d’enthousiasme et de plaisir, March
encourage le leader à explorer toutes les idées déviantes (certes
parfois mauvaises ou inefficaces) mais qui pourraient concourir à
l’adaptation aux changements du monde et au dépassement des
crises. D’une certaine façon, il prône un leadership créatif remettant
souvent en cause les « dilemmes moraux liés au pouvoir, les ques-
tions de l’équilibre entre la vie privée et les devoirs publics, entre
l’habileté et l’innocence, entre la diversité et l’intégration, entre
l’ambiguïté et la cohérence, entre l’expression de la sexualité et son
contrôle ». En somme, cette contribution est une incitation à explo-
rer et à capturer des idées déviantes dont les effets positifs ne seraient
pas nécessairement immédiats mais plutôt différés à moyen et long
termes. Il s’agit aussi d’un plaidoyer pour un leadership déviant en
quête d’idées nouvelles et d’expériences avant-gardistes.
Pour ce qui nous concerne, nous croyons avec March à l’intérêt
des apports potentiels de la littérature à l’enseignement de la ges-
tion : Le Père Goriot de Balzac, Le Rouge et le Noir de Stendhal,
À la recherche du temps perdu de Proust, La Chute de Camus, La
Carte et le Territoire de Houellebecq, Les Possédés de Dostoïevski,
Le Cercle des poètes disparus de Weir ou encore Voyage au bout de
la nuit de Céline, pour ne citer que quelques œuvres qui portent des
enseignements potentiellement riches pour le gestionnaire en

130
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

situation et surtout pour une conception renouvelée du leadership,


plus légère et moins austère, vers davantage d’insouciance et de
plaisir.

5
Sec­­tion LEADERSHIP ET ALTÉRITÉ : DU « SERVANT
LEADER » AU LEADERSHIP SPIRITUEL

1 
La théorie du « servant leadership »
(leader serviteur)

Ce modèle de leadership est issu des travaux de Robert K. Greenleaf


(1970, 2002). Les travaux de Greenleaf partent d’une critique du lea-
dership traditionnel et globalement autoritaire pour chercher les condi-
tions d’adaptation d’un leadership plus éthique et empathique. Robert
K. Greenleaf présente la théorie du « servant leader » dans son livre
The Servant as Leader paru en 1970. Cette théorie s’inspire d’un
roman de Hermann Hesse, Journey to the East où un groupe d’amis
fait un voyage consacré à la spiritualité. Ce groupe rencontre le héros,
Léo, qu’ils pensent être serveur. Durant leur séjour, Léo leur apporte
le soutien spirituel qu’ils recherchaient en entreprenant ce voyage.
Jusqu’au jour où Léo disparaît… Le groupe est alors plongé dans le
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

plus profond désarroi et décide d’interrompre le voyage. Quelques


années plus tard, le narrateur découvre que Léo est à la tête d’un ordre
religieux qui avait organisé le voyage… Après avoir lu cette histoire,
Greenleaf conclut que la qualité première d’un leader est d’être
capable de servir et d’accompagner les autres. Au fond, la perfor-
mance est bien dans la compréhension des clés de l’altérité et de
l’humilité. Ses analyses décrivent un leader au service de ses colla-
borateurs et impliqué activement dans leur développement.
L’altruisme, l’ouverture aux autres et l’humilité caractérisent le
« servant leader » qui cherche avant tout à susciter l’autonomie chez
ses collaborateurs. Dans le fond, Greenleaf propose un changement
de perspective en avançant un leader plus éthique préoccupé par le
développement du capital humain de son organisation. Il suggère

131
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

ainsi un véritable changement de posture du leader vers davantage


d’écoute de ses collaborateurs et de leurs propositions. L’empathie
et la bienveillance sont des traits caractéristiques majeurs du « servant
leader » à la recherche du consensus, de la créativité mais aussi d’un
meilleur équilibre dans un monde où les problèmes sont de plus en
plus complexes. Les apports de Greenleaf ont influencé beaucoup de
praticiens du management de l’ère dite moderne comme Vineet Nayar
dont l’ouvrage Les Employés d’abord, les clients ensuite a connu un
succès retentissant dans le monde des affaires.

1.1  Les principes d’action du « servant leader »

Le « servant leadership » est également une source d’inspiration


et sert de base au « management agile » tel qu’il est pratiqué au sein
des organisations contemporaines. Il s’appuie sur les 10 principes
d’action suivants consubstantiels à l’action du « servant leader » :
•  L’écoute : observer et être attentif aux autres.
•  L’empathie : se mettre à la place de l’autre, comprendre.
•  Le soulagement : soutenir les autres et les aider dans la résolution
de leurs problèmes.
•  La conscience : être lucide dans l’analyse des situations et faire
preuve d’introspection.
•  La persuasion : expliciter, faire adhérer, convaincre et susciter la
confiance en évitant le recours à la force ou à la hiérarchie.
•  La conceptualisation : concevoir un avenir désirable et proposer
une vision pertinente du futur.
•  La prévoyance : anticiper les évolutions possibles et analyser les
enseignements du passé ; faire des retours d’expériences et analy-
ser en pleine conscience les événements importants.
•  Le soutien : assurer une présence indispensable au moment où les
personnes en ont besoin.
•  Le développement des autres : s’impliquer dans le grandissement
des autres et faire progresser les personnes.
•  La création et le développement d’une communauté : contribuer
au développement de communautés de pratiques et de réseaux
professionnels.

132
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

Les « servants leaders » cherchent des solutions pour leur organi-


sation par des actions telles que l’implication pour le management
des ressources humaines et l’engagement envers le développement
communautaire. Leurs principaux points forts sont :
•  une volonté d’aider les autres et un intérêt pour rendre les per-
sonnes servies autonomes ;
•  une priorité accordée aux valeurs : ils sont animés par la passion
et la compassion ;
•  l’absence de compromis sur les valeurs fondamentales ;
•  un attachement sans faille à la création de relations durables et
sincères avec les gens ;
•  le charisme du « servant leader » est un atout pour le progrès des
projets et des personnes ;
•  le « servant leader » s’engage avec conviction et détermination pour
servir les autres plutôt que pour rechercher d’abord des rétributions ;
•  il cherche à contribuer activement au renforcement des capacités
des personnes plutôt que de mettre en avant les points à améliorer.
En 2006, Barbuto et Wheeler – des continuateurs de Greenleaf – ont
élaboré un modèle du leadership serviteur en conceptualisant cinq
dimensions : la vocation altruiste, la guérison émotionnelle, la sagesse,
la cartographie de la persuasion et l’intendance organisationnelle.
•  La vocation altruiste. Le « servant leader » est fondamentale-
ment dans l’altérité ; il est plutôt un passeur lucide animé par sa
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

volonté d’aider les autres à progresser. Son intention est de mettre


au service des autres ses compétences décisives dans une perspec-
tive de renforcement de capacité.
•  La guérison émotionnelle. Le leader apporte un soutien impor-
tant en cas de difficultés ou de souffrances liées au pilotage d’un
projet complexe. D’une certaine façon, il est capable de gérer des
émotions (presque au sens de Weber et de l’idée de communauté
émotionnelle). En ce sens, le leader serviteur aide les autres à
traiter et à dépasser leurs difficultés ou leurs échecs.
•  La sagesse. Ce type de leader effectue une veille de l’environne-
ment afin de traiter l’actualité et les événements et d’anticiper les
évolutions futures. Il prend souvent des décisions altruistes et
pertinentes en adéquation avec les situations données.

133
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

•  La cartographie de la persuasion. Les leaders serviteurs sont


capables de faire percevoir des possibles à leurs collaborateurs ;
ils s’inscrivent dans cette logique avec une capacité de traduction
et arrivent à convaincre en générant des opportunités de dévelop-
pement pour les autres. La cartographie permet aux collaborateurs
de comprendre les perspectives d’évolution et renforce ainsi leur
implication rationnelle.
•  L’intendance organisationnelle. Celle-ci peut s’entendre comme
une « extension du leadership » au-delà de l’organisation en
considérant le sentiment de responsabilité pour le bien-être de la
communauté. L’intendance organisationnelle permet aussi d’inté-
grer les politiques et les décisions dans la perspective d’un élargis-
sement et donc dans une communauté plus vaste.

1.2  Les limites du leadership serviteur

Cette modélisation implique que le leader doit avant tout servir les
autres en répondant à leurs désirs, leurs besoins et leurs aspirations.
Cela constitue de fait sa première faiblesse : le « servant leader »
pourrait être trop sensible aux désirs des autres. Vouloir satisfaire les
aspirations de chacun peut générer toute une série de problèmes
complexes tels que :
•  s’éloigner du plan d’action initial et de la philosophie managé-
riale ;
•  les intérêts des personnes peuvent être divergents et se distinguer
des objectifs organisationnels et stratégiques ;
•  ne plus savoir prendre des décisions difficiles de crainte d’offenser
les collaborateurs ;
•  le modèle peut conduire enfin à l’épuisement du leader qui peut
manquer de recul pour diriger efficacement.
Le « servant leadership » est finalement un style assez normatif
qui repose sur des caractéristiques que les leaders doivent reproduire
pour réussir suivant le modèle. Cela suppose aussi que les leaders
puissent être capables de reproduire ces valeurs et d’adopter des
comportements appropriés. Par ailleurs, le leader serviteur est une
conceptualisation qui semble plutôt adaptée au modèle hiérarchique
davantage qu’à l’organisation transversale, plus horizontale ou

134
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

latérale. Son mode de fonctionnement se compose de comportements


(la vision, le service) et de relations (influence, crédibilité, confiance)
qui impliqueraient plutôt un leadership situationnel.
En définitive, le « servant leadership » basé sur le principe de service
présente une forte dimension altruiste et éthique. Dans cette perspec-
tive, les leaders serviteurs sont attentifs aux préoccupations des sui-
veurs ; on peut considérer qu’ils prennent soin d’eux. On est bien dans
la perspective du mouvement intellectuel du Care (au sens de prendre
soin de). Néanmoins, bien que Robert Greenleaf apparaisse comme
l’auteur moderne de cette approche, le leadership basé sur la confiance,
l’empathie et l’éthique est une démarche bien plus ancienne.

2 
Le leadership partagé
À Montréal, les recherches de Édith Luc (2004, 2010, 2014) sur
la question du leadership partagé conduisent à un modèle de leader-
ship comme une énergie propice au changement. La plupart des
conclusions sont publiées dans deux ouvrages : Le Leadership par-
tagé (2004, 2010) et La Pratique du leadership partagé (2014). Ces
contributions présentent le leadership comme un processus d’in-
fluence réciproque entre des personnes mobilisées pour une cause
commune. Cette approche du leadership suggère qu’une bonne dyna-
mique de changement a besoin d’un équilibre entre un leadership
vertical traditionnel et un leadership distribué, individuel.
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

Suivant E. Luc, le temps où le dirigeant décidait seul est bel et bien


révolu. Le leadership a changé de nature, et les modèles de manage-
ment admis sont de moins en moins pertinents. Le leadership reste
donc à réinventer. Dans ses écrits, Édith Luc conçoit le leadership
comme un processus d’influence réciproque. Pour développer son
capital de leadership, deux leviers doivent nécessairement être pris
en compte : activer la compétence liée à l’expertise et stimuler la
compétence liée à la gestion, beaucoup plus horizontale, qui englobe
des compétences comme la vision globale, la pensée stratégique, la
créativité, etc. E. Luc décode les mécanismes au centre du leadership
partagé et voit dans cette coopération l’occasion pour chacun de
cesser d’être un simple observateur de son environnement pour en
devenir un acteur influent.

135
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

Sept stratégies à la portée de tous permettent de devenir un acteur


du leadership partagé : se libérer des divers conformismes ; appliquer
l’apprentissage en T ; construire un sentiment d’efficacité ; renforcer
sa résilience ; apprendre des autres ; définir une vision ; et, surtout,
agir. En conséquence, le leadership partagé permet aux leaders cou-
rageux, audacieux et authentiques d’agir de manière cohérente, d’être
capable de se mobiliser et de mobiliser les autres.
E. Luc cherche à décoder les mécanismes au centre du leadership
partagé et identifie dans cette coopération l’occasion pour chacun de
devenir un acteur influent. Son ouvrage de référence, revisité en 2010,
analyse plusieurs stratégies pour développer son potentiel de leader-
ship et atteindre un niveau de cohérence, de mobilisation personnelle
et de mobilisation des autres. Plus spécifiquement, la thèse de l’auteur
autour du leadership partagé se réfère à un mode d’apprentissage en
T, c’est-à-dire marqué par deux attitudes fondamentales. La première
attitude passe par une compréhension en profondeur des contenus
associés aux tâches dont ils ont la responsabilité. Il s’agit de la com-
pétence de tâches, essentielle à la mobilisation des hommes. La
deuxième attitude d’apprentissage vise à comprendre non seulement
les aspects connexes de l’activité et plus globalement l’environne-
ment de travail. Finalement, il s’agit de la manière de comprendre
de façon globale et stratégique les problèmes de travail et leurs solu-
tions. Édith Luc expose également six rôles pouvant être incarnés
par le leadership :
•  le mentor oriente l’autre par ses questions, ses réflexions sur le
sens ;
•  le coach instruit afin de permettre l’acquisition de connaissances
ou de compétences spécifiques ;
•  le challenger met l’autre au défi, l’amène à se surpasser ;
•  le passeur met en rapport la personne avec d’autres personnes qui
ont une importance potentielle ou une vision du monde ;
•  le modèle inspire par ses valeurs, ses comportements, ses réalisa-
tions ;
•  l’anti-modèle contre-inspire par la négative.
L’approche de E. Luc présente finalement une conception du lea-
der capable de prendre du recul, qui fait appel à de l’intelligence
collective et qui accepte de changer d’opinion. Ce modèle est fondé

136
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

sur une redistribution de l’influence et du pouvoir dans l’organisa-


tion. Ainsi, la mise en pratique du modèle implique deux conditions
fondamentales : le dialogue et un leadership individuel assumé. Le
dialogue permet de susciter la confiance et les représentations com-
munes, d’entendre les divergences, de valoriser la collaboration et
de construire l’identité du groupe. Le leadership individuel permet
de mutualiser les compétences de tous les membres de l’organisa-
tion. Dans cette perspective, chaque membre apporte sa part d’ex-
pertise, de réseaux et sa responsabilité dans la contribution à la
réalisation des objectifs stratégiques. Cette approche du leadership
présuppose que chaque collaborateur apporte son énergie et surtout
comprenne les enjeux, les besoins et les défis du changement.
Finalement, il s’agit de créer et de développer une confiance col-
lective qui peut conduire à stimuler l’implication des personnes au
travail.

3 Le leadership spirituel et le renouveau


du management
3.1  Barrett : le précurseur sur la spiritualité
en management
Professeur de management et chercheur en matière de direction
des entreprises et des organisations, Richard Barrett propose une
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

modélisation elle-même inspirée de celle de H. Maslow (1954). Dans


un ouvrage connu et publié en 1998, Barrett suggère une classifica-
tion du leadership fondée sur les valeurs des individus au travail.
Comme Maslow, il suggère une hiérarchisation et une classification
en quatre étapes : physique, émotionnelle, mentale et spirituelle. Pour
chacun de ces quatre domaines, il propose une définition et des élé-
ments de repérage des valeurs dominantes pour les personnes. Son
analyse amène aussi à distinguer sept niveaux de leadership corres-
pondant à un code de valeurs différentes.
•  Le leadership de survie qui revient à prendre essentiellement en
charge la sécurité et la santé des collaborateurs. Son univers est
prescriptif et il peut être directif et autoritaire pour obtenir des résul-
tats à court terme. Cette conception de la direction des organisations

137
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

et du management peut conduire à un certain nombre de résultats


significatifs, surtout à court terme. Elle conduit à obtenir de la
conformité sociale et un respect des consignes et des procédures.
Comme l’a si bien montré K. Lewin, cette approche présente l’in-
convénient de générer de l’agressivité au sein des groupes et des
équipes de travail.
•  Le leadership paternaliste présente l’avantage de s’appuyer sur
de fortes personnalités capables de gérer les relations au sein des
équipes. Il s’appuie sur des compétences comportementales signi-
ficatives, ce qui peut faciliter la gestion des conflits et la prise en
charge de relations de travail complexes. L’approche paternaliste
favorise les arbitrages difficiles mais présente souvent l’inconvé-
nient de laisser peu de marge de manœuvre et de possibilités
d’expression aux collaborateurs.
•  Le leadership organisateur fait entrer l’entreprise véritable-
ment dans l’univers de la gestion. Afin de renforcer le pilotage
des organisations, l’approche gestionnaire des organisations
conduit à privilégier les logiques d’efficience et d’efficacité à
partir de l’identification d’indicateurs de performance et de la
construction de tableaux de bord adaptés. Incontestablement
professionnelle et rationnelle, cette approche favorise la recon-
naissance des compétences de gestionnaire et la prise en consi-
dération du rôle clé du manager. Au fond, cette approche est
individualisante et professionnalisante. Elle conduit à structurer
des hiérarchies, de vastes ensembles et à élaborer des configura-
tions organisationnelles qui illustrent bien le pouvoir des ges-
tionnaires. Elle présente l’inconvénient d’être davantage fondée
sur la hiérarchie que sur la participation et incarne aussi le pou-
voir des managers et de la technostructure dans les organisa-
tions.
•  Le leadership facilitateur intègre l’idée de participation dans les
méthodes de gestion. Il s’agit ici de trouver des équilibres et des
compromis et de veiller à une approche conciliatrice visant à pré-
server à peu près les intérêts de chacun. Le leader facilitateur
cherche ainsi à équilibrer l’intérêt personnel et l’intérêt collectif ;
il vise à s’adapter à différents contextes et prend en considération
les idées de diversité et de flexibilité. En s’appuyant sur la respon-
sabilisation du personnel, il cherche à susciter de l’adhésion par la
concertation et la prise en compte des spécificités des personnes

138
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

et des équipes. Il présente l’inconvénient de reconnaître qu’ils


n’ont pas toutes les solutions, ce qui peut conduire à des résultats
à moyen terme dans la mesure où les propositions se construisent
sur le terrain avec les collaborateurs.
•  Le leadership intégrateur conduit à une construction de l’entre-
prise et de l’organisation à partir de valeurs partagées et d’un projet
collectif. Cette conception, fondée sur une vision commune, vise à
élaborer une cohésion interne et une communauté émotionnelle.
Dans le fond, cette approche est résolument humaniste ; elle repose
sur une conception intègre du leadership et une certaine transpa-
rence de l’action collective. Ces dirigeants sont inclusifs et favo-
risent l’esprit collaboratif. Elle présente parfois l’inconvénient
d’être manipulatrice même s’il est convenu qu’elle peut inspirer les
salariés, les fournisseurs et les clients.
•  Le leadership émotionnel repose sur un leader partenaire qui
cherche à transformer le monde dans lequel il évolue. Résolument
humaniste et volontariste, le leader cherche d’abord à produire
une différence dans l’environnement dans lequel il évolue. C’est
la nature même de ce différentiel qui lui procurera une forte légi-
timité dans un monde qui change. Il favorise ainsi la réalisation de
soi et l’accomplissement de ceux qui l’entourent par son enthou-
siasme, son humanisme et la nature de ses projets. Ces dirigeants
au service des autres peuvent parfois être aveuglés par la passion
qui les anime et se laisser tromper par des individus opportunistes
au sens de Williamson (1975).
•  Le leadership spirituel constitue le sommet de la hiérarchisation
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

de Barrett (1998). Stimulant l’esprit d’entreprise et la création de


valeurs, ces dirigeants s’inscrivent dans l’histoire et veulent véri-
tablement changer le monde. Ils évoluent suivant une logique
d’ensemble sur la vie et s’inscrivent dans le cadre d’un manage-
ment durable et responsable. Particulièrement bienveillants et
pourvus de sagesse et d’éthique, ils sont les leaders visionnaires
qui entreront dans l’histoire de l’humanité par leurs apports et
leurs créations. Préoccupés par les générations futures et par la
perspective de la construction d’un monde meilleur, ils font de la
sagesse et du pardon leurs valeurs de référence. Cette conception
du leadership est bien sûr à la base de l’idée de responsabilité
sociale des entreprises mais présente parfois la limite d’être uto-
pique et donc éloignée des réalités du terrain.

139
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

Finalement, l’apport de Barrett à une meilleure compréhension de


la direction des organisations réside dans l’idée de prise en compte
dans le management contemporain des peurs et des émotions des
personnes au travail. Cette réflexion est actuellement décisive tant
elle repose sur le fait qu’un dirigeant doit aujourd’hui s’appuyer sur
des capacités variées pour exercer son leadership avec pertinence et
efficacité dans un monde en perpétuelle mutation.

3.2 Les principes du leadership spirituel de Fry


et « les forces de l’esprit »
Des recherches récentes présentent le leadership sous un angle nou-
veau en renversant la perspective d’analyse. Fry est l’un des premiers
chercheurs à étudier l’impact de la spiritualité sur les pratiques de
management. Il s’appuie sur une méthodologie approfondie et de très
nombreuses observations. Selon lui, le leader spirituel est avant tout
humble et capable de s’effacer dans un contexte organisationnel donné.
Il éclaire le chemin des collaborateurs davantage qu’il impose des
solutions prédéterminées. Les résultats de ses recherches (2003-2014)
montrent que la spiritualité est un déterminant majeur sur la qualité de
vie au travail, l’implication organisationnelle et la performance.
La spiritualité trouve son fondement chez une personne dans sa
foi, son éducation morale ou son altruisme. Plusieurs auteurs ont
travaillé sur les fondements du leadership spirituel et montrent qu’il
est fondamental de se connaître soi-même, d’être altruiste, de prati-
quer une méditation et d’être une personne de confiance (Kurth,
2003). En France, Voynnet-Fourboul réalise des recherches impor-
tantes sur le sujet (elle anime un GRT au sein de l’AGRH) et montre
l’importance dans cette approche de la posture d’ouverture et de
tolérance des autres. L’auteur insiste aussi sur le déficit d’humanisme
dans les organisations et indique que le leadership spirituel s’analyse
d’abord à partir de ce constat. Il s’agit ainsi de faire preuve d’huma-
nité, de prendre soin des autres et d’adopter une attitude empathique.
Pour ce faire, il y a probablement lieu de dépasser les préjugés et les
croyances d’une société française peu sensible à la spiritualité et à
sa portée opérationnelle et même stratégique dans les organisations
(Voynnet-Fourboul, 2014).

140
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

En définitive, le leadership spirituel est une forme de direction visant


à reconnaître la dignité de chacun, à réconcilier vie privée et vie pro-
fessionnelle mais aussi à aider les autres à s’engager dans le travail et
à produire des efforts (Fry, 2003 ; Avery et Bergsteiner, 2011 ; Fry,
2013). Cette approche valorise les enjeux personnels des autres et
implique de « rêver et de faire rêver » (Voynnet-Fourboul, 2013). Doté
de capacités d’introspection (Plane, 1994, 2000, 2012) et de discerne-
ment remarquables, le leader spirituel présente une pleine conscience
de lui-même et se pose tel un sage au sein d’une organisation inévita-
blement traversée par des conflits d’intérêts et des rivalités. Sa posture
est humaniste, ouverte aux innovations et aux changements et fondée
sur le « dévouement créatif » (Voynnet-Fourboul, 2013).
Cependant, évoquer la spiritualité dans les entreprises reste un défi
majeur, particulièrement en France où ce type d’approche suscite
souvent incrédulité et méfiance. Pourtant et dans une perspective à
peu près similaire, François Mitterrand, encore au pouvoir mais peu
de temps avant sa mort, évoque la spiritualité. En ce sens, on peut
mieux comprendre sa fameuse formule prononcée à l’occasion de ses
derniers vœux à tous les Français : « Je crois aux forces de l’esprit. »

6
Sec­­tion Steve Jobs et Mark Zuckerberg :
leadership et méthodeS
de management
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’histoire du management est riche d’enseignements et de leçons


pour gestionnaires en situation dès lors qu’elle s’appuie sur de la
jurisprudence, comme diraient les juristes (les études de cas).
L’analyse de la personnalité et du style de leadership de deux figures
emblématiques du capitalisme du xxie siècle – Steve Jobs et Mark
Zuckerberg – nous semble particulièrement éclairante pour réfléchir
et avoir une approche pragmatique (au sens de W. James) du leader-
ship. Cette analyse est certes un peu essayiste et ne constitue pas
vraiment une approche comparative rationnelle. Notre intention ici
est d’apporter une illustration de la pratique du leadership par deux
personnalités singulières et hors du commun.

141
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

1  Steve Jobs et un leadership « Think different »

On prête au Général de Gaulle la citation suivante : « Les grands


hommes le sont pour l’avoir voulu. » De ce point de vue, le cas Steve
Jobs (1955-2011) est stimulant intellectuellement tant il est symbo-
lique de détermination et même d’obstination (Isaacson, 2011).
L’étude de son style de gestion est riche d’enseignements car il repose
sur un modèle de management assez opposé aux différentes modes
managériales qui se sont développées durant ces dernières décennies :
management participatif, démocratie industrielle, entreprise à l’écoute
et leadership partagé.

1.1  Spiritualité et style de leadership

Jobs est décrit par beaucoup d’observateurs comme un leader auto-


ritaire et perfectionniste hors du commun, fixant des délais très ser-
rés, pratiquant le micromanagement (la capacité à descendre et à
intervenir à tous les niveaux de l’organisation, même les plus bas)
et un contrôle étroit du travail. Présenté avant tout comme un homme
de projet et d’action, Jobs a toutes les caractéristiques du leader
visionnaire mais obsessionnel. Bien des choses ont été écrites sur sa
personnalité agressive et exigeante (Isaacson, 2011). Également qua-
lifié de leader instinctif par Bill Gates (qui lui, serait plus rationnel),
Jobs apparaît comme un personnage profond qui ne peut pas laisser
indifférent : aimé par les uns, détesté par les autres. Consacré en
2009 aux États-Unis par le magazine Fortune qui l’a sacré « PDG
de la décennie », il a longtemps été considéré comme « le plus grand
égoïste de la Silicon Valley ». Plusieurs ouvrages traitent de sa per-
sonnalité hors normes et de ses célèbres sautes d’humeur (Isaacson,
2011). Il est également connu pour sa pratique de la spiritualité orien-
tale et du zen fondés sur la médiation. Personnalité attachante ou
détestée, Jobs est l’auteur en 2005 d’un propos désormais célèbre à
l’attention des étudiants de l’Université de Stanford : « Votre temps
est limité. Ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas
la vôtre. Ne soyez pas prisonniers des dogmes, ce n’est rien d’autre
que vivre selon les conclusions et les réflexions d’autres personnes.
Ne laissez pas le brouhaha des opinions des autres étouffer votre voix

142
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

intérieure. Et, par-dessus tout, ayez le courage de suivre votre cœur


et votre intuition : d’une manière ou d’une autre, ils savent ce que
vous voulez vraiment devenir. Tout le reste est secondaire. Soyez
insatiables. Soyez fous. » C’est cette folie créatrice qui fera de Jobs
le déviant le plus célèbre de la planète. Une déviance maîtrisée,
canalisée et manifestement excellente pour le Business.

1.2  La stratégie entrepreneuriale d’Apple

La stratégie entrepreneuriale de Jobs a toujours été fondée sur


l’intention de faire d’Apple une société majeure des technologies de
l’information et de l’industrie. Cela a été possible par l’anticipation
et la fixation des tendances du marché, au moins en termes d’inno-
vation et de style. Jobs a exposé sa thèse de manière synthétique à
la fin de la Macworld Conference & Expo de janvier 2007 en citant
l’ancien joueur de hockey Wayne Gretzky : « Je patine à l’endroit
où le palet va être, et non là où il a été. » Et Jobs de préciser : « Nous
avons toujours essayé de faire cela chez Apple. Depuis le tout début.
Et nous le ferons toujours. »
Sa politique générale vise à positionner Apple et ses productions
à la convergence de l’art et de la technologie. Il est très attaché au
design. La beauté de l’objet (son caractère mystique et/ou magique)
et sa simplicité sont considérées comme la priorité absolue du process
de production. La fabrication et la commercialisation de l’iPhone 4
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illustrent pleinement cette philosophie. Malgré l’agressivité de la


concurrence, l’iPhone 4 sera un succès mondial. Sur le plan du mana-
gement stratégique d’Apple, il sera toujours partisan de l’intégration
verticale, système fermé qui correspond à une vision de l’entreprise
qui maîtrise de façon exclusive : matériel, système d’exploitation,
logiciels, applications, périphériques et accessoires. Cette approche
conduit à la fabrication d’appareils où tout est intégré et qui, connec-
tés entre eux, suggéreront probablement l’expérience du « foyer
numérique ». Un environnement totalement produit par Apple : voilà
la vision de Jobs dès le début des années 2000. En ce sens, l’ensemble
est totalement contrôlé et maîtrisé. L’utilisateur de base ne peut pas
et ne doit pas accéder à l’intérieur du dernier iPhone, qui esthétique-
ment doit être magnifique. On est presque dans la sacralisation d’un

143
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

objet désiré. Pour les mêmes raisons, Jobs s’opposera à la mise à


disposition d’iTunes sur les plateformes Windows ou à l’ouverture
de l’App Store aux créateurs et développeurs externes. La vision de
l’entreprise de Jobs est celle d’une firme fermée, cultivant le secret
et l’innovation, favorisant la recherche en interne par la créativité
dans tous les domaines.
Après sa disparition en 2011, Jobs est décrit par beaucoup de capi-
taines d’industrie et de grands dirigeants comme un leader vision-
naire, un pionnier de l’industrie informatique et tout simplement un
génie symbole d’une époque, celle de la troisième révolution indus-
trielle. Mark Zuckerberg, qui était l’un de ses amis, dira de lui :
« Merci pour avoir été un mentor et un ami. Merci de nous avoir
montré que ce que l’on crée peut changer le monde. » Barack Obama
le remerciera publiquement et déclarera : « Un des plus grands inno-
vateurs américains, assez courageux pour penser différemment, assez
audacieux pour croire qu’il pouvait changer le monde, et assez talen-
tueux pour le faire. » C’est sur ses pas que Mark Zuckerberg mar-
chera avec un style de leadership néanmoins bien différent.

2  Mark Zuckerberg de Facebook :


symbole de la génération Y

Né en 1984, Mark E. Zuckerberg est à l’origine de la création du


réseau social Facebook en 2004, alors qu’il est encore étudiant à la
célèbre université américaine Harvard depuis septembre 2002. Avant
la fin de sa deuxième année, Zuckerberg quitte Harvard pour se consa-
crer entièrement à son projet et fonder Facebook. Il s’installe à
Palo Alto, en Californie, et rencontre Peter Thiel, qui investit dans la
société. En 2006, le réseau social est ouvert au grand public et dépasse
rapidement MySpace. C’est ainsi que naît le mythe Zuckerberg
(Kirpatrick, 2011). Presque dès le début, il rencontre des problèmes
avec ses anciens condisciples de l’université qui revendiquent avoir
travaillé avec lui sur le projet Facebook. Finalement, Zuckerberg leur
verse 65 millions de dollars à titre de dédommagement. Pas énorme
pour celui dont la fortune était estimée à 17,5 milliards d’euros en
2011. En 2012, Facebook entre en bourse, ce qui lui garantit déjà un

144
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

bel avenir. Facebook passe la barre des 500 millions d’utilisateurs en


2010, et du milliard en 2012. Le 18 mai 2012, le réseau social réalise
une capitalisation boursière de 104 milliards de dollars. Mark
Zuckerberg est aujourd’hui le plus jeune milliardaire de la planète.

2.1 Un surdoué technophile

Zuckerberg est considéré par beaucoup comme un génie de l’infor-


matique à l’intelligence déjà légendaire. Souvent pas très à son aise
devant les médias – mais en net progrès – Zuckerberg, cheveux
décoiffés et en sweat-shirt à capuche, apparaît comme tel.
L’interviewant lui-même, Barack Obama, qui l’a titillé sur son port
de la cravate, est venu lui rendre visite au siège de Facebook.
Zuckerberg suscite beaucoup de commentaires et d’attractions tant
il semble être le symbole d’une nouvelle génération de salariés : la
génération Y (personnes nées entre 1985 et 2000). Une nouvelle
génération de salariés à laquelle on prête les traits caractéristiques
suivants : technophiles, adeptes du changement, ayant de forts
besoins d’accomplissement et de récompense, impatients, d’un faible
loyalisme institutionnel, en quête de sens au travail et soucieux d’une
meilleure intégration entre vie privée et vie professionnelle.
Présenté dans la presse comme un héros des temps moderne,
Zuckerberg a certainement de l’ambition et du talent, mais il peut
parfois avoir l’air méprisant. Son dress code peut parfois être décon-
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

certant pour le monde des affaires mais semble plaire aux nouvelles
générations : il se montre en pull à capuche et baskets lors d’entre-
tiens importants avec des investisseurs fortunés. Considéré comme
atypique dans la Silicon Valley, il est néanmoins respecté pour sa
culture de l’innovation et sa recherche de l’amélioration en continu.
Zuckerberg a une culture de geek, c’est-à-dire qu’il est fondamenta-
lement technophile et passionné par son produit.

2.2 Un management co-responsable

Concentré sur son cœur de métier, « le web social », il est convaincu
que ce qui marche réussit rapidement. Par ailleurs, il sait aussi s’entou-
rer même s’il est un leader qui aime prendre les décisions pratiquement

145
Chapitre 4  ■ Leadership et management dans un monde qui change

toutes fondées sur le produit (« la technologie, c’est le produit »). La


grande force de Zuckerberg est d’avoir mis en place une stratégie
d’entreprise à long terme (Kirkpatrick, 2011). C’est véritablement cette
caractéristique qui le distingue des autres acteurs de la Silicon Valley
parfois trop tournés à ses yeux vers le court terme et toujours en quête
de résultats immédiats. En somme, Mark Zuckerberg incarne bien le
dirigeant de demain, le leader flexible et adaptatif qui sait développer
des projets et des modes de fonctionnement collaboratifs pour stimu-
ler la créativité et attirer les talents tout en conservant une ligne de
conduite et un plan d’objectifs précis. Probablement qu’il sait aussi
s’appuyer sur des compétences clés comme savoir analyser le monde
contemporain, représenter une autorité moderne, prendre des décisions
dans la complexité, maîtriser son énergie et son stress dans le temps,
comprendre les nouvelles générations, manager à l’horizontale, être à
la fois chef, coach et médiateur et favoriser le management co-respon-
sable. Fondées sur le partage de l’information et des projets inévita-
blement collaboratifs, les méthodes de leadership de Mark Zuckerberg
s’éloignent nettement de celles de Steve Jobs. Pour autant, elles
semblent avoir fait leur preuve au regard des derniers résultats écono-
miques de la compagnie.
Ces deux exemples, qui peuvent faire à notre sens jurisprudence,
montrent bien que le leadership est également un art et « une vocation
exigeante pour laquelle les futurs leaders doivent mobiliser ce qu’ils
ont de meilleur et de plus fort en eux » (Bennis, Sample, 2007).

146
Leadership et management dans un monde qui change  ■  Chapitre 4

L’essentiel
En matière d’analyse des pratiques et des modèles de leadership, les
développements contemporains sont difficiles à décrypter, mais
plusieurs tendances se dégagent. En premier lieu, le regain d’intérêt
pour l’approche par les traits de personnalité. Par exemple,
R. House (2013) se plaît à parler de leadership néocharismatique ou
encore E. Luc penche en faveur d’une sorte de capacité de partage
chez les leaders d’aujourd’hui. On est bien ici dans la perspective
d’un leadership inspirant qui indique le chemin, la vision. En ce
sens, le leadership pourrait être assumé par un collectif bien
organisé dans un esprit collaboratif. En second lieu, on peut
observer la nécessité d’une approche visionnaire, tant les marchés
sont incertains et risqués pour les entreprises, petites ou grandes. En
troisième lieu, il est important de noter la distinction que font
plusieurs auteurs entre leadership transactionnel et leadership
transformationnel (Burns, 1978 ; Bennis, Nanus, 1985 ; Bass, 1985,
1999). Dans un monde en mouvement, c’est surtout de leaders
transformateurs dont nous avons besoin, c’est-à-dire de gens
capables de comprendre les besoins des collaborateurs mais surtout
de les développer en les amenant à se transcender et à explorer et
réaliser tout leur potentiel. La perspective est ambitieuse mais
stimulante.
Enfin, il faut relever les approches fondées sur la prise en compte
des émotions et de la spiritualité. En matière d’intelligence émo-
tionnelle (Goleman, 1998), on est bien dans la perspective d’un
leader au service des autres (le « servant leader ») ou encore dans
la perspective du partage (le leadership partagé de Luc, 2013).
Avec la spiritualité, on va encore plus loin et l’on dépasse la ges-
tion des émotions pour rentrer dans le domaine de l’esprit. Or, la
relation corps-esprit est presque absente des recherches en mana-
gement. C’est pourtant dans cette direction qu’il semble important
de chercher et tendre vers un leadership spirituel (Fry, 2013). Cela
implique de considérer l’esprit, la méditation et la foi comme des
vecteurs complexes vers la plénitude de l’individu qui, en
conscience, place l’humanisme au-dessus de tout.

147
Conclusion

« Si l’on enlève aux hommes ce qui est infiniment grand,


ils cesseront de vivre et mourront désespérés. L’homme
a besoin de l’illimité et de l’infini tout aussi bien que de
la petite planète où il habite. Oh vous tous, mes amis ! Vive
la Grande Pensée, la Pensée Éternelle et Infinie. Chacun,
qui que ce soit, a besoin de révérer ce que représente
la Grande Pensée. »
Dostoïevski, Les Possédés

Vers un Mindful Leadership, un « leadership


postmoderne » et un renouvellement des approches

En guise de conclusion, cette synthèse pose finalement la question


de la place du leadership dans la vie des organisations et le déve-
loppement des ressources humaines. Cette place peut aussi s’ana-
lyser dans la perspective du développement personnel, tant de
nombreuses personnes aujourd’hui entrent dans des logiques de
renforcement de capacité et de recherche de plénitude. L’une des
tendances contemporaines est aussi celle d’un management en
pleine conscience soucieux de l’équilibre mental et cognitif de la
personne et de la gestion de ses émotions, en d’autres termes le

149
Théories du leadership

Mindful Leadership ou leadership en pleine conscience (Kets de


Vries, 2014). Cela implique une pleine conscience, c’est-à-dire
développer une harmonie entre le corps et l’esprit, et avoir une
approche fondée sur la recherche de la réduction du stress et l’har-
monie (Chavel, 2012). Cela suppose aussi une médiation et une
spiritualité où l’individu est capable de détacher son esprit de là où
il ne veut pas qu’il soit pour le placer où il veut qu’il soit. Il est
évident que le leadership a une fonction importante dans l’analyse
et la compréhension des équipes, le leader orientant les personnes
vers l’accomplissement des objectifs. Les interrogations sur la qua-
lité des leaders sont donc bien sûr utiles mais aussi pertinentes pour
renforcer le développement des organisations.
La galaxie de travaux que nous avons explorée indique aussi
l’importance pour le devenir des sociétés de la formation de leaders
visionnaires capables d’inventer le futur. À l’instar d’entreprises
aujourd’hui symboliques telles que Google, Amazon ou encore
Facebook ou Apple (le fameux modèle GAFA désignant les entre-
prises les plus riches du monde), il apparaît essentiel d’exposer,
d’exprimer et d’adapter une vision et les buts poursuivis qui en
découlent pour préparer l’avenir. De telle sorte que le leader de
demain est un « fabriquant d’avenir » capable d’énoncer une vision
pragmatique et attractive du futur reposant sur une projection lucide
de l’évolution de la situation présente dans un contexte donné. C’est
aussi quelqu’un qui déconstruit – on peut être parfois dans la rup-
ture (Plane, 2015) – tout en faisant preuve de beaucoup de passion
et d’enthousiasme.
Le renouveau actuel du leadership tend à nous orienter à nouveau
vers un leader néocharismatique qui promeut le partage de valeurs,
le respect des autres et la liberté d’entreprendre, donc de se tromper.
En définitive et au terme de cet essai, notre conviction est qu’il y
a un peu dans le leadership les idées de déviance et de démesure
souvent à la base de l’essor des projets les plus ambitieux ou de la
construction de vastes empires. C’est donc probablement sur la
question de la production des leaders dans une société donnée qu’il
y a lieu de s’interroger. Cette production est-elle réellement pos-
sible ? Même s’il est évident que l’on ne peut pas fabriquer un
leader dans une salle de classe, peut-on promouvoir les aptitudes
au leadership ? La formation des leaders de demain est-elle

150
Conclusion

sérieusement envisageable ? La possibilité d’un développement en


ce sens constitue probablement une perspective de progrès pour les
sociétés de demain.
Incontestablement, nous sommes depuis quelques années rentrés
dans une société postmoderne fondée sur le retour du collectif et
des communautés émotionnelles (Maffesoli, 2002, 2012). Primauté
des affects et des émotions, « guerre des dieux » au sens du poly-
théisme des valeurs de Weber, primauté de la raison sensible sur le
rationalisme scientiste, importance du vouloir-vivre collectif sur
l’individualisme et partir de l’imaginaire pour comprendre le réel ;
telles sont les caractéristiques majeures de la société postmoderne
qui caractérise notre époque. Cette époque est aussi caractérisée
par l’ère de l’économie de l’expérience et du partage (économie
collaborative) à partir de laquelle la création de valeur peut se jouer
davantage dans l’horizontalité que dans la verticalité (la coopéra-
tion, l’échange, le partage et les logiques collaboratives s’opposant
ici à la hiérarchie). Les évolutions vers des formes de « leadership
postmoderne » (Plane, 2015) accompagnent probablement ce mou-
vement et peut-être même l’accentuent. C’est également suivant
une réflexion prospective sur le leadership que nous avons produit
dans la revue Économie et Management d’avril 2015 un dossier
collectif coordonné par Noguera avec les contributions de Belghiti-
Mahut, Chézalviel, Dejoux, Hugounenc-Rambier, Noguera, Plane,
Vernazobres, Voynnet-Fourboul. L’ensemble des contributions pro-
posées semble converger vers la thèse suivant laquelle un mode de
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

leadership efficace résulte probablement de la synthèse de plusieurs


courants majeurs : le communityship, le partage et le collaboratif,
la gestion des émotions, de la diversité des personnes, de compor-
tements déviants et le développement d’une spiritualité voire d’une
pleine conscience. En effet, le leader de demain sera certainement
celui qui est capable de se connaître, de maîtriser ses émotions et
de « puiser dans sa spiritualité » pour faire face à des situations
conflictuelles, complexes ou incertaines dans lesquelles les risques
et les menaces existent. On est bien ici dans la perspective d’une
approche totalisante (Thévenet, 2013) et d’un leadership plus par-
tenarial (Dejoux, 2015) fondés sur la recherche de coopérations et
de projets inclusifs qui favorisent l’essor d’une société plus volon-
tariste et inévitablement plus responsable.

151
Théories du leadership

Pour ce qui nous concerne, nous pencherons volontiers pour une


approche renouvelée du leadership dans la logique du néomanage-
ment émergent caractéristique de l’époque postmoderne (Plane, 2010,
2012). On serait ainsi plutôt ainsi dans la perspective d’un « leader-
ship postmoderne » où une certaine déviance pourrait favoriser la
création de valeur et renouveler les bases de la compétitivité pour
nombre d’organisations. Il s’agirait bien ainsi de « bousculer les
usages » et d’adopter des postures à la marge des idées préétablies
et souvent saturées ou même dépassées. Cela ouvre bien sur la dis-
cussion ou même le débat sur la fin du management et le devenir du
leadership dans les sociétés postmodernes.

152
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Index

Index des noms propres

A French, J. R. P. 19
Fry, Louis W. 140
Adair, John 81
Alderfer, Clayton 44 G
Argyris, Chris 61
Goleman, Daniel 101
B Greenleaf, Robert K. 131

Barnard, Chester 4 H
Barrett, Richard 137
Hamel, Gary 118, 121
Beckhard, Richard 84 Hersey, Paul 95
Bennis, Warren G. 24 House, Robert J. 66
Blake, Robert 56
Blanchard, Ken 95 J

C Jobs, Steve 2, 142

Coch, L. 19 K

D Kets de Vries, Manfred 40


Kirkpatrick, Shelley A. 36
D’Aveni, Richard 114 Koestenbaum, Peter 110
F L
Fayol, Henri 3 Lewin, Kurt 18
Fiedler, Fred E. 75 Likert, Rensis 49

165
Théories du leadership

Lippitt, Ronald 18 T
Locke, Edwin A. 36
Tannenbaum, B. 54
Luc, Édith 135
V
M
Vroom, Victor 78
Machiavel, Nicolas 32
March, James 118, 130 W
McClelland, David 41
McGregor, Douglas 21 Weber, Max 9
Mintzberg, Henry VI, 118 White, Ralph 18
Mouton, Jane 56 Y
O Yetton, Philip W. 78
Ouchi, William 22 Z
S Zardet, Véronique 90
Sample, Steven B. 31 Zuckerberg, Mark 144
Savall, Henri 90 Zaleznik, Abraham 38
Schmidt, W. 54

Index des notions

A changement 5
charisme 2, 10
accomplissement personnel 42 coaching 3
Apple 143 collaboration 30
apprentissage 65 commandement 3, 21
autonomie 19 communauté émotionnelle VI
autorité 4, 9, 11 communityship VI
compétences comportementales 5
B compétences managériales 5
bien-être au travail 120 compétences techniques 5
comportement organisationnel 1
bienveillance 132
confiance 19, 82, 112
C considération 55
coopération 4
Canon 115 créativité 10
capital humain 5 Customer Relationship
capitalisme 13 Management 84

166
Index

D K
DRH 117 Kodak 116
dynamique des groupes 20
L
E
laxisme 18
efficacité 51 leader authentique 111
empathie 132 leader serviteur 131
engagement 23, 26 leadership autoritaire 18
entrepreneur 13 leadership de droit 2
équipe 3 leadership de fait 2
éthique 131 leadership démocratique 18
Leadership Grid 56
F leadership partagé 135
Facebook 144 leadership situationnel 95
facteur Gretzky 29 leadership spirituel 137, 139
Fnac 83 leadership transformationnel 107
fonction de direction 4 leadership visionnaire 109
Free 114 leader transactionnel 107
Fuji 116 légitimité 11

G M
génération Y 144 management participatif 51, 53
gestion des talents 30 matrice de Hersey et Blanchard 96
GLOBE 66 métaphore du caméléon 5
Google 121, 122 Mindful Leadership 149
Gore 121, 122 modèle de Fiedler 75
© Dunod. Toute reproduction non autorisée est un délit.

motivation 23, 41
H
P
héros 10, 12
hypercompétition 114 participation 20
hypocrisie organisationnelle 113 personnalité 5, 12
potentiels 24, 47
I productivité 4
IBM 121 psychanalyse 39
idéal-type 11
R
individualisme 10
influence 2 rapport à soi 26
innovation 10 rationalité 10
intelligence émotionnelle 37 renforcement positif 45
ISEOR 94 ressources humaines 21

167
Théories du leadership

S théâtre interne 40
théorie de l’objectif-trajectoire 75
servant leadership 131
théorie X 22
Silicon Valley 82
théorie Y 22
société contemporaine V
théorie Z 22
spiritualité VI, 137, 142
traits de personnalité 24
structuration 55
transformation digitale 4
T
W
talent 2
Whole Foods 121
théâtralisation 35

168

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