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Stratégies

d’internationalisation
Nouveaux enjeux d’ouverture
des organisations, des activités
et des territoires
management sup

Stratégies
d’internationalisation
Nouveaux enjeux d’ouverture
des organisations, des activités
et des territoires

3e é d i t i o n
entièrement refondue

Jean-Paul Lemaire
© Dunod, Paris, 2013
ISBN 978-2-10-056355-5
Table des matières

Mode d'emploi VII


Remerciements IX
Intro­­duc­­tion 1

Partie 1
Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale pour les
ter­­ri­­toires, les acti­­vi­­tés et les orga­­ni­­sa­­tions
1 L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale 17

Section 1 Por­­tée et limites de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale 25


Section 2 Le renou­­vel­­le­­ment des théo­­ries de l’échange inter­­na­­tional 46
Section 3 Intro­­duc­­tion au modèle PREST 59

2 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires 74

Section 1 Déve­­lop­­pe­­ment des ter­­ri­­toires : pro­­tec­­tion ou pro­­mo­­tion ? 83


Section 2 Positionnement dyna­­mique des ter­­ri­­toires 103
Section 3 La prise en compte du risque : « macro­risques »
et « micro­risques » 118

3 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés 148

Section 1 Por­­tée de la dis­­tinction « glo­­bal/local » dans la défi­­ni­­tion


des acti­­vi­­tés 158
Section 2 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des sec­­teurs : fac­­teurs de muta­­tion
intra-sec­­to­­riels 182

V
Stratégies d’internationalisation

Section 3 Les enjeux de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale pour les acteurs


et les par­­ties pre­­nantes des sec­­teurs 193

4 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions 206

Section 1 Les logiques du développement inter­­na­­tional


des orga­­ni­­sa­­tions 213
Section 2 Les déterminants internes et externes de la dyna­­mique
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions 237
Section 3 Les réponses internes de l’orga­­ni­­sa­­tion aux muta­­tions
de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional 259

Partie 2
L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions
5 Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation 275

Section 1 Les étapes de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation 281


Section 2 Du « modèle d’affaire » inter­­na­­tional aux pro­­blé­­ma­­tiques
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et à la déter­­mi­­na­­tion de l’espace
de réfé­­rence 299

6 Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence 316

Section 1 L’ana­­lyse des lignes de force dans l’espace géo-sectoriel


considéré 325
Section 2 Le posi­­tion­­ne­­ment concur­­ren­­tiel 341
Section 3 Les voies d’évo­­lu­­tion stra­­té­­gique 352

7 Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation 365

Section 1 Le diag­­nos­­tic inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion 371


Section 2 La for­­mu­­la­­tion de la stratégie d’internationalisation 394

8 Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation 416

Section 1 La dyna­­mique des modes d’approche 422


Section 2 Évolution des schémas orga­­ni­­sa­­tion­­nels et intégration
de la compo­­sante cultu­­relle 439

Conclu­­sion : De l’audit au plan d’action inter­­na­­tional 481


Bibliographie et cas de référence 495
Index des concepts et auteurs 513
Index des organisations, des activités et des territoires 519

VI
Mode d’emploi : Une
démarche renou­­ve­­lée
pour un envi­­ron­­ne­­
ment en muta­­tion
accé­­lé­­rée

D epuis les premi­ères édi­­tions de cet ouvrage, l’envi­­ron­­ne­­ment des flux d’échanges
et d’inves­­tis­­se­­ments internationaux s’est trouvé pro­­fon­­dé­­ment bou­­le­­versé, deve­
­nant, à la fois, plus ouvert et complexe, agité de convul­­sions plus fré­­quentes, plus vio­­
lentes et de plus grande ampleur. L’« ouver­­ture inter­­na­­tionale » déso­­riente, désor­­mais,
un nombre crois­­sant d’acteurs publics et privés, individuels et institutionnels qui, aupa­­
ra­­vant, rai­­son­­naient à par­­tir de bases moins incer­­taines. La vision holiste des macro­éco­
­no­­mistes cher­­chant des inter­­pré­­ta­­tions uni­­ver­­selles de la réa­­lité ne suf­­fit plus à l’expli­­quer
et à construire des réponses adap­­tées à cha­­cun. Cette approche venant « du haut » (top
down) serait à combi­­ner à une approche venant « du bas » (bottom up). Même si celle-­ci
est, par nature, par­­cel­­laire, elle met davan­­tage l’accent sur les signaux forts et, surtout,
les signaux faibles ren­­voyés par le ter­­rain, qui ouvrent à de nou­­velles impli­­ca­­tions, géné­
­rales et par­­ti­­cu­­lières, pour l’ana­­lyse et pour la déci­­sion.
C’est cette démarche, combi­­nant ces deux approches, que nous pro­­po­­sons ici, en
deux temps :
• Le temps de l’ana­­lyse de l’envi­­ron­­ne­­ment (1re par­­tie), sou­­ligne les trans­­for­­ma­­tions
rapides de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale (plu­­tôt que la « globalisation »), telle qu’elle
a évo­­lué depuis trois décennies. Nous consi­­dé­­re­­rons leur impact, non seule­­ment
sur les orga­­ni­­sa­­tions (entre­­prises, ONG, collectivités…), mais aussi sur les acti­­vi­
­tés (sec­­teurs ou indus­­tries) affec­­tées, les unes et les autres, de façon très dif­­fé­­rente,
ainsi que sur les ter­­ri­­toires, désor­­mais plus ouverts, sou­­cieux de leur pros­­pé­­rité et
de leur rayon­­ne­­ment.
• Le temps de la déci­­sion, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment pour les orga­­ni­­sa­­tions (2e par­­tie), pro­­
pose la struc­­ture d’un audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qui mobi­­lise les concepts et les
outils (macro, meso et micro­éco­­no­­miques) déve­­lop­­pés pré­­cé­­dem­­ment. Cet audit

VII
Stratégies d’internationalisation

offre à chaque entité confron­­tée à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale – qu’elle la subisse et/


ou qu’elle compte en tirer parti, quelle que soit sa taille ou son acti­­vité – un pro­­
ces­­sus séquencé menant de l’ana­­lyse à la déci­­sion, autre­­ment dit, à la for­­mu­­la­­tion
et à la mise en œuvre de sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
En consé­­quence, ce peut être à dif­­fé­­rentes caté­­go­­ries de lec­­teurs et d’uti­­li­­sa­­teurs
que cet ouvrage s’adresse :
• Aux étu­­diants et par­­ti­­cipants à des pro­­grammes de for­­ma­­tion au déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional, ainsi qu’à leurs for­­ma­­teurs, il s’attache à pro­­po­­ser une démarche
péda­­go­­gique qui peut être déclinée en modules de dif­­fé­­rents « for­­mats », selon le
degré d’appro­­fon­­dis­­se­­ment recher­ché (que l’on peut scin­­der entre par­­tie 1 et par­­
tie 2) dans le cadre de dif­­fé­­rents pro­­grammes. Chaque cha­­pitre, qui peut don­­ner
lieu à une ou deux séances, s’appuie sur un cas intro­­duc­­tif qui per­­met de « dérou­
­ler » ensuite, concepts, outils, illus­­tra­­tions, pré­­ci­­sés par de nom­­breux « repères »,
« tableaux » et « exemples », autour de « figures » s’atta­­chant à syn­­thé­­ti­­ser les
situa­­tions clés et les approches pré­­sen­­tées. Il débouche sur un cas d’appli­­ca­­tion,
uti­­li­­sable comme tel ou sous forme déve­­loppée1.
• Aux pro­­fes­­sion­­nels des orga­­ni­­sa­­tions « pro­­fit » et « non pro­­fit » mais aussi des
orga­­ni­­sa­­tions ter­­ri­­toriales confron­­tées à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, il four­­nit des
outils d’ana­­lyse et d’aide à la déci­­sion, qui tiennent compte de la diver­­sité des
struc­­tures et des situa­­tions sus­­cep­­tibles d’être rencontré­es. La démarche d’audit,
long­­temps tes­­tée auprès des par­­ti­­cipants du Stege « Déve­­lop­­pe­­ment Inter­­na­­tional
de l’Entre­­prise » d’ESCP Europe, peut être adap­­tée à cha­­cune d’entre elles et uti­
­li­­sée en inter­­ac­­tion avec ses ins­­tances res­­pec­­tives de déci­­sion.
• Aux obser­­va­­teurs (inquiets et/ou curieux) des muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­
­na­­tional et de ses mul­­tiples facettes, il pro­­pose, en par­­tant notam­­ment des « cas »,
des « exemples » ou des « repères », une « mise en situa­­tion », mais aussi une
« mise en perspec­­tive » de cette « ouver­­ture inter­­na­­tionale », aux carac­­té­­ris­­tiques
en per­­ma­­nente évo­­lu­­tion. Il leur per­­met­­tra de choi­­sir, en fonc­­tion de leurs centres
d’inté­­rêt et des inci­­dents cri­­tiques qui auront mobi­­lisé leur atten­­tion, leurs points
d’entrée dans ce jeu complexe d’inter­­ac­­tions dont on s’est atta­­ché ici à démê­­ler
(bien impar­­fai­­te­­ment) l’éche­­veau.

1.  La plupart des cas introductifs et des cas d’application sont disponibles, en ver­­sion anglaise et en ver­­sion
fran­­çaise, à la Cen­­trale des Cas et des Moyens Péda­­go­­giques (CCMP), sous une forme plus ou moins développée
(moins de 10 p. en formule agrégée, de 20 à 30 p. en formule complète) accom­­pa­­gnés d’une fiche péda­­go­­gique
détaillée, d’un jeu de trans­­pa­­rents, de pro­­po­­si­­tions de sujets d’exa­­mens et de quiz d’éva­­lua­­tion.

VIII
Remerciements

A u-­delà du sou­­tien au quo­­ti­­dien de Myriam, Marie et Pauline, cette démarche


doit beau­­coup aux réac­­tions de mes deux re­lec­­teurs atten­­tifs, Eric Milliot et
Gérard Petit (sans que puissent, en aucune manière, leur être repro­­chées les fai­­
blesses de cet ouvrage) qui m’ont accom­­pa­­gné au cours de son pro­­ces­­sus de rédac­
­tion et de fina­­li­­sa­­tion.
Ma réflexion a pro­­fité aussi de ma longue compli­­cité avec Nathalie Prime dans le
cadre des ensei­­gne­­ments et des recherches que nous avons menés ensemble dans
cette ins­­ti­­tution si natu­­rel­­le­­ment inter­­na­­tionale qu’est l’ESCP Europe.
Elle doit aussi beau­­coup, depuis 2008, aux échanges avec mes col­­lègues et amis,
fon­­da­­teurs et admi­­nis­­tra­­teurs d’Atlas-­AFMI, Asso­­cia­­tion Fran­­co­­phone de Mana­­ge­­
ment Inter­­na­­tional1 : Ulrike Mayrhofer, Eric Milliot, Sophie Nivoix, Valentina Car­­
bone, Yvon Pesqueux, Jacques Jaussaud, Nathalie Prime, Philippe Véry et Nadine
Tour­­nois, ainsi que Tugrul Atamer, Bruno Amann, Jean-­François Chanlat, Gérard
Cli­­quet, Patrick Cohendet, Jean-­Pierre Dupuis, Pierre-Xavier Meschi et Jean-­Claude
Usunier. Sans oublier mes «  compa­­gnons de route  » Pierre-­Louis Dubois, Pierre-­
Bruno Ruffini, Erik Orsenna, Pervez Ghauri, Marc Benoun, Ramesh Mulye, et aussi
Stefan Schmid, Flo­­rence Pinot, Frédérique Even-­Horellou et Anne-­Gaëlle Jolivot.
M’ont aussi beau­­coup apporté mes col­­lègues du Centre Franco-­Vietnamien de
Ges­­tion (Nguyen Van Chan, Bui Lan Huong et Thang Truong Thi Nam), de l’IIM
Ahmedabad (Abraham Koshi et Errol D’Souza), de l’Université de Tsukuba (Rémy
Magnier-­Watanabe), ainsi que ceux de l’ESA Beyrouth, de l’ESAA Alger, de San
Andres de Buenos Aires, du TEC/Egade de Monterrey, de l’ISM Dakar, ainsi que les

1.  www.atlas-­afmi.com

IX
Stratégies d’internationalisation

pro­­fes­­sion­­nels, cités au fil de cet ouvrage, avec les­­quels j’ai déve­­loppé des cas dans
leurs pays res­­pec­­tifs.
Tout comme les inter­­ac­­tions avec les cher­cheurs et doc­­to­­rants de notre groupe
« Mana­­ge­­ment Inter­­na­­tional » de l’ESCP Europe ont éga­­le­­ment contri­­bué à sti­­mu­­ler
et pré­­ci­­ser ma démarche  : Jean-Louis Paré, Milena Viassone, Flo­­rence Gervais,
Karina Jensen, ainsi que Marc Hostert, Gérard Cazabat, Josiane O’Brian, Benédicte
Geraud et Cécile Montier.
Je ne veux pas oublier, à l’issue de ce pro­­ces­­sus, mes col­­lègues enseignants-­
chercheurs du corps pro­­fes­­so­­ral des cinq cam­­pus d’ESCP Europe, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­
ment du Dépar­­te­­ment Mar­­ke­­ting (Jean-Claude Andréani, Olivier Badot, Jérôme
Bon, Boris Durisin, Michaël Haënlein, Benoît Heilbrunn, Frédéric Jallat, Andreas
Kaplan, Allan Kimmel, Sandrine Macé, Delphine Manceau, Marcelo Nepomuceno,
Alain Olivier, Raphaëlle Pandraud, Elizabeth Tissier-Desbordes, Tom van Laer,
Luca Visconti, Fabrizio Zerbini), comme son équipe admi­­nis­­tra­­tive (An­na Walters
ainsi que Marilyn Pan­­zer et Svetlana Telman). Un grand merci aussi pour l’aide
constante apportée par l’équipe des bibliothécaires d’ESCP Europe, Valérie Aime-
Bourelly, Claire Le Peutrec, Béatrice Marchand, Isabelle Sergent, Ntahlie Trzon,
ainsi qu’Elizabeth Laparra, Thierry Coquery et Chantal Geudar-Delahaye. Avec une
pen­­sée, enfin, pour Chloé Abellan et Odile Marion, mes inter­­lo­­cu­­trices aux édi­­tions
Dunod.

X
Introduction

D ébut 2012, au sein d’un espace éco­­no­­mique lar­­ge­­ment décloi­­sonné entre


éco­­no­­mies matures et éco­­no­­mies émergentes, l’obser­­va­­tion sur quelques
semaines des enti­­tés pri­­vées (entre­­prises, orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales)
comme des enti­­tés publiques (États, col­­lec­­ti­­vi­­tés locales, ins­­ti­­tutions publiques
natio­­nales et inter-­gouvernementales) révèle l’éten­­due et la diver­­sité des muta­­tions,
bru­­tales ou plus pro­­gres­­sives, aux­­quelles ces orga­­nisations sont asso­­ciées et les défis
qu’elles ont à rele­­ver, remet­­tant en ques­­tion, comme le montrent les illus­­tra­­tions ci-­
dessous, un cer­­tain nombre de posi­­tions acquises :

Exemple I.1 – La roue tourne


Une nou­­velle redis­­tri­­bu­­tion durable des risques inter­­na­­tionaux ?
En marge de la dégra­­da­­tion de la note des États-­Unis, à l’automne 2011, et de celle de la
France, en janvier 2012, par l’agence de nota­­tion Stan­­dard & Poors, la carte mon­­diale des
risques inter­­na­­tionaux de la Co­face fait res­­sor­­tir1 que le risque pays s’accroît dans les
éco­­no­­mies matures, tan­­dis qu’il dimi­­nue dans les éco­­no­­mies émergentes2.
Le capi­­ta­­lisme libé­­ral triom­­phant remis en cause par la crise et le capi­­ta­­lisme d’État3?
À quelques jours d’inter­­valle, en marge du Forum éco­­no­­mique mon­­dial de Davos 2012,
The Economist et Time4, s’inter­­rogent simul­­ta­­né­­ment sur l’ave­­nir du capi­­ta­­lisme occi­

1.  Telle qu’elle res­­sort de l’ana­­lyse pour 2012 de l’éco­­no­­miste en chef, de la Compa­­gnie Fran­­çaise d’Assu­­rance
pour le Commerce Exté­­rieur, Yves Zlotowski, La Tri­­bune, 17 jan­­vier 2012.
2.  Cf. repère 1.3 « Le dilemme grec ».
3.  Cf. repère 1.5 « Le libéralisme éco­­no­­mique remis en ques­­tion par ses plus ardents défen­­seurs ».
4.  « The visible hand », The Economist, 21-23 jan­­vier 2012 ; « Capitalism under fire », Time, 6 février 2012.

1
Stratégies d’internationalisation

d­ en­­tal, en sou­­li­­gnant les inter­­ro­­ga­­tions qu’il sou­­lève, même chez cer­­tains libé­­raux,
depuis le déclen­­che­­ment de la crise mon­­diale, en 2008.
La Chine, plus rapi­­de­­ment que prévu dans la cour des grands1 ?
Ce n’est pas seule­­ment parce qu’elle a atteint le deuxième rang mon­­dial en termes de
pro­­duit natio­­nal brut, dépas­­sant le Japon, après l’Allemagne, et qu’elle est pro­­mise à
contester très vite la pre­­mière place des États-­Unis, que la mon­­tée en puis­­sance de la
Chine s’affirme ; c’est aussi parce qu’elle montre sa capa­­cité à étendre sa puis­­sance éco­
­no­­mique bien au-­delà de ses fron­­tières en commen­­çant à concré­­ti­­ser son ambi­­tion de
deve­­nir lea­­der tech­­no­­lo­­gique dans cer­­tains sec­­teurs clé2.
Les «  cham­­pions inter­­na­­tionaux » des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide (ECR) capa­
bles de prendre très vite pied au cœur des éco­­no­­mies matures3 ?
Les acqui­­si­­tions d’entre­­prises occi­­den­­tales et, notam­­ment, euro­­péennes, par les entre­­
prises issues des ECR ne se démentent pas dans de nom­­breux sec­­teurs. Au-­delà des
opérations très média­­ti­­sées a­yant tou­­ché la sidé­­rur­­gie4 ou l’auto­­mo­­bile5, cer­­taines entre­
­prises clés d’autres acti­­vi­­tés, moins visibles, passent dans le giron de ces nou­­veaux
acteurs des ECR.

Face à ces exemples de bou­­le­­ver­­se­­ment de posi­­tions et de convic­­tions sup­­po­­sées


acquises pour long­­temps, comme la domi­­nance tra­­di­­tion­­nelle du capi­­ta­­lisme libé­­ral
ou celle des éco­­no­­mies occi­­den­­tales, une pro­­por­­tion crois­­sante d’orga­­ni­­sa­­tions se
trouve confron­­tée à une ouver­­ture inter­­na­­tionale deve­­nue pour la plu­­part d’entre
elles incontour­­nable.
Quelle que soit leur ori­­gine (éco­­no­­mie mature ou éco­­no­­mie émergente) ou leur
nature (pri­­vée ou publique, à but lucra­­tif ou non), leur taille et leur niveau d’enga­­
ge­­ment hors fron­­tières, il leur faut acqué­­rir les clés de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale.
Cette ouver­­ture les met au défi jusque dans leur espace éco­­no­­mique d’ori­­gine, tra­­
dui­­sant une accé­­lé­­ra­­tion de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation depuis trois décen­­nies, et tout par­
­ti­­cu­­liè­­re­­ment depuis le début des années 2000, selon une triple évo­­lu­­tion :
• Le décloisonnement des éco­­no­­mies et des mar­­chés : les entraves aux échanges
de biens, de ser­­vices, de capi­­taux de migrants et les obs­­tacles aux tran­­sac­­tions ont,
le plus sou­­vent, dimi­­nué, sans pour autant que de nom­­breuses dis­­pa­­ri­­tés, d’un pays
ou d’un sec­­teur à un autre, ne s’atté­­nuent ou ne s’accen­­tuent.

1.  Cf. tableau 1.2 « Économies matures et émergentes : évo­­lu­­tion de leur poids res­­pec­­tif dans l’éco­­no­­mie mon­­
diale ».
2.  Cf. cas introductif du chapitre 4 « Huawei la montée en puissance d’un leader technologique mondial ».
3.  Cf. repères 4.4 à 4.11, « Les inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation pour les “cham­­pions inter­­na­­tionaux” chi­­nois,
indiens et bré­­si­­liens ».
4.  Comme la prise de contrôle hos­­tile du lea­­der euro­­péen franco-­hispano-luxembourgeois Arcelor par l’Indien,
après de longs affron­­te­­ments bour­­sier et même poli­­tiques en 2006.
5.  Avec l’exemple, en 2010, du rachat du Sué­­dois Volvo cars après un bref pas­­sage sous contrôle amé­­ri­­cain par
la firme auto­­mo­­bile chi­­noise Geely quasi inconnue en Occi­­dent.

2
Introduction

• La muta­­tion du rôle et l’impli­­ca­­tion crois­­sante des enti­­tés ter­­ri­­toriales (régions,


muni­­ci­­pa­­li­­tés), éta­­tiques ou multi-gou­­ver­­ne­­men­­tales, qui ont plei­­ne­­ment pris
conscience des enjeux que créent de nou­­veaux rap­­ports de force, internes et
externes, les enga­­geant à défendre leur poids éco­­no­­mique rela­­tif, garant de leur
influ­­ence poli­­tique, en main­­te­­nant – sinon en déve­­lop­­pant – le niveau de bien-­être
de leurs popu­­la­­tions et la crois­­sance qui l’assure, en s’appuyant sur la dyna­­mique
des orga­­ni­­sa­­tions locales comme sur l’afflux des inves­­tis­­seurs directs étran­­gers.
• La mon­­tée en puis­­sance consé­­cu­­tive de la concur­­rence entre la plu­­part des
orga­­ni­­sa­­tions qui s’affrontent (y compris celles qui s’étaient trou­­vées jusque-­là
pro­­té­­gées dans leur espace natio­­nal) :
–– s’agis­­sant des entre­­prises, pour la conquête des mar­­chés, pour l’accès aux res­­
sources tan­­gibles (matières pre­­mières, pro­­duits trans­­for­­més, compo­­sants…) ou
intan­­gibles (tech­­no­­logies, compé­­tences, image de marque…) ;
–– s’agis­­sant des États et des col­­lec­­ti­­vi­­tés locales, pour atti­­rer capitaux, emplois et
savoir-faire.
Au-­delà des entre­­prises, qui conti­­nuent à occu­­per une place cen­­trale dans l’ana­­
lyse des pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, les autres orga­­ni­­sa­­tions, publiques et pri­­
vées, doivent être en consé­­quence de plus en plus, prises en compte ; à la fois pour
l’influ­­ence qu’elles peuvent avoir sur le déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des entre­­
prises, mais aussi en tant qu’acteurs enga­­gés direc­­te­­ment dans un pro­­ces­­sus de déve­
­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional1.
Ces trans­­for­­ma­­tions de fond, comme les nom­­breuses crises conjonc­­tu­­relles qui
affectent les éco­­no­­mies et leurs rela­­tions mutuelles2, conduisent de facto à un élar­­gis­­
se­­ment des pro­­blé­­ma­­tiques tra­­di­­tion­­nelles de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation. Ces pro­­blé­­ma­­tiques
ont long­­temps été cen­­trées sur la conquête des mar­­chés exté­­rieurs, sur l’inter­­na­­tiona­­li­
­sation des orga­­ni­­sa­­tions et de leurs dif­­fé­­rentes fonc­­tions dans un contexte plus stable,
car orches­­tré et maîtrisé par les agents éco­­no­­miques issus de la Triade3.
Désor­­mais de nou­­veaux pays, en dehors des grandes ECR (économies à crois­­
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sance rapide), de tailles beau­­coup plus modestes, mais aux res­­sources et/ou à l’influ­
­ence sans commune mesure avec celles-­ci, ont la pos­­si­­bi­­lité de jouer un rôle
appré­­ciable dans leur région comme à une échelle géo­­gra­­phique beau­­coup plus
large, comme le montrent l’exemple du Qatar4 ou celui du Luxembourg5. Comme

1.  Ainsi, les orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales ONG qui jouent un rôle crois­­sant auprès de l’opi­­nion et, aussi,
comme re­lai de nom­­breuses orga­­ni­­sa­­tions gou­­ver­­ne­­men­­tales, natio­­nales et inter­­na­­tionales. Cf. repère 1.9 « La mon­­tée
en puis­­sance des orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales inter­­na­­tionales et de la société civile inter­­na­­tionale ».
2.  Les crises qui n’ont cessé de se suc­­cé­­der au cours des der­­nières années, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, la crise ban­­caire
et financière pro­­vo­­quée par la spé­­cu­­la­­tion immo­­bi­­lière aux États-­Unis, révé­­la­­trice de la crise de la dette sou­­ve­­raine
met­­tant, cette fois, en cause la cré­­di­­bi­­lité des États occi­­den­­taux (cf. repère 1.6 « De la crise des sub­primes à la crise
de la dette sou­­ve­­raine »).
3.  L’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et le Japon.
4.  Cf. exemple 2.2 « Un nou­­veau venu très actif sur la scène inter­­na­­tionale : le Qatar ».
5.  Cf. exemple 2.1 « Le Luxembourg en quête d’un nou­­veau modèle éco­­no­­mique ».

3
Stratégies d’internationalisation

les grands pays, ils tendent à mettre à pro­­fit, avec beau­­coup d’effi­­ca­­cité, les atouts
dont ils dis­­posent.
Le but recher­ché ici est, en par­­tant d’une ana­­lyse des ten­­dances fortes de l’envi­­
ron­­ne­­ment inter­­na­­tional et des dif­­fé­­rents types d’inci­­ta­­tions à l’ouver­­ture inter­­na­­
tionale, de proposer une démarche sys­­té­­ma­­tique à laquelle peuvent se rac­­cro­­cher la
plu­­part des orga­­ni­­sa­­tions, quels que soient leur acti­­vité, leurs carac­­té­­ris­­tiques
propres et leur niveau d’enga­­ge­­ment à l’inter­­na­­tional.
Même si l’approche rete­­nue s’appuie sur des élé­­ments concep­­tuels et métho­­do­­lo­­
giques issus de divers champs dis­­ci­­pli­­naires de la gestion et des sciences humaines,
cette démarche ne se veut pas uni­­que­­ment théo­­rique : s’ins­­cri­­vant dans une perspec­
­tive déli­­bé­­ré­­ment opé­­ra­­tion­­nelle, elle vise à faci­­li­­ter la prise de déci­­sion dans ces
orga­­ni­­sa­­tions en trois temps :
––l’ana­­lyse des évo­­lu­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment, à carac­­tère conjonc­­tu­­rel aussi bien
que struc­­tu­­rel (mon­­dial, conti­­nen­­tal ou régio­­nal), dans lequel s’ins­­crit leur déve­­
lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ;
––le diag­­nos­­tic d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qui peut leur être appli­­qué, puis la for­­mu­­la­­tion
de leur stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ;
––la mise en œuvre et le contrôle, tout en per­­met­­tant leur remise en cause et leur
redé­­fi­­ni­­tion pério­­dique.
Bien que les formes nou­­velles de compé­­tition qui résultent de l’ouver­­ture crois­­
sante des éco­­no­­mies n’affectent que pro­­gres­­si­­ve­­ment les posi­­tions acquises par les
orga­­ni­­sa­­tions dans leur espace éco­­no­­mique d’ori­­gine, celles-­ci, quelle que soit leur
taille, se trouvent d’ores et déjà confron­­tées à de nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés comme à de
nou­­velles menaces. Elles peuvent dif­­fi­­ci­­le­­ment envi­­sa­­ger leur déve­­lop­­pe­­ment à
moyen terme, ou, même, éva­­luer leur compé­­titi­­vité, si elles ne s’ins­­crivent pas dans
une logique qui place la dimen­­sion inter­­na­­tionale au cœur même de leur réflexion
stra­­té­­gique.
L’inter­­na­­tiona­­li­­sation appa­­raît comme une don­­née per­­ma­­nente des pré­­oc­­cu­­pa­­
tions stra­­té­­giques des orga­­ni­­sa­­tions. L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la concur­­rence et l’inter­­dé­
­pen­­dance des mar­­chés, dans un nombre crois­­sant de sec­­teurs et d’acti­­vi­­tés en font
une dimen­­sion incontour­­nable pour une pro­­por­­tion de plus en plus large d’entre
elles. Elle les oblige à sor­­tir du cadre régio­­nal ou natio­­nal, ou encore du cercle des
pays de proxi­­mité, dans lequel nombre d’entre elles ont pu long­­temps res­­ter can­­ton­
­nées, pour se pro­­je­­ter dans un espace éco­­no­­mique bien plus ouvert.

L’inter­­na­­tiona­­li­­sation, une dimen­­sion incontour­­nable


Depuis long­­temps, les orga­­ni­­sa­­tions, sur­­tout les plus impor­­tantes, ont mul­­ti­­plié
leurs points d’ancrage hors de leur pays d’ori­­gine : dès le début des années 1970, le
thème de la multi­natio­­na­­li­­sation a été lar­­ge­­ment rebattu dans l’opi­­nion, en même
temps qu’il fai­­sait l’objet de nom­­breuses publi­­ca­­tions.

4
Introduction

Cer­­tains auteurs expli­­quaient le carac­­tère quasi iné­­luc­­table du phé­­no­­mène par la


recherche de « l’avan­­tage compa­­ra­­tif » ou par la néces­­sité de suivre le « cycle de vie
inter­­na­­tional du pro­­duit » ; d’autres l’expli­­quaient – au moins par­­tiel­­le­­ment – par la
recherche de « l’opti­­mi­­sation fis­­cale ». Dans la des­­crip­­tion du fonc­­tion­­ne­­ment de
l’entre­­prise inter­­na­­tionale, on s’inté­­res­­sait beau­­coup aux pro­­blèmes du « contrôle »
et des rela­­tions entre maison-­mère et filiales ; l’accent était mis sur les contraintes
finan­­cières et orga­­ni­­sa­­tion­­nelles. Ce qui n’a pas empê­­ché cer­­taines des plus solides
mul­­ti­­natio­­nales, comme Kodak, de se trou­­ver confron­­tées à des remises en ques­­tions
radi­­cales1.
Nombre d’auteurs se sont inté­­res­­sés aux consé­­quences économiques, sociales et
poli­­tiques de la multi­natio­­na­­li­­sation des firmes. Leurs ouvrages2 n’étaient d’ailleurs
guère des­­ti­­nés aux décideurs, publics ou pri­­vés, mais plu­­tôt à atti­­rer l’atten­­tion d’un
large public sur la mon­­tée en puis­­sance d’un phé­­no­­mène, dont bon nombre sou­­li­­
gnaient les dan­­gers. Ce n’est qu’à la lumière de réflexions plus récentes, au cours
des années 1980-1990, dans le domaine de la stra­­té­­gie, que l’on s’est atta­­ché au phé­
­no­­mène de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, en termes « d’avan­­tage compé­­titif » ou d’« avan­­
tage spé­­ci­­fique  » et que l’on a su en tirer un cer­­tain nombre de pres­­crip­­tions,
notam­­ment en matière de loca­­li­­sa­­tion opti­­male des opé­­ra­­tions pour les entre­­prises,
ou de fac­­teurs d’attractivité pour les ter­­ri­­toires.
Par ailleurs, à côté des mul­­ti­­natio­­nales, déjà lar­­ge­­ment déployées géo­­gra­­phi­­que­­
ment et coor­­don­­nées sur la base de pro­­cé­­dures dûment muries, d’une expé­­rience et
d’une pra­­tique de l’inter­­na­­tional bien éta­­blies, l’ana­­lyse du développement inter­­na­­
tional des PME s’appuyait essen­­tiel­­le­­ment sur une vision ex­port (commerce inter­­
na­­tional ou mar­­ke­­ting inter­­na­­tional). Elle se concen­­trait sur un cer­­tain nombre
d’outils et de fonc­­tions propres à faci­­li­­ter les ventes hors fron­­tières. Ces enti­­tés de
tailles plus modestes n’étaient pas, le plus sou­­vent, aidées à envi­­sa­­ger une démarche
struc­­tu­­rée, leur per­­met­­tant de faire des choix rai­­son­­nés, afin de déter­­mi­­ner au mieux
leurs pays cibles, leurs modes de pré­­sence et d’orga­­ni­­sa­­tion à l’inter­­na­­tional  ; et,
encore moins, à les faire évo­­luer au fil du temps, en réponse aux suc­­cès et aux échecs
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

ren­­contrés.
Dans le cas des entreprises mul­­ti­­natio­­nales (EMN) comme dans celui des PME, le
carac­­tère limité de ces approches res­­pec­­tives se jus­­ti­­fiait encore lar­­ge­­ment, en dépit de
la pro­­gres­­sion déjà remar­­quable des flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments, par l’ouver­
­ture encore réduite des éco­­no­­mies natio­­nales, par le carac­­tère encore domi­­nant des
rela­­tions éco­­no­­miques bila­­té­­rales entre les pays et, donc, par le volume et l’éven­­tail
plus res­treints des opé­­ra­­tions. Qui plus est, un grand nombre de pays – en par­­ti­­cu­­lier,
parmi ceux qui connaissent actuel­­le­­ment la pro­­gres­­sion la plus remarquable – était
encore fermé et/ou encore figé à un stade de déve­­lop­­pe­­ment très élé­­men­­taire.

1.  Cf. l’exemple 4.1 sur la lente déconfi­­ture de Kodak, au bord de la faillite en jan­­vier 2012, « Kodak au bord de
l’ago­­nie », ou, à un moindre degré, celle de Nokia, faute d’avoir su prendre à temps le tour­­nant du smatphone.
2.  A. Sampson, ITT, l’État sou­­ve­­rain, Alain Moreau, 1973.

5
Stratégies d’internationalisation

Les évo­­lu­­tions des trente der­­nières années ont sen­­si­­ble­­ment bou­­le­­versé la donne
avec l’abais­­se­­ment des bar­­rières de tous ordres iso­­lant ces éco­­no­­mies, pour beau­­
coup, pro­­gres­­si­­ve­­ment gagnées au libé­­ralisme ; mais, aussi, du fait de l’expan­­sion
très rapide des tech­­no­­logies de commu­­ni­­ca­­tion et de trai­­te­­ment de l’infor­­ma­­tion, du
trans­­port et de la cir­­cu­­la­­tion des capi­­taux qui ont for­­te­­ment contri­­bué aussi à accen­
­tuer ce désen­­cla­­ve­­ment.

La recherche de réponses concrètes


Il s’agira donc, en se pla­­çant du point de vue de l’entre­­prise et des autres orga­­ni­­
sa­­tions – et jus­­qu’aux ter­­ri­­toires –, concer­­nées par l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, de se
poser quelques ques­­tions simples, aux­­quelles on tentera de répondre sur un mode
ordonné, en y appli­­quant dif­­fé­­rents outils théo­­riques et métho­­do­­lo­­giques.
À l’heure actuelle, l’impli­­ca­­tion « hors fron­­tières » de la grande majo­­rité des orga­
n­ i­­sa­­tions, situées au-­delà d’un stade de déve­­lop­­pe­­ment pure­­ment régio­­nal ou natio­­
nal de leurs acti­­vi­­tés, ne se mani­­feste plus seule­­ment à tra­­vers l’inter­­na­­tiona­­li­­sation
des ventes, en cher­­chant à « tirer » les volumes vers le haut et à trou­­ver des relais de
crois­­sance exté­­rieurs. Elle dépasse éga­­le­­ment le souci d’amé­­lio­­rer la compé­­titi­­vité
prix par l’abais­­se­­ment des coûts des appro­­vi­­sion­­ne­­ments. Au-­delà de la diver­­si­­fi­­ca­­
tion de leurs mar­­chés, très nom­­breuses sont celles qui cherchent aussi constam­­ment
à opti­­mi­­ser les étapes de leur pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion et d’approvisionnement
(supply chain), en délocalisant leurs struc­­tures de pro­­duc­­tion, en fai­­sant appel plus
sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment à des sous-­traitants étran­­gers, ou, au contraire, en rapa­­triant leurs
acti­­vi­­tés dans leur espace éco­­no­­mique d’ori­­gine, au gré de l’évo­­lu­­tion des mar­­chés
et des coûts de pro­­duc­­tion, comme de celui des compo­­sants1.
Cette impli­­ca­­tion hors fron­­tières et cette recherche d’une plus grande flexi­­bi­­lité
s’expriment donc désor­­mais au niveau de la struc­­ture des organisations, puisque
l’enjeu est devenu plus clai­­re­­ment le ren­­fon­­ce­­ment de leur posi­­tion glo­­bale dans la
compé­­tition, par la recherche d’une répar­­tition géo­­gra­­phique sans cesse amé­­lio­­rée
de leurs loca­­li­­sa­­tions et d’un déploie­­ment opti­­mal de cha­­cun des stades de leur pro­
­ces­­sus de pro­­duc­­tion et de leurs prin­­ci­­pales fonc­­tions (achats/logis­­tique, recherche/
déve­­lop­­pe­­ment, pro­­duc­­tion/sous traitance, mar­­ke­­ting/vente, finance/contrôle, etc.).
Cette quête d’une compé­­titi­­vité accrue par une meilleure confi­­gu­­ra­­tion et une
loca­­li­­sa­­tion opti­­mi­­sée et évo­­lu­­tive de ses acti­­vi­­tés implique pour cha­­cune d’elles :
––de par­­tir d’une éva­­lua­­tion pré­­cise de la nature de celle-­ci, de la soli­­dité de sa posi­
­tion stra­­té­­gique, ainsi que du niveau de ses res­­sources ;

1.  Cf. exemple 1.2, « Région toulousaine : par­­tir, reve­­nir ? ». Voir aussi sur les délocalisations et re­loca­­li­­sa­­tions,
C. Mercier Suissa et al., Entre délocalisations et re­loca­­li­­sa­­tions Mobi­­lité des entre­­prises et attractivité des ter­­ri­­
toires, HEM-­Karthala-IAE de Lyon, 2011.

6
Introduction

––de reconsi­­dérer sa struc­­ture d’ensemble, pre­­nant en compte l’éven­­tail des


contraintes de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation de ses opé­­ra­­tions, comme des trans­­for­­ma­­tions
per­­ma­­nentes de son envi­­ron­­ne­­ment.

c Repère I.1
Les ques­­tions que se posent le plus sou­­vent les orga­­ni­­sa­­tions
dans le contexte de leur ouver­­ture inter­­na­­tionale1
••Quelles sont les rai­­sons qui nous poussent, dans le contexte de nos acti­­vi­­tés ou de nos
mis­­sions :
––à ini­­tier, accen­­tuer ou inflé­­chir ;
––à repous­­ser, ralen­­tir ou res­treindre notre déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ?
••Dans quelle mesure pouvons-­nous l’assu­­mer :
––de quels moyens disposons-­nous ?
––quelles sont nos forces et fai­­blesses face aux enjeux de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ?
••Quelle place devrons-nous accor­­der, res­­pec­­ti­­ve­­ment :
––aux oppor­­tu­­ni­­tés externes ;
––à nos caractéristiques propres, dans la défi­­ni­­tion de notre stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional ?
••Quelles seront :
––les prin­­ci­­pales options stra­­té­­giques rete­­nues (enti­­tés/loca­­li­­sa­­tions cibles, choix de nos
modes d’entrée/de nos modes d’accueil, etc.) ?
––les étapes suc­­ces­­sives de leur mise en œuvre, au-­delà de leur iden­­ti­­fi­­cation et de leur
sélec­­tion ?
•• Quelles contraintes fonc­­tion­­nelles (finan­­cières, juri­­diques, fis­­cales, logis­­tiques, etc.)
devront être alors prises en compte, de quelle manière et dans quel cadre ?
••Comment, ensuite, conviendra-­t-il :
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––de les tra­­duire en actions suc­­ces­­sives à enga­­ger et en objec­­tifs à atteindre ?


––d’en répar­­tir la res­­pon­­sa­­bi­­lité au sein et en dehors de l’orga­­ni­­sa­­tion ?
––d’en arrê­­ter le calen­­drier de réa­­li­­sa­­tion ?
••Comment s’assu­­rer, dans la pra­­tique, que ces déci­­sions et leur mise en œuvre seront cor­
­rec­­te­­ment effec­­tuées et abou­­ti­­ront aux meilleurs résul­­tats ?

Une telle démarche s’ins­­crit, bien sûr, dans la durée. Elle commande tout autant à
l’orga­­ni­­sa­­tion de faire preuve de réac­­ti­­vité face aux chocs conjonc­­tu­­rels, comme de

1.  Ce qui sup­­pose d’adap­­ter constam­­ment leur modèle éco­­no­­mique et leur por­­te­­feuille d’implan­­ta­­tions dans un
envi­­ron­­ne­­ment ouvert et tur­­bulent (cf. exemple 4.16 « Dentressangle : de la recherche de la masse cri­­tique à celle
des spé­­cia­­li­­tés por­­teuses à l’inter­­na­­tional »).

7
Stratégies d’internationalisation

tirer parti d’effets d’aubaine1. Ses diri­­geants devront aussi anti­­ci­­per, en se mon­­trant
proactifs, les phases du déve­­lop­­pe­­ment futur, face aux enjeux qui se des­­sinent, en
fixant de nou­­veaux objec­­tifs qui pren­­dront le relais de ceux pré­­cé­­dem­­ment atteints
(ou remis en cause, en cas d’échec)2.

Au-­delà des approches tra­­di­­tion­­nelles : de l’horizontalisation


à la verticalisation
Il res­­sort de ce qui pré­­cède que l’inter­­na­­tiona­­li­­sation n’est plus essen­­tiel­­le­­ment
une ques­­tion de conquête de nou­­veaux mar­­chés ou de nou­­velles parts de mar­­chés
(horizontalisation)3, les orga­­ni­­sa­­tions « dupli­­quant » des acti­­vi­­tés iden­­tiques dans les
dif­­fé­­rents espaces éco­­no­­miques où elles s’implantent, en pri­­vi­­lé­­giant la fonc­­tion
mar­­ke­­ting, même si d’autres fonc­­tions y sont asso­­ciées pour mieux satis­­faire les
besoins de la clien­­tèle locale.
Elles visent de plus en plus à répar­­tir entre dif­­fé­­rents espaces éco­­no­­miques leur
chaîne de pro­­duc­­tion et d’approvisionnement (verticalisation)4 pour tirer le meilleur
parti des fac­­teurs qu’ils offrent res­­pec­­ti­­ve­­ment, en combi­­nant ses étapes suc­­ces­­sives
de la manière la plus effi­­cace et la moins coû­­teuse pour ser­­vir leur clien­­tèle de
manière opti­­male, où qu’elles sou­­haitent la satis­­faire.
De même, et à la dif­­fé­­rence de ce que pro­­po­­saient il n’y a pas si long­­temps les
manuels de stra­­té­­gie, en consi­­dé­­rant l’inter­­na­­tiona­­li­­sation comme une option de
déve­­lop­­pe­­ment parmi d’autres, et en l’oppo­­sant à telle ou telle autre forme de diver­
­si­­fi­­ca­­tion, elle tend à deve­­nir l’axe cen­­tral de son déve­­lop­­pe­­ment, au fil de l’ouver­­
ture inter­­na­­tionale et de l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la compé­­tition, sur­­tout lorsque celle-­ci
la touche de plein fouet5.
C’est dans un nou­­vel envi­­ron­­ne­­ment hau­­te­­ment instable où les tech­­no­­logies se dif­­fusent
à un rythme accé­­léré, la logis­­tique et la commu­­ni­­ca­­tion s’amé­­liorent sans cesse, que se
déve­­loppe un cli­­mat de concur­­rence plus intense stimulée par une transparence accrue
alors que nombre d’entre­­prises sont tenues de maxi­­mi­­ser leur retour sur inves­­tis­­se­­ment
pour l’action­­naire. Cette nou­­velle dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation6 se mani­­feste :
––par la recherche d’une opti­­mi­­sation des filières de pro­­duc­­tion et de dis­­tri­­bu­­tion,
les condui­­sant à faire plus lar­­ge­­ment appel à des four­­nis­­seurs de pays à bas

1.  « Lors­­qu’un acteur éco­­no­­mique s’efforce d’inci­­ter les autres acteurs à agir de telle manière, il les appâte en
géné­­ral en leur offrant un avan­­tage s’ils se comportent de la façon sou­­hai­­tée : par exemple baisse de prix, prime,
cadeau, etc. Il y a effet d’aubaine si l’acteur qui béné­­fi­­cie de cet avan­­tage avait eu, de toute façon, l’inten­­tion d’agir
ainsi même si l’avan­­tage n’avait pas été accordé », www.alternatives-­économiques.fr, 22 jan­­vier 2010.
2.  Cf. exemple 2.14 « Duralex, le retour d’une PME « his­­to­­rique » à la conquête de mar­­chés exté­­rieurs.
3.  Voir Markusen, 1984, Glass, 2008.
4.  Voir Helpman, 1984, cf. figure 4.9. La crois­­sance «  écla­­tée  » (l’exemple de GHCL) (1) et exemple 4.15
GHCL, la struc­­ture « écla­­tée ».
5.  Cf. exemple 3.9 « L’Europe peut elle pas­­ser à côté de la révo­­lu­­tion de l’éclai­­rage ? ».
6.  Cf. figure 1.1 « Impact des grandes muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional sur les orga­­ni­­sa­­tions ».

8
Introduction

niveaux de salaires et/ou à haut niveau de savoir-­faire, en délocalisant tout ou par­


­tie de leur pro­­duc­­tion dans le but de béné­­fi­­cier de ces avan­­tages compé­­titifs
incontour­­nables (prix et inno­­va­­tion), ou, encore, de se rap­­pro­­cher des grandes
zones de consom­­ma­­tion exis­­tantes ou en crois­­sance rapide ;
––par le souci de minimi­­ser le risque de change ou la pres­­sion fis­­cale, à tra­­vers une
orga­­ni­­sa­­tion plus flexible, combi­­nant de la façon la plus effi­­cace la domi­­ci­­lia­­tion
du siège, la répar­­tition des implan­­ta­­tions, le sta­­tut juri­­dique choisi pour cha­­cune,
comme les modes de fac­­tu­­ra­­tion inter filiales et les cir­­cuits de paie­­ment internes
mis en place  ; sou­­vent au grand dam des gou­­ver­­ne­­ments des pays d’ori­­gine ou
d’accueil ;
––par la volonté de mieux répar­­tir son por­­te­­feuille d’actifs1 et de se consti­­tuer une
image de soli­­dité, propre à don­­ner confiance, non seule­­ment aux clients et aux
fournisseurs, mais aussi aux action­­naires et aux bailleurs de fonds – inves­­tis­­seurs,
ins­­ti­­tutions finan­­cières et par­­te­­naires poten­­tiels –, tant sur le plan local, dans chaque
zone d’implan­­ta­­tion, qu’au niveau des mar­­chés inter­­na­­tionaux de capi­­taux.
Dès lors, l’obser­­va­­tion des orga­­ni­­sa­­tions, au cours des der­­nières années, sou­­ligne
que les approches tra­­di­­tion­­nelles du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, sans rien perdre
de leur bien fondé, doivent être complé­­tées, car elles ne reflètent qu’une part des
voies du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional et des contraintes qui s’y appliquent.
Par ailleurs, l’ouver­­ture hors fron­­tières deve­­nant une compo­­sante essen­­tielle,
voire incontour­­nable, de la stra­­té­­gie d’ensemble de l’entre­­prise, elle se doit d’être
prise en compte, dès l’ori­­gine de la démarche visant à défi­­nir celle-ci.
Comment éta­­blir un diag­­nos­­tic de compé­­titi­­vité en négli­­geant, à court terme, la
concur­­rence issue de l’exté­­rieur dans son propre espace éco­­no­­mique ou, à plus
long terme, la mon­­tée en puis­­sance d’orga­­ni­­sa­­tions issues d’espaces éco­­no­­miques
plus loin­­tains ? Comment ima­­gi­­ner a fortiori une stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment inter­
­na­­tional qui ne s’ins­­cri­­rait pas de manière très stricte dans la stra­­té­­gie d’ensemble
de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée ?
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Le déve­­lop­­pe­­ment des orga­­ni­­sa­­tions devrait dès lors s’entendre de plus en plus,


comme on s’atta­­chera à le faire ici, dans un envi­­ron­­ne­­ment en cours d’ouver­­ture
rapide, de manière plus trans­­ver­­sale, en pre­­nant en compte les dif­­fé­­rentes fonc­­tions
de l’entre­­prise, dans le cadre d’une démarche d’ensemble, à par­­tir de laquelle
puisse s’ordon­­ner un pro­­ces­­sus de déci­­sion et de mise en œuvre asso­­ciant la plu­­part
d’entre elles.

1.  Cf. exemple 3.7 «  Grande consom­­ma­­tion  : mon­­dia­­li­­sa­­tion à marche for­­cée des géants de la bière et de la
mode. »

9
Stratégies d’internationalisation

Une démarche sys­­té­­ma­­tique


Dans cette perspec­­tive, l’approche pro­­po­­sée s’appuie sur une ana­­lyse struc­­tu­­rée
per­­met­­tant d’explo­­rer, pour chaque orga­­ni­­sa­­tion concer­­née, l’éven­­tail des pos­­si­­bi­­li­
­tés et solu­­tions pra­­ti­­cables, dans les meilleures condi­­tions, pour effec­­tuer les choix
suc­­ces­­sifs néces­­saires à la défi­­ni­­tion ou à la révi­­sion de sa stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­
ment inter­­na­­tional1 (SDI).
Dans une pre­­mière par­­tie, on s’atta­­chera à mesu­­rer l’impact, pour l’orga­­ni­­sa­­tion,
de quelque nature qu’elle soit, des muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional :
––en met­­tant en évi­­dence l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, en s’inter­
­ro­­geant sur la por­­tée et les limites de cette évo­­lu­­tion pour les orga­­ni­­sa­­tions (cha­
­pitre 1) ;
––en iden­­ti­­fiant les déter­­mi­­nants de l’attractivité des ter­­ri­­toires, ainsi que les fac­­
teurs qui leur per­­mettent de s’insé­­rer le mieux pos­­sible dans les flux d’échanges
et d’inves­­tis­­se­­ments (cha­­pitre 2) ;
––en distinguant les sec­­teurs, les acti­­vi­­tés et les indus­­tries, et en fai­­sant res­­sor­­tir la
diver­­sité de leur expo­­si­­tion à cette ouver­­ture, comme à son évo­­lu­­tion, tout en cher­
­chant à en iden­­ti­­fier les spé­­ci­­fici­­tés (cha­­pitre 3) ;
––en s’atta­­chant, pour les orga­­ni­­sa­­tions elles-mêmes, aux déter­­mi­­nants de leur
déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional et aux condi­­tions sus­­cep­­tibles de faci­­li­­ter le suc­­cès
de leur démarche (cha­­pitre 4).
La deuxième par­­tie, consa­­crée au diag­­nos­­tic, à la for­­mu­­la­­tion et à la mise en
œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions, s’atta­­chera alors à
opérationnaliser dans un cadre dyna­­mique et pro­­gres­­sif les élé­­ments et les outils
d’ana­­lyse de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale mis en évi­­dence dans la pre­­mière par­­tie :
––en pré­­ci­­sant le cadre de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation par­­tant de l’ana­­lyse jus­­qu’à
la prise de déci­­sion, appli­­cable à la plus grande variété pos­­sible d’orga­­ni­­sa­­tions,
en défi­­nis­­sant ses étapes suc­­ces­­sives (cha­­pitre 5) ;
––en déve­­lop­­pant pour chaque orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée, une ana­­lyse de la dyna­­
mique sec­­to­­rielle dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion qu’elle a retenu,
pour mettre en évi­­dence les fac­­teurs clés de suc­­cès qu’il lui fau­­dra maî­­tri­­ser
(cha­­pitre 6) ;
––en formulant (ou en reformulant) sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, en par­­tant du
diag­­nos­­tic pour abou­­tir à la défi­­ni­­tion de ses priori­­tés stra­­té­­giques (cha­­pitre 7) ;
––en envi­­sa­­geant les moda­­li­­tés de la mise en œuvre de cette stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­
­li­­sation, au niveau des prin­­ci­­pales fonc­­tions concer­­nées au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion
(fonc­­tions de base, fonc­­tions sup­­ports, fonc­­tions de struc­­ture) ainsi que son schéma
orga­­ni­­sa­­tion­­nel et les rela­­tions inter­cultu­­relles qui s’y déve­­loppent (cha­­pitre 8).

1.  Ini­­tiées, notam­­ment, dans le cou­­rant des années 1980, par Robinson et Root (voir biblio­­gra­­phie).

10
Introduction

Se réfé­­rant à une grande diver­­sité de situa­­tions tout en s’appuyant sur divers


concepts théo­­riques, la démarche pro­­po­­sée s’attache donc à four­­nir, un pro­­ces­­sus
d’ana­­lyse propre à favo­­ri­­ser la déci­­sion des diri­­geants de dif­­fé­­rentes orga­­ni­­sa­­tions,
publiques et pri­­vées, grandes ou petites, déjà très inter­­na­­tiona­­li­­sées ou à l’amorce de
leur déve­­lop­­pe­­ment hors fron­­tières.
Elle pourra suivre trois étapes, selon les hori­­zons que l’orga­­ni­­sa­­tion s’est fixé
(proches ou loin­­tains) et les acti­­vi­­tés dans les­­quelles elle opère :
––en par­­tant de l’ana­­lyse des muta­­tions « macro­éco­­no­­miques », à carac­­tère conjonc­
­tu­­rel ou struc­­tu­­rel, qui affectent l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional politico-­
règlementaire, économique et social comme tech­­no­­lo­­gique ;
––en mesu­­rant, ensuite, l’impact de ces muta­­tions, au niveau « mésoéconomique »
de son acti­­vité dans l’«  espace de réfé­­rence  » qu’elle vise dans sa dyna­­mique
d’expan­­sion, en tenant compte de l’inten­­sité concur­­ren­­tielle et de la crois­­sance
poten­­tielle qu’elle doit y envi­­sa­­ger ;
––pour for­­mu­­ler (ou re-­formuler) à un niveau « microéco­­no­­mique », ses prin­­ci­­pales
priori­­tés et arti­­cu­­ler les réponses clés aux ques­­tions aux­­quelles elle doit répondre
pour défi­­nir (ou re-­définir) ses choix stratégiques : Quoi ? Où ? Quand ? Comment ?

Passer de l’analyse de l’environnement


à la prise de décision stratégique

1. MACROÉCONOMIQUE
ANALYSE DE L’ ENVIRONNEMENT POLITICO
Accélération RÉGLEMENTAIRE,
Instabilité ÉCONOMIQUE ET SOCIAL, TECHNOLOGIQUE
Intégration pressions externes observées à court, moyen et long terme
Croissantes de l’environnement impactant l’espace géographique pertinent
Global ËRégional pour l’organisation concernée

2. MESOÉCONOMIQUE
Évolution DYNAMIQUE SECTORIELLE
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permanente des DANS L’ESPACE DE RÉFÉRENCE VISE


secteurs et des identification des défis consécutifs pour
espaces économiques l’industrie/le secteur/l’activité
considéré dans cet espace
considérés
3. MICROÉCONOMIQUE
Ajustement continu CHOIX DE LA STRATÉGIE
des objectifs, D’INTERNATIONALISATION
des activités pour l’entreprise retenue
et des structures en fonction de ses atouts
et des stratégies
des organisations
envisageables
impliquées

J.-P. Lemaire

Figure I.1 – L’approche pro­­gres­­sive de la for­­mu­­la­­tion


de la stratégie d’internationalisation

11
Stratégies d’internationalisation

Mais, même s’il offre un cadre de réfé­­rence sus­­cep­­tible de s’appli­­quer à de très


nom­­breuses orga­­ni­­sa­­tions, ce pro­­ces­­sus est des­­tiné à s’adap­­ter aux dif­­fé­­rents
contextes d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, ainsi qu’à la variété des acti­­vi­­tés et des struc­­tures
qui s’y déploient. De plus, il doit être revu en per­­ma­­nence pour tenir compte des
évo­­lu­­tions et per­­mettre les ajus­­te­­ments néces­­saires.
Le but recher­ché est donc de pro­­po­­ser au lec­­teur, au-­delà de l’approche de la
complexité d’un envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional en constante trans­­for­­ma­­tion, une
démarche pas à pas lui per­­met­­tant :
––quelle que soit l’orga­­ni­­sa­­tion concer­­née, sa nature, sa taille, ses atouts comme ses
han­­di­­caps ;
––dans un contexte d’ouver­­ture et de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional donné, le plus
sou­­vent sou­­mis à des muta­­tions rapides ;
––d’abou­­tir au diag­­nos­­tic, à la for­­mu­­la­­tion et à la mise en œuvre de la stra­­té­­gie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, la mieux adap­­tée à ce contexte comme à son orga­­ni­­sa­­
tion.

12
Partie
1
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale Chapitre 1
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires Chapitre 2
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés Chapitre 3
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions Chapitre 4
Évolutions et défis
de l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale pour
les ter­­ri­­toires, les acti­­vi­­tés
et les orga­­ni­­sa­­tions

C ette pre­­mière par­­tie se pro­­pose de répondre à trois ques­­tions essen­­tielles :


• En quoi une ouver­­ture inter­­na­­tionale accrue a-t-elle aug­­menté l’insta­­bi­­lité et en
quoi affecte-t-elle, posi­­ti­­ve­­ment et néga­­ti­­ve­­ment, le déve­­lop­­pe­­ment des orga­­ni­­sa­­
tions (entre­­prises, ONG, ins­­ti­­tutions publiques…) ?
• À quels défis, risques, menaces, et à quelles oppor­­tu­­ni­­tés consé­­cu­­tives, sont sus­­
cep­­tibles d’être confron­­tées ces orga­­ni­­sa­­tions dans ce nou­­veau contexte, au niveau
où elles opèrent ou pro­­jettent d’opé­­rer ?
• Dans quelle mesure leurs ter­­ri­­toires et leurs sec­­teurs de pré­­di­­lec­­tion, peuvent s’en
trou­­ver plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment affec­­tés et avec quelles impli­­ca­­tions ?
L’obser­­va­­tion, dans le cadre de cette pre­­mière par­­tie, des muta­­tions de l’envi­­ron­­
ne­­ment inter­­na­­tional, au cours des trois der­­nières décen­­nies, s’appuiera sur un
modèle – le modèle PREST1 – qui sui­­vra la logique, « macro », « meso », « micro »
pré­­sen­­tée dans l’intro­­duc­­tion, allant de l’ana­­lyse de l’envi­­ron­­ne­­ment à la prise de
déci­­sion au sein des orga­­ni­­sa­­tions dési­­reuses de tirer parti de cette dyna­­mique
d’ouver­­ture inter­­na­­tionale :

1.  Ce modèle a été déve­­loppé à par­­tir de 1992-1993 dans le cadre des ensei­­gne­­ments dis­­pen­­sés par l’auteur à
l’EAP, puis mobi­­lisé plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment pour le sec­­teur ban­­caire européen dans l’ouvrage Vers l’Europe Ban­­caire
(J.-P. Lemaire et P.-B. Ruffini, Dunod, 1993, p. 77, avant d’être appliqué à tous les secteurs dès la pre­­mière édi­­tion
du présent ouvrage, en 1997) et, désormais, à tous les espaces géo-sectoriels.
––Le cha­­pitre 1 éva­­luera, au niveau macro­éco­­no­­mique, «  l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de
l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  », autre­­ment dit, les trans­­for­­ma­­tions pro­­fondes de
l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional ayant conduit à une ouver­­ture inter­­na­­tionale accrue,
au cours des trente der­­nières années, remet­­tant, du même coup en ques­­tion, les
grilles de lec­­ture commu­­né­­ment admises, en pro­­po­­sant une pre­­mière carac­­té­­ri­­sa­­
tion des « pres­­sions externes », politico-régle­­men­­taires, socioéconomiques et tech­
­no­­lo­­giques, tra­­dui­­sant ces muta­­tions.
––Le cha­­pitre 2, à l’arti­­cu­­lation du macroéco­­no­­mique et du mesoéco­­no­­mique,
appré­­ciera «  la dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  » en met­­tant en évi­­
dence l’impact de ces pres­­sions externes (PREST, niveau 1), qui favo­­risent ou
contra­­rient l’inser­­tion des ter­­ri­­toires, désor­­mais acteurs à part entière de l’ouver­­
ture inter­­na­­tionale, dans les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments, en mesurant
l’attractivité qu’ils peuvent pré­­sen­­ter pour les autres acteurs.
–– Le cha­­pitre 3 éten­­dra, la démarche au niveau mesoéconomique, à « la dyna­­mique
inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés », en sou­­li­­gnant l’hété­­ro­­gé­­néité qui carac­­té­­rise ces acti­
­vi­­tés comme celle des acteurs qui y opèrent face aux défis – d’adap­­ta­­tion, de
re­déploie­­ment, de concur­­rence – (PREST, niveau 2), résul­­tant des muta­­tions de
l’envi­­ron­­ne­­ment international.
––Le cha­­pitre 4, enfin, s’atta­­chera à « la dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­
­tions » en fai­­sant res­­sor­­tir les fac­­teurs qui sou­­tiennent et sti­­mulent leur dyna­­mique
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation res­­pec­­tive ainsi que les leviers – inno­­va­­tion, profitabilité,
struc­­tu­­ra­­tion – (PREST, niveau 3), sur les­­quels elles peuvent agir pour déployer
avec suc­­cès leurs acti­­vi­­tés hors fron­­tières.
Chapitre
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion
1 de l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale

E n quoi l’ouver­­ture inter­­na­­tionale s’est-­elle inten­­si­­fiée ? Dans quelle mesure


peut-­on par­­ler d’ouver­­ture et de décloisonnement de l’éco­­no­­mie mon­­diale ?
Quelles en sont les causes ? Pour­­quoi le mou­­ve­­ment tend-­il à s’accé­­lé­­rer depuis
une ving­­taine d’années ? En quoi cela modifie-­t-il la donne entre les zones géo­­gra­
­phiques et les acteurs ? En quoi l’insta­­bi­­lité et les crises deviennent-­elles des phé­­
no­­mènes per­­ma­­nents et omni­­pré­­sents à prendre en compte pour les orga­­ni­­sa­­tions,
où qu’elles se trouvent ? Quelles en sont les mani­­fes­­ta­­tions et les limites ?
L’ana­­lyse des muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional consiste suc­­ces­­si­­ve­­
ment à :
––rap­­pe­­ler la por­­tée du phé­­no­­mène d’ouver­­ture inter­­na­­tionale et de décloisonnement
des éco­­no­­mies (plu­­tôt que de par­­ler de « globalisation » ou de « mon­­dia­­li­­sa­­tion »),
à tra­­vers ses causes et ses prin­­ci­­pales mani­­fes­­ta­­tions, sur un plan éco­­no­­mique et
géo­stra­­té­­gique (sec­­tion 1) ;
––sou­­li­­gner les limites des approches théo­­riques de l’échange inter­­na­­tional comme
de la spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale qui ont long­­temps fourni le cadre expli­­ca­­tif
commu­­né­­ment admis de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation (sec­­tion 2) ;
––intro­­duire les trois grands types de pres­­sions – politico-­réglementaires, éco­­no­­
miques et sociales, tech­­no­­lo­­giques –, qui se sont inten­­si­­fiées et conju­­guées au
cours de la période récente, (sec­­tion 3) et dont il fau­­dra mesu­­rer ulté­­rieu­­re­­ment
l’impact sur les « espaces de réfé­­rence géo­­gra­­phiques et sec­­to­­riels » dans les­­quels
évo­­luent, hors de leurs fron­­tières d’ori­­gine, les orga­­ni­­sa­­tions.
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Ainsi, à la faveur du décloisonnement politico-régle­­men­­taire entre zones géo­­gra­­


phiques et de la pro­­gres­­sion du libé­­ralisme éco­­no­­mique, les struc­­tures socio-­
économiques natio­­nales, régio­­nales, conti­­nen­­tales, etc., se sont pro­­fon­­dé­­ment
trans­­for­­mées. Elles favo­­ri­­sent, à la fois, un dépla­­ce­­ment et un rap­­pro­­che­­ment pro­­
gres­­sifs de l’offre et de la demande, au niveau local et à une échelle géo­­gra­­phique
plus large. Cette conver­­gence ainsi que l’inté­­gra­­tion des éco­­no­­mies ont été favo­­ri­­
sées par l’évo­­lu­­tion tech­­no­­lo­­gique qui se mani­­feste à tra­­vers les pro­­grès réa­­li­­sés
dans le trai­­te­­ment et la trans­­mis­­sion des don­­nées, dans la logis­­tique et le trans­­port
des biens, comme à tra­­vers l’accé­­lé­­ra­­tion de la dif­­fu­­sion des tech­­niques et le rap­­pro­
­che­­ment des stan­­dards, ne ces­­sant de rac­­cour­­cir les dis­­tances phy­­siques, psy­­chiques
et tech­­niques entre agents éco­­no­­miques.
Mais, dans le même temps, l’insta­­bi­­lité et les crises, longtemps can­­ton­­nées à des
espaces natio­­naux ou régio­­naux plus cloi­­son­­nés qui limi­­taient leur pro­­pa­­ga­­tion, ont
quelque peu brouillé cette dyna­­mique de conver­­gence pro­­duit de l’ouver­­ture inter­­na­
­tionale. Elles sont deve­­nues des don­­nées per­­ma­­nentes que les dif­­fé­­rentes orga­­ni­­sa­­
tions doivent désor­­mais inté­­grer, quel que soit le niveau géographique – régio­­nal
(pays de proxi­­mité), conti­­nen­­tal, inter­­conti­­nen­­tal ou mon­­dial – auquel elles

c Repère 1.1
opèrent.

Mon­­dia­­li­­sa­­tion/Globalisation ou Décloisonnement/Régio­­na­­li­­sa­­tion ?
Les fac­­teurs de conver­­gence politico-réglementaires, socio-éco­­no­­miques et tech­­no­­lo­­
giques n’ont cessé de se mul­­ti­­plier et de se ren­­for­­cer dans le monde au fil des vingt der­
­nières années, sur­­tout depuis la chute du mur de Berlin, en 1991 (tableau 1.1). Ils ont pu
contri­­buer à la dif­­fu­­sion de la convic­­tion lar­­ge­­ment par­­ta­­gée que le monde, était, désor­
­mais, «  plat  »1, accré­­di­­tant l’uti­­li­­sation géné­­ra­­li­­sée des termes «  mon­­dia­­li­­sa­­tion  » et
«  globalisation  », comme qua­­li­­fi­­ca­­tifs les plus cou­­rants de phé­­no­­mènes d’inté­­gra­­tion
déjà amor­­cés au cours des périodes pré­­cé­­dentes : inté­­gra­­tion intra-­zone (comme l’Union
euro­­péenne) ou inter-­zones (à une échelle plus large  ; encou­­ra­­gés notamment en
cela par l’aug­­men­­ta­­tion du nombre des pays adhé­­rents à l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du
commerce (OMC).
Il n’est qu’à se réfé­­rer en effet :
––d’un point de vue politico-­réglementaire, à l’adhé­­sion d’un cer­­tain nombre de nou­­
veaux adhé­­rents clés, comme la Chine, en 2001, ou le Vietnam, en 2007, venus
rejoindre, après la créa­­tion de l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce en 1994, les
membres du GATT2 auquel il fai­­sait suite  ; tout comme la créa­­tion de nou­­velles

1.  Comme en témoigne le suc­­cès mon­­dial de librai­­rie de l’ouvrage de Thomas Friedman, La Terre est plate, une
brève his­­toire du XXIe siècle, (2006), vendu à quatre mil­­lions d’exem­­plaires, paru en France aux édi­­tions Saint
Simon.
2.  General Agreement on Tariffs and Trade, conclu en 1947, et ras­­sem­­blant une ving­­taine d’États-­membres à
l’issue du second conflit mon­­dial, et repo­­sant sur la convic­­tion que le déve­­lop­­pe­­ment du libre commerce serait le
meilleur garant de la paix uni­­ver­­selle.

18
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


struc­­tures éco­­no­­miques régio­­nales faci­­li­­tant les échanges de biens et de ser­­vices à
l’image de l’Union euro­­péenne (comme le Mercosur, l’Alena, l’Apec, etc.)1 ;
––d’un point de vue socio-­économique, à l’inten­­si­­fi­­ca­­tion des flux d’échanges et d’inves­
­tis­­se­­ments et au rap­­pro­­che­­ment de cer­­taines pra­­tiques de pro­­duc­­tion et de consom­­ma­
­tion par un nombre crois­­sant de clients et de four­­nis­­seurs, tra­­dui­­sant un phé­­no­­mène
plus large de dif­­fu­­sion des cultures, comme le re­déploie­­ment inter­­na­­tional sans pré­­cé­
­dent des chaînes de valeur des entre­­prises comme des réseaux de dis­­tri­­bu­­tion ;
––d’un point de vue tech­­no­­lo­­gique, à la géné­­ra­­li­­sa­­tion des trans­­ferts de tech­­no­­logie, à
l’évo­­lu­­tion de la dif­­fu­­sion et du trai­­te­­ment de l’infor­­ma­­tion, les amé­­lio­­ra­­tions conti­­
nues des modes de trans­­port aérien, mari­­time, fer­­ro­­viaire, rou­­tier, comme le trans­­
port combiné multimodal 2, et le déve­­lop­­pe­­ment – certes labo­­rieux – de normes
propres à faci­­li­­ter la dis­­tri­­bu­­tion et la dif­­fu­­sion des pro­­duits et des ser­­vices, tout en
pré­­ser­­vant un envi­­ron­­ne­­ment de plus en plus menacé par ce sur­croît d’acti­­vité.
Cepen­­dant, ces phé­­no­­mènes qui semblent sug­­gé­­rer une conver­­gence, voire une har­­
mo­­ni­­sa­­tion des modes de pro­­duc­­tion, de consom­­ma­­tion, sinon des réfé­­rences cultu­­
relles, ne doivent pas faire perdre de vue le carac­­tère fon­­da­­men­­ta­­lement dis­­sy­­mé­­trique
de cette inté­­gra­­tion : cer­­taines zones géo­­gra­­phiques s’ouvrent plus vite que d’autres3,
et, même celles qui semblent s’être enga­­gées réso­­lu­­ment dans ce pro­­ces­­sus – qu’il
s’agisse d’éco­­no­­mies émergentes ou d’éco­­no­­mies matures4 – peuvent tar­­der à rem­­plir
leurs enga­­ge­­ments, voire les remettre pure­­ment et sim­­ple­­ment en ques­­tion.
Pankaj Ghemawat5, démontre d’ailleurs, chiffres à l’appui, que le phé­­no­­mène de
« globalisation » est encore, dans l’absolu, très cir­­conscrit, en sou­­li­­gnant que les éco­­
no­­mies natio­­nales demeurent très lar­­ge­­ment « domes­­tiques ». En se réfé­­rant à l’appré­
­cia­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale que four­­nit le ratio d’internationalisation
Export+Import/PIB il observe que la moyenne mon­­diale ne repré­­sente pas plus de
20 %, tan­­dis que le ratio d’investissement étranger IDE/FBCF6 n’atteint pas 10 % ; ne
dépas­­sant pas de beau­­coup, les niveaux record atteints lors de la « pre­­mière mon­­dia­­
li­­sa­­tion7 », juste avant la Pre­­mière Guerre mon­­diale.

© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.  Cf. repère 1.3 « La ‘résis­­tible’ pro­­gres­­sion du décloisonnement à l’échelle régio­­nale ».
2.  Combi­­nai­­son de modes de trans­­port dif­­fé­­rents pour effec­­tuer un par­­cours donné, comme le fer­­rou­­tage
(comme il se pra­­tique en Suisse, notam­­ment, qui comporte le char­­ge­­ment des camions sur un train pour une par­­tie
de la traversée du pays) ; mobi­­li­­sant aussi des plateformes mul­­ti­­mo­­dales faci­­li­­tant le trans­­fert d’un mode de trans­­
port à un autre, généralisant aussi l’uti­­li­­sation de conte­­neurs de dimen­­sions stan­­dar­­di­­sées (20 et, sur­­tout 40 pieds)
sus­­cep­­tibles d’être char­­gés sur un camion, sur un train, sur un cargo porte conte­­neurs… et faci­­le­­ment dépla­­cés à
l’aide de moyens de levage et de char­­ge­­ment, spé­­cia­­le­­ment conçus pour leur manu­­ten­­tion ; des sys­­tèmes de ges­­tion
et de suivi en temps réel, sou­­vent relayés par satel­­lite, per­­met­­tant une par­­faite traçabilité de chaque « boîte » tout
au long de leur par­­cours, de l’entre­­pôt de départ à l’entre­­pôt d’arri­­vée.
3.  Cf. repère 1.2 « La Russie finit par rejoindre d’OMC ».
4.  Ibid.
5.  Ghemawat P, « Why the World isn’t flat », Foreign Policy n°159 Mars-­Avril 2007 et « Dis­­tance still matters :
the hard reality of glo­­bal expan­­sion », Harvard Busi­­ness Review,vol 79 (8), 2001.
6.  Inves­­tis­­se­­ment Direct Étranger / For­­ma­­tion Brute de Capi­­tal Fixe (total de l’inves­­tis­­se­­ment réa­­lisé au cours
d’une année dans un pays donné).
7.  Ibid.

19
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Il sou­­ligne éga­­le­­ment que les commu­­ni­­ca­­tions télé­­pho­­niques inter­­na­­tionales ne repré­
­sentent que 2 % du tra­­fic glo­­bal et que 18 % seule­­ment du tra­­fic Inter­­net tra­­verse les
fron­­tières natio­­nales. Il pré­­cise éga­­le­­ment qu’en rame­­nant les flux d’immi­­gra­­tion à
leurs vraies pro­­por­­tions, seule­­ment 3 % de la popu­­la­­tion mon­­diale vit dans un pays
dif­­fé­­rent de son pays de nais­­sance… Et de conclure que « les échanges commer­­ciaux
entre deux pays sont inver­­se­­ment pro­­por­­tion­­nels à la dis­­tance qui les sépare1 ».
Sans doute, ces chiffres gagne­­raient à être pré­­ci­­sés en sou­­li­­gnant la dyna­­mique d’évo­
­lu­­tion, qui carac­­té­­rise cer­­tains d’entre eux, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment au cours des deux ou trois
der­­nières décen­­nies. Mais ils conduisent d’ores et déjà à consi­­dé­­rer que l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale indé­­niable du monde d’aujourd’hui est frag­­men­­tée et fluc­­tuante, d’un
pays et d’une zone à l’autre. Ainsi, est-elle sus­­cep­­tible de régres­­ser lorsque des crises
comme la crise mon­­diale qui sévit encore affectent les flux d’échanges2 comme
d’inves­­tis­­se­­ments3.

L’exemple de l’entre­­prise cimentière Cemex, «  cham­­pion inter­­na­­tional  » mexi­­


cain, qui a connu un déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional spec­­ta­­cu­­laire depuis une ving­­taine
d’années, au point de se poser en chal­­len­­ger des deux lea­­ders mon­­diaux du sec­­teur
– le Suisse Holcim et le Français Lafarge –, est signi­­fi­­ca­­tive d’une expan­­sion désor­
­mais faci­­li­­tée, mais qui peut bru­­ta­­le­­ment se trou­­ver remise en cause.
Les trans­­for­­ma­­tions favo­­rables dont cette entre­­prise a béné­­fi­­cié dans son envi­­ron­
n­ e­­ment natio­­nal et inter­­na­­tional expliquent, tout autant que la vision de ses diri­­
geants, le niveau d’expan­­sion auquel elle est par­­ve­­nue. Elles font aussi res­­sor­­tir les
contraintes et les aléas aux­­quels elle s’est trou­­vée confron­­tée dans un laps de temps
très court.
Dans un sec­­teur ou se suc­­cèdent des périodes d’expansion et de récession, sui­­vant
les fluc­­tua­­tions du cycle du bâti­­ment4 et des poli­­tiques d’infra­­struc­­ture, cette entre­­
prise a dû, en effet, en l’espace de quelques mois, faire face à une conjonc­­tion de
per­­tur­­ba­­tions, remet­­tant bru­­ta­­le­­ment en cause sa spec­­ta­­cu­­laire mon­­tée en puis­­sance
au cours des décen­­nies pré­­cé­­dentes ; et, ce, en dépit d’un por­­te­­feuille géo­­gra­­phique
multiconti­­nen­­tal déjà étendu qui aurait dû en limi­­ter les consé­­quences.

1.  Il ajoute même (p. 21) : « toutes choses égales par ailleurs, les échanges entre deux pays sont 42 % supé­­rieurs
s’ils se font dans la même langue, 47 % plus éle­­vés s’ils se font à l’inté­­rieur du même bloc commer­­cial, 114 % plus
impor­­tants s’ils s’effec­­tuent dans la même mon­­naie et 118 % si, à un moment de leur his­­toire, un des pays par­­tie
pre­­nante à l’échange a colo­­nisé l’autre. »
2.  Par exemple, de juillet à août 2012, les expor­­ta­­tions chi­­noises vers l’Europe ont baissé de 5 %, alors que les
impor­­ta­­tions ont éga­­le­­ment flé­­chi : ces exportsations ont ainsi dimi­­nué de 7,9 % vers l’Allemagne, de 8,6 % vers la
France… et de 26 % vers l’Italie ! (J.J. Mével, « Un som­­met Europe-­Chine sous ten­­sion », Le Figaro Economie,
20/9/2012).
3.  De leur côté les grands fonds sou­­ve­­rains qui gèrent les inves­­tis­­se­­ments chi­­nois à l’étran­­ger ont limité leurs
opé­­ra­­tions d’acqui­­si­­tion en Europe au cours de l’année 2011, n’y inves­­tis­­sant que 3,1 milliards d’euros alors qu’ils
dis­­posent de réserves qui dépassent les 3 000 milliards (ibi­­dem).
4.  Comme la théo­­rie éco­­no­­mique nous l’enseigne, le bâti­­ment suit des fluc­­tua­­tions à moyen terme, inter­­mé­­
diaires entre les cycles courts de quelques mois à quelques années et les cycles longs qui peuvent dépas­­ser plu­­sieurs
dizaines d’années.

20
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

Le plan du chapitre
Section 1 ■   Por­­tée et limites de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale
Section 2 ■   Le renou­­vel­­le­­ment des théo­­ries de l’échange inter­­na­­tional
Section 3 ■   Intro­­duc­­tion au modèle prest

 Cas intro­­duc­­tif
Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière
et de la crise finan­­cière1
Loca­­li­­sée dans la par­­tie sep­­ten­­trio­­nale du Mexique dans la val­­lée peu acces­­sible de
Monterrey, ber­­ceau de nombre d’acti­­vi­­tés indus­­trielles, la firme cimentière, créée
en 1906, a connu long­­temps un déve­­lop­­pe­­ment local, avant d’accom­­pa­­gner
l’expan­­sion éco­­no­­mique de la région puis du pays. Ce n’est que dans les années
1960 que les pré­­dé­­ces­­seurs de l’actuel diri­­geant de l’entre­­prise – figure emblé­­ma­­
tique du patro­­nat latino-amé­­ri­­cain, le cha­­ris­­ma­­tique Lorenzo Zembrano – avaient
entamé le pro­­ces­­sus d’acqui­­si­­tion de nom­­breuses cimen­­te­­ries aux quatre coins du
pays, pour en faire un lea­­der natio­­nal incontesté. Ce n’est, en effet, qu’à la troi­­sième
géné­­ra­­tion que la voca­­tion inter­­na­­tionale du groupe a pu s’affir­­mer, lors­­qu’il a pris
pied, tout à la fois, en Amérique Latine, en Amérique du Nord et en Europe.
Sou­­tenu par les inves­­tis­­seurs locaux de la région de Monterrey, assu­­rant à l’entre­­
prise une auto­­no­­mie de déci­­sion qu’aurait limitée une ouver­­ture plus large de
l’action­­na­­riat aux inves­­tis­­seurs exté­­rieurs, Cemex a rapi­­de­­ment déve­­loppé sa pré­­
sence hors fron­­tières : en pro­­cé­­dant à des acqui­­si­­tions finan­­cées essen­­tiel­­le­­ment par
des prêts ban­­caires à moyen terme, mais rem­­bour­­sés de manière anti­­ci­­pée dans la
plu­­part des cas. Ceci grâce à une démarche redoutablement effi­­cace, la Cemex way,
per­­met­­tant de rationnaliser rapi­­de­­ment la ges­­tion des filiales nou­­vel­­le­­ment acquises,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de moti­­ver leur per­­son­­nel en place, d’inté­­grer celles-­ci dans l’orga­­ni­­sa­­tion


d’ensemble et de les rendre pro­­fi­­tables dans les délais les plus brefs.
Au fil des années et des acqui­­si­­tions, rien ne parais­­sait hors de por­­tée de la firme
phare de Monterrey. C’est ainsi qu’en 2007, à la veille de l’écla­­te­­ment de la crise des
sub­primes2 aux États-­Unis et à l’avant-veille de la crise ban­­caire et financière pro­­vo­
­quée par la décou­­verte de l’impor­­tance des enga­­ge­­ments immo­­bi­­liers sou­­vent
inconsi­­dé­­rés, que les ins­­ti­­tutions finan­­cières avaient accu­­mu­­lés, Cemex avait pu pro­
­cé­­der, pour 14,2 milliards de dol­­lars, à l’acqui­­si­­tion du géant aus­­tra­­lien Rinker, dont
l’acti­­vité se trou­­vait à 80  % concen­­trée aux États-­Unis, venant ren­­for­­cer ainsi une
pré­­sence déjà signi­­fi­­ca­­tive du groupe mexi­­cain sur le ter­­ri­­toire de son grand voi­­sin.

1.  Adapté de : J. Millman, « Hard times for Cemex as it makes one big acqui­­si­­tion too many », Wall Street Jour­
­nal,12/12/2008; F. Saliba, La Tri­­bune - 20/04/2011; R. Fuetes-­Berain, « Oro gris », Aguilar, Mexico, 2007.
2.  Cf. repère 1.6 « De la crise des sub­primes à la crise de la dette sou­­ve­­raine ».

21
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Avec le retour­­ne­­ment du mar­­ché immo­­bi­­lier nord amé­­ri­­cain, dont Cemex se trou­­
vait donc par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dépen­­dant, dès la fin de 2007, comme avec la satu­­ra­­tion
quasi simul­­ta­­née du mar­­ché espa­­gnol, son prin­­ci­­pal point d’ancrage en Europe,
l’entre­­prise a dû faire face, dans un laps de temps très court, à une chute de la
demande de ciment, géné­­rant une baisse bru­­tale de son acti­­vité sur ses deux prin­­
ci­­paux mar­­chés.
For­­te­­ment dépen­­dante des banques pour son finan­­ce­­ment, Cemex s’est trou­­vée
éga­­le­­ment très vite tou­­chée par la crise de confiance qui a affecté, dès l’annonce
de la faillite de la banque d’inves­­tis­­se­­ment new-yorkaise, Lehman Brothers, en
sep­­tembre  2008, l’ensemble de la commu­­nauté ban­­caire, fra­­gi­­li­­sée par l’impor­­
tance de ses enga­­ge­­ments immo­­bi­­liers, carac­­té­­ri­­sés par des prêts trop libé­­ra­­le­­ment
consen­­tis, par des re­finan­­ce­­ments accor­­dés sans suf­­fi­­sam­­ment de dis­­cer­­ne­­ment et/
ou par des inves­­tis­­se­­ments sous­­crits sans mesu­­rer les dan­­gers latents qu’ils pré­­sen­
­taient.
Cemex, au pic de son endet­­te­­ment, du fait de ses mul­­tiples acqui­­si­­tions pour un mon­
t­ant équi­­va­­lent son chiffre d’affaires (envi­­ron 22 milliards de dol­­lars à l’époque) repré­
­sen­­tant plus du double de sa capi­­ta­­li­­sa­­tion bour­­sière d’alors, se trou­­vait pris en tenaille
entre la baisse de son acti­­vité, la baisse de sa capa­­cité à géné­­rer des pro­­fits, d’une part,
et, d’autre part, son inca­­pa­­cité à rem­­bour­­ser les concours ban­­caires qui lui avaient été
consen­­tis avec, en toile de fond, contrac­­tion bru­­tale du mar­­ché ban­­caire et finan­­cier.
Il deve­­nait, en consé­­quence, dif­­fi­­ci­­le­­ment envi­­sa­­geable de renou­­ve­­ler ces concours dont
la pre­­mière échéance impor­­tante était fixée à décembre 2009.
Le fameux dic­­ton « Too big to fail » – trop gros pour faire faillite –, qui lais­­sait pré­­
su­­mer un trai­­te­­ment pri­­vi­­lé­­gié par les ins­­ti­­tutions finan­­cières, ne sem­­blait même
plus devoir s’appli­­quer à coup sûr, dans un contexte pro­­fon­­dé­­ment bou­­le­­versé où
les éta­­blis­­se­­ments ban­­caires et finan­­ciers – et non les moindres, comme la célèbre
investment bank new-yorkaise déchue – ne sem­­blaient plus, eux-mêmes, à l’abri de
la ban­­que­­route.
Dès lors, comment réagir, pour faire face à l’urgence et à la remise en cause struc­­
tu­­relle du modèle éco­­no­­mique et finan­­cier sur lequel s’était appuyée l’entre­­prise
pour sou­­te­­nir sa spec­­ta­­cu­­laire expan­­sion ? Comment assu­­rer la péren­­nité de l’orga­
­ni­­sa­­tion alors que les plus grands acteurs du sec­­teur, enga­­gés eux aussi, pour la
plu­­part, dans la course à la taille, se trou­­vaient éga­­le­­ment tou­­chés par cette double
crise ?
Vendre mas­­si­­ve­­ment des actifs – vrai­­sem­­blab­­le­­ment à perte – au risque de déman­­
te­­ler le groupe et de remettre en cause ses acquis ? Alié­­ner son indé­­pen­­dance et son
auto­­no­­mie en ouvrant davan­­tage le capi­­tal (à sup­­po­­ser qu’un autre groupe, en
meilleure santé, soit en mesure de jouer le rôle du « che­­va­­lier blanc » ou à sup­­po­­ser
que les inves­­tis­­seurs lui fassent confiance)  ? Cour­­ber l’échine, en combi­­nant ces
dif­­fé­­rents pis-aller, en atten­­dant des jours meilleurs ? C’est effec­­ti­­ve­­ment ce que les
diri­­geants ont été contraints de faire. Comment et pour quels résul­­tats ?
Dans un pre­­mier temps, dès 2009, le cimen­­tier s’était déjà atta­­ché à ras­­su­­rer la
commu­­nauté finan­­cière, en annon­­çant un plan d’urgence per­­met­­tant de réa­­li­­ser
150 mil­­lions de dol­­lars d’éco­­no­­mies, en 2010, et 250 mil­­lions sup­­plé­­men­­taires, en
2011, pour pas­­ser à un rythme annuel de 400 mil­­lions, à par­­tir de 2012, tout en

22
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


licen­­ciant 17 000 employés. Ce qui a sans doute faci­­lité le pla­­ce­­ment de deux émis­
­sions d’actions pour un mon­­tant total de 1,7 milliard de dol­­lars. Mais c’est sur­­tout
en cédant à Holcim, en août  2009, les acti­­vi­­tés aus­­tra­­liennes héri­­tées de Rinker
pour 2,02 milliards de dol­­lars (soit seule­­ment 6,6 fois l’excé­­dent brut d’exploi­­ta­­tion-
Ebitda1- des acti­­vi­­tés cédées , alors que le groupe de Monterrey les avait acquises
sur la base de plus de 12 fois l’Ebitda), que Cemex est par­­venu à hono­­rer l’échéance
de 2,3 milliards de dol­­lars du 31 décembre 2009.
Cela aura-t-il suffi ? Encore endetté à hau­­teur de 17,5 milliards de dol­­lars au prin­­
temps 2011, « le groupe doit résis­­ter en atten­­dant la reprise. Les mar­­chés amé­­ri­­cain
et espa­­gnol, où Cemex est très implanté, res­­tent fra­­giles. Mais le mar­­ché mexi­­cain
montre déjà des signes de reprise  », répon­­dait alors, avec opti­­misme, Martin
Gonzalez, un ana­­lyste finan­­cier spé­­cia­­liste du sec­­teur, avant de pré­­ci­­ser que le
groupe misait sur le lan­­ce­­ment, en 2012, du plan d’infra­­struc­­ture du gou­­ver­­ne­­ment
amé­­ri­­cain. Le temps presse : Cemex s’est engagé à rem­­bour­­ser 9,7 milliards de dol­
­lars de cré­­dits ban­­caires entre 2012 et 2014 et les der­­nières nou­­velles des banques
espa­­gnoles, à la mi 2012, ne sont guère encou­­ra­­geantes.
Quel que soit l’ave­­nir réservé à Cemex, lar­­ge­­ment dépen­­dant d’un envi­­ron­­ne­­ment
inter­­na­­tional incer­­tain, les dan­­gers de l’eupho­­rie entre­­te­­nue trop long­­temps et la
rapi­­dité de trans­­mis­­sion des crises à l’échelle pla­­né­­taire ont consti­­tué un sérieux
coup de semonce pour l’étoile mon­­tante du sec­­teur cimen­­tier mon­­dial.
Quels seraient, dès lors, les élé­­ments favo­­rables et défa­­vo­­rables dans l’envi­­ron­­ne­­
ment géo­­gra­­phique et sec­­to­­riel dans lequel évo­­lue Cemex ? Quelles seraient alors
l’éven­­tail des voies pos­­sibles d’évo­­lu­­tion ? Condui­­raient-elles plu­­tôt à un rebond,
ou, à l’inverse, à un repli  ? À quel prix, en termes de gou­­ver­­nance (main­­tien ou
départ des diri­­geants actuels), en termes de déploie­­ment géo­­gra­­phique (aban­­don
pro­­vi­­soire ou défi­­ni­­tif de cer­­taines loca­­li­­sa­­tions, réorien­­ta­­tion vers d’autres hori­­zons
plus pro­­met­­teurs), en termes de mode d’entrée (pour­­suite de la poli­­tique d’acqui­­
si­­tion à tout va ou jeu plus sub­­til d’alliances avec des par­­te­­naires locaux ou, même,
avec les grands concur­­rents) ? Autant de ques­­tions sou­­le­­vées par cette crise sans
pré­­cé­­dent aux diri­­geants de l’entre­­prise qui néces­­sitent la prise en compte et l’éva­
­lua­­tion de dif­­fé­­rentes hypo­­thèses d’évo­­lu­­tion du contexte inter­­na­­tional, comme des
carac­­té­­ris­­tiques propres à l’entre­­prise, son his­­toire, sa culture, la vision de ses diri­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

geants…

Le cas de Cemex illustre donc :


––l’impact posi­­tif comme néga­­tif de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale et des pres­­sions
externes consé­­cu­­tives s’appli­­quant à une entre­­prise lea­­der dans un sec­­teur d’acti­­
vité, par nature rela­­ti­­ve­­ment instable et tri­­bu­­taire de nom­­breux fac­­teurs sus­­cep­­
tibles d’affec­­ter son déve­­lop­­pe­­ment (à court terme, comme le prix des matières
pre­­mières ou les fluc­­tua­­tions de change, comme, à plus long terme, les

1.  Earnings Before Inter­est, Taxes, Depreciation and Amortization, indi­­ca­­teur finan­­cier d’ori­­gine amé­­ri­­caine,
proche de notre excé­­dent brut d’exploi­­ta­­tion (EBE), lar­­ge­­ment dif­­fusé dans le monde, quoique non réel­­le­­ment
normé, qui met en évi­­dence le résul­­tat de l’acti­­vité, sans tenir compte des charges finan­­cières, des impôts et taxes
et de l’amor­­tis­­se­­ment de l’outil de pro­­duc­­tion.

23
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

réglementations antipol­­lu­­tion ou les mesures natio­­nales visant à favo­­ri­­ser les


acteurs locaux) : en par­­ti­­cu­­lier sur les plans politico-réglementaire (la dérégulation
finan­­cière, la libé­­ra­­tion des flux d’inves­­tis­­se­­ments), socio-­économique (la spé­­cu­­
la­­tion immo­­bi­­lière), tech­­no­­lo­­gique (la globalisation des mar­­chés de capi­­taux,
l’inno­­va­­tion finan­­cière et la pro­­pa­­ga­­tion faci­­li­­tée de la crise via les nou­­veaux
modes de commu­­ni­­ca­­tion) ;
––les prin­­ci­­paux types de réponses appor­­tées par l’orga­­ni­­sa­­tion à ces évo­­lu­­tions
externes, tant en termes d’acqui­­si­­tion rapide d’avan­­tages concur­­ren­­tiels, de taille
et de déve­­lop­­pe­­ment géo­­gra­­phique – en favo­­ri­­sant la crois­­sance externe, en par­­ti­
­cu­­lier –, de recherche de ren­­ta­­bi­­lité et d’effi­­ca­­cité – par la mise en œuvre de sys­­
tème de ges­­tion appro­­prié – que d’inno­­va­­tion – en matière d’opti­­mi­­sation des
process et de l’orga­­ni­­sa­­tion1 ; tout comme l’impor­­tance de la vision déve­­lop­­pée
par sa direc­­tion, par le lea­­der­­ship qu’exerce son pré­­sident, comme par son mode
de gou­­ver­­nance et par sa forte culture d’entre­­prise.
Ces muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional, en forte accé­­lé­­ra­­tion au cours de
la période récente, sous l’effet des pres­­sions externes2, qui doivent être iden­­ti­­fiées
aussi bien au niveau mon­­dial, qu’à celui, plus spé­­ci­­fique des espaces pri­­vi­­lé­­giés où
l’entre­­prise s’est implan­­tée, ont déter­­miné, pour Cemex, comme pour la plu­­part de
ses concur­­rents, l’appa­­ri­­tion de nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés, mais aussi de nou­­velles
menaces que cet exemple met par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment en évi­­dence.
Plu­­sieurs indi­­ca­­teurs tra­­duisent ces trans­­for­­ma­­tions rapides :
––sur le plan quan­­ti­­tatif, l’évo­­lu­­tion des flux commer­­ciaux comme des flux d’inves­
­tis­­se­­ments, la varia­­tion des PNB, d’une zone géo­­gra­­phique à l’autre, le déve­­lop­­
pe­­ment accé­­léré de cer­­tains sec­­teurs, comme l’impor­­tance des fluc­­tua­­tions de la
demande, le poids et la dépendance des mar­­chés finan­­ciers ;
––sur le plan qua­­li­­ta­­tif, les modi­­fi­­ca­­tions des condi­­tions de pro­­duc­­tion et des pra­­
tiques de consom­­ma­­tion comme d’inves­­tis­­se­­ment dans les dif­­fé­­rentes zones, les
phé­­no­­mènes de trans­­mis­­sion très rapide des crises et l’inter­­dé­­pen­­dance des
acteurs, d’un sec­­teur ou d’une zone géo­­gra­­phique à l’autre…
Alors même que les dif­­fé­­rents espaces éco­­no­­miques s’ouvrent davan­­tage les uns
aux autres, sous le double effet de la libé­­ra­­tion pro­­gres­­sive des échanges de biens,
de ser­­vices et, sur­­tout, de capi­­taux, d’une part, de l’effi­­ca­­cité crois­­sante des tech­­no­
­logies des trans­­ports, de la logis­­tique et de la trans­­mis­­sion de l’infor­­ma­­tion, d’autre
part, ces muta­­tions amènent pro­­gres­­si­­ve­­ment les orga­­ni­­sa­­tions – par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment,
dans les zones matures, mais, aussi, dans cer­­taines zones émergentes – à un double
constat :

1.  Cf. figure 1.9.. Sur quels «  leviers  » peuvent agir les orga­­ni­­sa­­tions opé­­rant dans l’espace de réfé­­rence en
réponse aux « enjeux » ? (modèle PREST/3).
2.  Cf. figure 1.7. « À quelles pres­­sions externes se trouve sou­­mis l’espace de réfé­­rence ? (modèle PREST/1) » et
figure 1.8. « À quels “enjeux géo-­sectoriels” se trouvent sou­­mises les orga­­ni­­sa­­tions opé­­rant dans l’espace de réfé­­
rence ? (modèle PREST/2) ».

24
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

• Leurs mar­­chés natio­­naux et leurs mar­­chés étran­­gers de proxi­­mité ne peuvent plus


consti­­tuer à terme (en dépit de leur taille) leurs seules zones d’expan­­sion  ; ne
serait-ce que pour faire face à la cyclicité de leurs acti­­vi­­tés ou au ralen­­tis­­se­­ment
de leur pro­­gres­­sion. Cela doit conduire l’ensemble des entre­­prises, petites ou
grandes, à diver­­si­­fier leurs « relais de crois­­sance », en s’inté­­res­­sant, notam­­ment,
aux espaces en plein déve­­lop­­pe­­ment – éco­­no­­mique et démo­­gra­­phique –, moins
fami­­liers et plus ris­­qués, cepen­­dant.
• Le cen­­trage exclu­­sif de leur pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion sur leur pays d’ori­­gine et leur
espace de proxi­­mité ne se jus­­ti­­fie plus autant que par le passé  ; leur chaîne de
valeur pou­­vant plus dif­­fi­­ci­­le­­ment faire abs­­trac­­tion des avan­­tages compé­­titifs que
recèlent les nou­­veaux espaces éco­­no­­miques désor­­mais ouverts ; et pas seule­­ment
pour offrir de nou­­veaux mar­­chés ; mais aussi, pour pro­­duire, recru­­ter, recher­­cher
et déve­­lop­­per dans le but de créer de nou­­veaux biens et d’offrir de nou­­veaux ser­­
vices.
Dans un cas comme dans l’autre, cela sup­­pose, à tout le moins, un chan­­ge­­ment de
perspec­­tive, pour les orga­­ni­­sa­­tions de grande taille, déjà plus ou moins enga­­gées
hors fron­­tières, comme pour les struc­­tures de taille plus modeste et de moindre expé­
­rience inter­­na­­tionale, pour la plu­­part d’entre elles.

Section
1 Por­­tée et limites de l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale
Depuis la Seconde Guerre mon­­diale, et, sur­­tout, le début des années 1980/1990,
période au cours de laquelle les fac­­teurs d’accé­­lé­­ra­­tion du chan­­ge­­ment se sont mul­
­ti­­pliés, aussi bien sur le plan poli­­tique qu’éco­­no­­mique (cf.  tableau 1.1), plu­­sieurs
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fac­­teurs, de dif­­fé­­rents ordres, ont contri­­bué à inté­­grer à un rythme de plus en plus


rapide l’espace dans lequel opèrent les orga­­ni­­sa­­tions, sans pré­­ju­­dice de coups d’arrêt
– voire de re­culs, plus ou moins durables –.

1  L’abais­­se­­ment pro­­gres­­sif mais dis­­sy­­mé­­trique des fron­­tières

À l’échelle mon­­diale, comme à l’échelle régio­­nale, les vingt der­­nières années ont
vu le décloisonnement de nom­­breux espaces1 jadis iso­­lés – voire autar­­ciques –.
Comme aiment à le faire valoir les obser­­va­­teurs qui se réjouissent de l’ouver­­ture

1.  Voir Védrine H., Abecassis A., Bouabdallah, Conti­­nuer l’His­­toire, Fayard, 2007.

25
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

inter­­na­­tionale, peu de pays désor­­mais échappent à ce mou­­ve­­ment d’ouver­­ture à ces


dif­­fé­­rents niveaux1.
Tableau 1.1 – Les fac­­teurs d’accé­­lé­­ra­­tion des trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment
inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions
Impact sur l’acti­­vité
Déclen­­cheurs Effets inté­­gra­­teurs/désintégrateurs
inter­­na­­tionale
1945/1960 Course aux arme­­ments Inten­­si­­fi­­ca­­tion des rela­­tions par « blocs »
Guerre froide Repli des puis­­sances colo­­niales Desserrement des liens colo­­nies – métro­­
Déco­­lo­­ni­­sa­­tion poles
1954/1957 Mise en commun des res­­sources Ren­­for­­ce­­ment/échanges intra­commu­­nau­­
Début de la construc­­tion éner­­gé­­tiques taires
euro­­péenne Ouver­­ture pro­­gres­­sive des fron­­ Déve­­lop­­pe­­ments des inves­­tis­­se­­ments
tières d’ori­­gine intra/extra CEE
Implan­­ta­­tion euro­­péenne des
firmes amé­­ri­­caines
1961/1975 Pour­­suite de la course aux arme­­ Péren­­ni­­sa­­tion des « blocs « Est – Ouest
Guerre du Vietnam ments
1971 Exten­­sion géo­­gra­­phique Ralen­­tis­­se­­ment ins­­ti­­tution­­nel
Élar­­gis­­se­­ment CEE
1973/1974/1979 Dés­­équi­­libre des balances Recherche active de mar­­chés externes
Guerre du Kippour commer­­ciales occi­­den­­tales Éco­­no­­mies d’éner­­gie
Chocs pétro­­liers Souci d’une crois­­sance rai­­son­­née
1977/1979 Déve­­lop­­pe­­ment du mar­­ché inter­­ Déré­­gle­­men­­ta­­tion/pri­­va­­ti­­sation
Élec­­tions Thatcher/Reagan na­­tional des capi­­taux Décloisonnement sec­­to­­riel/géo­­gra­­phique
Mon­­tée du libé­­ralisme Désen­­ga­­ge­­ment des États
1982 Coup d’arrêt des cré­­dits aux PVD Frein à l’expan­­sion des mar­­chés de capi­­
Crise de sol­­va­­bi­­lité des taux
PVD
1985 Volonté de relance qua­­li­­ta­­tive de Re­moti­­vation des agents éco­­no­­miques
Livre blanc euro­­péen la CEE
1985/1990 Déré­­gle­­men­­ta­­tion finan­­cière et Reprise et explo­­sion des mar­­chés finan­­
Déve­­lop­­pe­­ment de la créa­­tion de nou­­veaux mar­­chés ciers natio­­naux/inter­­na­­tionaux
« bulle » finan­­cière
1986/1990 Ouver­­ture des éco­­no­­mies de l’Est Désen­­cla­­ve­­ment de l’Est et désar­­me­­ment
Glasnost/Perestroïka
1989 Créa­­tion de la nou­­velle Allemagne Inté­­gra­­tion éco­­no­­mique alle­­mande
Chute du mur de Berlin
1991 Crise de confiance des éco­­no­­mies Recherche de nou­­veaux relais de crois­­
Guerre du Golfe occi­­den­­tales sance
1989/1993 « Mar­­ché unique « euro­­péen Inté­­gra­­tion de zones éco­­no­­miques pro­­
Créa­­tion/ren­­for­­ce­­ment ALENA, APEC, Mercosur met­­teuses
unions régio­­nales

1.  L’ancien patron du Medef, Ernest-­Antoine Seillière, pou­­vait ainsi décla­­rer : « à part la Co­rée du Nord et Cuba,
il n’existe aujourd’hui plus aucune alter­­na­­tive au capi­­ta­­lisme  » (Le Figaro Maga­­zine 25/2/2012)  ; ce qui reste,
cepen­­dant, à nuan­­cer, (cf. repère 1.5 « Le Libé­­ralisme éco­­no­­mique remis en ques­­tion par ses plus ardents défen­­
seurs »).

26
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


1993 Recherche d’un nou­­vel ordre Abais­­se­­ment des obs­­tacles quantitatifs/
Fin de l’Uruguay commer­­cial libé­­ral qua­­li­­ta­­tifs aux échanges + quête de
Round/créa­­tion OMC mora­­li­­sa­­tion
1997/1998/2001 Fra­­gi­­lité des pro­­ces­­sus de crois­­ Ins­­ti­­tution­­na­­li­­sation de l’arbi­­trage des
Crises asia­­tique/russe/ sance des éco­­no­­mies émergentes, orga­­nismes multi­gou­­ver­­ne­­men­­taux (FMI,
argen­­tine accrois­­se­­ment, de leur impact Banque mondiale)
régio­­nal
2001 Désta­­bi­­li­­sa­­tion de la puis­­sance Lutte anti-ter­­ro­­riste, ten­­ta­­tives de
Atten­­tat du 11 sep­­tembre domi­­nante sanctuarisation de ses refuges (Irak,
Mon­­tée en puis­­sance du risque ter­­ Afghanistan)
ro­­riste
2002 Accé­­lé­­ra­­tion des pro­­ces­­sus de Inté­­gra­­tion crois­­sante des mar­­chés finan­­
Écla­­te­­ment de la bulle trans­­mis­­sion des crises entre mar­­ ciers
Inter­­net chés finan­­ciers
2008/2009 Mon­­dia­­li­­sa­­tion des crises et dif­­fé­­ Ren­­for­­ce­­ment des pro­­ces­­sus de coor­­di­­
Crise des sub­primes ren­­cia­­tion accrue éco­­no­­mies na­­tion multi­gou­­ver­­ne­­men­­taux anticrise
Faillite de Lehman Brothers matures / éco­­no­­mies émergentes créa­­tion du G20
2010/2012+ Accen­­tua­­tion des fai­­blesses struc­­ Adop­­tion géné­­ra­­li­­sée de plan d’aus­­té­­rité
Crise de la dette sou­­ve­­raine tu­­relles des pays occi­­den­­taux Efforts accrus de coor­­di­­na­­tion régio­­nale
Réces­­sion des pays occi­­den­­ (Union euro­­péenne)
taux

1.1  La pro­­gres­­sion du décloisonnement à l’échelle mon­­diale


Tout d’abord, dans la mou­­vance du GATT, la créa­­tion, en 1994, à Marrakech, de
l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce (OMC) a sus­­cité, à la suite aussi de la chute
du mur de Berlin, en 1991, la mul­­ti­­pli­­cation des adhé­­sions de pays res­­tés jus­­qu’alors
iso­­lés des flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments. Cela a été le cas, en par­­ti­­cu­­lier, des
éco­­no­­mies en tran­­si­­tion, ancien­­ne­­ment éco­­no­­mies cen­­tra­­li­­sées, d’ins­­pi­­ra­­tion socia­­
liste ou commu­­niste, qui avaient mani­­festé déjà bien avant1 leur sou­­hait de moder­­
ni­­sa­­tion et de décloisonnement en enta­­mant la réforme de leur éco­­no­­mie en la
libé­­rali­­sant de manière pro­­gres­­sive.
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C’est ainsi qu’en Asie, par exemple, des puis­­sances majeures, comme la Chine,
ou des acteurs régio­­naux clés, comme le Vietnam, ont, l’un après l’autre, rejoint
l’OMC, inten­­si­­fiant du même coup leurs rela­­tions commer­­ciales avec le reste du
monde et en atti­­rant des flux crois­­sants d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments vers leur
ter­­ri­­toire. Elles ont non seule­­ment valorisé leurs avan­­tages compé­­titifs ini­­tiaux
liés, notam­­ment, au faible coût de leur main-d’œuvre, mais elles ont été aussi en
mesure de les déve­­lop­­per et de les élar­­gir très vite, en béné­­fi­­ciant des poli­­tiques
locales très actives et du sou­­tien de la commu­­nauté inter­­na­­tionale. D’autres éco­­

1.  Ainsi le Vietnam avait dès 1986, mani­­festé son souci de « renais­­sance » (le Doi Moi) tan­­dis que la Chine de
Deng Xiaoping avait, dès décembre 1978, ini­­tié son pro­­gramme « Gǎigé kāifàng », lit­­té­­ra­­le­­ment « réforme et ouver­
­ture  », qu’il déve­­lop­­pera dans les années 80 avec le pro­­gramme des «  Quatre moder­­ni­­sa­­tions  » (indus­­trie et
commerce, édu­­ca­­tion, orga­­ni­­sa­­tion mili­­taire et agri­­culture) et «  un pays, deux sys­­tèmes  » (le commu­­nisme et le
capi­­ta­­lisme).

27
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

no­­mies, quoique for­­mel­­lement enga­­gées de longue date dans le pro­­ces­­sus d’adhé­


­sion, comme la Russie et l’Algérie, ont pris du retard. Le mou­­ve­­ment semble
cepen­­dant irré­­ver­­sible et, désor­­mais plus de 150 pays sont deve­­nus membres de
l’orga­­ni­­sa­­tion.

c Repère 1.2
La Russie finit par rejoindre l’OMC1
Cela faisait 18 ans – plus qu’aucun autre pays can­­di­­dat à l’OMC –, que la Russie avait
ini­­tié le pro­­ces­­sus d’adhé­­sion à cette orga­­ni­­sa­­tion. Stop­­pée à plu­­sieurs reprises pour
des rai­­sons poli­­tiques, elle signait le pro­­to­­cole d’adhé­­sion le 11 décembre 2011,
encou­­ragée en cela par le pré­­sident Medvedev, par­­ti­­san déter­­miné d’une conclu­­sion
rapide de l’accord. Pour lui, elle con­situait un gage de moder­­ni­­sa­­tion et aug­­men­­te­­rait
l’attrait du pays pour les inves­­tis­­seurs. L’OMC ayant donné son ultime feu vert, il
suffisait, en prin­­cipe, d’une rati­­fi­­cation par la Douma pour que l’adhé­­sion devienne
effec­­tive.
Le prin­­cipe même de cette adhé­­sion restait sus­­cep­­tible d’être remise en cause par le
retour de Vladimir Poutine à la pré­­si­­dence : réputé méfiant vis-­à-vis de l’éco­­no­­mie de
mar­­ché, il avait déjà inter­­rompu le pro­­ces­­sus en 2009, dans une logique d’indé­­pen­­
dance. Cette pos­­ture n’était d’ailleurs pas nou­­velle, comme en témoignent un cer­­tain
nombre d’ouvrages qui ana­­lysent sur la longue période le posi­­tion­­ne­­ment géo­­po­­li­­tique
de la Russie2. Fina­­le­­ment, le 21 Juillet, le pré­­sident a signé la loi rati­­fiant le pro­­to­­
cole3.
C’est l’inté­­rêt même qu’a la Russie à adhé­­rer qui l’a fina­­le­­ment emporté  : avec la
perspec­­tive de reve­­nus addi­­tion­­nels annuels d’au moins 50 milliards de dol­­lars,
comme de l’accé­­lé­­ra­­tion de la moder­­ni­­sa­­tion éco­­no­­mique et poli­­tique qu’espèrent
cer­­tains dans le pays. La situa­­tion struc­­tu­­relle de la Russie serait aussi ame­­née à évo­­
luer : au-­delà des hydro­­car­­bures, qui assurent les deux tiers des expor­­ta­­tions du pays,
la compé­­titi­­vité de ses pro­­duits s’en trou­­ve­­rait sti­­mu­­lée ; tout comme en seait faci­­li­­tée
la réduc­­tion du niveau élevé de cor­­rup­­tion, des entraves à la concur­­rence, de l’état de
déshé­­rence du sys­­tème édu­­ca­­tif.

À ce titre, les pays, comme la Russie, jus­­qu’à 2012, ou l’Algérie qui renacle
encore, long­­temps iso­­lés, du fait de contextes poli­­tiques, sociaux et cultu­­rels par­

1.  Voir  site OMC, « Acces­­sions : Fédé­­ra­­tion de Russie », 2012 ; Chal­­lenges “La Russie réci­­dive avec Poutine”,
n° 272, 13 10 2011, tra­­duit de The Economist et The Economist, « ’In’ at last ; Russia and world trade », 5 Novembre
2011, vol.401, n°8758,
2.  Voir, notam­­ment, G. Sokoloff, « La Puis­­sance pauvre », Fayard, 1993 et A.de Custine, « La Russie en 1839 »,
T. 1 & 2, Solin, 1990.
3.  RIA Novotsi, 22/8/2012.

28
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

t­ i­­cu­­liers et, sur le plan éco­­no­­mique, du «  syn­­drome hol­­lan­­dais1  » ne cessent de


dimi­­nuer. Ailleurs se sont géné­­ra­­li­­sées des règles du jeu abou­­tis­­sant à la réduc­­tion
des bar­­rières tari­­faires et non tari­­faires, au respect de la pro­­priété indus­­trielle et
intel­­lec­­tuelle, au règle­­ment à l’amiable des litiges commer­­ciaux dans les­­quels sont
sus­­cep­­tibles de se trou­­ver impli­­qués les pays membres2. Il n’empêche que, pour
les pays ayant récem­­ment adhéré, comme la Chine, qui a rejoint l’OMC en 2001,
le pro­­ces­­sus est loin d’avoir atteint son terme et de nom­­breuses dis­­po­­si­­tions tran­
­si­­toires demeurent encore en vigueur. Et, pour les pays adhé­­rents de longue date,
par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment tou­­chés par la crise finan­­cière, puis par la crise de la dette sou­­ve­
­raine (cf. tableau 1.1), des réac­­tions se font désor­­mais jour pour remettre en ques­
­tion une ouver­­ture jugée exces­­sive par une part impor­­tante de leur opi­­nion
publique. Carac­­té­­ri­­sée par la mon­­tée en puis­­sance des impor­­ta­­tions pro­­ve­­nant des
éco­­no­­mies émergentes comme par la délocalisation d’un cer­­tain nombre d’acti­­vi­
­tés, entraî­­nant, toujours aux yeux de l’opi­­nion publique, une désindustrialisation
lourde de consé­­quences en matière d’emplois, elle sus­­cite des prises de posi­­tion
de plus en plus nom­­breuses récla­­mant des mesures de pro­­tec­­tion des­­ti­­nées à y pal­
­lier.

1.2  La « résis­­tible » pro­­gres­­sion du décloisonnement à l’échelle régio­­nale


Par ailleurs, à côté de cette dyna­­mique mon­­diale, les orga­­ni­­sa­­tions se trouvent
confron­­tées à la consti­­tution d’espaces éco­­no­­miques sub­conti­­nen­­taux, visant à
remédier à une frag­­men­­ta­­tion, par­­fois extrême, des éco­­no­­mies natio­­nales.
L’Union euro­­péenne four­­nit, bien sûr, depuis près de soixante ans, un modèle
d’évo­­lu­­tion pro­­gres­­sive, tant sur le plan géo­­gra­­phique, avec les dif­­fé­­rentes étapes de
son élar­­gis­­se­­ment, que sur le plan tech­­nique, au fur et à mesure de l’ouver­­ture à la
concur­­rence des sec­­teurs d’acti­­vité et de l’adop­­tion de mesures régle­­men­­taires, de
poli­­tiques et d’une mon­­naie communes. Elle vise une inté­­gra­­tion accrue des éco­­no­
­mies natio­­nales, sans tou­­jours y par­­ve­­nir, avec l’abo­­li­­tion de ses fron­­tières inté­­
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rieures (quo­­tas et droits de douane), son tarif exté­­rieur commun, ses poli­­tiques

1.  Les pays pro­­duc­­teurs de pétrole, comme la Russie ou l’Algérie, dans une situa­­tion compa­­rable vis-­à-vis de
l’OMC, dont le volume de pro­­duc­­tion leur per­­met d’être lar­­ge­­ment expor­­ta­­teurs, auraient ten­­dance à ne pas déve­­
lop­­per leur compé­­titi­­vité dans les autres sec­­teurs et compro­­met­­traient, à terme, le deve­­nir de leurs échanges avec
leurs pays par­­te­­naires. Le phé­­no­­mène avait été iden­­ti­­fié lorsque, il y a plus d’une tren­­taine d’années, on avait pu
obser­­ver, à la suite de la décou­­verte d’impor­­tants gise­­ments de pétrole en mer du Nord, un déclin relatif,
appréciable, mais temporaire des expor­­ta­­tions manu­­fac­­tu­­rières hol­­lan­­daises. Une des causes, mais pas la seule, mise
en avant, était la dété­­rio­­ra­­tion de la compé­­titi­­vité prix des pro­­duits fabri­­qués dans le pays et de l’appré­­cia­­tion consé­
­cu­­tive de la devise natio­­nale à la suite de ces décou­­vertes et de l’accrois­­se­­ment consé­­cu­­tif de l’expor­­ta­­tion de ses
richesses miné­­rales. (cf. W. Max Corden, J. Peter Neary, « Booming Sector and De-­Industrialisation in a Small Open
Economy », The Economic Jour­­nal, vol. 92, no 368, Décembre 1982), pp. 825-848. Ce qui n’est pas le cas de la
devise algé­­rienne ou russe dont la conver­­ti­­bi­­lité res­­pec­­tive reste limi­­tée.
2.  À la fin de 2011, 153 pays étaient membres de l’orga­­ni­­sa­­tion. Cf. cas d’application du cha­­pitre 1 « Vietnam :
les défis de l’Organisation mon­­diale du commerce ».

29
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

communes (comme la politique agri­­cole commune), son union moné­­taire (entre les
17 pays de la zone euro).
Elle consti­­tue encore la forme la plus aboutie d’inté­­gra­­tion éco­­no­­mique supra
natio­­nale, en compa­­rai­­son avec la zone de libre-échange qui ne pos­­sède que le pre­
­mier attri­­but (comme l’Alena), l’Union doua­­nière qui ne pos­­sède que les deux pre­­
miers (comme le Mercosur) ou l’Union éco­­no­­mique ou le Mar­­ché commun (pour
les pays de l’Union euro­­péenne, non membres de la zone euro1).
Dès lors, à l’ins­­tar des entre­­prises amé­­ri­­caines qui l’avaient très vite compris, en
s’implan­­tant dans dif­­fé­­rents pays membres dès les années 60, les entre­­prises euro­­
péennes, avec le pas­­sage du mar­­ché commun au mar­­ché unique, en 1992, en sont
venues à consi­­dé­­rer, de plus en plus, l’ensemble du ter­­ri­­toire euro­­péen comme un
espace natu­­rel d’expan­­sion pour leurs acti­­vi­­tés2. Aussi, ont-elles entre­­pris d’y déve­
­lop­­per leurs réseaux de commer­­cia­­li­­sa­­tion et leurs centres de pro­­duc­­tion, en recher­
­chant des loca­­li­­sa­­tions opti­­males et en se rap­­pro­­chant d’entre­­prises pré­­sen­­tant de
bonnes complé­­men­­ta­­ri­­tés dans le but de réa­­li­­ser des accords de par­­te­­na­­riat ou de
fusions-acqui­­si­­tions trans­fron­­tières.
Mais cette dyna­­mique est loin d’avoir pro­­gressé de manière linéaire, d’être uni­­ver­
s­ el­­le­­ment accep­­tée et les cri­­tiques, là encore, encou­­ra­­gées par la crise, dénoncent
une trop rapide inté­­gra­­tion, tant sur le plan éco­­no­­mique que sur le plan moné­­taire,
dont la crise grecque marque un paroxysme, remet­­tant, tout à la fois, en cause la
manière dont l’élar­­gis­­se­­ment a été accom­­pli, la via­­bi­­lité de la zone euro et le futur
de l’Union euro­­péenne elle-même, en don­­nant le signal de l’écla­­te­­ment de la crise
de la dette sou­­ve­­raine.

1.  En Afrique, notam­­ment, a été créée, dans le pro­­lon­­ge­­ment de l’ère colo­­niale, une zone moné­­taire inté­­grée
uti­­li­­sant le franc CFA (Commu­­nauté finan­­cière d’afrique) désor­­mais rat­­ta­­chée à l’euro, qui s’appuie sur deux orga­
­ni­­sa­­tions : l’Union Éco­­no­­mique et moné­­taire ouest-­africaine (UEMOA) pro­­lon­­geant l’Union moné­­taire (UMOA)
regrou­­pant 8 pays de l’Afrique de l’Ouest en vue de réa­­li­­ser l’uni­­fi­­ca­­tion des espaces éco­­no­­miques natio­­naux et
créer un mar­­ché por­­teur et attrac­­tif pour les inves­­tis­­seurs, avec des poli­­tiques éco­­no­­miques et bud­­gé­­taires et une
mon­­naie commune. La Commu­­nauté éco­­no­­mique et moné­­taire de l’Afrique Cen­­trale (CEMAC), regroupe 6 pays
au sein de l’Union moné­­taire de l’Afrique Cen­­trale (UMAC) et de l’Union éco­­no­­mique de l’Afrique Cen­­trale
(UEAC), avec pour mis­­sion d’éli­­mi­­ner les entraves au commerce entre ses pays membres, pro­­mou­­voir des pro­­
grammes de déve­­lop­­pe­­ment et les pro­­jets indus­­triels.
Il existe éga­­le­­ment, en Afrique, la Commu­­nauté éco­­no­­mique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), la
Commu­­nauté de déve­­lop­­pe­­ment d’Afrique aus­­trale (SADEC, South African Development Economic Community) et
le Mar­­ché commun de l’Afrique Orien­­tale et Aus­­trale aussi connu sous son acro­­nyme anglais COMESA (Com­mon
Market for Eastern and Southern Africa),
2.  Lafay G., Siroën J.-M., Maî­­tri­­ser le libre échange, Économica, 1994, p. 98.

30
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

c Repère 1.3
Le dilemme grec1
Long­­temps mas­­quées par une crois­­sance de plus de 4 % par an, de 2000 à la veille de
la crise finan­­cière, les fai­­blesses struc­­tu­­relles de la Grèce, carac­­té­­ri­­sées par une dette
publique rap­­por­­tée au PIB supé­­rieure à 100  %, un sec­­teur public plé­­tho­­rique, une
fraude fis­­cale chro­­nique, faci­­li­­tée par une cor­­rup­­tion omni­­pré­­sente et, même, par le
maquillage des comptes publics2, se sont révé­­lées au grand jour, dès lors qu’ont été
affec­­tés direc­­te­­ment les deux sec­­teurs clés du pays, le tou­­risme et le trans­­port maritime,
entraînant un recul quasi immé­­diat de la crois­­sance.
Le pays s’est vu impo­­ser, pour prix de l’aide commu­­nau­­taire, une dis­­ci­­pline bud­­gé­­taire
dras­­tique se tra­­dui­­sant, pour des pans entiers de la popu­­la­­tion, par une hausse ver­­ti­­gi­
­neuse du chô­­mage et par des coupes sombres dans les reve­­nus et les pres­­ta­­tions
sociales, jusque-là lar­­ge­­ment assu­­rés par l’endet­­te­­ment exté­­rieur qui ali­­men­­tait les
régimes sociaux – santé et retraite –, comme l’entre­­tien des 800 000 fonc­­tion­­naires (sur
les 5 mil­­lions de Grecs actifs).
Les pro­­grammes de sau­­ve­­tage suc­­ces­­sifs3, carac­­té­­ri­­sés par des aides subs­­tan­­tielles
appor­­tées par les par­­te­­naires euro­­péens, comme par l’annu­­la­­tion d’une par­­tie des
dettes ban­­caires n’ont pas suffi à empê­­cher les dégra­­da­­tions suc­­ces­­sives de la Grèce
auprès des agences de nota­­tion et l’envo­­lée cor­­ré­­la­­tive des taux de la dette grecque à
10 ans, sans que s’efface le spectre de la ban­­que­­route.
Au prin­­temps 2012, la menace sem­­blait même se pré­­ci­­ser ; dif­­fé­­rents scé­­na­­rios étant
évo­­qués, incluant la mise en faillite de la Grèce et sa sor­­tie de l’euro, qui fra­­gi­­li­­seraient
encore davan­­tage bon nombre de banques euro­­péennes4, sans que ne soient à exclure
l’«  effet domino  » ou l’«  effet Lehman Brothers  »5 que pour­­rait déclen­­cher une telle
issue sur les autres « maillons faibles » de l’Union moné­­taire – Portugal, Espagne, Italie –.
Ce sont eux que cer­­tains traders, ana­­lystes finan­­ciers et jour­­na­­listes spé­­cia­­li­­sés placent
à la suite de la Grèce sur la liste des faillis poten­­tiels, n’hési­­tant pas à les dési­­gner sous
l’acro­­nyme révé­­la­­teur, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment mépri­­sant, de « Pigs » (Portugal, Italy, Greece,
Spain) ; ceci sans pré­­ju­­dice des effets à craindre sur d’autres pays, plus sep­­ten­­trio­­naux,
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éga­­le­­ment très endet­­tés, qui pour­­raient, à leur tour, faire l’objet de la méfiance des
inves­­tis­­seurs.
Dès lors l’Europe est tenue de prendre ses res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés, soit en se déso­­li­­da­­ri­­sant et
en ris­­quant l’implo­­sion de la zone euro, avec, au mieux, la cou­­pure de l’Europe en

1.  A. Bauer et M. Prandi, Les Échos, 06/10/2011 ; The Economist, « Greece Lightning », 5/11/2011, pp. 83-84.
2.  Qui s’est mani­­festé au grand jour en novembre 2009, lorsque le nou­­veau gou­­ver­­ne­­ment socia­­liste mul­­ti­­plie
par deux l’esti­­mation de défi­­cit bud­­gé­­taire pour la por­­ter à 12,7 % du PIB (ibid. Les Échos).
3.  Le second plan d’aide de février 2012 s’est monté à 237 milliards d’euros, après le plan pré­­cé­­dent de
110 milliards, treize mois avant (ibid. Les Échos).
4.  On estime à 30 % la décote de la dette grecque qui serait à provisionner par ses détenteurs. Par ailleurs, en cas
de défaut de la Grèce, la perte serait à par­­ta­­ger entre les 17 banques action­­naires de la BCE.
5.  Cf. repère 1.6 « De la crise des sub­primes à la crise de la dette sou­­ve­­raine ».

31
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


deux, soit en choi­­sis­­sant d’aller de l’avant dans la voie de l’har­­mo­­ni­­sa­­tion, en complé­
­tant le dis­­po­­si­­tif de conver­­gence bud­­gé­­taire et fis­­cale – « la règle d’or » dont la rati­­fi­­
cation est en cours –, par un volet « crois­­sance ». Lequel sup­­pose non seule­­ment la
mise en œuvre de véri­­tables poli­­tiques struc­­tu­­relles et indus­­trielles des­­ti­­nées à relan­­cer
les éco­­no­­mies euro­­péennes tout en accrois­­sant leur compé­­titi­­vité res­­pec­­tive, mais,
éga­­le­­ment, en assou­­plis­­sant les règles d’inter­­ven­­tion de la Banque cen­­trale euro­­péenne
(BCE), allant même, peut-­être, en dépit de l’oppo­­si­­tion de l’Allemagne, jus­­qu’à mettre
en œuvre une mutualisation des dettes sou­­ve­­raines en adop­­tant la for­­mule des euro­
bonds1.

Des ini­­tiatives plus récentes, comme la consti­­tution de l’ALENA, entre les trois
pays de l’Amérique du Nord – Canada, États-­Unis et Mexique –, ou encore le
Mercosur, entre les éco­­no­­mies les plus pro­­met­­teuses de l’Amérique du Sud, sont
por­­teuses de cette même dyna­­mique, sans par­­ler des regrou­­pe­­ments qui se des­­sinent
ou se ren­­forcent en Asie, au-­delà de l’ASEAN, avec la créa­­tion de l’APEC2. Mais,
là encore, des résis­­tances natio­­nales se font jour qui freinent une pro­­gres­­sion
susceptible de compro­­mettre des équi­­libres fra­­giles.

c Repère 1.4
Le Mercosur entre expan­­sion conti­­nen­­tale et repli natio­­nal3
Créé en 1991 (traité d’Asunción), entre l’Argen­­tine, le Bré­­sil, le Paraguay et l’Uruguay,
le Mercosur s’ins­­pire davan­­tage de l’Union euro­­péenne que de l’Accord de libre-­
échange nord-­américain (ALENA)4, en choi­­sis­­sant d’adop­­ter non seule­­ment la libre

1.  Les euro ­bonds (ou euro-­obligations) seraient des ins­­tru­­ments finan­­ciers per­­met­­tant, sous l’égide de la Banque
cen­­trale euro­­péenne, d’émettre des obli­­ga­­tions sus­­cep­­tibles de cou­­vrir les besoins de finan­­ce­­ment de l’ensemble des
pays de la zone euro, per­­met­­tant de faire res­­sor­­tir un taux unique, allé­­geant du même coup les charges d’emprunt
des pays les plus endet­­tés, en leur per­­met­­tant de béné­­fi­­cier d’un taux un peu supé­­rieur au taux alle­­mand ou fran­­çais,
mais bien infé­­rieur au taux actuels, très éle­­vés appli­­qués aux pays d’Europe du Sud. L’oppo­­si­­tion de l’Allemagne
résulte, tout à la fois, de la crainte du ren­­ché­­ris­­se­­ment de la charge de sa propre dette, que des effets dis­­sua­­sifs qu’un
tel pro­­cédé pour­­rait avoir sur les pays les plus endet­­tés, en matière de mise en œuvre les mesures de rigueur que
Bruxelles exige d’eux (voir notam­­ment, C. Gatinois, « Un outil met­­tant fin aux diver­­gences de taux d’emprunt »,
Le Monde, 15/08/11).
2.  L’Orga­­ni­­sa­­tion de Coopé­­ra­­tion éco­­no­­mique de l’Asie-­Pacifique (APEC) a été créée en 1989 à l’ini­­tiative des
États-­Unis et de l’Australie, comme une ins­­ti­­tution infor­­melle pour faci­­li­­ter le dia­­logue dans la région autour d’un
groupe de 12 membres qu’elle compre­­nait au départ. Elle ras­­semble désor­­mais 21 pays membres : Australie, Brunei,
Canada, Chili, Chine, Co­rée du Sud, États-­Unis, Hong Kong, Indonésie, Japon, Malaisie, Mexique, Nouvelle-­
Zélande, Papouasie-­Nouvelle-Guinée, Pérou, Phi­­lip­­pines, Russie, Singapour, Taiwan, Thaïlande, Vietnam. Ces pays
tota­­lisent 50 % de la popu­­la­­tion mon­­diale, 60 % du pro­­duit brut mon­­dial, 45 % du commerce inter­­na­­tional.
3.  Cf. M. Dobal, « Mercosur cumple 20 años sin unión aduanera y con menor peso comercial », El País, 26 mars
2011  ; «  El Mercosur destaca el elevado nivel de madurez en materia de integración  », EFE, 26 mars, 2011  ;
« Mercosur cumple 20 años lejos de sus objetivos ori­­gi­­nales pero aún vigente », AFP, 25 mars 2011.
4.  En anglais, NAFTA : North American Free Trade Asso­­cia­­tion.

32
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


cir­­cu­­la­­tion des biens, des ser­­vices et des capi­­taux, mais éga­­le­­ment, comme l’UE et à
la dif­­fé­­rence de l’ALENA, un tarif exté­­rieur commun (TEC) assorti de poli­­tiques de
conver­­gence éco­­no­­mique entre pays membres. L’élar­­gis­­se­­ment, régu­­liè­­re­­ment dis­­cuté,
est à l’ordre du jour depuis le début des années 2000, avec le rap­­pro­­che­­ment d’avec
les pays du Pacte Andin (Bolivie, Colombie, Équa­­teur, Pérou, Venezuela), comme du
Chili, du Guyana et du Surinam, ainsi que du Mexique.
Cepen­­dant, même si les échanges intra-Mercosur ont décu­­plé entre sa créa­­tion et son
ving­­tième anni­­ver­­saire, en mars 2011, la mise en œuvre du TEC reste très incom­­plète :
au-­delà des diver­­gences poli­­tiques et des oppo­­si­­tions entra­­vant la pro­­gres­­sion de
l’inté­­gra­­tion, ce sont les réti­­cences aux aban­­dons de sou­­ve­­rai­­neté qu’exige l’adop­­tion
de poli­­tiques communes, comme les dis­­pa­­ri­­tés impor­­tantes entre les niveaux de
richesse des dif­­fé­­rents pays du sous-continent, comme, aussi, l’oppo­­si­­tion chro­­nique
entre les deux pays lea­­ders – Argen­­tine et Bré­­sil – qui sus­­citent le plus d’inter­­ro­­ga­­tions
sur le deve­­nir de l’inté­­gra­­tion éco­­no­­mique de l’Amérique Latine dont le Mercosur est
por­­teur.

2  Un libé­­ralisme éco­­no­­mique et finan­­cier désor­­mais contesté

Cette « pous­­sée » d’inté­­gra­­tion, au niveau mon­­dial comme au niveau régio­­nal, ne


peut guère être dis­­tin­­guée de la mon­­tée en puis­­sance du libé­­ralisme éco­­no­­mique,
lar­­ge­­ment impul­­sée par les grands pays anglo-­saxons depuis la fin des années
1970 :
––dans le cadre des éco­­no­­mies natio­­nales, elle déter­­mine, de manière sou­­vent pro­­
gres­­sive, un recul, inégal selon les pays, de l’influ­­ence éta­­tique dans leur gou­­ver­­
nance, leur orga­­ni­­sa­­tion et leur orien­­ta­­tion éco­­no­­miques ;
––tan­­dis que, pour l’ensemble de la pla­­nète, elle vise à réduire les obs­­tacles au libre-
­échange et à la libre concur­­rence, dans le but d’ins­­tau­­rer, un nou­­vel ordre éco­­no­­
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mique uni­­ver­­sel dirigé par les lois du mar­­ché.


Ce libé­­ralisme se carac­­té­­rise, non seule­­ment par une ouver­­ture inter­­na­­tionale
accrue per­­met­­tant une pro­­gres­­sion et une plus large dif­­fu­­sion des flux d’échanges et
d’inves­­tis­­se­­ments, mais, éga­­le­­ment par l’inté­­gra­­tion des mar­­chés finan­­ciers et des
mou­­ve­­ments de capi­­taux. Il se traduit aussi par une évo­­lu­­tion sen­­sible des règles de
gou­­ver­­nance, avec la montée en puissance des inves­­tis­­seurs action­­naires dans la ges­
­tion des orga­­ni­­sa­­tions, au détriment, notam­­ment du contrôle de l’État qui a consi­­dé­
­ra­­ble­­ment dimi­­nué au fil des pri­­va­­ti­­sations qui se sont mul­­ti­­pliées, dans les
éco­­no­­mies matures comme dans les éco­­no­­mies émergentes.

33
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

INTÉGRATION FINANCIÈRE
Intégration des flux de capitaux,
montée en puissance de la finance de
marché et transmission des crises

AJUSTEMENT ÉVOLUTION DES


OUVERTURE PERMANENT AUX RÈGLES DE
INTERNATIONALE MUTATIONS DE GOUVERNANCE
décloisonnement L’ENVIRONNEMENT des États
hétérogène des INTERNATIONAL et des organisations
espaces publiques et privées
économiques

Figure 1.1 – Impact des grandes muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment


inter­­na­­tional sur les orga­­ni­­sa­­tions

Avec la crise finan­­cière et ses consé­­quences sur la crois­­sance, comme avec la mon­
t­ée en puis­­sance des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, ce modèle qui ten­­dait à s’impo­
­ser depuis le début des années 80 est de plus en plus contesté.

c Repère 1.5
Le libé­­ralisme éco­­no­­mique en ques­­tion par ses plus ardents défen­­seurs1?
Se réfé­­rant à un index cana­­dien mesu­­rant le freedom index2, le très libéral heb­­do­­ma­­
daire bri­­tan­­nique The Economist sou­­ligne qu’après avoir pro­­gressé, en moyenne, en
quatre décen­­nies de 5,5 (sur 10) à 6,7 à la veille de la crise, en 2007, celui-ci serait en
passe de régres­­ser. Les États seraient en effet conduits à inter­­ve­­nir direc­­te­­ment, en
régulant de façon plus étroite leur éco­­no­­mie et en s’effor­­çant de l’adap­­ter à l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale, tout en agis­­sant à tra­­vers des acteurs éco­­no­­miques qu’ils contrôlent
direc­­te­­ment.

1.  « The visible hand », The Economist, 21-23/01/2012, « Capitalism under fire », Time, 06 février 2012.
2.  Pro­­posé par le think tank cana­­dien The Fraser Institute (www.fraserinstitute.org), à partir de 42 indi­­ca­­teurs
accor­­dant une impor­­tance équi­­va­­lente à cinq dimen­­sions  : impor­­tance des dépenses publiques, des impôts et du
sec­­teur public ; cadre légal, sécu­­rité et droits de pro­­priété ; rat­­ta­­che­­ment à une mon­­naie forte ; liberté des échanges
inter­­na­­tionaux ; régle­­men­­ta­­tion du Cré­­dit, du Tra­­vail et des Affaires.

34
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


S’agis­­sant des éco­­no­­mies émergentes et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment des ECR, la crois­­sance
impres­­sion­­nante de la Chine, à une moyenne annuelle de 9,5 %, avec 18 % de pro­­
gres­­sion de ses échanges inter­­na­­tionaux en volume, depuis 30 ans, ten­­drait à vali­­der
un modèle plus diri­­giste. Force est aussi de prendre en consi­­dé­­ra­­tion la place que les
socié­­tés d’État y occupent dans des sec­­teurs clés comme les pro­­duits de base, les infra­
­struc­­tures, les ins­­ti­­tutions finan­­cières…
Sans rien renier de leurs convic­­tions libé­­rales, les jour­­na­­listes bri­­tan­­niques observent que
de nom­­breux pays émergents, comme l’Afrique du Sud ou le Bré­­sil, sans tra­­di­­tion d’éco­
­no­­mie cen­­tra­­li­­sée, font la part de plus en plus belle au diri­­gisme, en déve­­lop­­pant leurs
poli­­tiques indus­­trielles, en créant des fonds sou­­ve­­rains1, leur per­­met­­tant de sou­­te­­nir plus
direc­­te­­ment l’orien­­ta­­tion de leur éco­­no­­mie et, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, de leurs entre­­
prises. Le débat ferait aussi rage parmi les jeunes éco­­no­­mistes des grands orga­­nismes
multi­gou­­ver­­ne­­men­­taux, comme la Banque Mon­­diale entre le libé­­ralisme conqué­­rant
des der­­nières décen­­nies et le retour en grâce d’un cer­­tain inter­­ven­­tion­­nisme éta­­tique.
Dans le maga­­zine amé­­ri­­cain, Time, le son de cloche recueilli auprès d’un panel asso­
­ciant à un diri­­geant de mul­­ti­­natio­­nale, un ban­­quier, l’ani­­ma­­teur d’un fonds d’inves­­tis­­
se­­ment, une syn­­di­­ca­­liste et un aca­­dé­­mique résonne de manière compa­­rable, en
ren­­voyant, lui aussi, les deux capi­­ta­­lismes dos à dos. Tout en pre­­nant acte de l’évo­­lu­­
tion libé­­rale iné­­luc­­table des capi­­ta­­lismes d’État des pays émergents, y est clai­­re­­ment
expri­­mée par ses membres la néces­­sité, dans les éco­­no­­mies matures, de gou­­ver­­ne­­
ments plus effi­­caces pour cor­­ri­­ger les excès du capitalisme libéral, comme pour le
normer, afin de pro­­té­­ger les agents éco­­no­­miques, consom­­ma­­teurs et pro­­duc­­teurs, des
effets pénalisants de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale et de pré­­ser­­ver la cohé­­sion sociale.

2.1 Le bou­­le­­ver­­se­­ment des équi­­libres entre éco­­no­­mies émergentes


et é­conomies matures
Des sec­­teurs entiers se sont trou­­vés décloi­­son­­nés et déréglementés à plus ou moins
grande échelle. Ce mou­­ve­­ment, amorcé, il y a main­­te­­nant une tren­­taine d’années,
avec la dérégulation du trans­­port aérien, s’est, ensuite, étendu à de nom­­breux ser­­
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vices tels que la finance, les télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions et, à un moindre titre, la banque1.
L’aban­­don des quo­­tas d’expor­­ta­­tion par pays et par pro­­duits qui avaient été mis en
place en 1974 pour pro­­té­­ger la filière tex­­tile des pays indus­­tria­­li­­sés2, a sen­­si­­ble­­ment
fait évo­­luer la donne en per­­met­­tant, à par­­tir de 2006, l’accrois­­se­­ment dans ce sec­­
teur, de la pres­­sion concur­­ren­­tielle de pays comme la Chine et l’Inde3 sur les éco­­no­
­mies matures.

1.  Cf. exemple 2.2 « Un nou­­veau venu très actif sur la scène inter­­na­­tionale : le Qatar. »
2.  Jus­­qu’à la fin du Cycle de l’Uruguay (Uruguay Round), les contin­­gents rela­­tifs aux tex­­tiles et aux vête­­ments
étaient négo­­ciés bi­laté­­ra­­le­­ment et régis par l’Arran­­ge­­ment multi­fibres (AMF). Cet ins­­tru­­ment pré­­voyait des règles
pour l’impo­­si­­tion de res­tric­­tions quan­­ti­­tatives sélec­­tives lorsque des pics d’impor­­ta­­tions por­­taient, ou mena­­çaient
de por­­ter un pré­­ju­­dice grave à la branche de pro­­duc­­tion du pays impor­­ta­­teur (source : site OMC, http//www.wto.
org/indexfr.htm).
3.  Tout en rédui­­sant la marge pré­­fé­­ren­­tielle dont béné­­fi­­ciaient les pays non sou­­mis à des quo­­tas d’impor­­ta­­tion,
comme la Tunisie et le Maroc.

35
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

D’autres sec­­teurs, comme l’élec­­tro­­nique, et, désor­­mais, l’auto­­mo­­bile, les trains à


grande vitesse, l’équi­­pe­­ment télécom1, en atten­­dant l’aéro­­nau­­tique, font ou vont
faire l’objet d’une concur­­rence plus intense qui débouche déjà sur une redis­­tri­­bu­­tion
des acti­­vi­­tés entre zones géo­­gra­­phiques2. Ce qui a cor­­res­­pondu long­­temps, pour ces
acti­­vi­­tés, à un mou­­ve­­ment de délocalisation encou­­ragé par la dif­­fé­­rence des coûts de
main-­d’œuvre, ou encore par le souci des entre­­prises de se rap­­pro­­cher des mar­­chés
en forte crois­­sance3. Cette ère est en passe de lais­­ser place à une véri­­table « remon­
­tée de filière », compa­­rable à celle ini­­tiée par le Japon il y a trente ans et, plus récem­
­ment, par la Co­rée du Sud, que réa­­li­­se­­raient les éco­­no­­mies à crois­­sance rapide les
plus en pointe, comme la Chine ou l’Inde, dont les entre­­prises tendent à deve­­nir les
lea­­ders indus­­triels mais aussi lea­­ders tech­­no­­lo­­giques au niveau mon­­dial4.

Exemple 1.1 – Région toulousaine : par­­tir, reve­­nir ?


Fabri­­cant d’appa­­reils de diag­­nos­­tic des pannes de voiture, d’équi­­pe­­ments élec­­tro­­niques
d’uti­­li­­taires, ainsi que de sys­­tèmes de trac­­tion pour voi­­tures é­lectriques, le groupe
toulousain d’élec­­tro­­nique Actia a vu son chiffre d’affaires pro­­gres­­ser de plus de 20 % en
2011, à 300 mil­­lions d’euros, dont 55  % à l’ex­port. Proche de la satu­­ra­­tion dans ses
usines de Colomiers, en Haute Garonne, et de Tunis, l’entre­­prise doit opti­­mi­­ser ses
coûts comme répar­­tir ses risques – en évi­­tant, en Tunisie, d’être trop tri­­bu­­taire de l’absen­
­téisme du per­­son­­nel, plus sen­­sible depuis le prin­­temps arabe – ; ce qui la dis­­suade d’envi­
­sa­­ger, en France, l’inves­­tis­­se­­ment pro­­chain d’une nou­­velle ligne de pro­­duc­­tion. «… mais
l’usine sui­­vante, dans cinq ans, pour­­rait être dans l’Hexa­­gone grâce au déve­­lop­­pe­­ment
de l’auto­­ma­­ti­­sation », comme le déclare son diri­­geant.
À quelques kilo­­mètres de là, dans le même dépar­­te­­ment, Labinal du groupe Safran, vient
d’inau­­gu­­rer une nou­­velle usine de câblage, à Villemur sur Tarn, à deux pas de l’usine de
l’amé­­ri­­cain Molex, fer­­mée récem­­ment. Tra­­vaillant pour Air­­bus et Eurocopter à la pro­­duc­
­tion d’équi­­pe­­ments pour une large par­­tie de leurs gammes respectives, comme à leur main­
­te­­nance, le choix de loca­­li­­sa­­tion de la nou­­velle usine s’est effec­­tué sous la pres­­sion de
l’État (détenteur à plus de 30 % du groupe Safran), mais en tenant compte des avan­­tages
que pré­­sentent pour cette entre­­prise de pointe la proxi­­mité de ses principaux clients5.

1.  J.F. Dufour, Made by China. Le secret d’une conquête indus­­trielle, Dunod, 2012.
2.  Cf.exemple 3.8 «  Air­­bus ins­­talle une ligne de pro­­duc­­tion (pour la famille des A 320) en Alabama  » et
exemple  3.10 «  Peut-­on rapa­­trier la fabri­­ca­­tion des iPhones de Chine aux États-­Unis et y faire reve­­nir les
emplois ? »
3.  Source  : CHÉLEM-­CEPII. À noter que ces évo­­lu­­tions peuvent rele­­ver de phé­­no­­mènes aussi divers que la
baisse de la demande mon­­diale, l’excès de l’offre (se tra­­dui­­sant par une baisse des prix) ou encore la sub­­sti­­tution
d’impor­­ta­­tion (voir Lafay G. et Siroën J. M., op. cit.). Cela n’exclut pas des retour­­ne­­ments de ten­­dance (cf. redres­
­se­­ment de la posi­­tion amé­­ri­­caine dans la filière élec­­tro­­nique) ou la re­loca­­li­­sa­­tion en Europe de cer­­taines pro­­duc­­tions
auto­­mo­­biles (japo­­naises notam­­ment, comme Toyota à Valen­­ciennes).
4.  Voir, infra, théo­­rie d’Akamatsu, de déve­­lop­­pe­­ment « en vol d’oies sau­­vages » et figure 3.4. Le déve­­lop­­pe­­ment
« en vol d’oies sau­­vages » d’Akamatsu Akamatsu K., « A Historical Pat­­tern of Economic Growth in Developing
Economies », The Developing Economies, Preliminary Issue n°1, Mars 1962. Voir éga­­le­­ment le cas intro­­duc­­tif du
cha­­pitre 4, « Huawei, la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der tech­­no­­lo­­gique mon­­dial. »
5.  L. Marcaillou, « Actia veut ouvrir une deuxième usine low cost à l’étran­­ger », Les Échos, 21/2/2012 et « À
Villemur-­sur-Tarn, Labinal affiche pro­­duit en France », Les Échos, 23/2/2012.

36
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

En termes d’échanges, cette évo­­lu­­tion sen­­sible des soldes exté­­rieurs se tra­­duit par
un accrois­­se­­ment des défi­­cits des éco­­no­­mies matures, au béné­­fice des éco­­no­­mies
émergentes, asia­­tiques en par­­ti­­cu­­lier.
En défi­­ni­­tive, les pro­­jec­­tions dis­­po­­nibles font res­­sor­­tir un ren­­ver­­se­­ment rela­­tif des
posi­­tions domi­­nantes des éco­­no­­mies mon­­diales, avec une réduc­­tion sen­­sible du
poids des pays de la Triade, la confir­­ma­­tion de l’envo­­lée chi­­noise, avec une mon­­tée
en puis­­sance plus limi­­tée de l’Inde et des pays de l’ASEAN.

Pour cent Pour cent


30 30

25 25

20 20

15 15

10 10

5 5

0 0
EU-27 USA Japon Chine Inde ASEAN-5

1990 2000 2010 2020 2030

Sources : Australian Government Report (2010), World Bank,


IMF World Economic Outlook, OECD, UN Popu­­la­­tion Database and Treasure,
The Conference Board Total Economy Database (2007).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 1.2 – Éco­­no­­mies matures et émergentes


Évolution de leurs poids res­­pec­­tifs dans l’éco­­no­­mie mon­­diale (part des dif­­fé­­rentes
zones dans le PNB mon­­diale et pro­­jec­­tions à hori­­zon 2020 et 2030).

2.2  Un libé­­ralisme économique aux excès désor­­mais contes­­tés


La crise finan­­cière des années 2008-2009 et la crise de la dette sou­­ve­­raine ont,
cepen­­dant, mis en évi­­dence les excès d’un libé­­ralisme à tout va et de ses dérives
dans les pays mêmes qui en étaient le ber­­ceau. L’ima­­gi­­na­­tion débridée des ingé­­
nieurs finan­­ciers avait été complice des pro­­mo­­teurs et des ban­­quiers, finan­­çant
sans dis­­cer­­ne­­ment les cré­­dits hypo­­thé­­caires favo­­ri­­sant le gon­­fle­­ment de la bulle
immo­­bi­­lière aux États-­Unis. Les consé­­quences en avaient lar­­ge­­ment dif­­fusé bien

37
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

au-­delà des limites de ce pays, en par­­ti­­cu­­lier dans la plu­­part des éco­­no­­mies matures,
amor­­çant une crise finan­­cière qui se pro­­longe encore plu­­sieurs années après son
écla­­te­­ment.

c Repère 1.6
De la crise des sub­primes à la crise de la dette sou­­ve­­raine
Issue, aux États-­Unis de la consti­­tution d’une bulle immo­­bi­­lière, asso­­ciée aux excès de
l’ingé­­nie­­rie finan­­cière incontrô­­lée, la crise des sub­primes a dura­­ble­­ment compro­­mis la
sta­­bi­­lité de sys­­tèmes ban­­caires et finan­­ciers deve­­nus de plus en plus inter­connec­­tés.
Amor­­cée dès 20071, elle a été à l’ori­­gine, en septembre 2008, d’une crise de confiance
géné­­ra­­li­­sée entre banques ali­­men­­tée par les doutes por­­tant sur leur sol­­va­­bi­­lité2 qui
s’est, plus récem­­ment, trou­­vée pro­­lon­­gée par la crise de la dette sou­­ve­­raine affec­­tant
de nom­­breux États, euro­­péens, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment.
L’enchaî­­ne­­ment, dans un pre­­mier temps, a été fatal entre une clas­­sique spé­­cu­­la­­tion
immo­­bi­­lière favo­­ri­­sée, par la conjonc­­tion de taux d’inté­­rêt his­­to­­ri­­que­­ment bas aux
États-­Unis, une offre de prêts libé­­rale à l’inten­­tion d’une clien­­tèle peu sol­­vable (dite
« sub­prime »), illu­­soi­­re­­ment assu­­rée qu’elle était, de pou­­voir avan­­ta­­geu­­se­­ment revendre
son bien sur un mar­­ché carac­­té­­risé par une aug­­men­­ta­­tion conti­­nue des prix jus­­qu’en
2006. Pour désen­­gor­­ger le bilan des banques et pour flui­­di­­fier le mar­­ché des créances
immo­­bi­­lières, les ingé­­nieurs finan­­ciers des investment banks amé­­ri­­caines avaient
titrisé3 ces créances sous la forme de pro­­duits d’inves­­tis­­se­­ment spé­­ciaux (S.P.V., special
purpose vehicles4) asso­­ciant des créances de qua­­lité diverses cédées par les banques
et en les pro­­po­­sant aux inves­­tis­­seurs – fonds de pen­­sion, fonds spé­­cu­­la­­tifs, compa­­gnies
d’assu­­rance, comme aux banques elles-mêmes… –, aux États-­Unis comme sur
l’ensemble des mar­­chés finan­­ciers mon­­diaux désor­­mais lar­­ge­­ment décloi­­son­­nés5.
À la suite de la faillite de la banque Lehman Brothers, la méfiance s’est empa­­rée de
l’ensemble de la commu­­nauté finan­­cière et s’est mani­­fes­­tée en par­­ti­­cu­­lier sur les mar­
­chés moné­­taires sur les­­quels les éta­­blis­­se­­ments finan­­ciers en excé­­dent de liqui­­di­­tés les
prêtent à court terme à ceux qui, à l’inverse, en ont besoin. Chaque éta­­blis­­se­­ment igno­
­rant à quel point ses inter­­lo­­cuteurs habi­­tuels, ses « contre­­par­­ties », étaient déten­­trices
de ces créances dépré­­ciées, ces mar­­chés s’étaient bru­­ta­­le­­ment contrac­­tés, pro­­vo­­quant
du même coup une res­tric­­tion bru­­tale de l’octroi de nou­­veaux cré­­dits aux autres agents
éco­­no­­miques.

1.  « Sub­primes : les banques pour­­raient perdre 2 000 milliards de dol­­lars », Le Monde, 21 novembre 2007.
2.  « La SEC lance le grand pro­­cès de la crise des subprimes » V. Robert, Les Échos, 5 juin 2009.
3.  Cf. Les Tech­­niques de titrisation mon­­trées du doigt, Les Échos, 20 août 2007.
4.  Fonds commun de créance.
5.  Joseph E. Stiglitz, Le Triomphe de la Cupi­­dité, Babel, 2010.

38
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

C’est cette situa­­tion1 que n’ont pu que par­­tiel­­le­­ment endi­­guer les efforts de ren­­floue­­
ment des banques cen­­trales  ; cette crise se trou­­vant relayée par la crise de la dette
sou­­ve­­raine lorsque, avec la crise grecque2, le doute a gagné les inves­­tis­­seurs sur la sol­
­va­­bi­­lité des pays eux-mêmes et les a dis­­sua­­dés de sous­­crire aussi lar­­ge­­ment qu’avant
aux émis­­sions des­­ti­­nées à cou­­vrir une dette publique en constante progression.
Subis­­sant, en effet, le ralen­­tis­­se­­ment de leur crois­­sance et le poids accru de cet endet­
­te­­ment, seuls en mesure de cou­­vrir les défi­­cits bud­­gé­­taires et les régimes sociaux, ce
sont désor­­mais les gou­­ver­­ne­­ments, confron­­tés à une crise de confiance qui les met
direc­­te­­ment en cause et dont l’issue est tou­­jours incer­­taine, qui sont deve­­nus les
maillons faibles, sans pour autant que les éta­­blis­­se­­ments finan­­ciers aient retrouvé la
santé3. Les consé­­quences de ce nou­­veau rebon­­dis­­se­­ment de la crise finan­­cière, dans
un espace finan­­cier lar­­ge­­ment mon­­dia­­lisé, sur les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments,
pour­­raient être consi­­dé­­rables, les condui­­sant à s’inflé­­chir, dimi­­nuer ou, dans les pires
scé­­na­­rios, à se détour­­ner de zones entières, dans un monde mar­­qué désor­­mais par une
menace « glo­­bale » de réces­­sion, cette fois…

Seule, dans un pre­­mier temps, l’inter­­ven­­tion des auto­­ri­­tés moné­­taires et finan­­


cières des prin­­ci­­paux pays affec­­tés – pour la plu­­part occi­­den­­taux –, a pu réta­­blir tant
bien que mal, la confiance des ins­­ti­­tutions et des mar­­chés finan­­ciers. Cela n’a pas
été sans allu­­mer la bombe à retar­­de­­ment de la crise de la dette sou­­ve­­raine mena­­çant
nombre d’entre eux, met­­tant en péril dura­­ble­­ment la reprise éco­­no­­mique tant espé­­
rée. Ce qui a déterminé, dans un pre­­mier temps, l’écart de crois­­sance entre les éco­­
no­­mies matures et les éco­­no­­mies émergentes à crois­­sance rapide, mais en ris­­quant,
à plus long terme, d’affec­­ter l’ensemble de la pla­­nète.
La crois­­sance inin­­ter­­rom­­pue des échanges mon­­diaux de biens, de ser­­vices et de
capi­­taux est donc, désor­­mais, sus­­pen­­due à une remise en cause du para­­digme libé­­ral,
aux­­quels se refusent les tenants du libé­­ralisme finan­­cier, comme ceux de l’ortho­­
doxie bud­­gé­­taire ; au risque de pro­­vo­­quer un véri­­table blo­­cage des tran­­sac­­tions, telle
une throm­­bose dans le sys­­tème cir­­cu­­la­­toire que peuvent figu­­rer les cir­­cuits finan­­
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ciers mon­­diaux. Sans, pour autant, que la réac­­tion pro­­tec­­tion­­niste soit plus ras­­
surante, dans la mesure où elle pour­­rait pro­­vo­­quer les mêmes effets, par l’ané­­mie
que pro­­vo­­que­­rait la dimi­­nu­­tion cor­­ré­­la­­tive des échanges, alors contra­­riés par l’érec­
­tion de nou­­velles bar­­rières qui les entra­­veraient. La voie est donc désor­­mais étroite
pour sor­­tir de cette situa­­tion qui, à terme, peut pro­­vo­­quer des dom­­mages géné­­ra­­li­­sés
à l’échelle pla­­né­­taire, compa­­rables à ceux qu’avait pro­­vo­­qués, en son temps, la crise

1.  Les banques dans la tem­­pête, S. de Boissieu, Inves­­tir n°1753, 11 août 2007.
2.  Cf. repère 1.3 « Le dilemme grec ».
3.  Voir la dété­­rio­­ra­­tion bru­­tale du cré­­dit des banques espa­­gnoles, à la fin du prin­­temps 2012, elles-­mêmes minées
par les créances immo­­bi­­lières dou­­teuses, issues non pas des sub­primes mais d’une « bulle immo­­bi­­lière » pure­­ment
espa­­gnole, qui pour­­rait, comme la crise de la dette sou­­ve­­raine grecque, entraî­­ner l’affai­­blis­­se­­ment de nom­­breux
inves­­tis­­seurs, dont nombre d’éta­­blis­­se­­ments finan­­ciers ayant apporté leur concours à leurs confrères espa­­gnols…
(cf. J. Berthereau, « L’agence Fitch dégrade l’Espagne de trois crans », Les Échos, 9/6/2012).

39
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

de 1929 : réces­­sion, mon­­tée du chô­­mage, dimi­­nu­­tion des flux commer­­ciaux et des


flux d’inves­­tis­­se­­ments inter­­na­­tionaux…

3 L’émer­­gence d’un contexte poli­­tique et social plus ouvert


et plus réactif

Cer­­tains bou­­le­­ver­­se­­ments poli­­tiques affectent les par­­tages éco­­no­­miques qui


avaient long­­temps pré­­valu, élar­­gis­­sant, le plus sou­­vent, l’accès à des espaces éco­­no­
­miques autre­­fois fer­­més et créant, du même coup, de nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés de
déploie­­ment des flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments.
Ainsi la déli­­ques­­cence pro­­gres­­sive du sys­­tème sovié­­tique, la chute du mur de
Berlin ont sus­­cité l’évo­­lu­­tion – sinon la dis­­pa­­ri­­tion – de nom­­breux régimes socia­­
listes et du cadre éco­­no­­mique, lar­­ge­­ment auto­cen­­tré, qu’ils avaient entre­­tenu,
comme de leur situa­­tion d’autar­­cie éco­­no­­mique rela­­tive qui avait per­­duré pen­­dant
des décen­­nies. Dès lors, en dépit de l’incer­­ti­­tude qui a pesé et pèse encore sur le
deve­­nir poli­­tique, éco­­no­­mique et social de ces nou­­veaux espaces, nombre d’entre­­
prises et d’orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères à ces zones ont estimé qu’il était cru­­cial pour
elles de s’y déve­­lop­­per, en tirant parti de leur ouver­­ture à la concur­­rence, comme de
leur volonté d’inté­­gra­­tion aux échanges régio­­naux et inter­­na­­tionaux. Ce qui les a
conduits à reconsi­­dérer les approches qu’elles avaient ini­­tia­­le­­ment pri­­vi­­lé­­giées dans
leurs espaces de réfé­­rence géo­­gra­­phique d’ori­­gine, pour prendre en compte davan­­
tage les réa­­li­­tés locales et adap­­ter – voire pro­­fon­­dé­­ment remettre en cause – leurs
modèles éco­­no­­miques dans ces espaces nou­­vel­­le­­ment acces­­sibles.

c Repère 1.7
Les approches « Base de la pyra­­mide » (bottom of the pyramid, « BoP »)
Popu­­la­­risé par l’ouvrage de Prahalad1, The for­­tune at the bottom of the pyramid, paru
en 2004, le nou­­veau concept de BoP s’attache à faire res­­sor­­tir le poten­­tiel que recèle
le mar­­ché des quatre milliards d’humains qui, sur la pla­­nète, vivent avec moins de 2 $
par jour. Négligées par la plu­­part des mul­­ti­­natio­­nales, cer­­taines comme Uni­lever ont
cepen­­dant compris que vendre en quan­­tité des dosettes de sham­­poing d’un seul usage,
plu­­tôt que des condi­­tion­­ne­­ments plus impor­­tants, en s’appuyant sur un réseau alter­
­na­­tif de femmes, à la fois dis­­tri­­butrices et consom­­ma­­trices, pou­­vait consti­­tuer, pour
l’entre­­prise, une source de reve­­nus pro­­met­­teuse. Une telle approche a sus­­cité, par

1.  The For­­tune at the Bottom of the Pyramid. Eradicating Poverty Through Pro­­fits, Prentice Hall (2004), paru en
fran­­çais sour le titre 4 milliards de nou­­veaux consom­­ma­­teurs : Vaincre la pau­­vreté grâce au pro­­fit, Édition Village
Mon­­dial, 2004.

40
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


ailleurs, l’appa­­ri­­tion de nou­­veaux modèles éco­­no­­miques à l’ini­­tiative d’entre­­prises
issues des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide elles-­mêmes, ins­­pi­­rant même une dif­­fu­­sion
dépas­­sant l’espace d’ori­­gine, pour en étendre l’appli­­ca­­tion à d’autres zones où les
groupes de popu­­la­­tion les plus pauvres sont éga­­le­­ment majo­­ri­­taires1, en atten­­dant que
la pau­­pé­­ri­­sa­­tion mal­­heu­­reu­­se­­ment à craindre dans cer­­taines éco­­no­­mies matures n’en
sug­­gèrent le trans­­fert vers elles2.
Un tel concept conduit aussi à sou­­le­­ver des ques­­tions impor­­tantes d’inser­­tion des orga­
­ i­­sa­­tions à but lucra­­tif, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, dans les pays qu’elles approchent, ren­­voyant
n
à l’appli­­ca­­tion de la Res­­pon­­sa­­bi­­lité Sociale de l’Entre­­prise dans de nou­­veaux envi­­ron­
­ne­­ments de plus en plus ouverts, où on attend d’elles une atti­­tude « citoyenne » qui
doit se tra­­duire dans les conduites à adop­­ter pour se faire accep­­ter3.

L’ouver­­ture déter­­mi­­née, de la Chine, sans chan­­ge­­ment offi­­ciel de régime poli­­tique,


s’est tra­­duite par le déve­­lop­­pe­­ment d’un nou­­veau foyer de crois­­sance, relayant la
dyna­­mique impul­­sée par le Japon, puis par les « dra­­gons » du Sud-Est asia­­tique : le
poten­­tiel qu’elle repré­­sente est consi­­dé­­rable, du fait d’immenses besoins locaux en
matière d’infra­­struc­­tures, comme de biens de consom­­ma­­tion. L’aug­­men­­ta­­tion du
PNB – très supé­­rieure aux moyennes des pays de l’OCDE – y a été spec­­ta­­cu­­laire
particulièrement au cours des deux der­­nières décen­­nies.
Aussi n’est-il pas éton­­nant, qu’encou­­ra­­gées par de telles perspec­­tives de crois­­
sance, de nom­­breuses entre­­prises aient décidé d’y déve­­lop­­per en priorité leurs
ventes et leurs inves­­tis­­se­­ments, même si les contraintes impo­­sées par les auto­­ri­­tés
locales en vue de favo­­ri­­ser les trans­­ferts de tech­­no­­logie et les acteurs locaux ne sont
pas sans risques de concur­­rence en retour4.
Mais, plus encore, c’est la concur­­rence inter­­na­­tionale entre acteurs occi­­den­­taux et,
désor­­mais, acteurs locaux, déter­­mi­­nant une impla­­cable sur­­en­­chère sur les coûts, qui
a sti­­mulé l’ins­­tal­­la­­tion dans la bande côtière du pays de très nombreuses entre­­prises
étran­­gères. Elles s’y sont éta­­blies seules, ou, le plus sou­­vent, avec un partenaire chi­
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­nois, relayées par la sous-traitance locale alors qu’on pou­­vait obser­­ver la mon­­tée en
puis­­sance des nou­­veaux « cham­­pions inter­­na­­tionaux » chi­­nois qui essaiement désor­
­mais dans le monde entier5.

1.  Comme celui de l’opé­­ra­­teur télé­­pho­­nique indien Bharti qui offre à sa clien­­tèle des commu­­ni­­ca­­tions très bon
mar­­ché qui a repro­­duit cette offre dans 15 pays d’Afrique.
2.  Voir Yunus M., Vers un monde sans pau­­vreté, J.C. Lattès, 1997.
3.  Dans son livre vert de 2001, l’Union euro­­péenne défi­­nit la RSE comme « l’inté­­gra­­tion volon­­taire des pré­­oc­­
cu­­pa­­tions sociales et éco­­lo­­giques des entre­­prises à leurs acti­­vi­­tés commer­­ciales et leurs rela­­tions avec leurs par­­ties
pre­­nantes. Être socia­­le­­ment res­­pon­­sable signi­­fie non seule­­ment satis­­faire plei­­ne­­ment aux obli­­ga­­tions juri­­diques
appli­­cables, mais aussi aller au-­delà et inves­­tir davan­­tage dans le capi­­tal humain, l’envi­­ron­­ne­­ment et les rela­­tions
avec les par­­ties pre­­nantes ».
4.  Cf. cas intro­­duc­­tif cha­­pitre 4, « Hua Wei à la conquête du lea­­der­­ship mon­­dial».
5.  Cf. figure 4.8. « L’expan­­sion concen­­trique de Huawei (1988-2012) ».

41
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Ceci ne doit pas faire oublier que l’ouver­­ture de nou­­veaux espaces ne pro­­met pas
sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment le déve­­lop­­pe­­ment de nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés d’affaires. Il peut y
avoir, aussi, des re­culs appré­­ciables, comme l’ont mon­­tré, à la fin des années 90, les
crises a­sia­tiques et russes, sui­­vies, en décembre 2001, de la crise argen­­tine. Elles ont
révélé les fai­­blesses struc­­tu­­relles per­­sis­­tantes de cer­­taines de ces économies, tant en
termes d’infra­­struc­­tures que d’insta­­bi­­lité poli­­tique et sociale sus­­cep­­tibles d’affec­­ter
dura­­ble­­ment les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments1.
Vues des pays occi­­den­­taux, les évo­­lu­­tions des pays émergents sont sou­­vent consi­
d­ é­­rées d’un point de vue natu­­rel­­le­­ment empreint des valeurs des obser­­va­­teurs issus
des pre­­miers, qu’ils tendent à pro­­je­­ter sur les seconds. Ils ne prennent pas tou­­jours
en compte les réa­­li­­tés poli­­tiques, éco­­no­­miques, sociales, cultu­­relles qui déter­­minent
les compor­­te­­ments des acteurs poli­­tiques et éco­­no­­miques locaux ; comme en
témoigne la retom­­bée des espoirs éco­­no­­miques occi­­den­­taux sus­­ci­­tés par les « prin­­
temps arabes2 ».
Dans les éco­­no­­mies matures, des mou­­ve­­ments de fond, sus­­ci­­tant des réac­­tions
inat­­ten­­dues, sont, aussi, sus­­cep­­tibles de modi­­fier la donne. En témoigne la mul­
­ti­­pli­­cation de mou­­ve­­ments sociaux, sou­­vent ori­­gi­­naux, aux quatre coins du
monde, en écho aux crises venues de l’exté­­rieur, comme en réponse à des évé­­
ne­­ments locaux plus spé­­ci­­fiques. Israël, l’Espagne, les États-­Unis et le Canada
en ont donné l’exemple. Ils se sont déclen­­chés, le plus sou­­vent, de façon inat­­
ten­­due, depuis le début des années 2010, lais­­sant pré­­sa­­ger des effets à plus long
terme qui, imman­­qua­­ble­­ment, déter­­mi­­ne­­ront une trans­­for­­ma­­tion plus ou moins
durable des cli­­mats d’affaires3 dans ces pays, sans pré­­su­­mer des effets de pro­­
pa­­ga­­tion de ces mou­­ve­­ments qu’auto­­rise désor­­mais la cir­­cu­­la­­tion ins­­tanta­­née de
l’infor­­ma­­tion.

1.  Cf. cas intro­­duc­­tif cha­­pitre 2, « Promesas Argentinas ».


2.  Les pays du Sud de la Médi­­ter­­ra­­née avaient déjà subi, en 2010 une chute de 30 % de leurs expor­­ta­­tions (et les
recettes tou­­ris­­tiques, de 4 %), tan­­dis que les inves­­tis­­se­­ments directs étran­­gers avaient dimi­­nué dans des pro­­por­­tions
compa­­rables, du fait de la crise finan­­cière mon­­diale. Les incer­­ti­­tudes poli­­tiques pesant sur le deve­­nir des nou­­veaux
régimes poli­­tiques ont accen­­tué le mou­­ve­­ment au cours de l’année 2011, en dépit de la prise de conscience des
dan­­gers qu’ils pré­­sentent par les gou­­ver­­ne­­ments occi­­den­­taux. Cf. « Monde arabe : les révoltes pour­­raient “sti­­mu­­ler
l’éco­­no­­mie” à long terme, lexpress.fr. Mis en ligne le 27/4/2011 ; « Obama veut un plan Marshall pour aider le
déve­­lop­­pe­­ment de la démo­­cra­­tie dans le monde arabe », Le Monde, 19/5/2011 ; « Égypte  : l’Arabie saou­­dite pro­­met
4 milliards de dol­­lars d’aide, selon Le Caire », Les Échos, 21/5/ 2011.
3.  Cf. exemple 2.14 « Une Inde hété­­ro­­gène en phase d’ajus­­te­­ment ? »

42
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

c Repère 1.8
La croi­­sade mondialisée des « indi­­gnés »
Relayant les mani­­fes­­ta­­tions anti­mon­­dia­­listes qui accom­­pagnent tra­­di­­tion­­nel­­le­­ment
les réunions du G8, lar­­ge­­ment média­­ti­­sées par les images des ras­­sem­­ble­­ments de la
Puerta del Sol, au centre his­­to­­rique de Madrid, et « l’occu­­pa­­tion » de Wall Street,
la mon­­tée en puis­­sance du mécontente­­ment lié à la dété­­rio­­ra­­tion de la situa­­tion
éco­­no­­mique dans de nom­­breux pays – occi­­den­­taux, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment –, ces mani­­
fes­­ta­­tions remettent, le plus sou­­vent, en ques­­tion un capi­­ta­­lisme sans fron­­tières.
Celui-­ci est rendu res­­pon­­sable, à tort ou à rai­­son, de maux tout à fait réels se déve­
­lop­­pant par­­tout, pour des rai­­sons et avec des mani­­fes­­ta­­tions iden­­tiques ou dif­­fé­­
rentes. Quoi qu’il en soit, 900 villes dans plus de 80 pays1 auraient été tou­­chées par
le mou­­ve­­ment.
De fait, le déclen­­cheur a été l’emploi des jeunes, en par­­ti­­cu­­lier (plus de 17 % de taux
de chô­­mage aux États-­Unis, plus de 20  % en moyenne, en Europe, avec un pic de
46 %, en Espagne, fin 2011 !), relayé parmi les aînés qui voient leur retraite menacée
comme leur cou­­ver­­ture mala­­die, jusque-là garan­­ties par des États (encore) pro­­vi­­dence
et désor­­mais confron­­tés à des défi­­cits publics crois­­sants2.
Ces mou­­ve­­ments, dans leur conver­­gence, comme dans leurs par­­ti­­cu­­la­­rismes, comme
en Israël, à l’été 20113, ou au Québec, au prin­­temps 20124, dénoncent en fait l’impuis­
­sance de nom­­breux gou­­ver­­ne­­ments à pro­­po­­ser des solu­­tions en dehors de l’aus­­té­­rité
et, dans cer­­tains cas, de la répres­­sion.

En der­­nier lieu, dans un tel contexte, carac­­té­­risé par des ten­­sions crois­­santes,
c’est la mon­­tée en puis­­sance de nou­­veaux acteurs, au pre­­mier rang des­­quels les
ONG – les orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales – qu’il convient de sou­­li­­gner.
Elles sont désor­­mais bien présentes comme por­­teuses de pro­­jets et pro­­mo­­trices
d’inté­­rêts de dif­­fé­­rentes natures, pou­­vant, tout à la fois ou selon les cas, contester
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ou appuyer l’action des acteurs tra­­di­­tion­­nels des rela­­tions éco­­no­­miques inter­­na­­


tionales.

1.  « Protests : Not quite together », The Economist, 22 octobre 2011.


2.  « La globalisation a bon dos », Challenges, n° 275, 3/11/2011, repris de The Economist.
3.  « Les Israé­­liens réclament un vrai contrat social », N. Hamou, Chal­­lenges, n°265, 25/8/2011.
4.  « Québec, la révo­­lu­­tion des cas­­se­­roles », N. Tatu, Le Nou­­vel Obser­­va­­teur, n°2482.

43
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

c Repère 1.9
La mon­­tée en puis­­sance des orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales
inter­­na­­tionales et de la « société civile inter­­na­­tionale 1 »
Les orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­tales inter­­na­­tionales (ONGI) ne datent pas d’hier,
puis­­qu’on peut en rele­­ver l’exis­­tence dès le milieu du xixe siècle2. Elles recouvrent des
struc­­tures très dif­­fé­­rentes, ne recher­­chant pas le pro­­fit, du moins de manière directe,
comme les entre­­prises. Certaines cherchent à pro­­cu­­rer un cer­­tain nombre de ser­­vices
et de béné­­fices à leurs membres par­­ta­­geant les mêmes centres d’inté­­rêt (pro­­fes­­sion­­
nels, syn­­di­­caux, poli­­tiques, culturels, reli­­gieux, etc.), tan­­dis que d’autres s’attachent
à ser­­vir une cause, le plus sou­­vent huma­­ni­­taire (défense de la paix, des droits
civiques, aides de toutes sortes des­­ti­­nées à des popu­­la­­tions en difficulté…), sans qu’il
soit tou­­jours pos­­sible de faire le par­­tage de façon claire entre ces deux types
d’organisations.
Leur nombre s’est consi­­dé­­ra­­ble­­ment accru au cours des années, pas­­sant de moins
d’une dizaine, au milieu du xixe siècle, à plus de 60 000 à la fin de la pre­­mière décen­
­nie du siècle3. Elles con­naissent une crois­­sance expo­­nen­­tielle depuis la Seconde
Guerre mon­­diale, mais sans que ce pro­­ces­­sus de crois­­sance puisse être consi­­déré
comme linéaire4  ; les guerres mon­­diales, la Grande Dépres­­sion ayant mar­­qué des
phases de repli signi­­fi­­ca­­tif. À l’inverse, les ONGI ont for­­te­­ment béné­­fi­­cié de
l’environnement por­­teur du déve­­lop­­pe­­ment éco­­no­­mique, du retour à la paix comme
des avan­­cées technologiques – en matière de trans­­port et de télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions,
particulièrement –, qui ont grandement faci­­lité leur expan­­sion.
Elles jouent un rôle impor­­tant comme groupes de pres­­sion, auprès des auto­­ri­­tés gou­­ver­
­ e­­men­­tales comme des orga­­ni­­sa­­tions multi-gou­­ver­­ne­­men­­tales, sou­­vent comme relais
n
de celles-­ci pour démultiplier leur action, se sub­­sti­­tuant aussi à des acti­­vi­­tés pro­­duc­­
tives et/ou marchandes, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans des espaces éco­­no­­miques où le pou­­voir
d’achat des popu­­la­­tions rend celles-­ci peu ou pas accessibles.

1.  Voir T. R. Davies, «  The rise and fall of trans­­na­­tional civil society, the evolution of inter­­na­­tional
non-­governmental organizations since 1839  », Centre for Inter­­na­­tional Politics, Working Paper CUTP/003,
avril 2008.
2.  G. P. Speeckaert, Les 1978 Orga­­ni­­sa­­tions Inter­­na­­tionales Fon­­dées depuis le Congrès de Vienne (Bruxelles :
Union of In­ternatio­­nal Asso­­cia­­tions, 1957.
3.  Source : Union of Inter­­na­­tional Asso­­cia­­tions, ibi­­dem.
4.  John Boli et George Thomas, Constructing World Culture: Inter­­na­­tional Non Governmen­­tal Organizations
Since 1875, Stanford University Press, 1999.

44
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

DÉCLOISONNEMENT
PROGRESSIF DES ESPACES
ÉCONOMIQUES

Développement de Diffusion du libéralisme Ouverture politico-


zones économiques économique : Géographique économique
intégrées : (national Ë mondial) -Fin de la bipolarisation
- Union Européenne -Sectoriel Est-Ouest
- Mercosur (déréglementation) -Accessibilité accrue
- ALENA -Institutionnel nouveaux espaces
- ASEAN / APEC (privatisations) (Chine, Inde, Vietnam...)

Accélération du traitement Acheminement plus rapide


et de la transmission et plus efficace des biens, des services,
des informations et des décisions des hommes et des capitaux

INTÉGRATION PROGRESSIVE DES MARCHÉS


RÉACTIVITÉ CROISSANTE DES ACTEURS

Convergence/Intégration
des espaces Intensification de la
Redéploiement constant
économiques pression concurrentielle
des opportunités
-Effets de « grand -Irruption de nouveaux
-Focalisation vers les
marché » entrants
zones de croissance
-Protection vis-à-vis -Guerre des prix et
-Recherche des facteurs
des tiers course à l’innovation
de production les plus
-Préférence acteurs -Contestation des
avantageux
internes leaderships
-Politiques communes
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OUVERTURE INÉLUCTABLE
DES ORGANISATIONS

Figure 1.3 – L’impact de la globalisation sur l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


des orga­­ni­­sa­­tions

Bien que les nou­­velles formes de compé­­tition qui résultent de la globalisation


crois­­sante des éco­­no­­mies n’affectent que pro­­gres­­si­­ve­­ment les posi­­tions acquises
par les entre­­prises sur leur mar­­ché natio­­nal, celles-­ci, quelle que soit leur taille,
se trouvent confron­­tées à de nou­­velles inter­­ro­­ga­­tions, en termes d’oppor­­tu­­ni­­tés
comme de menaces.
Elles peuvent dif­­fi­­ci­­le­­ment envi­­sa­­ger leur déve­­lop­­pe­­ment à moyen terme ou même
éva­­luer leur compé­­titi­­vité si elles ne s’ins­­crivent pas dans une logique qui place la
dimen­­sion inter­­na­­tionale au cœur même de leur néces­­saire réflexion stra­­té­­gique.

45
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Elles ne doivent pas, pour autant, minimi­­ser les réa­­li­­tés locales, aux­­quelles elles se
trou­­veront confron­­tées, dans un contexte dont elles ne doivent pas sous-esti­­mer les
par­­ti­­cu­­la­­rismes et l’insta­­bi­­lité.

Section
2 Le renou­­vel­­le­­ment des théo­­ries
de l’échange inter­­na­­tional
La stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional néces­­site une approche plu­­ri­­dis­­cip­­li­­
naire, ten­­dant à asso­­cier les apports de dif­­fé­­rents champs.
À un pre­­mier niveau, plus «  théo­­rique  », cer­­tains concepts, débou­­chant sur des
sché­­mas opé­­ra­­tion­­nels, seront uti­­li­­sés pour mieux jus­­ti­­fier et expli­­quer la démarche
pro­­po­­sée.

c Repère 1.10
Prin­­ci­­paux courants de réfé­­rence théo­­riques

Économie internationale Économie industrielle


s4HÏORIESDUCOMMERCEINTERNATIONAL s3TRUCTURESCOMPORTEMENTSPERFORMANCES
s,IBREÏCHANGEUNIONSDOUANIÒRES s2ÒGLESCONCURRENTIELLES
s³CONOMIESÏMERGENTES s-ARCHÏSCONTESTABLES
s-ULTINATIONALISATION s/RGANISATIONDYNAMIQUEINDUSTRIELLE

Commerce/marketing international
s!NALYSEETAPPROCHE Stratégie
DESMARCHÏSÏTRANGERS s$ÏMARCHESTRATÏGIQUE
s!DAPTATIONDESPRODUITS s!NALYSESECTORIELLECONCURRENTIELLE
ETDESDÏMARCHES s$IAGNOSTICDÏCISIONPLAN
s-ODALITÏSDERÒGLEMENT
ASSURANCEFINANCEMENT

Démarche proposée
s)DENTIFICATIONDEL’ENVIRONNEMENTINTERNATIONAL
s3TRATÏGIEDENSEMBLEENJEUXDEL’INTERNATIONALISATION
s&ORMULATIONDELASTRATÏGIED’INTERNATIONALISATION
s3ÏLECTIONDESiLOCALISATIONSCIBLESw
s#HOIXDESMODESDEPRÏSENCE
s!CCOMPAGNEMENTLOGISTIQUE JURIDIQUE FINANCIER
ETFISCALDEL’INTERNATIONALISATION
s-ISEEN“UVREETPLANIFICATIONDUDÏVELOPPEMENT

Figure 1.4 – Prin­­ci­­paux cou­­rants de réfé­­rence

46
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


•• Dans le champ de l’éco­­no­­mie inter­­na­­tionale, au-­delà de cer­­tains aspects des théo­­ries
du commerce inter­­na­­tional qui ont, elles-­mêmes, bien évo­­lué depuis A­dam Smith et
David Ricardo, on emprun­­tera aux cou­­rants de réflexion liés aux unions doua­­nières, à
la multi­natio­­na­­li­­sation des entre­­prises ainsi qu’aux approches expli­­ca­­tives du pro­­ces­­sus
d’indus­­tria­­li­­sa­­tion et d’inser­­tion des nations émergentes dans les échanges inter­­na­­
tionaux.
•• Du champ de l’éco­­no­­mie indus­­trielle et de la nou­­velle microé­­co­­nomie, on tirera dif­­fé­­
rents élé­­ments d’ana­­lyse de la concur­­rence, met­­tant en évi­­dence les bar­­rières à l’entrée,
ainsi que les élé­­ments d’inter­­ac­­tion entre les struc­­tures de pro­­duc­­tion, les compor­­te­­
ments et les per­­for­­mances des acteurs, dans le cadre des dif­­fé­­rents mar­­chés de biens et
de ser­­vices.
••Dans le champ de la stra­­té­­gie, en dehors des outils per­­met­­tant une défi­­ni­­tion de l’orien­­
ta­­tion à long terme de l’entre­­prise, on s’appuiera, entre autres, sur l’ana­­lyse concur­­ren­­
tielle, dont la trans­­po­­si­­tion et l’uti­­li­­sation à l’échelle inter­­na­­tionale consti­­tuera un élé­­ment
clé de la démarche de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional pro­­po­­sée.
••Dans le champ du mar­­ke­­ting inter­­na­­tional, on pui­­sera, aussi bien dans les approches du
mar­­ke­­ting stra­­té­­gique et celles du mar­­ke­­ting à l’étran­­ger, sans pré­­ju­­dice d’une réflexion
de plus en plus riche consa­­crée aux dif­­fé­­rentes dimen­­sions inter­cultu­­relles asso­­ciées au
déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions…
Mais aux côtés de ce fais­­ceau de sources de réfé­­rences, dif­­fé­­rents autres champs dis­­
ci­­pli­­naires et fonc­­tion­­nels devront être pris en compte dans la mise en œuvre opé­­ra­­
tion­­nelle de la démarche de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional :
––les dimen­­sions tech­­niques, telles que l’assu­­rance/le règle­­ment/le finan­­ce­­ment des
biens de consom­­ma­­tion et/ou des biens d’équi­­pe­­ments et des pro­­jets inter­­na­­tionaux,
les finan­­ce­­ments et garan­­ties des inves­­tis­­se­­ments inter­­na­­tionaux, l’opti­­mi­­sation du
tran­­sit et du trans­­port inter­­na­­tional, la défi­­ni­­tion du cadre juri­­dique et fis­­cal, dans un
contexte « trans­fron­­tières ».
––les dimen­­sions métho­­do­­lo­­giques pour faire face, par exemple, aux pro­­blèmes orga­­
ni­­sa­­tion­­nels et humains liés à la confron­­ta­­tion de cultures natio­­nales dif­­fé­­rentes, lors
de la mise en œuvre pra­­tique – struc­­tu­­ra­­tion et pla­­ni­­fi­­ca­­tion opé­­ra­­tion­­nelles – du
déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion.
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En tout état de cause, ces dif­­fé­­rentes contri­­bu­­tions théo­­riques et pra­­tiques seront mobi­
­li­­sées et coor­­don­­nées dans le cadre de la démarche dyna­­mique de déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional pro­­po­­sée, qui s’efforcera de ne lais­­ser de côté, à quelque stade d’inter­­na­
­tiona­­li­­sation où se trouve l’orga­­ni­­sa­­tion concer­­née, aucun para­­mètre impor­­tant à
prendre en compte aux dif­­fé­­rentes étapes de la déci­­sion.

La théo­­rie s’est atta­­chée et s’attache sou­­vent, à par­­tir d’ana­­lyses empi­­riques, à expli­


q­ uer les fon­­de­­ments de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation. En par­­tant des auteurs « clas­­siques » qui,
en éco­­no­­mie ou en ges­­tion, ont long­­temps mis l’accent sur les flux de pro­­duits, le
déve­­lop­­pe­­ment du commerce exté­­rieur et la recherche de nou­­veaux mar­­chés.

47
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Ce qui conduit :
––à sou­­li­­gner, à par­­tir des trans­­for­­ma­­tions des éco­­no­­mies émergentes et des éco­­no­­
mies matures, les réorien­­ta­­tions des acti­­vi­­tés pro­­duc­­tives et des flux d’échanges,
telles qu’elles ont pu être obser­­vées au cours de la période récente ;
––à mettre en évi­­dence les nou­­veaux enjeux aux­­quels se trouvent désor­­mais
confron­­tées les orga­­ni­­sa­­tions, en pré­­sen­­tant de nou­­veaux sché­­mas de réflexion,
sus­­cep­­tibles de gui­­der les choix des acteurs concer­­nés.
C’est, tout d’abord, au niveau, macro­éco­­no­­mique1, de notre réflexion, que les réfé­
­rences théo­­riques peuvent se révé­­ler utiles pour mieux comprendre les muta­­tions de
l’envi­­ron­­ne­­ment et pour mieux envi­­sa­­ger les condi­­tions du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­
tional des orga­­ni­­sa­­tions.
Elles devront per­­mettre de s’inter­­ro­­ger sur le degré de per­­ti­­nence des approches
libé­­rales, qui, depuis A­dam Smith, poussent à la libé­­ra­­tion des flux d’échanges et
d’inves­­tis­­se­­ments et pri­­vi­­lé­­gient la levée des obs­­tacles qui les contra­­rient, expli­­quant
en grande par­­tie l’ouver­­ture inter­­na­­tionale dont l’objet du présent cha­­pitre est de
déga­­ger les carac­­té­­ris­­tiques.
La remise en ques­­tion par­­tielle de ce pre­­mier grand cou­­rant, tou­­jours domi­­nant –
aujourd’hui, comme par le passé – per­­met­­tra (cha­­pitre 2) de mesu­­rer l’influ­­ence,
sous-­jacente plus qu’affir­­mée, qu’exerce tou­­jours le pro­­tec­­tion­­nisme, qui peut per­­
mettre de mieux appré­­hen­­der les condi­­tions dans les­­quelles les ter­­ri­­toires (États,
régions, villes…) peuvent se posi­­tion­­ner plus avan­­ta­­geu­­se­­ment pour leurs par­­ties
pre­­nantes.
Sans pré­­ju­­dice ulté­­rieur (cha­­pitre 3) du recours aux théo­­ries néo-­factorielles et
néo-­technologiques qui per­­met­­tront de mieux appro­­cher, à un niveau plus
mesoéconomique l’impact de ces deux cou­­rants sur les indus­­tries, les sec­­teurs ou les
acti­­vi­­tés, dont un nombre crois­­sant est à consi­­dé­­rer à une échelle mondialisée,
ména­­geant une place désor­­mais essen­­tielle aux éco­­no­­mies émergentes. Ce qui
conduit à reconsi­­dérer les bases de la spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale pour mieux appré­
­hen­­der la réorien­­ta­­tion des acti­­vi­­tés pro­­duc­­tives et les flux d’échanges.
D’autres réfé­­rences, plus micro­éco­­no­­miques seront mobi­­li­­sées plus tard (cha­­
pitre 4) pour mieux comprendre la dyna­­mique de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des
orga­­ni­­sa­­tions, en invo­­quant les nou­­veaux modèles de multi­natio­­na­­li­­sation, se
situant, tout à la fois, dans la mou­­vance de la nou­­velle microé­­co­­nomie, de l’éco­­no­­
mie indus­­trielle et de l’éco­­no­­mie inter­­na­­tionale.

1.  On s’attachera au chapitre 4 à d’autres références théoriques, également indispensables permettant, notamment,
de mettre en évidence l’intérêt de nouveaux modèles de multinationalisation, se situant tout à la fois dans la
mouvance de la nouvelle microéconomie, de l’économie industrielle et de l’économie internationale. Ceux-ci
proposent un ensemble d’indicateurs et un cadre explicatif propres à faciliter les choix d’internationali­sation de
l’entreprise.

48
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

c Repère 1.11
Les deux grands cou­­rants de la réflexion éco­­no­­mique sur le commerce
et la spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale
Si on s’attache à iden­­ti­­fier les grands cou­­rants de pen­­sée qui fondent l’éco­­no­­mie inter­
­ a­­tionale, deux approches dominent :
n
––la théo­­rie de l’échange inter­­na­­tional, d’ins­­pi­­ra­­tion libé­­rale, s’ins­­cri­­vant dans la mou­
­vance d’A­dam Smith et de David Ricardo, dont les prin­­cipes ins­­pirent encore les
orien­­ta­­tions domi­­nantes, telles qu’elles s’expriment au niveau régio­­nal – avec
l’Union euro­­péenne par exemple – et au niveau mon­­dial – avec l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­
­diale du commerce ;
––le cou­­rant mer­­can­­ti­­liste et néo-mer­­can­­ti­­liste qui, des bullionistes espa­­gnols et du doc­­teur
Quesnay, en pas­­sant par Keynes et la poli­­tique commer­­ciale stra­­té­­gique de Krugman,
pro­­pose un modèle bien dif­­fé­­rent, qui n’en est pas moins utile pour comprendre les
poli­­tiques éco­­no­­miques et les posi­­tions de cer­­tains pays.
Plu­­sieurs étapes marquent, tout d’abord, le cou­­rant de l’échange inter­­na­­tional qui
s’attache à démon­­ter les avan­­tages de l’échange inter­­na­­tional et les bien­­faits qu’il peut
appor­­ter à l’échelle pla­­né­­taire :
––avec la théo­­rie de l’avan­­tage absolu, pré­­sen­­tée en 1776, A­dam Smith fonde sa
réflexion sur les condi­­tions néces­­saires au déve­­lop­­pe­­ment de l’échange inter­­na­­
tional : « Si un pays étran­­ger peut nous four­­nir une mar­­chan­­dise à meilleur mar­­ché
que nous sommes en état de l’éta­­blir nous-mêmes, il vaut bien mieux que nous la lui
ache­­tions avec quelque par­­tie de notre indus­­trie, employée dans le genre dans
laquelle nous avons quelque avan­­tage1 » ;
––David Ricardo, avec la théo­­rie de l’avan­­tage compa­­ra­­tif, fonde la théo­­rie de la spé­­
cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale, en démon­­trant que, consi­­dé­­rant deux biens de même
nature pro­­duits dans deux pays dif­­fé­­rents, cha­­cun a inté­­rêt à se spé­­cia­­li­­ser dans celui
pour lequel il a la posi­­tion rela­­tive la plus forte, comme le démontre le fameux
exemple du drap et du vin, fai­­sant res­­sor­­tir que, si la pro­­duc­­ti­­vité du Portugal est
supé­­rieure à celle de l’Angleterre pour l’un comme pour l’autre, ce pays a inté­­rêt à
se spé­­cia­­li­­ser dans le second, dans la mesure où son avan­­tage rela­­tif y est supé­­rieur.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ce qui a, pour résul­­tat, une aug­­men­­ta­­tion glo­­bale du commerce inter­­na­­tional ;


–– au-­delà de la démons­­tra­­tion de l’inté­­rêt de l’échange, dans un cadre qui sup­­pose
que les fac­­teurs de pro­­duc­­tion soient immo­­biles et plei­­ne­­ment uti­­li­­sés, Stuart Mill
s’inter­­roge sur la fixa­­tion des prix de l’échange, en sou­­li­­gnant que le prix d’un bien
importé ne peut être supé­­rieur au prix du même pro­­duit fabri­­qué dans l’espace
domes­­tique2 ;

1.  Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Gallimard, coll. Idées, Smith A., 1976,
p. 258, cité par Grejbine A., « Les théo­­ries de l’échange inter­­na­­tional », Les Cahiers fran­­çais, n° 229, janvier-­février
1987.
2.  Asley W.-J., Principles of political economy, Londres, Longmans, Green & Co, 1909, Grejbine, op. cit.

49
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


––au début du siècle1, Hecksher et Ohlin puis Samuelson se sont atta­­chés, dans le
cadre de la théo­­rie des pro­­por­­tions des fac­­teurs, à expli­­quer l’avan­­tage compa­­ra­­tif
par la dota­­tion ini­­tiale de fac­­teurs de pro­­duc­­tion (terre, capi­­tal, tra­­vail). Ceux-ci
poussent chaque pays à se spé­­cia­­li­­ser dans les pro­­duc­­tions néces­­si­­tant des fac­­teurs
qu’il pos­­sède en plus grande quan­­tité que les autres pays et sans pré­­ju­­dice, comme
le sou­­ligne Léontief, de la prise en compte d’aspects qua­­li­­ta­­tifs, tels que le niveau de
qua­­li­­fi­­ca­­tion des per­­son­­nels et les gains de pro­­duc­­ti­­vité qu’elle per­­met.
Le cou­­rant mer­­can­­ti­­liste et néo-­mercantiliste place, quant à lui, l’échange inter­­na­­tional
dans une perspec­­tive beau­­coup plus natio­­nale, en cher­­chant à valo­­ri­­ser les expor­­ta­­
tions, tout en limi­­tant les impor­­ta­­tions. Par­­tant du bullionisme espa­­gnol, qui s’atta­­chait
à maxi­­mi­­ser le stock d’or natio­­nal en fer­­mant les fron­­tières aux impor­­ta­­tions, en pas­­
sant par le colbertisme, à la fran­­çaise, qui valo­­ri­­sait les indus­­tries natio­­nales, dans le
but de déve­­lop­­per les expor­­ta­­tions, et qui, au tra­­vers de la maî­­trise des mers par l’Acte
de navi­­ga­­tion de Cromwell, vou­­lait don­­ner à l’Angleterre la mainmise sur le commerce,
l’approche mer­­can­­ti­­liste n’est pas res­­tée sans pos­­té­­rité.
Pour Keynes, les expor­­ta­­tions peuvent deve­­nir un excellent levier de relance conjonc­­
tu­­relle en pro­­cu­­rant des débou­­chés à la pro­­duc­­tion que la demande locale ne suf­­fit pas
à absor­­ber.
Enfin, plus récem­­ment, Krugman, avec la Poli­­tique commer­­ciale stra­­té­­gique, en pro­­
pose une remise à jour, en pré­­co­­ni­­sant la sti­­mu­­lation par l’État d’un cer­­tain nombre
d’indus­­tries clés per­­met­­tant au pays de béné­­fi­­cier d’effets de rente, là où son action
peut aider les entre­­prises natio­­nales à acqué­­rir une supé­­riorité mon­­diale.

1 Le renou­­vel­­le­­ment des théo­­ries de l’échange inter­­na­­tional


et de la spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale

Les nou­­velles contri­­bu­­tions qui seront ici évo­­quées s’ins­­crivent dans le droit fil des
théo­­ries de l’avan­­tage absolu d’A­dam Smith et de l’avan­­tage rela­­tif de David
Ricardo, complé­­tées par Heckscher et Ohlin, puis Samuelson. Elles mettent en évi­­
dence les avan­­tages res­­pec­­tifs dont dis­­posent les dif­­fé­­rents espaces éco­­no­­miques et
devraient per­­mettre aux orga­­ni­­sa­­tions, en fonc­­tion de ces avan­­tages, et à sup­­po­­ser
qu’elles opèrent en contexte de « concur­­rence pure et par­­faite », de mieux s’insé­­rer
dans le cadre des échanges inter­­na­­tionaux.
Même s’ils ont été pro­­gres­­si­­ve­­ment per­­fec­­tion­­nés, ces modèles souffrent d’un cer­
t­ain nombre de fai­­blesses dans leur capa­­cité à expli­­quer la réa­­lité et a for­­tiori dans
leur dimen­­sion prescriptive :
––ils ne se pré­­oc­­cupent pas a priori des obs­­tacles à l’échange et, plus géné­­ra­­le­­ment,
du carac­­tère impar­­fait de la concur­­rence ;

1.  Lassudrie-­Duchêne B., Échange inter­­na­­tional et crois­­sance, Paris, Economica, 1972.

50
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

––ils concernent davan­­tage les pro­­duits que les ser­­vices ;


––ils consi­­dèrent les fac­­teurs de pro­­duc­­tion (espace, tra­­vail et capi­­tal) comme des
élé­­ments immo­­biles et intan­­gibles.
De fait, la théo­­rie de l’avan­­tage absolu d’A­dam Smith, la théo­­rie de l’avan­­tage
rela­­tif de David Ricardo ou le modèle de base d’Hecksher et Ohlin, pré­­sentent une
vision lar­­ge­­ment sta­­tique, éta­­blis­­sant un constat des avan­­tages res­­pec­­tifs entre
espaces natio­­naux déter­­mi­­nés, à un moment donné.
Outre l’irréa­­lisme de la concur­­rence pure et par­­faite, consi­­dé­­rée comme acquise,
d’autres hypo­­thèses sim­­pli­­fi­­ca­­trices limitent la por­­tée de ces approches dans l’envi­
­ron­­ne­­ment actuel. Dès lors, une réflexion renou­­ve­­lée doit s’enri­­chir de nou­­veaux
apports :
––en remet­­tant en cause le dogme de l’immo­­bi­­lité et de l’inter­­chan­­gea­­bi­­lité des fac­
­teurs, alors que la mobi­­lité des produits, des hommes et des capi­­taux s’est consi­­
dé­­ra­­ble­­ment accrue, sans négli­­ger la consi­­dé­­rable inten­­si­­fi­­ca­­tion et l’accé­­lé­­ra­­tion
des flux d’infor­­ma­­tions per­­mises par les nou­­velles tech­­no­­logies per­­met­­tant de les
trai­­ter et de les faire cir­­cu­­ler ;
––en élar­­gis­­sant la défi­­ni­­tion trop étroite des fac­­teurs de pro­­duc­­tion qui ne se
limitent plus aux trois fac­­teurs de base, mais sont lar­­ge­­ment déter­­mi­­nés par dif­­fé­
­rents élé­­ments sus­­cep­­tibles d’en aug­­men­­ter l’effi­­ca­­cité, comme l’inno­­va­­tion ou
l’orga­­ni­­sa­­tion ;
––en met­­tant en cause le carac­­tère constant des ren­­de­­ments, dans la mesure où ils
peuvent aussi varier de façon appré­­ciable dans le temps et dans l’espace, en fonc­
­tion pré­­ci­­sé­­ment de cette mul­­ti­­pli­­cité de para­­mètres ; non seule­­ment du fait de la
variété et de l’ori­­gi­­na­­lité de leurs combi­­nai­­sons pos­­sibles, mais éga­­le­­ment de la
rapi­­dité d’évo­­lu­­tion de cer­­tains d’entre eux.
De fait, l’exemple de Zara illustre cette évo­­lu­­tion en sou­­li­­gnant l’impor­­tance de la
mobi­­lité du fac­­teur tra­­vail et la valo­­ri­­sa­­tion que peuvent lui appor­­ter l’inno­­va­­tion et
les modes d’orga­­ni­­sa­­tion.
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Exemple 1.2 – Zara excelle à combi­­ner inno­­va­­tion pro­­duit et inno­­va­­tion process1


C’est en pri­­vi­­lé­­giant deux leviers de développement, tout au long de l’impres­­sion­­nante saga
de sa marque phare Zara, mais, en fait, sur l’ensemble des compo­­santes de son groupe,
Inditex, qu’Armancio Ortega, le légen­­daire et long­­temps très dis­­cret patron de ce groupe à
suc­­cès, dont les bou­­tiques rayonnent dans le monde entier, a assuré le suc­­cès de son orga­­
ni­­sa­­tion :
–– l’inno­­va­­tion : en déve­­lop­­pant un sys­­tème propre à renou­­ve­­ler de façon constante l’inté­
­rêt pour l’offre de ses maga­­sins, en s’appuyant sur un bureau cen­­tral de créa­­tion, en
prise directe avec une mul­­ti­­tude «  d’obser­­va­­toires de ten­­dances  » répar­­tis dans le
monde entier et per­­met­­tant d’aller sans cesse au-devant des attentes de la clien­­tèle dans

1.  Voir, notam­­ment, B. Bayard, « Zara ou les secrets de la méthode Inditex », Le Figaro, 18 juillet 2011.

51
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

chaque zone d’implan­­ta­­tion, sans, pour autant, essayer de dif­­fu­­ser les ten­­dances sus­­
cep­­tibles d’avoir un écho au-­delà ;
–– la logis­­tique : en s’appuyant sur des plateformes d’ache­­mi­­ne­­ment, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment en
Galice, centre névral­­gique de l’orga­­ni­­sa­­tion cen­­tra­­li­­sant en per­­ma­­nence les demandes
des maga­­sins du monde entier et y fai­­sant tran­­si­­ter les vête­­ments fabri­­qués sur place
ou à l’autre bout du monde, pour les expé­­dier dans les délais les plus brefs, dans cha­­cun
des points de vente du réseau de dis­­tri­­bu­­tion, désor­­mais mon­­dial, de la firme.
Un tel sys­­tème sou­­vent imité, jamais égalé, de « mode à petit prix » ou de « fast fashion »
a per­­mis à la firme d’affi­­cher une santé flo­­ris­­sante, même aux pires moments de la crise,
en jouant sur l’acces­­si­­bi­­lité des pro­­duits une mobi­­lité comme une flexi­­bi­­lité des fac­­teurs
qui remettent pro­­fon­­dé­­ment en cause, dans ce sec­­teur, comme dans bien d’autres, les
dogmes tra­­di­­tion­­nels de la théo­­rie éco­­no­­mique.

De la même manière, les tech­­niques de ges­­tion de la pro­­duc­­tion, déve­­loppées au


Japon, comme le kanban1, ou le juste à temps2 se sont incarnées, en par­­ti­­cu­­lier, dans
le Toyota Pro­­duc­­tion System3 (TPS), et ont été mises en œuvre par de nom­­breuses
orga­­ni­­sa­­tions de par le monde et dans de nom­­breux sec­­teurs, au-­delà de l’auto­­mo­­
bile. Elles les ont conduites à amé­­lio­­rer leur pro­­duc­­ti­­vité dans des pro­­por­­tions
impor­­tantes, déter­­mi­­nant une évo­­lu­­tion rapide des ren­­de­­ments, tout en fai­­sant appa­
­raître des dif­­fé­­rences sen­­sibles entre les pro­­duc­­teurs de dif­­fé­­rents pays de la Triade,
et, désor­­mais, au-­delà, alors même que leur « dota­­tion ini­­tiale de fac­­teurs » res­­pec­­
tive était a priori tout à fait compa­­rable sinon iden­­tique.
C’est donc, aussi, dans leurs amé­­na­­ge­­ments, leurs cri­­tiques et dans les complé­­
ments qui peuvent y être appor­­tés, que les théo­­ries peuvent four­­nir des réfé­­rences
utiles à une réflexion sur le déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de l’entre­­prise.

c Repère 1.12
La théo­­rie de l’avan­­tage compa­­ra­­tif « re­visi­­tée » par Michael Por­­ter :
de l’ana­­lyse à la pres­­crip­­tion
Selon la théo­­rie clas­­sique d’A­dam Smith et de David Ricardo, les phé­­no­­mènes de spé­
­cia­­li­­sa­­tion géo­­gra­­phique (qui déter­­minent l’impor­­tance et la nature des cou­­rants
d’échanges inter­­na­­tionaux) reposent sur l’exis­­tence d’avan­­tages compa­­ra­­tifs, fon­­dés sur
le coût des fac­­teurs, plus favo­­rables dans cer­­tains pays que dans d’autres. Ces avan­­
tages de coût s’appuie­­raient eux-­mêmes sur le fait que cer­­tains pays béné­­fi­­cient d’une

1.  Sys­­tème de ges­­tion des appro­­vi­­sion­­ne­­ments per­­met­­tant de gérer au plus près de manière visuelle les sto­­cks
(kanban = éti­­quette).
2.  Dans cette perspec­­tive de limi­­ter les sto­­cks et les coûts asso­­ciés aux sto­­cks, cette méthode mobi­­lise un cer­
t­ ain nombre de moyens logis­­tiques et commande les rela­­tions clients four­­nis­­seurs, de manière à opti­­mi­­ser la
pro­­duc­­ti­­vité.
3.  T. Ohno Toyota Pro­­duc­­tion System : Beyond Large-­Scale Pro­­duc­­tion, Productivity Press, 1988.

52
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


dota­­tion natu­­relle – ou ini­­tiale – de fac­­teurs très favo­­rables ; ces fac­­teurs sont géné­­ra­­
le­­ment des res­­sources de base (éner­­gie, matières pre­­mières, main-­d’œuvre bon mar­­
ché, etc.), dont les pays consi­­dé­­rés béné­­fi­­cient.
Dans les éco­­no­­mies avan­­cées, dont les sec­­teurs de pointe consti­­tuent l’épine dor­­sale, les
sources d’avan­­tages compé­­titifs reposent, non sur les dota­­tions ini­­tiales de fac­­teurs, mais
sur des fac­­teurs de dif­­fé­­ren­­cia­­tion qui ont été créés par les entre­­prises et leur milieu envi­
­ron­­nant. Ils pro­­viennent d’un effort per­­manent d’inno­­va­­tion, d’adap­­ta­­tion à des contextes
dif­­fi­­ciles et de recherche de la qua­­lité, voire de l’excel­­lence. Ils s’ins­­crivent dans des
envi­­ron­­ne­­ments locaux spé­­ci­­fiques, pro­­pices à l’inno­­va­­tion et au déve­­lop­­pe­­ment.
Por­­ter relève quatre déter­­mi­­nants de la compé­­titi­­vité d’une nation ou d’un envi­­ron­­ne­­
ment local, en se réfé­­rant, d’ailleurs, de manière pri­­vi­­lé­­giée, à cer­­tains pays comme le
Japon ; ce qui appelle quelques réserves :
––l’état des fac­­teurs de base, qui prend moins en compte l’abon­­dance des res­­sources
natu­­relles «  tangibles  » (miné­­rales, par exemple, qui, par­­fois, peuvent consti­­tuer un
han­­di­­cap1), que l’exis­­tence de ressources «  intangibles  » (main-­d’œuvre qua­­li­­fiée,
infra­­struc­­tures d’édu­­ca­­tion, de commu­­ni­­ca­­tion ou de recherche publique évo­­luées) ;
––les condi­­tions de la demande et, notam­­ment, les niveaux d’exi­­gence des clients et la
sophis­­ti­­cation de leurs besoins (ce qu’il convient de nuan­­cer, en par­­ti­­cu­­lier pour les
petits pays, comme le Luxembourg, dont la demande locale est négli­­geable par rap­
­port à la demande externe) ;
––la qua­­lité du tissu socio-­économique envi­­ron­­nant et des sec­­teurs amont et aval de
chaque indus­­trie (encore une fois, les petits pays, comme Singapour, Dubaï, ne dis­­
posent pas, vu l’étroi­­tesse de leur ter­­ri­­toire, de ce tissu, sauf, comme Hong Kong, à
s’appuyer sur un arrière-pays proche comme la zone de Shenzen). La den­­sité des
entre­­prises, leur degré de compé­­titi­­vité déve­­loppent l’ému­­la­­tion entre agents éco­­no­
­miques et faci­­litent les phé­­no­­mènes de « fer­­ti­­li­­sation croi­­sée », puis­­sants sti­­mu­­lants
de l’inno­­va­­tion ;
––l’exis­­tence d’une concur­­rence locale intense, qui contraint les entre­­prises à inno­­ver loca­
­le­­ment et à se déployer internationalement pour valo­­ri­­ser leur avan­­tage compé­­titif.
Au-delà de ces fac­­teurs favo­­rables, qui s’appliquent assez bien aux éco­­no­­mies matures
d’une cer­­taine taille, d’autres fac­­teurs favo­­rables, comme le cli­­mat, la paix sociale, la
qua­­lité du cadre juri­­dique… méritent d’être pris en compte, comme on s’atta­­chera à la
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faire plus loin (cf. cha­­pitre 2).


Ainsi, tout se passe comme si c’était de l’adver­­sité et du défi que nais­­sait l’excel­­lence.
Por­­ter explique que c’est du fait de la rareté, et donc du coût pro­­hi­­bi­­tif, de l’espace que
les Japo­­nais ont déve­­loppé l’orga­­ni­­sa­­tion de leur pro­­duc­­tion en juste à temps. C’est
aussi du fait d’une concur­­rence très vive et loca­­li­­sée que les trois firmes phar­­ma­­ceu­­
tiques suisses Hoffman – La Roche, Ciba – Geigy et Sandoz – ces deux der­­nières
fusion­­nées en 1996 sous le nom de Novartis – sont deve­­nues des lea­­ders mon­­diaux
dans leur domaine. À cela, il faut ajou­­ter l’exis­­tence, en Suisse, d’un envi­­ron­­ne­­ment
local dont le carac­­tère compé­­titif est mon­­dia­­le­­ment reconnu dans le domaine de la
for­­ma­­tion et de la recherche en chi­­mie phar­­ma­­ceu­­tique.

1.  Voir, supra, le « syn­­drome holladais » note 54.

53
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Por­­ter explique aussi qu’il existe des effets de ren­­for­­ce­­ment mutuel entre ces déter­­mi­­
nants de la compé­­titi­­vité, qui consti­­tuent un sys­­tème inter­­ac­­tif qu’il repré­­sente comme
un « dia­­mant », dont cha­­cune des pointes serait une des quatre sources de l’avan­­tage
compé­­titif

Intensité de la rivalité locale

Facteurs de base Conditions de la demande

Tissu environnemental

Figure 1.5 – Le « dia­­mant » de Por­­ter

De ces élé­­ments de constat, Por­­ter déduit plu­­sieurs recom­­man­­da­­tions à l’usage des


entre­­prises :
––accep­­ter les situa­­tions de concur­­rence locale et faire des concur­­rents les plus
compé­­titifs une source de moti­­vation ;
––contri­­buer à la for­­ma­­tion d’un tissu envi­­ron­­nant compé­­titif et per­­for­­mant1;
––s’inter­­na­­tiona­­li­­ser pour exploi­­ter les avan­­tages par­­ti­­cu­­liers offerts par d’autres
pays, en cher­­chant à loca­­li­­ser chaque stade de la chaîne de valeur dans le pays
dont l’envi­­ron­­ne­­ment sera le plus pro­­pice à favo­­ri­­ser la per­­for­­mance recher­­chée.
Il pourra s’agir, selon le stade de la chaîne de valeur concerné et selon l’objec­­tif
pour­­suivi, d’un envi­­ron­­ne­­ment géné­­ra­­teur d’avan­­tages de coûts ou de dif­­fé­­ren­­
cia­­tion.
C’est ainsi que de grandes entre­­prises des sec­­teurs infor­­ma­­tique ou élec­­tro­­nique
loca­­lisent leurs capa­­ci­­tés de recherche – déve­­lop­­pe­­ment en Californie, leurs capa­­ci­
­tés de déve­­lop­­pe­­ment de logi­­ciels en Inde ou aux Phi­­lip­­pines, et leurs capa­­ci­­tés
d’assem­­blage en Asie du Sud-Est ou dans cer­­tains pays de l’Est.

1.  C’est ce qu’il déve­­lop­­pera dans sa théo­­rie des clusters qui a donné lieu au déve­­lop­­pe­­ment, dans de nom­­breux
pays de « pôles de compé­­titi­­vité », regrou­­pant dans un espace de proxi­­mité des indus­­triels et des socié­­tés de ser­­vice,
le plus sou­­vent innovants, complé­­men­­taires et, par­­fois concur­­rents, opé­­rant dans des sec­­teurs iden­­tiques ou proches
et per­­met­­tant à l’ensemble des orga­­ni­­sa­­tions ainsi rap­­pro­­chées de maxi­­mi­­ser les effets d’entraî­­ne­­ment exis­­tants et
poten­­tiels.

54
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

La contri­­bu­­tion de Por­­ter, dans son ouvrage L’avan­­tage compé­­titif des Nations,


pré­­sente, à la fois, l’inté­­rêt de réac­­tua­­li­­ser la théo­­rie de l’avan­­tage compa­­ra­­tif, tout
en per­­met­­tant de déga­­ger des pres­­crip­­tions sus­­cep­­tibles de consti­­tuer des prin­­cipes
d’orga­­ni­­sa­­tion de l’entre­­prise, à l’échelle mon­­diale.
Outre la remise en cause, tout autant que l’actua­­li­­sa­­tion, que consti­­tue cette nou­­
velle « lec­­ture » de la théo­­rie de l’avan­­tage compa­­ra­­tif, d’autres approches tendent
à combler les fai­­blesses sou­­li­­gnées plus haut1, comme à réin­­té­­grer dans le cadre de
réflexion les muta­­tions de tous ordres inter­­ve­­nues dans l’envi­­ron­­ne­­ment socio-­
économique mon­­dial, depuis quelques décen­­nies. C’est notam­­ment le cas des
approches néo-­factorielles et néo-tech­­no­­lo­­giques.

1.1  Les approches néo-fac­­to­­rielles et néo-technologiques


Elles sou­­lignent les consé­­quences que peuvent avoir, en matière de délocalisation,
les amé­­lio­­ra­­tions appor­­tées, en pre­­mier lieu, au fac­­teur tra­­vail, en second lieu, au
pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion et au pro­­duit.
• L’influ­­ence de la qua­­li­­fi­­ca­­tion du tra­­vail – des concep­­teurs (ingé­­nieurs, en par­­ti­­
cu­­lier) aux ouvriers, en pas­­sant par les tech­­ni­­ciens –, a pu être mesu­­rée à tra­­vers
des indi­­ca­­teurs comme le « capi­­tal édu­­ca­­tif2 » qui aug­­mente le niveau de qua­­li­­fi­­
ca­­tion du tra­­vail. Elle explique le constat effec­­tué par Léontief dès 1947, et pré­­
senté ini­­tia­­le­­ment comme un «  para­­doxe3  », selon lequel les États-­Unis,
contrai­­re­­ment à ce qu’auraient pu lais­­ser sup­­po­­ser les conclu­­sions de Heckscher
et Ohlin, puis de Samuelson, expor­­taient des biens absor­­bant rela­­ti­­ve­­ment plus de
tra­­vail que de capi­­tal. Ce qui aurait pu lais­­ser sup­­po­­ser que les États-­Unis étaient
alors plus riches en tra­­vail qu’en capi­­tal.
• L’influ­­ence de la tech­­no­­logie et des écarts tech­­no­­lo­­giques peut s’appré­­cier entre
les pays en avance, qui exportent des pro­­duits inten­­sifs en nou­­velles tech­­no­­logies,
et les autres qui exportent des pro­­duits plus bana­­li­­sés. Ces ana­­lyses s’appuient sur
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la nature des expor­­ta­­tions elles-­mêmes et sur le poten­­tiel tech­­no­­lo­­gique du pays


qui se mesure à tra­­vers, par exemple, le nombre de bre­­vets dépo­­sés4.

1.  «  Les modèles tra­­di­­tion­­nels du commerce inter­­na­­tional, de concur­­rence par­­faite, avec ren­­de­­ments
constants, ont été complé­­tés et même sup­­plan­­tés par une nou­­velle géné­­ra­­tion de modèles met­­tant l’accent sur les
ren­­de­­ments crois­­sants et la concur­­rence impar­­faite », Krugman P., « Is free trade passé ? », Economic perspec­­
tives, 1 (2), p. 131-144, cité par Ravix J.-T., « Éco­­no­­mie inter­­na­­tionale et éco­­no­­mie indus­­trielle, une mise en
perspec­­tive de quelques tra­­vaux récents », Revue d’éco­­no­­mie indus­­trielle, n° 55, 1er tri­­mestre 1991.
2.  Assi­­mi­­lable au capi­­tal en géné­­ral, voir Findlay R.-L. et Kierzkowski H., «  Inter­­na­­tional Trade and Human
Capi­­tal : a General Equilibrium Model », Jour­­nal of Political Economy, décembre 1983, cité par Mucchielli J.-L.,
Rela­­tions éco­­no­­miques inter­­na­­tionales, Paris, Hachette, 1991.
3.  Leontief W., « Pro­­duc­­tion domes­­tique et commerce inter­­na­­tional ; réexa­­men de la posi­­tion capitalistique des
EU », in : Lassudrie-­Duchêne B., Échange inter­­na­­tional et crois­­sance, Paris, Économica, 1972.
4.  Ibid. Mucchielli (1991)…

55
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Tableau 1.1 – Demandes inter­­na­­tionales de bre­­vets Traité de coopé­­ra­­tion


en matière de bre­­vets (PCT) admi­­nis­­tré par l’orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale
de la Pro­­priété Intel­­lec­­tuelle (OMPI)
2011 2011 2011
Rang Pays 2007 2008 2009 2010
esti­­mation part varia­­tion
États-­Unis
1 54 042 51 642 45 627 45 008 48 596 26,7 % 8,0 %
d’Amérique
2 Japon 27 743 28 760 29 802 32 150 38 888 21,4 % 21,0 %
3 Allemagne 17 821 18 855 16 797 17 568 18 568 10,2 % 5,7 %
4 Chine 5 455 6 120 7 900 12 296 16 406 9,0 % 33,4 %
Répu­­blique
5 7 064 7 899 8 035 9 669 10 447 5,7 % 8,0 %
de Co­rée
6 France 6 560 7 072 7 237 7 245 7 664 4,2 % 5,8 %
Royaume-­
7 5 542 5 467 5 044 4 891 4 844 2,7 % – 1,0 %
Uni
8 Suisse 3 833 3 799 3 672 3 728 3 999 2,2 % 7,3 %
9 Pays – Bas 4 433 4 363 4 462 4 063 3 494 1,9 % – 14,0 %
10 Suède 3 655 4 136 3 568 3 314 3 466 1,9 % 4,6 %
11 Canada 2 879 2 976 2 527 2 698 2 923 1,6 % 8,3 %
12 Italie 2 946 2 883 2 652 2 658 2 671 1,5 % 0,5 %
13 Finlande 2 009 2 214 2 123 2 138 2 080 1,1 % – 2,7 %
14 Australie 2 052 1 938 1 740 1 772 1 740 1,0 % – 1,8 %
15 Espagne 1 297 1 390 1 564 1 772 1 725 0,9 % – 2,7 %
Autres 12 595 13 726 12 656 13 346 14 389 7,9 % 7,8 %
Total 159 926 163 240 155 406 164 316 181 900 10,7 %

Source : OMPI 2011

Dès lors, en sui­­vant R. Vernon1, une approche plus dyna­­mique de l’inter­­na­­tiona­­li­


­sation a pu être pro­­po­­sée à tra­­vers la théo­­rie du cycle inter­­na­­tional du pro­­duit
(cf. figure 1.6).

1.  Vernon R., « Inter­­na­­tional Investment and Inter­­na­­tional Trade in the Product Cycle », Quarterly Jour­­nal of
Economics, mai 1966.

56
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

3. Produit à maturité
a. La consommation du produit
devient mondiale
b. La production se déplace vers
les pays émergents/à bas salaires
c. Le prix de revient devient
l’élément clé de la décision
du consommateur
d. Production standardisée ;
séries de plus en plus longues

2. Produit en développement 2
a. La consommation se développe sur
4
les autres marchés développés
b. Transfert de production vers les 4. Produit en déclin
autres pays industrialisés via les a. De nouvelles technologies
multinationales rendent le produit obsolète
c. Le prix devient un élément clé b. La production de versions
de la décision du consommateur spécialisées est concentrée
d. Les séries de production dans les pays aux technologies
tendent à s’allonger et aux revenus du plus haut
niveau

1 1. Nouveau produit
a. Consommation concentrée
sur l’espace domestique et sur
quelques autres marchés développés
b. Production domestique, exportation
vers les marchés étrangers
c. Qualité et fiabilité recherchées
prioritairement au prix par le
consommateur
d. Processus de production encore
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

complexe ; petites séries

Source : adapté de S. Globerman,


Fundamentals of Inter­­na­­tional Busi­­ness Mana­­ge­­ment, Prentice Hall, 1986.

Figure 1.6 – Les étapes du cycle international du pro­­duit (d’après R. Vernon)

Celle-ci per­­met­­tait de dépas­­ser le cadre étroit et le carac­­tère stan­­dar­­disé des fac­­


teurs de pro­­duc­­tion, tels qu’ils sont pris en compte par la théo­­rie, en consi­­dé­­rant la
tech­­no­­logie comme l’élé­­ment cen­­tral du déve­­lop­­pe­­ment et de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation
des pro­­duits. Elle per­­met­­tait aussi de dépas­­ser l’échange inter­­na­­tional pour l’élar­­gir
à la délocalisation, sug­­gé­­rant qu’à l’im­port – ex­port peuvent se sub­­sti­­tuer la ces­­sion
de licence, le par­­te­­na­­riat – notam­­ment, local – (joint venture) ou la créa­­tion de

57
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

filiales ou de suc­­cur­­sales de pro­­duc­­tion à l’étran­­ger, jus­­ti­­fiant aussi, à tra­­vers son


pro­­ces­­sus en étapes, la pro­­gres­­si­­vité de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation d’une très large pro­­
por­­tion d’entre­­prises. Elle per­­met­­tait, enfin, de prendre en compte l’horizontalisation
comme la verticalisation.
Cette théo­­rie a donc intro­­duit depuis la fin des années 90 une remise en ques­­tion
rela­­tive des sché­­mas immuables de spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale qui consti­­tuaient
une des prin­­ci­­pales conclu­­sions des approches théo­­riques clas­­siques du commerce
inter­­na­­tional. Mais elle apparaît désor­­mais, le plus sou­­vent, dépas­­sée dans la mesure
où les attentes des consom­­ma­­teurs ou uti­­li­­sa­­teurs des pro­­duits et des ser­­vices, de
mieux en mieux infor­­més, où qu’ils se trouvent, sont de moins en moins dis­­po­­sés à
accep­­ter des offres obso­­lètes. Même si cer­­tains déca­­lages peuvent exis­­ter encore
entre les lan­­ce­­ments de pro­­duits d’une zone à l’autre en fonc­­tion de leur degré de
matu­­rité, on assiste, de plus en plus, à des lan­­ce­­ments simul­­ta­­nés dans le monde
entier1. De plus en plus, aussi, dans les éco­­no­­mies émergentes, on n’hésite pas à
pra­­ti­­quer le « saut de la gre­­nouille » (le leapfrogging), consis­­tant à sau­­ter une géné­
­ra­­tion tech­­no­­lo­­gique pour avoir accès le plus vite pos­­sible au meilleur état de la
tech­­nique.

Exemple 1.3 – La théo­­rie du cycle inter­­na­­tional du pro­­duit en échec : dans le sec­­teur
auto­­mo­­bile
Au cours des décen­­nies 70 et 80, un cer­­tain nombre de construc­­teurs ont adopté des for­
­mules de délocalisation de la pro­­duc­­tion de modèles à matu­­rité : ainsi, Volkswagen, au
Bré­­sil et au Mexique avec la Coc­­ci­­nelle, ou, plus récem­­ment, avec la Santana, en Chine,
Citroën, au Portugal, avec la 2 CV, ou Renault, en Roumanie, avec la R12/Dacia, ont
ren­­contré de réels suc­­cès.
Cette période a cepen­­dant vu son terme dès la fin des années 90, avant même l’avè­­ne­­ment
de l’ère Inter­­net, comme PSA a pu en faire les frais pour les modèles Peugeot en fin de
vie en Europe aux­­quels elle avait voulu offrir une seconde car­­rière en trans­­férant les
chaînes de mon­­tage en Inde et en Chine, où la demande ne s’est pas trou­­vée au ren­­dez-
vous et d’où elle a dû se retirer, son image dura­­ble­­ment affec­­tée par ces échecs.

Si ces théo­­ries renou­­ve­­lées du commerce inter­­na­­tional expliquent plus pré­­ci­­sé­­


ment les fon­­de­­ments de l’échange inter­­na­­tional en tenant compte, en par­­ti­­cu­­lier, de
la mul­­ti­­pli­­cation des espaces inter­­mé­­diaires conti­­nen­­taux ou sub­conti­­nen­­taux que
consti­­tuent les diverses zones de libre-­échange et unions doua­­nières, en plein renou­
­veau, elles remettent pro­­fon­­dé­­ment en cause ce qui était au cœur même des théo­­ries
clas­­siques  : l’immo­­bi­­lité des fac­­teurs et son corol­­laire, la spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­
tionale.

1.  Comme on peut l’obser­­ver, comme dans le sec­­teur des smartphones où les lan­­ce­­ments, ceux d’Apple comme
ceux de Samsung, notam­­ment, sont qua­­si­­ment simul­­ta­­nés et annon­­cés par des cam­­pagnes soi­­gneu­­se­­ment coor­­don­
­nées par les médias tra­­di­­tion­­nels mais, sur­­tout, et de plus en plus, par Inter­­net qui rend désor­­mais impos­­sible des
lan­­ce­­ments séquencés.

58
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

Seules les res­­sources natu­­relles – la terre, les matières pre­­mières miné­­rales – sont,
en effet, immo­­biles, quand elles ne sont pas substituables. Les dépla­­ce­­ments de
main-­d’œuvre, les trans­­ferts de tech­­no­­logie, les mou­­ve­­ments de capi­­taux, etc., faci­
­li­­tés par les pro­­grès spec­­ta­­cu­­laires des tech­­niques de trans­­port et de la dif­­fu­­sion des
modes de commu­­ni­­ca­­tion, ont pro­­fon­­dé­­ment modi­­fié l’allo­­ca­­tion ini­­tiale des res­­
sources.
Ces trans­­for­­ma­­tions ont sur­­tout rendu pos­­sible une évo­­lu­­tion beau­­coup plus
rapide de la dis­­tri­­bu­­tion des produits et des services ou de l’acces­­si­­bi­­lité des fac­­
teurs de pro­­duc­­tion, etc., sans, pour autant, sup­­pri­­mer les résis­­tances ins­­ti­­tution­­
nelles, éco­­no­­miques et/ou poli­­tiques sus­­cep­­tibles de l’entra­­ver.
L’ouver­­ture inter­­na­­tionale, telle qu’elle se mani­­feste depuis le début des années
1990, remet donc pro­­fon­­dé­­ment en cause les théo­­ries de l’échange inter­­na­­tional,
telles qu’elles sem­­blaient s’être impo­­sées depuis le xixe  siècle, certes, au prix de
trans­­for­­ma­­tions pro­­gres­­sives, mais dans un contexte d’immo­­bi­­lité rela­­tive des fac­­
teurs, encore peu bou­­le­­versé par les trans­­for­­ma­­tions qui se sont accé­­lé­­rées au cours
de cette période récente.
Sans oublier les grilles d’ana­­lyse pro­­po­­sées par les théo­­ries tra­­di­­tion­­nelles, ces
trans­­for­­ma­­tions, en ren­­dant la plu­­part des fac­­teurs plus mobiles et en décloi­­son­­
nant, au moins par­­tiel­­le­­ment, et inéga­­le­­ment, les espaces géo­­gra­­phiques et sec­­to­­
riels, sug­­gèrent d’adop­­ter, des grilles nou­­velles, per­­met­­tant, tout d’abord, de mieux
déter­­mi­­ner les muta­­tions de chaque envi­­ron­­ne­­ment, large ou res­­serré, dans lequel
opèrent les orga­­ni­­sa­­tions, quelle que soit leur nature.

Section
3 Intro­­duc­­tion au modèle prest
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La diver­­sité des évo­­lu­­tions poli­­tiques et réglementaires, éco­­no­­miques et sociales,


tech­­no­­lo­­giques, comme celles qui s’y trouvent reliées, à carac­­tère cultu­­rel, envi­­ron­
­ne­­men­­tal, éthique, etc., qui s’appliquent à chaque contexte d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
consi­­déré, n’accré­­ditent pas l’idée d’un monde désor­­mais inté­­gré, qui per­­met­­trait
d’y appli­­quer par­­tout des lois éco­­no­­miques uni­­ver­­selles.
Il appa­­raît donc néces­­saire de prendre en compte ces évo­­lu­­tions de manière spé­­
ci­­fique, dans cha­­cun des contextes d’inter­­na­­tiona­­li­­sation – géo­­gra­­phique et sec­­to­­
riel –, dans les­­quels se déve­­loppent les orga­­ni­­sa­­tions.
C’est dans cette perspec­­tive qu’il convient de déli­­mi­­ter, pour chaque orga­­ni­­sa­­tion
consi­­dé­­rée dans le cadre de l’ana­­lyse de sa démarche d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
d’ensemble ou dans celui de ses démarches par­­ti­­cu­­lières, l’espace de réfé­­rence per­
­tinent, étroit ou large – inter­régio­­nal, inter­­na­­tional, inter­­conti­­nen­­tal ou, même mon­
­dial – dans lequel elle va ou elles vont s’ins­­crire. Ce sont les « pres­­sions externes »

59
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

s’exer­­çant sur son ou ses espace(s) de réfé­­rence per­­tinent(s), qui déter­­mi­­ne­­ront les
évo­­lu­­tions qu’elle aura à prendre en compte et qu’il fau­­dra, dans un pre­­mier temps,
iden­­ti­­fier et appré­­cier.
Cette indis­­pen­­sable pre­­mière étape per­­met­­tra, ensuite, d’en mesu­­rer l’impact géo­
­ ra­­phique (cha­­pitre 2) puis sec­­to­­riel (cha­­pitre 3), en les assor­­tis­­sant des « défis »
g
sec­­to­­riels qu’auront à rele­­ver les orga­­ni­­sa­­tions qui envi­­sa­­ge­­raient ou auront choisi
de s’y déve­­lop­­per et à par­­tir des­­quels, pour­­ront, enfin (cha­­pitre 4), être déter­­mi­­nés
les « leviers » opé­­ra­­tion­­nels qu’elles auront, quelle que soit leur nature, pri­­vée ou
publique, à mettre en œuvre pour les rele­­ver, pour autant qu’elles en aient l’accès et
la maî­­trise.
À ce pre­­mier stade de l’ana­­lyse – celui de l’envi­­ron­­ne­­ment macro­éco­­no­­mique,
c’est donc la déli­­mi­­ta­­tion de l’espace de réfé­­rence qui consti­­tue le préa­­lable à
l’appli­­ca­­tion du pro­­ces­­sus d’ana­­lyse. Il per­­met­­tra, ensuite, de recen­­ser les pres­­sions
externes – à carac­­tère politico-­réglementaire, éco­­no­­mique et social, tech­­no­­lo­­gique
– qui s’exercent sur lui et en déter­­minant les évo­­lu­­tions et les muta­­tions. Celles-ci
seront, plus tard (2e par­­tie) indis­­pen­­sables pour déga­­ger les lignes de force de l’envi­
­ron­­ne­­ment le plus large ou des envi­­ron­­ne­­ments plus spé­­ci­­fiques dans les­­quels
l’orga­­ni­­sa­­tion aura décidé de se déve­­lop­­per :
––en dis­­tin­­guant, d’une part, les pres­­sions posi­­tives (dimi­­nu­­tions, des contraintes
régle­­men­­taires, aug­­men­­ta­­tion du niveau de vie, plus grande trans­­pa­­rence des mar­
­chés, inno­­va­­tions tech­­no­­lo­­giques…), qui, y sti­­mulent le déve­­lop­­pe­­ment de la ou
des acti­­vi­­tés rete­­nues dans l’espace de réfé­­rence visé, où elles créent des oppor­­tu­
­ni­­tés pour les acteurs qui, comme elle, y opèrent, des pres­­sions néga­­tives (phé­­no­
­mènes inverses), qui, symé­­tri­­que­­ment, les freinent ou les compro­­mettent, en
consti­­tuant, pour eux tous, des menaces ;
––pour faire le par­­tage, d’autre part, entre celles qui comportent un carac­­tère struc­
­tu­­rel (adhésion à une orga­­ni­­sa­­tion multigou­­ver­­ne­­men­­tale, mise en exploi­­ta­­tions de
res­­sources natu­­relles impor­­tantes…), et à ce titre sont sus­­cep­­tibles de s’exer­­cer
dura­­ble­­ment sur cet espace de réfé­­rence, de celles, plus éphé­­mères, à carac­­tère
conjonc­­tu­­rel, dont les effets, même tem­­po­­rai­­re­­ment intenses (pous­­sée infla­­tion­­
niste, explo­­sion d’une bulle spé­­cu­­la­­tive…), ne sont géné­­ra­­le­­ment pas ame­­nées à
se per­­pé­­tuer au-­delà d’un cer­­tain laps de temps.
Le modèle PREST (Politico Régle­­men­­taire, Éco­­no­­mique et Social, Tech­­no­­lo­­
gique)1 per­­met d’ana­­ly­­ser de manière dyna­­mique l’évo­­lu­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment
des espaces de réfé­­rence visés par l’orga­­ni­­sa­­tion qui cherche à défi­­nir ou à redé­­fi­­nir
sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation. Il combine – à la dif­­fé­­rence de cer­­tains modèles
pos­­té­­rieurs qui se concentrent le plus sou­­vent sur le pre­­mier niveau, macro­éco­­no­­
mique2 – trois dif­­fé­­rents niveaux suc­­ces­­sifs :

1.  Cf. J.P. Lemaire 1993, 1995, 1997, 2000, 2003.


2.  Comme Enright, 2000a et 2000b cité par Ricard et al. 2004.

60
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

• Un pre­­mier niveau macro­éco­­no­­mique – cor­­res­­pon­­dant à l’aire géo­­gra­­phique de


l’espace de réfé­­rence, sui­­vant la démarche de développement inter­­na­­tional rete­­
nue :
–– soit « foca­­li­­sée » sur un pays ou groupe de pays pour une entre­­prise déjà lar­­ge­
­ment déployée hors fron­­tières et cher­­chant à pré­­ci­­ser sa stra­­té­­gie dans une zone
déter­­mi­­née (démarche inbound1) ;
–– soit, « tous azi­­muts », vers des espaces sou­­vent plus vastes pou­­vant cou­­vrir le
monde entier pour une entre­­prise atta­­chée à pré­­ci­­ser sa stra­­té­­gie inter­­na­­tionale
d’ensemble (démarche outbound).
C’est à ce pre­­mier niveau que peuvent être iden­­ti­­fiées les pres­­sions externes
– politico-­réglementaires, économiques et sociales, technologiques – qui déter­­mi­­ne­
­ront les évo­­lu­­tions et l’attractivité de l’espace de réfé­­rence retenu.

À quelles pressions externes se trouve soumis


l’espace de référence ?

(MODÈLE PREST / 1)

PRESSIONS PRESSIONS
POLITICO-RÉGLEMENTAIRES TECHNOLOGIQUES
Ouverture de nouveaux Développement des systèmes
espaces économiques sous l’égide d’information :
de l’OMC Décloisonnement - transparence internationale
progressif Intégration économique de l’offre et de la demande
d’espaces supra-nationaux - Intégration accrue de la gestion
(mais instabilité politique, montée (réactivité accrue des clients,
en puissance du terrorisme) des fournisseurs et des concurrents)
Libéralisation, déréglementation, Espace de Évolution constante
levée progressive des obstacles référence des technologies
à la circulation des biens, développement des
services, et investissements
Géographique transferts de technologie
(OMC, UE...), et/ou Sectoriel (menace d’obsolescence et de
Difficultés de « moralisation des perte de propriété industrielle)
échanges » Résurgence de
mesures protectionnistes
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Divergences de la démographie et des Intégration des marchés Convergence relative des goûts
niveaux de vie (économies Internationaux et des besoins
matures/émergentes). (financiers, matières premières...) Fluctuations de la demande
Déplacement de la demande et instabilité économique (effets de mode)
de l’offre (accroissement (crises, inflation, insolvabilité.) Exigences de compétitivité prix
des inégalités Instabilité de l’emploi) de respect de l’environnement (pollution)
PRESSIONS de l’éthique (cf. travail des enfants)
SOCIO-ÉCONOMIQUES

Figure 1.7 – Le niveau 1 (macro­éco­­no­­mique) du modèle PREST :


les pres­­sions externes2

1.  Voir défi­­ni­­tion ci-­dessous.


2.  Sources : Lemaire J.-P., mimeo doc. EAP/SBIE, 1992. Lemaire J.-P., Ruffini P. B., Vers l’Europe ban­­caire,
Dunod, Paris, 1993, p. 77. Lemaire J. P., Dyna­­mique ban­­caire et inté­­gra­­tion finan­­cière, Thèse, Paris I, 1995.

61
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

• Un second niveau d’ana­­lyse, mesoéconomique – autre­­ment dit, inter­­mé­­diaire-,


celui de l’indus­­trie, de l’acti­­vité ou du sec­­teur1, dans lequel opère l’orga­­ni­­sa­­tion
et ses concur­­rents, per­­met, ensuite, de mesu­­rer les effets de ces pres­­sions sur le ou,
éven­­tuel­­le­­ment, les sec­­teurs dans les­­quels ils opèrent et dans l’espace géographique
considéré. En res­­sortent les « enjeux ou défis géo-sec­­to­­riels » que les orga­­ni­­sa­­
tions qui y opérent ou sou­­haitent y opé­­rer auront à y rele­­ver – Adap­­ta­­tion de leur
offre, (Re)Déploie­­ment de leurs loca­­li­­sa­­tions, de leurs acti­­vi­­tés et de leurs fonc­­
tions, Concur­­rence à y affron­­ter –.

Quels enjeux consécutifs


pour les acteurs du secteur ?
(MODÈLE PREST / 2)

+++
intensification
de la PRESSIONS
PRESSIONS la concurrence TECHNOLOGIQUES
POLITICO-RÉGLEMENTAIRES (pays industrialisés fortes
fortes et pays émergents)

Réponses
de
l’entreprise ++
+++ nécessité
re-déploiement d’édaptation
Géo-sectorielle de l’offre
pays industrialisés Redéfinition
--> pays émergents des « concepts »

PRESSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES
très fortes

Figure 1.8 – Le niveau 2 (meso éco­­no­­mique) du modèle PREST,


les enjeux géo-­sectoriels2

1.  On consi­­dé­­rera ici les indus­­tries comme un ensemble de sec­­teurs, et les sec­­teurs comme des ensembles d’acti­
­ i­­tés. Par exemple, à l’ins­­tar des Bri­­tan­­niques, on consi­­dé­­rera la banque comme une indus­­trie, ses prin­­ci­­paux sec­­
v
teurs étant la banque de détail, la banque d’inves­­tis­­se­­ment et la ges­­tion d’actifs, et, à l’inté­­rieur de la banque
d’inves­­tis­­se­­ment, on pourra consi­­dé­­rer comme acti­­vi­­tés dis­­tinctes les fusions-acqui­­si­­tions, les aug­­men­­ta­­tions de
capi­­tal (actions), les émis­­sions de dette (obli­­ga­­tions), les opé­­ra­­tions à effet de levier (LBO) etc. ; d’autres seg­­men­
­ta­­tions pou­­vant d’ailleurs être adop­­tées, mais la nature et les limites des unes et des autres devront être défi­­nies
préa­­la­­ble­­ment à la déter­­mi­­na­­tion de l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion inter­­na­­tionale retenu.
2.  Sources : Lemaire J.-P., mimeo doc. EAP/SBIE, 1992. Lemaire J.-P., Ruffini P. B., Vers l’Europe ban­­caire,
Dunod, Paris, 1993, p. 77. Lemaire J.-P., Dyna­­mique ban­­caire et inté­­gra­­tion finan­­cière, Thèse, Paris I, 1995.

62
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

• Un troi­­sième niveau d’ana­­lyse, microéco­­no­­mique, consti­­tue celui des déci­­deurs de


l’orga­­ni­­sa­­tion concer­­née comme celui des autres acteurs opé­­rant dans ce ou ces
sec­­teurs au sein de l’espace de réfé­­rence consi­­déré. Il per­­met d’iden­­ti­­fier les
« leviers » qu’il faut savoir maî­­tri­­ser pour rele­­ver les « enjeux » ou les « défis »
mis en évi­­dence au cours de la phase pré­­cé­­dente de l’ana­­lyse : Inno­­va­­tion pro­­duit
et/ou process, Profitabilité à déve­­lop­­per au niveau des volumes comme des coûts,
Struc­­ture et orga­­ni­­sa­­tion à adap­­ter et opti­­mi­­ser.
Sur quels « leviers » pourrait agir l’entreprise
pour répondre à ces enjeux sectoriels ?

+++
intensité de
la concurrence
PRESSIONS
PRESSIONS TECHNOLOGIQUES
POLITICO-RÉGLEMENTAIRES fortes
fortes

amélioration focalisation
rentabilité intégration
+++ ++

nouveaux
produits
process
+++ ++ ++
redéploiement adaptation
géo-sectoriel de l’offre

PRESSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES
très fortes
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Figure 1.9 – Le niveau 3 (micro­éco­­no­­mique) du modèle PREST : les « leviers »


à maî­­tri­­ser par les orga­­ni­­sa­­tions opé­­rant dans l’espace de réfé­­rence
géo-­sectoriel consi­­déré

C’est donc ce modèle dont la pre­­mière par­­tie de cet ouvrage déve­­loppe les trois
dimen­­sions suc­­ces­­sives : par­­tant de l’ana­­lyse de l’envi­­ron­­ne­­ment et pour faci­­li­­ter,
au final, la prise de déci­­sion à l’issue de la démarche stra­­té­­gique inter­­na­­tionale dont
la seconde par­­tie pro­­po­­sera la mise en œuvre.
Ayant appliqué ini­­tia­­le­­ment ce modèle à l’ana­­lyse des sec­­teurs à l’inter­­na­­tional1,
comme on le fera au cha­­pitre 3, on l’appli­­quera éga­­le­­ment, dès le cha­­pitre 2, aux

1.  Sources : Lemaire J.-P., mimeo doc. EAP/SBIE, 1992. Lemaire J. P., Ruffini P. B., Vers l’Europe ban­­caire,
Dunod, Paris, 1993, p. 77. Lemaire J.-P., Dyna­­mique ban­­caire et inté­­gra­­tion finan­­cière, Thèse, Paris I, 1995.

63
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

ter­­ri­­toires – groupes de pays, pays, régions, villes –. Ceux-­ci se comportent, en


effet, de plus en plus, sous l’égide des auto­­ri­­tés qui les repré­­sentent et les admi­­
nistrent, comme des acteurs confron­­tés à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale et comme des
orga­­ni­­sa­­tions dési­­reuses d’opti­­mi­­ser leur posi­­tion­­ne­­ment afin d’en tirer le meilleur
parti pour les agents éco­­no­­miques qui relèvent de leur auto­­rité.

1  La détermination de l’espace de réfé­­rence

L’espace de réfé­­rence peut, le plus sou­­vent, se carac­­té­­ri­­ser par la zone géo­­gra­­


phique dans laquelle l’orga­­ni­­sa­­tion concer­­née tend à se déve­­lop­­per hors fron­­tières,
en y pri­­vi­­lé­­giant une ou plu­­sieurs acti­­vi­­tés. Cette zone peut cor­­res­­pondre, selon la
démarche stra­­té­­gique dans laquelle elle s’insère :
• à une pre­­mière approche, « tous azi­­muts » (outbound) sus­­cep­­tible d’inté­­grer tous
les espaces – de proxi­­mité, dis­­tants, ou même glo­­baux – vers les­­quels elle peut
pré­­tendre se déve­­lop­­per à un hori­­zon tem­­po­­rel réa­­liste ; celle-­ci pourra s’appliquer
à toute orga­­ni­­sa­­tion, publique ou pri­­vée, grande ou petite, et visera à défi­­nir ou
redé­­fi­­nir sa poli­­tique d’ensemble, d’ouver­­ture et de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­
tional ;

L’INTERNATIONALISATION, DE QUEL POINT DE VUE ?


dans une perspective d’ « horizontalisation » ou de « verticalisation »

Zones distantes
géographiques
et/ou culturelles
Ventes de
proximité Exportations
distantes

Achats de
proximité En provenance
de la zone d’origine
pour produire comme
pour vendre

Zones de proximité
géographiques
et/ou culturelles
FLUX SORTANTS Importations
DE CAPITAUX distantes
D’EQUIPEMENTS
ET DE TECHNOLOGIES

J.-P. Lemaire

Figure 1.10 – L’approche « tous azi­­muts » (outbound)

64
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

• à une seconde approche, « foca­­li­­sée » (inbound), qui cherche à tirer parti du poten­
­tiel de déve­­lop­­pe­­ment qu’offre déjà à l’orga­­ni­­sa­­tion ou pro­­met de lui offrir un
espace, plus restreint, qui consti­­tue un axe géo­­gra­­phique et éco­­no­­mique, par­­ti­­cu­­
lier et spé­­ci­­fique, de son orien­­ta­­tion actuelle ou future  ; cette approche peut se
jus­­ti­­fier, pour l’orga­­ni­­sa­­tion concer­­née, par la nou­­veauté et par l’attrait que pré­­
sente pour elle cet espace, ou encore, si l’orga­­ni­­sa­­tion s’y déve­­loppe déjà, pour y
accen­­tuer sa pré­­sence ou, à l’inverse, pour s’en retirer.
L’INTERNATIONALISATION, DE QUEL POINT DE VUE ?
dans une perspective d’ « horizontalisation » ou de « verticalisation »

Ventes de
FLUX ENTRANTS proximité
DE CAPITAUX Exportations
D’EQUIPEMENTS ET distantes
DE TECHNOLOGIES

Internationalisation
à partir
de la zone d’origine
pour produire comme Importations
pour vendre distantes

Zones distantes Achats de


géographiques proximité
et/ou culturelles ZONE DE PROXIMITE
GEOGRAPHIQUE
ET : OU CULTURELLE

J.-P. Lemaire

Figure 1.11 – L’approche « foca­­li­­sée » (inbound)

Exemple 1.4 – Quelle approche appli­­quer à Cemex à la suite de la crise des sub­primes


et de la crise immo­­bi­­lière espa­­gnole1  ?
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Se réfé­­rant à l’exemple de Cemex, il peut être, tout d’abord, néces­­saire, pour cette entre­
­prise, de mener une approche d’ensemble, tous azi­­muts, pour déter­­mi­­ner quels seront ses
axes priori­­taires de déve­­lop­­pe­­ment (comme ses axes éven­­tuels de repli). Une telle
démarche s’avére­ra indis­­pen­­sable dans un contexte de concur­­rence glo­­ba­­li­­sée, dans le
but de mieux équi­­li­­brer son por­­te­­feuille géo­­gra­­phique, et d’évi­­ter désor­­mais, comme cela
a été le cas, de sup­­por­­ter, de façon simul­­ta­­née, une crise de l’immo­­bi­­lier, catas­­tro­­phique
pour son acti­­vité, dans ces deux espaces qui ont repré­­senté, hors du Mexique, ses cibles
(trop) pri­­vi­­lé­­giées.
De manière plus pré­­cise, cette entre­­prise pourra être, aussi, ame­­née à appli­­quer une
approche foca­­li­­sée :
–– pour reconsi­­dérer plus spé­­ci­­fi­­que­­ment l’approche qu’elle aura de tel ou tel espace clé
où elle a subi des revers, à commen­­cer par l’Espagne et les États-­Unis ;

1.  Voir cas intro­­duc­­tif au présent cha­­pitre : Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière et finan­­cière

65
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

–– pour envi­­sa­­ger de nou­­velles zones cibles parmi les éco­­no­­mies à crois­­sance rapide,
notam­­ment, comme l’Inde ou la Chine – où son déve­­lop­­pe­­ment lui per­­met­­trait de
trou­­ver de nou­­veaux relais de crois­­sance, tout en diver­­si­­fiant son expo­­si­­tion aux
risques.

C’est donc, en fonc­­tion de la perspec­­tive d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (géné­­rale ou par­­ti­


c­ u­­lière) rete­­nue par l’orga­­ni­­sa­­tion ou en fonc­­tion des trans­­for­­ma­­tions (pro­­gres­­sives
ou bru­­tales) de l’envi­­ron­­ne­­ment dans lequel elle se situe que peut se déter­­mi­­ner
l’espace de réfé­­rence à pri­­vi­­lé­­gier. Ce qui s’applique à l’entre­­prise peut s’appli­­quer
à d’autres orga­­ni­­sa­­tions qui mesurent de plus en plus l’impact de l’ouver­­ture inter­­
na­­tionale et la néces­­sité, pour elles, de défi­­nir une véri­­table poli­­tique d’inter­­na­­tiona­
­li­­sation ; comme c’est de plus en plus le cas (cha­­pitre 2) pour les régions ou les pays
eux-­mêmes, mais comme ce peut être aussi le cas pour d’autres organisations,
comme les ONG.

Exemple 1.5 – Quelle(s) approche(s) appli­­quer au Vietnam dans la perspec­­tive de son


ouver­­ture inter­­na­­tionale récente aux flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­
ments1 ?
L’abou­­tis­­se­­ment, début 2007, de l’inté­­gra­­tion du Vietnam à l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du
commerce, fai­­sant suite à son inté­­gra­­tion, quelques années aupa­­ra­­vant, à l’APEC, orga­­
ni­­sa­­tion éco­­no­­mique de l’ASEAN, conduit à envi­­sa­­ger pour ce pays une approche tous
azi­­muts, dans l’espace de réfé­­rence mon­­dial, qui s’ouvre désor­­mais à cette éco­­no­­mie.
Cette approche doit être, de plus, multi­sec­­to­­rielle pour éva­­luer son poten­­tiel de déve­­lop­
­pe­­ment inter­­na­­tional, tout en déter­­mi­­nant les espaces géo­­gra­­phiques priori­­taires avec
les­­quels elle a inté­­rêt à accroître ses rela­­tions et les acti­­vi­­tés à pri­­vi­­lé­­gier avec les agents
éco­­no­­miques (impor­­ta­­teurs, expor­­ta­­teurs, don­­neurs d’ordres, inves­­tis­­seurs) loca­­li­­sés
dans ces espaces.
L’ana­­lyse peut éga­­le­­ment se concen­­trer, en adop­­tant une approche foca­­li­­sée sur un
espace de réfé­­rence géo­­gra­­phi­­que­­ment plus réduit – par exemple, l’espace de proxi­­mité
(Sud-Est asia­­tique ou, même, la seule pénin­­sule indo­­chi­­noise), ou sur un sec­­teur ou un
groupe de sec­­teurs plus spé­­ci­­fique (banque ou tou­­risme), ou plus cohé­­rent (pro­­duits agri­
­coles ou agro­ali­­men­­taires, sous-traitance auto­­mo­­bile…).

Dans le cadre de l’ana­­lyse macro­éco­­no­­mique de l’envi­­ron­­ne­­ment, il est donc


impor­­tant de déter­­mi­­ner à quel niveau géo­­gra­­phique de cet envi­­ron­­ne­­ment on sou­­
haite posi­­tion­­ner, de manière cohé­­rente, l’orga­­ni­­sa­­tion à laquelle on consacre son
ana­­lyse  : par rap­­port à ses concur­­rents, mais, aussi, à ses clients et à ses par­­te­­
naires, comme vis-­à-vis des auto­­ri­­tés régu­­la­­trices natio­­nales ou supra­­na­­tionales
aux­­quelles elle a ou aura à traiter.

1.  Voir cas d’appli­­ca­­tion du présent cha­­pitre : « Vietnam : les défis de l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce »

66
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1

C’est à tra­­vers cette pre­­mière approche que l’on s’atta­­chera à amor­­cer la réflexion
qui abou­­tira, à son terme, à pré­­ci­­ser les enjeux et contraintes qu’elle aura à affron­
­ter ainsi que les voies pos­­sibles entre les­­quelles elle devra arbi­­trer ou qu’elle aura
à combi­­ner.

2  La nature des pres­­sions externes


Une fois l’espace de réfé­­rence déter­­miné en fonc­­tion de la perspec­­tive géo­­gra­­
phique et sec­­to­­rielle de l’orien­­ta­­tion inter­­na­­tionale rete­­nue par l’orga­­ni­­sa­­tion
concer­­née, il est néces­­saire de repérer les pres­­sions externes qui tra­­duisent les
muta­­tions s’exer­­çant dans l’envi­­ron­­ne­­ment où elle opère ou envi­­sage d’opé­­rer.
Ces muta­­tions sont à prendre en compte, quel que soit l’espace de réfé­­rence, à
quelque niveau géo­­gra­­phique qu’il se situe, et pour tous types de sec­­teurs ou groupes
de sec­­teurs. Elles peuvent se regrou­­per autour des trois dimen­­sions du modèle
PREST envi­­sa­­gées de façon dyna­­mique ; c’est-à-dire non seule­­ment pour ce qu’elles
sont au moment où on les observe, mais, aussi, en fonc­­tion de ce qu’elles peuvent
deve­­nir à l’hori­­zon tem­­po­­rel qu’on a choisi de rete­­nir :
––la dimen­­sion politico-­réglementaire, tout d’abord, qui déter­­mine sur­­tout, en fonc­
­tion de l’atti­­tude des auto­­ri­­tés mais aussi des fac­­teurs géo­­po­­li­­tiques essen­­tiels
iden­­ti­­fiables, le niveau d’acces­­si­­bi­­lité de l’espace géo­­gra­­phique et sec­­to­­riel de
réfé­­rence consi­­déré, pour les flux d’échanges comme d’inves­­tis­­se­­ments, dans une
perspec­­tive d’horizontalisation comme de verticalisation ;
–– la dimen­­sion socio-­économique, ensuite, qui per­­met d’appré­­cier, avant tout, le niveau
d’attractivité de cet espace, en fonc­­tion ; des carac­­té­­ris­­tiques quan­­ti­­tatives et qua­­li­­ta­
­tives des besoins qui s’y mani­­festent et des res­­sources qui y sont acces­­sibles, comme,
aussi, des handicaps et des fac­­teurs d’insta­­bi­­lité éco­­no­­miques externes auquel il est
sou­­mis ;
––la dimen­­sion tech­­no­­lo­­gique et nor­­ma­­tive, enfin, déter­­mi­­nant le niveau de compa­
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­ti­­bi­­lité entre cet espace et le reste du monde, les condi­­tions de pro­­duc­­tion et de


consom­­ma­­tion des biens et des ser­­vices à usage interne comme à l’inten­­tion de
des­­ti­­na­­taires exté­­rieurs à cet espace ; elle prendra en compte l’évo­­lu­­tion des exi­
­gences, de plus en plus nor­­mées, que dictent les attentes de per­­for­­mances tech­­
niques et les par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés cultu­­relles des consom­­ma­­teurs et uti­­li­­sa­­teurs, comme
la pré­­ser­­va­­tion de la qua­­lité actuelle et future de leur envi­­ron­­ne­­ment, proche ou
dis­­tant.
Ce sont ces trois dimen­­sions dont on s’atta­­chera à éva­­luer l’impact :
––sur les espaces de réfé­­rence géo­­gra­­phiques que repré­­sentent les ter­­ri­­toires (cha­­
pitre 2), sans perdre de vue qu’ils sont direc­­te­­ment impli­­qués, en tant qu’acteurs
et déci­­deurs, dans le pro­­ces­­sus d’ouver­­ture inter­­na­­tionale, comme le cas d’appli­­
ca­­tion du présent cha­­pitre est des­­tiné à en sou­­li­­gner les principaux aspects, pour
le Vietnam ;

67
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

––sur les espaces de réfé­­rence sec­­to­­riels (cha­­pitre 3), qui consti­­tuent, le cadre d’ana­
­lyse indis­­pen­­sable à l’iden­­ti­­fi­­cation des contraintes liées à leur spé­­cia­­li­­sa­­tion que
devront maî­­tri­­ser les dif­­fé­­rentes orga­­ni­­sa­­tions qui cherchent à s’y déve­­lop­­per.
C’est à tra­­vers la grille de lec­­ture des pres­­sions externes que les trans­­for­­ma­­tions
macro­éco­­no­­miques pour­­ront être prises en compte dans une perspec­­tive opé­­ra­­tion­
­nelle, afin de pré­­ci­­ser les enjeux aux­­quels les dif­­fé­­rents acteurs seront confron­­tés,
avant de sélec­­tion­­ner les orien­­ta­­tions qui leur per­­met­­tront d’y par­­ve­­nir.

 Cas d’appli­­ca­­tion
Vietnam : les défis de l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce1
Le centre his­­to­­rique de Hanoï, agré­­menté de plans d’eau et de petits immeubles,
conserve en appa­­rence son charme sur­­anné et son calme pro­­vin­­cial d’ancienne
capi­­tale colo­­niale ; métro­­pole prin­­ci­­pale du Nord, comme sa trois fois plus peu­­plée
ville sœur du sud, Ho Chi Minh Ville, l’ex-Saïgon, est pourtant tou­­jours sous pres­­
sion. Si, fina­­le­­ment, après une longue période d’attente, l’adhé­­sion du Vietnam à
l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce a, enfin, été acquise après des années de
négo­­cia­­tion, beau­­coup reste encore à faire.
La crois­­sance a d’ailleurs long­­temps été au ren­­dez-vous : elle dépas­­sait dès 2006 la
barre des 8  %, avec un chô­­mage en chute libre, d’après la Banque mon­­diale, à
moins de 5 %, alors qu’il était encore offi­­ciel­­le­­ment à 20 % (et plus pro­­ba­­ble­­ment
à 40 %), cinq ans aupa­­ra­­vant. Avec un million et demi de jeunes gens qui se pré­­
sentent chaque année sur le mar­­ché du tra­­vail, le défi est d’impor­­tance. Avec près
de 90 mil­­lions d’habi­­tants, une moyenne de 2,2 enfants par famille, face aux
60 mil­­lions de Thaïs, aux 13 mil­­lions de Cam­­bod­­giens, et aux maigres 6 mil­­lions de
Laos, même si, à sa fron­­tière nord, commence un « pays au milliard », le Vietnam
fait, de plus en plus, figure d’acteur majeur dans la région. Mais, sans dra­­ma­­ti­­ser à
outrance la situa­­tion six ans après l’inté­­gra­­tion à l’OMC, celle-ci apparaît moins
favo­­rable, après la pous­­sée infla­­tion­­niste dure­­ment enrayée par les auto­­ri­­tés en
2007-2008 et une fois enre­­gis­­tré l’impact de la crise mon­­diale sur les acti­­vi­­tés
d’expor­­ta­­tion et les flux tou­­ris­­tiques : au pre­­mier tri­­mestre 2012, les indi­­ca­­teurs de
crois­­sance se situe­­raient davan­­tage aux alen­­tours de 4 % !
En réa­­lité, vu de l’inté­­rieur comme de l’exté­­rieur, le Vietnam appa­­raît comme une
terre de contrastes dans une région où tout change à grande vitesse, dans un tour­­
billon que la « renais­­sance » du Doi Moi – le pro­­gramme de réformes annoncé dès
1986 – ten­­dait oppor­­tu­­né­­ment à anti­­ci­­per. Depuis, avec une grande pru­­dence
cepen­­dant, le pou­­voir s’est efforcé de deve­­nir le cata­­ly­­seur des ajus­­te­­ments inévi­­
tables déter­­mi­­nés par les mul­­tiples pres­­sions politico-régle­­men­­taires, éco­­no­­miques

1.  Ce cas dans sa ver­­sion déve­­lop­­pée (avec notice péda­­go­­gique), est dis­­po­­nible en fran­­çais et en anglais à la
Cen­­trale des Cas et des Moyens Péda­­go­­giques.(Jean-­Paul Lemaire et Bui Lan Huong, «  Vietnam, les défis de
l’Orga­­ni­­sa­­tion Mon­­diale du Commerce » et « Vietnam the WTO Chal­­lenge », paru­­tion 2012-2013).

68
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


et sociales, comme tech­­no­­lo­­giques, internes et externes, ins­­ti­­tution­­nelles et
entrepreneuriales, régio­­nales et inter­­conti­­nen­­tales, dont il a à ter­­nir compte. Il a pu
et peut tou­­jours s’appuyer pour cela sur un peuple résis­­tant, au tem­­pé­­rament trempé
dans l’adver­­sité, s’appuyant sur une dia­­spora non négli­­geable, les Viet Khieu1,
déployée entre l’Europe et l’Amérique du Nord, même si les lour­­deurs héri­­tées de
l’admi­­nis­­tra­­tion socia­­liste postcoloniale et la cor­­rup­­tion ram­­pante, plaie de l’Asie
tout entière, l’empêchent encore de prendre tout son essor.
À l’évi­­dence, lors­­qu’on a l’oppor­­tu­­nité de visi­­ter régu­­liè­­re­­ment le pays, on mesure
faci­­le­­ment, dès que l’on quitte l’aéro­­port flam­­bant neuf, les muta­­tions rapides des
infra­­struc­­tures comme du tissu éco­­no­­mique : de nou­­veaux ponts se construisent, les
routes s’élar­­gissent, des tuyaux d’adduc­­tion d’eau ou d’assai­­nis­­se­­ment attendent
d’être posés, tan­­dis que, sur des ran­­gées de poteaux élec­­triques à peine dres­­sés, les
fils d’ali­­men­­ta­­tion se tendent…
À l’inverse, dans les cam­­pagnes, où vit encore 70 % de la popu­­la­­tion, le cycle des
sai­­sons et des récoltes semble régler le rythme immuable de l’acti­­vité. Les véhi­­cules
doivent sou­­vent emprun­­ter le milieu de la route pour évi­­ter le riz mis à sécher direc­
­te­­ment sur l’asphalte, de part et d’autre, le long des rizières. Mais, là aussi, les
choses sont en train de chan­­ger, en dépit des appa­­rences : le col­­lec­­ti­­visme dans les
zones rurales a été aban­­donné dès 1993 et les ren­­de­­ments se sont envo­­lés, pas­­sant
d’à peine 5 tonnes à l’hec­­tare à 13 tonnes, géné­­rant des pro­­fits de 7 % per­­met­­tant
d’inves­­tir.
Mais le Vietnam doit désor­­mais faire face à l’ouver­­ture de ses fron­­tières, de manière
à en opti­­mi­­ser les effets : valo­­ri­­ser ses atouts dans les sec­­teurs ayant un poten­­tiel,
particulièrement dans la pénin­­sule Indochinoise, atti­­rer les inves­­tis­­se­­ments étran­­
gers et s’insé­­rer har­­mo­­nieu­­se­­ment dans les flux d’échanges inter­­na­­tionaux. Mais,
même si le Vietnam est déjà membre de l’ASEAN, aux côtés de tous les autres pays
du Sud-Est Asia­­tique, son adhé­­sion à l’OMC a dû attendre, alors que sa can­­di­­da­­ture
date de 1995. En 2004, encore, on dou­­tait que cette inté­­gra­­tion puisse avoir lieu
rapi­­de­­ment.
L’obser­­va­­tion de la balance du commerce exté­­rieur viet­­na­­mienne révé­­lait alors une
aggra­­va­­tion du défi­­cit des échanges, qui avaient crû de 15 %, entre 2002 et 2004,
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pour atteindre 5 milliards de dol­­lars, l’équi­­va­­lent de 12 % du pro­­duit natio­­nal brut.


Grâce à l’accord bila­­té­­ral négo­­cié avec les États-­Unis dès 2000, les ventes de tex­­tile,
béné­­fi­­ciant d’une baisse des tarifs doua­­niers de 40 à 50 %, avaient explosé, attei­­
gnant 3,5 milliards de dol­­lars en 2003, presque l’équi­­va­­lent des ventes de pétrole.
Dopées par l’aug­­men­­ta­­tion des prix du baril, ces deux postes repré­­sen­­taient alors
37  % des expor­­ta­­tions viet­­na­­miennes. L’Union euro­­péenne pra­­ti­­quait, elle aussi,
des quo­­tas géné­­reux  : les expor­­ta­­tions de chaus­­sures, aux deux tiers des­­ti­­nées à
l’Europe, avaient pro­­gressé signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment de près de 20 % dès 2003. Plus fluc­­
tuants étaient les résul­­tats du riz, dont les ton­­nages ven­­dus à l’étran­­ger ont, dans
l’ensemble, sen­­si­­ble­­ment pro­­gressé. Les ventes de pro­­duits de la mer, enfin, comme
les cre­­vettes, sou­­mises aux fluc­­tua­­tions des prix mon­­diaux, n’ont pas tou­­jours
atteint le niveau des pré­­vi­­sions…

1.  Voir, sur l’impor­­tance des diasporas exemple 4.9 « La mise à pro­­fit des “oppor­­tu­­ni­­tés des zones de proxi­­mité”
par les cham­­pions inter­­na­­tionaux chi­­nois, indiens et bré­­si­­liens (2) ».

69
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


En toute hypo­­thèse, la struc­­ture des expor­­ta­­tions jus­­qu’à aujourd’hui demeure fra­­
gile, dans la mesure où les pro­­duits de base, consti­­tuent tou­­jours l’essen­­tiel des
ventes inter­­na­­tionales du Vietnam. Mais le pro­­blème se situe, avant tout, au niveau
des struc­­tures de pro­­duc­­tion, même dans les sec­­teurs où la dota­­tion natu­­relle de
fac­­teurs du pays peut lui pro­­cu­­rer un avan­­tage concur­­ren­­tiel déter­­mi­­nant ; comme
le thé, où, faute d’une filière per­­for­­mante, les résultats sont déce­­vants, puis­­qu’au
Vietnam même on consomme plus volon­­tiers du thé indien que du thé local1.
Une pré­­oc­­cu­­pa­­tion majeure pour les auto­­ri­­tés viet­­na­­miennes du commerce exté­­
rieur reste liée à l’évo­­lu­­tion des taux de change qui ampli­­fient les varia­­tions des prix
des mar­­chés inter­­na­­tionaux. Le dong viet­­na­­mien est, en effet, étroi­­te­­ment lié au
dol­­lar dont il suit les fluc­­tua­­tions, par rap­­port aux mon­­naies japo­­naise et euro­­
péennes. Ce qui pro­­cure, certes, au pays, un avan­­tage à l’ex­port, mais le han­­di­­cape
for­­te­­ment à l’im­port ; pour les achats de biens d’équi­­pe­­ment, en par­­ti­­cu­­lier.
Pour les impor­­ta­­tions, en effet, le dyna­­misme a été encore plus mar­­qué que pour les
expor­­ta­­tions, dans le but d’aider dif­­fé­­rents sec­­teurs à amé­­lio­­rer la pro­­duc­­ti­­vité et la
qua­­lité, comme pour ren­­for­­cer les infra­­struc­­tures domes­­tiques. Les impor­­ta­­tions
sont aussi dépen­­dantes des évo­­lu­­tions, à court comme à long terme, des prix mon­
­diaux2.
Pour les infra­­struc­­tures, il est clair, pour les auto­­ri­­tés, que les inves­­tis­­se­­ments directs
étran­­gers devraient allé­­ger le poids des sommes consi­­dé­­rables que le pays ne peut
mobi­­li­­ser et qu’il convient de leur consa­­crer face à une demande crois­­sante : par
exemple, pour la construc­­tion de nou­­velles cen­­trales élec­­triques ou celle des infra­
­struc­­tures por­­tuaires qui font encore cruel­­le­­ment défaut. Le recours à des for­­mules
concessionnelles3 consti­­tue une solu­­tion toute trou­­vée pour autant que la sécu­­rité
de l’inves­­tis­­se­­ment comme sa ren­­ta­­bi­­lité puisse être garan­­tie sur le long terme…
Consé­­cu­­ti­­ve­­ment, les inves­­tis­­se­­ments directs étran­­gers – incluant ceux pro­­ve­­nant de
la dia­­spora viet­­na­­mienne – pour­­raient contri­­buer signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment à compen­­ser le
défi­­cit exté­­rieur. Mais la confiance des inves­­tis­­seurs consti­­tue une pierre d’achop­­
pe­­ment sérieuse ; sur­­tout après une aussi longue période d’iso­­le­­ment, se tra­­dui­­sant
par la réma­­nence de mul­­tiples obs­­tacles admi­­nis­­tra­­tifs, des pro­­blèmes de cor­­rup­­tion
et d’une pro­­tec­­tion légale incer­­taine, repo­­sant sur des accords de réci­­procité insuf­
­fi­­sants.
D’autres carences struc­­tu­­relles existent tou­­jours, même si elles s’amé­­liorent, comme
le sys­­tème ban­­caire, sur lequel les inves­­tis­­seurs étran­­gers ne peuvent guère encore
comp­­ter pour obte­­nir les concours au jour le jour dont ils ont besoin en dépit des
améliorations enregistrées  ; du fait, notam­­ment des réglementations res­tric­­tives et
des obs­­tacles qui sont mis à l’implan­­ta­­tion de banques et de compa­­gnies d’assu­­rance
étran­­gères qui pour­­raient contri­­buer à éle­­ver sen­­si­­ble­­ment le niveau et l’effi­­ca­­cité
des ser­­vices ren­­dus aux entre­­prises comme aux par­­ti­­cu­­liers.

1.  « Tea asso­­cia­­tion plans significant changes », Viêt Nam News, vol XIV, n°4551, 20 avril 2004.
2.  La crois­­sance chi­­noise, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans les années 2008-2011, a lit­­té­­ra­­le­­ment fait s’envo­­ler les prix de
l’acier dans la région comme dans le monde, affec­­tant direc­­te­­ment les achats du Vietnam.
3.  Cf. exemple 4.2 « La cen­­trale ther­­mique de Hub River ».

70
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


Tout au long de l’année 2004, des argu­­ments avaient déjà été lar­­ge­­ment échan­­gés
dans le pays entre déci­­deurs et lea­­ders d’opi­­nion1. Ce débat est tou­­jours d’actua­­lité,
même s’il est moins vif.
Le choix appa­­rais­­sait, à l’époque, tout à fait clair entre :
––l’expo­­si­­tion très rapide d’une éco­­no­­mie encore affai­­blie mais très dyna­­mique à la
concur­­rence inter­­na­­tionale et aux menaces venant de l’exté­­rieur, au niveau régio­
­nal comme au niveau inter­­na­­tional ;
––et une ouver­­ture pro­­gres­­sive, comme en Russie2, au risque d’élar­­gir son écart et
son retard en termes d’échange et d’inves­­tis­­se­­ment par rap­­port à ses pays voi­­sins
et à ses concur­­rents ; un prix à payer élevé, en termes de crois­­sance.
Trou­­ver une orien­­ta­­tion appro­­priée pas­­sait alors, comme elle passe aujourd’hui, par
une réflexion néces­­saire sur les fac­­teurs macro­éco­­no­­miques qui affectent posi­­ti­­ve­­
ment et néga­­ti­­ve­­ment le pays  : à tra­­vers le repé­­rage des pres­­sions externes, les
enjeux qui en résultent pour les par­­ties pre­­nantes publiques et pri­­vées, en termes de
mise à niveau, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, en dis­­tin­­guant les prin­­ci­­paux sec­­teurs, agri­­coles,
indus­­triels, ainsi que les que ser­­vices. Cette ana­­lyse reste néces­­saire pour pré­­ci­­ser
les poli­­tiques priori­­taires à enga­­ger par les auto­­ri­­tés, pour envi­­sa­­ger les moyens de
rendre les entre­­prises des prin­­ci­­paux sec­­teurs plus compé­­titives et pour atti­­rer les
inves­­tis­­seurs directs étran­­gers. Elle l’est plus que jamais, aujourd’hui, pour accom­­
pa­­gner un déve­­lop­­pe­­ment bien amorcé mais tou­­jours fra­­gile.

Ques­­tions de réflexion
1 ■ Étant entendu que ce qui est en jeu pour le Vietnam, comme pré­­cé­­dem­­ment pour
la Chine et pour d’autres pays émergents ayant pré­­cé­­dem­­ment adhéré à l’Orga­
nisation mon­­diale du commerce, c’est son inser­­tion dans les flux d’échanges et
d’inves­­tis­­se­­ments, le Vietnam a-­t-il adhéré trop tôt à l’OMC, aurait-­il dû atten­
dre ? Dans ce der­­nier cas, pour quelles rai­­sons et jus­­qu’à quand ?
2 ■ Dans le cadre du pro­­ces­­sus d’inté­­gra­­tion du Vietnam dans cette organisation
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et, plus géné­­ra­­le­­ment, dans les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments inter­­na­­


tionaux, quels sont donc les sec­­teurs (agri­­coles, indus­­triels et de ser­­vice) qui,
d’une part, auraient sur­­tout pro­­fité de l’adhé­­sion, et, d’autre part, en auraient
souf­­fert le plus  ? Quelles seraient, pour les uns comme pour les autres, les
oppor­­tu­­ni­­tés et les menaces aux­­quelles ils seraient expo­­sés et les meilleurs
moyens d’en tirer parti ou de les sur­­mon­­ter ?
3 ■ Dans le but d’aug­­men­­ter l’attractivité du pays et l’inser­­tion rapide de leurs
agents éco­­no­­miques dans les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments inter­­na­­
tionaux, quel rôle pour­­raient jouer les auto­­ri­­tés viet­­na­­miennes de manière à
faci­­li­­ter ce pro­­ces­­sus?

1.  Viêt Nam News, vol XIV, n°4555, 24 avril 2004.


2.  Voir repère 1.2 « La Russie finit par rejoindre d’OMC ».

71
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Quelques orien­­ta­­tions péda­­go­­giques


À tra­­vers la lec­­ture du présent cha­­pitre, vous pour­­rez envi­­sa­­ger le poten­­tiel qu’offrent
des espaces géo­­gra­­phiques émergents comme le Vietnam, dans une perspec­­tive à
moyen et long terme, comme pour éva­­luer les consé­­quences de l’ouver­­ture pour les
dif­­fé­­rentes indus­­tries/sec­­teurs d’acti­­vité d’un pays ainsi que pour les entre­­prises, loca-
les et, sur­­tout étran­­gères, qui y opèrent.
Vous pour­­rez éga­­le­­ment consul­­ter les sites sui­­vants :
–– http://lecourrier.vnagency.com.vn/
–– http://www.missioneco.org/vietnam/
–– http://www.cia.gov/cia/publi­­ca­­tions/factbook/geos/vm.html
–– http://en.wikipedia.org/wiki/Vietnam
Par ailleurs, une fois exploités les dif­­fé­­rents cha­­pitres de la première par­­tie, vous pour­
r­ ez uti­­le­­ment reve­­nir sur ce cas, pour iden­­ti­­fier (avant de pou­­voir les exa­­mi­­ner plus
pré­­ci­­sé­­ment) :
–– d’une part les prin­­ci­­pales voies d’adap­­ta­­tion à adop­­ter par les dif­­fé­­rents acteurs
concer­­nés, aussi bien auto­­ri­­tés qu’entre­­prises ;
–– d’autre part, les prin­­ci­­paux risques, qui s’attachent, le plus sou­­vent, à la nature des
opé­­ra­­tions inter­­na­­tionales aux­­quelles ils se trouvent asso­­ciés, comme aux risques
d’ensemble qui peuvent affec­­ter leur déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional res­­pec­­tif.

L’essen­­tiel

L’ouver­­ture inter­­na­­tionale qui s’est déve­­lop­­pée par paliers, depuis la Seconde


Guerre mon­­diale, s’est accé­­lé­­rée pro­­gres­­si­­ve­­ment depuis les années 90, carac­­té­­ri­­sée
par la mon­­tée en puis­­sance des éco­­no­­mies émergentes et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, des éco­
­no­­mies à crois­­sance rapide, alors que les éco­­no­­mies matures ont amorcé un mou­­
ve­­ment de décrois­­sance, aggravé depuis 2007-2008 par la crise finan­­cière, relayée,
depuis 2010, par la crise de la dette sou­­ve­­raine, créant un envi­­ron­­ne­­ment par­­ti­­cu­­liè­
­re­­ment instable où tous les acteurs ont désor­­mais à trou­­ver leurs marques.
L’envi­­ron­­ne­­ment dans lequel ils évo­­luent se carac­­té­­rise plus par un décloisonne­
ment hété­­ro­­gène et évo­­lu­­tif que par une pro­­gres­­sion conver­­gente vers une véri­­
table inté­­gra­­tion, sur une petite pla­­nète où les règles du jeu seraient les mêmes
pour toutes les orga­­ni­­sa­­tions impli­­quées dans ce pro­­ces­­sus d’ouver­­ture qui les
engage à se posi­­tion­­ner de la manière la plus avan­­ta­­geuse pos­­sible. Ces trans­­for­
­ma­­tions, d’ailleurs, ne concernent plus seule­­ment les entre­­prises, quels que
soient leur taille et leur sec­­teur d’acti­­vité, elles touchent éga­­le­­ment, de plus en
plus, les États et les ter­­ri­­toires, por­­teurs des inté­­rêts éco­­no­­miques de leurs res­­

72
L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale  ■  Chapitre 1


sor­­tis­­sants, tout autant que les organisations non gouvernementales ame­­nées à
jouer un rôle crois­­sant, sans pour autant recher­­cher un pro­­fit finan­­cier.
Pour dis­­tin­­guer et anti­­ci­­per, dans la mesure du pos­­sible, les muta­­tions constantes
de cet envi­­ron­­ne­­ment, force est donc de prendre en compte les diverses dimen­­
sions de ce nou­­veau contexte, carac­­té­­ri­­sées par les trois groupes de pres­­sions
externes s’exer­­çant sur les espaces de réfé­­rence ou d’expan­­sion, où évo­­luent (ou
vers les­­quels cherchent à se déve­­lop­­per) ces dif­­fé­­rents acteurs vou­­lant tirer parti
de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale :
––les pres­­sions politico-réglementaires, mar­­quées par la mon­­tée en puis­­sance du
libé­­ralisme et l’ouver­­ture des fron­­tières qui a pré­valu au moins jus­­qu’à la crise ;
––les pres­­sions éco­­no­­miques et sociales, qui révèlent les compo­­santes de la nou­
­velle dyna­­mique de la production et de la consom­­ma­­tion ;
–– sans sous-esti­­mer l’impor­­tance des pres­­sions tech­­no­­lo­­giques qui accé­­lèrent les
évo­­lu­­tions que des­­sinent les deux autres séries de pres­­sions en accrois­­sant la
mobi­­lité des fac­­teurs de pro­­duc­­tion, des biens et des ser­­vices et des don­­nées, tout
en créant de nou­­veaux défis résul­­tant de l’inno­­va­­tion per­­ma­­nente et de la néces­­sité
de prendre en compte les nou­­velles normes assu­­rant leur dif­­fu­­sion tou­­jours plus
large, tout en s’effor­­çant de pré­­ser­­ver un envi­­ron­­ne­­ment de plus en plus menacé.
C’est sur cette pre­­mière approche de l’envi­­ron­­ne­­ment macro­éco­­no­­mique que
doivent être fon­­dées les étapes sui­­vantes de l’ana­­lyse, qui s’atta­­chera, dans le
cadre de cette ouver­­ture inter­­na­­tionale, à la dyna­­mique des ter­­ri­­toires puis à celle
des acti­­vi­­tés, avant d’en tirer les consé­­quences pour cla­­ri­­fier le pro­­ces­­sus de déci­
­sion des orga­­ni­­sa­­tions.

73
Chapitre
Dyna­­mique
2 inter­­na­­tionale
des ter­­ri­­toires

D ans quelle mesure les espaces politico-­économiques (villes, régions,


pays, unions de pays) sont-­ils deve­­nus des acteurs majeurs de l’ouver­­
ture inter­­na­­tionale ? Comment la dua­­lité de leur nature – poli­­tique et éco­­no­­
mique –, la compa­­ti­­bi­­lité entre les contraintes qu’ils imposent et l’attractivité
qu’ils exercent, entre leurs inté­­rêts bien compris et ceux des agents éco­­no­­
miques étran­­gers avec les­­quels ils traitent, peuvent-­elles se résoudre ? De quelle
nature sont les risques qu’ils pré­­sentent pour ces der­­niers et en quoi peuvent-ils
influencer leurs déci­­sions ? À quelles pres­­sions externes sont-­ils eux-­mêmes
sou­­mis et à quels enjeux sont-­ils confron­­tés pour se posi­­tion­­ner plus avan­­ta­­geu­
­se­­ment dans les flux inter­­na­­tionaux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments ?
Dans un envi­­ron­­ne­­ment où l’ouver­­ture inter­­na­­tionale et la dif­­fu­­sion du libé­­ralisme
a, au cours des trente der­­nières années, lar­­ge­­ment « décloi­­sonné » l’espace éco­­no­­
mique mon­­dial, favo­­ri­­sant l’inten­­si­­fi­­ca­­tion des flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments,
les ter­­ri­­toires ont à se posi­­tion­­ner bien au-­delà de leur proxi­­mité géo­­gra­­phique
immé­­diate. Ils doivent assu­­rer leur déve­­lop­­pe­­ment comme celui de leurs res­­sor­­tis­­
sants, en rem­­plis­­sant, tout d’abord, « en interne » leur rôle de régu­­la­­teurs et d’admi­
­nis­­tra­­teurs atten­­tifs et effi­­caces des inté­­rêts res­­pec­­tifs des diverses enti­­tés
éco­­no­­miques, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, des entre­­prises qu’ils accueillent. Ils doivent
aussi, « en externe » pour­­suivre leurs propres objec­­tifs stra­­té­­giques pour per­­mettre
à toutes ces par­­ties pre­­nantes de mieux tirer avan­­tage du nou­­veau contexte inter­­na­­
tional, plus concur­­ren­­tiel et plus ris­­qué, comme pour parer aux menaces qu’il
suscite.
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

C’est pour mesu­­rer la por­­tée de l’évo­­lu­­tion de leur rôle, qu’il convien­­dra, suc­­ces­
­si­­ve­­ment :
––d’envi­­sa­­ger ce contexte en se pla­­çant du point de vue des ter­­ri­­toires eux-­mêmes,
en cher­­chant à iden­­ti­­fier les déter­­mi­­nants de leur dyna­­mique d’ouver­­ture, tout
autant que les réac­­tions pro­­tec­­tion­­nistes qui peuvent s’y faire jour ; ainsi que les
condi­­tions dans les­­quelles ils s’attachent, en consé­­quence, à faci­­li­­ter le déve­­lop­­pe­
­ment de flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments, comme de flux migra­­toires béné­­
fiques ;
––pour carac­­té­­ri­­ser et éva­­luer, à par­­tir des pres­­sions externes qui peuvent posi­­ti­­ve­­
ment ou néga­­ti­­ve­­ment affec­­ter leur deve­­nir et donc leur attractivité, les enjeux
aux­­quels ils ont ou auront à faire face, de manière à mieux déter­­mi­­ner les orien­­ta­
­tions qui leur sont offertes au béné­­fice de leurs res­­sor­­tis­­sants, face à des concur­­
rents qui peuvent se révé­­ler très proches1 ;
––tout en pre­­nant en compte la diver­­sité des enti­­tés éco­­no­­miques exté­­rieures qui sont
en rela­­tion avec eux, pour vendre, pour ache­­ter, pour s’ins­­tal­­ler, se for­­mer, les visi­
­ter, en recen­­sant les risques poten­­tiels qu’ils ont à consi­­dé­­rer, aussi bien du fait
d’aléas pro­­ve­­nant de l’envi­­ron­­ne­­ment (macro­risques) que des tran­­sac­­tions aux­­
quelles prennent part ces enti­­tés (micro­risques).
Tra­­di­­tion­­nel­­le­­ment, les États, espaces sou­­ve­­rains mais aussi espaces de pros­­pé­­rité
– voire, de bien-être – 2, déter­­minent avec une grande liberté d’action leurs orien­­ta­
­tions priori­­taires ; quitte, pour les plus libé­­raux d’entre eux, à lais­­ser une très large
liberté d’action aux agents éco­­no­­miques qui opèrent à l’inté­­rieur de leurs fron­­tières.
Ils consti­­tuent l’incar­­na­­tion pri­­vi­­lé­­giée du ter­­ri­­toire, tant sur le plan poli­­tique
qu’éco­­no­­mique et repré­­sentent des inter­­faces incontour­­nables entre les acti­­vi­­tés éco­
­no­­miques « domes­­tiques » et « l’inter­­na­­tional », en tant que points de pas­­sage obli­
­gés pour les agents éco­­no­­miques étran­­gers (per­­sonnes phy­­siques et per­­sonnes
morales) qui doivent se plier aux réglementations et aux auto­­ri­­sa­­tions qu’ils fixent
et délivrent pour réa­­li­­ser leurs tran­­sac­­tions.
Si la situa­­tion n’a pas fon­­da­­men­­ta­­lement changé, cer­­taines ten­­dances ins­­ti­­tution­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

nelles se sont affir­­mées au cours de la période récente, dans le cadre de l’ouver­­ture


inter­­na­­tionale obser­­vée, comme dans celui des évo­­lu­­tions qui se des­­sinent dans un

1.  En témoigne la décla­­ra­­tion du Pre­­mier Ministre bri­­tan­­nique, David Cameron, à l’ouver­­ture de la réunion du
G20, à Los Cabos, au Mexique, le 18 juin 2012, offrant aux entre­­pre­­neurs fran­­çais concer­­nés par l’ins­­tau­­ra­­tion
d’une nou­­velle tranche d’impôts à 75  % «  de leur dérou­­ler le tapis rouge  » à tra­­vers la Manche (!), afin qu’ils
puissent y délocaliser leur entre­­prise et venir y payer leurs impôts et finan­­cer les écoles anglaises (sic). Cf. Le
Monde, 19/6/2012.
2.  Depuis le déve­­lop­­pe­­ment du concept de « Welfare State », de l’« État Pro­­vi­­dence », à l’ini­­tiative loin­­taine de
Bis­mark, puis de Beveridge, qui ont ins­­piré les poli­­tiques sociales des Trente Glo­­rieuses : bien que battu en brèche
par la mon­­tée en puis­­sance du libé­­ralisme à par­­tir des années 80, le concept reste une réfé­­rence bien pré­­sente dans
les pays occi­­den­­taux, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment en Europe, comme aux États-­Unis, où le pré­­sident Obama s’est atta­­ché à le
faire pro­­gres­­ser, en par­­ti­­cu­­lier pour l’exten­­sion de la cou­­ver­­ture mala­­die, dont la Cour Suprême a confirmé en juin
2012, la compatibilité avec la consti­­tution amé­­ri­­caine.

75
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

cer­­tain nombre d’espaces éco­­no­­miques, et qui, pour l’heure, semblent devoir


s’étendre :
––ten­­dance au regrou­­pe­­ment, au sein de zones de libre-échange, comme l’ALENA,
ou d’Unions douanières, comme le Mercosur, ou encore d’unions économiques et
monétaires, comme l’Union euro­­péenne, compor­­tant des niveaux crois­­sants
d’aban­­don de sou­­ve­­rai­­neté, même si des résis­­tances s’y font jour1, éma­­nant de
cer­­tains pays membres, comme de cer­­tains groupes socio-­économiques2 ;
––ten­­dance à la décen­­tra­­li­­sa­­tion et à l’autonomisation des ter­­ri­­toires infra natio­­
naux, lorsque les pays ne pos­­sèdent pas déjà une struc­­ture fédé­­rale fon­­da­­trice
– comme par exemple les États-­Unis ou l’Inde –, par l’octroi à cer­­taines sub­­di­­vi­­
sions ter­­ri­­toriales – « régions » fran­­çaises ou ita­­liennes, autonomiàs espa­­gnoles,
etc. – des pou­­voirs et des moyens crois­­sants ; sans par­­ler des autres sub­­di­­vi­­sions,
comme en France les dépar­­te­­ments et, dans de très nom­­breux pays, les muni­­ci­­pa­
­li­­tés (par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, celles des grandes villes), qui se consi­­dèrent, de plus en
plus, comme des acteurs éco­­no­­miques majeurs dans le contexte actuel d’ouver­­ture
inter­­na­­tionale dans lequel elles cherchent à se posi­­tion­­ner de la manière la plus
avan­­ta­­geuse pos­­sible.
Le pre­­mier enjeu est devenu, pour les unes comme pour les autres, sur­­tout dans le
cli­­mat de crise endé­­mique puis, plus aiguë, qui a suc­­cédé – en Europe3, notam­­ment
– aux Trente Glo­­rieuses, le déve­­lop­­pe­­ment de l’acti­­vité éco­­no­­mique, comme créa­­
teur de richesses, d’emplois et de bien-être. Pour y répondre, un élé­­ment clé est
l’appui des auto­­ri­­tés aux agents éco­­no­­miques rési­­dant sur leur ter­­ri­­toire, pour y sti­­
mu­­ler leur expan­­sion à l’inté­­rieur comme à l’exté­­rieur de leurs limites. Un second
enjeu, pour elles, est leur capa­­cité à déve­­lop­­per les acti­­vi­­tés d’ores et déjà en lien
avec l’exté­­rieur – et pas seule­­ment les flux tou­­ris­­tiques – et d’atti­­rer des acti­­vi­­tés
nou­­velles et des talents indi­­vi­­duels, propres à valo­­ri­­ser les res­­sources qui y sont dis­
­po­­nibles et à en géné­­rer de nou­­velles – en sti­­mu­­lant, notam­­ment, l’inno­­va­­tion –, en
contri­­buant à se consti­­tuer et ren­­for­­cer des avan­­tages compé­­titifs dis­­tinctifs, ancrés
dans la durée, comme cherchent à le faire les entre­­prises.
L’évo­­lu­­tion s’accé­­lère, qui oblige à prendre en compte la diver­­sité des rôles qu’ont
à jouer les ter­­ri­­toires, quelle que soit leur posi­­tion dans la hié­­rar­­chie qui res­­sort de
l’orga­­ni­­sa­­tion de chaque pays. Ils doivent s’affir­­mer, à dif­­fé­­rents titres :

1.  Comme en témoignent les débats entre diri­­geants euro­­péens sur la mise en œuvre de la mutualisation des
dettes sou­­ve­­raines euro­­péennes à tra­­vers un Fonds européen de sta­­bi­­lité et ou la Banque cen­­trale euro­­péenne, et leur
accom­­pa­­gne­­ment par des aban­­dons de sou­­ve­­rai­­neté, en par­­ti­­cu­­lier au niveau de la poli­­tique bud­­gé­­taire des États
(cf. le pro­­jet d’« Union bud­­gé­­taire » dis­­cuté lors du som­­met euro­­péen des 27 et 28 juin 2012).
2.  Cf. repère 1.3 « Le dilemme grec » et repère 1.4 « Le Mercosur entre expan­­sion conti­­nen­­tale et repli natio­­nal ».
3.  D’autres régions du monde ont éga­­le­­ment subi, dans les pays de la Triade, l’impact de phé­­no­­mènes compa­­
rables, ayant eu ten­­dance à se per­­pé­­tuer au fil des décen­­nies. Ainsi, le Japon ne s’est jamais tota­­le­­ment relevé de
l’écla­­te­­ment de la bulle immo­­bi­­lière du début des années 1990 ; tout comme les régions indus­­trielles nord amé­­ri­­
caines du Nord et du Sud-Est, qui ont, presque toutes, du mal à trou­­ver un second souffle, même si cer­­tains ter­­ri­­
toires ont su se rele­­ver, comme, aux États-Unis, Chicago, à la dif­­fé­­rence de Détroit.

76
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

• C’est d’abord, comme enti­­tés clés, compa­­rables à d’autres orga­­ni­­sa­­tions, telles les
entre­­prises, plon­­gées dans le bain de la concur­­rence inter­­na­­tionale, face à des
concur­­rents simi­­laires, de taille compa­­rable, qui cherchent à valo­­ri­­ser leurs propres
atouts  : des villes capi­­tales, comme Paris riva­­li­­sant avec Londres pour les Jeux
Olym­­piques de 2012, des car­­re­­fours mari­­times, comme Rotterdam, face aux
grandes cités por­­tuaires du Nord de l’Europe, ou encore, des métro­­poles ten­­dant à
dépas­­ser leur dimen­­sion régio­­nale, comme Lyon, ten­­tant d’impo­­ser sa marque en
France1. À l’étran­­ger, ce pourront être aussi des régions, cher­­chant à affir­­mer leurs
avan­­tages compé­­titifs propres par rap­­port à leurs sem­­blables, proches ou dis­­
tantes2, avec les­­quels, par exemple, les inves­­tis­­seurs pour­­raient hési­­ter pour y
loca­­li­­ser une implan­­ta­­tion.
• C’est aussi comme sup­­ports, sinon comme «  pro­­tecteurs  », des agents éco­­no­­
miques locaux et, aussi étran­­gers – inves­­tis­­seurs directs, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment – qui
contri­­buent à sa richesse et fondent ses ambi­­tions, en leur pro­­cu­­rant un envi­­ron­­
ne­­ment favo­­rable, doté d’infra­­struc­­tures tan­­gibles (routes, ports, aéro­­ports, ser­­
vices col­­lec­­tifs…) et intan­­gibles (cadre juri­­dique, sys­­tème édu­­ca­­tif, sécu­­rité…),
indis­­pen­­sables à leur déve­­lop­­pe­­ment. Ce qui n’exclut pas de les favo­­ri­­ser par rap­
­port à la concur­­rence étran­­gère ou même d’éri­­ger des bar­­rières propres à l’entra­
­ver, par­­fois à la limite des enga­­ge­­ments qu’ils ont pris et des règles aux­­quelles ils
sont assu­­jet­­tis ou qu’ils doivent faire appli­­quer3.
• C’est, enfin, comme régu­­la­­teurs et garants de la sou­­ve­­rai­­neté. Ce qui se tra­­duit par
la volonté des auto­­ri­­tés qui les ani­­ment – par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment au niveau des États,
mais sans exclu­­sive – d’exer­­cer un contrôle étroit de sec­­teurs et de fonc­­tions, pour
elles, stra­­té­­giques – ser­­vices publics ou exploi­­ta­­tion de res­­sources natu­­relles,
appels d’offre ou octroi des finan­­ce­­ments… Ce qui peut même les conduire, au
nom de leur sou­­ve­­rai­­neté ter­­ri­­toriale, si elles jugeaient exces­­sive l’influ­­ence des
acteurs étran­­gers, à enca­­drer leur ges­­tion ou à limi­­ter leurs ambi­­tions, dans un
cadre pou­­vant se révé­­ler, par­­fois, très astrei­­gnant, sinon, à l’extrême, à les
contraindre, pure­­ment et sim­­ple­­ment, au retrait4.
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C’est donc dans une perspec­­tive, tout à la fois, offen­­sive et défen­­sive, qu’il faut
envi­­sa­­ger les stra­­té­­gies des ter­­ri­­toires – quel que soit leur niveau, supra­­na­­tional,
natio­­nal, régio­­nal ou muni­­ci­­pal… –, dans un contexte d’ouver­­ture inter­­na­­tionale
accrue.
En témoigne la situa­­tion de l’Argen­­tine, à la suite de la crise de 2001, qui per­­met
de mesu­­rer, tout à la fois, l’impact des poli­­tiques déve­­lop­­pées par ses diri­­geants

1.  Cf. exemple 2.3 « OnlyLyon ».


2.  Voir Viassone M. (2008), La gestione del vantaggio competitivo ter­­ri­­toriale in un contesto d’apertura
internazionale, Giapicelli, Turin.
3.  Cf. repère 2.2 « Des sur­­en­­chères gou­­ver­­ne­­men­­tales au bilatéralisme actif » et repère 2.3 « Vers un nou­­veau
pro­­tec­­tion­­nisme des éco­­no­­mies matures ? »
4.  Cf. cas intro­­duc­­tif du présent cha­­pitre « Promesas argentinas ».

77
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

– avant comme après la crise – et les impli­­ca­­tions qu’elles ont déter­­mi­­nées et déter­
­minent encore pour les par­­te­­naires éco­­no­­miques étran­­gers au pays – impor­­ta­­teurs et
don­­neurs d’ordres, expor­­ta­­teurs et inves­­tis­­seurs –. Les­­quels ont été, à cette occa­­sion,
confron­­tés à des macro et microrisques accrus et à la néces­­sité consé­­cu­­tive de
reconsi­­dérer leurs modes d’approche de ce pays à fort poten­­tiel mais pré­­sen­­tant tou­
­jours beau­­coup d’incer­­ti­­tudes.

Le plan du chapitre
Section 1 ■   Déve­­lop­­pe­­ment des ter­­ri­­toires : pro­­tec­­tion ou pro­­mo­­tion ?
Section 2 ■  Positionnement dyna­­mique des ter­­ri­­toires
Section 3 ■  La prise en compte du risque : « macro­risques » ­
et « micro­risques »

 Cas introductif
Promesas Argentinas1
L’his­­toire éco­­no­­mique de l’Argen­­tine, depuis le milieu du xixe siècle, appa­­raît
comme une longue suc­­ces­­sion de hauts et de bas. Ce pays qui occu­­pait le qua­­
trième rang des éco­­no­­mies mon­­diales à la veille de la Pre­­mière Guerre mon­­diale a,
depuis, perdu cette place avan­­ta­­geuse. Il n’en demeure pas moins la seconde puis­
­sance d’Amérique du Sud et est, à ce titre, membre du G20.
L’acti­­vité éco­­no­­mique long­­temps domi­­née par une oli­­gar­­chie ter­­rienne ayant érigé
l’éle­­vage en priorité natio­­nale, avait fait de l’Argen­­tine, res­­tée neutre pen­­dant les
deux conflits mon­­diaux, « la bou­­che­­rie du monde ». L’indus­­trie ne consti­­tuait qu’un
pan secondaire de son éco­­no­­mie, avec des acti­­vi­­tés de sub­­sti­­tution aux impor­­ta­­
tions qui avaient, cepen­­dant, pro­­gressé sous le régime popu­­liste du géné­­ral Peron,
jus­­qu’à ce que le coup d’état du géné­­ral Videla, ins­­tau­­rant un ultra­libé­­ralisme éco­
­no­­mique, asso­­cié à une ouver­­ture bru­­tale des fron­­tières, n’en ruine l’essen­­tiel.
Depuis le retour à la démo­­cra­­tie, à la fin des années 80, l’éco­­no­­mie argen­­tine a paru
rapi­­de­­ment reprendre de la vigueur avec une pro­­gres­­sion spec­­ta­­cu­­laire de son PNB,
sous la tutelle vigi­­lante des orga­­ni­­sa­­tions multi gou­­ver­­ne­­men­­tales – FMI et Banque
Mon­­diale – pour prix de leur sou­­tien finan­­cier. La réduc­­tion du défi­­cit consti­­tuait une
priorité, de même que la libé­­rali­­sa­­tion de l’orga­­ni­­sa­­tion éco­­no­­mique, condui­­sant à
une pri­­va­­ti­­sation sys­­té­­ma­­tique des actifs déte­­nus par l’État depuis la période

1.  Ce cas dans sa ver­­sion déve­­lop­­pée (avec notice péda­­go­­gique), sera dis­­po­­nible en fran­­çais et en anglais en
2013-2014 à la Cen­­trale des Cas et des Moyens Péda­­go­­giques. (Jean-Paul Lemaire et Di­ego Lopez, Promesas
Argentinas).

78
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2


péroniste, avec, pour résul­­tat, un afflux d’argent frais et une réduc­­tion signi­­fi­­ca­­tive
de l’endet­­te­­ment du pays ; mais, hélas, sans mesures sup­­plé­­men­­taires d’accom­­pa­­
gne­­ment, propres à limi­­ter les dépenses publiques, et, donc, à terme, condui­­sant à
la reprise et à la pro­­gres­­sion iné­­luc­­tables du défi­­cit bud­­gé­­taire.
L’infla­­tion, qui avait atteint des som­­mets pen­­dant la dic­­ta­­ture mili­­taire1 avait été endi­
g­ uée en éta­­blis­­sant un lien fixe entre le peso, et le dol­­lar – le currency board –, sur la
base d’un peso pour un dol­­lar, pré­­sen­­tant, cepen­­dant, le risque d’une sur­­éva­­lua­­tion
pénalisante pour les expor­­ta­­tions natio­­nales. L’ouver­­ture des fron­­tières, engen­­drait des
flux d’impor­­ta­­tions, sti­­mu­­lées par la prime de change qui leur était offerte. De plus,
elle faci­­li­­tait les sor­­ties de capi­­taux, béné­­fi­­ciant à court terme au consom­­ma­­teur, mais
han­­di­­capant les pro­­duc­­teurs locaux qui ne pou­­vaient, ni riva­­li­­ser avec les éco­­no­­mies
d’échelle de leurs concur­­rents étran­­gers, ni s’appuyer sur les res­­sources finan­­cières
qu’auraient pu leur appor­­ter le rapatriement des capi­­taux ayant quitté le pays. En
consé­­quence, l’endet­­te­­ment exté­­rieur se creusait à nou­­veau, s’alour­­dis­­sant pro­­gres­­si­
­ve­­ment tout au long des années 90, affai­­blis­­sant l’éco­­no­­mie en la ren­­dant plus sen­­
sible aux contrecoups des crises régio­­nales, comme la crise mexicaine de 95 – la crise
de la Tequila –, comme les hauts et les bas du grand voi­­sin bré­­si­­lien…
Para­­doxa­­le­­ment, l’Argen­­tine, désor­­mais bon élève du FMI, connais­­sait une crois­­
sance appa­­rente, arti­­fi­­ciel­­le­­ment entre­­te­­nue par les inves­­tis­­se­­ments étran­­gers, se
tra­­dui­­sant par des acqui­­si­­tions, ou de la crois­­sance orga­­nique, alors que les défi­­cits
publics, comme les impor­­ta­­tions de pro­­duits manu­­fac­­tu­­rés ne ces­­saient d’aug­­men­
­ter. Ce qui ali­­mentait une dette exté­­rieure, inlas­­sa­­ble­­ment finan­­cée par les banques
étran­­gères, se fiant au sou­­tien des ins­­ti­­tutions finan­­cières inter­­na­­tionales, per­­sua­­
dées sans doute qu’elles ne pou­­vaient lais­­ser le pays faire faillite…
Lorsque Fernando de la Rua prit la suc­­ces­­sion de Carlos Menen, en octobre 1999,
les finances du pays étaient en ruine. 15 à 20 mil­­lions d’Argen­­tins, selon les esti­­
mations d’alors, sur 37, vivaient en des­­sous du seuil de pau­­vreté. La dette s’était
accrue de 12  milliards pour la seule année 1999. La situa­­tion s’assom­­bris­­sant
encore avec la pour­­suite de l’appré­­cia­­tion du dol­­lar sur les mar­­chés des changes,
entraî­­nant à la hausse le peso, alors que le réal bré­­si­­lien, lui, déva­­luait.
Le refus du FMI, fin 2001, de libé­­rer au pro­­fit de l’Argen­­tine une nou­­velle tranche
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de prêt, met­­tait un terme à cette fuite en avant, son­­nant le glas du currency board
et du régime de libre conver­­ti­­bi­­lité, tan­­dis que les auto­­ri­­tés met­­taient en place le
corralito, limi­­tant de façon dras­­tique à 250  $ par semaine les retraits à par­­tir des
comptes en banque des indi­­vi­­dus comme des entre­­prises, gelant ainsi les dépôts
ban­­caires. À quelques heures de la publi­­ca­­tion de la déci­­sion des auto­­ri­­tés, début
décembre, les pesos s’échan­­geaient déjà, à deux pesos pour un dol­­lar dans le vent
de panique qui commen­­çait à souf­­fler et qui devait, au cours des semaines sui­­
vantes, jeter dans la rue jus­­qu’aux Argen­­tins des classes moyennes, conscients de
bas­­cu­­ler dans la pré­­ca­­rité. Les gigan­­tesques concerts de cas­­se­­roles, les cacerolazos,
se déclen­­chèrent dans tout le pays, dou­­blés d’émeutes et de pillages qui firent une
tren­­taine de morts, jetant le dis­­crédit sur une classe poli­­tique inca­­pable d’assu­­mer
ses res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés et pous­­sant fina­­le­­ment le président de la Rua à la démis­­sion. À
l’issue d’une année de crise, la pro­­duc­­tion indus­­trielle s’était lit­­té­­ra­­le­­ment effon­­
drée, comme le pou­­voir d’achat, avec une hausse du chô­­mage et une nou­­velle et

1.  650 %, encore en 1985, au len­­de­­main du retour à la démo­­cra­­tie.

79
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


spec­­ta­­cu­­laire aug­­men­­ta­­tion de la pau­­vreté. L’infla­­tion connais­­sait une forte pous­­
sée1, même si la balance commer­­ciale a­ccusait un excé­­dent de près de 14 milliards
de dol­­lars, au prix d’une dimi­­nu­­tion de près de 60 % des impor­­ta­­tions2.
Mais la situa­­tion du pays, un temps isolé par le contrôle des changes, avec une dette
colos­­sale à rem­­bour­­ser3, en situa­­tion d’« éco­­no­­mie de guerre » allait pro­­gres­­si­­ve­­
ment s’amé­­lio­­rer4 : aux « vingt piteuses » (1982-2002), allaient suc­­cé­­der des « trois
glo­­rieuses  » (2003-2005)5 avec une crois­­sance de 9  % en moyenne  ; moindre,
cepen­­dant, depuis, en dépit de la santé long­­temps remar­­quable du grand voi­­sin
bré­­si­­lien et du main­­tien à un niveau rela­­ti­­ve­­ment élevé, mal­­gré la crise mon­­diale,
des prix des res­­sources miné­­rales et des den­­rées agri­­coles dont le pays regorge.
En contraste avec le libé­­ralisme domi­­nant qui l’avait long­­temps pré­­cédé, le régime
popu­­liste ins­­tauré en mai 2003 par le pré­­sident Kirchner, auquel a suc­­cédé dans la
même ligne poli­­tique son épouse, élue pré­­si­­dente après sa dis­­pa­­ri­­tion, a, tout
d’abord, donné la pré­­fé­­rence au redres­­se­­ment à court terme. Il favo­­ri­­sait simul­­ta­­né­
­ment, au nom du patrio­­tisme éco­­no­­mique, la créa­­tion de socié­­tés éta­­tiques ou
contrô­­lées par l’État6, remet­­tant en ques­­tion, du même coup la pré­­sence de cer­­tains
inves­­tis­­seurs étran­­gers, les encou­­ra­­geant par­­fois même, pure­­ment et sim­­ple­­ment, à
quit­­ter le pays. Tel a été le cas d’entre­­prises euro­­péennes – fran­­çaises7 en par­­ti­­cu­­lier8 –,
tan­­dis que Nestor Kirchner9, en juin 2006, n’hési­­tait pas à mobi­­li­­ser la moi­­tié de son
gou­­ver­­ne­­ment pour l’inau­­gu­­ra­­tion de la nou­­velle ligne de pro­­duc­­tion de PSA à
Palomar, dans la ban­­lieue de Buenos Aires.

1.  Les prix de gros pro­­gres­­sant de 120 % au cours de l’année en rai­­son de la déva­­lua­­tion du peso (le dol­­lar se
négo­­ciant alors à 3,6 pesos).
2.  Le niveau des expor­­ta­­tions dimi­­nuant lui-­même de 6 %.
3.  Cf. Joseph Stiglitz, « Leçons d’Argen­­tine », Les Échos, 21 jan­­vier 2002.
4.  Il fau­­dra trois années pour que les créan­­ciers de l’Argen­­tine s’entendent dans le cadre d’une nou­­velle pro­­cé­­
dure pour déci­­der de la liqui­­da­­tion de 75 % de la dette (cf. Sgard J. « Restruc­­tu­­ra­­tion de la dette : le cas argen­­tin »,
Pro­­blèmes Éco­­no­­miques, 1er février 2006).
5.  Trucy J.P., Planque M., Situa­­tion éco­­no­­mique de l’Argen­­tine (prin­­temps 2006), Ambas­­sade de France en
Argen­­tine, Mis­­sion Éco­­no­­mique.
6.  Comme Enarsa, des­­ti­­née à réagir, selon le gou­­ver­­ne­­ment argen­­tin, dans le sec­­teur éner­­gé­­tique, notam­­ment, au
sous inves­­tis­­se­­ment des inves­­tis­­seurs pri­­vés (pro­­duc­­tion, indus­­tria­­li­­sa­­tion, trans­­port et commer­­cia­­li­­sa­­tion du pétrole,
du gaz et de l’élec­­tri­­cité).
7.  Et les Fran­­çais n’étaient pas les seuls dans le col­­li­­ma­­teur : Shell ayant voulu réper­­cu­­ter en 2005 la hausse
mon­­diale des prix du pétrole sur les prix à la pompe, pro­­vo­­quait immédiatement, de la part de la plus haute auto­­rité
de l’État, un appel au boy­­cott de toute les sta­­tions ser­­vice de la compa­­gnie, obli­­geant celle-­ci à faire marche arrière,
après avoir enre­­gis­­tré une baisse de ses ventes de 70 %… !
8.  Comme EDF qui déci­­dait, à la fin du pre­­mier semestre 2005, de vendre 65 % d’Endenor, qui ali­­men­­tait en
élec­­tri­­cité le Nord de Buenos Aires, à Dolphin, un fonds d’inves­­tis­­se­­ment privé argen­­tin (cf. D’Erceville B. « EDF
peau­­fine sa sor­­tie d’Argen­­tine avant celle du Bré­­sil », La Tri­­bune, 30 juin 2005).
9.  En réponse à l’inter­­dic­­tion d’aug­­men­­ter ses tarifs, Suez annon­­çait, de son côté, en sep­­tembre, son retrait
d’Aguas Argentinas (compa­­gnie en charge de l’assai­­nis­­se­­ment et de la dis­­tri­­bu­­tion des eaux dans la région du Grand
Buenos Aires)  ; le gou­­ver­­ne­­ment met­­tant fin à sa conces­­sion en mars 2006 et trans­­férant les actifs à AySa, une
société d’État nou­­vel­­le­­ment créée, sui­­vant en cela un mou­­ve­­ment déjà amorcé depuis plu­­sieurs mois de reprise par
l’État de socié­­tés de ser­­vice public. Au pas­­sage, les dis­­tri­­bu­­teurs Car­­re­­four et Casino étaient eux-­mêmes accu­­sés
par le pré­­sident Kirchner, dans le cadre d’une très média­­tique cam­­pagne anti-­inflation, de « por­­ter atteinte au por­­
te­­feuille des Argen­­tins », (cf. Ubertalli O. « Argen­­tine, faites le pari de l’entre­­prise ! », Le Moci, n°1746, 16 mars
2006). Plus récem­­ment l’entre­­prise pétro­­lière espa­­gnole, Repsol, vient de connaître un sort compa­­rable à celui de
Suez (voir, infra, dans le présent cha­­pitre, repère 2.1 « Les remon­­tées du Pro­­tec­­tion­­nisme : le constat »).

80
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2


C’est dans un tel contexte, fai­­sant, tout à tour, souf­­fler le chaud et le froid, que les
inves­­tis­­seurs étran­­gers avaient à se déter­­mi­­ner quant à la pour­­suite de leur déve­­lop­
­pe­­ment dans le pays ; cer­­taines acti­­vi­­tés ayant le vent en poupe et pré­­sen­­tant des
attraits cer­­tains, mal­­gré une insta­­bi­­lité éco­­no­­mique tou­­jours per­­sis­­tante et des réac­
­tions tein­­tées d’oppor­­tu­­nisme des diri­­geants locaux. Ce qui explique la pru­­dence
per­­sis­­tante des orga­­nismes d’assu­­rance-cré­­dit, comme la Co­face fran­­çaise, le
Ducroire belge ou l’ECGD bri­­tan­­nique1.
Mais, en dehors des entre­­prises ancien­­ne­­ment implan­­tées souvent, fortement capi­
talistiques qui ont long­­temps lutté pour leur sur­­vie, il est des sec­­teurs attrac­­tifs pour
les inves­­tis­­seurs étran­­gers : pré­­ci­­sé­­ment ceux où l’on a besoin de leur savoir-faire et,
qui, symé­­tri­­que­­ment, peuvent béné­­fi­­cier des avan­­tages locaux (compé­­tences tech­­
niques, managériales ou lin­­guis­­tiques, res­­sources natu­­relles, cli­­mat…). Cer­­tains de
ces sec­­teurs relèvent essen­­tiel­­le­­ment des ser­­vices, comme les tech­­no­­logies de
l’infor­­ma­­tion, ne néces­­si­­tant pas d’inves­­tis­­se­­ments consi­­dé­­rables, et pou­­vant tirer
parti de la qua­­lité des per­­son­­nels du pays, comme du faible niveau des coûts d’une
main-d’œuvre très qua­­li­­fiée dans des acti­­vi­­tés qui en sont très consom­­ma­­trices.
Dans le domaine agri­­cole, cer­­tains ont éga­­le­­ment pu tirer avan­­tage de la crise, atti­
­rés, qu’ils étaient, par des coûts d’acqui­­si­­tion très avan­­ta­­geux des actifs locaux, tout
en appor­­tant leur savoir-faire, comme en témoigne l’ins­­tal­­la­­tion de nombre de viti­
­culteurs étran­­gers – ins­­tal­­lés dans la région de Mendoza2, notam­­ment –, imi­­tés par
des indus­­triels inter­­na­­tionaux de l’agro­ali­­men­­taire3.
L’inves­­tis­­se­­ment direct en Argen­­tine sup­­pose donc de vaincre nombre de dif­­fi­­cultés
struc­­tu­­relles, de fran­­chir bien des obs­­tacles et d’affron­­ter bien des incer­­ti­­tudes ; sans
par­­ler des lour­­deurs admi­­nis­­tra­­tives et de la cor­­rup­­tion4, même si l’Argen­­tine est
loin d’en avoir le mono­­pole…
Comment, dès lors, carac­­té­­ri­­ser le « risque argen­­tin », pour les inves­­tis­­seurs, mais,
aussi, pour les expor­­ta­­teurs et les impor­­ta­­teurs étran­­gers de biens et de ser­­vices ?
Quels en sont les causes per­­ma­­nentes ? Les causes conjonc­­tu­­relles ? Quelles sont
les oppor­­tu­­ni­­tés que pré­­sente ce pays pour les agents éco­­no­­miques étran­­gers (les
indi­­vi­­dus comme les orga­­ni­­sa­­tions) ? Dans quels sec­­teurs par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment ? Pour
quels types de tran­­sac­­tions commer­­ciales, pour quels types d’inves­­tis­­se­­ments
directs ? Quelles seraient les pré­­cau­­tions à prendre pour ces dif­­fé­­rentes opé­­ra­­tions
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afin de minimi­­ser l’expo­­si­­tion aux risques ? Quels modes d’entrée (filiale, suc­­cur­­sale,
par­­te­­na­­riat local ou étran­­ger…) seraient, en consé­­quence, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment à
pré­­co­­ni­­ser ?

1.  Cf. repère 2.6 « Du risque poli­­tique au risque pays ».


2.  Cf. cas intro­­duc­­tif du cha­­pitre 3, « Wines of Argentina  » dans un sec­­teur mon­­dial du vin en pleine évo­­lu­­
tion ».
3.  Les ini­­tiatives prises par Nestlé ou, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, par Danone à tra­­vers le rachat d’entre­­prises locales
et la créa­­tion de joint ventures, démontrent éga­­le­­ment que l’Argen­­tine offre bon nombre d’oppor­­tu­­ni­­tés, tant pour
y déve­­lop­­per ses ventes que pour y ini­­tier des opé­­ra­­tions d’expor­­ta­­tion ou encore pour y délocaliser cer­­taines étapes
de sa chaîne de valeur. Car­­re­­four, via sa plateforme de Sacomo n’exporte pas moins de 18 000 tonnes de fruits et
légumes, repré­­sen­­tant un mon­­tant de 17 mil­­lions de dol­­lars, vers ses maga­­sins euro­­péens…
4.  Obte­­nir un visa de tra­­vail ou déblo­­quer un contai­­ner immo­­bi­­lisé en douane peut y exi­­ger le ver­­se­­ment d’une
commis­­sion en liquide  ; sans doute comme dans bien des pays où les fonc­­tion­­naires sont notoi­­re­­ment sous
payés…

81
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

L’ambiguïté de l’atti­­tude des auto­­ri­­tés locales – ici, dans le cas de l’Argen­­tine, des auto­
­ri­­tés natio­­nales –, sou­­ligne, au pas­­sage, le rôle qu’elles jouent dans le déve­­lop­­pe­­ment des
rela­­tions entre le ter­­ri­­toire qu’elles admi­­nistrent et dont elles sou­­haitent pro­­mou­­voir les
avan­­tages compé­­titifs et les agents éco­­no­­miques étran­­gers qui essaient d’y déve­­lop­­per des
tran­­sac­­tions. Res­­sortent aussi, plus géné­­ra­­le­­ment, de ce cas la complexité et la spé­­ci­­ficité
de chaque contexte, comme la néces­­sité de pro­­cé­­der à leur ana­­lyse dans une perspec­­tive
de court terme, sans négli­­ger pour autant les ensei­­gne­­ments de l’His­­toire.
Se retrouvent, aussi, la diver­­sité des rôles des auto­­ri­­tés et leur recherche, tout à la
fois, du déve­­lop­­pe­­ment du ter­­ri­­toire, en s’appuyant sur les res­­sources venues de
l’exté­­rieur, comme de la pro­­tec­­tion des acteurs locaux qu’elles admi­­nistrent et dont
elles se font sou­­vent les hérauts. Elles se placent ainsi dans une tra­­di­­tion pro­­tec­­tion­
­niste tout en des­­si­­nant de nou­­velles dyna­­miques conci­­liant ces deux impé­­ra­­tifs, à
leurs yeux, complé­­men­­taires plus que contra­­dic­­toires.
Après avoir sou­­li­­gné l’exis­­tence de réma­­nences – sinon de résur­­gences – pro­­tec­­tion­
­ istes, ce sont ces der­­nières que l’on s’atta­­chera à for­­ma­­li­­ser et d’essayer de cla­­ri­­fier, à
n
l’aide du modèle PREST, appli­­qué ici aux ter­­ri­­toires1 : tout d’abord en iden­­ti­­fiant les
pres­­sions externes, posi­­tives et néga­­tives, conjonc­­tu­­relles et struc­­tu­­relles, sus­­cep­­tibles
de s’exer­­cer ici sur eux (niveau 1 du PREST), pour en déduire, dans un second temps,
les défis que les auto­­ri­­tés auront à rele­­ver (niveau 2 du PREST), leur permettant
d’opérer les «  leviers  » appropriés dans le cadre de leurs politiques économiques
(niveau 3 du PREST).
Cette pre­­mière étape per­­met­­tra, ensuite, de pro­­po­­ser une grille de posi­­tion­­ne­­ment
des ter­­ri­­toires en termes d’attractivité (le modèle « 4 x i »), qui sera appli­­quée ici
aux ter­­ri­­toires natio­­naux, et, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, aux pays émergents, en se réfé­­
rant aux deux pays que l’on vient de mobi­­li­­ser comme exemples ; l’un – le Vietnam
– comme cas d’appli­­ca­­tion du cha­­pitre pré­­cé­­dent, l’autre – l’Argen­­tine –, comme
cas intro­­duc­­tif du présent cha­­pitre. Ce qui per­­met­­tra de mieux déga­­ger les impli­­ca­­
tions opé­­ra­­tion­­nelles aux­­quelles conduit la mise en œuvre de ce modèle  : niveau
d’attractivité, oppor­­tu­­ni­­tés et menaces res­­pec­­tives qu’ils pré­­sentent, comme modes
d’entrée consé­­cu­­ti­­ve­­ment envi­­sa­­geables pour les orga­­ni­­sa­­tions dési­­rant déve­­lop­­per
leurs rela­­tions avec l’un et/ou avec l’autre.
En complé­­ment de cette approche des ter­­ri­­toires, il sera oppor­­tun, du point de vue
des orga­­ni­­sa­­tions qui ont éta­­bli ou éta­­blissent des rela­­tions éco­­no­­miques avec eux,
de pré­­ci­­ser les risques, aux­­quels elles se trou­­veront expo­­sées ; aussi bien ceux, résul­
­tant des par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés de leur envi­­ron­­ne­­ment macro­éco­­no­­mique (macro­risques) que
des risques opé­­ra­­tion­­nels (micro­risques), qui en découlent bien sou­­vent.

1.  Au cha­­pitre sui­­vant, il sera appli­­qué aux espaces de réfé­­rence « géo-­sectoriels » se concen­­trant sur un sec­­teur,
une indus­­trie ou une acti­­vité dans un espace géo­­gra­­phique donné, par exemple, le sec­­teur du vin en Argen­­tine
(cf. cas introdutif cha­­pitre 3, « Wines of Argentina »), per­­met­­tant de foca­­li­­ser davan­­tage l’approche d’un point de
vue qui sera davan­­tage celui d’une entre­­prise ou d’un groupe d’entre­­prises que celui du ter­­ri­­toire, comme par­­tie
pre­­nante prin­­ci­­pale à la défi­­ni­­tion d’une stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.

82
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

Section
1 Déve­­lop­­pe­­ment des ter­­ri­­toires : pro­­tec­­tion
ou pro­­mo­­tion ?

Long­­temps entraînées dans le sillage des grandes éco­­no­­mies occi­­den­­tales dans la


mou­­vance libé­­rale domi­­nante, dont la dyna­­mique comme les limites ont été pré­­cé­­
dem­­ment évo­­quées, les auto­­ri­­tés des pays émergents, en dépit des accords dont
ceux-­ci sont deve­­nus par­­ties pre­­nantes, n’en ont pas moins recouru à des pra­­tiques
res­tric­­tives, bien avant les crises récentes, adop­­tant des mesures propres à encou­­ra­­
ger – sinon à favo­­ri­­ser – plus encore leurs agents éco­­no­­miques locaux.
Ces pra­­tiques apparaissent légi­­times dans les pays en situa­­tion de tran­­si­­tion après
une récente adhé­­sion à l’OMC1 ou astreints à faire face à des chocs conjonc­­tu­­rels
exté­­rieurs, ou encore – et de manière plus dis­­cu­­table. Elles peuvent être mises en
œuvre par des pays estimant subir une menace jugée insup­­por­­table pour leur éco­­no­­
mie, et sont sou­­vent pré­­sen­­tées comme des mesures occa­­sion­­nelles, spé­­ci­­fiques ou
iso­­lées. Cepen­­dant, elles ont pu être iden­­ti­­fiées comme fai­­sant par­­tie d’une démarche
struc­­tu­­rée, de la part de cer­­taines auto­­ri­­tés natio­­nales, visant à pré­­ser­­ver ou à pro­­mou­
­voir cer­­tains sec­­teurs jugés stra­­té­­giques. Leur but serait de décourager la concur­­rence
étran­­gère chez eux ou de sou­­te­­nir leurs « cham­­pions natio­­naux » à l’étran­­ger plu­­tôt
que de pro­­té­­ger leurs fron­­tières de façon trop visible.

c Repère 2.1
Les remon­­tées du pro­­tec­­tion­­nisme : le constat2
À l’approche du som­­met du G20 à Los Cabos, au Mexique, en juin 2012, à l’occa­­sion
de la publi­­ca­­tion de son neu­­vième rap­­port sur l’état du pro­­tec­­tion­­nisme l’Union euro­
­péenne fait état d’une mon­­tée consi­­dé­­rable du protectionnisme à l’échelle mon­­diale
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avec l’appa­­ri­­tion de 128 nou­­velles res­tric­­tions, soit 25 % d’aug­­men­­ta­­tion au cours des
huit mois pré­­cé­­dents, soit 534 mesures défen­­sives réper­­to­­riées depuis le début de la
crise, en octobre 2008.
Le fait que les pays émergents souffrent de la crise, par contrecoup du ralen­­tis­­se­­ment
de l’acti­­vité éco­­no­­mique dans les éco­­no­­mies matures expli­­que­­rait qu’ils figurent au
pre­­mier rang des «  mau­­vais élèves  »  : l’Argen­­tine, avec 119 mesures défen­­sives, la
Russie, 86, l’Indonésie, 59, le Bré­­sil, 38, la Chine, 30, l’Inde, 24, l’Afrique du Sud, 22.
Certaines de ces mesures sont plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment mises en exergue dans le rap­­port :
après l’expro­­pria­­tion du groupe pétro­­lier espa­­gnol Repsol de sa filiale YPF, les nou­­
velles pro­­cé­­dures de pré-enre­­gis­­tre­­ment des impor­­ta­­tions de mar­­chan­­dises décidées par

1.  C’est le cas des mesures tran­­si­­toires pré­­vues dans les pro­­cé­­dures d’adhé­­sion.
2.  Cf. « Les bar­­rières pro­­tec­­tion­­nistes se mul­­ti­­plient dans le monde », M.C. Corbier, Les Échos, 7/6/2012.

83
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


l’Argen­­tine, la pré­­pa­­ra­­tion par la Russie, pour­­tant proche de l’issue de son pro­­ces­­sus
d’adhé­­sion à l’OMC, d’une légis­­la­­tion pré­­fé­­ren­­tielle pour les véhi­­cules de fabri­­ca­­tion
natio­­nale dans le cadre des mar­­chés publics, ou encore, l’aug­­men­­ta­­tion de 30  %
décidée par le Bré­­sil des taxes sur les pro­­duits indus­­triels et l’inter­­dic­­tion par l’Inde, en
mars, de l’impor­­ta­­tion de coton.
Ce qui n’empêche pas ces pays de se jus­­ti­­fier, les uns en oppo­­sant, comme Cristina
Kirchner, le « pro­­tec­­tion­­nisme légal » des pays déve­­lop­­pés au « pro­­tec­­tion­­nisme popu­
­liste » des émergents, les autres en enga­­geant, comme la Chine, l’Union euro­­péenne à
ne pas recou­­rir au pro­­tec­­tion­­nisme, en écho à la réso­­lu­­tion du Par­­le­­ment européen à
s’oppo­­ser à la « concur­­rence déloyale » de leurs entre­­prises.

Ces pra­­tiques, struc­­tu­­rées dans le cadre d’ensemble défini par chaque pays
concerné, ont été dési­­gnées sous le terme de «  poli­­tiques commer­­ciales stra­­té­­
giques » par Krugman1, qui retient essen­­tiel­­le­­ment les moti­­vations et les mesures de
pro­­tec­­tion et de pro­­mo­­tion sans tou­­jours consi­­dé­­rer l’ensemble du contexte qui sert
de réfé­­ren­­tiel aux mesures que les États auraient à enga­­ger. Face à ce que l’on pour­
­rait qua­­li­­fier de « nou­­veau pro­­tec­­tion­­nisme », l’ana­­lyse des pres­­sions externes appli­
­quée aux ter­­ri­­toires per­­met­­tra de prendre en compte les prin­­ci­­paux déter­­mi­­nants de
l’ouver­­ture inter­­na­­tionale de chaque espace consi­­déré et d’en déduire les enjeux
aux­­quels il se trouve confronté. Ce qui devrait faci­­li­­ter l’iden­­ti­­fi­­cation, au niveau de
chaque ter­­ri­­toire, des « leviers » qu’il serait pos­­sible d’uti­­li­­ser pour amé­­lio­­rer son
posi­­tion­­ne­­ment.

1  Les ambiguïtés de la poli­­tique commer­­ciale stra­­té­­gique

Cette approche repré­­sente, dans une cer­­taine mesure, une résur­­gence du « pro­­tec­
t­ion­­nisme édu­­ca­­teur2 », et a tou­­jours connu la faveur de cer­­taines auto­­ri­­tés natio­­
nales – en par­­ti­­cu­­lier, l’admi­­nis­­tra­­tion amé­­ri­­caine –, spé­­cia­­le­­ment pen­­dant les
périodes de crise. Elles remettent en cause, en effet, au moins par­­tiel­­le­­ment, la thèse
du libre-­échange.
Selon ses pro­­mo­­teurs, dans les sec­­teurs où règne la concur­­rence pure et par­­faite
– une mul­­ti­­tude de ven­­deurs étant confron­­tée à une mul­­ti­­tude d’ache­­teurs –, les prin­
­cipes de la libre concur­­rence doivent être appli­­qués. Mais, à l’inverse, dans cer­­tains

1.  Voir, notam­­ment, Krugman P., « Im­port Pro­­tec­­tion as Ex­port Pro­­mo­­tion  : Inter­­na­­tional Competition in the
Presence of Oligopoly and Economies of Scale », in : H. Kierzkowski, Monopolistic Competition and Inter­­na­­tional
Trade, Oxford, Clarendon Press, 1984.
2.  Appli­­quée de manière pri­­vi­­lé­­giée aux «  indus­­tries nais­­santes  », cette thèse jus­­ti­­fie l’exis­­tence de bar­­rières
tari­­faires et non tari­­faires éle­­vées et d’une poli­­tique de sou­­tien active des pou­­voirs publics, en par­­ti­­cu­­lier lors­­qu’un
pays connaît des retards sec­­to­­riels impor­­tants par rap­­port à ses concur­­rents, Voir aussi, Sys­­tème Natio­­nal d’Éco­­no­
­mie Poli­­tique, F. List, Elibron classics ; pour la pre­­mière fois publié en 1840.

84
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

autres, se situant sou­­vent à un niveau glo­­bal, une situa­­tion de « concur­­rence oligo­­


polis­­tique  », per­­met à quelques entre­­prises dans le monde, par­­ties pre­­nantes
d’« oligo­­poles mon­­diaux », de pra­­ti­­quer des prix plus éle­­vés et, donc, de réa­­li­­ser des
pro­­fits plus impor­­tants sans contre­­par­­tie, aux dépens des consom­­ma­­teurs de
l’ensemble des pays non pro­­duc­­teurs.
Dès lors, « si un pays est capable d’aider ses propres entre­­prises à faire par­­tie de
ces oligo­­poles, ces pro­­fits sup­­plé­­men­­taires ne s’échap­­pe­­ront plus vers l’étran­­ger et,
fina­­le­­ment, son commerce exté­­rieur déga­­gera un sur­­plus1. »
Dif­­fé­­rents moyens peuvent alors être mis en œuvre : aider une entre­­prise natio­­nale
à atteindre une taille suf­­fi­­sante, sub­­ven­­tion­­ner sa recherche et ses inves­­tis­­se­­ments,
direc­­te­­ment ou sous cou­­vert de commandes publiques, contra­­rier les impor­­ta­­tions
des pro­­duits concur­­rents étran­­gers. Structurellement, les sec­­teurs rete­­nus pré­­sentent
un « pro­­fil » à carac­­tère glo­­bal : ils recèlent en géné­­ral un poten­­tiel impor­­tant d’éco­
­no­­mies d’échelle, requièrent des efforts de recherche et déve­­lop­­pe­­ment consi­­dé­­
rables, néces­­sitent des inves­­tis­­se­­ments ini­­tiaux très impor­­tants, comportant, dès le
départ, des bar­­rières à l’entrée dif­­fi­­ci­­le­­ment fran­­chis­­sables. Les semi-conduc­­teurs
comme l’aéro­­nau­­tique cor­­res­­pondent, entre autres exemples, à ce type d’indus­­trie.
De la même façon, ce sont dans ces sec­­teurs que les pays émergents encou­­ragent,
sou­­tiennent et ren­­forcent leurs grands acteurs locaux de manière à en faire des
« cham­­pions inter­­na­­tionaux2 », des­­ti­­nés pré­­ci­­sé­­ment à deve­­nir, à terme, par­­ties pre­
­nantes des « oligo­­poles mon­­diaux3 ».
Il reste, cepen­­dant, que le déploie­­ment géo­­gra­­phique de nom­­breuses entre­­prises
oligopolistiques, au nom de l’opti­­mi­­sation inter­­na­­tionale de la chaîne de valeur4, a
consi­­dé­­ra­­ble­­ment évo­­lué au fil des années, avec la mul­­ti­­pli­­cation des délocalisations.
Elle conduit à s’inter­­ro­­ger sur les béné­­fices que tirent, en défi­­ni­­tive, les pays d’ori­­
gine, d’orga­­ni­­sa­­tions qui, certes, s’enra­­cinent his­­to­­ri­­que­­ment dans leur espace natio­
­nal, mais dont l’essen­­tiel de l’acti­­vité se situe hors de ses fron­­tières.
Les « indus­­tries nais­­santes » ont été tra­­di­­tion­­nel­­le­­ment mieux prises en compte,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans les pays émergents, et ont jus­­ti­­fié les mesures de pro­­tec­­tion
déployées autour d’elles. Elles ont été et res­­tent des priori­­tés dans nombre de pays,
sur­­tout si elles pré­­sentent un carac­­tère stra­­té­­gique, liées à la défense ou per­­met­­tant
au pays d’échap­­per à une dépen­­dance exces­­sive de l’exté­­rieur, comme dans les sec­
­teurs domi­­nés par les oligo­­poles mon­­diaux. Mais d’autres modes de déve­­lop­­pe­­ment
peuvent leur être pré­­férés, par le biais de mesures inci­­ta­­tives au trans­­fert de tech­­no­
­logie, en obli­­geant les entre­­prises étran­­gères dési­­reuses de s’implan­­ter de consti­­tuer
des entre­­prises conjointes, des joint ventures, avec des acteurs locaux ou en leur

1.  Levinson M., « Is Strategic Trade Fair Trade? », Across the Board, juin 1988, in : Pro­­blèmes éco­­no­­miques,
n° 2128, 7/6/88.
2.  Cf. cas intro­­duc­­tif du cha­­pitre 4 « Huawei, la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der tech­­no­­lo­­gique mon­­dial ».
3.  Voir aussi, « Made by China. Les secrets d’une conquête indus­­trielle », J.F. Dufour, Dunod, 2012.
4.  Voir supra, Intro­­duc­­tion §3.

85
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

pro­­po­­sant des contrats de trans­­fert de tech­­no­­logie contre l’accès à des mar­­chés d’un
volume sans équi­­va­­lent dans le monde1. Les pays émergents concer­­nés en pro­­fi­­
teront pour mettre à niveau leurs compé­­tences tech­­niques et managériales, tout en
favo­­ri­­sant la sous-­traitance, jouant, tout sim­­ple­­ment, sur le dif­­fé­­ren­­tiel de coûts de
la main-­d’œuvre dis­­po­­nible sur leur ter­­ri­­toire.
Symé­­tri­­que­­ment à l’appui au déve­­lop­­pe­­ment d’« indus­­tries nais­­santes » dans les
pays émergents, ou des «  cham­­pions inter­­na­­tionaux  » qui en pro­­viennent, une
logique simi­­laire peut sug­­gé­­rer, dans les éco­­no­­mies matures, l’appli­­ca­­tion de
mesures de pro­­tec­­tion compa­­rables pour relan­­cer des « indus­­tries vieillis­­santes ou
décli­­nantes2 », tout aussi stra­­té­­giques, ou jugées telles, ou pour limi­­ter les inci­­dences
sociales de sup­­pres­­sions mas­­sives d’acti­­vi­­tés.
Si les cri­­tères de choix des sec­­teurs pro­­té­­gés res­­tent très géné­­raux, et la déter­­mi­­
na­­tion des outils à mettre en œuvre peu pré­­cise, elle est en pra­­tique, sous des formes
diverses, dans un cer­­tain nombre de pays occi­­den­­taux, comme les États-­Unis, où
cette thèse fait l’objet d’un large débat, comme la France – où la tra­­di­­tion colbertiste
reste vivace –, ou dans cer­­tains pays asia­­tiques, comme le Japon.

c Repère 2.2
Des sur­­en­­chères gou­­ver­­ne­­men­­tales au bilatéralisme actif
Au cours des trois der­­nières décen­­nies, les dif­­fé­­rents pays membres de l’OCDE se sont
livrés à une concur­­rence intense sur les mar­­chés mon­­diaux, les gou­­ver­­ne­­ments
essayant de sou­­te­­nir les efforts des entre­­prises de leur espace éco­­no­­mique res­­pec­­tif
aussi bien par des mesures d’aide à l’assu­­rance, au finan­­ce­­ment et à la recherche active
de nou­­veaux mar­­chés, que par un sou­­tien poli­­tique déter­­miné, dans le cadre des rela­
­tions bila­­té­­rales entre­­te­­nues avec les pays de leurs clients poten­­tiels.
Dans les éco­­no­­mies matures, pour le pre­­mier type de mesures, on retien­­dra, par
exemple, le rôle clé joué, au Japon, par le MITI (ministère de l’Indus­­trie et du
Commerce Exté­­rieur), orga­­nisme de coor­­di­­na­­tion et d’orien­­ta­­tion des entre­­prises dans
la conquête des mar­­chés étran­­gers. Plus proches de nous, des orga­­nismes comme la
Co­face, en France, l’ECGD, au Royaume-­Uni ou encore Hermès, en Allemagne, ont
apporté à leurs indus­­triels res­­pec­­tifs des for­­mules d’aides, plus ou moins lar­­ge­­ment
sub­­ven­­tion­­nées par des sub­­sides gou­­ver­­ne­­men­­taux  ; même si cer­­tains de ces orga­­
nismes, comme la Co­face, ont vu l’essen­­tiel de leurs acti­­vi­­tés pas­­ser dans le domaine
privé et obéissent désor­­mais à une ratio­­na­­lité dif­­fé­­rente.

1.  Comme, par exemple, la pro­­po­­si­­tion faite, en 2004, dans le cadre du pro­­jet China Railway High-­Speed, aux
quatre grands construc­­teurs mon­­diaux de trains à grande vitesse, dont trois -Bom­­bar­­dier, Kawasaki et Alstom- ont
accepté de four­­nir aux deux grands fabri­­cants chi­­nois de maté­­riel rou­­lant les tech­­no­­logies néces­­saires dans le cadre,
notam­­ment, de fabri­­ca­­tions sous licence (ibi­­dem, J.F. Dufour).
2.  Ayant jus­­ti­­fié la mise en place des Accords Multi­fibres évo­­qués plus haut, caducs au 1er jan­­vier 2005 (Vietnam,
WTO chal­­lenges).

86
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2


De leur côté, parmi les émergents, les éco­­no­­mies à crois­­sance rapide n’hésitent pas à
mobi­­li­­ser l’arme moné­­taire en jouant sur la sous-éva­­lua­­tion de leur devise, mais aussi
en s’appuyant sur une diplo­­ma­­tie très active qui peut s’appli­­quer avec suc­­cès dans cer­
­taines par­­ties du monde. C’est ainsi qu’à l’ins­­tar de la Françafrique, on parle désor­­mais
de la Chinafrique1 qui touche de nom­­breux pays du continent, de l’Algérie à l’Afrique
du Sud, en pas­­sant par l’Angola, le Nigeria, le Sou­­dan et le Sénégal, où les auto­­ri­­tés
chi­­noises appuient notam­­ment la signa­­ture de contrats d’infra­­struc­­ture très compé­­titifs
en termes de prix, par une active poli­­tique de dons, de prêts avan­­ta­­geux et d’assis­­tance
tech­­nique, n’hési­­tant pas à exi­­ger aussi, en contre­­par­­tie cer­­tains gages poli­­tiques2.

À cer­­taines époques et pour cer­­tains types d’opé­­ra­­tions, une véri­­table sur­­en­­chère


s’était même ins­­tau­­rée, notam­­ment entre les offres de prêts des­­ti­­nées à sou­­te­­nir la
vente de cer­­tains biens d’équi­­pe­­ment lourds, au point de sus­­ci­­ter une mora­­li­­sa­­tion
des pra­­tiques, à tra­­vers les règles du « consen­­sus » éta­­blies dans le cadre de l’OCDE,
défi­­nis­­sant les limites à ne pas fran­­chir en la matière3.
Sur le plan poli­­tique, les visites offi­­cielles ou les contacts bila­­té­­raux res­­tent
l’occa­­sion, pour les chefs d’État ou de gou­­ver­­ne­­ment, comme pour les ministres en
dépla­­ce­­ment, d’entraî­­ner un cer­­tain nombre de res­­pon­­sables d’entre­­prise, pro­­fi­­tant
d’un contexte poli­­tique favo­­rable pour finaliser des accords en cours de négo­­cia­­
tion, ou même, pour leur faire prendre un tour favo­­rable au détriment de concur­­
rents d’autres pays.
Dans ce jeu sub­­til, tous les pays ne s’engagent pas avec la même déter­­mi­­na­­tion.
Ainsi, jus­­qu’à une période récente, les États-­Unis, tout en béné­­fi­­ciant de méca­­
nismes compa­­rables à ceux des autres pays occi­­den­­taux, à tra­­vers les inter­­ven­­tions
de l’Eximbank, appa­­rais­­saient quelque peu en retrait par rap­­port à d’autres, consi­­
dé­­rant, en bons libé­­raux, comme les Alle­­mands, que l’éco­­no­­mie et, par­­tant, l’expor­
­ta­­tion, « c’est l’affaire des entre­­prises ».
Mais, depuis que la crois­­sance s’est consi­­dé­­ra­­ble­­ment ralen­­tie dans les éco­­no­­mies
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matures, devant l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la concur­­rence et, sur­­tout, la mon­­tée du chô­­


mage, le recours à l’ensemble des moyens d’appui à l’expor­­ta­­tion tend à rede­­ve­­nir
sys­­té­­ma­­tique. Dès la fin des années 1990, il est vrai, le pré­­sident Clinton, en par­­ti­­
cu­­lier, avait été sen­­sible à un chiffre clé mis en avant par ses conseillers : 1 milliard
de dol­­lars d’expor­­ta­­tions sup­­plé­­men­­taires, ce sont 20  000 emplois créés. De leur
côté, les Alle­­mands, sen­­sibles à cer­­tains enjeux majeurs concré­­ti­­sés par des appels
d’offres à l’impact éco­­no­­mique consi­­dé­­rable, en termes de mon­­tants comme

1.  M. Beuret, S. Michel et P. Woods, Chinafrique, Gras­­set, 2008  ; E. Nguyen, Les rela­­tions Chine-­Afrique,
Studyrama Perspec­­tives.
2.  Comme la reconnais­­sance d’une Chine unique à l’exclu­­sion de Taiwan, ibi­­dem.
3.  En inter­­di­­sant en par­­ti­­cu­­lier dans cer­­tains zones géo­­gra­­phiques les prêts à taux boni­­fiés à l’appui d’offres
effec­­tuées dans le cadre d’appels d’offres inter­­na­­tionaux de biens d’équi­­pe­­ment ou d’infra­­struc­­tures qui faus­­saient
la concur­­rence entre compé­­ti­­teurs.

87
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

d’image pour leur indus­­trie1, tout comme confron­­tés à la néces­­sité de trou­­ver de


nou­­veaux débou­­chés pour les entre­­prises de l’ex-Allemagne de l’Est, avaient ren­­
forcé la coor­­di­­na­­tion entre l’économique et la poli­­tique.
Dès lors, les poli­­tiques des dif­­fé­­rents pays – y compris celles des pays reven­­di­­
quant le plus leur atta­­che­­ment au libé­­ralisme, comme le Royaume-­Uni inter­­viennent
sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment pour appuyer leurs entre­­prises natio­­nales.
La sur­­en­­chère ne s’est d’ailleurs pas arrê­­tée en si bon che­­min : désor­­mais les États-­
Unis – imi­­tée en cela par la France2 et les autres grands pays occi­­den­­taux – ont défini
une véri­­table stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, à la fois géo­­gra­­phique et sec­­to­
­rielle : les « grands mar­­chés émergents » – « Big Emerging Markets » – consi­­dé­­rés
comme «  stra­­té­­giques  », parmi les­­quels la Chine, l’Indonésie, la Co­rée du Sud, la
Turquie, le Mexique, la Pologne, le Bré­­sil, l’Inde, l’Afrique du Sud, ont été sélec­­tion­­
nés, tan­­dis que les moyens mis à la dis­­po­­si­­tion de l’admi­­nis­­tra­­tion amé­­ri­­caine pour
sou­­te­­nir les efforts des entre­­prises ont été sen­­si­­ble­­ment accrus. Les repré­­sen­­ta­­tions
commer­­ciales à l’étran­­ger et l’Eximbank béné­­fi­­cient, depuis lors, de moyens plus éten­
­dus, tan­­dis que les res­­pon­­sables amé­­ri­­cains du commerce exté­­rieur s’attachent à déve­­
lop­­per une poli­­tique active de réduc­­tion des obs­­tacles aux expor­­ta­­tions amé­­ri­­caines3.

c Repère 2.3
Vers un nou­­veau pro­­tec­­tion­­nisme des éco­­no­­mies matures4 ?
Face à la désindustrialisation de nombre d’éco­­no­­mies matures, à la mon­­tée du chô­­
mage, à la perte de parts de mar­­ché qu’enre­­gistrent bon nombre de pays de la Triade,
de plus en plus nom­­breuses sont les voix qui réclament le réta­­blis­­se­­ment de pro­­tec­­
tions aux fron­­tières et de modi­­fi­­ca­­tions des règles du jeu de l’échange de biens, de
ser­­vices et de capi­­taux. Elles dénoncent :

1.  Comme l’appel d’offres du TGV Coréen, où s’étaient oppo­­sés l’alle­­mand Sie­­mens au français Alstom (alors
Alsthom) . Voir Rouach D., « Oppor­­tu­­ni­­tés des risques des trans­­ferts de tech­­no­­logie. Le cas du TGV Co­rée et GEC
Alsthom », Revue fran­­çaise de Mar­­ke­­ting, n°157-158, 1996.
2.  Comme cela res­­sort de l’affi­­chage qu’en fait Ubifrance (www.ubifrance.fr).
3.  Adapté de  : Izraelewicz E., « Un VRP nommé Bill Clinton  » et Siegele de L., «L’État alle­­mand à la res­­
cousse », Le Monde, 28/6/1994. Depuis la crise, le Minis­­tère du Commerce Exté­­rieur, à l’ini­­tiative d’An­ne Marie
Idrac, qui en était titu­­laire entre 2008 et 2010, a consti­­tué une « Équipe de France », ras­­sem­­blant les dif­­fé­­rentes
ins­­ti­­tutions sou­­te­­nant le déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des entre­­prises fran­­çaises (Co­face, Ubifrance, les Conseillers
du Commerce Exté­­rieur...). Les auto­­ri­­tés fran­­çaises à l’ins­­tar de celles des États-Unis, ont iden­­ti­­fié des pays cibles
à pri­­vi­­lé­­gier vers les­­quels les efforts de ces dif­­fé­­rentes ins­­ti­­tutions devraient conver­­ger, en s’atta­­chant à faire jouer
entre eux leurs syner­­gies exis­­tantes et poten­­tielles (voir le site www.ubifrance.fr).
4.  Voir, notam­­ment, S. Moatti « Pour­­quoi la Mon­­dia­­li­­sa­­tion est réver­­sible », Pro­­blèmes Éco­­no­­miques, n° 3038,
29 février 2012, p. 10-16 (ini­­tia­­le­­ment publié dans Alter­­na­­tives Éco­­no­­miques, n°303, juin 2011, sous le titre « Mon­
­dia­­li­­sa­­tion, le début de la fin ? » ; voir aussi The Economist, « And now, protectionism », 15 octobre 2011, p.14-15,
«  Les débats de l’Obs  : Faut-­il démondialiser  ?  , le face à face Jean-­Pierre Chevênement/Nicolas Bave­­rez  », Le
Nou­­vel Obser­­va­­teur, 8/9/2011, n°2444, p. 106-109.

88
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2


––le «  dum­­ping social  » expli­­quant la compé­­titi­­vité prix de nom­­breux pro­­duits et
compo­­sants en pro­­ve­­nance des pays émergents, notam­­ment du fait de la fai­­blesse ou
de l’absence de charges sociales dans nombre de pays four­­nis­­seurs ;
––le «  dum­­ping moné­­taire », résul­­tant de la sous-éva­­lua­­tion de la mon­­naie natio­­nale
par rapport aux mon­­naies occi­­den­­tales ;
––le main­­tien de dis­­po­­si­­tifs des­­ti­­nés à favo­­ri­­ser les Pays en déve­­lop­­pe­­ment (PED), pra­­
ti­­quant, paral­­lè­­le­­ment, des poli­­tiques dis­­cri­­mi­­na­­toires s’appli­­quant aux expor­­ta­­teurs
ou inves­­tis­­seurs occi­­den­­taux, y res­­trei­­gnant leur expan­­sion, tout en les obli­­geant à
céder leur tech­­no­­logie.
Le renou­­veau consé­­cu­­tif du pro­­tec­­tion­­nisme dans les éco­­no­­mies matures peut se tra­­
duire par des ini­­tiatives par­­le­­men­­taires, comme en témoigne, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment aux
États-­Unis, la longue série de pro­­jets de lois, dits « anti-Chine », tirant argu­­ment de la
sous-­évaluation du Yuan que l’OMC ne reconnaît pas comme sub­­ven­­tion dégui­­sée.
Dans une perspec­­tive plus large, en Europe, le refus par la France et les Pays-­Bas, en
2005, d’une Europe qui ser­­vi­­rait de « che­­val de Troie à la mon­­dia­­li­­sa­­tion », peut s’ana­
­ly­­ser comme une mani­­fes­­ta­­tion de cette volonté d’endi­­guer un mou­­ve­­ment que de
nom­­breux lea­­ders d’opi­­nion – pas seule­­ment «  popu­­listes  » ou «  souverainistes  » –
dénoncent. Ce qui se réper­­cute, au niveau mon­­dial de l’OMC, sur les négo­­cia­­tions de
Doha sur les réduc­­tions tari­­faires sur les pro­­duits indus­­triels ; les éco­­no­­mies matures
pres­­sant les éco­­no­­mies émergentes, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, les grandes éco­­no­­mies à
crois­­sance rapide de s’ouvrir plus lar­­ge­­ment.

Il reste que l’exploi­­ta­­tion qui est faite de cette approche, en termes de valo­­ri­­sa­­tion
à l’inter­­na­­tional, d’efforts de recherche lar­­ge­­ment sub­­ven­­tion­­nés par l’argent public,
tant en France qu’aux États-­Unis, est plus limi­­tée que dans des pays comme le
Japon, dont les entre­­prises sont pas­­sées maî­­tresses dans l’acqui­­si­­tion des tech­­no­­
logies et dans la manière d’en tirer parti, en maxi­­mi­­sant les syner­­gies entre domaines
de recherche et entre recherche et appli­­ca­­tion, en s’appuyant sur les sou­­tiens gou­­
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vernementaux à la recherche-déve­­lop­­pe­­ment (cf. figure 2.1).


En dépit d’un arrière-plan libre-échan­­giste et libé­­ral, hérité de Smith et de Ricardo,
dont les prin­­cipes et les appli­­ca­­tions, sen­­si­­ble­­ment amé­­lio­­rées avec le temps, ins­­
pirent tou­­jours l’orga­­ni­­sa­­tion des échanges commer­­ciaux et, désor­­mais, la dis­­tri­­bu­­
tion des flux d’inves­­tis­­se­­ments, d’autres logiques, «  géo-cen­­trées  », volon­­ta­­ristes,
marquent bien les limites de cette géné­­ra­­li­­sa­­tion, dans un contexte où les prin­­cipes
et la mise en œuvre ne sont pas exempts de contra­­dic­­tions.
Ces ana­­lyses sou­­lignent la complexité des situa­­tions et des inter­­pré­­ta­­tions qui
peuvent en être faites, en rete­­nant la prise de conscience, au niveau des auto­­ri­­tés
éta­­tiques, comme à celui des autres auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales, du rôle qu’elles sont en
mesure de jouer, y compris au niveau stra­­té­­gique le plus élevé, lorsque le deve­­nir du
pays est en jeu et que c’est son « modèle éco­­no­­mique ter­­ri­­torial » qui est en ques­­
tion, comme ce pour­­rait être le cas dans les années à venir pour le Luxembourg, hub

89
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

finan­­cier et fis­­cal, sous la menace d’une évo­­lu­­tion réglementaire qui le pri­­ve­­rait de


cer­­taines de ses « niches de sou­­ve­­rai­­neté » tra­­di­­tion­­nelles.

Rupture technologique
fréquente
Transfert difficile

Secteur Secteur
défense grand
aéronautique public
espace
États-Unis
Europe

Licences
Coopération Implantations
Importations Exportations
Balance des Japon Balance
échanges de commerciale
technologie Produits positive
Programmes de R & D Produits
négative systèmes propres de l’entreprise systèmes
Programmes
nationaux Branche Branche
de R & D défense et Centre de produits
aérospatial R&D: grand public
synthèse
et réorientation
technologique

Entreprise
japonaise à
valorisation
technologique

Figure 2.1 – Che­­mi­­ne­­ment tech­­no­­lo­­gique via une entre­­prise japo­­naise


à valo­­ri­­sa­­tion tech­­no­­lo­­gique1

Exemple 2.1 – Le Luxembourg en quête d’un nou­­veau modèle éco­­no­­mique2


Après avoir assis son éco­­no­­mie sur l’agri­­culture, puis sur la sidé­­rur­­gie, le Luxembourg,
petit ter­­ri­­toire au cœur de l’Europe, mais acteur poli­­tique et éco­­no­­mique cen­­tral de la
scène euro­­péenne, à l’ori­­gine, comme les 5 autres pays fon­­da­­teurs de la Commu­­nauté
éco­­no­­mique euro­­péenne, de la dyna­­mique commu­­nau­­taire, a connu une très grande pros­

1.  Source : Euroconsult : CPE Étude, « Japon : la muta­­tion tech­­no­­lo­­gique des années 1980 », n°62, juillet
1985.
2.  Réunion de tra­­vail orga­­ni­­sée le par M. Hostert et J.P. Lemaire, à la Chambre de Commerce de Luxembourg,
avec la par­­ti­­cipation de repré­­sen­­tants de la « Tri­­la­­té­­rale » luxembourgeoise, le 20 mars 2010.

90
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

­pé­­rité en deve­­nant un car­­re­­four finan­­cier conti­­nen­­tal – et même mon­­dial – de pre­­mier


plan. Il se trouve, désor­­mais, confronté, à un hori­­zon qui risque de se rap­­pro­­cher, à la
néces­­sité de revoir son «  modèle éco­­no­­mique ter­­ri­­torial  » qui repose lar­­ge­­ment sur la
liberté d’accueil et de tran­­sit des capi­­taux inter­­na­­tionaux. Le déve­­lop­­pe­­ment du ter­­ro­­
risme, la lutte contre la drogue, l’éva­­sion fis­­cale dénon­­cés par un grand nombre de pays
déter­­minent un ren­­for­­ce­­ment des contrôles de ces flux, allant bien au-­delà des dis­­po­­si­­tifs
d’ores et déjà en place1. C’est ce qui engage les auto­­ri­­tés luxembourgeoises à faire évo­­
luer signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment ce modèle, en s’atta­­chant à déter­­mi­­ner une sub­­sti­­tution au moins
par­­tielle, à ces « niches de sou­­ve­­rai­­neté » qui pour­­raient être affectées par une évo­­lu­­tion
de la régle­­men­­ta­­tion supra­­na­­tionale, de « niches de compé­­tence » réorien­­tant l’éco­­no­­mie
du pays vers de nou­­velles acti­­vi­­tés.
Cette réorien­­ta­­tion repose sur l’idée simple que les pré­­cé­­dents axes de spé­­cia­­li­­sa­­tion de
ce petit pays lui ont per­­mis de ras­­sem­­bler dans des domaines d’exper­­tise aussi divers que
les sys­­tèmes d’infor­­ma­­tion, la logis­­tique, les pro­­duits finan­­ciers, etc., mais aussi la struc­
­tu­­ra­­tion des réseaux de commu­­ni­­ca­­tion ou la pro­­tec­­tion des don­­nées, des compé­­tences
dis­­tinctives qui pour­­raient être trans­­po­­sées à d’autres domaines d’appli­­ca­­tion que ceux
qui fondent son modèle éco­­no­­mique actuel.
À noter que l’éla­­bo­­ra­­tion de ce modèle ne pour­­rait s’effec­­tuer sans mobi­­li­­ser les trois
enti­­tés de la « tri­­la­­té­­rale » qui fonde le pacte social luxembourgeois – le gou­­ver­­ne­­ment,
les syn­­di­­cats et le patro­­nat – ; sans pré­­su­­mer du rôle que pour­­raient y jouer les auto­­ri­­tés
locales des régions limi­­trophes, comme la région Lor­­raine, qui apportent à ce territoire
une grande par­­tie des per­­son­­nels et des compé­­tences néces­­saires, tout comme les entre­­
prises étran­­gères qui y sont ins­­tal­­lées ou qui seraient sus­­cep­­tibles de le faire.

De telles pro­­blé­­ma­­tiques stra­­té­­giques à usage des ter­­ri­­toires, comme celles du


Luxembourg, évo­­quées ci-­dessus, ne res­­sortent plus de poli­­tiques stra­­té­­giques d’ins­
­pi­­ra­­tion pro­­tec­­tion­­niste. Elles invitent à se situer dans le cadre d’une démarche plus
large qui prend en compte les deux pre­­mières étapes de la démarche PREST : par­­
tant de l’ana­­lyse des pres­­sions externes qui s’appliquent au ter­­ri­­toire, elle vise à
mettre en évi­­dence les enjeux que les auto­­ri­­tés comme les agents éco­­no­­miques qui
s’y déploient ont à rele­­ver pour se posi­­tion­­ner avan­­ta­­geu­­se­­ment dans leur envi­­ron­­
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ne­­ment inter­­na­­tional, avant de déter­­mi­­ner les « leviers » qu’ils pour­­ront « action­­


ner ». Ce ne sera donc plus une stra­­té­­gie de pro­­tec­­tion, à carac­­tère réac­­tif, que l’on
pri­­vi­­lé­­giera, même si ses traces ne sont pro­­ba­­ble­­ment prêtes de dis­­pa­­raître au niveau
des États. Ce sera donc plu­­tôt une stra­­té­­gie de pro­­mo­­tion et de pro­­jec­­tion, plus
proactive, que devraient mettre en œuvre les ter­­ri­­toires.

1.  Comme Tracfin : créé en 1990, à la suite du som­­met du G7, dit « som­­met de l’Arche », Tracfin a pour mis­­sion
de lut­­ter contre les cir­­cuits finan­­ciers clan­­des­­tins, le blan­­chi­­ment de capi­­taux et le finan­­ce­­ment du ter­­ro­­risme. À ce
titre, Tracfin reçoit de la part de pro­­fes­­sions défi­­nies à l’article L.561-2 du code moné­­taire et finan­­cier français des
infor­­ma­­tions signa­­lant des opé­­ra­­tions finan­­cières aty­­piques qui font l’objet, le cas échéant, d’inves­­ti­­gations complé­
­men­­taires (www.economie.gouv.fr).

91
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Exemple 2.2 – Un nou­­veau venu très actif sur la scène inter­­na­­tionale : le Qatar
Il y a encore quelques décennies, le Qatar, à l’entrée du golfe Persique n’appa­­rais­­sait que
comme une excrois­­sance déser­­tique de la pénin­­sule ara­­bique, plan­­tée au flanc de son
puis­­sant et richis­­sime voi­­sin, l’Arabie saoudite. Depuis la décou­­verte et la mise en
exploi­­ta­­tion du pre­­mier gise­­ment gazier mon­­dial, qu’il par­­tage avec son vis-­à-vis l’Ir­an,
la situa­­tion de ce petit pays de 1,7 million d’habi­­tants, dont bon nombre d’expa­­triés, à
bien changé, sur­­tout depuis que son sou­­ve­­rain actuel, le Cheik Hamad Ben Khalifa
al-Thani, a ren­­versé son père et affirmé sa volonté de jouer un rôle majeur sur la scène
régio­­nale et mon­­diale, à par­­tir d’une image construite autour des médias et du sport, mais
sans s’y limi­­ter :
–– en créant la chaîne de télé­­vi­­sion Al-­Jazira, dont la dif­­fu­­sion, en arabe et en langues
étran­­gères, ne cesse de s’étendre ;
–– en déve­­lop­­pant le réseau et la répu­­ta­­tion de Qatar Airways pour en faire un des majors
mon­­diaux du sec­­teur aérien ;
–– en obte­­nant l’accueil de grandes mani­­fes­­ta­­tions spor­­tives, comme la coupe du monde
de foot­­ball de 2022 ;
–– en créant, sur­­tout, un fonds sou­­ve­­rain, le Qatar Investment Authority, avec un por­­te­­
feuille attei­­gnant déjà 60 milliards de dol­­lars, qui en fait un des pre­­miers inves­­tis­­seurs
du monde1, dans des sec­­teurs comme dans l’hôtel­­le­­rie, l’immo­­bi­­lier, l’envi­­ron­­ne­­ment
et les infra­­struc­­tures…
Et ce n’est pas le déve­­lop­­pe­­ment de Dubaï que le Qatar cherche à copier, même s’il s’en
ins­­pire : se por­­tant de façon bien comprise au secours de pays euro­­péens en dif­­fi­­culté,
comme la Grèce, ou en inves­­tis­­sant de façon pri­­vi­­lé­­giée sur le ter­­ri­­toire de cer­­taines puis­
­sances clés, sus­­cep­­tibles de l’appuyer poli­­ti­­que­­ment et stra­­té­­gi­­que­­ment, comme le
Royaume-­Uni, l’Allemagne et, sur­­tout, la France, c’est un nou­­veau modèle éco­­no­­mique
ter­­ri­­torial et, plus encore, poli­­tique que ce petit pays tend à pro­­mou­­voir de manière par­­
ti­­cu­­liè­­re­­ment déter­­mi­­née2.

Les ter­­ri­­toires, comme le Qatar et le Luxembourg, seraient donc sus­­cep­­tibles de se


prendre en charge, à la fois pour construire ou reconstruire leur modèle éco­­no­­mique
ori­­gi­­nal et se posi­­tion­­ner, tout d’abord, dans un envi­­ron­­ne­­ment régio­­nal – dans la
zone du Golfe, pour l’un, en Europe de l’Ouest, pour l’autre –, et, ensuite, dans une
perspec­­tive beau­­coup plus large. Et ce n’est pas seule­­ment parce que le Qatar dis­­
pose de res­­sources quasi illi­­mi­­tées et est géré à la manière d’une entre­­prise – ce qui
ne semble pas pré­­ci­­sé­­ment être le cas du Luxembourg –, que la vision qui en res­­sort,
asso­­ciant l’éco­­no­­mique au poli­­tique, ne mérite pas qu’on s’inter­­roge sur la manière
de la for­­mu­­ler.
Les États ne sont pas les seuls à s’inter­­ro­­ger sur leur positionnement, pour uti­­li­­ser
à bon escient leurs res­­sources et envi­­sa­­ger des relais de crois­­sance lorsque la manne
gazière se sera tarie, comme le Qatar, ou pour anti­­ci­­per la remise en cause d’un

1.  Bien loin der­­rière, cepen­­dant, des grands fonds sou­­ve­­rains chi­­nois, comme la CIC (Chinese Investment Cor­­
po­­ra­­tion).
2.  Cf. Chal­­lenges, 16/2/2012, Le Monde 26/27 février 2012.

92
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

modèle politico-­économique, désor­­mais menacé, qui a assuré une large pros­­pé­­rité à


ses citoyens et à ses entre­­prises, comme le Luxembourg. Les régions et les muni­­ci­­
pa­­li­­tés sont éga­­le­­ment deve­­nues par­­ties pre­­nantes dans une compé­­tition de plus en
plus ouverte, qui les confronte à d’autres ter­­ri­­toires – voi­­sins ou dis­­tants – dési­­reux,
comme eux, d’atti­­rer des inves­­tis­­seurs, des visi­­teurs, des pro­­fes­­sion­­nels compé­­tents,
de trou­­ver des par­­te­­na­­riats qui ren­­forcent leur tissu éco­­no­­mique et qui contri­­buent à
déve­­lop­­per leur image.

Exemple 2.3 – OnlyLyon
Comme les grandes métro­­poles euro­­péennes et inter­­na­­tionales avec les­­quelles Lyon,
« seule ville en France, avec Paris, à appa­­raître dans n’importe quel top 20 de l’attractivité
des villes dans le monde1 », veut faire jeu égal, la capi­­tale des Gaules et des « Gônes »,
a pris conscience des enjeux aux­­quels elle avait à faire face pour satis­­faire ses ambi­­tions,
natio­­nales et inter­­na­­tionales : deve­­nir, le chal­­len­­ger de Paris et se posi­­tion­­ner comme une
alter­­na­­tive à des cités qui ont su bâtir leur image et dont elle s’ins­­pire des modèles,
comme Barcelone, Amsterdam, Berlin ou même Londres, sur la base de leur marque
propre. L’objec­­tif serait, pour Lyon, de déve­­lop­­per une offre multi­pro­­duits/multi­ser­­vices
cohé­­rente, en ras­­sem­­blant tous les acteurs qui ont long­­temps œuvré en ordre séparé vis-­
à-vis de pros­­pects a priori dif­­fé­­rents, mais en négli­­geant des syner­­gies poten­­tielles bien
réelles  : l’agence de déve­­lop­­pe­­ment éco­­no­­mique, Aderly, l’office du tou­­risme, les
aéroports de Lyon, la Chambre de Commerce, le Centre des Congrès, les col­­lec­­ti­­vi­­tés
locales, les uni­­ver­­si­­tés, les grandes écoles…
La pre­­mière étape a été, pour la ville, de créer, elle aussi, une marque et de se don­­ner une
image cohé­­rente «  hors ses murs  », en se pré­­sen­­tant de manière coor­­don­­née dans les
mani­­fes­­ta­­tions inter­­na­­tionales, en valo­­ri­­sant les avan­­tages de l’agglo­­mé­­ra­­tion et son offre
ter­­ri­­toriale pour y atti­­rer les flux commer­­ciaux, tou­­ris­­tiques, les inves­­tis­­se­­ments directs,
les talents propres à sti­­mu­­ler son déve­­lop­­pe­­ment. La marque ana­­gramme OnlyLyon2 est
déjà décli­­née par les dif­­fé­­rentes par­­ties pre­­nantes de l’agglo­­mé­­ra­­tion, tout comme le lan­
­ce­­ment d’une cam­­pagne mon­­diale de commu­­ni­­ca­­tion (All your lives in one city) a ren­­
forcé l’iden­­tité commune ; mais sans atteindre encore le niveau de Londres, vain­­queur au
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finish de Paris pour les Jeux Olym­­piques de 2012, qui regroupe d’ores et déjà dif­­fé­­rentes
fonc­­tions chargées du déve­­lop­­pe­­ment de la capi­­tale bri­­tan­­nique – en l’occur­­rence tou­­
risme et déve­­lop­­pe­­ment éco­­no­­mique –, sous la même direc­­tion, au sein du même orga­­
nisme.
L’étape sui­­vante serait donc de fédé­­rer encore davan­­tage les ini­­tiatives pour être en
mesure de des­­si­­ner une stra­­té­­gie et de regrou­­per des moyens néces­­saires à sa mise en
œuvre, de manière à en opti­­mi­­ser les béné­­fices pour l’ensemble de l’agglo­­mé­­ra­­tion.

1.  « Lyon, cham­­pion du mar­­ke­­ting ter­­ri­­torial », La Tri­­bune, n°10, 15/6/2012.


2.  À l’image de Berlin (BeBerlin) ou d’Amsterdam (Iamsterdam), ibi­­dem.

93
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Pour Lyon, comme pour le Qatar, le Luxembourg, mais, éga­­le­­ment, pour des ter­­
ri­­toires plus vastes qui peuvent offrir, il est vrai, des oppor­­tu­­ni­­tés à toute autre
échelle, en termes de mar­­ché poten­­tiel, de fac­­teurs de pro­­duc­­tion, de savoir-faire, la
ques­­tion clé est l’attractivité qu’ils pré­­sentent, vis-­à-vis d’une grande variété
d’agents éco­­no­­miques, au pre­­mier rang des­­quels les inves­­tis­­seurs, mais aussi les
don­­neurs d’ordres indus­­triels, les tou­­ristes, les recru­­teurs ou, symé­­tri­­que­­ment, les
per­­son­­nels qua­­li­­fiés qui seraient heu­­reux d’y exer­­cer leurs compé­­tences…

c Repère 2.4
Existe-t- il des envi­­ron­­ne­­ments plus favo­­rables que d’autres
à l’inter­­na­­tional1 ?
« Même si la globalisation et Inter­­net changent la donne, plus un mar­­ché domes­­tique
est grand, moins il est favo­­rable à l’inter­­na­­tional et inver­­se­­ment. Ainsi, aux États-­Unis,
en Chine, Inde, Indonésie… une PME peut deve­­nir une énorme entre­­prise natio­­nale
avant que la ques­­tion de l’inter­­na­­tional se pose. Elle dis­­pose alors de moyens impor­­
tants pour faire le pas, sou­­vent par le biais d’alliances et d’acqui­­si­­tions.
En Suisse romande, Finlande, Suède, par contre, on ne trouve pra­­ti­­que­­ment aucune
entre­­prise natio­­nale, mais des acteurs mon­­diaux tels Nestlé, Swatch, Firmenich,
Serono, et autres. La France est entre deux avec un mar­­ché domes­­tique impor­­tant mais
où la capa­­cité à l’inter­­na­­tional devient vite un fac­­teur de sur­­vie. »

Le mar­­ke­­ting ter­­ri­­torial, comme celui que pra­­tiquent avec suc­­cès des villes comme
Lyon, à l’image de ses pres­­ti­­gieuses concur­­rentes, même s’il peut beau­­coup y contri­
­buer, ne suf­­fit pas y à atti­­rer les acti­­vi­­tés. Une démarche d’ensemble se révèle néces­
­saire pour posi­­tion­­ner le ter­­ri­­toire et valo­­ri­­ser l’ensemble de ses atouts, avant de
défi­­nir les orien­­ta­­tions à pri­­vi­­lé­­gier de manière à y par­­ve­­nir.
Ce sont les deux pays – le Vietnam et l’Argen­­tine – aux­­quels se rap­­portent les cas
qui arti­­culent ces deux cha­­pitres, 1 et 2, qui ser­­vi­­ront à illus­­trer la pré­­sen­­ta­­tion de la
démarche pré­­co­­ni­­sée, appli­­quant les deux pre­­mières étapes du modèle PREST aux
ter­­ri­­toires.

1.  J. Fendt, direc­­teur scien­­ti­­fique de la Chaire Entreprenariat Ernst & Young à ESCP Europe, Inter­­view
Y. Vilagines , Les Échos, 01/09/2011.

94
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

2  Les bases d’une démarche active de posi­­tion­­ne­­ment


des ter­­ri­­toires et d’orien­­ta­­tion géo­­gra­­phique des orga­­ni­­sa­­tions1

S’atta­­chant, tout d’abord, à pro­­po­­ser une grille d’ana­­lyse des pres­­sions externes
qui s’appliquent aux ter­­ri­­toires (niveau 1 du PREST), la démarche déga­­gera de cette
ana­­lyse les prin­­ci­­paux enjeux (niveau 2 du PREST), aux­­quels seront confron­­tés les
acteurs qui y opèrent, ou se déve­­loppent à par­­tir d’eux ou vers eux.
Cette démarche fera res­­sor­­tir les axes qui per­­met­­tront de posi­­tion­­ner les ter­­ri­­toires,
en termes d’attractivité, de manière à gui­­der les acteurs éco­­no­­miques étran­­gers – et,
par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, les inves­­tis­­seurs que l’on pri­­vi­­lé­­giera ici –, qui pour­­ront déduire de
ce posi­­tion­­ne­­ment les modes d’approche les plus appro­­priés, en fonc­­tion des risques
et des oppor­­tu­­ni­­tés qu’il pré­­sen­­tera.
Pour les auto­­ri­­tés locales, la volonté d’atti­­rer des flux d’inves­­tis­­se­­ments crois­­
sants, en faveur des­­quels elles déploient des poli­­tiques de mise à niveau des infra­­
struc­­tures et d’ajus­­te­­ment des cadres régle­­men­­taires, n’est pas sans condi­­tions et
sans res­tric­­tions. Si le but pre­­mier de leurs poli­­tiques est de maxi­­mi­­ser les béné­­fices
atten­­dus, tant en termes d’afflux de res­­sources finan­­cières, de créa­­tion d’emplois, de
trans­­ferts de tech­­no­­logie et de mise à niveau des pra­­tiques managériales locales,
elles n’en comportent pas moins des limites tan­­gibles sus­­cep­­tibles de contra­­rier
– voire de décou­­ra­­ger – les inves­­tis­­seurs étran­­gers. Ces auto­­ri­­tés pro­­cèdent, en effet,
sou­­vent, de manière anti­­no­­mique, encou­­ra­­geant le ren­­for­­ce­­ment des rela­­tions avec
l’exté­­rieur, sans pour autant lais­­ser aux acteurs qui en pro­­viennent toute lati­­tude
d’expan­­sion ;
––par souci de pro­­té­­ger les acteurs locaux contre une concur­­rence exa­­cer­­bée venant
de l’exté­­rieur qui pour­­rait mener, loca­­le­­ment, à leur exclu­­sion de cer­­tains sec­­teurs
à fort poten­­tiel de crois­­sance, qui leur interdisait, dans le futur, la pos­­si­­bi­­lité de se
déployer à leur tour vers l’exté­­rieur ;
––par volonté d’exer­­cer un contrôle étroit des sec­­teurs stra­­té­­giques – ser­­vices
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publics, sec­­teur ban­­caire, res­­sources natu­­relles, dis­­tri­­bu­­tion, etc. – pou­­vant même


remettre en cause, en cas de contrôle exté­­rieur exces­­sif, l’orien­­ta­­tion qu’elles sou­
­haitent don­­ner à l’éco­­no­­mie locale.
Pour les inves­­tis­­seurs directs étran­­gers, dési­­reux d’enga­­ger les moyens néces­­
saires, ces espaces, sou­­vent nou­­vel­­le­­ment ouverts, offrent sans doute de grandes
pos­­si­­bi­­li­­tés mais comportent aussi des risques supé­­rieurs à ceux aux­­quels ils sont
confron­­tés dans d’autres, qui leur sont plus fami­­liers. La taille et le poten­­tiel
qu’offrent nombre de ces nou­­veaux espaces, les res­­sources natu­­relles – phy­­siques et
humaines – qui y sont acces­­sibles à un coût sou­­vent très attrac­­tif, incitent à s’y déve­

1.  Les para­­graphes sui­­vants reprennent, pour l’essentiel, des déve­­lop­­pe­­ments du chapitre 2 «  Les auto­­ri­­tés
locales et les entre­­prises étran­­gères. L’enjeu para­­doxal des inves­­tis­­se­­ments directs étran­­gers dans les éco­­no­­mies à
crois­­sance rapide », J.-P. Lemaire, pp. 59-74 in Les para­­doxes de la globalisation des mar­­chés, E. Milliot et N.
Tournois Vuibert, 2009.

95
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

l­op­­per dans une perspec­­tive de conquête de parts de mar­­ché (horizontalisation) ou


d’opti­­mi­­sation inter­­na­­tionale de leur chaîne de valeur (verticalisation). Ces inves­­tis­
­seurs n’en res­­tent pas moins sou­­cieux :
––de minimi­­ser leur expo­­si­­tion aux risques en limi­­tant les actifs – tan­­gibles et intan­
­gibles – sus­­cep­­tibles d’être sou­­mis loca­­le­­ment à des risques struc­­tu­­rels aussi bien
que conjonc­­tu­­rels, en abais­­sant, notam­­ment, au maxi­­mum, les bar­­rières à la sor­­
tie, autre­­ment dit, les coûts et pertes qu’elles auraient à sup­­por­­ter en cas de
retrait ;
––de se ména­­ger, dans un contexte en évo­­lu­­tion de plus en plus rapide, le plus haut
niveau de flexi­­bi­­lité pour être en mesure de tirer parti sans tar­­der des oppor­­tu­­ni­­tés
qui se pré­­sen­­te­­raient ou de réagir le plus effi­­ca­­ce­­ment pos­­sible aux nou­­velles
contraintes sus­­cep­­tibles de se mani­­fes­­ter.
Cette double pro­­blé­­ma­­tique – des auto­­ri­­tés locales, comme des inves­­tis­­seurs
directs étran­­gers – ne se pose pas tou­­jours dans des contextes iden­­tiques s’agis­­sant,
en particulier, des pays émergents à crois­­sance rapide :
• Elle peut être posée dans le cadre d’une ouver­­ture struc­­tu­­rée, telle que l’exige,
notam­­ment, le long pro­­ces­­sus d’adhé­­sion à une orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale ou régio­­
nale devant abou­­tir, dans un cadre géo­­gra­­phique déterminé, à une inten­­si­­fi­­ca­­tion
des flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments inter­­na­­tionaux ; comme c’est le cas pour
le Vietnam.
• Elle est sou­­vent sou­­le­­vée, plus bru­­ta­­le­­ment, par la sur­­ve­­nance de «  chocs de
conjonc­­ture », à carac­­tère éco­­no­­mique la plu­­part du temps, résul­­tant des dif­­fi­­cultés
à contrô­­ler les effets d’une crois­­sance très forte et de ses dérives. Dès lors il s’agit
non plus d’inser­­tion, mais de ré­inser­­tion de l’espace éco­­no­­mique concerné dans
les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments inter­­na­­tionaux ; comme c’est le cas pour
l’Argen­­tine, à la suite de la crise de 2001.

Exemple 2.4 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les inves­­tis­­seurs et les
acteurs éco­­no­­miques étran­­gers ? (1) Rap­­pel de leur situa­­tion res­­pec­­tive
au début des années 2000.
–– Le Vietnam, dans le cadre de son ouver­­ture pro­­gres­­sive et rai­­son­­née, ayant abouti à son
adhé­­sion offi­­cielle à l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce en janvier 2007, est une
« éco­­no­­mie en tran­­si­­tion » héri­­tière d’un sys­­tème cen­­tra­­lisé d’ins­­pi­­ra­­tion commu­­niste
– à l’image de la Russie, de la Chine et, même, de l’Inde – et, comme ces pays, s’est
réso­­lu­­ment engagé dans un pro­­ces­­sus pro­­gres­­sif et struc­­turé d’adhé­­sion,
–– L’Argen­­tine, réin­­sérée dans les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments à la suite de la
crise de décembre 2001, consti­­tue de longue date, à l’opposé du Vietnam, une éco­­no­­
mie libé­­rale. Mais, du fait de l’accu­­mu­­la­­tion de défi­­cits bud­­gé­­taires et exté­­rieurs, frap­
­pée de plein fouet par une déva­­lua­­tion, elle a bru­­ta­­le­­ment rompu ses rela­­tions avec ses
par­­te­­naires éco­­no­­miques exté­­rieurs et, de ce fait, s’est trou­­vée confron­­tée à la néces­­sité
de réta­­blir la confiance, avec eux, et notam­­ment, avec les inves­­tis­­seurs.

96
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

AU NIVEAU MACROÉCONOMIQUE DU
TERRITOIRE D’ACCUEIL
Ouverture, stabilité et fiabilité des autorités locales
Objectifs de mise en valeur de l’espace
économique national/régional/local
Restrictions imposées et avantages offerts

DÉCISION DE LOCALISATION (go/no go)


Objet du choix territorial (horizontalisation/verticalisation)
Identification des industries/secteurs/activités privilégiés
Optimisation du mode de présence/de relation/d’implantation
FINALISATION DE LA STRATÉGIE D’APPROCHE DU TERRITOIRE

NIVEAU MICROÉCONOMIQUE DE L’ORGANISATION


Incitations au développement des relations avec le territoire
Horizontalisation/Verticalisation
Ressources et atouts spécifiques de l’organisation
Capacité à assumer les risques locaux/internationaux
Avantages spécifiques

Figure 2.2 – Les bases macro et micro­éco­­no­­miques de la déci­­sion de loca­­li­­sa­­tion1


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La mul­­ti­­pli­­cité des élé­­ments à prendre en compte, comme la diver­­sité des niveaux


aux­­quels ils se situent, incite à faire res­­sor­­tir de manière struc­­tu­­rée :
–– les pres­­sions externes de dif­­fé­­rentes natures qui s’exercent sur un ter­­ri­­toire donné
– natio­­nal, régio­­nal ou local – et qui condi­­tionnent son niveau d’attractivité ;
––les inté­­rêts res­­pec­­tifs des auto­­ri­­tés locales comme celle des orga­­ni­­sa­­tions étran­­
gères envi­­sa­­geant d’ini­­tier/de déve­­lop­­per des rela­­tions éco­­no­­miques avec ce ter­­ri­
­toire.

1.  Source : J.-P Lemaire, « Les auto­­ri­­tés locales et les entre­­prises étran­­gères », Les para­­doxes de la
globalisation des mar­­chés, E. Milliot et N.Tour­­nois, Vuibert, 2009.

97
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

3  L’iden­­ti­­fi­­cation des « pres­­sions externes » s’appli­­quant


aux ter­­ri­­toires

Dans la perspec­­tive du déve­­lop­­pe­­ment des inves­­tis­­se­­ments étran­­gers dans un


espace éco­­no­­mique déter­­miné, l’ana­­lyse de l’envi­­ron­­ne­­ment macroéco­­no­­mique de
cet espace conduit à rete­­nir les élé­­ments qui, au niveau régio­­nal, natio­­nal ou supra
natio­­nal sont sus­­cep­­tibles d’avoir une influ­­ence directe ou indi­­recte sur l’atti­­tude des
auto­­ri­­tés locales comme sur celle des orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères dési­­reuses de s’orienter
vers cet espace. Ces pres­­sions externes s’appli­­quant aux ter­­ri­­toires peuvent :
––avoir un carac­­tère aussi bien favo­­rable que défa­­vo­­rable au déve­­lop­­pe­­ment de
rela­­tions éco­­no­­miques entre le ter­­ri­­toire et les acteurs étran­­gers, aux yeux des
auto­­ri­­tés locales et/ou aux yeux des déci­­deurs des orga­­ni­­sa­­tions concer­­nées ;
––compor­­ter un carac­­tère conjonc­­tu­­rel ou struc­­tu­­rel domi­­nant, selon les cas, et
déter­­mi­­ner, des effets plus ou moins rapides, plus ou moins durables, sur cer­­tains
sec­­teurs ;
––être per­­çues positivement ou négativement, à la fois, par les auto­­ri­­tés locales et par
les entre­­prises étran­­gères, ou encore, positivement par les unes, négativement par
les autres.
Pour les éco­­no­­mies émergentes à crois­­sance rapide, les types de pres­­sions, de
même nature, vont se retrou­­ver peu ou prou dans chacune d’entre elles. Ces pres­
­sions seront, cepen­­dant, tri­­bu­­taires, de la situa­­tion par­­ti­­cu­­lière de chaque ter­­ri­­
toire, de ses «  fon­­da­­men­­taux  » éco­­no­­miques et poli­­tiques1, comme des fac­­teurs
qui l’affectent dura­­ble­­ment ou tem­­po­­rai­­re­­ment. Ils devront, non seule­­ment être
appré­­ciés par rap­­port aux autres, mais aussi d’une période à l’autre, pou­­vant ainsi
offrir une base de réfé­­rence utile à la construc­­tion d’un sys­­tème de veille2, pério­­
di­­que­­ment mis à jour pour tenir compte des trans­­for­­ma­­tions rapides de chaque
contexte ana­­lysé.

1.  Ain­si, si le ter­­ri­­toire est un pays : agrégats éco­­no­­miques (PNB, revenu par tête, défi­­cits/excé­­dents bud­­gé­­taires,
défi­­cits/excé­­dents exté­­rieurs, etc.) et indi­­ca­­teurs poli­­tiques et sociaux (indice de Gini qui mesure le degré d’inéga­­lité
de la dis­­tri­­bu­­tion des reve­­nus dans une société don­­née, indice de déve­­lop­­pe­­ment humain combi­­nant édu­­ca­­tion, santé
et niveau de vie, etc.). S’ils s’agit d’un groupe de pays, ou, à l’inverse, d’une région ou d’une métro­­pole, il convien­
­dra, à par­­tir des don­­nées dis­­po­­nibles, de construire des indi­­ca­­teurs qui per­­mettent à la fois la compa­­rai­­son d’un
ter­­ri­­toire à un autre (dans une même caté­­go­­rie, supra ou infra natio­­nale) et la mesure de leur évo­­lu­­tion dans le
temps.
2.  Cf. figure 5.3 « Struc­­tu­­ra­­tion du sys­­tème de veille » et repère 5.1 « Besoins et uti­­li­­sation de l’infor­­ma­­tion aux
dif­­fé­­rents stades du pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ».

98
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

Les pres­­sions politico-régle­­men­­taires consti­­tuent, notam­­ment, dans les deux ter­


­ri­­toires/pays rete­­nus ici comme exemple, le Vietnam et l’Argen­­tine, les élé­­ments de
l’envi­­ron­­ne­­ment les plus déter­­mi­­nants pour l’orien­­ta­­tion des flux d’échanges et
d’inves­­tis­­se­­ments avec l’étran­­ger.

Exemple 2.5 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les inves­­tis­­seurs et les


acteurs éco­­no­­miques étran­­gers  ? (2) L’impact des pres­­sions politico-­
réglementaires
Dans le cas du Vietnam, les pres­­sions struc­­tu­­relles, favo­­rables à l’ouver­­ture, aug­­men­­tant
le degré d’attractivité du pays pour les inves­­tis­­seurs étran­­gers, y sont nom­­breuses, même
si les amé­­lio­­ra­­tions intro­­duites au cours des pre­­mières années du pro­­ces­­sus d’adhé­­sion,
ont pu paraître lentes : tant sur le plan de l’ouver­­ture que de la mise à niveau pro­­gres­­sive
du cadre légal et régle­­men­­taire, de la lutte contre la cor­­rup­­tion, comme de l’amé­­lio­­ra­­tion
des infra­­struc­­tures col­­lec­­tives à l’ini­­tiative des pou­­voirs publics. Sans elles, la reprise des
inves­­tis­­se­­ments étran­­gers, après une pre­­mière pro­­gres­­sion remar­­quable au début des
années 90, vite inter­­rom­­pue, n’aurait pas été envi­­sa­­geable. Les résis­­tances se sont long­­
temps expri­­mées par l’inter­­mé­­diaire des syn­­di­­cats, des repré­­sen­­tants de l’éco­­no­­mie cen­
­tra­­li­­sée, voire des chefs d’entre­­prises du nou­­veau sec­­teur privé qui ne s’estimaient pas
prêts à affron­­ter la concur­­rence étran­­gère.
Dans le cas de l’Argen­­tine, consi­­dé­­rée tout au long des années 90 comme le « bon élève »
du FMI et de la Banque Mon­­diale, la volonté poli­­tique d’ouver­­ture et les bases libé­­rales
du sys­­tème politico-éco­­no­­mique n’étaient pas remises en cause ; sinon pour leur inca­­pa­
­cité, dans un pre­­mier temps, à faire repar­­tir une éco­­no­­mie locale en pleine réces­­sion, dont
les défi­­cits struc­­tu­­rels accu­­mu­­lés ne pou­­vaient plus jus­­ti­­fier la parité dol­­lar/peso, ras­­
surant bon nombre d’inves­­tis­­seurs étran­­gers. En dépit de la reprise vigou­­reuse enre­­gis­­trée
dès 2003, c’est davan­­tage l’insta­­bi­­lité gou­­ver­­ne­­men­­tale qui s’est long­­temps pro­­lon­­gée et
le retour à des compor­­te­­ments popu­­listes de la part des diri­­geants du pays qui ont pu
encore plus retar­­der le retour à la confiance des entre­­prises étran­­gères dont cer­­taines
avaient fait office de boucs émis­­saires du pou­­voir.
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Tableau 2.1 – L’impact des pres­­sions politico-­réglementaires


s’appli­­quant aux ter­­ri­­toires
Les pres­­sions affec­­tant (+/–) structurellement Les pres­­sions affec­­tant (+/–) conjoncturellement
l’ouver­­ture du ter­­ri­­toire consi­­déré l’ouver­­ture du ter­­ri­­toire consi­­déré
–– volonté natio­­nale et capa­­cité à s’insé­­rer dans un –– sta­­bi­­lité (+/-) du régime poli­­tique comme de
ensemble, régio­­nal (cf. ASEAN, Mercosur), supra l’équipe au pou­­voir, conti­­nuité des poli­­tiques éco­­
régio­­nal ou mon­­dial (OMC) ; no­­miques enga­­gées ;
–– per­­ma­­nence/réduc­­tion de pra­­tiques faus­­sant la libre –– compor­­te­­ment (+/-) des diri­­geants poli­­tiques
concur­­rence (cf. cor­­rup­­tion, parti pris sys­­té­­ma­­tique (oppor­­tu­­nisme mani­­festé vis-­à-vis des entre­­prises
en faveur des acteurs locaux) ; étran­­gères) ;
–– niveau de qua­­lité des rela­­tions poli­­tiques et éco­­no­­ –– sen­­si­­bi­­lité (+/-) aux ten­­sions occa­­sion­­nelles poli­­
miques et des liens struc­­tu­­rels avec les pays voi­­sins, tiques (trans­fron­­ta­­lières, ter­­ro­­risme) et/ou éco­­no­­
les pays par­­te­­naires et les orga­­nismes multi­gou­­ver­­ miques venant de la région ou d’au-­delà…
ne­­men­­taux… –– occur­­rence des catas­­trophes natu­­relles et des dérè­­
gle­­ments cli­­ma­­tiques suceptibles de cou­­per le ter­­ri­­
toire de l’exté­­rieur

99
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Les pres­­sions affec­­tant (+/–) structurellement Les pres­­sions affec­­tant (+/–) conjoncturellement
le cadre régle­­men­­taire du ter­­ri­­toire consi­­déré le cadre régle­­men­­taire du ter­­ri­­toire consi­­déré
–– mesures de dé/re-­réglementation des­­ti­­nées à adap­­ –– évo­­lu­­tion (+/–) de la sol­­va­­bi­­lité du pays vis-­à-vis de
ter le cadre dans lequel sont sus­­cep­­tibles de se la commu­­nauté finan­­cière inter­­na­­tionale et capa­­
déve­­lop­­per les IDE ; cité d’endet­­te­­ment/de pla­­ce­­ment ;
–– mesures de pri­­va­­ti­­sation et de restruc­­tu­­ra­­tion du –– résis­­tance (+/–) de groupes de pres­­sion hos­­tiles à
sec­­teur public et/ou des sec­­teurs pré­­cé­­dem­­ment l’évo­­lu­­tion pro­­je­­tée, grèves et mou­­ve­­ments sociaux,
natio­­na­­li­­sés ; ten­­sions inter eth­­niques, flam­­bées xéno­­phobes…
–– poli­­tiques d’adap­­ta­­tion des grands sec­­teurs d’infra­­
struc­­ture (trans­­ports, ser­­vices finan­­ciers, dis­­tri­­bu­­
tion…).

Les pres­­sions éco­­no­­miques et sociales, figurent éga­­le­­ment en bonne place, dans


l’un et l’autre pays, parmi les déter­­mi­­nants de l’atti­­tude de chacune des auto­­ri­­tés
locales comme des orga­­ni­­sa­­tions envi­­sa­­geant de déve­­lop­­per leurs rela­­tions avec
l’un ou l’autre pays.

Exemple 2.6 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les inves­­tis­­seurs et les


acteurs éco­­no­­miques étran­­gers  ? (3) L’impact des pres­­sions éco­­no­­
miques et sociales
Dans le cas du Vietnam, dont le taux de crois­­sance et le pou­­voir d’achat n’ont connu des
taux spec­­ta­­cu­­laires que plus tar­­di­­ve­­ment que son grand voi­­sin du Nord, l’accé­­lé­­ra­­tion de
la crois­­sance a déter­­miné, en quelques années, une pro­­gres­­sion impor­­tante de la demande,
assor­­tie de muta­­tions sociales rapides, quoique inéga­­le­­ment répar­­ties entre les zones
urbaines et les cam­­pagnes, fai­­sant appa­­raître de nou­­velles attentes de la part des consom­
­ma­­teurs locaux. Simul­­ta­­né­­ment, l’offre locale a pu amé­­lio­­rer sa compé­­titi­­vité, en dépit
de la fai­­blesse des niveaux de for­­ma­­tion, d’une maî­­trise encore insuf­­fi­­sante des tech­­
niques de mana­­ge­­ment, d’infra­­struc­­tures encore insuf­­fi­­santes et de la len­­teur du pro­­ces­­
sus de pri­­va­­ti­­sation des entre­­prises d’État. Au regard de ces élé­­ments en voie
d’amé­­lio­­ra­­tion rapide, sont, cepen­­dant, à consi­­dé­­rer l’avan­­tage de change aux expor­­ta­­
teurs locaux et aux inves­­tis­­seurs étran­­gers (faiblesse relative du dong, pénalisante, cepen­
­dant, à l’im­port) et au cli­­mat de sécu­­rité et de sta­­bi­­lité sociale supé­­rieur, dans l’ensemble,
à celui de ses prin­­ci­­paux voi­­sins.
Pour ce qui est de l’Argen­­tine, il a fallu réta­­blir la confiance dans une éco­­no­­mie désor­­
ga­­ni­­sée, ayant perdu avant la crise une bonne par­­tie de ses struc­­tures pro­­duc­­tives, ni
per­­for­­mantes ni ren­­tables, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans l’indus­­trie, par rap­­port aux pro­­duits
d’impor­­ta­­tion. La mise à pro­­fit des avan­­tages de change résul­­tants de la dépré­­cia­­tion
consi­­dé­­rable du peso n’a pas, pour autant, complè­­te­­ment assaini la situa­­tion, d’autant
plus que les prix des mar­­chés mon­­diaux, en par­­ti­­cu­­lier pour les pro­­duits agro ali­­men­­
taires, sont sen­­si­­ble­­ment plus attrac­­tifs que ceux du mar­­ché inté­­rieur. En a résulté une
pénu­­rie inté­­rieure endé­­mique, asso­­ciée à des pous­­sées infla­­tion­­nistes que n’entravent
pas les taxes à l’ex­port visant à réorien­­ter les flux de mar­­chan­­dises et à don­­ner aux auto­
­ri­­tés les moyens de redis­­tri­­buer les pro­­duits de la reprise, sur fond d’insta­­bi­­lité sociale
per­­sis­­tante depuis la crise.

100
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

Tableau 2.2 – L’impact des pres­­sions éco­­no­­miques et sociales


s’appli­­quant aux ter­­ri­­toires
Les pres­­sions affec­­tant (+/–) structurellement Les pres­­sions affec­­tant (+/–) conjoncturelle­
quan­­ti­­tati­­ve­­ment l’offre et la demande  ment quan­­ti­­tati­­ve­­ment l’offre et la demande
dans le ter­­ri­­toire consi­­déré : dans le ter­­ri­­toire consi­­déré :
–– pro­­gres­­sion/régres­­sion démo­­gra­­phique sti­­mu­­lant/ –– réduc­­tion/pro­­gres­­sion des « gou­­lots d’étran­­gle­­
affec­­tant la demande locale et consti­­tuant un réser­­ ment » dans cer­­taines filières de pro­­duc­­tion et les
voir/géné­­rant un besoin de main-­d’œuvre ; pous­­sées infla­­tion­­nistes consé­­cu­­tives ;
–– élé­­va­­tion/réduc­­tion des écarts de revenuset du pou­­ –– sen­­si­­bi­­lité (+/–) aux crises affec­­tant les pays – voi­­
voir d’achat, déve­­lop­­pe­­ment (+/–) rapide de la sins ou dis­­tants – ayant éta­­bli des rela­­tions sui­­vies
classe moyenne et dimi­­nu­­tion (+/–) de la popu­­la­­ d’échange avec le pays ;
tion vivant au-des­­sous du seuil de la pau­­vreté ; –– risques (+/–) d’inter­­rup­­tion des trans­­ferts entre le
–– dis­­po­­ni­­bi­­lité et acces­­si­­bi­­lité accrue des res­­sources pays et l’exté­­rieur à la suite d’une dépré­­cia­­tion bru­­
du sol et du sous-­sol, exis­­tence de grands espaces tale de la devise ;
dis­­po­­nibles pour les acti­­vi­­tés ; –– risques (+/–) de retrait bru­­tal du pays des avoirs
–– sen­­si­­bi­­lité (+/–) aux fluc­­tua­­tions de change et aux étran­­gers liquides et d’inter­­rup­­tion des re­finan­­ce­­
varia­­tions des cours mon­­diaux des matières pre­­ ments étran­­gers au pro­­fit des banques locales.
mières et des pro­­duits trans­­for­­més (commodities).
Les pres­­sions affec­­tant (+/–) structurellement Les pres­­sions affec­­tant (+/–) conjoncturelle­
qua­­li­­ta­­ti­­ve­­ment l’offre et la demande dans le ment qua­­li­­ta­­ti­­ve­­ment l’offre et la demande
ter­­ri­­toire consi­­déré dans le ter­­ri­­toire consi­­déré
–– chan­­ge­­ments d’habi­­tudes de consom­­ma­­tion, élé­­va­­ –– influ­­ence des modes et ver­­sa­­ti­­lité des goûts des
tion du niveau d’exi­­gence des consom­­ma­­teurs consom­­ma­­teurs, pré­­fé­­rence pour les pro­­duits et les
locaux et étran­­gers ; ser­­vices venant de l’étran­­ger ;
–– sen­­si­­bi­­lité plus grande au respect de l’envi­­ron­­ne­­ –– perte de confiance des par­­te­­naires étran­­gers dans
ment et aux condi­­tions de pro­­duc­­tion éthique ; l’éco­­no­­mie du pays, consé­­cu­­tive à des évé­­ne­­ments
–– déve­­lop­­pe­­ment (+/–) du niveau d’édu­­ca­­tion et éco­­no­­miques ou poli­­tiques impromp­­tus (ex. écla­­te­­
accrois­­se­­ment (+/–) des compé­­tences des per­­son­­ ment d’une bulle spé­­cu­­la­­tive immo­­bi­­lière).
nels locaux ;

Les pres­­sions tech­­no­­lo­­giques, consti­­tuent, pro­­ba­­ble­­ment la caté­­go­­rie des fac­­teurs


envi­­ron­­ne­­men­­taux les moins sen­­sibles à l’évo­­lu­­tion de la conjonc­­ture, contrai­­re­­ment
aux deux autres, même si, là aussi, les trans­­for­­ma­­tions inter­­viennent à un rythme
rapide, sans, tou­­te­­fois, qu’ils puissent pro­­vo­­quer de véri­­tables «  chocs conjonc­­tu­­
rels ».
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Exemple 2.7 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les inves­­tis­­seurs et les


acteurs éco­­no­­miques étran­­gers ? (4) L’impact des pres­­sions tech­­no­­lo­­
giques
Ce qui carac­­té­­rise le Vietnam, c’est, avant tout, le besoin consi­­dé­­rable de trans­­ferts de
tech­­no­­logie dans tous les domaines, tech­­niques à prop­­re­­ment par­­ler, mais aussi
managériaux et orga­­ni­­sa­­tion­­nels. Le pas­­sage d’un sys­­tème d’éco­­no­­mie pla­­ni­­fiée, cen­­tra­
­li­­sée et, sur­­tout, lar­­ge­­ment autar­­cique, à un sys­­tème libé­­ral et ouvert a fait res­­sor­­tir – et
pas seule­­ment au niveau ins­­ti­­tution­­nel –, les carences des infra­­struc­­tures comme celles
des struc­­tures pro­­duc­­tives et les besoins de remise à niveau qui en résultent. En dépendent
la capa­­cité du pays à s’insé­­rer dans la chaîne logis­­tique inter­­na­­tionale, incontour­­nable
pour le déve­­lop­­pe­­ment de ses flux d’impor­­ta­­tion et d’expor­­ta­­tion et le déve­­lop­­pe­­ment

101
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

d’inves­­tis­­se­­ments réa­­li­­sés tant dans une perspec­­tive d’horizontalisation que de


verticalisation. Le déve­­lop­­pe­­ment des sys­­tèmes d’infor­­ma­­tion consti­­tue, sans doute, un
accé­­lé­­ra­­teur d’appren­­tis­­sage, mais qui ne touche qu’une part encore faible mais en pro­­
gres­­sion rapide de la popu­­la­­tion et des enti­­tés pro­­duc­­tives, essen­­tiel­­le­­ment dans les villes,
ren­­dant le retard du sys­­tème édu­­ca­­tif par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment sen­­sible. Par ailleurs, en dépit des
usines qui arborent fiè­­re­­ment sur leurs murs leur cer­­ti­­fi­­cation ISO, le respect des normes
et la capa­­cité à faire homo­­lo­­guer ses pro­­duits et ser­­vices à un niveau inter­­na­­tional reste
encore très limi­­tée. Enfin, comme dans nombre de pays d’Asie, la pro­­priété indus­­trielle
et intel­­lec­­tuelle reste peu res­­pec­­tée…
À l’inverse, l’Argen­­tine appar­­tient au pelo­­ton de tête mon­­dial en matière d’édu­­ca­­tion,
avec un pour­­cen­­tage record d’alpha­­bé­­ti­­sation et affi­­chant un taux excep­­tion­­nel de fré­­
quen­­ta­­tion de l’ensei­­gne­­ment supé­­rieur par rap­­port à sa popu­­la­­tion totale. À ce titre, sa
perte rela­­tive de la maî­­trise d’un cer­­tain nombre de filières indus­­trielles résulte de la taille
rela­­ti­­ve­­ment modeste de son mar­­ché domes­­tique, et d’un cer­­tain défi­­cit d’esprit d’entre­
­prise comme de la pré­­sence commer­­ciale de lea­­ders mon­­diaux dans les sec­­teurs où elle
pour­­rait affir­­mer son poten­­tiel. Mais, sur de telles bases, sa capa­­cité à s’appro­­prier les
nou­­velles tech­­no­­logies et à accueillir – sinon à pro­­mou­­voir – des acti­­vi­­tés de déve­­lop­­pe­
­ment tech­­no­­lo­­gique s’affirme déjà de manière signi­­fi­­ca­­tive, comme l’offre de ser­­vices
déma­­té­­ria­­li­­sés à dis­­tance et, notam­­ment, l’ingé­­nie­­rie.

Tableau 2.3 – L’impact des pres­­sions tech­­no­­lo­­giques s’appli­­quant aux ter­­ri­­toires


Les pres­­sions affec­­tant (+/–) la dif­­fu­­sion Les pres­­sions affec­­tant (+/–) la mise à niveau
de la tech­­no­­logie : tech­­no­­lo­­gique :
–– l’exis­­tence (+/–) de compé­­tences locales for­­mées –– la capa­­cité (+/–) à assi­­mi­­ler et à atteindre les stan­­
dans un sys­­tème édu­­ca­­tif per­­for­­mant (ou béné­­fi­­ dards inter­­na­­tionaux de qua­­lité, d’envi­­ron­­ne­­ment,
ciant d’un appui exté­­rieur effi­­cace), tant sur le plan de sécu­­rité (cf. normes ISO) ;
des tech­­niques de pro­­duc­­tion que de la ges­­tion et –– la capa­­cité (+/–) à mettre en confor­­mité les pro­­duits
de l’orga­­ni­­sa­­tion ; et ser­­vices locaux avec les sys­­tèmes d’homo­­lo­­ga­­
–– l’accès et la capa­­cité (+/–) à tirer parti du déve­­lop­­ tion les plus exi­­geants (US et UE) ;
pe­­ment des sys­­tèmes de dif­­fu­­sion (cf. Inter­­net haut –– la prise en compte (+/–) au niveau des infra­­struc­­
débit) et de l’inten­­si­­fi­­ca­­tion des flux d’infor­­ma­­tions tures (routes, télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tion, four­­ni­­ture en
(exis­­tence de capa­­ci­­tés de trai­­te­­ment) ; éner­­gie, en eau, équi­­pe­­ments por­­tuaires et aéro­por­­
–– la capa­­cité (+/–) à assi­­mi­­ler les tech­­no­­logies ori­­gi­­ tuaires…) des nou­­velles contraintes pro­­duc­­tives et
naires de l’exté­­rieur, à les adap­­ter et/ou à les trans­­ logis­­tiques inter­­na­­tionales (maî­­trise de la chaîne
for­­mer en fonc­­tion des contraintes des contextes d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment, juste à temps, traçabilité…) ;
locaux ou régio­­naux de mise en œuvre ; –– la sen­­si­­bi­­lité et l’appro­­pria­­tion (+/–) d’élé­­ments nor­­
–– la pré­­sence ou le poten­­tiel (+/–) de déve­­lop­­pe­­ment ma­­tifs axés vers la pro­­tec­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment,
de res­­sources et de struc­­tures de R & D locales le déve­­lop­­pe­­ment durable, l’éthique et la res­­pon­­sa­­
reliées aux réseaux de recherche inter­­na­­tionaux ; bi­­lité sociale de l’entre­­prise.
–– le niveau de respect de la pro­­priété intel­­lec­­tuelle et
indus­­trielle.

L’ana­­lyse sys­­té­­ma­­tique de ces pres­­sions externes, conjonc­­tu­­relles ou struc­­tu­­relles,


appli­­quées aux ter­­ri­­toires – zones géo­éco­­no­­miques et secteurs d’activité –, vers les­
­quelles les orga­­ni­­sa­­tions s’orientent ou sou­­haitent s’orien­­ter, per­­mettent donc de
déga­­ger de l’ensemble des élé­­ments de l’envi­­ron­­ne­­ment – stables ou évo­­lu­­tifs – ceux
qui sont les plus propres à affec­­ter de manière posi­­tive comme néga­­tive les acti­­vi­­tés
éco­­no­­miques dans ce ter­­ri­­toire/espace de réfé­­rence.

102
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

Sur de telles bases, les auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales, en pre­­nant en consi­­dé­­ra­­tion les


orga­­ni­­sa­­tions domes­­tiques qui y sont loca­­li­­sées, ou les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères qui
sont en rela­­tion avec ce ter­­ri­­toire, seront donc mieux en mesure d’en appré­­cier
l’impact favo­­rable ou défa­­vo­­rable et, par­­tant, les enjeux aux­­quels les unes comme
les autres seront confron­­tées :
––L’«  enjeu d’adap­­ta­­tion » de leur offre aux muta­­tions que cette pre­­mière ana­­lyse
devrait conduire les auto­­ri­­tés à revoir les condi­­tions d’accès de leur ter­­ri­­toire, mais
aussi sa pro­­mo­­tion, de manière à ce que les orga­­ni­­sa­­tions, «  domes­­tiques  » ou
étran­­gères, puissent y valo­­ri­­ser au mieux leurs avan­­tages compé­­titifs ;
––L’« enjeu de re­déploie­­ment » les engage à ajus­­ter le « modèle éco­­no­­mique » du
ter­­ri­­toire aux trans­­for­­ma­­tions obser­­vées de son envi­­ron­­ne­­ment, en déter­­mi­­nant les
acti­­vi­­tés qu’il y convient priori­­tai­­re­­ment d’encou­­ra­­ger ainsi que les localisations à
privilégier et les cibles géo­­gra­­phiques exté­­rieures à viser, avec les­­quelles déve­­lop­
­per les échanges, et desquelles atti­­rer des inves­­tis­­se­­ments ;
––L’«  enjeu concur­­ren­­tiel  » d’où que se mani­­feste la concur­­rence – d’espaces
proches ou dis­­tants, d’acteurs puis­­sants ou d’acteurs agiles –, les amène à choi­­sir
le ter­­rain – les coûts, l’inno­­va­­tion, l’image… – sur lequel leur ter­­ri­­toire, lui-même,
pourra se pla­­cer pour maxi­­mi­­ser les effets béné­­fiques que toutes ses par­­ties pre­­
nantes attendent de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale.
Au-delà des tra­­di­­tion­­nelles poli­­tiques pro­­tec­­tion­­nistes, c’est pré­­ci­­sé­­ment le posi­­
tion­­ne­­ment dyna­­mique du ter­­ri­­toire, pré­­ci­­sant la nature des oppor­­tu­­ni­­tés qu’il offre
mais met­­tant en évi­­dence, éga­­le­­ment les han­­di­­caps qu’il a à sur­­mon­­ter, qui se trouve
véri­­tablement au cœur de cette démarche :
––en sug­­gé­­rant les orien­­ta­­tions stra­­té­­giques et les approches opé­­ra­­tion­­nelles qui
per­­met­­tront aux auto­­ri­­tés de tirer le meilleur parti des oppor­­tu­­ni­­tés, tout en rédui­
­sant les han­­di­­caps ;
––en déli­­mi­­tant, pour les orga­­ni­­sa­­tions, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, les orga­­ni­­sa­­tions étran­
­gères, les sec­­teurs, les acti­­vi­­tés ou les indus­­tries les plus attrac­­tives : celles qui
pré­­sentent les plus grandes oppor­­tu­­ni­­tés, en sug­­gé­­rant les modes d’approche leur
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per­­met­­tant de mieux minimi­­ser leur expo­­si­­tion aux risques.

Section
2 Positionnement dyna­­mique
des ter­­ri­­toires
L’iden­­ti­­fi­­cation de l’ensemble de ces pres­­sions conduit donc les auto­­ri­­tés locales,
comme les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, à mieux appré­­cier les prin­­ci­­paux défis à rele­­ver
dans la perspec­­tive d’une inten­­si­­fi­­ca­­tion de leurs rela­­tions éco­­no­­miques avec l’exté­
­rieur et, notam­­ment, des flux d’inves­­tis­­se­­ments directs étran­­gers. Leur ana­­lyse

103
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

res­­pec­­tive (PREST niveau 2) peut les mener à des conclu­­sions lar­­ge­­ment conver­­
gentes :
––pour les auto­­ri­­tés, il s’agira de mettre en valeur et, donc, d’amé­­lio­­rer les fac­­teurs
de pro­­duc­­tion locaux et de maxi­­mi­­ser les avan­­tages compé­­titifs que pos­­sède le
ter­­ri­­toire, en aug­­men­­tant son attractivité sur un plan géné­­ral, comme, pour les
orga­­ni­­sa­­tions, d’en tirer parti de la manière la plus effi­­cace dans les domaines où
elles peuvent se mon­­trer par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment per­­for­­mantes ;
––en tenant compte, tou­­te­­fois, de la pos­­sible exis­­tence de diver­­gences d’inté­­rêts,
qu’il convien­­dra de conci­­lier, afin qu’auto­­ri­­tés locales et orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères
tirent, les unes et les autres, le meilleur parti de leurs rela­­tions éco­­no­­miques
mutuelles, qui ne pourront être opti­­mi­­sées, de jure ou de facto, qu’en pri­­vi­­lé­­giant,
entre elles, la coopé­­ra­­tion.

1  Autorités ter­­ri­­toriales et orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères :


les « enjeux » d’une inten­­si­­fi­­ca­­tion de leurs rela­­tions :

En tenant compte des dif­­fé­­rentes caté­­go­­ries de pres­­sions externes, les trois sortes
de défis s’arti­­culent sui­­vant une logique qui s’impose aux auto­­ri­­tés comme aux orga­
­ni­­sa­­tions étran­­gères :
• Ils partent de la néces­­sité de faire évo­­luer rapi­­de­­ment l’offre locale pour péren­­ni­­
ser les acti­­vi­­tés et les faire évo­­luer harmonieusement (enjeu d’adaptation). Les
ter­­ri­­toires en phase de crois­­sance, comme les éco­­no­­mies émergentes ou en phase
de ralen­­tis­­se­­ment, comme les éco­­no­­mies matures, doivent, les unes comme les
autres, faire preuve, non seule­­ment de réac­­ti­­vité, mais éga­­le­­ment de pro-activité.
• Ce qui conduit, les unes et les autres, à reconsi­­dérer en per­­ma­­nence, dans leurs
pro­­ces­­sus de déci­­sion res­­pec­­tif, comme dans le cadre d’une concer­­ta­­tion qui peut
avoir sa place, les acti­­vi­­tés comme les orien­­ta­­tions géo­­gra­­phiques à pri­­vi­­lé­­gier
(enjeu de redéploiement) pour mieux tirer parti de l’amé­­lio­­ra­­tion des fac­­teurs de
pro­­duc­­tion locaux, comme des nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés sus­­cep­­tibles de se mani­­fes­
­ter dans le ter­­ri­­toire lui-­même ou hors fron­­tières.
• Pour leur per­­mettre de dis­­po­­ser d’un cadre clair pour tous, s’appuyant sur des
struc­­tures de mieux en mieux adap­­tées et adap­­tables pour affron­­ter dans de
meilleures conditions, dans le ter­­ri­­toire consi­­déré, comme à par­­tir de ce ter­­ri­­toire,
une concur­­rence locale et inter­­na­­tionale (enjeu concurrentiel), entre espaces éco­­
no­­miques, comme entre orga­­ni­­sa­­tions opé­­rant dans des sec­­teurs simi­­laires.

104
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Ë les autorités : positionner le pays de façon plus attirante vis-à-vis des IDE
. soutenir la modernisation et les acteurs locaux
. empêcher la concurrence étrangère de dominer les secteurs clés
Ë les organisations étrangères : se faire admettre dans le contexte local
. accéder à des parts de marché/des facteurs de production avantageux
. assumer la concurrence locale et ses pratiques

Pressions Pressions

politico-réglementaires : technologiques :

des mar­­chés, E. Milliot et N. Tour­­nois, Vuibert, 2009.


CONCURRENCE
Ë les autorités locales Ë les autorités locales :
- redéfinir les cibles géo-sectorielles visées . mettre à niveau les infrastructures
- redéfinir le « concept-pays » vis-à-vis . améliorer les conditions d’accueil des IDE
de l’extérieur (activités et zones cibles
prioritaires)

REDÉPLOIEMENT ADAPTATION
Ë les organisations étrangères : Ë les organisations étrangères :
. optimiser leur réseau d’implantations locales . adapter ses produits/services à la demande locale
/internationales . ajuster ses processus de production/
. sélectionner/faire évoluer leur mode d’entrée distribution au contexte local
Pressions économiques et sociales :

Figure 2.3 – Les enjeux d’ouver­­ture des ter­­ri­­toires pour les autorités
locales et les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères1
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires 

1.  Source : J.-P Lemaire, « Les auto­­ri­­tés locales et les entre­­prises étran­­gères »in Les para­­doxes de la globalisation
■  Chapitre

105
2
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

L’enjeu d’adap­­ta­­tion porte sur l’offre respective des deux par­­ties pre­­nantes :
––Pour les auto­­ri­­tés locales, l’enjeu d’adap­­ta­­tion concerne tout par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment la
mise à niveau des infra­­struc­­tures ; ce qui englobe, notam­­ment, le cadre politico-
régle­­men­­taire, les équi­­pe­­ments col­­lec­­tifs ou l’édu­­ca­­tion, dans un envi­­ron­­ne­­ment
qu’elles doivent rendre le plus accueillant possible aux orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères ;
–– Pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, l’enjeu d’adap­­ta­­tion aux condi­­tions de pro­­duc­­tion
locales comme aux besoins et attentes de la demande locale et inter­­na­­tionale, en
matière de biens et de ser­­vices pro­­duits et ven­­dus loca­­le­­ment comme de biens et de
ser­­vices pro­­duits loca­­le­­ment et ven­­dus à l’exté­­rieur du ter­­ri­­toire consi­­déré, comme
aux attentes des autres parties prenantes (cf. responsabilité sociale de l’entreprise).
En se rap­­por­­tant au contexte res­­pec­­tif de cha­­cun des deux espaces éco­­no­­miques
rete­­nus pour appli­­quer cette démarche – Vietnam et Argen­­tine –, l’enjeu d’adap­­ta­­
tion auquel se trouvent confron­­tées les auto­­ri­­tés locales sem­­ble­­rait, a priori, plus
dif­­fi­­cile à rele­­ver pour le Vietnam, compte tenu des mul­­tiples han­­di­­caps struc­­tu­­rels
qu’il a à rat­­tra­­per. Les auto­­ri­­tés argen­­tines n’en ont pas moins, en dépit du carac­­tère
conjonc­­tu­­rel de la crise que le pays a à sur­­mon­­ter, à envi­­sa­­ger des trans­­for­­ma­­tions
pro­­fondes qui doivent tou­­cher les bases mêmes de son sys­­tème éco­­no­­mique et, avant
tout, le compor­­te­­ment de ses agents éco­­no­­miques.

Exemple 2.8 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les acteurs éco­­no­­miques
étran­­gers ? (5) Les auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales face à l’enjeu d’adap­­ta­­tion :
Au Vietnam, les auto­­ri­­tés ont dû, en priorité, s’atta­­cher à des chan­­tiers aussi divers que la régle­
­men­­ta­­tion, les équipements col­­lec­­tifs ou l’édu­­ca­­tion pour rele­­ver le niveau d’attractivité et
pro­­mou­­voir leur ter­­ri­­toire. Elles ont démon­­tré, dans cette perspec­­tive, une capa­­cité impres­­sion­
­nante à mobi­­li­­ser leurs res­­sources et à agir avec prag­­ma­­tisme pour obte­­nir des résul­­tats appré­
­ciables dans des délais rela­­ti­­ve­­ment courts, en fai­­sant évo­­luer rapi­­de­­ment les états d’esprit.
C’est ce qu’a prouvé leur capa­­cité à venir à bout du long pro­­ces­­sus d’adhé­­sion à l’OMC,
auprès de laquelle ce pays fait désor­­mais figure d’élève modèle, tout en pou­­vant se récla­­mer
d’une crois­­sance qui, depuis 2003, est res­­tée sou­­te­­nue jus­­qu’au ralen­­tis­­se­­ment enre­­gis­­tré
depuis 2011 et, ce, en dépit de pous­­sées infla­­tion­­nistes qui ont été combat­­tues avec vigueur.
L’Argen­­tine, en revanche, en dépit des atouts indé­­niables qu’elle pos­­sède, a révélé, après
une période de reprise remar­­quable, que ses fai­­blesses struc­­tu­­relles et les compor­­te­­ments
du passé (tant ceux de ses gou­­ver­­nants que ceux de cer­­tains de ses groupes sociaux) n’ont
pas dis­­paru. En témoigne l’impré­­vi­­si­­bi­­lité des déci­­sions, des uns, tout comme le main­­tien
à l’étran­­ger d’une large pro­­por­­tion des avoirs pri­­vés et le sens limité de la soli­­da­­rité natio­
­nale, des autres. En dépit des avan­­tages que donne au pays la sous-éva­­lua­­tion de sa devise
natio­­nale depuis sa dépré­­cia­­tion, bien des fac­­teurs d’insta­­bi­­lité demeurent, comme la
reprise de l’infla­­tion1 et le carac­­tère récur­­rent des désordres sociaux2…

1.  L’évo­­lu­­tion des prix à la consom­­ma­­tion s’est tra­­duite par une dimi­­nu­­tion de 1,1 % en moyenne annuelle, en 2001,
puis un accrois­­se­­ment de 25,9 % en 2002, de 13,4 % en 2003, de 4,4 % en 2004, pour remon­­ter à 9,6 % en 2005, pour
s’envoler jus­­qu’au coup d’arrêt de 2007 (source : Ambas­­sade de France en Argen­­tine, Mis­­sion Éco­­no­­mique).
2.  Comme en attestent les dif­­fi­­cultés ren­­contrées par les auto­­ri­­tés pour faire accep­­ter une aug­­men­­ta­­tion des taxes
à l’ex­port, des­­ti­­nées, à évi­­ter d’assé­­cher l’offre interne au béné­­fice d’une demande externe offrant de meilleures
marges, à ren­­flouer les caisses de l’État et à sou­­te­­nir les popu­­la­­tions et les sec­­teurs les plus défa­­vo­­ri­­sés.

106
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

Exemple 2.9 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les acteurs éco­­no­­miques
étran­­gers ? (6) Les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères face à l’enjeu d’adap­­ta­­tion
Au Vietnam, les pres­­sions externes, comme l’atti­­tude des auto­­ri­­tés per­­mettent à ces der­­
nières – et, même les incitent – à s’ins­­crire dans une démarche de long terme,
d’horizontalisation et, dans une cer­­taine mesure, de verticalisation, y compris dans des
acti­­vi­­tés for­­te­­ment capitalistiques, même si de nom­­breux fac­­teurs d’insta­­bi­­lité et le
carac­­tère encore très diri­­giste des auto­­ri­­tés locales demeurent des sujets de pré­­oc­­cu­­pa­­
tion, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment lorsque, comme en 2011-2012, se des­­sinent des chan­­ge­­ments au
sein des organes de direc­­tion poli­­tique et éco­­no­­mique du pays.
En Argen­­tine, en dépit de fon­­da­­men­­taux éco­­no­­miques lar­­ge­­ment favo­­rables, l’insta­­bi­­lité
per­­siste. Le compor­­te­­ment des pou­­voirs publics conduit les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères à
res­­ter très atten­­tistes face à l’impré­­vi­­si­­bi­­lité de l’envi­­ron­­ne­­ment poli­­tique et social et du
pilo­­tage de l’éco­­no­­mie1, en tirant parti des avan­­tages immé­­diats offerts par le pays
– comme l’excellent rap­­port qua­­li­­fi­­ca­­tion/coût de la main-­d’œuvre –, pour des acti­­vi­­tés
néces­­si­­tant peu d’immo­­bi­­li­­sa­­tions, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment celles qui sont tour­­nées réso­­lu­­ment
vers les mar­­chés exté­­rieurs (verticalisation).

C’est la conjonc­­tion de cette double prise en compte des enjeux d’adap­­ta­­tion, par
les auto­­ri­­tés locales, d’une part, et par les entre­­prises étran­­gères, d’autre part, pour
faire évo­­luer leur offre res­­pec­­tive, qui va sug­­gé­­rer les orien­­ta­­tions sus­­cep­­tibles
d’être rete­­nues pour les inves­­tis­­se­­ments directs étran­­gers. Celles-­ci concer­­ne­­ront le
choix des acti­­vi­­tés comme les modes de pré­­sence à pri­­vi­­lé­­gier. Au Vietnam, cette
ana­­lyse encou­­ra­­gera l’enga­­ge­­ment des orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères. En Argen­­tine, à
l’inverse, elle les inci­­tera à conser­­ver, pour un cer­­tain temps encore, « pro­­fil bas »,
autant que faire se peut – dans cer­­tains sec­­teurs, à tout le moins –.
L’enjeu de re­déploie­­ment, conduit les par­­ties pre­­nantes à revoir res­­pec­­ti­­ve­­ment,
pour les autorités locales de leur territoire, le cadre de l’orga­­ni­­sa­­tion éco­­no­­mique et
les priori­­tés sec­­to­­rielles et, pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, leur por­­te­­feuille
d’activités et la struc­­tu­­ra­­tion de leur chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment et de pro­­duc­­tion,
comme leur por­­te­­feuille de loca­­li­­sa­­tions :
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

• Pour les auto­­ri­­tés locales, cela sup­­pose de prendre en compte les priori­­tés de déve­
­lop­­pe­­ment des infra­­struc­­tures (en fonc­­tion de l’évo­­lu­­tion du rythme de crois­­sance
du ter­­ri­­toire) et de reconsi­­dérer les orien­­ta­­tions sec­­to­­rielles et indus­­trielles
majeures à y pri­­vi­­lé­­gier, allant même jus­­qu’à faire évo­­luer l’image du ter­­ri­­toire, en
met­­tant en avant un véri­­table « concept » qui y soit asso­­cié2 ;

1.  Peltier C. 2006.


2.  Comme la Chine a pu être consi­­dé­­rée, à la fin des années 1990, comme « l’usine du monde », le Bré­­sil, comme
« la ferme du monde », ou l’Inde comme le « back office » du monde. Ce qui ne signi­­fie pas que ces images sim­­
pli­­fi­­ca­­trices du modèle éco­­no­­mique de ces ter­­ri­­toires, à un moment don­­né, soient seule­­ment subies et défi­­ni­­tives :
ainsi l’Inde s’efforce de se posi­­tion­­ner désor­­mais comme un « bureau d’étude » ou un « centre de recherche » mon­
­dial, du moins pour cer­­tains sec­­teurs comme l’infor­­ma­­tique ou la phar­­ma­­cie géné­­rique dans les­­quels elle détient des
atouts qu’elle est déter­­mi­­née à mettre en valeur.

107
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

• Pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, cela les engage à jus­­ti­­fier et à faire évoluer leur
pré­­sence en fonc­­tion du poten­­tiel local (débou­­chés, res­­sources) et de sa dyna­­mique
d’ouver­­ture inter­­na­­tionale d’ensemble qui commande une opti­­mi­­sation per­­ma­­nente
de son déploie­­ment géo­­gra­­phique pour maxi­­mi­­ser son effi­­ca­­cité (maî­­triser au maxi­
­mum ses contraintes de coût, de respect des délais, de réduc­­tion des risques…). Cela
suppose aussi de multiplier les efforts pour s’intégrer à l’environnement local.
Concer­­nant, les choix de sec­­teurs, les atouts que chaque ter­­ri­­toire a à déve­­lop­­per
comme les han­­di­­caps qu’il a à combler, asso­­ciés aux efforts d’adap­­ta­­tion que les
auto­­ri­­tés ont enga­­gés doivent consti­­tuer des signaux clairs pour les orga­­ni­­sa­­tions
étran­­gères et leur per­­mettre d’arrê­­ter leurs choix stra­­té­­giques dans l’espace de réfé­
­rence ou d’expan­­sion qu’il consti­­tue pour elles, de manière à s’y insé­­rer et à y évo­
­luer le plus har­­mo­­nieu­­se­­ment pos­­sible.

Exemple 2.10 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les acteurs éco­­no­­


miques étran­­gers  ? (7) Les auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales face à l’enjeu de
re­déploie­­ment :
Au Vietnam, tous les sec­­teurs d’infra­­struc­­tures liés à la pro­­duc­­tion, aux utilities (cf. élec­
­tri­­cité, trans­­port, télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions…) et aux ser­­vices (ser­­vices finan­­ciers, postes…)
offrent désor­­mais des oppor­­tu­­ni­­tés consi­­dé­­rables aux acteurs étran­­gers, en dépit d’un
contrôle et d’une pré­­sence éta­­tiques tra­­di­­tion­­nel­­le­­ment forts, jus­­ti­­fiés aussi par le souci
de pré­­ser­­ver la sou­­ve­­rai­­neté natio­­nale1. Ces priori­­tés s’imposent et sont asso­­ciées à des
perspec­­tives de long terme, même si, paral­­lè­­le­­ment, elles peuvent être encou­­ra­­gées par
des inves­­tis­­se­­ments tirant parti de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation du pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion de
cer­­tains acteurs sou­­cieux de pro­­fi­­ter de coûts de main-­d’œuvre par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment favo­­
rables. Ce qui n’exclut pas des inves­­tis­­se­­ments for­­te­­ment consommateurs de capi­­taux
(par exemple la fabri­­ca­­tion de compo­­sants élec­­tro­­niques).
En Argen­­tine, les sec­­teurs d’infra­­struc­­ture ont connu, à l’inverse, un véri­­table reflux des
inves­­tis­­seurs étran­­gers, que le gou­­ver­­ne­­ment n’avait guère sou­­te­­nus au cours de la
période de crise et au-­delà. Si, à l’ini­­tiative des orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, le déve­­lop­­pe­­
ment des acti­­vi­­tés d’ensem­­blier et de sous-traitance auto­­mo­­bile2, ont pour­­suivi leur pro­
­gres­­sion après décembre 2001, ce sont sur­­tout les acti­­vités de fabri­­ca­­tion ou même de
sous-­traitance, peu consommatrices de capi­­taux, ne pré­­sen­­tant pas d’impor­­tantes bar­­
rières à la sor­­tie et valorisant l’excellent rap­­port qua­­lité/prix de la main-­d’œuvre qua­­li­­fiée
du pays qui ont sus­­cité le plus grand attrait pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, dans une
perspec­­tive de verticalisation (par exemple, concep­­tion de logi­­ciels, bureau d’étude, jeux
vidéo…). À mi che­­min de ces deux groupes d’investisseurs, la grande dis­­tri­­bu­­tion ou les
vignobles, carac­­té­­ri­­sés par des niveaux éle­­vés d’immo­­bi­­li­­sa­­tions, exigent, de ce fait, des
solu­­tions adap­­tées pour contourner leurs risques.

1.  Noter, en par­­ti­­cu­­lier pour les ser­­vices finan­­ciers, que l’émis­­sion moné­­taire –le droit de battre monnaie- qui
échoit aux banques, sous le contrôle, il est vrai de la Ban­que Centr­ale, consti­­tue, dans chaque pays, avec l’armée et
la police, un des trois attributs majeurs de la sou­­ve­­rai­­neté natio­­nale…
2.  Ainsi PSA n’a pas hésité à déve­­lop­­per son usine de mon­­tage dans la ban­­lieue de Buenos Aires. Renault, il est
vrai, a pré­­féré ne pas aug­­men­­ter ses capa­­ci­­tés locales en pré­­fé­­rant de déve­­lop­­per d’autres loca­­li­­sa­­tions, ailleurs, dans
le Mercosur (cf. Lemaire et Lopez, op.cit., 2008).

108
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

Ainsi se des­­sine le déploie­­ment ou le re­déploie­­ment très contrasté des acti­­vi­­tés


entre ces deux ter­­ri­­toires, ainsi que les réac­­tions et anti­­ci­­pations qui peuvent gui­­der
les déci­­sions des orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, en réponse à l’atti­­tude et aux prises de
posi­­tion des auto­­ri­­tés locales. Ce qui devrait, donc, contribuer à pré­­ci­­ser la défi­­ni­­
tion du «  modèle éco­­no­­mique  ter­­ri­­torial  » de cha­­cun de ces ter­­ri­­toires, les­­quels
devront, l’un comme l’autre, par ailleurs, évo­­luer avec le temps et les nou­­velles
trans­­for­­ma­­tions qui ne man­­que­­ront pas de se pro­­duire dans leur envi­­ron­­ne­­ment
direct et loin­­tain…

Exemple 2.11 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les acteurs éco­­no­­
miques étran­­gers ? (8) Les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères face à l’enjeu de
re­déploie­­ment :
Au Vietnam, il s’agira, pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, de cher­­cher à satis­­faire les
besoins d’infra­­struc­­ture locaux comme à satis­­faire les besoins de consom­­ma­­tion cou­­rante
(F.M.C.G., fast moving consu­­mer goods) et durable (durables). Ce n’est que dans un
second temps qu’elles pour­­ront envi­­sa­­ger de déve­­lop­­per la pro­­duc­­tion de biens et de ser­
­vices des­­tinés à ser­­vir la demande inter­­na­­tionale, en atten­­dant, à un hori­­zon plus loin­­tain,
de pro­­po­­ser des pro­­duits et ser­­vices ori­­gi­­naux, dans des sec­­teurs propres à tirer la plus
grande valeur ajou­­tée pos­­sible des avan­­tages compé­­titifs locaux les plus ori­­gi­­naux et les
mieux maî­­tri­­sés, en s’appuyant sur des infra­­struc­­tures qui res­­tent encore à déve­­lop­­per.
En Argen­­tine, à l’inverse, la priorité sera de minimi­­ser leur expo­­si­­tion à l’insta­­bi­­lité
locale encore mal contrô­­lée par les auto­­ri­­tés et d’échap­­per à l’arbi­­traire dont peuvent
faire preuve les diri­­geants poli­­tiques. Cela revient donc à évi­­ter les sec­­teurs d’infra­­struc­
­ture et à n’envi­­sa­­ger des inves­­tis­­se­­ments consom­­ma­­teurs de capi­­tal que dans le cadre
d’une verticalisation bien comprise1, tout en rete­­nant en priorité ceux qui sont aussi
insen­­sibles que pos­­sible à la demande locale et offrant le moins de prise aux revire­­ments
des poli­­tiques natio­­nales. Les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères doivent conju­­guer au mieux
l’accès aux meilleures res­­sources locales pour des pres­­ta­­tions essen­­tiel­­le­­ment des­­ti­­nées
à des mar­­chés exté­­rieurs, en recourant à la par­­ti­­cipation des inves­­tis­­seurs locaux, dès lors
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

que des immo­­bi­­li­­sa­­tions impor­­tantes sont à envi­­sa­­ger, pour autant, tou­­te­­fois, que ceux-­ci
consentent à s’enga­­ger (comme, par exemple dans le sec­­teur vini/viti­­cole)…

Mais c’est la concur­­rence et son évo­­lu­­tion qui vont consti­­tuer, à l’inté­­rieur du ter­
r­ i­­toire d’accueil comme sur les prin­­ci­­paux mar­­chés inter­­na­­tionaux vers les­­quels ses
agents éco­­no­­miques ont voca­­tion à déve­­lop­­per leurs expor­­ta­­tions (et dans cer­­tains
cas leurs inves­­tis­­se­­ments), un élé­­ment déci­­sif sup­­plé­­men­­taire de la détermination de
l’orien­­ta­­tion géo­­gra­­phique des flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments.
L’enjeu concur­­ren­­tiel, en effet, sup­­pose de prendre la mesure des acteurs internes
et externes, pri­­vés et publics, des pays ou des ter­­ri­­toires originaires ou destinataires

1.  L’accès au Mercosur peut consti­­tuer pour des inves­­tis­­seurs directs étran­­gers une inci­­ta­­tion sup­­plé­­men­­taire à
s’implan­­ter en Argen­­tine, dans la mesure où il offre, dans une perspec­­tive d’« horizontalisation élar­­gie », des débou­
­chés proches mul­­ti­­pliés par rap­­port au seul poten­­tiel du pays.

109
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

de ces flux d’échanges et d’investissements  : au pre­­mier chef, les orga­­ni­­sa­­tions


concur­­rentes, sus­­cep­­tibles d’opé­­rer (d’ache­­ter, de vendre, de pro­­duire..) dans les
mêmes sec­­teurs et les mêmes zones cibles dans le monde ; ensuite les territoires qui
peuvent proposer des avantages compétitifs équivalents ou supérieurs.
Ce qui exi­­gera une forte réac­­ti­­vité et, mieux, une véri­­table pro-­activité, tout autant :
––de la part des auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales, pour atti­­rer, plus que les ter­­ri­­toires homo­­
logues (et concur­­rents), les inves­­tis­­se­­ments les plus propres à faci­­li­­ter le déve­­lop­
­pe­­ment de leur espace éco­­no­­mique, tout en aidant les acteurs locaux à ré­ussir leur
per­­cée hors fron­­tières ;
––de la part des orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, pour se faire accep­­ter loca­­le­­ment par
l’ensemble des orga­­ni­­sa­­tions éco­­no­­miques, et déve­­lop­­per leurs parts de mar­­chés
aussi bien dans le pays, pour autant que cela s’ins­­crive dans leur logique de déve­
­lop­­pe­­ment hors fron­­tières, en tirant le meilleur parti des avan­­tages compé­­titifs
locaux, dans la mesure où ils sont et demeurent attrac­­tifs.
Le propre de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale est de faire évo­­luer de façon rapide l’envi­
r­ on­­ne­­ment inter­­na­­tional, certes encore frag­­menté, mais pour cer­­tains sec­­teurs du
moins1, de plus en plus inté­­gré. La concur­­rence est donc conduite à évo­­luer en per­­
ma­­nence, les posi­­tions acquises pou­­vant être, à tout moment, remises en ques­­tion,
obli­­geant les acteurs à des ajus­­te­­ments per­­ma­­nents.

Exemple 2.12 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les acteurs éco­­no­­


miques étran­­gers  ? (9) Auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales et orga­­ni­­sa­­tions étran­­
gères face au défi concur­­ren­­tiel :
Le Vietnam, long­­temps négligé par les inves­­tis­­seurs inter­­na­­tionaux, a béné­­fi­­cié, outre sa
déter­­mi­­na­­tion à lever les bar­­rières fai­­sant obs­­tacle à son entrée à l’OMC, du souci de bon
nombre d’orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères de ne pas trop concen­­trer leurs actifs en Chine.
Offrant cer­­tains avan­­tages compa­­rables à ceux de son grand voi­­sin, ce pays a pu commen­
­cer à favo­­ri­­ser l’implan­­ta­­tion d’étapes déter­­mi­­nées du pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion d’orga­­ni­
­sa­­tions étran­­gères dans le cadre de leur « verticalisation ». Celles-ci res­­tent cepen­­dant,
tri­­bu­­taires de l’appa­­ri­­tion de véri­­tables « gou­­lots d’étran­­gle­­ment » locaux, par exemple,
sur le mar­­ché du tra­­vail, sur lequel les talents locaux, très dis­­pu­­tés, tendent à pra­­ti­­quer la
sur­­en­­chère et la mobi­­lité. Par ailleurs, dans le cadre de la conquête et du déve­­lop­­pe­­ment
de leurs parts de mar­­ché locales (horizontalisation), les orga­­ni­­sa­­tions étrangères peuvent
avoir à sup­­por­­ter une concur­­rence intense, et par­­fois faus­­sée, d’acteurs locaux ; concur­­
rence d’ailleurs sou­­vent encou­­ra­­gée par les pou­­voirs publics locaux2.
L’Argen­­tine, quant à elle, doit affron­­ter une concur­­rence crois­­sante de la part de ses voi­
­sins et par­­te­­naires du Mercosur, pour atti­­rer les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments. En
dépit de la proxi­­mité cultu­­relle qu’elle offre aux orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères – européennes,

1.  Voir chapitre 3.


2.  Voir le cas Big C au Vietnam, Lan Huong Bui et Jean-­Paul Lemaire (par­­tie 1 et par­­tie 2), dis­­po­­nible 2013 à
la Cen­­trale des Cas (en fran­­çais et en anglais, avec notice péda­­go­­gique).

110
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

notam­­ment –, celles-­ci sont revenues de leur engoue­­ment de la grande période libé­­rale


des années 90, géné­­ra­­trice pour elles de bien des déceptions. La concur­­rence domes­­tique
aussi, dans les sec­­teurs où les trans­­ferts de tech­­no­­logie sont rapi­­de­­ment assi­­mi­­lables et
les compé­­tences locales abon­­dantes, pourrait se mon­­trer féroce et remettre en cause leur
main­­tien, sur­­tout si l’insta­­bi­­lité de la demande interne ou celle du cadre régle­­men­­taire
vient dimi­­nuer la ren­­ta­­bi­­lité escomp­­tée, comme cela a été le cas dans le domaine de la
grande dis­­tri­­bu­­tion et, surtout, des infrastructures.

En défi­­ni­­tive, rien n’est acquis dans le contexte des zones émergentes, ni pour les
auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales, ni pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères ; sans doute parce que
l’ouver­­ture crois­­sante des ter­­ri­­toires s’y effec­­tue dans un contexte d’inter­­na­­tiona­­li­­
sation accé­­lé­­rée, fai­­sant sans cesse évo­­luer les pres­­sions de l’envi­­ron­­ne­­ment,
internes comme externes. Les oppor­­tu­­ni­­tés et les menaces y évo­­luent sans cesse,
ren­­dant dif­­fi­­cile la maî­­trise de la conjonc­­ture, la sta­­bi­­lité des inté­­rêts res­­pec­­tifs des
par­­ties et, donc, la péren­­nité des options stra­­té­­giques prises.
Ce qui conduit, en conti­­nuant à se réfé­­rer à l’exemple de ces deux pays, à pro­­po­­ser
un cadre de posi­­tion­­ne­­ment et de prise de déci­­sion sus­­cep­­tible d’être uti­­lisé par les
inves­­tis­­seurs, mais aussi par les don­­neurs d’ordre, impor­­ta­­teurs et expor­­ta­­teurs,
orien­­tés vers l’un ou vers l’autre. Ce cadre d’ana­­lyse pou­­vant, bien sûr, être appli­­qué
à une grande variété d’autres ter­­ri­­toires

2  Le modèle « 4 x i »1 : du posi­­tion­­ne­­ment dyna­­mique


des ter­­ri­­toires à la prise de déci­­sion des orga­­ni­­sa­­tions

En asso­­ciant les élé­­ments de syn­­thèse qui viennent d’être déga­­gés aux deux
pre­­miers niveaux du modèle PREST appli­­qués aux exemples d’espaces de réfé­­
rence comme le Vietnam et l’Argen­­tine, deux axes pour­­raient être pri­­vi­­lé­­giés
pour les posi­­tion­­ner les uns par rap­­port aux autres en termes d’attractivité et pour
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en tirer des consé­­quences opé­­ra­­tion­­nelles, du point de vue, en particulier, d’inves­


­tis­­seurs directs étran­­gers :
• Un pre­­mier axe cor­­res­­pon­­drait à la «  rési­­lience  », autre­­ment dit la capa­­cité du
ter­­ri­­toire consi­­déré à résis­­ter à l’insta­­bi­­lité et aux chocs conjonc­­tu­­rels, par­­ti­­cu­­liè­
­re­­ment dans un contexte de crise ou d’après crise. Cette rési­­lience, résul­­te­­rait de
la combi­­nai­­son de deux compo­­santes :
–– d’une part, la conti­­nuité et la déter­­mi­­na­­tion de la gou­­ver­­nance politico-éco­­no­­
mique qui s’y exerce à tra­­vers les poli­­tiques et les mesures qui sont définies et
mises en œuvre par les auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales ;

1.  Voir ibi­­dem J.-P.Lemaire, in E.Milliot et N.Tounoisop.cit., voir aussi J.-P. Lemaire, «  Pays émergents  : les
inves­­tis­­seurs au pied du mur », L’Expan­­sion Mana­­ge­­ment Review, juin 2010.

111
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

–– d’autre part, la cohé­­sion sociale qu’on peut obser­­ver entre les groupes sociaux et
cultu­­rels, de quelque nature qu’ils soient, sur la base d’une valo­­ri­­sa­­tion de leurs
dif­­fé­­rences plu­­tôt que de leur exa­­cer­­ba­­tion, au sein du ter­­ri­­toire consi­­déré.
• Un second axe cor­­res­­pon­­drait aux « res­­sources », autre­­ment dit à la capa­­cité du
ter­­ri­­toire à tirer parti de ses res­­sources et à déve­­lop­­per ses infra­­struc­­tures, au
pro­­fit de ses res­­sor­­tis­­sants comme de ses par­­te­­naires étran­­gers. Ces « res­­sources »
s’envi­­sa­­ge­­raient, res­­pec­­ti­­ve­­ment :
–– en termes d’actifs maté­­riels « naturels » (matières pre­­mières, cli­­mat, pay­­sages,
cadre de vie, patri­­moine cultu­­rel visible…) et imma­­té­­riels (image, his­­toire et
culture, niveau de sécu­­rité, qualité de l’accueil des habi­­tants…) ;
–– en termes d’infra­­struc­­tures tan­­gibles (routes, ports, aéro­­ports, accès aux « uti­­
li­­tés  » -élec­­tri­­cité, eau, gaz, télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions, Inter­­net haut débit…-) et
intan­­gibles (sys­­tème édu­­ca­­tif, cadre juri­­dique, réac­­ti­­vité/pro acti­­vité des admi­­
nis­­tra­­tions…).
Ces deux axes appli­­qués à l’attractivité des ter­­ri­­toires, per­­mettent, tout à la fois, de
des­­si­­ner – sinon de pres­­crire à coup sûr – un cer­­tain nombre d’orien­­ta­­tions opé­­ra­­
tion­­nelles pour les par­­ties pre­­nantes, auto­­ri­­tés ter­­ri­­toriales et orga­­ni­­sa­­tions étran­­
gères, en leur per­­met­­tant, notam­­ment :
–– de déter­­mi­­ner dans quelle perspec­­tive – horizontalisation et/ou verticalisation – les
rela­­tions de pro­­duc­­tion et/ou d’échange pour­­raient être priori­­tai­­re­­ment envi­­sa­­gées ;
––d’iden­­ti­­fier les sec­­teurs, où l’offre ou les besoins locaux béné­­fi­­cient du contexte le
plus favo­­rable pour déve­­lop­­per des tran­­sac­­tions et/ou mener à bien des
implantations ;
––d’esti­­mer le niveau des immo­­bi­­li­­sa­­tions (cf. inves­­tis­­se­­ments) et des enga­­ge­­ments
(cf. encours de cré­­dit client) accep­­tables, pour minimi­­ser l’expo­­si­­tion aux risques
locaux ;
––d’envi­­sa­­ger le mode de pré­­sence ou de rela­­tion le plus appro­­prié, per­­met­­tant un
contrôle et un par­­tage satis­­faisant de ces risques, en par­­te­­na­­riat ou non avec des
acteurs locaux ou étran­­gers.
En croi­­sant ces deux axes « résilience » et « ressources », le modèle « 4 x i » pro­
­ ose quatre qua­­drants qui per­­mettent de faire le par­­tage entre les ter­­ri­­toires et que
p
l’on peut, en l’occur­­rence, appli­­quer aux pays émergents, envi­­sa­­gés du point de vue
des inves­­tis­­se­­ments directs étran­­gers, sans pré­­ju­­dice d’appli­­ca­­tions à d’autres caté­­
go­­ries de ter­­ri­­toires – régions, muni­­ci­­pa­­li­­tés… – évo­­quées plus haut – 1 et de tran­­
sac­­tions (im­port, ex­port, sous-­taitance…).

1.  L’indexa­­tion de ce modèle fait l’objet d’une recherche per­­met­­tant, notam­­ment, d’iden­­ti­­fier les index exis­­tants
les plus propres à mesu­­rer les dif­­fé­­rentes dimen­­sion invo­­quées et de les pon­­dé­­rer pour pro­­cé­­der, d’une part au posi­
­tion­­ne­­ment des pays ou des ter­­ri­­toires consi­­dé­­rés, d’autre part, à l’ana­­lyse dyna­­mique de leur évo­­lu­­tion. Cette
recherche comporte la consul­­ta­­tion d’orga­­nismes spé­­cia­­li­­sés dans l’ana­­lyse du risque inter­­na­­tional (ECA, Ex­port
Credit Agencies) ainsi que d’ ins­­ti­­tutions multi gou­­ver­­ne­­men­­tales (Banque mon­­diale, FMI, OMC…), pour déter­­mi­
­ner la per­­ti­­nence de cer­­tains indices – Gini, Indice de Déve­­lop­­pe­­ment Humain, etc.

112
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

+
« INSISTANTS » « INCONTOURNABLES »

Espace politique homogène Espace homogène à la gouvernance


RÉSILIENCE : disposant d’une gouvernance et aux objectifs clairs disposant
économique stable, aux objectifs d’un niveau d’infrastructures
Résistance à l’instabilité et aux clairs et dynamiques. compétitif.
chocs conjoncturels
Vision à long terme de la Généralement déjà engagés Comportant encore souvent des
gouvernance économique dans un processus d’amélioration disparités internes ou déjà au-delà
et de renforcement de leurs d’un seuil de développement élevé
infrastructures tangibles et tout en restant attractifs pour les
intangibles. investisseurs.

« IMMATURES » « INCERTAINS »

Espace politique peu cohérent, à la Espace politique et économique ne


gouvernance économique parvenant pas à adopter une
instable/chaotique, dépendant de gouvernance stable et à poursuivre
l’aide extérieure. des objectifs cohérents et suivis.

Englués dans des désordres Souvent en proie à des crises liées


internes – voire externes –, ne à leur instabilité interne,

– bénéficient pas ou peu des efforts


déployés en interne ou en externe.
particulièrement vulnérables aux
crises affectant leurs pays
partenaires

– RESSOURCES : Degré de mise à niveau des +


infrastructures et d’exploitation des ressources

(pre­­nant en compte les dif­­fé­­rents niveaux de l’ana­­lyse PREST, à par­­tir des pres­­sions externes,
struc­­tu­­relles et conjonc­­tu­­relles politico-régle­­men­­taires, éco­­no­­miques et sociales,
tech­­no­­lo­­giques, s’appli­­quant aux ter­­ri­­toires/espaces de réfé­­rence ou d’expan­­sion)

Figure 2.4 – Le modèle « 4 x i »


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Dans une démarche par­­tant de l’ana­­lyse jus­­qu’à la prise de déci­­sion, ces quatre
qua­­drants per­­mettent de posi­­tion­­ner les dif­­fé­­rents ter­­ri­­toires consi­­dé­­rés et d’en
obser­­ver l’évo­­lu­­tion dans le temps, pour per­­mettre aux auto­­ri­­tés, comme aux orga­­
ni­­sa­­tions étran­­gères d’en tirer les impli­­ca­­tions opé­­ra­­tion­­nelles qui en découlent.

2.1  Les ter­­ri­­toires « incontournables »


Les ter­­ri­­toires incontournables, dans les zones émergentes, comme Dubaï et
Singapour1, ou encore, comme cer­­taines régions chi­­noises du lit­­to­­ral, cer­­taines

1.  Le Qatar pourrait-­il s’inté­­grer, s’il ne s’intègre déjà, dans ce groupe (cf. exemple 2.2 « Un nou­­veau venu très
actif sur la scène inter­­na­­tionale : le Qatar ». ) ?

113
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

zones éco­­no­­miques indiennes dédiées aux nou­­velles tech­­no­­logies ou le riche tri­­


angle sud du Bré­­sil, combinent une forte capa­­cité à faire face aux chocs conjonc­­tu­
­rels, dans la mesure où ils suivent des axes de déve­­lop­­pe­­ment bien éta­­blis, dans le
cadre de modèles éco­­no­­miques clairs, pour les petits pays, ou de sché­­mas direc­­teurs
régio­­naux qui les valo­­risent dans des cadres natio­­naux plus vastes. Ces ter­­ri­­toires
dis­­posent d’ores et déjà d’un niveau d’infra­­struc­­tures élevé et exploitent effi­­ca­­ce­­
ment leurs res­­sources.
Pour les auto­­ri­­tés, ces ter­­ri­­toires consti­­tuent des espaces bien iden­­ti­­fiés en eux-­
mêmes (petits États, régions homo­­gènes, métro­­poles), dotés de pro­­jets de déve­­lop­­
pe­­ment struc­­tu­­rés, évo­­lu­­tifs et anticipateurs, s’insérant dans des ensembles natio­­naux
ou de ter­­ri­­toires de proxi­­mité cohé­­rents. Il s’agit d’adop­­ter des axes d’orien­­ta­­tion
tirant parti des complé­­men­­ta­­ri­­tés qu’ils pré­­sentent avec leur envi­­ron­­ne­­ment proche
et loin­­tain, qu’on ait su les créer ou qu’elles se soient déve­­lop­­pées spon­­ta­­né­­ment.
«  Territoires concepts  », bien gérés, ils tra­­duisent un souci per­­manent de tirer le
meilleur parti de leurs res­­sources, de ren­­voyer une image claire à leurs par­­te­­naires
éco­­no­­miques et poli­­tiques et d’assu­­rer, de pré­­fé­­rence dans une har­­mo­­nie par­­ta­­gée,
plu­­tôt qu’impo­­sée, un niveau de coexis­­tence satis­­faisant entre les dif­­fé­­rents acteurs
qui s’y trouvent ras­­sem­­blés.
Pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, ces ter­­ri­­toires pré­­sentent une gamme très large
d’oppor­­tu­­ni­­tés dans un cli­­mat d’affaires géné­­ra­­le­­ment très favo­­rable, les enga­­
geant, cepen­­dant, à prendre en compte, pour leurs choix de sec­­teurs ou d’acti­­vi­­tés
cibles, les besoins locaux, les fac­­teurs de pro­­duc­­tion dis­­po­­nibles comme les priori­
­tés et les limites sec­­to­­rielles qu’indiquent les auto­­ri­­tés. Si la taille du mar­­ché et le
rythme de crois­­sance évo­­luent favo­­ra­­ble­­ment, elles peuvent pri­­vi­­lé­­gier la conquête
de parts de mar­­ché (horizontalisation). Tout comme elles peuvent, dans une
perspec­­tive de verticalisation, tirer parti des fac­­teurs de pro­­duc­­tion locaux pour
assu­­rer en propre (sole venture), en partenariat (joint venture)ou par voie de sous-
traitance, la fabri­­ca­­tion et l’expor­­ta­­tion de compo­­sants ou de pro­­duits finis vers
d’autres des­­ti­­nations.

2.2  Les ter­­ri­­toires « insis­­tants »


Les ter­­ri­­toires insis­­tants ont déjà démon­­tré, sur une période signi­­fi­­ca­­tive de plu­­
sieurs années, à l’image de certains pays d’Afrique (comme le Ghana) et, surtout, de
nombre de pays d’Asie du Sud-­Est – comme le Vietnam peut en four­­nir l’exemple,
pen­­dant la période pré­­cé­­dant son adhé­­sion à l’OMC et, depuis –, leur capa­­cité à faire
face aux chocs conjonc­­tu­­rels. Ces chocs peuvent être, aussi bien, internes (pous­­sées
infla­­tion­­nistes résul­­tant d’un embal­­le­­ment de la demande ou de défauts d’infra­­struc­
­tures dans un contexte de crois­­sance rapide), qu’externes (impact des crises régio­­
nales ou mon­­diales affec­­tant leur demande externe), et, ce, en dépit d’un niveau
d’infra­­struc­­tures et d’exploi­­ta­­tion de leurs res­­sources encore modeste, mais en pro­­
gres­­sion rapide.

114
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

Pour les auto­­ri­­tés locales, issues sou­­vent d’une tra­­di­­tion diri­­giste, ou, à l’inverse,
pos­­sé­­dant ou ayant su acqué­­rir une culture con­sen­­suelle faci­­li­­tant la conci­­lia­­tion
entre les dif­­fé­­rents groupes sociaux, eth­­niques et/ou éco­­no­­miques1, la dif­­fi­­culté est
de pro­­gres­­ser dans tous les domaines à la fois, sou­­vent dans un cadre géo­­gra­­phique
et éco­­no­­mique et/ou social, hété­­ro­­gène. Il convien­­dra, pour elles, en fai­­sant évo­­luer
les men­­ta­­li­­tés – les leurs, comme celles des dif­­fé­­rents groupes sociaux et éco­­no­­
miques qui se contoient sur le ter­­ri­­toire consi­­déré –, de hié­­rar­­chi­­ser les priori­­tés dans
un cadre suf­­fi­­sam­­ment souple pour s’adap­­ter aux muta­­tions plus ou moins bru­­tales
de leur envi­­ron­­ne­­ment. Il leur faudra aussi contrô­­ler les déra­­pages inévi­­tables (gou­
­lots d’étran­­gle­­ment), en s’appuyant, autant que faire se peut, sur les orga­­ni­­sa­­tions
étran­­gères et internationales, publiques et privées sus­­cep­­tibles de leur appor­­ter les
res­­sources qui leur font le plus cruel­­le­­ment défaut et qu’elles tar­­de­­raient trop long­­
temps à acqué­­rir par elles-­mêmes.
Pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, l’insuf­­fi­­sance des infra­­struc­­tures et la mon­­tée
en puis­­sance de la consom­­ma­­tion qui carac­­té­­risent le plus sou­­vent ces ter­­ri­­toires
dési­­gnent tout natu­­rel­­le­­ment les sec­­teurs cibles – infra­­struc­­tures et pro­­duits de
grande consom­­ma­­tion –, la nature de leur démarche d’approche – en l’occur­­rence,
conquête de parts de mar­­ché (horizontalisation plu­­tôt que verticalisation)- comme
les modes d’entrée à pri­­vi­­lé­­gier (per­­met­­tant une impor­­tante expo­­si­­tion au risque.
Pour faci­­li­­ter les rela­­tions avec les auto­­ri­­tés et avec l’envi­­ron­­ne­­ment local et/ou si
l’orga­­ni­­sa­­tion ne sou­­haite pas assu­­mer seule des risques et des coûts d’immo­­bi­­li­­sa­­
tion trop éle­­vés (sole venture), une entre­­prise conjointe avec un acteur étran­­ger ou
un partenaire local – sur­­tout si les auto­­ri­­tés l’imposent – (joint venture) consti­­tue un
mode d’entrée envi­­sa­­geable, au moins à titre tran­­si­­toire, dans la perspec­­tive d’un
contrôle à 100 % si l’évo­­lu­­tion favo­­rable atten­­due se confirme et si le cadre ins­­ti­­
tution­­nel se révèle suf­­fi­­sam­­ment évo­­lu­­tif.

2.3  Les ter­­ri­­toires « incer­­tains »


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Les ter­­ri­­toires incer­­tains, comme l’Argen­­tine ou la Russie, présentent un niveau


d’infra­­struc­­tures et une capa­­cité à exploi­­ter leurs res­­sources appré­­ciables – quoique,
par­­fois, dans cer­­tains domaines ou dans cer­­tains sec­­teurs, en régres­­sion2 –. Ils se
trouvent en situa­­tion inverse des pré­­cé­­dents du fait de l’insta­­bi­­lité de leur gou­­ver­­
nance ou des dif­­fi­­cultés qu’ils ren­­contrent à déter­­mi­­ner et/ou à faire accep­­ter des
orien­­ta­­tions claires propres à faire pro­­gres­­ser leur mise en valeur dans une perspec­
­tive d’ouver­­ture inter­­na­­tionale.. Ils ont sou­­vent, aussi, à faire face aux fluc­­tua­­tions

1.  Ce pourra être le cas, notam­­ment de pays afri­­cains, comme l’Afrique du sud ou du Ghana, qui ont su déve­­
lop­­per, bien que par­­fois dans la dou­­leur, une véri­­table approche démo­­cra­­tique, ren­­dant le dia­­logue plus facile, au
niveau éco­­no­­mique, en interne comme en externe. Cf. L. Zinsou, « Dyna­­miques éco­­no­­mique et poli­­tique », in « La
démo­­cra­­tie en Afrique », Pou­­voirs n°129 - avril 2009 -. « Afrique : les che­­mins de la crois­­sance » dans Pro­­blèmes
éco­­no­­miques, La Docu­­men­­ta­­tion fran­­çaise, n°2.906, 13 sep­­tembre 2006.
2.  Comme le montre la dif­­fi­­cile reconver­­sion, en Russie, de cer­­taines acti­­vi­­tés tour­­nées vers la défense.

115
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

internes et externes de la conjonc­­ture (cf. dépen­­dance des prix des matières pre­­
mières qui repré­­sentent sou­­vent pour eux la source pre­­mière de leurs reve­­nus).
Les auto­­ri­­tés locales, gagne­­raient à déve­­lop­­per, au-­delà des dif­­fi­­cultés à gérer le
court terme et les ten­­sions éven­­tuelles entre groupes sociaux, reli­­gieux et/ou eth­­
niques1, une approche à plus long terme, inté­­grant davan­­tage les attentes et les
compor­­te­­ments des par­­te­­naires éco­­no­­miques étran­­gers, dans les sec­­teurs clés
offrant les inter­­ac­­tions les plus fruc­­tueuses pour les dif­­fé­­rentes par­­ties pre­­nantes.
Le but visé serait de péren­­ni­­ser les rela­­tions avec ces orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, en
cher­­chant à confor­­ter pro­­gres­­si­­ve­­ment l’image du ter­­ri­­toire vis-­à-vis de celles-­ci,
tout en sti­­mu­­lant, en interne, la prise de conscience des béné­­fices d’une plus grande
ouver­­ture inter­­na­­tionale, comme la volonté de se ména­­ger les moyens d’en tirer
parti.
Les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, en dépit de l’attrait que pré­­sentent ces ter­­ri­­toires en
termes de res­­sources et, à un moindre titre, d’infra­­struc­­tures, ont à consi­­dé­­rer le
risque comme un élé­­ment majeur, en limitant autant que faire se peut leur expo­­si­­
tion. Ce qui sup­­pose, de leur part, de pri­­vi­­lé­­gier la verticalisation plu­­tôt que
l’horizontalisation, dans des sec­­teurs peu capitalistiques, jugés non stra­­té­­giques par
les auto­­ri­­tés, en met­­tant en œuvre les fac­­teurs de pro­­duc­­tion locaux à plus forte
valeur ajou­­tée, en par­­ta­­geant les inves­­tis­­se­­ments avec des par­­te­­naires locaux et/ou
étran­­gers, en visant des clien­­tèles non domes­­tiques, pour ne pas dépendre de l’insta­
­bi­­lité de la demande locale.

2.4  Les ter­­ri­­toires « imma­­tures »


Les ter­­ri­­toires imma­­tures, comme nombre de pays d’Afrique (par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
dépour­­vus de res­­sources et/ou déchi­­rés par des conflits fron­­ta­­liers ou eth­­niques
comme, notamment, à la « corne » de l’Afrique) ou cer­­taines régions recu­­lées du
continent asia­­tique ou sud amé­­ri­­cain, enfin, souffrent d’une posi­­tion faible sur les
deux axes à la fois, sans tou­­te­­fois, pré­­ju­­ger d’une ana­­lyse plus fine per­­met­­tant de
déce­­ler les fac­­teurs de chan­­ge­­ment propres à les faire évo­­luer. Ces ter­­ri­­toires béné­­
fi­­cient sou­­vent d’aides inter­­na­­tionales publiques et pri­­vées pour combler leurs
retards consi­­dé­­rables, en termes d’infra­­struc­­tures et d’exploi­­ta­­tion de leurs res­­
sources, pour pal­­lier les carences et les trau­­ma­­tismes les plus urgents et/ou pour
sou­­te­­nir, le cas échéant, la struc­­tu­­ra­­tion de leur sys­­tème de gou­­ver­­nance.
Les auto­­ri­­tés locales doivent par­­ve­­nir, si la situa­­tion interne le per­­met, sur la base
de rela­­tions bila­­té­­rales ou avec l’appui des orga­­ni­­sa­­tions multi-­gouvernementales

1.  L’après « Prin­­temps arabe » a révélé, après la dis­­pa­­ri­­tion de régimes auto­­ri­­taires laïcs, l’inten­­sité des conflits
latents oppo­­sant dif­­fé­­rentes reli­­gions ou groupes reli­­gieux, et dont la liberté reconquise a per­­mis l’expres­­sion, créant
une réelle dif­­fi­­culté à éta­­blir, en Tunisie, en Lybie, comme en Égypte, un pou­­voir poli­­tique stable, lar­­ge­­ment accepté
par la popu­­la­­tion, et, a for­­tiori, à relan­­cer les acti­­vi­­tés éco­­no­­miques dans un cli­­mat apaisé (voir «  The Arab
awakening : Revolution spinning in the wind », The Economist, 16/7/2011).

116
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

mon­­diales ou conti­­nen­­tales1, ou non gou­­ver­­ne­­men­­tales, à satis­­faire les besoins de


base de la popu­­la­­tion. Elles doivent aussi cher­­cher direc­­te­­ment ou indi­­rec­­te­­ment à
réta­­blir l’ordre si, du fait d’une puis­­sance étran­­gère ou de conflits internes, la gou­­
ver­­nance poli­­tique et/ou éco­­no­­mique est affai­­blie ou ne peut s’exer­­cer sur tout ou
par­­tie du ter­­ri­­toire, sans pos­­si­­bi­­lité d’en réta­­blir l’exer­­cice nor­­mal à brève
échéance.
Pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, nombre d’indi­­ca­­teurs étant néga­­tifs, la plus
grande pru­­dence est de mise, même si le poten­­tiel du pays est pro­­met­­teur. Elles pri­
­vi­­lé­­gie­­ront donc les sec­­teurs visant à satis­­faire les besoins priori­­taires -infra­­struc­­
tures, biens d’équi­­pe­­ment comme biens de consom­­ma­­tion ou huma­­ni­­taires-, en
appor­­tant leur savoir-­faire commer­­cial, mais aussi, social, sani­­taire et, en toute
hypo­­thèse, managérial, tout en minimi­­sant leur expo­­si­­tion locale (pré­­sence commer­
­ciale ou inves­­tis­­se­­ment par­­tagé, ou encore pris en charge par un par­­te­­naire local ;
sou­­tien d’orga­­ni­­sa­­tions d’aide, bila­­té­­rales ou multi gou­­ver­­ne­­men­­tales). Il est aussi
envi­­sa­­geable pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères d’y exploi­­ter/d’impor­­ter les res­­
sources locales, en limi­­tant, là encore, son expo­­si­­tion et/ou en béné­­fi­­ciant, dans le
cadre de rela­­tions poli­­tiques bila­­té­­rales favo­­rables, d’un appui signi­­fi­­ca­­tif de son
pays d’ori­­gine2.
En sui­­vant cette démarche, les deux pays rete­­nus pour­­raient se posi­­tion­­ner de
manière assez logique, l’un – le Vietnam –, dans le qua­­drant « insis­­tant », l’autre –
l’Argen­­tine –, dans le qua­­drant « incer­­tain ». Ce posi­­tion­­ne­­ment orien­­te­­rait les orga­
­ni­­sa­­tions étran­­gères vers des choix d’acti­­vi­­tés et de modes d’entrée pre­­nant en
compte les par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés de leur envi­­ron­­ne­­ment res­­pec­­tif pour tirer le meilleur parti
des oppor­­tu­­ni­­tés qu’ils recèlent l’un et l’autre.

Exemple 2.13 – Vietnam et Argen­­tine, quelle attractivité pour les inves­­tis­­seurs et les


acteurs éco­­no­­miques étran­­gers ? (10) Posi­­tion­­ne­­ment et impli­­ca­­tions
managériales pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères :
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Le Vietnam, carac­­té­­risé par un niveau d’infra­­struc­­tures encore limité et par une appré­­
ciable sta­­bi­­lité éco­­no­­mique et poli­­tique, mais aux auto­­ri­­tés locales ani­­mées d’une grande
déter­­mi­­na­­tion, pour­­rait figu­­rer dans la caté­­go­­rie des « insistants », avec la perspec­­tive
d’évo­­luer, à un hori­­zon, certes, encore éloi­­gné, vers le groupe des « incontournables ».
Ce qui enga­­ge­­rait les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères à s’impli­­quer dans le sec­­teur des infra­­

1.  Cf. sou­­vent finan­­cières, comme la Banque Asia­­tique de Déve­­lop­­pe­­ment, la Banque inter amé­­ri­­caine de déve­
l­op­­pe­­ment, la Banque Asia­­tique de Déve­­lop­­pe­­ment, au niveau conti­­nen­­tal, et, bien sûr, le Fonds Moné­­taire Inter­­na­
­tional, la Banque Mon­­diale, la société finan­­cière Inter­­na­­tionale, etc., mais aussi, spé­­cia­­li­­sées, comme l’Orga­­ni­­sa­­tion
Mon­­diale du Commerce, l’Orga­­ni­­sa­­tion Mon­­diale de la Santé, l’Orga­­ni­­sa­­tion Inter­­na­­tionale du tra­­vail… dans les
situa­­tions de conflit ouvert, c’est à des orga­­ni­­sa­­tions comme l’ONU ou l’OTAN d’inter­­ve­­nir pour essayer de faire
ces­­ser les vio­­lences et réta­­blir dans la mesure du pos­­sible l’état de droit. Pour les orga­­ni­­sa­­tions non gou­­ver­­ne­­men­­
tales, voir repère 1.9. La mon­­tée en puis­­sance des Orga­­ni­­sa­­tions Non gou­­ver­­ne­­men­­tales et de la « Société Civile
Inter­­na­­tionale »
2.  C’est le schéma adopté par les entre­­prises chi­­noises, en Afrique notam­­ment (cf. supra)

117
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

struc­­tures (incluant les filières à réha­­bi­­li­­ter et à mettre à niveau, dans le sec­­teur éner­­gé­­
tique, tou­­ris­­tique ou agro­ali­­men­­taire, notam­­ment), pour autant, comme cela semble être
actuel­­le­­ment le cas, que les auto­­ri­­tés leur en ouvrent les portes de manière moti­­vante et
avec des garan­­ties suf­­fi­­santes. Pour­­raient être aussi envi­­sa­­gés des inves­­tis­­se­­ments dans
les sec­­teurs où la demande est actuel­­le­­ment forte, en tirant parti de la hausse du niveau
de vie, en par­­ti­­cu­­lier dans les zones urbaines (cf. auto­­mo­­bile, deux roues, équi­­pe­­ment du
foyer, biens de grande consom­­ma­­tion, grande dis­­tri­­bu­­tion…), avec, cepen­­dant, le risque
de voir les acteurs locaux mon­­ter en puis­­sance…
L’Argen­­tine, béné­­fi­­ciant d’un niveau d’infra­­struc­­tures d’assez bonne qua­­lité et d’une
grande variété de res­­sources, tant miné­­rales qu’agri­­coles, souffrant cepen­­dant, d’une
insta­­bi­­lité chro­­nique – dépen­­dant davan­­tage du compor­­te­­ment des acteurs poli­­tiques et
éco­­no­­miques que de l’insta­­bi­­lité de l’envi­­ron­­ne­­ment externe –, pour­­rait être pla­­cée parmi
les «  incertains  ». Les inves­­tis­­seurs devraient donc plu­­tôt se diri­­ger vers les sec­­teurs
structurellement expor­­ta­­teurs (miniers et de pre­­mière transformation, agroali­­men­­taires,
ou encore, à valeur ajoutée tech­­no­­lo­­gique), sur lesquels la demande interne aurait rela­­ti­
­ve­­ment peu d’impact. Dans les autres sec­­teurs, les perspec­­tives seraient plus dif­­fi­­ciles à
déter­­mi­­ner, du moins tant que les orien­­ta­­tions des auto­­ri­­tés locales res­­te­­ront impré­­vi­­
sibles vis-­à-vis des inves­­tis­­seurs ; ce qui n’engage pas, même à moyen terme, à consi­­dé­
­rer autre­­ment les oppor­­tu­­ni­­tés qu’offre ce pays.

L’ana­­lyse de l’attractivité des ter­­ri­­toires conduit donc, comme ici, à tra­­vers l’appli­
­ca­­tion suc­­ces­­sive du modèle PREST puis du modèle « 4 x i », aux espaces émergents,
pris ici comme exemples, à mieux iden­­ti­­fier les enjeux qui découlent des contraintes
de l’envi­­ron­­ne­­ment et de dis­­tin­­guer les dif­­fé­­rents choix stra­­té­­giques pos­­sibles. Chaque
ter­­ri­­toire peut être uti­­le­­ment posi­­tionné de façon dyna­­mique, pour autant que l’on soit
atten­­tif à l’évo­­lu­­tion de son envi­­ron­­ne­­ment, en sui­­vant celle des pres­­sions externes,
pour faire évo­­luer les stra­­té­­gies déployées, de manière à tirer le plus grand avan­­tage
des oppor­­tu­­ni­­tés qu’il offre, mais aussi en tenant compte de ses han­­di­­caps.
Il convient donc de s’atta­­cher, à titre complé­­men­­taire, à par­­tir de leur per­­cep­­tion
au niveau des ter­­ri­­toires, aux risques, omni­­pré­­sents dans cette ana­­lyse, dont il
apparaît néces­­saire de pré­­ci­­ser la nature, d’appré­­cier l’ampleur, de mesu­­rer l’impact
opé­­ra­­tion­­nel pour les acteurs, afin de mobi­­li­­ser les modes de cou­­ver­­ture appro­­priés,
aux­­quels les orga­­ni­­sa­­tions peuvent avoir recours pour s’en pré­­mu­­nir.

Section
3 La prise en compte du risque :
« macro­risques » et « micro­risques »
Pour les orga­­ni­­sa­­tions, les muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional doivent
éga­­le­­ment être per­­çues en termes de contraintes externes ou de menaces – notam­­
ment, de risques – à anti­­ci­­per. Ce qui sup­­pose, pour les orga­­ni­­sa­­tions, l’adap­­ta­­tion

118
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

de leur struc­­ture et de leurs pro­­cé­­dures pour en limi­­ter l’expo­­si­­tion et pour les cou­­
vrir, lorsque l’on ne peut les évi­­ter.
Mais, tout autant que les risques, à prop­­re­­ment par­­ler, ce sont des obs­­tacles de
toutes sortes à sur­­mon­­ter qui peuvent consi­­dé­­ra­­ble­­ment contra­­rier le déve­­lop­­pe­­ment
de cou­­rants d’affaires en direc­­tion de nombre de pays. Il est des indi­­ca­­teurs qui ne
trompent guère sur les dif­­fi­­cultés que les firmes étran­­gères peuvent ren­­contrer dans
cer­­tains ter­­ri­­toires, comme le fameux index « Ease of doing busi­­ness » que publient
tous les ans la Banque mon­­diale et sa filiale, la Société finan­­cière inter­­na­­tionale.

c Repère 2.5
Ease of doing busi­­ness index
À la dif­­fé­­rence des indi­­ca­­teurs de risque pays des agences de nota­­tion, des socié­­tés
d’assu­­rance-cré­­dit ou des cabi­­nets spé­­cia­­li­­sés, cet indi­­ca­­teur est des­­tiné à mesu­­rer les
dis­­po­­si­­tions légales et régle­­men­­taires qui affectent direc­­te­­ment le déve­­lop­­pe­­ment des
cou­­rants d’affaires, sans direc­­te­­ment prendre en compte la proxi­­mité des mar­­chés clés,
la qua­­lité des infra­­struc­­tures, l’infla­­tion ou la sécu­­rité. Le clas­­se­­ment des pays est basé
sur la moyenne de 10 sous indi­­ca­­teurs, pre­­nant d’abord en compte, de façon compo­­
site, un cer­­tain nombre de don­­nées pra­­tiques, comme le temps des for­­ma­­li­­tés, leur
complexité, leur coût, etc., les­­quels concernent :
––le démar­­rage d’une affaire ;
––l’obten­­tion d’un per­­mis de construire ;
––le recru­­te­­ment du per­­son­­nel ;
––l’enre­­gis­­tre­­ment d’un local commer­­cial ;
––l’obten­­tion d’un cré­­dit ;
––la pro­­tec­­tion des inves­­tis­­seurs ;
––le paiement des taxes ;
––le pas­­sage en douane ;
––l’entrée en vigueur des contrats ;
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––la fer­­me­­ture d’acti­­vité.


Dans le clas­­se­­ment 2012, sur 183 pays clas­­sés, le pelo­­ton de tête reste stable d’année
en année, avec, der­­rière le lea­­der récur­­rent, Singapour, Hong Kong, les États-­Unis, la
Norvège, le Royaume-­Uni, la Co­rée du Sud.
Parmi les autres pays de la Triade, l’Allemagne est 19e, le Japon 20e, la France 29e,
l’Espagne 44e, le Luxembourg 50e et l’Italie 87e.
Cer­­tains pays émergents sont déjà avan­­ta­­geu­­se­­ment pla­­cés, comme la Thaïlande (17e),
les Émi­­rats Arabes Unis (33e), l’Afrique du Sud (35e), le Qatar (36e) ou encore le Ghana
(63e).
En revanche, les grandes éco­­no­­mies à crois­­sance rapide (les ECR) – au pre­­mier rang
des­­quelles, les BRIC – font sen­­si­­ble­­ment moins bien  : la Chine est au 91e rang, la
Russie, au 120e, le Bré­­sil, au 126e.et l’Inde, au 132e der­­rière le Vietnam (98e), le Liban
(104e), le Pakistan (105e) et, même, l’Argen­­tine (113e).

119
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Les dif­­fé­­rences sont très mar­­quées et, si on s’attache à aller plus avant dans la
compré­­hen­­sion de ce clas­­se­­ment, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans les ECR, on découvre des
rigi­­di­­tés struc­­tu­­relles qui rendent dif­­fi­­cile l’éta­­blis­­se­­ment et le déve­­lop­­pe­­ment de
cou­­rants d’affaires dans de nom­­breux sec­­teurs, comme de grandes dis­­pa­­ri­­tés entre
régions. Ce qui oblige, au-­delà de l’attractivité d’un pays consi­­déré dans son
ensemble, à prendre en consi­­dé­­ra­­tion des élé­­ments plus pré­­cis pour cibler, à l’inté­­
rieur du ter­­ri­­toire visé, sur­­tout s’il est grand, un ou des sous-­ensembles géo-
économiques plus res­treints avec les­­quels les tran­­sac­­tions comme l’implantation
seraient faci­­li­­tées. En témoigne le cas de l’Inde dont le carac­­tère compo­­site, l’exis­­
tence de grandes dif­­fé­­rences entre États, tout comme la dif­­fi­­culté à faire évo­­luer la
légis­­la­­tion fédé­­rale qui régit les acti­­vi­­tés éco­­no­­miques limitent consi­­dé­­ra­­ble­­ment
l’accès aux oppor­­tu­­ni­­tés que recèle ce « mar­­ché au milliard ».

Exemple 2.14 – L’Inde en quête d’un rêve1


Le poten­­tiel de l’Inde et les perspec­­tives qu’elle offre, comme son fameux « divi­­dende
démo­­gra­­phique » qui doit la his­­ser dans quelques décen­­nies au rang de la nation la plus
peu­­plée du monde, ne résistent guère à l’exa­­men de la réa­­lité de ce vaste pays, dont
l’ouver­­ture pro­­gresse, mais bien len­­te­­ment, depuis qu’elle a choisi cette voie, sous
l’admi­­nis­­tra­­tion Rao, au début des années 1990. Les obs­­tacles au déve­­lop­­pe­­ment des
affaires y sont mul­­tiples et, par­­fois, déses­­pé­­rants, même pour les entre­­prises indiennes
elles-­mêmes. Deux carac­­té­­ris­­tiques majeures expliquent cette situa­­tion qu’accré­­dite son
très médiocre clas­­se­­ment du Ease of doing busi­­ness index :
–– au niveau des États qui composent cette énorme fédé­­ra­­tion, les contrastes consi­­dé­­
rables exis­­tant entre eux ;
–– comme les résis­­tances au chan­­ge­­ment qui semblent for­­te­­ment ralen­­tir, au niveau fédé­
­ral lui-même, une évo­­lu­­tion néces­­saire.
Il serait, en effet, hasar­­deux de consi­­dé­­rer l’Inde comme un pays homo­­gène, avec ses 28
États et ses 7 ter­­ri­­toires, (à compa­­rer à l’Europe et de ses 28 États), ses 23 langues offi­­
cielles, son large éven­­tail de reli­­gions, qui des­­sinent deux espaces rela­­ti­­ve­­ment dis­­tincts :
–– D’un côté, du nord au sud-­ouest, de la fron­­tière pakis­­ta­­naise à la côte de Mala­­bar, sur
laquelle avaient débar­­qué les Por­­tu­­gais, et au cône sud de ce territoire se déploie la
par­­tie la plus riche de ce « pays continent ». C’est celle qui peut faire état des taux
d’alpha­­bé­­ti­­sation les plus éle­­vés (mis à part le West Bengal), avec de grandes agglo­­
mé­­ra­­tions dyna­­miques, comme Bombay, Bangalore, Hyderabad, Chennai  ; avec les
États les plus avan­­cés et/ou les plus riches que sont le Maharastra, le Gujarat ou le
Kerala.
–– De l’autre côté, au Nord-­Est, deux États – l’Uttar Pradesh, le plus peu­­plé du sous-
continent, avec près de 200 mil­­lions d’habi­­tants et le Bihar – battent des records de
pau­­vreté et d’insé­­cu­­rité, tan­­dis que dans le «  cor­­ri­­dor rouge  », en voie de réduc­­tion
pro­­gres­­sive, les irré­­duc­­tibles Naxalites, maoïstes, contrôlent encore des zones entières

1.  C’est ainsi que titrait le dos­­sier spé­­cial consa­­cré à l’Inde de The Economist du 28/9/2012, « In­dia : in serach
of a dream ».

120
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

en Orissa et dans plu­­sieurs autres États limitrophes. D’autres États du Nord, comme le
Penjab, riche État agri­­cole, fai­­sant, cepen­­dant, excep­­tion dans cette par­­tie moins dyna­
­mique du pays.
La décen­­tra­­li­­sa­­tion du pou­­voir et les par­­ti­­cu­­la­­rismes – cultu­­rels, juri­­diques, fis­­caux… –,
des États consti­­tutifs de cet énorme espace frag­­menté, qui est loin de consti­­tuer un « mar­
­ché unique », expliquent la rela­­tive dif­­fi­­culté à y faire cir­­cu­­ler les mar­­chan­­dises, les droits
indi­­rects, comme les droits d’accise1 ou les octrois, s’appli­­quant notam­­ment au passage
des fron­­tières internes. La mise en oeuvre de la taxe à la valeur ajou­­tée, la Generalised
Sales tax (GST), si long­­temps retar­­dée, par l’oppo­­si­­tion de cer­­tains Etats est désor­­mais
lais­­sée à la dis­­cré­­tion de cha­­cun d’entre eux par un vote de la majo­­rité du Congrès.
Les ini­­tiatives prises par les auto­­ri­­tés locales de créer des «  zones éco­­no­­miques spé­­
ciales », zones franches où les lois fédé­­rales jugées rétro­­grades par de nom­­breux chefs
d’entre­­prise, ne s’appliquent pas, frag­­mentent encore plus un tel espace. À leur corps
défen­­dant, car ils mesurent bien le risque que pré­­sente la concen­­tra­­tion de l’acti­­vité dans
ces par­­ties appe­­lées à deve­­nir les plus riches du pays, de nom­­breuses entre­­prises
indiennes s’y sont déjà concen­­trées, comme nombre d’entre­­prises étran­­gères. Elles y
béné­­fi­­cient, les unes et les autres d’avan­­tages, finan­­ciers et, sur­­tout, fis­­caux, sous forme,
en par­­ti­­cu­­lier, d’exo­­né­­ra­­tions de taxes, les tax holidays. Sans par­­ler de la pos­­si­­bi­­lité
d’échap­­per à un droit du tra­­vail par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment contrai­­gnant, dont les mul­­tiples dis­­
po­­si­­tifs – notam­­ment concer­­nant le droit de licen­­cie­­ment – para­­ly­­seraient cer­­taines
acti­­vi­­tés, comme le très sai­­son­­nier sec­­teur de la confec­­tion. L’esprit tatillon et la cor­­rup­
­tion qui leur sont repro­­chés dirigent sur les ins­­pec­­teurs du tra­­vail, char­­gés de le faire
res­­pec­­ter, les feux de la cri­­tique. La fin des Accords Multi­fibres, en 2005, qui devait faire
explo­­ser les expor­­ta­­tions indiennes de pro­­duits tex­­tiles, avec sa main-­d’œuvre bon mar­
­ché et sa pro­­duc­­tion locale d’un excellent coton, est loin d’avoir tenu ses pro­­messes :
même si elles ont sen­­si­­ble­­ment aug­­menté, elles repré­­sentent six à huit fois moins que
celles des Chi­­nois.
Mais ce n’est pas pour autant que les inves­­tis­­seurs directs étran­­gers ont la vie plus facile
que les entre­­pre­­neurs locaux  : un cer­­tain nombre de sec­­teurs leur sont encore fer­­més,
comme, la grande dis­­tri­­bu­­tion, dont l’ouver­­ture est cepen­­dant annon­­cée depuis long­­
temps, mais dont on craint qu’elle ne ruine les cen­­taines de milliers de kirana stores,
micro­maga­­sins qui assurent l’essen­­tiel de l’appro­­vi­­sion­­ne­­ment des citadins indiens.
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L’ouver­­ture du sec­­teur devrait cepen­­dant inter­­ve­­nir rapi­­de­­ment. Cer­­tains sec­­teurs,


comme les trans­­ports fer­­ro­­viaires res­­tent encore les chasses gar­­dées des socié­­tés d’État,
comme Indian Railway et ses neuf réseaux régio­­naux qui consti­­tuent, à eux tous, le pre­
­mier employeur du pays. De nom­­breux autres ne sont acces­­sibles que sous réserve de
s’allier à un par­­te­­naire local. Le sec­­teur ban­­caire, lui aussi, résiste à la péné­­tra­­tion des
éta­­blis­­se­­ments étran­­gers2, pour­­tant à l’ori­­gine de sa créa­­tion, il y a plus d’un siècle et
demi. Il est assu­­jetti, comme les télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions, l’assu­­rance et les trans­­ports
aériens, à des pla­­fonds de par­­ti­­cipation ; l’octroi de licences, le licence raj, y impose sa
férule et l’ouver­­ture d’agences se fait au compte-gouttes.

1.  Droits indi­­rects s’appli­­quant aux biens de consom­­ma­­tion.


2.  qui repré­­sentent moins de 10 % des dépôts et des engagements (cf. Rapport annuel de la Re­serve Bank of
In­dia, 2011).

121
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Même si les for­­ma­­li­­tés d’ins­­tal­­la­­tion, et même l’obten­­tion des licences, se sont sen­­si­­ble­
­ment allé­­gées, en par­­ti­­cu­­lier dans cer­­taines grandes villes, le red tape – la contrainte
admi­­nis­­tra­­tive – reste omni­­pré­­sent, comme son corol­­laire, la cor­­rup­­tion, qui, aux niveaux
les plus modestes de la hié­­rar­­chie, vient compen­­ser la fai­­blesse des salaires, mais affecte
tou­­jours, de haut en bas, l’ensemble du sys­­tème éco­­no­­mique et contri­­bue à ralen­­tir les
flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments entre ce pays si pro­­met­­teur et l’exté­­rieur. Les défis
struc­­tu­­rels, tels que les meilleurs obser­­va­­teurs indiens1 les iden­­ti­­fient, condi­­tionnent les
trans­­for­­ma­­tions néces­­saires qui devraient évi­­ter le retour au taux de crois­­sance «  à
l’indienne » (3 %), à oppo­­ser aux taux records de 8 à 9 % atteints depuis 2003 et avant
la crise finan­­cière : ce sont l’« inclu­­sion » des 600 mil­­lions de ruraux parmi les béné­­fi­­
ciaires de la crois­­sance, la mon­­tée en puis­­sance et le rat­­tra­­page des Etats les plus pauvres,
la géné­­ra­­tion et la dif­­fu­­sion de l’inno­­va­­tion à tra­­vers le pays, le pri­­mat de l’édu­­ca­­tion et
la mise en valeur des res­­sources humaines qui évi­­te­­ront cette stagnation relative. C’est au
prix consi­­dé­­rable d’un plus large consen­­sus poli­­tique, si dif­­fi­­cile à obte­­nir, gage d’une
plus grande cohé­­sion sociale, et d’une plus large confiance en eux que les habi­­tants de ce
vaste pays pour­­ront réa­­li­­ser ce « rêve indien », encore bien lointain, auquel, de l’exté­­
rieur, nombre d’acteurs éco­­no­­miques veulent déjà et vou­­dront s’asso­­cier.

Au-delà de ces dif­­fi­­cultés mul­­tiples, dans des espaces aussi complexes, la prise en
compte des risques prop­­re­­ment dits conduit à en dis­­tin­­guer deux caté­­go­­ries sur un
plan externe (par oppo­­si­­tion aux risques internes à l’entre­­prise2) :
––les oppor­­tu­­ni­­tés et menaces inhé­­rentes aux dif­­fé­­rents contextes locaux (macro­
risques ou risques pays) ; ceux, pré­­ci­­sé­­ment, qui sont direc­­te­­ment liés aux ter­­ri­­
toires avec les­­quels l’orga­­ni­­sa­­tion déve­­loppe ou sou­­haite déve­­lop­­per ses
rela­­tions ;
––les risques spé­­ci­­fiques, opé­­ra­­tion­­nels, associés aux dif­­fé­­rents aspects et étapes des
opé­­ra­­tions inter­­na­­tionales de vente, d’achat, de sous-traitance ou d’inves­­tis­­se­­ment
(micro­risques)  ; sou­­vent envi­­sa­­gés sans prendre en compte le contexte géo­­gra­­
phique dans lequel elles se déroulent, alors que cet envi­­ron­­ne­­ment, où se déve­­
loppent, bien sou­­vent, des macro­risques en sont à l’ori­­gine, comme «  faits
géné­­ra­­teurs de sinistre »3.

1.  Comme en fai­­sait état Tarun Das, ancien diri­­geant de la Confé­­dé­­ra­­tion of Indian Industry, dans un article inti­
­tulé « Is In­dia heading back to ’Hindu’ rate of growth ? », The Straits Times, 26/9/2012.
2.  Ceux qui résultent de retards, liés à des grèves ou à des dis­fonc­­tion­­ne­­ments internes, ou encore de défauts
d’orga­­ni­­sa­­tion. Ceux, aussi, qui relèvent de mal­­fa­­çons ou de défauts de concep­­tion ou de fabri­­ca­­tion impu­­tables aux
équipes du four­­nis­­seur ou de fabri­­ca­­tions réa­­li­­sées sous sa res­­pon­­sa­­bi­­lité. Ils se tra­­duisent par des per­­for­­mances
insuf­­fi­­santes, infé­­rieures à celles pré­­vues au contrat ou au cahier des charges. Par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dom­­ma­­geables aux
entre­­prises de biens d’équi­­pe­­ment réa­­li­­sant sou­­vent « sur mesure » des commandes complexes, ces risques sup­­por­
­tés par le client font l’objet de clauses contrac­­tuelles qui peuvent se révé­­ler très couteuses pour le four­­nis­­seur  :
péna­­li­­tés de retard, de per­­for­­mance, sus­­ci­­tant la mise en place de cau­­tions de bonne fin ou de bonne exé­­cu­­tion (per­
­for­­mance bonds), dont l’invo­­ca­­tion sou­­vent abu­­sive par le client peut consti­­tuer un risque en soi pour le four­­nis­­seur.
(cf. Lemaire J.-P. et J.Klein, Finan­­ce­­ment inter­­na­­tional des entre­­prises, Explicit, Vuibert, 2006).
3.  Selon l’expres­­sion tra­­di­­tion­­nelle uti­­li­­sée par la Compa­­gnie Fran­­çaise d’Assu­­rance pour le Commerce Exté­­
rieur, la Co­face.

122
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

1  La dimen­­sion macro­éco­­no­­mique : le risque pays


De plus en plus prise en compte, sur­­tout depuis le début des années 80, la dimen­
s­ ion macro­éco­­no­­mique consti­­tue une approche plus glo­­bale des dif­­fé­­rents élé­­ments
de l’envi­­ron­­ne­­ment local, à la dif­­fé­­rence de l’approche pré­­cé­­dente, rete­­nue aupa­­ra­­
vant, celle du « risque poli­­tique ».

c Repère 2.6
Du risque poli­­tique au risque pays1
Dans la ter­­mi­­no­­logie des compa­­gnies d’assu­­rance spé­­cia­­li­­sées dans la cou­­ver­­ture des
risques propres aux opé­­ra­­tions inter­­na­­tionales, comme la Compa­­gnie française
d’assurance du commerce extérieur, la Co­face, long­­temps entre­­prise publique avant
d’être pri­­va­­ti­­sée en 1994, la caté­­go­­rie des « risques poli­­tiques » recou­­vrait tra­­di­­tion­­nel­
­le­­ment trois types de « faits géné­­ra­­teurs de sinistre » :
––les risques poli­­tiques prop­­re­­ment dits : guerre civile, guerre étran­­gère, chan­­ge­­ment
bru­­tal de régime (exemple : le ren­­ver­­se­­ment du chah d’Ir­an en 1979 et la dénon­­cia­
­tion par le nou­­veau régime de tous les enga­­ge­­ments pris par son gou­­ver­­ne­­ment à
cette date vis-­à-vis des entre­­prises ori­­gi­­naires des pays occi­­den­­taux) ;
––les catas­­trophes natu­­relles, pour autant qu’elles aient un carac­­tère suf­­fi­­sam­­ment
impor­­tant pour affec­­ter une zone éco­­no­­mique par­­ti­­cu­­lière (comme le tsu­­nami du 26
décembre 2004 dans le Sud-­Est asia­­tique ou la « triple catas­­trophe ayant frappé le
Japon, le du 11 mars 2011,) ;
––l’inter­­rup­­tion de trans­­fert, engen­­drée par une déci­­sion gou­­ver­­ne­­men­­tale ou résul­­tant
de l’inca­­pa­­cité du sys­­tème finan­­cier d’un pays à faire face aux enga­­ge­­ments de paie­
­ment et de rem­­bour­­se­­ment de ses dettes pour le compte des agents éco­­no­­miques du
pays (par exemple, la crise argen­­tine de décembre 2001).
Ces dif­­fé­­rents types d’évé­­ne­­ments – à carac­­tère macro­éco­­no­­mique – peuvent entraî­­ner,
au niveau micro­éco­­no­­mique, la sus­­pen­­sion des paie­­ments dus à un four­­nis­­seur par un
client exer­­çant son acti­­vité dans le pays où ils se pro­­duisent. Ainsi, une inter­­rup­­tion de
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trans­­fert pourra résul­­ter d’une catas­­trophe natu­­relle majeure, de troubles internes


généralisés (émeutes, grèves pro­­lon­­gées) d’une crise finan­­cière, tou­­chant un ensemble
de clients importants du pays dans l’impos­­si­­bi­­lité de mou­­ve­­men­­ter leurs ordres de
paie­­ment, même s’ils sont provisionnés en mon­­naie locale  : les rela­­tions ban­­caires
inter­­na­­tionales entre le pays et le reste du monde étant, au moins momen­­ta­­nément,
inter­­rom­­pues entre ses éta­­blis­­se­­ments finan­­ciers et leurs cor­­res­­pon­­dants à l’étran­­ger.
À côté de la Co­face fran­­çaise, et sans adop­­ter des nomen­­cla­­tures stric­­te­­ment iden­­
tiques, les dif­­fé­­rentes compa­­gnies d’assu­­rance-cré­­dit – Ducroire belge, ECJD bri­­tan­­
nique, Hermès alle­­mande, Sace ita­­lienne, Exim amé­­ri­­caine… – dont le cœur de métier
est la cou­­ver­­ture du risque d’annu­­la­­tion de contrat ou du risque de non-paie­­ment, dis­­
tinguent le risque poli­­tique, rele­­vant du macro­risque, impu­­table à l’envi­­ron­­ne­­ment,

1.  Ibi­­dem, J.-P. Lemaire et J. Klein.

123
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


du risque commer­­cial. Celui-ci constitue un fait géné­­ra­­teur de sinistre de nature micro­
éco­­no­­mique, puis­­qu’il pro­­cède de l’insol­­va­­bi­­lité – tem­­po­­raire ou per­­ma­­nente – du client,
direc­­te­­ment liée à sa ges­­tion et indé­­pen­­dam­­ment de l’influ­­ence de l’envi­­ron­­ne­­ment.
Au-delà du « risque poli­­tique, du risque catas­­tro­­phique et du risque de non-trans­­fert »,
qui en consti­­tuent tou­­jours le cœur, le concept de « risque pays » tend à le dépas­­ser,
en y incor­­po­­rant d’autres fac­­teurs d’insta­­bi­­lité ou d’incer­­ti­­tude propres à affec­­ter les
tran­­sac­­tions commer­­ciales ou les inves­­tis­­se­­ments. Sans pré­­tendre à l’exhaus­­ti­­vité, des
fac­­teurs comme l’insta­­bi­­lité des régle­­men­­ta­­tions ou la non-appli­­ca­­tion des garan­­ties
légales, la par­­tia­­lité des juges, la cor­­rup­­tion, etc., sont désor­­mais retenues, tout comme
l’infla­­tion galo­­pante, les désordres sociaux (cf. grèves, émeutes…), comme, de manière
géné­­rale, tout fac­­teur sus­­cep­­tible d’affec­­ter direc­­te­­ment ou indi­­rec­­te­­ment le dérou­­le­­
ment ou la bonne fin d’une négo­­cia­­tion, le dérou­­le­­ment ou la conclusion d’une tran­­
sac­­tion ou l’exploi­­ta­­tion d’un inves­­tis­­se­­ment.
Les risques pays font, de plus en plus, l’objet d’éva­­lua­­tions spé­­ci­­fiques – non seule­­ment
de la part des socié­­tés d’assu­­rance – cré­­dit1 mais éga­­le­­ment des agences de nota­­tion
(Moody’s, Standard & Poor’s) dont les éva­­lua­­tions peuvent, elles aussi, influencer le
cours des opé­­ra­­tions :
––ex ante, pour être prises en compte par les res­­pon­­sables stra­­té­­giques, commer­­ciaux
et/ou finan­­ciers déci­­dant de leur enga­­ge­­ment dans telle ou telle opé­­ra­­tion d’im­port
ou d’ex­port ou dans tel ou tel inves­­tis­­se­­ment, dans un pays donné ;
––ex post, pour déter­­mi­­ner le mon­­tant des « primes de risque » qu’il y aura à sup­­por­­ter
(majo­­ra­­tion de taux d’inté­­rêt ou de prime d’assu­­rance), en fonc­­tion de l’éva­­lua­­tion
du risque et de son évo­­lu­­tion anti­­ci­­pée.

c Repère 2.7
L’évo­­lu­­tion récente de la loca­­li­­sa­­tion des risques pays2
Le risque d’incident de paie­­ment en Europe du Sud est désor­­mais supé­­rieur à celui des
grandes éco­­no­­mies à crois­­sance rapide (ECR), comme l’Inde, le Bré­­sil ou la Chine. Les éco­
­no­­mies de l’Espagne et de l’Italie, où les impayés des entre­­prises ont pro­­gressé de 50 % en
2011, obtiennent la note A4, soit la même que la Turquie, alors que la Chine, l’Inde et le Bré­
­sil obtiennent une meilleure note : A3. Cette vul­­né­­ra­­bi­­lité, selon la Co­face qui attri­­bue ces
notes, ne relève pas seule­­ment de la conjonc­­ture mais se trouve aggra­­vée par des pro­­blèmes
struc­­tu­­rels, comme, notam­­ment, la fai­­blesse des inves­­tis­­se­­ments en R & D.

1.  Ainsi, dans leur approche du risque pays, les experts du Ducroire, d’un point de vue macro­éco­­no­­mique, ana­
l­ysent la liqui­­dité du pays (obli­­ga­­tions de paie­­ment à court terme par rap­­port aux res­­sources telles que le niveau des
réserves en devises) et quan­­ti­­fient la confiance des mar­­chés finan­­ciers dans le pays. Lorsque le risque est extrê­­me­­
ment élevé, ils exa­­minent l’exis­­tence (ou la pro­­ba­­bi­­lité) d’une guerre ou d’un embargo dans le pays. L’ana­­lyse
résul­­tant de ces deux élé­­ments est basée sur les sources d’infor­­ma­­tions les plus fiables, telles que le Fonds Moné­­taire
Inter­­na­­tional, la Banque Mon­­diale, l’« Institute of Inter­­na­­tional Finance », l’« Economist Intel­­li­­gence Unit », etc.
Le résul­­tat final prend éga­­le­­ment en compte leur propre expé­­rience de paie­­ment ainsi que celle d’autres assureurs-­
crédit. Ce résul­­tat est alors tra­­duit en une nota­­tion (http//www.ondd.be).
2.  Cf. exemple I.1, « La roue tourne ».

124
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

L’approche du risque pays concerne un éven­­tail étendu d’opé­­ra­­teurs inter­­na­­


tionaux, dans une perspec­­tive de court ou de moyen/long terme :
––expor­­ta­­teurs de biens et de ser­­vices (comme ache­­teurs inter­­na­­tionaux et don­­neurs
d’ordre pour la sous-­traitance) ;
––inves­­tis­­seurs qui s’implantent ou prennent des par­­ti­­cipations dans des opé­­ra­­tions
locales (entre­­prises, joint ventures, pro­­jets d’infra­­struc­­ture) ;
––établissements bancaires qui financent ces diverses opé­­ra­­tions.
Elle s’attache à éva­­luer la capa­­cité des dif­­fé­­rents pays et la bonne volonté de leurs
diri­­geants, en matière d’enga­­ge­­ment contrac­­tuel et finan­­cier, vis-­à-vis de ces orga­­
ni­­sa­­tions exté­­rieures.
Cette appré­­hen­­sion du risque a conquis une place pri­­vi­­lé­­giée dans l’approche du
déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ; comme en témoigne, dans cer­­taines entre­­prises et dans
cer­­taines banques, la créa­­tion de fonc­­tions spé­­cia­­li­­sées (ges­­tion­­naire de risque ou risk
evaluator, cel­­lule d’éva­­lua­­tion des risques) qui placent le risque au centre du pro­­ces­­sus
d’ana­­lyse stra­­té­­gique, préa­­lable à l’enga­­ge­­ment de toute nou­­velle opé­­ra­­tion.
L’ana­­lyse du risque pays s’appuie sur plu­­sieurs méthodes mises au point par dif­­
fé­­rents orga­­nismes d’éva­­lua­­tion.
Tableau 2.4 – L’approche macro­éco­­no­­mique du risque pays1

Agent écono­ Matérialisations


Modes de couverture interne/externe
mique en risque du risque-pays
• Suspension des transferts • Dépendance stratégique • Assurance-crédit [crédit
et règlements du client/fournisseur fournisseur)
• Renforcement des • Pouvoir de rétorsion • Crédit documentaire
Entreprise
obstacles administratifs (suspension des (irrévocable et confirmé)
exportatrice
• Boycott livraisons) • Assurances spoliation
• Annulation des contrats (cf. Lloyds)
conclus
• Retard de paiement • Syndication des crédits • Assurance crédit (crédit
Banque • Moratoire, • Élargissement de la marge acheteur)
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(dispensatrice rééchelonnement (spread)


de crédits • Renégociation • Analyse/suivi des risques
export) • Répudiation (cellules de réflexion)
• Provisions
• Discriminations diverses • Dépendance • Assurances spécifiques
• Blocage des bénéfices technologique sur investissements à
• Participation locale • Division internationale de l’étranger
imposée la production (cf. COFACE/CODEX)
Investisseur à
• Nationalisation • Augmentation de la • Assurance confiscation
l’étranger
• Expropriation contribution économique (cf. Lloyds)
• Dommages aux • Partenariat
personnels, aux actifs • Limitation des apports
• Provisions pour risques

1.  Source  : J.-P. Lemaire «  La compo­­sante finan­­cière, élé­­ment essen­­tiel du mar­­ke­­ting inter­­na­­tional des biens
d’équi­­pe­­ment et des projets », Revue française du marketing, n° 127-128, 1990, p. 2-3.

125
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Pour l’approche géné­­rale du risque pays (cf. tableau 2.4), et, à des fins de compa­
­rai­­son, entre dif­­fé­­rentes orien­­ta­­tions géo­­gra­­phiques pos­­sibles ou entre loca­­li­­sa­­tions
déjà rete­­nues par l’entre­­prise, la méthode multi­cri­­tères a été adop­­tée par cer­­taines
agences spé­­cia­­li­­sées1. Ces agences éva­­luent un cer­­tain nombre de variables, sur la
base des opi­­nions d’un panel d’experts (méthode Delphi). Elles débouchent sur une
compa­­rai­­son des oppor­­tu­­ni­­tés/menaces cor­­res­­pon­­dant aux dif­­fé­­rents pays, en adop­
­tant alter­­na­­ti­­ve­­ment le point de vue de l’entre­­prise expor­­ta­­trice, de l’entre­­prise en
quête d’inves­­tis­­se­­ments à l’étran­­ger ou des banques appe­­lées à finan­­cer des opé­­ra­­
tions de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional.
Pour l’approche et l’éva­­lua­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment d’un pro­­jet déter­­miné, la méthode
des scé­­na­­rios2 per­­met la des­­crip­­tion de sys­­tèmes complexes, soit en s’appuyant sur
l’ana­­lyse des dis­­cours des repré­­sen­­tants des par­­ties pre­­nantes, soit, en réfé­­rence aux
évé­­ne­­ments suc­­ces­­sifs qui ponc­­tuent la pro­­gres­­sion d’opé­­ra­­tions simi­­laires, en ana­­ly­­
sant les évo­­lu­­tions pos­­sibles de « chaînes d’évé­­ne­­ments ». Se réfé­­rant au passé, à l’envi­
­ron­­ne­­ment socio­­lo­­gique, éco­­no­­mique, poli­­tique et cultu­­rel, sur la base d’une ana­­lyse
cohé­­rente des enjeux, cette méthode per­­met d’anti­­ci­­per, pour chaque hypo­­thèse rete­­
nue, non seule­­ment ses consé­­quences sur le niveau géné­­ral de l’acti­­vité, mais encore
son inci­­dence spé­­ci­­fique sur chaque domaine d’acti­­vité de l’entre­­prise consi­­dé­­rée. Sur
la base des ana­­lyses ainsi réa­­li­­sées, plu­­sieurs stra­­té­­gies sont pos­­sibles :
––dans le cadre d’une approche géné­­rale du risque pays, opé­­rer des choix entre dif­
­fé­­rentes implan­­ta­­tions et défi­­nir les modes de pré­­sence les plus appro­­priés ; cette
démarche consti­­tue un élé­­ment clé de l’approche stra­­té­­gique inter­­na­­tionale et, en
par­­ti­­cu­­lier, de la sélec­­tion des loca­­li­­sa­­tions – cibles et du choix des modes de pré­
­sence (cha­­pitre 8)3;
––dans le cadre d’un pro­­jet d’enver­­gure, de déci­­der ou non de sa pour­­suite (go – no
go), qu’il s’agisse de la réponse à un appel d’offres impor­­tant, d’une entre­­prise
conjointe ou même d’un contrat cadre avec un ou des clients, dans une perspec­­tive
de long terme4;
––recher­­cher, de manière anti­­ci­­pée, les pos­­si­­bi­­li­­tés exis­­tantes de pré­­ven­­tion ou de
cou­­ver­­ture5, de manière à minimi­­ser l’expo­­si­­tion aux menaces ainsi iden­­ti­­fiées, en
s’appuyant sur une orga­­ni­­sa­­tion et des cadres juri­­diques adap­­tés, ou en déve­­lop­­
pant des liens de dépen­­dance mutuelle avec les par­­te­­naires et les ins­­ti­­tutions
locales.

1.  Comme, aux États-­Unis, le BERI ou Frost & Sullivan, ou en France, Credit Risk Inter­­na­­tional.
2.  Voir aussi Godet M., Prospective stra­­té­­gique, tomes 1 et 2, Dunod, 2007.
3.  Cf. repère 8.1 « La démarche d’éta­­blis­­se­­ment d’une grille compa­­ra­­tive des oppor­­tu­­ni­­tés de loca­­li­­sa­­tion ».
4.  Cf. exemple 2.16 « A­grima ».
5.  Cf. tableau 2.5 « Un exemple d’ana­­lyse multi cri­­tères ».

126
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

Exemple 2.15 – Duralex, le retour à l’inter­­na­­tional d’une PME « his­­to­­rique »


La PME de Saint Mes­min, près d’Orléans, créée jadis par Saint Gobain1, célèbre pour ses
gobe­­lets incas­­sables de verre trempé, si popu­­laires auprès des col­­lec­­ti­­vi­­tés, avait été
conduite à la faillite par ses re­pre­­neurs suc­­ces­­sifs, jus­­qu’à sa mise en liqui­­da­­tion judi­­
ciaire, en 2008. Long­­temps très pré­­sente en France et au Moyen-Orient, actuel­­le­­ment
forte de 205 sala­­riés, elle renoue désor­­mais avec la crois­­sance  : son chiffre d’affaires,
entre 2010 et 2011, est passé de 20 à plus de 30  mil­­lions d’euros, avec des béné­­fices
supé­­rieurs à 2 mil­­lions d’euros en 2011. Sa nou­­velle direc­­tion, asso­­ciant des inves­­tis­­seurs
exté­­rieurs à deux cadres de la société, a investi annuel­­le­­ment, pen­­dant trois ans, de 2 à
3 mil­­lions d’euros, avec l’aide de 1,25 million d’euros d’un prêt d’Oséo2, des­­tiné à mettre
à niveau son outil de pro­­duc­­tion. Au-delà des 10 % de parts de mar­­ché récu­­pérés auprès
de la grande dis­­tri­­bu­­tion en France où elle avait pra­­ti­­que­­ment dis­­paru, la PME a réa­­lisé
aussi la moi­­tié de ses ventes dans ses zones cibles tra­­di­­tion­­nelles du Moyen-Orient,
comme l’Ir­an, où elle se trouve, cepen­­dant, sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment copiée. Mais c’est, en fait,
vers de nou­­veaux espaces éco­­no­­miques, en Amérique du Nord, ainsi qu’au Maghreb, en
Russie, mais aussi en Inde, au Japon et en Chine que ses ventes se trouvent en plus forte
pro­­gres­­sion.
Quels risques inter­­na­­tionaux résultent du modèle éco­­no­­mique de Duralex ? Le re­déploie­
­ment géo­­gra­­phique entamé par la société vers ces «  nou­­veaux espace éco­­no­­miques  »
est-il sus­­cep­­tible d’aug­­men­­ter ou de dimi­­nuer son expo­­si­­tion ? À quelles condi­­tions le
re­déploie­­ment de ses acti­­vi­­tés pour­­rait/devrait-il se pour­­suivre pour dimi­­nuer cette expo­
­si­­tion ? En par­­ti­­cu­­lier, quels cri­­tères pour­­raient être rete­­nus pour appro­­cher de nou­­veaux
mar­­chés ? En quoi pourrait-­elle tirer parti de son expé­­rience pas­­sée pour déter­­mi­­ner ses
choix de déve­­lop­­pe­­ment à venir ?
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1.  Les Échos, 9 février 2012 et « Indes­­truc­­tible Duralex », Le Monde, 4 mars 2010.
2.  OSEO pro­­pose aux PME et entre­­pre­­neurs fran­­çais de finan­­cer leurs pro­­jets : Créa­­tion, Inno­­va­­tion, Inves­­tis­­se­
­ment, Déve­­lop­­pe­­ment Inter­­na­­tional, Trans­­mis­­sion (www.oseo.fr).

127
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Tableau 2.5 – Un exemple d’ana­­lyse multicritères1

Exportateurs Banquiers Investisseurs


(marges commerciales) (portefeuile de risques) (calcul de rendement)
Classe
de risque pourcentage prime
augmentation couverture évolution « prime de
de porte- brute
conseillée des des risques annuelle des risque »
feuille (objectif
marges politiques engagements conseillée
conseillé net 12%)
1. Se
Dangereux 75% 0% à prohiber >25%
Pays à éviter si désengager

2. possible
50% 10% 100% 24%
Très élevé Engagements
maximum
3. à « geler »
40% Assurance 75% 21%
Élevé (- 3 % en
indispensable
20% francs
4. (COFACE ou
25% maximum constants) 50% 18%
Assez élevé équivalent)
pas plus que
5. Assurance l’inflation
10% 25%
Modéré souhaitable
6. 70 %
5% Augmentation
Faible minimum
(y compris pays maximum
7. 13.2%
Confiance industrialisés) 13% 10% 0%
Assimilable 12%
0% (10% réels)
pays Toute liberté
industrialisés

2  Les micro­risques et les contraintes juri­­diques, finan­­cières


et logis­­tiques asso­­ciées aux opé­­ra­­tions

Ils consti­­tuent, pour les entre­­prises, la compo­­sante de base de l’approche ou de


l’adap­­ta­­tion de leur démarche de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, à un niveau micro­éco­
­no­­mique. Ils doivent être iden­­ti­­fiés au fil des étapes suc­­ces­­sives du pro­­ces­­sus de la
vente, de l’achat ou de l’implan­­ta­­tion inter­­na­­tionale, de manière à pré­­ve­­nir, dans la
mesure du pos­­sible, les sinistres aux­­quels les entre­­prises pour­­raient être confron­­tées.
Cette iden­­ti­­fi­­cation inclut, bien sûr, les risques sup­­por­­tés par le(s) four­­nis­­seur(s),
dans le cadre des expor­­ta­­tions ; les prin­­ci­­paux concernent le risque de pros­­pec­­tion,
le risque de change, le risque éco­­no­­mique (d’aug­­men­­ta­­tion des coûts en cours de
fabri­­ca­­tion ou de réa­­li­­sa­­tion) et sur­­tout les risques d’annu­­la­­tion de contrat (risque de
fabri­­ca­­tion), de non-­paiement total ou partiel (risque de cré­­dit). Ils se doivent d’être

1.  Nord-­Sud Ex­port/Credit Risk Inter­­na­­tional. De l’ana­­lyse à la déci­­sion, 4 para­­mètres, 12 fac­­teurs, 100 cri­­tères
Source : J.-L. Ter­­rier, Dos­­sier annuel, « Clas­­se­­ment pays », Nord-­Sud, Ex­port, 1994.

128
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

cou­­verts, soit par les assu­­reurs ex­port – notam­­ment, la Co­face, en France –, soit par
les banques ou cer­­tains opé­­ra­­teurs finan­­ciers spé­­cia­­li­­sés, les factors ou sociétés
d’affacturage, qui rachètent et, éven­­tuel­­le­­ment, financent les créances sur l’étran­­ger.

Réception Fin des obligations Fin des Fin de la


Offre Contrat
appel d’offres contractuelles paiements garantie

Période de Période de
Période d’exécution
prospection règlement/crédit

Période de
garantie

Risque d’acheminement

– Assurance transport
Risque de Risque Risque de
prospection d’annulation crédit

• Amortissement sur l’ensemble • Paiement • Crédit documentaire


du chiffre d’affaires anticipé/acompte • Assurance-crédit
• Garanties prospection, • Crédit documentaire • Affacturage international
pré-étude, foire (cf. COFACE) • Assurance-crédit
(risque de fabrication)
Couverture de risques
Risque
économique

– Clause d’indexation
– Garantie risque économique
(cf. COFACE, biens d’équipement)
Risque de change

– Facturation en devise nationale – Couverture de change/avance en devises


– Clause d’indexation – Nouveaux instruments (options, futures,
FRA, swaps, etc.)

Figure 2.5 – La suc­­ces­­sion des risques au fil d’une opé­­ra­­tion


de vente inter­­na­­tionale1
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Exemple 2.16 – A­grima*


A­grima SA, entre­­prise dyna­­mique de 650 sala­­riés de l’Est de la France, déve­­lop­­pant un
chiffre d’affaires de 70 mil­­lions d’euros, par­­ti­­cipe, chaque automne, au Salon inter­­na­­
tional de la machine agri­­cole, porte de Versailles. Elle y retrouve dans les dif­­fé­­rents
stands d’accueil et d’expo­­si­­tion – outre la plu­­part des indus­­triels du sec­­teur – les grandes
banques, la Co­face, cer­­taines socié­­tés de tran­­sit et de trans­­port… venues faci­­li­­ter les
négo­­cia­­tions et tran­­sac­­tions entre expo­­sants et visi­­teurs natio­­naux et étran­­gers.

1.  Source : adapté de : J.-M. De Leernsnyder et A. Simon op. cit, J.-P. Lemaire, Maî­­tri­­sez vos risques à l’expor­
t­a­­tion, Action Commer­­ciale, mai 1983 ; « La compo­­sante financière, élément essen­­tiel du mar­­ke­­ting inter­­na­­tional
des biens d’équipement et des pro­­jets », Revue fran­­çaise du Mar­­ke­­ting, n°127-128, 1990, p. 2-3.

129
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Au cours du salon, les res­­pon­­sables d’A­grima éta­­blissent des contacts fruc­­tueux avec les
repré­­sen­­tants de grou­­pe­­ments d’exploi­­tants agri­­coles sud-afri­­cains, inté­­res­­sés par les
maté­­riels pré­­sen­­tés par l’entre­­prise. Ils esti­­ment que ces machines, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment puis­
­santes et per­­fec­­tion­­nées (ven­­dues en France, départ usine, 85 000 euros/l’unité) seraient,
au prix de quelques légères modi­­fi­­ca­­tions tech­­niques (en fai­­sant appel à des sous-
ensembles four­­nis par des firmes bri­­tan­­niques et cana­­diennes), mieux adap­­tées aux
besoins actuels de leurs adhé­­rents que les pro­­duits pré­­sen­­tés par la concur­­rence. Les Sud-
Afri­­cains envi­­sa­­ge­­raient même, dans l’immé­­diat, la commande de 10 uni­­tés (à livrer
sui­­vant l’INCOTERM1 DDP Delivered Duty Paid, Rendu Droits Acquit­­tés, Capetown,
dans les entre­­pôts por­­tuaires du grou­­pe­­ment, avant la fin du mois de mars sui­­vant), avec
des commandes – au moins équi­­va­­lentes – pour les trois ans à venir. Ils sou­­haitent pou­­
voir béné­­fi­­cier d’une assis­­tance au mon­­tage et à la mise en route ainsi que de l’accès à
un ser­­vice de main­­te­­nance local pour assu­­rer l’entre­­tien cou­­rant.
L’équipe des res­­pon­­sables d’A­grima (mar­­ke­­ting, finance, pro­­duc­­tion, achats), dont les
opé­­ra­­tions inter­­na­­tionales se sont bor­­nées jus­­qu’à présent à l’Europe de l’Ouest, se
concertent pour éva­­luer les contraintes et la fai­­sa­­bi­­lité de l’opé­­ra­­tion qui, par ailleurs,
semble venir à point pour complé­­ter un car­­net de commandes peu rem­­pli.
Ils s’inter­­rogent, notam­­ment :
–– sur les compé­­tences que doit maî­­tri­­ser leur entre­­prise pour prendre en charge cette opé­
­ra­­tion ;
–– sur les phases suc­­ces­­sives et les points clés de l’opé­­ra­­tion ;
–– sur le contexte éco­­no­­mique et poli­­tique sud afri­­cain, ainsi que sur les incer­­ti­­tudes, sus­
­cep­­tibles de peser sur ce pos­­sible cou­­rant d’affaires et, plus précisément ;
–– sur la suc­­ces­­sion des risques opé­­ra­­tion­­nels2 asso­­ciés à une telle vente inter­­na­­tionale,
tout au long de son dérou­­le­­ment ;
–– sur les contraintes à prendre en compte par les ser­­vices qui seraient impli­­qués en cas
d’abou­­tis­­se­­ment posi­­tif des négo­­cia­­tions ;
–– sur les appuis externes acces­­sibles pour les aider à mener à bien cette «  pre­­mière  »
sud-afri­­caine.
* société fic­­tive

Symé­­tri­­que­­ment il appa­­raît indis­­pen­­sable de prendre en compte, côté im­port, les


risques encou­­rus par l’exportateur du fait de ses sous – trai­­tants et four­­nis­­seurs, aux
dif­­fé­­rents stades de la tran­­sac­­tion  : retrait uni­­la­­té­­ral de l’offre par le sou­­mis­­sion­­
naire, perte de l’acompte versé à la commande, non (ou mau­­vais) accom­­plis­­se­­ment
des obli­­ga­­tions contrac­­tuelles, non – obser­­va­­tion des obli­­ga­­tions de garan­­tie, etc.
Dans une situa­­tion telle que celle d’A­grima, à par­­tir de la décom­­po­­si­­tion des prin­­ci­­
pales étapes de l’opé­­ra­­tion (cf. figure 2.8) et après avoir iden­­ti­­fié et ren­­contré les dif­­fé­­
rentes par­­ties pre­­nantes externes et internes liées à l’opé­­ra­­tion (cf. figure 2.7), il convient
d’ana­­ly­­ser la suc­­ces­­sion des micro risques tech­­niques, logis­­tiques et finan­­ciers (cf. figure
2.5) au regard des macro­risques, dans une perspec­­tive de court et de moyen terme.

1.  Cf. figure 2.7 « Les incoterms 2010 multi­modaux ».


2.  **Sui­­vant l’éten­­due des obli­­ga­­tions du ven­­deur défi­­nies par le contrat, leur accom­­pa­­gne­­ment déter­­mine la
nais­­sance effec­­tive de la créance, « l’entrée en créance née », à par­­tir de laquelle le four­­nis­­seur est reconnu créan­­cier
de son client.

130
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Compagnies risques
logistique d’assurance
transport
Inspection Organismes
/agréage d’assuranc
Compagnie Cabinets
d’assurance e-crédit:
d’avocats
Transporteur transport cf. Coface
spécialisés
Factors

Transitaire Banques
Douane
commerciales
Banques
Chambres de spécialisées
commerce ENTREPRISE
(info, entrepôts). EXPORTATRICE

Sociétés de
Conseils Ubifrance Organismes crédit-bail
import/export Bilatéraux
Missions Cf. Agence française
économiques de développement
Conseillers du à l’étranger Organismes de financement
commerce extérieur multilatéraux
de la France Cf. Banque Mondiale BAD…

information financement

J.P. Lemaire

Figure 2.6 – Les par­­ties pre­­nantes externes à une opé­­ra­­tion de vente in­ternationale (l’exemple fran­­çais)
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires 
■  Chapitre

131
2
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Avant tout, il convient de repérer les risques sus­­cep­­tibles d’être cou­­verts par des
clauses spé­­ci­­fiques, dans le cadre des contrats de vente ou d’achat inter­­na­­tional
(cf. tableau 2.5), ou lors du mon­­tage d’opé­­ra­­tion d’inves­­tis­­se­­ment ou de par­­te­­na­­riat
inter­­na­­tional. Par exemple, pour un contrat complexe por­­tant sur la ces­­sion ou
l’acqui­­si­­tion d’un bien d’équi­­pe­­ment (cf. A­grima), les points à sur­­veiller plus par­­ti­
­cu­­liè­­re­­ment seront les sui­­vants :
––le respect des délais aux dif­­fé­­rents stades de l’opé­­ra­­tion ;
––le respect des éven­­tuels enga­­ge­­ments sur les per­­for­­mances, sur le mon­­tage, sur la
main­­te­­nance ;
––le domaine et les consé­­quences de l’appli­­ca­­tion de clauses de force majeure,
d’annu­­la­­tion, etc.

Tableau 2.6 – Compa­­ra­­tif des risques liés à la vente/liés à l’achat inter­­na­­tional

Risques liés à la vente internationale Risques liés à l’achat international


Risque de prospection Recherche infructueuse de fournisseurs
(non-amortissement ou amortissement partiel des frais (ou défaillance/indisponibilité d’un fournisseur
d’étude et des dépenses engagées au titre de la sélectionné)
prospection) Non-respect des contraintes de fabrication/prestation
Risque « intérieur » (mauvaise exécution, retard dû au fournisseur
(non-réalisation totale ou partielle des engagements prestataire)
contractuels : techniques, logistiques, calendaires, Non-maîtrise des prix
etc.) (par un ou plusieurs fournisseurs)
Risque économique Risque de change
(augmentation anormale des coûts en période d’offre/ (appréciation de la devise de facturation par rapport
de réalisation) au contrat de vente)
Risque de change Risque d’acheminement
(dépréciation de la[des] devise[s] de règlement par (en fonction de l’INCOTERM choisi)
rapport à la[aux] devise[s] des coûts) Défaillance du[des] fournisseur[s] (faillite/
Risque d’acheminement indisponibilité temporaire ou durable d’un/de
(en fonction de l’INCOTERM choisi) plusieurs fournisseurs)
Risque de fabrication Non-livraison (totale ou partielle)
(annulation de contrat ou interruption de commande) Désolidarisation
Risque de crédit (non-paiement total ou partiel) (d’un fournisseur au titre de ses obligations conjointes
Risque d’appel abusif de caution de garantie)

J.-P. Lemaire, 1997.

L’inci­­dence de tels micro­risques peut, bien sûr, être consi­­dé­­rable et son appré­­cia­­
tion doit être effec­­tuée le plus en amont pos­­sible dans la concep­­tion et la défi­­ni­­tion
de la stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, quelle que soit la forme (ou les
formes) que revêt ou revê­­tira sa mise en œuvre.
Ainsi, dans le cas d’« A­grima », les condi­­tions de réa­­li­­sa­­tion impliquent la prise
en compte de contraintes impor­­tantes liées aux risques inhé­­rents à la nature et au
dérou­­le­­ment de l’opé­­ra­­tion, et à la logis­­tique (du fait du choix de l’INCOTERM
Delivered Duty Paid /Rendu Droits Acquit­­tés, – voir présentation des incoterms

132
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

http//www.inter­­na­­tional-pra­­tique.com/incoterm – qui sup­­pose la prise en charge


complète de l’ache­­mi­­ne­­ment et de la mise à dis­­po­­si­­tion), ainsi qu’au finan­­ce­­ment
à obte­­nir pour le délai de cré­­dit demandé par le client poten­­tiel.

2.1  Contraintes en matière de risque


L’entre­­prise doit envi­­sa­­ger, avec l’orga­­nisme d’assurance-­crédit (cf. Co­face) ou les
banques, les garan­­ties qui per­­met­­tront de s’assu­­rer de la sécu­­rité et/ou de la ponc­­
tua­­lité du paie­­ment face au risque de non-­paiement ou au risque d’annu­­la­­tion de
contrat. De son côté, son client peut demander des garan­­ties pour s’assu­­rer de la
bonne exé­­cu­­tion de ses pres­­ta­­tions, sur le plan quan­­ti­­tatif et qua­­li­­ta­­tif, ainsi que du
respect des délais et des enga­­ge­­ments pris au titre de la garan­­tie.

c Repère 2.8
Les garan­­ties ban­­caires dans le cadre des opé­­ra­­tions de vente et d’achat
inter­­na­­tional : les cau­­tions et le cré­­dit docu­­men­­taire1

Du point de vue du ven­­deur (et de l’ache­­teur) : le cré­­dit docu­­men­­taire


Les banques sont en mesure de pro­­po­­ser (en complé­­ment ou en sub­­sti­­tut des cou­­ver­­
tures pro­­po­­sées par les orga­­nismes d’assu­­rance-cré­­dit) cette solu­­tion :
––Elle per­­met au ven­­deur, d’être payé ou de dis­­po­­ser d’un enga­­ge­­ment de paie­­ment
ferme, très rapi­­de­­ment après l’expé­­di­­tion ou la mise à dis­­po­­si­­tion de sa mar­­chan­­dise,
contre remise en banque des docu­­ments, néces­­saires notam­­ment à sa récep­­tion par
l’ache­­teur. Ces docu­­ments doivent être en confor­­mité totale avec les pres­­crip­­tions de
la lettre d’ouver­­ture de cré­­dit, préa­­la­­ble­­ment envoyée au ven­­deur par le ban­­quier de
l’ache­­teur – ou « banque émet­­trice » –, en géné­­ral par l’inter­­mé­­diaire d’une banque
de son pays – « banque notificatrice », qui sera char­­gée du paie­­ment.
––Elle per­­met à l’ache­­teur, de rece­­voir, dans les délais vou­­lus, une mar­­chan­­dise
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conforme à sa commande et de dis­­po­­ser de l’ensemble des docu­­ments lui per­­met­­tant


de récu­­pé­­rer sa mar­­chan­­dise à son, arri­­vée.
Le cré­­dit docu­­men­­taire pré­­sente les meilleures garan­­ties lorsque, à l’enga­­ge­­ment
d’irrévocabilité de la banque émet­­trice, s’ajoute un enga­­ge­­ment de même nature – la
confir­­ma­­tion –, apporté, le plus souvent, par la banque notificatrice.

Du point de vue de l’ache­­teur (et, plus rare­­ment, du ven­­deur) : les cau­­tions


Pour cou­­vrir les dif­­fé­­rents risques liés à l’achat, résultant du retrait ou d'une défaillance
du ven­­deur : le risque de retrait de l’offre (risque de sou­­mis­­sion), le risque de mau­­vaise
exé­­cu­­tion (risque de bonne fin), le risque sur le ou les acomptes ver­­sés (risque de non

1.  Pour plus de pré­­ci­­sions sur le cré­­dit docu­­men­­taire, les garan­­ties de paie­­ment, les méca­­nismes de trans­­fert, les
cau­­tions liées à l’ex­port, voir J.P. Lemaire et J. Klein, «  Finan­­ce­­ment inter­­na­­tional des entre­­prises  », Explicit,
Vuibert, 2006, troi­­sième par­­tie, « Les outils finan­­ciers inter­­na­­tionaux », p. 95 et sui­­vantes.

133
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


res­­ti­­tution d’acompte), ou encore le risque résul­­tant d’une non-exé­­cu­­tion par le ven­­deur
de ses enga­­ge­­ments au titre de la garan­­tie pen­­dant la période défi­­nie contrac­­tuel­­le­­ment
(risque de garan­­tie). Pour s’en pré­­mu­­nir, en particulier pour les opérations importantes,
l’ache­­teur exige, habituellement, du ven­­deur, la mise en place, pour tout ou par­­tie de
ces risques, de cau­­tions, sous forme de lettres d’enga­­ge­­ment de paie­­ment, d’une
somme géné­­ra­­le­­ment for­­fai­­taire qui lui ser­­vira, le cas échéant, par appel de la cau­­tion
cor­­res­­pon­­dante, à obte­­nir le mon­­tant figu­­rant sur cette lettre.
Les cau­­tions sont le plus sou­­vent mises en place par les banques (mais, par­­fois aussi,
par des compa­­gnies d’assu­­rance ou encore par une société mère), le plus sou­­vent
avec un carac­­tère irré­­vo­­cable, c’est-­à-dire sans pos­­si­­bi­­lité d’annu­­la­­tion unilaté­­rale, de
la part du ven­­deur ; avec, pour l’ache­­teur, la pos­­si­­bi­­lité d’en obte­­nir le ver­­se­­ment
immé­­diat, « à pre­­mière demande », c’est-­à-dire, sans avoir à jus­­ti­­fier le bien fondé de
« l’appel à cau­­tion » (ce qui ouvre natu­­rel­­le­­ment la porte aux appels abu­­sifs de cau­­
tion, qui consti­­tuent un risque réel pour le four­­nis­­seur qui se trouve ainsi engagé).
Par ailleurs, ces cau­­tions, don­­nant lieu à paie­­ment de commis­­sions pro­­rata temporis,
courent (et coûtent) jus­­qu’à ce qu’elles aient fait l’objet d’une « main levée » (c’est-­
à-dire d’une renon­­cia­­tion ou d’une res­­ti­­tution) for­­melle de la part de son béné­­fi­­ciaire
sauf clause de « main levée » auto­­ma­­tique.

2.2  Contraintes en matière de finan­­ce­­ment


Une entre­­prise comme A­grima, doit mettre au point un échéan­­cier de paie­­ment
négo­­cié avec les ache­­teurs et trou­­ver les finan­­ce­­ments néces­­saires pour cou­­vrir, à la
fois :
––en amont de la commande et de l’expédition, les besoins liés à l’enga­­ge­­ment des
dépenses de fabri­­ca­­tion (besoins de pré­­fi­­nan­­ce­­ment des dépenses enga­­gées : frais
d’études tech­­niques, frais commer­­ciaux –, frais de fabri­­ca­­tion prop­­re­­ment dits),
que les acomptes éven­­tuels ne suffisent géné­­ra­­le­­ment pas à couvri ;
––après expé­­di­­tion, ceux liés, à la livrai­­son et à la mise en ser­­vice, ainsi qu’au règle­
­ment du solde res­­tant dû.
L’entre­­prise doit éga­­le­­ment envi­­sa­­ger les consé­­quences (risque de change) d’un
paie­­ment prévu contrac­­tuel­­le­­ment dans une(des) devise(s) dif­­fé­­rente(s) de
celle(s) dans la(les) quelle(s) auront été enga­­gées les dépenses néces­­saires à la
réa­­li­­sa­­tion. Elle devra envi­­sa­­ger dif­­fé­­rentes solu­­tions, allant des moyens tra­­di­­
tion­­nels de cou­­ver­­ture aux nou­­veaux pro­­duits finan­­ciers, à l’orga­­ni­­sa­­tion d’une
cen­­tra­­li­­sa­­tion de la tré­­so­­re­­rie en devises lui per­­met­­tant, si le volume et la nature
de ses tran­­sac­­tions le jus­­ti­­fient, de limi­­ter – voire d’annu­­ler – son expo­­si­­tion au
risque de change.

134
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

c Repère 2.9
Les prin­­ci­­pales solu­­tions de cou­­ver­­ture du risque de change1
Du fait des varia­­tions de change, les entre­­prises expor­­ta­­trices ou inves­­tis­­seuses (qui,
pour les pre­­mières, acquièrent des pro­­duits, des compo­­sants, des sous-­ensembles, ou
encore, pour ses secondes, des actifs) les payent sou­­vent dans la mon­­naie de leur pays
d’ori­­gine. Les pre­­mières rapa­­trient ensuite le mon­­tant du paie­­ment effec­­tué par leur
client ; les secondes, leurs béné­­fices, dans une devise dif­­fé­­rente. Elles sont confron­­tées
à deux types d’exposition à ce risque :
––Le risque de change de tran­­sac­­tion, est lié à la conver­­sion des recettes per­­çues en
devises au titre d’une exportation, ou encore, à l’achat de devises, rendu néces­­saire
par le règle­­ment d’une impor­­ta­­tion. Il est sus­­cep­­tible de se concré­­ti­­ser immé­­dia­­te­­
ment par une perte (ou un gain) sur le dif­­fé­­ren­­tiel de change (dépré­­cia­­tion/appré­­cia­­
tion inter­­ve­­nue entre la conclu­­sion du contrat de vente ou d’achat et ce règle­­ment) ;
–– Le risque de change de tra­­duc­­tion ou de conso­­li­­da­­tion, est lié à la pré­­sen­­ta­­tion des
comptes de l’entre­­prise, dont les élé­­ments de cal­­cul peuvent être affec­­tés par l’aug­
­men­­ta­­tion ou la dimi­­nu­­tion de la valeur des actifs pos­­sé­­dés par celle-­ci, hors du
pays de la mon­­naie de réfé­­rence (en géné­­ral, celle du pays d’ori­­gine). De ce fait,
l’entre­­prise sup­­porte un pré­­ju­­dice vir­­tuel dans la mesure où ces actifs n’ont pas été
cédés (et sont donc sus­­cep­­tibles de béné­­fi­­cier ulté­­rieu­­re­­ment de varia­­tions moné­­
taires de sens inverse), avec, en termes réels, une «  défor­­ma­­tion  » des postes
concer­­nés et du résul­­tat  ; lequel peut être favo­­rable ou défa­­vo­­rable, sui­­vant le
cours de change uti­­lisé pour le cal­­cul de leur contre-­valeur dans la mon­­naie de
conso­­li­­da­­tion.
Les modes de cou­­ver­­ture (risque de tran­­sac­­tion) sont variés, et peuvent s’appuyer :
––sur les clauses contrac­­tuelles  : en choi­­sis­­sant pour la fac­­tu­­ra­­tion la mon­­naie dans
laquelle les dépenses de fabri­­ca­­tion sont libel­­lées, ou en intro­­dui­­sant une clause
d’indexa­­tion aux fluc­­tua­­tions de change, ou une mon­­naie de compte ;
––sur l’orga­­ni­­sa­­tion de la tré­­so­­re­­rie de l’entre­­prise, en adop­­tant un sys­­tème de compen­
­sa­­tion interne devise par devise (netting), s’atta­­chant à faire coïn­­ci­­der le plus pos­­
sible, dans chaque devise uti­­li­­sée, à des échéances déter­­mi­­nées, les flux cré­­di­­teurs
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

et débi­­teurs, de façon à n’être plus en risque que sur les soldes ;


––sur les banques, en recou­­rant à l’achat ou à la vente à terme des devises à payer ou
à rece­­voir, à une échéance déter­­mi­­née dans le futur (cou­­ver­­ture à terme ou
forward) ;
––sur les ins­­tru­­ments de mar­­ché – futures, options – acces­­sibles sur les mar­­chés orga­­
ni­­sés ou, par l’inter­­mé­­diaire d’ins­­ti­­tutions finan­­cières, de gré à gré (O.T.C., over the
counter), pour cou­­vrir des échéances plus incer­­taines, pouvant associer au souci de
cou­­ver­­ture la recherche de plus-values éven­­tuelles (spéculation).

1.  Ibi­­dem, voir J.-P. Lemaire, J.Klein, op.cit.

135
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

LES STADES DE L'OPÉRATION


Garantie

Prospection Fabrication Crédit


ou ou
exécution règlement
approche négociation du contrat
commerciale

Biens Fin des


d’équi- Remise Signature Fin des Fin de la
de l'offre du contrat obligations garantie
pement paiements
contractuelles

Biens de
consom- Facture Commande INCOTERM
mation pro forma

Entrée en
créance née

LA PRISE EN CHARGE DES CONTRAINTES

Élaboration Négociation Réalisation Suivi/contrôle :


de l'offre : contractuelle : Mise en œuvre – réceptions/recettes
– offre technique – définition du contrat technique : – garanties
– offre financière – obligation acheteur – études – SAV
– offre logistique – obligation vendeur – fabrication – assistance (technique/exploitation)
– clauses générales – sous-traitance – règlements
– logistique – cautions
administrative
– assurance
financements

Enjeux : Enjeux : Enjeux :


Recherche de cohérence d’ensemble Anticipation Disponibilité
en laison avec : Coordination Réactivité
– en interne : structures Créativité
fonctionnelles/opérationnelles Conformité Identifications de nouveaux besoins
– en externe : prestataires, fournisseurs, interne/externe (matériels/prestations)
conseils, assureurs, banquiers,
administrations, etc. Obligation
moyens → résultat

Lemaire J.-P.

Figure 2.7 – Les contraintes et leur prise en charge aux dif­­fé­­rents stades d’une
opé­­ra­­tion inter­­na­­tionale

136
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

2.3  Contraintes en matière logis­­tique


L’entre­­prise expor­­ta­­trice (ou impor­­ta­­trice), selon les dis­­po­­si­­tions contrac­­tuelles,
doit orga­­ni­­ser l’ache­­mi­­ne­­ment en rela­­tion avec les trans­­por­­teurs, le plus sou­­vent par
l’inter­­mé­­diaire des tran­­si­­taires, inter­­ro­­gés préa­­la­­ble­­ment à la conclu­­sion du contrat
sur les dif­­fé­­rentes solu­­tions et les dif­­fé­­rents coûts résul­­tant, pour le ven­­deur, de
l’INCOTERM choisi. Elle ne doit pas négli­­ger la cou­­ver­­ture des risques de perte,
vol, ava­­rie, etc., qui en résultent éga­­le­­ment, selon la répar­­tition de res­­pon­­sa­­bi­­lité
entre le ven­­deur et l’ache­­teur lors de la mise à dis­­po­­si­­tion.
Cette prise en compte des prin­­ci­­paux risques et contraintes externes n’est pas sans
influer sur l’orga­­ni­­sa­­tion interne des entre­­prises concer­­nées, dans la mesure où,
comme dans le cas d’A­grima, le meilleur compro­­mis doit être trouvé entre les posi­
­tions des dif­­fé­­rentes par­­ties pre­­nantes à l’opé­­ra­­tion :
––les ven­­deurs qui pros­­pectent, négo­­cient et, le plus sou­­vent, assurent le suivi
technico-­commercial de l’opé­­ra­­tion ;
––l’admi­­nis­­tra­­tion des ventes ex­port et les ser­­vices dits « de réa­­li­­sa­­tion » qui par­­ti­­
cipent, le plus sou­­vent, à l’éla­­bo­­ra­­tion des offres et à la défi­­ni­­tion des prix avant
de prendre en charge l’exé­­cu­­tion des contrats signés ;
––les ser­­vices situés de l’amont à l’aval de la pro­­duc­­tion  : ser­­vice études, en cas
d’adap­­ta­­tion d’un pro­­duit ou ser­­vice exis­­tant ou, a for­­tiori, de concep­­tion d’un
pro­­duit sur mesure ; ser­­vice achats, puis uni­­tés de pro­­duc­­tion pour la fabri­­ca­­tion
prop­­re­­ment dite, et, enfin, ser­­vice après vente.
De plus, le rôle des dif­­fé­­rents ser­­vices d’appui ne doit pas être sous-­estimé : ser­­
vices finan­­ciers et comp­­tables, ser­­vice juri­­dique et conten­­tieux, ser­­vice emballage-­
logistique-transport, etc.
Tou­­te­­fois la prise en compte des contraintes liées à l’opé­­ra­­tion ne doit pas faire
oublier, chez les res­­pon­­sables d’entre­­prise, d’autres pré­­oc­­cu­­pa­­tions liées, cette fois,
à l’envi­­ron­­ne­­ment local spé­­ci­­fique dans lequel elle se dérou­­lera (notam­­ment s’il
s’agit d’opé­­ra­­tions impor­­tantes, ou s’ins­­cri­­vant dans la durée, ou encore d’inves­­tis­­
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se­­ments). C’est là le lien qu’il est néces­­saire d’éta­­blir entre les micro­risques et les
macro­risques ana­­ly­­sés plus haut.
Ces contraintes devront être exa­­mi­­nées :
––du point de vue des menaces (autre­­ment dit, des « faits géné­­ra­­teurs de sinistre »)
que cet envi­­ron­­ne­­ment peut rece­­ler, et des oppor­­tu­­ni­­tés qui peuvent s’y mani­­fes­­ter,
compte tenu de ses res­­sources et/ou de sa dyna­­mique éco­­no­­mique propre ;
––du point de vue des condi­­tions de réa­­li­­sa­­tion ou de péren­­ni­­sa­­tion de la rela­­tion
avec le pays ou la zone concer­­née, en pre­­nant en compte sa sta­­bi­­lité éco­­no­­mique
et poli­­tique, mais aussi ses compo­­santes sociales et cultu­­relles, son cli­­mat, etc.
Tous ces domaines relèvent de l’ana­­lyse préa­­lable et per­­ma­­nente de la dimen­­sion
macro­éco­­no­­mique du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, et sont essen­­tiels, non seule­­

137
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

ment à la bonne fin des opé­­ra­­tions, mais aussi, plus en amont, dans le choix des
priori­­tés géo­­gra­­phiques et sec­­to­­rielles opé­­rées par les entre­­prises.

3  Syn­­thèse : l’approche sys­­té­­ma­­tique du risque


et de sa cou­­ver­­ture

Au-­delà de l’ana­­lyse de la nature des risques – en termes de micro­risques et de


macro­risques –, l’expo­­si­­tion de l’orga­­ni­­sa­­tion peut-­être envi­­sa­­gée de manière plus
sys­­té­­ma­­tique et sous un angle plus pra­­tique, en l’abor­­dant suc­­ces­­si­­ve­­ment du point
de vue du client ou du par­­te­­naire, de l’entre­­prise elle-­même, avant de consi­­dé­­rer
l’envi­­ron­­ne­­ment local de manière spé­­ci­­fique.
En effet, le client, le four­­nis­­seur ou le par­­te­­naire peuvent se révé­­ler défaillants
finan­­ciè­­re­­ment, dans l’inca­­pa­­cité de faire face à leurs obli­­ga­­tions ou refusant de les
assu­­mer, d’autres priori­­tés ou oppor­­tu­­ni­­tés les condui­­sant à sou­­hai­­ter les remettre en
cause, ou encore, à tirer un avan­­tage indu d’une opé­­ra­­tion.
L’orga­­ni­­sa­­tion elle-­même, dans la mesure où elle a pu sur­­es­­ti­­mer ses compé­­tences
et son poten­­tiel, n’est pas tou­­jours en mesure de maî­­tri­­ser toutes les dimen­­sions,
tech­­niques, finan­­cières, commer­­ciales, logis­­tiques de ses enga­­ge­­ments, etc.. elle se
trouve alors dans l’inca­­pa­­cité de mener à bien, de manière par­­tielle ou totale, la réa­
­li­­sa­­tion de cer­­tains pro­­jets et opé­­ra­­tions dans les­­quels elle s’était enga­­gée, ou encore
la pour­­suite ou la péren­­ni­­sa­­tion d’un inves­­tis­­se­­ment réa­­lisé à l’étran­­ger, seule ou en
par­­te­­na­­riat.
Le contexte ou l’envi­­ron­­ne­­ment peut évo­­luer au fil du temps et des cir­­constances,
de manière telle que se trouvent modi­­fiées les condi­­tions qui avaient déter­­miné
l’orien­­ta­­tion de la stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ou, de manière plus limi­
­tée, la mise en place d’une opé­­ra­­tion.
Quel que soit le point de vue à par­­tir duquel les risques sont consi­­dé­­rés, l’entre­­
prise dis­­pose de diverses solu­­tions pour les pré­­ve­­nir ou les cou­­vrir.
Elle peut s’appuyer sur ses moyens propres. C’est le cas, si, en connais­­sance de
cause, parce qu’elle en a les moyens, elle est prête à assu­­mer finan­­ciè­­re­­ment, tech­­
ni­­que­­ment ou commer­­cia­­lement, les consé­­quences poten­­tielles d’un éven­­tuel
sinistre ou d’un pos­­sible pré­­ju­­dice résul­­tant de son acti­­vité inter­­na­­tionale. Cela est
pos­­sible si elle dis­­pose d’une situa­­tion finan­­cière par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment solide, d’une
orga­­ni­­sa­­tion appro­­priée ou… d’un pou­­voir de rétor­­sion vis-­à-vis d’un four­­nis­­seur,
d’un client ou d’un par­­te­­naire défaillant ou récal­­ci­­trant.
Elle peut tirer parti des sup­­ports contrac­­tuels dont les clauses peuvent aussi bien
pré­­ve­­nir bon nombre de dif­­fi­­cultés que la pro­­té­­ger uti­­le­­ment en cas d’imprévu, de
litige ou de diver­­gences d’inté­­rêt. La qua­­lité de ses conseils juri­­diques, en interne ou
en externe, peut, notam­­ment, lui four­­nir des cadres de négo­­cia­­tion et une assis­­tance

138
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2

propre à lui faire pro­­po­­ser et obte­­nir des condi­­tions lui per­­met­­tant de faire valoir ses
inté­­rêts en cas de dif­­fé­­rends avec ses clients, four­­nis­­seurs ou par­­te­­naires.
Elle peut recou­­rir aux dif­­fé­­rents orga­­nismes et pro­­cé­­dures de cou­­ver­­ture externe
qui, au prix d’une prime d’assu­­rance ou d’une commis­­sion, pro­­curent à ceux qui en
font le choix ou qui n’ont que ce recours, les moyens de limi­­ter ou de compen­­ser
une perte, voire, dans cer­­tains cas, plus excep­­tion­­nels, d’en tirer des avan­­tages ou
des béné­­fices sup­­plé­­men­­taires.
En cela, la pré­­ven­­tion et la cou­­ver­­ture du risque, comme la mise à pro­­fit des
oppor­­tu­­ni­­tés déter­­mi­­nées par l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional, consti­­tuent un aspect
pri­­mor­­dial du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions. Elles requièrent une
démarche préa­­lable et per­­ma­­nente par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment atten­­tive, devant s’inté­­grer à
la réflexion d’ensemble sur leurs choix d’orien­­ta­­tion à l’inter­­na­­tional. Elles
complètent et pré­­cisent les ana­­lyses et les éva­­lua­­tions des fac­­teurs qui les incitent
à ini­­tier, accen­­tuer, modi­­fier, faire évo­­luer leur pro­­ces­­sus de déve­­lop­­pe­­ment inter­
­na­­tional.
À ce titre, elles s’asso­­cient à l’indis­­pen­­sable démarche de veille (cha­­pitre 5), qui
devient, de plus en plus, par­­tie inté­­grante de leur démarche. Elles sou­­lignent ainsi
la néces­­sité, pour elles, de consi­­dé­­rer, parmi les réponses à l’évo­­lu­­tion rapide de
l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional, tout à la fois l’adap­­ta­­tion de leurs struc­­tures et pro­
­cé­­dures internes et la prise en compte des risques, contraintes et oppor­­tu­­ni­­tés
externes.

c Repère 2.10
Les dif­­fé­­rentes sources de risque et leur prise en compte stra­­té­­gique
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Les risques externes (microrisques)


Leur ori­­gine :
––la démarche commer­­ciale (par exemple, risque de pros­­pec­­tion) ;
––les moda­­li­­tés de règle­­ment (par exemple, risque de non-­paiement, change, etc.) ;
––les litiges contrac­­tuels (par exemple, risque d’inter­­rup­­tion de contrat, de paie­­ment,
appels de cau­­tion).
Leur prise en compte :
––le diag­­nos­­tic externe (pays/clients, mar­­ke­­ting/stra­­té­­gique) s’appuyant sur la capa­­cité
d’ana­­lyse interne, asso­­ciée à l’exper­­tise externe (ban­­quiers, assu­­reurs, etc.) ;
––la cou­­ver­­ture externe : assu­­rance – cré­­dit, dis­­po­­si­­tifs ban­­caires (cré­­dit docu­­men­­taire,
cou­­ver­­ture de change, etc.) ;
––l’approche contrac­­tuelle : clauses de limi­­ta­­tion de res­­pon­­sa­­bi­­lité (par exemple, cla­
use de force majeure) ou de re­négo­­cia­­tion, iden­­ti­­fi­­cation des clauses dan­­ge­­reuses.

139
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Les risques internes (risque « inté­­rieur »)
Leur ori­­gine :
––la R & D, le pro­­ces­­sus indus­­triel, la capa­­cité de pro­­duc­­tion (inci­­dents de réa­­li­­sa­­tion,
dif­­fu­­sion de la tech­­no­­logie) ;
––l’éva­­lua­­tion de l’opé­­ra­­tion, la maî­­trise des coûts et des four­­nis­­seurs, sa mise en
œuvre (fia­­bi­­lité tech­­nique, respect des délais, dérive des coûts, etc.) ;
––la capa­­cité de finan­­ce­­ment de l’entre­­prise (capa­­cité d’endet­­te­­ment, etc.).
Leur prise en compte :
––le diag­­nos­­tic interne (capa­­ci­­tés tech­­niques, finan­­cières, res­­sources humaines, etc.) ;
––l’éva­­lua­­tion de l’opé­­ra­­tion (finan­­cière, tech­­nique, logis­­tique, orga­­ni­­sa­­tion­­nelle,
etc.) ;
––la cou­­ver­­ture contrac­­tuelle (aléas, limi­­ta­­tion de res­­pon­­sa­­bi­­lité, etc.).

Les risques envi­­ron­­ne­­men­­taux (risque pays macrorisques et cli­­mat d’affaires)


Leur ori­­gine :
––le cadre juri­­dique (contrat, droit de réfé­­rence, règle­­ment des litiges) ;
––la fis­­ca­­lité régis­­sant l’opé­­ra­­tion ou l’implan­­ta­­tion (nature, assiette et taux d’impo­­si­­
tion, rete­­nues à la source, limi­­ta­­tions de rapa­­trie­­ments, etc.) ;
––les bar­­rières régle­­men­­taires (droits/for­­ma­­li­­tés de douane, contin­­gen­­te­­ments/quo­­tas,
licences im­port/ex­port, embargo, limi­­ta­­tion d’accès aux mar­­chés publics, etc.) ;
––la sta­­bi­­lité des struc­­tures/rela­­tions éco­­no­­miques (dépen­­dance des cours mon­­diaux,
aléas sai­­son­­niers, sen­­si­­bi­­lité à la conjonc­­ture, etc.) ;
––la fia­­bi­­lité des ins­­ti­­tutions poli­­tiques et juri­­diques (pro­­priété, sécu­­rité des actifs, des
per­­son­­nels, auto­­no­­mie du mana­­ge­­ment, etc.).
Leur prise en compte :
––le diag­­nos­­tic externe (risque pays) ;
––l’éva­­lua­­tion des opé­­ra­­tions (exper­­tise propre et par­­te­­naires finan­­ciers) ;
––la cou­­ver­­ture interne/externe (cf. risques clients).

 Cas d’appli­­ca­­tion
Morhul Design Jaipur*,
l’usine des champs ou « l’indo-french connection »1
Contras­­tant avec le grouille­­ment de la ville qu’obser­­vaient dis­­crè­­te­­ment, jadis, les
digni­­taires de la Cour de Jaipur, der­­rière le fameux Mur des Vents qu’il sur­­plom­­bait
de son ocre rose, les petites routes de la plaine du Rajasthan, à quelques kilo­­mètres
de sa capi­­tale, semblent désertes. Des villages minus­­cules se suc­­cèdent ; où l’on ne
croise que quelques groupes de femmes, sou­­vent super­­be­­ment dra­­pées dans leur

*  Dénomination fictive.
1.  Ce cas dans sa ver­­sion déve­­lop­­pée (avec notice péda­­go­­gique), est dis­­po­­nible en fran­­çais et en anglais à la Cen­
­trale des Cas et des Moyens Péda­­go­­giques. (Jean-Paul Lemaire, « Morhul Design Jaipur », dis­­po­­nible en 2013).

140
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2


sari ou, tou­­jours hié­­ra­­tiques, en simple shalwar kamiz. Des enfants au sou­­rire écla­
­tant se pré­­ci­­pitent et font de grands signes d’ami­­tié à Rahul, au volant de l’impo­­
sante Ambassador, aux formes surannées des années 50, encore fabri­­quée qua­­rante
ans après, à la sus­­pen­­sion indif­­fé­­rente aux fon­­drières…
Une impo­­sante porte métal­­lique pro­­tège l’entrée d’un ensemble de construc­­tions ne
dépas­­sant pas un étage, aux murs cré­­pis d’un enduit jaune réflé­­chis­­sant puis­­sam­­
ment un soleil encore chaud de fin de l’après-midi. Sur la gauche, en entrant : un
entre­­pôt à claire-voie est bondé de meubles emmaillo­­tés dans d’épaisses feuilles de
plas­­tique à bulles, soi­­gneu­­se­­ment arri­­mées avec de larges bandes adhé­­sives, prêts à
être char­­gés dans un des contai­­ners de qua­­rante pieds, qui partent d’ici, à une
cadence moyenne de 5 par mois pour four­­nir divers gros­­sistes et détaillants occi­­
den­­taux ou orien­­taux  ; ce qui est loin d’être une baga­­telle pour une si modeste
« usine » de cam­­pagne. Mais, ici, pas d’ama­­teu­­risme ; le char­­ge­­ment s’effec­­tue sui­
­vant les règles de l’art. Sur la droite, le ser­­vice admi­­nis­­tra­­tif, hébergé dans ce qui
serait, en Europe, une mai­­son de gar­­dien, avec quelques employés se dépê­­trant
avec séré­­nité, d’une pape­­rasse invasive qu’ils semblent maî­­tri­­ser, alors que l’embal­
­lage se ter­­mine sous leurs yeux. Dans le pro­­lon­­ge­­ment de l’entrée, un bâti­­ment en
construc­­tion, encore hérissé d’écha­­fau­­dages rudi­­men­­taires : il sera bien­­tôt consa­­cré
à la tein­­ture et au tra­­vail des tis­­sus d’ameu­­blement.
Au milieu, une pelouse, plus pro­­met­­teuse encore que four­­nie, combat réso­­lu­­ment
la cani­­cule grâce à un maillage dense de fins tuyaux d’irri­­ga­­tion ; de petits arbres
frui­­tiers qua­­drillent cet espace voué à la fraî­­cheur par l’hôtesse, Monique, cha­­leu­­
reuse pro­­ven­­çale, qui accueille les visi­­teurs avec un large sou­­rire et un accent chan­
­tant. Rahul l’a ren­­contrée en lui fai­­sant visi­­ter sa ville. Il se conten­­tait, alors, entre
deux visites gui­­dées, de col­­lec­­tion­­ner les diplômes – de fran­­çais, en par­­ti­­cu­­lier, mais
aussi, d’archéo­­logie et de socio­­logie –, tan­­dis que Monique, en rup­­ture de ban pro­
­vi­­soire avec ses maga­­sins de l’Île de Beauté, ne se résol­­vait pas, même en vacances,
à vrai­­ment décro­­cher  : elle vou­­lait, trou­­ver des appro­­vi­­sion­­ne­­ments régu­­liers de
meubles anciens indiens pour les vendre à ses clients, en quête d’ori­­gi­­na­­lité pour
leur villé­­gia­­ture corse.
Dans un pre­­mier temps Rahul l’avait aidée de son mieux, s’escrimant à convaincre
pour elle les négo­­ciants locaux les plus retors d’être de parole, aussi bien sur les
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délais, sur les mar­­chan­­dises pro­­mises, que sur les prix. Tant bien que mal, les tran­­
sac­­tions se concluaient, les meubles, «  copies d’ancien  » (dans la nomen­­cla­­ture
doua­­nière…) par­­taient et finis­­saient par arri­­ver. Dans quel état et dans quels délais ?
C’était une autre his­­toire ! Mais pour Monique et, sur­­tout, pour Rahul, ayant, entre-
temps, décou­­vert la France, cette période a, sans doute, été l’occa­­sion d’envi­­sa­­ger
les choses dif­­fé­­rem­­ment : désor­­mais, ils maî­­tri­­saient mieux, l’un et l’autre, ce qui
était sus­­cep­­tible de plaire au public occi­­den­­tal, s’é­tant même décou­­vert des talents
de créa­­teurs qu’ils ne soup­­çon­­naient pas.
Bien­­tôt, ils n’hésitent pas à envi­­sa­­ger les choses dif­­fé­­rem­­ment : par exemple, asso­­
cier des pièces anciennes à des meubles plus contem­­po­­rains ; et, aussi – : pour­­quoi
pas  ? – recher­­cher les tech­­niques et les arti­­sans qui maî­­tri­­se­­raient encore la
fabrication traditionnelle et leur demander de réa­­li­­ser meubles et objets pour pro­­
po­­ser des créa­­tions réso­­lu­­ment « eth­­niques », en allant au-devant des goûts d’une
clien­­tèle que Monique et, désor­­mais, Rahul, ont appris à mieux cer­­ner. La logique

141
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


ne serait-elle pas de s’ins­­tal­­ler au cœur même du Rajasthan, au cœur de cette tra­­
di­­tion, à por­­tée de cette exper­­tise, au contact même d’une main-­d’œuvre fami­­lière
et, bien sûr, peu coû­­teuse ?
C’est en répon­­dant pro­­gres­­si­­ve­­ment à ces dif­­fé­­rentes ques­­tions qu’ils en sont arri­­vés
à maî­­tri­­ser, une bonne par­­tie de la filière – de la créa­­tion à la dis­­tri­­bu­­tion –, d’élar­
­gir leur clien­­tèle, sans se limi­­ter aux tra­­di­­tion­­nels esti­­vants des rivages médi­­ter­­ra­­
néens. Et c’est, sans doute, l’usine cham­­pêtre du Rajasthan qui incarne le mieux leur
modèle à suc­­cès. Son orga­­ni­­sa­­tion se lit dans le plan d’occu­­pa­­tion d’un espace qui
concentre, en une presque par­­faite unité de lieu, l’essen­­tiel de la créa­­tion, de la
pro­­duc­­tion et de l’admi­­nis­­tra­­tion de l’entre­­prise. Au-delà de la « pelouse », un long
entre­­pôt fait figure de caverne d’A­li Baba : des meubles peints ou en bois sombre
– armoires, commodes, vais­­se­­liers, mais aussi biblio­­thèques, tables basses, têtes de
lit… –, des créa­­tions compo­­sites met­­tant en valeur des élé­­ments anciens sou­­vent
récu­­pérés avant qu’ils ne deviennent du bois à brû­­ler, du fer forgé, accom­­modé en
élé­­ments de mobi­­lier – lits, chaises, éta­­gères, para­­vents –, en acces­­soires de déco­­
ra­­tion – lampes, appliques, bou­­tons de porte, cadres… –, des objets de verre et des
ten­­tures aux cou­­leurs vives, encore ache­­tées à des four­­nis­­seurs locaux, mais qui
seront bien­­tôt teintes et taillées sur place… Devant, se trouve le bureau de design
où sont reçus les pros­­pects, qu’ils aient été «  détour­­nés  » au centre ville ou ren­­
contrés for­­tui­­te­­ment dans un train  ; qu’ils aient été sen­­si­­bi­­li­­sés par le bouche-­à-
oreille ou accro­­chés en sur­­fant sur le net, ou encore, qu’ils fassent par­­tie du réseau
de reven­­deurs qui réfé­­rencent les pro­­duits de la petite entre­­prise franco-indienne…
Mais tout n’a pas été aussi vite  : dans un pre­­mier temps, Monique et Rahul ont
conti­­nué à chi­­ner dans tout le Rajasthan et au-­delà ; mais, très vite, ils sont pas­­sés
à la fabri­­ca­­tion : avec quelques arti­­sans, débus­­qués dans des villages par­­fois loin­­
tains, encore au fait des tech­­niques ances­­trales du bois, du fer, du verre ou du tex­­
tile, la pro­­duc­­tion s’est effec­­ti­­ve­­ment organisée sur place. C’est dehors, dans un
espace ouvert, adossé à l’entre­­pôt, sous un auvent de paille, les pieds s’enfon­­çant
pro­­fon­­dé­­ment dans un tapis de copeaux, à côté des réserves de bois sélec­­tion­­nés
par leurs deux comman­­di­­taires, que les compa­­gnons indiens tra­­vaillent, avec toute
leur équipe. Outre les matières pre­­mières qu’ils sont tenus de leur four­­nir, Monique
et Rahul ont mis, petit à petit, à leur dis­­po­­si­­tion, pour complé­­ter l’équi­­pe­­ment léger
qui leur appar­­tient et qu’ils emportent avec eux, des outils à main, puis élec­­triques.
Ce que ces iti­­né­­rants qui passent auprès d’eux quelques semaines, le temps de
répondre à une commande, appré­­cient  ; tout comme ils appré­­cient les cubes de
briques qui s’alignent le long du mur d’enceinte, construc­­tions simples mais suf­­fi­­
santes pour les abri­­ter de la cha­­leur de l’été, comme du froid et de l’humi­­dité qui
peuvent des­­cendre, l’hiver, des mon­­tagnes proches.
Mais, même si les compa­­gnons et leurs équipes se plaisent par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans ce
havre labo­­rieux qui res­­pecte leur indé­­pen­­dance, même s’il n’est pas dif­­fi­­cile de
trou­­ver 100 paires de bras sup­­plé­­men­­taires pour faire face à un sur­­croît de tra­­vail,
les cou­­tumes locales peuvent réser­­ver des sur­­prises. Ainsi, lors­­qu’une fête ou un
mariage dis­­trait de sa tâche tel ou tel compa­­gnon, il peut s’absen­­ter plu­­sieurs jours
ou davan­­tage, pour tra­­vailler, à son retour, sans dis­­conti­­nuer, vingt-quatre heures sur
vingt-quatre, de manière à tenir l’échéance. Ce qui ne ras­­sure pas for­­cé­­ment
Monique, qui traque en per­­ma­­nence les mal­­fa­­çons et revoit dans le détail chaque

142
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2


expé­­di­­tion, afin de pal­­lier les incer­­ti­­tudes consé­­cu­­tives à un mode de pro­­duc­­tion
peu adapté aux stan­­dards modernes de qua­­lité.
À leurs débuts, l’Inde, que l’admi­­nis­­tra­­tion Rao, en 1991, venait de déci­­der d’ouvrir
aux échanges et de déga­­ger pro­­gres­­si­­ve­­ment d’un éta­­tisme omni­­pré­­sent, ins­­piré par
une rela­­tion de longue durée avec l’URSS, vivait dans un état de quasi-autar­­cie. Les
lour­­deurs admi­­nis­­tra­­tives, qui le doivent, aussi, à un for­­ma­­lisme tatillon hérité de
l’ère colo­­niale, attei­­gnaient alors un paroxysme : l’obten­­tion de la moindre auto­­ri­­
sa­­tion pou­­vait prendre des jours et exi­­ger le ver­­se­­ment à des fonc­­tion­­naires sous-­
payés de des­­sous de table consé­­quents. Depuis, les choses ont évo­­lué de manière
per­­cep­­tible, le pays s’ouvrant chaque jour davan­­tage, dans les prin­­cipes comme
dans les faits : l’avè­­ne­­ment de l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce et l’abais­­se­­
ment des bar­­rières doua­­nières natio­­nales à l’im­port per­­met­­tant, à titre de réci­­
procité, aux pro­­duits locaux d’être moins taxés à leur entrée sur les mar­­chés
étran­­gers. Quant à la sup­­pres­­sion, au 1er jan­­vier 2005, des accords multi­fibres, elle
permettrait de faire de l’Inde un des prin­­ci­­paux béné­­fi­­ciaires potentiels de cette
ouver­­ture, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment pour ses pro­­duits d’arti­­sa­­nat et son tex­­tile, un des sec­­
teurs de pré­­di­­lec­­tion de l’entre­­prise.
De fait, la dif­­fu­­sion inter­­na­­tionale de leur pro­­duc­­tion n’a cessé, au fil des années,
de se déve­­lop­­per : tout d’abord à l’usage exclu­­sif des bou­­tiques corses de Monique,
puis en réponse à des commandes d’anti­­quaires et déco­­ra­­teurs amis, qui se sont
mul­­ti­­pliées. Ils consti­­tuent désor­­mais, les prin­­ci­­paux clients d’une indo-french
connection, ori­­gi­­nale dans sa concep­­tion comme dans son orga­­ni­­sa­­tion. Et son
réseau de contacts s’élar­­git, vers d’autres pays d’Europe, comme l’Espagne ou
l’Allemagne, et vers les États-­Unis. C’est aussi du Golfe que vient une demande qui
s’ampli­­fie, d’ache­­teurs sen­­sibles aux desi­­gns orien­­taux. Si le site Inter­­net de
« Morhul Design Jaipur » n’est pas tou­­jours acces­­sible, cer­­tains de ses pro­­duits sont
dûment réper­­to­­riés sur divers por­­tails d’achat en ligne qui per­­mettent à sa zone de
chalandise vir­­tuelle de s’étendre encore…
Pour Monique et Rahul, au départ, peu fami­­liers des complexi­­tés de l’ex­port, ces
nou­­veaux déploie­­ments ont pu consti­­tuer, par­­fois, un vrai casse-tête, en dépit de
l’expé­­rience déjà acquise, labo­­rieu­­se­­ment, dans le négoce d’anti­­quités  : il leur a
fallu se mettre en contact avec des tran­­si­­taires et des trans­­por­­teurs pour ache­­mi­­ner
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leur pro­­duc­­tion jus­­qu’à Bombay, la faire char­­ger et la diri­­ger vers les des­­ti­­nations
les plus diverses, rédi­­ger des contrats, se fami­­lia­­ri­­ser avec les cir­­cuits et les modes
de règle­­ment, éva­­luer les nou­­veaux risques et les nou­­veaux besoins de leur acti­­
vité.
Dans le cadre de leurs opé­­ra­­tions deve­­nues plus régu­­lières, ils ne sont, en effet, plus
de simples négo­­ciants, puis­­qu’ils fabriquent désor­­mais eux-­mêmes. De plus, une
par­­tie impor­­tante de leur fabri­­ca­­tion est des­­ti­­née à des nou­­veaux clients, natu­­rel­­le­
­ment moins souples que leurs habi­­tuels « clients mai­­son ». Les liens s’étant noués
de plus fraîche date, ils sont, bien sûr, plus for­­ma­­listes  : le niveau de confiance
mutuelle pou­­vant varier consi­­dé­­ra­­ble­­ment. En consé­­quence, le pro­­blème se pose,
notam­­ment, de choi­­sir un mode de règle­­ment adapté à chaque rela­­tion commer­­
ciale et à son évo­­lu­­tion dans le temps pour en limi­­ter les risques et les coûts ; tant
pour eux-­mêmes que pour des clients qui imposent, le plus sou­­vent, des condi­­tions
tech­­niques, commer­­ciales ou finan­­cières spé­­ci­­fiques (fabri­­ca­­tions sur mesure,

143
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


exclu­­si­­vité sur cer­­taines zones, larges délais de cré­­dit, dates de livrai­­son pré­­
cises…).
Entre l’ami gros­­siste toulousain ou pari­­sien, la chaîne de meubles exo­­tiques amé­­ri­­
caine, l’impor­­ta­­teur aus­­tra­­lien, le négo­­ciant de Dubaï, pour ne citer que quelques
pro­­fils types, les para­­mètres à prendre en compte sont très divers : le pre­­mier est un
inter­­lo­­cuteur, certes, ancien et régu­­lier, mais sa sur­­face finan­­cière est limi­­tée, la
seconde, très exi­­geante, commande des volumes sou­­vent très impor­­tants et se
montre par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment à che­­val sur les délais de livrai­­son, tirant sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment
à l’extrême – jus­­qu’à 90 jours – les échéances de paie­­ment, le troi­­sième, client
encore très irré­­gu­­lier, tend à impo­­ser des adap­­ta­­tions spé­­ciales, aux goûts de sa
clien­­tèle, quant aux der­­niers, certes, plus rapides dans leurs règle­­ments, ils ne sont
pas tou­­jours clairs dans l’expres­­sion de leurs besoins.
Désor­­mais, aussi, le risque de change est devenu une pré­­oc­­cu­­pa­­tion majeure, même
si la rou­­pie n’a guère ten­­dance à être sur­­éva­­luée, à la satis­­faction des expor­­ta­­teurs
indiens. Pro­­po­­sant des tarifs en euros à ses clients et pros­­pects euro­­péens, Rahul et
Monique tiennent à rétro­­cé­­der une par­­tie du béné­­fice de change résul­­tant de l’évo­­
lu­­tion favo­­rable des cours à leurs clients pri­­vi­­lé­­giés. Ils res­­tent, cepen­­dant, à leur
merci, lors­­qu’une remon­­tée de la rou­­pie vient, à l’inverse, écor­­ner leur marge.
Par ailleurs, si les temps de fabri­­ca­­tion sont rela­­ti­­ve­­ment courts (quelques semaines),
le trans­­port dure à peu près autant et ils doivent accor­­der à cer­­tains de leurs dis­­tri­­
bu­­teurs des délais de règle­­ment suf­­fi­­sam­­ment longs pour leur per­­mettre d’écou­­ler
une pro­­por­­tion rai­­son­­nable des mar­­chan­­dises expé­­diées… Cela se tra­­duit, soit par
des retards de paie­­ment, soit par la négo­­cia­­tion de délais pro­­lon­­gés qui tendent à
assé­­cher leur tré­­so­­re­­rie.
Le sys­­tème ban­­caire indien qui se déve­­loppe rapi­­de­­ment, mais encore très tourné
vers les seules tran­­sac­­tions domes­­tiques, a encore beau­­coup de pro­­grès à faire pour
répondre aux nou­­veaux besoins géné­­rés par l’inten­­si­­fi­­ca­­tion des flux d’échanges
inter­­na­­tionaux ; en par­­ti­­cu­­lier pour les petites entre­­prises qui doivent sup­­por­­ter une
bonne par­­tie des risques et accor­­der d’impor­­tants délais de cré­­dit à leurs clients.
Elles ne peuvent encore s’appuyer sur des par­­te­­naires finan­­ciers suf­­fi­­sam­­ment réac­
­tifs, capables, tout à la fois, de leur pro­­po­­ser les solu­­tions de cou­­ver­­ture et les solu­
­tions de finan­­ce­­ment cor­­res­­pon­­dant à leurs besoins. Quant aux banques étran­­gères,
elles sont tou­­jours très étroi­­te­­ment régle­­men­­tées et ne peuvent se déployer autant
qu’elles le vou­­draient sur le ter­­ri­­toire ni pro­­po­­ser l’ensemble des ser­­vices qui leur
sont néces­­saires.
Un jour, aussi, – la ques­­tion du finan­­ce­­ment de la crois­­sance de l’entre­­prise se
posera – si elle ne se pose déjà – ; non seule­­ment pour faire face à l’aug­­men­­ta­­tion
du besoin en fonds de rou­­le­­ment, mais, éga­­le­­ment, pour sou­­te­­nir un pas­­sage éven­
­tuel à une taille supé­­rieure, auto­­ri­­sant de plus gros volumes de pro­­duc­­tion, et une
approche commer­­ciale plus sys­­té­­ma­­tique en Europe, en Amérique, comme dans le
Sud-­Est Asia­­tique.
Sans doute, Monique et Rahul, tout au plai­­sir d’amé­­lio­­rer chaque jour leur entre­­
prise modèle, d’y créer leurs pro­­duits et d’en suivre la fabri­­ca­­tion, au contact de
compa­­gnons deve­­nus sou­­vent des amis, ne voient pas et ne veulent pas voir for­­cé­­
ment très grand.

144
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2


À deux pas de l’usine, dans la fraî­­cheur que la nuit finit, enfin, par appor­­ter, pro­­té­­
gée par l’enclos du petit jar­­din qui donne direc­­te­­ment sur la cam­­pagne qui s’endort,
sous l’auvent de sa petite mai­­son à l’atmo­­sphère toute « médi­­ter­­ra­­néenne », dans
ce village, à tout le moins, banal, Monique se plaît à évo­­quer ses petits enfants à ses
hôtes ; avec affec­­tion mais sans nos­­tal­­gie par­­ti­­cu­­lière, loin, aussi, des magni­­fiques
rivages corses qu’elle retrouve pério­­di­­que­­ment. On sent que, pour elle, sa vie,
comme son pro­­jet, s’enra­­cinent, désor­­mais, ici.

Ques­­tions de réflexion
1 ■ Comment décrire le modèle éco­­no­­mique de l’entreprise ? Dans quelle mesure
paraît-il sus­­cep­­tible de résis­­ter aux aléas de son envi­­ron­­ne­­ment  ? Indien  ?
Occi­­den­­tal ? Quelles contraintes finan­­cières pèsent sur l’entre­­prise ? À quels
risques se trouve-t-elle exposée dans ses tran­­sac­­tions avec ses clients ? Avec
ses four­­nis­­seurs ? Dans cette perspec­­tive, comment seg­­men­­ter les dif­­fé­­rents
types de clientèle ? En fonc­­tion de quels cri­­tères ? À quels risques se trouvent
expo­­sés leurs propres clients (comme Monique, aupa­­ra­­vant, vis-­à-vis de ses
four­­nis­­seurs indiens de meubles anciens) ? Comment, en par­­ti­­cu­­lier, ceux-ci
auraient-ils ten­­dance à les minimi­­ser ?
2 ■ Par ailleurs, pour nos deux pro­­ta­­go­­nistes, leurs coûts de four­­ni­­ture et de
fabri­­ca­­tion sont réglés en rou­­pies et leur fac­­tu­­ra­­tion effec­­tuée en € ou en $ ;
de la même façon, une par­­tie des capi­­taux et des biens d’équi­­pe­­ment ont été
acquis en € ou en $. En consé­­quence, dans quelle mesure l’entre­­prise se
trouve-t-elle expo­­sée au risque de change ? Et comment peut-elle le prendre
en compte dans sa fac­­tu­­ra­­tion et dans ses résul­­tats (si elle les conso­­lide en
France) ?
3 ■ Enfin, comment voyez-vous l’évolution du modèle éco­­no­­mique de l’entre­­
prise dans l’hypo­­thèse où Rahul et Monique déci­­de­­raient de déve­­lop­­per
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encore leur acti­­vité d’expor­­ta­­tion à par­­tir de l’Inde ? À quels nou­­veaux ris­


ques et à quelles nou­­velles contraintes finan­­cières se trou­­ve­­raient-ils confron­
­tés ? De quelle manière seraient-ils sus­­cep­­tibles d’y faire face ?

145
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

L’essen­­tiel

Désor­­mais, les ter­­ri­­toires sont deve­­nus des acteurs incontour­­nables de l’ouver­­


ture inter­­na­­tionale, à la fois :
––comme espaces d’accueil ou espaces de réfé­­rence ou d’expan­­sion des orga­­ni­­
sa­­tions étran­­gères qui sou­­haitent déve­­lop­­per leurs tran­­sac­­tions avec les acteurs
éco­­no­­miques qui y sont implan­­tés et/ou dési­­rent s’y implan­­ter ;
––comme acteurs à part entière, cher­­chant à s’insé­­rer, de la manière la plus avan­
­ta­­geuse pos­­sible, dans les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ment, pour atti­­rer
capi­­taux, savoir-­faire, acti­­vi­­tés, reve­­nus au béné­­fice des enti­­tés éco­­no­­miques
qu’ils accueillent ou qui y résident de longue date.
Ce n’est donc pas dans une pos­­ture réac­­tive, voire défen­­sive, pui­­sant au pro­­tec­­
tion­­nisme tra­­di­­tion­­nel, pour­­tant tou­­jours vivace, visant à pro­­té­­ger d’une concur­­
rence pres­­sante leurs res­­sor­­tis­­sants, que ces ter­­ri­­toires – pays ou groupes de pays,
régions ou sub­­di­­vi­­sions ter­­ri­­toriales plus modestes, grandes ou petites cités… –
vont se figer. C’est plu­­tôt, une atti­­tude pro-­active, au-­delà du pro­­tec­­tion­­nisme
moder­­nisé de la poli­­tique commer­­ciale stra­­té­­gique, auquel ils pré­­fé­­re­­ront une
véri­­table stra­­té­­gie d’ouver­­ture et de conquête, qu’ils vont adop­­ter : en sui­­vant une
démarche sou­­vent compa­­rable à celle des entre­­prises, dans le but de déve­­lop­­per
leur attractivité vis-­à-vis de l’ensemble des agents et orga­­ni­­sa­­tions éco­­no­­miques
exté­­rieures qu’ils seraient sus­­cep­­tibles d’atti­­rer.
Une fois iden­­ti­­fiées les pres­­sions externes – politico-­réglementaires, éco­­no­­
miques et sociales, tech­­no­­lo­­giques –, au pre­­mier niveau du PREST appli­­qué aux
ter­­ri­­toires, c’est la déter­­mi­­na­­tion, au deuxième niveau du modèle, des enjeux
d’adap­­ta­­tion, de re­déploie­­ment et de concur­­rence, aux­­quels ils se trouvent
confron­­tés, qui les amè­­nera à se posi­­tion­­ner en termes d’attractivité, par rap­­port
aux autres ter­­ri­­toires. Pour cela, ils sui­­vront les axes du modèle « 4 x i ». leur
per­­met­­tant de mesu­­rer, d’une part, leur niveau de « rési­­lience », et, d’autre part,
leur niveau de « res­­sources » et de maî­­trise des res­­sources dont ils dis­­posent. Ce
posi­­tion­­ne­­ment enga­­gera les auto­­ri­­tés res­­pon­­sables de la valo­­ri­­sa­­tion des ter­­ri­­
toires à mieux cer­­ner les poli­­tiques qu’elles auront à déve­­lop­­per pour amé­­lio­­rer
ce posi­­tion­­ne­­ment ; tan­­dis qu’il per­­met­­tra aux orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, envi­­sa­­
geant de s’y déve­­lop­­per ou de reconsi­­dérer leur loca­­li­­sa­­tion, de mieux déter­­mi­­ner
les types de sec­­teurs ou d’acti­­vi­­tés, tout comme les modes d’entrée, qu’il leur
convien­­drait d’y pri­­vi­­lé­­gier.
Au-­delà du posi­­tion­­ne­­ment des ter­­ri­­toires, et dans le pro­­lon­­ge­­ment de cette
démarche, à par­­tir de l’iden­­ti­­fi­­cation des macro­risques et des carac­­té­­ris­­tiques du
« cli­­mat d’affaires », propres à cha­­cun, s’avére indis­­pen­­sable de mieux mesu­­rer

146
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires  ■  Chapitre 2


les dif­­fi­­cultés et contraintes pra­­tiques, à court ou à plus long terme, qu’une orga­
n­ i­­sa­­tion peut y ren­­contrer pour vendre, ache­­ter, sous-­traiter, s’implanter, seule ou
en par­­te­­na­­riat. Lié au posi­­tion­­ne­­ment des ter­­ri­­toires, ce niveau macro­éco­­no­­mique
de l’ana­­lyse des macro­risques dessinera, au-­delà des « faits géné­­ra­­teurs de sinis­
tres, poli­­tiques, catas­­tro­­phiques, non trans­­ferts » qui menacent les orga­­ni­­sa­­tions
étran­­gères en rela­­tion avec eux, sur un plan pra­­tique, les micro­risques. Ceux-ci
peuvent se tra­­duire, pour elles, par des démarches de pros­­pec­­tion tour­­nant court,
l’annu­­la­­tion de contrats, le non-paie­­ment total ou par­­tiel de leurs livrai­­sons ou de
leurs pres­­ta­­tions, ou encore, par des litiges sur­­ve­­nus au court de l’exé­­cu­­tion de la
tran­­sac­­tion.
C’est dire l’impor­­tance de l’approche des ter­­ri­­toires, dans le cadre d’un monde
frac­­tionné, se « décloi­­son­­nant » de manière hété­­ro­­gène, mais, aussi, dans le cadre
d’une ouver­­ture inter­­na­­tionale bien enga­­gée. Le ter­­ri­­toire et les groupes de ter­­ri­
­toires consti­­tuent un élé­­ment indis­­pen­­sable de défi­­ni­­tion de l’espace de réfé­­rence
ou d’expan­­sion dans lequel se déploie l’orga­­ni­­sa­­tion. Sauf à réflé­­chir à la stra­­té­
­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des ter­­ri­­toires eux-­mêmes, il convient pour l’orga­­ni­­sa­­
tion qui cherche à défi­­nir ou redé­­fi­­nir sa propre stra­­té­­gie, de «  croi­­ser  » cette
dimen­­sion géo­éco­­no­­mique avec l’acti­­vité, le sec­­teur ou l’indus­­trie à laquelle elle
appar­­tient.

147
Chapitre
Dyna­­mique
3 inter­­na­­tionale
des acti­­vi­­tés

E n quoi l’ouver­­ture inter­­na­­tionale affecte-­t-elle les indus­­tries, les sec­­teurs, les


acti­­vi­­tés ? Tous les types d’acti­­vi­­tés se trouvent-­ils éga­­le­­ment concer­­nés par
l’ouver­­ture inter­­na­­tionale ? Dans quelle mesure leur ouver­­ture inter­­na­­tionale res­
­pec­­tive a-­t-elle pro­­gressé ? Quelles perspec­­tives leur offre-­t-elle, aux unes comme
aux autres ? Quelles acti­­vi­­tés – nou­­velles et anciennes – ont le plus, et le plus vite,
évo­­lué  ? Pour quelles rai­­sons  ? À quels enjeux les acteurs d’une même acti­­vité
ont-­ils à faire face ? La ques­­tion se pose-­t-elle de la même manière selon le niveau
géo­­gra­­phique auquel l’ana­­lyse est menée ? En quoi la dimen­­sion sec­­to­­rielle est-­elle
essen­­tielle pour déter­­mi­­ner les orien­­ta­­tions inter­­na­­tionales des orga­­ni­­sa­­tions ?
Au niveau macroéco­­no­­mique, la dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires vise à
appor­­ter richesse et bien-être à leurs res­­sor­­tis­­sants, en atti­­rant et en déve­­lop­­pant dans
les meilleures condi­­tions les flux d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments. De leur côté, au
niveau micro­éco­­no­­mique, les orga­­ni­­sa­­tions – en par­­ti­­cu­­lier, les entre­­prises, ne
s’enga­­ge­­ront pas, ou ne s’orien­­te­­ront pas de manière simi­­laire, vers des ter­­ri­­toires,
dont les condi­­tions d’ouver­­ture et l’accès n’ont pas, pour elles, le même attrait1; tout
comme dif­­fèrent les appuis dont elles sont sus­­cep­­tibles de béné­­fi­­cier, dans leur envi­
­ron­­ne­­ment d’ori­­gine.
Mais, au-­delà de la rela­­tion clé qui s’éta­­blit entre ter­­ri­­toires et orga­­ni­­sa­­tions doit
être éga­­le­­ment sou­­li­­gnée l’impor­­tance du niveau inter­­mé­­diaire – mesoéconomique –
que consti­­tue l’acti­­vité (le sec­­teur ou l’indus­­trie), dans laquelle opère chaque orga­­

1.  Cf. repère 2.4 « Existe-­t-il des envi­­ron­­ne­­ments plus favo­­rables que d’autres à l’inter­­na­­tional ? »
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

ni­­sa­­tion  ; dans la mesure où la néces­­sité d’ouverture et/ou les inci­­ta­­tions à


l’inter­­na­­tiona­­li­­sation sont très liées à la nature de chaque acti­­vité consi­­dé­­rée,
comme le sou­­lignent un cer­­tain nombre de contri­­bu­­tions théo­­riques1.
À noter aussi qu’il n’est pas inutile de situer cette approche « mesoéconomique »
dans une perspec­­tive plus large, his­­to­­rique, socio­­lo­­gique, cultu­­relle, voire géo-­
politique, autant qu’éco­­no­­mique, pour mieux en comprendre la dyna­­mique2.
Ce que peut illus­­trer d’emblée, dans une perspec­­tive opé­­ra­­tion­­nelle, le cas intro­­
duc­­tif, ci-­dessous, décri­­vant la situa­­tion d’acteurs éco­­no­­miques d’un sec­­teur d’acti­
­vité par­­ti­­cu­­lier – le sec­­teur du vin –, long­­temps dominé par la tra­­di­­tion et à la
pro­­duc­­tion concen­­trée dans un petit nombre de pays. Sa consom­­ma­­tion ne dépas­­sait,
d’ailleurs, que de manière rela­­ti­­ve­­ment mar­­gi­­nale leur cadre géo­­gra­­phique, vers des
clien­­tèles étran­­gères d’ama­­teurs aver­­tis. Ce qui n’empêche pas ce sec­­teur de se
trouver désor­­mais en voie d’ouver­­ture inter­­na­­tionale rapide.
Res­­sortent de cet exemple, au niveau mon­­dial, les pro­­fondes trans­­for­­ma­­tions
subies par ce sec­­teur, comme par d’autres, au cours des trente der­­nières années, la
manière dont elles se sont pro­­duites et mani­­fes­­tées, du côté de l’offre, comme du
côté de la demande, ainsi que la manière dont les acteurs de la filière, ont fait et font
face aux nou­­veaux défis qui en résultent.
Pour ce qui concerne ces acteurs, et de manière plus foca­­li­­sée, il per­­met, de
prendre la mesure, de façon plus pré­­cise, de l’impact des trans­­for­­ma­­tions du secteur
à par­­tir d’un envi­­ron­­ne­­ment géo­­gra­­phique, déjà fami­­lier3, d’un des pays les plus
concer­­nés par ces chan­­ge­­ments, l’Argen­­tine.
Cette nou­­velle dimen­­sion – sec­­to­­rielle –, s’ajou­­tant à la dimen­­sion géo­­gra­­phique
déve­­lop­­pée dans le pré­­cé­­dent cha­­pitre, conduit, en consé­­quence :
–– à pré­­ci­­ser, pour les orga­­ni­­sa­­tions, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment les entre­­prises – ici des exploi­
­ta­­tions vini/viti­­coles argen­­tines ; les contours de l’espace de réfé­­rence au sein duquel
elles ont à prendre leurs déci­­sions, en combi­­nant le géo­­gra­­phique et le sec­­to­­riel ;
––à mieux cer­­ner, aussi, les nou­­veaux modes de déploie­­ment inter­­na­­tional – col­­lec­
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­tifs, en l’occur­­rence – que sont sus­­cep­­tibles d’adop­­ter, hors de leur pays d’ori­­gine,
les pro­­duc­­teurs d’un même sec­­teur, issus du même ter­­ri­­toire, en s’appuyant sur la
coor­­di­­na­­tion d’acteurs publics et pri­­vés ;
–– à obser­­ver, enfin, le compor­­te­­ment d’autres acteurs du sec­­teur, issus d’autres pays,
pro­­duc­­teurs et dis­­tri­­bu­­teurs, qui n’hésitent pas à sai­­sir les nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés
qu’offrent les muta­­tions sec­­to­­rielles, à la fois, au niveau glo­­bal, et, au niveau local.

1.  Por­­ter M. (sous la direc­­tion de), Competition in Glo­­bal Indus­­tries, cha­­pitre 1. « Competition in glo­­bal indus­
t­ries  : a con­ceptual framework  » Harvard Busi­­ness School Press, Bos­­ton, 1986. et Bartlett C. et Ghoshal S.,
Managing Across Borders : the Trans­­na­­tional solu­­tion, , HBS Press, Bos­­ton, 1991.
2.  C’est, notam­­ment, ce que pro­­pose avec brio l’académicien-­économiste Erik Orsenna avec sa série de « Petits
pré­­cis de mon­­dia­­li­­sa­­tion » : Voyage au pays du coton (Fayard, 2006), L’ave­­nir de l’eau (Fayard, 2008), Sur la route
du papier (Stock, 2012).
3.  Cf. cas intro­­duc­­tif du chapitre2, Promesas Argentinas.

149
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Le plan du chapitre
Section 1 ■  Por­­tée de la dis­­tinction « glo­­bal/local » dans la défi­­ni­­tion ­
des acti­­vi­­tés
Section 2 ■  Dyna­­mique inter­­na­­tionale des sec­­teurs : fac­­teurs de muta­­tion
intra-sec­­to­­riels
Section 3 ■  Les enjeux de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale pour les acteurs ­
et les par­­ties pre­­nantes des sec­­teurs

 Cas intro­­duc­­tif
« Wines of Argentina » dans un sec­­teur mon­­dial
du vin en pleine évo­­lu­­tion1
Le sec­­teur mon­­dial du vin s’est pro­­fon­­dé­­ment trans­­formé depuis trente ou qua­­rante
ans et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment depuis le début des années 70 : la consom­­ma­­tion comme
la pro­­duc­­tion s’étant redis­­tri­­buées de façon spec­­ta­­cu­­laire entre les pays et les conti­
­nents2.
•• Dans les pays à forte tra­­di­­tion vini/viti­­cole on a pu enre­­gis­­trer une dimi­­nu­­tion
signi­­fi­­ca­­tive de la consom­­ma­­tion par tête, dans un laps de temps rela­­ti­­ve­­ment
court, à par­­tir du début des années 60, pour se sta­­bi­­li­­ser au début des années
2000 : de 120 à 56 litres, par per­­sonne et par an, en France ; de 110 à 48, en Italie,
de 60 à 34, en Espagne ; de 80 à 30, en Argen­­tine. Seule, l’Allemagne, pro­­duc­­trice
de longue date, mais dans des pro­­por­­tions moindres, a enre­­gis­­tré une pro­­gres­­sion,
de 15,7 à 24,6 litres par per­­sonne et par an.
•• L’évo­­lu­­tion a, été inverse dans nombre de pays sans véri­­table tra­­di­­tion de pro­­duc­
­tion, comme les pays anglo-saxons : les États-­Unis, dont la consom­­ma­­tion a pro­­
gressé au cours de la même période de 1,8 à 7,7 litres, le Royaume-­Uni, de 1,1 à
16,9, l’Australie, de 1,9 à 20,5. À noter aussi que, le Royaume-­Uni mis à part, la
pro­­duc­­tion de vin y a elle – même pro­­gressé de façon spec­­ta­­cu­­laire. À noter, der­
­rière les États-­Unis (+ 26,94 mil­­lions de caisses entre 2009 et 2010) la pro­­gres­­sion
spec­­ta­­cu­­laire de la Russie (+ 5,56 mil­­lions de caisses) et, sur­­tout, la Chine (+ 20,76
mil­­lions de caisses) !

1.  Ce cas dans sa ver­­sion déve­­lop­­pée (avec notice péda­­go­­gique), est dis­­po­­nible en Fran­­çais et en Anglais à la
Cen­­trale des Cas et des Moyens Péda­­go­­giques (Jean Paul Lemaire et Di­ego Lopez, « Arriba Mendoza», paru­­tion
pré­­vue en 2013).
2.  Déjà, en 2003, les réa­­li­­sa­­teurs du film Mondovino s’inter­­ro­­geaient sur l’évo­­lu­­tion et le futur du sec­­teur mon­
­ ial du vin, à tra­­vers une série d’enquêtes et de repor­­tages sur plu­­sieurs conti­­nents, fai­­sant res­­sor­­tir les trans­­for­­ma­
d
­tions en cours , en sou­­li­­gnant, en par­­ti­­cu­­lier la pro­­gres­­sion remar­­quable des « Vins du Nou­­veau Monde ».

150
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3


C’est donc dans les pays où la consom­­ma­­tion de vin était encore limi­­tée, comme
l’Europe du Nord, l’Amérique du Nord, et, sur­­tout, l’Asie, où le vin était pra­­ti­­que­­
ment ignoré, qu’est appa­­rue une nou­­velle caté­­go­­rie de consom­­ma­­teurs, pour qui il
est devenu un mar­­queur social et éco­­no­­mique de réus­­site et d’ouver­­ture cultu­­relle ;
et où, à côté des plus riches, une nou­­velle classe moyenne lui mani­­feste un inté­­rêt
crois­­sant
Fait encore plus mar­­quant, encore, au niveau de la pro­­duc­­tion et de la commer­­cia­
l­i­­sa­­tion, le vin est passé du stade arti­­sa­­nal au stade indus­­triel. Le domaine agri­­cole
qui est consa­­cré à la culture de la vigne s’est lar­­ge­­ment déve­­loppé, sus­­ci­­tant des
inves­­tis­­se­­ments consi­­dé­­rables, l’acqui­­si­­tion et l’exploi­­ta­­tion de nou­­velles terres
comme la créa­­tion de véri­­tables usines de vini­­fi­­ca­­tion, dont l’Australie consti­­tue
l’illus­­tra­­tion la plus mani­­feste ; avec, par exemple, l’impres­­sion­­nant déve­­lop­­pe­­ment
de Jacobs Creek, à l’ini­­tiative de Pernod Ricard.
Car c’est à un véri­­table chan­­ge­­ment du modèle pro­­duc­­tif auquel on assiste, mar­­qué
par des contrastes très mar­­qués, entre le « Vieux Monde  », et ses « Appel­­la­­tions
d’ori­­gine contrô­­lées  » (les fameuses A­OC), se rat­­ta­­chant à des domaines pré­­ci­­sé­­
ment déli­­mi­­tés, les «  ter­­roirs  », où s’appliquent des règles pro­­fes­­sion­­nelles, aussi
bien aux modes de culture de la vigne qu’aux pro­­ces­­sus de vini­­fi­­ca­­tion, et les « Vins
du Nou­­veau Monde » qui se déve­­loppent dans un cadre beau­­coup plus souple. À
la dif­­fé­­rence du « Vieux Monde », les pro­­duc­­teurs y sont affran­­chis des contraintes
de pro­­duc­­tion des «  ter­­roirs »  ; sans exclure pour autant, du moins pour cer­­tains
d’entre eux, le respect des règles de l’art, comme en Afrique du Sud ou en Argen­­
tine, où la tra­­di­­tion de pro­­duc­­tion est ancienne, mais aussi, en Australie ou aux
États-­Unis où elle est beau­­coup plus récente.
Cette évo­­lu­­tion, n’a, cepen­­dant, pas pris de court tous les pro­­duc­­teurs euro­­péens :
les grandes mai­­sons de cham­­pagne, comme Moët et Chandon ou Roëderer, n’ont
pas hésité, en paral­­lèle à leur pro­­duc­­tion très réglementée et, sur­­tout, bor­­née au
ter­­ri­­toire étroit d’un ter­­roir très déli­­mité autour de Reims, en Cham­­pagne, à appli­­
quer la «  méthode cham­­pe­­noise  » à une pro­­duc­­tion effec­­tuée dans les règles de
l’art, en Californie ou en Argen­­tine. À l’inverse, les pro­­duc­­teurs de « vins de table »,
du sud de la France, mais, aussi, d’Italie, d’Espagne, comme de Roumanie ou de
Hongrie – fameuse aussi pour son tokay –, lors­­qu’ils n’ont pas accepté les primes
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d’arra­­chage offertes pour limi­­ter la sur­­pro­­duc­­tion de vins jugés médiocres, ont


commencé à s’ali­­gner sur les nou­­velles normes de qua­­lité, de pro­­duc­­ti­­vité ; en
essayant, aussi, de déve­­lop­­per une approche plus indus­­trielle et plus « mar­­ke­­ting ».
Celle-­ci, pro­­gres­­si­­ve­­ment, a fait son che­­min parmi les plus dyna­­miques d’entre eux ;
à l’image des grands acteurs du « Nou­­veau Monde », par­­fois filiales des mul­­ti­­natio­
­nales du sec­­teur, qui pri­­vi­­lé­­gient la construc­­tion de marques ombrelles regrou­­pant
de larges gammes de pro­­duits1, qui fondent leur noto­­riété : Gallo, Robert Mondavi
(Constel­­la­­tion Brands), aux États-­Unis  ; Concha y Toro, au Chili  ; Jacob’s Creek
(Pernod Ricard) ; Hardy’s (Constel­­la­­tion Brands) en Australie…
La situa­­tion se carac­­té­­rise donc, à l’heure actuelle, par une redis­­tri­­bu­­tion des zones
de consom­­ma­­tion, une nou­­velle seg­­men­­ta­­tion de la clien­­tèle au niveau mon­­dial et

1.  Voir C. Pivot, « Les stra­­té­­gies de déve­­lop­­pe­­ment des firmes à l’inter­­na­­tional : le cas de l’indus­­trie du vin »,
in, U. Mayhofer ed., Le Mana­­ge­­ment des firmes mul­­ti­­natio­­nales, Vuibert, 2011.

151
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


la mon­­tée en puis­­sance de nou­­veaux pro­­duc­­teurs, et, sur­­tout de nou­­veaux acteurs
qui mettent l’accent sur la commer­­cia­­li­­sa­­tion pour pou­­voir dia­­lo­­guer plus effi­­ca­­ce­
­ment avec la grande dis­­tri­­bu­­tion, tout en inté­­grant sou­­vent la pro­­duc­­tion1. Dans ce
sec­­teur, en effet, l’élas­­ti­­cité de la demande et les fluc­­tua­­tions sai­­son­­nières de la
consom­­ma­­tion peuvent pro­­vo­­quer des replis bru­­taux remet­­tant en cause les inves­­
tis­­se­­ments réa­­li­­sés dans un espace mon­­dial où la sur­­pro­­duc­­tion est struc­­tu­­relle2.
Les pro­­duc­­teurs de vin argen­­tins, dont le centre névral­­gique se trouve dans la région
de Mendoza, à proxi­­mité de la cor­­dillère des An­des, eux aussi, se trouvent confron­
­tés à ces évo­­lu­­tions rapides  : le pays, au cin­­quième rang dans le monde pour sa
pro­­duc­­tion, consomme encore plus de 80 % de ce qu’il pro­­duit. Les rai­­sins blancs,
de qua­­lité infé­­rieure, consti­­tuent encore la majeure par­­tie des varié­­tés culti­­vées,
mais les varié­­tés rouges, comme le cépage le plus réputé, le Malbec, avec le Caber­­net
Sauvignon, le Merlot et le Syrah, sont les plus appré­­ciés, à l’inté­­rieur, comme à
l’exté­­rieur du pays.
De manière géné­­rale, deux chan­­ge­­ments clés sont inter­­ve­­nus :
––comme dans les autres pays de tra­­di­­tion vini/viti­­cole, s’est mani­­festée l’évo­­lu­­tion
vers le « moins mais meilleur » ; le vin de table s’y trou­­vant aussi rem­­placé par la
bière, les sodas ou l’eau miné­­rale  ; mais avec, tou­­te­­fois, un dou­­ble­­ment de la
consom­­ma­­tion domes­­tique des vins de qua­­lité ;
––le sec­­teur argen­­tin a béné­­fi­­cié de la prime de change consé­­cu­­tive à la dépré­­cia­­tion
pro­­vo­­quée par la crise de 2001, aug­­men­­tant de manière spec­­ta­­cu­­laire la compé­­
titi­­vité prix des vins argen­­tins et fai­­sant pro­­gres­­ser la pro­­duc­­tion jus­­qu’à 30 % par
an, à la fois, du fait de l’appré­­cia­­tion du dol­­lar et, sur­­tout, de l’euro par rap­­port au
peso argen­­tin, et par la dimi­­nu­­tion du prix de la terre, per­­met­­tant d’atti­­rer de nom­
­breux inves­­tis­­seurs étran­­gers.
Théo­­ri­­que­­ment, donc, cette période favo­­rable, sur­­tout, jus­­qu’à la crise de 2008,
aurait dû per­­mettre aux vins argen­­tins de gagner des parts de mar­­ché impor­­tantes
et, sur­­tout, durables, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment sur les mar­­chés de niche des vins de qua­­lité.
Cela n’a mal­­heu­­reu­­se­­ment pas été le cas, dans la mesure où ont été sur­­tout expor­­tés
les vins de table de qua­­lité médiocre, géné­­ra­­teurs de pro­­fits rapides, ne contri­­buant
pas à amé­­lio­­rer sur les mar­­chés impor­­ta­­teurs l’image des vins argen­­tins. D’où la
néces­­sité de déve­­lop­­per des actions spé­­ci­­fiques dans ce sens.
Un pre­­mier élé­­ment de réponse, coor­­don­­née, à ce « besoin d’image » est venu de
l’ini­­tiative pri­­vée, sou­­te­­nue rapi­­de­­ment par les pou­­voirs publics, sous la forme
d’une asso­­cia­­tion d’expor­­ta­­teurs « Wines of Argenina3 », créée à l’ini­­tiative de la
dou­­zaine de membres du groupe « Argenina top wines », consti­­tué en 1993, au
sein de l’Asso­­cia­­tion Vini­­cole d’Argen­­tine, qui ras­­semble désor­­mais 70 pro­­duc­­
teurs envi­­ron et repré­­sente 95 % des expor­­ta­­tions du pays. En asso­­ciant les orga­­
nismes publics natio­­naux et ceux de la région de Mendoza – prin­­ci­­pale région
pro­­duc­­trice de vins de qua­­lité – et le sec­­teur privé, par la signa­­ture en 1995, de

1.  Ibi­­dem.
2.  Comme, récem­­ment, en Australie, et dès avant la crise mon­­diale, avec la faillite et la reconver­­sion de
nombreux petits pro­­duc­­teurs de raisins et de petits viti­­culteurs (cf. J. Baudoin, « Gouvernance du vignoble aus­­tra­­
lien, ’les temps de la crise’ », 2008, www.a­des.cnrs.fr/IMG/pdf/JBaudouin.pdf).
3.  www.winesofargentina.org

152
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3


l’« Accord pour la pro­­mo­­tion des vins fins argen­­tins à l’étran­­ger  »1 la voie était
ouverte à la créa­­tion de la marque « Origin Argentina » et au déve­­lop­­pe­­ment plus
sys­­té­­ma­­tique de cam­­pagnes de pro­­mo­­tion, notam­­ment dans le cadre des mani­­fes­
­ta­­tions et expo­­si­­tions pro­­fes­­sion­­nelles inter­­na­­tionales. Ces cam­­pagnes ont été ini­­
tiées au Royaume-­Uni, pre­­mier pays impor­­ta­­teur du monde, où fut ins­­tallé le
pre­­mier bureau de repré­­sen­­ta­­tion d’un réseau qui en compte désor­­mais 28 dans
50 villes dans le monde2.
Depuis, aussi, se sont mul­­ti­­pliées les mani­­fes­­ta­­tions – dégus­­ta­­tions, cam­­pagnes de
presse, cam­­pagnes publi­­ci­­taires –, des­­ti­­nées à pro­­mou­­voir la qua­­lité des vins argen­
­tins dans une perspec­­tive de long terme, sans doute moins payante à court terme
que la vente mas­­sive à prix cas­­sés de vins de qua­­lité médiocre. Les ventes ont pro­
­gressé à par­­tir de 2005-2006, pour atteindre un pic en 2008. Ensuite, avec la crise,
les ventes ont mar­­qué le pas ; sans pré­­ju­­dice, cepen­­dant de la mon­­tée en puis­­sance
de nou­­veaux pays cibles, comme la Chine, dont les impor­­ta­­tions de vin argen­­tin
conti­­nuent de pro­­gres­­ser en volume comme en valeur, tout comme le Royaume-­
Uni3, mais dans une moindre mesure. Les efforts col­­lec­­tifs semblent, cepen­­dant y
avoir été utiles, sur­­tout en compa­­rai­­son des États-­Unis, qui reste le pre­­mier débou­­
ché, mais où un cer­­tain flé­­chis­­se­­ment se fait sen­­tir.
En consé­­quence, pour le vin argen­­tin, dans un contexte incer­­tain pour l’ensemble des
acteurs mon­­diaux, la ques­­tion se pose de savoir si cette action col­­lec­­tive se révé­­lera
suf­­fi­­sante pour assu­­rer l’ave­­nir d’un sec­­teur si impor­­tant pour l’éco­­no­­mie du pays.
Sur un plan géné­­ral, quels ont été les chan­­ge­­ments majeurs inter­­ve­­nus sur l’offre
comme sur la demande de vin au niveau mon­­dial au cours des 30 der­­nières
années ? Comment se seg­­men­­te­­rait le mar­­ché mon­­dial du vin, tant pour la pro­­duc­
­tion que pour la consom­­ma­­tion  ? Comment pour­­rait évo­­luer dans les pro­­chaines
années cette seg­­men­­ta­­tion  ? Comment, à l’inté­­rieur de ce sec­­teur, pour­­raient se
redé­­ployer les échanges entre dif­­fé­­rents pays pro­­duc­­teurs et consom­­ma­­teurs ? Les
pro­­duc­­teurs du « Vieux Monde » peuvent-ils espé­­rer conser­­ver leur lea­­der­­ship dans
la caté­­go­­rie des vins « haut de gamme » et dans quelle mesure les pro­­duc­­teurs du
«  Nou­­veau Monde  » les mena­­ce­­raient-il  ? Comment les vins argen­­tins se posi­­
tionnent-ils actuel­­le­­ment et comment, sur­­tout, pourraient-ils faire évo­­luer ce posi­­
tion­­ne­­ment  ? En quoi la coopé­­ra­­tion entre acteurs privés et publics, au sein de
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

« Wines of Argentina », se révèle-­t-elle posi­­tive ? D’autres par­­ties pre­­nantes ont-­elles


leur mot à dire, en Argen­­tine, ou ailleurs dans le monde ?

1.  Les signa­­taires sont les gou­­ver­­ne­­ments, natio­­nal et pro­­vin­­cial (Chan­­cel­­le­­rie de la Nation, les Fon­­da­­tions
Exportar et Pro Mendoza, et Promex, du Minis­­tère de l’Agri­­culture).
2.  En 2002, Wines of Argentina (WoA) a orga­­nisé son pre­­mier séminaire-­atelier afin de défi­­nir le nou­­veau pro­­fil
de l’orga­­ni­­sa­­tion et d’éva­­luer les res­­sources néces­­saires pour lui per­­mettre d’atteindre ses objec­­tifs. Un an plus tard,
à la suite d’études de mar­­ché réa­­li­­sées pour éta­­blir les attri­­buts et le sta­­tut de la marque argen­­tine et des vins argen­
­tins à l’étran­­ger, WoA conçoit la nou­­velle image de l’orga­­ni­­sa­­tion et lance, en 2004, sa pre­­mière cam­­pagne publi­­
ci­­taire aux États-­Unis, en Angleterre et au Bré­­sil, avant d’atteindre pro­­gres­­si­­ve­­ment son déploie­­ment de relais dans
le monde. Ainsi, dans l’ave­­nir, l’objec­­tif de WoA est de déve­­lop­­per son image et sa marque sur les mar­­chés viti­­coles
grâce à la commu­­ni­­ca­­tion, à des for­­ma­­tions aux plus récentes tech­­no­­logies et à une recherche constante d’excel­­
lence en matière de qua­­lité des vins argen­­tins. (ibi­­dem, site Wines of Argentina).
3.  qui repré­­sente encore quatre fois plus que la Chine en termes d’impor­­ta­­tions de vins argen­­tins et six fois moins
que les États-­Unis.

153
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Le cas des pro­­duc­­teurs de vin argen­­tins, en fait, à mi-che­­min entre les deux
« mondes » du vin, fait donc res­­sor­­tir, dans le contexte d’ouver­­ture inter­­na­­tionale
rapide du sec­­teur, les avan­­tages, liés à l’anté­­riorité comme aux tra­­di­­tions et aux
cultures locales, des acteurs du « Vieux Monde », d’une part. Ils soulignent, d’autre
part, les avan­­tages, que donne la vision plus entrepreneuriale, nova­­trice et proactive
du sec­­teur, des acteurs du «  Nou­­veau Monde  », allant au-devant d’une nou­­velle
clien­­tèle qu’ils ont for­­te­­ment contri­­bué à déve­­lop­­per.
Auprès des ama­­teurs de vin appar­­te­­nant aux seg­­ments de consom­­ma­­teurs les
plus mar­­qués par la tra­­di­­tion, en par­­ti­­cu­­lier dans les pays euro­­péens, les avan­­tages
dont béné­­fi­­cient les pro­­duc­­teurs sont tels que les nou­­veaux compé­­ti­­teurs étran­­gers
qui vou­­draient faire leur place dans cet espace de réfé­­rence se trouvent de facto en
posi­­tion dif­­fi­­cile. Les pre­­miers sont, en effet, dépo­­si­­taires des savoir-­faire les plus
éprou­­vés et détenteurs des crus les plus répu­­tés Les seconds n’en sont pas moins en
mesure d’abattre des atouts ori­­gi­­naux auprès des consom­­ma­­teurs de nou­­veaux seg­­
ments, même dans les pays de tra­­di­­tion, en par­­ti­­cu­­lier auprès de ceux écar­­tés long­­
temps de pro­­duits hors de por­­tée, du fait de leur prix, et, sur­­tout, de leurs habi­­tudes
de consom­­ma­­tion. A for­­tiori, les vins du « Nou­­veau monde » ont-­ils encore plus leur
chance dans les pays « neufs » qui « s’éveillent » à ce type de pro­­duit.
Dans une perspec­­tive d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, force est de consta­­ter qu’une acti­­
vité déter­­mi­­née – en l’occur­­rence, le vin – se carac­­té­­rise par des contextes sec­­to­­
riels locaux fort dif­­fé­­rents, d’un pays à l’autre. Leurs carac­­té­­ris­­tiques doivent donc
être ana­­ly­­sées de façon spé­­ci­­fique, tant pour la pro­­duc­­tion que pour la consom­­ma­
­tion, dans chaque zone concer­­née, en croi­­sant les don­­nées propres au sec­­teur avec
les don­­nées propres à l’espace géo­­gra­­phique consi­­déré, sans perdre de vue le point
de vue par­­ti­­cu­­lier des orga­­ni­­sa­­tions – acteurs ou des groupes d’acteurs – qui y
opèrent.
Ces deux dimen­­sions, géo­­gra­­phique et sec­­to­­rielle, défi­­nissent l’espace de réfé­­
rence, en partant de la «  pos­­ture  » adoptée par les orga­­ni­­sa­­tions qui cherchent à
défi­­nir leur stra­­té­­gie. On peut ainsi, pour ce qui concerne le « cas argen­­tin » consi­­
déré, défi­­nir cet espace de dif­­fé­­rentes manières :
• Il peut être envi­­sagé, tout d’abord, à par­­tir de l’Argen­­tine, en consi­­dé­­rant le mar­­
ché mon­­dial du point de vue des expor­­ta­­teurs de « Wines of Argentina », comme
un ensemble de mar­­chés poten­­tiels où se déve­­loppe une concur­­rence de plus en
plus large, dont il faut déter­­mi­­ner quelles sont les muta­­tions d’ensemble. Ce qui
conduira à mieux iden­­ti­­fier, pour l’ensemble des membres de l’asso­­cia­­tion, où se
situent les meilleures oppor­­tu­­ni­­tés pour leurs pro­­duits, dans le cadre d’une
approche « tous azi­­muts »1 ;
• Mais, une fois déter­­mi­­nés le ou les espaces cibles à pri­­vi­­lé­­gier, comme, par
exemple, le Royaume-­Uni, pre­­mier mar­­ché impor­­ta­­teur mon­­dial, il convien­­

1.  Cf. figure 1.10 « L’approche “tous azi­­muts” (outbound) » et figure 1.11 « L’approche “foca­­li­­sée” (inbound) ».

154
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

dra, pour ces acteurs argen­­tins, de pré­­ci­­ser, de manière plus spé­­ci­­fique, les
carac­­té­­ris­­tiques et les évo­­lu­­tions de cet espace cible, pour déci­­der des orien­­ta­
­tions à adop­­ter pour satis­­faire les goûts des dif­­fé­­rents seg­­ments por­­teurs de la
clien­­tèle et les atteindre, à tra­­vers le sys­­tème de dis­­tri­­bu­­tion, en s’appuyant sur
la pro­­mo­­tion la plus appro­­priée, dans le cadre, cette fois, d’une approche
« foca­­li­­sée ».
Mais le sec­­teur mon­­dial du vin comme le sec­­teur du vin argen­­tin, peut lui –
même être pris en consi­­dé­­ra­­tion par des pro­­duc­­teurs, inves­­tis­­seurs directs poten­
­tiels, ori­­gi­­naires du « Vieux Monde », notam­­ment, sou­­cieux de se diver­­si­­fier et/
ou d’échap­­per au carcan trop contrai­­gnant des « ter­­roirs ». Ils auraient alors, de
leur point de vue d’inves­­tis­­seurs, à consi­­dé­­rer, dans le cadre d’une approche
« tous azi­­muts », l’espace de réfé­­rence « monde » pour déter­­mi­­ner les loca­­li­­sa­­
tions d’inves­­tis­­se­­ment direct à pri­­vi­­lé­­gier dans le sec­­teur, avant d’ana­­ly­­ser plus
par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, s’ils le retiennent, le sec­­teur argen­­tin (s’ils ne l’ont pas,
d’emblée, iden­­ti­­fié comme une cible pri­­vi­­lé­­giée) et méri­­tant, à ce titre, une
approche « foca­­li­­sée ».
Pour éva­­luer les oppor­­tu­­ni­­tés, comme les menaces sec­­to­­rielles, pour se
compa­­rer à la concur­­rence et pour éla­­bo­­rer des stra­­té­­gies gagnantes dans son
sec­­teur, l’espace de réfé­­rence/d’expan­­sion per­­tinent (cf. figure 3.1), serait a
priori à défi­­nir :
––du point de vue de l’expor­­ta­­teur comme de l’inves­­tis­­seur, l’« approche » rete­­nue :
« foca­­lisée » ou « tous azi­­muts » (compo­­sante géo­­gra­­phique) ;
––du point de vue de l’expor­­ta­­teur, les carac­­té­­ris­­tiques des mar­­chés visés, par­­ta­­gées
par divers mar­­chés ou par­­ti­­cu­­lières à cer­­tains, autre­­ment dits, conver­­gentes ou
diver­­gentes (compo­­sante mar­­chés) ;
––du point de vue de l’inves­­tis­­seur, la domi­­nante du pro­­duit que l’on compte
déve­­lop­­per mon­­dial/stan­­dar­­disé ou local/spé­­ci­­fique (compo­­sante pro­­duits/
métiers).
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Le choix de l’approche, «  tous azi­­muts  » ou «  foca­­li­­sée  », ne s’applique pas,


cepen­­dant, de la même façon, à toutes les orga­­ni­­sa­­tions opé­­rant dans le même sec­­
teur et en toute occa­­sion. Force est de prendre en compte leurs carac­­té­­ris­­tiques spé­
­ci­­fiques res­­pec­­tives, tout comme celles des espaces à par­­tir des­­quels elles opèrent et
celles des espaces vers les­­quels elles peuvent se déve­­lop­­per ou sou­­hai­­ter le faire,
au-­delà des par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés du sec­­teur lui-­même.

155
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

particulières adaptée
/ divergentes / spécifique

« focalisée »
/ locale

partagées
/ convergentes standardisée
« tous azimuts » / universelle
/ globale

composante
composante
« marchés » : « produits/métiers » :
(attentes clients/ composante (savoir-faire,
segments, autres parties géographique: produits/services)
prenantes) (ancrage économique)

point de vue point de vue


de l’exportateur point de vue de l’investisseur
de l’exportateur comme de l’investisseur

J.P. Lemaire

Figure 3.1 – Les trois dimen­­sions de « l’espace de réfé­­rence »1

Les orga­­ni­­sa­­tions, étran­­gères ou peu fami­­lières de nou­­veaux espaces éco­­no­­


miques et/ou cultu­­rels, mais fortes d’une expé­­rience ou d’une offre trans­­po­­sable à
une grande variété de contextes, pour­­ront, au prix d’une approche adap­­tée aux
spé­­ci­­fici­­tés locales, y jouer de manière avan­­ta­­geuse leurs atouts – tech­­niques,
indus­­triels et/ou commer­­ciaux – ; sur­­tout si elles apportent des inno­­va­­tions signi­
­fi­­ca­­tives. Mais ce sera plus dif­­fi­­cile si elles visent des sec­­teurs où existe une pré­­
sence ou une tra­­di­­tion sec­­to­­rielle locale bien éta­­blie. En tout état de cause, comme
on le verra, les sec­­teurs à domi­­nante locale marqués par de ports particularismes
encou­­ragent des approches foca­­li­­sées.
À la dif­­fé­­rence des acti­­vi­­tés à domi­­nante locale, il est des acti­­vi­­tés qui se carac­­té­­
risent par des spécificités locales moins marquées, assez homo­­gènes, de pays à pays,
et au sein des­­quelles une orga­­ni­­sa­­tion qui béné­­fi­­cie d’un avan­­tage compé­­titif dans
son pays d’ori­­gine peut aisé­­ment le trans­­po­­ser dans d’autres contextes géographiques.
Ces carac­­té­­ris­­tiques rendent pos­­sibles des approches « tous azi­­muts », à tra­­vers les­
­quelles les entre­­prises, et par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment les plus grandes, vont cher­­cher à impo­­ser

1.  Source : adapté de J.-P. Lemaire, Dyna­­mique ban­­caire et inté­­gra­­tion finan­­cière, 1995.

156
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

leurs stan­­dards et à maxi­­mi­­ser leurs éco­­no­­mies d’échelle1 et leurs éco­­no­­mies de


gamme2, en opé­­rant mon­­dia­­le­­ment3.
Dans le cadre de ces acti­­vi­­tés dites « à domi­­nante glo­­bale », par opposition aux
activités « à dominante locale4 » les acteurs tendent à deve­­nir mon­­diaux ; l’espace
de réfé­­rence per­­tinent couvre alors, sinon, l’ensemble des conti­­nents, du moins, tel
ou tel ensemble éco­­no­­mique régio­­nal, conti­­nen­­tal, inter­­conti­­nen­­tal, carac­­té­­risé par
une rela­­tive homo­­gé­­néité des règles du jeu concur­­ren­­tiel. Il en va ainsi de l’élec­­tro­
­nique, de la chi­­mie, des machines-outils, ou des équi­­pe­­ments de trans­­port, sec­­teurs
de pré­­di­­lec­­tion pour la mise en œuvre des théo­­ries de la multi­natio­­na­­li­­sation5.
Parmi ces acti­­vi­­tés à domi­­nante glo­­bale, l’ère des nou­­velles tech­­no­­logies et la dif­
f­ u­­sion, très rapide, au cours de la der­­nière décade, du « digi­­tal » ont favo­­risé l’émer­
­gence de nou­­veaux sec­­teurs, liés le plus sou­­vent à l’explo­­sion de l’Inter­­net, dont les
plus per­­for­­mants ont été ame­­nés très rapi­­de­­ment à se posi­­tion­­ner au niveau glo­­bal.
Lea­­ders de la créa­­tion et du déve­­lop­­pe­­ment de logi­­ciels, de l’infor­­ma­­tique grand
public et pro­­fes­­sion­­nelle, four­­nis­­seurs d’accès, concep­­teurs de jeux vidéo, ils s’ins­
­crivent dans le sillage des pro­­duc­­teurs de films ou des majors du sec­­teur phar­­ma­­
ceu­­tique, qui cherchent, de longue date, à impo­­ser des pro­­duits mon­­diaux, leurs
blockbusters6 ; tout comme ces nou­­veaux venus, cherchent à impo­­ser les leurs ou
leurs réseaux, avec des ambi­­tions compa­­rables. Mais cette nou­­velle ten­­dance, carac­
­té­­ri­­sée par des acteurs qui ont connu une crois­­sance sans pré­­cé­­dent7, ne doit pas
cacher l’émer­­gence, dans ces nou­­veaux sec­­teurs, d’entre­­prises nou­­vel­­le­­ment créées,
start ups, qui n’ont pas encore atteint de telles tailles, mais qui par­­tagent avec ces
lea­­ders de fraîche date, une même ambi­­tion – d’emblée, glo­­bale –, les pla­­çant,
comme eux, dans une nou­­velle caté­­go­­rie d’entre­­prise inter­­na­­tionale échap­­pant
quelque peu aux sché­­mas de déve­­lop­­pe­­ment habi­­tuels : les born globals8.

1.  Les éco­­no­­mies d’échelle (economies of scale) cor­­res­­pondent à une baisse des coûts uni­­taires de pro­­duc­­tion
qui peuvent être atten­­dus d’une aug­­men­­ta­­tion des volumes de pro­­duc­­tion, obser­­vés dans de nom­­breuses indus­­tries.
Par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment impor­­tantes dans les indus­­tries où les coûts fixes sont très éle­­vés, les dimi­­nu­­tions des coûts uni­­
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taires ne sont pas pour autant indé­­fi­­nies : pas­­sés cer­­tains seuils de volume, les coûts peuvent, en effet, remon­­ter,
lorsque, par exemple, les outils de pro­­duc­­tion ont atteint le maxi­­mum de leur capa­­cité.
2.  Les éco­­no­­mies de gamme ou d’enver­­gure (economies of scope), mises en évi­­dence par Panzar et Willig en
1975, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment impor­­tantes dans la dis­­tri­­bu­­tion, per­­mettent d’obte­­nir un meilleur ren­­de­­ment d’une struc­­ture
d’une agence ou d’un por­­tail inter­­net de commer­­cia­­li­­sa­­tion, dans la mesure où l’offre de pro­­duits ou de ser­­vices qui
y sera acces­­sible sera plus large et mul­­ti­­pliera les occur­­rences de tran­­sac­­tions par ce canal et, par­­tant, sa ren­­ta­­bi­­li­­
sa­­tion.
3.  Cf. cha­­pitre 4 cas intro­­duc­­tif « Huawei, la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der tech­­no­­lo­­gique mon­­dial ».
4.  Cf. repère 3.1 « Lecture de grille “global/local” ».
5.  Ces théo­­ries sont pré­­sen­­tées, infra, au chapitre 4.
6.  Sont, notam­­ment consi­­dérés comme tels, dans le sec­­teur de la phar­­ma­­cie, par exemple, les médi­­ca­­ments dont
les ventes mon­­diales génèrent un chiffre d’affaires d’un demi milliard de dol­­lars au moins. Se dit, de la même façon,
des films, des expo­­si­­tions ou des livres (les fameux best sellers) à grand suc­­cès (cf. F. Mar­­tel, Mainstream. Enquête
sur la guerre glo­­bale de la culture et des médias, Flammarion, 2011).
7.  Cf. exemple 4.15. GHCL, la struc­­ture « écla­­tée » et exemple 4.3 « Archos ou la per­­sé­­vé­­rance récom­­pen­­sée
d’une born glo­­bal à la fran­­çaise ».
8.  Cf. figure 4.9 « La crois­­sance « écla­­tée » (l’exemple de GHCL) (1).

157
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Bien sûr, un grand nombre d’acti­­vi­­tés peuvent se trou­­ver dans des posi­­tions inter­
­mé­­diaires de type « glo­­bal/local », et, sur­­tout, en situa­­tion de migrer – pro­­gres­­si­­ve­
­ment ou, par­­fois même, très rapi­­de­­ment – d’une posi­­tion, géné­­ra­­le­­ment à domi­­nante
locale, vers une posi­­tion où pré­­do­­minent les forces de globalisation. Cela signi­­fie :
––qu’au-­delà de la néces­­sité de carac­­té­­ri­­ser « le degré de globalisation » de chaque
acti­­vité (sec­­teur ou indus­­trie), à un moment donné ; autre­­ment dit, de déter­­mi­­ner
les fac­­teurs per­­met­­tant de posi­­tion­­ner cette acti­­vité sur une grille « glo­­bal/local »,
adap­­tée de Bartlett et Goshal1 (cf. figure 3.2) ;
––il est essen­­tiel de bien per­­ce­­voir, en recou­­rant au modèle PREST (niveau 1), la
dyna­­mique inter­­na­­tionale de la dite acti­­vité, c’est-­à-dire ses fac­­teurs d’évo­­lu­­tion
internes ou externes (en se réfé­­rant, notam­­ment, à la diver­­sité des par­­ties pre­­nantes
et aux rela­­tions qui s’éta­­blissent entre elles ) et qui sont sus­­cep­­tibles, à court ou à
plus long terme, de modi­­fier ce posi­­tion­­ne­­ment ;
––et d’en mesu­­rer les impli­­ca­­tions spé­­ci­­fiques pour l’ensemble des acteurs qui y
opèrent, en iden­­ti­­fiant les enjeux (modèle PREST, niveau 2) aux­­quels ils se trouvent
et se trou­­veront tous confron­­tés, au niveau per­­tinent d’ana­­lyse – «  foca­­lisé  » ou
« tous azi­­muts » – que ce posi­­tion­­ne­­ment sug­­gé­­rera aux uns ou aux autres.
Cor­­ré­­la­­ti­­ve­­ment, c’est l’ensemble de la démarche stra­­té­­gique qui devra tenir
compte des par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés de chaque acti­­vité (sec­­teur ou indus­­trie), en tenant compte
de son degré de « globalisation », ainsi que de la manière dont ses acteurs réagissent,
aux muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment et aux défis aux­­quels ils sont confron­­tés.
C’est, dans la pre­­mière par­­tie de cet ouvrage, la recherche d’une meilleure compré­
­hen­­sion du posi­­tion­­ne­­ment des acti­­vi­­tés et de leur évo­­lu­­tion qui sera pri­­vi­­lé­­giée, sans
pré­­ju­­dice, ulté­­rieu­­re­­ment, d’une approche plus sys­­té­­ma­­tique de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle,
préa­­lable à la for­­mu­­la­­tion et à la mise en œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
telle qu’elle sera déve­­lop­­pée dans le cadre de la deuxième par­­tie (cha­­pitre 6).

Section
1 Por­­tée de la dis­­tinction « glo­­bal/local »
dans la défi­­ni­­tion des acti­­vi­­tés
L’approche sec­­to­­rielle et l’uti­­li­­sation de la grille « glo­­bal/local » per­­mettent, pour tout
sec­­teur, de mieux dis­­cer­­ner le poten­­tiel d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qu’il offre aux orga­­ni­­sa­
­tions qui y opèrent. Por­­ter, repris et pré­­cisé par Doz et Prahalad2, sug­­gère que l’on peut
repré­­sen­­ter le poten­­tiel d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de toute acti­­vité (sec­­teur ou indus­­trie), en
la posi­­tion­­nant sur une grille dite « glo­­bale/locale », de manière à visua­­li­­ser :

1.  Bartlett C. et Ghoshal S., Managing across borders : The Transnational Solution, Harvard Business Review Press, 2002.
2.  Prahalad, C.K. et Doz, Y. L. 1987. The Mul­­ti­­natio­­nal Mis­­sion, Balancing Glo­­bal Integration with local
Responsiveness. New York : Free Press ; London : Col­­lier Macmillan.

158
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

––en ordon­­née, l’inten­­sité, au sein d’une acti­­vité don­­née, des forces ou des fac­­teurs
dits de globalisation, qui poussent à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’acti­­vité ;
––en abs­­cisse, l’inten­­sité des forces ou des fac­­teurs dits de loca­­li­­sa­­tion ou d’adap­­ta­
­tion locale qui, pour leur Quel
part,est
engagent à son «géocen­­
le degré d’ouverture trage ».du secteur?
international

Activités
à dominante
globale Activités
à dominante
mixte

+ - Internationalisation de la clientèle
- Importance des coûts de développement / de R&D
- Potentiel d’économies d’échelle, d’économies de gamme
- Potentiel d’optimisation de la logistique et de la chaîne d’approvisionnement
- Capacité de transférer la technologie (techniques, formation, procédures..)
- Importance des NTIC dans le modèle économique

FORCES /FACTEURS
DE GLOBALISATION, Besoin de nouveaux profil s
DE DIFFUSION ET professionnels et culturels
Redéploiement géographique des unités
D’INTEGRATION de commercialisation, de production de R&D
Développement de nouvelles pratiques
de management Activités
à dominante
locale

- Spécificités quantitatives (niveau de vie..)


– /qualitatives (attentes, culture..) de la demande
- Restrictions (économiques, règlementaires..)
d’accès au marché
- Retard de maturité du marché, des infrastructures..

FORCES /FACTEURS DE LOCALISATION


– DE GEO-CENTRAGE +
Jean Paul Lemaire

Figure 3.2 – Grille « glo­­bal/local »1


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c Repère 3.1
Lec­­ture de la grille « glo­­bal/local » (quel est le degré d’ouver­­ture inter­­na­­
tionale du sec­­teur ?)
1. Lorsque, au sein d’une acti­­vité, les forces/fac­­teurs de globalisation jouent très for­­te­­
ment et que les forces d’adap­­ta­­tion locale ne s’exercent que fai­­ble­­ment, nous consi­­dé­­
re­­rons qu’il s’agit là d’une acti­­vité à domi­­nante glo­­bale (cf.  figure 3.2). Dans ce type
d’acti­­vité, la compé­­tition est mon­­diale ; elle est le fait de grands acteurs qui déve­­loppent

1.  Source : adapté de Prahalad et Doz, The Mul­­ti­­natio­­nal Mis­­sion, op. cit.

159
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


des stra­­té­­gies de volume et de compé­­titi­­vité par les coûts, au tra­­vers d’un effort de stan­
­dar­­di­­sa­­tion de leur offre et d’une cou­­ver­­ture géo­­gra­­phique maximale du mar­­ché.
La recherche de compé­­titi­­vité par les coûts conduit les entre­­prises à concen­­trer et à spé­
­cia­­li­­ser leurs capa­­ci­­tés de pro­­duc­­tion – en vue de déga­­ger des éco­­no­­mies d’échelle –,
tout en cher­­chant à loca­­li­­ser ces capa­­ci­­tés de manière opti­­male. La ges­­tion d’acti­­vi­­tés,
géo­­gra­­phi­­que­­ment dis­­per­­sées, doit être étroi­­te­­ment coor­­don­­née et inté­­grée en vue
d’atteindre une effi­­cience éco­­no­­mique maximale dans le mana­­ge­­ment de cha­­cune des
fonc­­tions de l’entre­­prise.
Ainsi, les fonc­­tions de mar­­ke­­ting – pro­­duit, de recherche – déve­­lop­­pe­­ment ou d’achat
seront gérées de manière cen­­tra­­li­­sée et sou­­vent concen­­trées en un même lieu. Seules
les fonc­­tions « logis­­tique aval » et mar­­ke­­ting aval seront écla­­tées, géo­­gra­­phi­­que­­ment,
tout en étant étroi­­te­­ment contrô­­lées par le siège.
2. À l’opposé, lorsque les forces de globalisation jouent de manière limi­­tée, mais que
la pres­­sion s’exerce for­­te­­ment dans le sens d’une adap­­ta­­tion locale indis­­pen­­sable, nous
consi­­dé­­re­­rons que nous sommes en pré­­sence d’une acti­­vité à domi­­nante locale.
Dans ce type d’acti­­vité, la compé­­tition est le fait d’acteurs locaux béné­­fi­­ciant, à la fois,
d’une bonne proxi­­mité et d’une grande fami­­lia­­rité avec le mar­­ché. S’il s’agit de
démem­­brements d’entre­­prises étran­­gères, ils fonc­­tionnent selon un mode décen­­tra­­lisé,
de manière à pou­­voir jouer la carte de l’adap­­ta­­tion locale. Le mar­­ke­­ting et le déve­­lop­
­pe­­ment des pro­­duits s’opèrent loca­­le­­ment, tout comme, sou­­vent, l’assem­­blage final et
la dis­­tri­­bu­­tion des pro­­duits.
3. Entre ces deux confi­­gu­­ra­­tions extrêmes, se trouvent des acti­­vi­­tés à sta­­tut mixte, de
type « glo­­bal/local », qui appellent des réponses fines, en matière de degré de décen­­
tra­­li­­sa­­tion et de choix de loca­­li­­sa­­tion des fonc­­tions.
Si l’orga­­ni­­sa­­tion à domi­­nante glo­­bale, comme l’orga­­ni­­sa­­tion à domi­­nante locale,
peuvent se carac­­té­­ri­­ser par un cer­­tain nombre de cri­­tères, ceux-ci ren­­voient aussi, le
plus sou­­vent, à des carac­­té­­ris­­tiques sec­­to­­rielles bien déter­­mi­­nées, qui, elles-mêmes,
évo­­luent au fil du temps, du fait des pres­­sions externes – politico-réglementaires, éco­
­no­­miques et sociales, tech­­no­­lo­­giques-, qui s’exercent sur le sec­­teur et dans l’espace de
réfé­­rence, large ou étroit, que l’on aura choisi, de pri­­vi­­lé­­gier, en fonc­­tion de l’approche
spé­­ci­­fique, – plus ou moins « foca­­li­­sée » ou « tous azi­­muts » –, pri­­vi­­lé­­giée par l’orga­­
ni­­sa­­tion dont on s’atta­­chera à défi­­nir ou à redé­­fi­­nir la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.

1  La grille « glo­­bal/local » et l’iden­­ti­­fi­­cation du poten­­tiel


d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des acti­­vi­­tés

Les carac­­té­­ris­­tiques des trois groupes d’acti­­vi­­tés, tels que déter­­mi­­nées par la grille
« glo­­bal local », vont per­­mettre de mieux iden­­ti­­fier les sec­­teurs qui auraient voca­­tion
à entrer dans cha­­cune d’entre elles.

160
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

1.1  Les carac­­té­­ris­­tiques clés des acti­­vi­­tés à domi­­nante glo­­bale


Ces carac­­té­­ris­­tiques tiennent tout autant à la nature des pro­­duits – à la fois
standardisables et des­­ti­­nés à une demande large et peu dif­­fé­­ren­­ciée, de par le monde
–, qu’à l’ampleur des moyens néces­­saires, tant sur le plan finan­­cier et indus­­triel que
sur le plan mar­­ke­­ting. Elles pré­­sentent, pour leurs pro­­mo­­teurs, des enjeux impor­­tants.
Le niveau d’inves­­tis­­se­­ment requis, tout d’abord, est très élevé, qu’il s’agisse
d’inves­­tis­­se­­ments :
––en recherche et déve­­lop­­pe­­ment  : par exemple, pour iden­­ti­­fier et déve­­lop­­per une
nou­­velle molé­­cule en phar­­ma­­cie humaine, ou pour déve­­lop­­per et mettre au point
les pro­­ces­­sus de fabri­­ca­­tion d’un nou­­veau micro­­pro­­ces­­seur en élec­­tro­­nique ;
–– en immo­­bi­­li­­sa­­tions indus­­trielles : telle la mise en place de nou­­velles chaînes de mon­­
tage, en vue du lan­­ce­­ment d’un nou­­veau modèle de voi­­ture ou d’avion commer­­cial1 ;
––en commu­­ni­­ca­­tion  : à l’occa­­sion de la dif­­fu­­sion d’un nou­­veau par­­fum ou d’un
nou­­veau pro­­duit de consom­­ma­­tion à gros poten­­tiel de dif­­fu­­sion.
Lorsque, comme dans les cas évo­­qués, les niveaux d’inves­­tis­­se­­ment ini­­tiaux sont
éle­­vés, les indus­­triels se doivent de réa­­li­­ser rapi­­de­­ment des volumes de vente impor­
­tants, afin d’amor­­tir au plus vite les mon­­tants enga­­gés. D’où la ten­­dance géné­­rale,
chez ces indus­­triels, à «  tirer leurs volumes  » par l’inter­­na­­tiona­­li­­sation de leurs
ventes, en élar­­gis­­sant au maxi­­mum l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion dans les­­
quels ils vont dif­­fu­­ser les pro­­duits.
Le poten­­tiel d’éco­­no­­mies d’échelle est élevé, comme dans le cas de toutes les
acti­­vi­­tés où l’on constate de fortes baisses des coûts uni­­taires, au fur et à mesure que
les tailles de séries s’accroissent.
Cette dyna­­mique des coûts à la baisse – que cer­­tains asso­­cient à la notion d’effet
d’expé­­rience – est par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment impor­­tante dans les acti­­vi­­tés où le poten­­tiel de
stan­­dar­­di­­sa­­tion des pro­­duits et des compo­­sants est fort et où les gains de pro­­duc­­ti­­
vité liés à des amé­­lio­­ra­­tions de pro­­ces­­sus sont éle­­vés.

c Repère 3.2
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L’effet d’expé­­rience
L’effet d’expé­­rience, mis en évi­­dence par le Bos­­ton Consulting Group en 1966, à par­­tir
de l’expé­­rience de Texas Ins­­tru­­ments, éta­­blit, pour chaque famille de pro­­duits une rela­
­tion mathéma­­tique entre la baisse du coût uni­­taire total du pro­­duit et l’accrois­­se­­ment
du volume de la pro­­duc­­tion cumu­­lée.

1.  À titre d’exemple, l’inves­­tis­­se­­ment que repré­­sente la nou­­velle usine d’Air­­bus qui doit être ins­­tal­­lée aux États-
­ nis , à Mobile, Alabama, pour répondre aux commandes amé­­ri­­caines, à par­­tir de 2018, devrait se mon­­ter à 600
U
mil­­lions de $ (Wall Street Jour­­nal, 5/7/2012, « Air­­bus over Alabama »), cf. exemple 3.8 « Air­­bus ins­­talle une ligne
de pro­­duc­­tion (pour la famille des A 320) en Alabama ».

161
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Il peut ainsi s’expri­­mer : « Le coût uni­­taire total d’un pro­­duit, éva­­lué en unité de mesure
constante, décroît d’un pour­­cen­­tage constant chaque fois que le volume de production
cumulé de ce pro­­duit double. »
Cumu­­lant les effets de réduc­­tion des coûts liés aux éco­­no­­mies d’échelle, à l’effet
d’appren­­tis­­sage et aux inno­­va­­tions cou­­rantes sur le pro­­duit et les pro­­cé­­dés, il peut être
repré­­senté sous forme d’une « courbe d’expé­­rience ».
Cet effet d’expé­­rience est très dif­­fé­­rent, selon les acti­­vi­­tés : de plus de 50 %, pour cer­
t­ains compo­­sants élec­­tro­­niques, à moins de 5  % sur des acti­­vi­­tés de ser­­vice à fort
contenu « sur mesure ».
Il est à noter que l’« effet d’expé­­rience » n’a pas de carac­­tère stric­­te­­ment auto­­ma­­tique
et sup­­pose des efforts per­­ma­­nents de ratio­­na­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion et un suivi rigou­
­reux des coûts.
Heures de main d’œuvre
par unité de poids
d’avion fabriqué (livré)

Mercure
(17)

7h

6h

5h

4h

3h Lookheed
Tristar Boeing 727
Airbus 300-310 Boeing 737
(250) (1830)
(820) (6000+)
2h DC 10 Boeing 747
(450) (1520) Airbus 320-310
(7900)
1h

20 ---- 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 ---- -- 2800 3000 ---- 6000 ---8000

Quantités fabriquées par appareil


(en nombre d’appareils)

Adapté et actualisé de Strategor : stra­­té­­gie, déci­­sion, iden­­tité, Dunod, 2009.

Figure 3.3 – La courbe d’expé­­rience appli­­quée à l’aéro­­nau­­tique commer­­ciale

La recherche de posi­­tions de coût avan­­ta­­geuses passe donc par l’allon­­ge­­ment des


tailles de séries, la stan­­dar­­di­­sa­­tion des pro­­duits et des compo­­sants, la spé­­cia­­li­­sa­­tion de
l’outil de pro­­duc­­tion, la capi­­ta­­li­­sa­­tion du savoir-­faire et des amé­­lio­­ra­­tions appor­­tées au
process et aux compo­­sants, au fil du temps. Elle passe aussi, au plan commer­­cial, par
la recherche du lea­­dership en part de mar­­ché.

162
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

Exemple 3.1 – L’indus­­trie des micro­­pro­­ces­­seurs


Dans cette indus­­trie, il n’est pas rare de consta­­ter une baisse des coûts uni­­taires de l’ordre
de 50 %, à chaque dou­­ble­­ment du volume de pro­­duc­­tion cumu­­lée d’un pro­­duit.
Cette forte dyna­­mique des coûts à la baisse sur les compo­­sants élec­­tro­­niques tend à tirer
vers le bas les coûts de l’ensemble de la filière élec­­tro­­nique, au sein de laquelle on
constate des réduc­­tions de coûts uni­­taires de l’ordre de 20 à 35 % dès qu’il s’agit de pro­
­duits stan­­dards.
En compa­­rai­­son, les baisses de coût uni­­taire excèdent rare­­ment 15 à 20 % dans l’indus­­trie
élec­­trique ou méca­­nique.

Ainsi, chaque fois qu’une acti­­vité pré­­sente des pos­­si­­bi­­li­­tés impor­­tantes de


réduc­­tion des coûts liés aux volumes, les indus­­triels auront ten­­dance à s’ins­­crire
dans des stra­­té­­gies de volume, qui passent très natu­­rel­­le­­ment par l’inter­­na­­tiona­­li­­
sation des ventes et par une cou­­ver­­ture géo­­gra­­phique maximale des mar­­chés du
sec­­teur consi­­déré.
La demande du mar­­ché est suf­­fi­­sam­­ment homo­­gène et, de ce fait, celui-ci
s’accom­­mode d’une offre stan­­dard, à par­­tir de pro­­duits à usage uni­­ver­­sel, comme
c’est le cas pour une grande par­­tie de l’indus­­trie élec­­tro­­nique grand public, sauf dans
les domaines où per­­durent des dif­­fé­­rences de normes, telles qu’il n’est pas pos­­sible
de les inté­­grer toutes dans un même appa­­reil (comme les pre­­miers magné­­to­­scopes).
Ou bien, la demande émane de clients inter­­na­­tionaux qui requièrent, de la part de
leurs four­­nis­­seurs ou pres­­tataires de ser­­vices, qu’ils soient eux-­mêmes suf­­fi­­sam­­ment
inter­­na­­tionaux pour les ser­­vir par­­tout où ils se trouvent à tra­­vers le monde.

c Repère 3.3
L’inter­­na­­tiona­­li­­sation « tirée » par les grands « don­­neurs d’ordres »
Au fur et à mesure que les indus­­triels de l’auto­­mo­­bile inter­­na­­tiona­­li­­saient leurs acti­­vi­­tés
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de pro­­duc­­tion, ils ont entraîné, dans leur sillage, nombre de leurs four­­nis­­seurs et sous-
trai­­tants. Les ensem­­bliers exi­­geants, vis-­à-vis de leurs four­­nis­­seurs de sous ensembles
ou d’équi­­pe­­ments, les Ori­­gi­­nal equipment manufacturers (OEM), les compo­­sants dont
ils auront besoin, au moment où ils en auront besoin (juste à temps/just in time)1, de
manière à n’avoir à sup­­por­­ter aucun stock et de ne subir aucun délai.
De la même manière, la plu­­part des four­­nis­­seurs d’équi­­pe­­ments et de ser­­vices aux
grandes compa­­gnies pétro­­lières, comme Schlumberger, se sont déployés de longue
date dans de mul­­tiples loca­­li­­sa­­tions dans le monde, de manière à leur assu­­rer les pres­
­ta­­tions que ces « grands comptes inter­­na­­tionaux » attendent, où qu’ils opèrent dans le
monde, à des niveaux de qua­­lité constants et garan­­tis, en s’appuyant, autant que de
besoins, sur des par­­te­­naires locaux.

1.  Cf. cas d’appli­­ca­­tion du présent cha­­pitre  : «  Le sec­­teur auto­­mo­­bile euro­­péen  : ceux qui rient et ceux qui
pleurent ».

163
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Pour qu’une acti­­vité puisse être qua­­li­­fiée de « glo­­bale », il faut, enfin, que les coûts
de trans­­port et, d’une manière géné­­rale, que les coûts d’« approche » logis­­tiques ne
soient pas rédhi­­bi­­toires : en effet, il ne peut y avoir de globalisation de la concur­­
rence et d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des ventes que si celui qui exporte, qui trans­­fère des
pro­­duc­­tions inter­­mé­­diaires ou qui opère à dis­­tance ne connaît pas de han­­di­­cap
majeur lié à la dis­­tance, et cela pour deux rai­­sons :
––parce que ces coûts se trouvent minimi­­sés par des condi­­tions de trans­­port très
avan­­ta­­geuses ou très ratio­­na­­li­­sées (par la spé­­cia­­li­­sa­­tion des navires, par exemple,
comme le pra­­tiquent les construc­­teurs japo­­nais d’auto­­mo­­biles, ou de manière plus
géné­­rale, par la conte­­neu­­ri­­sa­­tion), ou par un rap­­pro­­che­­ment des sites de pro­­duc­­
tion des mar­­chés uti­­li­­sa­­teurs ou consom­­ma­­teurs, comme le montrent l’exemple de
la délocalisation des chaînes de mon­­tage d’Air­­bus, d’abord en Chine puis en
Alabama ;
––parce que la forte valeur ajou­­tée du pro­­duit par unité de poids ou de volume trans­
­por­­tée ne repré­­sente qu’une part très limi­­tée du coût total (comme pour les appa­­
reils photo­­gra­­phiques ou le maté­­riel infor­­ma­­tique, ou encore, les pro­­duits de
luxe).
La néces­­sité pour les indus­­triels d’opé­­rer « sur un mode glo­­bal » et d’inté­­grer leurs
acti­­vi­­tés mon­­dia­­le­­ment se verra encore ren­­for­­cée si, dans l’acti­­vité consi­­dé­­rée,
s’exerce une forte pres­­sion sur les prix et sur les coûts du fait, par exemple, d’une
concur­­rence intense asso­­ciée à une forte baisse de la demande, comme c’est le cas,
en 2012 et 2013, dans le sec­­teur auto­­mo­­bile en Europe.

1.2  Les carac­­té­­ris­­tiques clés des acti­­vi­­tés à domi­­nante locale


Les fac­­teurs qui poussent à l’adap­­ta­­tion locale et au « géocen­­trage » pour­­raient
cor­­res­­pondre aux pro­­duits et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, aux ser­­vices pré­­sen­­tant des carac­­té­­
ris­­tiques oppo­­sées à celle des acti­­vi­­tés à domi­­nante glo­­bale ; ce qui est en géné­­ral le
cas. Cepen­­dant, des situa­­tions spé­­ci­­fiques peuvent se pré­­sen­­ter.

164
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

Tableau 3.1 – Condi­­tions d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des acti­­vi­­tés de ser­­vice1

Caractéristiques du service Conditions d’internationalisation


Faire percevoir au client potentiel local la qualité du service en s’appuyant
Intangibilité sur des prescripteurs locaux efficaces ou sur des clients du pays d’origine
implantés localement.
Réduire les différences de niveau de qualité en développant une formation
Hétérogénéité de même niveau d’exigence, tout en s’assurant que sont respectées les
spécificités locales.

Être capable d’anticiper.


Exploiter les similarités de pratique d’un pays à l’autre.
Transférabilité
S’attacher si possible à mettre à la disposition d’un marché la capacité
inutilisée disponible ailleurs.
Concomittance Pouvoir fournir le service à distance, regrouper certaines fonctions
(entre producteur et grâce à la maîtrise des technologies de communication.
consommateur) Capacité à sous-traiter, licencier, franchiser ou s’implanter.
Identifier le degré d’implantation possible du client sur chaque marché,
Implication du client les facteurs d’interruption des relations.
Mettre en évidence des facteurs culturels sur la relation client.
Pouvoir réduire les coûts d’entrée par des économies d’échelle ou de
gamme (utilisation plus intense des ressources productives par allongement
Structure des coûts des séries ou élargissement de la gamme des produits/services).
Privilégier l’effet volume dans le choix des marchés. Envisager les
possibilités de prix discriminés.

Degré de dépendance du concept service des cultures locales.


Processus de mise Possibilité de standardiser, obligation d’adapter.
en œuvre Capacité a s’appuyer sur les mêmes procédures sur différents marchés.

L’exis­­tence de bar­­rières admi­­nis­­tra­­tives et de normes, oblige les acteurs des


acti­­vi­­tés concer­­nées, selon les cas, à adap­­ter leurs pro­­duits ou pres­­ta­­tions – par­­fois
au prix d’un coût élevé –, ou même à loca­­li­­ser leur acti­­vité dans le pays ainsi pro­­
tégé, pour se don­­ner des chances d’accé­­der à cer­­tains mar­­chés publics, ou sou­­mis à
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déli­­vrance de licences par les pou­­voirs publics.


Même si ces bar­­rières, à carac­­tère régle­­men­­taire ou admi­­nis­­tra­­tif, tendent effec­­ti­­
ve­­ment à s’estom­­per, elles res­­tent pour­­tant très réelles dans de nom­­breuses acti­­vi­­tés
de ser­­vice2, telles la banque de détail, l’assuran­ce ou le tra­­vail tem­­po­­raire qui, au
sein même de l’Europe, res­­tent très frag­­men­­tées pour trois rai­­sons :
–– L’exis­­tence de fortes dis­­pa­­rités des cadres régle­­men­­taires et des moda­­li­­tés de
contrôle, comme des cultures carac­­té­­risent ces acti­­vi­­tés : cela est par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
vrai pour la banque ou l’assu­­rance, qui dépendent étroi­­te­­ment des auto­­ri­­tés moné­­

1.  Source : adapté de R. Sarathy, « Glo­­bal Strategy in Ser­­vice Industry », Long Range Plan­­ning, vol. 27, n°6,
p. 116. 1994.
2.  Voir ci-­dessus, Tableau 3.1 « Condi­­tions d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des acti­­vi­­tés de ser­­vice ».

165
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

taires et finan­­cières (mais aussi des pra­­tiques cultu­­relles1) ; ça l’est éga­­le­­ment pour
l’édi­­tion et pour la commu­­ni­­ca­­tion, acti­­vi­­tés très « sen­­sibles », aux dif­­fé­­rences cultu­
­relles et lin­­guis­­tiques ; c’est tout aussi vrai des acti­­vi­­tés qui requièrent une pro­­tec­­tion
par­­ti­­cu­­lière de la santé ou de la sécu­­rité du consom­­ma­­teur ou de l’uti­­li­­sa­­teur et qui
se prêtent bien à la mise en place de normes spé­­ci­­fiques à chaque pays.
––Elles donnent aussi, sou­­vent, lieu à des pra­­tiques pro­­fes­­sion­­nelles dif­­fé­­rentes ; les
pro­­fes­­sions du droit ou de la comp­­ta­­bi­­lité en consti­­tuent une assez bonne illus­­tra­
­tion, en dépit de la dif­­fu­­sion rapide, au cours des der­­nières décen­­nies, des pra­­
tiques anglo-saxonnes dans ces domaines et de l’entrée pro­­gres­­sive sur les
dif­­fé­­rents mar­­chés natio­­naux euro­­péens de grands cabi­­nets opé­­rant à une échelle
inter­­conti­­nen­­tale voire mon­­diale.
––Les liens exis­­tant entre acteurs natio­­naux en place, rendent, enfin, dif­­fi­­cile aux
nou­­veaux entrants étran­­gers l’accès à leurs chasses gar­­dées natio­­nales, en contra­
­riant l’acqui­­si­­tion d’entre­­prises locales, ou en jouant de leur pou­­voir de mar­­ché ;
sou­­vent, d’ailleurs, ceux-­ci s’appuient sur la régle­­men­­ta­­tion ou la spé­­ci­­ficité des
pra­­tiques pro­­fes­­sion­­nelles natio­­nales.
Ainsi, dans les domaines rele­­vant des acti­­vi­­tés ban­­caires et finan­­cières, comme le
montre l’exemple 3.2, il existe, à l’entrée de nom­­breux pays, des bar­­rières admi­­nis­
­tra­­tives et, même «  réga­­liennes  », qui rendent dif­­fi­­ciles les implan­­ta­­tions. Aussi,
dans de nom­­breux pays, comme en Inde, les banques étran­­gères se trouvent-elles
can­­ton­­nées à une gamme d’acti­­vi­­tés très limi­­tées, sans pou­­voir réel­­le­­ment entrer
plei­­ne­­ment en compé­­tition avec les acteurs locaux.

Exemple 3.2 – La résis­­tible pro­­gres­­sion des banques étran­­gères en Inde


Pour­­tant pré­­sentes depuis le milieu du xixe siècle, les banques étran­­gères, comme Stan­­dard
Chartered, HSBC ou BNP Paribas, n’ont jamais pu connaître le déve­­lop­­pe­­ment espéré,
dans ce pays où elles repré­­sentent moins de 10 % du volume des prêts comme des dépôts.
Et pour­­tant, le mar­­ché ban­­caire s’y déve­­loppe rapi­­de­­ment, avec la mon­­tée en puis­­sance, à
côté de mas­­to­­dontes du sec­­teur public, comme la State Bank of In­dia ou des éta­­blis­­se­­ments
repré­­sen­­ta­­tifs du nou­­veau sec­­teur ban­­caire privé, ICICI et HDFC, pour ser­­vir une demande
inté­­rieure crois­­sante, sti­­mu­­lée par le déve­­lop­­pe­­ment des entre­­prises comme par celui d’une
nou­­velle classe moyenne, ali­­men­­tant une demande de ser­­vices finan­­ciers crois­­sants.
Sans doute, la Banque Cen­­trale indienne, la Re­serve Bank of In­dia, reconnaît-elle le rôle
clé que jouent les banques étran­­gères, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment pour les acti­­vi­­tés de Banque
d’Inves­­tis­­se­­ment, avec des exper­­tises bien utiles pour sti­­mu­­ler la crois­­sance des mar­­chés
finan­­ciers locaux, l’implan­­ta­­tion de nou­­veaux pro­­duits et exper­­tises (comme les pro­­duits

1.  Les dif­­fé­­rences de rela­­tion à l’argent, mis en lumière par Max Weber, dans l’Éthique pro­­tes­­tante et l’esprit du
capi­­ta­­lisme, se tra­­duit par des compor­­te­­ments par­­ti­­cu­­liers qui varient sen­­si­­ble­­ment entre pays, même voi­­sins : ins­
­tru­­ments de paie­­ment, taux d’épargne, pra­­tique du cré­­dit.

166
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

déri­­vés1), ou pour mettre en rela­­tion l’espace natio­­nal avec les mar­­chés inter­­na­­tionaux de
capi­­taux et accom­­pa­­gner les inves­­tis­­seurs directs étran­­gers…
Cepen­­dant, lors­­qu’il s’agit, pour ces éta­­blis­­se­­ments, de créer et de déve­­lop­­per leur acti­­
vité de Banque de détail, pour col­­lec­­ter des dépôts et octroyer des prêts à plus grande
échelle, les obs­­tacles se mul­­ti­­plient., Il leur est, en effet bien dif­­fi­­cile, au-­delà de l’obten­
­tion d’une licence, à l’issue d’un pro­­ces­­sus complexe, de pou­­voir se déve­­lop­­per, dans le
cadre des acti­­vi­­tés auto­­ri­­sées, notam­­ment en ouvrant des agences, comme ils le sou­­hai­­
te­­raient, à un rythme cor­­res­­pon­­dant à l’évo­­lu­­tion des besoins éco­­no­­miques de ce sous-
continent en pleine expan­­sion.
Dans ce pays, comme dans d’autres en voie d’ouver­­ture, comme le Vietnam ou la Chine,
les auto­­ri­­tés tendent à consi­­dé­­rer que le sec­­teur ban­­caire, n’est pas exac­­te­­ment réduc­­tible
aux autres. Après tout, avec la police et l’armée, ce sont les trois attri­­buts majeurs de la
puis­­sance réga­­lienne des États ! En est-il d’ailleurs autre­­ment dans des espaces que l’on
sup­­po­­se­­rait plus ouvert, comme la France, où un seul éta­­blis­­se­­ment ban­­caire étran­­ger a
pu prendre le contrôle d’un réseau de taille appré­­ciable, depuis 15 ans : le Cré­­dit commer­
­cial de France, pros­­père banque moyenne, contrô­­lée désor­­mais par HSBC ?

L’hété­­ro­­gé­­néité des goûts et des usages locaux consti­­tue une limite natu­­relle à
la stan­­dar­­di­­sa­­tion de l’offre et induit des coûts d’adap­­ta­­tion, sou­­vent impor­­tants, de
la part des entre­­prises.

c Repère 3.4
Les conver­­gences socio­­cultu­­relles dans les pays de l’OCDE/de la Triade : d’une
approche géocen­­trée à une approche glo­­bale/trans­­ver­­sale2
––Ato­­mi­­sa­­tion des struc­­tures fami­­liales : chute de la nata­­lité, vieillis­­se­­ment de la popu­
­la­­tion, mul­­ti­­pli­­cation des divorces, flé­­chis­­se­­ment de la nup­­tia­­lité, déve­­lop­­pe­­ment de
la « mono­­ga­­mie séquencée », etc.
––Évo­­lu­­tion des rôles dans le couple : déve­­lop­­pe­­ment du tra­­vail fémi­­nin, par­­tage plus
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

équi­­table des tâches et des res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés du foyer, substituabilité des rôles, etc.
––Uni­­for­­mi­­sa­­tion des styles de vie : pro­­gres­­sion des reve­­nus (classes moyennes et supé­
­rieures), rap­­pro­­che­­ment des modes de consom­­ma­­tion et du niveau d’uti­­li­­sation des
biens d’équi­­pe­­ment du foyer (télé­­phones, hi-fi, TV, voi­­tures), sen­­si­­bi­­lité accrue à
l’inno­­va­­tion tech­­no­­lo­­gique, etc.

1.  Les pro­­duits déri­­vés, comme les options (il existe aussi d’autres pro­­duits finan­­ciers simi­­laires, comme les
futures),servent à garan­­tir sur les mar­­chés orga­­ni­­sés où opèrent les acteurs finan­­ciers qui sou­­haitent cou­­vrir leur expo­
­si­­tion aux risques de varia­­tion de change ou de taux, ou encore la varia­­tion de prix des matières pre­­mières. Ils les
mobilisent face à des « contre­­par­­ties », en posi­­tion plus spé­­cu­­la­­tive, qui vont leur faire sup­­por­­ter une « prime » liée
à l’impor­­tance du risque anti­­cipé comme à la durée de l’expo­­si­­tion. Ces opé­­ra­­tions, qui peuvent faire aussi l’objet de
tran­­sac­­tions de gré à gré /over the counter ou OTC se traitent habi­­tuel­­le­­ment sur les mar­­chés finan­­ciers dont ils consti­
­tuent un des compar­­ti­­ments. (voir JP Lemaire et J Klein, Finan­­ce­­ment inter­­na­­tional des entre­­prises, op.cit.).
2.  Adapté de Terpstra V., Inter­­na­­tional Mar­­ke­­ting, Dryden, New York, 1987. et Keegan W.J., Mul­­ti­­natio­­nal Mar­
­ke­­ting Mana­­ge­­ment, Prentice-­Hall, Englewood Cliffs, N.J., 1984.

167
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


––Rap­­pro­­che­­ment des réfé­­rences cultu­­relles : dif­­fu­­sion des films de cinéma, des pro­­
grammes et des séries de télé­­vi­­sion, rap­­pro­­che­­ment des pra­­tiques de loi­­sirs (cultu­­
relles, spor­­tives), attrait des pro­­duits de luxe, des « marques1 », acces­­si­­bi­­lité accrue
aux modes de trans­­port dis­­tants, aux télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions, etc.
––Confron­­ta­­tion à des infor­­ma­­tions et à des enjeux de société compa­­rables, rap­­pro­­che­
­ment des pré­­oc­­cu­­pa­­tions quo­­ti­­diennes : cri­­mi­­na­­lité et fléaux sociaux, santé/épi­­dé­­mie,
atteintes de l’envi­­ron­­ne­­ment, pré­­oc­­cu­­pa­­tions huma­­ni­­taires, éthique pro­­fes­­sion­­nelle
et citoyenne, approche des dés­­équi­­libres éco­­no­­miques, etc.

Les exemples de ce type de limites sont nom­­breux dans les domaines de l’agro­ali­
­ en­­taire ou des pro­­duits cultu­­rels, même si, sous la pres­­sion d’acteurs majeurs de
m
ces sec­­teurs – tels Coca-­Cola, McDonald’s ou Disney –, on voit les goûts et les
usages s’uni­­for­­mi­­ser dans des zones géo­­gra­­phiques de plus en plus larges. Le déve­
­lop­­pe­­ment des grands réseaux de commu­­ni­­ca­­tion, tel Inter­­net2, devraient encore
accen­­tuer ces rap­­pro­­che­­ments.
Les dif­­fé­­rences dans les cir­­cuits de dis­­tri­­bu­­tion et dans l’infra­­struc­­ture logis­
t­ ique peuvent aussi conduire à des modes d’action spé­­ci­­fiques à des contextes
locaux, comme dans la grande dis­­tri­­bu­­tion, la res­­tau­­ra­­tion et, en géné­­ral, dans les
acti­­vi­­tés de ser­­vices ou de pro­­duits de grande consom­­ma­­tion.

Exemple 3.3 – McDonald’s à Moscou


Lorsque McDonald’s – entre­­prise opé­­rant habi­­tuel­­le­­ment sur un mode glo­­bal –, s’est
implan­­tée à Moscou, au début des années 1990, elle s’est heur­­tée à des carences inha­­bi­­
tuelles, pour elle, dans sa filière d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment : faute de four­­nis­­seurs et de cir­­cuits
logis­­tiques fiables sur place, il lui a fallu inté­­grer dans son orga­­ni­­sa­­tion locale l’ensemble
des étapes qui vont depuis la pro­­duc­­tion des den­­rées agri­­coles – viande, pommes de terre,
etc. –, réa­­li­­sée sous l’étroite sur­­veillance de spé­­cia­­listes de l’entre­­prise, jus­­qu’à la mise
à dis­­po­­si­­tion des pro­­duits dans les res­­tau­­rants.

Enfin, cer­­taines carac­­té­­ris­­tiques phy­­siques du pro­­duit – carac­­tère péris­­sable,


faible valeur par unité de poids ou de volume… – peuvent consti­­tuer des obs­­tacles
majeurs à toute expor­­ta­­tion loin­­taine, contrai­­gnant ainsi les indus­­triels à mul­­ti­­plier
les sites de pro­­duc­­tion, à proxi­­mité des zones de commer­­cia­­li­­sa­­tion.
Il en va de même pour les pro­­duits à fort contenu de ser­­vices asso­­ciés – pro­­duits
néces­­si­­tant d’impor­­tantes pres­­ta­­tions d’étude, d’ins­­tal­­la­­tion et sur­­tout de ser­­vice
après – vente – ou pour les ser­­vices sur mesure, qui rendent néces­­saire la proxi­­mité

1.  Voir Mar­­tel F., Mainstream. Enquête sur la guerre glo­­bales de la culture et des médias, Flammarion, 2011.
2.  Cf. exemple 8.3 : Wikipedia, la mul­­ti­­natio­­nale « non pro­­fit » de la connais­­sance.

168
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

du client et, de ce fait, exigent d’opé­­rer sur un mode local ou multi­local, sauf à pou­
­voir être tota­­le­­ment ou par­­tiel­­le­­ment dis­­pen­­sés à dis­­tance via inter­­net.
Dans des contextes de ce type, comme celui des pro­­duits « cultu­­rels »1 – dits à
domi­­nante locale2 – les acteurs en place sont rela­­ti­­ve­­ment à l’abri de la concur­­rence
inter­­na­­tionale et ils ont plus inté­­rêt à se déve­­lop­­per par diver­­si­­fi­­ca­­tion «  concen­­
trique  » – ou, même «  dis­­tante3  », autour de leur métier de base, par «  foi­­son­­ne­­
ment », à par­­tir de leur clien­­tèle exis­­tante, ou en s’appuyant sur les diasporas4, par
exemple, plu­­tôt que de s’inter­­na­­tiona­­li­­ser au prix de coûts d’adap­­ta­­tion consi­­dé­­
rables.

1.3  Le cas des indus­­tries mixtes


S’il est des acti­­vi­­tés qui cor­­res­­pondent par­­fai­­te­­ment aux arché­­types d’indus­­tries
qui viennent d’être décrits, il en est aussi un grand nombre qui ne cor­­res­­pondent ni
à l’un ni à l’autre, tout en s’apparentant aux deux.
Bartlett et Ghoshal qua­­li­­fient de « trans­­na­­tionales » les acti­­vi­­tés au sein des­­quelles
les forces de globalisation et les forces de loca­­li­­sa­­tion s’exercent, les unes et les
autres, avec une grande inten­­sité.

Exemple 3.4 – Les équi­­pe­­ments de télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tion5


C’est une situa­­tion que connaissent bien les grands fabri­­cants d’équi­­pe­­ments de télé­­com­
­ u­­ni­­ca­­tion – comme les Occi­­den­­taux Alcatel-Lucent, Siemens et, désor­­mais, les Chinois,
m
Huaweiet ZTE –, dans le cadre de leurs acti­­vi­­tés tour­­nées vers la clien­­tèle des grands
opé­­ra­­teurs publics ou pri­­vés. Des pro­­duits tels que les commu­­ta­­teurs des­­ti­­nés à équi­­per
les réseaux de télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions ont toutes les carac­­té­­ris­­tiques de pro­­duits à voca­­tion
glo­­bale, et, ce, d’autant plus, que la tech­­no­­logie SoftSwich repose aujourd’hui sur des
plateformes infor­­ma­­tiques :
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1.  Les spé­­cia­­li­­tés agr-­alimentaires consitituent un bon exemple de ces pro­­duits « culturels », comme le kimshi ,
condi­­ment coréen très relevé à base de chou chi­­nois et de piments fer­­men­­tés, qui néces­­site pour l’appré­­cier un cer­
­tain temps d’accou­­tu­­mance, de pré­­fé­­rence dans le pays d’ori­­gine, en accom­­pa­­gne­­ment de la cui­­sine locale. Mais les
modèles gas­­tro­­no­­miques ayant ten­­dance à dif­­fu­­ser de plus en plus hors fron­­tières, sa consom­­ma­­tion pour­­rait y être
moins confi­­den­­tielle que par le passé.
2.  Pour iden­­ti­­fier quelques caté­­go­­ries clé de ces pro­­duits, se repor­­ter figure 3.4. « Le posi­­tion­­ne­­ment des acti­­vi­
­tés sur la grille « glo­­bal/local ».
3.  À noter que, dans le sec­­teur du vin, nombre des acteurs les plus dyna­­miques du sec­­teur ont choisi de se déve­
l­op­­per sur une base « concen­­trique », inté­­grant dans leurs acti­­vi­­tés d’autres bois­­sons, alcoo­­li­­sées (bière, spi­­ri­­tueux)
ou, même non alcoo­­li­­sées (eaux miné­­rales), comme les groupes fran­­çais Pernod-­Ricard ou Cas­­tel, l’amé­­ri­­cain
Gallo, ou le bri­­tan­­nique Diageo ; les diver­­si­­fi­­ca­­tion « dis­­tantes », comme celle de LVMH s’étant effec­­tuées vers
cer­­tains types de bois­­son (cognacs, cham­­pagnes, grands crus), en cohé­­rence avec le métier de base du groupe, le
luxe (C. Pivot, op.cit.).
4.  Voir les commen­­taires de la figure 4.6 « Déter­­mi­­nants externes et inci­­ta­­tions internes à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation
et par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment sur les zones de proxi­­mité géo­­gra­­phiques et cultu­­relles ».
5.  Cf. cas intro­­duc­­tif chapitre 4 « Huawei, la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der tech­­no­­lo­­gique mon­­dial ».

169
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

–– les inves­­tis­­se­­ments de recherche-déve­­lop­­pe­­ment et de défi­­ni­­tion des nou­­veaux stan­­


dards sont, plus que jamais, mas­­sifs ;
–– il s’agit de pro­­duits à base d’élec­­tro­­nique, pour les­­quels les baisses de coûts liées aux
volumes sont consi­­dé­­rables, même si l’évo­­lu­­tion tech­­no­­lo­­gique les a sen­­si­­ble­­ment
réduits ;
–– il s’agit, enfin, de pro­­duits rela­­ti­­ve­­ment stan­­dards et à usage uni­­ver­­sel.
Toutes les condi­­tions semblent donc rem­­plies pour que les indus­­triels concentrent leurs
acti­­vi­­tés de recherche et de pro­­duc­­tion sur un nombre res­treint de sites, afin de réa­­li­­ser
des éco­­no­­mies d’échelle.
Long­­temps, comme ces pro­­duits sont ven­­dus à des opé­­ra­­teurs publics, de nom­­breux États
exi­­geaient qu’une par­­tie impor­­tante de la valeur ajou­­tée soit réa­­li­­sée chez eux. De plus
en plus, les clients, publics comme pri­­vés, exigent une adap­­ta­­tion et un accom­­pa­­gne­­ment
dès le stade « avant vente » qui impose une proxi­­mité non seule­­ment commer­­ciale, mais
aussi tech­­nique  : non seule­­ment pour iden­­ti­­fier leurs besoins et adap­­ter l’offre, mais,
aussi pour assu­­rer un fonc­­tion­­ne­­ment sans défaillance des solu­­tions four­­nies.
C’est ainsi que si cer­­tains stades de la chaîne de valeur peuvent être gérés et orga­­ni­­sés
sur un mode rela­­ti­­ve­­ment inté­­gré et cen­­tral – c’est le cas, notam­­ment, pour les acti­­vi­­tés
de recherche – déve­­lop­­pe­­ment ou de logis­­tique amont –, d’autres acti­­vi­­tés, telles que la
fabri­­ca­­tion, et, sur­­tout, la commer­­cia­­li­­sa­­tion ou le ser­­vice après-vente, doivent être réa­­li­
­sées loca­­le­­ment à par­­tir d’uni­­tés dont la taille d’opé­­ra­­tion ne se situe pas tou­­jours au-­delà
du seuil mini­­mal d’effi­­cience.

D’autres acti­­vi­­tés, – qua­­li­­fiées de « mul­­ti­­natio­­nales » par Atamer et Calori1 – mais


dont cer­­taines seraient davan­­tage pluri locales se carac­­té­­risent par le fait que les
forces, tant de globalisation que de loca­­li­­sa­­tion, s’y exercent avec une faible inten­­
sité.
Il s’agit, pour nombre d’entre elles, d’acti­­vi­­tés visant des mar­­chés dont la demande
est mon­­dia­­le­­ment homo­­gène et qui, à ce titre, per­­met­­traient une stan­­dar­­di­­sa­­tion de
l’offre mais, pour des rai­­sons liées aux carac­­té­­ris­­tiques des pro­­duits, par exemple
leur carac­­tère pon­­dé­­reux ou peu trans­­por­­table, se rangent dans cette caté­­go­­rie inter­
­mé­­diaire. Il n’est en effet pas pos­­sible de concen­­trer géo­­gra­­phi­­que­­ment leurs capa­­
ci­­tés de pro­­duc­­tion, en vue de béné­­fi­­cier d’avan­­tages de coûts  : l’indus­­trie du
ciment2, tout comme celle des gaz indus­­triels ou hos­­pi­­ta­­liers, relèvent de cette pro­
­blé­­ma­­tique. Ce qui explique leur orga­­ni­­sa­­tion repo­­sant sur la mise en place, pour les
plus inter­­na­­tionales d’entre elles, comme Holcim, Lafarge ou Cemex3, dans le sec­­
teur du ciment, ou de l’Air Liquide, dans le sec­­teur des gaz indus­­triels, d’un grand
nombre d’uni­­tés de pro­­duc­­tion proches des zones d’uti­­li­­sation. Il en est de même du
domaine des ser­­vices, lorsque ceux-ci – bien que cor­­res­­pon­­dant à une demande
mon­­dia­­le­­ment homo­­gène – requièrent une grande proxi­­mité géo­­gra­­phique du mar­­

1.  Atamer T., Calori R., Diag­­nos­­tic et déci­­sions stra­­té­­giques, Dunod, 2011.
2.  Voir cas « La cimen­­te­­rie Natio­­nale (Liban) », J.-P. Lemaire, dis­­po­­nible en 2013 (en fran­­çais et en anglais,
avec notice péda­­go­­gique) à la Centrale des cas et des Moyens péda­­go­­giques de la CCIP.
3.  Cf. chapitre 1, cas introductif : « Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière et finan­­cière ».

170
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

ché. C’est le cas des chaînes hôte­­lières qui visent des seg­­ments de clien­­tèle dont les
modes d’usage sont iden­­tiques : clien­­tèles d’affaires, tou­­risme de masse, et qui, pour
satis­­faire le client, là où qu’il se trouve, doivent repro­­duire à l’iden­­tique, par­­tout à
tra­­vers le monde, le même concept de ser­­vice1.
Bien qu’il n’y ait pas de réelles pos­­si­­bi­­li­­tés d’éco­­no­­mies d’échelle, ce type
d’indus­­tries, peut néan­­moins béné­­fi­­cier d’éco­­no­­mies de gamme (ou d’« éco­­no­­mies
de champs » ou d’« enver­­gure2 »), au tra­­vers des trans­­ferts de savoir-­faire et d’un
cer­­tain nombre de par­­tages de res­­sources et d’effets de syner­­gie, qu’il est pos­­sible
de déve­­lop­­per entre les dif­­fé­­rentes enti­­tés locales. Ce seront, par exemple dans
l’hôtel­­le­­rie, un sys­­tème inté­­gré de réser­­va­­tion ou des struc­­tures de commer­­cia­­li­­sa­­
tion lar­­ge­­ment déployées géo­­gra­­phi­­que­­ment et sus­­cep­­tibles d’être par­­ta­­gées entre
un grand nombre de loca­­li­­sa­­tions ou de faci­­li­­ter le déve­­lop­­pe­­ment d’un ensemble
plus étendu de pro­­duits.
Cepen­­dant, les avan­­tages liés à ces « éco­­no­­mies de gamme » ne sont géné­­ra­­le­­ment
pas tels que les acteurs locaux ne puissent pas oppo­­ser une bonne résis­­tance à la
concur­­rence inter­­na­­tionale, pour autant que les repré­­sen­­tants de celle-ci ne se soient
pas ménagé un lea­­der­­ship tech­­no­­lo­­gique ou une image de marque et aient atteint un
niveau de qua­­lité dif­­fi­­ci­­le­­ment contes­­table, même loca­­le­­ment.
Ces trois types d’acti­­vi­­tés ont donc des pro­­fils assez contras­­tés, encore qu’il soit
dif­­fi­­cile de les figer de manière défi­­ni­­tive, dans la mesure où leurs carac­­té­­ris­­tiques
res­­pec­­tives sont sus­­cep­­tibles d’évo­­luer rapi­­de­­ment en tenant compte des trans­­for­­
ma­­tions tech­­no­­lo­­giques, tout comme des évo­­lu­­tions socio-­économiques et politico-­
réglementaires.
À tra­­vers les acti­­vi­­tés men­­tion­­nées, aussi bien dans les sec­­teurs indus­­triels que les
ser­­vices, des trans­­for­­ma­­tions pro­­fondes sont inter­­ve­­nues au cours des der­­nières
décen­­nies, qui ont pro­­fon­­dé­­ment modi­­fié le degré de globalisation des sec­­teurs
comme leur struc­­ture :
––cer­­tains d’entre eux appa­­raissent concen­­trés entre un nombre res­treint d’acteurs
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– oligo­­poles ou oligo­­poles à franges3 –, où dominent des mul­­ti­­natio­­nales soli­­de­­


ment éta­­blies, sans pour autant que leur domi­­na­­tion ne puisse être contes­­tée, par
des acteurs locaux en place ou par de nou­­veaux entrants, venant en par­­ti­­cu­­lier des
éco­­no­­mies à crois­­sance rapide ;
––d’autres se réor­­ga­­nisent, autour d’entre­­prises lea­­ders, selon des sché­­mas nova­­teurs
qui pré­­servent leurs corps de compé­­tences et qui s’appuient sur des acteurs relais,
sous trai­­tants ou par­­te­­naires, qui assument, dans la filière indus­­trielle qu’ils

1.  Cf. illus­­tra­­tion du repère 4.1 « La théo­­rie OLI ».


2.  Voir défi­­ni­­tion, cha­­pitre 3 note n° 252 et 253.
3.  Sur un mar­­ché oligo­­polis­­tique quelques acteurs – moins d’une demi dou­­zaine, en géné­­ral – dominent au
moins 50 % du mar­­ché ; dans une confi­­gu­­ra­­tion d’oligo­­pole à franges, ils coexistent avec une mul­­ti­­tude d’acteurs
plus ou moins ato­­mi­­sés, autre­­ment dit de plus petite taille ; par exemple dans les indus­­tries cultu­­relles, comme le
disque ou le cinéma, à côté des majors de ces deux pro­­fes­­sions coexistent un grand nombre de petits labels ou pro­
­duc­­teurs indé­­pen­­dants.

171
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

dominent des tâches qui se situent entre le par­­te­­na­­riat et la sous-­traitance, pure et


simple1.
Ce sont ces évo­­lu­­tions qu’il convient de sou­­li­­gner pour mettre en évi­­dence
l’impor­­tance de cette dimen­­sion sec­­to­­rielle dans la compré­­hen­­sion des tra­­jec­­toires
des acteurs.

2  Le posi­­tion­­ne­­ment consé­­cu­­tif des acti­­vi­­tés et des acteurs

Plu­­sieurs dimen­­sions sont donc à rete­­nir pour posi­­tion­­ner les acti­­vi­­tés, puis les
acteurs, dans le contexte d’ouver­­ture inter­­na­­tionale actuel et dans la logique « glo­­
bale/locale » qui vient d’être déve­­lop­­pée, en fai­­sant res­­sor­­tir :
––pour le posi­­tion­­ne­­ment des acti­­vi­­tés, tout d’abord, la manière dont elles évo­­luent
entre les axes glo­­bal et local, en tenant compte du degré de concen­­tra­­tion qui
carac­­té­­rise cha­­cune et, aussi, pour les sec­­teurs les plus oligo­­polis­­tiques, du degré
de sta­­bi­­lité de la position des acteurs qui la dominent ;
––pour le posi­­tion­­ne­­ment des orga­­ni­­sa­­tions, ensuite, leur degré res­­pec­­tif de cou­­ver­
­ture géo­­gra­­phique des mar­­chés et le déploie­­ment de leur chaîne de valeur entre les
dif­­fé­­rentes zones, pour en tirer les consé­­quences en termes de défi­­ni­­tion ou de re-­
définition de leurs stra­­té­­gies ainsi que pour l’évo­­lu­­tion de leurs struc­­tures.

2.1  Le posi­­tion­­ne­­ment des activités


En par­­tant des fac­­teurs de globalisation et de loca­­li­­sa­­tion/géocen­­trage et des
exemples rete­­nus pré­­cé­­dem­­ment, il est pos­­sible de déter­­mi­­ner les bases du posi­­tion­
­ne­­ment des acti­­vi­­tés (sec­­teurs ou indus­­tries) sur la grille global/local adap­­tée de Doz
et Prahalad2 ainsi que les fac­­teurs qui déter­­minent l’évo­­lu­­tion de leur posi­­tion­­ne­­
ment.
Les fac­­teurs tra­­di­­tion­­nels, liés aux coûts, rete­­nus long­­temps pour un posi­­tion­­ne­­
ment « glo­­bal » sur la grille, res­­tent essen­­tiels mais ne consti­­tuent qu’un des élé­­
ments, à prendre en compte, mais, tou­­te­­fois, insuf­­fi­­sant, à lui tout seul, pour le
jus­­ti­­fier. L’ana­­lyse engage à remettre la dyna­­mique de globalisation de chaque sec­­
teur dans une perspec­­tive plus large pre­­nant en compte l’ensemble des pres­­sions
externes du modèle PREST :
• Les pres­­sions politico-­réglementaires, tra­­duisent les pro­­grès de la libé­­rali­­sa­­tion
– dans cer­­tains sec­­teurs, au moins –. Elles conduisent à favo­­ri­­ser la crois­­sance, en dépit

1.  Cf. figure 4.1 « La “flexibilisation” de l’orga­­ni­­sa­­tion mul­­ti­­natio­­nale ». Adap­­ta­­tion du modèle d’« usine mon­­
diale  », de Buckley et Ghauri, «  The Globalization, Economic Geography and the Strategy of Mul­­ti­­natio­­nal
Enterprises », Jour­­nal of Inter­­na­­tional Busi­­ness Studies, vol. 35, N° 2.
2.  Cf. figure 3.4 « Le posi­­tion­­ne­­ment des acti­­vi­­tés sur la grille glo­­bal/local ».

172
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

des sur­­sauts pro­­tec­­tion­­nistes men­­tion­­nés plus haut, tout en pre­­nant en compte la néces­
­sité d’évi­­ter des frac­­tures trop pro­­fondes au sein du corps social  : en défi­­ni­­tive, en
don­­nant leur chance aux acteurs, les plus dyna­­miques quelle que soit leur ori­­gine.
• Les pres­­sions éco­­no­­miques et sociales, reflètent, notam­­ment, l’élar­­gis­­se­­ment dans
de nom­­breuses zones géo­­gra­­phiques et éco­­no­­miques de la base de clien­­tèle, résul­
­tat de l’impact combiné de l’évo­­lu­­tion démo­­gra­­phique, de l’aug­­men­­ta­­tion du pou­
­voir d’achat et des chan­­ge­­ments de compor­­te­­ment de consom­­ma­­teurs1, sou­­vent
mieux infor­­més par la nou­­velle trans­­pa­­rence et la dif­­fu­­sion accé­­lé­­rée de l’infor­­
ma­­tion via Inter­­net. Elles déter­­minent des réponses plus rapides aux offres éma­­
nant des firmes les plus nova­­trices.
• Les pres­­sions tech­­no­­lo­­giques, désor­­mais essen­­tielles déter­­minent la globalisation
de nombre de sec­­teurs. Elles conduisent les acteurs clés de cha­­cun d’entre eux à
faire adop­­ter des stan­­dards d’usage ou de consom­­ma­­tion2 – sinon des normes –,
d’appli­­ca­­tion géo­­gra­­phique aussi large que pos­­sible, par les clients et les usa­­gers
de leur sec­­teur – pro­­fes­­sion­­nels, pour les acti­­vi­­tés B to B, indi­­vi­­dus et ménages,
pour les acti­­vi­­tés B to C, grand public.

Exemple 3.5 – La révo­­lu­­tion de la télé­­pho­­nie mobile3


Dans le haut de gamme de la télé­­pho­­nie mobile, la rapide géné­­ra­­li­­sa­­tion du smartphone,
impo­­sée par Apple a été rapi­­de­­ment démul­­ti­­pliée par ses «  sui­­veurs  » les plus actifs,
comme Samsung ; au détriment d’anciens lea­­ders comme Nokia, désor­­mais en dif­­fi­­culté,
faute d’avoir su prendre le tour­­nant tech­­no­­lo­­gique au bon moment. Cette dyna­­mique
témoigne de la très rapide muta­­tion d’un sec­­teur dont les cycles tech­­no­­lo­­giques et les
cycles des pro­­duits se révèlent de plus en plus courts.
Mais, pour l’ensemble de la gamme de la télé­­pho­­nie mobile, la révo­­lu­­tion du télé­­phone
mobile n’aurait pas été pos­­sible sans, d’un point de vue socio-­économique, l’engoue­­ment
qu’elle a sus­­cité dans les éconoies émergentes, plus encore que dans les éco­­no­­mies
matures. Il s’est sur­­tout mani­­festé à tra­­vers la mon­­tée en puis­­sance d’une nou­­velle clien­
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­tèle de par­­ti­­cu­­liers, issue des classes moyennes et supé­­rieures en ascension, acquises aux
nou­­velles tech­­no­­logies, et vou­­lant pro­­fi­­ter des déve­­lop­­pe­­ments les plus récents offerts sur
un mar­­ché, désor­­mais mon­­dia­­lisé, de ces pro­­duits.
Sans pré­­ju­­dice, sur le plan politico-­réglementaire, du rôle joué par les pays émergents
dont les gou­­ver­­ne­­ments n’ont pas empê­­ché ces trans­­for­­ma­­tions, et les ont même faci­­li­­
tées, en encou­­ra­­geant l’accès de ce nou­­veau moyen de commu­­ni­­ca­­tion aux plus pauvres.
Ils ont en effet pris conscience des pos­­si­­bi­­li­­tés offertes par la télé­­pho­­nie mobile et sa
démo­­cra­­ti­­sation permettant un désen­­cla­­ve­­ment indis­­pen­­sable de groupes sociaux les
moins favo­­ri­­sés, iso­­lés, notam­­ment, dans les zones rurales et péri­urbaines, qui ris­­quent

1.  Cf. cha­­pitre 5, cas d’appli­­ca­­tion « Rien ne va plus chez HP, en quête d’un nou­­veau “modèle d’affaire” ».
2.  Voir cas intro­­duc­­tif chapitre 4 « Huawei, la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der tech­­no­­lo­­gique mon­­dial ».
3.  Cf. G. de Grandi, «  Les échéances de Nokia  », LesEchos.fr, 26/9/2012. Cf. figure 7.2. «  Sony Ericsson, la
rédemp­­tion Android ».

173
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

de demeu­­rer les lais­­sés pour compte de la crois­­sance dont béné­­fi­­cient les autres groupes
sociaux.
C’est d’ailleurs la carte qu’a joué Nokia, fin 2011, alors lors­­qu’il envi­­sa­­geait de sup­­pri­­
mer 3500 emplois, et de délocaliser sa pro­­duc­­tion de Roumanie en Asie. Il ciblé alors les
mar­­chés émergents, en y ven­­dant deux mobiles accep­­tant deux cartes SIM à 18 mil­­lions
d’exem­­plaires. Il lui faut désor­­mais, un an après, y conserver ses posi­­tions. C’est ce qu’il
tente de faire en lan­­çant deux smartphones low cost. Tout risque alors de se jouer sur ces
nou­­veaux pro­­duits, car sur le segment haut de gamme sur les­­quels l’entre­­prise sou­­hai­­tait
réaf­­fir­­mer sa pré­­sence, ses nou­­veaux smartphones « Lumia », n’ont pas sus­­cité un grand
enthou­­siasme lors de leur sor­­tie, alors que l’arri­­vée de l’iPhone 5 était annon­­cée à grand
tapage.

+ Composants Equipements
électroniques opérateurs télécom

Activités à Fournisseurs
d’accès internet Assurances
dominante
globale
Cosmétiques Gaz industriels
et médicaux
Hôtellerie
Pharmacie Ensembliers
Pression des
forces de automobiles Utilities* Grande Services
Détergents distribution
globalisation médicaux
Tour operator
Banque Activités
d’investissement « mixtes »
Engrais
Vin Services à la
Banque de détail Activités à personne
Ciment dominante
locales
ONG
développement

– Officiers
Ministériels**

Pression des forces de localisation


– *cf. eau, gas, électricité, télécommunications.. ** cf. notaires, +

Figure 3.4 – Le posi­­tion­­ne­­ment des acti­­vi­­tés sur la grille « glo­­bal/local ».


Véri­­fier le bon posi­­tion­­ne­­ment des acti­­vi­­tés sur la grille

En consé­­quence, l’appli­­ca­­tion ci-­dessus de la grille glo­­bal/local aux acti­­vi­­tés ne


doit pas être lue de manière sta­­tique ; mais plu­­tôt dyna­­mique1, en s’inter­­ro­­geant :

1.  Voir E.Milliot, «  La dyna­­mique plu­­rielle de la globalisation des mar­­chés, une dia­­lec­­tique para­­doxale  », in
E.Milliot et N.Tour­­nois, Les para­­doxes de la globalisation des mar­­chés, Vuibert, 2009, se réfé­­rant à Fraser J. et
Oppenheim R., « What’s new about globalization ? », The McKinsey Quarterly, n°2, 1997, dres­­sant un tableau (qui
n’a pas été mis à jour depuis) du degré de globalisation atteints par dif­­fé­­rents sec­­teurs d’acti­­vité en 1995.

174
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

––sur la per­­ma­­nence du posi­­tion­­ne­­ment de chaque acti­­vité (sec­­teur ou indus­­trie) qui


s’y trouve repé­­rée, en fonc­­tion des fac­­teurs pris en compte dans le para­­graphe
précédent ;
––sur l’évo­­lu­­tion que cha­­cune pour­­rait suivre au cours des années à venir, en fonc­­
tion des muta­­tions des dif­­fé­­rentes compo­­santes (pres­­sions externes) de leur envi­­
ron­­ne­­ment sec­­to­­riel, dans l’espace de réfé­­rence/d’expan­­sion retenu.
Avant de s’atta­­cher au posi­­tion­­ne­­ment des acteurs, serait aussi à prendre en compte,
le degré de concen­­tra­­tion de cha­­cun des sec­­teurs consi­­dé­­rés, autre­­ment dit :
––le carac­­tère plus ou moins oligo­­polis­­tique qu’il pré­­sente ;
––la soli­­dité des posi­­tions des éven­­tuels acteurs domi­­nants, comme la pos­­sible mon­
­tée en puis­­sance de nou­­veaux entrants dans le cercle res­treint des lea­­ders avec le
risque, pour ceux-ci, de se voir sup­­plan­­ter par ceux-là.
À l’heure actuelle, il existe des sec­­teurs for­­te­­ment oligo­­polis­­tiques au niveau mon­
d­ ial, à commen­­cer par la construc­­tion aérienne, véri­­table duo­­pole, au moins, pour
les avions commer­­ciaux de plus de 100 pas­­sa­­gers. De telles concen­­tra­­tions existent
aussi dans les sec­­teurs des micro­­pro­­ces­­seurs, avec In­tel, suivi d’un groupe très res­
treint de concur­­rents (Samsung, Texas, Toshiba, ST Microelectronics). Elles existent
aussi dans cer­­tains sec­­teurs de ser­­vice, qui «  pèsent  » bien moins en termes de
volume d’acti­­vité, tout en domi­­nant leurs mar­­chés res­­pec­­tifs : Sotheby’s et Christie’s
pour les ventes d’œuvre d’art de pres­­tige, Moody’s, Fitch ratings et Stan­­dard &
Poors pour la nota­­tion des pro­­duits et des éta­­blis­­se­­ments finan­­ciers, comme pour la
nota­­tion des États…

Exemple 3.6 – La construc­­tion aéro­­nau­­tique, un duo­­pole menacé ?


Air­­bus et Boeing sont, en effet, les deux seuls compé­­ti­­teurs sus­­cep­­tibles, à l’heure actuelle,
de tirer parti à plein des éco­­no­­mies de gamme et des éco­­no­­mies d’enver­­gure que leur a
apporté leur savoir faire tech­­no­­lo­­gique et orga­­ni­­sa­­tion­­nel, tout comme l’appui dont ils ont
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pu béné­­fi­­cier de la part des auto­­ri­­tés de leur espace poli­­tique et éco­­no­­mique d’ori­­gine.


Cepen­­dant, d’autres acteurs, cer­­tains issus d’éco­­no­­mies matures, comme le Canadien
Bom­­bar­­dier, d’autres, plus nom­­breux et appe­­lés à croître en taille, comme le bré­­si­­lien
Embraer, qui déclinent, l’un comme l’autre, une large gamme d’avions régio­­naux, déjà
comman­­dés en nombre par les plus grandes compa­­gnies aériennes inter­­na­­tionales ; sans
par­­ler de l’énorme conglo­­mé­­rat chi­­nois, Avic1, dont les ambi­­tions, comme celles des
autres chal­­len­­gers des deux géants se tra­­duisent dans des pro­­jets2 direc­­te­­ment concur­­
rents de leurs deux « vaches à lait », les best sellers A 320 et B 737, dont les carac­­té­­ris­­
tiques répondent aux besoins les plus pres­­sants de des­­serte des grands espaces chi­­nois et
bré­­si­­liens…

1.  Dont le modèle ARJ 21 d’une capa­­cité de 90 pas­­sa­­gers.


2.  Comme le pro­­jet C 919, lancé offi­­ciel­­le­­ment en 2007, de moyen cour­­rier de rayon d’action de 4  500 à
5 000 km, pour 170 pas­­sa­­gers. À noter aussi, la pré­­sen­­ta­­tion au salon de Farnborough au Royaume-­Uni, en 2012,
du MS 21 du Russe Irkout, éga­­le­­ment en concur­­rence directe avec les moyens cour­­riers amé­­ri­­cains et euro­­péens.

175
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

2.2  Le positionnement des orga­­ni­­sa­­tions


Un tel posi­­tion­­ne­­ment s’ins­­crit dans la logique de ce qui pré­­cède et plus spé­­ci­­fi­­
que­­ment, pour les plus grandes firmes mon­­diales, celles du For­­tune 500, qui repré­­
sentent plus de la moi­­tié des flux d’échanges et plus de 90 % des flux d’inves­­tis­­se­­ments
directs inter­­na­­tionaux mon­­diaux1.
Perlmutter dis­­tin­­guait, dès la fin des années 1960, dif­­fé­­rents types de mana­­ge­­ment
de firmes mul­­ti­­natio­­nales – ethno­cen­­trisme, poly­­cen­­trisme, régiocentrisme et géo­
cen­­trisme –, per­­met­­tant de les clas­­ser en dif­­fé­­rentes caté­­go­­ries2, en fonc­­tion de leur
orga­­ni­­sa­­tion, de leur culture, de leur ancrage géo­­gra­­phique et de la rela­­tion entre le
siège et leurs dif­­fé­­rentes loca­­li­­sa­­tions. Mais c’est, en fait, la réa­­lité de « l’entre­­prise
glo­­bale ou mon­­diale  » qui est à mieux cer­­ner, et, par voie de déduc­­tion, celles
d’entre­­prises à la dif­­fu­­sion géo­­gra­­phique plus limi­­tée ; celles-là même qui consti­­
tuent la très grande majo­­rité des orga­­ni­­sa­­tions concer­­nées par l’ouver­­ture inter­­na­­
tionale, de manière à déter­­mi­­ner plus aisé­­ment les sec­­teurs dans les­­quels, les unes
et les autres se déve­­lop­­pe­­ront le plus volon­­tiers.

c Repère 3.5
L’orga­­ni­­sa­­tion dans une perspec­­tive glo­­bale : de Perlmutter à Rugman
Dans le nou­­veau contexte de mon­­dia­­li­­sa­­tion des acti­­vi­­tés, se sont déve­­lop­­pées, depuis
la fin des années 90, des orga­­ni­­sa­­tions d’un nou­­veau type : après les pro­­po­­si­­tions de
clas­­se­­ment de Permutter, celles que Bartlett et Goshal, Doz et Prahalad qua­­li­­fient de
«  mon­­diales  » ou de «  glo­­bales  » et qui déve­­lop­­pe­­raient une vision d’ensemble, en
cou­­vrant la plu­­part des espaces éco­­no­­miques de la pla­­nète, oscil­­lant entre le « Pen­­ser
local, agir mon­­dial », et le « Pen­­ser mon­­dial, agir local3 ».
La réa­­lité sug­­gère aux orga­­ni­­sa­­tions de pen­­ser et d’agir, à la fois local et glo­­bal :
––en fonc­­tion de la nature des pro­­duits et des ser­­vices offerts, de l’opti­­mi­­sation de la
chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment, du niveau d’adap­­ta­­tion exi­­gés par les contextes locaux ;
––dans le cadre d’ espaces de réfé­­rence géo-sec­­to­­riels plus ou moins larges, défi­­nis en
fonc­­tion de leur cohé­­rence, au sein des­­quels leurs struc­­tures doivent se déve­­lop­­per
le plus « agi­­le­­ment » pos­­sible, sans, pour autant, négli­­ger la recherche, à tout ins­­tant,
d’une cohé­­rence d’ensemble entre les dif­­fé­­rents espaces dans les­­quelles elles
seraient déployées.
Dans l’approche de Bartlett et Goshal, les orga­­ni­­sa­­tions glo­­bales répondent aux cri­­
tères sui­­vants :

1.  Cf. A.M. Rugman, Pré­­face, in U. Mayrhofer, Le mana­­ge­­ment des firmes mul­­ti­­natio­­nales, Vuibert, 2011.
2.  H. Perlmutter (1969), «  The Tortuous Evolution of the Mul­­ti­­natio­­nal Cor­­po­­ra­­tion  », Columbia Jour­­nal of
World Busi­­ness, janvier-­février, 1969.
3.  Jolly V., «  Portrait-­robot de l’entre­­prise mon­­diale  », in «  L’art du Mana­­ge­­ment  », Les Échos, 2-3  mai
1997.

176
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3


––dis­­po­­ser d’un pro­­duit stan­­dard ou d’un pro­­duit de base, ou encore d’un « concept »
reconnu mon­­dia­­le­­ment, et vendu par­­tout de manière uni­­forme ;
––pou­­voir mobi­­li­­ser tous les actifs néces­­saires (finan­­ciers, tech­­niques, tech­­no­­lo­­giques,
etc.) dans les meilleures condi­­tions, en interne comme en externe ;
––être en mesure de ren­­ta­­bi­­li­­ser, où que ce soit, les moyens requis (qu’il s’agisse de l’amor­
­tis­­se­­ment de la R & D, des infra­­struc­­tures de pro­­duc­­tion, ou de la pro­­mo­­tion, etc.) ;
––combler rapi­­de­­ment une quel­­conque avance d’un concur­­rent, sur le ter­­rain tech­­no­­
lo­­gique (nou­­veau pro­­duit ou process), mar­­ke­­ting (dis­­tri­­bu­­tion nova­­trice), finan­­cier
(accès à de nou­­velles sources de liqui­­di­­tés) ou stra­­té­­gique (prises de contrôle per­­met­
­tant des gains de taille ou de capa­­cité de diver­­si­­fi­­ca­­tion) ;
––opti­­mi­­ser la mise en œuvre de ses fonc­­tions dans une perspec­­tive inté­­grée, quelle
que soit son ori­­gine mon­­diale ou locale.
Pour Rugman1, qui s’appuie, en 2005, sur une enquête menée sur 365 firmes de « For­
t­une 500 », depuis 2001, sans dis­­cu­­ter de leurs carac­­té­­ris­­tiques ci-­dessus, la globalisation
pro­­cé­­de­­rait cepen­­dant du mythe, la plu­­part de ces entre­­prises majeures se can­­ton­­nant
à un niveau régio­­nal, ou deux, parmi les «  grands ensembles régio­­naux  » qu’il dis­­
tingue : Amérique, Europe et Asie. Au-delà du débat adap­­ta­­tion/stan­­dar­­di­­sa­­tion, très peu
d’entre­­prises étu­­diées seraient véri­­ta­­ble­­ment «  glo­­bales  » mises à part, à l’époque,
moins d’une dizaine, telles, IBM, Sony, Coca-Cola, qui se défi­­ni­­raient comme ayant, au
moins, 20 % et, au plus, 50 % de leurs ventes dans cha­­cune de ces trois régions.
Il est, cepen­­dant à se demander si, depuis 2005, le nombre de ces entre­­prises cou­­vrant
l’ensemble des conti­­nents ne s’est pas mul­­ti­­plié, non seule­­ment parmi les firmes de « For­
­tune 500 », mais éga­­le­­ment au niveau des firmes de taille plus modeste, et, notam­­ment,
des «  cham­­pions inter­­na­­tionaux  » des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide que le BCG2
s’applique désor­­mais à recen­­ser et dont il repère la pro­­gres­­sion d’années en année.

La taille, à pre­­mière vue néces­­saire pour rem­­plir les cri­­tères ci-­dessus, n’est pas
tou­­jours, en effet, un élé­­ment suf­­fi­­sant pour dis­­tin­­guer les firmes « mon­­diales » des
autres firmes inter­­na­­tionales : cer­­taines peuvent se foca­­li­­ser sur des seg­­ments, certes
mon­­diaux, mais très étroits, leur per­­met­­tant d’être d’emblée compé­­titives – voire
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domi­­nantes – sur tous les mar­­chés acces­­sibles. Ces orga­­ni­­sa­­tions que l’on pour­­rait
qua­­li­­fier de «  mini mul­­ti­­natio­­nales  », comme Sidel, l’un des pre­­miers mon­­diaux
pour la four­­ni­­ture de solu­­tions d’embal­­lage de liquides ali­­men­­taires3, doivent,
cepen­­dant, être en mesure de mobi­­li­­ser leurs res­­sources, où que ce soit, pour faire
échec à la concur­­rence. Ce qui peut mettre en cause l’indé­­pen­­dance des plus petites
ou même celle des plus grandes, sur­­tout, lorsque leur profitabilité est remise en
cause par des chocs conjonc­­tu­­rels4.

1.  Rugman, A. M., The Regional Multinationals, MNEs and «  Glo­­bal  » Strategic Mana­­ge­­ment, Cambridge  :
Cambridge University Press 2005, voir, aussi, Mayrhofer, « La firme mul­­ti­­natio­­nale : une entre­­prise en per­­pé­­tuelle
évo­­lu­­tion », in U. Mayrhofer, Le Mana­­ge­­ment des firmes mul­­ti­­natio­­nales, Vuibert, 2011.
2.  Cf. repère :“BCG Glo­­bal Chal­­len­­gers ».
3.  Cf. cas d’appli­­ca­­tion chapitre 4 « Sidel, une dyna­­mique inter­­na­­tionale « tous azi­­muts ».
4.  Cf. cas intro­­duc­­tif du chapitre 1 « Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière et finan­­cière. »

177
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Indé­­pen­­dam­­ment des types de stra­­té­­gies qui seront évo­­quées plus loin1, il serait
pos­­sible, à ce stade de l’ana­­lyse, de dis­­tin­­guer, plus sim­­ple­­ment, par caté­­go­­ries
d’acti­­vi­­tés, les orga­­ni­­sa­­tions en fonc­­tion des chan­­ge­­ments sus­­cep­­tibles de modi­­fier
leur posi­­tion­­ne­­ment dans cha­­cun des envi­­ron­­ne­­ments géo­­gra­­phiques où elles sont
sus­­cep­­tibles de se déve­­lop­­per.
En repre­­nant la typo­­logie des acti­­vi­­tés – glo­­bale, locale et mixte –, on peut sou­­li­­
gner, au niveau sec­­to­­riel, les fac­­teurs de chan­­ge­­ment les plus propres à y faire évo­­
luer le posi­­tion­­ne­­ment des acteurs et à mettre en cause la soli­­dité de leur posi­­tion :
––Ce qui carac­­té­­rise les acti­­vi­­tés « à domi­­nante glo­­bale », en dehors de la capa­­cité
à béné­­fi­­cier des effets volumes, c’est la domi­­nance tech­­no­­lo­­gique (par­­ti­­cu­­liè­­re­­
ment pour les acti­­vi­­tés B to B) et/ou la pos­­ses­­sion d’une marque mon­­diale (par­­ti­­
cu­­liè­­re­­ment pour les acti­­vi­­tés B to C) ; les plus puis­­sants fac­­teurs de chan­­ge­­ment
se situeront à ces dif­­fé­­rents niveaux :
–– avec l’appa­­ri­­tion de nou­­veaux lea­­ders2 tech­­no­­lo­­giques, anni­­hi­­lant l’avance des
acteurs domi­­nants en place ;
–– avec l’alté­­ra­­tion de l’image de marque de pro­­duits phares à la dif­­fu­­sion mon­­
diale, comme on a pu l’obser­­ver à la suite des scan­­dales ayant tou­­ché cer­­tains
blockbusters phar­­ma­­ceu­­tiques3 ;
–– ou même, le brouillage d’image d’entre­­prises majeures de sec­­teurs comme le
sec­­teur pétro­­lier, consé­­cu­­tif à cer­­taines catas­­trophes éco­­lo­­giques4.

Remarque
Dans ces sec­­teurs, de plus en plus nom­­breux, les acteurs concer­­nés, même les mieux éta­
­blis, peuvent voir leur pré­­do­­mi­­nance contes­­tée, aussi bien comme lea­­ders tech­­no­­lo­­giques
que comme acteurs pou­­vant se pré­­va­­loir d’une véri­­table « marque mon­­diale »5.

––Quant aux acti­­vi­­tés à domi­­nante locale, les chan­­ge­­ments de type politico-


réglementaire auront une influ­­ence déter­­mi­­nante sur l’envi­­ron­­ne­­ment géo-sec­­to­­
riel : la dis­­pa­­ri­­tion de mono­­poles d’État et la pri­­va­­ti­­sation des entre­­prises publiques

1.  Voir, infra, Cha­­pitre 7, Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’internationalisation et Cha­­pitre 8, La mise
en œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation. Voir aussi U. Mayrhofer, « La firme mul­­ti­­natio­­nale : une entre­­prise
en per­­pé­­tuelle évo­­lu­­tion ? » in U. Mayrhofer Le mana­­ge­­ment des firmes mul­­ti­­natio­­nales, Vuibert, 2011 ; voir éga­­
le­­ment, Milliot Éric, «  Stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  : une arti­­cu­­lation des tra­­vaux de Por­­ter et Perlmutter  »,
Mana­­ge­­ment & Ave­­nir, 2005/1 n° 3.
2.  Cf. exemple 3.5 « La révo­­lu­­tion de la télé­­pho­­nie mobile ».
3.  Selon les études comman­­dées par l’Afssaps (l’Agence de sécu­­rité sani­­taire des pro­­duits de santé), le Mediator,
des labo­­ra­­toires Servier, aurait pro­­vo­­qué entre 500 et 2000 décès, entraî­­nés par des mala­­dies car­­diaques depuis
2006. Il n’est retiré qu’en 2009 entraî­­nant la mise sous sur­­veillance de 77 autres médi­­ca­­ments (Le Monde, pour Le
Monde.fr, 01/02/2011).
4.  Cf. de la catas­­trophe du Torrey Canyon, affrété par l’Union Oil of California, en 1967 et l’A­moco Cadiz, par
la Stan­­dard Oil, en 1978, dans la Manche, en pas­­sant par celle de l’Exxon Valdez, en Alaska, en 1989, les marées
noires pro­­vo­­quées par l’Erika, affrété par Total en 1999, jus­­qu’à l’explo­­sion de la pla­­te­­forme de BP Deepwater
Hori­­zon dans le golfe du Mexique à laquelle est asso­­ciée le nom de BP, en 2010.
5.  Ibi­­dem exemple 3.5 « La révolution de la télé­­pho­­nie mobile ».

178
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

(sans pré­­ju­­dice de retours en arrière1), comme l’ouver­­ture de l’espace natio­­nal ou


de proxi­­mité à la concur­­rence inter­­na­­tionale, peuvent y entraî­­ner l’entrée de nou­­
veaux acteurs et, éven­­tuel­­le­­ment l’absorp­­tion d’acteurs locaux (comme dans le
sec­­teur ban­­caire – dans cer­­tains pays, du moins2). Toute ouver­­ture peut aussi
entraî­­ner des trans­­for­­ma­­tions plus ou moins rapides des habi­­tudes de consom­­ma­­
tion (comme dans le sec­­teur du vin).

Remarque
Dans une perspec­­tive de libé­­rali­­sa­­tion/déré­­gle­­men­­ta­­tion, les acteurs locaux résis­­te­­ront
mieux, en prin­­cipe, dans les sec­­teurs influ­­en­­cés par la culture locale (culture driven ou
culture bound) ; ce sera plus dif­­fi­­cile pour eux dans les sec­­teurs direc­­te­­ment influ­­en­­cés
par les évo­­lu­­tions tech­­no­­lo­­giques rapides (technology driven ou culture free) et offrant
des pro­­duits ou des ser­­vices stan­­dards3.

––Et pour les acti­­vi­­tés « mixtes », enfin, les orga­­ni­­sa­­tions peuvent se trou­­ver sou­­
mises à des contraintes de proxi­­mité déter­­mi­­nées par la faible valeur ajou­­tée uni­­
taire de leur pro­­duc­­tion, combi­­née à des coûts d’ache­­mi­­ne­­ment (ciment) ou à des
coûts ou à des déper­­di­­tions éle­­vés liés au trans­­port (« uti­­li­­tés » : eau, gaz, élec­­tri­
­cité), à leur carac­­tère péris­­sable (pro­­duits frais de base), ou encore, à la néces­­sité
de déve­­lop­­per des réseaux de dis­­tri­­bu­­tion spé­­ci­­fiques pour une clien­­tèle locale
(télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions, grande dis­­tri­­bu­­tion, banque de détail). Les fac­­teurs de trans­
­for­­ma­­tion sont, pour elles, nom­­breux  : dans les éco­­no­­mies matures comme, de
plus en plus, dans les éco­­no­­mies émergentes, avec le déve­­lop­­pe­­ment des nou­­velles
tech­­no­­logies de l’infor­­ma­­tion et de la commu­­ni­­ca­­tion (NTIC) et la dif­­fu­­sion
rapide d’Inter­­net ; sans, pour autant, négli­­ger la prise en compte indispensable du
déve­­lop­­pe­­ment durable, qui sus­­cite l’appa­­ri­­tion, dans de nom­­breux sec­­teurs,
d’offres de sub­­sti­­tutions moins pol­­luantes4, plus décen­­tra­­li­­sées (éner­­gies renou­­ve­
­lables) ; à l’inverse, cer­­taines de ces acti­­vi­­tés per­­mettent une appro­­pria­­tion rapide
par les acteurs locaux des savoir-­faire appor­­tés par les pre­­miers entrants étran­­gers
(grande dis­­tri­­bu­­tion5).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.  Voir cas intro­­duc­­tif, chapitre 2, « Promesas Argentinas ».


2.  Si un cer­­tain nombre de pays émergents sont loin d’ouvrir leur sec­­teur ban­­caire à la concur­­rence inter­­na­­tionale
(Inde, Chine, Vietnam…), d’autres, comme le Mexique, mais aussi les pays de l’Est euro­­péen n’ont pas hésité à
lais­­ser les acteurs étran­­gers mul­­ti­­plier les acqui­­si­­tions sur leur ter­­ri­­toire.
3.  Voir cha­­pitre 7 cas introductif : « Com­in Asia à la croi­­sée des che­­mins ».
4.  Cf. l’impor­­tance accor­­dée par les construc­­teurs auto­­mo­­biles à la voi­­ture élec­­trique ; cf. cas d’appli­­ca­­tion « Le
sec­­teur auto­­mo­­bile euro­­péen : ceux qui rient et ceux qui pleurent ».
5.  Voir cas « Big C au Vietnam », Bui L.H. et J.P. Lemaire, (disponbile en français et en anglais à la CCMP, en
2013).

179
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Exemple 3.7 – La mondialisation à marche for­­cée des géants des sec­­teurs de la bière
et de la mode/fast fashion
Ces deux sec­­teurs, pré­­sen­­tant tous deux une struc­­ture d’oligo­­pole à franges1, connaissent
depuis une dizaine d’années un mou­­ve­­ment de concen­­tra­­tion par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment mar­­qué,
avec des logiques simi­­laires, mais en sui­­vant des voies dif­­fé­­rentes, l’une pra­­ti­­quant la
crois­­sance externe à tout va, l’autre pri­­vi­­lé­­giant la crois­­sance orga­­nique.
Pour le sec­­teur de la bière, comme pour le sec­­teur de la mode (ou, plus pré­­ci­­sé­­ment, de
la confec­­tion ou de la fast fashion), les inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation des acteurs du
sec­­teur sont, en effet, simi­­laires :
–– D’une part, la demande mon­­diale de bière pro­­gresse en dépit de la crise (ainsi la
consom­­ma­­tion de bière pas­­se­­rait de 190 milliards de litres en 2011, à 217 en 2016) ;
compte tenu des spé­­ci­­fici­­tés du mar­­ché de la mode une éva­­lua­­tion pré­­cise est plus dif­
­fi­­cile, même si la ten­­dance à la crois­­sance est claire.
–– D’autre part, les mar­­chés, dans l’espace de réfé­­rence d’ori­­gine des lea­­ders de cha­­cun
des deux sec­­teurs sont sinon en décrois­­sance durable, du moins en phase de conso­­li­­da­
­tion, les relais de crois­­sance étant, dans l’un et l’autre cas, à recher­­cher dans les éco­­
no­­mies émergentes.
Mais, si les inci­­ta­­tions sec­­to­­rielles à la crois­­sance et à la dif­­fu­­sion géo­­gra­­phique sont
simi­­laires, les moda­­li­­tés de cette crois­­sance divergent :
–– Pour les lea­­ders du sec­­teur de la bière2, la course à la taille, se tra­­duit entre les acteurs
de l’oligo­­pole mon­­dial (AB Inbev, SAB Miller et Heineken) repré­­sen­­tant déjà à eux
seuls, en 2012, 60 % envi­­ron du mar­­ché, par la géné­­ra­­li­­sa­­tion de fusions et d’absorp­­
tions, par­­fois hos­­tiles  : le groupe belgo-bré­­si­­lien ayant donné nais­­sance au pre­­mier
groupe mon­­dial AB Inbev, avec la méga fusion réa­­li­­sée (à 52 milliards de dol­­lars) avec
Anheuser Bush (connu pour sa célèbre Budweiser) et la reprise du capi­­tal res­­tant du
Grupo Modelo (bras­­seur de la Corona) l’ensemble du groupe ainsi consti­­tué contrôle
plus de 25 % du mar­­ché mon­­dial, avec un chiffre d’affaires de plus de 35 milliards de
dol­­lars, alors qu’en 2011, le Britannique SAB Miller a jeté son dévolu, à l’occa­­sion
d’une offre publique d’achat hos­­tile sur l’Australien Foster’s, avec, désor­­mais, une part
de mar­­ché mon­­dial dépas­­sant 10  %, devant Heineken qui lui a souf­­flé, en 2010, le
numéro deux mexi­­cains Femsa. Cette conso­­li­­da­­tion et cette inter­­na­­tiona­­li­­sation accé­­
lé­­rées du sec­­teur ne semblent pas prêtes à se ralen­­tir, d’autant plus qu’en Asie, où la
consom­­ma­­tion pro­­gresse le plus, les groupes chi­­nois, Tsingtao, Beijing Yangjing
Brewery et China Resouces Enterprise, éga­­le­­ment parmi les dix pre­­miers mon­­diaux,
sont en embus­­cade…
–– Pour les lea­­ders du sec­­teur de la mode3, l’Espagnol Inditex/Zara (avec un chiffre d’af­
faires de 13,8 milliards d’euros), le sué­­dois H & M (12,4), l’amé­­ri­­cain Gap (10,9) et le
Japonais Uniqlo (9), cette course à la taille passe par la crois­­sance interne, avec la mul­
­ti­­pli­­cation des maga­­sins dans le monde entier pour échap­­per à la moro­­sité rela­­tive de
leur mar­­ché d’ori­­gine qui repré­­sente encore – sauf pour Zara avec 45 % seule­­ment –
plus des deux tiers de leurs ventes : les créa­­tions vont repré­­sen­­ter plu­­sieurs cen­­taines

1.  Voir supra, défi­­ni­­tion note.


2.  Cf. L. Girard, « Les géants de la bière en guerre pour domi­­ner le mar­­ché mon­­dial », Le Monde Éco­­no­­mie,
3/7/2012.
3.  A-­S Cathala, « Mon­­dia­­li­­sa­­tion for­­cée pour les géants de la mode », Le Figaro Éco­­no­­mie, 21-22/4/2012.

180
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

de maga­­sins – entre 200 et 500 pour chaque enseigne, chaque année (sauf pour Gap
qui suit, pour l’ins­­tant, un rythme plus lent). Leur foca­­li­­sa­­tion prin­­ci­­pale se fait sur les
ECR et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment la Chine qui fait l’objet de toutes les atten­­tions, même si les
droits de douane obligent ces quatre lea­­ders, comme leurs concur­­rents étran­­gers à s’y
posi­­tion­­ner dans la caté­­go­­rie premium. Ils accé­­lèrent leur crois­­sance en mul­­ti­­pliant,
comme les bras­­seurs, les marques pro­­po­­sées à la clien­­tèle, à cette dif­­fé­­rence près que
ce sont des marques « mai­­son » plu­­tôt qu’héri­­tées de reprises d’entre­­prises locales, en
menant, aussi des opé­­ra­­tions d’implan­­ta­­tion sys­­té­­ma­­tique sur ces nou­­veaux mar­­chés à
par­­tir de maga­­sins porte-dra­­peau – flagship – dans les capi­­tales ou les villes prin­­ci­­pales
des pays visés et en déve­­lop­­pant de plus en plus, à l’ins­­tar des grands acteurs du luxe,
des cam­­pagnes de publi­­cité mas­­sives.

Une double dyna­­mique de sens opposé pourra donc ani­­mer cet ensemble de sec­­
teurs mixtes combi­­nant les carac­­té­­ris­­tiques des deux pré­­cé­­dents, Elle sera sus­­cep­­
tible d’entraî­­ner les acteurs :
––soit vers les acti­­vi­­tés à domi­­nante glo­­bale, en s’appuyant sur les pro­­grès des trans­
­ports et de la commu­­ni­­ca­­tion, comme sur la stan­­dar­­di­­sa­­tion pro­­gres­­sive des pres­
­ta­­tions atten­­dues des uti­­li­­sa­­teurs et des clients, l’ali­­gne­­ment de l’offre sur une
demande de plus en plus mondialisée et la mobi­­lité accrue des équipes (banque
d’inves­­tis­­se­­ment, assu­­rances) ;
––soit vers les acti­­vi­­tés à domi­­nante locale, pour les acti­­vi­­tés qui portent sur des
pro­­duits et des ser­­vices encore très influ­­en­­cés par la culture locale, avec le sou­­tien
plus ou moins appuyé des auto­­ri­­tés (cf. grande dis­­tri­­bu­­tion), sans pour autant que
ces acti­­vi­­tés mixtes – comme, d’ailleurs, le groupe des acti­­vi­­tés à domi­­nante
locale –, n’échappent à un mou­­ve­­ment géné­­ral de rap­­pro­­che­­ment de l’axe glo­­bal.
Dans chaque sec­­teur, les acteurs et, en par­­ti­­cu­­lier les lea­­ders, suivent donc, à une
cadence qui peut varier sen­­si­­ble­­ment de l’un à l’autre, une logique de déve­­lop­­pe­­
ment qui s’ins­­crit dans leur évo­­lu­­tion res­­pec­­tive vers la « globalisation ». Il convient
de noter, tou­­te­­fois, que, pour ceux qui pré­­sentent déjà une struc­­ture oligo­­polis­­tique,
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cette évo­­lu­­tion sera plus sen­­sible. Ce qui ne pré­­sume pas du main­­tien des posi­­tions
acquises, sur­­tout si l’inno­­va­­tion, l’orga­­ni­­sa­­tion et la compé­­titi­­vité1 ne sont pas là
pour sou­­te­­nir cette pro­­gres­­sion ; en par­­ti­­cu­­lier pour faire face à la concur­­rence mon­
­tante des « cham­­pions inter­­na­­tionaux des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide (ECR) ».
Mais, s’agis­­sant pré­­ci­­sé­­ment de ceux-ci, le chan­­ge­­ment de la donne qu’ils
amorcent sou­­ligne et pro­­longe d’autres évo­­lu­­tions appa­­rues dans les éco­­no­­mies
matures, essen­­tielles, elles aussi, pour comprendre la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­
sation des sec­­teurs.

1.  les «  leviers  » qui res­­sortent de l’ana­­lyse au niveau 3 du PREST (voir chapitre 1 sec­­tion 3 et chapitre 4,
sec­­tion 3)

181
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Comment positionner les différentes organisations* ?


* En partant d’un certain nombre de celles prises comme exemple dans cet ouvrage

Activités à Organisations
+ Huawei
Intel dominante mondiales
globale
HSBC
LVMH Unilever L’Oréal
Inditex-Zara Accor AB Inbev
Goldman Sanofi
Sachs AXA Organisations
continentales
Yara Renault -Nissan Casino
Cemex multi-continentales
Pression des Veolia Enda
forces de Air Liquide Tiers Monde
globalisation Activités
« mixtes » Bharti
La Voute
Organisations
régionales
Comin Asia
Cimenterie
Nationale

Activités à
dominante Organisations
locales domestiques

Pression des forces de localisation


– *cf. eau, gas, électricité, télécommunications** cf. notaires +

Figure 3.5 – Le posi­­tion­­ne­­ment des orga­­ni­­sa­­tions sur la grille « glo­­bal/local »


Véri­­fier le bon posi­­tion­­ne­­ment des orga­­ni­­sa­­tions sur la grille

Section
2 Dyna­­mique inter­­na­­tionale des sec­­teurs :
fac­­teurs de muta­­tion intra-sec­­to­­riels
Indé­­pen­­dam­­ment de l’évo­­lu­­tion plus ou moins rapide de très nom­­breux sec­­teurs vers
la globalisation/mon­­dia­­li­­sa­­tion, à des rythmes et dans des condi­­tions dif­­fé­­rentes selon
leur degré de concen­­tra­­tion, il faut sou­­li­­gner aussi les évo­­lu­­tions des rela­­tions intra-­
branches et plus uni­­que­­ment à l’inté­­rieur de zones de proxi­­mité ou de zones éco­­no­­
miques inté­­grées, comme l’Union euro­­péenne, le Mercosur, l’Alena ou l’APEC…
Le déve­­lop­­pe­­ment du commerce croisé intra-­zone, dans le cadre de chaque sec­­teur
tend à pro­­fi­­ter du décloisonnement qui s’éta­­blit, non seule­­ment à l’inté­­rieur de
cadres géo­­po­­li­­tiques dont les membres ont décidé de s’ouvrir entre eux à la concur­
­rence. Il pro­­gresse aussi entre zones, au fil de la dif­­fu­­sion de règles par­­ta­­gées
– certes, encore de façon très impar­­faite – dans le cadre de l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale
du commerce ou de la signa­­ture d’un cer­­tain nombre d’accords bila­­té­­raux, entre

182
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

pays ou entre pays et zones1. Comme les autres muta­­tions iden­­ti­­fiées pré­­cé­­dem­­ment,
ils remettent en cause la spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale tra­­di­­tion­­nelle, pour sou­­li­­gner,
au niveau des sec­­teurs, une nou­­velle répar­­tition ten­­dan­­cielle de la pro­­duc­­tion entre
zones et entre acteurs.

1  Le déve­­lop­­pe­­ment du commerce croisé


intrabranche et intra-­zone

Comme cer­­taines cri­­tiques des théo­­ries clas­­siques met­­tant en échec la spé­­cia­­li­­sa­­


tion inter­­na­­tionale l’avaient fait res­­sor­­tir dans les cha­­pitres pré­­cé­­dents, l’inten­­si­­fi­­ca­
­tion de l’échange intra-branche et intra-­zone ou la mul­­ti­­pli­­cation des situa­­tions de
« commerce croisé2 » deviennent plus mar­­quées (cha­­pitre 1). Ces échanges portent,
dans un même sec­­teur, sur des pro­­duits simi­­laires ou iden­­tiques, entre pays de
niveau de déve­­lop­­pe­­ment, le plus sou­­vent compa­­rable. Ils inté­­ressent désor­­mais des
zones pré­­sen­­tant des déca­­lages plus impor­­tants, depuis que l’ouver­­ture inter­­na­­
tionale et l’inté­­gra­­tion des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide s’est accé­­lé­­rée.
Cer­­taines nou­­velles approches – dites « éclec­­tiques3 » – asso­­cient diverses sources
d’expli­­ca­­tion théo­­riques et pra­­tiques, combi­­nant les carac­­té­­ris­­tiques des sec­­teurs et
des pro­­duits, en tenant compte des écarts tech­­no­­lo­­giques qui peuvent appa­­raître,
mais aussi en pro­­po­­sant des expli­­ca­­tions qui s’appuient sur l’ana­­lyse de la struc­­ture
des mar­­chés (l’inten­­sité de la concur­­rence), le degré de matu­­rité des pro­­duits (cf. le
cycle inter­­na­­tional du pro­­duit) et des approches plus clas­­siques (comme la dota­­tion
ini­­tiale de fac­­teurs). Elles per­­mettent ainsi une approche plus exhaus­­tive du déve­­lop­
­pe­­ment des échanges.
Le déve­­lop­­pe­­ment des échanges béné­­fi­­cie, en effet, des dimi­­nu­­tions ou sup­­pres­­
sions d’obs­­tacles tari­­faires (et, de plus en plus, non tari­­faires), faci­­li­­tant ainsi la
consti­­tution de zones de libre-échange ou d’unions doua­­nières qui, sans recréer des
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condi­­tions tout à fait opti­­males de concur­­rence entre les espaces éco­­no­­miques


concer­­nés4, encou­­ragent la créa­­tion, dans les mêmes sec­­teurs, de flux et, par­­ti­­cu­­liè­
­re­­ment, de flux croi­­sés, entre les pays des espaces éco­­no­­miques ainsi consti­­tués.
Cette situa­­tion, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment fré­­quente dans des espaces en voie d’har­­mo­­ni­­sa­
­tion, comme l’Union euro­­péenne, aussi bien avec ses pays membres qu’avec divers

1.  Cf. entre la Chine et l’APEC/ASEAN, entré par­­tiel­­le­­ment en vigueur en 2005.(J.P.Baquiast, 01/02/2010, http//
www.europesolidaire.eu), voir aussi cas d’appli­­ca­­tion du Cha­­pitre 1, Vietnam, le défi de l’OMC, cas CCMP, 2013,
accords bila­­té­­raux Vietnam/États-­Unis , et Vietnam/Union euro­­péenne, avant l’adhé­­sion du Vietnam à l’OMC.
2.  Linder S.-B., An essay on Trade and Trans­­for­­ma­­tion, New York, Wiley, 1961.
3.  Grubel H., Llyod P., Intra-­Industry Trade, Londres, Mac-­Millan, 1975.
4.  On parle alors d’opti­­mum de second rang, dans la mesure où l’une des condi­­tions de la concur­­rence pure et
par­­faite n’est pas rem­­plie, cer­­tains obs­­tacles à l’entrée demeu­­rant pour les pays tiers . Ce qui est le cas pour les
unions doua­­nières, avec l’exis­­tence d’un tarif exté­­rieur commun, et pour les zones de libre échange, avec le main­­tien
de bar­­rières aux fron­­tières de chaque pays membre.

183
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

pays asso­­ciés, peut s’expli­­quer de dif­­fé­­rentes manières et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, en réfé­


­rence à l’inten­­sité de la concur­­rence, si celle-ci est oligo­­polis­­tique ou si le mar­­ché
est en situa­­tion concur­­ren­­tielle plus ouverte :
––dans le pre­­mier cas, les quelques pro­­duc­­teurs natio­­naux cher­che­­ront à prendre des
parts de mar­­ché aux quelques pro­­duc­­teurs étran­­gers dans leur pays res­­pec­­tif (et
réci­­pro­­que­­ment) ;
––dans le second cas, les mul­­tiples offreurs chercheront à dif­­fé­­ren­­cier leur offre ou
à se concen­­trer sur des seg­­ments de clien­­tèle par­­ti­­cu­­liers, dans leur pays comme
dans celui des autres.
Tableau 3.2 – L’inten­­si­­fi­­ca­­tion des échanges intra­branche :
une approche « éclec­­tique »1
Éléments de différenciation Explication des échanges croisés
entre produits
Localisation :
coûts de transport internationaux Différence de dotation de facteurs
Produits < transports interrégionaux entre pays (cf. Heckscher-Ohlin)
fonctionnellement � commerce frontalier
homogènes Disponibilté :
(cf. produits de production saisonnière Idem
consommation standard) import/hiver-export/été
Conditionnement :
Concurrence monopolistique
différencié selon les firmes
Inputs différenciés
utilisation substituable Proportions de facteurs
Produits (cf. bois/acier  meubles)
fonctionnellement
Inputs similaires utilisations Productions liées Proportion des
différenciés
différenciées facteurs Potentiel d’économies
(dans leurs
(cf. dérivés du pétrole) d’échelle
composants/inputs ou dans
leur utilisation) Inputs similaires
Différenciation qualité/style
utilisation substituable
Concurrence monopolistique
(cf. marques de cigarettes)
Substitution progressive de la
Innovation nationale production nationale aux
Produits sur produit importé importations : échanges
technologiques et/ou temporairement croisé
décomposables
(approche Commerce d’exportation et de
néotechnologique) Décomposition réimportation (assemblage,
du processus productif sous-traitance, stockage, etc.)
� avantages comparatifs

J.-P. Lemaire, élaboré à partir de Mucchlelli, op. cit, p. 69-70

L’ouver­­ture accrue – même asymétrique – des fron­­tières, comme les amé­­lio­­ra­­tions


appor­­tées à la logis­­tique inter­­na­­tionale (conte­­neu­­ri­­sa­­tion, ges­­tion auto­­ma­­ti­­sée des
flux…) conduisent désor­­mais à envi­­sa­­ger ces échanges croi­­sés dans une perspec­­tive

1.  Source : éla­­boré à par­­tir de Mucchielli, op. cit, p. 69-70.

184
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

géo­­gra­­phique et sec­­to­­rielle plus large – intra-­zone, mais aussi, inter-­zones, autre­­


ment dit dans un espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion élargi –, du fait,
–– de la mul­­ti­­pli­­cation des Unions doua­­nières et des zones de libre-échange, d’abord ;
––de la flui­­dité accrue des flux d’infor­­ma­­tions, d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments ;
––comme de la levée des obs­­tacles tari­­faires et non tari­­faires inter­­ve­­nant à plus
grande échelle, notam­­ment sous l’égide de l’OMC.
Désor­­mais les évo­­lu­­tions décrites dans le tableau 3.2 se sont mul­­ti­­pliées, accé­­lé­­
rées dans ce cadre élargi, en par­­ti­­cu­­lier pour les biens d’équi­­pe­­ment à rapide obso­­
les­­cence, du sec­­teur élec­­tro­­nique ou auto­­mo­­bile, sachant qu’elles s’étendent déjà
aux sec­­teurs à cycles de vie plus long, comme l’aéro­­nau­­tique (comme le montre
l’exemple ci-­dessous) ou, bien­­tôt, aux trains à grande vitesse1.

Exemple 3.8 – Air­­bus ins­­talle une ligne de pro­­duc­­tion pour la famille des A 320
en Alabama
La nou­­velle est tom­­bée début juillet 2012 : au grand dam de son concur­­rent Boeing, Air­
b­ us a rendu publique sa déci­­sion d’ins­­tal­­ler en Alabama une ligne de mon­­tage de mono­
cou­­loirs de la famille A 320 (A 319S, A 320S et A 321S), les concur­­rents directs de la
famille 737. La déci­­sion apparaît logique, dans la mesure où les ventes mon­­diales d’Air­
­bus repré­­sentent envi­­ron 50 % du mar­­ché des moyens cour­­riers, alors qu’elles ne repré­­
sentent, aux États-­Unis, que 17 %.
Si on ajoute à cela que ce mar­­ché des moyens cour­­riers repré­­sente 70 % des 26 000 appa­
­reils qui seront comman­­dés d’ici à 2030 et, qu’à lui seul, le mar­­ché amé­­ri­­cain « pèsera »
40 % de cette caté­­go­­rie, se rap­­pro­­cher des compa­­gnies aériennes amé­­ri­­caines se jus­­ti­­fie
plei­­ne­­ment ; d’autant qu’il s’agit là d’une exten­­sion de mar­­ché qui four­­nira du tra­­vail aux
usines euro­­péennes du groupe : selon les experts2, la créa­­tion d’un emploi aux États-­Unis
(1 000 sont pré­­vus pour la nou­­velle usine, qui coû­­tera 600 mil­­lions de $), en géné­­rera 13
à 14 en Europe, dont 9 chez les sous-trai­­tants.
Par ailleurs, les coûts de la valeur ajou­­tée appor­­tée par la struc­­ture amé­­ri­­caine seront
libel­­lés en dol­­lar et, donc l’expo­­si­­tion du risque de change du groupe sera allé­­gée
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’autant. Sans par­­ler, comme le décla­­rait Tom Enders, le patron d’Air­­bus, que cet enga­­
ge­­ment s’ins­­crit dans une imbri­­ca­­tion étroite des indus­­tries aéro­­nau­­tiques des deux côtés
de l’Atlan­­tique, éten­­dant la pré­­sence du groupe aux États-­Unis et en Alabama par­­ti­­cu­­liè­
­re­­ment, État où la légis­­la­­tion du tra­­vail n’est pas trop contrai­­gnante : « Nous employons
200 per­­sonnes dans notre centre de recherche de Mobile. Nous avons ouvert un bureau
d’ingé­­nie­­rie à Wichita, au Kansas. Nous ache­­tons pour plus de 11 milliards de dol­­lars par
an aux entre­­prises locales. Nous avons confié à l’amé­­ri­­cain Spirit la concep­­tion d’une
par­­tie clef du fuse­­lage de l’A 350. Nous avons de nom­­breux clients amé­­ri­­cains… » et le
but est de déve­­lop­­per les rela­­tions avec ceux-ci, comme d’en trou­­ver d’autres. D’ailleurs,
depuis qu’en 2004 Eurocopter a implanté une usine au Mississipi, sa part de mar­­ché a
dou­­blé aux États-­Unis, attei­­gnant les 50 %.

1.  Voir J.-F. Dufour, op. cit.


2.  Cf. V. Guillemard, « Air­­bus ins­­talle une usine aux États-­Unis », Le Figaro, 29/6/2012.

185
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

En compa­­rai­­son avec ce pro­­jet, à Air­­bus Tianjin, en Chine, l’assem­­blage a débuté en


2008, mais dans un contexte dif­­fé­­rent. Il s’agit, certes, de se rap­­pro­­cher d’un des mar­­chés
les plus por­­teurs du monde, mais encore à un niveau de matu­­rité tech­­no­­lo­­gique sans
compa­­rai­­son avec celui des États-­Unis, et où le besoin de trans­­fert de tech­­no­­logie est
consi­­dé­­rable. Si, pour l’ins­­tant, les échanges intra-branches entre la Chine sont encore
mesurés, tout laisse à pen­­ser que la situa­­tion sera ame­­née à évo­­luer dans les décen­­nies à
venir1.

2  La remise en cause rela­­tive de la spécialisation inter­­na­­tionale


au niveau des sec­­teurs

Les bases d’une nou­­velle redis­­tri­­bu­­tion de la pro­­duc­­tion au niveau mon­­dial se


dégagent pré­­ci­­sé­­ment à par­­tir de la mobi­­lité des fac­­teurs de pro­­duc­­tion. Plu­­sieurs
ana­­lyses expli­­ca­­tives ou prescriptives en ont été pro­­po­­sées avec, en perspec­­tive, un
renou­­vel­­le­­ment des théo­­ries du déve­­lop­­pe­­ment. Elles peuvent expli­­quer – au moins
en par­­tie – la crois­­sance rapide de nom­­breux pays émergents d’Asie et, à un moindre
titre, d’Amérique latine ; dans cer­­taines acti­­vi­­tés, du moins.
Un pre­­mier modèle, celui de la remon­­tée de filière, repose sur une appro­­pria­­tion
pro­­gres­­sive de la tech­­no­­logie par les indus­­triels locaux – aussi bien indé­­pen­­dants
des orga­­ni­­sa­­tions des pays indus­­tria­­li­­sés, que filialisés ou par­­te­­naires (à tra­­vers des
entre­­prises conjointes) –. Ceux-ci se contentent d’assu­­rer, dans un pre­­mier temps,
les phases ultimes du pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion, avant de remon­­ter pro­­gres­­si­­ve­­ment
vers l’amont de la filière, en maî­­tri­­sant petit à petit l’ensemble des stades de la fabri­
­ca­­tion et de la chaîne de valeur. Une telle évo­­lu­­tion peut ulté­­rieu­­re­­ment per­­mettre à
ces acteurs locaux d’acqué­­rir une capa­­cité à conce­­voir eux-­mêmes de nou­­velles
lignes de pro­­duit.
Envi­­sa­­geable dans les indus­­tries aux tech­­no­­logies rela­­ti­­ve­­ment simples ou bana­­li­
s­ ées et aux pro­­duc­­tions lar­­ge­­ment stan­­dar­­di­­sées, et per­­met­­tant de tirer parti de la
fai­­blesse des coûts de main-­d’œuvre, une telle dyna­­mique est res­­tée long­­temps inac­
­ces­­sible dans les indus­­tries néces­­si­­tant une recherche très déve­­lop­­pée et des inves­­
tis­­se­­ments ini­­tiaux consi­­dé­­rables2.
L’exemple de la Chine et, dans une moindre mesure, celui de l’Inde, mettent en
évi­­dence la mise en place de poli­­tiques déter­­mi­­nées des­­ti­­nées :
––à amé­­lio­­rer de manière priori­­taire l’édu­­ca­­tion, la for­­ma­­tion et la recherche, dans
le but de déve­­lop­­per des capa­­ci­­tés d’inno­­va­­tion auto­­nomes ;

1.  Cf. exemple 3.6 « La construc­­tion aéro­­nau­­tique, un duo­­pole menacé ? »


2.  À noter cepen­­dant que, dès les années 70/80 ; cer­­tains pays, comme le Japon puis les quatre dra­­gons, et, par­
t­i­­cu­­liè­­re­­ment, la Co­rée du Sud, ont mon­­tré la voie aux ECR d’aujourd’hui. (cf. figure 2.1 « La valo­­ri­­sa­­tion tech­­no­
­lo­­gique à la japo­­naise »).

186
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

––à accé­­lé­­rer les trans­­ferts de tech­­no­­logie, à tra­­vers les rela­­tions pas­­sées avec les
four­­nis­­seurs et inves­­tis­­seurs étran­­gers des éco­­no­­mies matures ;
––et, désor­­mais, de plus en plus, à encou­­ra­­ger des « cham­­pions inter­­na­­tionaux1 »,
capables, par eux-­mêmes, de déve­­lop­­per de nou­­velles tech­­no­­logies ou à les acqué­
­rir en pre­­nant le contrôle d’entre­­prises des éco­­no­­mies matures, propres comme
Lenovo ou Geely, à leur four­­nir les savoir-faire leur fai­­sant défaut.

c Repère 3.6
La Chine et l’Inde, un paral­­lé­­lisme décalé
Alors que l’enjeu, pour la Chine de la fin des années 70, a consisté à libé­­rer pro­­gres­­
si­­ve­­ment les prix et à désen­­ga­­ger l’État des acti­­vi­­tés pro­­duc­­tives en « lais­­sant se créer »
un sec­­teur privé jusque-là inexis­­tant, l’enjeu en a été pour l’Inde de s’affran­­chir d’un
sys­­tème bureau­­cra­­tique (éga­­le­­ment d’ins­­pi­­ra­­tion sovié­­tique), ini­­tia­­le­­ment des­­tiné à
assu­­rer une juste répar­­tition des res­­sources dans un pays où le sec­­teur privé s’était
déve­­loppé de longue date2.
En revanche, l’ouver­­ture sur l’exté­­rieur s’est effec­­tuée de façon tout à fait compa­­rable,
en libé­­rali­­sant, dans l’un et l’autre pays – à quelques années d’inter­­valle, sui­­vant des
moda­­li­­tés dif­­fé­­rentes, propres aux dis­­pa­­ri­­tés struc­­tu­­relles entre les deux pays – le
commerce exté­­rieur et en s’ouvrant aux inves­­tis­­se­­ments étran­­gers.
En Chine, cette ouver­­ture s’est prin­­ci­­pa­­le­­ment effec­­tuée par le déman­­tè­­le­­ment du
mono­­pole de l’État sur le commerce exté­­rieur, alors qu’en Inde, l’ouver­­ture s’est
appuyée sur le déman­­tè­­le­­ment des tarifs doua­­niers et des quo­­tas d’impor­­ta­­tion.
Sur le plan moné­­taire, la conver­­ti­­bi­­lité de la Rou­­pie comme du Yuan reste tri­­bu­­taire
d’un contrôle étroit des auto­­ri­­tés moné­­taires des deux pays, depuis long­­temps sou­­
cieuses de les faire évo­­luer en cor­­ré­­la­­tion étroite avec le dol­­lar3, l’Inde se mon­­trant plus
encline à évo­­luer vers une flot­­tai­­son sur les mar­­chés de change, tan­­dis que la Chine ne
laisse que très len­­te­­ment et de manière très contrô­­lée sa mon­­naie s’appré­­cier, en par­­
ti­­cu­­lier par rap­­port aux devises des éco­­no­­mies matures4. De manière plus contras­­tée,
la Chine a auto­­risé plus vite (après une très longue période de « par­­te­­na­­riat obligé » ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

for­­mule qui reste d’ailleurs domi­­nante) tous les types de mon­­tage en matière d’implan­
­ta­­tion étran­­gère (jus­­qu’aux filiales à 100 %), que l’Inde, qui a long­­temps limité la par­
­ti­­cipation étran­­gère à 51  % dans de nom­­breux sec­­teurs  ; quand elle ne les a pas
main­­te­­nus fer­­més, comme la grande dis­­tri­­bu­­tion. Der­­nier point clé, dans ce domaine :
le cadre juri­­dique, est plus ras­­surant pour l’inves­­tis­­seur étran­­ger en Inde, mal­­gré ses
lour­­deurs admi­­nis­­tra­­tives, qui se comparent favo­­ra­­ble­­ment au vide juri­­dique chi­­nois
qui tarde à se combler.

1.  Voir chapitre 4, sec­­tion 2 « Les déter­­mi­­nants de l’interrnationalisation des orga­­ni­­sa­­tions ».


2.  Martin J.-L., « Chine et Inde : quelles perspec­­tives de crois­­sance ? », Moci, numéro spé­­cial, Risques pays,
16-22 jan­­vier 1997.
3.  « Offi­­ciel­­le­­ment ou non, le yuan reste collé au dol­­lar », Chal­­lenge, 15/10/2009.
4.  « China policy : Yuanimpressed », The Economist, 3/7/2010.

187
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Sur le plan du risque, en dépit d’une nou­­velle orien­­ta­­tion libé­­rale offi­­ciel­­le­­ment reven­­di­
­quée par le gou­­ver­­ne­­ment Rao, au début des années 1990, face à la conti­­nuité socia­­liste
affi­­chée par les diri­­geants chi­­nois, le « risque » indien est long­­temps apparu sen­­si­­ble­­ment
plus élevé que le risque chi­­nois. En Inde, la vie poli­­tique, très agi­­tée, par­­fois vio­­lente, a
conduit à le sur­­es­­ti­­mer quelque peu ; mais d’autres fac­­teurs, comme le niveau plus faible
de l’épargne et son uti­­li­­sation priori­­taire au finan­­ce­­ment d’un défi­­cit bud­­gé­­taire et d’une
dette publique impor­­tants, ont long­­temps obéré la crois­­sance du pays, compa­­ra­­ti­­ve­­ment
à celle de son grand voi­­sin1. Désor­­mais, cepen­­dant, la situa­­tion s’est amé­­lio­­rée et les
inves­­tis­­se­­ments étran­­gers en Inde se sont très sen­­si­­ble­­ment déve­­lop­­pés2.
Au-delà de ces dif­­fé­­rences de forme, de rythme et d’envi­­ron­­ne­­ment poli­­tique, pour l’un
comme pour l’autre, le lien entre expor­­ta­­tion et crois­­sance s’éta­­blit à trois niveaux :
––au niveau de l’avan­­tage compé­­titif que consti­­tue, dans les deux pays, le bas coût de
la main-d’œuvre qui per­­met, par la simple réorien­­ta­­tion de l’inves­­tis­­se­­ment vers les
sec­­teurs expor­­ta­­teurs, d’amé­­lio­­rer la pro­­duc­­ti­­vité du capi­­tal ;
––au niveau du desserrement de la contrainte exté­­rieure, c’est-­à-dire de la levée d’un
cer­­tain nombre d’obs­­tacles aux impor­­ta­­tions de biens d’équi­­pe­­ment, qui encou­­rage
la crois­­sance des expor­­ta­­tions ;
––au niveau de la confron­­ta­­tion des entre­­prises à la concur­­rence inter­­na­­tionale, ce qui
sti­­mule le pro­­grès de ces der­­nières en matière de pro­­duc­­ti­­vité et la mon­­tée en puis­­
sance de « cham­­pions inter­­na­­tionaux » issus de ces deux pays.
Ces conver­­gences ne signi­­fient pas, pour autant, que la Chine et l’Inde en sont au
même point dans leur pro­­ces­­sus de déve­­lop­­pe­­ment et dans leur inser­­tion dans
l’échange inter­­na­­tional : même si l’Inde, plus tar­­di­­ve­­ment ouverte, a sen­­si­­ble­­ment pro­
­gressé depuis 2003-2004, elle reste sur­­clas­­sée par la Chine, tant pour le volume de ses
expor­­ta­­tions que pour les inves­­tis­­se­­ments étran­­gers qu’elle attire. Pour autant, l’Inde a
sen­­si­­ble­­ment amé­­lioré sa posi­­tion, sur un mode moins struc­­turé que la Chine, en dépit
des dis­­pa­­ri­­tés consi­­dé­­rables d’un État à l’autre et de la fai­­blesse rela­­tive de ses auto­­ri­­tés
fédé­­rales. Elle ferait presque figure, du fait de sa moindre dépen­­dance de l’exté­­rieur,
par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment depuis la crise mon­­diale, de foyer de sta­­bi­­lité au regard du reste de
l’Asie, avec des taux de crois­­sance qui tendent à rejoindre ceux de son dyna­­mique
voi­­sin, contraint désor­­mais de réajus­­ter son modèle de déve­­lop­­pe­­ment à une nou­­velle
donne inter­­na­­tionale qui la force, à son tour, à recher­­cher sur son propre ter­­ri­­toire les
relais de crois­­sance qui lui sont néces­­saires pour les main­­te­­nir3.

1.  Si le risque pays en Chine reste faible, selon la Co­face, les col­­lec­­ti­­vi­­tés locales chi­­noises, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
endet­­tées, et des PME qui repré­­sentent plus de 60 % de l’acti­­vité pro­­duc­­tive, sont à sur­­veiller, devant faire face, tout
à la fois, à des pres­­sions sala­­riales fortes, à l’appré­­cia­­tion du yuan et et à des pro­­blèmes d’accès au finan­­ce­­ment. En
Inde éga­­le­­ment, l’endet­­te­­ment crois­­sant des entre­­prises pri­­vées est cou­­plé à un pro­­blème de gou­­ver­­nance induit par
des pro­­blèmes de cor­­rup­­tion. Mais, si la qua­­lité de l’envi­­ron­­ne­­ment des affaires en souffre, l’Inde affiche un risque
pays rela­­ti­­ve­­ment faible (cf. col­­loque Co­face risque pays, 16/1/2012). Voir aussi Chapitre 2, sec­­tion 2, Repère 2.5.
Easyness of doing busi­­ness in In­dia.
2.  Cf. figure 1.2 « Économies matures et émergentes ».
3.  « L’Asie dans la tem­­pête glo­­bale », sous la direc­­tion de T. de Montbrial et de P. Moreau Defarges, Ramses
2010, Ifri, Dunod, 2009.

188
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

Cette approche est à mettre en rela­­tion avec cer­­taines poli­­tiques d’indus­­tria­­li­­sa­­


tion1 mises en œuvre dans bon nombre de pays en déve­­lop­­pe­­ment au cours des
années 1950 et 1960. Ces poli­­tiques d’indus­­tria­­li­­sa­­tion visaient, dans la plu­­part des
cas, à res­treindre les impor­­ta­­tions, et dans un nombre plus limité de cas, à déve­­lop­­
per les expor­­ta­­tions :
• La pre­­mière orien­­ta­­tion, l’indus­­tria­­li­­sa­­tion en sub­­sti­­tution des impor­­ta­­tions,
consis­­tait à assu­­rer, dans un pre­­mier temps, comme en Amérique Latine, les stades
ultimes de la fabri­­ca­­tion, comme la trans­­for­­ma­­tion ali­­men­­taire ou l’assem­­blage
auto­­mo­­bile, pour s’atta­­quer, dans un second temps, aux fabri­­ca­­tions inter­­mé­­
diaires, comme les compo­­sants auto­­mo­­biles. Dans les faits, le pro­­ces­­sus a fonc­­
tionné plus faci­­le­­ment dans les plus grands de ces pays, dans la mesure où,
structurellement, les plus petits sont plus dépen­­dants de l’exté­­rieur. Par ailleurs, le
pro­­tec­­tion­­nisme des­­tiné à pro­­té­­ger ces indus­­tries, ainsi que la taille trop faible des
mar­­chés inté­­rieurs, n’ont pas per­­mis, alors, dans un cer­­tain nombre de cas,
d’atteindre un niveau d’effi­­cience propre à leur per­­mettre de s’ali­­gner sur les stan­
­dards inter­­na­­tionaux.
• La seconde orien­­ta­­tion, l’indus­­tria­­li­­sa­­tion par les expor­­ta­­tions, rete­­nue en par­­ti­
­cu­­lier par les fameux Quatre dra­­gons2, s’est ins­­crite dans des sys­­tèmes
d’allégement de leurs pro­­tec­­tions par les éco­­no­­mies matures, dans les filières tex­
­tiles, élec­­tro­­niques, etc. Mais ils ne peuvent, à eux seuls, expli­­quer leur inser­­tion
spec­­ta­­cu­­laire dans l’échange inter­­na­­tional. D’autres fac­­teurs, à carac­­tère socio-­
économique et cultu­­rel ou même poli­­tique3 devraient légi­­ti­­me­­ment être pris en
compte.
Un second modèle, plus large, intègre les dif­­fé­­rents types de pro­­duc­­tion – biens de
consom­­ma­­tion et biens d’équi­­pe­­ment –  : le «  déve­­lop­­pe­­ment en vol d’oies sau­­
vages », conçu dès 1935 par un éco­­no­­miste japo­­nais, K. Akamatsu, qui envi­­sa­­geait
un déve­­lop­­pe­­ment en phases suc­­ces­­sives (cf. figure 3.6).
Au cours de la phase de déve­­lop­­pe­­ment ini­­tial, les seules expor­­ta­­tions portent sur
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

les matières pre­­mières pro­­duites dans le pays, en vue d’acqué­­rir en contre­­par­­tie les
pro­­duits finis manu­­fac­­tu­­rés en pro­­ve­­nance des pays indus­­tria­­li­­sés.

1.  Krugman P.-R., Obstfeld M., in : Éco­­no­­mie inter­­na­­tionale, Pearson, 2006 , « La poli­­tique commer­­ciale dans
les pays en déve­­lop­­pe­­ment ».
2.  Sui­­vant le modèle du Japon de remon­­tée filière et de déve­­lop­­pe­­ment « en vol d’oies sau­­vages » (cf. figure 3.6.
Le déve­­lop­­pe­­ment « en vol d’oies sau­­vages » d’Akamatsu, la Co­rée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan ont
rapi­­de­­ment atteint un niveau de déve­­lop­­pe­­ment qui les situe au niveau des éco­­no­­mies les plus déve­­lop­­pées.
3.  Cf. figure 1.5 « Le Dia­­mant de Por­­ter ».

189
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Volume

Biens de consommation Biens d’équipement

Importations

Production
Importations Production

Exportations
Exportations
Temps

Phase dite « sous-développée » Phase dite « de développement avancé »

« Les oies sauvages vont en automne au Japon, en provenance de la Sibérie où elles retoument
au printemps, et elles volent selon des formes en V inversées, qui se recouvrent en partie. »

Figure 3.6 Le déve­­lop­­pe­­ment en « vol d’oies sau­­vages » d’Akamatsu1

La crois­­sance locale per­­met alors d’élar­­gir la demande de pro­­duits finis et de réa­


l­i­­ser loca­­le­­ment les der­­nières phases du pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion dont la pro­­duc­­tion
natio­­nale tend pro­­gres­­si­­ve­­ment à se sub­­sti­­tuer aux impor­­ta­­tions. En revanche, les
impor­­ta­­tions de biens d’équi­­pe­­ment se déve­­loppent pour confor­­ter l’indus­­tria­­li­­sa­­
tion. La «  remon­­tée de filière  » se pour­­suit alors dans le pays jus­­qu’à ce que ses
indus­­triels soient en mesure de maî­­tri­­ser de manière auto­nome l’ensemble du pro­­
ces­­sus de fabri­­ca­­tion jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de conce­­voir, déve­­lop­­per et
fabri­­quer inté­­gra­­le­­ment leurs propres pro­­duits.
Les échanges avec les pays limi­­trophes se déve­­loppent – expor­­ta­­tions de biens de
consom­­ma­­tion et impor­­ta­­tions de matières pre­­mières –, alors que démarre la pro­­duc­­
tion de biens d’équi­­pe­­ment des­­ti­­nés à être, eux-­mêmes, expor­­tés ulté­­rieu­­re­­ment2.

1.  Source : K. Akamatsu, “A Historical Pat­­tern of Economic Growth in Developing Economies”, The Developing
Economies, Preliminary Issue, No. 1, March-­August. 1962;
2.  Le sec­­teur auto­­mo­­bile japo­­nais four­­nit un bon exemple de ce double phé­­no­­mène de « remon­­tée de filière » :
dans un pre­­mier temps, les indus­­triels japo­­nais ont été en mesure d’assu­­rer sur place l’ensemble du pro­­ces­­sus dc
pro­­duc­­tion, puis de conce­­voir et de fabri­­quer leurs propres modèles. Ils ont, pro­­gres­­si­­ve­­ment, appli­­qué la même
démarche aux équi­­pe­­ments des­­ti­­nés à équi­­per les chaines de pro­­duc­­tion, deve­­nant même lea­­ders tech­­no­­lo­­giques
dans ce domaine, en par­­ti­­cu­­lier en matière de robo­­ti­­sation des chaînes de pro­­duc­­tion ; sans par­­ler de leur capa­­cité
à créer une réfé­­rence mon­­diale en termes de sys­­tème de pro­­duc­­tion, pour le sec­­teur auto­­mo­­bile (et d’autres sec­­teurs
indus­­triels qui s’en sont ins­­pi­­rés), le Toyota Pro­­duc­­tion System (TPS).

190
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

À la lumière de l’évo­­lu­­tion du Japon et des «  dra­­gons  » du Sud-Est asia­­tique,


comme des muta­­tions plus récentes de la Chine et de l’Inde, comme d’un cer­­tain
nombre de pays de cette zone, la dyna­­mique, ana­­ly­­sée de façon lar­­ge­­ment pré­­mo­­ni­
­toire par Akamatsu, s’est élar­­gie aux éco­­no­­mies à crois­­sance rapide qui se dis­­
tinguent de l’ensemble des pays émergents, mais dont le nombre ne cesse de
s’accroître. L’avance tech­­no­­lo­­gique s’est, d’ailleurs, logi­­que­­ment, trou­­vée inver­­sée
dans un cer­­tain nombre de sec­­teurs dans les­­quelles leurs acteurs ont su prendre de
l’avance par rap­­port à ceux des éco­­no­­mies matures.

Exemple 3.9 – L’Europe peut-elle pas­­ser à côté de la révo­­lu­­tion de l’éclai­­rage ?


Long­­temps les lampes à incan­­des­­cence ont régné sans par­­tage sur le sec­­teur de l’éclai­­
rage, jus­­qu’à ce que la nou­­velle tech­­no­­logie des diodes électroluminescentes (LED) et
les nou­­velles règles d’éco­­no­­mie d’éner­­gie remettent en cause cette pré­­do­­mi­­nance et, du
même coup, celle des Philips, Sie­­mens ou Osram, les lea­­ders tra­­di­­tion­­nels, désor­­mais
obli­­gés de réduire leurs capa­­ci­­tés, Bruxelles impo­­sant un retrait pro­­gres­­sif des lampes à
incan­­des­­cence. Bien que plus coû­­teuses à l’achat, les LED sont, en effet, d’une durée de
vie très sen­­si­­ble­­ment plus longue et plus éco­­nomes en éner­­gie.
Mais alors, pour­­quoi les grands indus­­triels euro­­péens du sec­­teur ne pour­­raient-ils pas,
tout sim­­ple­­ment sub­­sti­­tuer une tech­­no­­logie à l’autre ? C’est que les LED, dont les normes
tardent à se mettre en place, sont encore tri­­bu­­taires d’impor­­tants pro­­blèmes de qua­­lité.
De plus, leurs compo­­sants essen­­tiels sont les semi-conduc­­teurs dont la pro­­duc­­tion a
migré de longue date en Asie et mobi­­lisent des pro­­ces­­sus de fabri­­ca­­tion très dif­­fé­­rents de
ceux des lampes à incan­­des­­cence. Rien d’éton­­nant à ce que les lea­­ders de cette nou­­velle
géné­­ra­­tion d’éclai­­rages soient chi­­nois, coréens ou japo­­nais, dis­­po­­sant d’une avance liée
à leurs coûts moindres et à leur maî­­trise tech­­no­­lo­­gique, incontour­­nable, du moins dans la
pro­­duc­­tion de masse.
Est-ce à dire que le Vieux Continent n’a défi­­ni­­ti­­ve­­ment plus son mot à dire ? Ses indus­­
triels n’ont, en effet, pas perdu leur capa­­cité d’inno­­va­­tion dans ce domaine encore
émergent, et, par ailleurs, le han­­di­­cap de coûts de fabri­­ca­­tion plus éle­­vés est limité par le
haut niveau d’auto­­ma­­ti­­sation des opé­­ra­­tions d’assem­­blage des éclai­­rages LED, comme
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

par les coûts logis­­tiques. L’exemple d’Havells Sylvania, entre­­prise d’ori­­gine indienne,
qui emploie 250 per­­sonnes dans son unité de pro­­duc­­tion belge est, à ce titre révé­­la­­teur :
elle y trouve son compte en matière de réduc­­tion de son besoin en fonds de rou­­le­­ment ;
un pro­­duit asia­­tique met en effet, en dépit des pro­­grès de la logis­­tique, cinq à six semaines
pour atteindre l’Europe.
La riposte tech­­no­­lo­­gique euro­­péenne sur les pro­­duits de masse s’orga­­nise d’ailleurs, avec
l’aide des auto­­ri­­tés de Bruxelles, à l’image de ce qui s’observe déjà en Asie et aux États-
­Unis où les pou­­voirs publics ont à cœur de sou­­te­­nir l’éclai­­rage LED. Des places sont
d’ailleurs, d’ores et déjà à prendre dans le « sur-mesure » pour les Euro­­péens, jus­­ti­­fiant
une nou­­velle « divi­­sion inter­­na­­tionale du tra­­vail1 » : si, « pour un pro­­duit simple, comme
un ruban lumi­­neux pour les maga­­sins, les semi-conduc­­teurs viennent de Co­rée et du

1.  Voir, supra , chapitre 1, 1.2.1. Le renou­­vel­­le­­ment des theories de l’échange inter­­na­­tional et la remise en cause
rela­­tive de la specialization inter­­na­­tional.

191
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Japon, les LED sont mon­­tés en cir­­cuit en Asie, et les pro­­fi­­lés d’alu­­mi­­nium sont fabri­­qués
en Turquie. Sur les briques de verre éclai­­rées, plus haut de gamme, la connectique et les
câbles viennent du Mexique la carte LED est ache­­tée à Taiwan, et le tout est assem­­blé à
Vendôme en France. La salle de récep­­tion de l’émir d’Abou Dabi, peu sen­­sible au prix,
l’éclai­­rage est entiè­­re­­ment [si on peut dire] Made in France1 ».

Cepen­­dant, il est dif­­fi­­cile de consi­­dé­­rer cet enchaî­­ne­­ment de phases comme le


résul­­tat d’une évo­­lu­­tion spon­­ta­­née, sans déca­­lage avec les prin­­cipes libé­­raux qui
servent de toile de fond aux théo­­ries du commerce inter­­na­­tional. De fait, il est dif­­fi­
­cile d’ima­­gi­­ner de tels déve­­lop­­pe­­ments pour de telles acti­­vi­­tés, sans appuis spé­­ci­­
fiques de l’État, rele­­vant des diverses formes de pro­­tec­­tion­­nisme – pas­­sives
(tari­­faires) ou actives (sub­­ven­­tions) –.
Le déve­­lop­­pe­­ment des «  indus­­tries nais­­santes  » ainsi que, dans une cer­­taine
mesure, la sur­­vie des «  indus­­tries vieillis­­santes  » ont d’ailleurs, à ce titre, tout
comme le sou­­tien des « cham­­pions inter­­na­­tionaux », sus­­cité une nou­­velle approche
théo­­rique, pro­­cé­­dant d’une logique inter­­ven­­tion­­niste, en claire contra­­dic­­tion avec le
libé­­ralisme ambiant (cf. cha­­pitre 4, sec­­tion 2).
Il fau­­drait en défi­­ni­­tive, en les consi­­dé­­rant comme encore valables dans cer­­taines
par­­ties du monde, par exemple les ter­­ri­­toires imma­­tures iden­­ti­­fiés au cha­­pitre pré­­cé­
­dent avec le modèle «  4 x i  », dépas­­ser ces théo­­ries du commerce inter­­na­­tionale
d’ins­­pi­­ra­­tion libé­­rale, du moins pour cer­­tains pays et pour cer­­tains sec­­teurs, comme
en atteste l’exemple ci-­dessous.

Exemple 3.10 – Peut-­on rapa­­trier la fabri­­ca­­tion des iPhones de Chine aux États-­Unis


et y faire reve­­nir les emplois ?
C’était la ques­­tion posée en février 2011 par le pré­­sident Obama à Steve Jobs, encore de
son vivant, lors d’un dîner privé, rap­­portée un an après par le New York Times ; à cette
ques­­tion, le fon­­da­­teur d’Apple avait répondu sans hési­­ta­­tion  : «  Ils ne revien­­dront
jamais ! ».
Et d’expli­­quer, que 40 % de la pro­­duc­­tion mon­­diale de pro­­duits high-tech était désor­­mais
concen­­trée, près de Shenzen, tout près de Hong Kong, dans la ville de Foxconn où
250 000 per­­sonnes tra­­vaillent six jours par semaine, 12 heur­es par jour, avec une flexi­­bi­
­lité abso­­lue, une très large inter­­chan­­gea­­bi­­lité des usines mobi­­li­­sables et une capa­­cité à
répondre aux demandes des don­­neurs d’ordre quasi immé­­diate.
À telle enseigne que lorsque l’iPhone a été lancé, 200 000 opé­­ra­­teurs, enca­­drés par près
de 9 000 ingé­­nieurs étaient à pied d’œuvre, en quinze jours, pour démar­­rer le pro­­ces­­sus
de pro­­duc­­tion. Aux États-­Unis, selon Steve Jobs, de telles infra­­struc­­tures n’existent plus
et – auraient-elles existé –, il aurait fallu plus de neuf mois pour ras­­sem­­bler les per­­son­­
nels, for­­mer les équipes et lan­­cer la fabri­­ca­­tion !

1.  I. François-­Feusrtein, « Les fabri­­cants de LED veulent plus de sou­­tien de Bruxelles » Les Échos, 29/2/2012.

192
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

L’inno­­va­­tion ne suf­­fit plus pour s’assu­­rer d’un délai de lan­­ce­­ment satis­­faisant, c’est-à-
dire le plus court pos­­sible pour prendre posi­­tion sur une nou­­velle tech­­no­­logie ou impo­­ser
un nou­­veau pro­­duit : le time to market, dépend aussi de nou­­veaux savoir-faire et de condi­
­tions d’orga­­ni­­sa­­tion du tra­­vail bien spé­­ci­­fiques, que sont sus­­cep­­tibles d’offrir cer­­tains
ter­­ri­­toires pour cer­­taines acti­­vi­­tés. Indé­­pen­­dam­­ment des condi­­tions de tra­­vail qui ne
rentrent guère dans les normes pra­­ti­­quées chez les don­­neurs d’ordre et qui évo­­lue­­ront
sans doute dans le futur comme il res­­sort des mou­­ve­­ments sociaux qui commencent à se
faire jour en Chine. Ce sont des compé­­tences par­­ti­­cu­­lières, des avan­­tages compé­­titifs
uniques dans le domaine de l’orga­­ni­­sa­­tion et de la réac­­ti­­vité qui sont ainsi dis­­po­­nibles et
qui ne laissent rien augu­­rer de bon de la réindustrialisassion des éco­­no­­mies matures ;
dans cer­­tains sec­­teurs, du moins.

Les rela­­tions intra-­branche et, de plus en plus, inter-­zones, dans une acti­­vité (un
sec­­teur ou une indus­­trie), remettent en cause les sché­­mas tra­­di­­tion­­nels de la spé­­cia­
­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale pour faire décou­­vrir, au-­delà d’une cer­­taine déspécialisation
entre éco­­no­­mies matures et éco­­no­­mies émergentes, un nou­­veau type de spé­­cia­­li­­sa­­
tion. Celle-­ci n’oppose plus, dans cer­­tains sec­­teurs du moins, acti­­vi­­tés de concep­­
tion et de pilo­­tage (loca­­li­­sées dans les éco­­no­­mies matures) aux acti­­vi­­tés d’exé­­cu­­tion
(loca­­li­­sées dans les éco­­no­­mies émergentes), mais donne aux acteurs des pays
émergents, à cer­­tains stades de la chaîne de valeur, la complète maî­­trise de savoir-
­faire deve­­nus indis­­pen­­sables, lorsque ce n’est pas la maî­­trise complète de la chaîne
de valeur du sec­­teur qu’ils réus­­sissent désor­­mais, de plus en plus sou­­vent, à acqué­
­rir pour par­­ve­­nir à devan­­cer les acteurs domi­­nants tra­­di­­tion­­nels du sec­­teur.
C’est ce que vise à déga­­ger l’approche des enjeux sec­­to­­riels dans les espaces de
réfé­­rence ou d’expan­­sion « géo-­sectoriels », croi­­sant la dimen­­sion géo­­gra­­phique et
la dimen­­sion sec­­to­­rielle, que les orga­­ni­­sa­­tions qui y sont enga­­gées doivent simul­­ta­­
né­­ment prendre en compte pour défi­­nir leurs orien­­ta­­tions stra­­té­­giques avant de les
mettre en œuvre.
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Les enjeux de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Section
3 pour les acteurs et les par­­ties pre­­nantes
des sec­­teurs
Les dif­­fé­­rentes trans­­for­­ma­­tions obser­­vées, tant au niveau de la dyna­­mique des
ter­­ri­­toires (cha­­pitre 2) que de la dyna­­mique des acti­­vi­­tés (le présent cha­­pitre) font
de l’approche géo-sec­­to­­rielle, l’approche à pri­­vi­­lé­­gier pour mieux cer­­ner la dyna­­
mique des orga­­ni­­sa­­tions.
En effet, le carac­­tère très hété­­ro­­gène de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale (cha­­pitre 1),
abou­­tis­­sant à un décloisonnement plus qu’à une har­­mo­­ni­­sa­­tion des espaces, sans
pour autant dénier le mou­­ve­­ment de conver­­gence indé­­niable qui se des­­sine aussi

193
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

bien entre ter­­ri­­toires qu’acti­­vi­­tés, conduit, sur un plan opé­­ra­­tion­­nel, à ana­­ly­­ser les
enjeux de l’envi­­ron­­ne­­ment, en croi­­sant, pour chaque orga­­ni­­sa­­tion envi­­sa­­geant son
déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, les deux dimen­­sions, géo­­gra­­phique et sec­­to­­rielle, au
niveau d’approche appro­­prié pour elle, tant pour ce qui concerne :
––sa taille, son expé­­rience, la transposabilité de ses atouts hors fron­­tières et ses res­­
sources lui per­­mettent1;
––le degré de globalisation du sec­­teur auquel elle appar­­tient, la struc­­ture – plus ou
moins oligo­­polis­­tique – qui le carac­­té­­rise, et les rela­­tions intra-sec­­to­­rielles qu’on
y observe ;
––les compor­­te­­ments des auto­­ri­­tés et des ins­­ti­­tutions dans les dif­­fé­­rents ter­­ri­­toires,
aussi bien pour l’accueil qu’ils peuvent réser­­ver aux acteurs étran­­gers que pour le
sup­­port qu’ils offrent aux acteurs issus de leur espace éco­­no­­mique.
À ce titre, l’approche géo-sec­­to­­rielle, doit être faite, selon la pos­­ture, « tous azi­­
muts  » ou plus ou moins «  foca­­li­­sée  » rete­­nue, que l’on pour­­rait illus­­trer, par
l’exemple des acti­­vi­­tés évo­­quées dans les déve­­lop­­pe­­ments qui pré­­cèdent :
––l’aéro­­nau­­tique, en se pla­­çant dans une perspec­­tive «  tous azi­­muts  », face aux
trans­­for­­ma­­tions qui sont inter­­ve­­nues au cours de la période récente, du point de
vue des deux lea­­ders du mar­­ché mon­­dial des moyens (et gros) por­­teurs, jus­­qu’à
présent duo­­pole, mais, aussi de celui des chal­­len­­gers, cana­­dien, bré­­si­­lien et, plus
par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, russes et chi­­nois, déjà prêts à contester leur supré­­ma­­tie ;
––la télé­­pho­­nie mobile, en se pla­­çant dans une perspec­­tive « foca­­li­­sée », dans une
zone géo­­gra­­phique à fort poten­­tiel, comme la Chine, en adop­­tant le point de vue
des acteurs étran­­gers majeurs – Samsung, Nokia, LG… – et des « locaux » – ZTE
et Huawei2 – qui y opèrent.
C’est la démarche « tous azi­­muts » que l’on pri­­vi­­lé­­giera ici, sachant qu’elle pourra
être, ensuite, décli­­née, en fonc­­tion des orien­­ta­­tions géo-sec­­to­­rielles priori­­taires qui
en res­­sor­­ti­­ront, en une ou plu­­sieurs démarches «  foca­­li­­sées  », uti­­li­­sant le même
cadre, mais appli­­quée à un espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion plus res­treint, mais
pré­­sen­­tant des carac­­té­­ris­­tiques spé­­ci­­fiques plus homo­­gènes qui déter­­mi­­ne­­ront des
conclu­­sions plus pré­­cises et plus adap­­tées à son envi­­ron­­ne­­ment.

1  L’iden­­ti­­fi­­cation des pres­­sions externes dans un espace de réfé­­


rence géo-sec­­to­­riel mon­­dial

Dans une perspec­­tive « tous azi­­muts », qui se jus­­ti­­fie pour l’ana­­lyse des trans­­for­­
ma­­tions et de la dyna­­mique d’activités « à dominante globale », il convient d’appré­

1.  Voir cha­­pitre 4 sec­­tion 1 et, particluièrement, le repère 4.1 « La théo­­rie OLI ».
2.  Que nous retrou­­verons comme cas intro­­duc­­tif du chapitre 4 et dont les élé­­ments pour­­ront ser­­vir à struc­­tu­­rer
une démarche iden­­tique , « tous azi­­muts » ou « foca­­li­­sée »…

194
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

c­ ier leurs lignes de force et leurs muta­­tions en cours ou en ges­­ta­­tion, avant d’en
mesu­­rer les enjeux consé­­cu­­tifs pour les dif­­fé­­rents types d’acteurs qui y opèrent.
Ce qui mobi­­lise les deux pre­­miers niveaux du modèle PREST, à la fois :
––pour faire res­­sor­­tir les pres­­sions externes (niveau 1) – politico-réglementaire, éco­
­no­­miques et sociales, tech­­no­­lo­­giques – qui s’appliquent au sec­­teur dans l’espace
de réfé­­rence – mon­­dial, en l’occur­­rence –, en fai­­sant res­­sortir les prin­­ci­­paux élé­­
ments conver­­gents, mais aussi divergents, qui les carac­­té­­risent ;
––pour en déduire les enjeux sec­­to­­riels (niveau 2) – adap­­ta­­tion, re­déploie­­ment,
concur­­rence – aux­­quels l’ensemble des acteurs du sec­­teur se trouvent actuel­­le­­ment
et se trou­­veront confron­­tés dans les années à venir, aux­­quels ils devront répondre
selon les moyens res­­pec­­tifs dont ils dis­­posent.
Une telle démarche « tous azi­­muts », pour un sec­­teur déter­­miné, pourra se révé­­ler
utile aux orga­­ni­­sa­­tions à dif­­fé­­rents niveaux d’inter­­na­­tiona­­li­­sation – du glo­­bal au
régio­­nal (au sens d’un groupe de pays, et, même, de pays de proxi­­mité) :
• Elle pourra s’appli­­quer, comme ici, à des orga­­ni­­sa­­tions (lea­­ders ou chal­­len­­gers)
qui se posi­­tionnent d’emblée ou sou­­haitent se posi­­tion­­ner sur un mar­­ché glo­­bal,
comme celui de l’aéronautique commerciale, et par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, du mar­­ché très
convoité et en évo­­lu­­tion rapide des moyens cour­­riers.
–– Pour les acteurs qui y opèrent, comme Air­­bus, c’est une ana­­lyse indis­­pen­­sable qui doit
être constam­­ment remise à jour, en fonc­­tion des évé­­ne­­ments mar­­quants (commandes
pas­­sées lors d’un salon inter­­na­­tional, ou pour véri­­fier que telle ou telle hypo­­thèse
d’évo­­lu­­tion se véri­­fie ou non dans les délais d’occur­­rence que l’on aurait fixé (cf. crois­
­sance ou décrois­­sance de la demande inter­­na­­tionale, évo­­lu­­tion des prix des hydro­­car­­
bures, évo­­lu­­tion des taux de change, entrée d’un nou­­veau concur­­rent…).
––Cela ne pré­­sume pas, comme cela vient d’être indi­­qué, de la néces­­sité de déve­­lop­
­per, au-­delà de cette approche « tous azi­­muts » une approche « foca­­li­­sée » sur un
espace de réfé­­rence plus res­treint : un grand pays, comme les États-­Unis, la Chine
ou le Bré­­sil, une zone, l’Asie du Sud Est, le Moyen-Orient… ou un pays clé,
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comme Dubaï1.
• Elle pour­­rait aussi s’appli­­quer, à des orga­­ni­­sa­­tions de taille plus modeste, qui
cherchent à déter­­mi­­ner leurs priori­­tés dans un espace d’expan­­sion plus res­treint,
dans lequel elles envi­­sagent de se déployer, à court ou plus long terme. Des entre­
­prises moyennes, comme des PME, opé­­rant dans une acti­­vité mixte, voir locale
(avec un espace de réfé­­rence de proxi­­mité) pour­­ront y avoir recours. Ce sera le cas
pour des orga­­ni­­sa­­tions de taille modeste, dans des acti­­vi­­tés pré­­sen­­tant peu de
carac­­té­­ris­­tiques glo­­bales, comme la Cimen­­te­­rie Natio­­nale2, entreprise familiale,

1.  Où se situe le siège d’Emirates, avec, à proxi­­mité immé­­diate, Etihad à Abou Dhabi et Qatar Airways à
Doha.
2.  Cas « La Cimen­­te­­rie Natio­­nale (Liban) », J.-P. Lemaire, disponible dans sa version développée en français et
en anglais à la Centrale des cas et des données pédagogiques, parution prévue en 2013.

195
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

située au nord du Liban, dont le site unique de pro­­duc­­tion, quoique bien situé, ne
peut envi­­sa­­ger a priori qu’un espace d’expan­­sion res­treint, acces­­sible par le réseau
auto­­rou­­tier régio­­nal ou par le port en eau pro­­fonde dont elle dis­­pose. L’approche
« tous azi­­muts » ne concer­­nera donc, en dehors de des­­ti­­nations occa­­sion­­nelles plus
loin­­taines, qu’une zone de proxi­­mité ne cou­­vrant, en plus du Liban, que quelques
pays proches, que l’insta­­bi­­lité régio­­nale, éco­­no­­mique et, sur­­tout, poli­­tique,
comman­­dera de reconsi­­dérer en per­­ma­­nence pour redé­­fi­­nir les cibles géo­­gra­­
phiques et les modes d’approche à pri­­vi­­lé­­gier.

Exemple 3.11 – Les pres­­sions externes s’appli­­quant au sec­­teur mondial des avions


moyen cour­­rier
En se repor­­tant, notam­­ment, aux élé­­ments des­­crip­­tifs de cette acti­­vité, pré­­cé­­dem­­ment
pré­­sen­­tés1, il res­­sort que les pres­­sions externes qui déter­­minent ses muta­­tions internes,
sont, toutes, extrê­­me­­ment fortes :
–– Les pres­­sions politico-­réglementaires carac­­té­­ri­­sées par la libé­­rali­­sa­­tion du trans­­port
aérien, depuis les années 1980 a aug­­menté dans des pro­­por­­tions sans pré­­cé­­dent, la
demande et, donc, le besoin d’aéro­­nefs. Ce qui n’a pas empê­­ché la poli­­tique commer­
­ciale stra­­té­­gique de trouver dans ce sec­­teur un champ d’appli­­ca­­tion pri­­vi­­lé­­gié, à tous
points de vue, puisque les indus­­triels du sec­­teur ont tous béné­­fi­­cié du sou­­tien des auto­
­ri­­tés de leur pays d’ori­­gine, non seule­­ment dans les deux zones ou pays d’ori­­gine des
lea­­ders du duo­­pole, les États-­Unis et l’Europe, mais aussi dans les pays des chal­­len­­
gers, se tra­­dui­­sant :
––par toute une série de sou­­tiens, de la part des orga­­nismes publics de recherche, par
des sub­­ven­­tions natio­­nales, régio­­nales, sec­­to­­rielles, directes et indi­­rectes2 ;
––par une poli­­tique res­tric­­tive vis-­à-vis des offres éma­­nant de concur­­rents étran­­gers, en
fai­­sant jouer la pré­­fé­­rence natio­­nale, de manière plus ou moins ouverte.
–– Les pres­­sions éco­­no­­miques et sociales, se situent, quant à elles :
––au niveau glo­­bal, à tra­­vers les fac­­teurs qui ont conduit à l’explo­­sion du nombre de
pas­­sa­­gers, à tra­­vers la libé­­rali­­sa­­tion du trans­­port aérien et sa démo­­cra­­ti­­sation, la mon­
­tée en puis­­sance de nou­­velles compa­­gnies (flagships des ECR, low cost…), en dépit
de fac­­teurs néga­­tifs, struc­­tu­­rels, comme la prise en compte crois­­sante de l’empreinte
car­­bone, et conjonc­­tu­­rels, comme la hausse des car­­bu­­rants et la sur­­ve­­nance de crises
éco­­no­­miques mon­­diales ;
––à un niveau plus régio­­nal, à tra­­vers le rééqui­­li­­brage de la demande de trans­­port entre
les éco­­no­­mies matures et les éco­­no­­mies émergentes, notam­­ment pour ce qui concerne

1.  Voir, ci-­dessus, repère : l’effet d’expé­­rience, sec­­tion 1 et Exemple : la construc­­tion aéro­­nau­­tique, un duo­­pole
menacé ?, sec­­tion 2.
2.  Un nou­­veau juge­­ment a été rendu en 2011 dans la guerre juri­­dique qui oppose à l’OMC les deux lea­­ders de
l’aéro­­nau­­tique, un chiffre de sub­­ven­­tions illé­­gales de 5,3 milliards d’euros étant même men­­tionné comme mon­­tant
versé à Boeing par les gou­­ver­­ne­­ment amé­­ri­­cain, tan­­dis que les 20 milliards dont aurait béné­­fi­­cié Air­­bus, selon
Boeing, ne sont pas prises en compte. Ce qui satis­­fait Air­­bus, pour­­tant condamné pour l’octroi d’avances rem­­bour­
­sables dont il avait béné­­fi­­cié et qui avait été consi­­déré en juin 2010 comme faus­­sant la concur­­rence. (« Match nul
entre Air­­bus et Boeing à l’OMC », Chal­­lenges, 7/4/2011).

196
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

le trans­­port inté­­rieur des grands ECR, qui donnent à celles-­ci un pou­­voir de mar­­ché
consi­­dé­­rable et de bonnes rai­­sons de dimi­­nuer au maxi­­mum, et leurs coûts d’équi­­pe­
­ment, et leur dépen­­dance exté­­rieure.
–– Les pres­­sions tech­­no­­lo­­giques, sont éga­­le­­ment déter­­mi­­nées, à la fois :
––par la néces­­sité de faire dimi­­nuer, au niveau de la concep­­tion des appa­­reils, les coûts
d’exploi­­ta­­tion et l’empreinte car­­bone des avions, en amé­­lio­­rant la moto­­ri­­sa­­tion des
appa­­reils et en uti­­li­­sant de plus en plus des maté­­riaux compo­­sites, tout en amé­­lio­­rant
la sécu­­rité des vols ;
––tout en tirant parti des amé­­lio­­ra­­tions de la chaîne logis­­tique qui per­­mettent d’aug­­
men­­ter l’effi­­ca­­cité des pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion et la flexi­­bi­­lité du réseau de loca­­li­­sa­
­tion des pro­­duc­­tions entre des sites proches et dis­­tants, à l’inté­­rieur des zones géo­­
gra­­phiques de pro­­duc­­tion ou entre elles.

(MODÈLE PREST / 1)
PRESSIONS PRESSIONS
POLITICO-RÉGLEMENTAIRES TECHNOLOGIQUES
Nécessité d’améliorer les matériaux
et la motorisation des appareils
Montée en puissance du libéralisme pour diminuer leurs coûts
Déréglementation du transport aérien d’acquisition/exploitation
Soutien des constructeurs nationaux
(économies matures/émergentes)
Préférence nationale Nouvelles possibilités de flexibilisation
Encouragement des de la chaîne d’approvisionnement
« champions nationaux » Espace de référence Besoin d’amélioration
à la production des moyens courriers géo-sectoriel de l’efficacité
mondial des processus de production
Construction
aéronautique
Moyens courriers

Explosion de la demande de transport aérien Fluctuation des prix de Démocratisation du transport aérien
Augmentation spécifique de la demande l’énergie, des prix des Conditions d’exploitation difficiles des
moyens courriers des grandes ECR matières premières, des compagnies aériennes
Rééquilibrage géographique taux de change et des taux Importance de l’empreinte carbone et
progressif de la demande d’intérêt sensibilité croissante de l’opinion
(économies émergentes/économies matures) à la pollution
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PRESSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES

J.-P. Lemaire

Figure 3.7 – Les pres­­sions externes s’appli­­quant au sec­­teur mon­­dial


des moyens cour­­riers

2  La déter­­mi­­na­­tion des enjeux géo-­sectoriels dans le cadre d’un


espace géo-sec­­to­­riel mon­­dial

L’iden­­ti­­fi­­cation des pres­­sions externes per­­mettent de faire res­­sor­­tir les trois séries
d’enjeux qu’elles induisent dans l’espace de réfé­­rence mon­­dial pour les acteurs du
sec­­teur, les lea­­ders comme les chal­­len­­gers :

197
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

––enjeux d’adap­­ta­­tion de leur offre, sur le plan mon­­dial, en fonc­­tion des attentes que
mani­­festent les dif­­fé­­rents types de clients exis­­tants et les clients poten­­tiels ; ce qui
recouvre les pro­­duits et les ser­­vices, les condi­­tions de prix, les condi­­tions de livrai­
­son, les moda­­li­­tés de finan­­ce­­ment, et la rela­­tion client ;
––enjeux de re­déploie­­ment géo­­gra­­phique et sec­­to­­riel que dicte l’évo­­lu­­tion de la loca­
­li­­sa­­tion des besoins, entraî­­nant l’opti­­mi­­sation de leur chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment,
les étapes du pro­­ces­­sus de fabri­­ca­­tion qu’elles « internalisent » et ceux qu’elles
« externalisent », notamment, en les sous-traitant, leurs rela­­tions avec leurs sous-
trai­­tants et OEM (ori­­gi­­nal equipmement manufacturers) ;
––enjeux de concur­­rence qui res­­sortent de la manière dont se déve­­loppe la riva­­lité
entre les acteurs en place (et les acteurs poten­­tiels), les élé­­ments sur les­­quels elle
va por­­ter de manière pri­­vi­­lé­­giée, à un moment donné (les coûts ? l’inno­­va­­tion ?...),
la menace et les délais d’arri­­vée de nou­­veaux entrants.

Exemple 3.12 – Les enjeux aux­­quels sont confron­­tés les acteurs du sec­­teur mondial
des avions moyen cour­­rier
Comme résul­­tant des prin­­ci­­pales pres­­sions externes qui s’appliquent à ce sec­­teur et qui
viennent d’être pré­­sen­­tées, les enjeux géo-­sectoriels font clai­­re­­ment res­­sor­­tir pour les
deux orga­­ni­­sa­­tions en place, comme pour leurs chal­­len­­gers, la néces­­sité de réagir et
d’anti­­ci­­per par rap­­port aux muta­­tions qu’elles tra­­duisent ou qu’elles annoncent :
–– L’enjeu d’adap­­ta­­tion pré­­sente deux aspects contra­­dic­­toires à résoudre pour les avion­­
neurs : d’une part, l’aug­­men­­ta­­tion de la demande et la néces­­saire mon­­tée en puis­­sance
consé­­cu­­tive de leurs struc­­tures de pro­­duc­­tion, dont les cadences doivent s’accé­­lé­­rer
pour l’accom­­pa­­gner ; d’autre part, les condi­­tions de la concur­­rence entre compa­­gnies
aériennes, dont les condi­­tions d’exploi­­ta­­tions fluc­­tuent au gré d’une conjonc­­ture très
instable, déter­­mi­­nant des incer­­ti­­tudes quant à leur sol­­va­­bi­­lité comme la néces­­sité de
res­­serrer les prix et les coûts d’acqui­­si­­tion comme d’exploi­­ta­­tion
–– L’enjeu de re­déploie­­ment géo-­sectoriel, porte sur la néces­­sité cor­­ré­­la­­tive de recom­­po­­
ser le por­­te­­feuille géo­­gra­­phique de clien­­tèle et le por­­te­­feuille d’acti­­vité, en pre­­nant en
compte les besoins de renou­­vel­­le­­ment des flottes les plus anciennes (éco­­no­­mies
matures), les besoins nou­­veaux des compa­­gnies plus récentes sou­­vent en plein déve­
­lop­­pe­­ment (éco­­no­­mies émergentes et compa­­gnies low cost). Ce qui sup­­pose aussi
d’envi­­sa­­ger de rap­­pro­­cher la pro­­duc­­tion des mar­­chés les plus impor­­tants, tout en limi­
­tant les risques variés qui peuvent y être asso­­ciés (du risque de change à la perte de
tech­­no­­logie) et de faire évo­­luer la gamme en fonc­­tion des besoins des nou­­veaux clients
ou des nou­­veaux besoins des anciens clients, en créant, en consé­­quence de nou­­veaux
modèles et/ou en renou­­ve­­lant les modèles exis­­tants.
–– L’enjeu concur­­ren­­tiel, doit inté­­grer les chan­­ge­­ments d’un sec­­teur dont, pour­­tant, les
bar­­rières à l’entrée sont très éle­­vées. Il engage les acteurs en place, comme les acteurs
nou­­veaux, à bien iden­­ti­­fier à tout moment les déter­­mi­­nants sur les­­quels agir pour
gagner ou confor­­ter des parts de mar­­ché et/ou fidéliser la clien­­tèle sur le long terme :
les prix, l’inno­­va­­tion, les ser­­vices asso­­ciés à l’équi­­pe­­ment (la main­­te­­nance, les solu­­
tions de finan­­ce­­ment…). Il oblige à dis­­tin­­guer chez le concur­­rent de longue date,

198
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

comme chez le nou­­vel entrant les avan­­tages compé­­titifs qu’ils sont en mesure de faire
valoir, comme les champs éven­­tuels de coopé­­ra­­tion (de coopétition) qui peuvent exis­­ter
pour évi­­ter des rela­­tions trop conflic­­tuelles (guerre des prix, pro­­cès…).

(MODELE PREST / 2)
PRESSIONS PRESSIONS
POLITICO-RÉGLEMENTAIRES TECHNOLOGIQUES
Enjeu d’intensification de la
la concurrence (économies matures/émergentes)
- Identifier les déterminants des gains de parts de marché et de la fidélisation de la clientèle
(prix, innovation, services associés...)
- Anticiper l’arrivée des nouveaux entrants et les nouveaux avantages compétitifs des acteurs en place

« Leviers »
Enjeu de re-déploiement géo-sectoriel à mobiliser par Enjeu d’adaptation de l’offre
pays industrialisés--> pays émergents l’organisatiron Redéfinition des « concepts »
-Reconsidérer la segmentation et les besoins produits/services
de la clientèle
-Évolution de la gamme en fonction des nouveaux Montée en puissance des capacités de production
Prise en compte des fluctuations de la demande
clients et des nouveaux besoins comme des éléments de coût

PRESSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES

Jean-Paul Lemaire

Figure 3.8 – Les enjeux géo-­sectoriels aux­­quels se touvent confron­­tés les acteurs
du sec­­teur mon­­dial des moyens cour­­riers

C’est donc en réponse à ces enjeux en per­­pé­­tuelle évo­­lu­­tion, qui pour­­ront donc
être décli­­nés, dans ce cas de démarche « tous azi­­muts », une ou plu­­sieurs démarches
« foca­­li­­sées », s’atta­­chant à un pays déter­­miné, ou à un groupe de pays, selon les
conclu­­sions de cette approche embras­­sant l’ensemble de l’espace de réfé­­rence ou
d’expan­­sion de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée.
À la suite de ces deux étapes macro et mesoéco­­no­­miques (PREST niveau 1 et
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

PREST niveau 2), qui font res­­sor­­tir la dyna­­mique des acti­­vi­­tés dans un espace de
réfé­­rence déter­­miné (mon­­dial, en l’occur­­rence), l’ana­­lyse devra être pour­­sui­­vie, à un
niveau micro­éco­­no­­mique : celui où se prennent les déci­­sions des orga­­ni­­sa­­tions, sur
la base de leurs dyna­­miques res­­pec­­tives, pour déter­­mi­­ner les « leviers » stra­­té­­giques
(PREST, niveau 3) qu’elles pour­­ront opé­­rer dans l’espace de réfé­­rence consi­­déré et
qu’elles devront adapter, une fois qu’ils auront été iden­­ti­­fiés, en fonc­­tion de leurs
propres carac­­té­­ris­­tiques (stra­­té­­gie d’ensemble, res­­sources dis­­po­­nibles, expé­­rience,
compé­­tences…).
C’est une démarche du même type qui est pro­­po­­sée ci-­dessous, à appliquer à un
autre sec­­teur manu­­fac­­tu­­rier, le sec­­teur auto­­mo­­bile et dans un espace géo­­gra­­phique
plus res­treint même s’il a déjà atteint un niveau élevé de globalisation.
Dans un sec­­teur auto­­mo­­bile aussi contrasté que le sec­­teur euro­­péen, en 2012, c’est véri­
­ta­­ble­­ment la capa­­cité à bien dis­­cer­­ner, à par­­tir d’une bonne iden­­ti­­fi­­cation des pres­­sions

199
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

externes, les enjeux sec­­to­­riels qui a per­­mis aux meilleurs d’opé­­rer les bons leviers et de
tirer leur épingle du jeu de manière avan­­ta­­geuse, tan­­dis que d’autres sont à la peine.

 Cas d’appli­­ca­­tion
Le sec­­teur auto­­mo­­bile euro­­péen ; ceux qui rient
et ceux qui pleurent1
En 2012, la situa­­tion du mar­­ché euro­­péen de l’auto­­mo­­bile n’est guère enga­­geante.
Une fois les primes à la casse sup­­pri­­mées par des gou­­ver­­ne­­ments en quête d’éco­­
no­­mies, la réa­­lité crue s’affiche pour les pro­­duc­­teurs, ensem­­bliers et équipementiers :
les ventes euro­­péennes sont tom­­bées, en 2011, à 13,6 mil­­lions de véhi­­cules, pour
une capa­­cité de pro­­duc­­tion ins­­tal­­lée totale de 20,6  mil­­lions  et la situa­­tion ne
s’annonce pas meilleure au pre­­mier semestre 2012  ! Or, dans la pro­­fes­­sion on
s’accorde pour consi­­dé­­rer qu’une usine ne gagne de l’argent que si elle tourne à
plus de 80 % de sa capa­­cité, avec trois équipes, 24 h/24 h.
Dans un cer­­tain nombre de pays, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, en France, on est loin du
compte. Sur leurs sites de pro­­duc­­tion de l’Hexa­­gone, les construc­­teurs natio­­naux,
Renault et PSA, sont en des­­sous du compte, tout comme Opel, la filiale de General
Motors, la firme amé­­ri­­caine qui a repris la pre­­mière place mon­­diale puis l’a
reperdue face à Toyota. Elle n’a dû son redé­­mar­­rage qu’à l’appui de l’État amé­­ri­­cain.
C’est avec elle que PSA vient de conclure une alliance stra­­té­­gique. Les déci­­sions
concer­­nant la fer­­me­­ture du site d’Aulnay attestent de la passe dif­­fi­­cile que tra­­versent
les construc­­teurs natio­­naux dans leur pays et dans leur zone d’ori­­gine.
En cette période de crise ce sont plu­­tôt les modèles haut de gamme à forte image et
les modèles d’entrée de gamme qui se vendent sur les mar­­chés fran­­çais et Ouest
euro­­péens. Or, pour les deux construc­­teurs fran­­çais, les seconds sont plu­­tôt pro­­duits
dans des pays d’Europe Cen­­trale, où les coûts de main-­d’œuvre sont sen­­si­­ble­­ment
plus bas. Et, s’agis­­sant des pre­­miers, les marques fran­­çaises ne retireront qu’à partir
de 2018 les fruits du déve­­lop­­pe­­ment de leurs nou­­veaux modèles, premium, comme
la série des DS de Citroën, à la dif­­fé­­rence de leurs confrères alle­­mands – excep­­tion
faite d’Opel dont les usines, même en Europe, tournent à plein régime2.
Avec le suc­­cès d’Audi, Volkswagen, en embus­­cade pour se his­­ser à la pre­­mière
marche du podium mon­­dial, s’est doté d’une marque capable de riva­­li­­ser avec
Mercédès et BMW, tou­­jours au zénith des ventes, tout en conti­­nuant à prendre des
parts de mar­­ché avec ses modèles d’entrée de gamme, même en Europe. Le groupe
de Wolfsburg, fait car­­ton plein en cou­­vrant tous les seg­­ments du sec­­teur auto­­mo­­
bile, sans par­­ler des poids lourds  : avec Volkswagen, Audi, Skoda, Bentley,
Lamborghini et Bugatti. Même s’il perd de l’argent avec Seat, il a un por­­te­­feuille de
marques sans égal. Grâce à ses usines dans 26 pays il opti­­mise, tout à la fois, sa

1.  Cas disponible dans sa version développée en français et en anglais à la Centrale des cas et des moyens
pédagogiques, J.-P. Lemaire et G. Petit.
2.  « VW conquers the World », The Economist, 7/7/2012.

200
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3


proxi­­mité avec les mar­­chés por­­teurs et la répar­­tition de sa chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­
ment. Son pari, il y a trente ans, sur le poten­­tiel du mar­­ché chi­­nois s’est, à ce titre,
révélé payant : il en contrôle 18 %, tout en se pré­­va­­lant de 22 % de parts de mar­­ché
au Bré­­sil et de 9 % en Russie…
S’en tirant bien dans le reste du monde, le construc­­teur alle­­mand souffre moins en
Europe, même si le län­­der de Basse Saxe, tou­­jours détenteur d’une mino­­rité de blo­
­cage, l’ancre soli­­de­­ment à sa terre d’ori­­gine. Mais ce n’est pas uni­­que­­ment cette
pré­­sence sur tous les seg­­ments, ce por­­te­­feuille de marques pres­­ti­­gieuses ou patiem­
­ment construites au fil des années, qui expliquent cette santé inso­­lente, à compa­­rer
à celle des autres construc­­teurs, euro­­péens : la Volkswagen way peut désor­­mais se
compa­­rer avan­­ta­­geu­­se­­ment au TPS, le Toyota Pro­­duc­­tion System, que les construc­­
teurs du monde entier ont long­­temps admiré avant que des pro­­blèmes de qua­­lité ne
marquent un coup d’arrêt à la pro­­gres­­sion de la marque japo­­naise phare. Moins
obsédé par la réduc­­tion des coûts, le construc­­teur alle­­mand a mis plu­­tôt l’accent
sur le par­­tage sys­­té­­ma­­tique de pièces entre les modèles et sur l’inno­­va­­tion, sans
par­­ler de son souci du détail et de sa capa­­cité de prendre des risques à bon
escient.
Mais VW n’est pas le seul à faire figure de bon élève en Europe, même s’il est, pour
l’heure, sans doute, le meilleur de la classe1 : Toyota reste dans la course avec son
usine d’Onaing, près de Valen­­ciennes, où sont fabri­­quées les Yaris dont 90 % sont
expor­­tées, en grande par­­tie vers les États-­Unis ; de son côté, Daimler, à Hambach
en Moselle, pour les Swatch dis­­pose d’un centre de pro­­duc­­tion récent, tra­­vaillant en
trois équipes, cou­­vrant une sur­­face infé­­rieure de 30 % à celle d’un site clas­­sique où
le groupe veut inves­­tir 200  mil­­lions d’euros. Comme l’explique un asso­­cié de
Roland Berger, « Une usine auto­­mo­­bile est conçue pour une durée de vie de trente
ans. Les plus récentes per­­mettent d’avoir des machines plus per­­for­­mantes, d’être
plus flexibles, de construire plu­­sieurs modèles sur une même ligne de pro­­duc­­tion
et, enfin, d’ali­­men­­ter cette der­­nière en pièces au fur et à mesure, grâce à des petits
convoyeurs auto­­ma­­tiques. Tout cela dimi­­nue le poids de la main-­d’œuvre2 ».
Même les Bri­­tan­­niques, dont on pen­­sait qu’ils avaient aban­­donné le sec­­teur auto­­
mo­­bile, font bonne figure, avec leurs struc­­tures de pro­­duc­­tion tou­­jours actives3,
dans cet envi­­ron­­ne­­ment euro­­péen auto­­mo­­bile bien morose : ainsi, dans son usine
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de Sunderland, avec 5 000 sala­­riés, Nissan pro­­duit 500 000 voi­­tures par an (contre
650  000 pour Renault dans ses six usines fran­­çaises4). Est-ce à dire, en sui­­vant
l’exemple des construc­­teurs amé­­ri­­cains qui avaient fermé quinze usines en 2008-
2009, qu’il faut en Europe, pra­­ti­­quer la même poli­­tique  ? On avait pré­­féré, en
France, notam­­ment, rationnaliser les ins­­tal­­la­­tions et prendre des mesures d’éco­­no­­

1.  J. Dupont-­Calbo, « La botte secrète de Toyota et Daimler », Le Monde, 3/7/2012.
2.  S. Amichi, pro­­pos rap­­por­­tés par J. Dupont-­Calbo, ibi­­dem.
3.  Sept milliards d’euros d’inves­­tis­­se­­ment y auront été effec­­tués en dix huit mois par les construc­­teurs inter­­na­­
tionaux qui s’y sont ins­­tal­­lés (E. Albert, « Le réveil de la Grande Bretagne », Le Monde, 3/7/2012). À noter que le
PdG de PSA, Ph. Varin, décla­­rait, à l’Assem­­blée Natio­­nale, avoir investi 700 mil­­lions d’euros en France ces der­­
nières années, mon­­tant la cadence à 1,5 milliards en 2010/2011, tan­­dis que devant la même commis­­sion, C. Tavares,
le DG de Renault, men­­tion­­nait un chiffre d’inves­­tis­­se­­ment de 6 milliards sur la période 2006 à 2013.
4.  Selon G. Toulemonde, ana­­lyste à Deutsche Bank, cité par P. Jac­­qué, « Peut-­on encore pro­­duire des voi­­tures
en France ? », Le Monde, 3/7/2012.

201
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


mie ; mais c’était, semble-t-il, recu­­ler pour mieux sau­­ter. Rescusiter la prime à la
casse apparaît mis­­sion impos­­sible dans cette période de réduc­­tion des défi­­cits et ne
consti­­tue­­rait qu’un remède conjonc­­tu­­rel. Bruxelles ne sou­­haite pas relan­­cer les
aides pour sou­­te­­nir la demande, pour évi­­ter d’enfreindre ses propres règles, et pré­­
fère les limi­­ter à la recherche et à l’inno­­va­­tion dans le sec­­teur1.
Mais, mis à part les VW, Daimler et BMW, les autres construc­­teurs euro­­péens ne
manquent pas cependant d’atouts, même s’ils sont moins bien armés qu’eux pour
tra­­ver­­ser cette passe dif­­fi­­cile :
Renault conso­­lide son alliance avec Nissan, se ren­­force sur son acti­­vité low cost
avec Dacia et en décline le modèle indus­­triel et commer­­cial sur plu­­sieurs conti­­nents
– au Maroc, en Colombie, en Russie (où l’Alliance vient de mon­­ter aux deux tiers
envi­­ron du capi­­tal d’Avtovaz/Lada) ; ce qui devrait lui per­­mettre de contrô­­ler près
de 35 % du mar­­ché russe, en espé­­rant atteindre 40 % en 20162. En pointe sur les
véhi­­cules élec­­triques, sa coopé­­ra­­tion avec Daimler se révèle pro­­met­­teuse, sur la
base d’une modeste par­­ti­­cipation croi­­sée de 3,1  % entre les deux groupes, qui
devrait per­­mettre à Renault d’aug­­men­­ter le taux d’uti­­li­­sation de ses usines fran­­çaises
(et, symé­­tri­­que­­ment à Daimler de résoudre son pro­­blème de sous capa­­cité) et
d’acqué­­rir des compé­­tences sup­­plé­­men­­taires pour maî­­tri­­ser le haut de gamme3
(comme, à son par­­te­­naire, de mieux maî­­tri­­ser l’entrée de gamme).
PSA, dont la pro­­duc­­tion en France est pro­­por­­tion­­nel­­le­­ment plus impor­­tante que celle
de son concur­­rent, est, sans doute, le construc­­teur qui souffre le plus de la situa­­tion
actuelle, l’Europe consti­­tuant tou­­jours son prin­­ci­­pal débou­­ché. Ses ventes y ont
chuté de 15 % au cours des cinq pre­­miers mois de 2012 et ses sto­­cks se gonflent.
Le groupe licen­­cie en Slovaquie et en Répu­­blique Tchèque. Seule la Chine où
Citroën est implan­­tée de longue date reste un mar­­ché por­­teur, même si le groupe y
a connu cer­­tains déboires4. Face à des pertes de près de 1,5 milliard d’euros sur le
pre­­mier tri­­mestre de 2012, la firme de Sochaux lance un plan d’éco­­no­­mie, vend son
siège et cer­­tains actifs non stra­­té­­giques, comme le trans­­por­­teur Gefco. L’alliance
avec General Motors devrait cepen­­dant bien­­tôt pro­­duire ses effets.
Quant à Fiat, même si la firme courbe l’échine en Europe, elle dis­­pose d’un cer­­tain
nombre d’atouts : elle peut se pré­­va­­loir du remar­­quable redres­­se­­ment de Chrysler,
trois ans après sa prise de contrôle du fabri­­quant amé­­ri­­cain, avec, dans le groupe
Fiat un por­­te­­feuille de marques bien équi­­li­­bré entre le haut (Alfa Roméo) et le très
haut de gamme (Ferrari). Sans avoir atteint la taille cri­­tique pour confor­­ter sa posi­­
tion à l’échelle mon­­diale, le construc­­teur de Turin peut consi­­dé­­rer que son pilote,
Sergio Marchionne, a plu­­tôt avan­­ta­­geu­­se­­ment mené la barque5…

1.  R. Honoré, « Bruxelles laisse les construc­­teurs gérer seuls leurs sur­­ca­­pa­­ci­­tés », Les Échos, 7/7/2012.
2.  C. Pluyette, « Renault-­Nissan s’empare du russe Lada », Le Figaro Éco­­no­­mique, 4/5/2012.
3.  I. François-­Feurstein, « Renault et Daimler, l’impro­­bable entente », Les Échos, 6-7/4/2012.
4.  P. Jac­­qué et H. Thibault, « La DS pour faire oublier à la Chine les erreurs du passé », Le Monde, 30/6/2012.
5.  B. Saporito, A. Hills, «  Power steering  :: How the boss of Fiat and Chrysler is driving an auto-­industry
revival », Time, 19/12/2011.

202
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3

Ques­­tions de réflexion
1 ■ Le sec­­teur auto­­mo­­bile vous paraît-il plu­­tôt glo­­bal ou plu­­tôt local ? Qu’est-ce
qui en fait l’homo­­gé­­néité ? Dans quelle mesure est-il jus­­ti­­fié de consi­­dé­­rer
l’Europe comme un espace de réfé­­rence à pri­­vi­­lé­­gier  ? Pour quels acteurs
(construc­­teurs) et pour quelles autres par­­ties pre­­nantes ? Dans quelle perspec­
­tive ?
2 ■ Comment qua­­li­­fier, à par­­tir des élé­­ments four­­nis dans ce cas, la situa­­tion du
sec­­teur auto­­mo­­bile euro­­péen en 2012, du point de vue de la commer­­cia­­li­­sa­­
tion, comme du point de vue de la pro­­duc­­tion des véhi­­cules ? Les dif­­fi­­cultés
tra­­ver­­sées vous paraissent-elles le résul­­tat d’un épi­­sode conjonc­­tu­­rel dif­­fi­­cile
ou d’une situa­­tion struc­­tu­­relle susceptible de se pro­­lon­­ger ensuite ? Quelles
pres­­sions externes – politico-­réglementaires, éco­­no­­miques et sociales, tech­­
no­­lo­­giques –, posi­­tives et néga­­tives, s’appli­­quant au sec­­teur auto­­mo­­bile euro­
­péen, seraient sus­­cep­­tibles d’expli­­quer cette situa­­tion ?
3 ■ En consé­­quence, à quels défis – adap­­ta­­tion, re­déploie­­ment géo­­gra­­phique et
sec­­to­­riel, concur­­ren­­tiel – les acteurs du sec­­teur se trouvent-ils confron­­tés,
dans le court terme et à plus long terme ? Ces défis sont-­ils les mêmes pour
tous les acteurs  men­­tion­­nés  ? Quels sont ceux qui souffrent plus que les
autres ? Quelles en sont les rai­­sons ? Quels sont ceux qui semblent avoir le
mieux relevé ces défis ? Pour­­quoi ? Y aurait-il un « modèle éco­­no­­mique » qui
ferait réfé­­rence pour le sec­­teur, en Europe, dans le monde  ? Quelles en
seraient les carac­­té­­ris­­tiques ? Quels seraient les moyens à pri­­vi­­lé­­gier pour les
acqué­­rir ?
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203
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

L’essen­­tiel

Au-delà de la dyna­­mique des ter­­ri­­toires, la prise en compte de l’envi­­ron­­ne­­ment


par l’orga­­ni­­sa­­tion dans sa démarche d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ne peut réel­­le­­ment
être effec­­tuée, qu’en l’asso­­ciant à l’ana­­lyse de la dyna­­mique de l’acti­­vité (du
sec­­teur ou de l’indus­­trie) dans laquelle elle opère.
Cette démarche spé­­ci­­fique, sus­­cep­­tible de ser­­vir de cadre au déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional de chaque orga­­ni­­sa­­tion, sup­­pose, en préa­­lable, de déter­­mi­­ner :
––l’espace de réfé­­rence/d’expan­­sion (espace de proxi­­mité, espace sub­conti­­nen­­
tal, conti­­nen­­tal, multi­conti­­nen­­tal ou mon­­dial) auquel l’organisation sou­­haite
situer l’ana­­lyse ;
––l’approche qu’elle sou­­haite rete­­nir, soit, « tous azi­­muts », cou­­vrant l’ensemble
des zones à sa por­­tée, soit « foca­­li­­sée », autre­­ment dit, concen­­trée sur un espace
de réfé­­rence cohé­­rent, plus limité, compre­­nant un ou plu­­sieurs pays.
Dans le cadre de cette ana­­lyse géo-sec­­to­­rielle et pour l’orga­­ni­­sa­­tion qui sou­­haite
défi­­nir/redé­­fi­­nir sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, il sera, tout d’abord, néces­­saire
d’éva­­luer le posi­­tion­­ne­­ment de son acti­­vité (de son sec­­teur ou de son indus­­trie)
sur l’axe « glo­­bal/local », en fonc­­tion de ses carac­­té­­ris­­tiques, en appré­­ciant :
––les forces de loca­­li­­sa­­tion, qui tendent à limi­­ter à un espace res­treint natio­­nal,
voire régio­­nal, l’acti­­vité ou l’ensemble d’acti­­vi­­tés consi­­dé­­rées, carac­­té­­ri­­sées
par un fort enra­­ci­­ne­­ment cultu­­rel, des bar­­rières régle­­men­­taires contrai­­gnantes
ou des pro­­duits ou des ser­­vices aux carac­­té­­ris­­tiques phy­­siques les ren­­dant peu
trans­­por­­tables ou re­pro­­duc­­tibles hors de leur «  espace de réfé­­rence  » d’ori­­
gine ;
––les forces de globalisation, qui, au contraire, ouvrent au cadre géo­­gra­­phique le
plus étendu, compte tenu de l’uni­­ver­­sa­­lité du besoin auquel répond l’acti­­vité,
du niveau très élevé d’inves­­tis­­se­­ment qu’elle requiert, de la sophis­­ti­­cation de la
tech­­no­­logie qui doit être mis en œuvre, des faci­­li­­tés de trans­­port ou de trans­­
mis­­sion dont elle peut bénéficier.
Le posi­­tion­­ne­­ment inter­­na­­tional des acti­­vi­­tés s’effec­­tue alors en déter­­mi­­nant la
résul­­tante de ces deux séries de forces. Ce qui conduit à les par­­ta­­ger, selon leur
« sen­­si­­bi­­lité » res­­pec­­tive aux unes et/ou aux autres, entre les trois caté­­go­­ries sui­
­vantes :
––acti­­vi­­tés à domi­­nante locale, s’appuyant sur des struc­­tures pure­­ment natio­­nales
ou régio­­nales, sans pré­­ju­­dice de quelques ouver­­tures trans­fron­­tières vers les
espaces éco­­no­­miques de proxi­­mité ;

204
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés  ■  Chapitre 3


––acti­­vi­­tés à domi­­nante glo­­bale, à l’autre extré­­mité, dont les acteurs sont essen­­
tiel­­le­­ment des struc­­tures mul­­ti­­natio­­nales – voire mon­­diales –, qui se déve­­
loppent ou ont voca­­tion à se déve­­lop­­per, par­­tout, selon un schéma orga­­ni­­sa­­tion­
­nel et des pro­­cé­­dures homo­­gènes et coor­­don­­nées ;
––acti­­vi­­tés « mixtes », à un niveau inter­­mé­­diaire, où se côtoient des acti­­vi­­tés plu­
rilocales/pluridomestiques – répon­­dant à des besoins compa­­rables dans des
condi­­tions qui exigent une pro­­duc­­tion locale –, et des acti­­vi­­tés trans­­na­­tionales
– déve­­lop­­pant des pro­­duits et des ser­­vices à voca­­tion glo­­bale, mais dont une
large par­­tie de la valeur ajou­­tée doit être appor­­tée loca­­le­­ment. Les unes et les
autres s’orga­­nisent selon une struc­­ture inter­­na­­tionale, déployée géo­­gra­­phi­­que­­
ment, de manière plus ou moins large, mais selon des sché­­mas qui peuvent
sen­­si­­ble­­ment varier d’une zone à l’autre.
D’autres fac­­teurs influant sur la dyna­­mique des acti­­vi­­tés complètent cette appro­
che du posi­­tion­­ne­­ment glo­­bal/local des acti­­vi­­tés, que les muta­­tions per­­ma­­nentes
de l’envi­­ron­­ne­­ment font constam­­ment évo­­luer. Le décloisonnement des ter­­ri­­
toires, comme l’amé­­lio­­ra­­tion constante des moyens de commu­­ni­­ca­­tion, sont à
inté­­grer à la réflexion : en par­­ti­­cu­­lier l’inten­­si­­fi­­ca­­tion des échanges croi­­sés, intra-
branches, long­­temps concen­­trés au sein du même espace éco­­no­­mique, entre éco­­
no­­mies matures, se mani­­feste de plus en plus à une échelle plus large (inter-zones),
incluant les éco­­no­­mies émergentes et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment les ECR.
Ces fac­­teurs favo­­risent une évo­­lu­­tion de la spé­­cia­­li­­sa­­tion inter­­na­­tionale, dans
laquelle les éco­­no­­mies émergentes jouent un rôle de plus en plus impor­­tant en
démon­­trant une capa­­cité crois­­sante à la remon­­tée de filière, sus­­ci­­tant l’appa­­ri­­tion
de « cham­­pions inter­­na­­tionaux », comme en déve­­lop­­pant des compé­­tences spé­­
ci­­fiques, qui en font, désor­­mais, des acteurs incontour­­nables, à cer­­tains stades
par­­ti­­cu­­liers de la chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment inter­­na­­tionale, sinon à tous.
La prise en compte des deux dimen­­sions, géo­­gra­­phique et sec­­to­­rielle, de l’espace
de réfé­­rence ou d’expan­­sion choisi par l’orga­­ni­­sa­­tion, quel que soit son posi­­tion­
­ne­­ment sur la grille glo­­bal/local, per­­met de plus pré­­ci­­sé­­ment faire res­­sor­­tir, une
fois les pres­­sions externes qui s’y exercent conve­­na­­ble­­ment iden­­ti­­fiées, les enjeux
géo-sec­­to­­riels auxquels elle aura, tout comme ses concur­­rents, à faire face dans
cet espace. De ces enjeux décou­­le­­ront plus faci­­le­­ment les « leviers » stra­­té­­giques
sur les­­quels l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée pourra agir pour évo­­luer à son avan­­tage
dans le cadre de sa dyna­­mique inter­­na­­tionale.

205
Chapitre
Dyna­­mique
4 inter­­na­­tionale
des orga­­ni­­sa­­tions

Q
uelles inci­­ta­­tions poussent les orga­­ni­­sa­­tions à s’inter­­na­­tiona­­li­­ser ? Ces inci­
­ta­­tions sont-­elles les mêmes pour toutes, quel que soit leur pays d’ori­­gine ?
De nou­­velles inci­­ta­­tions sont-­elles appa­­rues du fait des trans­­for­­ma­­tions récentes de
l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional ? Quel rôle jouent les dif­­fé­­rentes par­­ties pre­­nantes
dans leur pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ? Existe-­t-il un che­­mi­­ne­­ment pro­­gres­­sif
type, des étapes, des phases, per­­met­­tant aux orga­­ni­­sa­­tions de pas­­ser d’une orien­­ta­­
tion pure­­ment natio­­nale ou régio­­nale, à une orien­­ta­­tion plus inter­­na­­tionale, voire
mul­­ti­­natio­­nale ou, même, mondiale ? Et quels « déclen­­cheurs » les poussent à pas­­ser
d’un stade d’inter­­na­­tiona­­li­­sation à l’autre  ? Cer­­taines orga­­ni­­sa­­tions ne sont-­elles
pas vouées à être, d’emblée, « glo­­bales » ? Sur quels « leviers » peuvent-­elles agir
pour pro­­gres­­ser à l’inter­­na­­tional  ? Ce cheminement est-il le même pour les
organisations provenant des économies matures et des économies émergentes ?
Les dyna­­miques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qui peuvent s’obser­­ver au niveau des ter­­ri­
t­oires et des acti­­vi­­tés s’inscrivent dans un envi­­ron­­ne­­ment en muta­­tion rapide, sur
lequel s’exercent des pres­­sions externes – socio-­économiques, politico-­réglementaires
et tech­­no­­lo­­giques – très évo­­lu­­tives et sou­­vent conver­­gentes. Elles tendent, certes, à
inté­­grer de plus en plus d’espaces éco­­no­­miques dif­­fé­­rents dans une perspec­­tive géo­
­gra­­phique de plus en plus large, mais n’en pré­­sentent cepen­­dant pas, pour autant, des
carac­­té­­ris­­tiques uni­­formes :
• Les ter­­ri­­toires ne dis­­posent pas des mêmes atouts pour s’insé­­rer dans les flux
d’échanges et d’inves­­tis­­se­­ments, tant par les poli­­tiques d’ouver­­ture qu’ils déve­­
loppent que par les res­­sources dont ils dis­­posent et qu’ils ont à valo­­ri­­ser. Ils four­
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

n­ is­­sant avec plus ou moins de déter­­mi­­na­­tion des sup­­ports appro­­priés à leurs


res­­sor­­tis­­sants pour faci­­li­­ter leur déve­­lop­­pe­­ment hors fron­­tières, comme ils pro­­
posent aux orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères des condi­­tions d’accueil plus ou moins attrac­
­tives.
• Les acti­­vi­­tés (les indus­­tries, les sec­­teurs), dont les dif­­fé­­rences de degré de
globalisation, vont des acti­­vi­­tés à domi­­nante domes­­tique aux acti­­vi­­tés à domi­­nante
glo­­bale, en pas­­sant par de mul­­tiples situa­­tions « mixtes », montrent la diver­­sité des
situa­­tions, actuelles et poten­­tielles, propres à cha­­cune selon l’espace de réfé­­rence
dans lequel les acteurs qui y opèrent se pro­­jettent.
• Le croi­­se­­ment des approches géo­­gra­­phiques et des approches sec­­to­­rielles
déterminent des espaces géo-­sectoriels dans les­­quels les enjeux pour les acteurs
qui y opèrent peuvent sen­­si­­ble­­ment varier, en leur offrant des options stra­­té­­giques
contras­­tées.
Après avoir consi­­déré la dyna­­mique des ter­­ri­­toires et celle des acti­­vi­­tés (sec­­teurs
ou indus­­tries), reste donc à envi­­sa­­ger la dyna­­mique des orga­­ni­­sa­­tions elles-mêmes
et leurs déter­­mi­­nants, en fonc­­tion de leurs carac­­té­­ris­­tiques spé­­ci­­fiques ; en pre­­nant
aussi bien en compte l’espace de réfé­­rence d’ensemble dans les­­quels elles comptent
se déve­­lop­­per « tous azi­­muts », que les espaces de réfé­­rence clés sur les­­quels elles
sou­­haitent plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment se « foca­­li­­ser ».
Cepen­­dant, dans cet envi­­ron­­ne­­ment plus ouvert, « décloi­­sonné » de manière dis­­
conti­­nue, où les flux commer­­ciaux et d’inves­­tis­­se­­ments sont des­­ti­­nés à s’inten­­si­­fier,
l’inter­­na­­tiona­­li­­sation n’est désor­­mais plus l’apa­­nage de cer­­taines grandes struc­­tures
mul­­ti­­natio­­nales ori­­gi­­naires de la Triade, ame­­nées, de longue date, à glo­­ba­­li­­ser leur
pro­­duc­­tion et leur dis­­tri­­bu­­tion de biens ou de ser­­vices.
Elle concerne aussi, et de plus en plus, les orga­­ni­­sa­­tions de taille plus modeste,
moins bien armées, long­­temps moins dis­­po­­sées et, sur­­tout, pré­­parées à pro­­fi­­ter des
oppor­­tu­­ni­­tés qui se pré­­sen­­taient à elles hors fron­­tières. Par ailleurs, cer­­taines de
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d’entre elles, « nées glo­­bales »/born globals sont, désor­­mais, d’emblée, tour­­nées vers
l’exté­­rieur. Cette dyna­­mique concerne aussi les nou­­velles orga­­ni­­sa­­tions ori­­gi­­naires
des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, qui pro­­fitent d’un envi­­ron­­ne­­ment plus por­­teur,
tant sur le plan interne que sur le plan externe, pour prendre une place crois­­sante dans
les échanges inter­­na­­tionaux. Elles deviennent pour leur pays d’ori­­gine des « cham­­
pions inter­­na­­tionaux » qui relaient à l’exté­­rieur leur crois­­sance interne, déjà sti­­mu­­lée
par leur acti­­vité expor­­ta­­trice et l’afflux des inves­­tis­­seurs directs étran­­gers.
Les unes et les autres sui­­vront donc des logiques et obéi­­ront à des inci­­ta­­tions à
l’inter­­na­­tiona­­li­­sation qui contras­­te­­ront (à cer­­tains égards, du moins), avec celles des
mul­­ti­­natio­­nales pri­­vi­­lé­­giées par de nom­­breux auteurs.
L’entreprise chinoise choisie ici pour le cas intro­­duc­­tif – Huawei –, deve­­nue lea­
d­ er mon­­dial dans le sec­­teur clé des équi­­pe­­ments de télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tion, a béné­­fi­­
cié, d’une part, de la dyna­­mique de crois­­sance de son pays d’ori­­gine, comme de

207
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

l’appui de ses auto­­ri­­tés et, d’autre part, de l’explo­­sion de la télé­­pho­­nie mobile,


comme de sa dif­­fu­­sion géo­­gra­­phique très rapide, qui a fait, en l’espace de moins
d’une décen­­nie, de ce sec­­teur et de ses prin­­ci­­paux acteurs, un sec­­teur et des
acteurs glo­­baux.

Le plan du chapitre
Section 1 ■  Les logiques du développement inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions
Section 2 ■  Les déterminants internes et externes de la dyna­­mique d’inter­­
na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions
Section 3 ■  Les réponses internes de l’orga­­ni­­sa­­tion aux muta­­tions de l’envi­­
ron­­ne­­ment inter­­na­­tional

 Cas intro­­duc­­tif
Huawei la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der
tech­­no­­lo­­gique mon­­dial
Fon­­dée en 1988 à Shenzen, à proxi­­mité de Hong Kong, l’entre­­prise pré­­sente un
modèle de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional révé­­la­­teur d’une Chine qui dépasse lar­­ge­­
ment le cli­­ché habi­­tuel d’« usine du monde » qui lui avait été attri­­bué en réfé­­rence
à des sec­­teurs, comme le tex­­tile, le jouet, l’outillage ou les pièces déta­­chées auto­­
mo­­biles, dont la faible valeur ajou­­tée et les pos­­si­­bi­­li­­tés d’inno­­va­­tion res­­tent limi­­tées,
même si les sous-­traitants et les filiales étran­­gères de ces sec­­teurs contrôlent désor­
­mais des parts de mar­­ché majo­­ri­­taires sur tous les conti­­nents.
En 20111, Huawei, avec plus de 30 milliards de dol­­lars de chiffre d’affaires figure
dans le pelo­­ton de tête des entre­­prises mon­­diales dans son acti­­vité his­­to­­rique, la
four­­ni­­ture d’équi­­pe­­ments, et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, de commu­­ta­­teurs, des­­ti­­nés aux opé­
­ra­­teurs télécom qui repré­­sente tou­­jours 75 % de son chiffre d’affaires. Elle a pour
clients 45 des 50 pre­­miers opé­­ra­­teurs du monde et elle est pré­­sente dans plus de
150 pays. Talon­­nant le sué­­dois Ericsson, tout en ayant déjà laissé loin der­­rière elle
le Franco-­Amé­ricain Alcatel-­Lucent et le Germano-Fin­lan­­dais Nokia-­Siemens, son
suc­­cès s’est bâti très rapi­­de­­ment, en accor­­dant la priorité à l’inno­­va­­tion et en fai­­sant
pro­­gres­­si­­ve­­ment évo­­luer son modèle éco­­no­­mique, sui­­vant un schéma devenu clas­
­sique en Asie, de « remon­­tée de filière »2, mais en en accé­­lé­­rant les effets.
À l’inverse de nom­­breuses entreprises-­ateliers, son diri­­geant his­­to­­rique, désor­­mais
pré­­sident d’hon­­neur, Ren Zhengfei a, en effet, accordé, depuis sa fon­­da­­tion, la

1.  Voir P. Escande, « Huawei à l’école de la globalisation », Les Échos, 6/6/2012.
2.  Voir cha­­pitre 3 « La remise en cause de la spécialisation inter­­na­­tionale des sec­­teurs » et figure 3.6 « Le déve­
­lop­­pe­­ment “en vol d’oies sau­­vages” d’Akamatsu ».

208
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4


priorité à l’inno­­va­­tion et au déve­­lop­­pe­­ment tech­­no­­lo­­gique : depuis 2008, l’entre­­
prise figure régu­­liè­­re­­ment dans le groupe des quatre pre­­miers dépo­­sants de pro­­po­­
si­­tions de bre­­vets au monde1, tout en jouant désor­­mais un rôle de pilote dans la
défi­­ni­­tion des stan­­dards des futures géné­­ra­­tions d’équi­­pe­­ment.
Cette saga, qui a débuté depuis un quart de siècle sui­­vant un schéma ori­­gi­­nal et évo­
­lu­­tif, peut pré­­fi­­gu­­rer les per­­cées à venir d’un cer­­tain nombre d’entre­­prises chi­­noises
– et d’autres orga­­ni­­sa­­tions ori­­gi­­naires des ECR – dans des sec­­teurs par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
pro­­met­­teurs, mais encore domi­­nés par les firmes des éco­­no­­mies matures, comme
l’élec­­tro­­mé­­na­­ger2, l’auto­­mo­­bile, les trains à grande vitesse ou l’aéro­­nau­­tique.

Une pro­­gres­­sion accé­­lérée vers un lea­­der­­ship mon­­dial : priorité au tech­­no­­lo­­


gique et à l’inter­­na­­tional
Sous la direc­­tion de son fon­­da­­teur, Ren Zhengfei, l’entre­­prise se spé­­cia­­lise très vite
dans la fabri­­ca­­tion de commu­­ta­­teurs, d’abord en s’ins­­cri­­vant dans le sillage d’une
société hongkongaise dont elle devient l’agent, puis rapi­­de­­ment, en se lan­­çant dans
la fabri­­ca­­tion de commu­­ta­­teurs des­­ti­­nés aux opé­­ra­­teurs télécom et en se concen­­
trant, pen­­dant ses dix pre­­mières années d’acti­­vité, sur le mar­­ché chi­­nois, sans, pour
autant, perdre de vue l’inté­­rêt que pré­­sen­­tait l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, non seule­­ment
pour déve­­lop­­per des nou­­veaux débou­­chés, mais, sur­­tout, pour acqué­­rir et déve­­lop­
­per les tech­­no­­logies à par­­tir des­­quels, pour­­rait se construire un véri­­table avan­­tage
spé­­ci­­fique et dis­­tinctif3 par rap­­port à ses compé­­ti­­teurs.
Dans un pre­­mier temps, c’est vers les pays émergents – Asie, pays issus de l’ex-­
URSS, Afrique –, où il était appré­­cié que les cadres diri­­geants de l’entre­­prise aillent
« faire leurs classes », que l’entre­­prise lance ses commer­­ciaux qui commencent à
déve­­lop­­per le chiffre d’affaires inter­­na­­tional, en pra­­ti­­quant la « stra­­té­­gie laté­­rale du
crabe4 » en atta­­quant des mar­­chés au niveau de matu­­rité équi­­va­­lent alors au sien.
Mais c’est sur­­tout, une fois soli­­de­­ment éta­­blie son image et sa profitabilité sur son
mar­­ché domes­­tique, que sa pro­­gres­­sion est pas­­sée par le déve­­lop­­pe­­ment de ses
pre­­mières ventes inter­­na­­tionales et la consti­­tution d’un maillage de centres de
recherche dans le monde entier, de pré­­fé­­rence à proxi­­mité des foyers uni­­ver­­si­­taires
et indus­­triels les plus actifs dans le domaine des tech­­no­­logies des télé­­com­­mu­­ni­­ca­­
tions :
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

•• Une pre­­mière per­­cée inter­­na­­tionale signi­­fi­­ca­­tive est mar­­quée par un impor­­tant


mar­­ché d’équi­­pe­­ment à la branche télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions du groupe hongkongais
Hutchinson Wampoa, en 1997, l’année même du retour de l’île à la Chine, sui­­vie
d’autres opé­­ra­­tions, per­­met­­tant à l’entre­­prise de réa­­li­­ser, entre 1999 et 2000, un
chiffre d’affaires de 100 mil­­lions de dol­­lars hors fron­­tières.

1.  Source : WIPO REPORT, http://www.wipo.int/freepublications/en/intproperty/941/wipo_pub_941_2011.pdf
2.  Avec, en par­­ti­­cu­­lier, Haier, qui figure dans le pelo­­ton de tête des pro­­duc­­teurs mon­­diaux de pro­­duits blancs, et
qui fait figure de pion­­nier parmi les « cham­­pions inter­­na­­tionaux » ori­­gi­­naires des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide
(voir Lemaire J.P., « Le déve­­lop­­pe­­ment des “cham­­pions inter­­na­­tionaux” ori­­gi­­naires des grandes économies à crois­
­sance rapide : le cas du Bré­­sil, face à celui de la Chine et de l’Inde », in, PINOT F. ed., Le déve­­lop­­pe­­ment des
entre­­prises à l’international : regards sur le Bré­­sil, Col­­lec­­tion CERALE, ESCP-­EAP publi­­ca­­tions).
3.  Voir repère 4.1 « La théo­­rie OLI ».
4.  Y. Nakai et Y. Tanaka, Chinese company’s IPR strategy : How Huawei tech­­no­­logies succeeded in dominating
overseas markets by sidewalk-­crawl crab strategy », PICMET 2010 Proceedings, July 18-22, Phuket, Thailand.

209
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


•• Dans le même temps, sont créés les centres de R & D de Bangalore, en Inde, au
cœur de la recherche infor­­ma­­tique et de Stockholm, en Suède, à proxi­­mité des
indus­­triels scan­­di­­naves, lea­­ders incontes­­tés du sec­­teur des télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions,
sui­­vis très rapi­­de­­ment de quatre nou­­veaux centres aux États-­Unis  ; les liens
entre­­te­­nus avec la recherche uni­­ver­­si­­taire se sont révé­­lés ainsi des plus fruc­­
tueux.
•• Parallèlement, de très nom­­breuses alliances stra­­té­­giques et par­­te­­na­­riats ont été
conclus – très tôt, avec Sie­­mens, Alcatel et Motorola – et avec de très nom­­breuses
autres firmes1, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment occi­­den­­tales, déten­­trices de tech­­no­­logies avan­­
cées, qui ont per­­mis à l’entre­­prise de Shenzen d’accé­­lé­­rer l’appro­­pria­­tion des
tech­­no­­logies, comme la maî­­trise des pro­­ces­­sus indus­­triels et managériaux indis­­
pen­­sables au schéma de déve­­lop­­pe­­ment rapide qu’elle esquis­­sait alors.
Le déploie­­ment inter­­na­­tional se pour­­suit ensuite, avec, l’entrée jus­­qu’à 2002 dans
une qua­­ran­­taine de ter­­ri­­toires, incluant, l’Allemagne, l’Espagne, le Bré­­sil, la Russie,
la Co­rée, la Thaïlande, l’Arabie saoudite, Singapour. Huawei réus­­sit une pre­­mière
opé­­ra­­tion euro­­péenne d’enver­­gure en équi­­pant l’opé­­ra­­teur hol­­lan­­dais Telfort, en
2004, après avoir fourni des ser­­vices UMTS (universal mobile telecommunication
system), repré­­sen­­tant la troi­­sième géné­­ra­­tion de télé­­pho­­nie mobile à Etisalat, l’opé­
­ra­­teur des Émi­­rats Arabes Unis, en 2003.
En dehors du dyna­­misme commer­­cial sans pareil dont fait preuve la firme de
Shenzen, ses inves­­tis­­se­­ments tech­­no­­lo­­giques se sont révé­­lés payants à tous points
de vue, puisque Huawei est devenu, avec son rival chi­­nois ZTE, une des orga­­ni­­sa­­
tions majeures par­­ti­­cipant à la défi­­ni­­tion des nou­­veaux stan­­dards tech­­niques pour
les géné­­ra­­tions à venir de la télé­­pho­­nie mobile. En 20092, Huawei par­­ti­­cipait acti­­
ve­­ment à non moins de 83 asso­­cia­­tions de stan­­dar­­di­­sa­­tion, dont les prin­­ci­­pales
devant don­­ner nais­­sance aux NGN (New Generation Networks), en ayant même la
pré­­si­­dence de nom­­breux groupes de tra­­vail au sein du plus impor­­tant d’entre eux
l’IMS, l’IP Multimedia subplatform, qui doit per­­mettre la connexion de mul­­tiples
appli­­ca­­tions (TV, filaire, sans fil, etc.). Tard venu sur les solu­­tions GSM de la
deuxième géné­­ra­­tion des réseaux de commu­­ni­­ca­­tion (2G), Huawei a donc rat­­trapé
spec­­ta­­cu­­lai­­re­­ment son retard pour se posi­­tion­­ner, avec ZTE, au pre­­mier rang des
tech­­no­­logies UMTS et CDMA, fon­­da­­trices de la 3G, et se trouve désor­­mais en
pointe pour la qua­­trième géné­­ra­­tion (LTE, long term evolution)3.
En dépit des dif­­fi­­cultés ren­­contrées et de l’impor­­tance des efforts néces­­si­­tés par la
mobi­­li­­sa­­tion des équipes compo­­sées de nom­­breux ingé­­nieurs dédiés à ces acti­­vi­­tés
de stan­­dar­­di­­sa­­tion, Huawei s’est diver­­si­­fiée en déve­­lop­­pant de nou­­veaux pro­­duits
et ser­­vices autour de son acti­­vité de base d’équi­­pe­­ments télécom des­­ti­­nés aux opé­
­ra­­teurs. Désormais, Huawei dépasse le cadre des acti­­vi­­tés B to B pour déve­­lop­­per
des acti­­vi­­tés B to C, en pro­­po­­sant des pro­­duits et des appli­­ca­­tions grand public et

1.  Mais aussi In­tel, Texas Ins­­tru­­ments, Freescale Semiconductors, Qualcomm, Infineon Microsoft, IBM, Sun
Micorsystems, HP, Oracle,.. cf. Ying Zang, Alliance-­based Network View on Chinese Firms’s Catching –up : Case
Study of Huawei Tech­­no­­logies Co. Ltd., United Nations University, UNU-­MERIT, Working Paper Series, #2009-
039.
2.  Cf. W.F.Foster, « Why Huawei is going to be the number one manu­­fac­­tu­­rer in the world », Proceedings of the
Wes­­tern conference of the Asso­­cia­­tion for Asian Studies, 23/10/2009.
3.  Cf. J.F, Dufour, op.cit.

210
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4


entre­­prises, comme les smartphones, qu’elle avait commencé à fabri­­quer pour le
compte des opé­­ra­­teurs télécom avant de les commer­­cia­­li­­ser sous marque propre.

Huawei acteur en posi­­tion domi­­nante


Huawei est devenu le pre­­mier four­­nis­­seur de solu­­tions de commu­­ta­­tions basées sur
des plateformes infor­­ma­­tiques, les softswitch, capables de mettre en rela­­tion les dif­
­fé­­rents réseaux, PSTN (Public Switched Telephone Network)1, autre­­ment dits les
réseaux publics télé­­pho­­niques filaires et les réseaux VoIP (pour Voice over inter­­net
proto­col)2. Depuis, le suc­­cès ne s’est pas démenti, puisque l’entre­­prise vend ses
équi­­pe­­ments dans la plu­­part des pays, à la notable excep­­tion près des États-­Unis où
on voit en elle un ins­­tru­­ment du pou­­voir chi­­nois et un péril pour les opé­­ra­­teurs
locaux qui ont dû déjà lui aban­­don­­ner d’impor­­tantes parts de mar­­ché.
Fin 20103, Huawei avait vendu dans le monde entier, plus de 100 mil­­lions de routeurs
Inter­­net, 400  mil­­lions de commu­­ta­­teurs ethernet, deve­­nant le pre­­mier four­­nis­­seur
mon­­dial d’équi­­pe­­ments pour réseaux haut débit (avec 50 % de parts de mar­­ché), en
tête éga­­le­­ment pour les ser­­veurs d’appel (softswitch), pour les relais élec­­tro­­niques des
réseaux de commu­­ni­­ca­­tion. Sa per­­cée B to C, se confir­­mait avec son lea­­der­­ship pour
la four­­ni­­ture de clés 3G, de box inter­­net et, sur­­tout, de smartphones et tablettes4. En
dépit de la dif­­fi­­culté à construire une marque grand public, Huawei per­­siste, en cher­
­chant à impo­­ser dans le domaine des télé­­phones intel­­li­­gents la tech­­no­­logie du cloud
computing qu’elle maî­­trise et qui per­­met, parmi d’autres usages, de relier smartphones,
ter­­mi­­naux d’ordi­­na­­teurs et soft­­ware à des ser­­veurs dis­­tants dédiés au sto­­ckage des
don­­nées, affran­­chis­­sant les uti­­li­­sa­­teurs de la contrainte d’un « media hub » tel que le
PC du foyer pour la sau­­ve­­garde des don­­nées.
C’est donc, tout à la fois, dans une exten­­sion de gamme, une exten­­sion géo­­gra­­
phique, une exten­­sion de clien­­tèle que se lance Huawei en se posi­­tion­­nant par
rap­­port à ses concur­­rents comme lea­­der tech­­no­­lo­­gique. Ce qui ne doit pas faire
sous-esti­­mer les autres res­­sorts de sa réus­­site.
Le lea­­der­­ship de son diri­­geant his­­to­­rique, Ren Zhengfei, qui cultive la modes­­tie,
rési­­dant tou­­jours sur l’immense cam­­pus de Shenzen, au cœur de son entre­­prise
dont le capi­­tal est entiè­­re­­ment détenu par ses employés, dont 60 000 sala­­riés sur
110 000 sont action­­naires. Même si son patron n’est entré que tar­­di­­ve­­ment au Parti
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Commu­­niste Chi­­nois, le gou­­ver­­ne­­ment suit de très près et accom­­pagne la pro­­gres­­


sion de son groupe, auquel des lignes de cré­­dit impor­­tantes sont ouvertes et que la
diplo­­ma­­tie éco­­no­­mique chi­­noise accom­­pagne fidè­­le­­ment, dans la meilleure tra­­di­­
tion de la poli­­tique commer­­ciale stra­­té­­gique, lors de la négo­­cia­­tion de ses grands
contrats. Ce qui contri­­bue à expliquer que Huawei est consi­­dé­­rée avec méfiance
aux États-­Unis.

1.  ou Réseau Télé­­pho­­nique Commuté Public (RTCP)


2.  qui per­­mettent de commu­­ni­­quer par la voix sur des réseaux compa­­tibles IP ; les­­quels peuvent être des réseaux
pri­­vés ou d’Inter­­net, filaire (cable/ADSL/optique) ou non (satel­­lite, wifi, GSM), tech­­no­­logie qui est notam­­ment
uti­­li­­sée pour prendre en charge le ser­­vice de télé­­pho­­nie sur IP.
3.  Ibi­­dem, J.F. Dufour.
4.  Cf. : http://www.huaweidevice.com/worldwide/

211
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Parmi les plus gros défis que l’entre­­prise aurait à rele­­ver, en dehors des défis externes
qui se des­­sinent à tra­­vers l’ évo­­lu­­tion rapide de son envi­­ron­­ne­­ment géo-­sectoriel,
figure la crois­­sance et la ren­­ta­­bi­­lité, avec la néces­­sité d’adap­­ter une orga­­ni­­sa­­tion
deve­­nue énorme, qui recrute annuel­­le­­ment près de 30  000 col­­la­­bo­­ra­­teurs, sans
pour autant perdre les valeurs d’agres­­si­­vité commer­­ciale et l’esprit de conquête qui
ont fait son suc­­cès. La diver­­si­­fi­­ca­­tion autour du métier des réseaux des télé­­com­­mu­
­ni­­ca­­tions, peut paraître, elle aussi, pro­­blé­­ma­­tique, pour autant qu’au-­delà de la
conti­­nuité tech­­nique sur laquelle elle s’appuie, le pas­­sage du B to B au B to C
comporte de nou­­velles astreintes, comme celle de construire une marque.
Mais ce ne seraient pas les pre­­miers défis à rele­­ver pour l’entre­­prise de Shenzen, et il y a
fort à parier qu’elle saura trou­­ver, une fois encore, les moyens de faire face et de pro­­lon­
­ger cette success story emblé­­ma­­tique carac­­té­­ris­­tique, à elle toute seule, de bien des nou­
­velles voies ouvertes au déve­­lop­­pe­­ment des champions internationaux issus des ECR.
Quelle logique et quelles prin­­ci­­pales étapes a suivi Huawei au fil de son déve­­lop­­pe­
­ment depuis sa créa­­tion, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment en termes d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ? Quels
ont été les prin­­ci­­paux res­­sorts de sa crois­­sance spec­­ta­­cu­­laire ? Quelles inci­­ta­­tions
ont pu pous­­ser les diri­­geants de l’entre­­prise à ces dif­­fé­­rentes étapes de son évo­­lu­­
tion ? En quoi la firme présente-­t-elle un pro­­fil ori­­gi­­nal par rap­­port aux autres entre­
­prises chi­­noises, par rap­­port aux autres acteurs de son sec­­teur ? Les­­quelles tiennent
à l’entre­­prise elle-­même, à son lea­­der­­ship, à ses valeurs, tels que cette pré­­sen­­ta­­tion
les laisse entre­­voir ? Les­­quelles tiennent à l’envi­­ron­­ne­­ment chi­­nois, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­
­ment  ? Les­­quelles tiennent, enfin, au sec­­teur des télécom  ? Quelles dif­­fé­­rences
seraient à rele­­ver avec les pro­­ces­­sus de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional pré­­sen­­tés dans
ce cha­­pitre à tra­­vers les diverses contri­­bu­­tions concou­­rant à expli­­quer la dyna­­mique
inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions ? Dans quelle mesure cet exemple suggère-­t-il de les
renou­­ve­­ler  ? En met­­tant en évi­­dence quels nou­­veaux types d’inci­­ta­­tions  ? Dans
quelle mesure ce modèle de crois­­sance inter­­na­­tionale, tel que défini déjà par sa
logique et les inci­­ta­­tions qui l’ont sti­­mulé, est-­il trans­­po­­sable à d’autres sec­­teurs, à
d’autres orga­­ni­­sa­­tions, ori­­gi­­naires des ECR ? à d’autres orga­­ni­­sa­­tions ori­­gi­­naires des
éco­­no­­mies matures ?

Ce cas intro­­duc­­tif met donc en évi­­dence de nou­­velles dimen­­sions de la dyna­­mique


d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions, tenant par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment aux carac­­té­­ris­­tiques
du pays dont l’entre­­prise consi­­dé­­rée est issue, comme à l’acti­­vité à laquelle elle se
rat­­tache. Ce qui ne remet pas fon­­da­­men­­ta­­lement en ques­­tion les cadres expli­­ca­­tifs
tra­­di­­tion­­nels pro­­po­­sés pour l’expli­­quer, mais sug­­gère de les complé­­ter en pre­­nant en
compte ces nou­­velles dimen­­sions.
Notre but sera donc ici, en par­­tant des théo­­ries tra­­di­­tion­­nelles de l’inter­­na­­tiona­­
li­­sation qui obligent, pré­­ci­­sé­­ment, à une cer­­taine cohé­­rence, de mettre en évi­­dence
les apports des contri­­bu­­tions plus récentes, tenant compte de la plus grande diver­­
sité actuelle des contextes et des acteurs. Celles-­ci s’atta­­che­­ront, au-­delà des capa­
­ci­­tés expli­­ca­­tives des sché­­mas déter­­mi­­nistes de modèles par­­tiel­­le­­ment connotés par
l’envi­­ron­­ne­­ment et l’époque à laquelle ils se réfèrent, à mieux iden­­ti­­fier les approches

212
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

plus innovantes qu’exigent les bou­­le­­ver­­se­­ments per­­ma­­nents aux­­quels les orga­­ni­­sa­­


tions se trouvent désor­­mais confron­­tées.
Après avoir sou­­li­­gné l’impor­­tance de la dyna­­mique des ter­­ri­­toires et de la dyna­­
mique des acti­­vi­­tés, ce sera donc sur un mode empi­­rique, en asso­­ciant concepts et
che­­mi­­ne­­ments, heu­­reux ou moins heu­­reux à l’inter­­na­­tional, d’enti­­tés comme
Huawei, que l’on s’atta­­chera à mieux cer­­ner, la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation,
des orga­­ni­­sa­­tions, dans la perspec­­tive géo­­gra­­phique plus ou moins large cor­­res­­pon­
­dant aux espaces de réfé­­rence ou d’expan­­sion dans les­­quelles elles sont sus­­cep­­tibles
d’envi­­sa­­ger leur déve­­lop­­pe­­ment.
C’est ainsi que seront déga­­gées, dans un pre­­mier temps, les logiques du déve­­lop­­
pe­­ment inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions, à par­­tir des évo­­lu­­tions de la réflexion théo­
­rique face aux trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional. Dans un second
temps, seront pré­­ci­­sés les dif­­fé­­rents types d’inci­­ta­­tions (les déter­­mi­­nants) qui les ont
pous­­sées, les poussent ou les pous­­se­­ront, à cha­­cune des étapes de leur déve­­lop­­pe­­
ment, à pour­­suivre et ampli­­fier leur expan­­sion hors fron­­tières. Enfin, dans un troi­­
sième temps, seront mis en évi­­dence les « leviers » sur les­­quels pour­­ront agir les
orga­­ni­­sa­­tions pour fran­­chir ces dif­­fé­­rentes étapes (PREST niveau 3) en réponse aux
défis géo-­sectoriels tra­­di­­tion­­nels et nou­­veaux aux­­quels elles se trouvent confron­­
tées.

Section
1 Les logiques du développement
inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions
Jus­­qu’à une époque récente, il n’y a eu guère d’exemples d’organisations, même
opé­­rant dans des acti­­vi­­tés à domi­­nante glo­­bale, qui aient pu d’emblée envi­­sa­­ger une
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expan­­sion glo­­bale1. Leur aurait fait défaut les moyens néces­­saires à une telle ambi­­
tion, sauf à alié­­ner leur indé­­pen­­dance, sinon leur auto­­no­­mie, au pro­­fit d’une struc­­
ture plus puis­­sante. Depuis, le modèle des «  nées glo­­bales  »/born globals, semble
faire école 2 Et, dans une cer­­taine mesure, au moins pour la deuxième phase – accé­
­lé­­rée – de son déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, une entre­­prise comme Huawei peut
s’ins­­crire dans cette mou­­vance.

1.  C’est, pro­­ba­­ble­­ment dans les sec­­teurs, comme la micro-­informatique, à la fin des années 1970 et au cours de
la décen­­nie 1980, que l’on relève le plus grand nombre d’excep­­tions à ce constat, dans la mesure où le sec­­teur lui-
­même était en phase d’émer­­gence, et pré­­sen­­tait bon nombre de carac­­té­­ris­­tiques d’une voca­­tion glo­­bale. Un cer­­tain
nombre d’entre­­prises de l’époque, comme Apple ou Microsoft, deve­­nues rapi­­de­­ment des « stars », sur des mar­­chés
en évo­­lu­­tion très rapide, auto­­ri­­saient des marges très confor­­tables qui per­­met­­taient de finan­­cer un déve­­lop­­pe­­ment
tech­­no­­lo­­gique, indus­­triel et inter­­na­­tional à grande échelle, tout en conser­­vant leur auto­­no­­mie.
2.  Voir infra, 4.2.2. « Déve­­lop­­pe­­ment concen­­trique contre déve­­lop­­pe­­ment éclaté ou accé­­léré ».

213
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Mais l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, la multi­natio­­na­­li­­sation ou, a for­­tiori, la globalisation,


sont long­­temps appa­­rues et appa­­raissent encore, avant tout, comme le résul­­tat d’une
évo­­lu­­tion – plus ou moins rapide – propre à chaque orga­­ni­­sa­­tion, mar­­quée par des
avan­­cées, des paliers et par­­fois des re­culs. Il reste que l’obser­­va­­tion d’une grande
variété d’acteurs aux carac­­té­­ris­­tiques variées, opé­­rant dans dif­­fé­­rents contextes, per­
­met de tirer des ensei­­gne­­ments pré­­cieux pour l’action ; à condi­­tion de les adap­­ter
aux trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment.
C’est à tra­­vers les théo­­ries de la multi­natio­­na­­li­­sation, en effet, que cer­­taines
réponses pra­­tiques, empi­­riques, ont été d’abord appor­­tées, asso­­ciant pro­­gres­­si­­ve­­
ment, au cours de la période récente, de nou­­velles logiques propres à faci­­li­­ter les
déci­­sions d’inter­­na­­tionalisation des orga­­ni­­sa­­tions, quels que soient leur taille, leur
sec­­teur et leur déploie­­ment géo­­gra­­phique.
Dans un pre­­mier temps, les réflexions théo­­riques ont accom­­pa­­gné priori­­tai­­re­­ment
le grand mou­­ve­­ment de multi­natio­­na­­li­­sation des années 1960/1970. Elles ont pro­­
duit diverses ana­­lyses expli­­ca­­tives de la dyna­­mique propre à cette caté­­go­­rie spé­­ci­­
fique d’acteurs ; tan­­dis que la période plus récente, a vu l’émer­­gence d’une ana­­lyse
plus complète et plus prescriptive  : la théo­­rie «  éclec­­tique  » de la firme inter­­na­­
tionale. Celle-­ci tire lar­­ge­­ment parti de ces pre­­miers apports, mais en les complé­­tant,
en les enri­­chis­­sant et, sur­­tout, en les appli­­quant à tous les types d’orga­­ni­­sa­­tion qui
ont déjà engagé ou envi­­sagent un déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional.
Ces théo­­ries se situent réso­­lu­­ment dans le cadre de la concur­­rence impar­­faite et
dans une perspec­­tive de mobi­­lité inter­­na­­tionale des fac­­teurs. En cela, elles rejettent
cer­­taines compo­­santes clés des théo­­ries tra­­di­­tion­­nelles de l’échange inter­­na­­tional.
Elles le font, cepen­­dant, de façon prag­­ma­­tique et non sys­­té­­ma­­tique, en rete­­nant cer­
­tains aspects, comme les avan­­tages compa­­ra­­tifs entre pays1.

1  Les logiques de la multinationalisation des orga­­ni­­sa­­tions

D’abord envi­­sa­­gées pour les orga­­ni­­sa­­tions mul­­ti­­natio­­nales, avec des auteurs


comme S. Hymer ou F.T. Knickerbocker, elles ont béné­­fi­­cié ensuite de la contri­­bu­­
tion cen­­trale de Dunning et de l’école d’Uppsala (Uppsala 1), pour s’ouvrir à
d’autres perspec­­tives que ménagent désor­­mais dif­­fé­­rents axes théo­­riques complé­­
men­­taires (notam­­ment Uppsala 2).
Les pre­­mières contri­­bu­­tions à être déve­­lop­­pées, pré­­sen­­tant tou­­jours un inté­­rêt à
l’heure actuelle, en dépit des évo­­lu­­tions qu’elles ont dû connaître avec les trans­­for­­
ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment, portent sur un cer­­tain nombre de dimen­­sions clés,
visant à jus­­ti­­fier la multi­natio­­na­­li­­sation et à y inci­­ter les entre­­prises. Ces dimen­­sions
clés, qui appa­­raissent par­­tielles à la lumière de ces trans­­for­­ma­­tions de la période

1.  Mucchielli J.-L., op. cit.

214
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

récente, recoupent et valident d’ailleurs un cer­­tain nombre des « déclen­­cheurs » de


l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, qui seront mis en évi­­dence plus bas, dans le cadre d’approches
plus sys­­té­­ma­­tiques.

1.1 Limites et moder­­nité des théo­­ries partielles


de la multi­natio­­na­­li­­sation
Ces inter­­pré­­ta­­tions par­­tielles s’expriment à tra­­vers plu­­sieurs contri­­bu­­tions théo­­
riques.
L’exis­­tence, pour la (grande) entre­­prise inter­­na­­tionale, d’«  avan­­tages spé­­ci­­fiques
trans­­férables » ou « d’avan­­tages compétitifs » consti­­tue ainsi pour S. Hymer, une expli­
­ca­­tion cen­­trale de son carac­­tère mul­­ti­­natio­­nal, en ce qu’il lui per­­met « d’obte­­nir des
gains supé­­rieurs aux coûts d’implan­­ta­­tion et, ainsi, de demeu­­rer compé­­titive sur les ter­
­ri­­toires étran­­gers1 ». Ces « avan­­tages spé­­ci­­fiques », trans­­férables inter­­nationalement,
peuvent être de dif­­fé­­rents ordres :
––avance tech­­no­­lo­­gique de la firme ;
––image favo­­rable véhi­­cu­­lée par un mar­­ke­­ting effi­­cace, au niveau international ;
––capa­­cité à béné­­fi­­cier de larges éco­­no­­mies d’échelle ;
––accès pri­­vi­­lé­­gié à cer­­tains fac­­teurs de pro­­duc­­tion.
Dans la mou­­vance de cette approche, C.P. Kindleberger2, insiste, à titre complé­­
men­­taire, sur l’impor­­tance de cer­­taines moti­­vations à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation pour les
grandes entre­­prises mul­­ti­­natio­­nales, sou­­vent en situa­­tion d’oligo­­pole dans leur pays
d’ori­­gine. Il sou­­ligne que dans un tel contexte il leur devient de plus en plus dif­­fi­­cile,
du fait de l’inten­­sité de la concur­­rence et des règles anti mono­­poles, d’y pour­­suivre
leur crois­­sance  ; ce qui les conduit à cher­­cher des relais de crois­­sance hors fron­­
tières.

Remarque
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Face à cette combi­­nai­­son des avan­­tages spé­­ci­­fiques tranférables à déte­­nir et de la moti­­


vation à s’inter­­na­­tiona­­li­­ser qui res­­tent tou­­jours valables, sur­­tout pour les orga­­ni­­sa­­tions
fai­­sant par­­tie d’un oligo­­pole, cer­­taines réserves peuvent être émises. La ques­­tion que
sou­­lève, en effet, le cas intro­­duc­­tif Huawei, est celle de la soli­­dité de l’avan­­tage spé­­ci­­
fique ou compétitif et sur la pos­­si­­bi­­lité pour les orga­­ni­­sa­­tions qui en dis­­posent de le
conser­­ver dans le temps  : la suc­­ces­­sion inin­­ter­­rom­­pue des «  géné­­ra­­tions  » de tech­­no­­
logies nou­­velles (ici les 2G, 3G, 4G.) sug­­gère, en effet, que, dans cer­­tains sec­­teurs du
moins, sans inno­­va­­tion – et encore, sans inno­­va­­tion bien exploi­­tée –, comme l’illustre
l’exemple ci-­dessous de la déconfi­­ture de Kodak – une orga­­ni­­sa­­tion est vouée à décli­­ner,
voire à dis­­pa­­raître.

1.  Hymer S., « La grande cor­­po­­ra­­tion inter­­na­­tionale », Revue éco­­no­­mique, novembre 1968.
2.  Cf. C.K Kindleberger, American Busi­­ness Abroad, New Haven, Yale University Press, 1969.

215
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Exemple 4.1 – Kodak au bord de l’ago­­nie1


La firme légen­­daire de Rochester s’est pla­­cée le 19 janvier 2012 sous la pro­­tec­­tion de la
loi amé­­ri­­caine sur les faillites, après 132 ans d’exis­­tence, après avoir employé jus­­qu’à
140 000 per­­sonnes dans le monde, en 1999, et figuré parmi les trente valeurs de réfé­­rence
de l’indice Dow Jones jus­­qu’à son retrait en 2004, avec un chiffre d’affaires ayant
culminé à 16 milliards de $ en 1996 et des béné­­fices à 2,5 milliards en 1999. Pos­­sé­­dant
tou­­jours un por­­te­­feuille de 1 000 bre­­vets, elle ne valait plus, à la veille de la mise en place
de cette pro­­cé­­dure de sau­­ve­­tage, que 150 mil­­lions de $, avait fermé treize usines et cent
trente labo­­ra­­toires, supprimé quarante-­sept mille postes.
Comment l’entre­­prise en est-­elle arri­­vée là, alors qu’elle avait été à la pointe des inno­­va­
­tions ayant conduit au déve­­lop­­pe­­ment du numé­­rique et ras­­sem­­blé des compé­­tences qui
lui auraient dura­­ble­­ment ouvert les portes de la diver­­si­­fi­­ca­­tion, notam­­ment dans les sec­­
teurs chi­­miques et phar­­ma­­ceu­­tiques, où ses ten­­ta­­tives ont tourné court ?
Elle n’a sans doute pas mesuré l’accélération technologique  ; si atta­­chée qu’elle était au
modèle éco­­no­­mique de l’appa­­reil photo bon mar­­ché, sti­­mu­­lant la vente de pel­­li­­cules pro­­cu­­
rant de fortes marges, tout en pro­­fi­­tant d’une situa­­tion domi­­nante sur un mar­­ché mon­­dial où
elle n’avait à affron­­ter qu’un seul concur­­rent signi­­fi­­ca­­tif, le japo­­nais Fuji. À la dif­­fé­­rence de
celui-­ci, qui a su se consti­­tuer des nou­­veaux domaines d’exper­­tise et les exploi­­ter judi­­cieu­­se­
­ment, le numé­­rique a emporté la firme de Rochester, jusque et y compris sur les mar­­chés
émergents où les nou­­velles classes mon­­tantes ont pré­­féré faire rapi­­de­­ment l’impasse sur
l’appa­­reil à pel­­li­­cule, illus­­trant l’impor­­tance crois­­sante du « saut de la gre­­nouille/leapfrogging »,
par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment carac­­té­­ris­­tique des consom­­ma­­teurs asia­­tiques épris d’inno­­va­­tion.

En cela, ces expli­­ca­­tions de la dyna­­mique de multi­natio­­na­­li­­sation rejoignent la


théo­­rie du cycle de vie inter­­na­­tional du pro­­duit, de Vernon, évo­­quée plus haut2, qui,
non contente d’insis­­ter sur les rai­­sons internes qui poussent l’entre­­prise à inter­­na­­
tiona­­li­­ser son pro­­duit, iden­­ti­­fie un cer­­tain nombre d’avan­­tages complé­­men­­taires
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de sa struc­­ture :
––le béné­­fice de moindres coûts de pro­­duc­­tion ;
––une meilleure adap­­ta­­tion à la demande locale ;
––ou encore un meilleur contrôle du mar­­ché.

Remarque
Mais, là encore, les trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional remettent en ques­
­tion la pos­­si­­bi­­lité pour les mul­­ti­­natio­­nales de tirer parti d’un déca­­lage de matu­­rité qui a
lar­­ge­­ment dis­­paru et condui­­sait à consi­­dé­­rer les éco­­no­­mies émergentes comme des espa­
ces d’expan­­sion relais, des­­ti­­nés à pro­­lon­­ger la vie des pro­­duits. Aujourd’hui, dans de
nom­­breux sec­­teurs – sinon dans tous – les consom­­ma­­teurs et les uti­­li­­sa­­teurs aver­­tis, où
qu’ils se trouvent, refusent des pro­­duits dont ils sont mieux à même, désor­­mais, d’iden­­
ti­­fier le carac­­tère obso­­lète ; quitte, comme les nou­­veaux ama­­teurs de photo­­graphie des
pays émergents, évo­­qués ci-­dessus à adop­­ter d’emblée la photo­­graphie digi­­tale, en « sau­
­tant » la géné­­ra­­tion tech­­no­­lo­­gique pré­­cé­­dente de l’appa­­reil à pel­­li­­cule.

1.  Cf. The Economist 14/01/2012, et lemonde.fr avec AFP et Reuters, 19/01/2012.
2.  Cf. figure 1.6 « Les étapes du cycle inter­­na­­tional du pro­­duit » (d’après R. Vernon).

216
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Mais d’autres contri­­bu­­tions, telle la théo­­rie de la réac­­tion oligo­­polis­­tique, de


F.T. Knickerbocker, sou­­lignent l’impor­­tance d’élé­­ments de nature dif­­fé­­rente, comme
les compor­­te­­ments col­­lec­­tifs des entre­­prises qui déve­­loppent un véri­­table «  effet
d’imi­­ta­­tion  » de la firme lea­­der (follow the lea­­der). Par ses choix, cette der­­nière
oriente les autres entre­­prises et sus­­cite de leur part des mou­­ve­­ments vers les mêmes
loca­­li­­sa­­tions géo­­gra­­phiques. Elle peut éga­­le­­ment les inci­­ter à rete­­nir les mêmes seg­
­ments de clien­­tèle, les mêmes pro­­duits ou gammes de pro­­duits.

Remarque
Ainsi, à l’heure actuelle, dans les sec­­teurs, « tirés par l’offre », où le renou­­vel­­le­­ment des
tech­­no­­logies est par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment rapide, l’exis­­tence d’une firme inno­­va­­trice, béné­­fi­­ciant,
qui plus est, d’une image excep­­tion­­nelle, comme Apple dans le domaine de l’élec­­tro­­
nique grand public, en fait « l’acteur de réfé­­rence », sur lequel se « calent » ses concur­­
rents, quitte à cher­­cher à se dif­­fé­­ren­­cier par rap­­port à l’offre de ce lea­­der1.

En recher­­chant, dans un sec­­teur B to B, le lea­­der­­ship tech­­no­­lo­­gique c’est une


logique simi­­laire que semble suivre Huawei, en mani­­fes­­tant clai­­re­­ment son inten­­tion
de créer le stan­­dard.
Mais ces approches par­­tielles de la dyna­­mique de multi­natio­­na­­li­­sation se sont pro­
­gres­­si­­ve­­ment rap­­pro­­chées et asso­­ciées aux réflexions s’ins­­cri­­vant dans la logique de
l’avan­­tage compa­­ra­­tif des zones géo­­gra­­phiques, pour don­­ner lieu à des approches
plus exhaus­­tives.

1.2 De la théo­­rie éclec­­tique de la firme mul­­ti­­natio­­nale


à la défi­­ni­­tion de stra­­té­­gies glo­­bales
Dif­­fé­­rentes autres approches plus sys­­té­­ma­­tiques peuvent être dis­­tin­­guées, qui
fédèrent tout ou par­­tie de ces déter­­mi­­nants de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, essayant d’asso­
­cier, dans leurs apports res­­pec­­tifs, la dyna­­mique propre des entre­­prises avec celle
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

des zones géo­­gra­­phiques.


Cette pré­­oc­­cu­­pa­­tion syn­­thé­­tique est pré­­sente :
––dans le cadre d’ana­­lyse, débou­­chant sur des conclu­­sions prescriptives, pro­­posé par
J.H. Dunning, dont le carac­­tère « éclec­­tique » s’explique par la variété de ses ins­
­pi­­ra­­tions ;
––dans la démarche de G. Kogut, qui part d’un rap­­pro­­che­­ment entre l’avan­­tage
compa­­ra­­tif des pays et l’avan­­tage compé­­titif des firmes, pour iden­­ti­­fier les prin­­ci­
­paux domaines per­­met­­tant à celles-­ci d’envi­­sa­­ger leur déve­­lop­­pe­­ment à une
échelle glo­­bale ;

1.  Ce que fait Samsung, en se posi­­tion­­nant, par exemple, avec sa Galaxy S2 , à un niveau inter­­mé­­diaire entre le
Smartphone de réfé­­rence, l’iPhone, et la tablette dont Apple a été le créa­­teur avec l’iPad.

217
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

––dans celle de cou­­rants de pen­­sée s’ins­­cri­­vant davan­­tage encore dans une perspec­­
tive stra­­té­­gique – comme Doz et Prahalad ou Bartlett et Goshal –, pré­­ci­­sant les
voies de tran­­si­­tion, pour l’entre­­prise, entre la réflexion et l’action.
À l’ins­­tar de Grubel et Lloyd1, la théo­­rie éclec­­tique de la firme mul­­ti­­natio­­nale
reclasse et hié­­rar­­chise les dif­­fé­­rentes inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, sans les
repla­­cer d’emblée dans la perspec­­tive d’un déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional pro­­gres­­sif.
En revanche, elle se pro­­pose de les uti­­li­­ser pour l’aide aux déci­­sions stra­­té­­giques, en
indi­­quant les modes d’inter­­na­­tiona­­li­­sation envi­­sa­­geables pour chaque combi­­nai­­son
d’inci­­ta­­tions.

c Repère 4.1
La théo­­rie OLI
Sous le terme géné­­rique de para­­digme OLI (pour Ownership, Loca­­tion, et Internalization),
elle dis­­tingue trois grandes caté­­go­­ries d’inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation (cf. tableau 4.1).
••La pre­­mière cor­­res­­pond aux avan­­tages spé­­ci­­fiques/ownership advantages dont dis­­pose
l’orga­­ni­­sa­­tion (proche du concept iden­­ti­­fié par S. Hymer évo­­qué ci-­dessus), qui consti­­tue
un pré requis indis­­pen­­sable à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation. Elle recouvre, en par­­ti­­cu­­lier les actifs
intan­­gibles, décou­­lant de la taille et des posi­­tions acquises par l’orga­­ni­­sa­­tion (capa­­cité
d’inno­­va­­tion et maî­­trise tech­­no­­lo­­gique, per­­son­­nel qua­­li­­fié, capa­­cité de finan­­ce­­ment,
etc.). Son impact se trouve démul­­ti­­plié dès lors que l’entre­­prise agit déjà dans une
perspec­­tive inter­­na­­tionale et pos­­sède une capa­­cité à sai­­sir les oppor­­tu­­ni­­tés se pré­­sen­­tant
hors de l’espace d’ori­­gine.
••La seconde recense les avan­­tages de loca­­li­­sa­­tion/loca­­tion advantages, et exploite cer­­tains
apports de la théo­­rie de la dota­­tion ini­­tiale de fac­­teurs et de la poli­­tique commer­­ciale
stra­­té­­gique. Elle met l’accent sur un déve­­lop­­pe­­ment compor­­tant une dimen­­sion spa­­tiale
et sur l’attractivité des ter­­ri­­toires2: elle se foca­­lise sur le trans­­port, l’acces­­si­­bi­­lité de la
main-­d’œuvre, les bar­­rières cultu­­relles et régle­­men­­taires, le poten­­tiel du mar­­ché, pour
mesu­­rer aussi bien leurs attraits que leurs aspects dis­­sua­­sifs (ou les contraintes de contour­
­ne­­ment qu’ils imposent) sur le déve­­lop­­pe­­ment d’expor­­ta­­tions ou d’implan­­ta­­tions.
••La troi­­sième, cen­­trée sur les avan­­tages d’inter­­na­­li­­sa­­tion/internalization advantage, sou­­
ligne, dans une perspec­­tive orga­­ni­­sa­­tion­­nelle, les béné­­fices qu’est sus­­cep­­tible de tirer
l’organisation de la créa­­tion, au sein même de sa struc­­ture, de son propre sys­­tème de
tran­­sac­­tion. Celui-­ci lui per­­met, par exemple, d’orga­­ni­­ser indé­­pen­­dam­­ment des mar­­chés,
dans le cadre même de ses struc­­tures, sa pro­­duc­­tion et ses appro­­vi­­sion­­ne­­ments ainsi
qu’une ges­­tion plus effi­­cace de son risque de change, ou encore la mise à pro­­fit d’un
sys­­tème d’infor­­ma­­tion étendu.

1.  Voir les échanges intra branche, chapitre 3, 3.2.1 et tableau 3.2 « L’inten­­si­­fi­­ca­­tion des échanges intra branche :
une approche “éclec­­tique” ».
2.  Voir chapitre 2, 2.2. « Mise en oeuvre du posi­­tion­­ne­­ment dyna­­mique des ter­­ri­­toires : des défis envi­­ron­­ne­­men­
­taux aux choix stra­­té­­giques ».

218
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Tableau 4.1 – Appli­­ca­­tion de la théo­­rie de Dunning au déve­­lop­­pe­­ment


inter­­na­­tional du sec­­teur hôte­­lier

Avantage spécifique Avantage à la localisation Avantage à l’internalisation


(Ownership) (Location) (Internalization)
Connaissance des goûts et des Taille et taux de croissance du pays Contrôle qualité
attentes des clients de la zone d’accueil
d’origine
Capacité de coordination
Potentiel touristique de la société-mère
Image de marque de la
société-mère Qualité et importance de Mise à profit de l’expérience
l’infrastructure hôtelière locale internationale
Maîtrise des investissements en (complémentarité avec la spécificité
matière de formation des hôtels étrangers) Minimisation des coûts
de transaction
Accès à /référencement dans un Stabilité économique, sociale et
système de réservation politique

Application de la théorie OLI aux principales variables déterminant l’extension


et la structuration à l’étranger d’un échantillon
de 17 grandes chaînes hôtelières européennes, américaines et asiatiques.

Adapté de : J.-H. Dunnig, S.-K. Kundu, « The internatlonalization of the Hôtel Industry
Journal of International Business/MIR/Management International Review
février 1995, Gabier Verlag, Wiesbade

À par­­tir de l’iden­­ti­­fi­­cation et de l’éva­­lua­­tion des avan­­tages dont béné­­fi­­cie une


entre­­prise ou d’un groupe d’entre­­prises l’inci­­tant à s’ internationaliser dans un
espace géo-­sectoriel déter­­miné ou dans un ensemble d’espaces, il est pos­­sible, en
s’appuyant sur le « para­­digme OLI », de déter­­mi­­ner les modes d’entrée/modes de
pénétration les plus appro­­priés dans un ou plu­­sieurs d’entre eux (cf.  tableau  4.2),
selon un modèle simple, fai­­sant res­­sor­­tir :
––que toute inter­­na­­tiona­­li­­sation passe par l’exis­­tence d’un avan­­tage spé­­ci­­fique signi­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

­fi­­ca­­tif ; ce qui signi­­fie que l’entre­­prise doit avoir déjà réussi dans son espace d’ori­
­gine ;
––que l’inves­­tis­­se­­ment n’est envi­­sa­­geable que si deux1 – sinon les trois – types
d’avan­­tages se conjuguent ;
––que l’expor­­ta­­tion et la ces­­sion de licence peuvent s’envi­­sa­­ger au cas où l’avan­­tage
à la loca­­li­­sa­­tion serait insuf­­fi­­sant.

1.  Deux pour­­raient suf­­fire dans une perspec­­tive d’horizontalisation ; en revanche les trois avan­­tages sont néces­
s­ aires dans une perspec­­tive de verticalisation, qui néces­­site une approche inté­­grée correspondant un niveau d’inter­
­na­­li­­sa­­tion déjà élevé.

219
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Tableau 4.2 – Le modèle de choix de mode d’entrée/de péné­­tra­­tion de Dunning1

Avantages
O L I
Mode de pénétration
des marchés étrangers
Investissement direct + + +

Exportation + − +

Cession de licence + − −

La situa­­tion actuelle conserve à cette théo­­rie deve­­nue cen­­trale en Mana­­ge­­ment


Inter­­na­­tional, l’essen­­tiel de sa per­­ti­­nence. Elle néces­­site, cepen­­dant d’être repla­­cée
dans un contexte où les nou­­velles tech­­no­­logies n’avaient pas pris la place qu’elles
occupent aujourd’hui. Le para­­digme OLI s’applique donc de pré­­fé­­rence dans les
sec­­teurs de l’indus­­trie et des ser­­vices tra­­di­­tion­­nels (comme l’hôtel­­le­­rie) ; il apparaît
plus dif­­fi­­cile à appli­­quer à des entre­­prises dont les modèles éco­­no­­miques s’appuient
pré­­ci­­sé­­ment sur les N.T.I.C. et les réseaux.
Dans le cas de Huawei, comme de beau­­coup d’entre­­prises « tirées par la tech­­no­­
logie » (technology driven) la conquête des avan­­tages spé­­ci­­fiques apparaît cen­­trale
et déter­­mine l’accès rapide à l’avan­­tage de loca­­li­­sa­­tion, dans la mesure où une per­­
cée tech­­no­­lo­­gique signi­­fi­­ca­­tive ouvre l’accès aux espaces d’expan­­sion de plus en
plus nom­­breux où elle consti­­tue un atout déter­­mi­­nant…, pour autant que l’on dis­­
pose des res­­sources propres à déve­­lop­­per l’organisation hors fron­­tières. Ce qui est
davan­­tage le cas des entre­­prises chi­­noises qui peuvent comp­­ter sur les aides gou­­ver­
­ne­­men­­tales comme sur des concours ban­­caires consé­­quents et, moins, celui des
PME euro­­péennes2, sur­­tout si elles veulent res­­ter indé­­pen­­dantes.
En tenant compte, dès les années 90 de l’accé­­lé­­ra­­tion des muta­­tions de l’envi­­ron­
­ne­­ment, B. Kogut insis­­tait déjà sur la néces­­saire flexi­­bi­­lité opé­­ra­­tion­­nelle des firmes
face à l’incer­­ti­­tude qui domi­­nait déjà l’évo­­lu­­tion rapide des avan­­tages compa­­ra­­tifs
entre pays et les avan­­tages compé­­titifs des firmes. Il notait, alors, que les uns sont
déter­­mi­­nés par des dif­­fé­­rences entre pays dans le coût des fac­­teurs (des matières
pre­­mières, du tra­­vail – qua­­li­­fié ou non qua­­li­­fié –, des équi­­pe­­ments.) et que les autres
sont dus aux écarts entre firmes, en matière de capa­­cité à trans­­for­­mer ces fac­­teurs en
biens et en ser­­vices, tout en maxi­­mi­­sant le pro­­fit qu’elles en tirent.
Cette incer­­ti­­tude, selon lui, résulte de phé­­no­­mènes déjà sou­­li­­gnés, dans les cha­­
pitres pré­­cé­­dents :

1.  Source : J.-H. Dunning, Explaining Inter­­na­­tional Pro­­duc­­tion,Unwin Hyman, 1988.


2.  Cf. exemple 4.3 « Archos ou la per­­sé­­vé­­rance récom­­pen­­sée d’une born glo­­bal à la fran­­çaise ».

220
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

––l’éco­­no­­mie mon­­diale subit une muta­­tion fon­­da­­men­­tale en matière d’avan­­tages


compa­­ra­­tifs entre pays, se tra­­dui­­sant aussi bien par une ré­allo­­ca­­tion inter­­sec­­to­­
rielle de l’indus­­trie mon­­diale et par cer­­taines ten­­dances au pro­­tec­­tion­­nisme ;
––la concur­­rence mon­­diale se carac­­té­­rise par une très grande variété de posi­­tion­­ne­­
ments sur la chaîne de valeur et d’options en matière de choix d’appro­­vi­­sion­­ne­­
ments et de mar­­chés ; elle se carac­­té­­rise aussi, sou­­vent, par un manque d’usages
et de pra­­tiques stables, en matière de concur­­rence intra-sec­­to­­rielle.

c Repère 4.2
Les défis de l’incer­­ti­­tude pour l’entre­­prise mondialisée1
B. Kogut cite le cas de l’inca­­pa­­cité de diverses grandes entre­­prises2 opé­­rant au niveau
inter­­na­­tional de faire face à cer­­taines situa­­tions cri­­tiques :
––une mul­­ti­­natio­­nale euro­­péenne qui conti­­nue pen­­dant une longue période, à inves­­tir
mas­­si­­ve­­ment sur le mar­­ché d’un pays latino-­américain hyper infla­­tion­­niste, avant de
se rendre compte de la dété­­rio­­ra­­tion cor­­ré­­la­­tive de la posi­­tion concur­­ren­­tielle de ses
pro­­duits, du fait de la déva­­lua­­tion de la mon­­naie locale ;
––l’état-major d’une grande entre­­prise amé­­ri­­caine qui se réjouit d’une prise de
commande de pre­­mière impor­­tance pour apprendre, inci­­dem­­ment, que son concur­
­rent majeur avait été sa propre filiale japo­­naise ;
––une divi­­sion d’une autre grande entre­­prise amé­­ri­­caine qui s’engage dans une joint
venture pour sup­­pléer à ses lacunes en matière de mar­­ke­­ting inter­­na­­tional, avant de
réa­­li­­ser qu’une autre divi­­sion de son groupe pos­­sé­­dait une expé­­rience de plu­­sieurs
dizaines d’années en la matière.
En consé­­quence, l’incer­­ti­­tude carac­­té­­rise aussi bien les phases ini­­tiales d’inter­­na­­tiona­
l­i­­sation de l’entre­­prise que ses choix de réac­­tion concur­­ren­­tielle – fixa­­tion de prix ou
mode d’approche des mar­­chés – ulté­­rieu­­re­­ment. Cela doit se tra­­duire, par compa­­rai­­son
entre stra­­té­­gie domes­­tique et stra­­té­­gie glo­­bale, moins par l’éla­­bo­­ra­­tion de plans stra­­té­
­giques à long terme, que par le déve­­lop­­pe­­ment de sa flexi­­bi­­lité opé­­ra­­tion­­nelle, qui
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

per­­met d’exploi­­ter rapi­­de­­ment les fluc­­tua­­tions des cours de change, les chan­­ge­­ments
de l’envi­­ron­­ne­­ment concur­­ren­­tiel, comme l’évo­­lu­­tion des poli­­tiques gou­­ver­­ne­­men­­
tales. Pour l’orga­­ni­­sa­­tion qui maî­­trise de telles capa­­ci­­tés d’arbi­­trage et de tels effets de
levier, cela signi­­fie aussi qu’elle pos­­sède d’ores et déjà un large éven­­tail d’« avan­­tages
d’inter­­na­­li­­sa­­tion », au sens du para­­digme OLI de Dunning.

1.  Kogut B., « Designing Glo­­bal Strategies Compa­­ra­­tive and competitive Value-­Added Chains », Sloan Mana­­
ge­­ment Review, Summer 1995  ; « Designing Glo­­bal Strategies  : Profiting from Operational Flexibility  », Sloan
Mana­­ge­­ment Review, Fall 1995.
2.  À noter que les grandes enterprises ne sont pas les seules à être confron­­tées à de telles situa­­tions : le cloi­­son­
n­ e­­ment de firmes de plus petite taille, opé­­rant à l’inter­­na­­tional, orga­­ni­­sées en centres de pro­­fit auto­­nomes les uns
des autres ou compor­­tant une sépa­­ra­­tion trop grande entre res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés fonc­­tion­­nelles, peuvent pri­­ver l’orga­­ni­­sa­
­tion de béné­­fices poten­­tiels signi­­fi­­ca­­tifs si elle ne veille pas à y remé­­dier (voir, cha­­pitre 5, Exemple 5.5. Sudelec).

221
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

c Repère 4.3
Déve­­lopper la flexi­­bi­­lité opé­­ra­­tion­­nelle et l’avan­­tage d’inter­­na­­li­­sa­­tion
des firmes mul­­ti­­natio­­nales
Pour par­­ve­­nir à davan­­tage de flexi­­bi­­lité opé­­ra­­tion­­nelle, l’orga­­ni­­sa­­tion doit, en fait, être
en mesure d’agir – et de réagir – au niveau de six champs d’action pri­­vi­­lé­­giés. En uti­­
li­­sant une ter­­mi­­no­­logie finan­­cière, les quatre pre­­miers relè­­ve­­raient de l’arbi­­trage, les
deux autres, de l’effet de levier :
••Arbi­­trage entre fac­­teurs de pro­­duc­­tion, par voie de re­déploie­­ment de la pro­­duc­­tion, pour
répondre aux fluc­­tua­­tions de change, en pre­­nant bien garde à ce que les avan­­tages obte­
­nus ne soient pas infé­­rieurs aux désa­­van­­tages sup­­por­­tés en matière d’éco­­no­­mies d’échelle
ou de créa­­tion de sur­­ca­­pa­­ci­­tés de pro­­duc­­tion.
•• Arbi­­trage ins­­ti­­tution­­nel dans la recherche de l’opti­­mi­­sation fis­­cale, en tirant par­­tie des
prix de trans­­fert entre implan­­ta­­tions, de manière à loca­­li­­ser le béné­­fice là où la taxa­­
tion est la plus légère, ou encore, en jouant sur les dif­­fé­­rences de taux d’impo­­si­­tion
frap­­pant les dif­­fé­­rentes sources de reve­­nus, divi­­dendes, rede­­vances, commis­­sions,
inté­­rêts.
••Arbi­­trage finan­­cier, de manière à pro­­fi­­ter des capa­­ci­­tés d’emprunt ou des sub­­ven­­tions les
plus avan­­ta­­geuses, par exemple en adap­­tant les poli­­tiques d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment, de
manière à loca­­li­­ser les expor­­ta­­tions là où elles se trou­­veront les mieux sou­­te­­nues par les
dis­­po­­si­­tifs natio­­naux.
••Arbi­­trage de l’infor­­ma­­tion, en déve­­lop­­pant les sys­­tèmes de veille, dans le but de mieux
rap­­pro­­cher ven­­deurs et ache­­teurs, pour mieux s’acquit­­ter de ses obli­­ga­­tions de compen­­
sa­­tion, ou encore, pour mieux repérer, de par le monde, les avan­­cées tech­­no­­lo­­giques et
en tirer parti dans des sec­­teurs ou dans des zones où elles seront mieux exploi­­tées.
••Effet de levier de la coor­­di­­na­­tion à une échelle glo­­bale, non plus en jouant sur les dif­­fé­­
rences de prix entre actifs (comme pour l’arbi­­trage), mais en tirant parti d’une vision glo­
­bale et du pou­­voir exercé sur un ensemble de mar­­chés, en agis­­sant, par exemple, sur la
pos­­si­­bi­­lité de dif­­fé­­ren­­cier ses prix de l’un à l’autre (en mul­­ti­­pliant les sub­­ven­­tions croi­­sées
entre pro­­duits), de manière à entra­­ver les offen­­sives de cer­­tains concur­­rents.
••Effet de levier de la dis­­sé­­mi­­na­­tion et du contrôle du risque poli­­tique, sus­­cep­­tible de don­
­ner à cer­­taines entre­­prises un véri­­table pou­­voir de mar­­chan­­dage ou, même, de rétor­­sion
vis-­à-vis des auto­­ri­­tés de pays dépen­­dant de leur tech­­no­­logie ou de leurs commandes de
matières pre­­mières (ou encore sou­­hai­­tant béné­­fi­­cier de leurs inves­­tis­­se­­ments).
Pour atteindre, dans ces six domaines le degré de flexi­­bi­­lité voulu, l’entre­­prise doit
pou­­voir s’appuyer sur une orga­­ni­­sa­­tion effi­­cace et sur une cen­­tra­­li­­sa­­tion suf­­fi­­sante pour
assu­­rer sa vision d’ensemble, sans pour autant négli­­ger, la sti­­mu­­lation des dif­­fé­­rentes
par­­ties pre­­nantes internes au niveau des dif­­fé­­rentes implan­­ta­­tions.

Peuvent se rat­­ta­­cher à ces approches celles qui valo­­risent la flexi­­bi­­lité stra­­té­­gique


et orga­­ni­­sa­­tion­­nelle dans les nou­­veaux modèles de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ; à
par­­tir, par exemple, du concept d’« usine mon­­diale glo­­bal factory », de Buckley et

222
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Ghauri1, qui peut sug­­gé­­rer à l’orga­­ni­­sa­­tion de jouer en per­­ma­­nence sur l’inter­­na­­li­­sa­


­tion2/externalisation3 de la pro­­duc­­tion au fil de la chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment, jus­­
qu’aux fonc­­tions cen­­trales du modèle éco­­no­­mique (comme la R & D, le design, ou
l’ingénierie), en pre­­nant en compte les contraintes de coût, – mais aussi de rap­­pro­­
che­­ment des pôles de recherche les plus impor­­tants pour l’acti­­vité comme le pra­­
tique Huawei –, d’adap­­ta­­tion aux attentes spé­­ci­­fiques des mar­­chés, ou de pro­­tec­­tion
de la pro­­priété indus­­trielle.
Ce modèle, qui s’applique par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment bien aux lea­­ders tech­­no­­lo­­giques
domi­­nants, comme Apple, peut éga­­le­­ment conve­­nir à des acteurs de taille bien plus
modeste, opé­­rant dans le même sec­­teur, comme le n°4 mon­­dial des tablettes tac­­tiles,
le fran­­çais Archos4. Il peut aussi s’appli­­quer à bon nombre d’acti­­vi­­tés appar­­te­­nant
au groupe des biens de consom­­ma­­tions durables (les durables, comme les articles
de sport5, l’élec­­tro­­mé­­na­­ger) ou, même, jus­­qu’à un cer­­tain point, à l’auto­­mo­­bile ou
l’aéro­­nau­­tique, qui, cepen­­dant, comportent la contrainte de l’assem­­blage final et du
regrou­­pe­­ment autour des chaînes de mon­­tage des prin­­ci­­paux four­­nis­­seurs/OEM de
pre­­mier rang. Le prin­­cipe de flexi­­bi­­lité pour les acteurs du sec­­teur de la confec­­tion
les amène éga­­le­­ment à combi­­ner l’inter­­na­­li­­sa­­tion et l’externalisation de la pro­­duc­­
tion, au fil de leur déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional et du déploie­­ment géo­­gra­­phique de
leurs mar­­chés, sui­­vant les contraintes par­­ti­­cu­­lières de la chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­
ment/supply chain, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment liée à l’exi­­gence de dis­­po­­ni­­bi­­lité immé­­diate des
pro­­duits par la clien­­tèle6 le just in time.

1.  Buckley P.J. et Ghauri P. «  The globalization, Economic Geography and the Strategy of Mul­­ti­­natio­­nal
enterprises », Jour­­nal of Inter­­na­­tional busi­­ness Studies, vol.35, N° 2.
2.  Prise en charge de cer­­tains stades de fabri­­ca­­tion par une struc­­ture interne – filiale ou succursale – fai­­sant par­
­tie de l’entre­­prise.
3.  Prise en charge d’autres stades de fabri­­ca­­tion par une struc­­ture externe – four­­nis­­seur ou sous trai­­tant –
n’appar­­te­­nant pas à l’entre­­prise consi­­dé­­rée.
4.  Cf. exemple 4.3 « Archos ou la per­­sé­­vé­­rance récom­­pen­­sée d’une born glo­­bal à la fran­­çaise ».
5.  Voir, U. Mayrhofer, « La firme mul­­ti­­natio­­nale : une entre­­prise en per­­pé­­tuelle évo­­lu­­tion ? », in U. Mayrhofer,
Le mana­­ge­­ment des firmes mul­­ti­­natio­­nales, op.cit.
6.  Cf. exemple 1.1 « Zara excelle à combi­­ner inno­­va­­tion pro­­duit et inno­­va­­tion de pro­­ces­­sus ».

223
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

La « flexibilisation » de l’organisation multinationale


flexibilité géographique des différentes unités à partir du « cœur d’activité » de l’organisation
et ajustement permanent de la chaîne d’approvisionnement et de distribution
totalement/partiellement internalisée et/ou externalisée
dans une perspective de verticalisation et d’horizontalisation
Conçu à partir du concept de « global factory » de Buckley et Ghauri

Sous traitance
FONCTIONS
ingéniérie Sous traitance
Sous traitance « CŒUR « DU
R&D design MODÈLE
ÉCONOMIQUE

Cœur d’activité:
- création de nouveaux produits
- stratégie de marque
- stratégie marketing... SUPPLY CHAIN
INTERNATIONALE
Fourniture Fourniture OPTIMISÉE
de composants Fourniture de composants EN PERMANENCE
de composants
Fourniture Fourniture
de composants de composants
UNITÉ UNITÉ
Fourniture D’ASSEMBLAGE D’ASSEMBLAGE
Fourniture
de composants de composants
Fourniture
de composants
ADAPTATION
DISTRIBUTION
Marchés « LOCALISÉE »
cibles Marchés Marchés Marchés Marchés
cibles cibles cibles cibles

J.P.Lemaire

Figure 4.1 – La « flexibilisation » de l’orga­­ni­­sa­­tion mul­­ti­­natio­­nale


Adapté du concept de glo­­bal factory de Buckley et Ghauri

Dans cette perspec­­tive d’adap­­ta­­tion per­­ma­­nente de la struc­­ture multinationale, une


pré­­oc­­cu­­pa­­tion majeure est, d’ailleurs, à prendre en compte : celle de la répar­­tition
des res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés entre le centre (siège) et la péri­­phérie (filiales et/ou par­­te­­naires
four­­nis­­seurs de sous-ensemble), notam­­ment pour la concep­­tion et le lan­­ce­­ment de
nou­­veaux pro­­duits, dans des délais de plus en plus courts (time to market), pour
main­­te­­nir/accroître l’avance de l’orga­­ni­­sa­­tion face à la concur­­rence1.
Mais les struc­­tures mul­­ti­­natio­­nales ne sont pas uni­­que­­ment tou­­chées par cette
« flexibilisation » au niveau de leurs struc­­tures. Elles le sont aussi au niveau de leurs
opé­­ra­­tions, notam­­ment lors­­qu’elles2 opèrent dans le domaine des pro­­jets d’infra­­
struc­­ture et de ventes de biens d’équi­­pe­­ment ; les­­quelles ont subi, au fil des années,
des trans­­for­­ma­­tions pro­­fondes condui­­sant à des mon­­tages rela­­tion­­nels et orga­­ni­­sa­­
tion­­nels plus sophis­­ti­­qués. Comme dans la figure 4.2, elles sont ame­­nées à trai­­ter

1.  Voir K.Jensen, « Accelerating Glo­­bal Product Inno­­va­­tion through Cross-­cultural Col­­la­­bo­­ra­­tion : Organization
Mechanisms that Influ­­ence Knowledge-­sharing within the MNC », PhD dis­­ser­­ta­­tion, Cnam et ESCP Europe.
2.  Cf. notam­­ment, les grands groupes fran­­çais comme Véolia, Vinci, Bouygues, Areva... qui opèrent mon­­dia­­le­­
ment.

224
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

avec un grand nombre de par­­te­­naires – cocontrac­­tants, four­­nis­­seurs, sous trai­­tants,


pres­­tataires tech­­niques, juri­­diques, ban­­quiers, assu­­reurs, etc., – qui aug­­mentent le
nombre des par­­ties pre­­nantes et rendent plus complexes le cadre inter­­na­­tional dans
lequel elles sont ame­­nées à conce­­voir et à mettre en œuvre ces mon­­tages.

Exemple de schéma relationnel dans le cadre d’un


projet d’infrastructure concessionnel
(Centrale électrique B.O.O.T., Build Own Operate Transfer )

Autorités locales
concédantes Fournisseur
Pool bancaire de combustible

Contrat de
Contrat de concessions
Contrat de
prêt vente

Médias
Organisation Leaders d’opinion
non gouvernementales
SOCIÉTÉ
Contrat
PROJET d’achat
Contrat de Concessionnaire
construction (construction
et exploitation Acheteur
durée 25 ans) d’énergie
Consortium de
(société distributrice
construction
d’électricité)
Groupes
d’intérêt locaux
Adapté de J.P. Lemaire et J. Klein , Financement International des entreprises, Vuibert, 2006.
Adapté de J.P. Lemaire et J. Klein, Financement International des entreprises, Vuibert, 2006

Figure 4.2 – Nou­­veaux sché­­mas d’opé­­ra­­tion (exemple sim­­pli­­fié d’opé­­ra­­tion


concessionnelle)

Imposé par les attentes crois­­santes des clients/don­­neurs d’ordres/con­cédants, dans


un contexte de pres­­sion concur­­ren­­tielle accrue condui­­sant à des contrats très contrai­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

­gnants (contrats de conces­­sion), le nou­­vel enga­­ge­­ment inter­­na­­tional du chef de file


de l’opé­­ra­­tion1 a pu se tra­­duire de deux manières :
––en termes contrac­­tuels, dans le cadre des rela­­tions clients et des rela­­tions avec les
dif­­fé­­rentes par­­ties pre­­nantes, direc­­te­­ment impli­­quées (four­­nis­­seurs, ache­­teurs,
ban­­quiers, assu­­reurs.) et indi­­rec­­te­­ment impli­­quées (groupes d’inté­­rêt locaux,
ONG, médias, lea­­ders d’opi­­nion) ;
––en termes orga­­ni­­sa­­tion­­nels, dans le cadre de struc­­ture ad hoc, comme celle, ci-­
dessus, du mon­­tage d’un pro­­jet concessionnel inter­­na­­tional, sus­­cep­­tible d’être mis
en œuvre dans les éco­­no­­mies émergentes comme dans les éco­­no­­mies matures.

1.  Ici, à la fois, chef de file de la société pro­­jet (asso­­ciant autour du four­­nis­­seur prin­­ci­­pal des équi­­pe­­ments, maître
d’œuvre de l’infra­­struc­­ture, l’opé­­ra­­teur en charge de son exploi­­ta­­tion, sou­­vent co-­chef de file, les asso­­ciés actifs
dans la construc­­tion et l’exploi­­ta­­tion du pro­­jet et les asso­­ciés inves­­tis­­seurs finan­­ciers) et chef de file du consor­­tium
de construc­­tion (ras­­sem­­blant l’ensemble des four­­nis­­seurs co-­contractants et sous trai­­tants).

225
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Long­­temps simples four­­nis­­seurs, en par­­ti­­cu­­lier dans le domaine des biens d’équi­


­pe­­ment, bon nombre de grands maîtres d’œuvre tendent, en effet, à assu­­mer, désor­
­mais, hors fron­­tières – en par­­ti­­cu­­lier dans les éco­­no­­mies émergentes, mais,
éga­­le­­ment, de plus en plus, dans les éco­­no­­mies matures – une véri­­table « obli­­ga­­tion
de résul­­tat »1. Celle-­ci les conduit, à super­­vi­­ser, non seule­­ment la mise en place de
l’équi­­pe­­ment, mais, aussi, son fonc­­tion­­ne­­ment, voire l’écou­­le­­ment de la pro­­duc­­tion,
loca­­le­­ment ou sur les mar­­chés inter­­na­­tionaux. C’est ce que sou­­ligne la figure 4.3,
qui met en évi­­dence l’enga­­ge­­ment crois­­sant, depuis le début des années 1970, des
four­­nis­­seurs de biens d’équi­­pe­­ment vis-­à-vis de leurs « don­­neurs d’ordres ».

Délégation
complète
construction
et exploitation
NIVEAU
Écoulement Écoulement
D’ENGAGEMENT total ou partiel total ou partiel
DU FOURNISSEUR de la de la
/ MAÎTRE production production
D’ŒUVRE Formation du Formation du Formation du
personnel et personnel et personnel et
encadrement encadrement encadrement
managerial managerial managerial

Démarrage Démarrage Démarrage Démarrage


technique technique technique technique
garantie de garantie de garantie de garantie de
performance performance performance performance

Intégration des Intégration des Intégration des Intégration des Intégration des
composants et composants et composants et composants et composants et
montage sur montage sur montage sur montage sur montage sur
site site site site site
Conception Conception Conception Conception Conception Conception
et livraison et livraison et livraison et livraison et livraison et livraison
des des des des des des
composants composants composants composants composants composants
Projet Projet Projets projets Projets Projet
conçu conçu « clés « produits « marché Concessionnel
1960 livré livré/monté en mains » en mains » en mains » BOT 2000 +

ÉVOLUTION DES CADRES CONTRACTUELS DE LA RELATION CLIENT/FOURNISSEUR

adapté, complété et actua­­lisé de Marois B.2,

Figure 4.3 – L’impli­­ca­­tion crois­­sante du four­­nis­­seur/maître d’œuvre

1.  Par oppo­­si­­tion à une simple obli­­ga­­tion de moyens, qui se limi­­tait, par exemple, à la four­­ni­­ture de cer­­tains
équi­­pe­­ments, dont cha­­cun pou­­vait être cou­­vert par des garan­­ties tech­­niques spé­­ci­­fiques, l’« obli­­ga­­tion de résul­­tat »
pré­­sente un carac­­tère plus glo­­bal, qui se tra­­duit par l’exi­­gence sys­­té­­ma­­tique, à tra­­vers des clauses de récep­­tion et de
garan­­tie (au contenu et aux échéances de plus en plus éten­­dus) d’atteindre et d’assu­­rer sur la longue période un
niveau de per­­for­­mance déter­­miné.
2.  Marois B., «  Les trans­­ferts de tech­­no­­logie inter­­na­­tionaux  : ana­­lyse concep­­tuelle et étude empi­­rique  », Les
cahiers de recherche du CESA, CR 1371,1980.

226
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Le rôle des orga­­ni­­sa­­tions impli­­quées dans la concep­­tion, la fabri­­ca­­tion et la maî­­


trise d’œuvre de mar­­chés d’infra­­struc­­ture, de biens d’équi­­pe­­ments et de sous-­
ensembles a, en effet, sen­­si­­ble­­ment évo­­lué, au fil des années, sous la pres­­sion de la
concur­­rence, comme en réac­­tion :
––aux dif­­fi­­cultés nées des déca­­lages fré­­quents de « matu­­rité tech­­no­­lo­­gique » entre
les pays d’ori­­gine et les pays émergents d’ins­­tal­­la­­tion ;
––mais aussi, dans les éco­­no­­mies matures, où l’insuf­­fi­­sance des bud­­gets gou­­ver­­ne­­
men­­taux et locaux pour finan­­cer des inves­­tis­­se­­ments de grandes dimen­­sions, a
conduit au déve­­lop­­pe­­ment des Par­­te­­na­­riats Publics Pri­­vés/PPP1.

c Repère 4.4
Des « équipementiers » aux ges­­tion­­naires délé­­gués ou asso­­ciés
L’évo­­lu­­tion des rela­­tions entre clients et four­­nis­­seurs dans le domaine des grands pro­­
jets d’infra­­struc­­ture et ensembles indus­­triels (cf. figure 4.3).
Cette évo­­lu­­tion a été sen­­sible à deux niveaux :
––dans l’exten­­sion du rôle des pres­­tataires, qui tendent à deve­­nir des « ensem­­bliers »,
puis des « pilotes tech­­niques » et enfin les res­­pon­­sables effec­­tifs du fonc­­tion­­ne­­ment
tech­­nique et commer­­cial de l’équi­­pe­­ment, qu’il s’agisse de raf­­fi­­ne­­ries, de cen­­trales
ther­­miques ou ato­­miques, d’usines de trans­­for­­ma­­tion de matières pre­­mières ou de
pro­­duits finis, comme de chaînes de fabri­­ca­­tion d’auto­­mo­­biles, mais aussi d’infra­­
struc­­tures rou­­tières, por­­tuaires, aéro­por­­tuaires.
––dans l’enga­­ge­­ment juri­­dique et éco­­no­­mique que sup­­pose une telle pro­­gres­­sion de
l’impli­­ca­­tion managériale qui fait évo­­luer les four­­nis­­seurs d’équi­­pe­­ments vers des
sta­­tuts très sen­­si­­ble­­ment dif­­fé­­rents, de par­­te­­naires, « coproducteurs » et/ou « co-­
commercialisateurs » – voire de véri­­tables entre­­pre­­neurs locaux, pou­­vant être même
ame­­nés à assu­­mer une délé­­ga­­tion de ser­­vice public.
Ini­­tia­­le­­ment can­­ton­­nés à la concep­­tion et à la livrai­­son d’équi­­pe­­ments, de sous-­
ensembles, de compo­­sants, puis à leur inté­­gra­­tion dans le cadre d’ensembles indus­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

triels, les « équipementiers », deve­­nus « ensem­­bliers », ont, tout d’abord, dû accep­­ter


de garan­­tir le « démar­­rage tech­­nique » de l’ensemble livré ; ce qui sup­­po­­sait de se plier
aux pro­­cé­­dures plus rigou­­reuses de « récep­­tion pro­­vi­­soire », puis de « récep­­tion défi­­
ni­­tive », qui ponc­­tuent des périodes d’ins­­tal­­la­­tion, d’essais et de mise en route.
Cette res­­pon­­sa­­bi­­lité s’est trou­­vée pro­­gres­­si­­ve­­ment et logi­­que­­ment éten­­due à la for­­ma­­
tion du per­­son­­nel et à l’assis­­tance au démar­­rage de l’ensemble indus­­triel, en vue de
s’assu­­rer que celui-­ci atteigne les résul­­tats indus­­triels et éco­­no­­miques atten­­dus. Puis
cette res­­pon­­sa­­bi­­lité des four­­nis­­seurs d’équi­­pe­­ments s’est éten­­due à la prise en charge

1.  Ceux-­ci recouvrent, notam­­ment, pour le finan­­ce­­ment de pro­­jets et d’infra­­struc­­tures aussi divers que routes,
ports, aéro­­ports, par­­kings, pri­­sons, hôpi­­taux, etc., des for­­mules de conces­­sion et de délé­­ga­­tion confiant à un opé­­ra­
­teur privé, sou­­vent, suc­­ces­­si­­ve­­ment, maître d’ouvrage puis exploi­­tant, la complète res­­pon­­sa­­bi­­lité du pro­­jet, moyen­
­nant le paie­­ment d’une rede­­vance ou d’un loyer ; plus faciles – sinon moins lourds – à sup­­por­­ter finan­­ciè­­re­­ment,
sur la base d’un bud­­get annualisé, pour les auto­­ri­­tés du ter­­ri­­toire consi­­déré, que l’inves­­tis­­se­­ment lui-­même.

227
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


de son exploi­­ta­­tion et, de fil en aiguille, à la recherche de mar­­chés à l’exté­­rieur du pays,
à l'ins­­tal­­la­­tion et au «  co­pilo­­tage  », à la ren­­ta­­bi­­li­­sa­­tion jus­­qu’à la res­­pon­­sa­­bi­­lité
d’ensemble, sur une base pro­­vi­­soire, ou même défi­­ni­­tive.
En termes juri­­dique et finan­­cier, l’enga­­ge­­ment crois­­sant qui découle de cette muta­­tion
éco­­no­­mique a pro­­gres­­si­­ve­­ment fait évo­­luer le four­­nis­­seur prin­­ci­­pal ou le coor­­di­­na­­teur :
––du sta­­tut de four­­nis­­seur, tenu à réa­­li­­ser un ensemble de pres­­ta­­tions, moyen­­nant règle­
­ment au fil de l’enga­­ge­­ment des dépenses, puis en fonc­­tion de l’avan­­ce­­ment de réa­
­li­­sa­­tion, et, enfin, de l’atteinte des niveaux de per­­for­­mance requis ;
––au sta­­tut de par­­te­­naire tech­­nique et commer­­cial du don­­neur d’ordre local, sou­­vent
tenu de se rétri­­buer sur la base de la reprise d’une par­­tie de la pro­­duc­­tion sor­­tie des
lignes de fabri­­ca­­tion ou des struc­­tures de pro­­duc­­tion, conçues et réa­­li­­sées sous sa
res­­pon­­sa­­bi­­lité (selon la for­­mule du buy back)2 ;
––et, de plus en plus, au sta­­tut d’«  entre­­pre­­neur de sub­­sti­­tution  », dans le cadre de
véri­­tables régimes de conces­­sion, (cf. exemple 4.2) qui sup­­posent que le four­­nis­­seur
prin­­ci­­pal, le consor­­tium ras­­sem­­blant les prin­­ci­­paux four­­nis­­seurs ou encore des inves­
­tis­­seurs indé­­pen­­dants, assument les risques et les coûts de l’inves­­tis­­se­­ment ; charge
à eux de les amor­­tir pen­­dant une durée contrac­­tuel­­le­­ment défi­­nie avec le don­­neur
d’ordre (ici, le concé­­dant), en en assu­­rant l’exploi­­ta­­tion et en se fai­­sant payer par les
usa­­gers ou les clients (pro­­jet concessionnel, BOT/BOOT) souvent dans le cadre du
PPP.

Exemple 4.2 – La cen­­trale ther­­mique de Hub River


Pakistan, jeudi 26 jan­­vier 1995  2: le Pre­­mier ministre d’alors, Benazir Bhutto vient de
décou­­vrir la plaque d’inau­­gu­­ra­­tion du chan­­tier de la cen­­trale ther­­mique de Hub River.
Gigan­­tesque, ce pro­­jet, l’un des pre­­miers de ce type, et l’un des plus impor­­tants, à
l’époque, ouvrant à la voie à de nom­­breux autres, a repré­­senté un inves­­tis­­se­­ment de près
de 2 milliards de dol­­lars, d’alors, et néces­­sité sept longues années de négo­­cia­­tion avec les
auto­­ri­­tés pakis­­ta­­naises… Les dif­­fi­­cultés venant davan­­tage du mon­­tage finan­­cier que des
pro­­blèmes tech­­niques. Depuis, ces opé­­ra­­tions se sont mul­­ti­­pliées, notam­­ment dans tout
le Sud Est Asia­­tique, comme en Chine3.
Les res­­sources publiques sont en effet trop limi­­tées, à l’échelle du monde, pour satis­­faire les
quelque 200 milliards annuels que coûtent les projets d’infra­­struc­­ture des pays émergents
(les fonds publics multi­gou­­ver­­ne­­men­­taux ne per­­met­­traient d’en finan­­cer que 12 %).
Solu­­tion de plus en plus pré­­co­­ni­­sée (pour les télécoms, la dis­­tri­­bu­­tion d’eau, la pro­­duc­­
tion/dis­­tri­­bu­­tion d’élec­­tri­­cité, etc.), le BOOT / Build, Own, Operate, Trans­fer : Construire,

1.  Pra­­ti­­quée à par­­tir des années 1970, par des entre­­prises comme Thomson (grand public), qui avait a­ccepté de
construire une usine de «  pro­­duits blancs  » (réfri­­gé­­ra­­teurs «  table top  », de 150 litres dans les pays de l’Est, à
l’époque), dont le paie­­ment avait été assuré par la reprise d’une par­­tie de la pro­­duc­­tion.
2.  Adapté de  : An­ne Feitz, «  Finan­­ce­­ments de pro­­jets, les nou­­velles règles du jeu  », Option finance, 15 mai
1995.
3.  Voir cas recou­­vrant les aspects stra­­té­­giques et finan­­ciers des pro­­jets concessionnels « Power Plants in Asia »,
Jean Paul Lemaire, avec notice péda­­go­­gique, dis­­po­­nible en Fran­­çais et en Anglais à la Cen­­trale des Cas et des
Moyens Péda­­go­­giques, 2013.

228
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Pos­­sé­­der, Exploi­­ter, Trans­­fé­­rer) et autres BOT, BOO, BOL…, héri­­tiers du vieux régime
concessionnel : le pro­­jet est isolé dans une société ad hoc, dite «  société pro­­jet  », qui
contracte elle-­même les finan­­ce­­ments néces­­saires à la construc­­tion de l’ouvrage ; charge
à elle, ensuite, de l’exploi­­ter afin de rem­­bour­­ser ces cré­­dits sur la durée du contrat (géné­
­ra­­le­­ment de vingt à trente ans), grâce aux flux de reve­­nus (cash flows) déga­­gés.
En l’occur­­rence, pour Hub River, les inves­­tis­­seurs pri­­vés atten­­daient un ren­­de­­ment de
18 %, théo­­ri­­que­­ment assuré par des volumes et des tarifs garan­­tis contrac­­tuel­­le­­ment, de
vente de fuel, en amont, et d’achat de cou­­rant élec­­trique, en aval, par des orga­­nismes
d’État pakis­­ta­­nais, mais sur la base de cash flows libel­­lés en mon­­naie locale. Ce qui
explique le carac­­tère quelque peu ris­­qué de telles opé­­ra­­tions, comme l’a confirmé, par la
suite, la crise asia­­tique, en 1997-1998, qui a entraîné, dans l’ensemble de la zone, de
nom­­breux sinistres.

Cepen­­dant, dans l’ensemble de ces approches de l’internationalisation, les


auteurs font repo­­ser leur réflexion sur des indus­­tries dont le carac­­tère est « mon­­
dial » ou « glo­­bal ». Avec rai­­son, Prahalad et Doz1 sou­­li­­gnaient alors qu’une quan­
­tité de sec­­teurs à forte valeur ajou­­tée (semi-­conducteurs, auto­­mo­­bile, photo­­co­­pieurs,
machines outils, pro­­duits de fon­­de­­rie, télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions et ser­­vices finan­­ciers
pour clients d’affaires) se carac­­té­­ri­­saient déjà, à la fin des années 1980, par une
concur­­rence glo­­bale ou en voie de globalisation. Si, depuis, la globalisation a réso­
­lu­­ment gagné d’autres sec­­teurs, toutes les orga­­ni­­sa­­tions ne se trouvent pas confron­
­tées à cette même réa­­lité.
Il existe, dans chaque indus­­trie, comme on l’a vu pré­­cé­­dem­­ment, des forces anta­
g­ o­­nistes qui «  tirent  » chaque acti­­vité dans des sens oppo­­sés  ; d’une part vers la
globalisation, d’autre part vers la loca­­li­­sa­­tion2. Et pour les orga­­ni­­sa­­tions des sec­­teurs
à domi­­nante locale3, l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ne se pose donc pas dans les mêmes
termes que pour celles qui opèrent, à l’inverse, dans les sec­­teurs glo­­baux.
Par ailleurs, les pro­­blèmes ren­­contrés par les orga­­ni­­sa­­tions de taille modeste,
confron­­tées à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, ne sont pas d’emblée des pro­­blèmes de
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coor­­di­­na­­tion de filiales ou d’opti­­mi­­sation fis­­cale à l’échelle mon­­diale, même s’ils ne


leur sont pas tou­­jours étran­­gers4.
La dif­­fé­­rence rési­­de­­rait davan­­tage dans l’oppo­­si­­tion entre deux logiques, pour
reprendre la dis­­tinction mise en avant dès le chapitre 15: la logique d’ouver­­ture,
s’atta­­chant aux orga­­ni­­sa­­tions, sou­­vent de taille petite ou moyenne, ou encore

1.  Voir l’intro­­duc­­tion de l’ouvrage de Prahalad C.-K. et Doz Y. The Mul­­ti­­natio­­nal Mis­­sion. Balancing Glo­­bal
Integration with Local Responsiveness, Free Press, Col­­lier Macmillan, New York/London, 1987, op. cit.
2.  Voir, supra, chapitre 3, 3.1. « Por­­tée de la dis­­tinction « glo­­bal/local » dans la défi­­ni­­tion des acti­­vi­­tés ».
3.  Cf. figure3.4 « Le positionnement des acti­­vi­­tés sur la grille ’glo­­bal/local’ » et figure 3.5 « Le posi­­tion­­ne­­ment
des orga­­ni­­sa­­tions sur la grille “glo­­bal/local” ».
4.  Cf. infra, Exemple 4.3 « Archos ou la per­­sé­­vé­­rance récom­­pen­­sée d’une born glo­­bal à la fran­­çaise ».
5.  par­­ta­­gée avec Joffre P., Comprendre la mon­­dia­­li­­sa­­tion de l’entre­­prise, Économica, Paris, 1994.

229
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

jusque-là peu enga­­gées hors fron­­tières, oppo­­sée à la logique de mon­­dia­­li­­sa­­tion ou


de globalisation, qui concerne des struc­­tures le plus sou­­vent de grande taille et déjà
signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment déployées hors de leur pays d’ori­­gine et sur plu­­sieurs conti­­nents.
Et c’est davan­­tage à ce second cou­­rant que se rat­­tachent les théo­­ries de la multi­natio­
­na­­li­­sation dont les aspects essen­­tiels viennent d’être abor­­dés, à la dif­­fé­­rence de ceux
qui carac­­té­­risent les cou­­rants qui vont être pré­­sen­­tés ici.

2  Le renou­­vel­­le­­ment des approches


de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation

Les contri­­bu­­tions1 cor­­res­­pon­­dant davan­­tage à la logique d’ouver­­ture2, s’appuient


sur l’obser­­va­­tion empi­­rique de la démarche d’inter­­na­­tiona­­li­­sation d’orga­­ni­­sa­­tions,
en effet, plus petites que celles qui s’ins­­crivent dans la logique de mon­­dia­­li­­sa­­tion ou
de globalisation. Pro­­gres­­sives et séquen­­tielles, ces approches expli­­que­­raient les
choix d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de ces orga­­ni­­sa­­tions par la néces­­sité dans laquelle elles
se trouvent de réduire l’incer­­ti­­tude spé­­ci­­fique aux mar­­chés étran­­gers grâce à une
expé­­rience inter­­na­­tionale acquise pro­­gres­­si­­ve­­ment (cf. Modèle d’Uppsala 1), avant
de prendre en compte d’autres fac­­teurs expli­­ca­­tifs, en par­­ti­­cu­­lier l’impor­­tance plus
récem­­ment mise à jour des réseaux (cf. Modèle d’Uppsala 2).
Mais ces modèles, pour per­­ti­­nents qu’ils soient pour de très nom­­breuses orga­­ni­­sa­
t­ions et ouvrant à l’approche intégrative des phases (sec­­tion 2 du présent cha­­pitre),
ne suf­­fisent pas à expli­­quer les sché­­mas adop­­tés par de nou­­velles orga­­ni­­sa­­tions,
« nées glo­­bales/born globals/Inter­­na­­tional New Ventures », ni, com­plè­­te­­ment, celles
des « cham­­pions inter­­na­­tionaux » des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide.

1.  L’article fon­­da­­teur de cette démarche, paru en 1975 dans Jour­­nal of Mana­­ge­­ment Studies, Vol 12, de J.
Johanson et de F. Wiedersheim-­Paul est d’ailleurs inti­­tulé « The Internationalization of the Firm : Four Sweedish
Ca­ses studies ».
2.  aux­­quelles on peut rat­­ta­­cher l’approche OLI, qui ne prend pas uni­­que­­ment en compte, les firmes mul­­ti­­natio­­
nales comme on le verra dans la sec­­tion 2 du présent cha­­pitre

230
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Décisions
d’internationalisation
de l’organisation

Où ? Quoi ? Quand ?
Ëespace de référence Ëéléments de la chaîne Ëdélai, calendrier
/ d’expansion de valeur concernés étapes successives
Réduction de l’incertitude
Développement de l’expérience internationale

Comment ?
Ëchoix du mode d’entrée et évolution des modes de présence
répartition des responsabilités Centre/Périphérie/Partenaires/Fournisseurs

Développement de la capacité organisationnelle interne


et des réseaux partenaires/fournisseurs/distributeurs/prescripteurs

Marketing Propriété industrielle…


RH Supply chain Finance

J.-P. Lemaire

Figure 4.4 – L’approche pro­­gres­­sive, sélec­­tive et expan­­sion­­niste


de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation

2.1 La recherche d’un « schéma stan­­dard » de déve­­lop­­pe­­ment


international des orga­­ni­­sa­­tions
Sus­­cep­­tible de s’appli­­quer à une grande diver­­sité d’orga­­ni­­sa­­tions, et répon­­dant
davan­­tage à une logique d’ouver­­ture, l’approche séquencée et pro­­gres­­sive de l’inter­
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­na­­tiona­­li­­sation, pro­­po­­sée par l’école scan­­di­­nave d’Uppsala répond à deux types de


ques­­tions, liés à la sélec­­tion et à l’expan­­sion1:
• Quels couples pays/mar­­chés (ou quels espaces géo-­sectoriels de réfé­­rence/
d’expan­­sion) faut-­il sélec­­tion­­ner ? Autre­­ment dit, vers quelle(s) zone(s) géo­­gra­­
phique(s) s’orien­­ter et pour quelle(s) acti­­vité(s) ?
• Quels modes d’entrée et d’expan­­sion faut-­il choi­­sir dans l’espace de réfé­­rence
sélec­­tionné ? Autre­­ment dit, quelles formes suc­­ces­­sives pour­­raient prendre la pré­
­sence de l’orga­­ni­­sa­­tion dans cet/ces espace(s) de réfé­­rence/d’expan­­sion géo-­
sectoriels au fil de son déve­­lop­­pe­­ment ?

1.  O. Meier et P.X. Meschi, « Approche Inté­­grée ou Par­­tielle de l’Inter­­na­­tiona­­li­­sation des Firmes : Les Modèles
Uppsala (1977 et 2009) face à l’Approche« Inter­­na­­tional New Ventures » et aux Théo­­ries de la Firme », Mana­­ge­­
ment Inter­­na­­tional, Vol. 15, N°1, Automne 2010.

231
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Par­­tant de l’obser­­va­­tion des compor­­te­­ments d’inter­­na­­tiona­­li­­sation d’entre­­prises


scan­­di­­naves, très compa­­rables à ceux de leurs homo­­logues de bien d’autres pays ou
régions d’ori­­gine, ces contri­­bu­­tions ont fait sur­­tout res­­sor­­tir, comme cela avait aussi
frappé les théo­­ri­­ciens de la multi­natio­­na­­li­­sation (cf. supra 1.2) que le prin­­ci­­pal obs­
­tacle au déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions, en par­­ti­­cu­­lier les plus
petites, est l’incer­­ti­­tude asso­­ciée à l’approche de nou­­veaux «  mar­­chés »  ; «  mar­­
chés » que nous enten­­drons ici, de façon plus large, comme nou­­veaux ter­­ri­­toires et
nou­­veaux envi­­ron­­ne­­ments d’affaires, et, dans la ter­­mi­­no­­logie que nous avons adop­
­tée, « espaces d’expan­­sion ».
Ceux-­ci peuvent être géo­­gra­­phi­­que­­ment dis­­tants, mais comportent éga­­le­­ment une
«  dis­­tance psy­­chique  » par­­fois consi­­dé­­rable entre l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée et ces
«  mar­­chés  »  ; laquelle résul­­te­­rait de la dif­­fé­­rence des cultures, des valeurs, des
langues, des cadres juri­­diques, des compor­­te­­ments d’affaires, soit, selon Johanson et
Vahlne, « l’ensemble des fac­­teurs blo­­quant les flux d’infor­­ma­­tions entrants et sor­­tant
du mar­­ché ».
En consé­­quence, la priorité serait don­­née par les orga­­ni­­sa­­tions aux « mar­­chés »
de proxi­­mité géo­­gra­­phique et, sur­­tout, « psy­­chique », qu’ils abor­­de­­raient avec une
pro­­pen­­sion inver­­se­­ment pro­­por­­tion­­nelle à l’incer­­ti­­tude qu’ils pré­­sentent. Cha­­cune
déve­­lop­­pe­­rait ainsi son expé­­rience dans les envi­­ron­­ne­­ments étran­­gers les plus fami­
­liers, avant d’abor­­der des espaces d’expan­­sion plus dis­­tants, en béné­­fi­­ciant de
l’expé­­rience capi­­ta­­li­­sée dans les espaces les plus proches.
Cen­­tré, sur la capi­­ta­­li­­sa­­tion par l’orga­­ni­­sa­­tion de son expé­­rience inter­­na­­tionale
acquise en interne, le modèle ini­­tial (modèle Uppsala 1, 1977) sous esti­­mait la pos­
­si­­bi­­lité pour l’orga­­ni­­sa­­tion de tirer parti des réseaux aux­­quels elle aurait accès, en
lien avec son espace de réfé­­rence d’ori­­gine comme avec son espace de réfé­­rence
d’expan­­sion poten­­tiel.
Ce n’est que plus récem­­ment (modèle Uppsala 2, 2009) qu’a été pris en compte
l’accès à l’expé­­rience inter­­na­­tionale externe à l’orga­­ni­­sa­­tion, se révé­­lant comme un
moyen très effi­­cace de réduire l’incer­­ti­­tude asso­­ciée aux nou­­veaux ter­­ri­­toires et aux
nou­­veaux envi­­ron­­ne­­ments d’affaires.

c Repère 4.5
D’Uppsala 1 à Uppsala 21
Les deux modèles pro­­po­­sés par Johanson & Vahlne, en 1977, puis en 2009, s’appuient
tous les deux sur le pos­­tu­­lat que les orga­­ni­­sa­­tions ont à faire face à un « han­­di­­cap » lié,
dans la pre­­mière ver­­sion du modèle, à leur carac­­tère « étran­­ger » (liability of foreigneness)
et, dans la seconde, à leur absence de réseau (liability of outsidership) ; l’un ou l’autre

1.  Ibi­­dem, O.Meier et P.X. Meschi.

232
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4


han­­di­­cap tra­­dui­­sant leur manque de fami­­lia­­rité avec les espaces d’expan­­sion vers les­­
quels elles sou­­hai­­te­­raient se déve­­lop­­per ; les ren­­dant, de ce fait, réti­­centes à le faire.
Il convient aussi de noter qu’ au fil des trente années sépa­­rant la pré­­sen­­ta­­tion des deux
modèles, les « moti­­vations » -celles-là mêmes que Kindelberger (cf. supra) consi­­dé­­rait
comme les condi­­tions néces­­saires à l’internationalisation- sont deve­­nues, de plus en
plus pres­­santes, avec l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la compé­­tition dans les éco­­no­­mies matures à
crois­­sance lente, y ren­­dant le déve­­lop­­pe­­ment dif­­fi­­cile, et la mon­­tée en puis­­sance des
éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, y offrant de nou­­veaux – sinon les principaux- relais de
crois­­sance aux orga­­ni­­sa­­tions les plus dyna­­miques.
Dans l’un comme l’autre des modèles d’Uppsala est pri­­vi­­lé­­giée, d’ailleurs, une démarche
d’horizontalisation (autre­­ment dit, de conquête de parts de mar­­ché, plu­­tôt que de
verticalisation, soit d’opti­­mi­­sation inter­­na­­tionale de la chaîne de valeur). Ces deux
modèles suc­­ces­­sifs pos­­tulent, en effet, que les orga­­ni­­sa­­tions, sont censées adop­­ter, dans
chaque espace d’expan­­sion, une suc­­ces­­sion de modes de pré­­sence, qui ponc­­tuent la pro­
­gres­­sion de l’enga­­ge­­ment local de leurs res­­sources (finan­­cière, humaines, etc.) : recours à
des inter­­mé­­diaires commer­­ciaux locaux (agents, dis­­tri­­bu­­teurs), créa­­tion d’une filiale ou
d’une suc­­cur­­sale commer­­ciale, ensuite, puis d’une filiale de pro­­duc­­tion, abou­­tis­­sant à la
consti­­tution d’une filiale inté­­grée. Cette «  chaîne d’éta­­blis­­se­­ment  », qui s’appa­­rente à
d’autres démarches – comme celle de Yip1 –, sera sus­­cep­­tible d’inté­­grer d’autres modes
de pré­­sence (notam­­ment partenariaux, alliance stra­­té­­gique, entre­­prise conjointe, etc.).
Le pre­­mier modèle comme le second pré­­sentent, l’un comme l’autre une suite de
quatre séquences qui se suc­­cèdent comme un pro­­ces­­sus inté­­gré du déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional de la firme :
••Dans le modèle Uppsala 1, cen­­tré sur l’expé­­rience interne accu­­mu­­lée par l’entre­­prise par
rap­­port aux espaces d’expan­­sion vers lesquels elle envi­­sage de se diri­­ger :
––l’ana­­lyse par­­tira de l’éva­­lua­­tion de l’enga­­ge­­ment envi­­sagé de l’orga­­ni­­sa­­tion sur les
« mar­­chés » (les espaces de référence ou d’expan­­sion) étran­­gers ;
––pour déter­­mi­­ner ensuite le besoin qu’elle a de déve­­lop­­per sa connais­­sance des
espaces étran­­gers de manière à réduire l’incertitude asso­­ciée à leur approche ;
––afin de fon­­der et de finaliser ses déci­­sions d’enga­­ge­­ment à l’inter­­na­­tional ;
––pour éva­­luer, enfin, le résul­­tat des choix effec­­tués.
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••Dans le modèle Uppsala 2, cen­­tré sur l’accès à l’expé­­rience externe que procure l’appar­
­te­­nance à un réseau :
––le point de départ por­­tera sur les condi­­tions d’accès de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée à
un réseau et sur la posi­­tion qu’elle occupe dans ce réseau ;
––pour iden­­ti­­fier, ensuite, les connais­­sances expérientielles que peut lui appor­­ter le
réseau dans sa démarche d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ;
––avant de déter­­mi­­ner les liens plus spé­­ci­­fiques à éta­­blir/ren­­for­­cer avec tel(s) ou tel(s)
membre(s) du réseau pour l’aider dans cette démarche ;
––et, enfin, mesu­­rer les résul­­tats des rela­­tions ainsi éta­­blies au sein du réseau, en termes
d’appren­­tis­­sage et de confiance.

1.  Cf. Yip G., Loewe P. et Yoshino M., « How to Take Your Company to the Glo­­bal Market ? », Columbia Jour­
­nal of World Busi­­ness, Hiver 1988. Cf. figure 7.12 « L’évo­­lu­­tion des modes d’entrée/de pré­­sence ».

233
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

En dépit des élé­­ments intro­­duits en 2009, par les « pères » du modèle, nom­­breuses
ont été les réserves qui lui ont été faites. Elles ont eu le mérite de faire res­­sor­­tir les
élé­­ments à prendre en compte pour complé­­ter une approche qui apparaît des plus
appro­­priées pour les orga­­ni­­sa­­tions, petites et moyennes, opé­­rant dans le domaine
manu­­fac­­tu­­rier tra­­di­­tion­­nel, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment. Les orga­­ni­­sa­­tions de plus grande
taille, le plus sou­­vent mul­­ti­­natio­­nales, ayant déjà capi­­ta­­lisé, en interne, une vaste
expé­­rience des envi­­ron­­ne­­ments étran­­gers, et ayant accès à des réseaux aux mul­­tiples
rami­­fi­­ca­­tions, sus­­cep­­tibles de leur faci­­li­­ter l’ouver­­ture à des espaces d’expan­­sion où
elles ne seraient pas encore pré­­sentes, peuvent, cepen­­dant, tou­­jours tirer avan­­tage de
cette approche.
Ce pour­­rait, par exemple, être le cas de mul­­ti­­natio­­nales, implan­­tées d’ores et
déjà sur plu­­sieurs conti­­nents, comme Renault, qui peut comp­­ter sur son par­­te­­naire
Nissan, au sein de l’Alliance qu’elle a consti­­tuée avec elle en 1999, pour appro­­
cher plus effi­­ca­­ce­­ment la Chine, où elle n’est pas encore pré­­sente de façon signi­­
fi­­ca­­tive. Elle peut aussi, sans doute, s’appuyer sur ses « équipementiers », OEM
(ori­­gi­­nal equipment manufacturers, comme Boch ou Valeo), qui y sont déjà
présents, pour lui appor­­ter l’expé­­rience dont elle aura besoin pour le déve­­lop­­pe­­
ment de ses pro­­jets d’implan­­ta­­tion, comme sur un grand nombre de par­­ties pre­­
nantes propres à lever les obs­­tacles aux « flux d’infor­­ma­­tions entrants et sor­­tants
du mar­­ché ».
Mais les excep­­tions les plus impor­­tantes à ce « schéma stan­­dard » renou­­velé pro­
­viennent, là encore, de l’évo­­lu­­tion très rapide de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional.
Elles recouvrent, tout à la fois, la mul­­ti­­pli­­cation des nou­­veaux acteurs qui tendent à
«  brû­­ler les étapes  » de l’approche séquen­­tielle du modèle d’Uppsala  ; lequel se
trou­­vera aussi quelque peu remis en cause par les sché­­mas de déve­­lop­­pe­­ment des
cham­­pions inter­­na­­tionaux des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide.

2.2 L’excep­­tion en voie de mul­­ti­­pli­­cation des nou­­veaux acteurs


d’emblée inter­­na­­tionaux : les born globals
Appli­­qué dans les sec­­teurs high tech dans les années 901, les termes « born glo­­
bal  » et «  inter­­na­­tional new venture  » , désignent en effet, des entre­­prises qui
adoptent une approche dis­­tincte – sinon inverse – de celle des modèles d’Uppsala :
au lieu de consi­­dé­­rer l’étran­­ger comme une source d’incer­­ti­­tude et d’adop­­ter une
approche pour le moins pru­­dente et, en tous cas, pro­­gres­­sive de l’inter­­na­­tiona­­li­­

1.  Selon Meier et Meschi, op.cit.,, le terme a été pro­­posé pour la pre­­mière fois par A. Bonnacorsi («  On the
relationship between firm size and ex­port intensity », Jour­­nal of Inter­­na­­tional Busi­­ness Studies, vol. 23, N°4, 1992),
le concept ayant été déve­­loppé par B. Oviatt et P. McDougall (1995 et 2005), qui uti­­lisent le terme de « inter­­na­­tional
new venture ».

234
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

sation, ces orga­­ni­­sa­­tions, consi­­dèrent d’emblée le déve­­lop­­pe­­ment à l’inter­­na­­tional


comme une priorité1.
Dans des acti­­vi­­tés à forte valeur ajou­­tée tech­­no­­lo­­giques, « tirées par l’inno­­va­­tion »
et peu dépen­­dantes de par­­ti­­cu­­la­­rismes cultu­­rels – technology driven ou culture free –2,
en crois­­sance forte, le déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de ces acteurs est encou­­ragé par la
conver­­gence des attentes et des compor­­te­­ments de consom­­ma­­teurs, l’abais­­se­­ment
des coûts logis­­tiques, la cir­­cu­­la­­tion accé­­lé­­rée de l’infor­­ma­­tion…, les born glo­­bal
recherchent d’emblée des relais de crois­­sance et les moyens de se déve­­lop­­per hors
fron­­tières, pour cou­­vrir un maxi­­mum de mar­­chés, mais, aussi, pour lever les capi­­
taux néces­­saires au finan­­ce­­ment de leur crois­­sance et de leur inter­­na­­tiona­­li­­sation ou
pour sti­­mu­­ler, comme Huawei, mais, aussi comme Archos (cf. exemple 4.3), leur
capa­­cité inno­­va­­trice.
Il n’est pas rare, dans ce type de struc­­tures, que leurs diri­­geants et leurs équipes,
sou­­vent multi cultu­­rels, aient aussi pro­­fité, au cours de leurs par­­cours indi­­vi­­duels,
d’une forte « expo­­si­­tion inter­­na­­tionale3 » (famille bicultu­­relle, expa­­triés, for­­ma­­tion
à l’étran­­ger, car­­rière inter­­na­­tionale…), les pré­­pa­­rant à mieux iden­­ti­­fier et tirer parti
des oppor­­tu­­ni­­tés inter­­na­­tionales. Ce qui leur fait consi­­dé­­rer l’approche pro­­gres­­sive
comme dépas­­sée, conscients qu’ils sont de l’impor­­tance des réseaux, comme de la
néces­­sité dans laquelle ils sont de s’appuyer sur des relais locaux et inter­­na­­tionaux
sur les dif­­fé­­rents espaces d’expan­­sion qu’ils vont pri­­vi­­lé­­gier avant de les mul­­ti­­plier
rapi­­de­­ment. À ce titre, leur modèle de crois­­sance ne serait pas incom­­pa­­tible avec les
modèles d’Uppsala, mais l’appliquerait sur un mode accé­­léré.
Conscients de l’obso­­les­­cence rapide des concepts qu’ils pro­­posent, ils consi­­
dèrent, dans une perspec­­tive d’horizontalisation, que l’approche sys­­té­­ma­­tique du
plus grand nombre de mar­­chés étran­­gers est une néces­­sité, à l’ins­­tar des poli­­tiques
«  d’écré­­mage  » pré­­co­­ni­­sées par Root, en 1997, notam­­ment pour les pro­­duits de
mode4. Mais ils n’ont pas, non plus, dans une perspec­­tive de verticalisation, cette
fois, de pré­­ven­­tion vis-­à-vis d’un déploie­­ment de leur chaîne de valeur d’un
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continent à un autre, ni de loca­­li­­sa­­tions leur per­­met­­tant de se rap­­pro­­cher au plus près


des grands cou­­rants d’inno­­va­­tion inté­­res­­sant leur acti­­vité.

1.  Publiée sous le titre Ambitious, Adept and Agile. How Glo­­bal Entre­­pre­­neurs Are Changing the World,
l’enquête menée par Ernst & Young, auprès de 300 born globals montre que, au cours des trois der­­nières années, le
déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional a tiré la crois­­sance de ces entre­­prises à hau­­teur de 72 % et a contri­­bué pour 51 % à
l’amé­­lio­­ra­­tion de leur profitabilité (citée par Y. Vilagines, « Born Glo­­bal, le nou­­veau para­­digme des entre­­pre­­neurs
en quête de crois­­sance », Les Échos, 1/9/2011).
2.  Voir chapitre.3 ,3.2.2.2 .
3.  Voir chapitre.8 « La diver­­sité des inter­­ac­­tions intercuturelles et leurs enjeux ».
4.  Cf. F.R.Root, «Entr­y Strategies for Inter­­na­­tional Markets », Lexignton Books, Lexington/Mass USA, 1987.
Voir chapitre 7, 7.2.2.1, figure 7.8 « Les types de stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (Pour­­quoi ?) ».

235
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Exemple 4.3 – Archos ou la per­­sé­­vé­­rance récom­­pen­­sée d’une born glo­­bal à la fran­­çaise1


Pré­­cur­­seur tech­­no­­lo­­gique chro­­nique, ayant déve­­loppé le MP3 avant qui­­conque, en 2000 ;
réité­­rant, trois ans après, avec le bala­­deur vidéo, pour sor­­tir la pre­­mière tablette tac­­tile six
mois avant l’iPad d’Apple, le patron d’Archos, Henri Crohas, un « gadzart » de 59 ans,
trans­­fuge de chez Total où il étu­­diait le compor­­te­­ment en mer des plateformes de forage,
a connu des hauts et des bas à la tête de l’entre­­prise qu’il a fon­­dée en 1988 ; son chiffre
d’affaires oscil­­lant entre 126 mil­­lions d’euros en 2006 pour s’effon­­drer en 2009 et
remon­­ter à 170, en 2011, avec une crois­­sance de 50 % en deux ans, paral­­lèle à celle du
mar­­ché des tablettes.
Il est désor­­mais, en 4e place der­­rière Apple et Samsung, dans le monde, et en 2e place en
Europe ; son modèle éco­­no­­mique combine le haut de gamme, avec sa tablette Archos,
conçue en Europe mais fabri­­quée en Chine, le tissu indus­­triel fran­­çais ne per­­met­­tant plus
de fabri­­quer sur place ; alors que sa gamme Arnova, qui repré­­sente déjà un tiers de son
chiffre d’affaires, est conçue et fabri­­quée en Chine pour les pays émergents, en par­­te­­na­­
riat avec une entre­­prise chi­­noise.
Archos n’est pas le seul de son espèce  : à la grand-messe mon­­diale du sec­­teur CES
(Consu­­mer Electronics Show) de Las Vegas, en jan­­vier 2012, Invoxia, société fran­­çaise
offrant un modèle de télé­­phone per­­met­­tant une inter­­ac­­tion totale entre fixe et mobile,
décroche le prix de l’inno­­va­­tion ; son créa­­teur, Alain Carreel avait, lui aussi, joué les pré­
­cur­­seurs en créant le Livebox d’Orange. Comme d’autres, comme Parrot ou LaCie, il
commence à savou­­rer la reconnais­­sance inter­­na­­tionale, même s’il est loin de faire jeu
égal avec les géants amé­­ri­­cains ou coréens du sec­­teur. Ils n’en arrivent pas moins à lever
des fonds, en France et, désor­­mais, à l’étran­­ger, comme Archos, déjà déployé en Europe,
en Asie et aux États-­Unis.

À ce titre, le modèle de déve­­lop­­pe­­ment de Huawei comporte cer­­tains traits


communs avec les born globals, qu’il est bon de sou­­li­­gner :
––sec­­teur à forte dimen­­sion high-tech, requé­­rant des inves­­tis­­se­­ments qu’il convient
d’amor­­tir sur la base de clien­­tèle la plus large ;
––renou­­vel­­le­­ment très rapide des géné­­ra­­tions tech­­no­­lo­­giques, ren­­dant très présent le
risque d’obso­­les­­cence pour les acteurs qui se lais­­se­­raient dis­­tan­­cer ;
––volonté des diri­­geants de « pous­­ser » au maxi­­mum le déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional
de l’entre­­prise pour inté­­grer l’oligo­­pole mon­­dial.
Mais Huawei est loin d’être dans la situa­­tion des start-up infor­­ma­­tiques, phar­­ma­
c­ eu­­tiques ou inter­­net. Son par­­cours, qui pré­­sente, certes, un déve­­lop­­pe­­ment accé­­léré,
compa­­rable aux « bébés géants » de l’acti­­vité inter­­net – comme Google ou Facebook –
le situent davan­­tage dans la caté­­go­­rie des « cham­­pions inter­­na­­tionaux, dont il est,
avec son rival ZTE, un des repré­­sen­­tants emblé­­ma­­tiques chi­­nois.
L’appar­­te­­nance à cette «  nou­­velle  » caté­­go­­rie d’acteurs conduit à repla­­cer les
« cham­­pions inter­­na­­tionaux » des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide – entre globalisation/

1.  Cf. C. Maussion, « Archos, au prix d’un appel local », Libé­­ra­­tion, 18/3/2011, et P. Grandmaison, « Le high
tech made in France », Le Figaro Maga­­zine, 13/4/2012.

236
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

multi­natio­­na­­li­­sation et ouver­­ture inter­­na­­tionale pro­­gres­­sive, – dans une perspec­­tive


plus dyna­­mique, qui dépasse les logiques de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des orga­
­ni­­sa­­tions qui viennent d’être pré­­sentées.
Il s’agira, pour eux, comme pour les autres acteurs, de mieux faire res­­sor­­tir les inci­
t­a­­tions internes à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation et ses déter­­mi­­nants externes qui les poussent,
les unes et les autres, à se déve­­lop­­per et à suivre un che­­mi­­ne­­ment plus ou moins rapide
en sui­­vant, avec ou sans excep­­tions, le par­­cours séquencé sus­­cep­­tible de les ame­­ner,
plus ou moins rapi­­de­­ment, à une posi­­tion, sinon domi­­nante, du moins stable et défen­
­dable, dans un espace de réfé­­rence inter­­na­­tional de plus en plus large.

Les déterminants internes et externes


Section
2 de la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
des orga­­ni­­sa­­tions
La recherche des dif­­fé­­rents fac­­teurs favo­­rables qui expliquent le déve­­lop­­pe­­ment,
au cours des deux der­­nières décen­­nies, des « cham­­pions inter­­na­­tionaux » issus des
éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, mais aussi de ceux issus d’autres zones -économies
matures, comme éco­­no­­mies émergentes, au rythme de déve­­lop­­pe­­ment moins
soutenu-, per­­met­­tra, en effet, de dis­­tin­­guer, pour l’ensemble des organisations,
d’une part, les inci­­ta­­tions internes et, d’autre part, les déter­­mi­­nants externes, dont
ont pu et peuvent béné­­fi­­cier ces orga­­ni­­sa­­tions.
Ensuite, pourra être resituée la pro­­gres­­sion des orga­­ni­­sa­­tions ori­­gi­­naires des dif­­fé­
r­ entes zones dans le pro­­ces­­sus par étapes qui ser­­vira à éta­­lon­­ner la pro­­gres­­sion de
leur inter­­na­­tiona­­li­­sation. S’en déga­­ge­­ront les écarts obser­­vables entre le che­­mi­­ne­­
ment pro­­gres­­sif, conforme au modèle d’Uppsala 1 et les par­­cours diver­­gents que
suivent de plus en plus cer­­tains nou­­veaux acteurs, comme les born glo­­bals qui
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sortent des sen­­tiers bat­­tus et sug­­gèrent des voies d’évo­­lu­­tion nova­­trices.

1  Les inci­­ta­­tions au déve­­lop­­pe­­ment international


des orga­­ni­­sa­­tions

Les orga­­ni­­sa­­tions emblé­­ma­­tiques des éco­­no­­mies asia­­tiques, mon­­tées en puis­­sance


au cours des années 80, en sui­­vant le modèle japo­­nais et les déter­­mi­­nants du « dia­­
mant  » de Por­­ter1, comme les «  quatre dra­­gons  »2 – Co­rée du Sud, Hong Kong,

1.  Voir chapitre 1 sec­­tion 2.


2.  Dont la Co­rée du Sud, le « dra­­gon » le plus étendu géo­­gra­­phi­­que­­ment et le plus peu­­plé, pré­­sente l’exemple le
plus abouti, avec ses mul­­ti­­natio­­nales conqué­­rantes, comme Samsung, LG ou Hyundai/Kia.

237
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Singapour, Taïwan – avaient donné du corps à un modèle de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­


­tional dont avaient cher­ché à s’ins­­pi­­rer les éco­­no­­mies matures dans leurs ten­­ta­­tives
de retrou­­ver un second souffle, ou cer­­tains ter­­ri­­toires par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dyna­­miques,
comme Dubaï et Qatar1.
Les déter­­mi­­nants du déve­­lop­­pe­­ment des « cham­­pions inter­­na­­tionaux » des éco­­no­­mies
en crois­­sance rapide, – Chine, Inde et, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, le Bré­­sil – pro­­posent un
modèle dif­­fé­­rent, de celui de PORTER dans le cadre duquel on se pro­­pose d’asso­­cier :
––des inci­­ta­­tions internes, propres aux orga­­ni­­sa­­tions elles-­mêmes, déjà iden­­ti­­fiées
par Dunning2, dès les années 90, qui avait dis­­tin­­gué quatre types de moti­­vations
sus­­cep­­tibles de sti­­mu­­ler les inves­­tis­­se­­ments directs pro­­ve­­nant des éco­­no­­mies
matures ;
––à cer­­tains déter­­mi­­nants externes, sti­­mu­­lant par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment les cham­­pions inter­­
na­­tionaux de ces ECR3, sur­­tout à par­­tir de leur espace éco­­no­­mique d’ori­­gine, mais
aussi, dans les espaces d’expan­­sion géo-­sectoriels vers les­­quels ils s’orientent.

1.1  Les inci­­ta­­tions internes à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Les approches théo­­riques appli­­quées à l’inves­­tis­­se­­ment direct vers les éco­­no­­mies
émergentes peuvent être aisé­­ment trans­­po­­sées à l’inves­­tis­­se­­ment direct pro­­ve­­nant
des pays émergents. En effet, l’exemple des trois pays de réfé­­rence démontre lar­­ge­
­ment que les quatre types d’inci­­ta­­tions mis en évi­­dence par Dunning pour les orga­­
ni­­sa­­tions, ori­­gi­­naires des éco­­no­­mies matures, s’appliquent tout aussi bien aux
« cham­­pions inter­­na­­tionaux » des ECR :
• La pre­­mière inci­­ta­­tion est la recherche de res­­sources / re­source seeking –, et, par­
­ti­­cu­­liè­­re­­ment, de matières pre­­mières et de pro­­duits de base ou semi trans­­for­­més
(commodities) – éner­­gie, métaux, den­­rées agri­­coles –. Cette inci­­ta­­tion appa­­raît
essen­­tielle pour les grandes ECR, lorsque leurs res­­sources sont insuf­­fi­­santes, voire
absentes, pour ali­­men­­ter leur rythme de crois­­sance très rapide. Celle-­ci se tra­­duit
par des besoins tou­­jours plus pres­­sants d’hydro­­car­­bures, d’acier, de ciment. et de
compo­­sants indis­­pen­­sables à l’appro­­vi­­sion­­ne­­ment des acti­­vi­­tés de BTP et des
indus­­tries de trans­­for­­ma­­tion, comme dans les trois pays rete­­nus ici comme réfé­­
rence.

1.  Cf. exemple 2.2 « Un nou­­veau venu très actif sur la scène inter­­na­­tionale : le Qatar ».
2.  Dunning, J.H., « Reevaluating the benefits of foreign direct investment », Trans­­na­­tional Cor­­po­­ra­­tions, Vol.3
N°1, 1994.
3.  À rapprocher de ces inci­­ta­­tions internes pour faire res­­sor­­tir l’impact de cette double dyna­­mique – interne et
externe – (cf. J.-P.Lemaire, « Le déve­­lop­­pe­­ment des “cham­­pions inter­­na­­tionaux” ori­­gi­­naires des grandes éco­­no­­mies
à crois­­sance rapide : le cas du Bré­­sil, face à celui de la Chine et de l’Inde », in. F. Pinot, Le déve­­lop­­pe­­ment des
entre­­prises à l’inter­­na­­tional : regards sur le Bré­­sil, ESCP-­EAP Publi­­ca­­tion, Paris, 2007).

238
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Exemple 4.4 – l’appli­­ca­­tion de l’inci­­ta­­tion à la « recherche de res­­sources » (re­source


seeeking) par les cham­­pions inter­­na­­tionaux chi­­nois, indiens et
bré­­si­­liens
Pour la Chine et l’Inde, cette pre­­mière inci­­ta­­tion explique le déploie­­ment inter­­na­­tional
très rapide des orga­­ni­­sa­­tions de ces pays, en par­­ti­­cu­­lier dans les sec­­teurs du pétrole et du
gaz, pour autant que leurs res­­sources natu­­relles sont loin de satis­­faire la mon­­tée de leurs
besoins : aucune zone de pros­­pec­­tion ou d’exploi­­ta­­tion n’échappe à leur quête et les lea­
­ders natio­­naux du sec­­teur – Sinopec, Petrochina, CNOOC, pour la Chine ou ONGC, pour
l’Inde – s’y retrouvent tous en pre­­mière ligne.
Mais nombre d’autres sec­­teurs sont éga­­le­­ment concer­­nés, les mine­­rais, les phos­­phates,
le bois, qui, tous, poussent à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions ori­­gi­­naires de ces
deux grandes éco­­no­­mies, sus­­ci­­tant dans les zones cibles, sou­­vent situées dans les pays
émergents, où se trouvent ces res­­sources, des IDE, via la créa­­tion de joint ventures avec
des socié­­tés d’exploi­­ta­­tion locales ou l’acqui­­si­­tion de cer­­taines d’entre elles. Cette
démarche est sus­­cep­­tible de s’étendre, de leur part, aux pro­­duits de pre­­mière trans­­for­­ma­
­tion, dans une logique de sécu­­ri­­sa­­tion de leurs appro­­vi­­sion­­ne­­ments natio­­naux1.
Pour le Bré­­sil, en dépit de res­­sources natu­­relles consi­­dé­­rables, en par­­ti­­cu­­lier dans le
domaine agri­­cole, cette logique ne manque pas d’être éga­­le­­ment déve­­lop­­pée dans le sec­
­teur des hydro­­car­­bures2, comme en témoigne l’exemple de Petrobras, présent aussi bien
en Mer du Nord, en Afrique et dans d’autres pays de la zone latino-­américaine, ou encore
les grandes entre­­prises d’extrac­­tion minière ou de pre­­mière trans­­for­­ma­­tion, CVRD, CSN
ou Votorantim. Cepen­­dant, ces moti­­vations sont à remettre dans un contexte de crois­­
sance plus faible et plus fluc­­tuante3 qui tend à moins mettre au pre­­mier plan l’appro­­vi­­
sion­­ne­­ment du pays d’ori­­gine, que d’autres, liés à la recherche d’une taille signi­­fi­­ca­­tive,
à la diver­­si­­fi­­ca­­tion du por­­te­­feuille géo­­gra­­phique d’acti­­vi­­tés, ou encore, à d’autres types
de moti­­vations inter­­ve­­nant plus en aval dans le pro­­ces­­sus séquen­­tiel invo­­qué ici4.

• La seconde inci­­ta­­tion est la recherche de débou­­chés – market seeking –, qui cor­­


res­­pond au déve­­lop­­pe­­ment «  hori­­zon­­tal  ». Elle tra­­duit, avant tout, la volonté
d’aug­­men­­ter les parts de mar­­ché de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée dans les zones cibles
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visées, à y acqué­­rir une plus grande expé­­rience, de manière à exploi­­ter les avan­­
tages compé­­titifs – notam­­ment, le prix ou l’adap­­ta­­bi­­lité à leur contexte spécifique –
acquis au sein de l’éco­­no­­mie d’ori­­gine. Il s’agit aussi, pour les cham­­pions
inter­­na­­tionaux de ces ECR, de diver­­si­­fier leur por­­te­­feuille géo­­gra­­phique, comme
d’accroître leurs compé­­tences, au contact de la concur­­rence locale et étran­­gère.

1.  Comme l’illustre, notam­­ment, le cas de Mittal Steel dans le domaine de la sidé­­rur­­gie, entre­­prise pour laquelle
la recherche d’une sécu­­ri­­sa­­tion des appro­­vi­­sion­­ne­­ments ne repré­­sente tou­­te­­fois qu’un motif parmi de nom­­breux
autres à la poli­­tique de crois­­sance inter­­na­­tionale inin­­ter­­rom­­pue menée ces der­­nières années.
2.  À noter, la décou­­verte de nou­­veaux et très impor­­tants gise­­ments d’hydro­­car­­bures sur le lit­­to­­ral bré­­si­­lien qui
risque de chager la donne pour ce pays.
3.  La crois­­sance du PIB bré­­si­­lien appa­­raît assez fluc­­tuante : 4,3% en 2000, 1,3 en 2001, 1,9 en 2002, 0,5 en 2003,
7,5 en 2010, 2 ,7 en 2011, 4,5 pré­­vus en 2012, 5,1 pré­­vus en 2004. ( DGTPE 2005 et La Tri­­bune, 6/3/2012, « En
2011, l’éco­­no­­mie bré­­si­­lienne a for­­te­­ment ralenti »).
4.  Ibid. Dunning, 2004.

239
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Cette inci­­ta­­tion peut conduire à déve­­lop­­per, au-­delà de l’expor­­ta­­tion ou de l’éta­­


blis­­se­­ment de par­­te­­na­­riats ou de filiales commer­­ciales, des inves­­tis­­se­­ments de
pro­­duc­­tion, aux fins de contour­­ner, dans les pays cibles, les obs­­tacles à l’entrée de
leurs pro­­duits qui contra­­rieraient leurs ventes locales.

Exemple 4.5 – L’appli­­ca­­tion de l’inci­­ta­­tion à la «  recherche de débou­­chés  » (market


seeeking) par les cham­­pions inter­­na­­tionaux chi­­nois, indiens et
bré­­si­­liens
À ce titre, la Chine et l’Inde, se sont atta­­chées à essai­­mer hors fron­­tières, dans leurs sec­
­teurs d’excel­­lence res­­pec­­tifs :
–– la Chine, notam­­ment, dans l’équi­­pe­­ment élec­­tro­­mé­­na­­ger avec Haier, dans des zones
aussi dif­­fé­­rentes que l’Europe ou les États-­Unis et nombre de pays émergents ; l’élec­­
tro­­nique, avec Lenovo ou TCL, les télécoms avec Huawei et ZTE, par­­tout dans le
monde, moins faci­­le­­ment, aux États-­Unis, les compo­­sants auto­­mo­­biles, avec SAIC,
vers les pays émergents mais, aussi, la Co­rée ;
–– l’Inde, dans les tech­­no­­logies de l’infor­­ma­­tion, avec Infosys, Wipro ou TCS, dans les pays
de la Triade, comme en Chine, les pro­­duits phar­­ma­­ceu­­tiques géné­­riques, avec Ranbaxy
ou Cadila, au Moyen-­Orient, en Chine, mais aussi en Europe et aux États-­Unis, les
compo­­sants auto­­mo­­bile avec Bahrat ou Eicher, vers l’Europe et les États-­Unis.
Hors agri­­culture, le Bré­­sil, quant à lui, a connu une expan­­sion inter­­conti­­nen­­tale dans
quelques sec­­teurs comme l’aéro­­nau­­tique et les équi­­pe­­ments, avec WEG, Marcopolo,
Taurus, Embraer, en Europe, aux États-­Unis comme en Chine, mais, à un moindre titre,
dans les sec­­teurs de l’éner­­gie et de la pre­­mière trans­­for­­ma­­tion. Un autre sec­­teur impor­­
tant est celui de l’ingé­­nie­­rie, avec des entre­­prises telles que Odebrecht, pré­­sente dans une
ving­­taine de pays. Il est à noter que nombre d’IDE cor­­res­­pon­­dant à la recherche de mar­
­chés, dans ces sec­­teurs, comme dans d’autres, tel celui de la grande consom­­ma­­tion,
comme les bois­­sons1, se sont long­­temps réa­­li­­sés vers le Mercosur, don­­nant au Bré­­sil par
rap­­port aux deux autres grandes éco­­no­­mies de réfé­­rence une orien­­ta­­tion plus mar­­quée
vers les zones de proxi­­mité. Nombre de PME sont éga­­le­­ment asso­­ciées à cette dyna­­
mique, en par­­ti­­cu­­lier dans ces zones de proxi­­mité

• La troi­­sième inci­­ta­­tion est la recherche d’effi­­ca­­cité/efficiency seeking –, quant à elle,


conduit les entre­­prises à s’inter­­na­­tiona­­li­­ser pour recher­­cher des coûts plus faibles,
tout autant que pour acqué­­rir des savoir-­faire, mieux maî­­tri­­ser les pra­­tiques
managériales de pays plus avan­­cés à cet égard, anti­­ci­­per la venue d’IDE dans leurs
espaces éco­­no­­miques, à la faveur de leur adhé­­sion à l’OMC, mais, aussi, se rap­­
pro­­cher des consom­­ma­­teurs étran­­gers, pour mieux les connaître, ou pro­­fi­­ter des
sub­­ven­­tions locales liées aux IDE.

1.  Avec des enterprises comme Ambev ; à noter, cepen­­dant, la fusion inter­­ve­­nue entre cette entre­­prise et le bras­
s­ eur belge Interbrew , dont les perspec­­tives géo­­gra­­phiques dépassent lar­­ge­­ment la région, don­­nant aux anciens
action­­naires d’Ambev 44 % de Stitching Interbrew, la compa­­gnie hol­­ding de l’entité fusion­­née (en Belgique) sous
le nom d’InBev AS, devenu AB Inbev après la fusions avec Anheuser Bush. Cf. exemple 3.7 « Mon­­dia­­li­­sa­­tion à
marche for­­cée des géants des sec­­teurs de la bière et de la mode ».

240
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Exemple 4.6 – L’appli­­ca­­tion de l’inci­­ta­­tion à la «  recherche d’effi­­ca­­cité  » (efficiency


seeeking) par les cham­­pions inter­­na­­tionaux chi­­nois, indiens et
brésiliens
A priori, les «  cham­­pions inter­­na­­tionaux  » de Chine ou d’Inde, béné­­fi­­cient déjà de
coûts de main-­d’œuvre par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment avan­­ta­­geux et d’éco­­no­­mies d’échelle propres
à leur per­­mettre de figu­­rer parmi les plus compé­­titifs en matière de prix. Cela n’a pas
empê­­ché, dans cette perspec­­tive et dans des condi­­tions de compé­­titi­­vité prix compa­­
rables, des entre­­prises chi­­noises d’équi­­pe­­ments telles que Haier ou Yue Yuen de déve­­
lop­­per leur pro­­duc­­tion en Inde ou au Vietnam, comme des entre­­prises phar­­ma­­ceu­­tiques
indiennes, comme Matrix ou Sun Pharma, d’implan­­ter des uni­­tés de pro­­duc­­tion en
Europe de l’Est et au Bré­­sil. Elles peuvent avoir aussi été intéressé­es par la pré­­sence
d’une main-d’œuvre qua­­li­­fiée acces­­sible dans des condi­­tions par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment avan­­ta­­
geuses. Ces moti­­vations ont, de la même façon, pu être asso­­ciées au rap­­pro­­che­­ment de
grands comptes déjà appro­­chés dans leur pays d’ori­­gine, dans le cadre d’une démarche
follow the customer. L’implan­­ta­­tion se révèle, enfin, indis­­pen­­sable dans les acti­­vi­­tés de
ser­­vice, en par­­ti­­cu­­lier, à forte valeur ajou­­tée ou asso­­ciés à des acti­­vi­­tés de haute tech­­
no­­logie.
Ce sont, d’ailleurs, ces der­­nières moti­­vations qui peuvent expli­­quer, à titre prin­­ci­­pal,
l’inter­­na­­tiona­­li­­sation de cer­­taines grandes firmes bré­­si­­liennes de ser­­vice aux entre­­
prises, telles que Politec et Teka, aux États-­Unis et en Europe, du construc­­teur aéro­­
nau­­tique Embraer, aux États-­Unis. Elles illus­­trent le mieux ces IDE impul­­sés par la
recherche d’effi­­ca­­cité, dans la même perspec­­tive d’«  horizontalisation  » que pour
l’étape pré­­cé­­dente du pro­­ces­­sus pro­­posé. Il reste que les IDE réa­­li­­sés dans le cadre de
cette recherche d’effi­­ca­­cité peuvent s’envi­­sa­­ger aussi dans une démarche de
« verticalisation », en loca­­li­­sant chaque étape du pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion là où les fac­
­teurs sont les moins coû­­teux, les plus acces­­sibles et/ou les plus effi­­caces. Ce qui cor­­
res­­pond à une opti­­mi­­sation de la chaîne de pro­­duc­­tion à une échelle inter­­na­­tionale, qui
par­­ti­­cipe, d’ailleurs, de la même logique que les inci­­ta­­tions rele­­vant de la recherche
d’actifs stra­­té­­giques.

• La qua­­trième inci­­ta­­tion est la recherche d’actifs stra­­té­­giques/strategic asset seeking,


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autre­­ment dit de compé­­tences per­­met­­tant de déve­­lop­­per les per­­for­­mances de


l’entre­­prise, d’inté­­grer davan­­tage ses fonc­­tions dans une perspec­­tive géo­­gra­­phique
élar­­gie, de manière à atteindre des objec­­tifs plus ambi­­tieux, en matière de sti­­mu­­
lation de l’inno­­va­­tion, d’amé­­lio­­ra­­tion de visi­­bi­­lité, d’accrois­­se­­ment des compé­­
tences managériales.

Exemple 4.7 – L’appli­­ca­­tion de l’inci­­ta­­tion à la « recherche d’actifs stra­­té­­giques » (stra-


tegic asset seeeking) par les cham­­pions inter­­na­­tionaux chi­­nois, indiens
et bré­­si­­liens
En Chine, comme en Inde, ce seront les mêmes groupes lea­­ders de leurs sec­­teurs res­­pec­
­tifs d’excel­­lence qui figu­­re­­ront dans le groupe des «  cham­­pions inter­­na­­tionaux  » des
grandes ECR iden­­ti­­fiées : construire une image de marque mon­­diale, atteindre les stan­­

241
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

dards de qua­­lité des éco­­no­­mies les plus évo­­luées, répondre aux attentes des consom­­ma­­
teurs les plus exi­­geants cor­­res­­pond bien à la logique de déploie­­ment d’Haier aux
États-­Unis comme en Europe1, tout comme ces moti­­vations expliquent lar­­ge­­ment l’ins­­
tal­­la­­tion des « cham­­pions inter­­na­­tionaux » chi­­nois de l’élec­­tro­­nique, TCL, Lenovo, ou
des télécom, Huawei et ZTE, dans ces deux zones ou encore, celle de grands
équipementiers auto­­mo­­biles chi­­nois, comme SAIC ou Wanxiang au Royaume-­Uni ou en
Co­rée.
De même, les Indiens, comme TCS et Ranbaxy, aux États-­Unis, en Europe et même en
Chine, obéissent à des inci­­ta­­tions simi­­laires, mesu­­rant l’impor­­tance, au-­delà du déve­­lop­
­pe­­ment de leurs ventes et du rap­­pro­­che­­ment de leur clien­­tèle, de l’obten­­tion d’une véri­­
table reconnais­­sance dans les mar­­chés de réfé­­rence actuels ou poten­­tiels les plus
impor­­tants.
À ce niveau, les entre­­prises bré­­si­­liennes appa­­raissent encore faibles, même si les entre­­
prises citées pré­­cé­­dem­­ment pour leur quête d’effi­­ca­­cité pour­­raient être éga­­le­­ment men­­
tion­­nées à ce stade. Elles appa­­raissent, cepen­­dant, moins enga­­gées que leurs homo­­logues
chi­­nois ou indiens, et avec de moindres ambi­­tions.

Parmi ces quatre inci­­ta­­tions, une entre­­prise comme Huawei, à forte valeur ajou­­tée
tech­­no­­lo­­gique aura très vite donné la priorité à la recherche d’actifs stra­­té­­giques et
à la recherche d’effi­­ca­­cité, notam­­ment à tra­­vers la créa­­tion de son réseau inter­­na­­
tional de centres de recherche, lui per­­met­­tant, concur­­rem­­ment, de déve­­lop­­per la
recherche de mar­­chés. En revanche, dans son acti­­vité, la recherche de res­­sources
n’aura pas la même impor­­tance.
Mais si une bonne par­­tie de sa dyna­­mique inter­­na­­tionale peut paraître entraî­­née
par ces moti­­vations, celles-­ci ne suf­­fisent pas à l’expli­­quer complè­­te­­ment. D’autres
fac­­teurs externes, liés à l’envi­­ron­­ne­­ment de cette orga­­ni­­sa­­tion, tout autant que ces
fac­­teurs internes per­­mettent d’en avoir, pour elle, comme pour ses sem­­blables, une
expli­­ca­­tion plus complète.
À noter que les « cham­­pions inter­­na­­tionaux » des ECR et d’autres orga­­ni­­sa­­tions
issues, notam­­ment, des éco­­no­­mies matures par­­tagent lar­­ge­­ment, selon leur sec­­teur
d’acti­­vité, la majo­­rité des inci­­ta­­tions internes à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation. En revanche,
les déter­­mi­­nants externes évo­­qués ci-­dessous, trouvent leur ter­­rain de pré­­di­­lec­­tion,
à l’heure actuelle, dans les pays émergents qui tendent à en accroître les effets sti­­
mu­­lants, au béné­­fice de leurs « entre­­prises res­­sor­­tis­­santes ».

1.  Ibid. Lemaire, 2005.

242
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Recherche Recherche d’actifs


de ressources stratégiques
• Accès accru aux matières premières et • Technologies, image de marque,
aux produits de première transformation compétences managériales

Internationalisation
des « champions
internationaux »
des grandes ECR

Recherche Recherche
de débouchés d’efficacité
• Accès à des marchés de diversification • Réduction des coûts,
et de volume, gain d’expérience et meilleure adaptation des produits,
contournement d’obstacles protectionnistes subventions aux investissements

Adapté de : Dunning 1994

Figure 4.5 – Les inci­­ta­­tions internes à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation

1.2  Les déter­­mi­­nants externes de l’inter­­nationalisation des orga­­ni­­sa­­tions


Quatre autres fac­­teurs tendent, en effet, à déve­­lop­­per les avan­­tages compé­­titifs des
« cham­­pions inter­­na­­tionaux » issus des grandes éco­­no­­mies à crois­­sance rapide et à
sti­­mu­­ler leur expan­­sion inter­­na­­tionale. Ils ne vont pas d’ailleurs sans rap­­pe­­ler ceux
dont ont depuis long­­temps béné­­fi­­cié les orga­­ni­­sa­­tions exer­­çant leur acti­­vité à par­­tir
des États-­Unis – comme « l’effet de grand mar­­ché » –, au moins dans cer­­tains sec­­
teurs. Ce qui peut être aussi le cas aussi de cer­­taines orga­­ni­­sa­­tions basées en Europe
et le serait encore plus si le degré d’inté­­gra­­tion éco­­no­­mique avait davan­­tage pro­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

gressé1. Cer­­tains de ces fac­­teurs tiennent à la confi­­gu­­ra­­tion des espaces éco­­no­­miques


dont sont ori­­gi­­naires les « cham­­pions inter­­na­­tionaux », comme leur taille, mais tous
dépendent aussi, lar­­ge­­ment, du compor­­te­­ment des auto­­ri­­tés et de leur volonté de leur
appor­­ter leur sou­­tien.
• Tout d’abord, « l’effet de grand mar­­ché », leur per­­met de dis­­po­­ser d’une base de
clien­­tèle natio­­nale – exis­­tante et poten­­tielle – consi­­dé­­rable et de réa­­li­­ser des éco­­
no­­mies d’échelle consi­­dé­­rables, propres à aug­­men­­ter leur compé­­titi­­vité prix –
indé­­pen­­dam­­ment de l’avan­­tage que leur pro­­cure, par ailleurs, le bas coût de leur
main-­d’œuvre –.

1.  En termes de levée des obs­­tacles à la cir­­cu­­la­­tion des biens et des ser­­vices, mais aussi en termes de poli­­tiques
éco­­no­­miques plus effi­­cace et mieux coor­­don­­nées entre les pays membres.

243
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Exemple 4.8 – La mise à pro­­fit de « l’effet de grand mar­­ché » par les cham­­pions inter­
­na­­tionaux chi­­nois, indiens et bré­­si­­liens
Avec de tels niveaux de popu­­la­­tion, dont le dyna­­misme peut varier, il est vrai, consi­­dé­­ra­
­ble­­ment, l’Inde et la Chine sont, sans conteste, les éco­­no­­mies au monde qui, de ce point
de vue, sont les plus avan­­ta­­gées. Il convient, cepen­­dant, de consi­­dé­­rer cet avan­­tage avec
cir­­conspec­­tion, en fonc­­tion du niveau de vie et de la répar­­tition des reve­­nus au sein de la
popu­­la­­tion pour en appré­­cier les limites1. Il convient aussi d’appré­­cier les obs­­tacles inté­
­rieurs qui peuvent, comme en Inde, contra­­rier la cir­­cu­­la­­tion des mar­­chan­­dises et en ren­­
ché­­rir signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment le coût2.
Face à ces deux géants, avec ses 180 mil­­lions d’habi­­tants, le Bré­­sil ne peut, bien sûr, sup­­
por­­ter la compa­­rai­­son. Il n’en demeure pas moins que son niveau de revenu par habi­­tant est
sen­­si­­ble­­ment supé­­rieur3, même si sa pro­­gres­­sion est plus faible et, sur­­tout, plus irré­­gu­­lière ;
ce qui nuance, sans fon­­da­­men­­ta­­lement la modi­­fier, son infé­­riorité dans ce domaine.

• Un second élé­­ment à rete­­nir pour ces cham­­pions inter­­na­­tionaux sont, sans doute,
les oppor­­tu­­ni­­tés des zones de proxi­­mité, tant pour les débou­­chés qu’elles sont sus­
­cep­­tibles de leur pro­­cu­­rer, pour les res­­sources natu­­relles qui leur font défaut et
qu’elles pour­­raient leur four­­nir, comme pour les pos­­si­­bi­­li­­tés de sous-­traitance
qu’elles pour­­raient leur offrir et qui leur per­­met­­traient d’opti­­mi­­ser leur chaîne de
pro­­duc­­tion.
Peut être assi­­milé à ce fac­­teur externe déter­­mi­­nant, l’impor­­tance des diasporas,
dont il est dif­­fi­­cile de mesu­­rer l’impact mais dont cer­­tains gou­­ver­­ne­­ments ont d’ores
et déjà compris qu’elles pou­­vaient consti­­tuer un levier de déve­­lop­­pe­­ment cru­­cial
pour les acteurs éco­­no­­miques de leur pays, tant comme source d’infor­­ma­­tions et de
savoir-­faire que de capa­­cité d’inves­­tis­­se­­ment4.

Exemple 4.9 – La mise à pro­­fit des «  oppor­­tu­­ni­­tés des zones de proxi­­mité  » par les
cham­­pions inter­­na­­tionaux chi­­nois, indiens et bré­­si­­liens
À ce titre, le Bré­­sil pos­­sède une lon­­gueur d’avance sur les deux grandes éco­­no­­mies de
réfé­­rence, dans la mesure où le Mercosur se révèle comme une zone en voie d’inté­­gra­­tion
rela­­ti­­ve­­ment rapide, avec des perspec­­tives d’exten­­sion à l’ensemble de l’Amérique
Latine5, qui en font pour nombre d’entre­­prises bré­­si­­liennes un pro­­lon­­ge­­ment natu­­rel  ;
même si tous les obs­­tacles à l’échange et à l’inves­­tis­­se­­ment sont loin d’avoir dis­­pa­­rus.

1.  Le mar­­ché de l’auto­­mo­­bile en Inde, mal­­gré sa pro­­gres­­sion remar­­quable ne repré­­sente encore qu’un volume
annuel infé­­rieur à celui de cha­­cun des quatre plus grands pays de l’Europe de l’Ouest. Les construc­­teurs locaux
comme les étran­­gers en mesurent actuel­­le­­ment la satu­­ra­­tion rela­­tive.
2.  Cf. exemple 2.14 « L’Inde, en quête d’un rêve ».
3.  Source : DGTPE Sta­­tistiques Bré­­sil, www.dree.org/economie.
4.  Voir chapitre 2, sec­­tion 1, repère L’impor­­tance des diasporas.
5.  Cf. notam­­ment, « Le Bré­­sil et l’Argen­­tine veulent faire du Mercosur le noyau dur Latino-­américain », Les
Échos, 23 Juin 2003.

244
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Si, certes, la Chine est dotée d’un fort pou­­voir d’influ­­ence poli­­tique et éco­­no­­mique régio­
­nal, elle n’a que récem­­ment signé un accord avec les dix pays membres de l’ASEAN et
l’orien­­ta­­tion de ses flux d’expor­­ta­­tion et d’IDE, comme ceux de l’Inde, régionalement
encore plus iso­­lée, sont, comme elle, davan­­tage tour­­nés vers les pays indus­­tria­­li­­sés –
États-­Unis et Union européenne – . Même si leur ouver­­ture res­­pec­­tive vers les zones de
proxi­­mité, comme vers les zones éco­­no­­miques à matu­­rité compa­­rables d’Asie Cen­­trale,
d’Europe de l’Est, d’Afrique, voire d’Amérique Latine appa­­raît iné­­luc­­table et est, d’ores
et déjà, bien enga­­gée.

• Une troi­­sième dimen­­sion se révèle aussi impor­­tante pour sti­­mu­­ler la crois­­sance


des « cham­­pions inter­­na­­tionaux » : c’est le poids rela­­tif et l’influ­­ence des inves­­
tis­­se­­ments directs étran­­gers dans leur espace d’ori­­gine, qui sti­­mulent leur propre
déve­­lop­­pe­­ment, leur appor­­tant, par effet de dif­­fu­­sion des IDE/spillover effect, de
nou­­velles tech­­no­­logies, de nou­­veaux savoir-­faire fonc­­tion­­nels – dans le domaine
de la pro­­duc­­tion et de la qua­­lité, dans celui du mar­­ke­­ting, etc. – ainsi que des
modèles d’orga­­ni­­sa­­tion leur per­­met­­tant d’évo­­luer plus rapi­­de­­ment  ; tout autant
pour faire face à cette concur­­rence elle-­même, sur leur grand mar­­ché inté­­rieur,
que pour leur per­­mettre d’être mieux armés pour se déve­­lop­­per hors fron­­tières.

Exemple 4.11 – La mise à pro­­fit de « l’effet de dif­­fu­­sion des IDE » par les cham­­pions
inter­­na­­tionaux chi­­nois, indiens et bré­­si­­liens1
De ce point de vue, c’est la Chine qui a connu la pro­­gres­­sion la plus spec­­ta­­cu­­laire en
matière d’IDE dès la fin des années 1990, tan­­dis que l’Inde devait, pen­­dant l’essen­­tiel de
la période, se contenter de mon­­tants qui ne repré­­sen­­taient qu’une frac­­tion des flux
d’inves­­tis­­se­­ment qui se diri­­geaient vers son grand voi­­sin, avant de pro­­gres­­ser signi­­fi­­ca­­ti­
­ve­­ment, depuis les années 2004 et 2005, et s’en rap­­pro­­cher, sans, tou­­te­­fois, pou­­voir pré­
­tendre le rat­­tra­­per. À noter qu’au-­delà du volume des flux sont à consi­­dé­­rer leur nature
et, par­­tant, le poten­­tiel de dif­­fu­­sion qu’ils repré­­sentent2.
Pour ce qui est du Bré­­sil, l’éta­­blis­­se­­ment de mul­­ti­­natio­­nales et les flux d’inves­­tis­­se­­ment
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

étran­­gers sont plus anciens et ont for­­te­­ment contri­­bué à consti­­tuer le tissu éco­­no­­mique du
pays, lui per­­met­­tant, dans ses sec­­teurs d’excel­­lence, de ren­­for­­cer la posi­­tion de ses
« cham­­pions inter­­na­­tionaux »3. Après avoir connu des pics à la fin des années 90, ils ont
pro­­gressé régu­­liè­­re­­ment, depuis le début de la décen­­nie, concer­­nant, outre le sec­­teur pri­
­maire, les ser­­vices et, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, les télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions et la finance, sec­­teurs
récem­­ment pri­­va­­ti­­sés et néces­­si­­tant une rapide moder­­ni­­sa­­tion, per­­met­­tant une amé­­lio­­ra­­
tion rapide de leur pro­­duc­­ti­­vité.

1.  Dans le World Investment survey 2010-2012, la CNUCED, sou­­ligne que ces trois pays occu­­paient les trois
premières places du clas­­se­­ment mon­­dial de 2009, devant les États-­Unis, la Chine avec plus de 100 milliards, l’Inde
et le Bré­­sil, pra­­ti­­que­­ment au même niveau avec près de 70 milliards. (7/9/2010, www.contre­­points.org).
2.  Avec, par exemple, l’ins­­tal­­la­­tion de la pre­­mière usine non euro­­péenne d’Air­­bus à Tianjin en Chine, voir, Cha­
­pitre 3. Exemple 3.8. Air­­bus ins­­talle une ligne de pro­­duc­­tion pour la famille des A 320 en Alabama.
3.  Barros, de O. et J. Santiso, 2002.

245
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

• Enfin, le qua­­trième déter­­mi­­nant, déci­­sif, l’appui de l’État, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment – mais


pas uniquement- dans ces ECR1, à tra­­vers les poli­­tiques éco­­no­­miques, finan­­cières
et moné­­taires, joue un rôle déter­­mi­­nant dans le positionnement inter­­na­­tional de
ces « cham­­pions inter­­na­­tionaux ». Indi­­rec­­te­­ment, tout d’abord, en amé­­lio­­rant les
infra­­struc­­tures, ou en ména­­geant avec les enti­­tés supra­­na­­tionales mon­­diales,
comme l’OMC ou régio­­nales, le cas échéant des périodes de tran­­si­­tion propres à
ren­­for­­cer leur posi­­tion compé­­titive dans cer­­tains sec­­teurs clés, et, ainsi, leur don­­
ner de meilleures chances de faire face à l’entrée de leurs concur­­rents étran­­gers
comme de se déve­­lop­­per hors fron­­tières. Les auto­­ri­­tés natio­­nales, comme les col­
­lec­­ti­­vi­­tés locales, peuvent aussi, plus direc­­te­­ment, comme leurs homo­­logues de
bien d’autres pays – indus­­tria­­li­­sés ou non –, leur appor­­ter un sou­­tien direct, sous
forme de sub­­ven­­tions ou dans le cadre de la négo­­cia­­tion inter­­na­­tionale de cer­­tains
mar­­chés stra­­té­­giques2.

Exemple 4.12 – La mise à pro­­fit de «  l’appui de l’État  » par les cham­­pions inter­­na­­
tionaux chi­­nois, indiens et bré­­si­­liens
En la matière, les dif­­fé­­rences sont assez mar­­quées, même si les auto­­ri­­tés des grandes
éco­­no­­mies à crois­­sance rapide se montrent toutes trois très actives dans la mesure où
leurs modes d’inter­­ven­­tion dif­­fèrent sen­­si­­ble­­ment ; en fonc­­tion, notam­­ment, de niveaux
de res­­sources bud­­gé­­taires inégales, de priori­­tés sec­­to­­rielles diver­­gentes, comme de modes
de gou­­ver­­nance bien dis­­tincts.
–– La Chine, plus cen­­tra­­li­­sée, favo­­rise ses « cham­­pions » à de mul­­tiples égards, sur la base
d’un sys­­tème de gou­­ver­­nance qui asso­­cie étroi­­te­­ment les auto­­ri­­tés locales et la hié­­rar­­
chie du Parti commu­­niste chi­­nois aux diri­­geants des entre­­prises – qu’elles soient
d’État, dépen­­dantes des pro­­vinces ou des muni­­ci­­pa­­li­­tés et, aussi, pri­­vées –, selon les
prin­­cipes de l’« éco­­no­­mie de mar­­ché socia­­liste3 », dans le cadre de poli­­tiques éco­­no­­
miques décidées au plus haut niveau. Outre l’appui diplo­­ma­­tique dont elles béné­­fi­­cient,
les aides qui leur seront dis­­pen­­sées passent par les cré­­dits géné­­reux aux­­quels elles
auront accès auprès des grandes banques d’État qui s’ins­­crivent dans une tra­­di­­tion de
finan­­ce­­ments publics, même si elles ont pro­­gres­­si­­ve­­ment ouvert leur capi­­tal aux capi­­
taux pri­­vés locaux et inter­­na­­tionaux.
–– L’Inde pré­­sente des carac­­té­­ris­­tiques très dif­­fé­­rentes, avec un pou­­voir fédé­­ral beau­­coup
plus faible, même si cer­­tains dis­­po­­si­­tifs légaux et des poli­­tiques natio­­nales sont clai­­re­
­ment défi­­nis et pro­­fitent à un cer­­tain nombre d’acteurs natio­­naux dans des sec­­teurs
jugés stratégiques comme l’aéro­­nau­­tique et l’espace. C’est donc au niveau des Etats,
plus ou moins entre­­pre­­nants, que se mani­­feste aussi le sou­­tien à un cer­­tain nombre de
« cham­­pions », dans des sec­­teurs clés, pour leur per­­mettre d’atteindre en interne une
masse cri­­tique suf­­fi­­sante4, leur per­­met­­tant d’aller affron­­ter, dès à présent ou, plus tard,

1.  Voir chaitre 2, 2.1. « Déve­­lop­­pe­­ment des ter­­ri­­toires : pro­­tec­­tion ou pro­­mo­­tion ? ».


2.  Voir chapitre, 2.1.1. « Les ambigüités de la Poli­­tique Commer­­ciale Stra­­té­­gique ».
3.  Cf. ibi­­dem, J.F.Dufour, op.cit.
4.  Cf. chapitre 3 sec­­tion 1, exemple : La résis­­tible pro­­gres­­sion des banques étran­­gères en Inde.

246
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

à l’exté­­rieur, la concur­­rence inter­­na­­tionale, et pour faci­­li­­ter l’éta­­blis­­se­­ment d’inves­­tis­­


seurs directs étran­­gers propres à maxi­­mi­­ser les « effets de dif­­fu­­sion ».
–– Face aux «  éco­­no­­mies au milliard  », le Bré­­sil se posi­­tionne de manière ori­­gi­­nale,  ;
répon­­dant à des inci­­ta­­tions par­­ti­­cu­­lières, notam­­ment au plan régio­­nal (Mercosur), qui
contre­­ba­­lancent sa rela­­tive infé­­riorité en termes de taille et de rythme de crois­­sance,
sans pré­­ju­­dice de la volonté clai­­re­­ment expri­­mée de l’exé­­cu­­tif natio­­nal de voir les
« cham­­pions » bré­­si­­liens figu­­rer au pre­­mier rang mon­­dial. Ce qui ne compro­­met pas,
pour autant, les chances de ses « cham­­pions inter­­na­­tionaux », même si leur dyna­­mique
appa­­raît d’ores et déjà, à la lumière des ana­­lyses qui pré­­cèdent, fon­­dée sur une logique
quelque peu dif­­fé­­rente.

Pour une entre­­prise comme Huawei, c’est bien l’effet de grand mar­­ché, qui a per­­
mis, dans un pre­­mier temps, la consti­­tution d’une base d’acti­­vité consis­­tante ; mais
c’est le finan­­ce­­ment de sa crois­­sance dis­­pensé par les banques, comme les sub­­ven­­tions
– de recherche, notam­­ment – appor­­tées par les auto­­ri­­tés, qui ont sur­­tout été déci­­sives.
L’a été aussi, l’effet de dif­­fu­­sion mis à pro­­fit à tra­­vers les mul­­tiples alliances nouées
avec les firmes étran­­gères, sou­­vent ins­­tal­­lées en Chine, qui ont lar­­ge­­ment contri­­bué à
lui appor­­ter les savoir-­faire tech­­niques et managériaux dont elles avaient besoin pour
rat­­tra­­per son retard ini­­tial avant d’être capable, de voler de ses propres ailes et de faire
la course en tête, en deve­­nant elle-­même lea­­der tech­­no­­lo­­gique.

Recherche Appui de l’État Recherche d’actifs


de ressources • Amélioration des infrastructures et stratégiques
• Accès accru aux matières premières et politiques économiques structurelles • Technologies, image de marque,
aux produits de première transformation • Soutien direct au développement compétences managériales
international

Effet de Effets de diffusion


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Internationalisation
grand marché des « champions des IDE
• Accès à une clientèle élargie internationaux » • Transferts de technologie, de
savoir-faire
• Économies d’échelle des grandes ECR • Références des acteurs locaux

Recherche Recherche
de débouchés Opportunités de d’efficacité
• Accès à des marchés de diversification proximité • Réduction des coûts,
et de volume, gain d’expérience et • Intégration régionale meilleure adaptation des produits,
contournement d’obstacles • Liens avec zones voisines subventions aux investissements
protectionnistes

Sources : Dunning 1994 ; Lemaire 2008

Figure 4.6 – Déter­­mi­­nants externes et inci­­ta­­tions internes à l’internationalisation

247
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Les inci­­ta­­tions internes, en elles-­mêmes, ne font pas des «  cham­­pions inter­­na­­


tionaux  » ori­­gi­­naires des ECR des orga­­ni­­sa­­tions à part, dis­­tinctes des entre­­prises
inter­­na­­tionales des éco­­no­­mies matures  ; sinon que l’inten­­sité par­­ti­­cu­­lière de leurs
« inci­­ta­­tions internes » s’explique par l’impor­­tance des han­­di­­caps tech­­no­­lo­­giques et
managériaux qu’elles ont à combler, comme par les besoins crois­­sants qu’elles
éprouvent pour satis­­faire une demande interne et externe crois­­sante. Pour ce qui est
des « déter­­mi­­nants externes », elles béné­­fi­­cient aussi, davantage, des effets por­­teurs
d’un cadre ins­­ti­­tution­­nel et d’un envi­­ron­­ne­­ment éco­­no­­mique par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment sti­­mu­­
lants ; même si ce der­­nier peut être sujet – comme le Bré­­sil en 2011-2012, et la Chine
à la mi-2012 – à des « trous d’air » qui contra­­rient leur mou­­ve­­ment ascen­­dant.
Une fois iden­­ti­­fiés ces inci­­ta­­tions internes et ces déter­­mi­­nants externes, reste à
reconnaître les par­­cours que les unes et les autres sont sus­­cep­­tibles de suivre dans
le cadre de leur expan­­sion hors des fron­­tières de leur pays d’ori­­gine et la repré­­sen­
­ta­­tion que l’on pour­­rait en don­­ner.

2  Le pro­­ces­­sus de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions


En dépit des cri­­tiques dont il fait l’objet et des excep­­tions de plus en plus nom­­
breuses que l’on peut obser­­ver, un schéma d’expan­­sion inter­­na­­tionale, pro­­gres­­sif et
séquencé « par phases », peut encore four­­nir un sup­­port expli­­ca­­tif de réfé­­rence. Il
per­­met d’asso­­cier au déploie­­ment des loca­­li­­sa­­tions et de la gamme des acti­­vi­­tés
l’évo­­lu­­tion des modes de pré­­sence et des struc­­tures qui se suc­­cèdent au fil du déve­
­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de chaque entité consi­­dé­­rée.
Ce schéma d’expan­­sion « par phases » peut s’appli­­quer, aux orga­­ni­­sa­­tions, pru­­
dentes et réac­­tives, s’ins­­cri­­vant dans la logique d’ouver­­ture du modèle ini­­tial
d’Uppsala, sui­­vant un schéma d’évo­­lu­­tion concen­­trique autour de leur pays d’ori­­
gine. Celles, plus proactives, dont le modèle éco­­no­­mique intégre, dès le départ, une
dimen­­sion inter­­na­­tionale s’impo­­sant d’emblée, comme les « born globals » adop­­te­
­ront un schéma plus éclaté.

2.1  Le décou­­page en « phases » du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional


De l’obser­­va­­tion des dif­­fé­­rentes firmes et selon dif­­fé­­rents auteurs1, on peut a priori dis­­
tin­­guer trois phases prin­­ci­­pales dans le pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’organisation :

1.  Cette approche est partagée avec un cer­­tain nombre d’auteurs ; notam­­ment S.P. Douglas et C.S. Craig (« Evolution
of glo­­bal Mar­­ke­­ting strategy : Scale, Scope and synergy », Columbia Jour­­nal of World Busi­­ness, Automne 1989).
De manière empi­­rique, un groupe de tra­­vail animé par B. Leblanc et J.-P. Lemaire, en 1991-1992 à l’EAP, est
arrivé à une ana­­lyse simi­­laire : un panel de diri­­geants d’entre­­prises à voca­­tion inter­­na­­tionale, issues de dif­­fé­­rents
sec­­teurs, recher­­chaient les pro­­fils des per­­son­­nels les mieux adap­­tés aux besoins de leurs struc­­tures en voie d’inter­­
na­­tiona­­li­­sation ; le groupe en est rapi­­de­­ment venu à la conclu­­sion que ces besoins variaient sen­­si­­ble­­ment en fonc­­tion
du niveau d’enga­­ge­­ment à l’inter­­na­­tional de chaque entre­­prise. Ce qui a conduit, sur la base de leur expérience, les
par­­ti­­cipants à déga­­ger et à défi­­nir les trois phases reprises ici.

248
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

––l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale/ «  first landing  », cor­­res­­pon­­dant à une pre­­mière


orien­­ta­­tion de l’organisation hors des fron­­tières de son espace natio­­nal ou domes­
­tique ;
––le déve­­lop­­pe­­ment local/«  go native  », sus­­ci­­tant la conso­­li­­da­­tion d’implantations
dif­­fé­­ren­­ciées d’une loca­­li­­sa­­tion à l’autre, avec le souci domi­­nant de les ins­­crire le
plus har­­mo­­nieu­­se­­ment pos­­sible dans chaque envi­­ron­­ne­­ment ;
––la multi­natio­­na­­li­­sation, déter­­mi­­nant la mise en place de struc­­tures coor­­don­­nées,
harmonisées et inté­­grées, dans l’ensemble des zones d’implan­­ta­­tion de l’organi­
sation consi­­dé­­rée.
Ces trois phases peuvent s’ins­­crire dans les dif­­fé­­rentes logiques qui viennent
d’être défi­­nies. En sou­­li­­gnant cer­­tains aspects carac­­té­­ris­­tiques de cha­­cune d’entre
elles, comme la fré­­quente domi­­na­­tion d’une approche empi­­rique, lors de la pre­­mière
phase, alors qu’une approche struc­­tu­­rée serait davan­­tage l’apa­­nage de la troi­­sième.
En fait, à cha­­cune de ces trois phases, se trouvent atta­­chées des carac­­té­­ris­­tiques spé­
­ci­­fiques, aussi bien par le niveau des ambi­­tions, les moyens mobi­­li­­sés et la démarche
adop­­tée. Cepen­­dant, les born glo­­bal, carac­­té­­ri­­sées par la prise en compte dans leur
modèle éco­­no­­mique d’ori­­gine de la dimen­­sion inter­­na­­tionale, ne sont pas réduc­­tibles
à un tel schéma et feront l’objet d’une approche dif­­fé­­ren­­ciée (cf. figure 4.9).

À quel phase de son internationalisation


se trouve l’organisation ?
MULTINATIONALISATION
/GLOBALISATION
Activités sur plusieurs pays
plusieurs continents, ou
sur le monde entier
DÉVELOPPEMENT LOCAL s’appuyant sur des structures
coordonnées et harmonisées
(go native)

Activités multilocales
INTERNATIONALISATION INITIALE s’appuyant sur des
(first landing) structures et des réseaux
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

délocalisés
En extension hors frontières
des activités domestiques
et/ou dans une perspective
d’exploration sur la base de relations
et de structures de proximité

J.-P. Lemaire

Figure 4.7 – Les trois phases/étapes du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional


de l’entre­­prise

• L’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale (ou first landing) cor­­res­­pond à une phase d’approche


pru­­dente et/ou explo­­ra­­toire, au cours de laquelle l’orga­­ni­­sa­­tion, peu fami­­lière de
l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, ou, à tout le moins, du ou des pays-­cible(s) qu’elle aborde,

249
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

demeure quelque peu atten­­tiste sur son enga­­ge­­ment. Elle se cantonnera, alors, à des
rela­­tions limi­­tées, voire occa­­sion­­nelles, ou à une implan­­ta­­tion légère – voire pro­­vi­­
soire – dans le ou les ter­­ri­­toires de l’espace d’expan­­sion dans le(s)quel(s) elle envi­
­sage de les déve­­lop­­per  ; adop­­tant une approche, en cela, conforme au modèle
Uppsala 1.
À ce stade, elle peut, tout autant, en fonc­­tion de la nature de son acti­­vité et de ce
qu’elle attend de son inter­­na­­tiona­­li­­sation, éva­­luer le poten­­tiel des mar­­chés locaux ou
des condi­­tions de pro­­duc­­tion locales. Elle mul­­ti­­pliera alors les prises de contact en
étu­­diant diverses hypo­­thèses d’approche.
Les solu­­tions rete­­nues auront sou­­vent un carac­­tère pro­­vi­­soire, voire expé­­ri­­men­­tal,
se tra­­dui­­sant par des modes de pré­­sence peu impliquants, fai­­sant la part belle aux
inter­­mé­­diaires et par­­te­­naires locaux (agents ou dis­­tri­­bu­­teurs, fabri­­cants sous licence),
qui compen­­se­­ront sa connais­­sance réduite du mar­­ché ou des condi­­tions de pro­­duc­­
tion locales, au moins pour un temps, avant que l’orga­­ni­­sa­­tion soit en mesure de
tran­­cher entre le « faire » et le « faire faire », aussi bien pour vendre ou ache­­ter que
pour fabri­­quer.
Même si cette phase peut être ame­­née à se pro­­lon­­ger long­­temps, elle débouche le
plus sou­­vent, au bout de quelques années, soit sur un retrait pur et simple, soit sur
un enga­­ge­­ment plus signi­­fi­­ca­­tif, par­­fois même « décalé » par rap­­port aux hypo­­thèses
de déve­­lop­­pe­­ment ini­­tia­­le­­ment envi­­sa­­gées (acti­­vité dif­­fé­­rente de la pre­­mière acti­­vité
déve­­lop­­pée, pro­­duc­­tion locale, plu­­tôt que simple expor­­ta­­tion ou fabri­­ca­­tion sous
licence).

Exemple 4.12 – La « grande vague bleue » séné­­ga­­laise d’Elton est-­elle expor­­table1 ?


En un peu plus de 10 ans Elton Oil Company est deve­­nue lea­­der de la dis­­tri­­bu­­tion des
pro­­duits pétro­­liers au Sénégal avec une bonne ving­­taine de sta­­tions ser­­vices et une ving­
­taine d’autres points de vente, situés aux points névral­­giques du réseau rou­­tier du pays,
s’appuyant sur­­tout sur un concept tota­­le­­ment nou­­veau, « L’Oasis ». Tout y est conçu dans
un décor 100 % afri­­cain – cou­­leurs, matières, design – pour aller au-devant des attentes
de toutes les caté­­go­­ries d’usa­­gers au volant des véhi­­cules les plus divers – des «  cars
rapides », ces camion­­nettes qui assurent le trans­­port col­­lec­­tif et des taxis bringuebalants
jus­­qu’aux voi­­tures de maître et aux ruti­­lants 4 x 4 –. Avec son archi­­tec­­ture futu­­riste à la
façade sur­­mon­­tée d’un toit en forme de longue vague bleu cobalt, contras­­tant avec les
ate­­liers de bord de route où la saleté et la pous­­sière règnent sur un joyeux caphar­­naüm de
vieilles méca­­niques à l’aban­­don, tout res­­pire ici rigueur, effi­­ca­­cité, et prop­­reté : pistes et
équi­­pe­­ments, per­­son­­nel accueillant aux uni­­formes impec­­cables, espaces de repos et
même salle de prière, bou­­tique « Eden’s », où l’on peut faire ses achats à toute heure du
jour et de la nuit. Pas éton­­nant que le débit soit ici plu­­sieurs fois celui de la pompe
moyenne des réseaux clas­­siques des grands dis­tributeurs éta­­blis dans le pays !

1.  Voir cas « Elton, le défi séné­­ga­­lais aux majors des hydro­­car­­bures », « Elton, le défi séné­­ga­­lais aux majors des
hydro­­car­­bures », 2013, avec notice péda­­go­­gique, dis­­po­­nible en fran­­çais et en anglais à la Cen­­trale des cas et des
moyens péda­­go­­giques).

250
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Créée en août 2000, ELTON asso­­cie un fonds d’inves­­tis­­se­­ment contrôlé par des Ex-­
Cadres d’une entre­­prise chi­­mique et des pro­­fes­­sion­­nels séné­­ga­­lais du sec­­teur, tous
anciens cadres de Mul­­ti­­natio­­nales, qui ont apporté leur exper­­tise. Les a ras­­sem­­blés
l’ambi­­tion de créer un concept nou­­veau et de remettre en cause le mono­­pole des majors
du sec­­teur, en pro­­fi­­tant d’une dis­­po­­si­­tion légale obli­­geant la société locale de raf­­fi­­nage,
leur filiale commune, à four­­nir tous les dis­­tri­­bu­­teurs aux mêmes condi­­tions de prix.
Déjà lea­­der en Gambie, pays enclavé dans le ter­­ri­­toire séné­­ga­­lais, la ques­­tion est pour
Elton de deve­­nir «  panafricaine  », en trans­­po­­sant dans la sous-­région – l’Afrique de
l’Ouest – son image «  per­­for­­mante, dyna­­mique et citoyenne, sou­­cieuse d’assu­­rer la
meilleure qua­­lité de ser­­vice à la clien­­tèle et de contri­­buer au déve­­lop­­pe­­ment de
l’Afrique ». À quelles condi­­tions le pourrait-­elle ? En sui­­vant quel par­­cours ?

• Le déve­­lop­­pe­­ment local (ou go native), s’enchaî­­nant bien sou­­vent sur la phase


d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale, prend en compte le carac­­tère pro­­met­­teur pour l’orga­­
ni­­sa­­tion d’une impli­­ca­­tion locale plus impor­­tante – à envi­­sa­­ger sous forme d’implan­
tation auto­­nome (sole venture) ou en par­­te­­na­­riat (joint venture) –, pri­­vi­­lé­­giant le
souci de se faire accep­­ter loca­­le­­ment, tant par les consom­­ma­­teurs et/ou uti­­li­­sa­­teurs,
par les sous-­traitants et/ou par les autres par­­te­­naires indus­­triels et commer­­ciaux, que
par les ins­­ti­­tution­­nels (auto­­ri­­tés, lea­­ders d’opi­­nion, etc.).
Au cours de cette phase, l’entre­­prise s’atta­­chera à opti­­mi­­ser les condi­­tions de
commer­­cia­­li­­sa­­tion et/ou de pro­­duc­­tion de tout ou par­­tie de la gamme de ses pro­­
duits, sou­­vent sur la base des pre­­miers suc­­cès ren­­contrés lors de la phase d’inter­­na­
­tiona­­li­­sation ini­­tiale ; ce qui sup­­pose l’élar­­gis­­se­­ment de son poten­­tiel dans l’une et/
ou l’autre fonc­­tion. Cela sup­­pose aussi la recherche d’une « colo­­ra­­tion » locale plus
mar­­quée, dans le but d’atté­­nuer, voire de sup­­pri­­mer son image « étran­­gère », sur­­tout
lorsque celle-­ci ne valo­­rise pas son acti­­vité locale1 en « s’indigénisant ».

Exemple 4.13 – Le luxe au Japon, s’adap­­ter à tout prix à une clien­­tèle incom­­pa­­rable2


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Le luxe, à pre­­mière vue, un sec­­teur très spé­­ci­­fique, mais très révé­­la­­teur d’un cer­­tain
Japon, qui ne se can­­tonne pas aux grandes artères de Ginza ou d’Omotesando, les quar­­
tiers ten­­dance de Tokyo, où il règne en maître et confronte les lea­­ders mon­­diaux, pour­­tant
ins­­tal­­lés de longue date, à des défis per­­ma­­nents. Compor­­tant, en effet, un éven­­tail de
consom­­ma­­teurs beau­­coup plus large qu’ailleurs, ce n’est pro­­ba­­ble­­ment pas un hasard si
le Japon est, par habi­­tant, le plus grand mar­­ché du luxe au monde. Leur appar­­te­­nance à
la classe moyenne, repré­­sen­­tant une très large majo­­rité de la popu­­la­­tion, donne les
moyens à de très nom­­breux Japo­­nais – et pas seule­­ment aux offices ladies en attente de
mari- de pos­­sé­­der un ou plu­­sieurs articles de luxe qu’ils exhibent volon­­tiers aux grandes
occa­­sions, comme dans la vie de tous les jours.

1.  Voir cha­­pitre 8, cas intro­­duc­­tif « Jérôme ou l’osmose thaïe ».


2.  Cet exemple doit beau­­coup à la recherche en cours ini­­tiée avec Rémy Magnier Watanabe au prin­­temps 2011,
à Tokyo et aux échanges avec Mika Tamura dans le cadre de sa thèse pro­­fes­­sion­­nelle, à l’ESCP Europe.

251
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Ce qui vient de l’exté­­rieur et de loin est fort appré­­cié, pour autant qu’il incarne ces valeurs
tra­­di­­tion­­nelles aux­­quelles les Japo­­nais sont si atta­­chés. C’est pro­­ba­­ble­­ment ce qui explique
la place pri­­vi­­lé­­giée qu’occupe le luxe dans l’uni­­vers de la consom­­ma­­tion japo­­nais, en par­
­ti­­cu­­lier le luxe euro­­péen et, notam­­ment, fran­­çais. Même si les don­­nées dis­­po­­nibles sont
tant soit peu hété­­ro­­gènes, du fait de la dif­­fi­­culté de défi­­nir ce à quoi cor­­res­­pond pré­­ci­­sé­­
ment le luxe, la pro­­por­­tion du chiffre d’affaires réa­­lisé au Japon par un cer­­tain nombre de
marques et d’entre­­prises du sec­­teur, dont le posi­­tion­­ne­­ment ne prête pas à confu­­sion,
comme Bac­­ca­­rat, Bulgari, Burberry, Hermès, Gucci, Tiffany, Louis Vuitton est impres­­
sion­­nant : entre 25 % et 35 % de leurs ventes mon­­diales sont réa­­li­­sés dans ce pays !
Les goûts de la clien­­tèle jeune, éva­­luée à 25 % des consom­­ma­­teurs du luxe par le repré­
­sen­­tant d’un groupe domi­­nant du sec­­teur, évo­­luent, on l’a constaté, du confor­­misme à
l’affir­­ma­­tion de soi, du culte exclu­­sif de la marque haut de gamme, au pana­­chage, avec
la fast fashion, du « tout à l’exté­­rieur » au cocooning et au well being. Elle n’est sans
doute pas per­­due pour le luxe, mais son bud­­get lui est moins lar­­ge­­ment consa­­cré que dans
un passé encore récent.
D’où l’impor­­tance que revêtent les autres caté­­go­­ries, qui consti­­tuent la plus large part de
la clien­­tèle, notam­­ment les 35/45 ans et les plus de 45 ans, dont il faut savoir rani­­mer
constam­­ment la flamme du dés­­ir d’achat. Pour les femmes, qui ont mis le luxe entre
paren­­thèses après leur mariage, comme pour les plus âgées, il ne faut pas perdre de vue
leurs attentes spé­­ci­­fiques comme les évo­­lu­­tions de celles-­ci, tout en créant des attentes
nou­­velles.
Fidélisation et pro-­action sont les maîtres mots pour rani­­mer, entre­­te­­nir et per­­pé­­tuer la
magie de ce type d’achat. Les hommes ne sont d’ailleurs pas en reste, qui repré­­sen­­te­­
raient une frac­­tion crois­­sante de la clien­­tèle, même s’ils sont pro­­ba­­ble­­ment plus sen­­sibles
aux crises que les femmes. Ils font, de plus en plus, l’objet d’approches spé­­ci­­fiques et
requièrent éga­­le­­ment une atten­­tion toute par­­ti­­cu­­lière.
Pour eux comme pour elles, la fidélisation passe par le ser­­vice asso­­cié à la vente et à la
vie du pro­­duit. Le propre du luxe – l’hor­­lo­­ge­­rie, la joaille­­rie, la maroquinerie, les arts de
la table – est, en effet, d’accom­­pa­­gner toute une vie et, même, au-­delà, de se trans­­mettre
d’une géné­­ra­­tion à l’autre. Beau­­coup de clients appré­­cient que des arti­­sans – joaillers,
hor­­lo­­gers, maro­­qui­­niers. – soient désor­­mais mis à leur dis­­po­­si­­tion dans cer­­tains points de
vente pour assu­­rer l’entre­­tien et le suivi de ces objets sym­­boles qui feraient presque par­
­tie d’eux-mêmes ; manière habile de per­­pé­­tuer l’acte d’achat ini­­tial et d’en sus­­ci­­ter de
nou­­veaux.
Mais c’est la recherche de l’exclu­­si­­vité et de la per­­son­­na­­li­­sa­­tion des articles qui ren­­contre
le plus grand suc­­cès. Ce qu’ont bien compris nombre d’acteurs pres­­ti­­gieux du sec­­teur qui
n’hésitent pas à mul­­ti­­plier les séries limi­­tées et à pro­­po­­ser des pro­­duits per­­son­­na­­li­­sés en
offrant même la customisation à l’unité, allant de l’impres­­sion du mono­­gramme de
l’ache­­teur à la colo­­ra­­tion sur mesure – en dehors de la gamme stan­­dard – de l’acces­­soire
convoité.
Se sen­­tir reconnu, béné­­fi­­cier d’un accueil per­­son­­na­­lisé fait par­­tie des exi­­gences de la clien­
­tèle la plus tra­­di­­tion­­nelle – et, aussi, la plus riche et, pro­­por­­tion­­nel­­le­­ment, de plus en plus
nom­­breuse –, sou­­cieuse de l’har­­mo­­nie et du détail. Ce qui a poussé, para­­doxa­­le­­ment, à la
mise en œuvre d’une gamme de nou­­veaux outils per­­met­­tant de mieux maî­­tri­­ser la rela­­tion
à cette clien­­tèle ; en par­­ti­­cu­­lier, dans le maga­­sin, en inten­­si­­fiant la for­­ma­­tion des ven­­deurs,
et, hors du maga­­sin, en déve­­lop­­pant les sites inter­­net et les bases de don­­nées clients.

252
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

C’est pro­­ba­­ble­­ment par un constant souci d’inno­­va­­tion dans la dis­­tri­­bu­­tion, que les lea­­
ders du luxe se sont le mieux adap­­tés aux muta­­tions de leur clien­­tèle  : en affi­­nant la
seg­­men­­ta­­tion des maga­­sins, qui, désor­­mais, peuvent être des­­ti­­nés exclu­­si­­ve­­ment aux
clients les plus âgés, aux jeunes sophis­­ti­­qués, aux hommes... ; en fai­­sant aussi assaut de
créa­­ti­­vité, en recou­­rant aux déco­­ra­­teurs et aux archi­­tectes stars les plus « ten­­dance » pour
leur siège japo­­nais ou pour leurs maga­­sins phares.
À ce titre, le Japon est devenu un véri­­table banc d’essai, qui attire, à chaque nou­­velle
ouver­­ture, les pro­­fes­­sion­­nels venus de l’Asie entière et, même, d’au-­delà. Les for­­mules
qui y sont ainsi déve­­lop­­pées et tes­­tées sont même sus­­cep­­tibles d’être repro­­duites dans le
monde entier.

Dès lors le niveau d’enga­­ge­­ment pourra aug­­men­­ter signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment, sous


diverses formes inté­­grant davan­­tage, à une struc­­ture mieux contrô­­lée, des par­­te­­
naires locaux, en acqué­­rant une rai­­son sociale locale (par crois­­sance externe, ou
simple créa­­tion ou achat de marque) ou en confé­­rant à sa rai­­son sociale un carac­­tère
plus local (comme Auchan, devenu « Al Campo » en Espagne).
Le but recher­ché est, ici, de maxi­­mi­­ser la part de mar­­ché, de deve­­nir lea­­der dans
les acti­­vi­­tés déve­­lop­­pées loca­­le­­ment et de se don­­ner les moyens d’élar­­gir sa gamme
en subis­­sant le moins pos­­sible les han­­di­­caps liés à une ori­­gine étran­­gère (réti­­cences
des consom­­ma­­teurs, contraintes et contrôles admi­­nis­­tra­­tifs, etc.).
Cela peut rendre dif­­fi­­cile le pas­­sage à la phase sui­­vante de multi­natio­­na­­li­­sation, dans
la mesure où les par­­ti­­cu­­la­­rismes des struc­­tures locales risquent d’entra­­ver les efforts
de ratio­­na­­li­­sation qui jus­­ti­­fient cette pro­­gres­­sion. C’est ce qui explique aussi que cer­
­taines entre­­prises amé­­ri­­caines notam­­ment, mais, aussi, euro­­péennes, dans le sec­­teur
du luxe en par­­ti­­cu­­lier –, lorsque la voca­­tion glo­­bale de leur marque l’exige (comme
McDonald’s, en Russie, ou Versace, aux États-­Unis) ou leur supé­­riorité tech­­no­­lo­­gique
le per­­met (comme Apple), limitent au maxi­­mum cette « indigénisation ».
• La multi­natio­­na­­li­­sation (et, a for­­tiori, la globalisation, si la struc­­ture étend ses
rami­­fi­­ca­­tion, comme pour Coca-­Cola sur la quasi-­totalité des pays du monde) sup­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

pose, enfin, après avoir mul­­ti­­plié les implan­­ta­­tions locales, de ne plus consi­­dé­­rer les
loca­­li­­sa­­tions de manière spé­­ci­­fique, comme des opé­­ra­­tions iso­­lées, mais comme les
élé­­ments d’un tout coor­­donné, en cher­­chant à gérer l’ensemble qu’elles consti­­tuent
de façon opti­­male.
Se trouve au centre des pré­­oc­­cu­­pa­­tions de l’orga­­ni­­sa­­tion l’har­­mo­­ni­­sa­­tion des pro­
c­ é­­dures et, éven­­tuel­­le­­ment, des struc­­tures, per­­met­­tant, en prin­­cipe, une cir­­cu­­la­­tion
plus effi­­cace des infor­­ma­­tions et des prises de déci­­sion plus rapides. Cer­­taines fonc­
­tions – finan­­cière (comme la ges­­tion du risque de change) ou fis­­cale – sont gérées
de façon sinon cen­­tra­­li­­sée, du moins, coor­­don­­née. Cer­­tains ser­­vices fonc­­tion­­nels
(par exemple juri­­diques) sont alors en mesure d’opé­­rer de façon «  trans­­ver­­sale  »,
pour tout ou par­­tie des implan­­ta­­tions, à des niveaux variables de décen­­tra­­li­­sa­­tion1.

1.  Voir cha­­pitre 8, cas d’appli­­ca­­tion « Yara, une struc­­ture souple et hom­gène pour un lea­­der­­ship mon­­dial ».

253
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Ce sont alors moins les formes juri­­diques de ses implan­­ta­­tions que leur contrôle
qui s’imposent, sur un plan inter­­na­­tional, à l’orga­­ni­­sa­­tion, avec, pour corol­­laire, le
ren­­for­­ce­­ment de la culture orga­­ni­­sa­­tion­­nelle, au détriment des cultures des pays des
dif­­fé­­rentes implan­­ta­­tions.
À ce der­­nier stade, c’est l’image inter­­na­­tionale, voire glo­­bale, de l’entité qui est
en jeu, non seule­­ment sur le plan commer­­cial et mar­­ke­­ting, mais éga­­le­­ment sur le
plan finan­­cier (à tra­­vers, par exemple, sa capa­­cité à « lever » des capi­­taux sur les
grands mar­­chés finan­­ciers). C’est aussi sa capa­­cité à allouer ses res­­sources de
manière opti­­male, à maxi­­mi­­ser ses marges et, donc, à déve­­lop­­per sa capa­­cité d’auto­
­fi­­nan­­ce­­ment et d’inves­­tis­­se­­ment, pour confor­­ter ses posi­­tions et sti­­mu­­ler sa crois­­
sance à long terme.
Plus une entre­­prise pro­­gresse dans son inter­­na­­tiona­­li­­sation, plus elle peut, donc,
béné­­fi­­cier d’un effet de taille, dans le cadre d’une orga­­ni­­sa­­tion et d’une pla­­ni­­fi­­ca­­tion
rigou­­reuses.
Pour des entre­­prises de taille modeste, comme le montre l’expé­­rience de l’Indo-­
French connection1, ce sont sou­­vent les contacts for­­tuits avec des clients ou par­­te­­
naires étran­­gers, lors de voyages, de salons pro­­fes­­sion­­nels, de prises de contact
spon­­ta­­nées ou rele­­vant du simple hasard qui expliquent, en par­­ti­­cu­­lier, leur ouver­­
ture ini­­tiale et la prise de conscience de pos­­sibles perspec­­tives – jus­­ti­­fiées ou non –
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
Cela signi­­fie qu’aux pre­­mières phases de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation les organisations
peuvent s’appuyer sur l’empi­­risme, la chance et, même, l’inconscience. À l’inverse,
il arrive aussi que l’inter­­na­­tiona­­li­­sation soit prise en consi­­dé­­ra­­tion trop tar­­di­­ve­­ment,
lorsque les res­­sources néces­­saires ne sont plus dis­­po­­nibles, du fait d’une trop forte
dété­­rio­­ra­­tion de leur posi­­tion locale.
Des lea­­ders mon­­diaux ont fait les frais de ce manque de réac­­ti­­vité, des géants,
comme Gap (cf.  exemple 4.15). Cela a été aussi le cas de plus modestes, comme
Majo­­rette, dans le sec­­teur du jouet ; un temps, pen­­dant les années 1980, cham­­pion
mon­­dial des voi­­tures minia­­tures, mais vic­­time, au début des années 2000, de la
« ringardisation » de ses pro­­duits qui n’avaient guère su évo­­luer, lami­­née par la mon­
­tée en puis­­sance de ses grands concur­­rents fai­­sant plus tôt qu’elle fabri­­quer en
Thaïlande ou en Chine2. Pour l’un comme pour l’autre, un tour­­nant dif­­fi­­cile à
prendre, dans des condi­­tions qui ne donnent aucun droit à l’erreur.

1.  Voir cha­­pitre 2, cas d’appli­­ca­­tion « L’usine des champs ou l’Indo-­French connection ».
2.  À la suite de bien des péripé­­ties, une suc­­ces­­sion de reprises, un trans­­fert de l’inté­­gra­­lité de la pro­­duc­­tion en
Thaïlande, Majo­­rette est deve­­nue une simple marque, de retour dans le giron de Smoby dont il avait été un temps
filiale. L’entre­­prise emblé­­ma­­tique de Rieux la Pape, son site prin­­ci­­pal désor­­mais fermé, n’emploie plus que 30 sala­
­riés aujourd’hui, cf. « Majo­­rette, l’ex fleu­­ron des petites voi­­tures, revient dans le giron de Smoby », La Dépêche,
2/2/2010.

254
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

Exemple 4.14 – Gap en manque d’inter­­na­­tiona­­li­­sation1 ?


Il n’y a pas que les petites entre­­prises qui souffrent d’erreurs d’aiguillage à l’inter­­na­­
tional, les « icônes » de sec­­teurs phares, comme le prêt à por­­ter, le fleu­­ron du sec­­teur
tex­­tile qui, à lui seul, repré­­sente un mar­­ché mon­­dial de 1400 milliards de dol­­lars. Gap en
est un bon exemple : créé en 1969 à San Francisco, autour d’un concept de « luxe à prix
abor­­dable », il a joué, avec ses marques Banana Re­public et Old Navy un rôle de pion­­nier
de la « fast fashion », avant les Zara, H & M et autres Mango. Avec 134 000 sala­­riés et
3200 points de vente, on pour­­rait croire ce pré­­cur­­seur à l’abri des à-­coups de la conjonc­
­ture. Ce serait oublier que l’entre­­prise réa­­lise encore 86 % de ses ventes aux États-­Unis
et au Canada, et seule­­ment 14 % dans le reste du monde. D’où la chute spec­­ta­­cu­­laire de
son chiffre d’affaires, du fait de la crise et d’une certaine las­­si­­tude de la part de ses
clients, par ailleurs très sol­­li­­ci­­tés par des concur­­rents qui attaquent « par le haut » (Ralph
Lauren et Paul Smith) comme « par le bas » (Wal Mart et Target) et l’omni­­pré­­sence des
hard dis­­coun­­ters : de 2005 à 2010 les ventes flé­­chissent de 16 milliards de dol­­lars à 14,
5 et, sur­­tout, les résul­­tats plongent.
Comment réagir ? « Réduire la voi­­lure » aux États-Unis, en sup­­pri­­mant 20 % des points
de vente et mul­­ti­­plier les ouver­­tures hors fron­­tières – même si Gap est déjà présent dans
34 pays – et, notam­­ment en Europe, en Chine et en Australie, en se redé­­ployant simul­­ta­
­né­­ment sur la vente en ligne. La mon­­dia­­li­­sa­­tion à marche for­­cée s’improvise-­t-elle dans
un envi­­ron­­ne­­ment éco­­no­­mique aussi agité ?

Il n’en demeure pas moins que c’est le plus sou­­vent par défaut que par excès
d’audace que pèchent les organisations, qui se contentent de leur mar­­ché natu­­rel,
sans se poser suf­­fi­­sam­­ment tôt la ques­­tion de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, soit que la vision
des diri­­geants se trouve trop concen­­trée sur le court terme, soit que leur expé­­rience
ou leur âge les incitent peu à envi­­sa­­ger cette voie de déve­­lop­­pe­­ment.
En dehors de ces situa­­tions extrêmes, l’inter­­na­­tiona­­li­­sation est cepen­­dant le fruit
de prises de déci­­sion s’appuyant sur des inci­­ta­­tions, ou encore, des « déclen­­cheurs »,
internes et externes, aux­­quels les diri­­geants sont, il est vrai, plus ou moins sen­­sibles,
amor­­çant ou inflé­­chis­­sant un pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qui se tra­­duit géné­­ra­­
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le­­ment par une pro­­gres­­sion par cercles suc­­ces­­sifs (cf. figure 4.8.), allant d’une pru­­
dente inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale, à carac­­tère expé­­ri­­men­­tal, à une éven­­tuelle
multi­natio­­na­­li­­sation, avec une ambi­­tion glo­­bale dans cer­­tains cas remar­­quables
(cf. cas d’appli­­ca­­tion « Sidel, une dyna­­mique internationale “tous azi­­muts” »?).

1.  Adapté de N. Tatu, « Banana Re­public ouvre à Paris : L’étran­­ger sauvera-­t-il Gap ? », Le Nou­­vel Obser­­va­­teur,
24/11/2011.

255
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

2.2  Déve­­lop­­pe­­ment concen­­trique contre déve­­lop­­pe­­ment éclaté


ou accé­­léré ?
Sui­­vant ou non cette pro­­gres­­sion par phases, les orga­­ni­­sa­­tions des­­sinent aussi leur
déve­­lop­­pe­­ment dans l’espace, comme à tra­­vers l’évo­­lu­­tion de leur gamme – sinon
de leur « cœur de métier1 » –, ou l’évo­­lu­­tion de leurs clien­­tèles.
Si le schéma concen­­trique est par­­tagé par de nom­­breuses orga­­ni­­sa­­tions, y
compris par celles qui adoptent des pro­­fils de crois­­sance inter­­na­­tionale nova­­teurs,
d’autres sché­­mas plus écla­­tés peuvent illus­­trer l’évo­­lu­­tion des dif­­fé­­rentes dyna­­
miques, ter­­ri­­toriales, sec­­to­­rielles et orga­­ni­­sa­­tion­­nelles qui ont été suc­­ces­­si­­ve­­ment
abor­­dées.
Ainsi, Huawei a d’abord connu dix ans de déve­­lop­­pe­­ment domes­­tique avant de
se déve­­lop­­per, au cours des années 1990, dans des mar­­chés émergents de niveau
de matu­­rité tech­­no­­lo­­gique et éco­­no­­mique proche de celui de la Chine (Hong Kong
mis à part), avant d’obte­­nir ses pre­­miers contrats signi­­fi­­ca­­tifs en Europe et de sys­
­té­­ma­­ti­­ser, ensuite, sa pré­­sence pra­­ti­­que­­ment par­­tout dans le monde (États-­Unis
mis à part), tout en élar­­gis­­sant pro­­gres­­si­­ve­­ment sa gamme et ses seg­­ments cibles
tout en démon­­trant une capa­­cité d’accé­­lé­­ra­­tion remar­­quable de son rythme de
crois­­sance.
Cette pro­­gres­­sion peut s’effec­­tuer, tout d’abord, par cercles géo­­gra­­phiques
concen­­triques2: d’abord vers des mar­­chés de proxi­­mité, ensuite vers des mar­­chés
plus loin­­tains, au prix d’adap­­ta­­tions suc­­ces­­sives de la stra­­té­­gie et de trans­­for­­ma­­tions
de la structure inter­­na­­tionale.
Toute crois­­sance s’accom­­pagne, aussi, dans le sec­­teur phar­­ma­­ceu­­tique comme
dans celui des télécoms (de manière, certes, tota­­le­­ment dif­­fé­­rente), d’une évo­­lu­­tion
orga­­ni­­sa­­tion­­nelle, qui suit les élar­­gis­­se­­ments suc­­ces­­sifs des zones abor­­dées et des
fina­­li­­tés de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation. Ainsi, dans la confec­­tion, à l’impor­­ta­­tion de pro­
­duits finis ou de compo­­sants, peut suc­­cé­­der, l’expor­­ta­­tion via des agents ou dis­­tri­­
bu­­teurs locaux, la ces­­sion de licence ou la fran­­chise, puis des modes de pré­­sence
plus impliquants en termes d’inves­­tis­­se­­ment : repré­­sen­­ta­­tions per­­ma­­nentes, suc­­cur­
­sales, filiales – en par­­te­­na­­riat ou tota­­le­­ment contrô­­lées par l’entre­­prise en voie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (cha­­pitre 7).
L’his­­toire des mul­­ti­­natio­­nales (cf. exemple 7.3) fait res­­sor­­tir la pro­­gres­­si­­vité et la
pru­­dence fré­­quentes des approches qui leur ont per­­mis, au fil des années, d’acqué­­rir
des posi­­tions stables et défen­­dables un peu par­­tout dans le monde. Mais les pro­­grès
effec­­tués par l’entre­­prise dans la connais­­sance des mar­­chés, dans sa capa­­cité à tirer
parti de sa propre expé­­rience ou de celle de ses concur­­rents (benchmarking),

1.  Voir, ci-­dessous, divers cas d’appli­­ca­­tion qui illus­­trent cette situa­­tion : chapitre 7, cas introductif : Com­in Asia
à la croi­­sée des che­­mins et Cha­­pitre 8, cas d’appli­­ca­­tion Yara, op.cit.
2.  Voir Joffre P., L’entre­­prise et l’expor­­ta­­tion, Vuibert, 1987, p. 82 ; Comprendre la Mon­­dia­­li­­sa­­tion de l’entre­­
prise, Economica/ges­­tion poche, 1994, décri­­vant l’expan­­sion inter­­na­­tionale de Moulinex de 1955 à 1976.

256
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

réduisent les pré­­ven­­tions vis-­à-vis d’une inter­­na­­tiona­­li­­sation rapide. L’accrois­­se­­


ment des coûts de R & D sti­­mule le pro­­ces­­sus de globalisation, en fonc­­tion de la
voca­­tion glo­­bale de l’acti­­vité. En outre, le rac­­cour­­cis­­se­­ment des cycles de vie des
pro­­duits exige des efforts de commer­­cia­­li­­sa­­tion plus intenses, sur une échelle plus
large pour assu­­rer un niveau suf­­fi­­sant de retour sur inves­­tis­­se­­ment.

Diversification
géographique

Diversification
Diversification
de clientèle
de l’offre
Développement
sur les marchés matures
et couverture mondiale systématique
00’/10’
Grand public B to C
Cf. terminaux
modems, box,
Développement smartphones
Sur les marchés de maturité
similaire
90’/00’
B to B
Opérateurs
Cf. infrastructures
télécom
Développement télécom
Initial sur le
marché chinois
80’/90’

Figure 4.8 – L’expan­­sion concen­­trique de Huawei (1988-2012)1 : espaces


géo­­gra­­phiques, lar­­geur d’offre, cibles clien­­tèle
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Le déve­­lop­­pe­­ment des born glo­­bal, peut pro­­po­­ser des sché­­mas de développement


concen­­triques accé­­lé­­rés, mais aussi des sché­­mas « écla­­tés » qui offrent des alter­­na­
­tives plus nova­­trices encore.
Ces sché­­mas que sont sus­­cep­­tibles de suivre des orga­­ni­­sa­­tions nou­­vel­­le­­ment
créées, comme Archos, firme, high-tech, enga­­gée, dès le départ, dans un espace
d’expan­­sion inter­­na­­tional, sinon glo­­bal, inté­­res­­sera un nombre crois­­sant de firmes à
l’ave­­nir pour autant que, dans un espace de plus en plus ouvert, les inci­­ta­­tions à
l’inter­­na­­tiona­­li­­sation se seront encore mul­­ti­­pliées, les obs­­tacles à l’échange auront
conti­­nué à s’abais­­ser, que les moyens de commu­­ni­­ca­­tions de toutes sortes n’auront
cessé de s’amé­­lio­­rer et d’être acces­­sibles à un nombre crois­­sant d’agents éco­­no­­
miques. Quelle que soit la taille des orga­­ni­­sa­­tions, la flexi­­bi­­lité des struc­­tures, leur

1.  Adapté de P. Joffre, L’entre­­prise et l’Expor­­ta­­tion, Vuibert, 1987, p. 82, « L’expan­­sion inter­­na­­tionale de
Moulinex de 1955 à 1976 ».

257
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

pro acti­­vité – plus encore que leur réac­­ti­­vité – sug­­gé­­re­­ront des moda­­li­­tés de déploie­
­ment de plus en plus inno­­va­­trices, combi­­nant l’uti­­li­­sation des relais vir­­tuels, des
réseaux rela­­tion­­nels et, aussi, de pro­­fils de mana­­gers beau­­coup plus multi­cultu­­rels
et accou­­tu­­més à assu­­mer avec plus de faci­­lité la diver­­sité et la complexité.
Même dans un contexte, en appa­­rence, plus tra­­di­­tion­­nel, le pro­­jet de M. Dalmia
peut pré­­fi­­gu­­rer, ci-­dessous, cette capa­­cité à géné­­rer de nou­­veaux sché­­mas écla­­tés, en
conce­­vant très rapi­­de­­ment, sinon d’emblée, des chaînes de valeur « glo­­ba­­li­­sées »,
pou­­vant ser­­vir des clients sur de nom­­breux conti­­nents.

Exemple 4.15 – GHCL la struc­­ture écla­­tée


Héri­­tier d’une petite entre­­prise indienne pro­­duc­­trice de soude, M. Dalmia, avait éprouvé
pen­­dant l’essen­­tiel de son exis­­tence le poids des lour­­deurs de toutes sortes qui obé­­rait à
ses yeux le déve­­lop­­pe­­ment des entre­­prises indiennes dans leur propre pays1. Aussi avait-
­il accueilli avec enthou­­siasme, au début des années 1990, l’arri­­vée au pou­­voir de l’admi­
­nis­­tra­­tion Rao qui avait commencé à entrou­­vrir les fron­­tières aux inves­­tis­­seurs indiens
sou­­hai­­tant prendre leur essor à l’étran­­ger.
Et il en avait pro­­fité très vite, rache­­tant, d’abord, en Europe de l’Est deux uni­­tés de pro­­
duc­­tion de soude, avant de se tour­­ner vers les États-­Unis où les cir­­constances lui avaient
per­­mis d’acqué­­rir dans de très bonnes condi­­tions un centre d’appel à la dérive, pour
lequel il ne lui avait pas été dif­­fi­­cile de trou­­ver en Inde les compé­­tences néces­­saires pour
le relan­­cer et le ren­­ta­­bi­­li­­ser sur de bonnes bases. Le recru­­te­­ment de mana­­gers exté­­rieurs
indiens, fami­­liers des envi­­ron­­ne­­ments inter­­na­­tionaux abor­­dés, lui ont apporté très vite les
compé­­tences inter­­na­­tionales lui fai­­sant défaut.
Mais c’est encore dans un autre sec­­teur, très tra­­di­­tion­­nel, que M. Dalmia allait trou­­ver un
défi à sa mesure, en rache­­tant en Caroline du sud, une entre­­prise tex­­tile fabri­­quant sur­­tout
du linge de mai­­son, en situa­­tion de faillite : très rapi­­de­­ment il en trans­­forme le modèle
éco­­no­­mique, en conti­­nuant d’exploi­­ter la marque et le réseau de dis­­tri­­bu­­tion amé­­ri­­cain,
en repen­­sant tota­­le­­ment la chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment, mobi­­li­­sant des fila­­tures au
Pakistan, des uni­­tés de tein­­ture au Gujarat, à l’Ouest de l’Inde, en orga­­ni­­sant le condi­­
tion­­ne­­ment au Mexique, pour dis­­tri­­buer ensuite aux États-­Unis, avant de rache­­ter des
dis­­tri­­bu­­teurs en Europe… et d’intro­­duire cette nou­­velle entité à la bourse de Bombay.

La mul­­ti­­pli­­cation de che­­mi­­ne­­ments divers (de la pro­­gres­­sion tra­­di­­tion­­nelle par


« phases » à des évo­­lu­­tions plus rapides ou plus nova­­trices) sui­­vis par les orga­­ni­­sa­
­tions, ori­­gi­­naires des éco­­no­­mies matures, comme des éco­­no­­mies en crois­­sance
rapide, pro­­gres­­sant (ou régres­­sant) à l’inter­­na­­tional, apparaît donc déter­­mi­­née par
les muta­­tions inter­­ve­­nues dans l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional au cours des der­­nières
décen­­nies par l’ouver­­ture accrue qui le carac­­té­­rise.
Si, les pres­­sions externes – politico-­réglementaires, éco­­no­­miques et sociales, tech­
n­ o­­lo­­giques – tra­­duisent l’influ­­ence pour les orga­­ni­­sa­­tions de la dyna­­mique des ter­
­ri­­toires et de la dyna­­mique des acti­­vi­­tés (sec­­teurs ou indus­­tries) et déter­­minent les

1.  Cf. exemple 2.14 « L’Inde en quête d’un rêve ».

258
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

enjeux aux­­quels les orga­­ni­­sa­­tions sont confron­­tées et condi­­tionnent leur propre


dyna­­mique  ; cette dyna­­mique qui, pré­­ci­­sé­­ment, pour­­suit, inflé­­chit ou modi­­fie plus
fon­­da­­men­­ta­­lement sa tra­­jec­­toire inter­­na­­tionale.

Modèle 3
Logique entrepreneuriale : « éclaté »
Recherche d’ouvertures géographiques Linge de maison
et saisie d’opportunités (rachat d’actifs décotés) Ancrage initial: Etats-Unis
Approche multi-sectorielle / multi-continentale Ë suply chain: Pakistan,
Leadership visionnaire Inde, Mexique, Etats-Unis,
Equipe multiculturelle efficace Europe..

Modèle 2
« projeté »
Centre d’appel:
Etats-Unis

Logique industrielle :
Appréhension globale
Modèle 1 des contraintes et opportunités
« centré » Optimisation de la chaîne de
Production de soude : Inde production/approvisionnement
Ë Extension géographique: Diversification des cibles géographiques
Europe de l’Est Capacité de pilotage d’une organisation
« globalisée »

Figure 4.9 – GHCL, la struc­­ture « écla­­tée »

Les réponses internes de l’orga­­ni­­sa­­tion


Section
3 aux muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment
inter­­na­­tional
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Au-­delà des déter­­mi­­nants externes et des inci­­ta­­tions internes, des étapes ou des
sché­­mas tra­­dui­­sant les dif­­fé­­rentes facettes de la dyna­­mique des orga­­ni­­sa­­tions, la
pro­­gres­­sion heu­­reuse (ou mal­­heu­­reuse) de l’orga­­ni­­sa­­tion s’inscrit dans la réponse
aux enjeux géo-­sectoriels et aux pres­­sions externes qui les déter­­minent dans l’espace
de réfé­­rence/d’expan­­sion dans lequel elle a décidé d’opé­­rer. Ces réponses aux
«  pres­­sions  », puis aux «  enjeux  », conduit à iden­­ti­­fier les «  leviers  » aux­­quels
chaque orga­­ni­­sa­­tion peut ou ne peut pas avoir accès. Ceux-­ci peuvent être mis en
évi­­dence pour cha­­cune d’entre elles, à tra­­vers l’ana­­lyse de l’espace de réfé­­rence
qu’elle envi­­sage. Ce qui dif­­fère de l’une à l’autre, cepen­­dant, c’est la maî­­trise que
chaque orga­­ni­­sa­­tion peut avoir de cha­­cun de ces « leviers » et de sa capa­­cité à les
mobi­­li­­ser conjoin­­te­­ment, de la manière la plus effi­­cace, afin de déter­­mi­­ner et de
mettre en œuvre la stra­­té­­gie la plus appro­­priée et la plus conforme à ses fina­­li­­tés.

259
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

Dans le nou­­vel envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional, l’orga­­ni­­sa­­tion doit faire face, sans


cesse à des enjeux renou­­ve­­lés, dif­­fé­­rents par leur nature et leur ampleur de ceux
aux­­quels elle se trou­­vait confron­­tée au cours de la phase pré­­cé­­dente de son expan­­
sion. Dans cette perspec­­tive, elle doit envi­­sa­­ger ses réponses sui­­vant trois axes prin­
­ci­­paux (cf. figure 4.10), lar­­ge­­ment inter­­dé­­pen­­dants :
–– la maî­­trise de sa ren­­ta­­bi­­lité, qui devient le meilleur sup­­port de son déve­­lop­­pe­­ment, en
garan­­tis­­sant sa liberté de manœuvre, tout en assu­­rant sa capa­­cité à mobi­­li­­ser les fonds
néces­­saires dans ses propres res­­sources ou auprès des banques et des inves­­tis­­seurs ;
––la recherche d’une struc­­ture plus effi­­cace, pas­­sant par un effort constant de ratio­­
na­­li­­sation, à la fois, dans le cadre de sa crois­­sance interne, pour opti­­mi­­ser l’allo­­
ca­­tion de ses res­­sources et, par voie de crois­­sance externe, pour étendre son
savoir-­faire, son accès aux mar­­chés, pour ses acti­­vi­­tés clés ;
––la néces­­sité d’inno­­ver en per­­ma­­nence, non seule­­ment par l’intro­­duc­­tion de nou­­
veaux pro­­duits, mais aussi par l’adop­­tion de démarches innovantes, tant dans le
pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion que dans l’approche des clients/uti­­li­­sa­­teurs.
Sur quels « leviers » peuvent agir les organisations,
opérant dans l’espace de référence, en réponse aux « enjeux »?
(MODÈLE PREST / 3)
PRESSIONS PRESSIONS
POLITICO-RÈGLEMENTAIRES TECHNOLOGIQUES

Enjeu
d’intensitfication de
la concurrence

Profitabilité :
Structuration
amélioration
Organisation
coûts/revenus

Innovation
Enjeu de produits Enjeu
redéploiement process d’adaptation
géo-sectoriel de l’offre

PRESSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES
J.-P. Lemaire

Figure 4.10 – Les réponses stra­­té­­giques de l’entre­­prise : dans le cadre


du modèle PREST 31

1.  Adapté de : Lemaire J.-P., doc. EAP/SBIE, Paris, 1992, Lemaire J.-P., Ruffini P.-B., Vers l’Europe ban­­caire,
Paris, Dunod, 1993, p. 77 et Lemaire J.-P., Dynamique bancaire et intégration financière, thèse pour le doctorat de
sciences économiques, Paris I Panthéon-Sorbonne, 1995.

260
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

3.1  La maî­­trise de la ren­­ta­­bi­­lité


Dans le contexte actuel, la ren­­ta­­bi­­lité consti­­tue plus que jamais un élé­­ment essen­
t­iel de l’action stra­­té­­gique de l’organisation et de son déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional.
Tout d’abord, elle se trouve remise en ques­­tion par les trois types de muta­­tions, pré­
­cé­­dem­­ment mis en évi­­dence, étant, tout à la fois, tri­­bu­­taire des quatre élé­­ments sui­
­vants :
––des mesures régle­­men­­taires sus­­cep­­tibles de la compro­­mettre indi­­rec­­te­­ment, en res­
­trei­­gnant son accès au mar­­ché ou même, plus direc­­te­­ment, en agis­­sant sur son
résul­­tat, par le biais de mesures fis­­cales, par exemple ;
––des évo­­lu­­tions sociales dans son propre pays (via les négo­­cia­­tions col­­lec­­tives ou
l’aug­­men­­ta­­tion des pré­­lè­­ve­­ments patro­­naux) et – de la même manière – hors fron­
­tières, dans ses propres implan­­ta­­tions étran­­gères (si elle s’en trouve désa­­van­­ta­­gée)
ou chez ses concur­­rents (s’ils s’en trouvent avan­­ta­­gés) ;
––des fluc­­tua­­tions éco­­no­­miques et moné­­taires pré­­cé­­dem­­ment évo­­quées, qui peuvent,
en quelques mois ou en quelques jours, dimi­­nuer de façon très sen­­sible sa compé­
­titi­­vité, du fait de la déva­­lua­­tion de cer­­taines devises impor­­tantes de règle­­ment ;
––ou encore d’une inno­­va­­tion tech­­no­­lo­­gique d’un concur­­rent, débou­­chant sur un
pro­­duit de sub­­sti­­tution net­­te­­ment plus per­­for­­mant ou sur une baisse spec­­ta­­cu­­laire
de ses coûts.
La ren­­ta­­bi­­lité consti­­tue aussi le déter­­mi­­nant majeur du déve­­lop­­pe­­ment de
l’organisation, en tant que source pri­­vi­­lé­­giée de res­­sources d’inves­­tis­­se­­ment, à tra­­
vers l’auto­­fi­­nan­­ce­­ment, et en tant que déter­­mi­­nant de sa capa­­cité à lever les capi­­taux
néces­­saires à son déve­­lop­­pe­­ment, auprès des banques ou des mar­­chés finan­­ciers.
Sous la double influ­­ence de l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la concur­­rence, des fluc­­tua­­tions
conjonc­­tu­­relles et des trans­­for­­ma­­tions à plus long terme des struc­­tures éco­­no­­miques,
la ren­­ta­­bi­­lité de nombre d’entre­­prises – PME, sur­­tout – s’est trou­­vée fra­­gi­­li­­sée à
court terme, sinon remise en ques­­tion plus dura­­ble­­ment, et, avec elle, leur péren­­nité.
Désor­­mais, il n’y a plus de sec­­teurs pro­­té­­gés, dont les reve­­nus puissent être assi­­mi­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

­lés à des rentes, comme ce fut long­­temps le cas dans cer­­taines acti­­vi­­tés de ser­­vice
dont le niveau de résul­­tats finan­­ciers était garanti par une véri­­table « car­­tel­­li­­sa­­tion »
natio­­nale (dans les ser­­vices ban­­caires, par exemple) ou inter­­na­­tionale (comme dans
le trans­­port aérien1).
Par ailleurs, dans les indus­­tries manu­­fac­­tu­­rières liées à la consom­­ma­­tion finale ou
à l’équi­­pe­­ment du foyer (l’habille­­ment, l’élec­­tro­­mé­­na­­ger ou l’auto­­mo­­bile), dif­­fé­­
rents fac­­teurs de dis­­pa­­rité (coûts sala­­riaux, pro­­duc­­ti­­vité, taux de change) se
combinent de façon per­­ma­­nente pour remettre en ques­­tion la « compé­­titi­­vité prix »
des pro­­duits et, par là même, fra­­gi­­li­­ser la ren­­ta­­bi­­lité des entre­­prises.

1.  Pour la banque, cette car­­tel­­li­­sa­­tion s’est long­­temps carac­­té­­ri­­sée par la fixa­­tion des prix, soit de manière auto­
r­ i­­taire et cen­­tra­­li­­sée, par l’ins­­ti­­tut d’émis­­sion – dans le sys­­tème fran­­çais des années 70, par exemple –, soit par une
entente entre les prin­­ci­­paux concur­­rents, comme dans cer­­tains autres sys­­tèmes ban­­caires euro­­péens. Pour les trans­
­ports aériens, voir cha­­pitre 1.

261
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

La ren­­ta­­bi­­lité consti­­tue donc, plus que jamais, un para­­mètre clé du déve­­lop­­pe­­ment


de l’orga­­ni­­sa­­tion et un « levier » pri­­vi­­lé­­gié sur lequel elle peut agir pour trois rai­­sons
essen­­tielles :
––dans la mesure où elle consti­­tue l’ori­­gine de res­­sources immé­­dia­­te­­ment mobi­­li­­
sables, en matière d’amé­­lio­­ra­­tion de la compé­­titi­­vité, en per­­met­­tant l’auto­­fi­­nan­­ce­
­ment des efforts de recherche, de déve­­lop­­pe­­ment et de pros­­pec­­tion, indis­­pen­­sables
pour confor­­ter et étendre ses avan­­tages concur­­ren­­tiels, au niveau natio­­nal et inter­
­na­­tional ;
––parce qu’elle accroît sa capa­­cité de réac­­tion, en par­­ti­­cu­­lier, lorsque se pré­­sente
une oppor­­tu­­nité d’acqui­­si­­tion ou de mou­­ve­­ment stra­­té­­gique, exi­­geant le déblo­­cage
immé­­diat ou très rapide de moyens finan­­ciers ;
––et sur­­tout, parce qu’elle consti­­tue un élé­­ment déter­­mi­­nant de son image, les opé­­
ra­­tions de crois­­sance excep­­tion­­nelles ou plus ordi­­naires pou­­vant requé­­rir, à titre
prin­­ci­­pal ou complé­­men­­taire, des res­­sources que seuls des inves­­tis­­seurs externes
(à tra­­vers le mar­­ché, notam­­ment) ou des éta­­blis­­se­­ments finan­­ciers puis­­sants
peuvent lui appor­­ter ; ce qui exige une situa­­tion et une image finan­­cières propres
à les mettre en confiance, en termes de rem­­bour­­se­­ment et de retour sur inves­­tis­­se­
­ment.

3.2  L’adap­­ta­­tion des struc­­tures


Concer­­nant aussi bien les struc­­tures que les pro­­cé­­dures, ces actions d’amé­­lio­­ra­­tion
peuvent s’envi­­sa­­ger à la fois en interne (ratio­­na­­li­­sation, crois­­sance interne, etc.),
pour opti­­mi­­ser l’uti­­li­­sation des res­­sources de l’entre­­prise, et/ou en externe
(externalisation, crois­­sance externe, acqui­­si­­tions, par­­te­­na­­riats, alliances, etc.), pour
étendre le savoir-­faire de l’organisation, favo­­ri­­ser son accès aux mar­­chés clés,
lorsque ses propres moyens n’y suf­­fisent pas ou ne per­­mettent pas d’abou­­tir dans les
délais vou­­lus.
Un pre­­mier mode de réor­­ga­­ni­­sa­­tion/restruc­­tu­­ra­­tion à domi­­nante interne recouvre
les opé­­ra­­tions de trans­­for­­ma­­tion, de moder­­ni­­sa­­tion des pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion ou
de commer­­cia­­li­­sa­­tion, s’atta­­chant à dimi­­nuer ou à opti­­mi­­ser les coûts, en par­­ti­­cu­­lier
ceux du fac­­teur tra­­vail. Ce qui peut abou­­tir à des résul­­tats contra­­dic­­toires :
• Un impact néga­­tif sur l’emploi – en par­­ti­­cu­­lier peu qua­­li­­fié – se fait sen­­tir depuis
plu­­sieurs années, dans les pays d’ori­­gine des indus­­tries de main-­d’œuvre occi­­den­
­tales (tex­­tile ou chaus­­sure, par exemple). Ces mesures de ratio­­na­­li­­sation ont sou­­
vent donné lieu à des délocalisations abou­­tis­­sant à une dimi­­nu­­tion de la part
rela­­tive du per­­son­­nel employé dans le pays d’ori­­gine par rap­­port aux effec­­tifs
d’ensemble. Cela a béné­­fi­­cié à cer­­tains pays à faible coût de main-­d’œuvre, sus­­ci­­tant
d’ailleurs l’appa­­ri­­tion de cer­­tains sys­­tèmes de pro­­tec­­tion au niveau inter­­na­­tional
pour en amor­­tir les effets.

262
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

• Cepen­­dant, dans une perspec­­tive plus posi­­tive, dans ces mêmes sec­­teurs, cet
impact n’appa­­raît pas irré­­ver­­sible. On peut même obser­­ver des dif­­fé­­rences, tenant
à une autre lec­­ture des contraintes stra­­té­­giques : en par­­ti­­cu­­lier, pour mieux exploi­
­ter leurs avan­­tages compé­­titifs, de nature tech­­no­­lo­­gique, cer­­taines entre­­prises
n’hésitent pas – à une échelle, certes, réduite – à re­loca­­li­­ser une par­­tie de leurs
struc­­tures de pro­­duc­­tion dans leur pays d’ori­­gine où il est fait appel à une main-­
d’œuvre très qua­­li­­fiée1.
Le débat chô­­mage/ouver­­ture inter­­na­­tionale appa­­raît, en fait, plus complexe qu’il
n’y paraît, dans la mesure où, dans la réa­­lité, le coût de la main-­d’œuvre ne consti­­tue
pas le seul déter­­mi­­nant de la « compé­­titi­­vité prix » inter­­na­­tionale.
S’y trouvent asso­­ciés des fac­­teurs tout aussi déci­­sifs, tels que les gains de pro­­duc­
t­i­­vité, qui compensent une par­­tie du han­­di­­cap de coûts de main-­d’œuvre des pays
indus­­tria­­li­­sés par rap­­port aux éco­­no­­mies émergentes, ou encore l’évo­­lu­­tion des taux
de change qui peuvent pro­­fon­­dé­­ment l’affec­­ter, toutes choses étant égales par
ailleurs.
Un second mode de réor­­ga­­ni­­sa­­tion/restruc­­tu­­ra­­tion, à domi­­nante externe, résulte,
cette fois, aussi bien de l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la concur­­rence et des contraintes exer­­
cées sur la ren­­ta­­bi­­lité, que, plus en amont, des muta­­tions politico-­réglementaires,
tech­­no­­lo­­giques et socio-­économiques. Il se mani­­feste par des mou­­ve­­ments de
concen­­tra­­tion, des rap­­pro­­che­­ments ou des ré­allo­­ca­­tions d’acti­­vi­­tés, chez – ou entre
– les acteurs, à l’inté­­rieur des sec­­teurs ou entre sec­­teurs.
L’objec­­tif de tels mou­­ve­­ments peut être, tout d’abord, à un même stade du pro­­ces­
s­ us pro­­duc­­tif, d’acqué­­rir une masse cri­­tique, en termes de parts de mar­­chés, de capa­
­cité d’inves­­tis­­se­­ment ou de R & D, de poten­­tiel mar­­ke­­ting, sur le mar­­ché domes­­tique.
À une échelle plus large, il per­­met­­trait de mieux faire face aux dif­­fé­­rents enjeux de
ce nou­­vel envi­­ron­­ne­­ment, dans lequel s’estompent fron­­tières géo­­gra­­phiques et sec­­
to­­rielles.
Une organisation peut, éga­­le­­ment, essayer d’inté­­grer dif­­fé­­rentes étapes du pro­­ces­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

­sus pro­­duc­­tif, soit en amont, au niveau des matières pre­­mières ou de cer­­tains compo­
­sants, soit en aval, au niveau de la dis­­tri­­bu­­tion, par exemple, pour obte­­nir un meilleur
contrôle de l’ensemble des déter­­mi­­nants de la valeur ajou­­tée et pour faire ainsi
preuve d’une effi­­ca­­cité plus grande vis-­à-vis de la concur­­rence.
Une alter­­na­­tive consiste à se rap­­pro­­cher, sans prise de contrôle, d’autres struc­­tures
ayant des compé­­tences (commer­­ciales, R & D, finan­­cières, etc.) complé­­men­­taires et
trou­­ver des modes de coopé­­ra­­tion, «  en réseau  », plus ou moins for­­ma­­li­­sés, sans
pour autant que cela abou­­tisse fata­­le­­ment à une fusion ou à une absorp­­tion.
D’autres modes de restruc­­tu­­ra­­tion ont pu éga­­le­­ment se déve­­lop­­per, obéis­­sant à une
logique interne. C’est le cas de la sous-­traitance – autre mode de délocalisation vers

1.  Cf. exemple 1.2 « Région toulousaine, par­­tir/reve­­nir ? ».

263
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

les pays à faibles coûts de fabri­­ca­­tion –, pour des phases du pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion
ne fai­­sant pas appel à des compé­­tences clés de l’entre­­prise. C’est ce qu’illus­­trent de
mul­­tiples exemples, aussi bien dans les sec­­teurs de biens de consom­­ma­­tion que dans
les sec­­teurs des biens d’équi­­pe­­ment1.
Les organisations peuvent éga­­le­­ment se recen­­trer sur leur métier de base, mieux
maî­­trisé, per­­met­­tant ainsi de maxi­­mi­­ser les effets de leur expé­­rience indus­­trielle et
commer­­ciale avec, pour objec­­tif, de mino­­rer les coûts et de valo­­ri­­ser leurs avan­­tages
compé­­titifs. De nom­­breuses expé­­riences en témoignent, en par­­ti­­cu­­lier dans les sec­­
teurs en expan­­sion ou dans ceux qui offrent cer­­taines niches de mar­­ché par­­ti­­cu­­liè­­re­
­ment favo­­rables.

Exemple 4.16 – Dentressangle, de la recherche de la masse cri­­tique à celles des spé­­cia­


­li­­tés por­­teuses à l’inter­­na­­tional2
Inter­­rogé sur ses acqui­­si­­tions en chaîne début 1995, Norbert Dentressangle, PDG de
l’entre­­prise de trans­­port rou­­tier de mar­­chan­­dises épo­­nyme et qui appro­­chait alors le cap
des 300 mil­­lions d’euros de chiffre d’affaires en 1994, affir­­mait : « Les acqui­­si­­tions vont
chan­­ger de nature. Voici cinq ans, nous fai­­sions la course au chiffre d’affaires pour
atteindre une cer­­taine taille. Désor­­mais, nous rachè­­te­­rons des socié­­tés plus ren­­tables et
spé­­cia­­li­­sées dans quelques domaines stra­­té­­giques bien pré­­cis. »
De fait, de 1988 à 1993, c’est à 18 acqui­­si­­tions qu’a pro­­cédé l’entre­­prise créée en 1979,
fai­­sant plus que dou­­bler le volume de son acti­­vité avec seule­­ment un échec, la reprise
d’Extrans en 1991, qui s’est rapi­­de­­ment révélé un mau­­vais choix, mais aussi une excel­­
lente leçon, encou­­ra­­geant le diri­­geant et son équipe à déve­­lop­­per, dans son sec­­teur, une
stra­­té­­gie de niche plu­­tôt qu’une crois­­sance hori­­zon­­tale indif­­fé­­ren­­ciée. Cette stra­­té­­gie a
consisté à ren­­for­­cer son lea­­der­­ship sur cer­­taines liai­­sons inter­­na­­tionales qui repré­­sen­­
taient 50 % de son acti­­vité (comme la liai­­son trans-­Manche).
L’autre objec­­tif a été la recherche de valeur ajou­­tée en se foca­­li­­sant sur cer­­taines spé­­cia­
­li­­tés, comme le trans­­port des liquides chi­­miques en citerne ou les ache­­mi­­ne­­ments sous
tem­­pé­­ra­­ture diri­­gée, ou encore, sur la logis­­tique, avec une quin­­zaine d’entre­­pôts, ayant
atteint un total de 6 500 000 m² de sur­­face d’entre­­po­­sage.
Combinant crois­­sance orga­­nique et, sur­­tout et tou­­jours, crois­­sance externe, le Groupe Norbert
Dentressangle n’a pas dérogé de cette ligne, acqué­­rant, fin 2007, son prin­­ci­­pal concur­­rent, le
groupe Christian Salvesen, dou­­blant son volume, d’effec­­tifs et de chiffre d’affaires, réa­­li­­sant
aussi, fin 2010 l’acqui­­si­­tion du Britannique TDG et de ses implan­­ta­­tions inter­­na­­tionales  ;
acqui­­si­­tions par ailleurs ren­­for­­cées par le rachat de tran­­si­­taires, aux États-Unis et en Chine par
l’acqui­­si­­tion de Schneider Logistics Inter­­na­­tional. Aujourd’hui le groupe exploite 500 sites,
8 300 véhi­­cules et réa­­lise un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros.

1.  Cf. figure 4.2 « Exemple de schéma rela­­tion­­nel dans le cas d’un pro­­jet d’infra­­struc­­ture concessionnel ».
2.  Adapté de  : «  Dentressangle taille la route  », Le Figaro Éco­­no­­mique, 18 avril 1995. Actua­­li­­sa­­tion 2012
www.norbert-­dentressangle.fr.

264
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

En revanche, la diver­­si­­fi­­ca­­tion peut appa­­raître comme une orien­­ta­­tion fruc­­tueuse,


lorsque les sec­­teurs d’acti­­vi­­tés prin­­ci­­paux sont trop dépen­­dants d’une conjonc­­ture
défa­­vo­­rable. La profitabilité de l’orga­­ni­­sa­­tion se trouve amé­­lio­­rée, confor­­tée, par la
diver­­sité des cycles éco­­no­­miques dont dépendent ses dif­­fé­­rents dépar­­te­­ments et
filiales : ainsi, pour Com­in Asia1, de l’impor­­ta­­tion de compo­­sants à la main­­te­­nance,
en pas­­sant par le mon­­tage, d’infra­­struc­­tures et d’équi­­pe­­ments indus­­triels et commer­
­ciaux, en tra­­vaillant pour une grande diver­­sité de don­­neurs d’ordres publics et pri­­vés
opé­­rant dans des sec­­teurs très variés de l’éner­­gie au tou­­risme. La diver­­si­­fi­­ca­­tion géo­
­gra­­phique de l’entre­­prise, pré­­sente sur plu­­sieurs pays – can­­ton­­nés, il est vrai, au
Sud-­Est asia­­tique –, lui per­­met éga­­le­­ment d’amor­­tir les fluc­­tua­­tions éco­­no­­miques
des dif­­fé­­rents pays de la zone et, ainsi, de réguler ses flux d’acti­­vité tout en confor­­
tant ses marges.
Mais l’orga­­ni­­sa­­tion ou la réor­­ga­­ni­­sa­­tion, en tant que domaine essen­­tiel d’amé­­lio­­
ra­­tion de la compé­­titi­­vité prix de l’entre­­prise, per­­met éga­­le­­ment de faci­­li­­ter les ini­­
tiatives déve­­lop­­pées dans le cadre du troi­­sième domaine d’adap­­ta­­tion, l’inno­­va­­tion.
En témoignent toutes les opé­­ra­­tions de crois­­sance externe des­­ti­­nées à don­­ner à
l’entre­­prise accès à de nou­­veaux bre­­vets et/ou savoir-­faire, en par­­ti­­cu­­lier dans tous
les sec­­teurs dont la crois­­sance est étroi­­te­­ment liée à la mise en œuvre de nou­­velles
tech­­no­­logies. C’est le cas, par exemple, de l’élec­­tro­­nique, de l’infor­­ma­­tique, des
télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions ou de la phar­­ma­­cie, comme le sou­­ligne, entre autres, la saga de
Huawei, ou celle d’Apple.

3.3  L’inno­­va­­tion per­­ma­­nente


Étroi­­te­­ment reliée à la maî­­trise de la ren­­ta­­bi­­lité et à la recherche d’une meilleure
orga­­ni­­sa­­tion, (dans la mesure où elle vise à amé­­lio­­rer la posi­­tion concur­­ren­­tielle
de l’entre­­prise, et où elle doit s’appuyer sur des struc­­tures qui en faci­­litent le
déve­­lop­­pe­­ment), l’inno­­va­­tion consti­­tue le troi­­sième axe d’adap­­ta­­tion aux enjeux
issus des trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional. D’ailleurs, elle cor­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

res­­pond, non seule­­ment à l’intro­­duc­­tion de nou­­veaux pro­­duits, mais aussi, à


l’adop­­tion de démarches innovantes, tant dans les pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion que
dans l’approche des clients/uti­­li­­sa­­teurs. Pour l’orga­­ni­­sa­­tion, l’inno­­va­­tion doit
être enten­­due dans un sens large, qui ne recouvre pas uni­­que­­ment la concep­­tion
et le déve­­lop­­pe­­ment de nou­­veaux pro­­duits et ser­­vices, certes essen­­tiels pour
relan­­cer la demande, en allant au-devant des attentes des clients, ou en créant de
nou­­veaux mar­­chés (cf. cas d’appli­­ca­­tion, « Sidel, une dyna­­mique internationale
“tous azi­­muts” »). L’innova­­tion s’étend aux amé­­lio­­ra­­tions appor­­tées à l’orga­­ni­­sa­
­tion de la fabri­­ca­­tion, de la dis­­tri­­bu­­tion, ou même, de la concep­­tion, en vue de
déve­­lop­­per la capa­­cité concur­­ren­­tielle, la ren­­ta­­bi­­lité et/ou de rendre plus effi­­
ciente l’orga­­ni­­sa­­tion concer­­née.

1.  Voir cas intro­­duc­­tif cha­­pitre 7 « Com­in Asia, à la croi­­sée des che­­mins ».

265
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

c Repère 4.6
Inno­­va­­tion pro­­duit, inno­­va­­tion process
Deux types d’inno­­va­­tions sont à envi­­sa­­ger :
––les inno­­va­­tions de processus, s’appliquent aux infra­­struc­­tures et à leurs appli­­ca­­tions,
tou­­chant aussi bien les pro­­cé­­dures que les modes de concep­­tion, d’orga­­ni­­sa­­tion ou
de dif­­fu­­sion  ; cela peut cor­­res­­pondre aux pro­­grès des télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions ou de
l’infor­­ma­­tique en géné­­ral ou, en par­­ti­­cu­­lier, à l’uti­­li­­sation de nou­­veaux outils ou
méthodes, comme la concep­­tion assis­­tée par ordi­­na­­teur, ou les sys­­tèmes EDI, néces­
­saires pour mettre en place une orga­­ni­­sa­­tion indus­­trielle en juste à temps ;
––les inno­­va­­tions de pro­­duit, s’appré­­cient en fonc­­tion d’un usage, au niveau de la
consom­­ma­­tion inter­­mé­­diaire ou de la consom­­ma­­tion finale, et peuvent trou­­ver leur
place sur le mar­­ché, grâce à leur carac­­tère tech­­ni­­que­­ment nova­­teur, leur moindre
coût, leur design, qui les font pré­­fé­­rer aux pro­­duits exis­­tants et se sub­­sti­­tuer à eux.

Dans un cas comme dans l’autre, sauf sur cer­­tains mar­­chés très vastes comme
celui des États-­Unis, le cadre natio­­nal se révèle trop exigu pour per­­mettre un niveau
suf­­fi­­sant d’amor­­tis­­se­­ment des dépenses enga­­gées au titre de la recherche, faute d’un
volume suf­­fi­­sant.
C’est donc en fonc­­tion de ces dif­­fé­­rentes dimen­­sions de contexte que le déve­­lop­­
pe­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion doit être envi­­sagé : l’inten­­sité de cha­­cun des
trois ordres de contraintes iden­­ti­­fiés (pres­­sions externes) peut, certes, varier consi­­
dé­­ra­­ble­­ment d’une période à l’autre, d’un sec­­teur à l’autre (les niveaux de régle­­
men­­ta­­tion sont, par exemple, très dis­­pa­­rates, de même que le niveau de sen­­si­­bi­­lité
aux fluc­­tua­­tions conjonc­­tu­­relles).
En toute hypo­­thèse, pour nombre de sec­­teurs, l’évo­­lu­­tion des pres­­sions consé­­cu­­
tives à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, quelle qu’en soit la nature domi­­nante – régle­­men­
­taire, tech­­no­­lo­­gique ou socio-éco­­no­­mique – se tra­­duit en termes d’enjeux, non pas
par un repli sur un ter­­ri­­toire natio­­nal qu’il est de moins en moins pos­­sible de « sanc­
­tua­­ri­­ser », mais, bien au contraire, par une pro­­pen­­sion impor­­tante à l’adaptation et
à la dif­­fu­­sion des pro­­duits et à l’implan­­ta­­tion des entre­­prises hors fron­­tières.
Ce mou­­ve­­ment, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment iné­­luc­­table (cf. cas « Sidel »), sup­­pose l’appli­­ca­
t­ion d’une démarche rigou­­reuse d’ana­­lyse abou­­tis­­sant à la déter­­mi­­na­­tion des
« leviers » les plus opé­­rants pour assu­­rer la déter­­mi­­na­­tion des axes de déve­­lop­­pe­­
ment inter­­na­­tional les mieux adap­­tés aux carac­­té­­ris­­tiques de l’orga­­ni­­sa­­tion. Leur
maî­­trise, en amont de la démarche d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, et tout au long de sa mise
en œuvre, consti­­tue un déter­­mi­­nant essen­­tiel de son suc­­cès.
C’est cette démarche que l’on dérou­­lera tout au long de la seconde par­­tie de cet
ouvrage qui s’atta­­chera, à la for­­mu­­la­­tion à la mise en œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­
­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions, sur la base de la compré­­hen­­sion de l’ouver­­ture

266
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4

inter­­na­­tionale et des res­­sorts de ces trois dyna­­miques – des ter­­ri­­toires, des acti­­vi­­tés
et des organisations- qui y par­­ti­­cipent, et en mobi­­li­­sant les outils d’analyse qui y ont
été pré­­sen­­tés.

 Cas d’appli­­ca­­tion
Sidel, une dyna­­mique inter­­na­­tionale « tous azi­­muts1 »
Le suc­­cès de Sidel, lea­­der mon­­dial des machines de souf­­flage pour la fabri­­ca­­tion
d’embal­­lages plas­­tiques éco­­lo­­giques, tra­­duit bien sa capa­­cité à trans­­for­­mer de nou­
­velles oppor­­tu­­ni­­tés inter­­na­­tionales en avan­­tages compé­­titifs ainsi que son habi­­leté
à faire évo­­luer son orga­­ni­­sa­­tion en vue d’une meilleure adap­­ta­­tion au contexte
chan­­geant de son acti­­vité.
Sidel a été créée en 1961 par Lesieur, pour satis­­faire ses nou­­veaux besoins en
embal­­lages légers pour les liquides ali­­men­­taires. Depuis, l’entre­­prise a connu une
expan­­sion remar­­quable  : d’abord simple ate­­lier pro­­dui­­sant à l’aide d’une seule
machine d’extrusion-­soufflage, Sidel s’est rapi­­de­­ment autonomisée, deve­­nant une
entre­­prise à part entière. En 1972, elle fai­­sait l’objet d’une ces­­sion à Pont-­à-Mousson
avant d’être reprise, quelques années plus tard, par ses cadres, lors d’une opé­­ra­­tion
de RES (reprise d’entre­­prise par les sala­­riés). Intro­­duite en Bourse, l’entre­­prise, qui
a atteint alors un chiffre d’affaires de l’ordre de 0,5 milliard d’euros, a acquis dans
un pre­­mier temps, un savoir faire indus­­triel ori­­gi­­nal, cen­­tré sur le déve­­lop­­pe­­ment
des machines de souf­­flage des bou­­teilles en plas­­tique PET, 100 % re­cyclables.
Ces résul­­tats spec­­ta­­cu­­laires ont été le fruit, pen­­dant toute cette pre­­mière période de
son expan­­sion, de l’exploi­­ta­­tion judi­­cieuse de diverses oppor­­tu­­ni­­tés externes :
•• L’explo­­sion de la demande d’embal­­lages ali­­men­­taires – prin­­ci­­pa­­le­­ment, dans le
sec­­teur des petits condi­­tion­­ne­­ments pour bois­­sons –, où les boîtes en alu­­mi­­nium
occupent une part de mar­­ché encore impor­­tante ; les experts tablaient alors sur
une crois­­sance de 6 à 8 % par an jus­­qu’à l’an 2000 et au-­delà.
•• Le besoin crois­­sant de pro­­duits éco­­lo­­giques, répon­­dant à l’évo­­lu­­tion de la sen­­si­­bi­
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­lité de la clien­­tèle et à celle de régle­­men­­ta­­tions de plus en plus exi­­geantes en


Europe et aux États-­Unis, comme dans le reste du monde.
•• L’inci­­ta­­tion cor­­ré­­la­­tive au déve­­lop­­pe­­ment de nou­­velles tech­­no­­logies qui, non
seule­­ment, devaient répondre à ces attentes socio-­économiques et régle­­men­­taires,
mais qui, éga­­le­­ment, devaient faci­­li­­ter la manu­­ten­­tion, limi­­ter le poids et abais­­ser
les coûts des embal­­lages par rap­­port aux solu­­tions tra­­di­­tion­­nelles que sont le verre,
l’alu­­mi­­nium et le plas­­tique non re­cyclable.

1.  Adapté de : Isabelle Hadkan, « Sidel : une entre­­prise souf­­flante », Le Figaro Éco­­no­­mie, 24 avril 1995. Actua­
l­i­­sa­­tion M. G. Lemaire, I.C. Bourse 2003  ; D.Hugue,«  Le fabri­­cant de machines d’embal­­lage vient d’acqué­­rir
Newtec Case Palletizing, qui ren­­force son exper­­tise dans la palettisation et lui ouvre de nou­­veaux mar­­chés à l’ex­
port. » Les Échos 23/05 /2012. Ce cas développé (J.-P. Lemaire et R. Magnier Watanabe) avec notice pédagogique
sera disponible, en français et en anglais, courant 2013-2014, à la Centrale des cas et des moyens pédagogiques.

267
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Dans un tel contexte, Sidel, qui s’est ados­­sée en 2003, à Tètra Laval a su répondre
à ces contraintes, tout en exploi­­tant les oppor­­tu­­ni­­tés offertes par ces trans­­for­­ma­­
tions, en réus­­sis­­sant, tout à la fois :
––à conte­­nir effi­­ca­­ce­­ment la concur­­rence – son rival direct, Corpoplast, filiale du
groupe alle­­mand Krupp, qui envi­­sa­­geait alors de l’ache­­ter – et conqué­­rir le lea­­der­
­ship dans divers seg­­ments stra­­té­­giques du sec­­teur ; ainsi, l’entre­­prise contrô­­lait dès
la fin des années 90, 90 % du parc mon­­dial des machines de souf­­flage de PET à
cadence rapide ;
––à déga­­ger une ren­­ta­­bi­­lité par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment éle­­vée – résul­­tat net supé­­rieur à 10 %
par rap­­port à un chiffre d’affaires, lui-­même en crois­­sance rapide – tout en limi­­tant
la taille de ses effec­­tifs et en en accrois­­sant sa pro­­duc­­ti­­vité  ; le chiffre d’affaires
moyen par sala­­rié s’éta­­blis­­sait alors à près de 0,5 million d’euros ;
––à déve­­lop­­per sans cesse sa capa­­cité d’inno­­va­­tion – 4 % du chiffre d’affaires consa­
­cré à la recherche et déve­­lop­­pe­­ment –, en se diver­­si­­fiant et en inté­­grant des métiers
complé­­men­­taires (rem­­plis­­sage, éti­­que­­tage, embal­­lage), le plus sou­­vent par voie
d’acqui­­si­­tion ;
––à cher­­cher en per­­ma­­nence à opti­­mi­­ser son orga­­ni­­sa­­tion et à en amé­­lio­­rer la flexi­­
bi­­lité par un recours mas­­sif à la sous-­traitance, pour la fabri­­ca­­tion des compo­­sants
et pour l’assem­­blage, dans sa plus grande part ; tout en conser­­vant la maî­­trise des
fonc­­tions consi­­dé­­rées comme stra­­té­­giques, telles que la concep­­tion des équi­­pe­­
ments, la mise au point des moules, l’assem­­blage, le réglage final et la mise en
route des machines chez les clients et, enfin, le ser­­vice après vente.
C’est l’acqui­­si­­tion de nou­­velles entre­­prises qui, avant la reprise par Tetra Laval, a
entraîné une perte de confiance des mar­­chés finan­­ciers, qui n’ont pas compris la
logique de l’exten­­sion de gamme que met­­tait en œuvre l’entre­­prise et la consi­­dé­­
raient comme une diver­­si­­fi­­ca­­tion hasar­­deuse ; en constatant, sur­­tout, qu’au moins
pour un temps, elle ne per­­mettait pas de déga­­ger les mêmes taux de crois­­sance et
la même profitabilité que l’acti­­vité de base de l’entre­­prise.
En fait, Sidel n’aban­­donne pas, en tant que divi­­sion indus­­trielle de Tetra Laval, son
objec­­tif de four­­nir à ses grands clients des solu­­tions complètes cou­­vrant l’ensemble
de la ligne de condi­­tion­­ne­­ment des liquides ali­­men­­taires. Après avoir élargi sa
gamme, avant son rap­­pro­­che­­ment avec Tetra Laval, aux convoyeurs, avec Gebo, aux
fardeleuses (machines de grou­­page des petits colis), aux encaisseuses et aux
palettiseuses, avec Cermex, la démarche est pour­­sui­­vie avec d’autres ; ainsi l’acqui­
­si­­tion de la firme ita­­lienne Simonazzi (remplisseuses, laveuses, rin­­ceuses, mixers,
carbonateurs, pasteurisateurs.).
Aujourd’hui, bien au-­delà des embal­­lages PET, son cœur de métier d’ori­­gine, Sidel
a consi­­dé­­ra­­ble­­ment élargi son offre
––cou­­vrant l’ensemble des liquides ali­­men­­taires : bou­­teilles plas­­tique et verre, boîte
bois­­son métal­­liques, conve­­nant aussi bien à l’eau, aux bois­­sons gazeuses, à
l’huile, à la bière, aux bois­­sons alcoo­­li­­sées etc. ;
––pour pro­­po­­ser un ensemble complet d’équi­­pe­­ments, par­­tant du souf­­flage des bou­
­teilles PET, des équi­­pe­­ments de rem­­plis­­sage, d’éti­­que­­tage, de fardelage, de palet-
tisation, ainsi que des machines de trai­­te­­ment de ces liquides (carbonateurs,
mixeurs et pasteurisateurs).

268
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4


Son exper­­tise dans cet ensemble de tech­­niques et de moyens, sans cesse élar­­gies,
comme, encore, en 2012, par la nou­­velle acqui­­si­­tion d’une entre­­prise de
palettisation par Cermex, per­­met désor­­mais au groupe de pro­­po­­ser des solu­­tions
complètes, d’ingé­­nie­­rie de ligne de rem­­plis­­sage/embal­­lage et d’inté­­gra­­tion d’équi­­
pe­­ments.
La poli­­tique d’acqui­­si­­tion menée au fil des années lui a aussi per­­mis d’étendre pro­
­gres­­si­­ve­­ment son por­­te­­feuille de clien­­tèle à l’échelle inter­­na­­tionale la plus large,
sus­­ci­­tant des syner­­gies intra groupe très fruc­­tueuses. Ainsi, en 2012, la divi­­sion Sidel,
avec un chiffre d’affaires de près de 1,5 milliard d’euros, regrou­­pant l’ensemble des
filiales qui lui sont rat­­ta­­chées, est forte de plus de 5 000 col­­la­­bo­­ra­­teurs, ins­­tallés de
par le monde, dans 190 pays, d’un parc de plus de 30 000 machines, fabri­­quées
dans des sites répar­­tis sur les cinq conti­­nents – Le Havre, Atlanta, Shangaï, San Paolo
et Guadaljara, au Mexique, en par­­ti­­cu­­lier – (appuyés par des filiales commer­­ciales
et des ser­­vices tech­­niques pré­­sents sur de nom­­breux autres sites). Elle s’affirme
comme un véri­­table groupe multi­cultu­­rel dans lequel se côtoient une soixan­­taine
de natio­­na­­li­­tés.
Col­­la­­bo­­rant avec tous les majors de l’indus­­trie ali­­men­­taire, – Coca-Cola, Pepsi,
Heineken, Nestlé, Danone…– la firme dont le ber­­ceau est au Havre n’en a pas
moins tra­­versé, à nou­­veau, des moments dif­­fi­­ciles, lors de la crise de 2008, à la suite
de laquelle son déploie­­ment inter­­na­­tional a même été remis en ques­­tion.

Ques­­tions de rélexion
1 ■ Dans quel sec­­teur d’acti­­vité opère Sidel ? Quels sont ses prin­­ci­­paux clients ?
Dans quelle mesure l’entre­­prise ne pouvait-­elle pas envi­­sa­­ger d’opé­­rer uni­­
que­­ment au niveau domes­­tique ? Quels fac­­teurs l’ont le plus conduit, dès les
années 90 à envi­­sa­­ger son acti­­vité à une autre échelle géo­­gra­­phique ? À élar­
­gir sa gamme d’acti­­vités au-­delà des machines d’embouteillage PET (son
cœur de métier ori­­gi­­nel) ? Que pou­­vait lui appor­­ter cette diver­­si­­fi­­ca­­tion ? En
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

quoi a-­t-elle, de ce fait, « changé de métier » ? Comment pourrait-­on le défi­


­nir à présent  ? Lui permet-­il de confor­­ter sa posi­­tion ou est-­ce un fac­­teur
d’affai­­blis­­se­­ment (comme ont sem­­blé le pen­­ser les ana­­lystes finan­­ciers au
début des années 2000) ?
2 ■ Comment serait-­il pos­­sible de qua­­li­­fier et de décrire le che­­mi­­ne­­ment inter­­na­
­tional qui a mené Sidel à un déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional d’une telle
ampleur ? L’entre­­prise a-­t-elle pro­­cédé par étapes ? Quels ont été les déter­­
mi­­nants de sa pro­­gres­­sion ? Est-­il pos­­sible de consi­­dé­­rer que l’entre­­prise a
suivi un che­­mi­­ne­­ment pro­­gres­­sif, par avan­­cées concen­­triques ? Ou un pro­­
ces­­sus plus « éclaté » ? Quel(s) mode(s) de crois­­sance a-­t-elle pri­­vi­­lé­­gié(s) ?
Quels avan­­tages a-­t-elle pu en tirer ? Quels inconvé­­nients ont pu en résul­­ter ?
Ce mode de crois­­sance s’est-­il fina­­le­­ment révélé posi­­tif ou fait-­il cou­­rir à
l’entre­­prise des risques pré­­oc­­cu­­pants pour l’action­­naire ?

269
Partie 1  ■  Évolutions et défis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

3 ■ Pour­­quoi, l’entre­­prise a-­t-elle été en difficulté en 2003 ? en 2008 ? Qu’est-ce


qui pour­­rait la mettre en dan­­ger à l’heure actuelle  ? Pour une entre­­prise
comme Sidel, quel levier (maî­­trise de la ren­­ta­­bi­­lité, adap­­ta­­tion des struc­­tures
ou inno­­va­­tion per­­ma­­nente) semble le plus impor­­tant ? Que signi­­fie cha­­cun
d’eux pour le mana­­ge­­ment de la divi­­sion ? Pour quelle rai­­son pri­­vi­­lé­­gier l’un
des trois ? Lequel, au fil de l’his­­toire de l’entre­­prise, a-­t-il sem­­blé, de fait, le
plus déci­­sif ?

L’essen­­tiel

Dans l’approche de la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions, ce


sont les théo­­ries de la multi­natio­­na­­li­­sation qui apportent les réponses les plus
direc­­te­­ment uti­­li­­sables par leurs res­­pon­­sables :
––à tra­­vers la théo­­rie éclec­­tique de Dunning qui éva­­lue les oppor­­tu­­ni­­tés d’inter­­
na­­tiona­­li­­sation en mesu­­rant les avan­­tages spé­­ci­­fiques que pos­­sède la firme,
avant de les confron­­ter à ceux que lui appor­­te­­rait le(s) pays de loca­­li­­sa­­tion et à
ceux qu’elle serait sus­­cep­­tible de tirer d’une orga­­ni­­sa­­tion s’appuyant de
manière inté­­grée sur dif­­fé­­rentes bases locales ;
––à tra­­vers les dif­­fé­­rentes voies de déve­­lop­­pe­­ment de la flexi­­bi­­lité des mul­­ti­­natio­
­nales, pré­­co­­ni­­sées par B. Kogut, ou encore à par­­tir des sché­­mas tels que celui
de l’usine glo­­bale de Buckley et Ghauri, se des­­sinent de nou­­veaux modèles lui
per­­met­­tant de s’adap­­ter rapi­­de­­ment et effi­­ca­­ce­­ment à la complexité ou à
l’incer­­ti­­tude qui carac­­té­­risent l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional d’aujourd’hui.
Reste, par contraste avec ces der­­nières démarches plu­­tôt réser­­vées aux orga­­ni­
­sa­­tions déjà enga­­gées à une échelle géo­­gra­­phique très large – voire mon­­diale
–, l’approche dyna­­mique de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, pour les moins ouvertes ou
les moins déployées hors des frontières de leur pays d’ori­­gine. Celles-­ci peu­
vent s’envi­­sa­­ger plus aisé­­ment à par­­tir des contri­­bu­­tions de l’école scan­­di­­nave
et de ses modèles d’inter­­na­­tiona­­li­­sation pro­­gres­­sive visant à réduire l’incer­­ti­­
tude, en capi­­ta­­li­­sant l’expé­­rience inter­­na­­tionale de l’orga­­ni­­sa­­tion (modèle
Uppsala 1) ou en ayant accès à un réseau propres à faire béné­­fi­­cier les orga­­ni­­
sa­­tions qui en sont membre, de leur connais­­sance de nou­­veaux envi­­ron­­ne­­ments
(modèle Uppsala 2).
Ces dif­­fé­­rentes approches, s’atta­­chant aussi bien aux mul­­ti­­natio­­nales qu’aux
orga­­ni­­sa­­tions tra­­di­­tion­­nelles de moindre taille, ne s’appliquent, cepen­­dant, plus
aussi complè­­te­­ment aux orga­­ni­­sa­­tions qui se sont épa­­nouies dans le contexte
d’ouver­­ture inter­­na­­tionale élar­­gie et dans un contexte de déve­­lop­­pe­­ment rapide
des moyens de commu­­ni­­ca­­tion, dans lequel un nombre crois­­sant d’acti­­vi­­tés sont

270
Dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions  ■  Chapitre 4


domi­­nées par la course à l’inno­­va­­tion, confé­­rant au temps une impor­­tance
déter­­mi­­nante.
Les nou­­velles « nées glo­­bales »/born glo­­bal, dont le modèle éco­­no­­mique incor­­
pore d’emblée la néces­­sité de dif­­fu­­ser le plus rapi­­de­­ment pos­­sible et le plus lar­­
ge­­ment pos­­sible des inno­­va­­tions en per­­pé­­tuel renou­­vel­­le­­ment ou de déployer dès
le départ, dans plu­­sieurs pays, les dif­­fé­­rentes étapes de la chaîne d’appro­­vi­­sion­­
ne­­ment et de fabri­­ca­­tion (supply chain) rentrent moins faci­­le­­ment dans ces
cadres. Il en va de même pour les nou­­veaux « cham­­pions inter­­na­­tionaux » issus
des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide (ECR), qui couplent à des inci­­ta­­tions internes
très fortes à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, des sti­­mu­­lants externes. Ceux-­ci sont essen­­
tiel­­le­­ment issus de l’envi­­ron­­ne­­ment por­­teur que leur pro­­cure le dyna­­misme de
leur mar­­ché inté­­rieur comme le sou­­tien que leur offrent leurs auto­­ri­­tés locales.
Les­­quelles les accompagnent dans leur démarche, en leur four­­nis­­sant un cadre
aussi favo­­rable que pos­­sible, tant pour leur apporter les sou­­tiens finan­­ciers et
diplo­­ma­­tiques nécessairres que pour acqué­­rir les exper­­tises, tant tech­­niques que
managériales, qui leur font défaut pour deve­­nir des lea­­ders mon­­diaux.
Mais, au-­delà d’un modèle expli­­ca­­tif et d’un simple recen­­se­­ment des fac­­teurs qui
expliquent la dyna­­mique de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de ces orga­­ni­­sa­­tions,
c’est le repé­­rage des pro­­ces­­sus de crois­­sance, les étapes suc­­ces­­sives que l’on peut
mettre en évi­­dence qu’il importe d’iden­­ti­­fier. En par­­tant des for­­ma­­li­­sa­­tions scan­
­di­­naves, asso­­ciées aux modèles d’Uppsala, la « théo­­rie des phases », qui, il n’y
a pas si long­­temps, souf­­frait peu d’excep­­tions, pou­­vait appor­­ter une réponse
quasi uni­­ver­­selle. Sans pré­­ju­­dice, désor­­mais, des che­­mi­­ne­­ments qu’adoptent de
nou­­veaux acteurs, évo­­luant plus rapi­­de­­ment, sans tou­­jours mar­­quer les temps
suc­­ces­­sifs du modèle de réfé­­rence.
Mais à l’issue de cette ana­­lyse, fai­­sant res­­sor­­tir les par­­cours les plus tra­­di­­tion­­nels,
qui s’appliquent encore à de nom­­breux acteurs, comme les par­­cours plus ori­­gi­­
naux qui sont en passe de se mul­­ti­­plier et de leur offrir de nou­­velles alter­­na­­tives,
ce sont les « leviers » néces­­saires à l’inflé­­chis­­se­­ment et à l’opti­­mi­­sation des tra­­
jec­­toires inter­­na­­tionales des orga­­ni­­sa­­tion qui doivent être mis en lumière :
––le levier d’amé­­lio­­ra­­tion de la ren­­ta­­bi­­lité, qui condi­­tionne le niveau de ses res­­
sources et la qua­­lité de son image finan­­cière ;
––le levier d’adap­­ta­­tion et d’opti­­mi­­sation des struc­­tures, qui déter­­mine la réac­­ti­
­vité de l’orga­­ni­­sa­­tion et sa capa­­cité à assu­­mer et maî­­tri­­ser crois­­sance orga­­nique
et/ou crois­­sance externe dans des environnements de plus en plus variés ;
––le levier d’inno­­va­­tion, peut-­être le plus déter­­mi­­nant dans un monde où le per­­
pé­­tuel renou­­vel­­le­­ment des pro­­duits, mais, éga­­le­­ment des processus, dicte sa loi
et met au pre­­mier rang ceux qui savent le mieux sus­­ci­­ter l’inno­­va­­tion ou se
l’appro­­prier.

271
Partie
Structuration de la démarche
2
d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
Chapitre 5

Ana­­lyse de l’acti­­vité dans Chapitre 6


l’espace de réfé­­rence
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion Chapitre 7
de la stra­­té­­gie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
Mise en œuvre Chapitre 8
de la stratégie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
L’audit
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
des orga­­ni­­sa­­tions

C ette seconde par­­tie se pro­­pose de répondre à trois ques­­tions essen­­tielles :


––Compte tenu de ses carac­­té­­ris­­tiques et de son évo­­lu­­tion pas­­sée, à par­­tir de son
espace d’ori­­gine, à quelles pro­­blé­­ma­­tiques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation se trouve
confron­­tée chaque orga­­ni­­sa­­tion s’ouvrant à l’inter­­na­­tional, et dans quel espace
géo-­sectoriel de réfé­­rence ou d’expan­­sion ?
––Quelles contraintes et quelles oppor­­tu­­ni­­tés devra-­t-elle, ensuite, prendre en compte
dans cet espace, face à la concur­­rence et aux par­­ties pre­­nantes qui y opèrent,
compte tenu des fac­­teurs clés de suc­­cès qu’il lui fau­­dra, en consé­­quence, maî­­tri­­
ser ?
––Comment, pourra-­t-elle, alors, déter­­mi­­ner ses orien­­ta­­tions dans cet espace, en
fonc­­tion de ses res­­sources et de ses objec­­tifs propres et quelles consé­­quences
seront à en tirer en termes de mise en œuvre, notam­­ment au niveau de ses dif­­fé­­
rentes fonc­­tions ?
La réponse à ces trois ques­­tions suc­­ces­­sives, s’appuiera sur le schéma d’ana­­lyse
pré­­senté à la fin de l’intro­­duc­­tion de cet ouvrage, décli­­nant « en enton­­noir »1 suc­­ces­
­si­­ve­­ment, les trois dimen­­sions – macro, meso et micro­éco­­no­­miques –, per­­met­­tant
d’abou­­tir à la prise de déci­­sion.

1.  Cf. intro­­duc­­tion figure I.1.


Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Cette démarche mobi­­li­­sera les modèles et grilles d’ana­­lyse pré­­sen­­tées dans le


cadre de la pre­­mière par­­tie, tout en fai­­sant appel à des outils et concepts complé­­men­
­taires pro­­ve­­nant aussi bien de la stra­­té­­gie, du mar­­ke­­ting ou du mana­­ge­­ment, au fil
de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation dont les élé­­ments seront déve­­lop­­pés dans les quatre
cha­­pitres sui­­vants :
––Le cha­­pitre 5 s’atta­­chera à la « struc­­tu­­ration de la démarche d’audit d’inter­­
na­­tiona­­li­­sation » ce qui sup­­po­­sera d’en pré­­sen­­ter ses étapes suc­­ces­­sives, puis de
recen­­ser les dif­­fé­­rents élé­­ments per­­met­­tant d’appré­­hen­­der et de pré­­ci­­ser les carac­
­té­­ris­­tiques du « modèle d’affaire »1 de l’orga­­ni­­sa­­tion à « auditer », pour abou­­tir à
la déter­­mi­­na­­tion des pro­­blé­­ma­­tiques inter­­na­­tionales auxquelles elle se trou­­vera
confron­­tée, dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion géo-­sectoriel dans lequel
elle aura à y répondre.
––Le cha­­pitre 6, cher­­chera, à l’arti­­cu­­lation du macro­éco­­no­­mique et du
mesoéconomique, à structurer l’«  ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­
rence » (ou d’expan­­sion ) que l’orga­­ni­­sa­­tion aura retenu, en met­­tant en évi­­dence
l’évo­­lu­­tion pré­­vi­­sible de l’attractivité de cet espace géo-­sectoriel, en pré­­ci­­sant les
carac­­té­­ris­­tiques du contexte concur­­ren­­tiel, dans lequel s’affrontent les acteurs,
pour déter­­mi­­ner les fac­­teurs clés de suc­­cès qu’il faut y maî­­tri­­ser et combi­­ner pour
éla­­bo­­rer des stra­­té­­gies gagnantes.
––Le cha­­pitre 7, arti­­cu­­lera, en pour­­sui­­vant la démarche, au niveau micro­éco­­no­­
mique, «  diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  »
(SDI) de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée, en mesu­­rant son degré de maî­­trise des fac­­teurs
clés de suc­­cès dans l’espace de réfé­­rence retenu, pour défi­­nir les grandes orien­­ta­
­tions à pri­­vi­­lé­­gier dans le cadre des pro­­blé­­ma­­tiques iden­­ti­­fiées au départ de l’audit,
en pré­­ci­­sant les grands choix – quoi ?, où ?, quand ?, comment ? – qu’elle aura à
effec­­tuer.
––Le cha­­pitre 8, enfin, pour conclure la démarche, envi­­sa­­gera la « mise en œuvre
de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation », en conju­­guant modes d’approche/modes
de pré­­sence, ajus­­te­­ments orga­­ni­­sa­­tion­­nels tout en intégrant les interactions
multiculturelles, pour introduire le plan d’affaires inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­
tion.

1.  Il s’agira ici, à l’ins­­tar du busi­­ness plan anglo-­saxon, de tra­­duire de la manière la plus exhaus­­tive pos­­sible, les
dif­­fé­­rentes dimen­­sions de l’acti­­vité d’une orga­­ni­­sa­­tion – éco­­no­­miques, tech­­niques, finan­­cières, sociales et sociétales
– en référence au «  business model  » (figure  5.5), étant entendu que le «  modèle d’affaire  » d’une orga­­ni­­sa­­tion
devient inter­­na­­tional dès lors que son acti­­vité dépasse le cadre des fron­­tières de son pays d’ori­­gine. Il pré­­ci­­sera alors
ses zones d’implan­­ta­­tion hors frontières, ses modes de pré­­sence, etc.

274
Chapitre
Structuration de
la démarche
5 d’audit d’inter­­na­­
tiona­­li­­sation

Q uel est le besoin, pour une orga­­ni­­sa­­tion déjà enga­­gée ou sou­­hai­­tant


s’enga­­ger davan­­tage hors de son espace domes­­tique d’ori­­gine, de se
plier à une démarche d’audit ? Dans quel but ? Sui­­vant quelle pério­­di­­cité ? Au
fil de quelles étapes ? En s’appuyant sur quels élé­­ments, sur quelles don­­nées ?
Quelle place accor­­der à son envi­­ron­­ne­­ment ? À ses carac­­té­­ris­­tiques propres ?
Aux cir­­constances de sa créa­­tion ? À la nature de son acti­­vité ou de son por­­te­­
feuille d’acti­­vi­­tés ? Aux moments clés de son évo­­lu­­tion ? À sa gou­­ver­­nance ? À
ses valeurs ? À l’évo­­lu­­tion de son volume d’acti­­vité ? À ses résul­­tats ? Au niveau
de déploie­­ment inter­­na­­tional auquel elle est, d’ores et déjà, par­­ve­­nue ? Qu’est
ce qui fait son ori­­gi­­na­­lité – sinon son carac­­tère unique – ? De quels avan­­tages
compé­­titifs peut-­elle a priori se pré­­va­­loir ? Comment défi­­nir son modèle éco­­no­
­mique, son modèle finan­­cier, son modèle social… ? À quelle(s) pro­­blé­­ma­­tique(s)
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation se trouve-­t-elle fina­­le­­ment, confron­­tée  ? Et dans quel
espace de réfé­­rence/d’expan­­sion ?
Les réponses à ces dif­­fé­­rentes ques­­tions s’orga­­nisent, elles-mêmes, en trois temps,
dans le présent cha­­pitre :
––déter­­mi­­ner le cadre de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, entendu comme un pro­­ces­­
sus incrémental de for­­mu­­la­­tion et de remise en cause per­­ma­­nente ou pério­­dique
de la stratégie d’internationalisation (SDI), en pré­­ci­­sant la suc­­ces­­sion de ses étapes
et leur contenu res­­pec­­tif, comme les don­­nées internes et externes des­­ti­­nées à
« l’infor­­mer » ;
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

––mettre en avant les carac­­té­­ris­­tiques clés de l’orga­­ni­­sa­­tion auditée, pour


comprendre les spé­­ci­­fici­­tés de son « modèle d’affaire inter­­na­­tional », la réa­­lité de
son enga­­ge­­ment à l’inter­­na­­tional, pour la situer dans son espace d’ori­­gine comme
dans l’espace de réfé­­rence inter­­na­­tional dans lequel elle s’est déjà déve­­lop­­pée ;
––iden­­ti­­fier les pro­­blé­­ma­­tiques inter­­na­­tionales aux­­quelles elle se trouve confron­­tée,
le sens de la démarche (inbound ou outbound) qu’il serait néces­­saire de mener
pour y répondre et, consé­­cu­­ti­­ve­­ment, pré­­ci­­ser les limites de l’espace de réfé­­rence
ou d’expan­­sion à consi­­dé­­rer pour les périodes à venir.
L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation d’une orga­­ni­­sa­­tion a donc pour but :
––en fonc­­tion des carac­­té­­ris­­tiques de l’orga­­ni­­sa­­tion, de son modèle d’affaire inter­­na­
­tional ;
––au regard des pres­­sions externes qui s’appliquent à l’espace de réfé­­rence géo-­
sectoriel dans lequel elle a choisi de se déve­­lop­­per d’ores et déjà, et/ou de l’espace
d’expan­­sion vers lequel elle sou­­haite élar­­gir son acti­­vité ;
––d’éva­­luer la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation déjà mise en œuvre et d’envi­­sa­­ger les
adap­­ta­­tions, inflé­­chis­­se­­ments ou remises en cause qui seraient néces­­saires, comme
leurs moda­­li­­tés de mise en œuvre.
En choi­­sis­­sant, comme cas intro­­duc­­tif, ESCP Europe, c’est à par­­tir d’une orga­­ni­­
sa­­tion déjà inter­­na­­tionale, qu’on s’atta­­chera à éta­­blir les bases de l’audit d’inter­­na­­
tiona­­li­­sation :
––celle-­ci occupe, en effet, de par la tra­­jec­­toire des deux ins­­ti­­tutions, à carac­­tère
semi-­public, dont elle est issue, une posi­­tion unique dans l’ensei­­gne­­ment supé­­
rieur, la for­­ma­­tion per­­ma­­nente et la recherche en mana­­ge­­ment et peut se pré­­va­­loir
d’un ancrage inter­­na­­tional anticipateur, tout en s’appuyant sur un sys­­tème de gou­
­ver­­nance reflé­­tant la diver­­sité de ses compo­­santes ;
––elle est, aussi, désor­­mais, confron­­tée à une concur­­rence natio­­nale et inter­­na­­tionale
ouverte et intense, s’ins­­cri­­vant dans un ensemble de normes de plus en plus
contrai­­gnantes et exi­­geantes, dépas­­sant les cadres nationaux dans lesquels elle
avait long­­temps évo­­lué, sans sous-­estimer les contrecoups d’une crise et d’une
insta­­bi­­lité éco­­no­­miques per­­sis­­tantes qu’elle subit, comme ses sem­­blables.
Il ne s’agira pas, ici, de cou­­vrir, pour cette orga­­ni­­sa­­tion, l’ensemble du pro­­ces­­sus
abou­­tis­­sant à défi­­nir sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et la mise en œuvre qui
pourrait lui être appli­­qué (voir sec­­tion 1).
Il ne s’agira, à tra­­vers l’exemple pré­­senté, que de repérer les dif­­fé­­rents indi­­ca­­teurs
à infor­­mer et les élé­­ments essen­­tiels à struc­­tu­­rer pour poser, aussi clai­­re­­ment que
pos­­sible, la ou les pro­­blé­­ma­­tique(s) que devront résoudre les par­­ties pre­­nantes par­­
ti­­cipant à la gou­­ver­­nance de l’ins­­ti­­tution et aux­­quelles la pour­­suite éven­­tuelle de
l’audit, en sui­­vant la démarche et en mobi­­li­­sant les outils pro­­po­­sés, pour­­rait per­­
mettre d’appor­­ter des réponses.

276
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

Le plan du chapitre
Section 1 ■   Les étapes de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
Section 2 ■  Du « modèle d’affaire » inter­­na­­tional aux pro­­blé­­ma­­tiques
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et à la déter­­mi­­na­­tion de l’espace
de réfé­­rence

 Cas intro­­duc­­tif
ESCP Europe, et les défis de la « globalisation aca­­dé­­mique1 »
Dans l’ensemble des acti­­vi­­tés (sec­­teurs ou indus­­tries), l’ensei­­gne­­ment supé­­rieur est,
sans doute, parmi celles qui ont connu sur l’échelle glo­­bale/locale2 une des évo­­lu­­
tions les plus rapides – sinon les plus bru­­tales –, en un laps de temps si court. Qui
avait entendu par­­ler, au tout début des années 2000, du « clas­­se­­ment de Shanghai »,
ou du clas­­se­­ment du Financial Times, ou encore, a for­­tiori, du clas­­se­­ment de l’école
des Mines de Paris ? Per­­sonne ! Et pour cause3!
Échap­­pant aux dérives, jus­­te­­ment contes­­tées4, des rankings, les accré­­di­­ta­­tions, par­­
ti­­cu­­liè­­re­­ment dans le domaine de la ges­­tion, fixent des stan­­dards s’appli­­quant à des
pro­­grammes MBA (AMBA5) ou à l’ensemble de l’ins­­ti­­tution concer­­née (AACSB6
pour la norme amé­­ri­­caine, Equis7, pour la norme européenne), qu’ils appliquent
dans le cadre de pro­­ces­­sus rigou­­reux appli­­qués à des inter­­valles variables, à chaque
éta­­blis­­se­­ment, en fonc­­tion de l’éva­­lua­­tion pré­­cé­­dente8.
C’est dire le bou­­le­­ver­­se­­ment intro­­duit par cette « globalisation aca­­dé­­mique » dans
un sec­­teur auquel les tra­­di­­tions et les cadres réglementaires à domi­­nante natio­­nale
ont conféré long­­temps un carac­­tère « géo-cen­­tré » mani­­feste.

1.  Ce cas développé (J.-P. Lemaire) avec notice pédagogique sera disponible, en français et en anglais, courant
2013-2014, à la Centrale des cas et des moyens pédagogiques.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

2.  Cf. figure 3.2.


3.  Le clas­­se­­ment éta­­bli par l’uni­­ver­­sité Jia Tong de Shanghai, publié pour la pre­­mière fois en 2003, basé sur l’excel­
l­ence de la recherche, compare 1200 ins­­ti­­tutions d’ensei­­gne­­ment supé­­rieur. La pre­­mière publi­­ca­­tion du Times Higher
Education World University Rankings, quant à elle, date de 2004 et asso­­cie le nombre des publi­­ca­­tions aux opi­­nions
recueillies auprès des entre­­prises et dans la commu­­nauté aca­­dé­­mique . Le clas­­se­­ment des Mines Paris Tech (par ailleurs
classé 401e par l’uni­­ver­­sité Jia Tong), pro­­pose un clas­­se­­ment se basant sur le nombre d’anciens élèves figu­­rant à la tête
des 500 plus grandes entre­­prises mon­­diales (Mines Paris Tech y figure d’ailleurs, elle-­même, au 18e rang).
4.  Les cri­­tiques les plus habi­­tuelles faites aux rankings figurent dans le Rap­­port d’infor­­ma­­tion n° 442 (2007-
2008) de J. Bourdin, fait au nom de la délé­­ga­­tion du Sénat pour la pla­­ni­­fi­­ca­­tion, déposé le 2 juillet 2008.
5.  Asso­­cia­­tion of Masters of Busi­­ness Admi­­nis­­tra­­tion , basée du Royaume-­Uni.
6.  Asso­­cia­­tion to Advanced Collegiate Schools of Busi­­ness, basée aux États-­Unis.
7.  European Quality Improvement System (ou EQUIS), sys­­tème d’accré­­di­­ta­­tion spé­­cia­­lisé dans les ins­­ti­­tutions
supé­­rieures de mana­­ge­­ment, dépen­­dant de l’European Foundation for Mana­­ge­­ment Development (ou EFMD), déli­
­vrant éga­­le­­ment le label EPAS.
8.  Les éva­­lua­­tions sont menées par les équipes mises en place par les orga­­nismes d’accré­­di­­ta­­tion (AACSB,
Equis, AMBA), ou encore celles qui sont menées pério­­di­­que­­ment avec les ins­­ti­­tutions par­­te­­naires dans le cadre des
pro­­ces­­sus de double diplôme (voir infra).

277
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Dans ce nou­­veau contexte, ESCP Europe est loin de faire pâle figure : elle se situe
en tête d’un cer­­tain nombre de rankings1, et arbore fiè­­re­­ment la « triple cou­­ronne »
– AMBA, Equis, AACSB –. Elle fait par­­tie d’un des nouveaux regrou­­pe­­ments – « Pôles
de recherche et d’ensei­­gne­­ment supé­­rieur » (PRES) – les plus pres­­ti­­gieux2, en France
et, sur­­tout, elle pré­­sente, sur le plan inter­­na­­tional, une confi­­gu­­ra­­tion qui reste
excep­­tion­­nelle, sinon, tou­­jours, unique.
L’ins­­ti­­tution, dans son péri­­mètre actuel, datant de 1999, lors de la fusion de deux
éta­­blis­­se­­ments de la Chambre de Commerce et d’Indus­­trie de Paris – désormais CCI
Paris Île-de-France – (qui finance encore 20 % envi­­ron, de son bud­­get3), béné­­fi­­cie
d’un double héri­­tage : celui de l’École supé­­rieure de Commerce de Paris, créée en
18194, dans la mou­­vance des grandes écoles scien­­ti­­fiques, « à la fran­­çaise »-comme
Poly­­tech­­nique- (et bien avant son ins­­ti­­tution sœur, HEC, qui n’a vu le jouer « qu’en »
1881) et celui de l’École des Affaires de Paris (EAP), elle-­même véri­­table born glo­­
bal5, puisque, dès sa créa­­tion, en 1973, ses étu­­diants sui­­vaient son cur­­sus de grande
école de ges­­tion sur trois sites euro­­péens – à l’ori­­gine, Paris, Oxford et Düsseldorf
–, deve­­nus cinq depuis -Paris, Londres, Berlin, Madrid et Turin-.
Dans la conti­­nuité des règles de recru­­te­­ment appli­­quées très tôt par l’EAP, la nou­­
velle ins­­ti­­tution née de la fusion, a rapi­­de­­ment retrouvé un rap­­port « 50/50 » entre
étu­­diants Fran­­çais et «  non Fran­­çais  » atteint à l’EAP, leur assu­­rant une ouver­­ture
inter­­na­­tionale per­­ma­­nente, notam­­ment dans le cadre des cir­­cuits pro­­po­­sés – ori­­gi­­
nel­­le­­ment « 3 ans, 3 pays » –, et celui des tra­­vaux de groupe lar­­ge­­ment pra­­ti­­qués
dans la péda­­go­­gie, quelle que soit l’implan­­ta­­tion dans laquelle ils étu­­dient. Outre
la langue des pays de loca­­li­­sa­­tion de chaque implan­­ta­­tion, l’Anglais est devenu une
langue « bis » pour nombre d’ensei­­gne­­ments qui se dis­­pensent dans la langue de
l’implan­­ta­­tion et/ou en Anglais.
Avec ses 4 000 étu­­diants, envi­­ron, par­­ti­­cipant à ses dif­­fé­­rents pro­­grammes6, forte de
plusieurs dizaines d’accords d’échanges avec des ins­­ti­­tutions pres­­ti­­gieuses implan­­
tées dans le monde entier, ses liens, avec cer­­tains par­­te­­naires, se sont même trans­­

1.  Ainsi, en 2010, ESCP Europe est clas­­sée n°1 en Europe, au clas­­se­­ment du Financial Times, pour son pro­­
gramme Master in Mana­­ge­­ment. En 2011, il y figure à la troi­­sième place dans le monde (cf. Financial Times, Busi­
­ness school rankings, 2011).
2.  Le PRES « HESAM », Hautes Études-­Sorbonne-Arts et Métiers, , est un pôle de recherche et d’ensei­­gne­­ment
supé­­rieur porté par dif­­fé­­rents éta­­blis­­se­­ments d’ensei­­gne­­ment supé­­rieurs basés à Paris et dans sa région asso­­ciant des
ins­­ti­­tutions de pre­­mier rang :
– «  fon­­da­­trices  »  : Arts et Métiers ParisTech, Conser­­va­­toire Natio­­nal des Arts et Métiers, École fran­­çaise
d’Extrême-­Orient, École des Hautes Études en Sciences Sociales, École Natio­­nale des Chartes, École Pra­­tique
des Hautes Études, ESCP Europe, École Nationale supé­­rieure de Créa­­tion Industrielle, Uni­­ver­­sité Paris 1
Panthéon-­Sorbonne.
– « asso­­ciées » : École du Louvre, École Natio­­nale d’Admi­­nis­­tra­­tion, Ins­­ti­­tut natio­­nal d’his­­toire de l’art, Ins­­ti­­tut
Natio­­nal du Patri­­moine, Ins­­ti­­tut natio­­nal d’études démo­­gra­­phiques.
3.  Qui repré­­sente 75 mil­­lions d’euros, envi­­ron, auquel contri­­buent aussi à Berlin, à hau­­teur de 50 %, le Sénat du
län­­der, et, à Turin, la Cofindustria.
4.  Sans doute, l’une des plus anciennes du monde, s’y plait-­on à rap­­pe­­ler.
5.  Voir chapitre 4, .
6.  Master in Mana­­ge­­ment/MiM (ou « pro­­gramme Grande École », en trois ans), Master in European Busi­­ness/MEB,
Executive MBA et ses 18 mastères spé­­cia­­li­­sés (MS), très pri­­sés des par­­ti­­cipants ayant suivi une for­­ma­­tion hors du
champ de la ges­­tion, ainsi que 8 MS en temps par­­tagé (for­­ma­­tion per­­ma­­nente).

278
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5


for­­més en double diplôme1. L’école entre­­tient aussi des liens pri­­vi­­lé­­giés avec des
« cam­­pus asso­­ciés », dont la CCIP a été à l’ori­­gine, comme le Centre Franco Viet­­
na­­mien de Ges­­tion, à Hanoï et à Ho Chi Minh Ville, l’École supé­­rieure des Affaires
à Beyrouth ou l’École Supé­­rieure Algé­­rienne des Affaires, à Alger. Cette très forte
« expo­­si­­tion inter­­na­­tionale », asso­­ciant éga­­le­­ment un Corps Pro­­fes­­so­­ral de plus en
plus multi­cultu­­rel, fort de 130 ensei­­gnants envi­­ron, assure aux étu­­diants qui le sou­
­haitent l’accès, non seule­­ment à un « pre­­mier cercle » euro­­péen, véri­­table pro­­pé­­
deu­­tique de l’inter­­na­­tional, mais aussi à un deuxième et, même, à un troi­­sième
cercle, plus loin­­tains2, où la « dis­­tance psy­­chique3 » est sen­­si­­ble­­ment plus impor­­
tante pour ceux d’entre eux qui choi­­sissent de l’assu­­mer.
Un modèle unique et pré­­cur­­seur qui n’en a pas moins sus­­cité nombre d’émules et
une mon­­tée en puis­­sance d’ ins­­ti­­tutions « concur­­rentes », écoles et uni­­ver­­si­­tés, fran­
­çaises et étran­­gères, à tra­­vers la mul­­ti­­pli­­cation des accords d’échanges euro­­péens
encou­­ra­­gés par la mise en place du pro­­gramme Erasmus, mais aussi par le déve­­lop­
­pe­­ment de nombre d’implan­­ta­­tions loin­­taines per­­ma­­nentes  : notam­­ment dans les
éco­­no­­mies en forte crois­­sance, comme l’Asie, où d’autres ins­­ti­­tutions, dont l’éta­­blis­
­se­­ment prin­­ci­­pal est en France, en Europe ou aux États-­Unis, ont planté leur dra­­
peau, comme, par exemple, l’Insead ou l’Essec, à Singapour, indé­­pen­­dam­­ment des
par­­te­­na­­riats qu’elles ont éga­­le­­ment mul­­ti­­pliés de par le monde.
Pour ESCP Europe, par ailleurs, la coor­­di­­na­­tion doit s’effec­­tuer entre les cinq cam­­
pus dotés de sta­­tuts dif­­fé­­rents avec, le plus sou­­vent, des modes de gou­­ver­­nance
spé­­ci­­fiques, Berlin, co-admi­­nis­­tré avec le Sénat de la ville, ayant un sta­­tut d’uni­­ver­
­sité, Londres un sta­­tut de «  Charity  »4, Turin, en par­­te­­na­­riat avec l’Uni­­ver­­sité de
Turin… De plus, les nom­­breux accords avec des ins­­ti­­tutions par­­te­­naires sont, eux-
mêmes, assu­­jet­­tis à des cadres de dif­­fé­­rents types.
Le fonc­­tion­­ne­­ment de cette struc­­ture mobi­­lise beau­­coup d’éner­­gie pour les par­­ties
pre­­nantes à l’orga­­ni­­sa­­tion, aussi bien à Paris que dans chaque implan­­ta­­tion, entre
la gou­­ver­­nance et l’admi­­nis­­tra­­tion de l’école, d’une part, et la direc­­tion de l’Ensei­
­gne­­ment de la CCI, d’autre part ; en par­­ti­­cu­­lier dans ce contexte de « globalisation
aca­­dé­­mique ». Celle-­ci n’est pas uni­­que­­ment incar­­née par les rankings et les accré­
­di­­ta­­tions, mais aussi par la prise en charge des étu­­diants étran­­gers en pro­­gramme
d’échange et des par­­ti­­cipants de pro­­grammes inter­­na­­tionaux executive, en lien
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avec les éta­­blis­­se­­ments par­­te­­naires dans le monde entier. Cette « expo­­si­­tion inter­­
na­­tionale » crois­­sante détermine des chan­­ge­­ments pro­­fonds, à tous les niveaux : le
formatage des cours, les cri­­tères de qua­­lité qui s’y appliquent et, sur­­tout, le nou­­vel
équi­­libre à trou­­ver, pour l’ins­­ti­­tution et les membres du Corps Pro­­fes­­so­­ral, entre
ensei­­gne­­ment et recherche, en tenant compte des autres tâches qui leur sont
dévolues.
Du fait des «  pro­­fils inter­­na­­tionaux  » requis par les stan­­dards des orga­­nismes
d’accré­­di­­ta­­tion comme par ceux que sug­­gèrent les cri­­tères des rankings, le recru­­te­

1.  Comme avec City University à Londres, ou Carlos III à Madrid, pour le MiM ou encore, avec le MDI à
Gurgaon, en Inde, ou le TEC de Monterrey, au Mexique, pour le MEB.
2.  Cf. figure 5.7 « Le déploie­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion, l’exemple d’ESCP Europe ».
3.  Cf. repère 4.5 « D’Uppsala 1 à Uppsala 2 ».
4.  Equivalent bri­­tan­­nique d’Asso­­cia­­tion d’inté­­rêt public.

279
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


­ ent des ensei­­gnants s’inter­­na­­tiona­­lise, désor­­mais, bien au-­delà des implan­­ta­­tions.
m
Les can­­di­­dats doivent être, avant tout, sus­­cep­­tibles de publier dans les revues aca­­
dé­­miques à comité de lec­­ture les plus cotées1, mais on attend aussi d’eux qu’ils
soient de bons performers, en mesure d’ani­­mer leurs amphis avec effi­­ca­­cité et
talent, en for­­ma­­tion pre­­mière comme en for­­ma­­tion per­­ma­­nente, d’entre­­te­­nir des
rela­­tions étroites avec les entreprises, en publiant aussi des cas, avec une bonne
visi­­bi­­lité au sein de la commu­­nauté aca­­dé­­mique, sans pré­­ju­­dice d’une pré­­sence
média­­tique.
Avec la crise éco­­no­­mique qui rend l’équi­­libre bud­­gé­­taire plus pré­­caire, en dimi­­
nuant tendanciellement les res­­sources appor­­tées par la CCI, et en dépit des efforts
de ratio­­na­­li­­sation déve­­lop­­pés, les inves­­tis­­se­­ments consi­­dé­­rables que requiert,
notam­­ment, cette priorité accrue accodée à la recherche, sug­­gèrent de considérer
de nou­­velles options, à par­­tir des pro­­blé­­ma­­tiques déga­­gées.
De nom­­breuses autres ins­­ti­­tutions dédiées à l’ensei­­gne­­ment de la ges­­tion, – par­­ti­­cu­
l­iè­­re­­ment, consu­­laires –, par­­tagent, elles aussi, ces contraintes, sans, pour autant,
dis­­po­­ser des mêmes atouts que ESCP Europe. Ce qui pour­­rait per­­mettre, à par­­tir de
leurs carac­­té­­ris­­tiques propres, d’appli­­quer des cri­­tères simi­­laires pour éta­­blir les
bases d’un audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
Comment défi­­nir dès lors, le domaine d’acti­­vi­­tés dans lequel opère ESCP Europe ?
Quelle a été l’évo­­lu­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale de l’ins­­ti­­tution au fil des
années ? Quels ont été les moments clés de son évo­­lu­­tion ? Quels chiffres signi­­fi­­ca­
­tifs seraient à rete­­nir pour carac­­té­­ri­­ser sa taille, son volume d’acti­­vi­­tés, sa pro­­gres­­
sion, son ouver­­ture inter­­na­­tionale… ? Comment éva­­luer l’impor­­tance et la qua­­lité
de son réseau de par­­te­­na­­riats  ? Comment ana­­ly­­ser sa gou­­ver­­nance, iden­­ti­­fier ses
valeurs, carac­­té­­ri­­ser sa culture orga­­ni­­sa­­tion­­nelle ? Comment faire res­­sor­­tir son carac­
­tère unique et les avan­­tages compé­­titifs qu’elle a déve­­lop­­pés au fil des années (sous
réserve des conclu­­sions d’un audit complet) ? Comment iden­­ti­­fier et hié­­rar­­chi­­ser, a
priori, les pro­­blé­­ma­­tiques priori­­taires aux­­quelles elle se trou­­ve­­rait confron­­tée ? Quel
serait, enfin, l’espace de réfé­­rence ou l’espace d’expan­­sion à rete­­nir en fonc­­tion de
ses pro­­blé­­ma­­tiques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ?

Pour cette orga­­ni­­sa­­tion (qui dis­­pose de son propre dis­­po­­si­­tif d’audit2 et béné­­fi­­cie
aussi du retour de divers évaluateurs externes), et pour toutes les orga­­ni­­sa­­tions, à la
fois confron­­tées à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale et, éga­­le­­ment, enga­­gées à tirer parti,
dans des délais plus ou moins courts, d’une évo­­lu­­tion signi­­fi­­ca­­tive de leur acti­­vité
– du « local » et du « géo cen­­trage » au « glo­­bal » –, l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation,
ou toute démarche équi­­va­­lente adap­­tée à leur situa­­tion et à leur struc­­ture, peut les
aider à effec­­tuer les choix essen­­tiels et à les mettre en appli­­ca­­tion.

1.  Là aussi, des clas­­se­­ments des revues aca­­dé­­miques se mul­­ti­­plient, dis­­tin­­guant, cha­­cun, en moyenne, trois ou
quatre caté­­go­­ries dif­­fé­­rentes, avec , par exemple, en France, le clas­­se­­ment du CNRS qui attri­­bue des « étoiles » ou
celui de la Fondation Nationale pour l’Enseignement de la Gestion (FNEGE). Ces clas­­se­­ments vont être pris en
compte, dans les éta­­blis­­se­­ments pri­­vés ou consu­­laires et dans le sys­­tème de pro­­mo­­tion de l’Education Natio­­nale,
pour l’attri­­bu­­tion des primes ou la pro­­gres­­sion de car­­rière de chaque ensei­­gnant.
2.  Par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, les audits internes dont elle fait l’objet dans le cadre de la CCIP.

280
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

Section
1 Les étapes de la démarche
d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
La démarche pro­­po­­sée engage chaque orga­­ni­­sa­­tion à suivre un pro­­ces­­sus struc­­
turé, s’appuyant sur un sys­­tème de veille et sur une mutualisation orga­­ni­­sée des
infor­­ma­­tions, des­­ti­­nés, l’un et l’autre, à :
––limi­­ter les effets inhibants d’une incer­­ti­­tude crois­­sante1 ;
––poser aussi cor­­rec­­te­­ment que pos­­sible les pro­­blèmes sus­­ci­­tés par l’évo­­lu­­tion
rapide de son envi­­ron­­ne­­ment ;
––mieux déli­­mi­­ter l’espace dans lequel elle aura le plus inté­­rêt à por­­ter ses efforts,
en fonc­­tion de ses atouts et res­­sources.
La suc­­ces­­sion des étapes de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation doit être étroi­­te­­ment
reliée au sys­­tème de veille et d’intel­­li­­gence éco­­no­­mique, entendu comme le mode
de col­­lecte des don­­nées externes et internes, le mieux adapté à l’orga­­ni­­sa­­tion, sus­­
cep­­tible d’éclai­­rer – voire de déter­­mi­­ner – ses déci­­sions d’inter­­na­­tiona­­li­­sation. C’est
ce qui explique qu’à chaque étape de l’audit, doivent être iden­­ti­­fiées les infor­­ma­­tions
néces­­saires à son éla­­bo­­ra­­tion, les sources et les don­­nées acces­­sibles, ainsi que leur
mode d’exploi­­ta­­tion.
Son objec­­tif est de recen­­ser en per­­ma­­nence les élé­­ments révé­­la­­teurs des trans­­for­­
ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment et de les prendre en compte dans le pro­­ces­­sus de
réflexion et de déci­­sion stra­­té­­gique, mais, aussi, aux niveaux – fonc­­tion­­nels ou orga­
­ni­­sa­­tion­­nels – de sa mise en œuvre. Il s’agira de réagir et, si pos­­sible, d’anti­­ci­­per,
dans le cadre du sys­­tème de gou­­ver­­nance, comme dans celui de la culture propre à
l’orga­­ni­­sa­­tion, qui ne man­­quera pas, lui-même, d’évo­­luer pour s’adap­­ter avec plus
« d’agi­­lité »2 aux contraintes et tirer parti des oppor­­tu­­ni­­tés qui res­­sor­­ti­­ront, les unes
comme les autres, de l’ana­­lyse de ces élé­­ments contex­­tuels.
Les dif­­fé­­rentes don­­nées internes – concer­­nant l’orga­­ni­­sa­­tion – et externes –
concer­­nant son envi­­ron­­ne­­ment géo-­sectoriel dans l’espace de réfé­­rence qui aura été
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retenu – devront être recou­­pées et syn­­thé­­ti­­sées dans le cadre du sys­­tème de veille


mis en place, avant d’être exploi­­tées au fur et à mesure de la démarche jus­­qu’au
stade de la for­­mu­­la­­tion de la SDI et de sa mise en œuvre. Il s’agira donc d’une
démarche à carac­­tère ité­­ra­­tif à « informer » et à adapter en per­­ma­­nence, en réponse
ou en écho aux dif­­fi­­cultés et aux suc­­cès ren­­contrés, ainsi qu’aux évo­­lu­­tions de l’envi­
­ron­­ne­­ment.

1.  Mise en évi­­dence dès le modèle Uppsala 1, cf. chapitre 4, sec­­tion 2.


2.  Cf. Badot. O. Théo­­rie de l’entre­­prise agile, L’Har­­mat­­tan, 1998.

281
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

1  La suc­­ces­­sion des étapes de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation


Plu­­sieurs étapes seraient à suivre, en par­­tant des caractéristiques de l’orga­­ni­­sa­­tion,
des lignes de forces de l’espace géo-­sectoriel de réfé­­rence ou d’expan­­sion retenu,
jus­­qu’à la for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, sur la base d’une appré­
­cia­­tion aussi juste que pos­­sible de son poten­­tiel et de ses limites dans cet espace,
avant de pré­­ci­­ser les moda­­li­­tés de mise en œuvre qui seraient les plus propres à la
réa­­li­­ser.
Identification
du modèle économique
et des problématiques
d’internationalisation
(Chap 5)
Approche Évaluation du
Mise en évidence des degré de maîtrise des
et formation lignes de force de l’activité facteurs clés de succès
d’ensemble dans l’espace de référence par l’organisation
retenu (Chap. 6) (Chap 7)
de la SDI
Formulation de la
Stratégie d’Internationalisation
dans l’espace de référence retenu
(Chap. 7)

Mise en œuvre
multifonctionnelle,
Mise en œuvre multiculturelle et
opérationnelle Organisationnelle ajustements culturels,
(Chap 8) organisationnels et
coordination multifonctionelle

actions prioritaires
(implantations, fusions & acquisitions,
lancement de nouveaux produits...)

J.-P. Lemaire

Figure 5.1 – Les principales étapes de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation


(démarche géné­­rale)

On illus­­trera le contenu et l’approche de cha­­cune de ces étapes, en réfé­­rence au


cas intro­­duc­­tif de cha­­cun des cha­­pitres de cette seconde par­­tie. En dépit de la diver­
­sité des acti­­vi­­tés et des orga­­ni­­sa­­tions, cette trame de base est appli­­cable à n’importe
laquelle d’entre elles.
Si l’approche séquen­­tielle rete­­nue ici1 peut, en effet, s’adap­­ter au cas d’ESCP
Europe et à celui de nom­­breuses orga­­ni­­sa­­tions opé­­rant dans les domaines de la pres­
­ta­­tion de ser­­vices, comme de la pro­­duc­­tion et de la dis­­tri­­bu­­tion des biens de consom­
­ma­­tion cou­­rante, ou durable, elle peut, sans dif­­fi­­culté majeure, être trans­­po­­sée à des
contextes géo­­gra­­phiques plus ou moins larges et à une grande variété de sec­­teurs

1.  Comme celle pré­­co­­ni­­sée par F.-R. Root, op. cit. [1987].

282
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

d’acti­­vi­­tés – comme, par exemple – les biens d’équi­­pe­­ment et les pro­­jets d’infra­­
struc­­ture, dont le pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation est lar­­ge­­ment cen­­tré sur les
appels d’offres inter­­na­­tionaux1.
Le pro­­ces­­sus sus­­cep­­tible de s’appli­­quer dans le cadre de ces opé­­ra­­tions comporte,
comme pour les pré­­cé­­dentes (cf. figure 5.2) :
––une approche stra­­té­­gique élar­­gie simi­­laire (iden­­ti­­fi­­cation des oppor­­tu­­ni­­tés et diag­
­nos­­tic des res­­sources de l’orga­­ni­­sa­­tion), en confor­­mité avec son modèle d’affaires
inter­­na­­tional ;
––per­­met­­tant de défi­­nir la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (SDI), inté­­grant, pour les
biens d’équi­­pe­­ment et les pro­­jets d’infra­­struc­­ture, comme pour les biens de
consom­­ma­­tion cou­­rants ou durables ou les ser­­vices, le degré d’enga­­ge­­ment, les
types de mar­­ché (nature, zones) et tous les autres para­­mètres à carac­­tère stra­­té­­
gique (comme les limites de trans­­fert de tech­­no­­logie) ;
–– abou­­tis­­sant aux déci­­sions clés (pro­­jets priori­­taires et mode d’impli­­ca­­tion de l’orga­­
ni­­sa­­tion), jusqu’à la mise en œuvre et au suivi tech­­nique, finan­­cier et commer­­cial.
Les principales étapes de l’audit d’internationalisation
adaptation du processus d’audit à l’approche projet

Identification
du modèle d’affaire
et des problématiques
des projets internationaux
(Chap 5)
Approche Identification des projets Évaluation de
et formulation Internationaux accessibles la capacité de l’organisation à
de la SDI dans l’espace de référence Les prendre en charge
(Chap. 6) (Chap 7)

Formulation de la
Stratégie d’Internationalisation
Et détermination des projets cibles
dans l’espace de référence retenu
(Chap. 7)

Mise en œuvre
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de la sélection de projets
Mise en œuvre de réponse et néogciation
opérationnelle des appels d’offres Ajustements culturels,
(Chap 8) organisationnels
et coordination
multifonctions

Réalisation des projets obtenus


(de l’amont à l’aval de la réalisation et,
Si incluse au contrat de l’exploitation cf. BOOT)

J.-P. Lemaire

Figure 5.2 – Adap­­ta­­tion du pro­­ces­­sus à l’approche pro­­jet

1.  Young et al., op. cit. [1989]

283
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Pour les biens d’équi­­pe­­ment comme pour les biens de consom­­ma­­tion et les ser­­
vices, pour­­ront être mobi­­li­­sés les dif­­fé­­rents recours et aides acces­­sibles – en externe,
par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment –, avec le souci per­­manent de réduire les risques1 et d’évi­­ter des
enga­­ge­­ments qui pour­­raient mena­­cer le deve­­nir de l’orga­­ni­­sa­­tion.
Dans cette perspec­­tive, pour les uns comme pour les autres, il sera néces­­saire de
suivre, dans leur logique – sinon dans leur détail –, les grandes étapes qui struc­­turent
la démarche stra­­té­­gique de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, sans pré­­ju­­dice, ulté­­rieu­­re­­
ment, d’une for­­mu­­la­­tion plus complète.
Les trois pre­­mière étapes des figures 5.1 et 5.2 fournissent le cadre de la défi­­ni­­tion
des étapes pré­­li­­mi­­naires de la démarche pro­­po­­sée :
––l’iden­­ti­­fi­­cation et/ou d’ana­­lyse (screening) des oppor­­tu­­ni­­tés inter­­na­­tionales ;
––l’éva­­lua­­tion des res­­sources mobilisables dans cette perspec­­tive ;
––en rela­­tion avec les «  valeurs  » essen­­tielles de l’orga­­ni­­sa­­tion et ses axes stra­­té­­
giques d’ensemble (pour autant qu’ils aient été préa­­la­­ble­­ment déter­­mi­­nés).
À par­­tir de ces trois pre­­mière étapes de l’ana­lyse, il sera alors pos­­sible d’envi­­sa­­ger :
––la défi­­ni­­tion des grands axes de la stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional (SDI),
C’est-­à-dire la déter­­mi­­na­­tion du niveau et des limites d’enga­­ge­­ment à l’inter­­na­­
tional et la défi­­ni­­tion des objec­­tifs quantitatifs et qua­­li­­ta­­tifs rete­­nus ;
––les moda­­li­­tés de la mise en œuvre, liées à la sélec­­tion des loca­­li­­sa­­tions cibles et au
choix des modes de pré­­sence, ainsi que leurs impli­­ca­­tions fonc­­tion­­nelles et orga­­
ni­­sa­­tion­­nelles.

1.1 L’iden­­ti­­fi­­cation du modèle éco­­no­­mique, des pro­­blé­­ma­­tiques


d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et de l’espace de référence
La démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation par­­tira de l’ana­­lyse du modèle d’affaire
de l’orga­­ni­­sa­­tion, en pri­­vi­­lé­­giant sa dimen­­sion par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment inter­­na­­tionale. Cette
pre­­mière étape abou­­tira à la déter­­mi­­na­­tion des pro­­blé­­ma­­tiques clés d’inter­­na­­tiona­­li­
­sation sur lequel l’audit aura à sta­­tuer, à la fois en iden­­ti­­fiant leur nature et en appré­
­ciant leur carac­­tère priori­­taire, dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion qui
appa­­raî­­tra le plus appro­­prié pour y répondre.

Exemple 5.1 – Recherche des pro­­blé­­ma­­tiques priori­­taires et déter­­mi­­na­­tion


de l’espace de réfé­­rence pour ESCP Europe
Dans le cas intro­­duc­­tif du présent cha­­pitre, « ESCP Europe », avant la fusion ESCP/EAP,
la priorité avait été sur­­tout don­­née, à l’EAP, au déve­­lop­­pe­­ment euro­­péen, tan­­dis que
l’ESCP déve­­lop­­pait ses pre­­miers par­­te­­na­­riats, dans une perspec­­tive géo­­gra­­phique plus
large, avec des ins­­ti­­tutions étran­­gères de pres­­tige. Depuis, ce stade a été dépassé, le

1.  Cf. chapitre 2, sec­­tion 3.

284
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

modèle d’affaire inter­­na­­tional commun qui s’est pro­­gres­­si­­ve­­ment mis en place s’atta-
chant à conci­­lier ces deux axes, comme à prendre en compte les trans­­for­­ma­­tions obser­­
vées de l’ensei­­gne­­ment et de la recherche en ges­­tion dans un cadre géographique élargi.
Pour ESCP Europe, comme pour la plu­­part des ins­­ti­­tutions d’ensei­­gne­­ment supé­­rieur
opé­­rant dans ce domaine aca­­dé­­mique, de par le monde, une fois iden­­ti­­fiées les carac­­té­­
ris­­tiques de l’ins­­ti­­tution, pour­­ront être pri­­vi­­lé­­giées1 :
–– soit des pro­­blé­­ma­­tiques réac­­tives, axées sur l’opti­­mi­­sation du déploie­­ment de ses
moyens en fonc­­tion de ses res­­sources exis­­tantes, des néces­­si­­tés d’adap­­ta­­tion des pro­­
grammes, de l’évo­­lu­­tion des publics et des demandes du mar­­ché, sus­­cep­­tibles d’inté­­
grer les recom­­man­­da­­tions émises par les orga­­nismes d’accréditation, le nou­­veau
contexte de recru­­te­­ment des ensei­­gnants-cher­cheurs et de leur inté­­gra­­tion au sein de
l’ins­­ti­­tution, la redé­­fi­­ni­­tion de leur rôle – entre ensei­­gne­­ment, recherche, direc­­tion de
pro­­gramme, for­­ma­­tions executive. – etc. ;
–– soit des pro­­blé­­ma­­tiques pro-actives, de déve­­lop­­pe­­ment de nou­­velles syner­­gies entre les
dif­­fé­­rentes implan­­ta­­tions et cam­­pus asso­­ciés, d’anti­­ci­­pation et d’évo­­lu­­tion de leur sys­
­tème de gou­­ver­­nance, de mutualisation de moyens avec d’autres ins­­ti­­tutions – par­­ti­­cu­
­liè­­re­­ment des ins­­ti­­tutions par­­te­­naires –, de recherche de res­­sources sup­­plé­­men­­taires
auprès des entre­­prises, des orga­­nismes de sou­­tien, d’opti­­mi­­sation et d’exten­­sion des
pro­­grammes en lien avec l’image et le pro­­jet de l’ins­­ti­­tution, avec les entre­­prises sup­­
port, les anciens élèves, etc. ;
–– soit, encore de pro­­blé­­ma­­tiques combi­­nées, asso­­ciant ces deux pre­­mières pro­­blé­­ma­­
tiques, en fonc­­tion de l’urgence, comme des défis à long terme qui seront consi­­dé­­rés
comme essen­­tiels par la gou­­ver­­nance de l’orga­­ni­­sa­­tion.
L’espace de réfé­­rence et d’expan­­sion, quant à lui, pourra s’envi­­sa­­ger à dif­­fé­­rents niveaux
pos­­sibles :
–– au niveau ouest euro­­péen et nord amé­­ri­­cain dans le cadre d’une approche plus
« focalisée », dans l’hypo­­thèse où l’audit serait mené dans la perspec­­tive d’une amé­
­lio­­ra­­tion de la compé­­titi­­vité de l’école par rap­­port aux lea­­ders occi­­den­­taux qui domi-
nent encore les rankings et, plus lar­­ge­­ment, en fonc­­tion d’une concur­­rence venant de
la part d’autres ins­­ti­­tutions, écoles de ges­­tion, Ins­­ti­­tuts d’Admi­­nis­­tra­­tion des Entre­­
prises (IAE) et Uni­­ver­­si­­tés compor­­tant d’impor­­tants dépar­­te­­ments de ges­­tion, en
France, en Europe de l’Ouest, aux États-­Unis et/ou au Canada ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

–– au-­delà de ce pre­­mier espace géo-­sectoriel (et en conti­­nuant à le prendre en compte),


un espace de réfé­­rence plus « glo­­bal » dans une perspective « tous azimuts », inclue-
rait, de plus, la concur­­rence les ins­­ti­­tutions des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, qui
ne cessent d’amé­­lio­­rer leur niveau ; ce deuxième niveau se jus­­ti­­fie­­rait pour l’ESCP
Europe dans la perspec­­tive d’atti­­rer futurs cadres diri­­geants et mana­­gers en place des
cham­­pions inter­­na­­tionaux des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide comme ceux des filiales
locales des orga­­ni­­sa­­tions euro­­péennes ; il lui per­­met­­trait, fina­­le­­ment, d’affir­­mer un
posi­­tion­­ne­­ment ori­­gi­­nal, à l’arti­­cu­­lation des éco­­no­­mies matures et des éco­­no­­mies
émergentes, avec des pro­­grammes inté­­grant ces nou­­velles dimen­­sions rela­­tion­­nelles,
qui demandent et demande­­ront, de plus en plus, dans le futur, des savoir-faire spé­­ci­
­fiques, à carac­­tère inter­­na­­tional et multi­cultu­­rel.

1.  Voir figure 5.4.

285
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

La défi­­ni­­tion du modèle éco­­no­­mique inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion consti­­tue


donc la pre­­mière étape de l’audit. Elle se réfé­­rera aux moments clés de son his­­
toire, en fonc­­tion des par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés de sa gou­­ver­­nance, à ses res­­sources, à ses
spé­­ci­­fici­­tés, à ses réus­­sites, qui per­­met­­tront de mieux pré­­ci­­ser ses objec­­tifs inter­­
na­­tionaux, son niveau d’enga­­ge­­ment à l’inter­­na­­tional, l’évo­­lu­­tion du péri­­mètre de
ses acti­­vi­­tés et de son cadre géo­­gra­­phique, comme les pro­­blé­­ma­­tiques qui y sont
asso­­ciées.

1.2 Mise en évi­­dence des lignes de force de l’acti­­vité


dans l’espace de réfé­­rence retenu
C’est donc, logi­­que­­ment, après l’ana­­lyse des carac­­té­­ris­­tiques et de la dyna­­mique
d’évo­­lu­­tion de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée, que l’on s’atta­­chera à l’iden­­ti­­fi­­cation des
lignes de force qui carac­­té­­risent l’espace de réfé­­rence géo-­sectoriel qu’elle a pri­­
vi­­lé­­gié. Ce qui per­­met­­tra d’en éva­­luer l’attractivité, pour elle-même comme pour
ses prin­­ci­­paux compé­­ti­­teurs actuels et poten­­tiels, et de déter­­mi­­ner les fac­­teurs clés
de suc­­cès que les dif­­fé­­rents acteurs impli­­qués auront, les uns et les autres, à maî­­
tri­­ser pour enga­­ger les stra­­té­­gies gagnantes qu’ils seraient sus­­cep­­tibles d’y déve­­
lop­­per.

Exemple 5.2 – Les lignes de force du sec­­teur des cos­­mé­­tiques en Inde


Dans le cas intro­­duc­­tif du cha­­pitre 6, il s’agit, dans la perspec­­tive du déve­­lop­­pe­­ment des
lea­­ders mondiaux du sec­­teur, comme L’Oréal, d’ana­­ly­­ser les lignes de force du second
« mar­­ché au milliard », sur lequel cette entre­­prise s’était engagée au début des années 90 :
–– Cette ana­­lyse commen­­cera par iden­­ti­­fier le poten­­tiel et l’attractivité que repré­­sente le
sec­­teur dans l’espace géo-sectoriel de réfé­­rence et d’expan­­sion, en l’occur­­rence, le
sec­­teur du cos­­mé­­tique indien :
––en mesu­­rant, tout d’abord, le degré de matu­­rité du sec­­teur, et son évo­­lu­­tion depuis
l’époque de cette pre­­mière ins­­tal­­la­­tion et la fin de la pre­­mière décen­­nie des années
2000 ; en constatant, au départ, la quasi absence de demande pour ce type de pro­­duits
et les ser­­vices asso­­ciés, dont seuls, existaient des sub­­sti­­tuts locaux ;
––en éva­­luant la diver­­sité de la demande exis­­tante et poten­­tielle, résul­­tat des contrastes
de ce pays – continent, dont les écarts cultu­­rels et éco­­no­­miques, se tra­­duisent dans
le compor­­te­­ment des consom­­ma­­trices et des consom­­ma­­teurs, qu’il faut appro­­cher
avec des moyens appro­­priés, en tenant compte de la diver­­sité des seg­­ments de clien­
­tèle visés et de celle des envi­­ron­­ne­­ments urbains et ruraux dans les­­quels ils
s’insèrent ;
––en obser­­vant, ensuite, en s’appuyant sur les niveaux 1 et 2 du modèle PREST, l’évo­­
lu­­tion quan­­ti­­tative et qua­­li­­ta­­tive de la demande, comme celle de l’offre, en réponse
aux pres­­sions externes, aussi bien politico-régle­­men­­taires qu’éco­­no­­miques et sociales
et tech­­no­­lo­­giques, créant pour les pre­­miers compé­­ti­­teurs impli­­qués dans le sec­­teur, en
Inde, des enjeux spé­­ci­­fiques, – d’adap­­ta­­tion et de re­déploie­­ment, sur­­tout.

286
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

–– En s’atta­­chant ensuite à la dyna­­mique de la concur­­rence, qui ne s’est ren­­for­­cée que


petit à petit, et dont il convient de suivre les muta­­tions constantes :
––en iden­­ti­­fiant les dif­­fé­­rents acteurs et groupes d’acteurs locaux et étran­­gers, déjà
ins­­tal­­lés et dont le modèle d’affaire local s’est trans­­formé au fil du temps pour faire
évo­­luer leur offre, comme leur sys­­tème de pro­­mo­­tion et de dis­­tri­­bu­­tion ;
––en essayant de pré­­ci­­ser la dyna­­mique concur­­ren­­tielle qui en résulte entre eux, avec
l’aide du modèle des « forces de la concur­­rence » de Por­­ter, aussi bien au niveau du
« groupe concur­­rent », des « nou­­veaux entrants » qui se sont mul­­ti­­pliés et de la résis­
­tance des « sub­­sti­­tuts » tra­­di­­tion­­nels ;
––en éta­­blis­­sant une « carte concur­­ren­­tielle », per­­met­­tant de posi­­tion­­ner les dif­­fé­­rents
acteurs et groupes d’acteurs, en fonc­­tion d’axes per­­ti­­nents sug­­gé­­rés par les carac­­té­­
ris­­tiques résul­­tant des trans­­for­­ma­­tions de l’espace de réfé­­rence, et d’anti­­ci­­per, à par­
­tir de ce cadre, les évo­­lu­­tions poten­­tielles, por­­teuses ou non, pour les uns comme
pour les autres.
–– En essayant, enfin, de dis­­cer­­ner les bases de stra­­té­­gies gagnantes envi­­sa­­geables pour
les dif­­fé­­rents acteurs enga­­gés dans cet espace géo-­sectoriel :
––à par­­tir des scé­­na­­rios d’évo­­lu­­tion qui pour­­raient se des­­si­­ner au cours des périodes
à venir, en tenant compte, d’une part, de l’évo­­lu­­tion des pres­­sions externes tra­­dui­­sant
les muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment de l’espace géo-­sectoriel et, d’autre part, de celle
des enjeux propres au sec­­teur, tels que définis en amont de cette ana­­lyse ;
––en fai­­sant res­­sor­­tir les fac­­teurs clés de suc­­cès que devraient maî­­tri­­ser les acteurs et
groupes d’acteurs repé­­rés et que regroupent les trois types de « leviers » que dis­­
tingue le niveau 3 du PREST – profitabilité, inno­­va­­tion et struc­­ture –1 ;
––qui peuvent se combi­­ner dans le cadre des stra­­té­­gies gagnantes sus­­cep­­tibles d’être
for­­mu­­lées, pour autant que les orga­­ni­­sa­­tions impli­­quées aient accès aux res­­sources
internes et externes qui leur per­­met­­traient de les mettre en œuvre.

C’est donc, à ce stade de l’audit, des élé­­ments dyna­­miques qu’il fau­­dra déga­­ger à
par­­tir de la mise en forme des don­­nées dis­­po­­nibles2 sur l’espace géo-­sectoriel consi­
­déré. Ils vau­­dront, bien sûr, pour l’orga­­ni­­sa­­tion auditée, mais éga­­le­­ment pour
l’ensemble des acteurs ou groupes d’acteurs avec les­­quels elle se trouve en compé­
­tition. Il convien­­dra aussi, lors de cette étape de l’audit, de prendre en compte les
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prin­­ci­­pales par­­ties pre­­nantes opé­­rantes et influ­­entes dans cet espace de l’inté­­rieur


– auto­­ri­­tés locales ter­­ri­­toriales, lea­­ders d’opi­­nion, groupes de pres­­sion, etc. –,
comme de l’exté­­rieur – orga­­ni­­sa­­tions multi gou­­ver­­ne­­men­­tales, régu­­la­­teurs, orga­­ni­­
sa­­tions dis­­pen­­sa­­trices de normes ou d’éva­­lua­­tion, ONG por­­teuses de pré­­oc­­cu­­pa­­
tions sociales-.

1.  Voir cha­­pitre 4, sec­­tion 3.


2.  Qu’il fau­­dra consi­­dé­­rer avec pré­­cau­­tion, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans les pays à contexte fort, au sens de Hall (1976),
dans les­­quels les opi­­nions ne peuvent être inter­­pré­­tées sans tenir compte des par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés de la culture locale qui
inter­­dit de don­­ner des réponses néga­­tives  ; ce qui pose pro­­blème, notam­­ment, lors des enquêtes d’opi­­nion (voir
aussi, infra, cas intro­­duc­­tif du chapitre 8 « Jérôme ou l’osmose thaïe »).

287
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

1.3 Éva­­luer le poten­­tiel inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion


et for­­mu­­ler sa Stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (SDI)
L’étape sui­­vante, à la dif­­fé­­rence de la pré­­cé­­dente, se recentre sur l’orga­­ni­­sa­­tion
auditée, elle-même, en cher­­chant à appré­­cier son degré de maî­­trise des fac­­teurs clés
de suc­­cès qui res­­sortent de l’étape pré­­cé­­dente. Après avoir mesuré à tous les niveaux
(fonc­­tion­­nel, orga­­ni­­sa­­tion­­nel, cultu­­rel, etc.), les atouts qu’elle pos­­sède et les han­­di­­
caps qu’elle a à sur­­mon­­ter, en fonc­­tion des res­­sources internes et externes aux­­quelles
elle a accès, cette étape préparerera les réponses aux ques­­tions de base déter­­mi­­nant
l’orien­­ta­­tion ou la réorien­­ta­­tion de son acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence ou
d’expan­­sion consi­­déré : Quoi ? Où ? Quand ? Comment ?

Exemple 5.3 – Com­in Asia ou le défi de la re­for­­mu­­la­­tion de la SDI d’une PME


dans un espace de réfé­­rence régio­­nal en muta­­tion rapide
Le cas intro­­duc­­tif du chapitre 7 sou­­lève la ques­­tion de l’évo­­lu­­tion dans le temps, du
modèle d’affaires inter­­na­­tional d’une orga­­ni­­sa­­tion fami­­liale qui a grandi très rapi­­de­­ment,
pro­­fi­­tant de l’évo­­lu­­tion favo­­rable de l’envi­­ron­­ne­­ment géo-­sectoriel dans lequel elle a ins­
­crit ses acti­­vi­­tés – la pénin­­sule indo­­chi­­noise –, si on consi­­dère son espace de réfé­­rence
actuel. Ce pour­­rait être l’ensemble de l’A­sie du Sud-Est, si on déci­­dait de prendre en
compte son «  espace d’expan­­sion  » poten­­tiel et occasionnel. Ce qui la confronte à la
double néces­­sité, d’éva­­luer ses atouts et ses han­­di­­caps, autre­­ment dit, son poten­­tiel de
crois­­sance, pour mieux déga­­ger, ensuite, ses orien­­ta­­tions fon­­da­­men­­tales et for­­mu­­ler les
axes de sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation future :
–– L’éva­­lua­­tion de son poten­­tiel sup­­po­­sera de pas­­ser en revue dif­­fé­­rents points clés et, en
par­­ti­­cu­­lier, de se rapporter à sa tra­­jec­­toire au cours des pré­­cé­­dentes années et la pour­­
suite de celle-­ci, telle qu’elle pour­­rait être envi­­sa­­gée, en fonc­­tion de ses atouts et de ses
han­­di­­caps. Ce qui sup­­po­­sera :
––de déterminer la phase de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional à laquelle elle a accédé, et
de mesu­­rer la soli­­dité des posi­­tions qu’elle aura acquises dans les dif­­fé­­rents pays ou
régions de son espace de réfé­­rence, comme l’acces­­si­­bi­­lité que pour­­raient avoir pour
elle de nou­­veaux ter­­ri­­toires cibles ;
––d’effec­­tuer le diag­­nos­­tic fonc­­tion­­nel qu’il lui fau­­dra réa­­li­­ser régu­­liè­­re­­ment, pour
mesu­­rer le niveau de ses res­­sources, tan­­gibles et intan­­gibles – actifs finan­­ciers et
humains, comme compé­­tences et expé­­rience –, pour consi­­dé­­rer comment les complé­
­ter et les amé­­lio­­rer ;
––de mener la compa­­rai­­son avec ses prin­­ci­­paux concur­­rents ou groupes de concur­­rents
(benchmark) de sa maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès dans l’espace de réfé­­rence
consi­­déré, pour mettre en évi­­dence ses véri­­tables avan­­tages compé­­titifs, dans les
domaines où elle sur­­classe ses prin­­ci­­paux compé­­ti­­teurs.
–– Dès lors, à par­­tir de ces bases, elle pourra formuler sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation,
et déter­­mi­­ner les orien­­ta­­tions à conser­­ver, à modi­­fier, ou, même, à remettre en ques­­tion,
en sta­­tuant, en par­­ti­­cu­­lier :
––sur le « Quoi ? » : la nature et la diver­­sité des pres­­ta­­tions qu’elle pourra pro­­po­­ser à
ses dif­­fé­­rents types de clients, les lignes de pro­­duits/ser­­vices qu’elle devra déve­­lop­­

288
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

per, comme celles pour les­­quelles elle devra, au contraire, dura­­ble­­ment ou tem­­po­­rai­
­re­­ment, adop­­ter une posi­­tion de repli ;
––sur le « Où ? » : les pays ou les régions cibles qu’elle devra pri­­vi­­lé­­gier, de manière
tem­­po­­raire (sai­­sie d’oppor­­tu­­nité) ou plus per­­ma­­nente, en envi­­sa­­geant de s’y loca­­li­­
ser, tout en sélec­­tion­­nant les acti­­vi­­tés à y déve­­lop­­per de façon priori­­taire ;
––sur le « Quand ? » : en déci­­dant, soit d’adop­­ter un rythme rapide, en met­­tant à profit
ses avan­­tages compé­­titifs dans les domaines d’acti­­vi­­tés les plus immé­­dia­­te­­ment pro­
­met­­teurs, soit, au contraire, conso­­li­­der les acquis ;
––sur le « Comment ? » : en déter­­mi­­nant les modes d’entrée les plus appro­­priés comme
les évolutions de sa gouvernance, en fonc­­tion des réponses aux ques­­tions pré­­cé­­
dentes, dans l’espace de réfé­­rence/d’expan­­sion consi­­déré, et en envisageant leurs
évo­­lu­­tions pos­­sibles au cours des phases ulté­­rieures de son déve­­lop­­pe­­ment.

C’est au cours de cette étape de l’audit, que l’orga­­ni­­sa­­tion sera en mesure de pas­
s­ er de l’ana­­lyse à la déci­­sion, en recueillant les fruits de l’ana­­lyse externe des lignes
de force dans l’espace géo-­sectoriel qu’elle aura choisi de viser, tout en pre­­nant
bien en compte les carac­­té­­ris­­tiques de l’orga­­ni­­sa­­tion, telles qu’elles res­­sortent du
« modèle d’affaire inter­­na­­tional » qui aura été dégagé auparavant. Dès lors le diag­
­nos­­tic de ses atouts et han­­di­­caps, s’ins­­cri­­vant dans cet espace de réfé­­rence, comme
les contraintes et oppor­­tu­­ni­­tés res­­sor­­tant de l’ana­­lyse externe, ne devraient, en prin­
­cipe, mener qu’à un éven­­tail res­treint de choix, tout à la fois réa­­listes et sus­­cep­­tibles
d’être mis en œuvre sans dif­­fi­­cultés insur­­mon­­tables.

1.4  Mettre en œuvre la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion


En der­­nier lieu, ce seront les prin­­ci­­paux aspects de la mise en œuvre qui devront
être pré­­ci­­sés, dans le cadre des orien­­ta­­tions ainsi des­­si­­nées. Cette der­­nière phase
devrait conduire à iden­­ti­­fier les impli­­ca­­tions opé­­ra­­tion­­nelles pour les dif­­fé­­rentes
fonc­­tions direc­­te­­ment tou­­chées par les inflé­­chis­­se­­ments ou les trans­­for­­ma­­tions plus
pro­­fondes ainsi décidées. Il devient, dès lors, pos­­sible d’en tirer les consé­­quences,
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en termes d’adap­­ta­­tions plus fon­­da­­men­­tales et plus trans­­ver­­sales de ses pro­­ces­­sus et


de ses structures.

Exemple 5.4 – « L’osmose thaië » ou les impli­­ca­­tions multi­fonc­­tion­­nelles


d’une implan­­ta­­tion ex nihilo dans un nou­­vel espace d’expansion
Créer à par­­tir de rien une filiale de conseil en mar­­ke­­ting et en études de mar­­ché dans une
éco­­no­­mie asia­­tique comme la ThaÏlande, pré­­sen­­tant un large poten­­tiel d’expan­­sion natio­
­nal et régio­­nal comporte, à une grande dis­­tance géo­­gra­­phique et psy­­chique du siège euro­
­péen de l’orga­­ni­­sa­­tion, une fois la déci­­sion prise et les res­­sources internes mobi­­li­­sées une
grande diver­­sité d’impli­­ca­­tions. Ce qui va domi­­ner dans la pra­­tique, plus encore que la
décli­­nai­­son fonc­­tion­­nelle du choix de la crois­­sance orga­­nique, ce sont les aspects inter­
cultu­­rels et orga­­ni­­sa­­tion­­nels à envisager par le(s) res­­pon­­sable(s) en charge du pilo­­tage
d’une telle opé­­ra­­tion.

289
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

–– En amont du démar­­rage de l’acti­­vité, tout le pro­­ces­­sus de mise en place de l’implan­­


ta­­tion « en terre inconnue », sou­­lève,
––tout d’abord, des ques­­tions logis­­tiques (recherche de struc­­tures d’accueil, enre­­gis­­tre­
­ment de la filiale locale, ouver­­ture de comptes ban­­caires..)  ; les­­quelles peuvent
prendre des mois pour autant que les for­­ma­­li­­tés – le red tape- se révèle par­­ti­­cu­­liè­­re­
­ment contrai­­gnant ; ce qui est moins le cas en Thaïlande, pays ouvert de longue date
aux inves­­tis­­se­­ments directs étran­­ger que chez ses proches voi­­sins, comme le Vietnam
ou la Chine,
––ensuite et sur­­tout, des ques­­tions de recru­­te­­ment (ciblage des pro­­fils de col­­la­­bo­­ra­­teurs,
déter­­mi­­na­­tion des modes de remon­­tée des can­­di­­da­­tures, de la pro­­cé­­dure de sélec­­tion
et des cadres contrac­­tuels les plus appro­­priés ; en tenant compte de la culture et des
pra­­tiques locales, des usages du sec­­teur, de la situation du mar­­ché du tra­­vail et de la
légis­­la­­tion en vigueur.
–– Une fois lan­­cée l’acti­­vité locale, la recherche des clients et la satis­­faction de leurs
besoins, comme le mana­­ge­­ment des équipes engage à,
––repen­­ser l’offre de services de l’orga­­ni­­sa­­tion, en fonc­­tion du niveau de matu­­rité du
nou­­vel espace visé, tant en termes des besoins, de pro­­fils et de moti­­vations des pros­
­pects, de mode d’expres­­sion de la demande que de « déli­­vrance » de la pres­­ta­­tion ;
cela sup­­pose aussi de repen­­ser les moda­­li­­tés de col­­lecte comme de trai­­te­­ment de
l’infor­­ma­­tion, dans un contexte sou­­vent moins sophis­­ti­­qué que celui du pays d’ori­­
gine ;
––défi­­nir des régles de mana­­ge­­ment s’appli­­quant à des cadres juri­­diques et, sur­­tout,
cultu­­rels éga­­le­­ment dif­­fé­­rents – voire très dif­­fé­­rents – de ceux qui s’appliquent au
siège ; ce qui sup­­pose d’adop­­ter des modes de rela­­tion et d’orga­­ni­­sa­­tion qui en
seraient sen­­si­­ble­­ment éloi­­gnés ; ceci, sans pré­­ju­­dice de la néces­­saire confor­­mité aux
objec­­tifs et aux pro­­cé­­dures incontournables de l’orga­­ni­­sa­­tion.

La mise en œuvre d’une telle implan­­ta­­tion ex nihilo, compor­­tant des phases suc­­
ces­­sives bien dis­­tinctes, sup­­pose donc de mobi­­li­­ser les prin­­ci­­pales fonc­­tions – ici,
plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, logis­­tique, res­­sources humaines, mar­­ke­­ting...– de l’orga­­ni­­sa­­
tion qui en assure la mise en œuvre. Pour d’autres modes d’entrée – dis­­tri­­bu­­tion ou
sous-­traitance locale, créa­­tion de filiale ou d’entre­­prise conjointe commer­­ciale ou
indus­­trielle, fusion-­acquisition, pro­­jet d’infra­­struc­­ture…–, c’est le même type de
décom­­po­­si­­tion des opé­­ra­­tions décidées dans le cadre de la stra­­té­­gie, leur séquencement
et leur coor­­di­­na­­tion dans le temps et dans l’espace qui ren­­tre­­ront dans cette der­­nière
phase de la démarche.
Ainsi dis­­tin­­guées, ces phases suc­­ces­­sives per­­mettent de cou­­vrir l’ensemble du
pro­­ces­­sus pour un éven­­tail très large d’orga­­ni­­sa­­tions, ori­­gi­­naires de très nom­­
breux espaces d’ori­­gine et se déve­­lop­­pant dans une grande diver­­sité d’espaces de
réfé­­rence ou d’expan­­sion. Ce qui rend d’autant plus impor­­tant, au fil de ce pro­­
ces­­sus, d’obte­­nir et d’exploi­­ter toutes les don­­nées sus­­cep­­tibles d’être ras­­sem­­
blées.

290
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

2  La consti­­tution d’un sys­­tème de veille


ou d’« intel­­li­­gence éco­­no­­mique »

Sui­­vant de manière conti­­nue les inflé­­chis­­se­­ments de l’envi­­ron­­ne­­ment socio-éco­­no­


­ ique, politico-­réglementaire et tech­­no­­lo­­gique qui affectent l’acti­­vité de chaque
m
orga­­ni­­sa­­tion, ainsi que son envi­­ron­­ne­­ment concur­­ren­­tiel, la col­­lecte d’infor­­ma­­tions
et leur exploi­­ta­­tion, dans le cadre d’un sys­­tème de veille adapté à ses acti­­vi­­tés
comme à l’espace de réfé­­rence pri­­vi­­lé­­gié, contri­­buent de manière déter­­mi­­nante à sa
réus­­site. Elles apportent, à chaque niveau de l’ana­­lyse et de la déci­­sion, les élé­­ments
propres à les infor­­mer, de façon rapide et effi­­cace.
Elles peuvent aussi tirer parti des dif­­fé­­rentes inter­­ac­­tions entre l’orga­­ni­­sa­­tion et ses
dif­­fé­­rentes par­­ties pre­­nantes, pour mettre à jour les don­­nées indis­­pen­­sables, pour les
enri­­chir de nou­­veaux élé­­ments per­­met­­tant de renou­­ve­­ler le fond des ana­­lyses et des
syn­­thèses qu’ils informent et d’ouvrir à de nou­­velles perspec­­tives. nou­­velles orien­­
ta­­tions géo­­gra­­phiques, nou­­velles acti­­vi­­tés, nou­­veaux pro­­duits ou ser­­vices, sus­­cep­­
tibles de faire évo­­luer le modèle d’affaire inter­­na­­tional de manière posi­­tive.

2.1  L’iden­­ti­­fi­­cation des besoins d’infor­­ma­­tion par les organisations


Dans les cadre de leur pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, les sys­­tèmes de veille, que
mettent en place ou doivent mettre en place les orga­­ni­­sa­­tions, selon le contexte
cultu­­rel auquel elles se rat­­tachent1, asso­­cient dif­­fé­­rents types d’élé­­ments :
––les sources d’infor­­ma­­tions internes et externes ;
––les don­­nées qua­­li­­ta­­tives et quan­­ti­­tatives ;
––l’ana­­lyse sta­­tique et l’ana­­lyse dyna­­mique ;
––les infor­­ma­­tions secondaires et celles qui proviennent direc­­te­­ment du « ter­­rain »
(informations primaires) ;
––celles qui sont col­­lec­­tées en amont de la démarche de for­­mu­­la­­tion et celles qui
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sont appor­­tées, en aval, en retour d’expé­­rience de sa mise en œuvre.


L’exemple ci-­dessous de l’entre­­prise fic­­tive Sudelec, ins­­pi­­rée de dif­­fé­­rentes orga­­
ni­­sa­­tions opé­­rant dans le sec­­teur des biens d’équi­­pe­­ment per­­met de déga­­ger les
besoins d’infor­­ma­­tions liés à son acti­­vité et de sou­­le­­ver la ques­­tion de la struc­­tu­­ra­­
tion de son sys­­tème de veille.

1.  Ces élé­­ments peuvent, en effet varier très sen­­si­­ble­­ment d’une culture à l’autre. Les cultures à contexte faible
(Hall, 76) vont davan­­tage recher­­cher des infor­­ma­­tions quan­­ti­­tatives (étude de mar­­ché, bilan…), alors que les
cultures à contexte fort vont s’orien­­ter vers des élé­­ments plus qua­­li­­ta­­tifs (répu­­ta­­tion du par­­te­­naire poten­­tiel, qua­­lité
de son réseau …).
En par­­ti­­cu­­lier, les cultures col­­lec­­ti­­vistes ont ten­­dance à obte­­nir ces infor­­ma­­tions par le biais de réseaux (ex. : les
guanxi en Chine), alors que les cultures indi­­vi­­dua­­listes ont davan­­tage recours à des sources for­­melles.
Voir Rouach D. La veille tech­­no­­lo­­gique et l’intel­­li­­gence éco­­no­­mique, coll. QSJ, PUF, 3e édi­­tion, 2005.

291
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Exemple 5.5 – Sudelec


Dans cette entre­­prise de fabri­­ca­­tion d’équi­­pe­­ments élec­­triques, plu­­sieurs types d’offres
peuvent être dis­­tin­­gués, à l’inter­­na­­tional, combi­­nant nature des maté­­riels et caté­­go­­ries de
clien­­tèle :
–– l’essen­­tiel du chiffre d’affaires (90 %) est repré­­senté par les cen­­trales moyenne puis­­
sance (équi­­pe­­ments auxi­­liaires), des­­ti­­nées aux pro­­duc­­teurs-dis­­tri­­bu­­teurs d’élec­­tri­­cité
dans le cadre de réseaux publics (utilities) ;
–– mais d’autres oppor­­tu­­ni­­tés (élé­­ments de lignes et sta­­tions, cen­­trales die­­sel de petite
puis­­sance), plus ciblées, sont des­­ti­­nées à cer­­taines infra­­struc­­tures (tun­­nels, aéro­­ports,
etc.), ou à des appli­­ca­­tions plus spé­­ci­­fiques à l’écart des réseaux de dis­­tri­­bu­­tion (équi­
­pe­­ment des zones iso­­lées, comme les îles) ou sou­­mises à des contraintes tech­­niques
par­­ti­­cu­­lières (infra­­struc­­tures dédiées à des usines).
Cette der­­nière caté­­go­­rie d’opé­­ra­­tions, orien­­tée essen­­tiel­­le­­ment vers des clients pri­­vés,
per­­met­­trait à Sudelec d’inter­­ve­­nir en tant que contrac­­tant prin­­ci­­pal, en fai­­sant jouer les
syner­­gies commer­­ciales et tech­­niques entre dépar­­te­­ments (comme celui des automatis-
mes)  ; ce qui valo­­ri­­se­­rait, du même coup, son offre. Mais l’orga­­ni­­sa­­tion interne de
l’entre­­prise, par centres de pro­­fits, n’encou­­rage guère la cir­­cu­­la­­tion de l’infor­­ma­­tion et la
coopé­­ra­­tion entre dépar­­te­­ments.
L’essen­­tiel du chiffre reste donc réa­­lisé en utilities, dépen­­dant de garan­­ties et de finan­­ce­
­ments fran­­çais, même si les opé­­ra­­tions sor­­tant de ce champ offrent de réelles perspec­­tives
de pro­­fit.
Le ser­­vice mar­­ke­­ting du dépar­­te­­ment «  Pro­­jets inter­­na­­tionaux  » a déjà mené diverses
études sur les oppor­­tu­­ni­­tés à l’étran­­ger, ras­­sem­­blant de nom­­breux docu­­ments, d’ori­­gines
variées, sou­­vent impré­­cis ou même contra­­dic­­toires.
Parmi ces oppor­­tu­­ni­­tés, les pays de l’OCDE ont été lais­­sés de côté (l’avan­­tage tech­­nique
de Sudelec y paraît limité). Les pays d’Europe de l’Est, récents adhé­­rents à l’Union euro­
­péenne sont, en revanche, sui­­vis de près, tan­­dis que l’Afrique, qui a renoué avec une
crois­­sance modé­­rée et béné­­fi­­cie de cer­­taines sub­­ven­­tions de la part des orga­­nismes multi­
gou­­ver­­ne­­men­­taux1 et des orga­­nismes d’aide bilatérale2, demeure une cible, alors que
l’Asie en expan­­sion semble offrir un poten­­tiel plus impor­­tant, à la fois public et privé.
En dehors des liens habi­­tuels avec EDF et l’Agence Fran­­çaise de Déve­­lop­­pe­­ment3,
d’autres rela­­tions ont été explo­­rées, comme les banques, les socié­­tés d’ingé­­nie­­rie, les
maîtres d’œuvre de grands pro­­jets à l’étran­­ger ou les indus­­triels préqua­­li­­fiés par les
grands clients poten­­tiels des zones cibles.
De nou­­velles sources de finan­­ce­­ment ont été pro­­gres­­si­­ve­­ment repé­­rées ainsi que de nou­
­veaux sup­­ports juri­­diques… Il appa­­raît donc néces­­saire de conce­­voir un nou­­veau mode
d’orga­­ni­­sa­­tion pour tirer le meilleur parti de ces efforts et « pous­­ser » les pro­­jets inter­­na­
­tionaux.
Se pose, dès lors, pour Sudelec des ques­­tions concer­­nant :

1.  Banque Mon­­diale, Banque Afri­­caine de Déve­­lop­­pe­­ment.


2.  Cf. aide fran­­çaise au déve­­lop­­pe­­ment.
3.  Ins­­ti­­tution finan­­cière pla­­cée sous la tutelle de dif­­fé­­rents ministères (ministère de l’Éco­­no­­mie et des Finances,
minis­­tère des Affaires Étran­­gères, finan­­çant des pro­­jets de déve­­lop­­pe­­ment dans les dépar­­te­­ment et ter­­ri­­toires
d’outre-­mer, dans de nom­­breux pays émergents et joue, à ce titre, un rôle pivot dans le dis­­po­­si­­tif fran­­çais d’aide
publique eu déve­­lop­­pe­­ment.

292
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

–– le repé­­rage des gise­­ments d’affaires inter­­na­­tionaux les plus pro­­met­­teurs et de son posi­
­tion­­ne­­ment par rap­­port à la concur­­rence ;
–– le mode d’orga­­ni­­sa­­tion per­­met­­tant de « trai­­ter » l’infor­­ma­­tion de manière plus effi­­cace
et de coor­­don­­ner l’exploi­­ta­­tion des sources internes et externes ;
–– sur un plan plus large, le rôle des « per­­son­­nels clés » (ingé­­nieurs d’affaires, res­­pon­­
sables pro­­duits, ges­­tion­­naires de pro­­jets) appar­­te­­nant, non seule­­ment au dépar­­te­­ment
«  Pro­­jets inter­­na­­tionaux  », mais éga­­le­­ment aux autres dépar­­te­­ments de l’entre­­prise,
direc­­te­­ment ou indi­­rec­­te­­ment concer­­nés par ces oppor­­tu­­ni­­tés.

Dans un cas comme celui-­ci, la mise en place d’un sys­­tème de veille pro­­cède à la fois
d’une démarche de base, appli­­cable à la plu­­part des indus­­tries et des sec­­teurs, et d’un
besoin d’adap­­ta­­tion aux spé­­ci­­fici­­tés de ce domaine des équi­­pe­­ments industriels :
––d’un point de vue géné­­ral, le sys­­tème de veille doit se rat­­ta­­cher le plus pos­­sible à
la suc­­ces­­sion des phases du pro­­ces­­sus1 qui le fait appa­­raître comme une res­­source
per­­ma­­nente, au fil des besoins néces­­saires à la réflexion et aux choix d’inter­­na­­
tiona­­li­­sation, fai­­sant simul­­ta­­né­­ment appel aux don­­nées secondaires et au ter­­rain,
aux sources d’infor­­ma­­tions internes et externes et à une inter­­ac­­tion constante entre
l’amont et l’aval, l’expé­­rience et l’anti­­ci­­pation ;
––d’un point de vue par­­ti­­cu­­lier, il s’attache à sélec­­tion­­ner les sources en fonc­­tion des
spé­­ci­­fici­­tés de l’indus­­trie, du sec­­teur ou de l’acti­­vité, tenant compte du degré de
globalisation, des types de clien­­tèle, des finan­­ce­­ments acces­­sibles, etc., pour cana­
­li­­ser, à chaque étape du pro­­ces­­sus, les infor­­ma­­tions en fonc­­tion des besoins per­­çus
par les dif­­fé­­rents res­­pon­­sables en interne.

c Repère 5.1
Besoins et uti­­li­­sation de l’infor­­ma­­tion aux dif­­fé­­rents stades
du pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
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1. Prise en compte des constantes stra­­té­­giques de l’entre­­prise : analyse interne (orien­­


ta­­tions d’ensemble, iden­­ti­­fi­­cation des constantes stra­­té­­giques)/inter­­ac­­tion avec les
acteurs clés.
2. Iden­­ti­­fi­­cation des oppor­­tu­­ni­­tés inter­­na­­tionales : indicateurs simples et per­­ti­­nents du
poten­­tiel et de l’acces­­si­­bi­­lité des loca­­li­­sa­­tions poten­­tielles (étude explo­­ra­­toire
interne/externe).
3. Diag­­nos­­tic inter­­na­­tional de l’entre­­prise  : analyse des don­­nées internes sur l’entre­­
prise et sur sa capa­­cité à se déve­­lop­­per à l’inter­­na­­tional.
4. Défi­­ni­­tion de la Stra­­té­­gie d’Inter­­na­­tiona­­li­­sation (SDI) : croisement des don­­nées pré­­
cé­­dentes.

1.  Cf. figure5.2 « Les prin­­ci­­pales étapes de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (Adap­­ta­­tion du pro­­ces­­sus à l’approche
pro­­jet) »

293
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


5. Déter­­mi­­na­­tion des loca­­li­­sa­­tions cibles : approfondissement de l’étude explo­­ra­­toire
+ étude ter­­rain.
6. Choix du/des mode(s) de pré­­sence : approfondissement de l’étude explo­­ra­­toire +
étude ter­­rain.
7. Prise en compte opé­­ra­­tion­­nelle des contraintes de mise en œuvre : étude ter­­rain +
éva­­lua­­tion/recherche des res­­sources internes/externes requises.
8. Pla­­ni­­fi­­ca­­tion, réa­­li­­sa­­tion et coor­­di­­na­­tion : mise en forme/mise en œuvre du pro­­
gramme (busi­­ness plan).
9. Suivi et contrôle : données ter­­rain + actua­­li­­sa­­tion des don­­nées pré­­cé­­dem­­ment col­
­lec­­tées.
10. Redé­­fi­­ni­­tion/adap­­ta­­tion : bil­an des résul­­tats + don­­nées ter­­rain ; prise en compte des
autres infor­­ma­­tions internes/externes.

2.2  La struc­­tu­­ra­­tion du sys­­tème de veille :


Ainsi, pour Sudelec, dont l’acti­­vité se déve­­loppe sur plu­­sieurs conti­­nents, il
convien­­dra, tout d’abord, de por­­ter une atten­­tion par­­ti­­cu­­lière, à tra­­vers une col­­lecte
sélec­­tive de don­­nées et la consti­­tution d’un réseau d’inter­­lo­­cuteurs réguliers
(cf. figure 5.3) :
• Sur le plan externe :
–– aux orga­­nismes natio­­naux et inter­­na­­tionaux de finan­­ce­­ment, en éta­­blis­­sant des
rela­­tions directes avec les plus impor­­tants d’entre eux et par l’inter­­mé­­diaire des
éta­­blis­­se­­ments ban­­caires et finan­­ciers, afin d’orien­­ter les approches commer­­
ciales et tech­­niques vers des demandes sol­­vables et/ou béné­­fi­­ciant d’un sou­­tien
finan­­cier cré­­dible ;
–– aux ensem­­bliers et grandes socié­­tés d’ingé­­nie­­rie, sus­­cep­­tibles de les asso­­cier à
leurs pro­­po­­si­­tions dans le cadre d’appels d’offres inter­­na­­tionaux, ainsi qu’aux
sous-trai­­tants habi­­tuels qui peuvent, les uns et les autres, recueillir des infor­­ma­
­tions sur les oppor­­tu­­ni­­tés d’affaires ;
–– aux commen­­taires de divers experts pro­­fes­­sion­­nels, pres­­crip­­teurs ins­­ti­­tution­­
nels, spé­­cia­­listes des acti­­vi­­tés consi­­dé­­rées, et aux ini­­tiatives des concur­­rents,
repé­­rables lors de la consul­­ta­­tion régu­­lière des publi­­ca­­tions spé­­cia­­li­­sées et,
entre autres, la fré­­quen­­ta­­tion des salons et col­­loques pro­­fes­­sion­­nels, à carac­­tère
natio­­nal et inter­­na­­tional ;
–– aux remarques et réac­­tions des pres­­tataires de ser­­vices – tran­­si­­taires, trans­­por­­
teurs, assu­­reurs, etc. – sou­­vent bons connais­­seurs de cer­­taines loca­­li­­sa­­tions et/
ou de cer­­tains domaines d’acti­­vité, qui dis­­posent en per­­ma­­nence de pré­­ci­­sions
sur les condi­­tions d’accès à un cer­­tain nombre de contextes locaux ou sur les
dif­­fi­­cultés ren­­contrées par telle ou telle caté­­go­­rie d’entre­­prises ; ces élé­­ments se
révèlent pré­­cieux lors de la mise en œuvre d’opé­­ra­­tions, ou même, préa­­la­­ble­­
ment, à de nou­­veaux enga­­ge­­ments vis-à-vis de zones ou de seg­­ments de clients
peu fami­­liers.

294
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

Structuration d’un système de veille


l’exemple de Sudelec

Sources
Sources
domestiques/nationales :
opérationnelles
Organismes support
Responsables géographiques
(assureurs, banques,
Responsables lignes de produits
transitaires, transporteurs, )
Responsables de projets
prescripteurs/correspondants
Intermédiaires/agents
sociétés d’ingénierie

Animation
Collecte des de la veille : Analyse
données financières Intégration des techno et Marketing
sources commerciales, de la concurrence
sources sources
externes politico-réglementaires Suivi risques et opportunités
documentaires internes
économiques et sociales et des réseaux Retour sur la faisabilité
technologiques internes/externes et la mise en œuvre

Identification des
Sources
Sources opportunités
Détermination fonctionnelles
locales/internationales : menaces
des projets Services financiers
Institutions multi
clibles Évaluation/ et comptables
gouvernementales, bi latérales
sélection des Servce juridique
Prescripteurs, correspondants, Élaboration/ appels d’offres Service après
cocontractants, concurrents optimisation des vente/maintenance
Leaders d’opinion offres gagnantes
Journalistes, experts Négociation
finalisation des
Suivi/contrôle contrats
d’ensemble
et par contrat Réajustement
Adaptation du
processus

Jean-Paul Lemaire
Figure 5.3 – Struc­­tu­­ra­­tion du Sys­­tème de veille inter­­na­­tional

• Sur le plan interne, on s’attachera plus particulièrement à Sudelec :


–– aux res­­pon­­sables des autres dépar­­te­­ments/centres de pro­­fit de l’orga­­ni­­sa­­tion,
dont les clients et four­­nis­­seurs se situent dans les mêmes sec­­teurs et qui dis­­posent
d’infor­­ma­­tions complé­­men­­taires ou contra­­dic­­toires ; le rap­­pro­­che­­ment avec celles
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que l’on pos­­sède devrait per­­mettre de cer­­ner plus pré­­ci­­sé­­ment les besoins du pros­
­pect et/ou de faire conjoin­­te­­ment des pro­­po­­si­­tions tech­­niques, commer­­ciales ou
finan­­cières plus attrayantes, en fai­­sant jouer, de manière ori­­gi­­nale par rap­­port aux
concur­­rents, les syner­­gies internes exis­­tantes ou poten­­tielles ;
–– aux ser­­vices tech­­niques – pro­­duc­­tion, logis­­tique, achats/appro­­vi­­sion­­ne­­ments,
etc. –, en contact avec d’autres niveaux de la struc­­ture des clients, et qui sont
donc en mesure de sug­­gé­­rer une modi­­fi­­ca­­tion de l’approche rete­­nue, de sus­­ci­­ter
des pro­­po­­si­­tions issues de leur propre per­­cep­­tion des besoins, d’atti­­rer l’atten­­
tion sur l’impor­­tance de tel ou tel pres­­crip­­teur ou de telle ou telle démarche,
jus­­qu’alors négli­­gés ;
–– aux ser­­vices fonc­­tion­­nels – finan­­ciers, juri­­diques, fis­­caux, etc. – qui peuvent se
révé­­ler de très bons relais internes de veille vis-­à-vis des sources externes, en
col­­lec­­tant, dans la perspec­­tive du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­

295
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

tion, dans leurs champs res­­pec­­tifs de compé­­tence et d’inté­­rêt, des indi­­ca­­tions


propres à enri­­chir les offres, à pré­­ve­­nir cer­­tains risques, voire à ins­­pi­­rer de nou­
­veaux axes de pros­­pec­­tion ;
–– aux relais commer­­ciaux et opé­­ra­­tion­­nels divers dont dis­­pose l’orga­­ni­­sa­­tion au
contact des clients et pros­­pects, en par­­ti­­cu­­lier, les agents, dont c’est le rôle
essen­­tiel, mais avec les­­quels l’inter­­ac­­tion et l’infor­­ma­­tion mutuelle sont un
gage de plus grande pro­­duc­­ti­­vité, ainsi que les repré­­sen­­tants du ser­­vice après-
vente qui éta­­blissent, sur place, des rela­­tions dans la durée et consti­­tuent des
points d’obser­­va­­tion pri­­vi­­lé­­giés pour l’amont de la chaîne de valeur.
En dehors du rôle essen­­tiel que repré­­sente le « réseau » interne/externe de l’orga­
n­ i­­sa­­tion, cana­­li­­sant les infor­­ma­­tions secondaires et pri­­maires, c’est le choix des axes
de col­­lecte, d’ana­­lyse, puis de syn­­thèse de celles-ci, qui doit être déter­­miné. Deux
approches peuvent être rete­­nues : l’approche sys­­té­­ma­­tique et l’approche sélec­­tive ou
foca­­li­­sée.
L’approche sys­­té­­ma­­tique peut s’appuyer sur le modèle PREST, en met­­tant en
œuvre les outils de l’ana­­lyse concur­­ren­­tielle ou sec­­to­­rielle, pour consti­­tuer une base
de don­­nées constam­­ment remise à jour de deux manières :
––rete­­nir tous les élé­­ments de l’envi­­ron­­ne­­ment externe à l’indus­­trie, au sec­­teur ou à
l’acti­­vité, propres à en affec­­ter le développement, au niveau politico-réglementaire,
socioéco­­no­­mique et tech­­no­­lo­­gique ; ces élé­­ments peuvent, cha­­cun, dans un pre­­
mier temps, ser­­vir à regrou­­per les don­­nées recueillies, avant de contri­­buer, dans un
second temps, à déga­­ger les phé­­no­­mènes à prendre en compte aux dif­­fé­­rentes
étapes du pro­­ces­­sus ;
––croi­­ser ces élé­­ments avec les don­­nées internes au sec­­teur, pour faire res­­sor­­tir, à
tout moment, les enjeux concur­­ren­­tiels, déter­­mi­­nés par la stra­­té­­gie des acteurs ou
groupes d’acteurs, et faci­­li­­ter, pour l’entre­­prise, ses choix de posi­­tion­­ne­­ment, ses
voies de riposte, la déter­­mi­­na­­tion des nou­­velles orientations de son déve­­lop­­pe­­
ment, mais aussi la révi­­sion de ses pro­­cé­­dures fonc­­tion­­nelles et, éven­­tuel­­le­­ment,
de ses modes d’orga­­ni­­sa­­tion.
L’approche foca­­li­­sée, quant à elle, ne consti­­tue pas une alter­­na­­tive à la pré­­cé­­dente.
Elle peut s’envi­­sa­­ger paral­­lè­­le­­ment ou en consti­­tuer l’abou­­tis­­se­­ment :
• Certaines entre­­prises appar­­te­­nant à des sec­­teurs de biens de consom­­ma­­tion, dans
des domaines moins complexes que les biens d’équi­­pe­­ment, et s’inté­­grant à des
filières moins compo­­sites, peuvent consi­­dé­­rer très vite que cer­­tains indi­­ca­­teurs
clés, à carac­­tère socio-éco­­no­­mique (cf. exemple 5.6) suf­­fisent à l’orien­­ta­­tion
domes­­tique et inter­­na­­tionale de leurs dif­­fé­­rentes déci­­sions de déve­­lop­­pe­­ment.
• D’autres, dans des sec­­teurs moins tri­­bu­­taires des régle­­men­­ta­­tions natio­­nales ou
supra­­na­­tionales (comme les four­­ni­­tures de bureau), ou orien­­tées vers des clien­­tèles
plus stables (comme l’assu­­rance-dom­­mage), ou encore, moins sen­­sibles aux muta­
­tions tech­­no­­lo­­giques (comme la res­­tau­­ra­­tion de pres­­tige), vont tout natu­­rel­­le­­ment,
par voie de sim­­pli­­fi­­ca­­tion, éga­­le­­ment res­treindre les champs d’inves­­ti­­gation de

296
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

leur sys­­tème de veille pour se concen­­trer sur les sources de chan­­ge­­ment, qu’il
s’agisse de la mode et de ses déter­­mi­­nants1, des ten­­dances cultu­­relles lourdes, des
nou­­veaux modes de dis­­tri­­bu­­tion, etc.

Exemple 5.6 – Les trois « fenêtres » de Lafuma2


Au tour­­nant des années 90, l’ani­­ma­­teur d’alors de cette PME rhône-alpine, spé­­cia­­liste des
sacs à dos et du maté­­riel de cam­­ping, posi­­tion­­née tra­­di­­tion­­nel­­le­­ment sur le mar­­ché de la
ran­­don­­née et du plein air, l’outdoor, évo­­quait ainsi la mise en place d’un pre­­mier sys­­tème
de veille, : « Il n’y avait pas encore de fonc­­tion veille bien défi­­nie dans l’entre­­prise. Cha­
­cun fonc­­tion­­nait sur la base de son feeling ou de ses notes per­­son­­nelles. J’ai donc
demandé à une société de conseil de recen­­ser les sources d’infor­­ma­­tion et d’en orga­­ni­­ser
la remon­­tée. »
Dans un pre­­mier temps, sui­­vant les conclu­­sions de cette inter­­ven­­tion, un dis­­po­­si­­tif a été
mis en place : revues spé­­cia­­li­­sées, accès à une banque de don­­nées, orga­­ni­­sa­­tion de cir­­
cuits d’infor­­ma­­tion internes et foca­­li­­sa­­tion de l’obser­­va­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment autour de
plu­­sieurs concepts clés (« ergo­­no­­mie », « cli­­mat », « dos », « cou­­chage »).
Le sys­­tème a ensuite évo­­lué, uti­­li­­sant trois « fenêtres » pri­­vi­­lé­­giées pour sur­­veiller l’envi­
­ron­­ne­­ment :
–– pre­­mière « fenêtre » : l’iden­­ti­­fi­­cation sys­­té­­ma­­tique, dans le monde entier, de tous les
dépôts de bre­­vets sus­­cep­­tibles d’inté­­res­­ser l’acti­­vité de l’entre­­prise ;
–– deuxième « fenêtre » : le suivi per­­manent de la concur­­rence par les membres du comité
de direc­­tion, à tra­­vers un échange per­­manent des infor­­ma­­tions col­­lec­­tées  : comptes
ren­­dus de salons, de ren­­contres avec les four­­nis­­seurs, ana­­lyses de presse… et une
confron­­ta­­tion régu­­lière des réflexions de cha­­cun ;
–– troi­­sième « fenêtre » : la créa­­tion d’un « obser­­va­­toire de l’air du temps », base de don­
­nées orien­­tée vers la détec­­tion des ten­­dances socio-cultu­­relles, se concré­­ti­­sant d’une
part par la mise à jour per­­ma­­nente de « clas­­seurs » de ten­­dance (pro­­duits, colo­­ris et
concepts) et d’autre part, par le suivi d’un cer­­tain nombre d’indi­­ca­­teurs du chan­­ge­­ment
« sociétal » (entre­­prises phares, lea­­ders d’opi­­nions, modes, etc.).
Résul­­tat : une reconquête des mar­­chés tra­­di­­tion­­nels et de la noto­­riété de la marque, une
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diver­­si­­fi­­ca­­tion sur le mar­­ché des sacs d’éco­­lier et du vête­­ment et l’intro­­duc­­tion en bourse


de la firme, en 1997. En dépit des hauts et des bas, bien maî­­tri­­sés à partir de la crise de
2008, le por­­te­­feuille de marques, fruit des acqui­­si­­tions suc­­ces­­sives, notam­­ment dans les
sec­­teurs connexes s’est enri­­chi. Le groupe a pro­­gressé, pour réa­­li­­ser un chiffre d’affaires
de 250 mil­­lions d’euros en 2010-2011, avec une diver­­sité de marques qui attestent de sa
vita­­lité et de l’atten­­tion qu’il ne cesse de por­­ter à son envi­­ron­­ne­­ment3.

1.  Voir exemple 1.1 « Zara ou l’innovation motrice et l’amé­­lio­­ra­­tion per­­ma­­nente de la chaîne de valeur inter­­na­
­tionale ».
2.  Adapté de : M. Roland, « Lafuma à l’affût du mar­­ché », La Tri­­bune Desfossés, 4 décembre 1992 ; Actua­­li­­sa­
t­ion : M. G. Lemaire, I.C. Bourse 2003, B. Leblanc « Le mar­­ché fran­­çais est fon­­da­­men­­tal pour déve­­lop­­per Lafuma »
[archive] L’Usine Nou­­velle, 3 décembre 2010 ; D. Rouach, « Cas Lafuma », in : La veille tech­­no­­lo­­gique et l’intel­­
li­­gence éco­­no­­mique, Que Sais-­je ?, PUF, 1996.
3.  Le chiffre d’affaires du groupe se répar­­tit désor­­mais entre Lafuma (44,1 %), Oxbow (28,2 %), Millet (16,3 %)
et Le Cha­­meau (11,4 %).

297
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Tout en conti­­nuant à réa­­li­­ser plus de 60  % de son chiffre d’affaires en France, où le


groupe exploite quatre sites de pro­­duc­­tion, il fabrique éga­­le­­ment en Hongrie, en Tunisie,
au Maroc, et en Chine, où il est désor­­mais très bien placé pour obser­­ver un mar­­ché qui
pour­­rait consti­­tuer à l’ave­­nir l’un de ses prin­­ci­­paux relais de crois­­sance.
Il reste que, dans « l’outdoor », les seules perspec­­tives à terme reposent sur le rap­­pro­­che­
­ment avec d’autres sec­­teurs. C’est semble-t-il la voie sur laquelle le groupe s’est engagé
puis qu’il en a d’ores et déjà iden­­ti­­fié un cer­­tain nombre, ayant déjà réa­­lisé une appré­­
ciable diver­­si­­fi­­ca­­tion, que tra­­duit la répar­­tition de son chiffre d’affaires par famille de
pro­­duits1

Res­­tera à exploi­­ter et à ani­­mer le sys­­tème de veille, à plu­­sieurs niveaux :


––en le fai­­sant évo­­luer en per­­ma­­nence, par le rap­­pro­­che­­ment des centres d’inté­­rêt
(demande d’infor­­ma­­tions) et des res­­sources dis­­po­­nibles, for­­ma­­li­­sées ou non (offre
d’infor­­ma­­tions), et par la déter­­mi­­na­­tion, d’un commun accord avec les prin­­ci­­paux
inté­­res­­sés, en interne – appor­­teurs et uti­­li­­sa­­teurs d’infor­­ma­­tions –, sur les axes pri­
­vi­­lé­­giés de col­­lecte, comme sur les moda­­li­­tés d’uti­­li­­sation ;
––en enri­­chis­­sant – cor­­ri­­geant, complé­­tant – de manière inter­­ac­­tive ses bases de don­
­nées, en dis­­tin­­guant les niveaux d’inter­­ven­­tion des dif­­fé­­rents per­­son­­nels impli­­
qués  ; les contri­­bu­­tions de cha­­cun déter­­mi­­nant une capi­­ta­­li­­sa­­tion pro­­gres­­sive et
une véri­­fi­­ca­­tion per­­ma­­nente de ces don­­nées accu­­mu­­lées ; en béné­­fi­­ciant aussi des
retours d’infor­­ma­­tions en pro­­ve­­nance du ter­­rain, aussi bien en amont qu’en aval
du pro­­ces­­sus ;
––en assu­­rant la régu­­la­­tion et l’explo­­ra­­tion de nou­­velles voies d’inves­­ti­­gation, en
s’appuyant sur une cel­­lule interne de coor­­di­­na­­tion et de recherche, ou sur les ser­­
vices de pres­­tataires externes.
L’exploi­­ta­­tion et l’adap­­ta­­tion pro­­gres­­sive du sys­­tème de veille, ainsi défini, per­­
mettent, au fil du dérou­­le­­ment du pro­­ces­­sus d’audit, non seule­­ment l’iden­­ti­­fi­­cation
des oppor­­tu­­ni­­tés (screening) – allant de leur détec­­tion à leur pre­­mier tri –, mais,
éga­­le­­ment, la sélec­­tion des mar­­chés cibles, tout en appor­­tant des éclai­­rages utiles,
en termes de contacts, d’expé­­riences et de méthodes, lors de la déter­­mi­­na­­tion des
modes de pré­­sence et de la mise en œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
Le sys­­tème de veille sera aussi for­­te­­ment déter­­miné – dans son orien­­ta­­tion, et dans
sa struc­­tu­­ra­­tion – par les « fina­­li­­tés » les plus per­­ma­­nentes de l’orga­­ni­­sa­­tion, telles
que les tra­­duit son modèle d’affaire inter­­na­­tional. Elles seront mieux à même d’évo­
­luer au fil du temps pour tenir compte des élé­­ments essen­­tiels sur les­­quels il devra
pro­­gres­­si­­ve­­ment et constam­­ment se redé­­fi­­nir.

1.  Vêtements (62,5 %) ; sacs, acces­­soires et équi­­pe­­ments (12 %) : sacs à dos, sacs de cou­­chage, cou­­ver­­tures,
porte-­billets, cordes de mon­­tagne, pous­­settes, etc. ; chaus­­sures et bottes (13,1 %) ;mobi­­lier de cam­­ping (12,4 %) :
fau­­teuils pliants, chaises, tables, etc.

298
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

Du « modèle d’affaire » inter­­na­­tional


Section
2 aux pro­­blé­­ma­­tiques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
et à la déter­­mi­­na­­tion de l’espace de réfé­­rence
L’ana­­lyse du « modèle d’affaire » inter­­na­­tional per­­met, en intro­­duc­­tion à l’audit
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, de mettre en évi­­dence dans une perspec­­tive dyna­­mique les
carac­­té­­ris­­tiques essen­­tielles, tan­­gibles et intan­­gibles, de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée.
Il s’agira d’en faire res­­sor­­tir les dif­­fé­­rentes dimen­­sions – éco­­no­­miques, tech­­niques,
sociales et sociétales, juridico-­financières – tout en re­situant les prin­­ci­­pales étapes
et les moments clés de son déve­­lop­­pe­­ment.
À par­­tir de cette pre­­mière pré­­sen­­ta­­tion de l’orga­­ni­­sa­­tion, pourra se déga­­ger plus
clai­­re­­ment la logique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qu’elle a suivie et est en mesure de
suivre dans le futur, comme les pro­­blé­­ma­­tiques aux­­quelles elle est confron­­tée dans
toutes ou cer­­taines des zones où elle est enga­­gée.
Un cer­­tain nombre d’élé­­ments concer­­nant l’orga­­ni­­sa­­tion seront à rete­­nir, qui per­
­met­­tront, en syn­­thèse, de sta­­tuer sur les pro­­blé­­ma­­tiques inter­­na­­tionales qu’elle aura
à pri­­vi­­lé­­gier dans l’ensemble de son espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion (approche
« tous azi­­muts » ou outbound) ou dans telle ou telle zone sur laquelle elle a choisi
de se concen­­trer (approche « foca­­li­­sée » ou inbound) 1.
Les dimen­­sions qui défi­­nissent le modèle d’affaire inter­­na­­tional asso­­cient des élé­
­ ents tan­­gibles et intan­­gibles, sta­­tiques et dyna­­miques, sug­­gé­­rant par­­fois de façon
m
très claire, par­­fois plus en demi-teinte, le type d’orien­­ta­­tion qu’elle est en mesure de
choi­­sir. Ce qui pourra dépendre de l’atti­­tude qu’elle aura vis-­à-vis de l’incer­­ti­­tude
ou de l’expé­­rience inter­­na­­tionale dont elle disposera ou qu’elle pourra mobi­­li­­ser à
par­­tir du réseau auquel elle aura accès2.
Ces dif­­fé­­rents élé­­ments per­­mettent aussi de faire res­­sor­­tir ce qui impulse la dyna­
­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion, ses atouts tan­­gibles, plus ou moins
mesu­­rables (taille, res­­sources et résul­­tats financièrs, parts de mar­­ché, mais aussi
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avan­­tages compé­­titifs, réseaux…), comme d’autres plus intan­­gibles (vision, valeurs,


culture orga­­ni­­sa­­tion­­nelle tour­­née résolument vers l’exté­­rieur…), repo­­sant le plus
sou­­vent sur une his­­toire, le lea­­der­­ship d’un diri­­geant cha­­ris­­ma­­tique, la per­­ma­­nence
d’un « esprit de famille »…

1.  Voir chapitre 1, sec­­tion 3, défi­­ni­­tion des approches « foca­­li­­sée »/ « tous azi­­muts » et inbound/outbound
2.  Dans la perspec­­tive du modèle Uppsala 2, voir Cha­­pitre 4, Repère 4.5. « D’uppsala 1 à Uppsala 2 ».

299
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Quelle sera l’attitude de l’organisation


vis-à-vis de l’ouverture internationale ?

ESPACE DÉ CLOISONNEMENT ESPACE


D’EXPANSION DE L’ENVIRONNEMENT
INTERNATIONAL D’EXPANSION

ESPACE DE ESPACE DE
REFERENCE INITIAL REFERENCE INITIAL

Organisation
« exposée » Organisation
« engagée »

Stratégie Stratégie
d’internationalisation d’internationalisation
Réactive Pro active

J.-P. Lemaire

Figure 5.4 – Orga­­ni­­sa­­tion réac­­tive ou pro active face


à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale ?

C’est la combi­­nai­­son de ces élé­­ments qui va déter­­mi­­ner, à un moment donné et,


par­­fois, sur la longue période, la domi­­nante « réac­­tive » ou « pro active » de l’atti­­
tude de chaque orga­­ni­­sa­­tion face à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale. Cha­­cune la per­­ce­­vra
plu­­tôt comme une oppor­­tu­­nité ou, plu­­tôt, comme une menace, mani­­fes­­tant son esprit
de conquête ou, au contraire, sa ten­­dance au repli, au-­delà ou en deçà de son espace
de réfé­­rence d’ori­­gine, face à une concur­­rence qui la domi­­nera ou sur laquelle elle
cher­­chera de manière déter­­mi­­née à prendre le meilleur.

1  Les dif­­fé­­rentes dimen­­sions


du « modèle d’affaire inter­­na­­tional »

C’est cette dyna­­mique propre à l’orga­­ni­­sa­­tion qu’il sera néces­­saire d’appré­­hen­­der


pour déter­­mi­­ner le champ des pos­­sibles, après avoir fait le par­­tage, dans son
« modèle d’affaires inter­­na­­tional », entre les quatre dimen­­sions qui en des­­sinent les
contours, en se réfé­­rant à ses dif­­fé­­rentes dimen­­sions  : economiques, tech­­niques,
juridico-­financières, sociales et sociétales :

300
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

Les différentes dimensions


du modèle d’affaires international

Des activités,
des implantations,
des clientèles et des fournisseurs
domestiques/internationaux
Ë Modèle économique

Une capacité d’innovation Le modèle Des équipes,


des moyens de production, nationales/multi culturelles
d’affaire international des parties prenantes, des valeurs,
des savoir-faire, des process,
de l’organisation une culture organisationnelle
une supply chain optimisée
à auditer Modèle social / sociétal
Ë Modèle technique Ë

Des ressources,
une prise en compte des risques,
des besoins financiers, assumés
en lien avec les actionnaires
Ë Modèle juridico-financier

J.-P. Lemaire

Figure 5.5 – Les quatre dimen­­sions du « modèle d’affaire » inter­­na­­tional

• Le modèle éco­­no­­mique met­­tra en avant :


–– plu­­tôt des élé­­ments tan­­gibles  : l’acti­­vité et les spé­­cia­­li­­tés déve­­lop­­pées par
l’orga­­ni­­sa­­tion, l’éten­­due de sa gamme de pro­­duits ou de ser­­vices, le carac­­tère
unique ou stan­­dard de son offre1, l’impor­­tance et la diver­­sité de sa clien­­tèle (B
to C et/ou B to B)2, le niveau de domination qu’elle a sur ses mar­­chés3, sa taille
(chiffre d’affaires, effec­­tifs, capi­­ta­­li­­sa­­tion bour­­sière, si l’orga­­ni­­sa­­tion est cotée,
profitabilité…), le rythme de crois­­sance de ces dif­­fé­­rents chiffres clés, le déve­
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­lop­­pe­­ment de son acti­­vité hors fron­­tières (volume des ventes hors du pays d’ori­
­gine, nombre et évo­­lu­­tion du nombred’implan­­ta­­tions, type de déploie­­ment – de
proxi­­mité, multi­conti­­nen­­tal, glo­­bal –, orientations géo­­gra­­phiques domi­­
nantes…) ;
–– mais aussi des élé­­ments intan­­gibles, moins faci­­le­­ment mesu­­rables : son image/
sa répu­­ta­­tion (vis-­à-vis de ses clients, de ses four­­nis­­seurs, de ses par­­te­­naires), la
reconnais­­sance de sa ou de ses marque(s), son image inter­­na­­tionale (que ten­­

1.  Voir exemple 4.13. «Le luxe au Japon, s’adap­­ter à tout prix à une clien­­tèle incom­­pa­­rable ».
2.  Voir l’évo­­lu­­tion de la gamme de pro­­duits chez Huawei (cas intro­­duc­­tif, chapitre 4).
3.  Cf. chapitre 3 « La construc­­tion aéro­­nau­­tique, un duo­­pole menacé ? » La posi­­tion actuelle –désor­­mais pro­­
gres­­si­­ve­­ment contes­­tée– d’Air­­bus et de Boeing, sur le mar­­ché mon­­dial des aéro­­nefs de plus de 100 pas­­sa­­gers.

301
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

drait à mesu­­rer la valeur de son goodwill1 dans le cadre d’une opé­­ra­­tion de


fusion acqui­­si­­tion), la qua­­lité de ses diri­­geants, sa capa­­cité à anti­­ci­­per les évo­­
lu­­tions de la conjonc­­ture et les muta­­tions pro­­fondes de son envi­­ron­­ne­­ment géo-
­sectoriel, comme à se pré­­mu­­nir contre les risques inhé­­rents à son acti­­vité
comme à son déploie­­ment inter­­na­­tional.
• Le modèle tech­­nique de l’organisation, pourra aussi pri­­vi­­lé­­gier :
–– des élé­­ments tan­­gibles, comme l’infra­­struc­­ture de pro­­duc­­tion indus­­trielle ou de
ser­­vice que l’orga­­ni­­sa­­tion est en mesure de déployer, le degré d’inté­­gra­­tion
inter­­na­­tionale de sa chaîne de valeur, la nature de ses acti­­vi­­tés « cœur » (concep­
­tion, mar­­ke­­ting et/ou fabri­­ca­­tion, dis­­tri­­bu­­tion.2), sa capa­­cité d’inno­­va­­tion
(nombre de dépôts de bre­­vets, par­­ti­­cipation aux orga­­nismes de créa­­tion de nou­
­velles normes3…) ;
–– des élé­­ments intan­­gibles, comme l’effi­­ca­­cité de son sys­­tème d’orga­­ni­­sa­­tion
indus­­trielle4, sa capa­­cité à inté­­grer les nou­­velles tech­­no­­logies, la diver­­sité de ses
savoir-faire, le sens du secret qu’elle est en mesure d’entre­­te­­nir parmi ses col­­
la­­bo­­ra­­teurs autour des pro­­cé­­dés « mai­­son »5.
• Le modèle juridico-­financier, quant à lui, asso­­cie les deux types d’élé­­ments,
carac­­té­­ri­­sant la gou­­ver­­nance de l’orga­­ni­­sa­­tion, en oppo­­sant deux modèles (tout en
compor­­tant de très nom­­breuses nuances et situa­­tions inter­­mé­­diaires) :
–– les modèles fami­­liaux où l’intan­­gible domine ; se carac­­té­­ri­­sant par un pou­­voir
géné­­ra­­le­­ment très concen­­tré, sou­­vent asso­­cié à des modes de fonc­­tion­­ne­­ment et
à des per­­for­­mances peu trans­­pa­­rentes ; on les ren­­contrera, dans cer­­tains pays
d’Europe du Nord, comme l’Allemagne et, en Occi­­dent, en géné­­ral, comme
modèle domi­­nant pour les entre­­prises petites et moyennes, alors que, de la
Médi­­ter­­ra­­née à la Mer de Chine, ils concernent des orga­­ni­­sa­­tions de toutes
tailles, avec des acti­­vi­­tés diver­­si­­fiées, cher­­chant, notam­­ment à contre­­ba­­lan­­cer
les risques impor­­tants inhé­­rents à l’environnement des pays émergents ;
–– les modèles contrô­­lés, soit par l’État, dans les pays où le sec­­teur public est encore
domi­­nant – en par­­ti­­cu­­lier, les éco­­no­­mies socia­­listes, mais où les pri­­va­­ti­­sations se
mul­­ti­­plient-, soit par un action­­na­­riat, dilué ou concen­­tré, où l’action­­naire, indi­­vi­­

1.  Que l’on peut esti­­mer de façon sim­­pli­­fiée, comme la dif­­fé­­rence entre sa valeur bour­­sière ou la valeur qui
résulte d’une valo­­ri­­sa­­tion effec­­tuée à l’occa­­sion d’une intro­­duc­­tion en bourse ou d’une acqui­­si­­tion totale ou par­­
tielle, d’une part, et la valo­­ri­­sa­­tion de ses seuls actifs tangibles (la book value ), d’autre part. La dif­­fé­­rence éven­­tuelle
peut mesu­­rer ponc­­tuel­­le­­ment, ou de manière plus per­­ma­­nente lors­­qu’une société est cotée, l’impact posi­­tif ou néga­
­tif de ces élé­­ments intan­­gibles sur cette valorisation.
2.  Voir exemple d’Apple mais aussi d’Archos, qui délèguent à des sous-­traitants ce qui n’est pas le « cœur »
concep­­tion/mar­­ke­­ting de leur acti­­vité.
3.  Voir supra, l’exemple de Huawei (cas intro­­duc­­tif cha­­pitre 4), mais aussi celui de Kodak (exemple 4.1.),
4.  Comme le Toyota Pro­­duc­­tion System qui a beau­­coup contri­­bué à l’image de qua­­lité et d’effi­­ca­­cité de la firme
japo­­naise, imité par de nom­­breuses firmes dans de nom­­breux sec­­teurs ; ce qui n’exclut pas l’exis­­tence de modèles
indus­­triels alter­­na­­tifs, comme chez Volkswagen, par exemple (cf. cas d’appli­­ca­­tion du cha­­pitre 3, « Le sec­­teur auto­
­mo­­bile européen »)
5.  Qu’illustre bien de manière constante, une entre­­prise comme Michelin.

302
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

duel ou col­­lec­­tif (comme les fonds de pen­­sion) est sus­­cep­­tible d’impri­­mer pro­­fon­
­dé­­ment sa marque sur les orien­­ta­­tions que les mana­­gers sou­­haitent don­­ner à la
stra­­té­­gie de l’orga­­ni­­sa­­tion1 et qui les astreignent à une trans­­pa­­rence accrue2.
• Le modèle social et sociétal comporte, lui aussi, deux dimen­­sions, l’une, concer­­
nant les rela­­tions au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion, la seconde, liée à la rela­­tion entre
l’orga­­ni­­sa­­tion et son envi­­ronnement :
–– au-­delà de la dimen­­sion « rela­­tions du tra­­vail » qui règle les condi­­tions de tra­­
vail, mar­­quées par des tra­­di­­tions syn­­di­­cales très contras­­tées dans les dif­­fé­­rentes
éco­­no­­mies, matures comme émergentes3, c’est la ques­­tion des délocalisations,
du dum­­ping social 4 qui sont regar­­dées de très près par les obser­­va­­teurs, comme
les ONG et les lea­­ders d’opi­­nion, qui n’hésitent pas à déclen­­cher des opé­­ra­­tions
de boy­­cott à l’encontre d’orga­­ni­­sa­­tions trans­­gres­­sant les règles – notam­­ment
auprès de l’Orga­­ni­­sa­­tion Inter­­na­­tionale du Tra­­vail – ; de plus, dans le contexte
de crise qui se péren­­nise depuis 2008, les auto­­ri­­tés des pays occi­­den­­taux,
confron­­tés à une mon­­tée alar­­mante du chô­­mage, sur­­veillent de très près les
entre­­prises res­­sor­­tis­­santes qui envi­­sagent de licen­­cier pour délocaliser, mais,
éga­­le­­ment, les inves­­tis­­seurs directs étran­­gers qui seraient ten­­tés de les imi­­ter5 ;
–– autres compo­­santes impor­­tantes de cette facette du modèle d’affaire inter­­na­­
tional : avec le respect de l’envi­­ron­­ne­­ment – confor­­mité aux règles anti-pol­­lu­­
tion, pré­­ser­­va­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment, en liai­­son avec les auto­­ri­­tés des ter­­ri­­toires
d’accueil – la mon­­tée en puis­­sance de la res­­pon­­sa­­bi­­lité sociale de l’entre­­prise
(RSE)6, marque une étape sup­­plé­­men­­taire dans la néces­­sité pour les orga­­ni­­sa­­
tions de prendre en compte dans leur modèle d’affaire leur inté­­gra­­tion har­­mo­­
nieuse au sein des envi­­ron­­ne­­ments qui les accueillent, leur « indigénisation » en
déve­­lop­­pant, notam­­ment, des pro­­jets béné­­fi­­ciant aux commu­­nau­­tés qui y sont
repré­­sen­­tées, en s’asso­­ciant aux grandes causes natio­­nales, etc.

1.  Un exemple sou­­vent cité est celui de Danone, dont le diri­­geant, Frank Riboud, sou­­hai­­tait, en 2000, avec son
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équipe, prendre le contrôle de la marque de bois­­son éner­­gi­­sante Gatorade, et de Qua­­ker Oats, qui dût recu­­ler face
aux avis néga­­tifs d’une majo­­rité des ana­­lystes finan­­ciers qui sui­­vaient la valeur et jugeaient ces acqui­­si­­tions trop
chères, entraî­­nant une chute spec­­ta­­cu­­laire du cours bour­­sier de Danone et contrai­­gnant l’ini­­tia­­teur de l’opé­­ra­­tion de
reprise à renon­­cer à son pro­­jet d’acqui­­si­­tion. Celui-­ci, qui devait per­­mettre à Danone de ren­­for­­cer signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment
sa posi­­tion dans ses métiers « santé » et sur le mar­­ché des États-­Unis, était pour­­tant bien avancé et avait été salué
par un nombre non négli­­geable – mais, il est vrai, minoritaire- d’autres ana­­lystes et d’inves­­tis­­seurs. (cf. « La bourse
contraint Danone à renon­­cer à Qua­­ker Oats », L’Expan­­sion, 22/11/2000) et M.G. Lemaire.
2.  Avec la géné­­ra­­li­­sa­­tion, sur un cer­­tain nombre de places finan­­cières, de la publi­­ca­­tion non plus seule­­ment
annuelle, mais de plus en plus semes­­trielle et même tri­­mestrielle des résul­­tats des entre­­prises.
3.  Voir exemple 2.14, « L’Inde en quête d’un rêve ? », fai­­sant res­­sor­­tir les carac­­té­­ris­­tiques du droit du tra­­vail
indien, per­­çu comme très contrai­­gnant par les employeurs indiens et cer­­tains inves­­tis­­seurs directs étran­­gers.
4.  Comme l’impli­­ca­­tion de Nike à tra­­vers ses sous trai­­tants asia­­tiques dans un vaste scan­­dale d’emploi de
mineurs à la fabri­­ca­­tion de ses pro­­duits, dénoncé par Michaël Moore dans son film « the Big One ».
5.  Cf. le bras de fer engagé par les auto­­ri­­tés fran­­çaises avec le groupe Mittal à Gondrange, en Lor­­raine, à la suite
de l’exten­­sion des hauts four­­neaux sur ce site et de ses consé­­quences sur l’emploi local.
6.  Voir, Kolk, A. et van Tulder, R. (2010). «  Inter­­na­­tional Busi­­ness, Corporate Social Responsibility and
Sustainable Development », Inter­­na­­tional Busi­­ness Review, Vol. 19, N° 2.

303
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Dans une perspec­­tive inter­­na­­tionale, le modèle d’affaire doit donc désor­­mais inté­
­grer un cer­­tain nombre de compo­­santes qui sont loin de se limi­­ter aux aspects éco­
­no­­miques et juridico-­financiers qui consti­­tuaient leurs prin­­ci­­pales carac­­té­­ris­­tiques
jus­­qu’à une époque récente. Ce modèle intègre non seule­­ment ces diverses dimen­­
sions de l’orga­­ni­­sa­­tion, sur un plan géné­­ral, mais celle-­ci doit aussi les décli­­ner et
les faire accep­­ter, dans son pays d’ori­­gine, comme dans l’ensemble des pays de son
espace de réfé­­rence.

2  L’approche chro­­no­­lo­­gique de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation (time line)

Mais le modèle d’affaire inter­­na­­tional ne s’ana­­lyse pas seule­­ment sur le plan sta­
t­ique, à un moment déter­­miné de l’exis­­tence de l’orga­­ni­­sa­­tion, il doit aussi s’envi­­
sa­­ger dans une perspec­­tive «  évo­­lu­­tion­­niste  », en consi­­dé­­rant sa tra­­jec­­toire
tem­­po­­relle et géo­­gra­­phique, avec des périodes de pro­­gres­­sion et des périodes de
conso­­li­­da­­tion – et, par­­fois, de recul –. Cette dyna­­mique s’ins­­crit dans le temps
comme dans l’espace.
Quelle que soit l’orga­­ni­­sa­­tion, il est, en effet, essen­­tiel de retra­­cer dans le temps et
dans l’espace son évo­­lu­­tion qui per­­met de déga­­ger la logique de déve­­lop­­pe­­ment
qu’elle a rete­­nue, quitte d’ailleurs à la remettre en ques­­tion, si ses résul­­tats révèlent
un affai­­blis­­se­­ment de sa posi­­tion au fil des années.
Le séquencement tem­­po­­rel (ou « l’approche lon­­gi­­tu­­di­­nale », ou la timeline), tout
d’abord, per­­met de mettre en évi­­dence de manière chro­­no­­lo­­gique les moments clés
– sinon les «  inci­­dents cri­­tiques  » – qui ont ponc­­tué l’évo­­lu­­tion de l’orga­­ni­­sa­­tion
consi­­dé­­rée : l’évo­­lu­­tion de ses acti­­vi­­tés, son déploie­­ment géo­­gra­­phique, ses prin­­ci­­
pales opé­­ra­­tions de crois­­sance (fusions acqui­­si­­tions, implan­­ta­­tions greenfield) son
inser­­tion dans son espace géo-­sectoriel, ses prin­­ci­­paux défis finan­­ciers.
À ce titre, le cas de Samsung, sou­­ligne les prin­­ci­­pales muta­­tions du modèle éco­­
no­­mique de cette typique chaebol coréenne, se diver­­si­­fiant dans l’élec­­tro­­nique à la
toute fin des années 1960, pour inté­­grer l’ensemble des acti­­vi­­tés de cette filière – des
puces élec­­tro­­niques jus­­qu’aux pro­­duits finis, télé­­vi­­seurs, ordi­­na­­teurs et, sur­­tout, télé­
­phones cel­­lu­­laires –, dont la firme est deve­­nue l’un des prin­­ci­­paux acteurs mon­­
diaux, face à Nokia qui a su moins bien qu’elle prendre le virage du smartphone.
Cette chro­­no­­logie, ne révèle pas seule­­ment la pro­­gres­­sion de ses acti­­vi­­tés, sa
conquête de nou­­veaux mar­­chés et le déploie­­ment mon­­dial de sa pro­­duc­­tion, elle fait
aussi appa­­raître les dif­­fi­­cultés ren­­contrées – en l’occur­­rence une pro­­gres­­sion inquié­
­tante de son endet­­te­­ment – et indique la manière dont elle les a sur­­mon­­tées, avec
l’aide de ses « coopétiteurs », Apple, In­tel et Dell, trop dépen­­dants d’elle pour ne
pas la sou­­te­­nir, et, aussi, grâce au déve­­lop­­pe­­ment spec­­ta­­cu­­laire de ses ventes de
compo­­sants (puces élec­­tro­­niques) et de pro­­duits vedettes – télé­­phones cel­­lu­­laires, en
par­­ti­­cu­­lier –.

304
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

L’approche chronologique du modèle d’affaire international


La « timeline » de Samsung Electronics

Un pari sur le futur Une gamme Integration & Une “vision digitale”
de l’électronique électronique complète Globalisation pour le 3° millénaire

1969 : Creation de 1980 : Acquisition 1997 : début de la crise


Samsung Electronics : de l’équipementier asiatique, hausse de 2000 : Exporte son
Premier téléviseur télécom public : l’endettement. 50-millionnième
noir & blanc Korea Telco Corp. Exportation du premier téléphone cellualire.
téléphone cellulaire aux Recrute 3 non-
Etats-Unis Coréens au conseil
de Direction
1982 : Production
d’un premier PC et 1995 :
1975 : démarrage d’une Fabrication de
introduction au première unité de masse des LCDS
Korea Stock production à
Exchange l’étranger au Portugal

1970’s 1980’s 1990’s 2000’s

1974 : Acquisition de
50 % de Korea Semi- 1983-89 : 1996 : Export 2001 : Signe avec
conductor Co ; Developpement des du premier Dell un contrat de
première approche puces DRAM chipset téléphone fourniture de 16-
du secteur des filiale aux Etats-Unis cellulaire milliards de dollars
puces électroniques à Hong Kong Reduit son
endettement
1999 : Intel, Apple, Dell
1977 : Fusion avec contribuent à la réduction
Samsung Electro - du ratio d’endettement
Mechanics de Samsung
Adapté de : BHADADA Swati | DARRÉ Claire| LENGYEL Tamas | LU Weixing | NGUYEN T. M. Le REIS Ana Sofia |
TAN Charmain (voir « International Business Developement », J.-P. Lemaire, ESCP Europe)

Figure 5.6 – L’approche chro­­no­­lo­­gique du « modèle d’affaire » inter­­na­­tional

Le schéma de déploie­­ment inter­­na­­tional four­­nit éga­­le­­ment une base de lec­­ture


pré­­cieuse de la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion, de ses orien­­ta­­
tions géo­­gra­­phiques majeures et, à tra­­vers elles, de la logique qui guide son pro­­ces­
­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation. Cette lec­­ture devient plus éclai­­rante encore si on l’enri­­chit
d’élé­­ments pré­­ci­­sant la nature des flux d’échanges et les moda­­li­­tés de loca­­li­­sa­­tion
qu’elle a adoptés dans les dif­­fé­­rentes zones de l’espace de réfé­­rence dans les­­quelles
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

elle s’est enga­­gée.


Dans le cas d’ESCP Europe, la dis­­tinction des dif­­fé­­rents « cercles », évo­­quée dès
l’époque de l’EAP, tra­­duit, sur la base du modèle born glo­­bal ini­­tial1, la recherche
d’une cohé­­rence d’ensemble, abou­­tis­­sant à mul­­ti­­plier les par­­cours pos­­sibles et
l’expo­­si­­tion inter­­na­­tionale des étu­­diants. Les par­­te­­na­­riats mis en place par l’ESCP
avant la fusion, les « cam­­pus asso­­ciés » héri­­tés de l’EAP, qui se sont inté­­grés avec
leurs par­­cours, encou­­ra­­gent, les uns et les autres, des syner­­gies mul­­tiples (échanges
d’ensei­­gnants-cher­cheurs, créa­­tion/coor­­di­­na­­tion de pro­­grammes, etc.) et tendent à
pro­­mou­­voir pro­­gres­­si­­ve­­ment un modèle pion­­nier à forte compo­­sante multi­cultu­­relle.
Un tel poten­­tiel en matière d’ensei­­gne­­ment, mais aussi de recherche, de pro­­duc­­tion

1.  Dans la mesure, où, dès son ori­­gine, le modèle d’affaire de l’EAP repo­­sait sur une loca­­li­­sa­­tion sur plu­­sieurs
sites et un par­­cours sys­­té­­ma­­tique des étu­­diants au fil des trois années de leur for­­ma­­tion.

305
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

de maté­­riels péda­­go­­giques ori­­gi­­naux, d’offres executive, au béné­­fice des orga­­ni­­sa­­


tions euro­­péennes comme des orga­­ni­­sa­­tions locales, ne man­­quera pas d’être exploité
encore davan­­tage dans les années à venir.

Le déploiement international de l’organisation


l’exemple d’ESCP Europe

Économies
matures Troisième cercle :
partenariats distants

Deuxième cercle :
enseignants
partenariats proches
chercheurs
invités Premier cercle :
Doubles cadre institutionnel
diplômes
Turin Madrid Doubles échanges
diplômes d’étudiants
Londres
Berlin
échanges
d’étudiants Campus
Paris
associés

enseignants
chercheurs
invités Économies
émergentes

Jean-Paul Lemaire

Figure 5.7 – Le déploie­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion

Grâce à ces deux approches -séquentielle et géographique-, et à l’ana­­lyse des


compo­­santes du modèle d’affaire inter­­na­­tional, la déter­­mi­­na­­tion des pro­­blé­­ma­­
tiques priori­­taires pour l’orga­­ni­­sa­­tion comme de l’espace de réfé­­rence dans lequel
devra se pour­­suivre l’audit sera faci­­li­­tée, devant conduire, au fil des étapes suc­­ces­
­sives défi­­nies pré­­cé­­dem­­ment, à pré­­ci­­ser les orien­­ta­­tions et la mise en œuvre à
adopter.

3  Pré­­ci­­ser les pro­­blé­­ma­­tiques priori­­taires et l’espace de réfé­­rence


et/ou d’expan­­sion à envi­­sa­­ger

Les pro­­blé­­ma­­tiques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation à pri­­vi­­lé­­gier s’enra­­cinent, en effet,


dans le modèle d’affaires. L’ana­­lyse de celui-­ci peut inci­­ter, selon les priori­­tés s’en
déga­­geant et la dyna­­mique d’inter­­nationalisation de l’orga­­ni­­sa­­tion :

306
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

––à orien­­ter l’audit «  tous azi­­muts  » ou à pri­­vi­­lé­­gier, au contraire, une approche


« foca­­li­­sée » ;
––en cou­­vrant l’ensemble de la gamme des pro­­duits et ser­­vices pro­­posés par l’orga­
­ni­­sa­­tion, ou une par­­tie seule­­ment ;
––dans une perspec­­tive de déve­­lop­­pe­­ment de parts de mar­­ché (horizontalisation) ou
d’opti­­mi­­sation de la chaîne de fabri­­ca­­tion ou d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment (verticalisation),
ou encore dans une perspec­­tive mixte (horizontalisation et verticalisation).
L’ana­­lyse du modèle d’affaire d’une même orga­­ni­­sa­­tion pour­­rait don­­ner lieu,
d’ailleurs, à plu­­sieurs approches successives, selon la diver­­sité des pro­­blé­­ma­­tiques
rele­­vées et leur degré d’urgence et, ce, dans son ou ses dif­­fé­­rents espaces de réfé­­
rence ou d’expan­­sion.
Les équipes dédiées à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion – struc­­tu­­rée
en lignes de pro­­duits, ou en zones géo­­gra­­phiques1– pour­­raient défi­­nir et appli­­quer la
métho­­do­­logie de l’audit en se « foca­­li­­sant », pour cha­­cune d’entre elles, sur des axes
de déve­­lop­­pe­­ment – zone géo­­gra­­phique/ligne de pro­­duit cibles – dif­­fé­­rents. En
revanche, la Direc­­tion Géné­­rale de cette même orga­­ni­­sa­­tion pour­­rait sou­­hai­­ter
mener une démarche « tous azi­­muts » pour four­­nir un cadre d’ensemble à ces dif­­fé­
­rentes démarches « foca­­li­­sées » et permettre de coor­­don­­ner les stra­­té­­gies spé­­ci­­fiques
qui s’en déga­­ge­­raient.
La déter­­mi­­na­­tion des pro­­blé­­ma­­tiques et des espaces de réfé­­rence ou d’expan­­sion
se déga­­geant de l’ana­­lyse du modèle d’affaire inter­­na­­tional, conclu­­ront donc cette
pre­­mière étape de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
Sans pré­­tendre à l’exhaus­­ti­­vité, quelques exemples par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment déve­­lop­­pés
dans les cha­­pitres pré­­cé­­dents ou sui­­vants pour­­raient per­­mettre de mieux « posi­­tion­
­ner » les dif­­fé­­rents audits pos­­sibles, pour cha­­cune de ces orga­­ni­­sa­­tions, en fonc­­tion
des cri­­tères que sug­­gère l’ana­­lyse de leur modèle d’affaire inter­­na­­tional res­­pec­­tif
(cf. figure 5.8 ci-dessous) :
––des cri­­tères de taille, per­­met­­tant d’envi­­sa­­ger le niveau de res­­sources dont elles dis­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

­po­­se­­raient pour leur déve­­lop­­pe­­ment, oppo­­sant grandes orga­­ni­­sa­­tions (CA < à


1 milliard d’euros) et orga­­ni­­sa­­tions de taille plus modeste, par­­tant des plus petites
jusqu’aux orga­­ni­­sa­­tions moyennes de bonne taille (axe hori­­zontal) ;
––des cri­­tères sec­­to­­riels, situant le niveau géo­­gra­­phique où s’affrontent les concur­­
rents et groupes concur­­rents, en réfé­­rence à la grille glo­­bal/local pré­­sen­­tée au
cha­­pitre 3 (dynamique des acti­­vi­­tés) (axe ver­­ti­­cal) ;
––des cri­­tères liés à la déter­­mi­­na­­tion à tirer parti de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale (entre
orga­­ni­­sa­­tions « expo­­sées » et orga­­ni­­sa­­tions « enga­­gées » 2 (dis­­tin­­gués dans chaque
quar­­tile de la matrice ainsi compo­­sée).

1.  Voir chapitre 8.


2.  Cf. figure 5.4

307
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Les catégories d’organisations


et le positionnement de leur audit d’internationalisation

+ « néo-globales » « globales »
Petites organisations à l’activité à Grandes organisations à l’activité
dominante globale à dominante globale
- « engagées » Ë cherchent « tous azimuts » - « engagées » Ë cherchent à se « focaliser »
un déploiement global sur des espaces à fort potentiel de marché ou
Degré de - « exposées » Ë cherchent « tous azimuts » de savoir faire
à préserver leurs positions acquises à une - « exposées » Ë cherchent « tous azimuts »
Globalisation échelle déjà globale une nouvelle stratégie d’internationalisation
de l’activité

« régionales » « supra régionales »


Petites organisations à l’activité à Grandes organisations à l’activité
- dominante locale ou mixte à dominante locale ou mixte
- « engagées » Ë cherchent « tous azimuts » - « engagées » Ë cherchent à se « focaliser »
à une échelle régionale de proximité à sur des zones à fort potentiel pour élargir leur
sélectionner les meilleures opportunités espace d’expansion
- « exposées » Ë cherchent « tous azimuts » - « exposées » Ë cherchent « tous azimuts »
à préserver leur position régionale une nouvelle stratégie d’internationalisation

- Taille de l’organisation +
- / + 1 milliard d’euros
J.-P. Lemaire

Figure 5.8 – Quel audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation pri­­vi­­lé­­gier


pour quelle caté­­go­­rie d’orga­­ni­­sa­­tion ?

La figure 5.8, appli­­quée aux orga­­ni­­sa­­tions citées en exemple, per­­met de les posi­­
tion­­ner pour esquis­­ser les pro­­blé­­ma­­tiques aux­­quelles chaque caté­­go­­rie pour­­rait être
prin­­ci­­pa­­le­­ment confron­­tée et déter­­mi­­ner l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion
qu’elles pour­­ront rete­­nir pour leur audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation :
• Pour les grandes orga­­ni­­sa­­tions, appar­­te­­nant à des sec­­teurs d’acti­­vité à domi­­nante
glo­­bale (les « glo­­bales ») :
–– les plus « enga­­gées », issues des éco­­no­­mies matures (cf. L’Oréal1, Air­­bus,
Volkswagen, Samsung…), comme des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide
(Huawei, Haier, Cemex) cher­che­­ront des relais de crois­­sance ou de nou­­
veaux espaces propres à combler leurs han­­di­­caps tech­­no­­lo­­giques ou mana­
gériaux comme à conforter leur leadership :
¼¼elles pri­­vi­­lé­­gie­­ront donc les approches « foca­­li­­sées » sur les espaces d’expan­
­sion les plus pro­­met­­teurs et/ou ceux où elles sont encore insuf­­fi­­sam­­ment
posi­­tion­­nées ;

1.  Voir cas intro­­duc­­tif du chapitre 6, « Le sec­­teur des cos­­mé­­tiques en Inde, une créa­­tion ex nihilo »

308
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

–– les plus «  expo­­sées  » (cf. Hewlett Packard1, Kodak…) seront en quête d’une
nou­­velle «  vision  » stra­­té­­gique inter­­na­­tionale d’ensemble, leur per­­met­­tant de
tirer parti de leurs atouts, alors qu’elles se trouvent mal­­me­­nées ou prises de
court par l’ouver­­ture inter­­na­­tionale ;
¼¼elles devront pri­­vi­­lé­­gier les approches « tous azi­­muts », à l’échelle glo­­bale
dans le but de déter­­mi­­ner leurs acti­­vi­­tés et leurs zones cibles priori­­taires.
• Pour les petites orga­­ni­­sa­­tions, appar­­te­­nant à des sec­­teurs d’acti­­vité à domi­­nante
locales ou mixtes (les « régio­­nales ») :
–– les plus « enga­­gées », issues des éco­­no­­mies matures comme des pays émergents
(cf. Com­in Asia2) cher­che­­ront les meilleures oppor­­tu­­ni­­tés, à l’inté­­rieur de
l’espace de proxi­­mité géo­­gra­­phique ou cultu­­rel où leur expé­­rience est signi­­fi­­ca­
­tive, sans pré­­ju­­dice de l’élar­­gis­­se­­ment pro­­gres­­sif de cet espace de réfé­­rence ;
¼¼elles pri­­vi­­lé­­gie­­ront donc les approches «  tous azi­­muts  » dans les espaces
d’expan­­sion les plus pro­­met­­teurs et/ou ceux où elles sont encore insuf­­fi­­sam­
­ment posi­­tion­­nées ;
–– les plus « expo­­sées » (cf. Duralex) seront en quête d’une nou­­velle « vision »
stra­­té­­gique régio­­nale, voire supra régio­­nale d’ensemble (proxi­­mité géo­­gra­­
phique et cultu­­relle, expé­­rience acquise, appar­­te­­nance à des réseaux), leur per­­
met­­tant de tirer parti de leurs atouts alors qu’elles ont dû réduire leur espace de
réfé­­rence à la suite d’erreurs de ges­­tion ou d’évo­­lu­­tions défa­­vo­­rables des pres­­
sions externes dans leur espace géo-­sectoriel tra­­di­­tion­­nel ;
¼¼elles devront pri­­vi­­lé­­gier les approches « tous azi­­muts », à l’échelle régio­­nale
ou suprarégionale, en essayant de déter­­mi­­ner les acti­­vi­­tés et les zones cibles
les plus appro­­priées à leurs capa­­ci­­tés et à leurs res­­sources.
• Pour les grandes orga­­ni­­sa­­tions, appar­­te­­nant à des sec­­teurs d’acti­­vité à domi­­nante
locale ou mixte (les « supra régio­­nales ») :
–– les plus « enga­­gées », issues des éco­­no­­mies matures (cf. Dentressangle), comme
des pays émergents (Bahrti3.) cher­che­­ront des relais de crois­­sance ou de nou­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

veaux espaces propres à tirer parti de leurs avan­­tages compé­­titifs, mais dans des
zones pré­­sen­­tant des simi­­la­­ri­­tés avec leur espace de réfé­­rence ini­­tial ;
¼¼elles pri­­vi­­lé­­gie­­ront donc les approches «  foca­­li­­sées  » dans les espaces
d’expansion les plus pro­­met­­teurs, proches ou dis­­tants qui offrent ces
perspec­­tives favo­­rables ;
–– les plus «  expo­­sées  » (cf. PSA), comme leurs sem­­blables de la caté­­go­­rie des
«  glo­­bales  », seront en quête d’une nou­­velle «  vision  » stra­­té­­gique inter­­na­­
tionale d’ensemble, leur per­­met­­tant de tirer parti de leurs atouts, alors qu’elles
se trouvent mal­­me­­nées ou prises de court par l’ouver­­ture inter­­na­­tionale ;

1.  Cas d’appli­­ca­­tion du présent cha­­pitre


2.  Cas intro­­duc­­tif du cha­­pitre 7.
3.  Voir chapitre 7.

309
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

¼¼elles devront pri­­vi­­lé­­gier, elles aussi, les approches « tous azi­­muts », à une
échelle plus large que celle dans laquelle elles se sont déjà déve­­lop­­pées en
essayant de déter­­mi­­ner les acti­­vi­­tés et les zones cibles les plus favo­­rables,
ainsi que les par­­te­­na­­riats ou les réseaux dont elles pour­­raient tirer parti.
• Pour les petites orga­­ni­­sa­­tions, appar­­te­­nant à des sec­­teurs d’acti­­vité à domi­­nante
glo­­bale (les « néo-­globales »), en fait des born glo­­bal :
–– les plus « enga­­gées », issues des éco­­no­­mies matures comme des éco­­no­­mies à
crois­­sance rapide, cher­che­­ront les meilleures oppor­­tu­­ni­­tés, à l’échelle glo­­bale ;
leur modèle étant conçu pour s’appuyer sur des implan­­ta­­tions répar­­ties dans
dif­­fé­­rents envi­­ron­­ne­­ments géo­­gra­­phiques (cf. ESCP Europe) ou les obli­­geant à
se déve­­lop­­per très rapi­­de­­ment à l’échelle la plus large pos­­sible pour tirer parti
d’un avan­­tage compé­­titif éphé­­mère (cf. Archos) ;
¼¼elles pri­­vi­­lé­­gie­­ront donc les approches « tous azi­­muts » pour déter­­mi­­ner les
espaces d’expansion les plus pro­­met­­teurs et/ou ceux où elles sont encore
insuf­­fi­­sam­­ment posi­­tion­­nées ;
–– les plus « expo­­sées » (cf. A­grima1) seront en quête d’une nou­­velle « vision »
stra­­té­­gique glo­­bale, sus­­cep­­tible de leur per­­mettre de tirer parti de leurs atouts,
alors qu’elles doivent faire face à de nou­­velles pres­­sions externes remet­­tant en
cause leur posi­­tion, comme à des pro­­blèmes internes qui ont limité leurs pos­­si­
­bi­­li­­tés de rebond ;
¼¼elles devront pri­­vi­­lé­­gier les approches « tous azi­­muts », à l’échelle glo­­bale,
en essayant de déter­­mi­­ner les acti­­vi­­tés et les zones cibles les plus appro­­
priées à leurs capa­­ci­­tés et à leurs res­­sources.
Sans consi­­dé­­rer que cette dis­­tinction puisse cou­­vrir toutes les contextes d’inter­­na­
t­iona­­li­­sation pour tous les types d’orga­­ni­­sa­­tions, cette approche per­­met de faci­­li­­ter
le cadrage de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation à l’aide des trois cri­­tères rete­­nus (taille
de l’orga­­ni­­sa­­tion, « glo­­ba­­lité » de l’acti­­vité, atti­­tude de l’orga­­ni­­sa­­tion vis-­à-vis de
l’ouver­­ture inter­­na­­tionale).
Le cas d’appli­­ca­­tion ci-­dessous prend en compte une orga­­ni­­sa­­tion glo­­bale,
Hewlett-­Packard, long­­temps « enga­­gée », deve­­nue récem­­ment « expo­­sée », désor­­
mais confron­­tée à une pro­­fonde remise en ques­­tion de cer­­taines dimen­­sions de son
modèle d’affaire. Elle doit opé­­rer une révi­­sion rapide de son posi­­tion­­ne­­ment pour ne
pas ris­­quer de connaître le sort d’autres orga­­ni­­sa­­tions aux atouts compa­­rables mais
qui se sont révé­­lées inca­­pables de les exploi­­ter de manière satis­­faisante2.

1.  Cf. exemple 2.15.


2.  Cf. exemple 4.1 « Kodak au bord de l’ago­­nie ».

310
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

 Cas d’application
Rien ne va plus chez HP,
en quête d’un nou­­veau modèle d’affaire1
Hewlett-­Packard, fait tout à la fois figure de pré­­cur­­seur et de géant en dif­­fi­­culté, en
cette fin de 2011, alors même qu’elle elle est tou­­jours sur la liste des entre­­prises 40
de l’indice Dow Jones, avec un chiffre d’affaires appro­­chant les 120  milliards de
dol­­lars et plus de 300 000 col­­la­­bo­­ra­­teurs de par le monde !
Le vent a, en effet, tourné  depuis les années fastes  : en l’espace d’un an, entre
novembre  2010 et novembre  2011, l’action a «  dévissé  » de plus de 60  % et
l’ancien patron de la firme, Leo Apotheker, a été remer­­cié, à la suite d’une suc­­ces­­
sion d’acqui­­si­­tions mal­­heu­­reuses, per­­çues, à la fois, comme trop couteuses et, sur­­
tout, comme propres à compro­­mettre la cohé­­rence du modèle d’affaire de
l’entre­­prise géante. Ce qui tra­­duit, en fait, le désar­­roi des inves­­tis­­seurs, qui ont perdu
confiance dans une orga­­ni­­sa­­tion, qui, de plus, « sous performe » par rap­­port aux
autres acteurs du sec­­teur, avec une ren­­ta­­bi­­lité hono­­rable, certes, mais infé­­rieure à
10 %, pen­­dant que ceux-­ci – IBM, Oracle et Apple – cara­­colent entre 15 et 30 %.
Plus grave : la conser­­va­­tion, au sein de la compa­­gnie, de son acti­­vité prin­­ci­­pale, les
PC, repré­­sen­­tant près d’un tiers de son chiffre d’affaires, se trouve remise en ques­­
tion pour ren­­ta­­bi­­lité insuf­­fi­­sante, alors même que les syner­­gies exis­­tantes avec la très
ren­­table ligne de pro­­duits « Image et impres­­sion » sont lar­­ge­­ment reconnues.
Après avoir un moment hésité, la nou­­velle diri­­geante, Meg Whitman, trans­­fuge
d’eBay, est reve­­nue sur la déci­­sion de son pré­­dé­­ces­­seur remer­­cié. Mais, pour autant,
le pro­­blème n’est pas réglé : la direc­­tion d’HP hésite entre une nou­­velle orien­­ta­­tion
logi­­ciels et ser­­vices, sto­­ckage de don­­nées et ser­­veurs – la che­­ville ouvrière du cloud
computing 2 –, d’une part, et, d’autre part, le PC, dont le mar­­ché est en berne. Elle
n’a pas encore tran­­ché ; sinon pour conser­­ver, pour l’ins­­tant, l’un et l’autre.
La firme légen­­daire de Palo-­Alto, fon­­dée en 1939 par deux ingé­­nieurs élec­­tri­­ciens
dans un garage avec un capi­­tal de moins de 600 dol­­lars, a connu une crois­­sance
impres­­sion­­nante, la menant dans le pelo­­ton de tête des entre­­prises du For­­tune 500,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

où elle occu­­pait encore la neu­­vième place en 2009. Elle avait su faire évo­­luer son
modèle d’affaire de manière remar­­quable, en jouant un rôle, long­­temps incontesté,
de lea­­der tech­­no­­lo­­gique dans le domaine de l’infor­­ma­­tique. Après des débuts dans
la concep­­tion et la pro­­duc­­tion d’ins­­tru­­ments de mesure, dans les années 1940,
l’entre­­prise était pas­­sée avec bon­­heur à l’infor­­ma­­tique, encore nais­­sante, en lan­­çant
une série de cal­­cu­­la­­trices pro­­fes­­sion­­nelles qui ont long­­temps fait réfé­­rence, en
créant le stan­­dard, avant de pro­­po­­ser des modèles nova­­teurs d’ordi­­na­­teurs de
bureau, en élar­­gis­­sant ses lignes de pro­­duits aux péri­­phériques, en mul­­ti­­pliant les
opé­­ra­­tions de crois­­sance externe, ponc­­tuées d’acqui­­si­­tions dont le rachat de
Compaq, en 2002.

1.  Cf. P. Loubière, « Hewlett-­Packard bas­­cule dans l’ère post PC », Chal­­lenges, 25/8/2011 et « HP mou­­line ses
solu­­tions d’ave­­nir  », Chal­­lenges, 3/11/2011. Ce cas développé (J.-P. Lemaire) avec notice pédagogique sera
disponible, en français et en anglais, fin 2014, à la centrale des cas et des moyens pédagogiques.
2.  Voir cha­­pitre 4, cas intro­­duc­­tif Huawei.

311
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Le flot des acqui­­si­­tions ne s’est d’ailleurs pas inter­­rompu jus­­qu’à une période
récente, mais avec une évo­­lu­­tion vers les ser­­vices infor­­ma­­tiques, avec celle d’EDS
une des prin­­ci­­pales SSII du mar­­ché, pour plus de 13 milliards de dol­­lars, en 2008,
suivi de celle de Palm, des­­tinée à doter le groupe d’une acti­­vité smartphone, pour
un coût bien moindre, certes, mais dont l’oppor­­tu­­nité avait sus­­cité la polé­­mique,
pour cause d’obso­­les­­cence tech­­no­­lo­­gique. Pour cou­­ron­­ner cette série, le rachat,
au cours de l’été 2011 du Britannique Autonomy Cor­­po­­ra­­tion pour un mon­­tant
jugé exces­­sif de 12  milliards de dol­­lars pro­­vo­­quait l’évic­­tion du diri­­geant en
place.
Au point où en étaient les choses à l’automne 2011, HP, après une bru­­tale restruc­­
tu­­ra­­tion, mar­­quée par une longue série de licen­­cie­­ments, repré­­sen­­tant 20 % envi­­ron
de son effec­­tif, se trouve par­­ta­­gée en deux groupes, qui s’opposent au sein même
de son conseil d’admi­­nis­­tra­­tion et dans l’ensemble de sa struc­­ture : ceux qui veulent
conser­­ver le modèle d’affaire à l’iden­­tique et ceux qui veulent le trans­­for­­mer en
pro­­fon­­deur, mais sans clai­­re­­ment pro­­po­­ser d’alter­­na­­tive cré­­dible.
En atten­­dant, HP, même au prix de cette série de licen­­cie­­ments mas­­sifs, demeure
une sorte de monstre, à la taille déme­­su­­rée, présent dans un nombre très (trop  ?)
impor­­tant d’acti­­vi­­tés, dont cer­­taines sont encore en cours d’inté­­gra­­tion, et dont les
syner­­gies sont – du moins, pour cer­­taines – encore à démon­­trer.
À l’inté­­rieur, comme à l’exté­­rieur, de l’entre­­prise, parmi les col­­la­­bo­­ra­­teurs comme
parmi les action­­naires, c’est le manque de cohé­­rence et le carac­­tère erra­­tique des
prises de déci­­sion qui res­­sort des témoi­­gnages et des commen­­taires. Les pre­­miers se
plaignent d’avoir été trans­­for­­més d’ingé­­nieurs en ven­­deurs, les seconds, de consta­­
ter que les rachats por­­tant aussi bien sur des entre­­prises de logi­­ciels que sur des
pro­­duits grand public, accen­­tuent l’image de dis­­per­­sion des acti­­vi­­tés.
Et ce n’est pas la suc­­ces­­sion de diri­­geants – quatre en tout depuis 2000 –, ini­­tia­­teurs
suc­­ces­­sifs de trans­­for­­ma­­tions pro­­fondes, dont on peut s’inter­­ro­­ger sur la conver­­
gence, qui est sup­­po­­sée ras­­su­­rer les uns comme les autres.
La nou­­velle du départ du prédécesseur de la dirigeante actuelle, après avoir mis un
coup d’arrêt à la ces­­sion de la divi­­sion PC, semble favo­­rable à un re­cen­­trage sur une
clien­­tèle B to B, au ren­­for­­ce­­ment des ser­­vices, et, au-­delà de l’acqui­­si­­tion des logi­
­ciels per­­met­­tant de déve­­lop­­per le cloud computing, au déve­­lop­­pe­­ment des ser­­veurs
et des capa­­ci­­tés de sto­­ckage qui lui sont indis­­pen­­sables. La qua­­dra­­ture du cercle ?

312
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5

Ques­­tions de réflexion
1 ■ Quels sont les domaines d’acti­­vité dans les­­quels HP opère à l’heure actuelle ?
Comment situer ces domaines d’acti­­vité sur l’axe glo­­bal/local ? Quel a été le
che­­mi­­ne­­ment qui a mené, depuis la fon­­da­­tion de la firme, à la consti­­tution du
por­­te­­feuille d’activités actuel  ? Quelles syner­­gies semblent se déga­­ger des
acti­­vi­­tés  ? Quelles en sont les limites  ? L‘entre­­prise apparaît-elle comme
« enga­­gée » ou « expo­­sée » ? Pour quelles rai­­sons ? Quelles sont les par­­ties
pre­­nantes internes et externes à prendre en consi­­dé­­ra­­tion pour bien cer­­ner la
dyna­­mique de l’orga­­ni­­sa­­tion ?
2 ■ Quelles sont les carac­­té­­ris­­tiques de l’orga­­ni­­sa­­tion à rete­­nir pour comprendre
le « modèle d’affaire » de HP ? Plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, les actifs tan­­gibles et
intan­­gibles ? Quelle impor­­tance res­­pec­­tive leur accor­­der dans le cas d’HP ?
Quelles sources d’infor­­ma­­tions seraient à mobi­­li­­ser pour « nour­­rir » cette
pre­­mière par­­tie de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ? Quelle confi­­gu­­ra­­tion
serait à don­­ner au sys­­tème de veille, de col­­lecte coor­­don­­née des don­­nées,
et/ou de mutualisation des infor­­ma­­tions d’HP ?
3 ■ Quelles pro­­blé­­ma­­tiques semblent se déga­­ger priori­­tai­­re­­ment des élé­­ments
four­­nis  ? À quelles dimen­­sions du modèle d’affaire se rac­­cor­­deraient-elles
prin­­ci­­pa­­le­­ment ? Compte tenu des carac­­té­­ris­­tiques de ce modèle, quel type
de pro­­blé­­ma­­tique pour­­rait être pri­­vi­­lé­­gié dans le cadre de l’audit  ? Por­­te­­
raient-elles sur l’ensemble des zones où l’entre­­prise se trouve déployée  ?
Por­­te­­raient-elles sur l’ensemble de ses acti­­vi­­tés ? Quel espace de réfé­­rence
ou d’expan­­sion serait, en consé­­quence, à consi­­dé­­rer ? Quelle approche serait
à pré­­co­­ni­­ser, « tous azi­­muts » ou « foca­­li­­sée » ? Pour quelles rai­­sons ?

313
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

L’essen­­tiel
Après s’être atta­­ché à tra­­duire l’impact des muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­
na­­tional, en termes d’ouver­­ture inter­­na­­tionale, puis avoir essayé de mettre en
évi­­dence, au niveau des ter­­ri­­toires, des acti­­vi­­tés et des orga­­ni­­sa­­tions, les bases de
la dyna­­mique inter­­na­­tionale qui en résulte, cette seconde par­­tie se concentre sur
les dif­­fé­­rentes étapes de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
Le pro­­ces­­sus de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation peut se décom­­po­­ser en quatre
étapes suc­­ces­­sives :
––la carac­­té­­ri­­sa­­tion du «  modèle d’affaire inter­­na­­tional  » de l’orga­­ni­­sa­­tion,
abou­­tis­­sant à la déter­­mi­­na­­tion de ses pro­­blé­­ma­­tiques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et
à la déli­­mi­­ta­­tion de l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion appro­­prié pour y
répondre ;
––l’iden­­ti­­fi­­cation des lignes de force de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence
retenu, en mesu­­rant son attractivité, la dyna­­mique concur­­ren­­tielle, qui s’y
mani­­feste, pour mettre en évi­­dence les fac­­teurs clés de suc­­cès à maî­­tri­­ser et les
stra­­té­­gies gagnantes à envi­­sa­­ger ;
––l’appré­­cia­­tion du degré de maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès par l’orga­­ni­­sa­­
tion consi­­dé­­rée, celle des avan­­tages compétitifs à culti­­ver et des han­­di­­caps à
combler dans le cadre d’une for­­mu­­la­­tion stratégique inter­­na­­tionale déga­­geant
les principales orien­­ta­­tions à pri­­vi­­lé­­gier ;
––la mise en œuvre de ces orien­­ta­­tions, au niveau des prin­­ci­­pales fonc­­tions, en
tenant compte des dimen­­sions orga­­ni­­sa­­tion­­nelles et cultu­­relles inhé­­rentes à
tout pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, devant conduire à l’éla­­bo­­ra­­tion d’un plan
d’affaire propre à en faci­­li­­ter la réa­­li­­sa­­tion.
Ces dif­­fé­­rentes étapes devront être «  infor­­mées  » par un sys­­tème de veille ou
d’intel­­li­­gence éco­­no­­mique, bien struc­­turé combi­­nant la col­­lecte des don­­nées
internes et externes, quan­­ti­­tatives et qua­­li­­ta­­tives, s’appuyant sur une orga­­ni­­sa­­tion
évo­­lu­­tive pour per­­mettre à l’orga­­ni­­sa­­tion de se pro­­je­­ter plus faci­­le­­ment dans
l’ave­­nir.
La déter­­mi­­na­­tion des carac­­té­­ris­­tiques du « modèle d’affaire inter­­na­­tional » et de
la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion, consti­­tuera la pre­­mière
étape de l’audit :
––en décom­­po­­sant, tout d’abord, les dif­­fé­­rentes dimen­­sions du modèle d’affaire
inter­­na­­tional : le modèle éco­­no­­mique, le modèle juridico-­financier, le modèle
tech­­nique, le modèle social et sociétal, qui devront prendre en compte la diver­
­sité des contextes locaux dans les­­quels l’orga­­ni­­sa­­tion se déve­­lop­­pera ;
––en met­­tant en évi­­dence la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation à deux niveaux :

314
Structuration de la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ■  Chapitre 5


––à tra­­vers l’approche chro­­no­­lo­­gique du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de
l’orga­­ni­­sa­­tion (sa timeline) fai­­sant res­­sor­­tir les prin­­ci­­pales étapes de sa pro­­
gres­­sion, pour les dif­­fé­­rentes acti­­vi­­tés et dans les dif­­fé­­rentes zones dans les­
­quelles elle se sera suc­­ces­­si­­ve­­ment déve­­lop­­pée, en mar­­quant bien les
moments cri­­tiques ayant ponctué ces périodes suc­­ces­­sives ;
––à tra­­vers le déploie­­ment géo­­gra­­phique, mar­­quant les espaces « cou­­verts » de
manière plus ou moins sys­­té­­ma­­tique par l’orga­­ni­­sa­­tion, dans une perspec­­tive
d’horizontalisation ou de verticalisation ;
––en fai­­sant res­­sor­­tir enfin, les deux élé­­ments de conclu­­sion de cette pre­­mière
étape :
––la ou les pro­­blé­­ma­­tiques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation à laquelle/aux­­quelles, l’audit
aura à répondre priori­­tai­­re­­ment, dans le cadre de l’approche « tous azi­­muts »
ou « foca­­li­­sée » qui aura été pri­­vi­­lé­­giée ;
––la déli­­mi­­ta­­tion de « l’espace de réfé­­rence » et/ou de « l’espace d’expan­­sion »
dans lequel cet audit devra être mené, pour bien répondre à ces pro­­blé­­ma­­
tiques.

315
Chapitre
Ana­­lyse
de l’acti­­vité
6 dans l’espace
de réfé­­rence

C omment pré­­ci­­ser les limites de l’espace de réfé­­rence (dans le cadre de


l’approche « tous azi­­muts » ou « foca­­li­­sée » défi­­nie lors de la struc­­tu­­ra­­
tion de la démarche d’audit ? Quelles pres­­sions externes – et de quelle nature
– sont sus­­cep­­tibles de faire évo­­luer l’attractivité d’un espace géo-­sectoriel pour
les acteurs étran­­gers comme pour les acteurs locaux ? À quels enjeux sont-­ils,
les uns et les autres, confron­­tés ? Com­ment la concur­­rence entre eux est-­elle en
mesure d’évo­­luer ? Pour quelles rai­­sons ? Dans quelles condi­­tions ? Comment
posi­­tion­­ner les dif­­fé­­rents acteurs qui opèrent ou qui sont sus­­cep­­tibles d’opé­­rer
dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion retenu ? Quels fac­­teurs clés de suc­­cès
conviendrait-­il d’y maî­­tri­­ser  ? Quelles stra­­té­­gies gagnantes pour­­raient y être
mises en œuvre et pour quelles caté­­go­­ries d’acteurs concer­­nés ?
Une fois défi­­nie les pro­­blé­­ma­­tiques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation priori­­taires et déter­­miné
l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion per­­tinent pour l’orga­­ni­­sa­­tion, c’est cet espace
géo-­sectoriel dont il va fal­­loir éva­­luer le poten­­tiel et les condi­­tions de déve­­lop­­pe­­
ment. Il s’agira aussi de « posi­­tion­­ner » l’orga­­ni­­sa­­tion par rap­­port à ses concur­­rents,
et être en mesure de comprendre les muta­­tions en cours, comme d’anticiper les évo­
­lu­­tions à venir pour prendre les bonnes déci­­sions quant aux orien­­ta­­tions à pour­­
suivre, à inflé­­chir ou à remettre en cause.
Ce sera donc une véri­­table ana­­lyse de l’envi­­ron­­ne­­ment de l’acti­­vité (du sec­­teur ou
de l’indus­­trie consi­­dé­­rée) qu’il convien­­dra de mener, en pre­­nant en compte
l’ensemble des forces de chan­­ge­­ment qui s’y mani­­festent, aussi bien au niveau
macro­éco­­no­­mique des pres­­sions externes – politico-­réglementaires, éco­­no­­miques,
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

sociales, comme tech­­no­­lo­­giques –, qu’au niveau mesoéconomique du sec­­teur en


met­­tant en évi­­dence les défis (d’adap­­ta­­tion, de re­déploie­­ment et de concur­­rence)
auxquels seront confrontés tous ceux qui y opèrent.
Mais, avant cela, l’iden­­ti­­fi­­cation, pour toute acti­­vité, de ses carac­­té­­ris­­tiques struc­
t­u­­relles, ainsi que des dyna­­miques qui en façonnent l’évo­­lu­­tion per­­met­­tra d’en pré­­
ci­­ser les limites et la struc­­ture, dans le cadre de cet espace géo-­sectoriel.
L’ensemble de cette ana­­lyse, est donc des­­ti­­née, à mettre en évi­­dence :
––le poten­­tiel de déve­­lop­­pe­­ment de l’acti­­vité consi­­dé­­rée, dans l’espace de réfé­­rence
et/ou d’expan­­sion retenu, ainsi que les modi­­fi­­ca­­tions qui pour­­raient affec­­ter son
attrait ou sa valeur, en s’appuyant sur l’ana­­lyse de cet envi­­ron­­ne­­ment – pres­­sions
externes (PREST 1) et enjeux géo-sec­­to­­riels (PREST 2) – ;
––les fac­­teurs clés de suc­­cès requis pour y réus­­sir, autre­­ment dit, les atouts dont
chaque orga­­ni­­sa­­tion devrait dis­­po­­ser pour faire face dans de bonnes condi­­tions aux
défis iden­­ti­­fiés, pou­­vant être regrou­­pés autour des trois « leviers » du PREST 3
(inno­­va­­tion, profitabilité, struc­­ture) ;
––les options stra­­té­­giques que pour­­raient y adop­­ter les orga­­ni­­sa­­tions qui y sont déjà
enga­­gées ou qui seraient sus­­cep­­tibles de le faire – y compris, bien sûr, l’orga­­ni­­sa­
­tion auditée-, en combi­­nant ces fac­­teurs clés de suc­­cès ou en opé­­rant ces dif­­fé­­rents
leviers, pour autant qu’elles les maî­­trisent.
En elles-mêmes, la nature et la fina­­lité d’ensemble de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle ou
concur­­ren­­tielle inter­­na­­tionale ne dif­­fèrent pas de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle, telle que
Michaël Por­­ter et dif­­fé­­rents autres contributeurs1 en ont pro­­posé l’appli­­ca­­tion. Elle
doit seule­­ment sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment prendre en compte la dimen­­sion inter­­na­­tionale, en
fonc­­tion de l’approche rete­­nue, « tous azi­­muts » ou « foca­­li­­sée », et du ou des pays
qui entrent dans le cadre géo­­gra­­phique et sec­­to­­riel pré­­cisé à l’issue de la pre­­mière
étape de l’audit, pour l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

1.  Les sources de la démarche sont nom­­breuses, mais il convient de par­­tir du « père » de la démarche d’ana­­lyse
stra­­té­­gique, M. Por­­ter, à tra­­vers les publi­­ca­­tions qui la décrivent : Choix stra­­té­­giques et concur­­rence et L’avan­­tage
concur­­ren­­tiel ; voir aussi son pre­­mier article syn­­thé­­tique paru en fran­­çais sur la méthode « Ana­­ly­­sez votre indus­­
trie » (Harvard/L’Expan­­sion, été 1979). Voir éga­­le­­ment les dif­­fé­­rents manuels de base de stra­­té­­gie : Strategor (op.
cit.) et sur­­tout Atamer T. et Calori R. (op. cit.) qui y consacrent le cha­­pitre 3 de leur ouvrage à l’« Ana­­lyse des sys­
­tèmes concur­­ren­­tiels  », ainsi que les articles consa­­crés aux aspects de l’ana­­lyse concur­­ren­­tielle comme celui de
Leidecker B., «  Identifying and using critical success factors », Long Range Plan­­ning, vol. 17, février 1984.
D’autres approches, plus « lit­­té­­raires » n’en pré­­sentent pas moins d’inté­­rêt dans la mesure où elles per­­mettent de
re­situer l’acti­­vité dans un contexte his­­to­­rique et géo-­politique autant qu’éco­­no­­mique, comme s’attache à le faire
l’académicien- éco­­no­­miste Erik Orsenna dans ses trois petits pré­­cis de mon­­dia­­li­­sa­­tion consa­­crés au coton, à l’eau
et au papier (cf. biblio­­gra­­phie).

317
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

c Repère 6.1
Prin­­cipes et fina­­li­­tés de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle
La démarche de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle est ici décrite dans une perspec­­tive plus par­­ti­­cu­­
liè­­re­­ment inter­­na­­tionale.
À par­­tir d’une pre­­mière ana­­lyse des lignes de force macro­éco­­no­­miques, puis meso­écono­
miques, des­­ti­­née à mesu­­rer l’homo­­gé­­néité (et fixer les limites) ainsi que l’attractivité (ou la
« valeur ») de l’indus­­trie, du sec­­teur ou de l’acti­­vité consi­­dé­­rée, la démarche est la sui­­vante :
–– iden­­ti­­fier, clas­­ser et asso­­cier les élé­­ments d’envi­­ron­­ne­­ment de l’ensemble géo-­
sectoriel étu­­dié1, en iden­­ti­­fier les pres­­sions externes – politico-­réglementaires, éco­­
no­­miques et sociales, tech­­no­­lo­­giques – ;
––en défi­­nir les limites et appré­­cier la dyna­­mique qui l’anime, en par­­ti­­cu­­lier pour les
acteurs, confron­­tés à dif­­fé­­rents enjeux (adap­­ta­­tion, re­déploie­­ment, concur­­rence)
résul­­tant des pres­­sions pré­­cé­­dem­­ment ana­­ly­­sées ;
––en éva­­luer l’évo­­lu­­tion poten­­tielle en termes de crois­­sance poten­­tielle de la demande
et de fac­­teurs de remise en cause (fluc­­tua­­tions conjonc­­tu­­relles et impact des crises,
obso­­les­­cence, revire­­ments réglementaires).
Dans le cadre d’un posi­­tion­­ne­­ment dyna­­mique2 :
–– situer les dif­­fé­­rents « acteurs », qui s’affrontent dans le cadre du « groupe concur­­rent » ;
–– mesu­­rer, dans la filière consi­­dé­­rée, le pou­­voir des four­­nis­­seurs, en amont, comme
celui des clients et pres­­crip­­teurs, en aval ;
–– appré­­cier les menaces d’éven­­tuels « nou­­veaux entrants » et « sub­­sti­­tuts » ;
L’objec­­tif final est de déga­­ger les voies d’évo­­lu­­tion stra­­té­­giques qui s’offrent à l’entre­­prise au
pro­­fit de qui l’étude sera réa­­li­­sée sur la base des fac­­teurs clés de suc­­cès requis ainsi que les
« stra­­té­­gies gagnantes » dans l’espace de réfé­­rence ou dans l’espace d’expan­­sion retenu.

1.  Le terme « ana­­lyse sec­­to­­rielle » (d’autres auteurs emploient le terme « ana­­lyse concur­­ren­­tielle ») cor­­res­­pond à une
démarche qui peut s’appli­­quer suc­­ces­­si­­ve­­ment à plu­­sieurs niveaux. La pro­­gres­­sion la plus sou­­vent ren­­contrée recouvre :
– d’abord, le stade du « sec­­teur » ou de l’« indus­­trie » – au sens anglo-­saxon du terme – qui s’iden­­ti­­fie habi­­tuel­­le­
­ment à des ensembles éco­­no­­miques très vastes et au contenu hété­­ro­­gène. Ainsi parle-­t-on de sec­­teur ou d’indus­
­trie « agro-­alimentaire », ou même d’indus­­trie de la « banque » ou de l’« assu­­rance » ;
– ensuite, le stade de l’« indus­­trie » au sens où l’entend M. Por­­ter;elle consti­­tue un ensemble déjà plus homo­­gène
qui se défi­­nit comme « un groupe d’entre­­prises qui pro­­duisent des biens ou ser­­vices, proches sub­­sti­­tuts les uns
des autres, et qui, de ce fait, sont en concur­­rence sur le mar­­ché ». À ce stade, on par­­lera d’indus­­tries des « pro­­duits
lai­­tiers », de la « banque de détail » ou de l’« assu­­rance dom­­mages » ;
– puis, le stade des « acti­­vi­­tés » (ou « domaines d’acti­­vi­­tés stra­­té­­giques ») qui pré­­sentent des élé­­ments de cohé­­rence
suf­­fi­­sants, en termes de compé­­tences et de res­­sources requises pour y réus­­sir ; il peut s’agir d’acti­­vi­­tés telles que
les « pro­­duits lai­­tiers frais », les « pro­­duits lai­­tiers de longues conser­­va­­tion » ou les « pro­­duits lai­­tiers secs »... ;
– enfin, les « macro­seg­­ments » – pour reprendre les termes d’Atamer et Calori – concentrent l’approche sur cer­­
taines caté­­go­­ries de clien­­tèles ou de canaux de dis­­tri­­bu­­tion. Il peut s’agir des pro­­duits lai­­tiers frais pour la grande
dis­­tri­­bu­­tion, pour le commerce de détail ou pour les col­­lec­­ti­­vi­­tés.
À noter que l’empi­­risme des uti­­li­­sa­­teurs l’emporte, le plus sou­­vent sur un dog­­ma­­tisme métho­­do­­lo­­gique ; ce qui ne
signi­­fie pas qu’il faille négli­­ger la rigueur dans l’appli­­ca­­tion, qui condi­­tionne l’effi­­ca­­cité et la per­­ti­­nence de la démarche.
2.  À noter que le schéma de Por­­ter des cinq forces de la concur­­rence, sous sa forme ultime, incor­­pore le rôle de
l’État, mais de façon som­­maire. Dans l’approche pro­­po­­sée, c’est, en amont de l’ana­­lyse concur­­ren­­tielle, au niveau
macro­éco­­no­­mique, c’est-­à-dire des lignes de force de l’envi­­ron­­ne­­ment de l’espace géo-­sectoriel consi­­déré que
l’ensemble des pres­­sions externes sont prises en compte (et pas seule­­ment les pres­­sions politico-­réglementaires).
C’est pour­­quoi, à ce niveau mésoéco­­no­­mique on s’en tient aux aspects essen­­tiel­­le­­ment sec­­to­­riels.

318
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

Le choix d’une stra­­té­­gie acces­­sible à l’orga­­ni­­sa­­tion auditée sup­­po­­sera, à la suite


de cette ana­­lyse externe, dans le cadre de l’ana­­lyse interne qui la pro­­lon­­gera (cf.
chapitre  7) la prise en compte de son niveau de res­­sources et de ses avan­­tages
compé­­titifs propres. La stra­­té­­gie rete­­nue sera celle qui favo­­ri­­sera le mieux ses atouts
dis­­tinctifs, en les re­situant parmi les « stra­­té­­gies gagnantes », iden­­ti­­fiées au sein de
son groupe concur­­rent dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion retenu.
Si le posi­­tion­­ne­­ment géo­­gra­­phique de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle ou concur­­ren­­tielle va
de soi pour les indus­­tries, sec­­teurs ou acti­­vi­­tés de type glo­­bal, elle est plus déli­­cate,
en revanche, pour ce qui concerne les acti­­vi­­tés « mixtes », ou encore pour les acti­­
vi­­tés «  géo­cen­­trées  »/domes­­tiques ou en cours d’ouverture trans­fron­­tières
(cf. chapitre 3).
Dans le pre­­mier cas, celui des acti­­vi­­tés à domi­­nante glo­­bale, on approche un mar­
c­ hé mon­­dial, qui néces­­site de par­­tir d’une vision d’ensemble (approche « tous azi­­
muts » d’un espace mon­­dial), même si, ensuite, on aura inté­­rêt à se foca­­li­­ser sur un
espace géo-­sectoriel par­­ti­­cu­­lier, plus res­treint, pour y mesu­­rer l’impact d’un chan­­
ge­­ment impor­­tant de l’envi­­ron­­ne­­ment ou de la concur­­rence, ou encore, pour y
démar­­rer son acti­­vité.
Dès lors, l’ana­­lyse pourra se concen­­trer, soit sur un sec­­teur par­­ti­­cu­­lier, une acti­­vité
précise dans ce sec­­teur ou, même, un « macro seg­­ment » de cette acti­­vité, soit sur
une zone géo­­gra­­phique spé­­ci­­fique, consi­­dé­­ré, cha­­cun ou cha­­cune, comme un
ensemble cohé­­rent néces­­si­­tant des déci­­sions adap­­tées.
Dans le second cas, celui des acti­­vi­­tés « mixtes », les mêmes fina­­li­­tés sont à rete­­nir,
mais en pri­­vi­­lé­­giant la foca­­li­­sa­­tion, soit sur le sec­­teur, l’acti­­vité ou le « macro seg­­
ment », soit sur des zones géo­­gra­­phiques pré­­cises (en fonc­­tion de leurs trans­­for­­ma­
­tions en cours, ou en fonc­­tion de la volonté d’y prendre posi­­tion).
Dans le troi­­sième cas, celui des acti­­vi­­tés à domi­­nante locale, ou domes­­tique, en
cours d’ouver­­ture trans­fron­­tières, l’ana­­lyse pourra être diri­­gée :
––soit sur le mar­­ché domes­­tique d’ori­­gine, pour éva­­luer les consé­­quences des muta­
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­tions pro­­vo­­quées par l’ouver­­ture des fron­­tières et par les prin­­ci­­pales trans­­for­­ma­­
tions de l’envi­­ron­­ne­­ment domes­­tique et inter­­na­­tional ;
––soit sur les zones géo­­gra­­phiques et/ou cultu­­relles de proxi­­mité ou faci­­le­­ment
acces­­sibles, comme les DOM/TOM ou les ACP1, sus­­cep­­tibles de faire l’objet de
pro­­jets de commer­­cia­­li­­sa­­tion, de délocalisation de four­­ni­­ture ou de pro­­duc­­tion
(achats, sous-traitance, fabri­­ca­­tion locale…) ;
––soit sur des zones de réfé­­rence supra­­na­­tionales deve­­nues per­­ti­­nentes – comme
l’Union Euro­­péenne, le Mercosur, l’Alena, l’Asean… –, ou sur des acti­­vi­­tés ou
« macro seg­­ments », sus­­cep­­tibles d’inté­­res­­ser plu­­sieurs pays ou plu­­sieurs zones.

1.  Pays d’Afrique, Caraïbes et Paci­­fique (d’où l’acro­­nyme ACP), ras­­sem­­blant les anciennes colo­­nies des pays
membres de l’Union Européenne et qui, à ce titre, béné­­fi­­cient, à tra­­vers les conven­­tions de Lomé, de condi­­tions
d’accès pri­­vi­­lé­­giées au mar­­ché euro­­péen et d’aides par­­ti­­cu­­lières.

319
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Le cas intro­­duc­­tif retenu ici, foca­­li­­sera l’ana­­lyse externe sur un « pays-continent »,


l’Inde, dont les carac­­té­­ris­­tiques ont déjà été sou­­li­­gnées pré­­cé­­dem­­ment1 et sur un
sec­­teur, les cos­­mé­­tiques, qui y a été lar­­ge­­ment créé par les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères
au cours des vingt der­­nières années. Il sou­­ligne le rôle que celles-ci – et, en par­­ti­­cu­
­lier, le lea­­der mon­­dial, L’Oréal – ont pu y jouer tout comme l’influ­­ence qu’a pu
avoir cet espace pour accé­­lé­­rer une ethnicisation de ce sec­­teur, déjà ini­­tiée dans
d’autres régions du monde. Il montre aussi à quel point le déve­­lop­­pe­­ment de ce sec­
­teur peut être dépen­­dant d’autres sec­­teurs, eux-mêmes en voie d’ouver­­ture, comme
la grande dis­­tri­­bu­­tion.

Le plan du chapitre
Section 1 ■  L’ana­­lyse des lignes de force dans l’espace géo-sectoriel considéré
Section 2 ■   Le posi­­tion­­ne­­ment concur­­ren­­tiel
Section 3 ■   Les voies d’évo­­lu­­tion stra­­té­­gique

 Cas intro­­duc­­tif
Le sec­­teur des cos­­mé­­tiques modernes en Inde,
une créa­­tion ex nihilo2 !
L’ethnicisation3 est deve­­nue le maître mot pour le sec­­teur des cos­­mé­­tiques. Pro­­dui­
­sant essen­­tiel­­le­­ment en Occi­­dent pour les Occi­­den­­taux, les firmes lea­­ders ne l’ont
décou­­vert que récem­­ment : cette révé­­la­­tion, pour L’Oréal, par exemple, est venue
des États-­Unis, en 1998, lors de l’acqui­­si­­tion de deux firmes locales, Softsheen et
Carson, avec le constat que la consom­­ma­­trice « afro-amé­­ri­­caine » consa­­crait aux
cos­­mé­­tiques un bud­­get moyen trois fois supé­­rieur à celui de la consom­­ma­­trice
« cauca­­sienne ».
Dès lors, l’approche des mar­­chés afri­­cains, latino-amé­­ri­­cains et, sur­­tout, asia­­tiques
allait prendre une toute autre tour­­nure ; par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans des espaces émergents

1.  Voir chapitre 2 La dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toire.


2.  Voir cas (avec notice péda­­go­­gique), dis­­po­­nible en fran­­çais et en anglais à la Cen­­trale des Cas et des Moyens
Péda­­go­­giques. (Jean-Paul Lemaire « Le sec­­teur des cos­­mé­­tiques modernes en Inde, une créa­­tion ex nihilo ! »).
3.  B. Co­va et O.Badot défi­­nissent l’ethno­mar­­ke­­ting, comme « une approche qui consiste à seg­­men­­ter le mar­­ché
local ou inter­­na­­tional en s’appuyant sur l’homo­­gé­­néité d’une souche eth­­nique d’un groupe de consom­­ma­­teurs. Ainsi
proposera-­t-on des pro­­duits adap­­tés aux carac­­té­­ris­­tiques phy­­siques et cultu­­relles des consom­­ma­­teurs agré­­gés par
souches, par exemple les popu­­la­­tions noires, his­­pa­­niques, juives, isla­­miques... » ; voir aussi Cui, G. (2001) « Mar­­
ke­­ting to ethnic minority consumers : a historical journey (1932-1997) », Jour­­nal of Macro­mar­­ke­­ting, 21 (1), ainsi
que Pires Guilherme D. et Stanton P. J., Ethnic Mar­­ke­­ting, 1re éd., Thomson, 2005.

320
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6


encore à décou­­vrir, comme l’Inde, où la firme n’était dis­­tri­­buée que depuis le début
des années 90, une pre­­mière implan­­ta­­tion n’ayant suivi qu’en 19941.
Dix ans après, aux envi­­rons de 2005, dans ce pays en phase d’urba­­ni­­sa­­tion rapide, avec
une forte mon­­tée en puis­­sance de la classe moyenne, un pou­­voir d’achat en hausse et
un accès de plus en plus immé­­diat à l’infor­­ma­­tion, via inter­­net notam­­ment, cette ten­­
dance s’était clai­­re­­ment affir­­mée : les consom­­ma­­trices, de plus en plus pré­­sentes dans
la vie pro­­fes­­sion­­nelle (comme, de plus en plus, les consom­­ma­­teurs) expri­­maient déjà
des attentes crois­­santes, en matière de trai­­te­­ment et de tein­­ture du che­­veu, de soins du
visage et de la peau, de maquillage, de par­­fu­­me­­rie, avec un inté­­rêt accru pour tous les
pro­­duits de la cos­­mé­­tique moderne sus­­cep­­tibles d’amé­­lio­­rer leur appa­­rence phy­­sique,
sans renier, pour autant, leurs tra­­di­­tions. Alors que les mar­­chés d’Europe de l’Ouest et
des États-­Unis repré­­sen­­taient encore, pour les firmes occi­­den­­tales, res­­pec­­ti­­ve­­ment,
45 % et 25 % envi­­ron de leur activité, mais avec une crois­­sance infé­­rieure à 5 %, leur
pro­­gres­­sion en Inde attei­­gnait plus de 40 % dès 2005-2006.
Et pour­­tant, dans ce même pays, à la fin des années 1990, le sec­­teur des cos­­mé­­
tiques – au sens occi­­den­­tal du terme – n’exis­­tait lit­­té­­ra­­le­­ment pas  ! Non que les
soins de la peau et des che­­veux, ou encore que les par­­fums, n’y aient pas eu leur
place. Bien au contraire ! Mais les besoins y étaient encore satis­­faits autre­­ment que
par ce à quoi les grandes firmes occi­­den­­tales ou japo­­naises étaient habi­­tuées à offrir.
À l’époque, à tous les coins de rue, les bar­­biers, comme on peut l’obser­­ver encore
à cer­­tains endroits, sus­­pen­­daient un miroir à un mur, pla­­çaient un siège de for­­tune
devant et offraient leurs ser­­vices aux pas­­sants.
L’essen­­tiel de la popu­­la­­tion avait recours à des pro­­duits natu­­rels, peu coûteux, pré­
­parés et admi­­nis­­trés dans un cadre de proxi­­mité – la famille, le village ou le quar­­tier
–. Seule une très mince frange – la plus aisée – avait accès à des pro­­duits impor­­tés
à grands frais, assu­­jet­­tis à des droits de douane dépas­­sant les 100 %, dis­­po­­nibles
uni­­que­­ment dans les grandes villes, à tra­­vers des réseaux de dis­­tri­­bu­­tion très sélec­­
tifs. Qui plus est, ils n’étaient pas conçus pour les complexions et les pilo­­si­­tés par­­
ti­­cu­­lières des très diverses caté­­go­­ries de popu­­la­­tions de cet immense pays, des
Dra­­vi­­diens du Sud aux In­do-Aryens du Nord, avec une popu­­la­­tion rurale à plus de
70 %, et 400 mil­­lions d’habi­­tants vivant en des­­sous du seuil de la pau­­vreté. Ceci,
sans par­­ler de compor­­te­­ments de consom­­ma­­teurs, très contras­­tés, entre la res­­sor­­tis­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

­sante très extrovertie du riche Penjab agri­­cole, au Nord du pays, et l’indienne de la


pointe Sud, beau­­coup plus réser­­vée, du Kerala ou du Tamil Nadu.
Depuis, les choses ont commencé à chan­­ger, du moins pour une pro­­por­­tion crois­­
sante de la popu­­la­­tion urbaine, dont l’arché­­type pour­­rait être la jeune femme active,
de 22 à 45 ans, la working woman des fameuses « metro » indiennes, ces immenses
conur­­ba­­tions qui dépassent plus ou moins lar­­ge­­ment les 10 mil­­lions d’habi­­tants
– Mumbay, Delhi, Kolkata, Chennai, Bangalore, Hyderabad..– mais aussi les agglo­
­mé­­ra­­tions inter­­mé­­diaires les plus dyna­­miques – comme Ahmedabad, dans le
« vibrant » Gudjarat, au Nord Ouest –, et, de plus en plus, aussi, les mul­­tiples villes

1.  Voir rap­­ports annuels L’Oréal, 2000 à 2011, Xerfi L’Oréal, 2006 ; C. Passariello, « L’Oréal looks to In­dia for
growth », The Wall Street Jour­­nal, 15/02/2007, et « Behind L’Oréal’s Makeover in In­dia, : Going Upscale », The
Wall Street Jour­­nal Online, 13/07/2007, voir aussi T. Chauchat, « Les défis et les enjeux de la dis­­tri­­bu­­tion de pro­­
duits de grande consummation dans les economies à crois­­sance rapide : appli­­ca­­tion aux cos­­mé­­tiques en Inde, le
cas L’Oréal  », Thèse Pro­­fes­­sion­­nelle, MS Mana­­ge­­ment des Pro­­jets Inter­­na­­tionaux. Voir aussi B. Col­lin et
D. Rouach, Le modèle L’Oréal, les stratégies clés d’une multinationale française, Pearson, 2009.

321
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


« moyennes » dépas­­sant déjà le million d’habi­­tants. On ne s’étonne plus d’apprendre
qu’elle consacre beau­­coup de temps à sa toi­­lette et que, par ailleurs, ce n’est peut-
être pas – ou plus – le prix qui consti­­tue, pour elle, l’obs­­tacle majeur à l’accès aux
cos­­mé­­tiques modernes, puisque cer­­tains pro­­duits à suc­­cès là-bas se vendent à des
niveaux très proches de ceux pra­­ti­­qués en Occi­­dent.
Rien d’éton­­nant, dès lors, que la concur­­rence ait explosé et que les firmes étran­­
gères se soient mul­­ti­­pliées : dès les années 2005/2006, de nou­­veaux acteurs occi­­
den­­taux ont fait leur entrée, le plus sou­­vent en s’appuyant sur les grands dis­­tri­­bu­­teurs
locaux, Baccarosse, Quest Retail, MKP Distributors ou AP Distributors, mais aussi,
direc­­te­­ment, en créant une filiale, comme, dans le très haut de gamme, Chanel ou
Estée Lauder, avec MAC pour les pro­­fes­­sion­­nels, au moment où L’Oréal complé­­tait
sa gamme avec l’arri­­vée de sa divi­­sion «  Pro­­duits de Luxe  » et le lan­­ce­­ment de
Ralph Lauren et Cacharel ; ou encore, dans le haut de gamme, Max Factor, Body
Shop que venait de rache­­ter L’Oréal ; Art Deco et Red Earth, commen­­çant à ouvrir
des bou­­tiques, le plus sou­­vent via des dis­­tri­­bu­­teurs.
Cer­­tains acteurs, au pre­­mier rang des­­quels, L’Oréal, qui a, sans doute, beau­­coup
contri­­bué à «  créer  » le sec­­teur en Inde, avaient déjà pris une sérieuse lon­­gueur
d’avance, en choi­­sis­­sant comme ambas­­sa­­drice l’icône du cinéma indien, l’hyper
média­­ti­­sée Aishwarya Rai, ex-Miss Inde, ex-Miss Uni­­vers, connue, jus­­qu’au village le
plus reculé du sous-continent, dans chaque foyer indien. Un atout déci­­sif d’un autre
ordre a été la créa­­tion, non loin de Mumbay, à Pune, d’une unité de pro­­duc­­tion,
répon­­dant au niveau d’exi­­gence le plus élevé des «  good hygiene practices  » du
groupe, et lui per­­met­­tant de fabri­­quer sur place, en contour­­nant la bar­­rière des droits
de douane et en éco­­no­­mi­­sant des frais logis­­tiques impor­­tants, à des coûts très compé­
­titifs, une grande par­­tie des pro­­duits dis­­tri­­bués dans le pays. Mais ce qui a aussi contri­
­bué très vite au déve­­lop­­pe­­ment local a été le tra­­vail effec­­tué, autour de l’Inter­­na­­tional
Hairdresing Academy lan­­cée par L’Oréal Pro­­fes­­sion­­nel, en 2006, pour la for­­ma­­tion de
ceux qui allaient contri­­buer à la créa­­tion des très nom­­breux salons de beauté qui ont
essaimé sur l’ensemble du ter­­ri­­toire et qui consti­­tuent un for­­mi­­dable réseau de pres­­
crip­­tion pour ses pro­­duits grand public. L’idée pour­­rait être aussi, comme Jean – Paul
Agon, le PdG de L’Oréal, en évo­­quait la pos­­si­­bi­­lité, d’acqué­­rir une entre­­prise locale,
même de taille modeste, pour en faire, « une rampe de lan­­ce­­ment » d’une gamme de
pro­­duits natu­­rels ayurvédiques dans le monde entier (comme Softsheen et Carson,
pour d’autres clien­­tèles, dès 1998), à l’ins­­tar de ce qu’à d’ailleurs déve­­loppé Estée
Lauder, avec sa marque Aveda qui a fait des débuts pro­­met­­teurs aux États-Unis.
Mais l’approche de L’Oréal, d’ailleurs très vite copiée – sinon éga­­lée – par ses nom­
­breux chal­­len­­gers plus récem­­ment ins­­tal­­lés, n’est pas la seule à faire réfé­­rence : le
lea­­der his­­to­­rique, filiale du géant anglo-hol­­lan­­dais Uni­lever, Hindustan Lever, long­
­temps can­­ton­­née dans les pro­­duits d’hygiène, avait fait l’acqui­­si­­tion, dès le milieu
des années 90, de la firme locale pion­­nière en matière de cos­­mé­­tiques, Lakme.
«  HLL  » a su, d’ailleurs, conser­­ver une lon­­gueur d’avance, avec son «  pro­­jet
Shakti », en s’adres­­sant à la « base de la pyra­­mide », à tra­­vers des groupes d’entraide
fémi­­nins, les « self help groups » qui achètent des pro­­duits en doses indi­­vi­­duelles et
les dis­­tri­­buent via les maga­­sins ruraux1.

1.  Voir repère 1.7 Les approches « Base de la Pyra­­mide » (ou BoP, « bottom of the Pyramid »).

322
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6


Mais le véri­­table ver­­rou du mar­­ché indien des cos­­mé­­tiques, que ce lea­­der his­­to­­rique
contrôle par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment bien, est res­­té long­­temps et reste encore la dis­­tri­­bu­­tion,
apa­­nage des 12 mil­­lions de kirana stores, micro-bou­­tiques sou­­vent de moins de 10
ou 20 m2, fai­­sant vivre des familles entières, répar­­ties sur tout le ter­­ri­­toire et qui
apportent un ser­­vice incom­­pa­­rable à la clien­­tèle de proxi­­mité – exé­­cu­­tion quasi
immé­­diate des commandes, livrai­­son/ran­­ge­­ment des pro­­duits dans leur loge­­ment,
cré­­dit-client –, et qui consti­­tuent une base élec­­to­­rale non négli­­geable dans la « plus
grande démo­­cra­­tie du monde ».
C’est ce qui explique la lente pro­­gres­­sion de la grande dis­­tri­­bu­­tion moderne, qui
tarde à s’ouvrir à la concur­­rence inter­­na­­tionale, mais qui dépas­­se­­rait désor­­mais les
15 % de la dis­­tri­­bu­­tion totale, en atten­­dant les 25 % annon­­cés pour 2015. Un cer­­tain
nombre d’acteurs locaux y ont pris posi­­tion, en par­­ti­­cu­­lier, dans la dis­­tri­­bu­­tion spé­­
cia­­li­­sée : Shoppers Stop, Lifestyle, Pyramid ou Pantaloon, ont, d’ores et déjà, pros­­péré
et des grands groupes, comme Tata, Birla, RPG ou Reliance sont sur les rangs, s’ils
n’ont pas déjà créé leur propre réseau de maga­­sins géné­­ra­­listes, où les rayons cos­­mé­
­tiques peuvent trou­­ver tout natu­­rel­­le­­ment leur place. Pour les étran­­gers, à l’ins­­tar de
l’alle­­mand Metro, c’est au niveau de la vente en gros, aux col­­lec­­ti­­vi­­tés et aux entre­­
prises – le cash and carry – que la porte s’est entrou­­verte. C’est de cette manière que
Walmart, avec Bahrti, comme par­­te­­naire local et exploi­­tant franchisé de l’enseigne
pour le commerce de détail, s’engage dans ce sec­­teur, qui devrait repré­­sen­­ter près de
500 milliards de dol­­lars en 2015. Dans son sillage, on peut s’attendre à ce que Tesco
et Car­­re­­four en fassent autant, si, tou­­te­­fois, les auto­­ri­­tés indiennes se résolvent, enfin,
à libé­­rali­­ser pour de bon le sec­­teur et l’ouvrir à la concur­­rence étran­­gère.
L’autre grand levier sur lequel peuvent, aussi, dès à présent, jouer les acteurs étran­
­gers et domes­­tiques du sec­­teur des cos­­mé­­tiques pour dis­­tri­­buer plus acti­­ve­­ment
leurs pro­­duits, est le déve­­lop­­pe­­ment très rapide des malls, ces grands espaces
commer­­ciaux ras­­sem­­blant des bou­­tiques à l’enseigne des marques qu’elles dis­­tri­­
buent et qui se comptent désor­­mais par cen­­taines, pré­­sentes dans la quasi-tota­­lité
des agglo­­mé­­ra­­tions, comme à Gurgaon, dans la ban­­lieue de Delhi, qui con­naît la
concen­­tra­­tion la plus impor­­tante du pays, où leur sur­­face moyenne avoi­­sine 60 000 m2
mais où les plus impor­­tants dépassent déjà les 100 000 m2..
Des perspec­­tives attrac­­tives, mais qui res­­tent sou­­mises à des aléas non négli­­geables ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

la pour­­suite régu­­lière de la crois­­sance n’étant pas assu­­rée, comme en atteste le


« trou d’air » que connait l’éco­­no­­mie indienne, en contrecoup de la crise mon­­diale
au pre­­mier semestre 2012, tout comme ses effets sur une clien­­tèle nou­­velle, dont
les réac­­tions aux baisses de revenu, faute de réfé­­rences anté­­rieures signi­­fi­­ca­­tives,
sont des plus incer­­taines.
Que recou­­vrait encore, dans les années 1990, le sec­­teur des cos­­mé­­tiques ? En quoi
semblait-­il étran­­ger à l’accep­­tion que les firmes occi­­den­­tales pou­­vaient, alors, en
avoir ? Quelles muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment et quelles pres­­sions externes ont contri­
­bué à le faire évo­­luer rapi­­de­­ment ? Quelles résis­­tances, et de quelle nature, ont freiné
sa pro­­gres­­sion  ? Comment déli­­mi­­ter, désor­­mais, le sec­­teur des cos­­mé­­tiques
« modernes » en Inde ? Quels seg­­ments de consom­­ma­­teurs indiens intéresse-­t-il en
priorité  ? Les­­quels peuvent pré­­sen­­ter le plus de poten­­tiel, à court comme à long
terme ? En quoi la dis­­tri­­bu­­tion est-­elle déter­­mi­­nante pour le suc­­cès des acteurs du
sec­­teur ? Dans quelle mesure ceux-­ci peuvent-­ils tirer le meilleur parti des struc­­tures

323
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


exis­­tantes tra­­di­­tion­­nelles, comme des struc­­tures modernes en plein déve­­lop­­pe­­ment ?
Quels sont les prin­­ci­­paux acteurs ou groupes d’acteurs qui y opèrent ? Qu’est ce qui
explique la pré­­sence d’un nombre crois­­sant d’étran­­gers  ? Comment semblent-­ils
s’être posi­­tion­­nés de manière pri­­vi­­lé­­giée ? Quel rôle jouent les « locaux » par rap­­port
à eux ? Comment les posi­­tion­­ner les uns par rap­­port aux autres ? En fonc­­tion de quels
élé­­ments dis­­cri­­mi­­nants ? Quels pour­­raient être les dif­­fé­­rents scénarios d’évo­­lu­­tion du
sec­­teur des cos­­mé­­tiques en Inde dans les années à venir  ? Quels fac­­teurs clés de
suc­­cès serait-­il essen­­tiel d’y maî­­tri­­ser ? Quels types de stra­­té­­gies gagnantes seraient
envi­­sa­­geables et pour les­­quelles de ces caté­­go­­ries d’acteurs ?

Des lignes de force de l’activité dans l’espace de référence


à l’identification des stratégies gagnantes
pour les différents acteurs

Délimitation de l’espace de référence/d’expansion géo-sectoriel considéré


Approche privilégiée, activités/macro-segments pris en compte, position dans la filière, niveau de maturité,
grandeurs caractéristiques et évolution quanti/qualitatives de la demande
Mutations de l’environnement
Lignes Pressions externes politico-réglementaires, économiques et sociales, technologiques (PREST 1)
de force L’mpact consécutif pour les acteurs,
enjeux géo- sectoriels (adaptation, re-déploiement, concurrentiel) (PREST 2).
ËAttractivité tendancielle de l’activité dans l’espace de référence

Caractéristiques du groupe concurrent


Identification des concurrents et groupes de concurrents dans l’espace de référence
Forces de la concurrence (schéma de Porter)
Dynamique menaces de nouveaux entrants/substituts, pouvoir des clients/fournisseurs..
concurrentielle Positionnement des acteurs du groupe concurrent
Selon des axes discriminants (carte concurrentielle)
ËIdentification des « leaders » et des « suiveurs »

Identification des scenarios d’évolution


En fonction des évolutions possibles des pressions externes et des enjeux
Orientations Facteurs clés de succès
Leviers stratégiques (innovation, profitabilité, structure) (PREST 3)
stratégiques
envisageables ËStratégies gagnantes

Quelle stratégie
serait à retenir pour
l’organisation
auditée ?

Figure 6.1 – La démarche de l’ana­­lyse externe inter­­na­­tionale

De ce cas, s’atta­­chant à un espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion bien déli­­mité, tant


sur le plan géo­­gra­­phique que sur le plan sec­­to­­riel, tel que devrait le consi­­dé­­rer un
acteur étran­­ger déjà en place ou un nou­­vel entrant consi­­dé­­rant la néces­­sité pour lui
de s’y posi­­tion­­ner, découlent les trois étapes suc­­ces­­sives de l’étude sec­­to­­rielle inter­
­na­­tionale applicable, par ailleurs, quelles que soient les dimen­­sions de l’espace de
réfé­­rence ou d’expan­­sion rete­­nue et l’approche « tous azi­­muts » ou « foca­­li­­sée » :

324
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

––les lignes de force proprement dites du sec­­teur ;


––la dyna­­mique concurrentielle que l’on peut y obser­­ver ;
––les fac­­teurs clés de suc­­cès qu’il faut y maî­­tri­­ser et les stra­­té­­gies gagnantes que l’on
pour­­rait y enga­­ger.
Pour cha­­cune de ces étapes, on s’atta­­chera à mettre en évi­­dence la logique qui
sous tend cha­­cune et la logique qui les relie entre elles, tout en pré­­ci­­sant les
concepts, les outils métho­­do­­lo­­giques à mobi­­li­­ser, en s’atta­­chant à les appli­­quer aux
dif­­fé­­rentes approches de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, comme aux dif­­fé­­rents espaces de
réfé­­rence ou d’expan­­sion des orga­­ni­­sa­­tions – du plus glo­­bal au plus foca­­lisé –.

Section
1 L’ana­­lyse des lignes de force dans l’espace
géo-sectoriel considéré
Elle a trois objec­­tifs :
––déli­­mi­­ter le champ de l’inves­­ti­­gation et faire res­­sor­­tir les prin­­ci­­pales carac­­té­­ris­­
tiques, quan­­ti­­tatives et qua­­li­­ta­­tives, sta­­tiques et dyna­­miques, de l’acti­­vité (du sec­
­teur ou de l’indus­­trie) dans l’espace de réfé­­rence/d’expan­­sion consi­­déré ;
––mesu­­rer l’impact des muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment et l’ouver­­ture inter­­na­­tionale,
en ana­­ly­­sant la nature, l’impor­­tance, les carac­­té­­ris­­tiques et la rapi­­dité d’évo­­lu­­
tion des pressions externes qui les tra­­duisent ;
–– déter­­mi­­ner, pour les orga­­ni­­sa­­tions impli­­quées, les enjeux consé­­cu­­tifs qu’elles auront
à sur­­mon­­ter, les unes et les autres, et d’où res­­sor­­tira, l’attractivité de l’acti­­vité consi­
­dé­­rée dans cet espace, pour elles, comme pour d’éven­­tuels nou­­veaux entrants.

1  La défi­­ni­­tion et la dyna­­mique de l’espace géo-­sectoriel


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Le champ d’inves­­ti­­gation peut por­­ter, sui­­vant, les cas, sur l’ensemble d’un sec­­teur,
d’une indus­­trie, d’une acti­­vité, voire d’un macro-­segment dans l’espace de réfé­­rence
retenu.

Exemple 6.1 – Les cos­­mé­­tiques modernes en Inde ; les limites du sec­­teur (1)


Les cos­­mé­­tiques peuvent être consi­­dé­­rés comme un compar­­ti­­ment par­­ti­­cu­­lier du sec­­teur
des biens de consom­­ma­­tion non ali­­men­­taires – compre­­nant, par ailleurs, la par­­fu­­me­­rie, les
pro­­duits d’hygiène du corps, les déter­­gents et pro­­duits d’entre­­tien, les pro­­duits phar­­ma­­
ceu­­tiques non ven­­dus sur ordon­­nance etc. – qui peuvent se recou­­per avec eux (cf. par­­fu­­
me­­rie, hygiène du corps). Ils sont éga­­le­­ment, comme on l’a vu, sus­­cep­­tibles d’inté­­grer,
aussi, en aval, la grande dis­­tri­­bu­­tion, géné­­ra­­liste et spé­­cia­­li­­sée, ainsi que la logis­­tique.

325
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Parmi les « macro-­segments », que défi­­nissent leurs carac­­té­­ris­­tiques de fabri­­ca­­tion, leurs


compo­­sants, les tech­­no­­logies mises en œuvre, comme leur clien­­tèle cible, deux exemples
ont été évo­­qués dans le cas introductif, les pro­­duits de luxe et les pro­­duits des­­ti­­nés à la
base de la pyra­­mide.

Pour ce sec­­teur, comme pour n’importe quel type d’indus­­trie, d’acti­­vité ou de


macro­seg­­ment, il convien­­dra prin­­ci­­pa­­le­­ment de faire res­­sor­­tir un cer­­tain nombre
d’élé­­ments de défi­­ni­­tion :
––gamme des pro­­duits cou­­verte ;
––posi­­tion dans la filière de pro­­duc­­tion ;
––posi­­tion­­ne­­ment dans l’« arène stra­­té­­gique » ;
––degré de matu­­rité dans le cycle de vie du pro­­duit, de l’acti­­vité ou du groupe d’acti­
­vi­­tés ;
––gran­­deurs carac­­té­­ris­­tiques et évo­­lu­­tions qua­­li­­ta­­tives de la demande.

1.1  La gamme de pro­­duits cou­­verte et la seg­­men­­ta­­tion stra­­té­­gique


Dans cer­­tains cas, l’approche peut être rela­­ti­­ve­­ment simple, en s’appuyant sur la
pra­­tique de la pro­­fes­­sion, cor­­res­­pon­­dant aux caté­­go­­ries d’uti­­li­­sa­­teurs et/ou aux prin­
­ci­­pales appli­­ca­­tions ou spé­­ci­­fici­­tés, ren­­voyant aux marques, puis aux réfé­­rences
pro­­po­­sées par cha­­cune.

Exemple 6.2 – Les cos­­mé­­tiques modernes en Inde ; la gamme de pro­­duits cou­­verte (2)


On pourra rete­­nir, en Inde, la struc­­tu­­ra­­tion de L’Oréal, qui intègre désor­­mais la quasi-tota-
lité des grandes « marques ombrelles » du groupe, mais qui pour­­rait s’appli­­quer, en tota­­lité
ou en par­­tie, aux dif­­fé­­rents concur­­rents locaux et, sur­­tout, étran­­gers qui y opèrent :
–– les pro­­duits pro­­fes­­sion­­nels : L’Oréal Pro­­fes­­sion­­nel, Kéra­stase, Redken, Matrix ;
–– les pro­­duits grand public : L’Oréal Paris, Garnier, Maybelline, Le Club des Créa­­teurs
de Beauté ;
–– les pro­­duits de luxe : Lancôme, Biotherm, Helena Rubinstein, Giorgio Armani, Ralph
Lauren, Cacharel ;
–– la cos­­mé­­tique active : Vichy, La Roche Posay.
À noter que la gamme The Body Shop, acquise en 2006, avec sa dis­­tri­­bu­­tion en bou­­tiques à
son enseigne, ses compo­­sants natu­­rels et ses valeurs fortes de respect de l’envi­­ron­­ne­­ment est
dif­­fi­­ci­­le­­ment réduc­­tible à l’une ou l’autre de ces caté­­go­­ries ; de même que les lignes derma-
tologiques déve­­lop­­pées conjoin­­te­­ment avec Nestlé, sous la marque Galderma.

Dans d’autres cas, il sera envi­­sa­­geable d’uti­­li­­ser d’autres indi­­ca­­teurs :


• Ce pour­­rait être une (ou des) norme(s) pro­­fes­­sion­­nelle(s) ou natio­­nale(s), ou
encore – dans la mesure où l’ana­­lyse sec­­to­­rielle se situe à un niveau inter­­na­­tional –
un stan­­dard inter­­na­­tional (s’il existe et peut s’appli­­quer à l’espace de réfé­­rence,
étroit ou large, consi­­déré)  ; comme ce peut être le cas pour les équi­­pe­­ments
télécoms, par exemple. Il existe pour chaque pays et cer­­tains groupes de pays (si

326
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

des efforts d’har­­mo­­ni­­sa­­tion ont été entre­­pris) des nomen­­cla­­tures doua­­nières, des
niveaux de qua­­lité ou des normes de fabri­­ca­­tion qui peuvent consti­­tuer autant
d’élé­­ments sus­­cep­­tibles de per­­mettre une déli­­mi­­ta­­tion du champ d’ana­­lyse ; ce qui
n’exclut pas d’autres approches.
• On pourra ainsi se réfé­­rer :
–– au type d’appli­­ca­­tions dans lequel et pour lequel les entre­­prises du sec­­teur vont
opé­­rer ; ainsi les TGV, le maté­­riel d’éclai­­rage urbain ou la signa­­lé­­tique, l’équi­
­pe­­ment de bureau, l’ali­­men­­ta­­tion pour bétail ou l’habille­­ment ;
–– à la ou les tech­­no­­logie(s) mise(s) en œuvre, tels les machines à commandes numé­
­riques, les pelles hydrau­­liques, les appa­­reils de chauf­­fage élec­­triques, les cir­­cuits
impri­­més, les piles photovoltaïques, les vins cuits ou les whis­­kies purs malt ;
–– ou à la combi­­nai­­son de plu­­sieurs de ces indi­­ca­­teurs, entre eux ou avec des seg­­
ments de clien­­tèle, consti­­tuant un pre­­mier niveau de seg­­men­­ta­­tion stra­­té­­gique1.

1.2  La posi­­tion dans la filière de pro­­duc­­tion


Les filières indus­­trielles, cor­­res­­pon­­dant à chaque acti­­vité, sec­­teur ou indus­­trie,
peuvent se struc­­tu­­rer dif­­fé­­rem­­ment, d’un sec­­teur à l’autre, et cette struc­­ture peut
évo­­luer dans le temps, en fonc­­tion des trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment politico-
­réglementaire, éco­­no­­mique et social et, sur­­tout, tech­­no­­lo­­gique dans chaque espace
de réfé­­rence, chaque orga­­ni­­sa­­tion devant se positionner dans sa propre filière indus­
­trielle.

Exemple 6.3 – Les cos­­mé­­tiques en Inde ; le posi­­tion­­ne­­ment dans la filière indus­­trielle (3)
Pour les cos­­mé­­tiques, comme dans nombre de sec­­teurs, le posi­­tion­­ne­­ment dans la filière
s’envi­­sage :
–– Par rap­­port à l’amont (matières pre­­mières, compo­­sants, ache­­mi­­ne­­ment, etc.), c’est-à-
dire par rap­­port aux phases pré­­cé­­dant leur inter­­ven­­tion  ; pour les cos­­mé­­tiques, ce
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seront  : les four­­nis­­seurs de compo­­sants natu­­rels ou syn­­thé­­tiques, les fabri­­cants de


machines des­­ti­­nées à la fabri­­ca­­tion des dif­­fé­­rents pro­­duits, les fabri­­cants d’ins­­tru­­ments
de mesure et de tests des pro­­duits, etc.
–– Par rap­­port à l’aval, c’est-­à-dire les ache­­teurs indus­­triels ou, direc­­te­­ment, les uti­­li­­sa­­
teurs du pro­­duit ou du ser­­vice – que celui-ci soit, lui-même, un pro­­duit inter­­mé­­diaire
ou un pro­­duit final –, les dis­­tri­­bu­­teurs (agents, cen­­trales d’achat, gros­­sistes, semi –
gros­­sistes, détaillants, etc.) ou même les pres­­crip­­teurs (jour­­na­­listes, orga­­nismes de
contrôle, etc.). Ain­si, pour les cos­­mé­­tiques, ce seront les salons de beauté, les détaillants
tra­­di­­tion­­nels, la grande dis­­tri­­bu­­tion moderne géné­­ra­­liste, les bou­­tiques spé­­cia­­li­­sées..,
mais aussi, en tant que pres­­crip­­teurs, les for­­ma­­teurs des futurs pro­­fes­­sion­­nels du soin
capillaire ou de soin de la peau, outre les consom­­ma­­trices elles – mêmes, les jour­­na­­
listes et sites spé­­cia­­li­­sés, les asso­­cia­­tions de consom­­ma­­teurs, etc.

1.  Voir E. Milliot, «  La seg­­men­­ta­­tion stra­­té­­gique re­visi­­tée  » Actes du pre­­mier col­­loque Atlas-­AFMI, ESCP
Europe et Uni­­ver­­sité de Paris Dau­­phine, Paris, 26-27 Mai 2011.

327
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

La filière industrielle
(exemple du secteur des cosmétiques en Inde)

Prestataires
FOURNISSEURS
Équipements Consommables LOCAUX
de services

Import
Centre de
Barrières Recherche
à l’entrée : local
- Coûts de
transport CONCEPTION /
- Droits de PRODUCTION
douane
- Coûts de
fabrication Fabrication Fabrication
- Risque de délocalisée locale
change

Distribution Nouvelle
Distribution Détaillants locaux DISTRIBUTION
Sélective distribution
Sélective traditionnels
(boutiques moderne LOCALE
(franchisée) (kirana stores)
en propre) généraliste

Prescription : CONSOMMATEUR/UTILISATEUR FINAL


(professionnels, particuliers) Promotion :
presse, TV, sites et associations de presse, TV, sites, concours
consommateurs, bouche à oreille ambassadeurs de marque

J.-P. Lemaire

Figure 6.2 – Exemple de shéma de filière dans un espace de réfé­­rence

Cette ana­­lyse sera indis­­pen­­sable à la compré­­hen­­sion des rela­­tions de pou­­voir qui


s’ins­­taurent, au sein de la filière, entre les orga­­ni­­sa­­tions appar­­te­­nant au groupe
concur­­rent d’une part, l’amont et l’aval de la filière à laquelle il appar­­tient, d’autre
part1. Si la rela­­tion d’inter­­dé­­pen­­dance au sein de la filière est trop forte, cer­­taines
orga­­ni­­sa­­tions du groupe concur­­rent qui en ont les moyens, tente­­ront de prendre le
contrôle de cer­­taines firmes, en amont ou en aval, pour assu­­rer davan­­tage leurs
appro­­vi­­sion­­ne­­ments ou l’écou­­le­­ment de leurs pro­­duits sur le mar­­ché.
Les filières indus­­trielles et les dif­­fé­­rentes étapes qu’elles couvrent – concep­­tion/
fabri­­ca­­tion/dis­­tri­­bu­­tion –, depuis les compo­­sants jus­­qu’au client final, auront donc
ten­­dance, selon les sec­­teurs :
––à être plus ou moins inté­­grées, c’est-­à-dire être plus ou moins prises en charge
direc­­te­­ment par chaque organisation qui y opère ;
––à être plus ou moins inter­­na­­tiona­­li­­sées, c’est-­à-dire déployées sur plu­­sieurs pays,
et, ce qui est de moins en moins rare, sur dif­­fé­­rents conti­­nents, en fonc­­tion des
contraintes propres à ce sec­­teur (notam­­ment sa domi­­nante locale ou glo­­bale),
comme, à un moindre titre, en fonc­­tion du modèle d’affaire propre à chaque orga­
­ni­­sa­­tion.

1.  Voir figure 6.7 « L’ana­­lyse des forces de la concur­­rence du sec­­teur des cos­­mé­­tiques en Inde ».

328
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

L’orga­­ni­­sa­­tion pourra, ainsi, au sein de la filière indus­­trielle et dans chaque espace


géo­­gra­­phique où elle opère, inté­­grer une grande par­­tie ou seule­­ment cer­­taines des
étapes clés du pro­­ces­­sus de concep­­tion/pro­­duc­­tion/dis­­tri­­bu­­tion, depuis les composants
jus­­qu’au client final.
Ainsi cer­­tains sec­­teurs, comme celui du ciment, à l’évo­­lu­­tion tech­­no­­lo­­gique plus
lente et au niveau de globalisation plus faible, sont sus­­cep­­tibles de sus­­ci­­ter un niveau
élevé d’inté­­gra­­tion des dif­­fé­­rentes étapes de la filière indus­­trielle qui tendent à se
confondre avec leur propre chaîne de valeur : sur le même site, les firmes cimentières
extraient le calcaire, le concassent, le trans­­forment dans un four à haute tem­­pé­­ra­­ture
en clinker, réduisent ce clinker en poudre en y asso­­ciant des addi­­tifs, avant de le
condi­­tion­­ner en sac, de le livrer en vrac ou prêt à l’emploi dans des envi­­ron­­ne­­ments
de proxi­­mité, mais éga­­le­­ment, hors fron­­tières, par la route ou par voie mari­­time1.
À l’inverse, d’autres sec­­teurs, plus tech­­no­­lo­­giques, plus évo­­lu­­tifs et plus glo­­baux,
se carac­­té­­risent par un niveau plus faible d’inté­­gra­­tion. Ainsi, dans la construc­­tion
aéro­­nau­­tique, à l’ins­­tar de l’auto­­mo­­bile, les orga­­ni­­sa­­tions clés de la filière – comme
Boeing ou Air­­bus – auront ten­­dance à ne prendre direc­­te­­ment en charge que cer­­
taines étapes cen­­trales : concep­­tion d’ensemble/ assem­­blage/ mar­­ke­­ting/vente. Pour
les compo­­sants et les sous-ensembles, y compris la moto­­ri­­sa­­tion, les trains d’atter­­
ris­­sage, l’é­quipement de l’habi­­tacle, elles s’appuie­­ront sur des sous-­traitants avec
les­­quels elles entre­­tien­­dront des rela­­tions pri­­vi­­lé­­giées (dans la mesure où ils se trou­
­veront, par exemple, asso­­ciés à la concep­­tion). Ce sont, comme dans l’auto­­mo­­bile2,
les OEM (ori­­gi­­nal equipment manufacturers) de dif­­fé­­rents niveaux, qui seront le
plus sou­­vent astreints de fabri­­quer de manière très coor­­don­­née avec leurs don­­neurs
d’ordre, en pro­­dui­­sant à proxi­­mité immé­­diate de leurs chaines d’assem­­blage.
Par ailleurs, les dif­­fé­­rents sec­­teurs pour­­ront avoir ten­­dance à inter­­na­­tiona­­li­­ser/à
glo­­ba­­li­­ser plus ou moins le déploie­­ment de leur filière indus­­trielle :
Cer­­taines acti­­vi­­tés (sec­­teurs ou indus­­tries) se carac­­té­­risent encore par un poten­­tiel
de déploie­­ment inter­­na­­tional limité de leur filière indus­­trielle – ou, du moins, de
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cer­­taines de ses étapes clés –. Ce pourra être le cas du sec­­teur du ciment, où l’inté­­
gra­­tion de la pro­­duc­­tion sus­­cite la concen­­tra­­tion géo­­gra­­phique, même s’il est pos­­
sible de conce­­voir une cer­­taine inter­­na­­tiona­­li­­sation de la fabri­­ca­­tion elle-même, et
de la pro­­duc­­tion en mul­­ti­­pliant les sites de pro­­duc­­tion de par le monde et en concen­
­trant dans cer­­taines loca­­li­­sa­­tions la ges­­tion de la logis­­tique3 ou la Recherche et
Déve­­lop­­pe­­ment. Ce pourra être aussi le cas de la Haute Cou­­ture, où la proxi­­mité de
la concep­­tion et de la fabri­­ca­­tion est indis­­pen­­sable, comme celle des four­­nis­­seurs de

1.  Voir cas « La Cimen­­te­­rie Natio­­nale (Liban) », Jean Paul Lemaire (avec notice péda­­go­­gique), dis­­po­­nible en
fran­­çais et en anglais à la Cen­­trale des Cas et des Moyens Péda­­go­­giques, à paraître, 2013).
2.  Voir chapitre 3, cas d’appli­­ca­­tion : « Le sec­­teur auto­­mo­­bile euro­­péen : ceux qui rient et ceux qui pleurent. »
3.  C’est ainsi que le cimen­­tier suisse Holcim a pu créer à Madrid un centre de ges­­tion logis­­tique où sont ana­­ly­
­sées en temps réel les demandes qui émanent du monde entier et que sont opti­­mi­­sées les livrai­­sons des­­ti­­nées à les
satis­­faire.

329
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

tis­­sus et d’acces­­soires rares et celle des arti­­sans spé­­cia­­li­­sés, qui expliquent la place
pri­­vi­­lé­­giée qu’occupe encore Paris dans le sec­­teur. Pour­­tant, pour ces deux sec­­teurs,
si dif­­fé­­rents soient-ils, et pour bien d’autres, qui ont des carac­­té­­ris­­tiques compa­­
rables, l’évo­­lu­­tion rapide des modes de trans­­port et les pro­­grès de la logis­­tique inter­
­na­­tionale, comme la révo­­lu­­tion de la commu­­ni­­ca­­tion des quinze der­­nières années,
sont en passe de modi­­fier sen­­si­­ble­­ment la donne.
En revanche, de plus en plus nom­­breux sont les sec­­teurs pour les­­quels on peut
obser­­ver un niveau de déploie­­ment inter­­na­­tional crois­­sant, lié à deux fac­­teurs pré­­
cé­­dem­­ment sou­­li­­gnés  : d’une part, l’évo­­lu­­tion des dif­­fé­­rentes pres­­sions politico-
régle­­men­­taires, éco­­no­­miques et sociales comme tech­­no­­lo­­giques, qui flui­­di­­fient les
échanges de biens et de ser­­vies et les inves­­tis­­se­­ments, comme, d’autre part, la néces­
­sité que ren­­contrent nombre d’orga­­ni­­sa­­tions dans de nom­­breux sec­­teurs de se rap­­
pro­­cher des grandes concen­­tra­­tions de clien­­tèle propres à leur four­­nir les relais de
crois­­sance dont ils ont besoin. Le sec­­teur de l’aéro­­nau­­tique en consti­­tue un bon
exemple avec une orga­­ni­­sa­­tion comme Air­­bus qui réus­­sit à inté­­grer dif­­fé­­rents sites
de pro­­duc­­tion répar­­tis dans l’Europe entière et dont, par ailleurs, on a pu obser­­ver
qu’il n’avait pas hésité à délocaliser ses sites d’assem­­blage d’A320 en Chine et aux
États-­Unis ; pour des rai­­sons, certes, un peu dif­­fé­­rentes, mais dans le but simi­­laire
de se rapprocher de leurs clients locaux.

Exemple 6.4 – GHCL, la struc­­ture écla­­tée (2)1


Dans le cas de GHCL, par exemple, l’entre­­prise indienne, ten­­dra à contrô­­ler l’ensemble
des étapes de la filière, en appliquant une approche flexible entre :
–– l’inter­­na­­li­­sa­­tion de cer­­taines étapes du pro­­ces­­sus de créa­­tion/fabri­­ca­­tion/dis­­tri­­bu­­tion
entre ses propres éta­­blis­­se­­ments (mana­­ge­­ment en Inde et aux États-­Unis, design,
embal­­lage final, dis­­tri­­bu­­tion en Amérique du Nord, aux États-Unis, dis­­tri­­bu­­tion euro-
péenne, en Italie et en France) ;
–– l’externalisation des autres chez des sous-­traitants (tis­­sage au Pakistan, tein­­ture en
Inde, condi­­tion­­ne­­ment au Mexique).
La chaîne de valeur sera contrô­­lée de bout en bout et cou­­vrira, en dehors des four­­ni­­tures
ini­­tiales (coton), la quasi-tota­­lité de la filière indus­­trielle, avec une struc­­ture très lar­­ge­
­ment inté­­grée en aval. En amont, en tant que don­­neur d’ordre, GHCL pourra modi­­fier
très rapi­­de­­ment, si ses arbi­­trages sur les coûts, ses contrôles de qua­­lité et de respect des
délais l’y incitent, la répar­­tition géo­­gra­­phique des pre­­mières étapes du pro­­ces­­sus de
pro­­duc­­tion. En aval, en revanche, la firme cher­­chera à contrô­­ler davan­­tage la dis­­tri­­bu­­
tion en pour­­sui­­vant sa crois­­sance externe dans les dif­­fé­­rents pays cibles qu’elle aura
sélec­­tion­­nés.

1.  Voir chapitre 4, sec­­tion 2, exemple « GHCL, la struc­­ture écla­­tée (1) ».

330
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

1.3  L’évo­­lu­­tion de et dans l’arène stra­­té­­gique


En dehors de la posi­­tion dans la filière, le posi­­tion­­ne­­ment dans l’arène stra­­té­­gique
peut, lui aussi, mieux faire res­­sor­­tir les influ­­ences majeures, à carac­­tère socio-éco­­
no­­mique, qui déter­­minent l’évo­­lu­­tion du sec­­teur : ainsi, le sec­­teur des cos­­mé­­tiques
modernes se trou­­vera à la jonc­­tion de l’ hygiène et du soin, de la tra­­di­­tion et de la
moder­­nité ; là où des ten­­dances par­­ti­­cu­­lières se font sen­­tir avec des inten­­si­­tés plus
ou moins fortes, qui vont influ­­en­­cer la crois­­sance glo­­bale de ce nou­­veau sec­­teur et
des macro-seg­­ments res­­pec­­tifs qui le composent.
Ce peuvent être, plus pré­­ci­­sé­­ment, des sec­­teurs nou­­veaux ou tra­­di­­tion­­nels qui
sont sus­­cep­­tibles de faire évo­­luer l’arène stra­­té­­gique, comme dans l’acti­­vité de
banque de détail, dont la struc­­ture et les prin­­cipes de fonc­­tion­­ne­­ment se trans­­
forment par­­tout dans le monde, compte tenu des offres concur­­rentes éma­­nant
d’ins­­ti­­tutions appar­­te­­nant à des sec­­teurs connexes qui en modi­­fient en consé­­
quence les limites comme des mutations technologiques.

L’arène stratégique
(exemple de la banque de détail)

Services
non financiers

Opérateurs
de réseaux
télécom
Banque
de détail
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Fournisseurs et
distributeurs
de biens de consommation
Services courants et durables
financiers non
bancaires

ËTous ont un accès direct au consommateur


et peuvent réaliser des économies de gamme,
ËTous peuvent offrir des services bancaires et financiers
parallèlement à d’autres services..

Figure 6.3 – La déli­­mi­­ta­­tion de l’arène stra­­té­­gique

331
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Exemple 6.5 – Les trans­­for­­ma­­tions sous jacentes de la banque de détail


Pen­­dant des décen­­nies, sinon des siècles, les banques de détail ou banques commer­­ciales,
dans la plu­­part des pays, ont donné l’image d’éta­­blis­­se­­ments res­­pec­­tables ayant pignon
sur rue, dont le siège et le réseau d’agences s’atta­­chaient à pré­­sen­­ter tous les signes de la
soli­­dité et de la fia­­bi­­lité, pour une acti­­vité qui n’était guère concur­­ren­­cée par d’autres
acteurs, sinon par les gui­­chets pos­­taux et autres rares ins­­ti­­tutions que les auto­­ri­­tés
dotaient du pri­­vi­­lège de déli­­vrer cer­­tains ser­­vices ban­­caires limi­­tés.
Avec inter­­net, depuis le début des années 2000, après la libé­­rali­­sa­­tion et la déréglemen-
tation ban­­caire inter­­ve­­nue dans de nom­­breuses éco­­no­­mies à par­­tir des années 1980, de
nou­­veaux acteurs sont venus mena­­cer les quasi-mono­­poles dont elles jouis­­saient aupa­­ra­
­vant.
Dans un pre­­mier temps, les banques commer­­ciales s’étaient essen­­tiel­­le­­ment posé la ques­
­tion de savoir comment faire évo­­luer l’équi­­libre entre le brick et le click, autre­­ment dit,
les ser­­vices au gui­­chet et les ser­­vices en ligne. Désor­­mais, la ques­­tion est plus complexe,
de nom­­breux pres­­tataires de ser­­vices, étant en mesure d’offrir une gamme plus ou moins
large de ser­­vices ban­­caires et finan­­ciers. Ils exploitent les éco­­no­­mies d’enver­­gure ou de
gamme, qui résultent direc­­te­­ment de l’exploi­­ta­­tion de leur accès au client (au gui­­chet, en
ligne, etc.) pour dis­­pen­­ser une gamme plus large que celle pour laquelle cet accès avait
été ini­­tia­­le­­ment mis en œuvre :
–– les assu­­reurs et autres pres­­tataires de ser­­vices finan­­ciers (comme, aussi, les socié­­tés de
cré­­dit à la consom­­ma­­tion) peuvent, ainsi, offrir des ser­­vices ban­­caires de détail, en se
ser­­vant de leurs propres gui­­chets ou de leurs propres sites inter­­net (en notant que,
symé­­tri­­que­­ment, les ban­­quiers peuvent aussi pra­­ti­­quer la bancassurance) ;
–– les dis­­tri­­bu­­teurs géné­­ra­­listes (cf. réseaux de grande dis­­tri­­bu­­tion) et spé­­cia­­li­­sés, ainsi
que cer­­tains pro­­duc­­teurs de biens durables (auto­­mo­­bile, équi­­pe­­ment du foyer ou de
l’entre­­prise, etc.) peuvent offrir des cré­­dits à leurs clients et en tirer des pro­­fits qui
viennent ren­­for­­cer signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment leurs marges indus­­trielles sen­­si­­ble­­ment plus fai-
bles1 ;
–– les opé­­ra­­teurs télécom peuvent offrir des appli­­ca­­tions ban­­caires et finan­­cières sur des
smartphones en s’adres­­sant à une grande diver­­sité de clien­­tèles (y compris, les clien­­
tèles bottom of the pyramid2).

1.4  Le degré de matu­­rité dans le cycle de vie international


L’iden­­ti­­fi­­cation du degré de matu­­rité d’une acti­­vité ou de sa posi­­tion sur le cycle
de vie, a pour but de faire res­­sor­­tir son poten­­tiel de crois­­sance, en fonc­­tion de la
phase qui lui cor­­res­­pond – émer­­gence, déve­­lop­­pe­­ment, matu­­rité, déclin – au niveau
glo­­bal ou dans chaque zone géo­­gra­­phique rete­­nue.

1.  Dans ce domaine, General Electric a ren­­contré un tel suc­­cès que sa filiale finan­­cière GE Capi­­tal, désor­­mais
pré­­sente dans de très nom­­breux pays dans le monde, réa­­lise des pro­­fits bien supé­­rieurs aux pro­­fits des acti­­vi­­tés
indus­­trielles du groupe, de la vente des centr­ales élec­­triques aux grille-pain.
2.  Comme l’entre­­prise indienne Bahrti, dans son pays et désor­­mais dans plu­­sieurs pays d’Afrique.

332
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

Une approche, un temps uti­­li­­sée, dis­­tin­­guait, selon le niveau de matu­­rité éco­­no­­


mique de dif­­fé­­rentes zones géo­­gra­­phiques ou des divers seg­­ments de clien­­tèle, des
moments pri­­vi­­lé­­giés pour l’intro­­duc­­tion commer­­ciale du pro­­duit d’une part, et pour
la délocalisation de sa pro­­duc­­tion d’autre part. La remise en cause de la théo­­rie du
cycle de vie inter­­na­­tional du pro­­duit1 engage de plus en plus à consi­­dé­­rer des lan­­ce­
­ments simul­­ta­­nés sur l’ensemble des mar­­chés des éco­­no­­mies matures ou à crois­­
sance rapide2.
Cycle de vie de l’activité
l’exemple du secteur des cosmétiques :
économies matures v. économies à croissance rapide

Volume
de l’activité
Phase 3 : Activité mature Phase 4 : Activité déclinante
0 % < G < 10 % G<0%

Phase 2 : activité en développement


10 % < G <2 0 %

Phase 1 : Activité émergente


Rythme de croissance (G) : ?

Économies matures Temps

Économies à croissance rapide

Figure 6.4 – Les déca­­lages de matu­­rité entre éco­­no­­mies matures


et éco­­no­­mies émergentes

Exemple 6.6 – Les cos­­mé­­tiques modernes en Inde ; le cycle de vie de l’acti­­vité (4)


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Compte tenu de son carac­­tère très récent, le sec­­teur des cos­­mé­­tiques modernes en Inde,
qui affi­­chait des taux de crois­­sance impres­­sion­­nants dès 2005-2006, le situe, à l’évi­­dence,
à l’amorce de la phase de déve­­lop­­pe­­ment dans les grandes agglo­­mé­­ra­­tions indiennes,
mais encore en phase d’émer­­gence dans les zones semi-rurales ou rurales du pays.
Pour autant, peut se poser la ques­­tion du lan­­ce­­ment des pro­­duits nou­­veaux, sur­­tout depuis
que la concur­­rence inter­­na­­tionale s’est consi­­dé­­ra­­ble­­ment ren­­for­­cée dans le pays. Une seg­­
men­­ta­­tion pré­­cise des clien­­tèles conduira de plus en plus les acteurs du sec­­teur acteurs en
place, comme nou­­veaux entrants-, à repen­­ser l’approche en termes de « fenêtres d’oppor­­
tu­­nités » en fonc­­tion des seg­­ments de clien­­tèle et des réseaux de dis­­tri­­bu­­tion.

1.  Cf. Vernon, R. « The Product Cycle Hypothesis in a New Inter­­na­­tional Environement », bul­­le­­tin of Economics
and Statistics, Oxford, Mars 1979.
2.  Voir K. Jensen, Accelerating glo­­bal Product Inno­­va­­tion through Cross-­Cultural Col­­la­­bo­­ra­­tion, op.cit.

333
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

On peut sup­­po­­ser que, pour les pro­­duits de luxe et les pro­­duits haut de gamme de la typo­
­logie des pro­­duits de L’Oréal uti­­li­­sée plus haut, des­­ti­­nés essen­­tiel­­le­­ment à des consom­­
ma­­trices très aisées et très bien infor­­mées, vivant au cœur des «  metro  » du pays, les
« fenêtres d’oppor­­tu­­nités » indiennes se super­­po­­se­­ront avec celles des mar­­chés matures
occi­­den­­taux  ; les lan­­ce­­ments de nou­­velles lignes de pro­­duits ou de nou­­veaux pro­­duits
devant alors être simul­­ta­­nés (incluant les adap­­ta­­tions néces­­saires au mar­­ché indien).
En revanche, les pro­­duits « grand public » et, sur­­tout, ceux qui sont des­­ti­­nés aux classes
moins aisées, voire aux clien­­tèles BoP, obéi­­ront à des approches plu­­tôt adap­­tées, défi­­nies
plus spé­­ci­­fi­­que­­ment par les centres de R & D locaux, dans le cadre d’approches déca­­lées
– voire tota­­le­­ment dis­­tinctes –, par rap­­port aux mar­­chés matures.

1.5 Les gran­­deurs carac­­té­­ris­­tiques et l’évo­­lu­­tion quan­­ti­­tative


de la demande
Leur mobi­­li­­sa­­tion est des­­ti­­née à don­­ner une vision encore plus directe que les
infor­­ma­­tions qui pré­­cèdent, de « l’attrait » que pré­­sente le poten­­tiel de l’espace géo-
­sectoriel ana­­lysé, à tra­­vers un cer­­tain nombre d’indi­­ca­­teurs (dans la mesure de la
dis­­po­­ni­­bi­­lité des infor­­ma­­tions ; sur­­tout dans les éco­­no­­mies à crois­­sance rapide1) :
–– le volume de la demande (en termes de chiffre d’affaires, d’uni­­tés pro­­duites, etc.) ;
––la ren­­ta­­bi­­lité (retour sur inves­­tissement, niveau de marge, etc.) ;
––la crois­­sance (pro­­gres­­sion an­nuelle en volume, en valeur, etc.) ;
––le niveau d’inves­­tis­­se­­ment (tech­­nique, pro­­mo­­tion­­nel, etc.) requis ;
Ces indi­­ca­­teurs déter­­mi­­ne­­ront – ensemble ou sépa­­ré­­ment – le niveau des « bar­­
rières à l’entrée » qu’aura à fran­­chir tout nou­­vel entrant, ou tout acteur sou­­cieux de
s’y déve­­lop­­per.
Cette col­­lecte de don­­nées ne devra pas uni­­que­­ment être effec­­tuée au niveau de
l’espace géo-­sectoriel, mais décli­­née par macro-­segments, en par­­ti­­cu­­lier si cet
espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion est frag­­menté sur le plan géo­­gra­­phique (cf. régio­
­na­­li­­sa­­tion, contrastes villes/cam­­pagnes), démo­­gra­­phique (classes d’âge domi­­nantes,
sexe, crois­­sance de la popu­­la­­tions…), éco­­no­­mique (écarts de reve­­nus impor­­tants au
sein des popu­­la­­tions), cultu­­rel (cf. dif­­fé­­rences de compor­­te­­ments de consom­­ma­­tion
mar­­quées entre commu­­nautés vivant dans cet espace), etc.

Exemple 6.7 – Les cos­­mé­­tiques en Inde ; les bases de l’ana­­lyse quan­­ti­­tative


de la demande (5)
Il res­­sort de la pré­­sen­­ta­­tion du sec­­teur que le cœur de cible du sec­­teur des cos­­mé­­tiques
sera bien le groupe des femmes actives, de 22 à 45 ans, vivant dans les grandes villes,
ayant atteint un niveau d’édu­­ca­­tion élevé, très récep­­tives aux évè­­ne­­ment de la vie sociale
et cultu­­relle et au fait de l’évo­­lu­­tion des modes et des tech­­no­­logies. Il n’en reste pas
moins que, comme constaté très tôt par les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères dans ce même seg­­

1.  Voir chapitre 8 cas intro­­duc­­tif, Jérôme ou l’osmose thaïe.

334
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

ment cible de clien­­tèle, les compor­­te­­ments de consom­­ma­­trices ne seront pas les mêmes
entre le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest du pays, et qu’une approche géo­­gra­­phique plus
fine serait à réa­­li­­ser par État, ou par agglo­­mé­­ra­­tion de taille signi­­fi­­ca­­tive.
Ce qui n’exclut pas la col­­lecte de don­­nées quan­­ti­­tatives (et qua­­li­­ta­­tives) per­­met­­tant
d’iden­­ti­­fier d’autres macro-­segments, notam­­ment, chez les hommes qui sont deve­­nus des
consom­­ma­­teurs impor­­tants de pro­­duits de soin de la peau et des che­­veux.
Enfin – sans pré­­ju­­dice de l’iden­­ti­­fi­­cation de seg­­ments plus étroits (mais que peut signi­­fier
« étroits » sur un mar­­ché d’une telle taille ?), comme le poten­­tiel énorme que repré­­sente
le « BoP ».

Une fois menées ces dif­­fé­­rentes approches, l’espace géo-­sectoriel se trou­­vera plus
pré­­ci­­sé­­ment déli­­mité ; per­­met­­tant, au-­delà des dif­­fé­­rences obser­­vées entre les dif­­fé­
­rents seg­­ments ana­­ly­­sés, de déga­­ger ses carac­­té­­ris­­tiques de fond.
La syn­­thèse de celles-ci don­­nera un pre­­mier aper­­çu de la dyna­­mique d’ensemble
de cet espace, mais néces­­si­­tera encore, dans une perspec­­tive d’anti­­ci­­pation, d’iden­­
ti­­fier les muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment sus­­cep­­tibles de déter­­mi­­ner l’évo­­lu­­tion de ces
don­­nées pour mieux éva­­luer les enjeux qu’elles comportent, au-­delà du court terme,
pour les acteurs, tant pour l’ensemble de l’espace ana­­lysé que par macro-­segment
(ou groupe de macro-­segments).

2  Pressions externes et enjeux géo-sec­­to­­riels


dans l’espace de réfé­­rence consi­­déré

L’impact de l’envi­­ron­­ne­­ment, pourra être en­visagé dans dif­­fé­­rents contextes :


–– soit dans un contexte mon­­dial ou conti­­nen­­tal, si l’on sou­­haite ana­­ly­­ser « tous azi­­
muts » l’envi­­ron­­ne­­ment concur­­ren­­tiel d’ensemble et déga­­ger ses lignes de force, en
par­­ti­­cu­­lier pour les indus­­tries ou sec­­teurs ayant un fort degré de globalisation ;
––soit dans un contexte natio­­nal, régio­­nal ou même local, pour mesu­­rer dans le cadre
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d’une approche « foca­­li­­sée » le degré de menace réelle ou poten­­tielle que pré­­sente


la concur­­rence locale et étran­­gère, sur un mar­­ché domes­­tique donné ou sur un
mar­­ché-cible poten­­tiel, quel que soit le degré de globalisation de l’indus­­trie ou du
sec­­teur ;
––soit, suc­­ces­­si­­ve­­ment, à ces deux niveaux, dans une perspec­­tive d’inter­­na­­tiona­­li­­
sation, au niveau du mar­­ché glo­­bal, puis à celui des dif­­fé­­rents mar­­chés-cibles
envi­­sa­­gés.
Au niveau glo­­bal dans le cadre d’une approche « tous azi­­muts », trois démarches
seront à appli­­quer suc­­ces­­si­­ve­­ment :
• La pre­­mière consis­­tera à posi­­tion­­ner l’indus­­trie, le sec­­teur ou l’acti­­vité sur la grille
« glo­­bal/local », en pre­­nant en compte le poids rela­­tif des dif­­fé­­rentes « forces de
glo­ba­lisation  » d’une part, et des «  forces de loca­­li­­sa­­tion  » d’autre part (cf.  cha­­
pitre 3) :

335
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

–– Dans les sec­­teurs, à forte dimen­­sion tech­­no­­lo­­gique, «  B to B  », comme la


construc­­tion aéro­­nau­­tique1 ou les équi­­pe­­ments télécom2, les forces de
globalisation domi­­ne­­ront, même si cer­­tains espaces – grandes éco­­no­­mies à
crois­­sance rapide, des BRIC notam­­ment, ou grandes éco­­no­­mies matures,
comme les États-­Unis, le Japon ou l’Union Euro­­péenne –, néces­­sitent des
approches par­­ti­­cu­­lières, liés à leurs aspects spé­­ci­­fiques res­­pec­­tifs.
–– Dans les sec­­teurs plus orien­­tés vers le consom­­ma­­teur, « B to C », – biens de
consom­­ma­­tion cou­­rante ou durables, comme la confec­­tion fémi­­nine – la fast
fashion –, le meuble ou l’élec­­tro­­mé­­na­­ger, là aussi, les dimen­­sions glo­­bales pré­
­do­­mi­­ne­­ront, même si chaque espace géo-­sectoriel comporte ses propres impé­­
ra­­tifs d’adap­­ta­­tion des pro­­duits, en par­­ti­­cu­­lier aux compor­­te­­ments de
consom­­ma­­teurs et à la dis­­tri­­bu­­tion3.
• La seconde s’atta­­chera à utiliser les modèles PREST 1 et 2 d’ana­­lyse des pres­­
sions externes et de mise en évi­­dence des enjeux sec­­to­­riels qui en découlent pour
les orga­­ni­­sa­­tions, en l’appli­­quant à l’indus­­trie ou au sec­­teur ana­­lysé. C’est ce que
sou­­ligne, au chapitre 3, l’exemple du sec­­teur aéro­­nau­­tique, mettant en évi­­dence,
suc­­ces­­si­­ve­­ment :
–– les pres­­sions externes – politico-­réglementaires, éco­­no­­miques, sociales, tech­­no­
­lo­­giques – qui s’exercent sur lui au niveau mon­­dial ;
–– les enjeux sec­­to­­riels – d’adap­­ta­­tion, de re­déploie­­ment et de concur­­rence –, aux­
­quels sont confron­­tés les prin­­ci­­paux acteurs et groupes d’acteurs qui y
opèrent.
• La troi­­sième consis­­tera à éta­­blir une grille géo­­gra­­phique compa­­ra­­tive de la pro­­
duc­­tion et de la consom­­ma­­tion du sec­­teur au niveau mon­­dial (cf. tableau 6.1. ci-­
dessous), de manière à faire res­­sor­­tir les prin­­ci­­paux mar­­chés, leur pro­­gres­­sion
res­­pec­­tive (ou leur repli), et les prin­­ci­­pales zones de pro­­duc­­tion ou de trans­­for­­ma­
­tion, met­­tant en évi­­dence leur évo­­lu­­tion, ainsi que les mou­­ve­­ments de délocalisation
ou de re­loca­­li­­sa­­tion réa­­li­­sés, en cours ou pré­­vi­­sibles.

1.  Voir tableaux 3.5. « À quelles pres­­sions externes se trouvent sou­­mis les construc­­teurs aéro­­nau­­tiques dans un
espace de réfé­­rence mon­­dial ? » et tableau 3.6, À quelles enjeux géo-­sectoriels se trouvent confron­­tés les construc­
­teurs aéro­­nau­­tiques dans un espace de réfé­­rence mon­­dial ? 
2.  Voir exemple 3.4 : Les équi­­pe­­ments de télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tion.
3.  Benoun M., Durant-­Réville B., Commerce et dis­­tri­­bu­­tion, les che­­mins de la mon­­dia­­li­­sa­­tion, L’Har­­mat­­tan,
2012.

336
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

Tableau 6.1 – Pro­­duc­­tion et consom­­ma­­tion dans un espace géo-­sectoriel glo­­bal


Pro­­duc­­tion Consom­­ma­­tion
2005 2010 2015 est. 2005 2010 2015 est.
Europe, dont France, Allemagne
Royaume-­Uni, Italie,
Espagne
Amérique du Nord, dont États-­Unis, Canada,
Mexique
Amérique du Sud, dont Argen­­tine, Bré­­sil,
Chili, Colombie, Venezuela
Asie, dont Chine, Inde, Indonésie, Japon,
Malaisie, Phi­­lip­­pines, Thaïlande, Vietnam
Afrique, dont Afrique du Sud, Algérie, Côte
d’Ivoire, Égypte, Maroc, Nigeria

Au niveau d’un espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion géo-­sectoriel plus res­treint, dans


le cadre d’une approche « foca­­li­­sée », on décli­­nera, cette fois, le modèle PREST 1 et
2 au niveau géo-sec­­to­­riel retenu, comme, ici, pour le sec­­teur indien des cos­­mé­­tiques.

Exemple 6.8 – Les cos­­mé­­tiques modernes en Inde, les pres­­sions externes (PREST 1) (6)
–– Dans cet espace géo-­sectoriel, les pres­­sions politico-régle­­men­­taires 1 pour­­ront tra­­duire :
––sur le plan poli­­tique, le fort degré d’hété­­ro­­gé­­néité qui carac­­té­­rise les 28 États de la
«  plus grande démo­­cra­­tie du monde  », où le consen­­sus est bien dif­­fi­­cile et long à
obte­­nir, la cor­­rup­­tion y res­­tant, par ailleurs, pré­­oc­­cu­­pante ; même si elle est désor­­
mais acti­­ve­­ment combat­­tue, en sou­­li­­gnant, aussi, l’insé­­cu­­rité externe (avec le
Pakistan) et interne (le ter­­ro­­risme naxalite) ;
––sur le plan régle­­men­­taire, un pro­­tec­­tion­­nisme encore très mar­­qué (cf. sec­­teur de la
dis­­tri­­bu­­tion) ; le libé­­ralisme et l’ouver­­ture inter­­na­­tionale y fai­­sant, cepen­­dant, leur
che­­min, même si de nom­­breux obs­­tacles, légaux, fis­­caux, admi­­nis­­tra­­tifs, rendent
tou­­jours dif­­fi­­cile l’éta­­blis­­se­­ment des inves­­tis­­seurs étran­­gers -davan­­tage dans les sec­
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­teurs de ser­­vice (banque, assu­­rance, dis­­tri­­bu­­tion) que dans les sec­­teurs de biens de
consom­­ma­­tion cou­­rante, comme les cos­­mé­­tiques-.
–– Parmi les pres­­sions socioéconomiques, seront ditinguées :
––les pres­­sions quan­­ti­­tatives, d’une part, évo­­lu­­tion de la démo­­gra­­phie, du niveau de
vie, progression et répar­­tition des reve­­nus ;
––les pres­­sions qua­­li­­ta­­tives, d’autre part, – goûts, habi­­tudes de consom­­ma­­tion –, qui
peuvent se révé­­ler plus direc­­te­­ment por­­teuses, en par­­ti­­cu­­liers vis-à-vis de cer­­tains
seg­­ments de popu­­la­­tion (jeunes femmes urbaines actives) ; de même que les condi­­
tions de pro­­duc­­tion locale (réglementation du tra­­vail) ; à prendre en compte, cepen­­
dant, l’insta­­bi­­lité éco­­no­­mique, les pous­­sées infla­­tion­­nistes, les fluc­­tua­­tions du change
avec les grandes devises occi­­den­­tales, les varia­­tions de prix des compo­­sants, au gré
des mar­­chés mon­­diaux de matières pre­­mières.

1.  Voir exemple 2.14 « L’Inde en quête d’un rêve ».

337
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

–– Les pres­­sions tech­­no­­lo­­giques, enfin, peuvent, elles aussi, consti­­tuer une contrainte,
en termes de qua­­lité des infra­­struc­­tures (réseau élec­­trique ou télé­­pho­­nique, infra­­
struc­­tures de trans­­port…). Mais il convient de sou­­li­­gner que le niveau d’édu­­ca­­tion
s’amé­­liore, comme les compé­­tences tech­­niques et managériales des col­­la­­bo­­ra­­teurs
locaux, le trai­­te­­ment et la trans­­mis­­sion rapide des don­­nées, avec des effets posi­­tifs
sur les condi­­tions d’exer­­cice et d’orga­­ni­­sa­­tion des acti­­vi­­tés. Le cli­­mat est, par
ailleurs, très favo­­rable à l’inno­­va­­tion, tant du point de vue de la pro­­duc­­tion que de la
consom­­ma­­tion (avec le rejet des pro­­duits obso­­lètes) avec l’attente d’offres conforme
à « l’état de l’art ».

A quelles pressions externes se trouve soumis


le secteur des cosmétiques en Inde ?

PRESSIONS MODELE P.R.E.S.T. 1 PRESSIONS


POLITICO-RÉGLEMENTAIRES TECHNOLOGIQUES
Fortes/encore restrictives Fortes/très porteuses
Progression du taux d’alphabétisation
Plus grande démocratie du monde Amélioration constante du niveau d’éducation
mais difficulté à prendre des décisions Exigence de qualité et de technologies
Clientélisme et corruption, particulièrement « état de l’art », refus de produits obsolètes
au niveau de certains États,
Développement continu de la R&D
Fortes disparités inter étatiques Importants transferts de technologie
Protectionnisme persistant Augmentation des investissements
dans les secteurs directs étrangers
sensibles (cf. distribution) Secteur Indien
des
cosmétiques Infrastructures (transport,
Terrorisme dans certaines zones énergie) encore sommaires
Conflit latent avec le Pakistan Progression rapide
des réseaux
Montée en puissance du de télécommunication
libéralisme

Démographie dynamique (2e Ë Fortes poussées Souci croissant de l’apparence et de la


1er population) Population jeune. Variété inflationnistes mode, lié à l’influence des médias, de
des types physiques. Urbanisation rapide A-coups dans la croissance l’industrie du cinéma et d’internet
(villes 1er, 2e et 3e niveau. Montée en Fluctuation des prix de Dépenses de soins du cheveu
puissance des classes moyennes. Fortes l’énergie, des matières et de la peau encore limitées
disparités de revenus. Forte progression premières, des taux de Influence croissante des standards et
du niveau de vie. Coûts de main d’œuvre change et des taux d’intérêt des modes occidentales
faible. Législation du travail contraignante Fortes disparités villes/campagnes

PRESSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES
très fortes/très porteuses dans l’ensemble

J.-P. Lemaire

Figure 6.5 – Les pres­­sions externes natio­­nales et internationales sur le sec­­teur


des cos­­mé­­tiques en Inde (appli­­ca­­tion du modèle PREST 1)

338
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

Exemple 6.9 – Les cos­­mé­­tiques modernes en Inde, les enjeux géo-­sectoriels (7)


Pour l’ensemble des acteurs du sec­­teur des cos­­mé­­tiques modernes en Inde, les pres­­sions
externes génèrent trois types d’enjeux aux­­quels tous se trou­­veront confrontés les uns
comme les autres – les­­quels étant, bien sûr, inéga­­le­­ment armés, compte tenu de leurs res­
­sources et de leur expé­­rience res­­pec­­tives – :
–– Tout d’abord, l’enjeu d’adap­­ta­­tion prend en compte les trois types de pres­­sion et, par­
­ti­­cu­­liè­­re­­ment, la dis­­pa­­rité des types phy­­siques des dif­­fé­­rentes popu­­la­­tions qui peuplent
cet immense pays, l’éven­­tail très large des reve­­nus, la variété des compor­­te­­ments de
consom­­ma­­teur. Il exige une seg­­men­­ta­­tion très fine et une prise en compte de para­­
mètres très nom­­breux. L’approche mar­­ke­­ting doit, elle aussi, intégrer cette diver­­sité,
tant pour les pro­­duits (compo­­si­­tion, condi­­tion­­ne­­ment..), pour les prix (en fonc­­tion des
dif­­fé­­rents niveaux de pou­­voir d’achat), pour la pro­­mo­­tion (en mobi­­li­­sant, notam­­ment,
les sup­­ports les plus appro­­priés), que pour la dis­­tri­­bu­­tion (en uti­­li­­sant les canaux les
plus effi­­cace pour accé­­der à chaque seg­­ment visé).
–– Vient ensuite, l’enjeu de re­déploie­­ment, qui per­­met­­tra d’orien­­ter la compo­­si­­tion de la
gamme de pro­­duits en fonc­­tion des seg­­ments priori­­taires visés et, sur­­tout, de déter­­mi­­
ner les loca­­li­­sa­­tions à pri­­vi­­lé­­gier en fonc­­tion de ces cibles : les « metro », les agglo­­mé­
­ra­­tions moyennes, les régions semi-urbaines, les zones rurales...  La dif­­fi­­culté sera
d’avoir l’accès, pour chaque couple produit-­marché, aux canaux de dis­­tri­­bu­­tion les plus
effi­­caces (par exemple, pour les pro­­duits cos­­mé­­tiques les plus simples, à des­­ti­­nation
des popu­­la­­tions au plus faible niveau de revenu, la dis­­tri­­bu­­tion tra­­di­­tion­­nelle, en kirana
stores, dans les cam­­pagnes et les quar­­tiers)  ; sans pré­­ju­­dice de la mise en œuvre de
solu­­tions plus nova­­trices à des­­ti­­nation de la «  base de la pyra­­mide  », en s’ins­­pi­­rant
d’Hindustan Lever et de son « Pro­­jet Shakti ».
–– Enfin, l’enjeu concur­­ren­­tiel, fera res­­sor­­tir la mon­­tée en puis­­sance de la concur­­rence
des nou­­veaux entrants, en nombre crois­­sant depuis les années 2005-2006, même si les
bar­­rières à l’entrée demeurent très éle­­vées, en termes d’adap­­ta­­tion des pro­­duits, de
pro­­duc­­tion locale, d’inves­­tis­­se­­ment mar­­ke­­ting. L’inten­­sité de la concur­­rence n’est,
cepen­­dant, pas telle qu’une guerre des prix risque de se déclen­­cher à court terme – du
moins dans tous les seg­­ments de clien­­tèle –, entre les acteurs en place, comme avec
les nou­­veaux venus. Ils pour­­raient cepen­­dant redou­­ter, qu’en cas de ralen­­tis­­se­­ment
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

durable de la crois­­sance, comme les chiffres du pre­­mier semestre 20121 le lais­­se­­raient


sup­­po­­ser, les compor­­te­­ments de cer­­taines caté­­go­­ries de consom­­ma­­trices et de consom­
­ma­­teurs se modi­­fient, accrois­­sant leur sen­­si­­bi­­lité aux prix, affec­­tant le cli­­mat concur­
­ren­­tiel.

1.  Voir notam­­ment V. Dougnac, « L’éco­­no­­mie indienne n’échappe pas à la crise », La Croix, 27/7/2012.

339
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

À quels enjeux se trouvent soumis les organisations


opérant dans le secteur des cosmétiques en Inde ?

PRESSIONS MODÈLE PREST 2 PRESSIONS


POLITICO-RÉGLEMENTAIRES TECHNOLOGIQUES
Fortes/encore restrictives Fortes/très porteuses

Enjeu
concurrentiel
intensification de la
concurrence locale/internationale
réduction des barrières à l’entrée

Secteur Indien
des
cosmétiques

Enjeu Enjeu
de redéploiement d’adaptation
géographique technique et culturelle des produits
(villes moyennes et espace rural) et des approches marketing
Accès aux canaux de distribution à la diversité des segments locaux

PRESSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES
très fortes/très porteuses dans l’ensemble

J.-P. Lemaire

Figure 6.6 – Les enjeux géo-­sectoriels des cos­­mé­­tiques en Inde


(appli­­ca­­tion du modèle PREST 2)

Au-­delà de ces outils qua­­li­­ta­­tifs, cer­­tains ratios d’ouver­­ture inter­­na­­tionale


(cf.  tableau  6.2) per­­mettent d’éva­­luer, tout d’abord, le taux de péné­­tra­­tion de
l’espace géo-­sectoriel consi­­déré par les pro­­duits ori­­gi­­naires de l’exté­­rieur, qui res­­
sort du rap­­port entre impor­­ta­­tions et consom­­ma­­tion (I/C), que l’on peut élar­­gir ou
complé­­ter en tenant compte des inves­­tis­­se­­ments directs, en ajou­­tant au chiffre des
impor­­ta­­tions les pro­­duits consom­­més loca­­le­­ment et fabri­­qués sous le contrôle des
firmes étran­­gères ins­­tal­­lées dans l’espace de réfé­­rence consi­­déré.
Ces ratios d’ouver­­ture des espaces géo-­sectoriels per­­mettent éga­­le­­ment d’esti­­mer
le taux d’exté­­riori­­sa­­tion de la pro­­duc­­tion locale (en dis­­tin­­guant, éven­­tuel­­le­­ment, la
contri­­bu­­tion des orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères implan­­tées), cor­­res­­pon­­dant au rap­­port
entre expor­­ta­­tions et pro­­duc­­tion (E/P).
À par­­tir de cet ensemble d’indi­­ca­­teurs, il sera donc pos­­sible de mesu­­rer la dyna­­
mique d’ouver­­ture inter­­na­­tionale de l’espace géo-­sectoriel consi­­déré, au niveau
mon­­dial ou multi­conti­­nen­­tal, comme le degré d’ouver­­ture d’un cer­­tain nombre
d’espaces géo-­sectoriels clés, comme le sec­­teur des cos­­mé­­tiques en Inde.

340
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

Tableau 6.2 – Degré d’ouver­­ture inter­­na­­tional


(dans un espace géo-­sectoriel donné)
2005 2010 2015 est. 05/15
Pro­­duc­­tion locale (P)
Expor­­ta­­tions(E)
E/P
Fabri­­ca­­tion à l’étran­­ger
Consom­­ma­­tion locale (C)
Impor­­ta­­tions (I)
I/C
Fabri­­ca­­tion locale des firmes étran­­gères

Les dif­­fé­­rentes lignes de force ainsi déga­­gées au fil de l’ana­­lyse révèlent donc le
poten­­tiel que recèle l’espace géo-­sectoriel consi­­déré, dans le cadre d’une approche
« tous azi­­muts » mon­­diale, ou géo­­gra­­phi­­que­­ment plus res­treinte (multi­conti­­nen­­tale,
conti­­nen­­tale, ou, seule­­ment limi­­tée aux pays de proxi­­mité), ou encore, dans le cadre
d’une approche « foca­­li­­sée » s’atta­­chant à un pays ou à un groupe de pays pré­­sen­
­tant une cer­­taine homo­­gé­­néité géo­­gra­­phique et/ou cultu­­relle.
L’ana­­lyse de ce poten­­tiel – et, par­­tant, de l’attractivité – de l’espace consi­­déré,
dans une perspec­­tive d’« horizontalisation » (conquête de parts de mar­­ché) ou de
« verticalisation » (opti­­mi­­sation de la chaîne de valeur inter­­na­­tionale), devrait aussi
per­­mettre d’anti­­ci­­per la péren­­nité de cette attractivité, sans pré­­ju­­dice d’un suivi
régu­­lier de l’ensemble des don­­nées quan­­ti­­tatives et qua­­li­­ta­­tives mobi­­li­­sées.

Section
2 Le posi­­tion­­ne­­ment concur­­ren­­tiel
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Une fois déga­­gées les lignes de force de l’acti­­vité (du sec­­teur ou de l’indus­­trie)
dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion retenu, en met­­tant l’accent sur les muta­
­tions de son envi­­ron­­ne­­ment et sur leur impact, il convient, de pré­­ci­­ser les carac­­té­­
ris­­tiques de l’offre et du sys­­tème concur­­ren­­tiel. En effet, les acteurs qui y opèrent,
non seule­­ment ont à réagir aux pres­­sions externes aux­­quelles ils sont tous sou­­mis et
à faire face aux enjeux aux­­quels ils sont tous confron­­tés, mais ils doivent, éga­­le­­ment,
cha­­cun, s’effor­­cer, sinon de prendre le meilleur sur tous les autres, du moins, de
s’assu­­rer des posi­­tions solides et durables.
Cette démarche sup­­pose de s’atta­­cher suc­­ces­­si­­ve­­ment à trois aspects :
––les carac­­té­­ris­­tiques du sys­­tème concur­­ren­­tiel, propres à faire res­­sor­­tir l’exis­­tence
d’éven­­tuels lea­­ders et les carac­­té­­ris­­tiques des dif­­fé­­rents groupes d’entre­­prises
impli­­qués dans l’acti­­vité ;

341
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

––les forces qui s’exercent sur l’ensemble du groupe concur­­rent, non seule­­ment tous
les acteurs du sec­­teur, mais aussi, tous ceux qui inter­­viennent de l’amont à l’aval
de la filière, en mesu­­rant, notam­­ment l’inten­­sité du pou­­voir qu’exercent les four­­
nis­­seurs et les clients (comme les pres­­crip­­teurs et les dis­­tri­­bu­­teurs) ; étant encore
à consi­­dé­­rer, les menaces de nou­­veaux entrants ou de pro­­duits sub­­sti­­tuts ;
––le posi­­tion­­ne­­ment des dif­­fé­­rents acteurs ou groupes d’acteurs et leurs pro­­bables
évo­­lu­­tions res­­pec­­tives au cours des périodes à venir, pou­­vant être repré­­senté sous
forme de carte concur­­ren­­tielle.

1  Les carac­­té­­ris­­tiques du groupe concur­­rent


dans un contexte inter­­na­­tional

Elles res­­sortent tout d’abord du type de sys­­tème concur­­ren­­tiel, défini sur la base
du « poids » res­­pec­­tif des dif­­fé­­rents acteurs ou groupes d’acteurs, en s’appuyant sur
les concepts uti­­li­­sés par la microé­­co­­nomie et l’éco­­no­­mie indus­­trielle, pour décrire la
situa­­tion de la concur­­rence dans une indus­­trie ou un sec­­teur déter­­miné :
––la struc­­ture de l’offre, consti­­tuée d’un nombre plus ou moins élevé d’acteurs, de
tailles plus ou moins dif­­fé­­ren­­ciées ;
––la struc­­ture de la demande, qui peut, certes, cor­­res­­pondre à une mul­­ti­­tude de
clients ou à des seg­­ments déter­­mi­­nés, mais aussi être limi­­tée à un nombre res­treint
de don­­neurs d’ordres – voire à un seul.

Exemple 6.10 – Les cos­­mé­­tiques en Inde, l’évo­­lu­­tion du groupe concur­­rent (8)


En dépit d’une concen­­tra­­tion du sec­­teur qui se fait sen­­tir dans le monde et dont les réper­
­cus­­sions sont éga­­le­­ment sen­­sibles en Inde, la concur­­rence apparaît encore très ouverte
face à une demande locale en expan­­sion. Le groupe concurrent se des­­sine autour de dif­
­fé­­rents acteurs clés :
–– Les acteurs d’ori­­gine locale, sont domi­­nés par le groupe multi­marque Hindustan Lever
Ltd (« HLL »), certes contrôlé à 52 % par Uni­lever, mais ins­­crit his­­to­­ri­­que­­ment (depuis
1888 !) dans le pay­­sage du pays. Il n’hésite pas à y « régio­­na­­li­­ser » ses pro­­duits et pos­
­sède dif­­fé­­rentes marques de cos­­mé­­tique comme Lakmé, rache­­tée en 1996, ou Aviance.
Ce qui n’empêche pas l’arri­­vée de nou­­veaux entrants comme Colorbar cosmetics qui
s’est lancé avec suc­­cès sur le macro seg­­ment des pro­­duits de tein­­ture et y avoi­­sine 5 %
de parts de mar­­ché.
–– Les acteurs d’ori­­gine étran­­gère, avec la pré­­sence de «  poids lourds  » mon­­diaux,
comme la firme amé­­ri­­caine Revlon, domi­­nant sur cer­­tains seg­­ments du sec­­teur,
comme la colo­­ra­­tion, ou comme Estée Lauder, et ses marques phare – MAC, avec
laquelle cette autre firme amé­­ri­­caine est entrée en Inde en 2005, et Cli­­nique, dont la
dif­­fu­­sion reste encore confi­­den­­tielle –. L’Oréal, présent depuis le début des années
1990, y déploie un ensemble de marques sen­­si­­ble­­ment plus impor­­tant, avec une part
de mar­­ché en pro­­gres­­sion sur divers seg­­ments, notam­­ment, le haut de gamme. Son

342
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

acqui­­si­­tion de The Body Shop élar­­git encore son por­­te­­feuille de marques et sa visi­­bi­
­lité. Ce qui n’empêche pas de nou­­veaux acteurs étran­­gers, comme Max Factor ou
Chanel, depuis 2004-2005 de se poser en chal­­len­­gers sur cer­­tains seg­­ments de clien­
­tèle, avec une pré­­di­­lec­­tion pour le haut de gamme et les pro­­duits premium ; il est vrai
plus faciles à dis­­tri­­buer.

Dans le cadre d’une approche «  foca­­li­­sée  », il n’y a, a priori, guère de points


communs entre la situa­­tion de la demande, dans le sec­­teur des cos­­mé­­tiques en Inde,
mar­­ché B to C dans une éco­­no­­mie à crois­­sance rapide, et celle que l’on peut trouver
dans l’indus­­trie des équipements élec­­triques, mar­­ché B to B, d’une éco­­no­­mie
mature, où opèrent des entre­­prises, comme Sudelec1 qui s’est trou­­vée long­­temps
confronté, sur son mar­­ché d’ori­­gine – la France – à un ache­­teur pra­­ti­­que­­ment
unique, EDF, donc en situa­­tion de « monop­­sone ».
Cepen­­dant, sur le plan inter­­na­­tional, la libé­­rali­­sa­­tion des éco­­no­­mies tend encore à
pro­­gres­­ser. La muta­­tion rapide des struc­­tures de pro­­duc­­tion et de dis­­tri­­bu­­tion natio­
­nales se tra­­duit par le déman­­tè­­le­­ment des mono­­poles (et des monop­­sones, si on les
consi­­dère du point de vue des four­­nis­­seurs de ces sec­­teurs), en par­­ti­­cu­­lier dans le
domaine des infra­­struc­­tures de base – trans­­port et utilities : eau, gaz et élec­­tri­­cité –.
Ce qui crée de nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés qu’il convient de suivre de très près pour les
dif­­fé­­rents acteurs des filières concer­­nées.
Il résulte de cette situa­­tion nou­­velle de déman­­tè­­le­­ment des mono­­poles d’État, par­
t­i­­cu­­liè­­re­­ment dans les sec­­teurs les plus ouverts et les plus évo­­lu­­tifs sur le plan tech­
­no­­lo­­gique, des réajus­­te­­ments spec­­ta­­cu­­laires de la stra­­té­­gie de cer­­taines orga­­ni­­sa­­tions,
se tra­­dui­­sant par dif­­fé­­rents types de mou­­ve­­ments :
––des mou­­ve­­ments de concen­­tra­­tion hori­­zon­­tale entre orga­­ni­­sa­­tions qui ne pos­­sèdent
pas la « masse cri­­tique » leur per­­met­­tant, au niveau d’une acti­­vité ou d’une famille
d’acti­­vi­­tés, sur un mar­­ché donné, de béné­­fi­­cier d’éco­­no­­mies d’échelle, d’amé­­lio­­
rer leur struc­­ture de coût et de pou­­voir résis­­ter effi­­ca­­ce­­ment à une guerre des
prix ;
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––des mou­­ve­­ments de diver­­si­­fi­­ca­­tion asso­­ciant au por­­te­­feuille d’acti­­vi­­tés tra­­di­­tion­­


nel, des acti­­vi­­tés complé­­men­­taires, sus­­cep­­tibles de géné­­rer des syner­­gies, en
jouant sur les éco­­no­­mies de gamme ou d’enver­­gure, notam­­ment, à l’échelle inter­
­na­­tionale, au niveau de cer­­taines fonc­­tions, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans les sec­­teurs de
ser­­vice2;
––ou encore des mou­­ve­­ments de re­cen­­trage, déter­­mi­­nant, à l’inverse des scé­­na­­rios
pré­­cé­­dents, des aban­­dons d’acti­­vi­­tés jugées trop « péri­­phériques » par rap­­port aux
« métiers de base », dans la mesure où elles se révèlent trop consom­­ma­­trices de
res­­sources, sans géné­­rer des pro­­duits ou des syner­­gies suf­­fi­­sants pour jus­­ti­­fier leur
conser­­va­­tion.

1.  Voir exemple 5.5 «Sudelec».


2.  Cf. exemple 6.5.

343
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Exemple 6.11 – Les trans­­for­­ma­­tions struc­­tu­­relles du sec­­teur ban­­caire occi­­den­­tal :


Dans le cadre du sec­­teur ban­­caire euro­­péen1 et nord-amé­­ri­­cain, plu­­sieurs ten­­dances illus­­
trent ces mou­­ve­­ments de restruc­­tu­­ra­­tion. Ils ont se sont mani­­fes­­tés de dif­­fé­­rentes manières
jus­­qu’à la crise ban­­caire de 2008, à la suite des mesures de déré­­gle­­men­­ta­­tion et de déspé-
cialisation prises dans de nom­­breux pays, en Europe (comme la loi ban­­caire fran­­çaise de
1984 ou le « Big Bang » bri­­tan­­nique de 1985) et, plus tar­­di­­ve­­ment, aux États-­Unis2:
–– En termes de concen­­tra­­tion hori­­zon­­tale, au niveau des acti­­vi­­tés domes­­tiques de banque
de détail ou de proxi­­mité (que l’on qua­­li­­fie sou­­vent de « banque commer­­ciale »), des
mou­­ve­­ments de concen­­tra­­tion natio­­nales se sont fait jour, comme aux Pays-Bas, en
Espagne ou en Europe du Nord, ainsi qu’aux États-­Unis, au détriment des rap­­pro­­che­­
ments trans­fron­­tières qui ont tourné court (comme en Espagne, après une pre­­mière
période d’ouver­­ture à la péné­­tra­­tion étran­­gère).
–– En termes de diver­­si­­fi­­ca­­tion, le phé­­no­­mène s’est d’abord mani­­festé par la consti­­tution
de groupes asso­­ciant « banque de détail » et « banque de gros » et/ ou « banque de
dépôts » et « banque d’affaires » (dites, aussi, de « haut de bilan »). Cer­­tains grands
éta­­blis­­se­­ments euro­­péens, comme la Deutsche Bank, repre­­nant Morgan Grenfell, ont
élargi le modèle de « banque uni­­ver­­selle » « à l’alle­­mande », recher­­chant des complé­
­men­­ta­­ri­­tés et des syner­­gies entre une base commer­­ciale natio­­nale puis­­sante (en terme
de rela­­tions avec les grandes entre­­prises, notam­­ment) et les ouver­­tures et compé­­tences
inter­­na­­tionales plus larges des éta­­blis­­se­­ments étran­­gers pas­­sés sous leur contrôle. Cer­
­tains encore, ont tiré parti de l’accès élargi à de nou­­velles clien­­tèles que leur ont pro­­
curé l’élar­­gis­­se­­ment de leur gamme de ser­­vices à des ser­­vices finan­­cier non ban­­caires,
comme l’assu­­rance, par crois­­sance orga­­nique ou externe.
–– Au niveau du re­cen­­trage, ce sont, à l’inverse, des éta­­blis­­se­­ments qui n’ont pas pu valo­
­ri­­ser suf­­fi­­sam­­ment des rap­­pro­­che­­ments anté­­rieurs ou, plus sim­­ple­­ment, la coha­­bi­­ta­­tion
de spé­­cia­­li­­tés trop dif­­fé­­rentes au sein de leur groupe, qui ont encou­­ragé les désen­­ga­­ge­
­ments : ainsi, Paribas, cédant le Cré­­dit du Nord à la Société Géné­­rale ou la Compa­­gnie
finan­­cière de Suez, cédant la banque Indo­suez au Cré­­dit Agri­­cole.
–– À la suite de la crise ban­­caire3, ces mou­­ve­­ments de re­cen­­trage connaissent un renou­­
veau, comme le déman­­tè­­le­­ment de la banque franco-belge Dexia, ou, comme le laissent
entre­­voir les dif­­fi­­cultés ren­­contrées par le grou­­pe­­ment de caisses d’épargnes ibé­­riques,
Bankia, qui n’ont pas, avant leur fusion récente, net­­toyé leurs bilans « plom­­bés » par
les créances immo­­bi­­lières4. Et même les ins­­ti­­tutions les plus puis­­santes, comme le
géant amé­­ri­­cain JP Morgan Chase, très diver­­si­­fié, qui a tra­­versé la crise sans trop de
dom­­mages, risquent de se trou­­ver confron­­tées aux consé­­quences d’une re-réglementation
du sec­­teur, encore en débat aux États-­Unis et dis­­cu­­tée dans dif­­fé­­rents pays euro­­péens,
qui ten­­drait à réta­­blir une cer­­taine sépa­­ra­­tion entre les dif­­fé­­rentes acti­­vi­­tés de banque
de détail et de banque d’inves­­tis­­se­­ment des éta­­blis­­se­­ments finan­­ciers, dans le but de
mieux les contrô­­ler et évi­­ter de nou­­veaux déra­­pages.

1. Lemaire J.-P., Ruffini P.-B., Vers l’Europe ban­­caire, Paris, Dunod, 1993 ;
Lemaire J.-P., « Strategic Changes in European Banking », European Mana­­ge­­ment Jour­­nal, mai 1993 ;
Lemaire J.-P., Sec­­teur ban­­caire et finan­­cier : les nou­­veaux enjeux stra­­té­­giques, Paris, Aster, 1996
2.  Notam­­ment, avec la sup­­pres­­sion de dis­­po­­si­­tifs inter­­di­­sant le déve­­lop­­pe­­ment des éta­­blis­­se­­ments ban­­caires dans
plus d’un État et la pra­­tique dans la même ins­­ti­­tution du retail banking et de l’investment banking.
3.  Voir repère 1.6 « De la crise des sub­primes à la crise de la dette sou­­ve­­raine. »
4.  Cf. A. Villechenon « Crise des banques espa­­gnoles : comment en est-­on arrivé là ? », Le Monde.fr, 29.05.2012.

344
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

En fait, ces réorien­­ta­­tions stra­­té­­giques résultent, tout autant, des riva­­li­­tés internes
au sec­­teur, des per­­tur­­ba­­tions liées aux crises, inten­­si­­fiées par l’ouver­­ture inter­­na­­
tionale, que des pres­­sions qui s’exercent à par­­tir de l’amont et de l’aval de la filière,
ou encore des menaces que font peser les nou­­veaux entrants et le déve­­lop­­pe­­ment de
pro­­duits ou ser­­vices de sub­­sti­­tution.

2  Les forces de la concur­­rence dans un contexte inter­­na­­tional

Dans les indus­­tries ou les sec­­teurs au carac­­tère glo­­bal déjà mar­­qué, les forces de
la concur­­rence reflètent deux aspects :
–– une pro­­fonde trans­­for­­ma­­tion des rela­­tions avec les four­­nis­­seurs et avec les clients ;
––la mon­­tée de nou­­velles menaces éma­­nant de nou­­veaux concur­­rents, pro­­po­­sant des
solu­­tions tech­­niques qui se plient à des exi­­gences nou­­velles sor­­tant du registre
habi­­tuel des pres­­ta­­tions pro­­po­­sées par les acteurs en place.
En amont de la filière, on assiste en effet – dans un cer­­tain nombre d’indus­­tries
désor­­mais plus ouvertes – à un double mou­­ve­­ment :
––Pour les compo­­sants et les pro­­duits inter­­mé­­diaires bana­­li­­sés, à forte inten­­sité de
main-d’œuvre, ce sera la mul­­ti­­pli­­cation des concur­­rents, cher­­chant à valo­­ri­­ser le
faible niveau de leurs coûts. Ce qui place les acteurs des sec­­teurs – comme dans
celui de la construc­­tion auto­­mo­­bile – qui se situent en aval, en posi­­tion de force
pour négo­­cier, sinon sur la qua­­lité et les délais, du moins sur les prix ; sauf, pour
certains (cf. textile), à se voir impo­­ser leurs four­­nis­­seurs par leurs propres clients,
ori­­gi­­naires de la même zone.
––En revanche, pour les compo­­sants à forte valeur ajou­­tée, for­­te­­ment dépen­­dants
des efforts de recherche et déve­­lop­­pe­­ment – comme dans le domaine infor­­ma­­
tique, ceux des puces élec­­tro­­niques ou des sys­­tèmes d’exploi­­ta­­tion –, se crée, pour
les entre­­prises opé­­rant en aval, une forte dépen­­dance, propre à inflé­­chir leurs
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orien­­ta­­tions stra­­té­­giques.
En aval de la filière, dès que le sec­­teur atteint un niveau d’ouver­­ture signi­­fi­­ca­­tive,
les clients voient leur pou­­voir de négo­­cia­­tion sen­­si­­ble­­ment aug­­men­­ter. Ce qui leur
per­­met, grâce à la mise en concur­­rence de four­­nis­­seurs plus nom­­breux, d’exi­­ger, non
seule­­ment des dimi­­nu­­tions ou des amé­­na­­ge­­ments de prix, mais éga­­le­­ment des ser­­
vices asso­­ciés (logis­­tique, mon­­tage, assis­­tance à la pro­­duc­­tion, à la commer­­cia­­li­­sa­­
tion, etc.). La seule manière, pour un acteur du groupe concur­­rent, de résis­­ter à cette
pres­­sion est de dis­­po­­ser d’une taille et/ou d’une tech­­no­­logie, d’une qua­­lité suf­­fi­­sam­
­ment indis­­cu­­tables, pour res­­ter ou deve­­nir un inter­­lo­­cuteur incontour­­nable.
De la même manière, les menaces de nou­­veaux entrants peuvent se pré­­ci­­ser au fur
et à mesure que les bar­­rières régle­­men­­taires baissent, sou­­vent avec les encou­­ra­­ge­­
ments des orga­­ni­­sa­­tions supra­­na­­tionales, régio­­nales – comme l’Union euro­­péenne
– ou mon­­diales – comme l’Orga­­ni­­sa­­tion mon­­diale du commerce –.

345
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

C’est sur les sec­­teurs en plein déve­­lop­­pe­­ment (par exemple, la télé­­pho­­nie mobile,
sur les­­quels un avan­­tage tech­­no­­lo­­gique peut être valo­­risé, ou sur les sec­­teurs plus
matures (par exemple, la banque ou l’auto­­mo­­bile), mar­­qués par l’inno­­va­­tion de pro­
­duit ou de processus, que les menaces sont les plus fortes, pour autant que les auto­
­ri­­tés locales et les acteurs du sec­­teur ne s’asso­­cient pas pour figer les posi­­tions
acquises.
En revanche, c’est sur les mar­­chés mûrs, ou néces­­si­­tant de forts inves­­tis­­se­­ments
indus­­triels ou pro­­mo­­tion­­nels (comme les cos­­mé­­tiques), ou encore ceux que les États
peuvent encore légi­­ti­­me­­ment pro­­té­­ger (comme la santé) que les posi­­tions acquises
sont les plus défen­­dables, au niveau domes­­tique, comme à un niveau plus inter­­na­­
tional.
Enfin, les menaces de pro­­duits sub­­sti­­tuts peuvent résul­­ter de divers fac­­teurs :
––inno­­va­­tions pro­­duits ou de processus, sus­­cep­­tibles de bou­­le­­ver­­ser les fonc­­tions
d’usage des gammes exis­­tantes ou d’en abais­­ser le prix dans des pro­­por­­tions sen­
­sibles ;
––révi­­sions fon­­da­­men­­tales, impul­­sées au niveau natio­­nal ou supra­­na­­tional, des régle­
­men­­ta­­tions ou des condi­­tions d’accès pré­­cé­­dem­­ment impo­­sées ;
––varia­­tions de la conjonc­­ture éco­­no­­mique, ren­­dant la situa­­tion du consom­­ma­­teur/
utilisateur moins (ou plus) favo­­rable ;
––muta­­tions struc­­tu­­relles des goûts ou des besoins, affec­­tant direc­­te­­ment la pro­­duc­­
tion ou les pres­­ta­­tions du sec­­teur.
En consé­­quence, l’inter­­na­­tiona­­li­­sation impose de recher­­cher, à une échelle désor­
­mais plus large, une domi­­na­­tion de mar­­ché, sinon dans un large sec­­teur, du moins
dans une ou, de pré­­fé­­rence, plu­­sieurs niches de mar­­ché, en main­­te­­nant une avance
tech­­no­­lo­­gique de qua­­lité ou de dif­­fé­­ren­­cia­­tion de pres­­ta­­tion, sans trop dépendre de
ses four­­nis­­seurs.

Exemple 6.12 – Les cos­­mé­­tiques en Inde, l’ana­­lyse des forces de la concur­­rence (9)


En appli­­quant les forces de Por­­ter au sec­­teur des cos­­mé­­tiques en Inde, on peut consta­­ter
que les nou­­veaux entrants répondent à l’appel de la crois­­sance de la demande locale et que
la concur­­rence s’accroît pro­­gres­­si­­ve­­ment, sans tou­­te­­fois mena­­cer les acteurs en place :
–– Les nou­­veaux entrants étran­­gers, sou­­vent «  sui­­veurs  », arrivent, cepen­­dant, avec de
nou­­velles offres qui tirent avan­­tage de l’image de leur société mère, et les nou­­veaux
entrants locaux, avec des offres qui sont plus proches des besoins des consom­­ma­­teurs
locaux. Les bar­­rières res­­tent tou­­jours éle­­vées pour les acteurs étran­­gers même si
ceux-ci béné­­fi­­cient d’une aura favo­­rable.
–– Les sub­­sti­­tuts relèvent d’une tra­­di­­tion tou­­jours très pré­­sente dans les zones rurales et
semi-rurales. Ils pour­­ront, à terme, en pro­­fi­­tant de la faveur dont jouissent les pro­­duits
fabri­­qués à base de compo­­sants natu­­rels, et du suc­­cès des «  spas  », conduire à un
« métis­­sage » entre procé­dés de fabri­­ca­­tion locaux et étran­­gers, pour don­­ner lieu à une
pro­­duc­­tion ori­­gi­­nale diffusable loca­­le­­ment et/ou hors fron­­tières.

346
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

–– Le groupe concur­­rent, devrait res­­ter mar­­qué par la domi­­nance des orga­­ni­­sa­­tions « loca-
les » (cf. « HLL ») et des firmes étran­­gères éta­­blies de plus longue date (cf. Revlon ou
L’Oréal), sans pré­­ju­­dice de la mon­­tée en puis­­sance d’acteurs locaux, comme étran­­gers
plus récem­­ment arri­­vés, qui pour­­raient être domi­­nants dans cer­­tains macro-­segments.
Pour eux tous, l’accès à la dis­­tri­­bu­­tion, consti­­tuera un enjeu majeur pour les clien­­tèles
clés visées (cf. jeunes femmes actives urbaines).
–– Le pou­­voir des four­­nis­­seurs sera réduit, compte tenu de l’impli­­ca­­tion des acteurs du
sec­­teur eux-­mêmes, très en amont dans la filière, pour ce qui est des compo­­sants. Les
four­­ni­­tures d’équi­­pe­­ment, pour ceux qui fabriquent sur place, pour­­ront souf­­frir des dif­
­fi­­cultés d’accès au pays. Les pro­­duits impor­­tés se heur­­te­­ront aux mesures pro­­tec­­tion­­
nistes, à l’insta­­bi­­lité de la demande et aux risques déjà repé­­rés (cf. risque de change).
–– Le pou­­voir des clients sera crois­­sant, d’autant plus que son accès à l’infor­­ma­­tion ne
cesse de s’élar­­gir, aussi bien sur l’offre loca­­le­­ment acces­­sible que sur l’offre étran­­gère,
uni­­que­­ment dis­­po­­nible hors fron­­tières. Le rôle des pres­­crip­­teurs (avec la mul­­ti­­pli­­cation
des salons, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment) se déve­­lop­­pera, ren­­dant essen­­tiel le contrôle d’un réseau
plus ou moins cap­­tif et la mobi­­li­­sa­­tion d’un mix pro­­mo­­tion­­nel aussi complet et nova­­
teur que pos­­sible.

Les forces de la concurrence


du secteur des cosmétiques en Inde

NOUVEAUX ENTRANTS
étrangers et locaux
approches de niche
entrée progressive
marques spécifiques

Barrières à l’entrée élevées


Investissements marketing, R&D, communication, production
Obstacles administratifs, droits de douane, instabilité prix/change

FOURNISSEURS GROUPE CONCURRENT CLIENTS


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étrangers et locaux étrangers et locaux locaux


produits de base, rivalité croissante mais encore macro-segments divers
composants, équipements, limitée entre grands acteurs rôle déterminant des
structures d’accueil montée en puissance des petits presctipteurs
extension des gammes
Pouvoir de négociations faible à moyen Pouvoir de négociation moyen à élevé
Dépendent de la localisation et du mode Exigent la prise en compte de paramètres variés
d’entrée (commercialisation/production) Dépendance très forte des modes de distribution

Menaces toujours élevées


Présence dominante dans les zones rurales
et semi rurales et catégories à plus faibles revenus

SUBSTITUTS
locaux
produits et traitements
traditionnels
peuvent s’ajouter à la gamme

Figure 6.7 – L’ana­­lyse des forces de la concur­­rence du sec­­teur


des cosmétiques en Inde

347
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Dans la réa­­lité, peu d’entre­­prises réus­­sissent dura­­ble­­ment à conso­­li­­der de telles


posi­­tions, en limi­­tant le pou­­voir des four­­nis­­seurs et des clients et en minimi­­sant les
menaces de nou­­veaux entrants et de sub­­sti­­tuts. La plu­­part des indus­­tries ou des sec­
­teurs sont fra­­giles sur, au moins, un de ces « fronts ».
La situa­­tion requiert donc ici de gros­­sir, d’inno­­ver et de se diver­­si­­fier pour limi­­ter
les incer­­ti­­tudes de l’évo­­lu­­tion du sec­­teur ; ce qui condi­­tion­­nera la déter­­mi­­na­­tion des
« fac­­teurs clés de suc­­cès », sur les­­quels il va fal­­loir s’appuyer pour déve­­lop­­per des
stra­­té­­gies gagnantes ; faute des­­quels, il fau­­dra se retirer, céder à la concur­­rence et
se recen­­trer sur d’autres orien­­ta­­tions géographiques et/ou sectorielles.
C’est ce constat que tra­­duit la carte concur­­ren­­tielle, qui repère les prin­­ci­­paux
acteurs ou groupes d’acteurs impli­­qués dans le sec­­teur.

3  La carte concur­­ren­­tielle

Une fois iden­­ti­­fiés les prin­­ci­­paux acteurs du sec­­teur et les lignes forces qui déter­
­minent l’inten­­sité concur­­ren­­tielle, à l’inté­­rieur et autour du « groupe concur­­rent »,
peuvent être envi­­sa­­gées :
––le posi­­tion­­ne­­ment res­­pec­­tif de chaque orga­­ni­­sa­­tion ou ensembles d’orga­­ni­­sa­­tions
compa­­rables, sui­­vant des axes simples et suf­­fi­­sam­­ment dis­­cri­­mi­­nants pour faire
res­­sor­­tir les prin­­ci­­pales dif­­fé­­rences entre leurs forces et fai­­blesses res­­pec­­tives ;
––leurs évo­­lu­­tions res­­pec­­tives poten­­tielles, anti­­ci­­pées à par­­tir de leurs orien­­ta­­tions
stra­­té­­giques obser­­vées, de l’évo­­lu­­tion de leurs résul­­tats et des trans­­for­­ma­­tions pro­
­bables de l’envi­­ron­­ne­­ment sec­­to­­riel inter­­na­­tional.
Dès lors, devront être sur­­mon­­tées deux types de dif­­fi­­cultés :
––la déter­­mi­­na­­tion de deux variables dis­­cri­­mi­­nantes per­­met­­tant de contras­­ter judi­­
cieu­­se­­ment les posi­­tions et orien­­ta­­tions des dif­­fé­­rents acteurs ou groupes
d’acteurs,
––la mesure, pour cha­­cun d’entre eux, du niveau aux­­quels ils se situent sur les axes
ainsi déter­­mi­­nés.
Dans une perspec­­tive inter­­na­­tionale, le choix des variables dis­­cri­­mi­­nantes est sou­
­vent fonc­­tion des carac­­té­­ris­­tiques de l’espace de réfé­­rence retenu :
• Si on vise un espace de réfé­­rence conti­­nen­­tal, multi­conti­­nen­­tal ou glo­­bal, multi-
acti­­vité, (comme la banque, cf. exemple 6.11)  : on pourra posi­­tion­­ner chaque
acteur ou groupe d’acteurs en fonc­­tion du degré de cou­­ver­­ture ou de « déploie­­
ment » géo­­gra­­phique, ou en rela­­tion avec l’éten­­due de la gamme d’acti­­vi­­tés ou de
pres­­ta­­tions pro­­po­­sées (« déploie­­ment » sectoriel).
• Si on se situe, à ces mêmes niveaux, dans des sec­­teurs plus homo­­gènes (comme
l’auto­­mo­­bile) on posi­­tion­­nera ces acteurs sui­­vant leur domi­­nante stra­­té­­gique et le
type d’avan­­tage recher­ché – : stra­­té­­gie de taille, des­­ti­­née à abais­­ser les coûts, ou

348
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

stra­­té­­gie de dif­­fé­­ren­­cia­­tion, pri­­vi­­lé­­giant le « sur mesure », en géné­­ral, auprès de


seg­­ments de clien­­tèle plus étroits, ou encore stra­­té­­gie d’« avan­­tage total »1 s’atta­­
chant à asso­­cier les deux..
Il convient éga­­le­­ment de se demander si on se situe sur un mar­­ché natio­­nal ou
régio­­nal, pour lequel il fau­­dra s’inter­­ro­­ger sur le niveau de part de mar­­ché contrôlé
par les acteurs de dif­­fé­­rentes ori­­gines, rap­­porté, par exemple, au niveau d’inves­­tis­­
se­­ment glo­­bal.

Exemple 6.13 – Les cos­­mé­­tiques en Inde, l’éta­­blis­­se­­ment de la carte concur­­ren­­tielle (10)


Dres­­ser la carte concur­­ren­­tielle du sec­­teur des cos­­mé­­tiques (pour les pro­­duits de colo­­ra­
­tion2) conduit à rete­­nir deux axes,
–– le pre­­mier, quan­­ti­­tatif, le déploie­­ment géo­­gra­­phique, pou­­vant se mesu­­rer par un indi­­
ca­­teur qui pour­­rait prendre en compte, à la fois, le nombre de points de vente et leur
plus ou moins large dis­­per­­sion sur l’ensemble du ter­­ri­­toire indien,
–– les second, plus qua­­li­­ta­­tif, la proxi­­mité du consom­­ma­­teur, pou­­vant s’appré­­cier par la
spé­­ci­­ficité des pro­­duits et de la gamme offerte pour répondre aux besoins de la femme
indienne (et, de plus en plus, des hommes indiens),
Par ailleurs, la part de mar­­ché de chaque acteur clé sera repré­­sen­­tée par la sur­­face de la
« bulle » qui lui cor­­res­­pon­­dra sur la carte, assor­­tie de signes « + », « – », « = », cor­­res­­
pon­­dant à la pro­­gres­­sion, la régres­­sion ou la stag­­na­­tion de chaque acteur réfé­­rencé.
La défi­­ni­­tion et la vali­­da­­tion de ces deux axes et le posi­­tion­­ne­­ment de chaque acteur pour­
­ront être éta­­blis selon une métho­­do­­logie « Delphi » (cf. repère 6.2) per­­met­­tant d’appro­­
cher le mieux pos­­sible la réa­­lité du mar­­ché des pro­­duits de colo­­ra­­tion en Inde.
–– Tout d’abord, la carte fait res­­sor­­tir la place pri­­vi­­lé­­giée conquise par les acteurs étran­­gers,
carac­­té­­ri­­sés par le rôle de lea­­der qu’occu­­pait encore en 2009 Revlon dont le concept
«  Glamour, Excitment and Inno­­va­­tion through high quality Products at Affordable
Prices », sem­­blait avoir séduit le plus grand nombre des consom­­ma­­trices sur ce seg­­ment
du mar­­ché. La firme sué­­doise de vente directe Ori­­flamme cosmetics, posi­­tion­­née « pro­
­duits natu­­rels et innovants », de son côté, pro­­gres­­sait rapi­­de­­ment, tan­­dis qu’Avon et ses
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« Avon ladies », régres­­sait pro­­gres­­si­­ve­­ment depuis 2001. Estée Lauder arri­­vée tar­­di­­ve­­
ment, se conten­­tait des résul­­tats encore limi­­tés de MAC et de ceux, sym­­bo­­liques, de
Cli­­nique. Quant à L’Oréal, un des plus actifs de ce seg­­ment, il y pro­­pose des pro­­duits
ori­­gi­­naux spé­­cia­­le­­ment conçus pour le consom­­ma­­teur indien, posi­­tion­­nés haut de
gamme, avec L’Oréal Paris et avec Maybelline, et visant davan­­tage la classe moyenne.
–– La résis­­tance des acteurs locaux se carac­­té­­rise, pour le géant Hindustan Lever, par un
effri­­te­­ment de la part de mar­­ché de sa marque Lakmé, jadis domi­­nante et pour­­tant tou­
­jours atta­­chée à comprendre les besoins de la femme indienne, tan­­dis que celle de sa
marque Aviance, dans le seg­­ment du luxe, demeure très limi­­tée. En revanche, Colorbar,
qui pro­­met à ses clients des pro­­duits innovants à des prix attrac­­tifs, a pro­­gressé de
manière appré­­ciable, en moins de cinq ans.

1.  Voir, infra, Sec­­tion 3


2.  Source : M.F. Montero, « FMCG trans­fer problematic towards FGE », Mémoire de recherche, ESCP Europe,
2010/2011.

349
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Carte concurrentielle
du secteur des cosmétiques en Inde
(produits de coloration)

Proximité du Hindustan Lever


consommateur Lakmé, Aviance
(-)
Revlon
(=)
L’Oréal
L’Oréal Paris
Maybelline
(++)
Oriflame
(++)
Colorbar
Avon (++)
(-)
(+)

Estée Lauder
MAC, Clinique

Déploiement
géographique

Figure 6.8 – Exemple de carte concur­­ren­­tielle

L’ana­­lyse des évo­­lu­­tions que tra­­duit la carte concur­­ren­­tielle fait res­­sor­­tir le carac­­tère fluc­
­tuant des posi­­tions des dif­­fé­­rents acteurs et la très forte sen­­si­­bi­­lité à l’inno­­va­­tion, tout
autant qu’à la compé­­titi­­vité prix ; mais aussi aux offres haut de gamme, même si celles-ci
ne garan­­tissent pas les parts de mar­­ché les plus impor­­tantes.

Ainsi est-il impor­­tant, soit de s’appuyer sur un indi­­ca­­teur quan­­ti­­tatif, ou une


combi­­nai­­son d’indi­­ca­­teurs, simples et accep­­tables, pour compa­­rer les posi­­tions de
chaque acteur (chiffre d’affaires – comme base de cal­­cul des parts de mar­­ché –,
retour sur inves­­tis­­se­­ment ou béné­­fice net avant impôt – pour compa­­rer les ren­­ta­­bi­­li­
­tés –, nombre d’implan­­ta­­tions – pour la den­­sité et le déploie­­ment du réseau, etc.),
soit de se for­­ger un ins­­tru­­ment de mesure quan­­ti­­fié et pon­­déré, adapté à la nature de
l’axe consi­­déré.
Ainsi déter­­mi­­nés les posi­­tion­­ne­­ments avec, si pos­­sible, l’indi­­ca­­tion de leur évo­­lu­
t­ion, se basant sur des obser­­va­­tions effec­­tuées au cours d’une période signi­­fi­­ca­­tive
(comme dans l’exemple 6.13 ci-dessus) et ana­­ly­­sées de façon cri­­tique, une telle
carte des­­sine les orien­­ta­­tions stra­­té­­giques des acteurs ou groupes d’acteurs, dont le
suc­­cès se mesu­­rera par les résul­­tats enre­­gis­­trés en termes de béné­­fices ou de
conquête de parts de mar­­ché.

350
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

c Repère 6.2
Exemple de mise en œuvre de la méthode DELPHI1
Appli­­ca­­tion à l’évo­­lu­­tion du sec­­teur ban­­caire (appli­­cable, par exemple, aux acti­­vi­­tés de mar­
c­ hé, aux acti­­vi­­tés grandes entre­­prises/corporate ou encore à la banque de proxi­­mité).
1er « tour » : Recherche docu­­men­­taire sur l’espace de réfé­­rence choisi, consti­­tution et
mise à jour d’une base de don­­nées et pre­­mière consul­­ta­­tion d’experts (tra­­vaux aca­­dé­­
miques, publi­­ca­­tions pro­­fes­­sion­­nelles, pério­­diques éco­­no­­miques, entre­­tiens infor­­mels
avec dif­­fé­­rents spé­­cia­­listes du domaine) :
–– éla­­bo­­ra­­tion d’une pre­­mière ana­­lyse des grandes ten­­dances inté­­res­­sant l’évo­­lu­­tion des
acti­­vi­­tés ou groupes d’acti­­vi­­tés ban­­caires rete­­nues ;
–– for­­mu­­la­­tion d’un cer­­tain nombre d’hypo­­thèses concer­­nant leur déve­­lop­­pe­­ment futur ;
–– iden­­ti­­fi­­cation d’un pre­­mier groupe (panel) d’experts (pro­­fes­­sion­­nels spé­­cia­­li­­sés, loca­­li­­sés
dans un ensemble d’éta­­blis­­se­­ments jugés repré­­sen­­ta­­tifs, ori­­gi­­naires de dif­­fé­­rentes zones
géo­­gra­­phiques per­­ti­­nentes, en fonc­­tion de la ou des acti­­vi­­tés ban­­caires rete­­nues) ;
–– éla­­bo­­ra­­tion et admi­­nis­­tra­­tion d’un ques­­tion­­naire semi-direc­­tif et/ou demande de
réac­­tion des dif­­fé­­rents experts sol­­li­­ci­­tés sur un court résumé de l’ana­­lyse et des pre­­
mières hypo­­thèses for­­mu­­lées.
2e étape : Recueil des réac­­tions écrites/orales des experts sol­­li­­ci­­tés, révi­­sion / re­for­­mu­
l­a­­tion des hypo­­thèses, rédac­­tion d’une syn­­thèse et seconde consul­­ta­­tion des experts :
––ana­­lyse des dif­­fé­­rentes réac­­tions obte­­nues et mise en évi­­dence des élé­­ments conver­
­gents/contra­­dic­­toires appor­­tés à la syn­­thèse ;
–– éla­­bo­­ra­­tion d’une seconde syn­­thèse fai­­sant res­­sor­­tir clai­­re­­ment les dif­­fé­­rentes orien­­
ta­­tions pos­­sibles ;
––trans­­mis­­sion aux mêmes experts, éven­­tuel­­le­­ment complé­­tés par d’autres, dans la
mesure où le « 1er tour » en a fait res­­sor­­tir la néces­­sité.
3e étape : Vali­­da­­tion/Suivi :
––même pro­­ces­­sus que pour la 2e étape et éla­­bo­­ra­­tion d’une nou­­velle syn­­thèse ;
––nou­­velle sou­­mis­­sion éven­­tuelle au panel d’experts ; syn­­thèse finale.
––repro­­duc­­tion de l’ensemble de la pro­­cé­­dure, à inter­­valles pério­­diques, d’autant plus
rap­­pro­­chés que l’évo­­lu­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment est rapide (dans le cas de la banque
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deux inves­­ti­­gations suc­­ces­­sives avaient été menées à 3-4 ans d’inter­­valle auprès d’un
panel compa­­rable).

1.  Cf. Lemaire J.-P., Dyna­­mique ban­­caire et inté­­gra­­tion finan­­cière, op. cit. Une métho­­do­­logie équi­­va­­lente est
uti­­li­­sée dans le cadre d’une étude compa­­ra­­tive menée sur l’évo­­lu­­tion des sec­­teurs ban­­caires dans les éco­­no­­mies en
tran­­si­­tion (Chine, Inde, Vietnam, Russie), d’une part, et, dans le cadre d’une autre étude por­­tant sur les inves­­tis­­se­­
ments directs étran­­gers au Japon .
Quant à la méthode Delphi : « Uti­­li­­sée ini­­tia­­le­­ment aux États-­Unis à des fins stra­­té­­giques par la Rand Cor­­po­­ra­­
tion, cette pro­­cé­­dure vise à déga­­ger de la consul­­ta­­tion d’un groupe d’experts une pré­­vi­­sion commune fiable. Pour y
par­­ve­­nir, elle use d’une pro­­cé­­dure par ques­­tion­­naires indi­­vi­­duels, ce qui évite la confron­­ta­­tion directe entre experts,
et une phase finale de cor­­rec­­tion qui per­­met de réduire la diver­­gence à un niveau accep­­table  » cf. Demory G.,
Spizzichino R., « Une méthode de pré­­vi­­sion par consul­­ta­­tion d’experts : la pro­­cé­­dure Delphi », in : Ges­­tion, octobre
1968 ; voir aussi Fiche S.11, « Delphi », in : Guide du Mana­­ge­­ment, Le Seuil, Paris, et Linstone H.-A. et Turoff
M., The Delphi Method, Tech­­niques and Appli­­ca­­tions, Addison Wesley, London, 1975. Voir aussi, Loo, R. (2002).
The Delphi method : A powerful tool for strategic mana­­ge­­ment policy. Inter­­na­­tional Jour­­nal of Policy Strategies
and Mana­­ge­­ment, 25(4) et Okoli, C., et Pawlowski, S.D. (2004). “The Delphi method as a research tool  : An
ex­ample, design considerations and appli­­ca­­tions”. Infor­­ma­­tion & Mana­­ge­­ment, 42(1).

351
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Ce sont ces pre­­mières obser­­va­­tions de la dyna­­mique des acteurs qui des­­sinent


déjà les fac­­teurs clés de suc­­cès et cer­­taines stra­­té­­gies gagnantes qui vont ser­­vir de
base à la der­­nière phase de l’ana­­lyse concur­­ren­­tielle : celle qui dési­­gnera les voies
pos­­sibles de l’évo­­lu­­tion stra­­té­­gique qu’ils pour­­ront, les uns et les autres, adop­­ter, en
fonc­­tion de leurs res­­sources, de leur expé­­rience et de leur vision de l’espace géo-­
sectoriel dans lequel ils se seront enga­­gés.

Section
3 Les voies d’évo­­lu­­tion stra­­té­­gique
Elles se dégagent essen­­tiel­­le­­ment :
––de la mise en évi­­dence des fac­­teurs clés de suc­­cès, liés à la demande et à l’offre,
et au degré de maî­­trise qu’en pos­­sède chaque acteur ou caté­­go­­rie d’acteurs ;
––des scé­­na­­rios d’évo­­lu­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment sec­­to­­riel, sur le plan glo­­bal et dans
les dif­­fé­­rentes zones géo­­gra­­phiques concer­­nées,
pour débou­­cher sur la déter­­mi­­na­­tion des stra­­té­­gies gagnantes, dont chaque entre­­
prise inté­­res­­sée pourra s’ins­­pi­­rer pour défi­­nir ses propres objec­­tifs, en fonc­­tion de
ses avan­­tages concur­­ren­­tiels spé­­ci­­fiques.

1  L’iden­­ti­­fi­­cation des fac­­teurs clés de suc­­cès inter­­na­­tionaux (FCS)


Cette démarche ne dif­­fère guère, par sa nature, dans un cadre domes­­tique et dans
un cadre plus ouvert à l’inter­­na­­tional, dans la mesure où, dans ces deux perspec­­tives
géo­­gra­­phiques, le niveau des res­­sources dis­­po­­nibles, la maî­­trise des tech­­no­­logies, la
connais­­sance du mar­­ché, la qua­­lité de l’image, etc., sont éga­­le­­ment néces­­saires.
Ce qui dif­­fère dans une perspec­­tive inter­­na­­tionale réside plu­­tôt :
––dans l’impor­­tance et la spé­­ci­­ficité des moyens à mettre en œuvre, en termes de
prise en compte des risques ou de mon­­tages de finan­­ce­­ments, d’orien­­ta­­tion et de
mise en œuvre des inves­­tis­­se­­ments commer­­ciaux ou indus­­triels ;
––dans la pos­­ses­­sion de savoir-faire spé­­ci­­fiques, s’appuyant non seule­­ment sur
l’accès à un ensemble de don­­nées plus larges, mais éga­­le­­ment sur une expé­­rience,
une capa­­cité d’orga­­ni­­sa­­tion et d’adap­­ta­­tion beau­­coup plus éten­­dues que ce qui est
usuel­­le­­ment exigé dans un cadre géo­­gra­­phique res­treint à l’espace natio­­nal ou
même élargi aux pays immé­­dia­­te­­ment voi­­sins.
Ces fac­­teurs clés de suc­­cès doivent donc, pour chaque indus­­trie, sec­­teur ou acti­­vité
étu­­dié, être repé­­rés soi­­gneu­­se­­ment, au fur et à mesure du pro­­ces­­sus de l’ana­­lyse
inter­­na­­tionale du sec­­teur. Dès l’ana­­lyse de base, ils commencent à se déga­­ger des
grandes carac­­té­­ris­­tiques – crois­­sance ou réces­­sion, degré de globalisation, impor­­
tance de la tech­­no­­logie, du niveau d’inves­­tis­­se­­ment requis –, qui sug­­gèrent des voies

352
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

d’adap­­ta­­tion et d’évo­­lu­­tion. Lors du posi­­tion­­ne­­ment, ils se pré­­cisent à tra­­vers la


mesure de l’inten­­sité du pou­­voir qu’exercent les four­­nis­­seurs et les clients sur le
groupe concur­­rent, comme par des menaces que pré­­sentent les nou­­veaux entrants et
les sub­­sti­­tuts. Ils seront « mis à plat » lors de cette der­­nière étape de la démarche
d’ana­­lyse externe, en fonc­­tion de l’évo­­lu­­tion d’ensemble du sec­­teur et de son envi­­
ron­­ne­­ment, des rap­­ports de force qui s’ins­­taurent entre acteurs concur­­rents et, enfin,
des prin­­ci­­pales stra­­té­­gies obser­­vées, dans l’espace de référence retenu.

c Repère 6.3
Les dif­­fé­­rents fac­­teurs clés de suc­­cès à l’inter­­na­­tional
Ces fac­­teurs clés de suc­­cès peuvent ainsi se défi­­nir :
••Du côté de la demande, ils sont requis par les clients ou mis en évi­­dence par leurs pres­
­crip­­teurs pri­­vi­­lé­­giés, comme par les dis­­tri­­bu­­teurs et inter­­mé­­diaires. Ils se tra­­duisent par la
néces­­sité de suivre l’évo­­lu­­tion des besoins et des cri­­tères de choix (image, répu­­ta­­tion,
qua­­lité per­­çue du pro­­duit et du ser­­vice, prix, capa­­cité d’adap­­ta­­tion, etc.), éma­­nant de
cha­­cun de ces groupes, sur cha­­cun des macro-­segments, ou dans cha­­cune des zones
géo­­gra­­phiques, de manière spé­­ci­­fique, ou en tenant compte des élé­­ments de conver­­
gence se des­­si­­nant à une échelle plus glo­­bale.
••Du côté de l’offre, ces fac­­teurs clés sont dépen­­dants des tech­­no­­logies, de l’orga­­ni­­sa­­tion
et des syner­­gies sus­­cep­­tibles d’être mises en œuvre aujourd’hui et de celles qui s’impo­­
se­­ront demain – ce qui sup­­pose un mini­­mum de veille tech­­no­­lo­­gique et commer­­ciale
(voir cha­­pitre 5) –, en met­­tant l’accent sur la capa­­cité des orga­­ni­­sa­­tions à combi­­ner les
dif­­fé­­rents fac­­teurs de pro­­duc­­tion, à une échelle qui dépasse le seul cadre natio­­nal, et à
sur­­mon­­ter les dif­­fi­­cultés sus­­ci­­tées par la complexité qui en découle.
••Ils sont, enfin, lar­­ge­­ment tri­­bu­­taires des inno­­va­­tions pro­­duit ou process de la concur­­rence
qui tente, en per­­ma­­nence, de modi­­fier, à son pro­­fit, les règles du jeu et les stan­­dards de
l’acti­­vité. Ce qui sup­­pose de pos­­sé­­der, encore une fois, un bon sys­­tème de col­­lecte
d’infor­­ma­­tions et une forte capa­­cité à réagir et à s’adap­­ter.
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Exemple 6.14 – Les cos­­mé­­tiques en Inde, la mise en évi­­dence des fac­­teurs clés
de suc­­cès (11)
À tra­­vers les dif­­fé­­rentes étapes de l’ana­­lyse de l’espace de réfé­­rence géo-­sectoriel « cos­
­mé­­tiques en Inde », les fac­­teurs clés de suc­­cès (FCS) néces­­saires aux dif­­fé­­rents acteurs,
tant locaux, qu’étran­­gers, se sont déga­­gés pro­­gres­­si­­ve­­ment, aussi bien ceux qui sont liés
à la demande que ceux qui sont liés à l’offre :
–– Pour ce qui concerne les FCS liés à la demande, sont à mettre en avant :
––la capa­­cité d’adap­­ta­­tion aux besoins des consom­­ma­­trices et des consom­­ma­­teurs
locaux (sans trans­­po­­ser, pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, de manière trop sim­­pliste,
les pro­­duits des­­ti­­nés aux Occi­­den­­taux ou aux Japo­­nais au « micro­­cosme de l’huma­
­nité » que repré­­sente l’Inde) ;

353
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

––la capa­­cité à dis­­tin­­guer les dif­­fé­­rents seg­­ments de clien­­tèle dans une société très
complexe, tra­­di­­tion­­nel­­le­­ment frag­­men­­tée, contras­­tée sur le plan cli­­ma­­tique, (cor­­res­­
pon­­dant à la diver­­sité de leurs carac­­té­­ris­­tiques phy­­sio­­lo­­giques, de leurs régions,
mais, aussi, de leur mode de vie, etc.) ;
––la compé­­titi­­vité prix, dans la mesure où l’Inde consti­­tue un pays très « sen­­sible aux
prix » ; sans, pour autant, que ce qui y va de soi pour les pro­­duits « grand public »,
se véri­­fie pour les seg­­ments « luxe » et « haut de gamme » (premium).
–– Pour ce qui concerne, les FCS liés à l’offre, on retien­­dra :
––la capa­­cité d’inno­­va­­tion et la consti­­tution d’équipes de R & D per­­for­­mantes sus­­cep­
­tibles de trou­­ver des for­­mules propres à séduire des consom­­ma­­trices et des consom­
­ma­­teurs par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment exi­­geants et sen­­sibles à la nou­­veauté ;
––la capa­­cité de pro­­duc­­tion locale, per­­met­­tant de tirer le maxi­­mum d’avan­­tages de
cette pré­­sence, pour béné­­fi­­cier de coûts de main-d’œuvre avan­­ta­­geux, pour évi­­ter les
droits de douane et les démarches admi­­nis­­tra­­tives à l’entrée, pour minimi­­ser les coûts
logis­­tiques et le risque de change ;
––la maî­­trise des canaux de dis­­tri­­bu­­tion, géné­­ra­­listes et spé­­cia­­li­­sés, sur­­tout si l’orga­­ni­
­sa­­tion dis­­pose d’une gamme très complète de pro­­duits des­­ti­­nés à dif­­fé­­rents seg­­ments
et un por­­te­­feuille de marques diver­­si­­fié, sus­­cep­­tible de viser plus spé­­ci­­fi­­que­­ment les
uns ou les autres.

Sur quels « leviers » (groupes de FCS) peuvent agir les


organisations, opérant dans le secteur indien des cosmétiques,
en réponse aux « enjeux » ?
(MODÈLE PREST / 3)
PRESSIONS PRESSIONS
POLITICO-RÉGLEMENTAIRES TECHNOLOGIQUES

ËMaîtrise des circuits


ËCompétitivité prix : de distribution
Enjeu
Maitrise des coûts d’intensification Ëcapacité de
Développement des de la concurrence fabrication locale
volumes ËConstitution d’équipes
locales performantes
Profitabilité :
amélioration Structuration
coûts/revenus Organisation

Innovation
Enjeu de produits adaptation
redéploiement process de l’offre
géo-sectoriel

ËCapacité d’innovation,
en réponse aux besoins
locaux
Ëcapacité d’identifier les
segments pertinents

PRESSIONS SOCIO-ÉCONOMIQUES

J.-P. Lemaire

Figure 6.9 – La déter­­mi­­na­­tion des « leviers » (groupes de fac­­teurs clés de suc­­cès)

354
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

L’étape sui­­vante, au-­delà de l’ana­­lyse externe, dans le cadre du diag­­nos­­tic interne,


cette fois, sera d’éva­­luer, pour l’orga­­ni­­sa­­tion pour le compte de laquelle on effec­­tue
l’audit, le degré de maî­­trise qu’elle a de ces dif­­fé­­rents FCS, avant de déter­­mi­­ner les
avan­­tages à valo­­ri­­ser, et les han­­di­­caps à combler, afin de pré­­pa­­rer, à la lumière des
scé­­na­­rios qui auront été mis en évi­­dence, les déci­­sions stra­­té­­giques oppor­­tunes.

2  Les scé­­na­­rios d’évo­­lu­­tion de l’indus­­trie ou du sec­­teur

Ils ont à être défi­­nis aussi bien au niveau glo­­bal qu’au niveau de chaque zone géo­
g­ ra­­phique ou même de chaque seg­­ment de clien­­tèle inter­­na­­tionale retenu en fonction
du type d’approche retenue. Ils peuvent s’appuyer sur les infor­­ma­­tions recueillies au
cours des phases pré­­cé­­dentes de l’ana­­lyse et concernant :
––les évo­­lu­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment domes­­tique et inter­­na­­tional de l’indus­­trie ou du
sec­­teur, autour des trois types de pres­­sions externes : politico-régle­­men­­taire, tech­
­no­­lo­­gique, socio-éco­­no­­mique ;
––les muta­­tions propres au sec­­teur, à tra­­vers les réac­­tions des entre­­prises qui y
opèrent, en terme orga­­ni­­sa­­tion­­nel et struc­­tu­­rel, comme en termes d’inno­­va­­tion ou
de recherche de ren­­ta­­bi­­lité (sans, pour autant, négli­­ger d’y intro­­duire la dimen­­sion
humaine et l’aléa­­toire qui peuvent faire évo­­luer les stra­­té­­gies de cer­­tains concur­­
rents de façon inat­­ten­­due).

c Repère 6.4
La construc­­tion des scé­­na­­rios
Ces scé­­na­­rios reposent sur des variables de deux types, externes et internes au sec­­teur,
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dont l’évo­­lu­­tion est anti­­ci­­pée, aussi bien à par­­tir des don­­nées quan­­ti­­tatives dis­­po­­nibles qui
devront être extra­­po­­lées, qu’à par­­tir des don­­nées qua­­li­­ta­­tives per­­ti­­nentes, liées aux stra­­té­
­gies des acteurs et de l’appré­­cia­­tion qui sera faite des évo­­lu­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment.
Les méthodes per­­met­­tant de bâtir de tels scé­­na­­rios doivent donc asso­­cier et syn­­thé­­ti­­ser
un grand nombre d’infor­­ma­­tions, orga­­ni­­sées autour de variables per­­ti­­nentes, rele­­vant
de ces deux caté­­go­­ries, de manière à ne négli­­ger aucun élé­­ment impor­­tant sus­­cep­­tible
d’affec­­ter le deve­­nir du champ étu­­dié. Aussi est-il cru­­cial de baser sa réflexion, non
seule­­ment sur la syn­­thèse per­­ma­­nente des don­­nées col­­lec­­tées et ana­­ly­­sées dans le
cadre du sys­­tème de veille, mais aussi de l’enri­­chir et de la vali­­der, en s’appuyant sur
la contri­­bu­­tion d’experts cou­­vrant ses dif­­fé­­rents aspects ; cela en uti­­li­­sant, par exemple,
la méthode des scé­­na­­rios asso­­ciée à la méthode Delphi, qui se prêtent conjoin­­te­­ment
très bien à l’anti­­ci­­pation.
En combi­­nant les dif­­fé­­rentes ten­­dances jugées significatives qui se dégagent, il est
géné­­ra­­le­­ment pos­­sible d’éla­­bo­­rer :

355
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


––soit plu­­sieurs scé­­na­­rios pré­­sen­­tant des chances voi­­sines d’occur­­rence, sur­­tout si une
forte incer­­ti­­tude pèse sur un cer­­tain nombre d’élé­­ments pris en compte, ris­­quant
d’ouvrir la voie à des évo­­lu­­tions très dif­­fé­­rentes ;
––soit une voie moyenne pro­­bable, si, à l’inverse, l’évo­­lu­­tion est plus har­­mo­­nieuse, les
inflé­­chis­­se­­ments beau­­coup plus prévisibles et les aléas plus cir­­conscrits.
Dès lors, il sera pos­­sible d’envi­­sa­­ger, face à cha­­cun d’entre eux, des voies stra­­té­­giques
pos­­sibles, propres à en limi­­ter les effets néga­­tifs ou à en accen­­tuer les retom­­bées posi­
­tives pour l’organisation ; autre­­ment dit, à complé­­ter et ren­­for­­cer, à par­­tir de ces anti­­
ci­­pations, les fac­­teurs clés de suc­­cès pré­­cé­­dem­­ment iden­­ti­­fiés.

Dans un contexte inter­­na­­tional, la masse de don­­nées à trai­­ter est, à la fois, plus


large et plus variée et, sou­­vent, plus pauvre : en effet, dans cer­­taines zones étu­­diées,
notam­­ment les pays émergents, les infor­­ma­­tions dis­­po­­nibles sont limi­­tées, incom­­
plètes, trop anciennes ou peu fiables. Le recours aux experts, « connais­­seurs » pri­­vi­
­lé­­giés du sec­­teur et de l’envi­­ron­­ne­­ment, devient alors essen­­tiel. Il faut noter que ces
experts peuvent être iden­­ti­­fiés au sein même de l’orga­­ni­­sa­­tion et être asso­­ciés à son
pro­­ces­­sus de veille, en rela­­tion avec son réseau exté­­rieur (cf. exemple 5.5).

Exemple 6.15 – Les cos­­mé­­tiques en Inde, scé­­na­­rios sim­­pli­­fiés d’évo­­lu­­tion du sec­­teur (12)


Variables Scenario « pes­­si­­miste » Scenario « opti­­miste »
Évo­­lu­­tion des Main­­tien du refus de libé­­rali­­sa­­tion et Pour­­suite de la libé­­rali­­sa­­tion, ouver­­ture aux
pres­­sions politico-­ d’ouver­­ture de cer­­tains sec­­teurs (cf. acteurs étran­­gers, moder­­ni­­sa­­tion et ouver­­
réglementaires dis­­tri­­bu­­tion) . Pré­­fé­­rence natio­­nale. ture de la dis­­tri­­bu­­tion
Évo­­lu­­tion des Accrois­­se­­ment de l’infla­­tion et ralen­­tis­­ Contrôle des prix et reprise de la crois­­sance,
pres­­sions éco­­no­­ se­­ment de la crois­­sance éco­­no­­mique, élé­­va­­tion du niveau de vie, dimi­­nu­­tion des
miques et sociales élar­­gis­­se­­ment de la « BoP ». « lais­­sés pour compte ».
Évo­­lu­­tion des Coup d’arrêt à l’amé­­lio­­ra­­tion des infra­­ Pour­­suite de la remise à niveau des infra­­
pres­­sions tech­­no­­ struc­­tures, dimi­­nu­­tion des trans­­ferts de struc­­tures et inten­­si­­fi­­ca­­tion des flux d’IDE et
lo­­giques tech­­no­­logie (TT) et des IDE. des trans­­ferts de tech­­no­­logie.
Nou­­veaux Mul­­ti­­pli­­cation des nou­­veaux entrants Pro­­gres­­sion rai­­son­­nable des nou­­veaux
entrants pré­­sen­­tant des avan­­tages compé­­titifs entrants, menaces faibles sur les acteurs en
impor­­tants place
Groupe concur­­ Compé­­tition fron­­tale pour les mêmes Spé­­cia­­li­­sa­­tion des dif­­fé­­rents acteurs et par­­
rent seg­­ments, guerre des prix tage des mar­­chés et des seg­­ments
Sub­­sti­­tuts Regain de faveur des pro­­duits tra­­di­­ Assi­­mi­­la­­tion des pro­­duits tra­­di­­tion­­nels aux
tion­­nels, rejet des pro­­duits occi­­den­­ pro­­duits modernes et élar­­gis­­se­­ment consé­­
taux cu­­tifs de gamme.
Stra­­té­­gies envi­­sa­­ Concen­­tra­­tion du groupe concur­­rent Élar­­gis­­se­­ment des gammes de pro­­duits et
geables pour les (rachat des acteurs les plus affai­­blis) des por­­te­­feuilles de marques. Approche de
lea­­ders actuels du Diver­­si­­fi­­ca­­tion dans les ser­­vices asso­­ nou­­veaux seg­­ments de clien­­tèle.
sec­­teur ciés aux soins, dif­­fu­­sion des pro­­duits Déve­­lop­­pe­­ment du sys­­tème logis­­tique et de
ayurvédiques en Occi­­dent. dis­­tri­­bu­­tion locale.
Recherche/ren­­for­­ce­­ment des accords Rachat de marques, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
avec la dis­­tri­­bu­­tion ayurvédiques.

356
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

Le rôle des scé­­na­­rios à cette étape quasi ultime de la démarche, ainsi que leur
mise à jour per­­ma­­nente, est donc essen­­tiel, à la fois :
––pour syn­­thé­­ti­­ser et combi­­ner des don­­nées mul­­tiples, de nature très diverse, en
constante évo­­lu­­tion et compor­­tant des risques d’inter­­pré­­ta­­tion appré­­ciables ;
––pour anti­­ci­­per les chan­­ge­­ments les plus propres à affec­­ter les acti­­vi­­tés consi­­dé­­rées,
là où elles se sont déve­­lop­­pées ;
––pour défi­­nir ou ajus­­ter les options stra­­té­­giques et leur mise en œuvre.

3  La défi­­ni­­tion des « stra­­té­­gies gagnantes »


Les scé­­na­­rios pour­­raient d’ores et déjà sug­­gé­­rer les stra­­té­­gies gagnantes pour
l’ave­­nir, pour autant que les évo­­lu­­tions des variables qui les sous-tendent se véri­­fient
et que cer­­tains impré­­vus majeurs ne viennent pas bou­­le­­ver­­ser ces anti­­ci­­pations et
remettre en ques­­tion bru­­ta­­le­­ment les orien­­ta­­tions rete­­nues.
Dans les faits, les «  stra­­té­­gies gagnantes  » – pour autant que leur per­­ti­­nence se
véri­­fie – s’ins­­crivent encore lar­­ge­­ment dans le présent et s’appré­­cient, avant tout, en
termes de résul­­tat – ren­­ta­­bi­­lité, parts de mar­­ché, ou les deux à la fois-.

c Repère 6.5
Le benchmarking ou l’imi­­ta­­tion des meilleurs
L’iden­­ti­­fi­­cation et l’imi­­ta­­tion des lea­­ders sont deve­­nues une néces­­sité pour un nombre
crois­­sant d’orga­­ni­­sa­­tions. Elles leur per­­mettent de mettre en évi­­dence leurs fai­­blesses,
d’y sup­­pléer ou même de creu­­ser, en leur faveur, l’écart qui les sépare de leurs prin­­ci­
­paux concur­­rents. Dans un pre­­mier temps, le benchmarking met en évi­­dence des
variables clés de la per­­for­­mance, en rela­­tion avec les FCS du sec­­teur, en réfé­­rence aux
meilleurs (qui n’en sont pas tou­­jours tous, ou sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment, les lea­­ders). Ces
variables cor­­res­­pondent, le plus sou­­vent, à :
––la maî­­trise des coûts ou de cer­­tains coûts, éva­­lués à par­­tir d’indi­­ca­­teurs soi­­gneu­­se­­
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ment sélec­­tion­­nés (ainsi, pour un bureau d’étude ou dans le cadre d’un pro­­jet de
recherche et déve­­lop­­pe­­ment : nombre de pro­­to­­types néces­­saires, nombre de des­­sins
modi­­fiés, coût d’intro­­duc­­tion d’un nou­­veau pro­­duit) ;
––la maî­­trise des délais de concep­­tion, de fabri­­ca­­tion, de livrai­­son, de réac­­tion à une
sol­­li­­ci­­ta­­tion de ser­­vice après-vente, de four­­ni­­ture de pièces déta­­chées ;
––la maî­­trise de la qua­­lité éva­­luée en nombre de pro­­duits rebu­­tés ou ayant néces­­sité
une reprise ou une rec­­ti­­fi­­cation, d’inter­­ven­­tions au titre de l’après-vente ou de la
mise en jeu de la garan­­tie.
Une fois le constat éta­­bli, le benchmarking sup­­pose la recherche d’une ou plu­­sieurs orga­­
ni­­sa­­tion(s) de réfé­­rence, dans les domaines d’amé­­lio­­ra­­tion priori­­taires ; ce qui ne signi­­fie
pas, en géné­­ral, copier tel ou tel concur­­rent, mais plu­­tôt trou­­ver, dans une acti­­vité com­pa­
­rable – ou même tota­­le­­ment dif­­fé­­rente, comme Motorola s’ins­­pi­­rant jadis de Domino’s
Pizza pour amé­­lio­­rer ses délais de livrai­­son –, une orga­­ni­­sa­­tion digne d’être imi­­tée, en toute
connais­­sance de cause ; ce qui n’exclut pas, par­­fois, un véri­­table échange d’exper­­tise.

357
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Les stra­­té­­gies gagnantes s’ins­­crivent, en fait, dans diverses perspec­­tives :


––le court terme ou le moyen / long terme ;
––la maî­­trise – voire le contrôle – d’un fac­­teur clé de suc­­cès ou de plu­­sieurs fac­­teurs
clés de suc­­cès majeurs dans l’acti­­vité ou les acti­­vi­­tés consi­­dé­­rées.
La perspec­­tive tem­­po­­relle d’une stra­­té­­gie gagnante peut varier for­­te­­ment, en fonc­
t­ion du sec­­teur, du pays d’ori­­gine et/ou des attentes de l’action­­na­­riat de l’orga­­ni­­sa­­
tion consi­­dé­­rée, de l’impor­­tance des enjeux immé­­diats aux­­quels elle peut se trou­­ver
confron­­tée :
• La domi­­nante court terme d’une stra­­té­­gie est par­­fois le propre d’une situa­­tion
d’urgence, qui s’impose à l’organisation de référence comme à l’ensemble du sec­
­teur – bou­­le­­ver­­se­­ment des condi­­tions éco­­no­­miques ou trans­­for­­ma­­tion bru­­tale de
l’envi­­ron­­ne­­ment régle­­men­­taire –. Elle peut aussi, et de plus en plus, tra­­duire
l’obli­­ga­­tion dans laquelle se trouvent les diri­­geants d’amé­­lio­­rer la ren­­ta­­bi­­lité pour
satis­­faire des inves­­tis­­seurs qui, à défaut, se désen­­ga­­ge­­raient, fai­­sant bais­­ser, du
même coup, la valeur du titre, contra­­riant en cela la col­­lecte de nou­­velles res­­
sources sur les mar­­chés. Avec l’inter­­na­­tiona­­li­­sation crois­­sante de l’action­­na­­riat
des entre­­prises, cor­­ré­­la­­tive au déve­­lop­­pe­­ment des fonds de pen­­sion, d’inves­­tis­­se­­
ment ou de fonds souverains, et avec l’intro­­duc­­tion de plus en plus fré­­quente
d’entre­­prises – grandes mul­­ti­­natio­­nales ou plus modestes PME1 en phase d’inter­­
na­­tiona­­li­­sation – sur des mar­­chés financiers étran­­gers à leur pays d’ori­­gine, cette
ten­­dance conti­­nuera de s’affir­­mer.
• La domi­­nante « moyen/long terme » d’une stra­­té­­gie gagnante s’ins­­crit moins dans
le cadre libé­­ral, que tra­­duit la pré­­oc­­cu­­pa­­tion de ren­­ta­­bi­­lité rapide, éva­­luée chaque
tri­­mestre en conseil d’admi­­nis­­tra­­tion, qui carac­­té­­rise l’orien­­ta­­tion pré­­cé­­dente. Elle
cor­­res­­pond mieux aux entre­­prises en voie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation2, sou­­vent à carac­
­tère fami­­lial, dont les efforts ne se révé­­le­­ront, à prop­­re­­ment par­­ler, «  payants  »
qu’à l’issue de périodes longues d’approche et d’inves­­tis­­se­­ment sur des mar­­chés
ou à par­­tir de loca­­li­­sa­­tions de pro­­duc­­tion loin­­taines, même si, pour cer­­tains, la
ren­­ta­­bi­­lité peut inter­­ve­­nir rapi­­de­­ment.
Cette dernière domi­­nante cor­­res­­pond davan­­tage à une volonté de conquête de
posi­­tions stables et défen­­dables ou de ren­­for­­ce­­ment d’un lea­­der­­ship tech­­no­­lo­­gique,
se tra­­dui­­sant en termes de pro­­messes de contrôle de parts de mar­­ché plu­­tôt que de
béné­­fices record immé­­diats.

1.  Avec la déré­­gle­­men­­ta­­tion et l’ouver­­ture inter­­na­­tionale des mar­­chés finan­­ciers, les entre­­prises ont désor­­mais
beau­­coup plus faci­­le­­ment accès à des compar­­ti­­ments de mar­­ché qui n’exis­­taient pas jus­­qu’alors, ou leur étaient
fer­­més  : c’est le cas, par exemple, du NASDAQ amé­­ri­­cain qui attire quelques entre­­prises moyennes fran­­çaises,
sou­­cieuses, tout à la fois, de lever des capi­­taux « frais » et de reconnais­­sance inter­­na­­tionale.
2.  Voir figure 7.8 «  Les types de stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (Pour­­quoi ?)  » la dis­­tinction, ins­­pi­­rée de
F.-R. Root, à l’inter­­na­­tional, entre « stra­­té­­gies d’écré­­mage », axées sur la ren­­ta­­bi­­li­­sa­­tion rapide, hors fron­­tières, d’un
pro­­duit ou d’un process et « stra­­té­­gies de péné­­tra­­tion » cor­­res­­pon­­dant à l’inves­­tis­­se­­ment patient sur des mar­­chés
peu acces­­sibles, mal­­gré leur fort poten­­tiel présent où à venir.

358
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

Ce choix de perspec­­tive tem­­po­­relle, de ren­­ta­­bi­­lité plus ou moins rapide, se sur­­


ajoute, le plus sou­­vent, à un autre choix entre stra­­té­­gie de volume et stra­­té­­gie de
dif­­fé­­ren­­cia­­tion (cf. figure 6.9) ; la combi­­nai­­son des deux consti­­tue un équi­­libre idéal,
dif­­fi­­cile à éta­­blir et à main­­te­­nir.
Les stra­­té­­gies de volume, au niveau inter­­na­­tional et domes­­tique, sont asso­­ciées à
deux types de sec­­teurs :
––ceux béné­­fi­­ciant d’éco­­no­­mies d’échelle impor­­tantes, par exemple mono acti­­vi­­tés
à forte valeur ajou­­tée (comme les pro­­duits stan­­dards de haute tech­­no­­logie, tels les
aéro­­nefs ), pour les­­quelles la concen­­tra­­tion de la pro­­duc­­tion est avan­­ta­­geuse,
––ceux sus­­cep­­tibles de déve­­lop­­per des syner­­gies ou des éco­­no­­mies d’enver­­gure
appré­­ciables, sur des ensembles d’acti­­vi­­tés complé­­men­­taires, pou­­vant mettre en
commun, même à grande dis­­tance, cer­­taines de leurs res­­sources  : sys­­tèmes
d’infor­­ma­­tion, R & D, exper­­tises spé­­ci­­fiques, comme les grands cabi­­nets comp­­
tables inter­­na­­tionaux, les indus­­tries phar­­ma­­ceu­­tiques, les équi­­pe­­ments télécom
(cf. cha­­pitre 4, cas « Huawei »).
Stratégies de volume v. stratégies de spécialisation
à l’international
Différenciation

+
Daimler
LVMH Avantage total
Avantage de différenciation Activités multi niches
Exploitation d’une niche exploitant au niveau
auprès de segments de international les synergies
clients très spécifiques, et les composants standard
Mise à profit de l’image pour (chaîne d’approvisionnement
multiplier les clients JP Morgan optimisée) BMW
Focalisation touchés Chase
sur des Hermès
marchés Alstom Huawei
globaux VW
étroits Wines of
Argentina Avantage par les coûts
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Archos Production de masse


concentrée,
Impasse Zara (ou répartie entre sites, en
stratégique optimisant les partages des
Kodak ressources et la chaîne
logistique Renault
-Nissan
Cemex Yara

- Recherche de marchés de masse à une échelle géographique aussi + Réduction


large que possible des coûts
unitaires

Figure 6.10 – Stra­­té­­gies de volume/stra­­té­­gies de dif­­fé­­ren­­cia­­tion

À l’inverse, les stra­­té­­gies de dif­­fé­­ren­­cia­­tion jouent sur la spé­­ci­­ficité, le carac­­tère sur


mesure de pres­­ta­­tions, peu sen­­sibles – ou même insen­­sibles – à l’effet volume et ne
per­­met­­tant pas, a priori, de déve­­lop­­per faci­­le­­ment des syner­­gies. Elles visent, au

359
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

niveau inter­­na­­tional, des seg­­ments de clien­­tèle très étroits ou des pres­­ta­­tions « au coup
par coup », comme le conseil en fusion et acqui­­si­­tion entre très grandes entre­­prises1,
l’ingé­­nie­­rie d’équi­­pe­­ments non stan­­dard, la res­­tau­­ra­­tion de pres­­tige ; toutes acti­­vi­­tés
fai­­sant appel à des compé­­tences dif­­fi­­ci­­le­­ment inter­­chan­­geables et dupliquables.
Les stra­­té­­gies dites « d’avan­­tage total », s’efforcent de cumu­­ler les deux approches
de deux façons :
––Elles peuvent, en sous-­segmentant une stra­­té­­gie de volume et en fai­­sant béné­­fi­­cier
chaque pres­­ta­­tion sur mesure de res­­sources communes, per­­mettre d’en abais­­ser
for­­te­­ment les coûts. Le prix s’en trou­­vera donc limité ou la marge aug­­men­­tée –
comme la fabri­­ca­­tion de véhi­­cules haut de gamme à par­­tir de compo­­sants en large
pro­­por­­tion stan­­dard2.
––Elles sont sus­­cep­­tibles aussi d’être déve­­lop­­pées en sys­­té­­ma­­ti­­sant une pres­­ta­­tion
sur mesure. Ce qui sup­­po­­sera d’iden­­ti­­fier, puis d’exploi­­ter simul­­ta­­né­­ment, en les
combi­­nant, dif­­fé­­rentes appli­­ca­­tions, compé­­tences ou avan­­tages compé­­titifs sans
affec­­ter la qua­­lité et l’image de la pres­­ta­­tion, ni celle du pres­­tataire – comme cela
peut être le cas dans le conseil inter­­na­­tional en stra­­té­­gie3-.
Mais la réus­­site de cer­­tains acteurs majeurs du sec­­teur n’est pas auto­­ma­­ti­­que­­ment
trans­­po­­sable aux autres acteurs, dans la mesure où les fac­­teurs clés de suc­­cès mis en
œuvre par les pre­­miers ne sont pas tou­­jours à la por­­tée des seconds – du moins, pas
tous –.
À ce point de l’ana­­lyse, il convient donc de dis­­tin­­guer :
––les stra­­té­­gies gagnantes des lea­­ders en part de mar­­ché et/ou en ren­­ta­­bi­­lité, dans
une perspec­­tive de court terme ou de plus long terme, telles qu’elles résultent de
l’ensemble de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle ;
––de la défi­­ni­­tion néces­­saire, pour chaque acteur du sec­­teur, en fonc­­tion des résul­­tats
de l’ana­­lyse et du diag­­nos­­tic inter­­na­­tional qui aura été paral­­lè­­le­­ment effec­­tué, des
options stra­­té­­giques opti­­males qui sont à la por­­tée de ses res­­sources et de ses avan­
­tages concur­­ren­­tiels propres ; ce qui sera déve­­loppé au cha­­pitre 7.
En défi­­ni­­tive, on retien­­dra qu’en dehors des appli­­ca­­tions mul­­tiples de l’ana­­lyse
sec­­to­­rielle inter­­na­­tionale – pour les clients, les four­­nis­­seurs, les inves­­tis­­seurs ou les
ban­­quiers prê­­teurs, en rela­­tion avec les acteurs de l’espace géo-­sectoriel étu­­dié –,
son prin­­ci­­pal inté­­rêt réside dans l’appui qu’elle apporte à la défi­­ni­­tion de la stra­­té­
­gie inter­­na­­tionale d’ensemble des orga­­ni­­sa­­tions, ainsi qu’à leur stra­­té­­gie par­­ti­­cu­­
lière, dans un espace plus limité, qu’il s’agisse du pays d’ori­­gine ou de cer­­taines
zones géo­­gra­­phiques pri­­vi­­lé­­giées pour son déve­­lop­­pe­­ment.

1.  Comme le pra­­tique, par exemple, un des lea­­ders mon­­diaux, Lazard, qui réus­­sit sur ce cré­­neau étroit, à réa­­li­­ser
un chiffre d’affaires très impor­­tant avec un nombre de tran­­sac­­tions très limité.
2.  À la manière de Toyota, qui fabrique des voi­­tures de grand sport dans des condi­­tions beau­­coup plus éco­­no­­
miques que Ferrari ; comme vu également, voir cas d’application du chapitre 3 « Secteur automobile européen : ceux
qui rient et ceux qui pleurent ».
3.  Comme le pra­­tique McKinsey ou le BCG.

360
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

 Cas d’application
Menez votre propre ana­­lyse sec­­to­­rielle inter­­na­­tionale
Vous pour­­rez la mener, soit à par­­tir de cas, comme ceux qui sont uti­­li­­sés dans le
présent ouvrage et déve­­lop­­pés de manière plus complète dans les cas dépo­­sés ou à
dépo­­ser auprès de la Cen­­trale des Cas et Moyens Péda­­go­­giques (voir rubrique « Cas
de références » de la biblio­­gra­­phie).
Ainsi, à par­­tir des pre­­miers élé­­ments dis­­po­­nibles dans cet ouvrage et, de manière
plus exhaus­­tive, à par­­tir des cas qui seront dis­­po­­nibles en 2013/2014 à la CCMP,
vous pour­­rez envi­­sa­­ger dif­­fé­­rentes appli­­ca­­tions :
––à un niveau glo­­bal, dans une perspec­­tive « tous azi­­muts » : équi­­pe­­ments télécom,
ciment, construc­­tion aéro­­nau­­tique (moyens cour­­riers), ensei­­gne­­ment supé­­rieur de
ges­­tion, et aussi, banque de détail, engrais, vin, bière, fast fashion.
––à un niveau conti­­nen­­tal, régio­­nal ou natio­­nal, dans une perspec­­tive « foca­­li­­sée » :
auto­­mo­­bile en Europe, grande dis­­tri­­bu­­tion au Vietnam, cos­­mé­­tiques en Inde, luxe
au Japon, études de mar­­ché en Thaïlande.
Vous pour­­rez éga­­le­­ment appli­­quer cette métho­­do­­logie d’ana­­lyse externe, comme la
démarche complète de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, dans le cadre d’un mémoire de
recherche ou dans le cadre de l’orga­­ni­­sa­­tion qui vous emploie ou vous emploiera, en
réfé­­rence aux élé­­ments sui­­vants :
––sec­­teur auquel appar­­tient votre orga­­ni­­sa­­tion et son degré d’inter­­na­­tiona­­li­­sation actuel et
poten­­tiel – glo­­bal, conti­­nen­­tal ou cen­­tré sur des zones géo­­gra­­phiques par­­ti­­cu­­lières – ;
––sec­­teur dans lequel vous sou­­hai­­tez déve­­lop­­per des mar­­chés pour votre orga­­ni­­sa­­
tion, ou dans lequel vous sou­­hai­­tez trou­­ver des four­­nis­­seurs régu­­liers ;
––expé­­rience pas­­sée dans un sec­­teur déter­­miné, que vous sou­­hai­­tez valo­­ri­­ser, ou de
l’inté­­rêt pour un sec­­teur que vous avez décou­­vert/comp­­tez décou­­vrir, à l’occa­­sion
d’un stage ou d’un pro­­ces­­sus d’embauche ;
––ou encore indus­­trie ou acti­­vité, à l’inté­­rieur de laquelle vous recher­chez un poste
ou une mobi­­lité.
Vous choi­­si­­rez une indus­­trie, un sec­­teur ou une acti­­vité, pour lequel vous sui­­vrez,
pas à pas, les dif­­fé­­rentes étapes, et en vous réfé­­rant aux indi­­ca­­tions métho­­do­­lo­­
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giques se trou­­vant dans cha­­cune des trois sec­­tions de ce cha­­pitre.


Votre objec­­tif sera de déga­­ger suc­­ces­­si­­ve­­ment :
––les oppor­­tu­­ni­­tés qu’offre ce sec­­teur du point de vue où vous vous pla­­cez (acteur
du sec­­teur, client, four­­nis­­seur, pres­­tataire de ser­­vices, etc.), en vous basant sur son
poten­­tiel, sa dyna­­mique au niveau ou aux dif­­fé­­rents niveaux où vous avez choisi
de vous situer ;
––son contexte concur­­ren­­tiel, en repé­­rant les prin­­ci­­paux acteurs ou groupes d’ac­
teurs qui y opèrent, les rela­­tions de pou­­voir qu’ils entre­­tiennent avec l’amont et
l’aval de leur filière, et les menaces qui pèsent ou risquent de peser sur eux ;
––les prin­­ci­­pales stra­­té­­gies déve­­lop­­pées, en fonc­­tion des fac­­teurs clés de suc­­cès que
vous aurez repé­­rés et des anti­­ci­­pations qui vous auront per­­mis de bâtir un ou plu­
­sieurs scé­­na­­rios dans lequel pourra s’ins­­crire la stra­­té­­gie de l’orga­­ni­­sa­­tion considé­
rée (qu’elle fasse par­­tie du sec­­teur ou qu’elle soit en rela­­tion avec le sec­­teur) ou
votre stra­­té­­gie per­­son­­nelle.

361
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Quelques orien­­ta­­tions péda­­go­­giques
Au fil des dif­­fé­­rentes étapes du pro­­ces­­sus et de la foca­­li­­sa­­tion pro­­gres­­sive de la
démarche, la dif­­fi­­culté sera de col­­lec­­ter, de syn­­thé­­ti­­ser et de véri­­fier les don­­nées
per­­ti­­nentes per­­met­­tant de pro­­gres­­ser, sans lais­­ser de côté aucun aspect impor­­tant.
La col­­lecte des infor­­ma­­tions pourra se faire, de façon pré­­fé­­ren­­tielle, auprès des orga­
­ ismes publics et pro­­fes­­sion­­nels éta­­blis­­sant régu­­liè­­re­­ment des sta­­tistiques sur l’acti­
n
­vité et sur la ou les zones géo­­gra­­phiques qui vous inté­­ressent. Votre pre­­mière tâche
sera donc de recher­­cher les don­­nées écrites concer­­nant l’ensemble des points à
infor­­mer dans le cadre de la démarche en direct ou via Internet :
––auprès des biblio­­thèques uni­­ver­­si­­taires, pro­­fes­­sion­­nelles ou publiques ;
––des fédé­­ra­­tions et syn­­dicats pro­­fes­­sion­­nels, d’Ubifrance ;
––des ser­­vices d’infor­­ma­­tion éco­­no­­mique des ambas­­sades et repré­­sen­­ta­­tions diplo­­
ma­­tiques ;
––des centres de docu­­men­­ta­­tion des repré­­sen­­ta­­tions des orga­­ni­­sa­­tions inter­­na­­tionales
(OCDE, Union euro­­péenne, etc.) qui vous seront acces­­sibles (de la visite phy­­sique
à la visite de leur site).
La syn­­thèse des don­­nées ainsi col­­lec­­tées se fera en sui­­vant les dif­­fé­­rentes étapes
indi­­quées et en déga­­geant pro­­gres­­si­­ve­­ment les élé­­ments sui­­vants :
––les prin­­ci­­paux enjeux ;
––les carac­­té­­ris­­tiques essentielles du contexte concur­­ren­­tiel ;
––les fac­­teurs clés de suc­­cès et les stra­­té­­gies gagnantes.
Ne pas hési­­ter à extra­­po­­ler et à anti­­ci­­per sur la base des trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­
ron­­ne­­ment et des mou­­ve­­ments stra­­té­­giques des acteurs, tels qu’ils res­­sortent des
élé­­ments dis­­po­­nibles.
Les prin­­ci­­pales conclu­­sions, aux dif­­fé­­rentes étapes du pro­­ces­­sus, pour­­ront être
mises en évi­­dence, préa­­la­­ble­­ment à leur véri­­fi­­ca­­tion et à leur vali­­da­­tion, auprès
d’un ou plu­­sieurs experts du sec­­teur (spé­­cia­­listes inter­­na­­tionaux des orga­­nismes
pro­­fes­­sion­­nels, res­­pon­­sables d’entre­­prises impli­­quées, spé­­cia­­listes sec­­to­­riels
d’Ubifrance ou des ambas­­sades et orga­­nismes inter­­na­­tionaux, etc.), qui pour­­ront
réagir soit en répon­­dant à un ques­­tion­­naire por­­tant sur les prin­­ci­­pales ques­­tions que
vous vous posez encore après l’exploi­­ta­­tion des don­­nées écrites et chif­­frées, soit en
cri­­ti­­quant la syn­­thèse des don­­nées pré­­cé­­dem­­ment éla­­bo­­rée que vous leur aurez
envoyée en repre­­nant les dif­­fé­­rents points qui viennent d’être énu­­mé­­rés.
Les réac­­tions recueillies per­­met­­tront alors de cor­­ri­­ger et de complé­­ter cette syn­­
thèse, sans pré­­ju­­dice d’une seconde pré­­sen­­ta­­tion de la syn­­thèse ainsi revue aux
dif­­fé­­rents membres du panel d’experts contac­­tés et d’une seconde révi­­sion de ce
texte (cf. repère 6.2 « Méthode Delphi »).

362
Ana­­lyse de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence  ■  Chapitre 6

L’essen­­tiel
Pour éva­­luer le poten­­tiel et les condi­­tions de déve­­lop­­pe­­ment d’une indus­­trie,
d’un sec­­teur, d’un groupe d’acti­­vi­­tés, d’une acti­­vité – voire, d’un macro-­segment –,
ainsi que pour posi­­tion­­ner une orga­­ni­­sa­­tion par rap­­port à ses concur­­rents, dans
un cadre géo­­gra­­phique déter­­miné, être en mesure d’anti­­ci­­per les évo­­lu­­tions et de
prendre les bonnes déci­­sions stra­­té­­giques, il est néces­­saire de conduire une véri­
­table ana­­lyse dyna­­mique de l’espace géo-­sectoriel consi­­déré. Celle-ci se situera,
suc­­ces­­si­­ve­­ment, à trois niveaux, per­­met­­tant de gui­­der la col­­lecte des don­­nées,
d’en orga­­ni­­ser le trai­­te­­ment et d’en tirer des conclu­­sions suf­­fi­­sam­­ment pré­­cises
pour, ensuite, orien­­ter la prise de déci­­sion.
L’ana­­lyse des lignes de force au sein de l’espace géo-­sectoriel retenu a pour but
de mesu­­rer le niveau d’homo­­gé­­néité et d’attractivité du domaine étu­­dié, en fai­­
sant res­­sor­­tir, en par­­ti­­cu­­lier :
––les élé­­ments qui per­­mettent de le défi­­nir et de déter­­mi­­ner la dyna­­mique de
l’acti­­vité, dans l’espace géo­­gra­­phique retenu, en la re­situant dans sa filière, en
éva­­luant son niveau de matu­­rité, en ana­­ly­­sant l’évo­­lu­­tion de ses « gran­­deurs
carac­­té­­ris­­tiques » et des élé­­ments plus qua­­li­­ta­­tifs qui influ­­encent la struc­­ture et
les fluctuations de la demande et de l’offre ;
––l’impact de l’envi­­ron­­ne­­ment et de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale qui se tra­­duit par
les pres­­sions externes – politico-régle­­men­­taires, tech­­no­­lo­­giques et socio-éco­­
no­­miques –, sus­­cep­­tibles d’affec­­ter sa dyna­­mique, de manière posi­­tive ou
néga­­tive, mais aussi par la mesure de son degré d’ouver­­ture à l’inter­­na­­tional,
en rela­­tion avec le degré de globalisation de la ou des acti­­vi­­tés concer­­nées.
Le posi­­tion­­ne­­ment concur­­ren­­tiel vise à mesu­­rer l’inten­­sité de la confron­­ta­­tion
interne et externe au sec­­teur, à tra­­vers trois élé­­ments :
––l’iden­­ti­­fi­­cation des carac­­té­­ris­­tiques du groupe concur­­rent dans le contexte
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

inter­­na­­tional ou local (domes­­tique ou étran­­ger) consi­­déré ; c’est-­à-dire l’iden­


­ti­­fi­­cation du type de sys­­tème concur­­ren­­tiel dans lequel opèrent ses membres,
les mou­­ve­­ments de restruc­­tu­­ra­­tion obser­­vés, ainsi que la simi­­li­­tude ou la dis­­
pa­­rité entre les stra­­té­­gies d’acteurs ;
––l’ana­­lyse des forces de la concur­­rence dans l’espace géo-­sectoriel, retenu, sui­
­vant le modèle de Por­­ter, pour déga­­ger l’inten­­sité des pou­­voirs qui s’exercent,
en amont et en aval de la filière, des menaces des nou­­veaux entrants et des sub­
­sti­­tuts, comme celle de la concur­­rence entre acteurs majeurs et/ou entre
groupes d’acteurs, et les tendances qui s’en dégagent ;
––la carte concur­­ren­­tielle qui per­­met, pré­­ci­­sé­­ment, à par­­tir de cri­­tères per­­ti­­nents
et réel­­le­­ment dis­­cri­­mi­­nants par rap­­port à l’ana­­lyse menée, de posi­­tion­­ner ces
acteurs majeurs ou groupes d’acteurs les uns par rap­­port aux autres.

363
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Le déve­­lop­­pe­­ment des voies d’évo­­lu­­tion stra­­té­­giques, ouvertes à ces acteurs ou
groupes d’acteurs, requiert alors :
––la mise en évi­­dence des fac­­teurs clés de suc­­cès, per­­çus par les clients et les
pres­­crip­­teurs ou sus­­cep­­tibles d’accroître la compé­­titi­­vité des acteurs ; elle sert
de base à une réflexion sur la manière de valo­­ri­­ser ceux qui sont maî­­tri­­sés et
de combler les lacunes iden­­ti­­fiées ;
––la déter­­mi­­na­­tion, à par­­tir de variables per­­ti­­nentes, d’un scé­­na­­rio moyen d’évo­
­lu­­tion du domaine, si celles-ci ont une évo­­lu­­tion pré­­vi­­sible, ou de plu­­sieurs
scénarios – pes­­si­­mistes ou opti­­mistes – en fonc­­tion d’incer­­ti­­tudes plus
grandes ;
––l’iden­­ti­­fi­­cation des stra­­té­­gies gagnantes – de lea­­der ou de sui­­veur, de volume
ou de dif­­fé­­ren­­cia­­tion –, qui ser­­vi­­ront de réfé­­rence au moment de la for­­mu­­la­­tion
stra­­té­­gique, pour cha­­cun des acteurs, à la lumière de ses fina­­li­­tés et de ses res­
­sources propres.

364
Chapitre Diag­­nos­­tic

7
et formu­­la­­tion
de la stra­­té­­gie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation

S ur quoi devrait por­­ter le diag­­nos­­tic d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion ?


Quelles sont les moti­­vations qui poussent ses diri­­geants à pour­­suivre/
accentuer/reconsi­­dérer cette inter­­na­­tiona­­li­­sation ? Dans quelle mesure l’orga­­ni­­sa­
­tion maîtrise-­t-elle les fac­­teurs clés de suc­­cès iden­­ti­­fiés dans l’ana­­lyse externe dans
l’espace géo-sectoriel de réfé­­rence retenu ? Quelles sont ses forces et fai­­blesses, sur
le plan fonc­­tion­­nel ? Quelle est la soli­­dité de sa posi­­tion, compa­­rée à celle de ses
prin­­ci­­paux concur­­rents ? Quels atouts a-­t-elle à valo­­ri­­ser ? Quels han­­di­­caps a-­t-
elle à combler ? Comment les tra­­duire dans le cadre de la for­­mu­­la­­tion de la stra­­
té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’organisation ? À quels types d’objec­­tifs priori­­taires
doit-­elle s’atta­­cher  ? Quelles sont les prin­­ci­­pales acti­­vi­­tés concer­­nées  ? Quelles
zones géo­­gra­­phiques et loca­­li­­sa­­tions cibles seraient à pri­­vi­­lé­­gier ? À quel rythme ?
En fonc­­tion de quels cri­­tères  ? Quel(s) mode(s) d’approche sélec­­tion­­ner pour
chaque loca­­li­­sa­­tion  ? Les­­quels seraient acces­­sibles pour l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­
rée ? Quel niveau d’impli­­ca­­tion exigent-­ils res­­pec­­ti­­ve­­ment ? Convient-­il d’adop­­ter
des modes d’approche spé­­ci­­fiques pour chaque pays ou zone cible ou de les har­­
mo­­ni­­ser le plus pos­­sible ? Comment ces diverses options – loca­­li­­sa­­tion et modes de
pré­­sence – pourraient-­elles évo­­luer au fil du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ?
Une fois iden­­ti­­fiés, à l’issue de l’ana­­lyse externe appli­­quée à l’espace géo-­sectoriel
consi­­déré (cf. chapitre 6), les fac­­teurs clés de suc­­cès et les stra­­té­­gies gagnantes, il
convient de rap­­pro­­cher ces résul­­tats des carac­­té­­ris­­tiques propres à l’orga­­ni­­sa­­tion que
l’on sou­­haite auditer. Cette ana­­lyse interne est des­­ti­­née à mettre en évi­­dence les points
forts – qu’il convien­­dra de déve­­lop­­per – et les han­­di­­caps – qu’il fau­­dra combler –.
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

En rela­­tion avec la pre­­mière étape de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (cf. chapitre 5)


qui a mis en avant les pro­­blé­­ma­­tiques priori­­taires de l’orga­­ni­­sa­­tion et déter­­miné
l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion à pri­­vi­­lé­­gier, l’ana­­lyse interne per­­met de mesu­
­rer son degré de maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès, iden­­ti­­fier et déterminer les
stra­­té­­gies gagnantes qui sont à sa por­­tée.
• En se réfé­­rant à la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qui porte l’orga­­ni­­sa­­tion
consi­­dé­­rée : le niveau d’enga­­ge­­ment qu’elle a déjà atteint hors fron­­tières comme
dans cet espace, la cou­­ver­­ture géo­­gra­­phique à laquelle elle est par­­ve­­nue, les
incitations et moti­­vations qui la poussent à pour­­suivre et à appro­­fon­­dir son expan­
­sion (ou à envi­­sa­­ger un repli), le potentiel que ses acti­­vi­­tés pré­­sentent.
• En fai­­sant res­­sor­­tir les forces et les fai­­blesses qu’il fau­­dra y prendre en compte, au
niveau de ses carac­­té­­ris­­tiques géné­­rales (modèle d’affaire, gou­­ver­­nance, taille et
résul­­tats..), comme au niveau de ses dif­­fé­­rentes fonc­­tions (production, mar­­ke­­ting,
finance, RH…).
• En appré­­ciant, dans le pro­­lon­­ge­­ment de ces pre­­mières étapes du diagnostic, sur un
mode compa­­ra­­tif, avec ses concur­­rents de réfé­­rence, les han­­di­­caps à combler et
les atouts dont elle pourra dis­­po­­ser pour construire des objec­­tifs de déve­­lop­­pe­­
ment réa­­listes.
Ce diag­­nos­­tic mène logi­­que­­ment à la for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­
sation (SDI) dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion arrêté au début du pro­­ces­­sus
d’audit, qui compor­­tera, elle-­même, trois aspects essen­­tiels, qui s’arti­­cu­­le­­ront sur le
diag­­nos­­tic :
–– la défi­­ni­­tion des grandes orien­­ta­­tions de l’orga­­ni­­sa­­tion à l’inter­­na­­tional, c’est-­à-dire
ses priori­­tés, en termes de pro­­duits et d’acti­­vi­­tés, les objec­­tifs quan­­ti­­tatifs et qua­­li­­ta­­tifs
à atteindre, ainsi que leur hori­­zon tem­­po­­rel, le rythme et les moyens à rete­­nir ;
––la sélec­­tion des acti­­vi­­tés et loca­­li­­sa­­tions cibles, que l’orga­­ni­­sa­­tion devrait pri­­vi­­lé­
­gier pour la commer­­cia­­li­­sa­­tion et/ou la fabri­­ca­­tion de ses pro­­duits et ser­­vices, en
soutien des­­quelles elle devra déployer ses fonc­­tions ;
––la déter­­mi­­na­­tion des modes d’approche/des modes d’entrée les mieux adap­­tés, à
la fois, à cha­­cune des loca­­li­­sa­­tions ciblée dans le cadre de l’espace de réfé­­rence
géo-­sectoriel retenu, tenant compte des contraintes de coor­­di­­na­­tion et d’har­­mo­­ni­­
sa­­tion de l’orga­­ni­­sa­­tion arrê­­tées par les diri­­geants.
Le cas intro­­duc­­tif retenu pour ce cha­­pitre porte sur une orga­­ni­­sa­­tion créée par des
Euro­­péens qui a très rapi­­de­­ment déve­­loppé un modèle d’affaire ori­­gi­­nal et évo­­lu­­tif
dans un espace géo­­gra­­phique désor­­mais fami­­lier1 – celui du Sud-­Est asia­­tique –,
lui-­même mar­­qué par une crois­­sance spec­­ta­­cu­­laire, bien qu’instable.
Y est sou­­levé un ensemble de pro­­blé­­ma­­tiques carac­­té­­ris­­tiques d’un envi­­ron­­ne­­ment
en rapide muta­­tion et d’une orga­­ni­­sa­­tion sou­­mise à des trans­­for­­ma­­tions accé­­lé­­rées.

1.  Cf. cas d’appli­­ca­­tion du chapitre1 : Vietnam : les défis de l’Orga­­ni­­sa­­tion Mon­­diale du Commerce.

366
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Elle s’y trouve confrontée à une série de défis por­­tant, aussi bien, sur la compo­­si­­tion
de son por­­te­­feuille d’acti­­vi­­tés, leur déploie­­ment au sein de son espace de réfé­­rence,
les modes de pré­­sence à y pri­­vi­­lé­­gier et à y faire évo­­luer. Et, ceci, sans pré­­ju­­dice des
effets que ces défis pour­­raient avoir sur sa gou­­ver­­nance et sur sa struc­­tu­­ra­­tion, la
nature et le niveau des res­­sources qu’elle pour­­rait mobi­­li­­ser et la vision à long terme
qui serait sus­­cep­­tible de gui­­der son déve­­lop­­pe­­ment futur.

Le plan du chapitre
Section 1 ■   Le diag­­nos­­tic inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion
Section 2 ■   La for­­mu­­la­­tion de la stratégie d’internationalisation

 Cas intro­­duc­­tif
Com­in Asia à la croi­­sée des che­­mins1
Par cette fin de mati­­née de prin­­temps 2012, lourde et humide, dans le quar­­tier hérissé
de grues des fau­­bourgs d’Hanoï, où se situent les nou­­veaux locaux spa­­cieux et fonc­
­tion­­nels de Com­in Asia dans les­­quels son siège viet­­na­­mien vient de démé­­na­­ger – pour
la troi­­sième fois, au moins, et tou­­jours pour plus grand !– les commen­­taires sont miti­
­gés sur les perspec­­tives du mar­­ché de l’immo­­bi­­lier, qui repré­­sente, à ce moment, une
grande part de l’acti­­vité locale de l’entre­­prise. De l’étage élevé d’où on l’observe, le
spec­­tacle des chan­­tiers illustre bien la per­­plexité de Frantz, le mana­­ger de la filiale :
si cer­­tains sont en pleine agi­­ta­­tion, les grues semblent figées au des­­sus des autres. La
bulle immo­­bi­­lière n’en finit plus d’écla­­ter, tan­­dis que des pro­­jets cyclo­­péens sortent
tou­­jours de terre, après la tour Vatanak, au Cambodge, le plus gros de la firme, l’hôtel
le Meridien, au Vietnam, mobi­­lise ses forces vives, dans ce pays où elle réa­­lise désor­
­mais une grande part de son acti­­vité, après avoir connu dans toute la pénin­­sule indo­
­chi­­noise une expan­­sion impres­­sion­­nante au cours des dix der­­nières années.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Créée par le repré­­sen­­tant d’une famille enra­­ci­­née au Cambodge depuis trois géné­­
ra­­tions, Comin Asia, plus connue, au départ, sous sa rai­­son sociale cam­­bod­­gienne,
Com­in Khmere, héri­­tée d’un groupe danois qui y fai­­sait du négoce jus­­qu’à l’entrée
des Khmers Rouges dans Phnom Penh, l’entre­­prise avait repris son acti­­vité, en 1992,
repar­­tant de zéro, à la mise en place du man­­dat des Nations Unies au Cambodge.
Presque simul­­ta­­né­­ment, elle avait obtenu un pre­­mier contrat avec Élec­­tri­­cité du
Vietnam, et y créait, en 1993, Com­in Vietnam.

1.  Ce cas a été déve­­loppé depuis 2004, en rela­­tion avec Dominique et Pierre-­Yves Catry, ainsi que Frantz Vaganay
et leurs équipes, aux­­quels l’auteur tient à expri­­mer toute sa gra­­ti­­tude pour l’accueil, l’écoute et les échanges dont il
a pu béné­­fi­­cier de leur part. Il a aussi tiré parti des retours des nom­­breux groupes d’étu­­diants et de par­­ti­­cipants aux
pro­­grammes de l’ESCP Europe et du CFVG, à Hanoï et à Ho Chi Minh Ville, ainsi que de l’Uni­­ver­­sité Royale de
Droit et d’Éco­­no­­mie de Phnom Penh. Sous une forme déve­­lop­­pée, avec une notice péda­­go­­gique complète, la publi­
­ca­­tion de ce cas sous le titre «  Com­in Asia  », en Fran­­çais et en Anglais est pré­­vue pour 2013, avec un film
d’accom­­pa­­gne­­ment réa­­lisé avec Bertrand Louis, « Pierre-­Yves ou les pro­­messes du nou­­veau Cambodge ».

367
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Mais pen­­dant plu­­sieurs années, c’est au Cambodge que l’essen­­tiel de l’acti­­vité s’est
déve­­loppée ; pour vendre des équipements électriques à EDC (Électricité du Cambodge)
mais aussi pour four­­nir en géné­­ra­­teurs, en cli­­ma­­ti­­seurs et en petit maté­­riel élec­­trique
les struc­­tures hôte­­lières et autres bâtiments à reconstruire les res­­tau­­rants qui commen­
­çaient à s’ouvrir dans la capi­­tale encore fan­­tôme reve­­nant dou­­ce­­ment à la vie après le
départ des troupes viet­­na­­miennes : des rues défon­­cées, des mai­­sons en ruine, des jar­­
dins à l’aban­­don comme s’en sou­­viennent encore Dominique et son fils Pierre-­Yves,
venu très vite le rejoindre. Les fils pen­­daient encore de poteaux élec­­triques à demi
arra­­chés et autour des cana­­li­­sa­­tions écla­­tées se lisait encore la trace pro­­fonde de rigoles
assé­­chées de longue date.
Petit à petit, la jeune orga­­ni­­sa­­tion, tout d’abord, essen­­tiel­­le­­ment impor­­ta­­trice, dans
le cadre de ses acti­­vi­­tés de trading, en rela­­tion avec ses four­­nis­­seurs, comme les
Français Merlin-­Gerin, l’Amé­­ri­­cain Car­­rier, et de nom­­breux autres, s’est diver­­si­­fiée
vers l’ins­­tal­­la­­tion de ces équi­­pe­­ments impor­­tés. Elle a commencé alors à sou­­mis­­
sion­­ner à des appels d’offres por­­tant sur des pro­­jets de plus en plus impor­­tants,
sus­­cep­­tibles d’atteindre plu­­sieurs mil­­lions de dol­­lars cha­­cun. C’est ce qui explique
la crois­­sance accé­­lé­­rée du chiffre d’affaires de l’entre­­prise, depuis le début des
années 2002/2004. Ainsi, cette acti­­vité de contracting n’a cessé de pro­­gres­­ser au fil
des années, avec une impli­­ca­­tion tou­­jours forte dans le sec­­teur de l’éner­­gie, se tra­
­dui­­sant, notam­­ment, par la construc­­tion de cen­­trales élec­­triques de moyenne puis­­
sance, comme celle de Kampot, aux portes de Phnom Penh, en coopé­­ra­­tion avec le
fin­­lan­­dais Wartsila, pour le compte d’inves­­tis­­seurs pri­­vés.
Depuis, Com­in Khmere, a étendu son réseau de points d’appui à l’ensemble du
Cambodge, où elle est implan­­tée dans les villes impor­­tantes, comme Siem Reap, aux
portes des temples d’Angkor, en pro­­fi­­tant du boom tou­­ris­­tique, mais, aussi, en
s’impli­­quant de façon per­­ma­­nente dans ce pays. L’orga­­ni­­sa­­tion a fait de même au
Vietnam ainsi qu’en Thaïlande, avec une présen­ce plus occa­­sion­­nelle au Laos, au
Myanmar, tout en pou­­vant plus récem­­ment s’étendre jus­­qu’aux Maldives, en por­­tant
dans toute cette zone une grande variété de pro­­jets : cen­­trales élec­­triques, infra­­struc­
­tures aéro­por­­tuaires, usines clés en mains, hôpi­­taux, ensembles admi­­nis­­tra­­tifs, etc.
Pro­­gres­­si­­ve­­ment Com­in Khmere, avec Com­in Vietnam et Com­in Thai, créée en 2006,
ras­­sem­­blées sous la hou­­lette de Com­in Asia, cha­­peau­­tant l’ensemble, était deve­­nue
pour les inves­­tis­­seurs et les équipementiers étran­­gers, tout comme pour les entre­­pre­­
neurs pri­­vés et don­­neurs d’ordre publics locaux, la che­­ville ouvrière de nom­­breuses
opé­­ra­­tions : un véri­­table « facilitateur » tech­­nique, bon connais­­seur du ter­­rain, pou­­vant
jouer, avec une très grande fia­­bi­­lité, le rôle de maître d’œuvre asso­­cié ou de sous-­
traitant des plus effi­­caces. La reprise à un contrac­­tant local défaillant du chan­­tier de la
nou­­velle ambas­­sade des États-­Unis à Phnom Penh, dont elle n’avait pas ini­­tia­­le­­ment
obtenu le mar­­ché, car trop chère, a ainsi mar­­qué un jalon – parmi d’autres – dans l’éta­
­blis­­se­­ment dans toute la région d’une répu­­ta­­tion qui ne s’est pas démen­­tie depuis.
C’est de son centre tech­­nique et commer­­cial névral­­gique de la péri­­phérie de Phnom
Penh, comme, désor­­mais, à par­­tir de ses bases viet­­na­­miennes et thaïes, que ce
groupe d’ingé­­nie­­rie a été en mesure d’offrir à ses clients des solu­­tions sur mesure,
dans des domaines aussi variés que l’éner­­gie, l’hôtel­­le­­rie, l’ins­­tal­­la­­tion indus­­trielle,
les infra­­struc­­tures, etc. Elle maî­­trise désor­­mais des tech­­no­­logies très variées – élec­­
tri­­cité, eau, télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions, ascen­­seurs, cli­­ma­­ti­­sation, sys­­tèmes de sécu­­rité.

368
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7


etc. –, qui s’étendent à la pré­­ser­­va­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment et aux éner­­gies renou­­ve­
­lables. Au-­delà de l’impor­­ta­­tion et de l’ins­­tal­­la­­tion, la main­­te­­nance est deve­­nue, en
asso­­cia­­tion avec un par­­te­­naire d’ori­­gine bri­­tan­­nique spé­­cia­­lisé, PCS, un domaine
d’acti­­vité pro­­lon­­geant logi­­que­­ment les autres, même si le concept d’entre­­tien met
du temps à faire son che­­min auprès de la clien­­tèle locale.
Après les dix pre­­mières années de son exis­­tence, au cours des­­quelles le chiffre
d’affaires ne dépas­­sait guère le million de dol­­lars, l’acti­­vité a rapi­­de­­ment décollé,
bon­­dis­­sant de 5 mil­­lions de dol­­lars, puis à 20, en 2004-2006, pour plus que tri­­pler
au cours des années sui­­vantes, essai­­mer vers la Thaïlande, en y « sui­­vant » un client,
pro­­mo­­teur dans le sec­­teur du tou­­risme, qui vou­­lait y déve­­lop­­per des re­sorts, et, sur­
­tout, pour connaître au Vietnam une explo­­sion de ses mar­­chés.
Une crois­­sance aussi rapide, s’appuyant sur un enca­­dre­­ment consti­­tué d’expa­­triés
euro­­péens mais éga­­le­­ment asia­­tiques – par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment des Phi­­lip­­pins, qui jouissent
là-­bas d’une grande répu­­ta­­tion de sérieux, de fia­­bi­­lité et de sou­­plesse vis-à-­vis de la
main-­d’œuvre locale –, n’a pas man­­qué de sou­­le­­ver des dif­­fi­­cultés : de recru­­te­­ment,
de fidélisation des équipes, de finan­­ce­­ment face à des clients – étran­­gers et, sur­­tout,
locaux –, exi­­geants mais peu enclins à s’acquit­­ter ponc­­tuel­­le­­ment de leurs règle­­
ments aux échéances contrac­­tuelles.
Avec un sys­­tème ban­­caire encore embryon­­naire, dif­­fi­­cile pour Com­in Asia d’obte­­nir
les cré­­dits néces­­saires et même les ser­­vices finan­­ciers de base – paie­­ments, garan­­
ties, faci­­li­­tés de caisse, cou­­ver­­tures de risques, etc. Ces concours deve­­naient de plus
en plus pres­­sants, du fait de la mul­­ti­­pli­­cation des opé­­ra­­tions d’étude tech­­nique, de
négoce, ou d’ins­­tal­­la­­tion, sus­­ci­­tés par la mon­­tée en puis­­sance de ses besoins
d’exploi­­ta­­tion comme des inves­­tis­­se­­ments néces­­si­­tés par cette rapide expan­­sion  !
Heu­­reu­­se­­ment que cer­­tains four­­nis­­seurs – euro­­péens, notam­­ment – accep­­taient de
n’être payés que lorsque Com­in Asia était, elle-­même, réglée.
Face à elle, une concur­­rence, bien réelle, consti­­tuée d’acteurs locaux, cam­­bod­­giens,
viet­­na­­miens ou thaïs et, désor­­mais, d’acteurs chi­­nois, peu chers et de plus en plus effi­­
caces. Une autre concur­­rence, aussi, plus vir­­tuelle, pro­­ve­­nait d’équipementiers et
d’acteurs occi­­den­­taux, plus « auto­­nomes », en mesure de prendre en charge l’ensemble
de la réa­­li­­sa­­tion des pro­­jets. Dans ce « groupe concur­­rent », se remar­­quait déjà, au début
des années 2000, une entre­­prise simi­­laire, RM Asia, créée, elle aussi, au Cambodge, il y
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a un peu plus de vingt ans, au pro­­fil et au par­­cours long­­temps paral­­lèle au sien, pou­­vant
se récla­­mer d’une qua­­lité de ser­­vice compa­­rable, et qui allait, finalement, la retrou­­ver.
Com­in Asia a, en effet, en 2011, inté­­gré le groupe RM Asia qui a connu, quant à lui, une
consi­­dé­­rable expansion, à l’image de ces éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, fami­­lières de
la déme­­sure, puisque son chiffre d’affaires avoi­­sine le milliard de dol­­lars.
RM Asia, a, en effet, béné­­fi­­cié à plein du for­­mi­­dable essor de la région, s’étant
consi­­dé­­ra­­ble­­ment déve­­lop­­pée au cours des cinq der­­nières années, en par­­ti­­cu­­lier,
dans le sec­­teur auto­­mo­­bile, dans le maté­­riel et les équi­­pe­­ments de chan­­tier, comme
agent, d’abord, puis en asso­­cia­­tion avec Ford, Land Rover et d’autres construc­­teurs
pour adap­­ter leurs véhi­­cules aux condi­­tions dif­­fi­­ciles d’exploi­­ta­­tion locale, pour le
compte d’une nom­­breuse clien­­tèle pri­­vée et publique. Pré­­sente aussi dans l’engi­­
nee­­ring, elle est sur­­tout, deve­­nue lea­­der dans le sec­­teur du facility mana­­ge­­ment,
autre­­ment dit de la ges­­tion délé­­guée des fonc­­tions sup­­port des orga­­ni­­sa­­tions et des
struc­­tures pro­­jet (notam­­ment les bases vies). Ins­­tal­­lée très tôt en Afghanistan, elle y

369
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


a connu une crois­­sance remar­­quable Ce déve­­lop­­pe­­ment « tous azi­­muts » a pro­­curé
à RM Asia une puis­­sance finan­­cière qui offre à Com­in Asia, désor­­mais dans son
giron, un sou­­tien pré­­cieux, tant sur le plan finan­­cier que sur le plan orga­­ni­­sa­­tion­­nel,
en lui don­­nant accès à l’exper­­tise des diri­­geants inter­­na­­tionaux de haut niveau
qu’elle a pu s’adjoindre et qui, désor­­mais, lui assurent leur concours dans cer­­taines
fonc­­tions clé comme la finance, l’orga­­ni­­sa­­tion et le contrôle de ges­­tion.
À l’heure actuelle, avec un millier de col­­la­­bo­­ra­­teurs envi­­ron, Com­in Asia et ses
filiales s’intègrent au groupe RM Asia, notam­­ment, au Vietnam, où les deux orga­­ni­
­sa­­tions font jouer leurs syner­­gies dans leurs dif­­fé­­rents domaines d’acti­­vi­­tés. Celles-­ci
se mani­­festent, en par­­ti­­cu­­lier, à l’occa­­sion de la sou­­mis­­sion aux appels d’offres
impor­­tants, pour les­­quels la pre­­mière se heur­­tait à un pro­­blème chro­­nique d’« éli­­
gi­­bilité » ; dans la mesure où elle ne pré­­sentait pas une taille et une sur­­face finan­­
cière suf­­fi­­santes pour être sélec­­tion­­née et, a for­­tiori, être rete­­nue comme contrac­­tante
prin­­ci­­pale. De son côté, Com­in Asia, apporte, entre autres compé­­tences et expé­­
riences, à RM Asia, sa connais­­sance appro­­fon­­die de l’envi­­ron­­ne­­ment viet­­na­­mien et
ajoute à son por­­te­­feuille d’acti­­vi­­tés locales, la repré­­sen­­ta­­tion des firmes auto­­mo­­biles
et d’équipements auxquelles RM Asia sou­­haite béné­­fi­­cier de son expé­­rience.
Au-­delà du ren­­for­­ce­­ment de sa posi­­tion dans la pénin­­sule indo­­chi­­noise, au
Cambodge, au Vietnam, en Thaïlande ainsi qu’au Laos et au Myanmar, l’ex-­Birmanie,
qui semble enfin s’ouvrir, les perspec­­tives de déve­­lop­­pe­­ment géo­­gra­­phique peuvent
aussi s’élar­­gir à d’autres espaces voi­­sins, y compris la Chine, vis-­à-vis de laquelle le
Vietnam peut jouer dans cer­­taines acti­­vi­­tés le rôle de base arrière pour des orga­­ni­­sa­
­tions chi­­noises qui sou­­hai­­te­­raient y délocaliser cer­­taines acti­­vi­­tés.
Après avoir connu une période de « décol­­lage », à par­­tir de 2006, Com­in Asia vient
donc de connaître sa période d’« atter­­ris­­sage » en opé­­rant cette impor­­tante muta­­
tion qui lui ouvrira sans aucun doute de nou­­velles perspec­­tives dans un cadre
élargi.
Comment décrire le che­­mi­­ne­­ment de Com­in Asia, au fil des vingt-­cinq der­­nières
années ? Comment dis­­tin­­guer les périodes suc­­ces­­sives de son déve­­lop­­pe­­ment ? Quels
ont été les moments clés de son évo­­lu­­tion ? Comment s’est trans­­formé son modèle
d’affaire au fil de ces périodes ? Sur quels avan­­tages compé­­titifs – par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment,
par rap­­port à ses concur­­rents – s’est bâtie sa crois­­sance et son suc­­cès ? À quelles pro­
­blé­­ma­­tiques se trouvait-­elle confron­­tée, en 2006 ? en 2010 ? Dans quel espace de
réfé­­rence ? Qu’est ce qui a poussé ses diri­­geants, dès l’ori­­gine, à s’éta­­blir simul­­ta­­né­­
ment dans ces deux pays ? Puis à se déve­­lop­­per de façon ponc­­tuelle et/ou per­­ma­­
nente dans les autres pays de la « zone du Grand Mékong » ? À quelle étape de son
déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional – inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale, déve­­lop­­pe­­ment local ou
multi­natio­­na­­li­­sation - se trou­­vait l’orga­­ni­­sa­­tion, en 2005 ? en 2008 ? en 2011 ? Qu’est
ce qui a pu, au fil de ces périodes, d’une part, faci­­li­­ter, d’autre part, frei­­ner, la pour­­suite
de son inter­­na­­tiona­­li­­sation  ? Quelles forces et quelles fai­­blesses fonc­­tion­­nelles pou­­
vaient res­­sor­­tir de la situa­­tion de l’orga­­ni­­sa­­tion entre 2006 et 2011 ? Quelles nou­­velles
perspec­­tives s’ouvrent désor­­mais à elle depuis son inté­­gra­­tion au groupe RM Asia ?
Comment les deux orga­­ni­­sa­­tions peuvent-­elles tirer le meilleur parti de leurs atouts res­
­pec­­tifs ? Dans quel espace de réfé­­rence ? Pour quelles acti­­vi­­tés ?

370
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Le cas de Com­in Asia sou­­lève en rac­­courci, au fil des périodes suc­­ces­­sives de


l’évo­­lu­­tion de cette orga­­ni­­sa­­tion, une large part des ques­­tions asso­­ciées au déve­­lop­
­pe­­ment d’une struc­­ture, très petite, à l’ori­­gine, deve­­nue, dans son espace de réfé­­
rence géo-­sectoriel, un acteur majeur dans une spé­­cia­­lité qu’elle a for­­te­­ment
contri­­bué à défi­­nir dans un envi­­ron­­ne­­ment en rapide et pro­­fonde trans­­for­­ma­­tion.
Le suivi de son modèle d’affaire, comme de son mana­­ge­­ment per­­met de lui appli­­quer
– à elle comme aux autres orga­­ni­­sa­­tions choi­­sies comme exemple dans ce cha­­pitre –
les dif­­fé­­rents outils du diag­­nos­­tic d’inter­­na­­tiona­­li­­sation comme de la for­­mu­­la­­tion de
la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, pour abou­­tir à la fixa­­tion des objec­­tifs envi­­sa­­
geables, sus­­cep­­tibles d’être pour­­sui­­vis au cours des périodes futures.
Ces ana­­lyses et leurs conclu­­sions intro­­duisent et annoncent aussi la der­­nière étape
de l’audit (cf. chapitre 8), celle de la mise en œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­
sation. Elles mon­­tre­­ront l’impor­­tance de l’orga­­ni­­sa­­tion – d’ensemble et par fonc­­
tions – des­­ti­­née à sou­­te­­nir cette expan­­sion, et son évo­­lu­­tion au fil des phases
suc­­ces­­sives du déve­­lop­­pe­­ment de l’orga­­ni­­sa­­tion. Elles sou­­li­­gne­­ront, aussi, celle de
la culture natio­­nale et orga­­ni­­sa­­tion­­nelle, celles des valeurs et du lea­­der­­ship. Elles
per­­met­­tront, enfin, à l’abou­­tis­­se­­ment de ce pro­­ces­­sus d’audit, de s’inter­­ro­­ger sur la
défi­­ni­­tion et la struc­­tu­­ra­­tion du « plan d’affaire » inter­­na­­tional.

Section
1 Le diag­­nos­­tic inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion
Le diag­­nos­­tic inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion est donc des­­tiné à éva­­luer les res­­
sources et les lacunes de l’entre­­prise dans une perspec­­tive d’expan­­sion dans l’espace
de réfé­­rence retenu au départ de l’audit.
Comme l’ana­­lyse du cas intro­­duc­­tif l’a fait res­­sor­­tir, Com­in Asia déve­­loppe une
dyna­­mique d’ouver­­ture et de sai­­sie d’oppor­­tu­­ni­­tés qui la situent sans ambigüité
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parmi les orga­­ni­­sa­­tions proactives qui n’hésitent pas, non sans pré­­cau­­tions, à dépas­
­ser les limites de son espace de réfé­­rence ini­­tial, le Cambodge et le Vietnam. Et,
au-­delà de cette dyna­­mique, c’est tout ce que tra­­duit cette dyna­­mique – l’iden­­ti­­fi­­
cation des inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, des forces et fai­­blesses, des avan­­tages
et des han­­di­­caps – qui contri­­bue­­ront, sur la base des ensei­­gne­­ments de l’ana­­lyse
externe, à ins­­crire la for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation dans le champ
des pos­­sibles.
C’est donc sur la base de l’exemple de cette orga­­ni­­sa­­tion, asso­­cié à d’autres illus­
t­ra­­tions, que l’on va s’atta­­cher à struc­­tu­­rer, en préa­­lable à la for­­mu­­la­­tion de la
stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, le diag­­nos­­tic inter­­na­­tional et ses deux compo­­
santes : tout d’abord, la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et, ensuite, les forces et
fai­­blesses fonc­­tion­­nelles à prendre en compte, comme les atouts à valo­­ri­­ser et han­
­di­­caps à combler, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment par rap­­port à la concur­­rence.

371
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

1  La dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion

La mise en évi­­dence de la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation sup­­pose :


––en pre­­mier lieu, d’appro­­fon­­dir les carac­­té­­ris­­tiques du modèle d’affaire inter­­na­­
tional et de son évo­­lu­­tion, pré­­sen­­tées lors de la pre­­mière étape de l’audit d’inter­­
na­­tiona­­li­­sation ;
––puis de faire res­­sor­­tir les inci­­ta­­tions qui poussent l’orga­­ni­­sa­­tion, en fonc­­tion de la
phase d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qu’elle a atteinte, à pour­­suivre sa pro­­gres­­sion ;
––pour envi­­sa­­ger, enfin, son poten­­tiel de déve­­lop­­pe­­ment futur dans l’espace de réfé­
­rence ou d’expan­­sion retenu au départ de l’audit.

1.1 Les bases de la dyna­­mique inter­­na­­tionale : l’évo­­lu­­tion du modèle


d’affaire
Deux dimen­­sions sont par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment impor­­tantes à rete­­nir à ce stade, comme il
res­­sort de la pre­­mière étape de l’audit, celle de l’évo­­lu­­tion du péri­­mètre d’acti­­vi­­tés
et celle du péri­­mètre géo­­gra­­phique.
Pour ce qui concerne l’évo­­lu­­tion du péri­­mètre d’acti­­vi­­tés, on s’atta­­chera au por­­te­
f­ euille des domaines d’acti­­vité stra­­té­­giques (DAS), dans les­­quels l’orga­­ni­­sa­­tion a
choisi de se spé­­cia­­li­­ser et dont elle fait évo­­luer l’éven­­tail, en met­­tant à pro­­fit les
syner­­gies qui peuvent exis­­ter entre cer­­tains d’entre eux et sans pré­­ju­­dice de la sup­­
pres­­sion d’autres (dont l’évo­­lu­­tion des clien­­tèles, tech­­no­­logies et/ou appli­­ca­­tions ne
jus­­ti­­fie­­rait plus l’exis­­tence).

c Repère 7.1
La démarche de seg­­men­­ta­­tion stra­­té­­gique1
La seg­­men­­ta­­tion stra­­té­­gique dans une indus­­trie ou une entre­­prise peut être évi­­dente,
dans les cas où il existe des familles de pro­­duits ou des couples produits-­marchés clai­
­re­­ment iden­­ti­­fiés. Dans de nom­­breux cas – par exemple ceux du ser­­vice infor­­ma­­tique
ou des télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tions – cette seg­­men­­ta­­tion peut être dif­­fi­­cile à opé­­rer. Aussi
s’aide-­t-on fré­­quem­­ment d’un sys­­tème de repré­­sen­­ta­­tion à trois axes2 qui per­­met
« d’écla­­ter » les acti­­vi­­tés d’une entre­­prise ou d’une indus­­trie selon trois dimen­­sions qui
sont géné­­ra­­le­­ment :

1.  Adapté de : G. Petit, docu­­ment péda­­go­­gique INT. Voir aussi E. Milliot, “La seg­­men­­ta­­tion stra­­té­­gique re­visi­­
tée », Actes du Col­­loque Atlas-­AFMI, Paris, 26-27 Mais 2011.
2.  Dit « schéma de Abell », du nom de son pro­­mo­­teur, Derek Abell (voir biblio­­gra­­phie).

372
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7


––les tech­­no­­logies de base (tech­­no­­logies de pro­­cédé ou de pro­­duit) mises en œuvre ;
––les appli­­ca­­tions déve­­lop­­pées -ou fonc­­tions d’usage du client-, satis­­faites à par­­tir des
tech­­no­­logies et pro­­duits ou ser­­vices mis en œuvre par l’entre­­prise ou l’indus­­trie ;
––les groupes de clients ser­­vis ou sus­­cep­­tibles de l’être.
Chaque « cel­­lule élé­­men­­taire » résul­­tant du croi­­se­­ment des trois axes rete­­nus se carac­
t­é­­rise par un « mix homo­­gène et spé­­ci­­fique de fac­­teurs clés de suc­­cès », tant tech­­no­­
lo­­giques que mar­­ke­­ting et managériaux. On peut, ensuite, regrou­­per au sein de
domaines d’acti­­vité stra­­té­­giques les seg­­ments élé­­men­­taires qui par­­tagent un grand
nombre de fac­­teurs clés de suc­­cès communs.

Dans le contexte par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment mou­­vant des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide,


sur­­tout en Asie, en pleine phase de rat­­tra­­page au niveau des infra­­struc­­tures, d’assi­­
mi­­la­­tion rapide des tech­­no­­logies et d’aug­­men­­ta­­tion accé­­lé­­rée – quoique fluc­­tuante –
des reve­­nus natio­­naux, les dif­­fé­­rents axes des DAS ouvrent simul­­ta­­né­­ment de
nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés, comme il res­­sort de l’exemple de Com­in Asia, ci-­dessous.

Exemple 7.1 – Com­in Asia (1), l’évo­­lu­­tion des DAS


L’évo­­lu­­tion au fil du temps des acti­­vi­­tés de Com­in Asia reflète bien la pro­­gres­­sion sur les
trois axes qu’a des­­siné l’entre­­prise :
Technologies

environnement

second œuvre

équipement
électrique
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Applications
clients investisseurs
Appels d’offres
importation locaux étrangers

installation Clientèles

maintenance

J.-P. Lemaire

Figure 7.1 – L’évo­­lu­­tion du modèle d’affaire

–– Sur l’axe des clien­­tèles, tout d’abord, les clien­­tèles de départ, « petits clients locaux » –
commerces et petites entre­­prises- se sont rapi­­de­­ment élar­­gies aux don­­neurs d’ordres publics
(cf. Électricité du Cambodge, Électricité du Vietnam) et, aujourd’ui les grands groupes

373
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

publics, comme PetroVietnam, les clients pri­­vés locaux (entre­­prises et riches par­­ti­­cu­­liers),
les inves­­tis­­seurs directs étran­­gers (usines ou ate­­liers clés en mains, équi­­pe­­ments hôte­­
liers…) ; les grands pro­­jets consti­­tuant désormais une part impor­­tante du chiffre d’affaires.
–– Sur l’axe des tech­­no­­logies, la géné­­ra­­tion et la dis­­tri­­bu­­tion d’élec­­tri­­cité demeurent des
acti­­vi­­tés « cœur » pour l’orga­­ni­­sa­­tion (qui pos­­sède, d’ailleurs, une divi­­sion « power »).
De leur côté les acti­­vi­­tés de second œuvre se sont beau­­coup élar­­gies :de l’épu­­ra­­tion et
de la dis­­tri­­bu­­tion d’eau et de la cli­­ma­­ti­­sation, aux ascen­­seurs, réseaux de télécommu-
nication et sys­­tèmes de sécu­­rité. Enfin, de toutes nou­­velles sont appa­­rues, comme les
éner­­gies renou­­ve­­lables et les équi­­pe­­ments antipollution.
–– Sur l’axe des appli­­ca­­tions, enfin, l’impor­­ta­­tion (aujourd’hui divi­­sion « trading »), acti­
­vité de base de Com­in Asia, tout en conti­­nuant à être une acti­­vité clé, laisse le meilleur
à l’ins­­tallation, qui est repré­­sen­­tée par la divi­­sion «  contracting  » et par la divi­­sion
« power », déjà men­­tion­­née. La main­­te­­nance commençe à prendre de l’ampleur depuis,
sur­­tout, la consti­­tution d’un par­­te­­na­­riat avec le spé­­cia­­liste PCS.

Au sein de ces dif­­fé­­rents axes et entre eux, les syner­­gies sont nom­­breuses, que faci­­
litent la consti­­tution de plateformes technico commer­­ciales ou hubs, à l’image du
regrou­­pe­­ment ini­­tial qui s’était fait dans les nou­­veaux locaux de Phnom Penh, rap­­pro­
­chant les équipes des dif­­fé­­rents DAS – trading, power, contracting, main­­te­­nance –. A
été envi­­sagé ensuite, la créa­­tion de hubs fonc­­tion­­nant sur le même modèle, l’un à domi­
­nante contracting, à Phnom Penh, l’autre à domi­­nante Power, à Ho Chi Minh Ville. Et
il est vrai­­sem­­blable que l’inté­­gra­­tion entre RM Asia et Com­in Asia donne le signal
d’une nou­­velle dis­­tri­­bu­­tion des acti­­vi­­tés pour maxi­­mi­­ser les syner­­gies entre elles.
Dans le contexte d’éco­­no­­mies plus matures, l’axe des tech­­no­­logies demeure
moteur, du moins dans un cer­­tain nombre d’acti­­vi­­tés où elles « tirent » la demande ;
les nou­­velles tech­­no­­logies de la commu­­ni­­ca­­tion et les énergies renouvelables,
notam­­ment. Ce seront le ren­­for­­ce­­ment ou l’appa­­ri­­tion de cer­­tains seg­­ments de clien­
­tèle, de nou­­velles appli­­ca­­tions, ou encore, la mise à pro­­fit de syner­­gies latentes qui
sti­­mu­­le­­ront la crois­­sance ou la reprise.

Exemple 7.2 – Sony-­Ericsson, la rédemp­­tion Android1


Dis­­tancé sur le mar­­ché des télé­­phones mobile depuis l’explo­­sion de l’iPhone, Sony
Ericsson sem­­blait voué à la dis­­pa­­ri­­tion, avec, depuis 2007, des ventes divi­­sées par quatre.
En 2009, a été décidée le rem­­pla­­ce­­ment du sys­­tème d’exploi­­ta­­tion Symbian de Nokia par
Android, celui de Google, gra­­tuit et très popu­­laire auprès des uti­­li­­sa­­teurs (il équipe plus
de 40 % des smartphones en ser­­vice). En 2011, avec sa nou­­velle gamme Xperia, la part
de mar­­ché de Sony Ericsson est remon­­tée très signi­­fi­­ca­­ti­­ve­­ment et le spectre de la sup­­
pres­­sion de cette acti­­vité semble s’éloi­­gner. Et, ce, d’autant plus, que cer­­taines syner­­gies
ont été mises à jour : Sony est, en effet, en mesure de trans­­po­­ser aux nou­­veaux smartpho­
nes sous Android les tech­­no­­logies des cap­­teurs uti­­li­­sées dans ses appa­­reils photo. L’entrée
de gamme devait aussi s’enri­­chir d’un Xperia Play, des­­tiné aux très nom­­breux adeptes de
la Playstation du fabri­­cant japo­­nais.

1.  Cf. G. Fon­­taine, « Android réus­­sit à Sony Ericsson », Chal­­lenges, 25/8/2011.

374
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Pour ce qui concerne l’évo­­lu­­tion du péri­­mètre géo­­gra­­phique, on s’atta­­chera au


posi­­tion­­ne­­ment géo­­gra­­phique de ce por­­te­­feuille d’acti­­vi­­tés, entre glo­­bal et local, qui
condi­­tion­­nera celle de l’espace de réfé­­rence de l’orga­­ni­­sa­­tion : plus les « forces de
globalisation » s’inten­­si­­fie­­ront, plus cet espace devrait s’élar­­gir. Faute de quoi elle
devrait s’attendre à voir de nou­­veaux entrants remettre en cause ses posi­­tions
acquises et/ou devrait renon­­cer à sai­­sir, au-­delà de son espace ini­­tial, de nou­­velles
oppor­­tu­­ni­­tés qui favo­­ri­­se­­raient son propre déve­­lop­­pe­­ment.
Ce sera aussi la capa­­cité de leurs acti­­vi­­tés à essai­­mer, dans le cadre d’un espace
de réfé­­rence déter­­miné, mais éga­­le­­ment entre espaces de réfé­­rence qui offrent aux
orga­­ni­­sa­­tions les perspec­­tives de crois­­sance les plus pro­­met­­teuses, comme le montre
l’exemple de l’entre­­prise indienne, Bharti, capable de trans­­fé­­rer son acti­­vité d’accès
bon mar­­ché à la télé­­pho­­nie mobile, de son pays d’ori­­gine à l’Afrique. Il n’est pas,
non plus, à exclure que, dans le cou­­rant des décen­­nies à venir, à la faveur d’une cer­
­taine har­­mo­­ni­­sa­­tion éco­­no­­mique, tech­­no­­lo­­gique, voire cultu­­relle, ces trans­­ferts
d’acti­­vi­­tés puissent se mul­­ti­­plier entre des espaces de réfé­­rence qui pré­­sentent
actuel­­le­­ment des niveaux de matu­­rité et de dyna­­misme éco­­no­­mique dif­­fé­­rents. C’est
déjà, d’ailleurs, le cas dans des sec­­teurs aussi dif­­fé­­rents que l’Inter­­net ou l’auto­­mo­
­bile :
• Pour inter­­net, on assiste à la dif­­fu­­sion rapide des ser­­vices déjà offerts dans les éco­
­no­­mies matures vers les pays à crois­­sance rapide, comme les moteurs de recherche,
tels Yahoo ou Google. Mais ils sont rapi­­de­­ment concur­­ren­­cés, comme en Chine,
avec la créa­­tion de Baidu, s’ils ne sont pas cen­­su­­rés par les auto­­ri­­tés locales, enga­
­geant Google au retrait.
• Pour l’auto­­mo­­bile, cette nou­­velle mobi­­lité peut se tra­­duire par la ré­impor­­ta­­tion
d’un concept créé pour les éco­­no­­mies émergentes vers les éco­­no­­mies matures qui
en étaient à l’ori­­gine  ; expli­­quant les suc­­cès des véhi­­cules low cost, comme la
gamme Log­an de Dacia-­Renault, en Europe de l’Ouest.
Le modèle d’affaire de Com­in Asia, a plei­­ne­­ment béné­­fi­­cié du déca­­lage entre éco­
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n­ o­­mies à crois­­sance rapide et éco­­no­­mies matures. L’orga­­ni­­sa­­tion a été ame­­née à


jouer le rôle de « tru­­che­­ment » entre les unes et les autres, en élar­­gis­­sant et en éle­­
vant pro­­gres­­si­­ve­­ment le niveau de ses pres­­ta­­tions pour favo­­ri­­ser le rat­­tra­­page de ses
clients locaux. Elle a cher­ché simul­­ta­­né­­ment à satis­­faire les exi­­gences de ses clients,
inves­­tis­­seurs directs étran­­gers, dési­­rant béné­­fi­­cier loca­­le­­ment du même niveau
d’« état de l’art » que dans leur pays d’ori­­gine. Ceci, avant que les acteurs locaux,
eux-­mêmes, désor­­mais, plus au fait des stan­­dards mon­­diaux, n’en expriment le
besoin.

375
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

GLOBALISATION - Internationalisation des approvisionnements


FORCES DE - transferts de technologie (techniques,
DIFFUSION ET formation et procédures..)
D’INTÉGRATION - adoption progressive des standards et des
meilleures pratiques
- présence des grandes multinationales

- spécificités quantitatives (niveau de vie)/


qualitatives (maturité de la demande, niveau
d’infrastructure, pratiques culturelles...)
- particularités d’accès local aux marchés
(protectionnisme, corruption, climat d’affaire...)
- mode d’organisation du secteur (main-d’œuvre...)

LOCALISATION
FORCES DE GÉO-CENTRAGE

Figure 7.2 – Le posi­­tion­­ne­­ment glo­­bal/local des acti­­vi­­tés


(exemple de Comin Asia)

Le posi­­tion­­ne­­ment glo­­bal/local d’une orga­­ni­­sa­­tion comme Com­in Asia, montre


une orga­­ni­­sa­­tion où les forces de géo-­centrage s’exer­­çant sur leurs acti­­vi­­tés sont
encore intenses, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment1 dans l’espace de réfé­­rence où elle opère. Cette
capa­­cité à « gérer » ce déca­­lage consti­­tue l’un de ses avan­­tages compé­­titifs prin­­ci­­
paux. Mais cette orga­­ni­­sa­­tion ne sera pas, pour autant, condam­­née à disparaître
lors­­qu’il se sera résorbé. Elle pourra comp­­ter sur les autres avan­­tages qu’elle pos­­
sède, tels qu’ils appa­­raissent dans le cas et seront sou­­li­­gnés plus loin dans le cours
de l’ana­­lyse : sur sa très grande fia­­bi­­lité ou sa capa­­cité d’évo­­lu­­tion tech­­no­­lo­­gique,
comme sur les avan­­tages que lui pro­­cu­­rera son inté­­gra­­tion à un groupe au péri­­mètre
d’acti­­vi­­tés et au péri­­mètre géo­­gra­­phique plus large que le sien.
Par ailleurs, dans cette perspec­­tive géo­­gra­­phique, l’audit peut être pour­­suivi en
éva­­luant le poten­­tiel des prin­­ci­­pales « zones cibles » de l’espace géo-­sectoriel consi­
­déré, en uti­­li­­sant la matrice « attraits/atouts » McKinsey/General Electric, met­­tant
en rela­­tion les atouts dont dis­­pose l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée dans cha­­cune de ces
zones avec le poten­­tiel qu’offre cha­­cune.

1.  Voir exemple 2.13 : « L’Inde en quête d’un rêve ? »

376
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

ATOUTS ATTRACTIVITE / « VALEUR DE L’ACTIVITE »


/COMPETITIVITE
DE L’ORGANISATION HAUTE MOYENNE FAIBLE

CAMBODGE

HAUTE

VN
THAILANDE

LAOS

MALDIVES
MOYENNE MYANMAR

FAIBLE CHINE
INDONESIE

Figure 7.3 – Posi­­tion­­ne­­ment des zones cibles (matrice attraits/atouts)


(exemple de Comin Asia)

À l’issue de cette ana­­lyse de la dyna­­mique d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion, on


est en mesure de mesu­­rer le point où elle en est arri­­vée dans son déve­­lop­­pe­­ment inter­
­na­­tional et on dis­­pose même d’élé­­ments per­­met­­tant d’envi­­sa­­ger l’ave­­nir. Encore faut-
­il iden­­ti­­fier les fac­­teurs déter­­mi­­nant la pour­­suite de cette pro­­gres­­sion avant d’éva­­luer
les forces sur les­­quelles elle pourra s’appuyer et les fai­­blesses qu’elle devra combler.

1.2  Les inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation


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Les inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation peuvent se décli­­ner en fonc­­tion de la


« phase » d’inter­­na­­tiona­­li­­sation1 atteinte par l’orga­­ni­­sa­­tion : à par­­tir de la pro­­gres­­
sion que révèle la chro­­no­­logie de son expan­­sion hors fron­­tières et/ou des « seuils »
qu’elle a fran­­chis au cours de cette pro­­gres­­sion :
• Il est pos­­sible, tout d’abord, de suivre sa pro­­gres­­sion dans la conti­­nuité sur le schéma
d’ensemble de la suc­­ces­­sion des phases. Cette pro­­gres­­sion est d’autant plus « lisible »
pour les orga­­ni­­sa­­tions comme Com­in Asia (voir figure 7.4) qu’elle a évo­­lué très rapi­
­de­­ment, – il est vrai dans un espace de réfé­­rence géo-­sectoriel res­treint –.
• Pour des orga­­ni­­sa­­tions plus «  clas­­siques  », dont le pro­­ces­­sus d’ouver­­ture et
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation avait débuté bien avant cette époque contem­­po­­raine, cette

1.  Voir cha­­pitre 4, « Les trois phases/étapes du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion ».

377
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

pro­­gres­­sion avait été sou­­vent frei­­née par les obs­­tacles plus nom­­breux et plus
impor­­tants qui exis­­taient alors. Elle avait donc pu prendre des décen­­nies, néces­­si­
­tant donc de recou­­rir à une chro­­no­­logie por­­tant sur des périodes beau­­coup plus
longues, avec des évo­­lu­­tions moins mar­­quées.

Exemple 7.3 – Coca-­Cola, 115 ans à la conquête du monde1


1897 fixe le début de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’entreprise, onze ans après qu’en 1886, à
Atlanta, le Dr. John Pemberton ait créé et fait enre­­gis­­trer la for­­mule d’un sirop toni­­fiant
commer­­cia­­lisé peu de temps après sous forme de soda, et que son comp­­table appela
« Coca-Cola », en y asso­­ciant le logo tou­­jours fameux dans le monde entier. Commencent
alors les pre­­mières expor­­ta­­tions ponc­­tuelles du pro­­duit, tan­­dis que, pour la pre­­mière fois,
en 1905, la marque est enre­­gis­­trée hors des États-­Unis et qu’en 1906, la pre­­mière usine
de fabri­­ca­­tion étran­­gère est implan­­tée au Canada.
Il aura donc fallu onze ans, à comp­­ter de la créa­­tion de la firme d’Atlanta, d’abord pour
enta­­mer la phase 1 (inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale/first landing)2 de son déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional. Il en fau­­dra encore 10 pour asseoir la phase 2 (déve­­lop­­pe­­ment local/go
native) sur des bases pérennes, avec la pre­­mière implan­­ta­­tion per­­ma­­nente, avant que ne
se pour­­suive réso­­lu­­ment l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, à la suite de la Pre­­mière Guerre mon­­diale,
avec d’autres implan­­ta­­tions dans de nou­­veaux pays (comme le Royaume-­Uni, en 1922),
et, sur­­tout, la créa­­tion d’un dépar­­te­­ment Expor­­ta­­tion, à New York, en 1926.
Le début de la phase 3 (multi­natio­­na­­li­­sation) pour­­rait cor­­res­­pondre à 1931, lorsque The
Coca-Cola Ex­port Cor­­po­­ra­­tion, nou­­vel­­le­­ment créée, se fixe pour but d’atti­­rer plus sys­­té­
­ma­­ti­­que­­ment des entre­­pre­­neurs étran­­gers dis­­po­­sés à condi­­tion­­ner le pro­­duit hors des
États-­Unis et d’étendre ainsi le réseau d’embouteilleurs dans le monde entier. De 1928,
date la pre­­mière opé­­ra­­tion de par­­rai­­nage des Jeux Olym­­piques (Amsterdam). Ce choix
de commu­­ni­­ca­­tion res­­tera, ensuite, l’un des grands axes de la pro­­mo­­tion mon­­diale de la
marque et du pro­­duit. Dès lors, l’entre­­prise entre dans sa phase d’inté­­gra­­tion à l’inter­­na­
­tional, avec une coor­­di­­na­­tion de la pro­­duc­­tion, du mar­­ke­­ting et de la commu­­ni­­ca­­tion, des
pro­­cé­­dures har­­mo­­ni­­sées, concer­­nant, notam­­ment, d’embou­­teillage uti­­li­­sant l’extrait au
secret si soi­­gneu­­se­­ment gardé envoyé d’Atlanta. La voie était ouverte pour la pour­­suivre
et la déve­­lop­­per jus­­qu’à aujourd’hui.

• À l’inverse, pour les born globals, qui, dès leur créa­­tion, mettent en place un
modèle d’affaire néces­­si­­tant d’être implan­­tées dans plu­­sieurs loca­­li­­sa­­tions
simul­­ta­­né­­ment, comme l’agence Magnum photo3 ou ESCP Europe4, ou qui

1.  Adapté de : C.Galindo., « Rap­­port de Déve­­lop­­pe­­ment Inter­­na­­tional », EAP, 1994.


2.  On peut sup­­po­­ser que les expor­­ta­­tions ont été occa­­sion­­nelles et ponc­­tuelles de 1897 à 1906, l’essen­­tiel se
concen­­trant sur l’Amérique du Nord et, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment sur le Canada.
3.  Fameuse agence photo dont les fon­­da­­teurs, comme Capa et Cartier-­Bression, au len­­de­­main de la Secconde
Guerre Mon­­diale avaient voulu res­­ter pro­­prié­­taires des droits de leurs cli­­chés et en assu­­rer eux-­mêmes la commer­
­cia­­li­­sa­­tion auprès des grands jour­­naux et maga­­zines. Ils avaient éta­­bli presque simul­­ta­­né­­ment leur siège à Paris et à
New York, puis, plus tard, à Londres et à Tokyo pour pou­­voir « cou­­vrir » l’espace géo­­gra­­phique le plus large (voir
le cas « Magnum », H. Scott, J.P.Lemaire, G. Petit, A.J.Rigny, dis­­po­­nible en Anglais à la Cen­­trale des cas et des
Moyens Péda­­go­­giques de la CCIP).
4.  Voir cas intro­­duc­­tif, chapitre 5, ESCP Europe et les défis de la «globalisation aca­­dé­­mique».

378
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

s’appuient sur inter­­net, comme Google ou Facebook, le modèle «  stan­­dard  »


semble s’appli­­quer plus dif­­fi­­ci­­le­­ment, puisque les orga­­ni­­sa­­tions sont sup­­po­­sées
atteindre de manière quasi-­immédiate la phase de multi­natio­­na­­li­­sation. En réa­­
lité, elles sont le plus sou­­vent, d’emblée, multi­locales et peuvent, soit demeu­­rer
à ce stade, en conser­­vant des struc­­tures hété­­ro­­gènes, soit, fran­­chir rapi­­de­­ment le
seuil entre la phase 2 et la phase 3, comme les orga­­ni­­sa­­tions plus clas­­siques,
dont les inci­­ta­­tions à la multi­natio­­na­­li­­sation sont suf­­fi­­sam­­ment fortes pour les y
décider.
Pour ces der­­nières, comme pour les autres, il est donc néces­­saire d’iden­­ti­­fier, à
chaque stade de leur inter­­na­­tiona­­li­­sation, à l’ins­­tar de Com­in Asia dans l’exemple
ci-­dessous, quelles inci­­ta­­tions ont pu la pous­­ser à fran­­chir les « seuils » qui, à l’heure
actuelle, peuvent faire envi­­sa­­ger à cette der­­nière de pas­­ser à la phase mul­­ti­­natio­­nale,
dans le cadre d’un espace de réfé­­rence élargi, à la faveur de sa récente évo­­lu­­tion
struc­­tu­­relle.

Exemple 7.4 – Com­in Asia (2), les « phases » successives de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation


Plu­­sieurs « seuils » ponc­­tuent la pro­­gres­­sion de cette orga­­ni­­sa­­tion :
–– En 2002-2006, alors que s’amor­­çait le décol­­lage de l’ensemble de la région, hors cer­­
taines opé­­ra­­tions ponc­­tuelles, au Laos et en Birmanie, Com­in Asia ne s’était pas aven­
­tu­­rée hors des fron­­tières du Vietnam et, sur­­tout, du Cambodge. Cer­­taines oppor­­tu­­ni­­tés
plus loin­­taines, – vers l’Indonésie, notam­­ment –, n’avaient pas été saisies-, faute d’esti­
­mer maî­­tri­­ser, mal­­gré des compé­­tences spé­­ci­­fiques déjà affir­­mées, celles qui lui
auraient per­­mis de « pro­­je­­ter » ses équipes à plu­­sieurs milliers de kilo­­mètres de leurs
bases, dans un envi­­ron­­ne­­ment moins fami­­lier que les espaces de proxi­­mité plus immé­
­diate déjà appro­­chés.
–– En 2006-2010, la situa­­tion avait déjà beau­­coup évo­­lué, puis­­qu’elle pre­­nait pied avec
suc­­cès et de façon per­­ma­­nente, d’abord avec un par­­te­­naire local, et, ensuite, de façon
plus auto­­nome, dans un pays proche, la Thaïlande, aux dif­­fé­­rences mar­­quées par rap­­
port aux pays d’ori­­gine de l’orga­­ni­­sa­­tion – notam­­ment en matière de légis­­la­­tion du
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tra­­vail –, mais où les opé­­ra­­tions ont pu être, ensuite, pour­­sui­­vies sur des bases per­­ma­­
nentes. Un peu plus tard, une série de pro­­jets impor­­tants ont pu même être menés à bien
aux Maldives, démon­­trant que l’orga­­ni­­sa­­tion avait, en très peu de temps, acquis cette
« capa­­cité de pro­­jec­­tion » qu’elle dou­­tait encore de maî­­tri­­ser quelques années aupa­­ra­­
vant. Elle se trouvait confrontée, cepen­­dant, à la dif­­fi­­culté de gérer simul­­ta­­né­­ment trois
enti­­tés dis­­tinctes, dans trois pays dif­­fé­­rents, face à une pro­­gres­­sion impres­­sion­­nante de
leurs chiffres d’affaires res­­pec­­tifs.
–– Depuis 2011, les efforts de ratio­­na­­li­­sation ont déjà per­­mis de mieux coor­­don­­ner les
trois implan­­ta­­tions per­­ma­­nentes, d’har­­mo­­ni­­ser les pro­­cé­­dures et de conso­­li­­der l’orga­­
ni­­sa­­tion. L’inté­­gra­­tion à RM Asia va conduire à l’adop­­tion de règles plus rigou­­reuses
et d’un mana­­ge­­ment plus inté­­gré, qui vont pou­­voir être par­­ta­­gés entre les dif­­fé­­rentes
struc­­tures du groupe et per­­mettre à celui de déployer ses dif­­fé­­rentes compé­­tences – y
compris celles appor­­tées par Com­in Asia – dans un espace de réfé­­rence et d’expan­­sion
sen­­si­­ble­­ment élargi.

379
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

2011+
Accès réseau
RM Asia
Ensemble de l’Asie

2006-2010 MULTINATIONALISATION
implantation /GLOBALISATION
Thaïlande
Projets Maldives
2002-2006 Activités sur plusieurs pays
Internationalisation plusieurs continents, ou
occasionnelle : sur le monde entier
Laos, Birmanie... DÉVELOPPEMENT LOCAL s’appuyant sur des structures
(go native) coordonnées et harmonisées

INTERNATIONALISATION INITIALE Activités multi locales


(first landing) s’appuyant sur des
structures et des réseaux
délocalisés

En extension hors frontières


des activités domestiques
et/ou dans une perspective
d’exploration sur la base de relations
et de structures de proximité

J.-P. Lemaire

Figure 7.4 – La suc­­ces­­sion des « phases » de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation

• Il est impor­­tant, en consé­­quence, d’iden­­ti­­fier les inci­­ta­­tions, qui déter­­minent le


pas­­sage, pour l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée, d’une phase à une autre et l’inté­­rêt qu’il
peut y avoir à fran­­chir ce seuil1.
• En réfé­­rence à la théo­­rie OLI2, les « déclen­­cheurs » de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­
tiale sont, avant tout, reliés aux «  avan­­tages spé­­ci­­fiques  » plu­­tôt qu’aux autres
caté­­go­­ries (« avan­­tages de loca­­li­­sa­­tion » et, à un moindre titre encore, « avan­­tages
d’inter­­na­­li­­sa­­tion »).
• Les déclencheurs de l’internationalisation initiale (first landing) – phase 1
De fait, si une orga­­ni­­sa­­tion, jusque-­là domes­­tique, ou encore sans aucune expé­­
rience d’une zone déter­­mi­­née, se trouve inci­­tée à dépas­­ser les limites de son espace
de réfé­­rence d’ori­­gine ou à envi­­sa­­ger une cible géo­­gra­­phique pré­­cise :
• Ce sera, au pre­­mier chef, pour faire valoir ses compé­­tences dis­­tinctives et ses
avan­­tages compé­­titifs, ses « avan­­tages spé­­ci­­fiques » (ownership), dans le ou les
pays visé(s)  ; ce qui peut, par exemple, recou­­vrir la valo­­ri­­sa­­tion de sa base de

1.  Douglas S.-P, Craig C.-S., « Évo­­lu­­tion of Glo­­bal Mar­­ke­­ting Strategy : Scale, Scope and Synergy », Columbia
Jour­­nal of World Busi­­ness, Fall 1989.
2.  Voir repère 4.1. La théo­­rie OLI.

380
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

clien­­tèle, en sui­­vant hors fron­­tières les clients de son espace d’ori­­gine (stra­­té­­gie,
« follow the customer »)1.
• Mais ce pourra être aussi, lorsque son mar­­ché d’ori­­gine est quelque peu saturé ou
cyclique, limi­­tant ou mena­­çant son déve­­lop­­pe­­ment domes­­tique, que l’orga­­ni­­sa­­tion
se sen­­tira « pous­­sée » hors de ses fron­­tières ; sutout si elle béné­­fi­­cie du sou­­tien et
des encou­­ra­­ge­­ments éta­­tiques à l’ex­port et à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, en par­­ti­­cu­­lier
sous la forme de sub­­ven­­tions propres à faci­­li­­ter leur expan­­sion2.
• Enfin, un « déclen­­cheur » impor­­tant de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale d’une orga­­ni­
­sa­­tion réside, de plus en plus, dans la néces­­sité de pré­­ve­­nir ou de réagir à la
menace de la concur­­rence étran­­gère, à court, moyen ou long terme, sur son propre
mar­­ché d’ori­­gine, même si elle se trouve en situa­­tion de domi­­na­­tion mono­­po­­lis­­
tique ou oligo­­polis­­tique.

Exemple 7.5 – L’orien­­ta­­tion inter­­na­­tionale inéluctable du déve­­lop­­pe­­ment d’EDF


Astreinte, dans le cadre euro­­péen, à aban­­don­­ner pro­­gres­­si­­ve­­ment son mono­­pole du trans­
­port et de la dis­­tri­­bu­­tion, EDF conserve une posi­­tion solide sur le plan natio­­nal, avec,
cepen­­dant, la contrainte de faire bais­­ser ses tarifs de manière signi­­fi­­ca­­tive et d’amé­­lio­­rer
la qua­­lité du ser­­vice dis­­pensé au client, sans grande pos­­si­­bi­­lité d’expan­­sion, alors que la
crois­­sance éco­­no­­mique reste faible (on consi­­dère, en effet, qu’il y a une forte cor­­ré­­la­­tion
entre l’accrois­­se­­ment de la demande d’élec­­tri­­cité et la crois­­sance du PIB) et qu’elle doit
lais­­ser place à de nou­­veaux concur­­rents.
EDF connais­­sait déjà, depuis long­­temps, une inter­­na­­tiona­­li­­sation de proxi­­mité par le
biais des accords d’inter­­connexion qui font de l’entre­­prise natio­­nale le pre­­mier expor­­ta­­
teur de cou­­rant de l’Union euro­­péenne, mais dans un envi­­ron­­ne­­ment proche de la satu­­ra­
­tion qui laisse peu de pos­­si­­bi­­li­­tés de « tirer de nou­­velles lignes » vers l’étran­­ger.
Force lui a-­t-il été, donc, d’envi­­sa­­ger l’inter­­na­­tiona­­li­­sation en « chan­­geant d’échelle », en
s’enga­­geant, en fonds propres, par voie de prises de par­­ti­­cipation, avec le souci d’assu­­rer,
à l’étran­­ger, un niveau de ren­­ta­­bi­­lité tou­­jours supé­­rieur au coût de l’endet­­te­­ment du
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groupe.

• Les déclen­­cheurs du déve­­lop­­pe­­ment local (go native) – phase 2 relèvent davan­­tage


des oppor­­tu­­ni­­tés (et du niveau de contrainte) que recèlent les espaces géo­­gra­­phiques
étran­­gers et qui « tirent » l’orga­­ni­­sa­­tion qui est sus­­cep­­tible de s’y déve­­lop­­per, pour
béné­­fi­­cier de l’« avan­­tage de loca­­li­­sa­­tion » (au sens de Dunning).

1.  Les banques ont été fré­­quem­­ment ame­­nées à accom­­pa­­gner leurs clients à l’étran­­ger et à conce­­voir pour eux
de nou­­veaux ser­­vices, inexis­­tants jus­­qu’alors ou déve­­lop­­pés dans des condi­­tions bien dif­­fé­­rentes. Ce fut notam­­ment
le cas, dès la fin des années 60, des banques amé­­ri­­caines, qui durent créer, presque de toutes pièces, des ser­­vices de
cash mana­­ge­­ment, de manière à faci­­li­­ter les trans­­ferts de fonds intra-­européens et Europe/États-­Unis de leurs clients
amé­­ri­­cains, qui n’avaient pas trouvé, alors, à satis­­faire ce besoin, dans un cli­­mat de suf­­fi­­sante « intel­­li­­gence cultu­­
relle  », auprès des éta­­blis­­se­­ments finan­­ciers du Vieux Continent (cf. J.P. Lemaire et P.B. Ruffini, Vers l’Europe
ban­­caire, Dunod, 1993).
2.  En France et aux États-­Unis, les indus­­tries d’arme­­ment et l’indus­­trie aéro­­spa­­tiale ont pu béné­­fi­­cier de plus de
70 à 80 % des sub­­ven­­tions à l’indus­­trie.

381
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Avant tout, les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères sont sen­­sibles au poten­­tiel et au rythme de


déve­­lop­­pe­­ment des mar­­chés :
• Dans les pays de l’OCDE, ce déclen­­cheur du déve­­lop­­pe­­ment local sera davan­­tage
lié à la taille des mar­­chés, en dépit, par­­fois, de leur faible crois­­sance, et au niveau
d’exi­­gence de leurs consom­­ma­­teurs/uti­­li­­sa­­teurs. Ces deux fac­­teurs déter­­minent
l’inté­­rêt des orga­­ni­­sa­­tions ori­­gi­­naires des éco­­no­­mies matures1 comme, désor­­mais,
celui de leurs concur­­rents des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, sou­­cieux de prendre
une posi­­tion signi­­fi­­ca­­tive sur des mar­­chés de réfé­­rence, dont la péné­­tra­­tion réus­­sie,
même à la suite de longs efforts, sera garante d’une posi­­tion glo­­bale ren­­for­­cée, y
compris dans leur espace d’ori­­gine.
• De leur côté, les éco­­no­­mies émergentes attirent par leur fort rythme de crois­­sance,
dont le niveau actuel, comme poten­­tiel, est sus­­cep­­tibles d’atti­­rer nombre d’entre­­
prises euro­­péennes ou amé­­ri­­caines, mais, éga­­le­­ment des «  cham­­pions inter­­na­­
tionaux » issus d’autres éco­­no­­mies à crois­­sance rapide2.
• Même ces der­­niers peuvent être sen­­sibles à l’attrait du déve­­lop­­pe­­ment local dans
d’autres éco­­no­­mies émergentes, compte tenu de la faiblesse de leurs coûts de pro­
­duc­­tion, sans pré­­ju­­dice de la mise à pro­­fit du poten­­tiel local de sous-­traitance et
de réduc­­tion des coûts dans ces pays cibles eux-­mêmes. Une inci­­ta­­tion sup­­plé­­
men­­taire peut éga­­le­­ment enga­­ger à une pré­­sence locale plus signi­­fi­­ca­­tive et plus
pérenne, dépas­­sant le stade de l’expor­­ta­­tion : c’est le souci de contour­­ner des bar­
­rières pro­­tec­­tion­­nistes.

Exemple 7.6 – Euro­fins Scientific, entre stra­­té­­gie multi locale


et stra­­té­­gie mul­­ti­­natio­­nale
Créé en 1987 à Nantes, avec un chiffre d’affaires proche du milliard d’euros en 2011 et
12 000 col­­la­­bo­­ra­­teurs dans 32 pays, Euro­fins Scientific est devenu l’un des lea­­ders mon­
­diaux de l’exper­­tise et des ser­­vices d’ana­­lyse et de suivi de qua­­lité des pro­­duits aux
entre­­prises pri­­vées et aux orga­­nismes publics opé­­rant dans les sec­­teurs de la Phar­­ma­­cie,
de l’Ali­­men­­ta­­tion et de l’Envi­­ron­­ne­­ment
Son déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional est, pour­­tant, le fruit de l’empi­­risme. En 1998, l’orga­­
ni­­sa­­tion, qui ne réa­­li­­sait, alors, que 15 mil­­lions d’euros de chiffre d’affaires, acqué­­rait au
Royaume-­Uni le Cen­­tral Scientific Laboratories. Elle s’implan­­tait ensuite en Allemagne
puis, en 2001, au Benelux et en Scandinavie. En Février 2011 c’est le rachat de Lancaster
qui per­­met au groupe d’assu­­rer sa posi­­tion aux États-­Unis.

1.  Ainsi, pour les indus­­tries bio­­mé­­di­­cales (équi­­pe­­ments médi­­caux, ima­­ge­­rie, ins­­tru­­men­­ta­­tion), la pré­­sence des
entre­­prises euro­­péennes du sec­­teur sur des mar­­chés de réfé­­rence, comme les États-­Unis, connus pour le niveau de
la tech­­no­­lo­­gique et des exi­­gences des uti­­li­­sa­­teurs, se jus­­ti­­fie en grande par­­tie par le souci de se pré­­mu­­nir des avan­
­cées déjà réa­­li­­sées par la concur­­rence amé­­ri­­caine et sus­­cep­­tibles d’être rapi­­de­­ment trans­­fé­­rées sur les mar­­chés
euro­­péens (source : Snitem, syn­­di­­cat fran­­çais des indus­­tries bio-­médicales).
2.  Voir cha­­pitre 4, « Déter­­mi­­nants externes et inci­­ta­­tions internes à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation »

382
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Opé­­rant dans le ser­­vice de proxi­­mité, le groupe s’est d’emblée consi­­déré comme multi-
local, tout en consti­­tuant un réseau inter­­na­­tional, lui per­­met­­tant de « suivre ses clients »,
lea­­ders mon­­diaux de leur sec­­teur, comme Nestlé ou Kraft Foods (et 80 % des 20 pre­­miers
groupes de l’ali­­men­­taire et de la dis­­tri­­bu­­tion). C’est donc sous des formes appropriées,
que commande la néces­­sité de s’adap­­ter à des contextes très dif­­fé­­rents et à des régle­­men­
­ta­­tions très hété­­ro­­gènes, et avec une orga­­ni­­sa­­tion répondant à ces condi­­tions dif­­fé­­rentes
qu’Euro­fins ins­­talle sa domination sur son sec­­teur dans le monde
Le groupe s’est d’abord essen­­tiel­­le­­ment déve­­loppé en Europe, qui repré­­sente encore plus
de la moi­­tié de son chiffre d’affaires, en mul­­ti­­pliant les acqui­­si­­tions, avant de s’inté­­res­­ser
aux pays émergents, à par­­tir de 2006 ; où il com­mence par l’Europe Cen­­trale et Orien­­tale,
en train de s’ali­­gner sur les normes euro­­péennes. Mais au Bré­­sil, en Chine, en Inde, à
Singapour et en Thaïlande, il renonce à la crois­­sance externe, faute de cibles locales aux
stan­­dards euro­­péens. La créa­­tion de labo­­ra­­toires ex nihilo a donc été pri­­vi­­lé­­giée : cinq en
Chine, priori­­taire, deux, en Inde, sur les quinze ouverts depuis 2010. En dépit du coût
élevé d’inves­­tis­­se­­ment, comme d’exploi­­ta­­tion de cha­­cune de ces implan­­ta­­tions, la crois­­
sance va s’y pour­­suivre.
Mais d’ores et déjà, l’« inter­­na­­li­­sa­­tion » commence à faire évo­­luer l’orga­­ni­­sa­­tion sur
la voie de la multi­natio­­na­­li­­sation, puisque, par exemple, la R & D, – certes, adap­­tée à
chaque envi­­ron­­ne­­ment – est la priorité mise en avant par le groupe, et que le déve­­lop­­
pe­­ment inter­­na­­tional est orches­­tré par une cel­­lule d’experts qui éva­­lue les oppor­­tu­­ni­­tés
en per­­ma­­nence. Pour son PdG, Gilles Martin, « le monde est devenu notre ter­­rain de
jeu ». Ce qui n’empêche pas les labo­­ra­­toires de conti­­nuer à y jouir d’une cer­­taine auto­
­no­­mie.

• Au der­­nier stade de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation – la multi­natio­­na­­li­­sation (phase 3) –,


les « déclen­­cheurs » appa­­raissent donc davan­­tage liés à la recherche d’amé­­lio­­ra­­
tions de l’orga­­ni­­sa­­tion d’ensemble de l’entre­­prise. S’y retrouvent asso­­ciées, avec
une exi­­gence d’inté­­gra­­tion supé­­rieure, les prin­­ci­­pales fonc­­tions – pro­­duc­­tives et
logis­­tiques, mar­­ke­­ting et vente –, de l’orga­­ni­­sa­­tion.
• L’opti­­mi­­sation du pro­­ces­­sus pro­­duc­­tif et de la logis­­tique d’ensemble consti­­tue un
pre­­mier aspect de cette troi­­sième phase, dans la mesure où la seconde phase pri­­
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vi­­lé­­gie les approches locales, sans sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment recher­­cher les béné­­fices qui
pro­­vien­­draient d’une approche plus large.
• S’y asso­­cie la néces­­sité de dis­­po­­ser de sys­­tèmes d’infor­­ma­­tion éten­­dus, per­­for­­
mants et inté­­grés, dont la capa­­cité à enre­­gis­­trer, trai­­ter et trans­­mettre consti­­tue,
pour les orga­­ni­­sa­­tions concer­­nées, un élé­­ment vital de leur sur­­vie comme de leur
expan­­sion, à cette échelle.
• S’y ajoute, comme pour Euro­fins, ci-­dessus, dont cela hâtera l’adop­­tion d’une
orga­­ni­­sa­­tion mul­­ti­­natio­­nale, l’appa­­ri­­tion de «  clients glo­­baux  », opé­­rant eux-­
mêmes dans de nom­­breux pays, sui­­vant un modèle déjà mul­­ti­­natio­­nal, dans une
perspec­­tive qui s’appa­­rente beau­­coup, à un niveau plus élevé de déploie­­ment géo­
­gra­­phique, à la logique follow the client, déjà rete­­nue comme un des prin­­ci­­paux
« déclen­­cheurs » de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale.

383
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

• Enfin la globalisation des four­­nis­­seurs va de pair avec la globalisation des clients


et la globalisation de la concur­­rence, sou­­vent conco­­mi­­tante à la pré­­cé­­dente,
consti­­tue, de fait, dans de nom­­breux sec­­teurs d’acti­­vité, un encou­­ra­­ge­­ment à la
multi­natio­­na­­li­­sation.
En défi­­ni­­tive, au fil des phases, il est pos­­sible d’obser­­ver, pour chaque orga­­ni­­sa­­tion
citée en exemple, comme Com­in Asia, ci-­dessous, en mobi­­li­­sant le modèle OLI,
l’importance de ses avan­­tages res­­pec­­tifs – spé­­ci­­fiques, de loca­­li­­sa­­tion et d’inter­­na­­li­
­sa­­tion – ; pour en déduire, ensuite, son positionnement sur l’échelle des phases. Du
bon niveau de maî­­trise par cette orga­­ni­­sa­­tion des avan­­tages, spé­­ci­­fiques (ownership),
d’une part, des avan­­tages de loca­­li­­sa­­tion (loca­­tion), d’autre part, on peut pré­­su­­mer
que les avan­­tages d’inter­­na­­li­­sa­­tion (internalization) que lui apportent son inté­­gra­­tion
au groupe RM Asia, seront bien­­tôt sus­­cep­­tibles de lui faire fran­­chir le der­­nier seuil
de son par­­cours inter­­na­­tional.

AVANTAGES AVANTAGES AVANTAGES


SPÉCIFIQUES DE LOCALISATION D’INTERNALISATION
Valoriser ses atouts Profiter des nouvelles Tirer parti d’une présence
hors frontières Opportunités multi locale coordonnée
(« Push ») (« Pull ») (intégration)

Qualité et fiabilité des Opportunité de Vision élargie de l’évolution de


prestations « Suivre de client » l’offre et de la demande

Capacité d’optimisation Accès à des zones de maturité/ Mise à profit d’une image de qualité
des approvisionnements de besoins comparables dans une zone élargie

Conception de solutions Multiplication des ECR Optimisation du déploiement des


sur mesure à proximité activités et des localisations

Accès aux techniques et Effet d’entrainement des Meilleure répartition


pratiques, « état de l’Art » partenaires géographique des risques

Ë reconnaissance Ë multiplication des Ë coordination, harmonisation


régionale du concept unique opportunités d’affaire hors et optimisation des structures
Comin Asia frontières et des procédures

Adapté de Dunning

Figure 7.5 – Les « déclen­­cheurs » de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation


(exemple de Comin Asia)

Cette mise en évi­­dence des inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation et ce que l’on peut


en déduire en termes de pro­­gres­­sion de l’orga­­ni­­sa­­tion dans la suc­­ces­­sion des phases
ne dis­­pense pas, dans la pour­­suite de l’audit, d’un exa­­men plus pré­­cis de ses forces
et fai­­blesses. Il per­­met­­tra de déter­­mi­­ner, sur un mode compa­­ra­­tif, son degré de maî­
­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès, les avan­­tages qu’elle aura à valo­­ri­­ser et les han­­di­
­caps qu’elle devra combler ; les­­quels seront priori­­tai­­re­­ment pris en compte dans la
for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.

384
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

2  Du diag­­nos­­tic fonc­­tion­­nel aux impli­­ca­­tions stra­­té­­giques

La dis­­tinction des inci­­ta­­tions au fil des trois phases de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation,


peuvent ser­­vir de sup­­port au diag­­nos­­tic fonc­­tion­­nel, pour pas­­ser en revue, au niveau
de cha­­cune d’elle, les res­­sources et compé­­tences que pos­­sède l’orga­­ni­­sa­­tion au
regard des celles qui sont requises pour s’y enga­­ger.

2.1  Le diagnostic fonc­­tion­­nel de l’orga­­ni­­sa­­tion


Selon que l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée se trouve en phase d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­
tiale, de déve­­lop­­pe­­ment local ou de multi­natio­­na­­li­­sation, le contenu du diag­­nos­­tic
fonc­­tion­­nel revê­­tira, en effet, des formes un peu dif­­fé­­rentes.

c Repère 7.2
Les trois niveaux d’approche du diag­­nos­­tic inter­­na­­tional

1. Le diag­­nos­­tic d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale (préa­­lable à la phase 1)


Des­­tiné à une orga­­ni­­sa­­tion peu ou pas ouverte sur l’exté­­rieur, envi­­sa­­geant de diver­­si­­fier
ses mar­­chés et/ou ses appro­­vi­­sion­­ne­­ments.
Enjeu : éva­­luer le poten­­tiel des tran­­sac­­tions avec l’étran­­ger, à déve­­lop­­per de manière
occa­­sion­­nelle ou durable  ; ce qui sup­­pose d’enga­­ger l’adaption de son offre, de ses
pro­­cé­­dures d’achat/de vente à des contraintes spé­­ci­­fiques, dif­­fé­­rentes de celles de
l’espace de réfé­­rence d’ori­­gine.

2. Le diag­­nos­­tic d’implan­­ta­­tion (préa­­lable à la phase 2)


Des­­tiné à une orga­­ni­­sa­­tions envi­­sa­­geant de s’implan­­ter dura­­ble­­ment sur un ou plu­­
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sieurs mar­­chés étran­­gers.


Enjeu : être en mesure d’éla­­bo­­rer une stra­­té­­gie de déve­­lop­­pe­­ment hors fron­­tières, dans
une perspec­­tive de conquête de posi­­tions stables et défen­­dables dans plu­­sieurs envi­­
ron­­ne­­ments dif­­fé­­rents, en s’y fai­­sant accep­­ter, tout en étant capable de gérer la diver­­sité
et de contrô­­ler à dis­­tance.

3. Le diag­­nos­­tic de multi­natio­­na­­li­­sation (préa­­lable à la phase 3)


Des­­tiné à une orga­­ni­­sa­­tion à l’espace de réfé­­rence/d’expan­­sion sub­conti­­nen­­tal, conti­­
nen­­tal, multi conti­­nen­­tal ou glo­­bal, confron­­tée à des besoins de coor­­di­­na­­tion de ses
acti­­vi­­tés, d’har­­mo­­ni­­sa­­tion de ses pro­­cé­­dures et/ou d’opti­­mi­­sation de sa chaîne de
valeur.
Enjeu : appré­­cier les conver­­gences et diver­­gences internes en préa­­lable à l’éla­­bo­­ra­­tion
d’une stra­­té­­gie de multi­natio­­na­­li­­sation, sup­­po­­sant une large inté­­gra­­tion de ses acti­­vi­­tés,
de ses loca­­li­­sa­­tions et de ses fonc­­tions à une échelle inter­­na­­tionale élar­­gie.

385
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Exemple 7.7 – Com­in Asia (3), l’appli­­ca­­tion du diag­­nos­­tic à l’approche des trois phases
Ces trois types de diag­­nos­­tic peuvent être suc­­ces­­si­­ve­­ment appli­­qués à Com­in Asia, en
sui­­vant la pro­­gres­­sion de son inter­­na­­tiona­­li­­sation, au fil de sa chro­­no­­logie/timeline, telle
qu’elle res­­sort du cas, à l’approche de chaque « seuil » qu’elle aura fran­­chi ou pourra
fran­­chir :
–– en 2002-2006, dans une perspec­­tive d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale (phase 1, «  first
landing »), lorsque ses diri­­geants ont commencé à craindre une satu­­ra­­tion des mar­­chés
des deux pays consti­­tutifs de son espace de réfé­­rence ini­­tial (baisse des relais de crois­
­sance au Cambodge, mon­­tée de la concur­­rence locale et étran­­gère au Vietnam) et ont
mani­­festé leur inté­­rêt pour une pre­­mière diver­­si­­fi­­ca­­tion géo­­gra­­phique vers le Laos, la
Birmanie, la Thaïlande, à tra­­vers quelques opé­­ra­­tions ponc­­tuelles ;
–– en 2006-2010, dans une perspec­­tive de déve­­lop­­pe­­ment local (phase 2, « go native »),
lorsque l’orga­­ni­­sa­­tion a pu déve­­lop­­per suf­­fi­­sam­­ment ses capa­­ci­­tés à «  pro­­je­­ter  » ses
équipes au-­delà de cet espace ini­­tial, en tablant sur le suc­­cès de son implan­­ta­­tion en
Thaïlande et sur celui d’une série d’opé­­ra­­tions ponc­­tuelles plus impor­­tantes, comme
les dif­­fé­­rents pro­­jets réus­­sis aux Maldives (sans que la taille du mar­­ché y jus­­ti­­fie une
pré­­sence per­­ma­­nente) ;
–– depuis 2011, dans une perspec­­tive de multi­natio­­na­­li­­sation (phase 3), en s’appuyant sur
l’expé­­rience et le réseau que pos­­sède son re­pre­­neur RM Asia, dans un espace de réfé­­
rence élargi à la faveur de l’ inté­­gra­­tion des deux orga­­ni­­sa­­tions, per­­met­­tant une ratio­­
na­­li­­sation d’un cer­­tain nombre de fonc­­tions et une expan­­sion géo-­sectorielle à plus
large échelle, en met­­tant en place une coor­­di­­na­­tion, une inté­­gra­­tion, une opti­­mi­­sation
de leurs acti­­vi­­tés.

• Le diag­­nos­­tic de capa­­cité à s’inter­­na­­tiona­­li­­ser, tout d’abord, pourra s’appli­­quer :


––à une entre­­prise envi­­sa­­geant de s’enga­­ger sur la voie de l’expor­­ta­­tion comme sur
celle de l’impor­­ta­­tion (ou encore, la sous-­traitance ou l’achat de compo­­sants à
l’étran­­ger) ;
––à une inter­­na­­tiona­­li­­sation impli­­quant un dépla­­ce­­ment phy­­sique de la mar­­chan­­dise
(im­port ou ex­port), à une pres­­ta­­tion à dis­­tance (ser­­vice sur inter­­net, conseil..) ;
––à  une tran­­sac­­tion por­­tant sur la pro­­priété indus­­trielle (acqui­­si­­tion/ces­­sion de
licence sur un pro­­duit ou un pro­­cédé) ou à l’exploi­­ta­­tion d’une marque (fran­­
chise).
Ce diag­­nos­­tic préa­­lable pourra être complété, une fois la démarche d’inter­­na­­tiona­
l­i­­sation enga­­gée, comme pério­­di­­que­­ment, tout au long de la pre­­mière phase,
compor­­tant ces formes encore peu impliquantes pour l’orga­­ni­­sa­­tion, par un diag­­nos­
­tic séquen­­tiel (ou « audit ex­port », pour les organisations ayant pri­­vi­­lé­­gié ce mode
de déve­­lop­­pe­­ment). L’objet de ce der­­nier sera de sou­­li­­gner, au fil du dérou­­le­­ment de
chaque type d’opé­­ra­­tion inter­­na­­tionale ainsi ini­­tiée, les points forts et les points
faibles, de manière à enga­­ger les actions cor­­rec­­trices néces­­saires ou à exploi­­ter
l’expé­­rience pro­­gres­­si­­ve­­ment accu­­mu­­lée pour accen­­tuer les efforts d’ouver­­ture et
envi­­sa­­ger, le moment voulu, au regard du diag­­nos­­tic d’implan­­ta­­tion, de pas­­ser à la
phase 2.

386
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

c Repère 7.3
Les points clés du diag­­nos­­tic fonc­­tion­­nel d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale
(diag­­nos­­tic préa­­lable)
••Pro­­duit/Pro­­duc­­tion :
––compé­­titi­­vité du pro­­duit (design, tech­­no­­logie, prix, qua­­lité, etc.) ;
––« plus » pro­­duit (image, reconnais­­sance des per­­for­­mances, etc.) ;
––adap­­ta­­bi­­lité (capa­­cité à adap­­ter le pro­­duit aux spé­­ci­­fici­­tés locales) ;
––poten­­tiel d’éco­­no­­mies d’échelle, niveau de coût (inté­­rêt d’une délocalisation) ;
––transférabilité de la tech­­no­­logie et du savoir faire (à des licen­­ciés, sous-­traitants, etc.) ;
––capa­­cité de pro­­duc­­tion dis­­po­­nible (besoins per­­ma­­nents/occa­­sion­­nels de sous-
­traitance)…
••Mar­­ke­­ting/Vente :
––inté­­rêt spon­­tané au-­delà des fron­­tières (niveau de dif­­fu­­sion du pro­­duit) ;
––transposabilité du suc­­cès natio­­nal (et des approches mar­­ke­­ting) ;
–– connais­­sance de l’envi­­ron­­ne­­ment concur­­ren­­tiel (dans le/les paysenvi­­sa­­gés ) ;
–– éven­­tuelle compé­­tence inter­­na­­tionale des ven­­deurs (accès aux réseaux, pra­­tique de la
négo­­cia­­tion dans d’autres pays/contextes) ;
–– rela­­tions avec des pres­­crip­­teurs inter­­na­­tionaux ;
–– par­­te­­na­­riats pos­­sibles à l’étran­­ger (por­­tage commer­­cial1 – piggy back –, dis­­tri­­bu­­teurs
pri­­vi­­lé­­giés, etc.).
••Finances :
–– res­­sources d’inves­­tis­­se­­ment dis­­po­­nibles ;
––niveau de la tré­­so­­re­­rie ;
–– atti­­tude des banques, des action­­naires, etc. ;
–– capa­­cité d’endet­­te­­ment, de mobi­­li­­sa­­tion de capi­­taux per­­ma­­nents, etc. ;
–– maî­­trise des règle­­ments inter­­na­­tionaux ;
–– niveau des sto­­cks requis ;
–– accès aux aides et sou­­tiens publics (pays d’ori­­gine, orga­­nismes mul­­ti­­natio­­naux, régio­­
naux ou mon­­diaux, auto­­ri­­tés locales des pays consi­­dé­­rés etc.).
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

••Stra­­té­­gie/res­­sources humaines/orga­­ni­­sa­­tion :
–– coor­­di­­na­­tion pos­­sible des acti­­vi­­tés domes­­tiques et inter­­na­­tionales (lis­­sage de l’acti­­vité,
saisonnalité, etc.) ;
–– compé­­tences, capa­­cité de mobi­­li­­sa­­tion des per­­son­­nels à l’inter­­na­­tional (for­­ma­­tion,
heures sup­­plé­­men­­taires, pro­­cé­­dures déro­­ga­­toires, etc.) ;
–– réac­­ti­­vité face aux chan­­ge­­ments de l’envi­­ron­­ne­­ment ;
–– capa­­ci­­tés rela­­tion­­nelles, ouver­­ture au par­­te­­na­­riat ;
–– volonté d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des diri­­geants.

1.  Le por­­tage ou piggy-­back, per­­met à une orga­­ni­­sa­­tion sans expé­­rience de l’expor­­ta­­tion –en géné­­ral ou dans un
espace d’expan­­sion qui ne lui serait pas familier- de s’appuyer sur une autre orga­­ni­­sa­­tion déjà implan­­tée. Les pro­­
duits de la pre­­mière sont alors pris en charge par la seconde, dans l’espace ou les espaces consi­­dé­­rés, et béné­­fi­­cient
de son réseau de dis­­tri­­bu­­tion.

387
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

c Repère 7.4
L’audit ex­port (diag­­nos­­tic séquen­­tiel)
(appli­­cable aussi aux licences et aux fran­­chises, sous réserve des adap­­ta­­tions néces­­
saires)
••La maî­­trise de l’amont : capa­­cité à prendre en compte les contraintes (mar­­ke­­ting, risques,
finan­­ce­­ments, compo­­santes juri­­diques et fis­­cales, logis­­tiques, etc.).
••La maî­­trise de la négo­­cia­­tion  : capa­­cité à prendre en compte les enjeux (compo­­santes
multi­cultu­­relle, tac­­tique, juri­­dique, marge de négo­­cia­­tion, etc.).
••La maî­­trise de la réa­­li­­sa­­tion  : capa­­cité d’orga­­ni­­sa­­tion (admi­­nis­­tra­­tion des ventes, coor­­di­­
na­­tion interne/externe, suivi des finan­­ce­­ments, règle­­ments, risques et garan­­ties).
••Le diag­­nos­­tic de capa­­cité à s’implan­­ter sur un ou plu­­sieurs mar­­chés exté­­rieurs, préa­­lable
à la phase 2, s’appuie sur une grille d’ana­­lyse comparable des dif­­fé­­rents points figu­­rant
dans le diag­­nos­­tic fonc­­tion­­nel et dans le diag­­nos­­tic séquen­­tiel, fai­­sant res­­sor­­tir les forces
et les fai­­blesses de l’orga­­ni­­sa­­tion envi­­sa­­geant de s’enga­­ger de façon durable dans un cer­
­tain nombre de zones géo­­gra­­phiques, dans le but de commer­­cia­­li­­ser et/ou de fabri­­quer/d’y
faire fabri­­quer, voire d’y conce­­voir, tout ou par­­tie de ses compo­­sants et de ses pro­­duits
finis.

Au-­delà de modes d’approche peu impliquants – im­port, ex­port, ces­­sion/acqui­­si­­


tion de licence, fran­­chise, etc. –, auto­­ri­­sant es opé­­ra­­tions tests, des erreurs de choix
et per­­met­­tant un retrait rela­­ti­­ve­­ment rapide, comme lors de la phase pré­­cé­­dente
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale, il s’agit ici d’enga­­ger des res­­sources d’un niveau sen­
­si­­ble­­ment plus élevé et, donc, d’assu­­mer les risques liés à chaque choix de loca­­li­­sa­
­tion et à chaque mode de pré­­sence retenu.
Pour pas­­ser à ce stade, il est néces­­saire de répondre à deux impé­­ra­­tifs :
–– pos­­sé­­der des pro­­duits ou des pro­­cé­­dés, confé­­rant des avan­­tages compé­­titifs et pou­­
voir tirer parti de poten­­tiels de mar­­ché ou de condi­­tions de pro­­duc­­tion favo­­rables ;
––pos­­sé­­der une réelle capa­­cité à effec­­tuer les bons choix de loca­­li­­sa­­tion et à assu­­mer
les contraintes de la dis­­tance géo­­gra­­phique, psy­­chique et cultu­­relle, ainsi que des
par­­ti­­cu­­la­­rismes régle­­men­­taires, asso­­ciés à des modes de pré­­sence qui devront, au
cas par cas, s’adap­­ter au mieux aux par­­ti­­cu­­la­­rismes locaux.
• Le diag­­nos­­tic d’implan­­ta­­tion (tableau ci-­dessous), va donc, comme le pré­­cé­­dent,
s’appli­­quer par fonc­­tion, à un niveau d’enjeux et d’exi­­gence plus élevé que ceux
de la phase pré­­cé­­dente. Il requérera donc des res­­sources tan­­gibles (finan­­cières,
tech­­niques, etc.) et intan­­gibles (expé­­rience, réac­­ti­­vité, etc.) plus impor­­tantes. En
outre, il devra consta­­ter l’exis­­tence d’une réelle capa­­cité, de la part des diri­­geants,
à dis­­po­­ser des infor­­ma­­tions indis­­pen­­sables à leurs prises de déci­­sion, à gérer à
dis­­tance et à assu­­rer le mini­­mum de coor­­di­­na­­tion qu’exigent des contextes et des
modes de pré­­sence sou­­vent très dif­­fé­­ren­­ciés.

388
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Cette approche du diag­­nos­­tic comporte donc une dimen­­sion bila­­té­­rale domi­­nante,


entre l’état-­major, dans le pays d’ori­­gine, et cha­­cune des implan­­ta­­tions – dédiée à la
commer­­cia­­li­­sa­­tion, à la pro­­duc­­tion ou aux deux –. Elle peut se décom­­po­­ser et s’éva­
­luer à deux niveaux :
––au niveau du siège, en mesu­­rant, avant tout, sa volonté d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et de
sur­­mon­­ter, en par­­ti­­cu­­lier, les obs­­tacles ins­­ti­­tution­­nels et concur­­ren­­tiels, ainsi que
sa capa­­cité, face aux spé­­ci­­fici­­tés du mar­­ché, à for­­mu­­ler une offre adap­­tée ; ce qui
suppose, aussi, de disposer des compé­­tences fonc­­tion­­nelles qui contri­­bue­­ront à
résoudre les pro­­blèmes de dif­­fé­­rents ordres que sou­­lè­­ve­­ront la mise en place et la
ges­­tion de l’implan­­ta­­tion – ;
––au niveau de chaque implan­­ta­­tion, en véri­­fiant qu’elle dis­­pose – outre des compé­
­tences et moyens four­­nies par le siège – des res­­sources locales suf­­fi­­santes, pour
mettre en œuvre avec effi­­ca­­cité, sur place, l’inser­­tion har­­mo­­nieuse et pro­­fi­­table
d’une base de pro­­duc­­tion et/ou de commer­­cia­­li­­sa­­tion, avan­­ta­­geu­­se­­ment posi­­tion­­
née par rap­­port aux autres acteurs du sec­­teur et propre à assu­­rer à l’orga­­ni­­sa­­tion,
dans le pays d’implan­­ta­­tion, une posi­­tion stable et défen­­dable.

c Repère 7.5
Les points clés du diag­­nos­­tic d’implan­­ta­­tion1
Ana­­lyse de même nature mais plus appro­­fondie que le diag­­nos­­tic fonc­­tion­­nel d’inter­­na­
t­ iona­­li­­sation ini­­tial, avec une insis­­tance par­­ti­­cu­­lière sur les trois élé­­ments sui­­vants :
••La capa­­cité à appré­­cier les risques et les besoins en res­­sources asso­­ciés :
––à chaque choix de pays ;
––à chaque mode de pré­­sence.
••La capa­­cité à mobi­­li­­ser les res­­sources néces­­saires :
––sur le plan financier (inves­­tis­­se­­ment/exploi­­ta­­tion) ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

––dans les autres fonc­­tions de l’entre­­prise (en par­­ti­­cu­­lier, res­­sources humaines).


••La capa­­cité à défi­­nir et déve­­lop­­per une stra­­té­­gie inter­­na­­tionale, en fonc­­tion :
––du sys­­tème de valeurs des diri­­geants et de leurs objec­­tifs d’ensemble ;
––de la culture de l’orga­­ni­­sa­­tion ;
––de sa compé­­titi­­vité glo­­bale et de sa compé­­titi­­vité rela­­tive compa­­rée à la concur­­rence ;
––du degré d’expé­­rience qu’elle aura atteint dans son espace de réfé­­rence/d’expan­­sion.

1.  Adapté de : G. Petit, docu­­ment péda­­go­­gique EAP/INT.

389
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Au niveau du siège

Compétences managériales
Volonté de et fonctionnelles Capacité à formuler
s’internationaliser Ressources financières une offre adaptée
et techniques

Contraintes Conditions Contraintes de Contraintes


Concurrence distribution :
institutionnelles de production consommateurs
locale et logistique,
(lois, normes, (coûts, qualité, (goûts, prix,
étrangère publicité, SAV
etc.) etc.) etc.)

Au niveau local

Figure 7.5 – Diag­­nos­­tic d’implan­­ta­­tion : capa­­cité de l’orga­­ni­­sa­­tion à assu­­mer


et à inté­­grer les contraintes spé­­ci­­fiques à cha­­cune de ses loca­­li­­sa­­tions

Tableau 7.2 – L’appli­­ca­­tion du diag­­nos­­tic fonc­­tion­­nel


Diagnostic fonctionnel
Comin Asia : forces et faiblesses
FONCTIONS CLÉS Caractéristiques spécifiques de l’organisation (forces/faiblesses)
–– Excellent niveau de service et prestations « état de l’art »

PRODUIT/ –– Approvisionnements fiables, solutions et suivi « sur mesure »


PRODUCTION –– Excellentes relations avec les fournisseurs clés occidentaux
–– Au contact des technologies environnementales innovantes
–– Excellentes image et réputation régionales
–– Développement du réseau de prescripteurs
MARKETING
–– Accès aux décideurs publics locaux mais influence limitée sur eux
–– Niveau d’« éligibilité » pour certains appels d’offres
–– Gestion financière prudente
–– Souplesse des partenaires clé
FINANCE –– Niveau d’exposition aux risques (crédit, change, inflation…)
–– Niveau de fonds de roulement
–– Capacité à lever des fonds pour financer l’expansion
–– Management attentif, ambiance familiale
STRAT/R.H./ORGA. –– Capacité à faire face à une croissance exponentielle
–– Capacité d’ajustement aux contraintes organisationnelles et RH de la croissance

390
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

• Le diag­­nos­­tic de multinationalisation (capa­­cité à mener un déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­


­tional inté­­gré), préa­­lable à l’enga­­ge­­ment dans la phase 3, cherche à éva­­luer la capa­­cité
de l’orga­­ni­­sa­­tion, ayant déjà maî­­trisé la phase d’implan­­ta­­tion locale puis multi-­locale,
à tra­­vers un cer­­tain nombre de loca­­li­­sa­­tions, à les inté­­grer plus effi­­ca­­ce­­ment, en fai­­sant
jouer, entre elles, d’une part, entre elles et le siège, d’autre part, les syner­­gies latentes
ou poten­­tielles. À ce stade le diag­­nos­­tic répond à trois objec­­tifs :
––iden­­ti­­fier ces syner­­gies latentes ou poten­­tielles (pour le « lis­­sage » des charges de
pro­­duc­­tion, l’inté­­gra­­tion des sys­­tèmes d’infor­­ma­­tion, l’amé­­lio­­ra­­tion des cir­­cuits
logis­­tiques, la mise en commun d’approches pro­­mo­­tion­­nelles ori­­gi­­nales et, plus
géné­­ra­­le­­ment, le par­­tage des bonnes pra­­tiques, etc.) ;
––mettre en évi­­dence les domaines ou les fonc­­tions dans les­­quels des avan­­tages
peuvent être obte­­nus d’une meilleure coor­­di­­na­­tion ou d’une meilleure struc­­tu­­ra­­
tion (réduc­­tion de l’expo­­si­­tion au risque de change, opti­­mi­­sation fis­­cale, valo­­ri­­sa­
­tion de la recherche ou des pro­­ces­­sus indus­­triels, etc.) ;
––recen­­ser les atouts de l’orga­­ni­­sa­­tion pour en tirer pro­­fit ainsi que les lacunes à
combler, pour y sup­­pléer, tant en termes de compé­­tences (fis­­cales, juri­­diques)
qu’en termes de moyens (finan­­ciers, tech­­niques, etc.) ou de résis­­tances psy­­chiques
et cultu­­relles (à carac­­tère natio­­nal, cor­­po­­ra­­tiste, fonc­­tion­­nel..).
Quelle que soit la phase d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion, on ne pourra se
contenter d’effec­­tuer cet exa­­men atten­­tif de ses forces et de ses fai­­blesses fonc­­tion­­
nelles en consi­­dé­­rant celle-­ci iso­­lé­­ment. Il sera néces­­saire, d’une part, de la compa­
­rer à un cer­­tain nombre d’autres orga­­ni­­sa­­tions qui feront, pour elle, réfé­­rence, et,
d’autre part, d’effec­­tuer cette compa­­rai­­son en par­­tant des prin­­ci­­paux fac­­teurs clés
de suc­­cès (FCS) rele­­vés lors de de l’ana­­lyse externe menée dans l’espace de réfé­­
rence retenu, lors de l’étape pré­­cé­­dente de l’audit.

2.2  Le degré de maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès par l’orga­­ni­­sa­­tion


Pour cette der­­nière étape, conclusive, du diag­­nos­­tic d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, le
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recours à l’ana­­lyse externe per­­met­­tra :


––de déter­­mi­­ner les acteurs de réfé­­rence les plus signi­­fi­­ca­­tifs opé­­rant dans l’espace
de réfé­­rence consi­­déré ;
––de mesu­­rer, pour cha­­cun d’entre eux et pour l’orga­­ni­­sa­­tion auditée, leur degré de
maî­­trise des dif­­fé­­rents fac­­teurs clés de suc­­cès rete­­nus dans le cadre de l’ana­­lyse
externe.
La mesure du niveau de maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès par l’orga­­ni­­sa­­tion
dans l’espace de réfé­­rence géo-­sectoriel et/ou d’expan­­sion consi­­déré pourra ins­­pi­­
rer direc­­te­­ment la for­­mu­­la­­tion de sa stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
Elle pourra, notam­­ment, faire res­­sor­­tir, en fonc­­tion des FCS les plus impor­­tants
mis en évidence par l’ana­­lyse externe, ses atouts à valo­­ri­­ser et ses han­­di­­caps à
combler, en jau­­geant, notam­­ment, sur un mode compa­­ra­­tif :

391
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

––sa soli­­dité finan­­cière et sa capa­­cité de lever des fonds loca­­le­­ment ou à l’exté­­rieur,


compte tenu de l’impor­­tance des inves­­tis­­se­­ments requis, pour le rachat de struc­­
tures exis­­tantes (crois­­sance externe / brownfield), ou l’éta­­blis­­se­­ment ex nihilo
d’une nou­­velle implan­­ta­­tion (crois­­sance orga­­nique / greenfield) ;
––la qua­­lité de son image dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion consi­­déré1;
laquelle per­­met­­tra aux orga­­ni­­sa­­tions qui peuvent s’en pré­valoir d’en tirer parti vis-
­à-vis de la concur­­rence locale ou étran­­gère ;
––sa capa­­cité d’inno­­va­­tion, de créa­­ti­­vité ou de réac­­ti­­vité2, lui per­­met­­tant de se posi­
­tion­­ner plus avan­­ta­­geu­­se­­ment vis-­à-vis des seg­­ments de clien­­tèle cibles ;
––les appuis par­­ti­­cu­­liers dont elle béné­­fi­­ciera, de la part des auto­­ri­­tés (ou des ins­­
ti­­tutions finan­­cières) de son pays d’ori­­gine3 ; comme sa capa­­cité à mobi­­li­­ser
concours, aides et sub­­ven­­tions, de la part de cer­­tains orga­­nismes inter­­na­­tionaux4.
Le niveau de maî­­trise de ces dif­­fé­­rents fac­­teurs clés de suc­­cès varie, à la fois,
d’une orga­­ni­­sa­­tion à l’autre (comme d’un DAS à l’autre) et, pour chaque orga­­ni­­sa­­
tion – du moins pour les plus largement déployées géo­­gra­­phi­­que­­ment –, d’un espace
de réfé­­rence à l’autre. Il sera donc néces­­saire pour une orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée, de
le mesu­­rer dans chaque espace géo-­sectoriel retenu en compa­­rai­­son avec celui des
concurrents de réfé­­rence qui y opèrent, en éta­­blis­­sant son « pro­­fil de maîtrise des
fac­­teurs clés de suc­­cès » lui per­­met­­tant de se compa­­rer à eux (voir figure 7.6).
Le cas de Com­in Asia, per­­met d’effec­­tuer cette éva­­lua­­tion dans le cadre d’une
approche, sinon « foca­­li­­sée », du moins cir­­conscrite à la pénin­­sule indo­­chi­­noise et
à la région du «  Grand Mékong  », en fonc­­tion des FCS iden­­ti­­fiés appli­­qués aux
acteurs de réfé­­rence qui y ont été repé­­rés5.
Elle peut, tout aussi bien, être envi­­sa­­gée dans le cadre d’une approche « tous azi­­
muts », dans un cadre géo­­gra­­phique moins homo­­gène, comme dans le cas d’appli­­ca­­tion
pro­­posé en fin de cha­­pitre pour l’entre­­prise argen­­tine lea­­der mon­­diale de la confi­­se­­rie,

1.  Comme celle des voi­­tures alle­­mandes, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment haut de gamme, aux États-­Unis ou des pro­­duits de
luxe fran­­çais, au Japon et aux États-­Unis
2.  Comme pour la télé­­pho­­nie mobile, dans les économies en croissance rapide, alors même que les besoins sont
en aug­­men­­ta­­tion expo­­nen­­tielle, (comme dans de nom­­breux pays d’Asie du Sud-­Est)
3.  Lorsque, par exemple, des pro­­to­­coles finan­­ciers favo­­risent cer­­tains types d’opé­­ra­­tions d’expor­­ta­­tion ou
d’infra­­struc­­ture, en les subventionnant directement, (ainsi, l’équi­­pe­­ment de cer­­tains pays en déve­­lop­­pe­­ment, parmi
les plus pauvres, dans le cadre de l’OCDE) 
4.  À carac­­tère régio­­nal (Banque euro­­péenne d’inves­­tis­­se­­ment, BERD, etc.) ou mon­­dial (Banque mon­­diale, AID,
Société finan­­cière inter­­na­­tionale, etc.)
5.  Dans le cadre d’une approche «foca­­li­­sée», il aurait été aussi pos­­sible d’effec­­tuer cette même compa­­rai­­son
– pour L’Oréal, opé­­rant dans le sec­­teur des cos­­mé­­tiques, en Inde, (cas intro­­duc­­tif du Chapitre 6)
– pour Big C (Casino), dans le sec­­teur de la grande dis­­tri­­bu­­tion au Vietnam, pour « La Cimen­­te­­rie Natio­­nale
(Liban) » (à paraître, l’un et l’autre, à la CCMP, voir bibliographie),
– ou encore, pour Elton, dans celui de la dis­­tri­­bu­­tion d’hydro­­car­­bures dans la «sous région», de l’Afrique de
l’Ouest fran­­co­­phone (exemple 4.13, pré­­senté dans le Chapitre 4).

392
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Arcor1. L’approche sera simi­­laire, mais dans un espace géo-sec­­to­­riel beau­­coup plus
large, cou­­vrant l’ensemble des zones et impli­­quant les prin­­ci­­paux acteurs mon­­diaux.
Dans les deux cas – et, tout d’abord, celui de Com­in Asia, ci-­dessous –, on repére­ra
donc les fac­­teurs clés de suc­­cès à maî­­tri­­ser selon qu’ils sont liés à l’offre ou à la
demande et les acteurs de réfé­­rence à rete­­nir (c’est-­à-dire, outre l’orga­­ni­­sa­­tion auditée,
ceux qui sont les plus repré­­sen­­ta­­tifs de la concur­­rence). On en déduira donc, pour
celle-­ci, les FCS qui peuvent être consi­­dé­­rés comme des avan­­tages compé­­titifs dans la
mesure où cette orga­­ni­­sa­­tion les maî­­trise mieux que ses compé­­ti­­teurs de réfé­­rence.

Exemple 7.8 – Com­in Asia (4), le degré de maîtrise des fac­­teurs clés de suc­­cès
Dans son espace de réfé­­rence du Sud Est asia­­tique, Com­in Asia, se trouve confron­­tée à
plu­­sieurs groupes prin­­ci­­paux d’acteurs :
–– Les acteurs locaux, le plus sou­­vent de petite taille, comme au Cambodge, qui dis­­posent
de deux avan­­tages compé­­titifs prin­­ci­­paux, liés, l’un comme l’autre, à la demande :
––d’une part, leur inser­­tion dans les réseaux locaux (notam­­ment dans les cercles du
pou­­voir), qui leur per­­met de béné­­fi­­cier d’un accès pri­­vi­­lé­­gié aux déci­­deurs, comme
de tirer parti de leur « proxi­­mité cultu­­relle » ;
––d’autre part, leur plus grande compé­­titi­­vité prix (aux dépens de la qua­­lité, par­­fois).
–– Les acteurs ori­­gi­­naires de la Triade, compa­­rables à Com­in Asia, mais, presque tou­­
jours de plus grande taille, comme Cegelec, du groupe Vinci, lequel est par­­fois son
client, mais qui n’est pas direc­­te­­ment implanté sur place, et le groupe RM Asia, repre­
­neur de Com­in Asia en 2011, très présent au Cambodge, mais moins présent au
Vietnam. L’un et l’autre présentent des complé­­men­­ta­­ri­­tés avec Com­in Asia : très com­
pa­­rables à elle pour les FCS liés à la demande, pou­­vant seule­­ment être plus compé­­titifs
en prix du fait de leur taille et de leur capa­­cité de négo­­cia­­tion des appro­­vi­­sion­­ne­­ments.
L’un et l’autre sont mieux posi­­tion­­nés pour les FCS liés à l’offre, dans la mesure où ils
pos­­sèdent une taille et une sur­­face finan­­cière bien supé­­rieure. Bien enga­­gés dans la
phase de multi­natio­­na­­li­­sation, ils dis­­posent d’exper­­tises orga­­ni­­sa­­tion­­nelles de tout pre­
­mier plan, dans le cadre d’un déploie­­ment géo­­gra­­phique et à un niveau d’inté­­gra­­tion
déjà très déve­­loppé.
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D’autres groupes concur­­rents, non pris en compte dans la figure ci-­dessus, seraient à
consi­­dé­­rer dans les années à venir, comme les grands groupes d’ingé­­nie­­rie régio­­naux
– chi­­nois, indiens, mais aussi, thaïs, malaisiens, indo­­né­­siens, etc. –, qui entre­­raient dans
la caté­­go­­rie des « cham­­pions inter­­na­­tionaux » des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide. Dans
le contexte d’ouver­­ture de la région (cf. ASEAN) ils peuvent déjà sou­­mis­­sion­­ner aux
appels d’offres de l’espace de réfé­­rence retenu, en pré­­sen­­tant les avan­­tages compé­­titifs,
à la fois, compa­­rables à ceux des groupes locaux, comme à ceux des groupes ori­­gi­­naires
de la Triade ; quoique, dans l’un et l’autre cas, là encore, à un moindre niveau.

1.  Dans le cadre d’une approche «tous azi­­muts», il aurait été aussi pos­­sible de le faire de même - pour Cemex,
pour le sec­­teur cimen­­tier mon­­dial (cas intro­­duc­­tif du Chapitre 1),
– pour ESCP Europe et le sec­­teur glo­­bal de l’ensei­­gne­­ment supé­­rieur de ges­­tion.
– pour HP, pour le sec­­teur glo­­bal des PC et ter­­mi­­naux infor­­ma­­tiques (Cas d’appli­­ca­­tion du Chapitre 5)
– ou encore pour Yara, pour le sec­­teur glo­­bal des engrais (cas d’appli­­ca­­tion du Chapitre 8)

393
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Maitrise comparative des facteurs clés de succès


Comin Asia face à ses concurrents dans son espace de référence (avant 2011)

FCS À MAÎTRISER 1 2 3 4 5

Qualité de l’offre technique

Image/Fiabilité contractuelle

Insertion réseaux locaux

Compétitivité prix

Surface financière / « Eligibilité »

Couverture géographique

Financement du développement

Adaptabilité organisationnelle

Acteur Comin RM
Facteur clé de succès lié à la demande local Asia
Facteur clé de succès lié à l’offre Asia

DEGRÉ DE MAITRISE DES FCS - +

J.-P. Lemaire

Figure 7.6 – Le « pro­­fil demaî­­trise des FCS »

À l’issue de cette ana­­lyse interne per­­met­­tant de pas­­ser en revue, sur un plan dyna­­
mique, les dif­­fé­­rentes dimen­­sions de l’orga­­ni­­sa­­tion auditée, doivent res­­sor­­tir plus clai­
­re­­ment, tout d’abord les avan­­tages compé­­titifs tra­­dui­­sant les atouts que celle-­ci a su
déjà mettre à pro­­fit dans l’espace de réfé­­rence d’expan­­sion retenu, comme les han­­di­­
caps qui lui res­­tent à combler qui participeront de la formulation de la SDI.

Section
2 La for­­mu­­la­­tion de la stratégie
d’internationalisation
Ce sera l’objet de cette nou­­velle étape de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation que de
mettre en évi­­dence les orien­­ta­­tions majeures à envi­­sa­­ger dans l’espace de
réfé­­rence/d’expan­­sion retenu – sans pré­­ju­­dice des ajus­­te­­ments ou des révi­­sions pro­­
fondes à opé­­rer au niveau des fina­­li­­tés ou options de base de son modèle d’affaire et
de son sys­­tème de gou­­ver­­nance adop­­tés jusque-­là –. Il sera, dès lors, pos­­sible de défi­
­nir ou de redé­­fi­­nir les orien­­ta­­tions de son déve­­lop­­pe­­ment à consi­­dé­­rer régu­­liè­­re­­ment
– sinon de façon per­­ma­­nente – dans cet espace (« Quoi ? », « Où ? », « Quand ? » et
« Comment ? »), sans perdre de vue les évo­­lu­­tions paral­­lèles de ses options de base,
autre­­ment dit de son modèle d’affaire et de sa stra­­té­­gie d’ensemble.

394
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

1  La mise en évi­­dence des orien­­ta­­tions majeures


dans l’espace de réfé­­rence

Avant de per­­mettre de défi­­nir (ou de redé­­fi­­nir), plus pré­­ci­­sé­­ment, les orien­­ta­­tions


majeures de la Stra­­té­­gie d’Inter­­na­­tiona­­li­­sation (SDI), le diag­­nos­­tic d’inter­­na­­tiona­­
li­­sation, à tra­­vers la mise en évi­­dence des avan­­tages à valo­­ri­­ser et des han­­di­­caps à
combler, conduit à reconsi­­dérer le modèle d’affaire de l’orga­­ni­­sa­­tion dans l’espace
de réfé­­rence ou d’expan­­sion retenu. Ce qui peut, si néces­­saire, aller jus­­qu’à remettre
en cause son sys­­tème de gou­­ver­­nance.
Les objec­­tifs de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation découlent, en effet, des options de
base rele­­vant, elles-­mêmes, des fina­­li­­tés de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée, telles qu’elles
s’expriment à tra­­vers sa poli­­tique géné­­rale et, de manière plus for­­melle, de sa stra­­té­­gie
d’ensemble. Elles consti­­tuent des réponses, plus ou moins nuan­­cées, à quelques alter­
­na­­tives fon­­da­­men­­tales : pru­­dence ou audace (orga­­ni­­sa­­tion « réac­­tive » ou « proactive »1),
ren­­ta­­bi­­lité ou masse cri­­tique, mono acti­­vité ou multi-acti­­vi­­tés, court ou long terme,
crois­­sance externe ou crois­­sance interne, auto­­no­­mie ou par­­te­­na­­riat, etc.
En plus des carac­­té­­ris­­tiques propres de l’orga­­ni­­sa­­tion, son espace d’expan­­sion géo-­
sectoriel aura une influ­­ence déci­­sive sur les orien­­ta­­tions rete­­nues  : Huawei ou une
entre­­prise vini­­cole argen­­tine dans une perspec­­tive de déve­­lop­­pe­­ment mon­­dial, L’Oréal,
en Inde, ou Com­in Asia, dans une perspec­­tive sub­conti­­nen­­tale indochi­­noise, n’auraient,
a priori, que très peu de choses en commun. Elles ont, cepen­­dant, les unes comme les
autres, à prendre posi­­tion sur leurs orien­­ta­­tions inter­­na­­tionales, et ces choix pour­­ront
entraî­­ner des remises en cause plus fon­­da­­men­­tales de leurs options de base.

1.1 L’inter­­ac­­tion entre fina­­li­­tés/options de base de la stra­­té­­gie


d’ensemble et orien­­ta­­tions inter­­na­­tionales
La double ana­­lyse, interne et externe, qui vient d’être menée dans le cadre de
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l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ne per­­met pas seule­­ment de des­­si­­ner les orien­­ta­­tions


stra­­té­­giques inter­­na­­tionales de l’orga­­ni­­sa­­tion qu’elles sug­­gèrent et de faci­­li­­ter la
(re)for­­mu­­la­­tion de la SDI. Elle peut éga­­le­­ment contri­­buer à inflé­­chir ou, même, à
remettre en ques­­tion les options de base qui sous-­tendent son modèle d’affaire, sa
stra­­té­­gie d’ensemble comme sa gou­­ver­­nance.
S’agis­­sant, tout d’abord, des fina­­li­­tés de l’orga­­ni­­sa­­tion, l’exemple de Com­in Asia
illustre une situa­­tion très habi­­tuelle pour une entité qui a connu en très peu de temps
un déve­­lop­­pe­­ment aussi remar­­quable :
• Conci­­lier masse cri­­tique et ren­­ta­­bi­­lité est devenu pour cette orga­­ni­­sa­­tion, une pré­­
oc­­cu­­pa­­tion majeure, à tra­­vers la contrainte « d’éli­­gi­­bilité » impo­­sée par les don­­
neurs d’ordre qui sou­­haitent s’assu­­rer de la capa­­cité de leurs pres­­tataires ou

1.  Cf. figure 5.4 « Orga­­ni­­sa­­tion réac­­tive ou pro active face à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale ? »
395
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

adju­­di­­ca­­taires d’appel d’offres d’assu­­mer leurs enga­­ge­­ments jus­­qu’au bout, en dis­


­po­­sant des res­­sources néces­­saires. Cette contrainte met en évi­­dence pour celle-­ci sa
taille et sa profitabilité encore insuf­­fi­­santes et irré­­gu­­lières. Ce qui ren­­voie – à une
toute autre échelle –, à d’autres sec­­teurs, comme l’auto­­mo­­bile, où cer­­tains construc­
­teurs euro­­péens, comme PSA, chal­­len­­ger plus que lea­­der mon­­dial, n’ont pas
encore trouvé les voies leur per­­met­­tant de redé­­ployer leur pro­­duc­­tion et leur
commer­­cia­­li­­sa­­tion à une échelle suf­­fi­­sam­­ment large, en déve­­lop­­pant leur por­­te­­
feuille de marques, pour « lis­­ser » leurs ventes à un niveau de pro­­duc­­tion leur assu­
­rant une profitabilité régu­­lière. Ce à quoi, en revanche, est par­­venue Volkswagen1,
en se pla­­çant dura­­ble­­ment en tête des lea­­ders mon­­diaux, et en pou­­vant pré­­tendre,
simul­­ta­­né­­ment, à la crois­­sance de ses parts de mar­­ché et de sa ren­­ta­­bi­­lité.
• Ména­­ger le long terme par rap­­port au court terme n’était guère un choix facile pour
Com­in Asia, en dépit d’une gou­­ver­­nance fami­­liale tout à la fois pru­­dente, sachant
sai­­sir les oppor­­tu­­ni­­tés, et cher­­chant constam­­ment à anti­­ci­­per. Il lui a fallu prendre
en compte des trans­­for­­ma­­tions très rapides dans un envi­­ron­­ne­­ment géo-­sectoriel,
somme toute, assez étroit : la réac­­ti­­vité et l’empi­­risme ont donc été de règle, même
si cer­­taines constantes, comme le souci de la qua­­lité, la pré­­oc­­cu­­pa­­tion de la rela­­tion
client, la volonté de valo­­ri­­ser le capi­­tal humain, n’ont jamais été remis en ques­­tion.
D’autres orga­­ni­­sa­­tions, comme Huawei, ins­­tal­­lées dans des envi­­ron­­ne­­ments plus
stables et/ou plus sta­­bi­­li­­sés par les auto­­ri­­tés de leur pays d’ori­­gine, dans le cadre
bien éta­­bli d’une poli­­tique de crois­­sance inter­­na­­tionale, ont davan­­tage eu l’oppor­­tu­
­nité de « voir loin » et de se tenir à cette vision, même en période de crise.
• Arbi­­trer entre une gamme large et une gamme étroite de pro­­duits ou de pres­­ta­­tions,
ou encore entre le re­cen­­trage et la diver­­si­­fi­­ca­­tion : Com­in Asia, tout en res­­tant fidèle
à son acti­­vité de ser­­vices d’ingé­­nie­­rie très tôt adop­­tée, n’a cessé d’élar­­gir sa gamme
de pres­­ta­­tions, en fonc­­tion de l’évo­­lu­­tion des besoins d’une clien­­tèle qui évo­­luait,
elle-­même, très vite, non seule­­ment au niveau des appli­­ca­­tions pro­­duits et des tech­
­no­­logies2, mais aussi des dif­­fé­­rents attentes de la clien­­tèle (impor­­ta­­tion, ins­­tal­­la­­tion,
main­­te­­nance). Cette stra­­té­­gie B to B, est bien dif­­fé­­rente de celle de Danone, dans son
sec­­teur B to C, qui n’a cessé au fil des années, sous la pres­­sion de la concur­­rence, de
se recen­­trer vers des pro­­duits à plus forte valeur ajou­­tée pour le client, pour s’assu­­rer
dans des acti­­vi­­tés, certes, plus étroites, un lea­­der­­ship mon­­dial.
• Combi­­ner crois­­sance interne et crois­­sance externe ou déve­­lop­­pe­­ment auto­­nome et
par­­te­­na­­riat  : Com­in Asia, comme orga­­ni­­sa­­tion de pres­­ta­­tion de ser­­vices a fort
contenu tech­­nique a plu­­tôt pri­­vi­­lé­­gié la crois­­sance orga­­nique, non sans recou­­rir au
par­­te­­na­­riat – comme, en Thaïlande, ou avec PCS, pour la main­­te­­nance – lorsque
les spé­­ci­­fici­­tés de la zone géo­­gra­­phique ou la nou­­veauté de l’acti­­vité déve­­lop­­pée
néces­­si­­tait des compé­­tences qu’elle ne pos­­sé­­dait pas –. C’est d’ailleurs dans cette
même logique que s’ins­­crit – entre autres jus­­ti­­fi­­cations – son acqui­­si­­tion par RM

1.  Cf. cas d’appli­­ca­­tion, chapitre 3 : le sec­­teur auto­­mo­­bile euro­­péen, ceux qui rient et ceux qui pleurent.
2.  Voir, supra, sec­­tion 1, tableau des DAS de Com­in Asia.

396
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Asia. Dans d’autres sec­­teurs, comme la banque, la crois­­sance externe peut être
sys­­té­­ma­­ti­­que­­ment pri­­vi­­lé­­giée, sur­­tout dans les zones où le mar­­ché est déjà saturé
ou celles, plus émergentes, où les auto­­ri­­tés esti­­ment – comme au Mexique ou en
Europe de l’Est – que la prise de contrôle par des acteurs issus ces éco­­no­­mies
matures est le meilleur moyen de mettre rapi­­de­­ment le sec­­teur à niveau1.
Ces exemples, comme ceux de bien d’autres orga­­ni­­sa­­tions, per­­mettent aussi de
sou­­li­­gner que ces fina­­li­­tés et options de base qui sous-­tendent le modèle d’affaire
s’ins­­crivent dans une logique qui pro­­cède aussi bien de l’ana­­lyse externe que de
l’ana­­lyse interne et expliquent les ajus­­te­­ments qui peuvent affec­­ter et faire évo­­luer
ce modèle de façon pro­­gres­­sive et même, par­­fois rapi­­de­­. Ils sou­­lignent donc la
remise en cause per­­ma­­nente des options de base du modèle d’affaire de l’orga­­ni­­sa­
­tion que sus­­cite l’ouver­­ture inter­­na­­tionale.

Rentabilité /
Recentrage / Masse critique
Court/Long
Diversification
terme

FINALITÉS
Préférences permanentes
des dirigeants Autonomie/
Croissance
Culture d’entreprise Partenariat
externe/organique
Attitude vis-à-vis du risque

Environnement géo-sectoriel Diagnostic international


Pressions Internationalisation
Politico Pressions Avantages Initiale
réglementaires technologiques à valoriser
Enjeux Évaluation Développement local
géosectoriels par fonction ou multi-local
Lacunes à Multinationalisation
combler
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Pressions économiques et sociales

Modalités de valorisation :
- des avantages spécifiques
- des avantages de localisation
- des avantages d’internalisation

Déclinaison des objectifs d’internationalisation :


Produits et processus à privilégier (Quoi ?)
Localisations cibles à sélectionner (Où ?)
Rythme à imprimer au développement (Quand ?)
Modes d’entrée à adopter et à faire évoluer au fil du temps (Comment ?)

J.-P. Lemaire

Figure 7.7 – Le modèle d’affaire de l’orga­­ni­­sa­­tion à l’épreuve


de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale

1.  Voir chapitre 8, le choix des modes de pré­­sence.

397
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

1.2  Les orientations stra­­té­­giques inter­­na­­tionales


Si l’orga­­ni­­sa­­tion modi­­fie ses options de base, cela signi­­fie, dans la plu­­part des cas,
qu’elle aura dû prendre en compte un chan­­ge­­ment majeur de son envi­­ron­­ne­­ment
inter­­na­­tional (soit les pres­­sions externes s’exer­­çant sur son sec­­teur, soit, à l’inté­­rieur
même du sec­­teur, les ini­­tiatives de ses concur­­rents). Ces chan­­ge­­ments seront dif­­fé­­
rents en fonc­­tion des types d’orga­­ni­­sa­­tions et des espaces géo-­sectoriels dans les­­
quels elles évo­­luent, comme dans les exemples sui­­vants :
• Pour une entre­­prise qui a grossi très vite, comme Com­in Asia, dans son espace
géo-­sectoriel du sud-est asia­­tique, carac­­té­­risé par l’ouver­­ture rapide de nou­­veaux
pays à l’éco­­no­­mie de mar­­ché et l’inten­­si­­fi­­ca­­tion pré­­vi­­sible de la concur­­rence, ce
sera la néces­­sité de béné­­fi­­cier d’une base finan­­cière plus solide et d’une orga­­ni­­sa­
­tion plus struc­­tu­­rée et plus diver­­si­­fiée, au prix de son auto­­no­­mie.
• Pour la plu­­part des banques de détail encore saines, comme les socié­­tés de ser­­vice
finan­­cier issues d’éco­­no­­mies matures – dont nombre ont été ébran­­lées par la crise,
comme par la dé/re régle­­men­­ta­­tion inter­­na­­tionale, l’inté­­gra­­tion des mar­­chés finan­
­ciers – le rachat de parts de mar­­ché dans leur espace de réfé­­rence tra­­di­­tion­­nel ou
dans des zones à fort poten­­tiel aux niveaux de risques accep­­tables – pourra, pour
les plus solides, rester un axe de crois­­sance multi-­locale envi­­sa­­geable ; pour les
autres, il fau­­dra envi­­sa­­ger de réduire la voi­­lure, dans leurs espaces de réfé­­rence
exté­­rieurs et, même, par­­fois, dans leur espace domes­­tique ou de proxi­­mité.
• Pour les construc­­teurs auto­­mo­­biles, l’ouver­­ture des mar­­chés et l’irrup­­tion des
acteurs les plus dyna­­miques du sec­­teur dans leurs chasses gar­­dées, les «  trous
d’air  » qui affectent leurs ventes et menacent la péren­­nité de leurs sites, les
conduisent à accen­­tuer leurs efforts sur les coûts, en mutualisant leurs res­­sources
avec celles de concur­­rents des éco­­no­­mies matures, comme émergentes, en remet­
­tant en ques­­tion les sché­­mas de crois­­sance auto­­nomes qui avaient pré­­cé­­dem­­ment
pré­­valu dans leur modèle d’affaire.
Ces chan­­ge­­ments de l’envi­­ron­­ne­­ment peuvent se tra­­duire pour l’organisation par
dif­­fé­­rentes ten­­dances « lourdes », iden­­ti­­fiées par l’ana­­lyse externe. Ainsi, le niveau
d’émer­­gence/de matu­­rité/de déclin de son secteur, induisant le degré d’attractivité
ou d’incer­­ti­­tude de son deve­­nir, peut même déter­­miner la réorien­­ta­­tion de ses acti­­
vi­­tés « cœur » / core busi­­ness1. L’évo­­lu­­tion des men­­ta­­li­­tés, des usages et des régle­­
men­­ta­­tions, ont, par exemple, orienté – certes, par­­tiel­­le­­ment – Philip Morris vers
l’agro­ali­­men­­taire ou Pernod-­Ricard, vers les bois­­sons non alcoo­­li­­sées. L’impact
crois­­sant de la nota­­tion finan­­cière (rating), comme l’influ­­ence des ana­­lystes finan­­
ciers, ren­­forcent l’impor­­tance de « l’image finan­­cière » des orga­­ni­­sa­­tions et obligent
nombre d’entre elles, si elles sont cotées, à don­­ner très clai­­re­­ment la priorité à la
recherche de ren­­ta­­bi­­lité.

1.  Comme, l’aban­­don de l’acti­­vité bis­­cuits par Danone, en 2007, pour un re­cen­­trage sur le pôle santé, la nutri­­tion
infan­­tile et médi­­cale.

398
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

En défi­­ni­­tive, ces trois séries de fac­­teurs – les fina­­li­­tés1 de l’organisation, son envi­
­ron­­ne­­ment géo-­sectoriel2 et diag­­nos­­tic inter­­na­­tional3 faisant remonter son niveau de
ressource –, déter­­minent les grandes orien­­ta­­tions à l’inter­­na­­tional, en agis­­sant sur les
trois séries d’avan­­tages mis en évi­­dence par la «  théo­­rie éclec­­tique, OLI  »4, pour
pré­­ci­­ser les orien­­ta­­tions qui struc­­tu­­re­­ront la for­­mu­­la­­tion de la SDI :
––l’avan­­tage spé­­ci­­fique, en pre­­nant posi­­tion sur la nature des acti­­vi­­tés à pri­­vi­­lé­­gier,
des pres­­ta­­tions et/ou des pro­­duits et ser­­vices, leur renou­­vel­­le­­ment, leur qua­­lité,
leur déve­­lop­­pe­­ment ; ce qu’a recher­ché Com­in Asia, en déve­­lop­­pant, par exemple,
ses offres dans le domaine des éner­­gies renou­­ve­­lables ;
––l’avan­­tage de loca­­li­­sa­­tion, en élar­­gis­­sant (ou en res­­trei­­gnant) l’espace de réfé­­
rence, en fonc­­tion de l’évo­­lu­­tion de l’attractivité que pré­­sentent les dif­­fé­­rents
zones géo-­sectoriels acces­­sibles pour l’orga­­ni­­sa­­tion ; comme ce pour­­rait être bien­
­tôt le cas, pour Com­in Asia, si, entre autres oppoprtunités géographiques, l’ouver­
­ture et la démo­­cra­­ti­­sation de Myanmar se confir­­mait ;
––l’avan­­tage d’inter­­na­­li­­sa­­tion, en condui­­sant à une coor­­di­­na­­tion, har­­mo­­ni­­sa­­tion et
opti­­mi­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion ; ce qui dans notre exemple procéderait de l’inté­­gra­
­tion de Com­in Asia au groupe RM Asia, en termes de complé­­men­­ta­­rité de gamme
et d’implan­­ta­­tions locales, de syner­­gies commer­­ciales, comme d’opti­­mi­­sation de
la chaîne de valeur.
Ces orien­­ta­­tions stra­­té­­giques inter­­na­­tionales se décli­­ne­­ront donc dans le cadre de
la for­­mu­­la­­tion stra­­té­­gique d’ensemble à appli­­quer dans l’espace de réfé­­rence et/ou
d’expan­­sion retenu par l’orga­­ni­­sa­­tion, comme en termes de,
––pro­­duits et pro­­ces­­sus à pri­­vi­­lé­­gier (Quoi ?) ;
––loca­­li­­sa­­tions cibles à sélec­­tion­­ner, pour vendre et/ou pour pro­­duire (Où ?) ;
––rythme à impri­­mer au déve­­lop­­pe­­ment de l’orga­­ni­­sa­­tion (Quand ?) ;
––modes d’entrée à adop­­ter ou à faire évo­­luer au fil du temps (Comment ?).
Pourquoi ?
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Quoi ? Où ?

SDI

Quand ? Comment ?

Figure 7.8 – Le cadre de la for­­mu­­la­­tion de la stratégie d’internationalisation (SDI).

1.  Cf. Cha­­pitre 5


2.  Cf. Cha­­pitre 6
3.  Cf. sec­­tion 1 du présent chapitre.
4.  Voir théo­­rie OLI, chapitre 4

399
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

2  La for­­mu­­la­­tion de la SDI dans l’espace de réfé­­rence

Comme abou­­tis­­se­­ment des étapes pré­­cé­­dentes, la for­­mu­­la­­tion de la SDI s’attache


donc à décli­­ner les orien­­ta­­tions de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation dans l’espace de réfé­­rence
ou d’expan­­sion retenu, qui s’ins­­crivent dans la logique de l’ana­­lyse externe, puis
interne, menées pré­­cé­­dem­­ment :
––elles déter­­mi­­nant les types de stra­­té­­gie que l’on va mettre en œuvre (Pour­­quoi ?) ;
––en répon­­dant aux ques­­tions sous jacentes à la for­­mu­­la­­tion de la SDI (Quoi ? Où ?
Quand ? Comment ?).

2.1  Le type de stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (Pour­­quoi ?)


À tra­­vers les étapes per­­met­­tant de déter­­mi­­ner les prin­­ci­­pales orien­­ta­­tions de la SDI
se dégagent plu­­sieurs options pos­­sibles.
Plus encore que la cla­­ri­­fi­­ca­­tion qu’apportent ces dis­­tinctions, c’est leur approche
dyna­­mique qui est la plus riche d’ensei­­gne­­ments, dans la mesure où elle per­­met de
sou­­li­­gner les évo­­lu­­tions des SDI les plus sou­­vent obser­­vées et, en consé­­quence, les
modèles que peuvent suivre leur évo­­lu­­tion res­­pec­­tive.
En effet, dans un envi­­ron­­ne­­ment géo-sec­­to­­riel en muta­­tion rapide, les orga­­ni­­sa­­
tions sont sou­­vent conduites à faire évo­­luer leur SDI, tout à la fois sui­­vant une
approche « foca­­li­­sée » (en direc­­tion d’un pays ou d’une région déter­­mi­­née) et sui­­
vant une approche « tous azi­­muts » (en direc­­tion de l’ensemble des pays ou régions
où elles sont ou sou­­haitent être pré­­sentes), sug­­gé­­rant, comme pour Com­in Asia, une
évo­­lu­­tion et une adap­­ta­­tion de ses choix de loca­­li­­sa­­tion, de ses modes de pré­­sence
et de son orga­­ni­­sa­­tion.
Les stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ayant été, pen­­dant long­­temps, plu­­tôt éta­­blies
dans une perspec­­tive de conquête de parts de mar­­ché, dans le cadre du mar­­ke­­ting
inter­­na­­tional ou du mar­­ke­­ting à l’étran­­ger, en lais­­sant au second plan – sans, pour
autant, négli­­ger les autres fonc­­tions de l’entre­­prise – qu’il convient de mettre aussi
en avant.
C’est pour­­quoi, on retrou­­vera ici :
––les stra­­té­­gies qui relèvent, avant tout, d’une volonté de déve­­lop­­pe­­ment des mar­­
chés hors fron­­tières, ou « stra­­té­­gies à domi­­nante mar­­ché », (cor­­res­­pon­­dant à une
approche d’horizontalisation1) ;
––les stra­­té­­gies multi­fonc­­tion­­nelles, qui opti­­misent sur un mode dyna­­mique, dans
une perspec­­tive inter­­na­­tionale, la chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment et de fabri­­ca­­tion
(achats, logis­­tique, R & D, pro­­duc­­tion finance/contrôle, RH, etc.) – sinon la tota­­
lité de ses fonc­­tions (et pri­­vi­­lé­­giant donc une approche de verticalisation).

1.  Cf. Intro­­duc­­tion : Au-­delà des approches tra­­di­­tion­­nelles : de l’horizontalisation à la verticalisation.

400
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Il convient de rap­­pe­­ler aussi que les stra­­té­­gies à domi­­nante mar­­ché opposent1 :


–– des stra­­té­­gies réac­­tives peu impliquantes, occa­­sion­­nelles, « au coup par coup », de sai­
­sie d’oppor­­tu­­ni­­tés – cor­­res­­pon­­dant à la recherche de déve­­lop­­pe­­ments de mar­­ché hors
fron­­tières, dans le cadre de la phase d’internationalisation ini­­tiale, en par­­ti­­cu­­lier – ;
––à des stra­­té­­gies proactives, plus volon­­ta­­ristes et sui­­vies – ou stra­­té­­gies d’implan­­ta­
­tion –, des­­ti­­nées à s’ins­­crire, avec le temps, dans le cadre des phases de déve­­lop­­pe­
­ment local et, ensuite, de multi­natio­­na­­li­­sation. Ces deux stra­­té­­gies peu­­vent tra­­duire
l’atti­­tude des orga­­ni­­sa­­tions vis-­à-vis de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation2 et pré­­sen­­ter un carac­
­tère suc­­ces­­sif, en consi­­dé­­rant les pre­­mières comme l’accès aux secondes.

Tableau 7.3 – Stra­­té­­gies « réac­­tives » / Stra­­té­­gies « proactives »


Stra­­té­­gie réac­­tive Stra­­té­­gie proactive
Défi­­ni­­tion Défi­­ni­­tion large : faibles efforts de Ana­­lyse rigou­­reuse du mar­­ché, de l’envi­­ron­­ne­­
de la cible sélec­­tion, sai­­sie d’oppor­­tu­­ni­­tés ment et de la concur­­rence
Niveau Le strict néces­­saire pour réa­­li­­ser les Niveau élevé pour assu­­rer des posi­­tions
d’enga­­ge­­ment ventes espé­­rées durables et défen­­dables
des res­­sources
Choix du mode Peu impli­­quant3 cf. agent/dis­­tri­­bu­­teur Très impli­­quant, cf. par­­te­­na­­riat majo­­ri­­taire,
d’entrée filiale
Déve­­lop­­pe­­ment des Essen­­tiel­­le­­ment déter­­miné par Défini en fonc­­tion de chaque mar­­ché spé­­ci­­
pro­­duits/ser­­vices l’espace d’ori­­gine fique
Effort d’adap­­ta­­tion Seule­­ment ce qui est exigé par les En fonc­­tion des attentes de la clien­­tèle, des
des pro­­duits règle­­ments et les normes usages, des reve­­nus
Contrôle Super­­fi­­ciel et dis­­tant Suivi étroit en fonc­­tion d’objec­­tifs pré­­cis
de la dis­­tri­­bu­­tion
À par­­tir des coûts complets sur le À par­­tir de l’état de la demande, de la concur­­
Déter­­mi­­na­­tion
mar­­ché domes­­tique, avec des ajus­­te­­ rence, des objec­­tifs de péné­­tra­­tion, autant que
des prix
ments en fonc­­tion du contexte local du niveau des coûts
Pro­­mo­­tion Le plus sou­­vent confiée aux inter­­mé­­ Approche conjointe et contrô­­lée en fonction des
des ventes diaires eux-­mêmes objec­­tifs quanti/quali fixés de façon concer­­tée
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Une typo­­logie de ces approches stra­­té­­giques inter­­na­­tionales « à domi­­nante mar­­


ché » peut s’appuyer sur cette pre­­mière dis­­tinction, en insis­­tant sur quatre variables
prin­­ci­­pales :
––la durée du cycle de vie du pro­­duit, qui défi­­nit son hori­­zon tem­­po­­rel, non seule­­
ment sur son mar­­ché domes­­tique, mais, au-­delà, sur l’ensemble de ses mar­­chés
poten­­tiels ; cette caté­­go­­rie recouvre, notam­­ment, les pro­­duits de mode et les pro­­
duits tech­­niques à obso­­les­­cence rapide (à la dif­­fé­­rence, par exemple, de la plu­­part
des biens d’équi­­pe­­ment) ;

1.  Voir Root, 1987, op. cit.


2.  Cf. cha­­pitre 5, figure 5.4 « Quelle sera l’atti­­tude de l’orga­­ni­­sa­­tion vis-­à-vis de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale ? »
3.  Voir figure 7.13 , « L’évo­­lu­­tion des modes d’entrée/de pré­­sence (Comment ?) »

401
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

––le degré d’acces­­si­­bi­­lité du mar­­ché, qui déter­­mine l’impor­­tance des obs­­tacles ins­­
ti­­tution­­nels ou concur­­ren­­tiels à sur­­mon­­ter ; ce qui peut être illus­­tré par le par­­cours
de longue haleine que doivent suivre les pro­­duits phar­­ma­­ceu­­tiques avant de pou­­
voir se déve­­lop­­per sur de nou­­veaux mar­­chés (du fait des pro­­cé­­dures locales
d’homo­­lo­­ga­­tion/auto­­ri­­sa­­tion de mise sur le mar­­ché) ;
––le niveau d’inves­­tis­­se­­ment à consen­­tir pour espé­­rer conqué­­rir une part de mar­­ché
ou, plus sim­­ple­­ment, vendre son pro­­duit dans une nou­­velle zone, à l’étran­­ger  ;
cer­­tains mar­­chés géo­­gra­­phiques, comme les États-­Unis ou l’Allemagne, néces­­si­­
tant des années de pré­­sence et d’efforts pour séduire les pres­­crip­­teurs ou les
consom­­ma­­teurs locaux ;
––le délai de ren­­ta­­bi­­li­­sa­­tion espéré, plus ou moins long, sui­­vant la durée « d’ins­­tal­­
la­­tion » du pro­­duit ou du ser­­vice sur le mar­­ché appro­­ché ; il peut être rapide pour
des acti­­vi­­tés en plein déve­­lop­­pe­­ment (télé­­pho­­nie mobile, ser­­vices inter­­net, fast
fashion, etc.) et, à l’inverse, beau­­coup plus lent pour des acti­­vi­­tés à matu­­rité ; ceci,
bien sûr, en fonc­­tion de la loca­­li­­sa­­tion cible rete­­nue.
Ainsi se des­­sinent, d’après Root (1987), en combi­­nant ces quatre variables, tout
d’abord, deux grands types de stra­­té­­gies de conquête de parts de mar­­ché, cor­­res­­pon­
­dant à des situa­­tions oppo­­sées et de fré­­quence inégale :
• D’un côté, les stra­­té­­gies d’écré­­mage sont mises en œuvre pour tirer parti du suc­­cès
ren­­contré par un pro­­duit à faible durée de vie, porté par l’engoue­­ment des consom­
­ma­­teurs, que l’on cher­­chera logi­­que­­ment à dif­­fu­­ser rapi­­de­­ment et aussi lar­­ge­­ment
que pos­­sible – sur un maxi­­mum de mar­­chés faci­­le­­ment acces­­sibles –. Elles se
retrouvent fré­­quem­­ment dans le domaine des biens de consom­­ma­­tion, mais, aussi,
désor­­mais, de cer­­tains pro­­duits tech­­no­­lo­­giques, comme les smartphones1…
• De l’autre, les stra­­té­­gies de péné­­tra­­tion s’attachent à des pro­­duits à cycle plus
long, néces­­si­­tant des inves­­tis­­se­­ments plus lourds et qui, par consé­­quent, n’auto­­ri­­
se­­ront qu’une mon­­tée en puis­­sance très pro­­gres­­sive, en termes de nombre de mar­
­chés. Elles sont, le plus sou­­vent, appli­­quées à des biens d’équi­­pe­­ment lourds ou
même légers néces­­si­­tant, aussi, une cer­­taine adap­­ta­­tion à la demande, comme à
l’envi­­ron­­ne­­ment2.
Comme le montre, plus loin, la figure 7.12, les pre­­mières sup­­posent une mul­­ti­­pli­
c­ ation rapide des implan­­ta­­tions, pour la plu­­part peu mobi­­li­­sa­­trices de res­­sources,
tan­­dis qu’aux secondes cor­­res­­pon­­dront des approches plus pro­­gres­­sives et plus
impliquantes, néces­­si­­tant un niveau d’enga­­ge­­ment bien supé­­rieur de la part de
l’orga­­ni­­sa­­tion concer­­née.

1.  En témoigne le lan­­ce­­ment mon­­dial, quasi simul­­tané, de l’iphone 5 par Apple.


2.  Aux pro­­ces­­sus d’appel d’offres, par exemple, pour les mar­­chés de biens d’équi­­pe­­ment lourds ou les mar­­chés
d’infra­­struc­­ture, qui néces­­sitent une préqualification préa­­lable, lorsque leur accès est res­treint. Pour les petits équi­
­pe­­ments indus­­triels ou même pour l’équipement du foyer (auto­­mo­­bile, élec­­tro­­mé­­na­­ger..), ce sera l’exi­­gence d’un
ser­­vice après vente et d’une main­­te­­nance suf­­fi­­sam­­ment acces­­sibles.

402
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Par ailleurs, les deux autres types de stra­­té­­gies cor­­res­­pondent à des situa­­tions plus
spé­­ci­­fiques :
• Les stra­­té­­gies d’explo­­ra­­tion obéissent au souci de prendre posi­­tion sur des mar­­
chés encore peu acces­­sibles, compor­­tant, cepen­­dant, un poten­­tiel pro­­met­­teur dans
l’attente d’une ouver­­ture pro­­bable, mais avec un hori­­zon tem­­po­­rel incer­­tain. La
pré­­sence de nom­­breuses entre­­prises occi­­den­­tales en Chine a, par exemple, obéi à
cette logique au cours des années 90.
• Les stra­­té­­gies de dum­­ping, en der­­nier lieu, carac­­té­­ri­­sées par la vente à perte1,
peuvent répondre à des pré­­oc­­cu­­pa­­tions bien dif­­fé­­rentes : ou bien elles sont occa­­
sion­­nelles, des­­ti­­nées à allé­­ger, à très court terme, l’entre­­prise d’un excès de stock
ou bien elles pro­­cèdent d’une démarche de plus longue haleine et juri­­di­­que­­ment
plus contes­­table, des­­ti­­née à prendre le meilleur sur des mar­­chés très concur­­ren­­
tiels, où l’élas­­ti­­cité de la demande au prix est forte.
Ces deux der­­niers types de stra­­té­­gie, comme la stra­­té­­gie d’écré­­mage, peuvent ne
consti­­tuer que des étapes préa­­lables à des stra­­té­­gies de péné­­tra­­tion.

Pourquoi ? Dans quel but ?

Ë Ecrémage : Ë Dumping :
- Cycle de produit court - Déstockage ou recherche
- Marchés facilement accessibles d’éviction des concurrents
- Niveau d’investissement limité - Marchés à forte sensibilité prix
- Rentabilisation rapide - Niveau d’investissement variable
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Ë Exploration : Ë Pénétration :
- Cycle produit long - Cycle produit long
- Adéquation produit /marché à définir - Marchés peu accessibles
(marchés émergents) - Niveau d’investissement élevé
- Niveau d’investissement élevé - Rentabilisation à long terme
- Rentabilisation à long terme

Figure 7.9 – Les fina­­li­­tés évo­­lu­­tives des stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation


(d’après Root)

1.  À sup­­po­­ser qu’elles ne tombent pas sous le coup des auto­­ri­­tés en charge, au niveau natio­­nal ou supra­­na­­tional,
du respect des règles de concur­­rence.

403
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

En règle géné­­rale, les situa­­tions ne sont guère figées, dans la mesure où toutes
peuvent se trans­­for­­mer, au fil des années, pour suivre l’expan­­sion des mar­­chés ou
même, par­­fois, pour faire face à un repli de l’acti­­vité là où, pré­­cé­­dem­­ment,
l’organisation s’était bien déve­­lop­­pée1.
Les stra­­té­­gies multi­fonc­­tion­­nelles (où l’approche de verticalisation pré­­do­­mine)
mobi­­lisent -au-­delà de la seule fonc­­tion mar­­ke­­ting- la fonc­­tion pro­­duc­­tion, la
recherche et déve­­lop­­pe­­ment, la ges­­tion des res­­sources humaines, les fonc­­tions finan­
­cières et fis­­cales. Toutes ces fonc­­tions – ensemble ou sépa­­ré­­ment –, peuvent être
prises en compte – en termes d’effi­­ca­­cité, d’opti­­mi­­sation des coûts et des charges –,
lors des dif­­fé­­rentes phases de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation et donc être asso­­ciées aux sché­­
mas stra­­té­­giques et orga­­ni­­sa­­tion­­nels dans les­­quelles elles s’ins­­crivent. Elles peuvent
abou­­tir à une véri­­table inté­­gra­­tion inter­­na­­tionale de la chaîne de valeur de l’entre­­
prise en met­­tant en œuvre une chaîne logis­­tique, d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment et de fabri­­ca­
­tion2 asso­­ciée à une répar­­tition des fonc­­tions sup­­port (RH, Finance, Contrôle, etc.),
l’une et l’autre opti­­mi­­sées.
Cette «  multifonctionnalisation  » des stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, plaide en
faveur de struc­­tu­­ra­­tions évo­­lu­­tives et flexibles ; ceci pour évi­­ter, au pas­­sage d’une
phase à l’autre, de pri­­vi­­lé­­gier exa­­gé­­ré­­ment telle ou telle d’entre elles – si impor­­tante
soit-­elle, comme le mar­­ke­­ting ou la pro­­duc­­tion – et de cher­­cher trop long­­temps un
dis­­po­­si­­tif effi­­cace, aussi bien au niveau de l’orga­­ni­­sa­­tion d’ensemble que des choix
de loca­­li­­sa­­tion et de mode d’entrée. C’est au niveau de la mise en œuvre que les
consé­­quences orga­­ni­­sa­­tion­­nelles de cette évo­­lu­­tion seront notam­­ment évo­­quées.

2.2 La réponse aux ques­­tions sous jacentes de la SDI : Quoi ? Où ?


Quand ? Comment ?
Le cas de Com­in Asia per­­met aussi d’illus­­trer les élé­­ments à prendre en compte
dans la défi­­ni­­tion des objec­­tifs d’une stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation.
La pre­­mière ques­­tion (Quoi ?) porte sur la nature des pro­­duits et les pro­­ces­­sus
de pro­­duc­­tion et de commer­­cia­­li­­sa­­tion. L’évo­­lu­­tion des domaines d’acti­­vité stra­­té­­
giques de Com­in Asia, au fil du temps3, en donne un pre­­mier aper­­çu. Il sera inté­­res­
­sant, par la suite, d’obser­­ver la manière dont ces DAS s’asso­­cie­­ront à ceux de RM
Asia et de recen­­ser les fonc­­tions impli­­quées, de la pro­­duc­­tion à la commer­­cia­­li­­sa­­
tion, en incluant éga­­le­­ment d’autres fonc­­tions clés pour l’acti­­vité déve­­lop­­pée

1.  L’inter­­na­­tiona­­li­­sation de la grande dis­­tri­­bu­­tion en four­­nit de bons exemples, à tra­­vers les retraits de lea­­ders
mon­­diaux aussi incontes­­tables que Car­­re­­four ou Walmart, soit parce qu’ils avaient mal éva­­lué la demande locale ou
sous estimé la dif­­fi­­culté du mar­­ché (cf. Walmart, en Allemagne ou en Co­rée du Sud), soit parce qu’ils s’étaient
trouvés débordés par les acteurs locaux ou étran­­gers (Car­­re­­four au Japon ou au Mexique). Voir Benoun M. et
Durand-­Réville B., Commerce et Dis­­tri­­bu­­tion, les che­­mins de la mon­­dia­­li­­sa­­tion, L’Har­­mat­­tan, 2012.
2.  Voir supra, Chap. 4, exemple 4.15 « GHCL, la struc­­ture écla­­tée ».
3.  Voir exemple 7.1 «Com­in Asia (1), l’évo­­lu­­tion des DAS».

404
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

– appro­­vi­­sion­­ne­­ment, logis­­tique, finance, etc. –. dans le but d’opti­­mi­­ser les syner­­


gies et les éco­­no­­mies d’échelle poten­­tielles.
Dans une approche telle que celle que pro­­pose la matrice d’Ansoff, mobi­­li­­sée ici
dans une perspec­­tive inter­­na­­tionale, on jouera simul­­ta­­né­­ment sur l’élar­­gis­­se­­ment des
cibles géo­­gra­­phiques et sur les appli­­ca­­tions, enten­­dues en termes de pro­­duits et pro­
­ces­­sus. Celle-­ci per­­met d’abou­­tir à défi­­nir (ou redé­­fi­­nir) le « concept » sur lequel va
repo­­ser, conti­­nuer à repo­­ser ou vers lequel va évo­­luer le modèle d’affaire de l’entre­
­prise, au moins dans l’espace de réfé­­rence consi­­déré (dans le cas, par exemple,
d’une firme mul­­ti­­natio­­nale, comme L’Oréal, qui aurait, d’un espace de réfé­­rence à
un autre, une approche très dif­­fé­­ren­­ciée en fonc­­tion des par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés de la variété
des envi­­ron­­ne­­ments dans les­­quels elle est sus­­cep­­tible d’opé­­rer, comme le cas de
l’Inde le laisse pré­­su­­mer).
Applications
Produits, Process...
Ë Concept
Produit/service

CIBLE CIBLE
GÉOGRAPHIQUE GÉOGRAPHIQUE
Nouvelle INITIALE/ ÉTENDUE/
gamme de EXTENSION EXTENSION
prestations DE GAMME DE GAMME
Ë Ë EXPANSION
NOUVEAU CONCEPT MULTIDIMENSIONNELLE

CIBLE CIBLE
GÉOGRAPHIQUE GÉOGRAPHIQUE
Gamme de INITIALE/ ÉTENDUE/
prestations CONCEPT CONCEPT
existantes TRADITIONNEL TRADITIONNEL
Ë CONSOLIDATION Ë EXTENSION Cibles
OU RETRAIT GÉOGRAPHIQUE
géographiques,
Ë Espaces de
Cibles Nouvelles référence
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géographiques cibles
traditionnelles géographiques

Quoi ?
(adaptation de la matrice d’Ansoff au contexte de l’internationalisation)

J.-P. Lemaire

Figure 7.10 – L’évo­­lu­­tion du « concept » de l’organisation


au fil de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation

Pour Com­in Asia, dans un futur proche, un « déve­­lop­­pe­­ment mul­­ti­­di­­men­­sion­­nel »


peut être envi­­sagé, incluant des zones géo­­gra­­phiques nou­­velles et une gamme d’acti­
­vi­­tés plus large. Un tel déve­­lop­­pe­­ment s’est déjà tra­­duit, dans le passé, par la consti­
­tution d’un hub, plateforme technico-commer­­ciale, comme celle de Phnom Penh,
fonc­­tion­­nant, en rela­­tion avec les équipes de l’orga­­ni­­sa­­tion dans ses dif­­fé­­rentes loca­
­li­­sa­­tions. Y étaient ana­­ly­­sés les «  besoins de solu­­tions  » des dif­­fé­­rents types de

405
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

clients sus­­cep­­tibles d’asso­­cier la four­­ni­­ture d’équi­­pe­­ments (négoce), leur ins­­tal­­la­­


tion et, éven­­tuel­­le­­ment, leur main­­te­­nance, dans le cadre d’appels d’offres, comme
de mar­­chés de gré à gré. L’inté­­gra­­tion des acti­­vi­­tés de l’entre­­prise avec celles de son
re­pre­­neur don­­nera pro­­ba­­ble­­ment lieu, dans un cadre géo­­gra­­phique élargi et avec une
offre plus large de pres­­ta­­tions, à une redis­­tri­­bu­­tion et à une spé­­cia­­li­­sa­­tion plus mar­
­quées des implan­­ta­­tions géo­­gra­­phiques dans les­­quels le rôle des dif­­fé­­rentes fonc­­
tions pourra être redé­­fini.
Dans d’autres sec­­teurs, d’autres approches seraient à pri­­vi­­lé­­gier, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
pour les mul­­ti­­natio­­nales opé­­rant à un niveau glo­­bal, comme Yara1, pro­­duc­­trice nor­
­vé­­gienne d’engrais, qui uti­­lise par­­tout les mêmes compo­­sants, mais offre des
gammes d’une très grande diver­­sité selon les dif­­fé­­rents espaces géo-­sectoriels où
elle opère ; les­­quels néces­­sitent des pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion et de commer­­cia­­li­­sa­­
tion adap­­tés à chaque envi­­ron­­ne­­ment, conti­­nen­­tal, sub­conti­­nen­­tal ou natio­­nal
consi­­déré.
La seconde ques­­tion (Où ?) concerne les cibles géo­­gra­­phiques à sélec­­tion­­ner
dans l’espace de référence et/ou d’expansion retenu, condui­­sant à déter­­mi­­ner, avec
les cri­­tères appro­­priés, les priori­­tés géo­­gra­­phiques de l’orga­­ni­­sa­­tion, en réfé­­
rence :
––au carac­­tère glo­­bal, local ou mixte de l’acti­­vité ;
––au poten­­tiel de mar­­ché ou au poten­­tiel de fabri­­ca­­tion locale (délé­­guée ou non) ;
––et/ou à d’autres consi­­dé­­ra­­tions : fis­­cales (faible taux d’impo­­si­­tion local), commer­
­ciales (mar­­ché de réfé­­rence don­­nant l’accès à d’autres mar­­chés), juri­­diques (faci­­
lité d’éta­­blis­­se­­ment, sécu­­rité des inves­­tis­­se­­ments étran­­gers, etc.), poli­­tiques (faible
niveau du risque pays).
Ces priori­­tés pour­­ront se des­­si­­ner au stade de la for­­mu­­la­­tion des objec­­tifs stra­­té­­
giques, sur la base des conclu­­sions des ana­­lyses externe et interne, pour être pré­­ci­­
sées ensuite, au stade de la mise en œuvre. Sera mobi­­li­­sée alors (cf. cha­­pitre 8) une
grille de sélec­­tion des loca­­li­­sa­­tions cibles qui inté­­grera les indi­­ca­­teurs qui cor­­res­­pon­
­dront le mieux aux orien­­ta­­tions inter­­na­­tionales qui res­­sor­­ti­­ront de la for­­mu­­la­­tion de
la SDI.
Dans l’exemple de Com­in Asia, cette sélec­­tion pourra se faire, à la fois, dans le
pro­­lon­­ge­­ment de la dyna­­mique propre d’exten­­sion de son espace de réfé­­rence et en
fonc­­tion des perspec­­tives que lui offre son inté­­gra­­tion au groupe RM Asia. Com­in
Asia, en effet, avait déjà élargi ses « zones sources » d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment, vers la
Chine et l’Inde, pour dimi­­nuer ses coûts et limi­­ter ses risques – de change, notam­­
ment –. Son nou­­veau déploie­­ment inter­­na­­tional devrait se tra­­duire par l’élar­­gis­­se­­
ment de son espace d’expan­­sion à de nou­­velles « zones cibles » où son expé­­rience,
ses compé­­tences, ses réseaux pour­­raient le mieux se combi­­ner avec les acti­­vi­­tés qu’y
déve­­loppe déjà le groupe auquel elle appar­­tient désor­­mais.

1.  Cas d’appli­­ca­­tion du cha­­pitre 8.

406
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

Ces chan­­ge­­ments de péri­­mètre suc­­ces­­sifs, sur un mode coor­­donné, devraient la


conduire, dans cette struc­­ture élar­­gie, à accé­­lé­­rer son pas­­sage, plus vite qu’elle
n’aurait pu l’envi­­sa­­ger toute seule, à une orga­­ni­­sa­­tion mul­­ti­­natio­­nale, comme à la
dif­­fu­­sion de ses acti­­vi­­tés, au-­delà de l’espace de réfé­­rence, auquel elle aurait pu
avoir accès avant que ce rap­­pro­­che­­ment et cette inté­­gra­­tion ne se réa­­lisent.
Où ?

ESPACE D’EXPANSION
DISTANT

Maldives
ESPACE DE RÉFÉRENCE Indonésie ?
DE PROXIMITÉ
Europe

« CŒUR »

Thaïlande
GEOGRAPHIQUE :
Laos

Cambodge
& Vietnam

États-Unis

Myanmar Chine?
Chine
Afghanistan ?
Inde

Zone source : cf. Chine


Zone cible : cf. Chine

J.-P. Lemaire

Figure 7.11 – L’évo­­lu­­tion du déploie­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion


(exemple de Comin Asia, avant 2011)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

La troisème ques­­tion (Quand ?) porte sur le niveau et le rythme d’enga­­ge­­ment


à l’inter­­na­­tional. Ils pour­­ront être pro­­gres­­sifs, comme aux débuts de Com­in Asia,
orga­­ni­­sa­­tion opé­­rant dans des zones dont les par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés exigent de la pru­­dence.
Les implan­­ta­­tions du Cambodge et du Vietnam ont été ouvertes presque simul­­ta­­né­­
ment, à l’amorce des années 1990, mais la Thaïlande, en 2006 seule­­ment. Entre-
temps et depuis, d’autres pro­­jets ont été menés au Laos, au Myanmar, aux Maldives,
mais sans jus­­ti­­fier une pré­­sence plus que ponc­­tuelle.
La figure 7.12, ne pour­­rait donc guère s’appli­­quer à Com­in Asia, pour son par­­
cours « haut », sinon pour les pro­­jets ponc­­tuels qui auraient été déve­­lop­­pés simul­­ta­
­né­­ment – à sup­­po­­ser que l’orga­­ni­­sa­­tion ait été en mesure de le faire-, à une époque
de haute conjonc­­ture régio­­nale. Cer­­tains auraient alors pu, comme cela s’est pro­­duit
pour la Thaïlande, de transformer en implan­­ta­­tion pérenne. Mais un tel par­­cours

407
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

cor­­res­­pond mieux à des sec­­teurs dont les pro­­duits ont un cycle de vie court ; dont le
suc­­cès est lié à la mode ou dont la tech­­no­­logie se renou­­velle rapi­­de­­ment. Ce qui est
le cas de nom­­breux biens de consom­­ma­­tion (y compris les biens de consom­­ma­­tion
durables, comme les télé­­phones mobiles1).
Quand, à quel rythme ?

Nombre de
marchés
approchés

Nombre optimal
de marchés

Temps

Source : Ayal I., Zif J., « Market expansion strategies in multinational marketing »,
Journal of Marketing, Vol. 43, printemps 1979.

Figure 7.12 – Niveau et rythme d’enga­­ge­­ment à l’inter­­na­­tional

En réa­­lité, dans nombre de sec­­teurs B to B, comme celui où opère Com­in Asia, ou


la pro­­duc­­tion de biens d’équi­­pe­­ment où les inves­­tis­­se­­ments sont plus lourds (équi­­
pe­­ments de télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tion2), ou encore, de biens inter­­mé­­diaires ou de compo­­
sants (tel le ciment3) dont cycle de vie est plus long et pour les­­quels la confiance des
uti­­li­­sa­­teurs ou des clients plus lente à conqué­­rir, la montée en puissance sera plus
pro­­gres­­sive et sui­­vra le par­­cours « bas » du schéma ci-­dessous.

1.  Voir exemple 3.5 « La révo­­lu­­tion de la télé­­pho­­nie mobile ».


2.  Voir exemple 3.4 « Les équi­­pe­­ments de télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tion ».
3.  Voir cas intro­­duc­­tif du chapitre1, « Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière et finan­­cière ».

408
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

La qua­­trième ques­­tion, enfin, (Comment ?) s’attache aux modes d’entrée ou


de pré­­sence à pri­­vi­­lé­­gier, qui doivent figu­­rer parmi les objec­­tifs de la SDI, les­­quels
peuvent mar­­quer les pré­­fé­­rences de l’orga­­ni­­sa­­tion sur les alter­­na­­tives sui­­vantes,
même s’ils se trouvent amen­­dés au stade de la mise en œuvre (Cha­­pitre 8) :
––entre le contrôle à 100  %, comme nombre de mul­­ti­­natio­­nales amé­­ri­­caines, par
oppo­­si­­tion au par­­te­­na­­riat – ou l’inverse ;
––entre la crois­­sance interne, garante de la culture d’entre­­prise comme des pro­­cé­­
dures de l’orga­­ni­­sa­­tion, et la crois­­sance externe, ména­­geant une pré­­sence et une
crois­­sance plus rapides, mais qui pose des pro­­blèmes d’har­­mo­­ni­­sa­­tion, sur­­tout
dans des contextes natio­­naux dif­­fé­­rents ;
––l’orga­­ni­­sa­­tion pouvant aussi se lais­­ser gui­­der par le prag­­ma­­tisme, en fonc­­tion, pré­
­ci­­sé­­ment, de l’hété­­ro­­gé­­néité des contextes étran­­gers (comme cela a été le cas pour
Com­in Asia, en Thaïlande où la gou­­ver­­nance de la filiale a évo­­lué du par­­te­­na­­riat
au contrôle majo­­ri­­taire).

Comment ?
Niveau
d’engagemement
Stratégie d’exploration Filiale/succursale
intégrée
Concession
BOT/BOOT
Entreprise
conjointe
majoritaire Filiale/succursale
Entreprise de production
conjointe Filiale/succursale
minoritaire de distribution
Stratégie de pénétration
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cession de Franchise
licence
Contrat de Management
distribution délégué

Stratégie d’écrèmage

Niveau
de contrôle
Adapté de Yip, De Leersnyder, Root

Figure 7.13 – La pro­­gres­­sion des modes d’entrée et de pré­­sence à l’inter­­na­­tional


(enga­­ge­­ment/con­tôle)

409
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Ces modes de pré­­sence suivent d’ailleurs, sou­­vent un par­­cours pro­­gres­­sif, comme


le fait res­­sor­­tir la figure 7.13, qui cor­­res­­pond assez bien au che­­mi­­ne­­ment de Com­in
Asia, au Vietnam comme en Thaïlande :
• L’acti­­vité locale pourra se déve­­lop­­per ini­­tia­­le­­ment sous des formes peu
impliquantes, requé­­rant peu d’inves­­tis­­se­­ments mais avec un faible niveau de
contrôle. Ce qui cor­­res­­pon­­dra, dans le cadre d’une stra­­té­­gie d’horizontalisation, au
recours à des inter­­mé­­diaires commer­­ciaux, agents ou dis­­tri­­bu­­teurs, et dans le cadre
d’une stra­­té­­gie de verticalisation, à des accords de sous-­traitance, de ces­­sion de
licence ou de trans­­fert de tech­­no­­logie.
• Une fois le suc­­cès ini­­tial assuré, une struc­­ture en par­­te­­na­­riat ou une struc­­ture à
contrôle majo­­ri­­taire pourra être envi­­sa­­gée, dans l’un et l’autre cas, avec un objet
exclu­­si­­ve­­ment commer­­cial ou exclu­­si­­ve­­ment indus­­triel, ou encore, combi­­nant
les deux. Dans ce type de confi­­gu­­ra­­tion, le niveau d’enga­­ge­­ment comme le
niveau de contrôle seront, bien sûr, supé­­rieurs à ce qu’ils étaient à la phase pré­
­cé­­dente.
Dans cer­­taines cir­­constances par­­ti­­cu­­lières, comme cela a été long­­temps le cas en
Chine ou en Inde, les auto­­ri­­tés impo­­saient, dans tous les sec­­teurs, puis dans cer­­tains,
un par­­te­­na­­riat local. En résul­­tait, pour les orga­­ni­­sa­­tions étran­­gères, un niveau de
contrôle faible asso­­cié à un niveau d’enga­­ge­­ment élevé, pla­­çant l’orga­­ni­­sa­­tion
concer­­née dans une position inconfortable1.
À l’inverse, dans cer­­tains sec­­teurs d’infra­­struc­­ture (trai­­te­­ment et dis­­tri­­bu­­tion
d’eau), cer­­tains opé­­ra­­teurs consi­­dèrent qu’un simple contrat de ges­­tion, rap­­por­­tant
régu­­liè­­re­­ment des rede­­vances, peut être pré­­fé­­rable dans cer­­tains pays à la sta­­bi­­lité
incer­­taine, pour autant qu’ils par­­viennent à péren­­ni­­ser leur pré­­sence, tant sur le plan
tech­­nique que rela­­tion­­nel. Ce qui leur assure un bon niveau de contrôle tout en
minimi­­sant leurs enga­­ge­­ments finan­­ciers comme leurs bar­­rières à la sor­­tie.
C’est donc l’ensemble de ces objec­­tifs qui consti­­tue le noyau de la for­­mu­­la­­tion de
la SDI. C’est sa cohé­­rence qui faci­­li­­tera la mise en œuvre de la SDI (déve­­lop­­pée au
cha­­pitre sui­­vant), en per­­met­­tant une déter­­mi­­na­­tion faci­­li­­tée de la loca­­li­­sa­­tion et des
modes d’approche, de l’orga­­ni­­sa­­tion d’ensemble et de sa mise en œuvre fonc­­tion­­
nelle, en pre­­nant en compte les défis multi­cultu­­rels à rele­­ver.

1.  Danone, en Chine, s’était trou­­vée obli­­gée de s’asso­­cier à un par­­te­­naire local Wahaha, dont elle s’est aper­­çu
qu’il vio­­lait déli­­bé­­ré­­ment leurs accords et concur­­ren­­çait direc­­te­­ment leur entre­­prise commune. Voir aussi exemple
8.4. La culture de Danone au défi de la concur­­rence et de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale.

410
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7

 Cas d’application
Arcor, « latino globale » fami­­liale, envers et contre tout1 ?
L’his­­toire d’Arcor est, tout d’abord, l’his­­toire d’un rêve devenu réa­­lité. Celui du fils
d’un modeste bou­­lan­­ger ita­­lien débar­­qué en Argen­­tine en 1924, qui vou­­lait deve­­nir
le pre­­mier pro­­duc­­teur de confi­­se­­rie de son pays. C’est à Arroyito, ville de la pro­­
vince de Cordoba, au centre du pays, où son père s’était ins­­tallé près de vingt-­cinq
ans aupa­­ra­­vant, que Fulvio Pagani inau­­gure, en 1951, sa pre­­mière usine, qui monte
rapi­­de­­ment en puis­­sance (d’où le nom « Ar-­Cor », choisi pour rai­­son sociale, pour
la compa­­gnie qu’il crée à cette occasion).
Son créa­­teur était, en effet, persuadé que les éco­­no­­mies d’échelle dans cette acti­­vité
consti­­tuaient la meilleure garan­­tie d’une pro­­duc­­ti­­vité éle­­vée et de coûts limi­­tés.
Avec la même convic­­tion, il croyait que l’inté­­gra­­tion, en amont et en aval, des dif­­
fé­­rentes étapes du pro­­ces­­sus de pro­­duc­­tion, en y incluant la pro­­duc­­tion de la quasi-
tota­­lité des ingré­­dients néces­­saires, pou­­vait assu­­rer un niveau de qua­­lité opti­­mal.
Dans un pays comme l’Argen­­tine, où les pous­­sées infla­­tion­­nistes sont fré­­quentes,
contrô­­ler la pro­­duc­­tion du lait et de la canne à sucre dans ses propres fermes, quitte
à en écou­­ler le sur­­plus sur le mar­­ché, a sans doute beau­­coup contri­­bué à sécu­­ri­­ser
les appro­­vi­­sion­­ne­­ments de la firme, comme à bâtir une image très posi­­tive de son
offre auprès de sa clien­­tèle.
Ses clients, Arcor va d’abord les cher­­cher sur tout le ter­­ri­­toire argen­­tin, en éta­­blis­­sant
des rela­­tions pri­­vi­­lé­­giées, à tra­­vers un réseau de dis­­tri­­bu­­tion aux mul­­tiples rami­­fi­­ca­­
tions, avec les cen­­taines de milliers d’exploi­­tants de kiosques, ces très modestes points
de vente tenus par des familles. Ils sont deve­­nus très vite les meilleurs tru­­che­­ments de
l’entre­­prise auprès de la clien­­tèle, deve­­nue friande des nom­­breuses spé­­cia­­li­­tés à base
de sucre et de cho­­co­­lat qu’elle lui pro­­pose  : les spé­­cia­­li­­tés ali­­men­­taires (sucrées et,
aussi, un peu salées), ven­­dues sous la marque Arcor, les barres cho­­co­­la­­tées et les glaces
ven­­dues sous marque « Aguila », les cookies « Bagley » et les fameux « Bon o Bon »,
ces alfajores – doubles bis­­cuits four­­rés, nap­­pés de cho­­co­­lat, à la recette multi­sécu­­laire,
héri­­tée des Arabes et impor­­tée de la pro­­vince de Murcie, en Espagne et si popu­­laires
dans toute l’Amérique Latine –. Ces détaillants, Fulvio va les « soi­­gner », en les appro­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

­vi­­sion­­nant avec une logis­­tique sans faille et en n’hési­­tant pas à les infor­­mer et à les
for­­mer sur la gamme et sur son évo­­lu­­tion, ne man­­quant pas, de son côté, d’enre­­gis­­trer
les pré­­cieuses remarques qu’ils lui font remon­­ter via ses équipes de vente.
Les pre­­mières expor­­ta­­tions se font dès 1964, une fois la posi­­tion de la firme soli­­de­
­ment éta­­blie dans le pays : en Uruguay, au Paraguay, au Chili et au Bré­­sil, les pays
limi­­trophes, aux sys­­tèmes de dis­­tri­­bu­­tion si proches du sien ; mais, aussi, en Europe,
sous forme de pro­­duits à base de glu­­cose. Les pre­­mières expor­­ta­­tions vers les États-
­Unis, le premier mar­­ché du monde, s’effec­­tue­­ront dès 1968 et, en 1970, le stand
d’Arcor dis­­pose d’une visi­­bi­­lité maxi­­mum à la Conven­­tion Inter­­na­­tionale de la
Confi­­se­­rie, à Cologne, en Allemagne.

1.  Sources : E. Alejandro, I.Barbero J. Forteza Kosacoff B., and Parrth F., Going glo­­bal from Latin America : the
Arcor case, McGrawHill, Buenos Aires, 2002, Ghemawat P., Rukstad M.G., Il­les J.I., « Arcor : glo­­bal Strategy and
Local Tur­­bu­­lence  » Harvard Business School case, 9-704-427, Nov. 2005 et A. Etienne, N. Jing, J. Ferraro,
« Arcor’s Inter­­na­­tional chal­­lenge », Inter­­na­­tional Busi­­ness Mana­­ge­­ment report, ESCP Europe, avril 2011,

411
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Ayant déjà réparti ses uni­­tés de pro­­duc­­tion dans toute l’Argen­­tine, avec plus de
vingt usines, la firme d’Arroyito, dans les années 1980, commence à créer de nou­
­veaux sites de pro­­duc­­tion hors fron­­tières, au Bré­­sil, au Chili, au Pérou et au
Mexique. Mal­­heu­­reu­­se­­ment, Fulvio ne verra pas la pour­­suite de cette expan­­sion
remar­­quable, puis­­qu’il dis­paraît dans un acci­­dent, en 1990. C’est son fils ainé,
Luis, entré dans l’entre­­prise fami­­liale dix ans avant, qui en reprend la direc­­tion
géné­­rale et qui en pour­­sui­­vra le déve­­lop­­pe­­ment, avec les mêmes prin­­cipes et le
même suc­­cès.
Celui-­ci se montre tou­­jours fidèle aux prin­­cipes fon­­da­­teurs – économies d’échelle,
avec des usines de grande capa­­cité et une inté­­gra­­tion maxi­­mum, en amont comme
en aval de la filière (une grande usine d’embal­­lage est aussi construite) –. La crois­­
sance orga­­nique est complé­­tée par quelques acquisitions, comme celle du lea­­der
chi­­lien de la confi­­se­­rie. Contrai­­re­­ment à ses prin­­ci­­paux concur­­rents qui s’étaient
laissé absor­­ber par les « géants » du sec­­teur – les Nestlé, Kraft et autres Mars –, qui
commencent à s’inté­­res­­ser au «  cône sud  » du sous-­continent, Arcor décide de
mener lui-­même sa propre cam­­pagne d’acqui­­si­­tions en Amérique Latine. Par
ailleurs, c’est dans près d’une cen­­taine de pays dans le monde, déjà, que depuis le
début des années 2000, Arcor écoule près de 20 % de sa pro­­duc­­tion.
La crise de décembre 20011 oblige cepen­­dant Arcor à mar­­quer un sérieux temps
d’arrêt, enre­­gis­­trant un flé­­chis­­se­­ment tem­­po­­raire de près de 40 % de la demande,
et devant, en consé­­quence, ralen­­tir le rythme de ses usines qui tra­­vaillaient pour la
plu­­part, 24/ 24, 7/7. Au cours de cette période dif­­fi­­cile, l’orga­­ni­­sa­­tion tire pour­­tant
plei­­ne­­ment parti de son fort niveau d’inté­­gra­­tion, ne dépen­­dant de (presque) qui­­
conque pour ses appro­­vi­­sion­­ne­­ments, et assu­­rant la dis­­tri­­bu­­tion de ses pro­­duits
jus­­qu’aux détaillants. À leur demande, les prix sont adap­­tés, autant que faire se
peut, sans compro­­mettre la qua­­lité  ; en réa­­li­­sant des inno­­va­­tions qui se révèlent
payantes. Une ombre impor­­tante au tableau, cepen­­dant : l’impré­­vi­­si­­bi­­lité des déci­
­sions prises par les auto­­ri­­tés, qui n’hésitent pas à taxer l’expor­­ta­­tion pour évi­­ter que
le mar­­ché domes­­tique ne soit pas servi. Les mar­­chés exté­­rieurs deve­­naient, en effet,
beau­­coup plus attrac­­tifs du fait de la déva­­lua­­tion du Peso argen­­tin et de la hausse
de la demande éma­­nant des éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, elles, en plein boom.
Mal­­gré un endet­­te­­ment signi­­fi­­ca­­tif, certes limité par rap­­port à la moyenne des entre­
­prises locales (sen­­si­­ble­­ment infé­­rieur à 50 % des fonds propres, pour Arcor ; mais
en majo­­rité contracté en dol­­lars), l’équi­­libre finan­­cier est pré­­servé. Mais les capa­­ci­
­tés de lever de nou­­velles res­­sources pour le déve­­lop­­pe­­ment se trouvent dimi­­nuées
pour cette entre­­prise dont le capi­­tal reste réso­­lu­­ment fami­­lial.
En 2005, une alliance stra­­té­­gique est conclue avec le géant fran­­çais Danone s’asso­
­ciant au sein d’une entité commune, Bagley Latinoamerica SA, pour consti­­tuer
l’orga­­ni­­sa­­tion la plus puis­­sante du Mercosur pour la pro­­duc­­tion et la commer­­cia­­li­­
sa­­tion des cookies, des alfajores et des barres cho­­co­­la­­tées.
Appar­­te­­nant au pre­­mier tiers du «  top 500  » des entre­­prises latino-­américaines,
ayant réa­­lisé un chiffre d’affaires de plus de 2 milliards de dol­­lars, en 2010, avec,
en 2011, 22 000 employés, 40 usines -dont 29 en Argen­­tine ; les autres en Amérique
Latine-, elle exporte désor­­mais dans près de 120 pays, avec des bureaux commer­­

1.  Cf. cas intro­­duc­­tif du chapitre 2, Promesas Argentinas.

412
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7


ciaux dans tout le sous-­continent, mais éga­­le­­ment, aux États-­Unis, au Canada, en
Afrique du Sud, en Espagne et en Chine.
Arcor figure parmi les pion­­niers argen­­tins et latino-­américains de la responsabilité
sociale de l’entreprise ; à tra­­vers, notam­­ment, sa fon­­da­­tion dédiée à l’enfance, et fait
par­­tie des orga­­ni­­sa­­tions les plus res­­pec­­tées du pays et de la région.
Pour autant, les défis ne lui manquent pas, à l’inté­­rieur comme à l’exté­­rieur. Ainsi,
la struc­­ture de la dis­­tri­­bu­­tion repo­­sant sur une constel­­la­­tion de petits détaillants
indi­­vi­­duels, est assez compa­­rable dans l’ensemble des pays limi­­trophes. Elle s’orga­
­nise, cepen­­dant, bien dif­­fé­­rem­­ment dans des pays comme les États-­Unis, où il faut
trai­­ter avec les dif­­fé­­rentes chaînes de dis­­tri­­bu­­tion, avec les­­quelles elle n’hésite pas
à pas­­ser des accords à long terme, comme avec Walmart et Sara Lee.
Il lui faut aussi être à l’écoute des ten­­dances et consciente des dif­­fé­­rences cultu­­relles
dans les nou­­velles zones vers les­­quelles elle envi­­sage d’inten­­si­­fier son expan­­sion.
Figu­­rant au 13e rang des indus­­tries agro-ali­­men­­taires mon­­diales, elle doit faire face,
hors de son pré carré où se concentre l’essen­­tiel de sa pro­­duc­­tion et de ses ventes, à
des acteurs redoutablement effi­­caces, à la gamme plus éten­­due, plus soli­­de­­ment
implan­­tés dans de nom­­breuses éco­­no­­mies matures. Elle doit aussi, dans les éco­­no­­
mies à crois­­sance rapide, faire face à des bar­­rières à l’entrée, de tous ordres, dif­­fi­­ciles
à fran­­chir.
Pour s’implan­­ter plus effi­­ca­­ce­­ment et dura­­ble­­ment dans les unes comme dans les
autres, il lui faut envi­­sa­­ger des inves­­tis­­se­­ments lourds qu’une orga­­ni­­sa­­tion, même
saine et pro­­fi­­table, comme elle (en dépit de marges rela­­ti­­ve­­ment réduites), aura de
mal à assu­­mer seule ; sauf à par­­ve­­nir à lever des fonds et à pro­­fi­­ter de l’expé­­rience
d’autres orga­­ni­­sa­­tions, en pour­­sui­­vant la poli­­tique d’alliances stra­­té­­giques déjà ini­­
tiée avec cer­­tains. Il lui reste donc, au-­delà de l’Amérique Latine, du che­­min à par­
­cou­­rir pour deve­­nir véri­­ta­­ble­­ment « glo­­bale ».

Ques­­tions de réflexion
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1 ■ Quelles sont les carac­­té­­ris­­tiques du « modèle d’affaire » d’Arcor ? Quelles


sont ses prin­­ci­­pales acti­­vi­­tés ? Quelles ont été les prin­­ci­­pales étapes de son
déve­­lop­­pe­­ment ? Sur quels prin­­cipes indus­­triels et commer­­ciaux s’est bâti le
suc­­cès de l’orga­­ni­­sa­­tion ? Ont-­ils pu per­­du­­rer depuis la dis­­pa­­ri­­tion du lea­­der
his­­to­­rique ? Dans quelle mesure sont-­ils appli­­cables au-­delà des pays limi­­
trophes de l’Argen­­tine ? Se sont-­ils révé­­lés opé­­rants lors des périodes dif­­fi­­
ciles tra­­ver­­sées par l’orga­­ni­­sa­­tion et pas le pays (en par­­ti­­cu­­lier au moment de
la crise de 2001)  ? À quelle phase de son déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional se
trouve-­t-elle ? Qu’est ce qui pousse Arcor à se déve­­lop­­per hors fron­­tières ?
Quelles sont les forces et les fai­­blesses fonc­­tion­­nelles du groupe ? Comment
posi­­tion­­ner Arcor sur la grille Mac Kinsey/Géneral Electric  ? Comment
pourrait-­elle se compa­­rer à ses concur­­rents de réfé­­rence en termes de maî­­trise
des fac­­teurs clés de suc­­cès ?

413
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

2 ■ Quelles « options de base » de son modèle d’affaire et de sa gou­­ver­­nance,


seraient le plus ame­­nées à évo­­luer, compte tenu des atouts qu’elle a à valo­­ri­
­ser et des han­­di­­caps quelle devrait combler pour la pour­­suite de son déve­­lop­
­pe­­ment inter­­na­­tional? Quel type de stra­­té­­gie d’expan­­sion serait à pré­­co­­ni­­ser
pour Arcor : orien­­tée mar­­ché (horizontalisation) ou multi­fonc­­tion­­nelle (ver-
ticalisation), mixte ? Dans le cadre d’une approche « tous azi­­muts », com-
ment serait-il sou­­hai­­table de posi­­tion­­ner Arcor sur la matrice d’Ansoff  ?
Comment devrait évo­­luer son espace de réfé­­rence/espace d’expan­­sion  ?
Celui-­ci devrait-­il s’élar­­gir rapi­­de­­ment ou pro­­gres­­si­­ve­­ment ? Pour­­quoi ? vers
quelle(s) zone(s) priori­­tai­­re­­ment ? Quels modes d’entrée/de pré­­sence seraient
à pri­­vi­­lé­­gier : en Europe et aux États-­Unis ? dans les éco­­no­­mies à crois­­sance
rapide ?

L’essen­­tiel
À la suite de l’ana­­lyse externe, l’ana­­lyse interne -ici le diag­­nos­­tic international- vise
essen­­tiel­­le­­ment à iden­­ti­­fier pour l’orga­­ni­­sa­­tion auditée, dans l’espace de réfé­­rence
et/ou d’expan­­sion retenu, son degré de maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès, per­­met­
­tant d’y mettre en évi­­dence ses avan­­tages à valo­­ri­­ser et ses han­­di­­caps à combler.
Cette nou­­velle étape de l’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation passe par une meilleure com­
pré­­hen­­sion de la dyna­­mique du modèle d’affaire de l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée :
––de ses acti­­vi­­tés, avec l’évo­­lu­­tion, au fil du temps, de ses domaines d’acti­­vité
stra­­té­­giques ;
––du posi­­tion­­ne­­ment glo­­bal/local de ses acti­­vi­­tés.
Le diag­­nos­­tic devra, ensuite, déter­­mi­­ner la phase d’inter­­na­­tiona­­li­­sation qu’ aura
atteint l’orga­­ni­­sa­­tion, en pré­­ci­­sant :
––les inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, qui seront essen­­tielles pour fran­­chir les
seuils qui ponc­­tue­­ront sa pro­­gres­­sion de phase en phase ;
––avant de réa­­li­­ser le diag­­nos­­tic fonc­­tion­­nel des forces et fai­­blesses pour éta­­blir,
dans l’absolu, un pre­­mier relevé des points d’amé­­lio­­ra­­tion à rete­­nir.
Res­­tera à les hié­­rar­­chi­­ser, à tra­­vers une ana­­lyse compa­­ra­­tive :
––qui fera res­­sor­­tir son degré de maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès (FCS) iden­
­ti­­fiés, à l’issue de l’ana­­lyse externe, par rap­­port à celui de ses concur­­rents de
réfé­­rence ;
–– pour abou­­tir à la déter­­mi­­na­­tion des avan­­tages compé­­titifs que l’orga­­ni­­sa­­tion pos­
sédera comme les han­­di­­caps qu’elle aura à combler, par rap­­port à ceux-­ci.

414
Diag­­nos­­tic et formu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 7


Dès lors pourra être engagé le pro­­ces­­sus de for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation (SDI), en consi­­dé­­rant, tout d’abord, l’inter­­ac­­tion entre
les orien­­ta­­tions inter­­na­­tionales, telles qu’elles découlent de l’ana­­lyse externe
et de l’ana­­lyse interne, et les options de base qui struc­­turent le modèle d’af-
faire de l’orga­­ni­­sa­­tion.
Seront alors dis­­tin­­guées les stra­­té­­gies de conquête de parts de mar­­ché (dans une
perspec­­tive d’horizontalisation) des stra­­té­­gies multi­fonc­­tion­­nelles (dans une
perspec­­tive de verticalisation) qui four­­ni­­ront, en rela­­tion avec les fina­­li­­tés et les
options de base de l’orga­­ni­­sa­­tion, la réponse à la pre­­mière ques­­tion préa­­lable à
la for­­mu­­la­­tion de la SDI : « Pour­­quoi ? ».
––Pour­­ront alors être décli­­nées les quatre ques­­tions per­­met­­tant le « cadrage » de
la SDI dans l’espace de réfé­­rence et/ou d’expan­­sion, dans la perspec­­tive
«  tous azi­­muts  » ou «  foca­­li­­sée  » rete­­nue  : «  Quoi  ?  » (Quels pro­­duits/ser­­
vices  ? Quels pro­­ces­­sus  ?), «  Où  ?  » (Quelles loca­­li­­sa­­tions priori­­taires  ?),
« Quand ? » (À quel rythme ?), « Comment ? » (Avec quels modes d’entrée/
de pré­­sence ?).

415
Chapitre
Mise en œuvre
8 de la stratégie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation

C omment, au stade de la mise en œuvre de la SDI, déter­­mi­­ner les priori­­tés


de localisation au sein de l’espace géo-­sectoriel de réfé­­rence / d’expan­­
sion retenu par l’organisation ? Quel mode d’entrée puis de pré­­sence pri­­vi­­lé­­
gier pour chaque loca­­li­­sa­­tion  ? Comment loca­­li­­sa­­tions et modes de pré­­sence
évoluent-­ils, au fil du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional ? Quel schéma d’orga­­ni­­sa­­
tion d’ensemble et par fonctions cor­­res­­pond à chaque phase du déve­­lop­­pe­­ment
inter­­na­­tional de l’entre­­prise ? Quelles nou­­velles formes d’orga­­ni­­sa­­tion sug­­gère
le déve­­lop­­pe­­ment de la globalisation ? Quelles rela­­tions ces sché­­mas induisent-
ils entre le siège, d’une part, les struc­­tures et les par­­te­­naires locaux, d’autre
part ? Quelles pro­­blé­­ma­­tiques multi­cultu­­relles sont asso­­ciées au développement
inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions ? En quoi cultures natio­­nales et cultures orga­­
ni­­sa­­tion­­nelles inter­agissent-­elles dans le cadre de ce déve­­lop­­pe­­ment ? Comment
peut se bâtir un « plan d’affaire » l’inter­­na­­tional ?
À l’issue du pro­­ces­­sus de diag­­nos­­tic et de for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­
tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion doivent donc être pré­­ci­­sées ses grandes orien­­ta­­tions
à l’inter­­na­­tional, en fonc­­tion de trois paramètres :
––les fina­­li­­tés et les options de base de son modèle d’affaire ;
––les lignes de force qui carac­­té­­risent l’ (les) espace(s) de réfé­­rence / d’expan­­sion
géo-­sectoriel(s) qu’elle aura retenu ;
––son degré de maîtrise des fac­­teurs clés de suc­­cès et, consé­­cu­­ti­­ve­­ment, les atouts
qu’elle aura à valo­­ri­­ser les han­­di­­caps qu’elle devra combler dans cet (ces)
espace(s).
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

Ces grandes orien­­ta­­tions per­­mettent, désor­­mais, de défi­­nir avec plus de précision :


––les loca­­li­­sa­­tions cibles les plus appro­­priées, où elle s’atta­­chera à déve­­lop­­per ses
mar­­chés, ses appro­­vi­­sion­­ne­­ments ou, de manière plus large, cer­­tains élé­­ments de
sa chaîne de valeur, ou encore, cer­­taines de ses struc­­tures d’appui ;
––les modes d’approche ou d’entrée, puis les modes de pré­­sence qu’elle s’efforcera
d’y pri­­vi­­lé­­gier et de faire évo­­luer au fil des phases de son déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­
­tional, en fonc­­tion des enjeux locaux ;
––la mise en œuvre par fonc­­tion décou­­lant de ces déci­­sions, en pre­­nant en compte
leurs impli­­ca­­tions, au niveau des unes et des autres ; en dis­­tin­­guant (voir figure 8.2.)
les fonc­­tions de base (comme la R & D, le mar­­ke­­ting, la pro­­duc­­tion etc.), les fonc­
­tions de moyens (finance, res­­sources humaines, etc.) et les fonc­­tions «  struc­­tu­­
relles » (juri­­dique, fiscale, etc.) ;
––les sché­­mas d’orga­­ni­­sa­­tion dans les­­quels l’ensemble des struc­­tures de l’organisation
-dans le pays d’ori­­gine et hors frontières- vont s’ins­­crire, dans le but d’assu­­rer la
flexi­­bi­­lité et la réac­­ti­­vité exi­­gées par l’évo­­lu­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment internaitonal
et des contextes locaux de ses acti­­vi­­tés.
Mais ces dif­­fé­­rents aspects de la mise en œuvre ne doivent pas lais­­ser de côté la
part qu’y prend la dimen­­sion inter­cultu­­relle qui leur est en per­­ma­­nence asso­­ciée, et,
ce, à trois niveaux :
––tout d’abord, celui de la compré­­hen­­sion des réa­­li­­tés locales, lorsque l’orga­­ni­­sa­­tion
aborde de nou­­veaux espaces géo-­sectoriels et doit y pré­­pa­­rer et y négo­­cier son
entrée  : appré­­hen­­sion des compor­­te­­ments de consom­­ma­­teurs, d’uti­­li­­sa­­teurs, de
prescripteurs locaux, des pra­­tiques pro­­fes­­sion­­nelles qui y ont cours, et, sur­­tout, des
rela­­tions ins­­ti­­tution­­nelles à y éta­­blir (tout par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, avec les auto­­ri­­tés
locales) ;
––ensuite, celui de la ges­­tion et de la mise à pro­­fit des dif­­fé­­rences entre cultures
natio­­nales ou pro­­fes­­sion­­nelles, au sein des équipes internes qu’elle va mobi­­li­­ser
et/ou des par­­ties pre­­nantes externes (par­­te­­naires, clients, four­­nis­­seurs…) avec
les­­quelles elle va inter­agir, ; et, cela, tant au niveau des dif­­fé­­rentes fonc­­tions de
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l’organisation qu’à celui de la commer­­cia­­li­­sa­­tion ou du mar­­ke­­ting, du suivi des


contrats, des par­­te­­na­­riats, et, plus géné­­ra­­le­­ment, des divers contextes compor­­tant
des inter­­ac­­tions avec le milieu social et professionnel local;
––enfin, celui de l’évo­­lu­­tion de la culture de l’orga­­ni­­sa­­tion, elle-­même, qui doit res­
­pec­­ter les dif­­fé­­rences que ne manquent pas de se révéler au fil du développement
inter­­na­­tional, en recher­­chant les sources d’enri­­chis­­se­­ment qu’elles peuvent rece­­
ler, tant en termes d’inno­­va­­tion pro­­duits ou ser­­vices, que d’amé­­lio­­ra­­tion des
procédures ou de l’orga­­ni­­sa­­tion ; cette culture évo­­lu­­tive devant consti­­tuer, sur la
base de cette diver­­sité, au niveau de chaque implan­­ta­­tion, et dans un cadre plus
large, par zone géo­­gra­­phique ou pour l’ensemble des zones, le sup­­port du sen­­ti­­
ment d’appar­­te­­nance et de la moti­­vation de tous.
Seront envi­­sa­­gés tout au long de cette der­­nière étape de l’audit le suivi et le
contrôle périodique/per­­manent de la mise en œuvre de la SDI, en les pre­­nant en

417
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

compte dans la perspec­­tive d’une pla­­ni­­fi­­ca­­tion opérationnelle aussi rigou­­reuse que


pos­­sible. Ils per­­met­­tront de déce­­ler les écarts entre les objec­­tifs et les résul­­tats pour
revoir éven­­tuel­­le­­ment les pre­­miers – à la hausse ou à la baisse – tout en appor­­tant
les cor­­rec­­tions d’orien­­ta­­tion et/ou les res­­sources complé­­men­­taires jugées
nécessaires.
Ce qui per­­met­­tra d’ envi­­sa­­ger, en conclu­­sion de cet ouvrage, à l’issue de ce pro­­
ces­­sus d’audit, les lignes direc­­trices de ce qui pour­­rait consti­­tuer le plan d’affaire
inter­­na­­tional dans l’espace de réfé­­rence retenu, en tenant compte du carac­­tère ité­­ra­
­tif qu’il devra compor­­ter. Cet « effet de boucle » du pro­­ces­­sus cor­­res­­pon­­dra à double
néces­­sité  : celle de redé­­fi­­nir pério­­di­­que­­ment la formulation stra­­té­­gique inter­­na­­
tionale, comme d’ajus­­ter en permanence sa mise en œuvre.
Dans cette perspec­­tive, le cas retenu pour ce der­­nier cha­­pitre se rap­­porte à la créa­
t­ion et au déve­­lop­­pe­­ment d’une orga­­ni­­sa­­tion d’étude de mar­­ché en Thaïlande. Il
sou­­ligne la néces­­sité de reconsi­­dérer en pro­­fon­­deur l’approche occidentale mar­­ke­­
ting, managériale et relationnelle dans un envi­­ron­­ne­­ment qui la remet pro­­fon­­dé­­ment
en ques­­tion. Il­conduit, aussi, à envi­­sa­­ger dif­­fé­­rem­­ment la démarche d’approche, le
mode d’entrée et la péren­­ni­­sa­­tion de la pré­­sence de l’orga­­ni­­sa­­tion dans ce pays cible,
comme les relations entre siège et filiale, comme la struc­­tu­­ra­­tion des opérations.

Le plan du chapitre
Section 1 ■   La dyna­­mique des modes d’approche
Section 2 ■  Évolution des schémas orga­­ni­­sa­­tion­­nels et intégration de la
compo­­sante cultu­­relle

 Cas intro­­duc­­tif
Jérôme ou l’osmose thaïe1
Pour Jérôme, arrivé en Thaïlande au len­­de­­main de la crise qu’avait connu le sud-­
est asia­­tique en 1997-1998, envoyé par une grande société d’études de mar­­ché
occi­­den­­tale, dont il avait dirigé la filiale au Kenya, tout était à faire, en par­­tant de
zéro.
Il n’était pas, pour autant, sans expé­­rience ; ne serait-­ce que du fait de son par­­cours
per­­son­­nel et professionnel qui l’avait natu­­rel­­le­­ment ouvert à la diver­­sité du monde
et des cultures : fils de mili­­taire, balloté d’un pays à l’autre au gré des affec­­ta­­tions

1.  Ce cas dont le héros est bien réel, a été déve­­loppé en 2006, en rela­­tion avec Jérôme Hervio et ses équipes,
aux­­quels l’auteur tient à expri­­mer toute sa gra­­ti­­tude pour l’accueil, l’écoute et les échanges dont il a pu bénéficier
de leur part. Sous une forme déve­­lop­­pée, avec une notice péda­­go­­gique complète, la publi­­ca­­tion de ce cas, en
français et en anglais est pré­­vue pour 2013/2014, à la Cen­­trale des Cas et des Moyens Péda­­go­­giques.

418
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8


pater­­nelles, ayant lui-­même visité, à l’issue de ses études, une ving­­taine de pays
avant d’embras­­ser, un peu par hasard, les études de mar­­ché, il avait suivi les étapes
suc­­ces­­sives d’un par­­cours qui l’avait fait évo­­luer d’Europe vers l’Afrique, puis
l’Asie.
Pour l’orga­­ni­­sa­­tion qui l’emploie, l’Asie est alors per­­çue comme un eldo­­rado en
deve­­nir, avec toutes les incer­­ti­­tudes mais aussi toutes les pro­­messes de cette période
de reprise annon­­cée  ; sans, pour autant, qu’elle veuille y consa­­crer des moyens
consi­­dé­­rables. À l’arri­­vée de Jérôme, les grands chan­­tiers maillant la conur­­ba­­tion
ten­­ta­­cu­­laire et hyper pol­­luée de Bangkok sont encore para­­ly­­sés, sans que le grouille­
­ment de la vie, ou de la sur­­vie, au quotidi­en, n’en soit inter­­rompu, comme le tra­­fic
intense des véhicules en tout genre qui mettent tout déplacement à la hau­­teur d’un
exploit, sauf en deux roues.
C’est donc du Novotel qui lui sert ini­­tia­­le­­ment de base de tra­­vail, en ache­­tant sur
ses propres deniers une demi-page dans un grand quo­­ti­­dien local, qu’il lance sa
cam­­pagne de recru­­te­­ment, lui ouvrant le choix, entre plus d’un millier de candidats,
sou­­vent d’excel­­lente qua­­lité, à un moment où le chô­­mage connait un pic. Le vrai
défi, qu’il relè­­vera brillam­­ment, ce sera de conser­­ver les meilleurs, dans un pays (et
une région) où le turnover peut atteindre 30 %, pour les emplois qualifiés, comme,
par exemple, dans la grande dis­­tri­­bu­­tion moderne. Pour cela, il lui fau­­dra pas­­ser
beaucoup de temps, lors de l’embauche, à expli­­quer l’orga­­ni­­sa­­tion, son pro­­jet, à
comprendre les moti­­vations et les attentes du nou­­veau col­­la­­bo­­ra­­teur. À côté du
contrat légal, il y a le contrat moral, comme il le compren­­dra très vite.
Avec la petite équipe qu’il a ainsi consti­­tuée, tout est donc à créer dans le domaine
des études marketing, dans ce pays et dans cette région où la consom­­ma­­tion
re­décolle, dès la reprise de la croissance, qui arrive très oppor­­tu­­né­­ment en tour­­nant
du nou­­veau millé­­naire : la demande de biens de grande consom­­ma­­tion, celle de
biens de consom­­ma­­tion durable explosent. Les lea­­ders occi­­den­­taux – américains,
suédois, hol­­lan­­dais, fran­­çais, alle­­mands ou britanniques –, comme les asia­­tiques –
japo­­nais, coréens et, bien­­tôt, chinois – sont tous conscients qu’il y a là, comme dans
l’ensemble de la zone, des oppor­­tu­­ni­­tés à saisir.
Les orga­­ni­­sa­­tions locales, aussi, pour qui l’avis des clients et des consom­­ma­­teurs était,
jus­­qu’alors, loin d’être pri­­mor­­dial, découvrent les études mar­­ke­­ting. Bien plus impor­
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­tant était jus­­qu’alors, pour elles, de déve­­lop­­per leurs rela­­tions au sein des ins­­tances
gou­­ver­­ne­­men­­tales, d’obte­­nir des con­cessions, par exemple, dans les télé­coms, ou de
béné­­fi­­cier d’avan­­tages régle­­men­­taires et admi­­nis­­tratifs. On pouvait ainsi s’éton­­ner des
déci­­sions d’auto­­ri­­sa­­tion ou de refus d’agré­­ment de nou­­veaux pro­­duits émanant de la
Food and Drug Admi­­nis­­tra­­tion locale, sou­­vent sur­­pre­­nantes, et, même, par­­fois, bien
peu explicables.
Mais, au fond, dans un pays ayant échappé à la colo­­ni­­sa­­tion, grâce à l’habi­­leté de
ses sou­­ve­­rains, et dont le der­­nier conflit armé remonte à la fin du xviiie siècle, la
vérité passe tra­­di­­tion­­nel­­le­­ment après l’har­­mo­­nie, l’indi­­vi­­duel après le collectif. Si,
en Europe, une bonne étude mar­­ke­­ting est une étude qui dérange, chez les Thaï,
confor­­mé­­ment à la phi­­lo­­sophie boud­­dhiste, le « moi » n’est qu’une illu­­sion. L’indi­
­vidu se méfiera donc de ses pré­­fé­­rences et cher­­chera à se fondre au sein de la
communauté à laquelle il se rat­­tache.

419
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


La commu­­nauté, ce sera, bien sûr, la famille, au sens large, puisque les géné­­ra­­tions
coha­­bitent couramment sous le même toit, mais aussi le proche voi­­si­­nage : il est
fré­­quent que les occu­­pants de quelques mai­­sons du même quar­­tier, le «  soï  »,
effec­­tuent leurs achats conjoin­­te­­ment et mettent même leurs véhi­­cules en commun.
Dès lors, qui peut être le déci­­deur pour les pro­­duits d’entre­­tien, pour l’achat de
frian­­dises, pour la prochaine sor­­tie col­­lec­­tive au cinéma  ? Comment mesu­­rer
l’impact d’une nou­­velle cam­­pagne de publi­­cité et auprès de qui ? Autant de cas de
figure, pour les­­quels la réponse et, sur­­tout, la méthode employée, seront dif­­fé­­
rentes.
Un tel contexte sou­­lève donc de nom­­breux pro­­blèmes éthiques et métho­­do­­lo­­giques
pour le professionnel occi­­den­­tal : ainsi, il n’est pas rare que le repré­­sen­­tant du client
inter­­vienne avant la pré­­sen­­ta­­tion finale des résul­­tats et demande des modi­­fi­­ca­­tions
pour ne pas remettre trop brutalement en ques­­tion des convic­­tions trop lar­­ge­­ment
par­­ta­­gées dans son orga­­ni­­sa­­tion. Pour cer­­tains don­­neurs d’ordre, la fonc­­tion essen­
­tielle de l’étude serait, même, pré­­ci­­sé­­ment, de confor­­ter des décisions déjà prises
en interne, le plus sou­­vent de manière concer­­tée.
Au-­delà des attentes des clients, le recueil et l’inter­­pré­­ta­­tion des don­­nées néces­­
sitent des approches spé­­ci­­fiques, tant sur le plan quan­­ti­­tatif que qua­­li­­ta­­tif. Il a donc
fallu à Jérôme et à ses équipes beau­­coup d’esprit inven­­tif pour for­­ger des outils de
col­­lecte et d’ana­­lyse adap­­tés, au-­delà de l’approxi­­ma­­tion, notam­­ment dans cette
capi­­tale ten­­ta­­cu­­laire dont nul ne connaît pré­­ci­­sé­­ment les chiffres de la population.
C’est, par exemple, en comp­­tant les toits sur les photos aériennes de cer­­tains quar­
­tiers et en envoyant ses enquê­­teurs sur place pour éva­­luer le nombre moyen
d’habi­­tants sous cha­­cun, que des bases de don­­nées plus fiables ont pu être consti­
­tuées.
Aux méthodes « scientifiques » et « uni­­ver­­selles », pra­­ti­­quées en Occi­­dent, fai­­sant
inter­­ve­­nir la « marge d’erreur » ou « l’inter­­valle de confiance », se sub­­sti­­tuent des
méthodes plus eth­­no­­gra­­phiques, repo­­sant sur l’obser­­va­­tion directe des compor­­te­­
ments, dans les écoles, dans les bureaux, dans les familles même. On doit par­­fois
uti­­li­­ser une caméra, afin de comprendre comment on pré­­pare les repas, comment
on regarde la télé­­vi­­sion, comment on achète. Ce qui sup­­pose des périodes d’inser­
­tion incontournables, et, donc, des coûts impor­­tants, dans le but d’iden­­ti­­fier des
conduites, le plus sou­­vent, inconscientes et automatiques.
Et gare aux géné­­ra­­li­­sa­­tions hâtives ! Ce qui est vrai pour la Thaïlande ne l’est pas
obligatoirement pour les pays voi­­sins, ou d’une commu­­nauté à l’autre. Même si
l’impor­­tance du col­­lec­­tif s’y retrouve, comme dans de nom­­breux pays émergents,
d’énormes dif­­fé­­rences s’y révèlent, procédant des reli­­gions, de l’his­­toire, des visions
du monde. Mais, en dépit de ces dif­­fi­­cultés d’appré­­hen­­sion, et, même, à cause
d’elles, le « business » ne manque pas ici avec la reprise de la crois­­sance, à nou­­veau
proche de 6  % par an, avec un taux d’endet­­te­­ment qui a plus que doublé en
quelques années. Même s’il vit en res­­pec­­tant de près ses traditions, le Thaï se sou­­cie
peu du passé, et encore moins de l’ave­­nir. Dans ce pays où le sexe est mis sur le
même pied que la gas­­tro­­no­­mie, la seule réfé­­rence est le présent.
Il en va de même pour le mana­­ge­­ment. Dans son sec­­teur de ser­­vices, Jérôme ne
peut qu’admi­­rer, la capa­­cité de tra­­vail de ses cadres et employés  : certes, payés
quatre fois plus que la concur­­rence, ils tra­­vaillent avec une effi­­ca­­cité décu­­plée.

420
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8


Dans cette société très hié­­rar­­chique, où les castes tendent à se per­­pé­­tuer, où les fils
de famille peuplent en priorité les meilleures uni­­ver­­si­­tés et partent volontiers se for­
­mer à l’étran­­ger, de nou­­velles élites tendent à s’affir­­mer. Point n’est besoin d’enca­­
drer de trop près ces col­­la­­bo­­ra­­teurs soi­­gneu­­se­­ment sélec­­tion­­nés ; il faut, avant tout,
leur faire confiance.
Il a fallu à Jérôme quelques années pour le comprendre et pour s’ajus­­ter à eux ; ce
qui a puis­­sam­­ment contribué à le moti­­ver lui-­même : en pas­­sant beau­­coup de temps
à expli­­quer ce à quoi on veut arri­­ver, mais sans se pré­­oc­­cu­­per outre mesure de la
mise en œuvre. Si un client appelle le vendredi soir pour la réa­­li­­sa­­tion d’une étude
pen­­dant le week-end end, pas de pro­­blème, fiez vous à vos collaborateurs qui
prennent en charge le pro­­blème. S’il faut his­­ser au cin­­quième étage d’un hôtel une
voi­­ture, voire plu­­sieurs, pour un «  car clinic  » comparatif, accep­­tez d’igno­­rer
comment a été réalisé cet exploit. Si vous y aviez mis le nez, vous pou­­vez être sûr
que cela n’aurait pas marché.
Dans un « people busi­­ness » comme celui de Jérôme, sans automatismes, où rien
n’est récur­­rent – ni les mis­­sions, ni les processus-, une telle atti­­tude est incontour­­
nable et requiert d’évi­­ter toute dérive « colonialiste », en croyant que telle déci­­sion
sera meilleure parce qu’elle cor­­res­­pon­­dra à ses propres valeurs ou s’ins­­crira dans
ses propres pra­­tiques cultu­­relles. Comme ces Anglais qui croient cer­­tains col­­la­­bo­­
ra­­teurs plus in­telligents, plus « égaux » que les autres, parce qu’ils maî­­trisent mieux
leur langue et sa pra­­tique sour­­noise à plu­­sieurs vitesses. A contrario, dans cet envi­
­ron­­ne­­ment d’affaires anglo­­phone, ce han­­di­­cap lin­­guis­­tique devrait être ici un avan­
­tage pour un expa­­trié fran­­çais : contraint à plus de patience, à moins d’émo­­tion et
de nuances dans l’expres­­sion, il se fera para­­doxa­­le­­ment mieux comprendre, avec
un lan­­gage plus simple, par des inter­­lo­­cuteurs ame­­nés, comme lui, à ne pas uti­­li­­ser
leur langue maternelle. Si on y perd en sub­­ti­­lité, on y perd aussi – heu­­reu­­se­­ment !-
en arro­­gance.
Mais ce n’est pas, pour autant, facile pour Jérôme d’impo­­ser le modèle fami­­lial qu’il
sou­­hai­­te­­rait impri­­mer à son entre­­prise, en sou­­hai­­tant peu de dis­­tance hié­­rar­­chique
dans une société qui n’est guère éga­­li­­taire. Son mode de mana­­ge­­ment s’efforce de
gom­­mer le plus pos­­sible cette dis­­tance, d’évi­­ter le for­­ma­­lisme bureau­­cra­­tique, de
ban­­nir les réunions de cadres rou­­ti­­nières. Il tend, au contraire, à privilégier le « sur
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mesure », à faci­­li­­ter l’accessibilité, à encou­­ra­­ger la dis­­cus­­sion directe, les mémos


spontanés, les courriels. Etre aussi sen­­sible aux évé­­ne­­ments de la vie per­­son­­nelle
des membres de son équipe : fêter les anni­­ver­­saires, assis­­ter aux mariages, s’asso­­cier
aux deuils.
Ces contraintes d’adap­­ta­­tion des approches mar­­ke­­ting comme des approches
managériales ne doivent, en rien dimi­­nuer d’autres défis, qui relèvent davan­­tage
du déve­­lop­­pe­­ment de la struc­­ture, qui doit s’ajus­­ter au cadre mul­­ti­­natio­­nal de
l’orga­­ni­­sa­­tion à laquelle appar­­tient Jérôme, compor­­tant la néces­­sité de coor­­don­­
ner les opé­­ra­­tions entre implan­­ta­­tions et d’har­­mo­­ni­­ser les pro­­cé­­dures ; ne serait-­ce
que pour répondre aux cahiers des charges mon­­diaux fixés par les grands don­­
neurs d’ordre inter­­na­­tionaux, conjoin­­te­­ment avec le siège, en matière d’études
marketing.

421
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Comment auraient pu être for­­mu­­lés, à l’arri­­vée de Jérôme, les objec­­tifs et les orien­­ta­
­tions de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de la filiale de son entre­­prise en Thaïlande ?
Dans quelle mesure la Thaïlande pou­­vait consti­­tuer un point d’entrée pri­­vi­­lé­­gié pour
une société d’études marketing en Asie ? Quel mode d’entrée et de pré­­sence – agent,
par­­te­­naire local, filiale ou succursale- pouvait être pour l’orga­­ni­­sa­­tion le mieux
adapté pour s’enga­­ger dans ce pays ? Quel mode de rela­­tion – auto­­no­­mie ou assu­­
jet­­tis­­se­­ment au siège- était-­il ima­­gi­­nable de mettre en place ? Qu’est-­ce qui pré­­dis­­po­
­sait Jérôme à prendre la res­­pon­­sa­­bi­­lité du lan­­ce­­ment, puis du déve­­lop­­pe­­ment de la
filiale thaïe de l’orga­­nisme d’études mar­­ke­­ting auquel il appar­­tient ? À quelles prin­­
ci­­pales contraintes de mise en œuvre s’est-­il trouvé confronté ? Pour quelles fonc­­
tions, en par­­ti­­cu­­lier ? En quoi affectaient-­elles l’acti­­vité cœur de l’entre­­prise ? En quoi,
et sur quels plans, Jérôme et ses équipes ont-­ils su répondre dans le contexte local et
en tenant compte de ses par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés ? Quels dif­­fé­­rents défis Jérôme a-­t-il eu à rele­
­ver dans le domaine du mana­­ge­­ment de ses équipes ? Comment s’en est-­il acquitté ?
Quelles tâches, en amont de son arri­­vée à Bangkok, et ensuite, Jérôme a-­t-il eu à
iden­­ti­­fier et programmer ? Comment déter­­mi­­ner les res­­sources néces­­saires à leur réa­
­li­­sa­­tion pour, ensuite, en éva­­luer l’enve­­loppe ? Dans quelle mesure le cadre de cette
pla­­ni­­fi­­ca­­tion opé­­ra­­tion­­nelle a-­t-il pu être amené à évoluer au fil du temps, au-­delà de
la phase ini­­tiale de démar­­rage de l’acti­­vité en Thaïlande ?

La mise en œuvre de la SDI sup­­pose donc, à par­­tir de sa for­­mu­­la­­tion, que soient


déter­­mi­­nées, dans l’espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion retenu, les localisations
cibles et les modes d’entrée/de pré­­sence à pri­­vi­­lé­­gier.
Le mode de struc­­tu­­ra­­tion des fonc­­tions, comme l’arti­­cu­­lation des rela­­tions entre le siège
et les implan­­ta­­tions, intro­­duit à la dimen­­sion inter­cultu­­relle qui consti­­tue, elle aussi, un
aspect impor­­tant de la mise en œuvre. En dépen­­dra lar­­ge­­ment le succès de son issue, à
dif­­fé­­rents niveaux fonc­­tion­­nels, comme dans le cadre inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion, en
lien avec les par­­ties pre­­nantes exté­­rieures, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment dans les pays d’implan­­ta­­tion.
Ces approches successives permettront, ultérieurement, dans une perspec­­tive opé­
­ra­­tion­­nelle d’envi­­sa­­ger la struc­­tu­­ra­­tion du « plan d’affaire » fixant la suc­­ces­­sion des
opérations à enga­­ger, des res­­sources à mobiliser, pour tenir compte des objec­­tifs que
l’orga­­ni­­sa­­tion se sera fixés, au fil de son déve­­lop­­pe­­ment local et/ou de son
développement d’ensemble.

Section
1 La dyna­­mique des modes d’approche
Une fois défi­­nis les grands objec­­tifs et for­­mu­­lée la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation
dans l’espace de réfé­­rence et/ou d’expan­­sion, il s’agira, tout d’abord, de finaliser les
priori­­tés géo­­gra­­phiques rete­­nues et les modes d’entrée envi­­sa­­gés, sur la base du
repé­­rage effec­­tué en amont, lors de la for­­mu­­la­­tion stratégique.

422
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

À ce stade de la mise en œuvre, il s’agira de conci­­lier les orien­­ta­­tions de la for­­mu­


­la­­tion de la SDI et les contraintes pra­­tiques de la réalisation :
• En fonc­­tion du rythme prévu et des cri­­tères de sélection rete­­nus (niveau d’enga­­ge­
­ment, niveau de risque accepté, niveau de contrôle requis, etc.), seront pré­­ci­­sées
les priori­­tés de loca­­li­­sa­­tion et leur calen­­drier de réa­­li­­sa­­tion.
• Res­­tera alors, à fixer, sur la base d’un schéma iden­­tique pour toutes les localisations
ou, au contraire, étroi­­te­­ment adapté à chaque contexte, le mode d’entrée pour
chaque nouveau pays cible ou les évo­­lu­­tions éven­­tuelles des modes de pré­­sence
exis­­tants dans les pays d’implantation plus ancienne.
C’est, par exemple, pour la société d’études mar­­ke­­ting occi­­den­­tale qui vient d’être
présentée, une telle démarche qui aura conduit au choix de la Thaïlande comme point
d’entrée pri­­vi­­lé­­gié en Asie du Sud Est, et la créa­­tion ex nihilo d’une implan­­ta­­tion, dans
le cadre d’une stra­­té­­gie de crois­­sance orga­­nique ayant pour objec­­tifs prioritaires :
––d’une part de «  suivre ses clients  », mul­­ti­­natio­­nales occi­­den­­tales de la grande
consommation ou de l’équi­­pe­­ment des ménages, en quête de relais de crois­­sance
en Asie, et, particulièrement en Thaïlande, qui, au tout début des années 2000,
atti­­rait nombre d’entre eux ;
––d’autre part, de déve­­lop­­per une clien­­tèle locale et régio­­nale pro­­met­­teuse, encore
peu au fait des études mar­­ke­­ting, en contri­­buant à y créer et à y dif­­fu­­ser ce type de
ser­­vice aux entreprises.

1  Finaliser les loca­­li­­sa­­tions cibles

Lors de la fina­­li­­sa­­tion des loca­­li­­sa­­tions cibles, au sein de l’espace de réfé­­rence ou


d’expan­­sion retenu, il fau­­dra, tout d’abord, arbi­­trer entre les oppor­­tu­­ni­­tés poten­­
tielles de loca­­li­­sa­­tion iden­­ti­­fiées en amont du pro­­ces­­sus d’audit. Puis, en fonction de
cri­­tères rele­­vant de l’ana­­lyse externe (cri­­tères d’attractivité) et de cri­­tères rele­­vant de
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l’ana­­lyse interne (correspondant aux avan­­tages compé­­titifs, aux atouts et res­­sources


dont dis­­pose l’orga­­ni­­sa­­tion), en uti­­li­­sant, par exemple, la matrice McKinsey General
Electric1, éta­­blir les bases d’une hié­­rar­­chi­­sa­­tion entre elles, selon l’approche rete­­nue
(horizontalisation / verticalisation).

1.1  Arrê­­ter les opportunités de loca­­li­­sa­­tion priori­­taires


Entre horizontalisation et verticalisation, les cri­­tères à prendre en compte obéissent
à des logiques spé­­ci­­fiques :

1.  Cf. figure 7.3 « Posi­­tion­­ne­­ment des zones cibles (matrice attraits/atouts) » appli­­quée à Com­in Asia.

423
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Dans une approche d’exten­­sion de mar­­ché (domi­­nante d’horizontalisation),


comme dans le cas de Com­in Asia, l’iden­­ti­­fi­­cation de nou­­veaux marchés-­cibles,
privilégierait, ainsi :
––des cri­­tères externes cor­­res­­pon­­dant à l’attractivité, aussi bien pour des pays qui
présentent un très impor­­tant poten­­tiel (comme la Chine ou l’Indonésie) que pour
d’autres, de taille plus modeste, mais plus proches géo­­gra­­phi­­que­­ment et
culturellement (comme le Laos et le My­anmar) ;
––des cri­­tères internes, cor­­res­­pon­­dant aux atouts de l’orga­­ni­­sa­­tion considérée,
comme à sa capa­­cité à répondre aux besoins dans ses dif­­fé­­rents domaines de spé­
­cia­­lité, dans des pays de matu­­rité encore limi­­tée ; ou encore, la pos­­si­­bi­­lité qu’elle
aurait de dis­­po­­ser d’appuis dans des espaces qui lui seraient moins fami­­liers (dans
le cas de Com­in Asia, les pays où RM Asia, son re­pre­­neur, est déjà installé).
Dans une approche d’opti­­mi­­sation de la chaîne d’appro­­vi­­sion­­ne­­ment et de pro­­
duc­­tion (domi­­nante de verticalisation), comme le tex­­tile, l’auto­­mo­­bile ou la
construc­­tion aéro­­nau­­tique, le re­déploie­­ment géogra­­phique retien­­dra en priorité :
––les coûts de pro­­duc­­tion qui seront, bien sûr, à nuan­­cer en fonc­­tion de la nature des
opérations à effec­­tuer – dans l’auto­­mo­­bile, par exemple, entre l’assem­­blage recou­
­rant encore beau­­coup à la main-­d’œuvre, et la pro­­duc­­tion de moteurs, très auto­
matisée1- ;
––les contraintes logis­­tiques, tenant compte de l’inci­­dence des coûts d’ache­­mi­­ne­­
ment, sur l’ensemble des coûts de fabri­­ca­­tion et de mise à dis­­po­­si­­tion, dont la
réduc­­tion et la maîtri­se par l’orga­­ni­­sa­­tion per­­mettent, à une firme comme GHCL
de déve­­lop­­per sa supply chain sur trois conti­­nents2 ;
––la proxi­­mité des mar­­chés consom­­ma­­teurs/uti­­li­­sa­­teurs,  dans la mesure où pro­­duire
localement est sus­­cep­­tible d’en faci­­li­­ter l’accès ou d’en limi­­ter les risques,
indépendamment des avan­­tages pré­­cé­­dem­­ment men­­tion­­nés ; comme Air­­bus, qui
fabri­­quera en Chine, mar­­ché le plus pro­­met­­teur, ou aux Etats-­Unis, encore le mar­
­ché le plus impor­­tant, en limi­­tant, sur l’un et sur l’autre, l’impact du risque de
change ;
––d’autres cri­­tères, encore, plus dis­­crè­­te­­ment mis en avant par les orga­­ni­­sa­­tions
comme l’expo­­si­­tion fis­­cale ou l’impact plus ou moins contrai­­gnant des
règlementations du travail.
Une fois arrê­­tés les prin­­ci­­paux cri­­tères appli­­cables aux loca­­li­­sa­­tions éli­­gibles à
l’implantation, il fau­­dra alors les pré­­ci­­ser, les adap­­ter, les complé­­ter ; tout en pon­­

1.  En réponse aux ques­­tions de H.Bolle, pour Chal­­lenges («  Varin en est cer­­tain, l’auto­­mo­­bile ira bien  »,
8/12/2011), Philippe Varin pré­­sident du Directoire de PSA, décla­­rait ainsi, « Autant je suis très clair sur les désa­­
van­­tages que nous avons en France sur le seg­­ment B [celui des cita­­dines, comme la Peugeot 207 ou la Citroën C3]
par rap­­port à nos concur­­rents d’Europe Centrale : je l’éva­­lue entre 700 et 800 euros par modèle. Autant la situa­­tion
est tout à fait dif­­fé­­rente sur les moteurs, qui sont des pro­­duits tech­­no­­lo­­giques, où la part de main-­d’œuvre n’est pas
aussi pré­­pon­­dé­­rante que dans l’assem­­blage d’une voiture. ».
2.  Voir chapitre 4, exemple 4.15 « GHCL, la struc­­ture écla­­tée ».

424
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

dé­­rant leur impor­­tance res­­pec­­tive, afin de hié­­rar­­chi­­ser ou de «prioriser» les dif­­fé­­


rentes solu­­tions possibles.
Tout d’abord, il s’agira de tra­­duire dans ces cri­­tères les avan­­tages compé­­titifs à
valo­­ri­­ser et les grandes options rete­­nues en matière d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, qui
consti­­tue­­ront un premier groupe de fac­­teurs de sélec­­tion, prin­­ci­­pa­­le­­ment sur deux
plans :
––tech­­nique : pour GHCL, par exemple, la volonté de tirer parti de la meilleure qua­
­lité des matières pre­­mières ou d’un réseau de four­­nis­­seurs par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
fiables ; pour Air­­bus, de se posi­­tion­­ner dans des zones où la main-­d’œuvre qua­­li­­
fiée est la plus accessible ;
––commer­­cial : Com­in Asia cher­­chera à pro­­fi­­ter de la proxi­­mité cultu­­relle, lui per­­
met­­tant de valo­­ri­­ser plus aisé­­ment son expé­­rience, sans, tou­­te­­fois, exclure les
cibles géo­­gra­­phiques néces­­si­­tant des efforts d’adap­­ta­­tion plus impor­­tants. Pour
d’autres orga­­ni­­sa­­tions, comme L’Oréal, ce sera la qua­­lité des inter­­mé­­diaires
locaux, consi­­dé­­rée comme essen­­tielle dans la dis­­tri­­bu­­tion de ses pro­­duits qui
consti­­tuera un cri­­tère de sélec­­tion essen­­tiel de localisation.
Dans une deuxième bat­­te­­rie de cri­­tères, il convien­­drait de prendre en compte des
limites, tant en matière d’enga­­ge­­ment (limites de pres­­ta­­tion), qu’en matière de pro­­
gres­­sion de la démarche :
• En matière d’enga­­ge­­ment, ce sera l’enve­­loppe des res­­sources dis­­po­­nibles dans
l’espace de réfé­­rence qui déter­­mi­­nera, au pre­­mier chef, le niveau d’ambi­­tion de
l’entre­­prise, comme, dans la grande dis­­tri­­bu­­tion, la réserve finan­­cière que repré­­
sente le cash-­flow dis­­po­­nible « pour une crois­­sance rentable ». Ce peut être aussi,
d’un point de vue plus qua­­li­­ta­­tif, le niveau de risque acceptable, qui exclura les
pays qui combinent, par exemple, un poten­­tiel de mar­­ché trop limité et un niveau
de risque trop élevé. Dans cette perspec­­tive, on pri­­vi­­lé­­giera donc ceux qui pos­­
sèdent, simul­­ta­­né­­ment, un rythme de déve­­lop­­pe­­ment sou­­tenu et un environnement
politico-­économique stable et sûr.
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• En matière de pro­­gres­­sion, le rythme d’approche des nou­­velles loca­­li­­sa­­tions repré­


­sente une compo­­sante clé : ainsi, chez Euro­fins Scientific1, à la suite de la sélec­­tion
des oppor­­tu­­ni­­tés par le comité ad hoc en pro­­gram­­mant soi­­gneu­­se­­ment la cou­­ver­­
ture systématique et pro­­gres­­sive des dif­­fé­­rents mar­­chés de l’ana­­lyse phar­­ma­­ceu­­
tique et ali­­men­­taire. Cette pro­­gres­­si­­vité pourra aussi être accé­­lé­­rée, sous la
pres­­sion de la course aux parts de marché (comme pour Huawei, dans le sec­­teur
de l’équi­­pe­­ment des opé­­ra­­teurs télécom2) dic­­tée par l’évo­­lu­­tion de l’envi­­ron­­ne­­
ment concurrentiel.
La troi­­sième étape est de fixer les objec­­tifs géo­­gra­­phiques à atteindre, tout autant
sur le plan quan­­ti­­tatif que qua­­li­­ta­­tif :

1.  Voir exemple 7.6.


2.  Voir cas intro­­duc­­tif du chapitre 4.

425
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

• Sur le plan quan­­ti­­tatif, les objec­­tifs seront sou­­vent fixés en termes de niveaux de
parts de mar­­ché ou de répar­­tition de pro­­duc­­tion entre implan­­ta­­tions et/ou sous
traitants. Pour la plu­­part des mul­­ti­­natio­­nales citées -par exemple, dans les sec­­teurs,
de l’automobile, de l’aéro­­nau­­tique, des cos­­mé­­tiques, du vin ou de la grande
distribution-, il s’agira d’équi­­li­­brer leur chiffre d’affaires et, sou­­vent, leur pro­­duc­
­tion, au niveau mon­­dial. Elles tiennent compte, en effet, du dépla­­ce­­ment pro­­gres­
­sif du centre de gra­­vité des acti­­vi­­tés (offre et demande) vers les pays émergents à
fort poten­­tiel qui, comme l’Asie et, à un moindre titre, l’Amérique Latine, doivent
repré­­sen­­ter à cinq, dix ou quinze ans, sui­­vant les sec­­teurs, les mar­­chés principaux,
pour tout ou par­­tie des acti­­vi­­tés de ces orga­­ni­­sa­­tions.
• Sur le plan qua­­li­­ta­­tif, la conquête de mar­­chés de réfé­­rence et la péné­­tra­­tion de
certaines zones essen­­tielles, à la fois pour leur poten­­tiel direct et pour leur carac­­
tère prescripteur pour d’autres zones, expliquent la priorité don­­née chez Huawei,
dès le début des années 2000, avec ses équi­­pe­­ment 3G, aux mar­­chés occi­­den­­taux,
chasse gar­­dée d’acteurs locaux, comme Alcatel Lucent. En dépen­­dait, aussi, son
suc­­cès sur les mar­­chés pro­­met­­teurs des pays émergents, qui ont sou­­vent cou­­tume
de s’ali­­gner sur les stan­­dards internationaux. De manière plus géné­­rale, en Europe,
notam­­ment dans des sec­­teurs technologiquement évolués, une réus­­site en
Allemagne (en termes de vente, de pro­­duc­­tion, de R & D, de partenariat) pour une
firme ori­­gi­­naire d’un autre pays -européen ou non-, confère un label exploitable
dans le monde entier et consti­­tue un excellent stimulant en interne.
Ce sont donc, tout à la fois, les pré­­ci­­sions appor­­tées aux cri­­tères d’« attraits » des
localisations à sélec­­tion­­ner (poten­­tiel éco­­no­­mique des zones, faible niveau des coûts
de pro­­duc­­tion, etc.) et d’ « atouts » que l’orga­­ni­­sa­­tion sou­­haite valo­­ri­­ser (avance
technologique, capa­­cité d’adap­­ta­­tion, réserves finan­­cières, etc.), sur la base des
objec­­tifs ressortant d’une for­­mu­­la­­tion claire de la SDI, qui vont per­­mettre :
––d’en finaliser la liste, d’une part ;
––de déter­­mi­­ner un mode d’éva­­lua­­tion satis­­faisant pour cha­­cun d’entre eux, d’autre
part.
Ce qui per­­met­­tra, ensuite, un rap­­pro­­che­­ment, sur une grille compa­­ra­­tive, des dif­
f­é­­rentes pos­­si­­bi­­li­­tés de loca­­li­­sa­­tion, abou­­tis­­sant à une hiérarchisation des unes par
rap­­port aux autres.

1.2  Hié­­rar­­chi­­ser les oppor­­tu­­ni­­tés de loca­­li­­sa­­tion


La hié­­rar­­chi­­sa­­tion des loca­­li­­sa­­tions cibles pourra s’orga­­ni­­ser alors de deux
manières :
• Une pre­­mière solu­­tion serait d’éta­­blir de simples grilles compa­­ra­­tives, rap­­pro­­
chant et pon­­dé­­rant les cri­­tères d’attrait des dif­­fé­­rentes loca­­li­­sa­­tions envi­­sa­­geables,
en approfondissant l’ana­­lyse des oppor­­tu­­ni­­tés externes effec­­tuée en amont du pro­
­ces­­sus, préa­­la­­ble­­ment à la formulation de la SDI.

426
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

c Repère 8.1
La démarche d’éta­­blis­­se­­ment d’une grille compa­­ra­­tive des oppor­­tu­­ni­­tés
de localisation
Elle consti­­tue la for­­mule la plus simple, sus­­cep­­tible de s’appli­­quer aux orga­­ni­­sa­­tions
qui se sont assigné des objec­­tifs de déve­­lop­­pe­­ment sur des mar­­chés de proxi­­mité, vis-
­à-vis des­­quels elles pos­­sèdent des avan­­tages compé­­titifs équi­­va­­lents. Cette démarche
se décom­­pose de la façon suivante :
––iden­­ti­­fier les cri­­tères d’attraits per­­ti­­nents pour l’orga­­ni­­sa­­tion ;
––les éva­­luer, sui­­vant une échelle per­­met­­tant de les compa­­rer les uns aux autres ;
––les pon­­dé­­rer en fonc­­tion de l’impor­­tance res­­pec­­tive que l’organsation estime devoir
leur accor­­der ;
––les appli­­quer aux loca­­li­­sa­­tions rete­­nues lors de l’étape d’iden­­ti­­fi­­cation des loca­­li­­sa­­
tions cibles (screening).
La déter­­mi­­na­­tion des cri­­tères de sélec­­tion peut s’opé­­rer autour de plu­­sieurs axes, tels
le poten­­tiel de mar­­ché, les risques poli­­tiques, les risques éco­­no­­miques, les risques de
marché rete­­nus, en fonc­­tion du sec­­teur et de l’acti­­vité de l’entre­­prise consi­­dé­­rée, d’une
part, et des objec­­tifs de la SDI (sou­­vent liés aux res­­sources dont elle dis­­pose, qui sont
déter­­mi­­nantes pour la fixa­­tion de son niveau d’enga­­ge­­ment et des modes d’approche
qui y cor­­res­­pondent), d’autre part.
Une fois effec­­tué le choix des cri­­tères, il reste à éta­­blir une échelle unique d’éva­­lua­­tion,
applicable à l’ensemble d’entre eux, même s’ils sont de nature dif­­fé­­rente et sus­­cep­­
tibles d’être étayés ou non par des don­­nées quan­­ti­­tatives. Cela sup­­po­­sera, d’inté­­grer à
la même grille :
––des cri­­tères de poten­­tiel de mar­­ché, quan­­ti­­fiables (par exemple, dans le sec­­teur auto­
­mo­­bile, en fonc­­tion du volume du parc existant ou de la pro­­duc­­tion annuelle de
véhi­­cules) ;
––et des cri­­tères plus qua­­li­­ta­­tifs, dif­­fi­­ciles à relier à un index exis­­tant.
En consé­­quence, on s’atta­­chera, au cas par cas, pour les uns comme pour les autres, à
éta­­blir une échelle de nota­­tion (de 1 à 10 ou de 1 à 5, par exemple) de manière à
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déter­­mi­­ner les bases d’une note d’ensemble pour chaque localisation.


Il fau­­dra, enfin, prendre en compte l’impor­­tance rela­­tive de chaque cri­­tère par rap­­port
aux autres, en l’affec­­tant d’un coef­­fi­­cient de pon­­dé­­ra­­tion qui sera fonc­­tion :
––d’une part, des carac­­té­­ris­­tiques propres à chaque loca­­li­­sa­­tion envi­­sa­­gée (comme
dans les grilles d’éva­­lua­­tion multi­cri­­tères des agences d’éva­­lua­­tion du risque pays) ;
––d’autre part, de la nature de l’acti­­vité ou du pro­­duit consi­­déré et des orien­­ta­­tions
stratégiques de l’entre­­prise.

Exer­­cice
Se repor­­ter au cha­­pitre 7, « Com­in Asia » (cas introductif et figure 7.3 « Positionnement
des zones cibles (matrice attraits/atouts) ».
••Véri­­fier ci-­dessous la per­­ti­­nence des variables rete­­nues.
••Appré­­cier, en fonc­­tion des acti­­vi­­tés (trading, power, contracting, main­­te­­nance), le bien
fondé du coefficient appli­­qué à chaque variable.

427
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


••Appli­­quer, aux quatre pays rete­­nus dans la figure 7.3. et éta­­blir entre eux un ordre de
priorité pour l’organisation consi­­dé­­rée.
••Compa­­rer le clas­­se­­ment final à celui que sug­­gère la matrice « attraits/atouts ».

Tableau 8.1 – Appli­­ca­­tion d’un tableau de sélection de zones cibles à Com­in Asia
Cri­­tères Coef. Laos Myanmar Chine Indonésie
Poten­­tiel de mar­­ché (taille x crois­­sance) 25

Obs­­tacles poli­­tiques et règlementaires à 15


l’entrée
Niveau de matu­­rité technologique 10

Qua­­lité des par­­te­­naires/des relais locaux 18

Sensibilité aux prix 12

Contraintes logis­­tiques et trans­­port 8

Qua­­lité et acces­­si­­bi­­lité de la main-­d’œuvre 12


locale
Note d’ensemble

• Une seconde solu­­tion serait de par­­tir direc­­te­­ment de la matrice « attraits/atouts »,


permet­­tant une compa­­rai­­son plus exhaus­­tive et plus pré­­cise, fai­­sant entrer en ligne
de compte les carac­­té­­ris­­tiques propres de l’orga­­ni­­sa­­tion et sa «  vision  » de son
propre développement (cf. figure 7.3 pour Com­in Asia).

c Repère 8.2
L’éta­­blis­­se­­ment d’une matrice « attraits/atouts »
Appli­­quée à la sélec­­tion des localisations cibles, elle combine deux approches :
––la hié­­rar­­chi­­sa­­tion des oppor­­tu­­ni­­tés locales, de la même manière que dans la
démarche précédente, sur laquelle elle peut s’appuyer, et qu’elle peut complé­­ter et
vali­­der ;
––la hié­­rar­­chi­­sa­­tion des avan­­tages que pos­­sède l’orga­­ni­­sa­­tion pour appro­­cher chaque
loca­­li­­sa­­tion, en fonction de son degré de maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès requis
pour y réus­­sir et de l’inté­­rêt que chacune pré­­sente dans le cadre des objec­­tifs défi­­nis
dans la SDI.
Tout d’abord, la hié­­rar­­chi­­sa­­tion des oppor­­tu­­ni­­tés locales se réfèrera à la note de syn­­
thèse accor­­dée à chaque loca­­li­­sa­­tion, dans le cadre de l’éta­­blis­­se­­ment de la grille
compa­­ra­­tive, pour la situer sur un axe ver­­ti­­cal, mesu­­rant l’attrait spé­­ci­­fique – fort,
moyen ou faible – de chaque loca­­li­­sa­­tion envi­­sa­­gée. Cette hiérarchisation peut
compor­­ter dif­­fé­­rents types de pré­­oc­­cu­­pa­­tions :

428
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8


Une pré­­oc­­cu­­pa­­tion domi­­nante à carac­­tère mar­­ke­­ting (horizontalisation), tra­­duira
l’inté­­rêt porté, avant tout, aux carac­­té­­ris­­tiques des mar­­chés rete­­nus (leur taille, leur
matu­­rité, leur taux de croissance, etc.) et à la faci­­lité d’accès que cha­­cune ména­­gera à
ses pro­­duits (contraintes régle­­men­­taires, intensité de la concur­­rence, atti­­tude des pres­
­crip­­teurs, acces­­si­­bi­­lité des canaux de dis­­tri­­bu­­tion, etc.).
••Une pré­­oc­­cu­­pa­­tion domi­­nante à carac­­tère logis­­tique et indus­­triel (verticalisation)  pourra
deve­­nir pré­­pon­­dé­­rante, dès lors que les orga­­ni­­sa­­tions – une fois véri­­fié le poten­­tiel de
certains mar­­chés exté­­rieurs et prise en compte de leur expé­­rience de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation
– envi­­sagent une production délocalisée, totale ou par­­tielle. Elle s’atta­­chera alors davan­
­tage, à la sta­­bi­­lité poli­­tique et éco­­no­­mique à long terme et aux condi­­tions d’accueil des
inves­­tis­­se­­ments (appuis locaux, partenariats poten­­tiels, sub­­ven­­tions et avan­­tages fis­­caux,
pro­­tec­­tion des actifs et des personnels, etc.).
Ensuite, le niveau de maî­­trise des fac­­teurs clés de suc­­cès par l’orga­­ni­­sa­­tion, ses atouts
ou avantages compétitifs, pour chaque loca­­li­­sa­­tion envi­­sa­­gée, en rela­­tion avec les
carac­­té­­ris­­tiques de chaque envi­­ron­­ne­­ment géo-­sectoriel, pourra leur sug­­gé­­rer soit de
commer­­cia­­li­­ser leurs pro­­duits et ser­­vices, soit de les fabri­­quer sur place, en fonction :
––de leur soli­­dité finan­­cière, compte tenu de l’impor­­tance et de la durée de l’effort de
péné­­tra­­tion (comme sur les mar­­chés chi­­nois ou nord-­américains, pour Air­­bus) ou de
la période d’amor­­tis­­se­­ment requise (en cas de rachat de struc­­tures exis­­tantes, comme
Cemex ;
––d’une image favo­­rable dans le contexte local consi­­déré, comme celle des voi­­tures
alle­­mandes, particulièrement haut de gamme, aux États-­Unis ou des pro­­duits de luxe
fran­­çais, au Japon ; laquelle per­­met­­tra aux orga­­ni­­sa­­tions qui peuvent s’en pré­­va­­loir
de béné­­fi­­cier, d’emblée, d’un avan­­tage concur­­ren­­tiel déci­­sif par rap­­port à la concur­
­rence locale ou étrangère ;
––d’une capa­­cité d’inno­­va­­tion, d’une créa­­ti­­vité ou d’une réac­­ti­­vité leur per­­met­­tant de se
posi­­tion­­ner avan­­ta­­geu­­se­­ment dans des pays où la demande est très évo­­lu­­tive, comme
pour la télé­­pho­­nie mobile, dans les éco­­no­­mies à crois­­sance rapide où les infra­­struc­­
tures de télé­­com­­mu­­ni­­ca­­tion sont inadap­­tées, alors même que leurs besoins sont en
aug­­men­­ta­­tion expo­­nen­­tielle, (comme en Chine et dans de nom­­breux pays d’Asie du
Sud-­Est) ;
––d’un appui par­­ti­­cu­­lier de la part des auto­­ri­­tés (ou des ins­­ti­­tutions finan­­cières) du pays
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d’ori­­gine, lorsque des finan­­ce­­ments spé­­ci­­fiques sont acces­­sibles (pour les «  cham­­
pions inter­­na­­tionaux » chi­­nois, par exemple) ou encore, lorsque des pro­­to­­coles finan­
­ciers favo­­risent cer­­tains types d’opé­­ra­­tions d’expor­­ta­­tion ou d’infra­­struc­­tures (ainsi,
l’équi­­pe­­ment de cer­­tains pays en déve­­lop­­pe­­ment)  ; à ceci pou­­vant s’ajou­­ter ou se
compa­­rer la capa­­cité à mobi­­li­­ser concours, aides et sub­­ven­­tions de la part de cer­­tains
orga­­nismes inter­­na­­tionaux, à carac­­tère régio­­nal (Banque euro­­péenne d’inves­­tis­­se­­
ment, BERD, etc.) ou mon­­dial (Banque mon­­diale, AID, Société finan­­cière in­ternatio­­
nale, etc.).
Le niveau de ces dif­­fé­­rents « atouts » varie, à la fois, d’une orga­­ni­­sa­­tion à l’autre et,
pour chaque organisation, d’une loca­­li­­sa­­tion à l’autre. Il sera donc néces­­saire pour une
orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée (ou pour un groupe homo­­gène d’orga­­ni­­sa­­tions), de mesu­­rer
ses atouts vis-­à-vis de chaque loca­­li­­sa­­tion potentielle, en tenant compte, bien sûr,
comme pour la hié­­rar­­chi­­sa­­tion des oppor­­tu­­ni­­tés de l’attrait des pays, de la perspec­­tive
d’approche privilégiée (horizontalisation ou verticalisation).

429
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

À l’issue du pro­­ces­­sus de fina­­li­­sa­­tion/hié­­rar­­chi­­sa­­tion des loca­­li­­sa­­tions cibles,


envisagé dans dif­­fé­­rentes perspec­­tives – horizontalisation ou verticalisation – sans
négli­­ger leur évo­­lu­­tion dans le futur, il convient de le rap­­pro­­cher du choix des modes
d’approche qui consti­­tue logi­­que­­ment, tou­­jours en confor­­mité avec les orien­­ta­­tions
de la SDI, l’étape sui­­vante de son pro­­ces­­sus de mise en œuvre.

2  Déci­­der des modes d’entrée et de l’évolution des modes


de pré­­sence

C’est en fonc­­tion des enjeux aux­­quels elle va se trou­­ver confron­­tée dans chaque
espace de réfé­­rence ou d’expan­­sion et, fina­­le­­ment, dans chaque pays qui y aura été
sélec­­tionné, que l’organisation déci­­dera du mode d’entrée dans ses nou­­veaux pays
cibles ou de l’évo­­lu­­tion éven­­tuelle de son mode de pré­­sence dans les pays où elle est
déjà implan­­tée.
Avant d’avoir pris pied dans un nou­­vel espace géo-­sectoriel – région, pays ou
groupe de pays –, l’orga­­ni­­sa­­tion consi­­dé­­rée devra, en effet, envi­­sa­­ger sa loca­­li­­sa­­tion
dans une perspec­­tive explo­­ra­­toire en termes de « mode d’entrée ». Par la suite, il sera
plus appro­­prié de rai­­son­­ner en termes de « mode de présence », dans une perspec­­tive
dyna­­mique d’adap­­ta­­tion aux trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment consi­­déré et d’évo­
­lu­­tion des posi­­tions concur­­ren­­tielles dans cet espace.

2.1  Modes d’entrée/modes de présence : les enjeux de la déci­­sion


Étroi­­te­­ment lié à la sélec­­tion des loca­­li­­sa­­tions cibles, le choix des modes d’entrée
comporte un cer­­tain nombre d’enjeux majeurs dont il convient de tenir compte,
avant d’arrê­­ter une déci­­sion (cf. figure 7.13) :
––le niveau d’enga­­ge­­ment à envi­­sa­­ger, en fonc­­tion des res­­sources de l’orga­­ni­­sa­­tion
(finan­­cières, tech­­niques, humaines, etc.) et des résul­­tats visés lors de la for­­mu­­la­­
tion de la SDI ;
––le niveau de contrôle exigé par les diri­­geants ainsi que celui des risques sup­­por­­tés
dans l’espace géo-­sectoriel abordé ;
––la compa­­ti­­bi­­lité entre les for­­mules d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale (modes d’entrée)
et celles qui per­­met­­tront de pas­­ser aux phases ulté­­rieures d’implan­­ta­­tion et de mul­
­ti­­natio­­nalisation (modes de pré­­sence) ;
––les complé­­men­­ta­­ri­­tés ou les anta­­go­­nismes sus­­cep­­tibles d’appa­­raître entre les
structures délocalisées et le siège.
• Le niveau d’enga­­ge­­ment ren­­voie non seule­­ment à l’impor­­tance de l’effort finan­­
cier à consen­­tir, mais encore au niveau de mobi­­li­­sa­­tion interne des res­­sources
pro­­duc­­tives et humaines sol­­li­­ci­­tées par chaque mode de pré­­sence. Il doit donc se
trou­­ver, tout à la fois, en confor­­mité avec les orien­­ta­­tions arrê­­tées aux étapes pré­

430
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

c­ é­­dentes – diag­­nos­­tic international et for­­mu­­la­­tion de la SDI – et avec les fina­­li­­tés


à long terme, comme avec la culture propre de l’orga­­ni­­sa­­tion.
Sur le plan finan­­cier, en par­­ti­­cu­­lier, c’est le retour sur inves­­tis­­se­­ment espéré qui
peut ser­­vir d’indi­­ca­­teur prin­­ci­­pal et de limite au bud­­get à mobi­­li­­ser  : pour une
multinationale, comme Cemex, à la suite de ses dif­­fi­­cultés consé­­cu­­tives à la crise de
2008, le critère de ren­­ta­­bi­­lité espé­­rée condi­­tionne plus que jamais tout choix
d’implan­­ta­­tion, en par­­ti­­cu­­lier en matière de crois­­sance externe, par rachat d’entre­­
prise (ou de ces­­sion d’actifs..). Mais pour une orga­­ni­­sa­­tion de taille modeste, comme
Com­in Asia, incer­­taine du résul­­tat de ses ini­­tiatives à l’inter­­na­­tional, la règle sera de
limi­­ter au maxi­­mum les frais, en recherchant des modes de pré­­sence exi­­geant peu
d’inves­­tis­­se­­ments, en recou­­rant à des partenariats ou en pre­­nant des par­­ti­­cipations
minoritaires.
• Le niveau de contrôle est étroi­­te­­ment asso­­cié au niveau d’enga­­ge­­ment, dans la
mesure où ces deux dimen­­sions sont, le plus sou­­vent, for­­te­­ment cor­­ré­­lées, les diri­
­geants accep­­tant mal de consen­­tir à des inves­­tis­­se­­ments impor­­tants sans béné­­fi­­cier,
simul­­ta­­né­­ment, du niveau de contrôle, d’influ­­ence ou de pou­­voir cor­­res­­pon­­dant
(sur les orien­­ta­­tions stratégiques, sur la nomi­­na­­tion aux postes de diri­­geants et
d’admi­­nis­­tra­­teurs, sur le suivi quotidi­en de la ges­­tion et des résul­­tats, etc.). Cela
les conduit à une double atti­­tude :
–– Celle, tout d’abord, de n’accep­­ter que très rare­­ment une situa­­tion requé­­rant un
niveau d’enga­­ge­­ment élevé, asso­­cié à un faible niveau de contrôle, sinon dans une
perspec­­tive de long terme – pour autant qu’elle soit compa­­tible avec les fina­­li­­tés
et la SDI de l’orga­­ni­­sa­­tion –. Cela peut se pro­­duire, cepen­­dant, lorsque celle-­ci a
accepté de se lan­­cer dans une stra­­té­­gie d’explo­­ra­­tion dans cer­­taines zones pro­­met­
­teuses, dont l’échéance d’ouver­­ture est encore incer­­taine, comme l’ont pra­­ti­­qué de
grandes firmes occi­­den­­tales en Chine, dans les années 1980/1990, esti­­mant indis­
­pen­­sable de poser des jalons sans retours rapides sur leurs inves­­tis­­se­­ments et sans
véri­­tables garan­­ties à long terme.
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

–– Celle, ensuite, de recher­­cher, sans pou­­voir tou­­jours y par­­ve­­nir de manière durable,


un niveau de contrôle élevé, en limi­­tant son niveau d’en­gagement. C’est, cepen­­
dant, ce à quoi par­­viennent les grands franchiseurs, comme McDonald ou les
grands licencieurs, comme Coca-­Cola, en comp­­tant sur leur marque et la puis­­
sance de leur orga­­ni­­sa­­tion pour asseoir leur contrôle sur les opé­­ra­­tions qu’elles
développent ainsi dans le monde entier, en trou­­vant des partenaires locaux pour
assumer le poids des inves­­tis­­se­­ments. Il est à noter que c’est sou­­vent par le biais
de la dépendance tech­­nique, ou en jouant sur une plus grande maî­­trise juri­­dique
(comme les orga­­ni­­sa­­tions bri­­tan­­niques ou nord-­américaines) que l’on par­­vient à
ce résul­­tat, certes para­­doxal, mais avan­­ta­­geux pour l’orga­­ni­­sa­­tion, qui par­­vient à
en bénéficier.
• La compa­­ti­­bi­­lité entre les for­­mules d’inter­­na­­tiona­­li­­sation suc­­ces­­sives au fil des
phases de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation consti­­tue un troi­­sième type d’enjeu sou­­vent

431
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

négligé par les organisations, dans la mesure où elles ne mesurent pas tou­­jours les
enga­­ge­­ments que sup­­posent cer­­tains choix  ; non seule­­ment lors de la phase
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation initiale, à un moment où l’expé­­rience leur fait encore défaut,
mais, aussi, lors du pas­­sage à la multinationalisation.
Au début de leur déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, les organisations sont, le plus sou­
­vent, gui­­dées par l’oppor­­tu­­nisme : ren­­contre avec un impor­­ta­­teur local ou un licen­­
cié potentiel, prêt, pour le pre­­mier, à dis­­tri­­buer, le plus sou­­vent avec une clause
d’exclu­­si­­vité, leur produit dans une zone déter­­mi­­née, pour le second, à le fabri­­quer
et à en assu­­rer la dis­­tri­­bu­­tion dans un espace géo­­gra­­phique ou à une clien­­tèle bien
cir­­conscrite. Que faire si ces accords n’ont pas été suf­­fi­­sam­­ment pré­­parés et négo­­
ciés, sans pré­­cau­­tions ou pré­­ci­­sions suf­­fi­­santes, au cas où l’inter­­mé­­diaire commer­­
cial ou le partenaire indus­­triel frei­­ne­­rait, faute de dyna­­misme ou de moyens, le
déve­­lop­­pe­­ment du produit dans la zone impar­­tie  ? Comment, en particulier, sans
l’avoir prévu, rompre avec un agent qui ne sou­­haite pas remettre en ques­­tion son
contrat, alors que son man­­dant sou­­haite créer une suc­­cur­­sale ou une filiale
commerciale ?
À une phase plus avan­­cée de son inter­­na­­tiona­­li­­sation, l’orga­­ni­­sa­­tion peut plus faci­
­le­­ment évi­­ter de telles erreurs, l’expé­­rience aidant. Mais le contexte devient sen­­si­­
ble­­ment plus complexe et sup­­pose de peser soi­­gneu­­se­­ment les avan­­tages et les
inconvé­­nients de chaque alter­­na­­tive, en pre­­nant en compte l’impact de chaque déci­
­sion pos­­sible sur les dif­­fé­­rentes fonc­­tions qu’elle serait sus­­cep­­tible d’affec­­ter. Et
cela peut conduire à remettre pro­­fon­­dé­­ment en cause cer­­tains choix anté­­rieurs et à
révi­­ser de manière spec­­ta­­cu­­laire les orien­­ta­­tions prises en matière de pré­­sence hors
fron­­tières1.

Exemple 8.1 – Hermès ouvre un deuxième front du luxe en Chine2


Une ini­­tiative ori­­gi­­nale d’Hermès a for­­te­­ment intri­­gué ses concur­­rents du sec­­teur mon­­
dial du luxe : la créa­­tion de Shang Xia, marque de luxe pui­­sant exclu­­si­­ve­­ment dans la
tra­­di­­tion des savoir-­faire chi­­nois, « restaurée » après une cou­­pure de près de 100 ans, par
une ancienne élève des Arts Déco­­ra­­tifs de Paris, issue d’une longue lignée d’artistes et
créa­­teurs chi­­nois, Jiang Quion-­er. Ses créa­­tions intemporelles, combi­­nant ces savoir-­faire
et un design réso­­lu­­ment contem­­po­­rain, cherchent comme son nom l’indique en chi­­nois,
– lit­­té­­ra­­le­­ment, « en des­­sus, en des­­sous » –, à réta­­blir l’har­­mo­­nie des contraires, en pro­­

1.  C’est ainsi que Benetton avait, dès la fin des années 90, re­loca­­lisé une par­­tie de sa pro­­duc­­tion en Italie,
pour mieux contrôler sa fabri­­ca­­tion et, sur­­tout, pour tirer parti de ses nou­­velles avan­­cées tech­­no­­lo­­giques en
matière de production. D’autres mobiles, comme les risques de contre­­fa­­çon, peuvent conduire à de telles réorien­
­ta­­tions ; tout comme, à l’inverse, le rap­­pro­­che­­ment des mar­­chés a conduit cer­­taines organisations de la mode ou
même du luxe, comme Hermès, à se délocaliser, sur un mode plus ori­­gi­­nal. comme le montre l’exemple ci-­
dessous.
2.  A. de la Grange, « Hermès, donne nais­­sance à une marque de luxe chi­­noise », Le Figaro.fr, économie , le
16/09/2010 et « Hermès lance sa marque de luxe en chine »Le Monde.fr avec AFP (16.09.2010 )

432
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

po­­sant des vête­­ments, de la maro­­qui­­ne­­rie, des meubles, etc., dans des matières très asia­
­tiques : cache­­mire de Mongolie, porcelaine ou bam­­bou..
Après l’ouver­­ture d’un pre­­mier maga­­sin dans le quar­­tier Xintiandi, au cœur de Shangaï,
d’autres sont pré­­vus, notam­­ment à Paris. Tota­­le­­ment indé­­pen­­dante d’Hermès, la marque
aura une exis­­tence propre, « Nos pro­­duits ne sont pas des­­ti­­nés au seul mar­­ché chi­­nois,
mais à être ven­­dus dans le monde entier », annonce sont ani­­ma­­trice.
Et le PdG d’Hermès de pré­­ci­­ser, «… les pro­­duits Shang Xia ne seront pas ven­­dus dans
les bou­­tiques Hermès dans le monde ». Et d’ajou­­ter : « Si Shang Xia devient un concur­
­rent d’Hermès, ce sera un suc­­cès ».
Pour ce diri­­geant, « … les deux marques sont tota­­le­­ment sépa­­rées et ne par­­tagent que
deux choses  : la phi­­lo­­sophie d’artisanat de qua­­lité qui a fait le suc­­cès d’Hermès et
l’action­­na­­riat ». Pour l’entre­­prise de luxe, cette opé­­ra­­tion s’ins­­crit dans le droit fil de sa
tra­­di­­tion exclu­­sive de crois­­sance orga­­nique : les actions res­­te­­raient contrô­­lées pour plus
de 90 % par Hermès, le reste étant détenu par Jiang Quion-­er.

• Le déve­­lop­­pe­­ment des complé­­men­­ta­­ri­­tés ou la réduc­­tion des anta­­go­­nismes sus­­


cep­­tibles d’être géné­­rés entre les struc­­tures délocalisées et le siège constituent
un autre type d’enjeu, d’ordre interne, qui peut don­­ner lieu, dès les pre­­mières
phases de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, à des ten­­sions non négli­­geables, propres à
compro­­mettre une par­­tie des efforts déve­­lop­­pés par les ser­­vices cen­­traux comme
par les struc­­tures délocalisées.
Lors des pre­­mières étapes (cf. développement local), ce sont sur­­tout les pro­­blèmes
de coor­­di­­na­­tion qui se trouvent sou­­le­­vés, lors­­qu’il ne s’agit pas de répar­­tition des
res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés. Très sou­­vent, la défi­­ni­­tion des pro­­cé­­dures communes, la cir­­cu­­la­­tion
de l’infor­­ma­­tion et le suivi des opérations, qui sont à l’ori­­gine de ces dif­­fi­­cultés,
débouchent sur une évo­­lu­­tion des struc­­tures d’ensemble, la mise en place de sys­­
tèmes de contrôle et de suivi (de reporting) et la réa­­li­­sa­­tion régu­­lière d’audits des­­ti­
­nés à amé­­lio­­rer sans cesse les modes de fonc­­tion­­ne­­ment des dif­­fé­­rentes entités et
leur coor­­di­­na­­tion.
Aux phases les plus avan­­cées de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation (cf. multinationalisation),
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

c’est sou­­vent la re­consi­­dé­­ra­­tion des options d’orga­­ni­­sa­­tion les plus fon­­da­­men­­tales


qui sou­­lève le plus de dif­­fi­­cultés. Entre les orga­­ni­­sa­­tions struc­­tu­­rées autour des
lignes de pro­­duit, celles qui pri­­vi­­lé­­gient les zones géo­­gra­­phiques ou encore les
grands clients ou familles de clients ou d’appli­­ca­­tions, les compro­­mis internes,
s’expriment sous forme de struc­­tures matricielles, mais n’apportent pas tou­­jours les
réponses adap­­tées, ou néces­­sitent des périodes d’adap­­ta­­tion que remet en ques­­tion
chaque trans­­for­­ma­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment sec­­to­­riel (cf. sec­­tion 2 «  Les modes
d’orga­­ni­­sa­­tion à l’international »).

433
434
Partie 2 

Fonctions
■  L’audit

concernées/ 1. Internationalisation 2. Développement


Niveau Initiale local 3. Multinationalisation
d’engagement (first landing) ( go native) ( multinationalization)

Filiale de
Joint-venture commercialisation
Fonction commercialisation
Agent
commerciale/ Concessionnaire Filiale
Marketing Agent locale intégrée
Importateur /
distributeur mandataire Vente/
Franchise Production Entité
Coordonnée
Filiale de Internnatio-
Fonctions production nalement
R&D de R&D Procédures
Production/
Joint-venture Communes
supply chain Système d’infor-
Licence de production/R&D
mation
global
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Phase de
Autres développement
fonctions : international/
Centre de Filiale de Mode
RH, finance, formation refacturation
fiscalité Stockage à d’entrée/de
l’étranger présence
dominant

Dominante : Dominante : Dominante :


Développement indirect Développement partenarial Développement autonome

Figure 8.1 – L’évo­­lu­­tion des modes d’entrée/de pré­­sence par fonc­­tion au fil des phases de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

2.2  La fina­­li­­sa­­tion des choix de modes d’entrée/de pré­­sence


La prise en compte de ces enjeux doit faci­­li­­ter les choix entre dif­­fé­­rentes solu­­tions
acces­­sibles en termes de mode d’entrée/de mode de pré­­sence, et doit per­­mettre d’en
éva­­luer les consé­­quences et d’en anti­­ci­­per les mutations.
Comme le fait res­­sor­­tir la mise en rela­­tion du niveau d’inves­­tis­­se­­ment/ d’impli­­ca­­
tion et du niveau de contrôle de l’orga­­ni­­sa­­tion1, le degré de cor­­ré­­la­­tion fort sou­­li­­gné
entre ces deux variables conduit, une fois iso­­lées les situa­­tions plus excep­­tion­­nelles,
à dis­­tin­­guer (voir figure 8.1. ci-­dessus) trois types prin­­ci­­paux de modes d’entrée/de
pré­­sence, en fonc­­tion du niveau – faible, moyen ou fort – d’inves­­tis­­se­­ment et de
contrôle correspondant géné­­ra­­le­­ment à cha­­cune des trois phases. Ces modes d’entrée/
de pré­­sence tendent aussi à ren­­voyer, à chaque phase, à une démarche indi­­recte,
partenariale ou auto­­nome, sus­­cep­­tibles d’accom­­pa­­gner res­­pec­­ti­­ve­­ment l’inter­­na­­
tiona­­li­­sation ini­­tiale, l’implan­­ta­­tion locale, puis la multinationalisation.
• Les modes d’approche à faible niveau d’inves­­tis­­se­­ment et de contrôle, sou­­vent
carac­­té­­ris­­tiques de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale, cor­­res­­pondent en effet,
fréquemment, à des modes de pré­­sence indi­­rects ; ce qui n’exclut pas, pour les pro­
­duits très tech­­niques ou complexes, comme les biens d’équi­­pe­­ment, de pro­­cé­­der par
vente directe, sur les mar­­chés de gré à gré, comme dans le cadre d’appel d’offres
––Pour ce qui concerne la commer­­cia­­li­­sa­­tion ini­­tiale de ses pro­­duits à l’étran­­ger,
l’organisation s’appuiera sur des enti­­tés spé­­ci­­fiques qui, selon les cas, joue­­ront le
rôle d’ache­­teur ou d’inter­­mé­­diaire pour la commer­­cia­­li­­sa­­tion (mais aussi, éven­­
tuel­­le­­ment, de relais de sto­­ckage ou d’ache­­mi­­ne­­ment). Les contrats les liant
peuvent être de deux types :
–– soit il s’agit d’accords très ponc­­tuels  : contrats de vente pas­­sés avec des
im­portateurs-­distributeurs, des négo­­ciants expor­­ta­­teurs ou les bureaux d’achat
des grandes centrales étran­­gères, dans le pays d’accueil ou dans le pays de des­
­ti­­nation, selon les attentes de ceux-­ci ou les compé­­tences – logis­­tiques, notam­­
ment – de l’orga­­ni­­sa­­tion exportatrice ;
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

–– soit il s’agit de contrats de durée plus ou moins longue, des­­ti­­nés à faci­­li­­ter la


commercialisation des pro­­duits hors fron­­tières, en s’appuyant sur la connais­­
sance des marchés et de l’envi­­ron­­ne­­ment local que peut appor­­ter la struc­­ture
« relais ». Celle-­ci peut revê­­tir la forme de société de commerce inter­­na­­tional,
d’agent local, etc. – qui agira, soit pour le compte de l’orga­­ni­­sa­­tion, soit en son
nom propre et sous sa propre rai­­son sociale (cf. repère 8.3.). Ce re­lai pourra,
aussi, être fourni par d’autres orga­­ni­­sa­­tions expor­­ta­­trices, déjà très enga­­gées à
l’inter­­na­­tional, dans la même acti­­vité ou dans des acti­­vi­­tés diri­­gées vers les
mêmes seg­­ments de clien­­tèle à l’étran­­ger et y dis­­po­­sant d’un réseau sus­­cep­­tible
de dis­­tri­­buer, de « por­­ter » d’autres pro­­duits pour le compte d’autres firmes, dans
le cadre de « portages » (piggy back).

1.  Voir figure 7.13 « La pro­­gres­­sion des modes d’entrée à l’inter­­na­­tional (en­gagement/contrôle) ».

435
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

––Pour ce qui concerne la pro­­duc­­tion à l’étran­­ger, selon qu’il s’agira de la faire


sous-­traiter, en tota­­lité ou en par­­tie (avant ré­impor­­ta­­tion), ou de commen­­cer à pro­
­duire pour les mar­­chés étran­­gers sans pou­­voir y inves­­tir, l’entre­­prise s’appuiera
éga­­le­­ment sur d’autres enti­­tés :
–– soit, de manière ponc­­tuelle ou inter­­mittente, sur un por­­te­­feuille plus ou moins
large de four­­nis­­seurs ; ce qui est, en géné­­ral, le cas des contrats d’achat ou d’ap­
pro­­vi­­sion­­ne­­ment inter­­na­­tionaux, sur­­tout lorsque les matières pre­­mières, pro­­duits
inter­­mé­­diaires et sous-­ensembles, ont un caractère indif­­fé­­ren­­cié ou stan­­dard ;
–– soit, sur une base plus per­­ma­­nente, dans l’hypo­­thèse d’une fabri­­ca­­tion à l’étran­
­ger de cer­­tains de ses pro­­duits, à tra­­vers un contrat de licence qui auto­­rise un
indus­­triel étran­­ger à fabri­­quer les pro­­duits de l’entre­­prise qui les a conçus, en
contre­­par­­tie de redevances (ou royal­­ties).
• À un niveau d’enga­­ge­­ment ou de contrôle plus élevé, pou­­vant cor­­res­­pondre à la
phase d’implan­­ta­­tion locale, ne sont pas tou­­jours aban­­don­­nés d’emblée les modes
d’approche mis en place lors de la phase pré­­cé­­dente. Cepen­­dant, peuvent être
adop­­tés, en conti­­nuité avec les pré­­cé­­dentes, d’autres types de structures, plus
partenariales, avec les inter­­mé­­diaires mobi­­li­­sées pré­­cé­­dem­­ment. Et pour cer­­taines
orga­­ni­­sa­­tions pos­­sé­­dant des moyens suf­­fi­­sants, et en posi­­tion de s’adjoindre des
compé­­tences locales, des struc­­tures auto­­nomes, peuvent alors être créées de toutes
pièces, sur place, par crois­­sance interne, ou acquises, par crois­­sance externe.

c Repère 8.3
Les dif­­fé­­rents types d’inter­­mé­­diaires
Cour­­tiers  : rap­­prochent ache­­teurs et ven­­deurs (sans être par­­ties pre­­nantes à l’opé­­ra­­
tion) : vendent leur connais­­sance du mar­­ché)
Inter­­mé­­diaires agis­­sant : pour le compte de au nom de :
Agents man­­da­­taires de l’expor­­ta­­teur de l’expor­­ta­­teur
Agents commis­­sion­­naires de l’expor­­ta­­teur sous leur nom
Négo­­ciants impor­­ta­­teurs pour le leur sous leur nom
Négo­­ciants expor­­ta­­teurs pour le leur sous leur nom

––Les struc­­tures indi­­rectes peuvent consti­­tuer une base encore satis­­faisante, sur­­tout
si elles donnent lieu à un ren­­for­­ce­­ment des liens :
–– en matière de commer­­cia­­li­­sa­­tion, entre l’orga­­ni­­sa­­tion et son agent, ce der­­nier
élargissant la gamme de ses pres­­ta­­tions (en matière de sto­­ckage, de fac­­tu­­ra­­tion,
de ser­­vice après-­vente, etc.) en béné­­fi­­ciant d’un appui crois­­sant de la part de son
commet­­tant (infor­­ma­­tion/for­­ma­­tion tech­­nique, aide à la pro­­mo­­tion et à la publi­
­cité, etc.), sup­­po­­sant aussi une délé­­ga­­tion plus large et un suivi plus étroit ;

436
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

–– en matière de fabri­­ca­­tion, lorsque les four­­nis­­seurs deviennent des inter­­lo­­


cuteurs réguliers ou qu’ils se voient confier, comme dans le sec­­teur auto­­mo­­
bile, la fabri­­ca­­tion de sous-­ensembles (cf. « OEM ») plus spé­­ci­­fiques, sup­­po­­sant
un véri­­table trans­­fert de tech­­no­­logie ou encore lorsque les ces­­sions de licence
portent sur des pro­­cé­­dés plus complexes, exi­­geant la trans­­mis­­sion de savoir-­
faire.
––Dès lors, les for­­mules partenariales consti­­tuent l’étape sui­­vante sus­­ci­­tée logi­­que­­
ment par l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de ce type de rela­­tions, ou par le sou­­hait de faire jouer
des complémentarités pour déve­­lop­­per une acti­­vité délocalisée.
Cela est sou­­vent le cas dans une perspec­­tive mar­­ke­­ting ou dans une perspec­­tive
industri­elle, lorsque l’orga­­ni­­sa­­tion expor­­ta­­trice ou déten­­trice de la tech­­no­­logie
prend une participation chez son agent ou son licen­­cié, ou encore, lors­­qu’elle décide
de créer de toutes pièces, avec lui ou avec d’autres par­­te­­naires, une entre­­prise
conjointe (joint venture), dont le capital sera réparti, de manière égale ou inégale,
entre les deux enti­­tés (sans pré­­ju­­dice de l’entrée d’autres par­­te­­naires, indus­­triels,
commer­­ciaux ou finan­­ciers, autour de la table).
La for­­mule partenariale est éga­­le­­ment adop­­tée, sur un plan plus géné­­ral, lorsque
le développement local, décidé d’emblée, sans phase préa­­lable, comme pour cer­­
taines born glo­­bal, comme Archos1, exige des compé­­tences tech­­niques et/ou
commer­­ciales, des moyens financiers et une meilleure connais­­sance de l’envi­­ron­­ne­
­ment local que celle dont peut dis­­po­­ser l’orga­­ni­­sa­­tion inté­­res­­sée. Un ou plu­­sieurs
par­­te­­naires locaux ou étran­­gers peuvent, aussi, asso­­cier leurs res­­sources dans un
cadre plus ou moins large, allant du simple grou­­pe­­ment d’inté­­rêt éco­­no­­mique à objet
res­treint (comme l’asso­­cia­­tion Wines of Argentina2) à des asso­­cia­­tions plus per­­ma­­
nentes (comme en témoignent dans le cadre de l’Alliance, l’asso­­cia­­tion de Renault
et de Nissan).
––Les for­­mules auto­­nomes, qui peuvent déjà appa­­raître lors de la phase d’inter­­na­­
tiona­­li­­sation ini­­tiale, sous la forme de bureaux de repré­­sen­­ta­­tion3, tendent à se
muer en struc­­tures plus per­­ma­­nentes, à voca­­tion plus large, dans une perspec­­tive
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

de commer­­cia­­li­­sa­­tion et de production, sous deux formes :


–– de suc­­cur­­sale, c’est-­à-dire de ser­­vice déta­­ché hors fron­­tières, sous la res­­pon­­sa­­
bi­­lité directe du siège, uti­­li­­sant le capi­­tal de l’entre­­prise elle-­même pour son
déve­­lop­­pe­­ment, et véhi­­cu­­lant direc­­te­­ment, sur le plan local, l’image de la société
étran­­gère qui s’implante ;
–– de filiale, c’est-­à-dire d’entité juri­­dique dis­­tincte, dotée de son propre capi­­tal et
de ses propres ins­­tances diri­­geantes, et « incor­­po­­rée » selon la légis­­la­­tion locale

1.  Voir exemple 4.3 « Archos ou la per­­sé­­vé­­rance récom­­pen­­sée d’une born global à la fran­­çaise ».
2.  Voir cas intro­­duc­­tif du chapitre 3.
3.  Struc­­tures en géné­­ral légères, des­­ti­­nées à iden­­ti­­fier des pros­­pects et des cou­­rants d’affaires, tout autant que de
faire connaître l’entre­­prise loca­­le­­ment ou géné­­rer des affaires qui seront trai­­tés par d’autres implan­­ta­­tions, le plus
souvent, proches, ou, même, par le siège. Ce mode d’entrée est fré­­quent dans la banque, soit dans une perspec­­tive
exploratoires, soit lorsque le volume des acti­­vi­­tés espé­­rées ne jus­­ti­­fie par une implan­­ta­­tion plus signi­­fi­­ca­­tive.

437
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

en vigueur, sous le contrôle de la société mère, mais avec une image plus
« locale », sur­­tout si elle a été consti­­tuée par voie de crois­­sance externe et uti­­lise
une rai­­son sociale dis­­tincte de celle de la société mère.
Lorsque l’inter­­na­­tiona­­li­­sation plus sys­­té­­ma­­tique, assor­­tie d’un besoin d’enga­­ge­­
ment et de contrôle encore plus élevé, est deve­­nue une néces­­sité pour l’orga­­ni­­sa­­tion
opé­­rant, en particulier, dans une acti­­vité glo­­bale, en phase de multi­natio­­na­­li­­sation,
ce sont moins les modes d’entrée ou de pré­­sence que leur coor­­di­­na­­tion et l’inté­­gra­­
tion de leur orga­­ni­­sa­­tion, qui appa­­raissent essentielles.
• Cer­­taines for­­mules spé­­ci­­fiques aux struc­­tures mul­­ti­­natio­­nales, comme les socié­
­tés de refac­­tu­­ra­­tion ou l’éven­­tuelle re­loca­­li­­sa­­tion du siège pour des rai­­sons
d’optimisation fis­­cale, consti­­tuent des mani­­fes­­ta­­tions du souci, de la part de
l’orga­­ni­­sa­­tion qui y a recours, de maxi­­mi­­ser ses béné­­fices. Mais c’est surtout le
besoin de coor­­di­­na­­tion inter­­na­­tionale des struc­­tures qui déter­­mine, lors de cette
phase de multi­natio­­na­­li­­sation, l’inté­­gra­­tion du dis­­po­­si­­tif international :
––par voie d’uni­­fi­­ca­­tion des modes de pré­­sence adop­­tés dans les dif­­fé­­rentes loca­­li­­
sa­­tions, en vue d’en har­­mo­­ni­­ser les règles de ges­­tion, le suivi des résul­­tats, la
dif­­fu­­sion des inno­­va­­tions de pro­­duit et de processus ;
––par la mise en commun de res­­sources clés, dans cer­­taines loca­­li­­sa­­tions par­­ti­­cu­­
lières (un centre de formation inter­­na­­tional, par exemple) ;
––par la cen­­tra­­li­­sa­­tion de cer­­taines fonc­­tions (finan­­cière, par exemple : voir, à la fin
du présent cha­­pitre, le cas d’appli­­ca­­tion Yara) et la mise en place d’un sys­­tème
d’infor­­ma­­tion efficace reliant, en temps réel, les dif­­fé­­rentes implan­­ta­­tions et per­­
met­­tant, selon la nature des acti­­vi­­tés et le carac­­tère spé­­ci­­fique des opé­­ra­­tions, de
cen­­tra­­li­­ser/décen­­tra­­li­­ser les déci­­sions de manière plus souple.
Mais les muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment imposent de plus en plus, dans les sec­­teurs
les plus évo­­lu­­tifs, de consti­­tuer rapi­­de­­ment des struc­­tures ori­­gi­­nales pour atteindre
plus vite une dimen­­sion glo­­bale, tout en allant au-­devant des besoins des usa­­gers, en
leur appor­­tant des solu­­tions nova­­trices, tant sur le plan technique que sur le plan
commer­­cial.
Ainsi, les modes d’approche ou les formes de pré­­sence tendent à s’ajus­­ter en
permanence aux nou­­veaux enjeux cor­­res­­pon­­dant à la pro­­gres­­sion de l’ouver­­ture
internationale de l’orga­­ni­­sa­­tion, pour autant que l’évo­­lu­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment – en
par­­ti­­cu­­lier, les ini­­tiatives de la concur­­rence –, ou des difficultés d’ordre interne, rele­­
vant de la qua­­lité de la ges­­tion, ne la conduisent à « réduire la toile », sinon à remettre
en ques­­tion son déploie­­ment inter­­na­­tional (comme le montre l’exemple de Cemex1).
Face aux bou­­le­­ver­­se­­ments rapides de son envi­­ron­­ne­­ment, une orga­­ni­­sa­­tion comme
celle qui vient d’être men­­tion­­née, si grande soit son expé­­rience et si posi­­tifs soient
ses résul­­tats pas­­sés, doit cultiver, plus que jamais, la flexi­­bi­­lité qui consti­­tue sa
meilleure sau­­ve­­garde dans le court terme et sa meilleure chance de redé­­mar­­rage et

1.  Voir cas intro­­duc­­tif du Chapitre 1, « Cemex pris au double piège de la crise immobilière et finan­­cière »

438
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

de reprise de crois­­sance, à plus long terme ; une fois sur­­mon­­tées les dif­­fi­­cultés qui
ont compro­­mis sa pro­­gres­­sion.
Ce qui sug­­gère, après l’iden­­ti­­fi­­cation et la sélec­­tion des modes de pré­­sence, d’envi­­sa­­
ger plus spé­­ci­­fi­­que­­ment d’autres aspects essen­­tiels de la mise en œuvre de la SDI.
Les dirigeants doivent, en effet, veiller à ce que les prin­­ci­­pales fonc­­tions, comme
la fonction finan­­cière, mais éga­­le­­ment la fonc­­tion mar­­ke­­ting, la fonc­­tion RH ou la
fonc­­tion de pro­­duc­­tion s’adaptent au fur et à mesure de la pro­­gres­­sion de son inter­
­na­­tiona­­li­­sation, comme pour faire face aux trans­­for­­ma­­tions struc­­tu­­relles ou aux
fluc­­tua­­tions conjoncturelles.
Les besoins par fonc­­tion, en effet, évo­­luent comme doivent évo­­luer les réponses à
y appor­­ter. De la même manière, les sché­­mas orga­­ni­­sa­­tion­­nels d’ensemble, doivent
suivre les avan­­cées (ou les phases éven­­tuelles de repli) qui ponc­­tuent ce che­­mi­­ne­­
ment.
Ces sché­­mas doivent éga­­le­­ment prendre en compte la dimen­­sion interculturelle dans
le cadre des rela­­tions de l’orga­­ni­­sa­­tion avec son envi­­ron­­ne­­ment, mais aussi, l’adap­­ta­
­tion de son modèle cultu­­rel qui consti­­tue un déter­­mi­­nant essentiel de son suc­­cès.

Section
2 Évolution des schémas orga­­ni­­sa­­tion­­nels
et intégration de la compo­­sante cultu­­relle
Au-­delà de la sélec­­tion des loca­­li­­sa­­tions et du choix des modes de pré­­sence la
di­mension orga­­ni­­sa­­tion­­nelle et les muta­­tions struc­­tu­­relles consti­­tuent un élé­­ment clé
de la mise en œuvre, pour les orga­­ni­­sa­­tions de grande taille comme pour les orga­­ni­
­sa­­tions de taille plus modeste, à toutes les phases de leur déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­
tional. L’adé­­qua­­tion des sché­­mas orga­­ni­­sa­­tion­­nels, pre­­nant en compte les dif­­fé­­rentes
fonc­­tions comme leur coor­­di­­na­­tion d’ensemble, à une échelle géo­­gra­­phique éten­­
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due, consti­­tue le meilleur garant de la réus­­site de la stra­­té­­gie d’ensemble, par­­ti­­cu­­


liè­­re­­ment pour une orga­­ni­­sa­­tion dont l’engagement inter­­na­­tional est impor­­tant ou,
comme c’est de plus en plus le cas pour nombre d’entre elles, central.
A ce titre, plus le déploie­­ment géo­­gra­­phique de l’orga­­ni­­sa­­tion s’étend au-­delà de
son pays ou de son espace de réfé­­rence d’ori­­gine, plus la dimen­­sion cultu­­relle doit
y être prise en compte : non seule­­ment en termes d’inter­­ac­­tions avec la diver­­sité des
envi­­ron­­ne­­ments dans les­­quelles elle s’intègre, mais, éga­­le­­ment, en termes d’évo­­lu­­
tion de sa propre culture orga­­ni­­sa­­tion­­nelle. Celle-­ci devra inté­­grer, en effet, la diver­
­sité des composantes - natio­­nales, sec­­to­­rielles et institutionnelles- qui contri­­buent à
la faire évo­­luer au fil de ce déploie­­ment, pour aboutir à la consti­­tution d’un véri­­table
« modèle social ou sociétal1 » ori­­gi­­nal auquel elle pourra s’assimiler.

1.  Cf. figure 5.5 « Les dimen­­sion du modèle d’affaire international ».

439
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

1  Les muta­­tions struc­­tu­­relles de l’orga­­ni­­sa­­tion inter­­nationale

Les fonc­­tions de l’orga­­ni­­sa­­tion ne sont pas simul­­ta­­né­­ment mobi­­li­­sées au sein de


l’ouverture dès l’amorce de son inter­­na­­tiona­­li­­sation. Cer­­taines d’entre elles le sont,
dès la phase ini­­tiale, et jouent un rôle d’entrainement sur les autres, qui devront, à
leur tour, s’asso­­cier au niveau du siège, puis, à celui des implan­­ta­­tions, lorsque
celles-­ci se seront struc­­tu­­rées, lors de la phase de déve­­lop­­pe­­ment local. Et si l’orga­
­ni­­sa­­tion par­­vient au stade de la multinationalisation, elle sera confron­­tée à la
néces­­sité d’une plus grande coor­­di­­na­­tion entre implan­­ta­­tions, d’une har­­mo­­ni­­sa­­tion
de ses pro­­cé­­dures, comme, d’une opti­­mi­­sation de sa chaîne de valeur. La majo­­rité
des fonc­­tions se trou­­veront alors inté­­grées au dis­­positif d’ensemble et à la dynamique
d’internationalisation.
Ce dis­­po­­si­­tif, quelle que soit la phase d’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion,
s’incarnera dans un schéma devant combi­­ner de la manière la plus har­­mo­­nieuse et
la plus efficace, cen­­tra­­li­­sa­­tion et décen­­tra­­li­­sa­­tion, adap­­ta­­tion locale et coor­­di­­na­­
tion. Il devra aussi ménager sur le plan interne – entre ses dif­­fé­­rentes implan­­ta­­tions
et fonctions –, comme sur le plan externe -avec la diver­­sité de ses par­­ties pre­­nantes
locales et internationales- des rela­­tions aussi fluides et construc­­tives que possible.

1.1 L’impli­­ca­­tion des fonc­­tions aux dif­­fé­­rentes phases


de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation
En réfé­­rence au « cercle de la déci­­sion » (cf. figure 8.2), peuvent être dis­­tin­­gués
les trois types de fonc­­tions – fonc­­tions de base, fonc­­tions de moyens et fonctions
struc­­tu­­relles – en repré­­sen­­tant, sans exclu­­sive, leur enga­­ge­­ment, le plus sou­­vent
progressif, dans le cadre de la mise en œuvre des stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­
sation.
• Tout d’abord, les fonc­­tions de base regroupent les fonc­­tions qui contri­­buent, le
plus, au moins dès l’amorce du pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, comme par la
suite, à « tirer » l’orga­­ni­­sa­­tion au-­delà de ses limites géo­­gra­­phiques d’ori­­gine. On
y retrouve les deux approches prin­­ci­­pales qui dirigent la SDI  : la recherche de
parts de mar­­ché/horizontalisation, l’opti­­mi­­sation/inté­­gra­­tion de la chaîne d’appro­
­vi­­sion­­ne­­ment et de pro­­duc­­tion/verticalisation, ou la combi­­nai­­son des deux.
––La fonc­­tion mar­­ke­­ting occupe une place pri­­vi­­lé­­giée et néces­­site de prendre en
consi­­dé­­ra­­tion deux niveaux d’approche :
––un pre­­mier niveau dis­­tingue le mar­­ke­­ting stra­­té­­gique (étroi­­te­­ment asso­­cié, pour
les organisations dési­­reuses, avant tout, d’inter­­na­­tiona­­li­­ser leurs débou­­chés, aux
étapes du pro­­ces­­sus de for­­mu­­la­­tion stra­­té­­gique, pré­­cé­­dant la mise en œuvre), du
mar­­ke­­ting à l’étran­­ger, déve­­loppé à un niveau plus opé­­ra­­tion­­nel dans chaque
pays ou dans chaque zone sélectionné par l’orga­­ni­­sa­­tion ;

440
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

FONCTIONS
DE BASE

Marketing Appro
/ss ttance
Relations Production
publiques

R&D
FONCTIONS Contrôle
Ajustement
DE
permanent
STRUCTURE
managérial et
Pol.
Logistique
stratégique Ress.Hum.
Ficalité
& taxes

Gestion
comptable
Juridique
Propriété
Industrielle
Finance

FONCTIONS
SUPPORT

Adapté de D.Robinson (1984)

Figure 8.2 – Inter­­na­­tiona­­li­­sation et impli­­ca­­tion progressive des fonc­­tions


––un second niveau oppose, selon la nature de l’indus­­trie, du sec­­teur, de l’acti­­vité,
ou même, des pro­­duits, les démarches mar­­ke­­ting glo­­bales (pro­­duits stan­­dard,
communication glo­­bale, prix har­­mo­­ni­­sés, etc.), cor­­res­­pon­­dant aux acti­­vi­­tés glo­
­bales ou aux structures mon­­diales -voire aux born global-, aux démarches mar­
­ke­­ting adap­­tées aux différents contextes locaux, s’appli­­quant plus natu­­rel­­le­­ment
aux pro­­duits et ser­­vices ayant un caractère très local1.
––La fonc­­tion achats/appro­­vi­­sion­­ne­­ments, en rela­­tion avec la fonc­­tion pro­­duc­­
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tion (supply chain), concerne davan­­tage les orga­­ni­­sa­­tions dont la pré­­oc­­cu­­pa­­tion


est soit, de « serrer » les coûts pour accroître leur compé­­titi­­vité, tant sur le mar­­ché
domes­­tique que sur les mar­­chés d’implan­­ta­­tion, soit de béné­­fi­­cier, en outre, d’une
image posi­­tive et de contourner les obs­­tacles sur les mar­­chés d’implan­­ta­­tion2, en
pro­­dui­­sant et/ou en se four­­nis­­sant localement.
En matière de délocalisation, plus pré­­ci­­sé­­ment, trois types de ques­­tions peuvent
être sou­­le­­vés :
––tout d’abord, celle de la délocalisation ou de la re­loca­­li­­sa­­tion, de la pro­­duc­­tion,
ainsi que des appro­­vi­­sion­­ne­­ments, en met­­tant en balance, les éco­­no­­mies réa­­li­­

1.  Voir repère 3.1 « Lec­­ture de la grille « glo­­bal/local » dans la défi­­ni­­tion des acti­­vi­­tés ».
2.  Cf. l’exemple des délocalisations de struc­­tures d’assem­­blage des Air­­bus moyen cour­­rier, en Chine, puis aux
États-­Unis.

441
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

sées grâce aux faibles coûts de main-­d’œuvre à l’étranger avec la plus grande
effi­­ca­­cité, le meilleur contrôle de la pro­­duc­­tion et de la pro­­priété indus­­trielle
d’une pro­­duc­­tion ou d’appro­­vi­­sion­­ne­­ments localisés dans la zone d’ori­­gine1 ;
––ensuite, l’arbi­­trage à effec­­tuer, pour chaque étape du processus de pro­­duc­­tion
(et, par exten­­sion, pour chaque élé­­ment de la chaîne de valeur), entre inter­­na­­li­­
sa­­tion et externalisation, en prévoyant, de manière prag­­ma­­tique, des solu­­tions
suf­­fi­­sam­­ment ouvertes et souples pour faire face aux fluc­­tua­­tions géné­­rées par
un envi­­ron­­ne­­ment concurrentiel plus ouvert2 ;
–– enfin et, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment en matière d’appro­­vi­­sion­­ne­­ments/achats, la ques­­
tion du mode de rela­­tion avec les four­­nis­­seurs, sus­­cep­­tible de varier entre, d’une
part, la mise en concur­­rence per­­ma­­nente, se tra­­dui­­sant par des opé­­ra­­tions «  au
coup par coup », occa­­sion­­nelles ou sans réelle conti­­nuité, sou­­vent rete­­nues pour
les fournitures stan­­dard, sans trans­­mis­­sion de savoir-faire, dans le but essen­­tiel de
limi­­ter les coûts, et, d’autre part, le par­­te­­na­­riat avec des four­­nis­­seurs sélec­­tion­­nés
(cf. OEM), asso­­ciés aux efforts de qualité du don­­neur d’ordres, en par­­ti­­cu­­lier dans
les pays émergents, et, de plus en plus, à la conception des sous-­ensembles,
comme c’est le cas dans les éco­­no­­mies matures.
––La fonc­­tion recherche/déve­­lop­­pe­­ment, éga­­le­­ment très liée à la pro­­duc­­tion, peut,
aussi don­­ner lieu quant à elle :
––à des inter­­ro­­ga­­tions sur sa cen­­tra­­li­­sa­­tion ou sa décen­­tra­­li­­sa­­tion, au niveau
international, en fonc­­tion du degré de globalisation de l’acti­­vité, par rap­­port au
siège ou par rap­­port à une orga­­ni­­sa­­tion par lignes de pro­­duits ;
––au cloi­­son­­ne­­ment ou, au contraire, au déve­­lop­­pe­­ment de rela­­tions inter­­ac­­tives
entre lignes de pro­­duits et entre appli­­ca­­tions (ou même, entre zones géo­­gra­­
phiques) : la concentration des sites de recherche favo­­ri­­sant les rap­­pro­­che­­ments
tech­­no­­lo­­giques informels3 ou l’uti­­li­­sation exten­­sive d’un Intra­net entre cher­
cheurs répar­­tis dans différents labo­­ra­­toires ou centres de recherche de l’entre­­
prise, de par le monde, sont, l’une et l’autre, de plus en plus sou­­vent privilégiées
dans les sec­­teurs à carac­­tère lar­­ge­­ment pluridisciplinaires4;
––à la mise en rela­­tion de la R & D avec l’ana­­lyse mar­­ke­­ting et même le mar­­ke­­ting
ter­­rain, dans les acti­­vi­­tés très évo­­lu­­tives, où les ten­­dances sont par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
incer­­taines (voir cas intro­­duc­­tif du présent cha­­pitre).
• Les fonc­­tions de moyens consti­­tuent le second groupe de fonc­­tions ame­­nées à
s’inter­­na­­tiona­­li­­ser, lorsque l’orga­­ni­­sa­­tion sort de son cadre natio­­nal, lorsque se
développent, par crois­­sance orga­­nique ou par crois­­sance externe, des struc­­tures
délocalisées.

1.  Cf. Mer­­cier Suissa op. cit. et exemple 1.2 « Région toulousaine partir, revenir »
2.  Voir cas d’appli­­ca­­tion du présent cha­­pitre  : « Yara, une struc­­ture souple et homo­­gène pour un lea­­der­­ship
mondial »
3.  Voir figure 2.1 « Che­­mi­­ne­­ment tech­­no­­lo­­gique via une entre­­prise japo­­naise à valo­­ri­­sa­­tion technologique »
4.  Voir K. Jensen, op.cit., « Accelerating Glo­­bal Product Inno­­va­­tion through Cross-­cultural Col­­la­­bo­­ra­­tion ».

442
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

––La fonc­­tion finan­­cière figure au pre­­mier rang, fai­­sant l’objet de dif­­fé­­rentes


alternatives de mise en œuvre, comme le cas d’appli­­ca­­tion du présent cha­­pitre,
Yara, le sou­­ligne :
––entre le finan­­ce­­ment externe (par les banques ou le mar­­ché) et le finan­­ce­­ment
interne (auto­­fi­­nan­­ce­­ment ou appel aux action­­naires) ;
––entre les finan­­ce­­ments locaux et les finan­­ce­­ments contrô­­lés/orga­­ni­­sés au niveau
du siège (cf. recours aux marchés financiers internationaux) ;
––entre des pro­­cé­­dures de règle­­ment uni­­fiées ou, à l’inverse, dis­­tinctes selon les
zones, voire les métiers ;
––au-­delà du seul risque de change (pour le risque de taux d’inté­­rêt, en par­­ti­­cu­­lier),
entre la couverture cen­­tra­­li­­sée ou décen­­tra­­li­­sée des risques finan­­ciers.
––La ges­­tion comp­­table sou­­lève dif­­fé­­rents pro­­blèmes de pro­­cé­­dure, de cen­­tra­­li­­sa­­
tion et de conso­­li­­da­­tion, à tra­­vers le choix d’un sys­­tème comp­­table de réfé­­rence
ou de systèmes comp­­tables compa­­tibles, à tra­­vers celui du sys­­tème de contrôle
interne et de reporting, très lié au schéma d’orga­­ni­­sa­­tion retenu. Elle est en liai­­son
avec la fonc­­tion financière, asso­­ciée au pro­­blème clé de l’expo­­si­­tion et de la cou­­
ver­­ture du risque de change1, la déter­­mi­­na­­tion des devises de fac­­tu­­ra­­tion, en
interne comme en externe.
La fonc­­tion res­­sources humaines, aussi, comme le sou­­li­­gne­­ront les déve­lop­
pements à suivre consa­­crés à l’inter­cultu­­rel, inté­­resse la mise en œuvre :
––en matière d’équi­­li­­brage et d’amal­­game des équipes entre per­­son­­nels locaux et
personnels expa­­triés, en matière de recru­­te­­ment, de poli­­tiques d’éva­­lua­­tion et de
car­­rière, de mobi­­lité, ainsi qu’en matière de for­­ma­­tion ;
––dans le but de ména­­ger les par­­ti­­cu­­la­­rismes locaux et la décen­­tra­­li­­sa­­tion des ini­­
tiatives, tout en pro­­mou­­vant une culture commune.
Et, plus encore, elle offre à l’orga­­ni­­sa­­tion l’occa­­sion de tirer parti d’une diversité,
qui, au-­delà des adap­­ta­­tions qu’elle néces­­site, peut consti­­tuer pour elle une réelle
richesse, tant sur le plan local que pour son déve­­lop­­pe­­ment d’ensemble.
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• Les fonc­­tions de struc­­ture auront, aux pre­­mières phases de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation,


une influ­­ence appré­­ciable, mais joue­­ront un rôle déter­­mi­­nant lorsque l’orga­­ni­­sa­­
tion aura atteint la phase de multinationationalisation.
Cer­­taines des fonc­­tions, tôt déployées au niveau des implan­­ta­­tions, comme la
fonc­­tion finance ou la fonc­­tion res­­sources humaines, pour­­ront alors être décli­­nées, à
la fois, au niveau local et au niveau cen­­tral y seront réparties les res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés entre
ces dif­­fé­­rents niveaux, en fonc­­tion des options de struc­­tu­­ra­­tion rete­­nues par l’orga­­
ni­­sa­­tion (voir para­­graphe sui­­vant « Évolution de la struc­­ture d’ensemble de l’orga­­
ni­­sa­­tion inter­­na­­tionale »).

1.  Cf repère 2.9 « Les prin­­ci­­pales solu­­tions de cou­­ver­­ture du risque de change ».

443
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

D’autres fonc­­tions, qui peuvent, d’ailleurs si l’acti­­vité et/ou l’envi­­ron­­ne­­ment local


le justifie(nt), être décli­­nées plus tôt au niveau local, sont ame­­nées à jouer un rôle
essentiel au cours de la phase 3 de l’internationalisation (multinationalisation).
––La fonc­­tion juri­­dique répond ainsi à trois objec­­tifs, pou­­vant pro­­gres­­si­­ve­­ment
béné­­fi­­cier d’une mise en commun des meilleures pra­­tiques, de l’har­­mo­­ni­­sa­­tion des
pro­­cé­­dures et de l’appui des meilleurs conseils exté­­rieurs :
––ren­­for­­cer la posi­­tion de l’entre­­prise dans le cadre des dif­­fé­­rentes tran­­sac­­tions
dans lesquelles elle est par­­tie pre­­nante (struc­­tu­­ra­­tion des contrats de vente,
contrats d’achat, etc.) ;
––confor­­ter l’orga­­ni­­sa­­tion dans les dif­­fé­­rents contextes locaux (garan­­tie des
investissements, mise en place d’entre­­prises conjointes, créa­­tion de filiales, pro­
­tec­­tion de la propriété indus­­trielle, etc.) ;
––per­­mettre une coor­­di­­na­­tion et un contrôle suf­­fi­­sants de la part des ins­­tances de
direc­­tion (cadre juri­­dique des rela­­tions siège-­filiales, struc­­tu­­ra­­tion d’ensemble
du groupe, etc.).
––La fonc­­tion fis­­cale (en rela­­tion avec la fonc­­tion pré­­cé­­dente) est des­­ti­­née à minimi­
­ser l’«  expo­­si­­tion fis­­cale  », l’impact de l’impôt sur les résul­­tats de l’entre­­prise,
sans mettre l’entre­­prise en porte à faux, ni vis-­à-vis des auto­­ri­­tés de son pays d’ori­
­gine, ni vis-­à-vis de celles de ses pays de loca­­li­­sa­­tion.
––La fonc­­tion contrôle, très liée à la fonc­­tion comp­­ta­­bi­­lité/ges­­tion, consti­­tue un
outil privilégié de suivi des résul­­tats, de détec­­tion et d’ana­­lyse des dys­­fonc­­tion­­ne­
­ments, de prescription d’amé­­lio­­ra­­tions. Elle doit évi­­ter, tou­­te­­fois, de bri­­der les
ini­­tiatives et la créa­­ti­­vité locales, en contrai­­gnant les implan­­ta­­tions à se sou­­mettre
à des règles non adaptées à leur envi­­ron­­ne­­ment.
––La fonc­­tion rela­­tions publiques, externes ou ins­­ti­­tution­­nelles, ne cesse de
prendre de l’impor­­tance, dans la mesure où elle doit conci­­lier, en par­­ti­­cu­­lier
pour les orga­­ni­­sa­­tions opé­­rant à travers des struc­­tures for­­te­­ment inter­­na­­tiona­­li­­
sées :
––la visi­­bi­­lité glo­­bale et la visi­­bi­­lité locale, dans cha­­cune de ses implan­­ta­­tions, en
évi­­tant les contra­­dic­­tions par trop mani­­festes et les brouillages d’image vis-­à-vis
de leurs principales par­­ties pre­­nantes internes et externes ;
––la construc­­tion d’une iden­­tité sur le long terme et la commu­­ni­­ca­­tion de crise, dès
qu’un évé­­ne­­ment majeur (conflit social impor­­tant, acci­­dent indus­­triel, boy­­cott de
consommateurs, OPA inami­­cale, etc.), dans une quel­­conque implan­­ta­­tion ou à
une échelle plus large, menace de comprommetre l’image au niveau natio­­nal,
inter­­na­­tional ou multinatio­­nal.
Il n’est donc guère envi­­sa­­geable de dis­­so­­cier les poli­­tiques par fonc­­tion des objec­
­tifs géné­­raux de l’entre­­prise, dans la mesure où, pré­­ci­­sé­­ment, ils en consti­­tuent les
outils de réa­­li­­sa­­tion pri­­vi­­lé­­giés. Vec­­teurs essen­­tiels de la mise en œuvre, ils expriment
les besoins opé­­ra­­tion­­nels de l’orga­­ni­­sa­­tion au cours de son pro­­ces­­sus de déve­­lop­­pe­

444
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

­ ent inter­­na­­tional. À ce titre, ils doivent faire l’objet d’une pla­­ni­­fi­­ca­­tion pré­­cise en
m
uti­­li­­sant des méthodes rigoure­uses («  busi­­ness plan  »), défi­­nis­­sant, pour cha­­cune
d’entre elles, des mis­­sions à accom­­plir et des objec­­tifs à atteindre, dési­­gnant des
responsables, des équipes ou des groupes de pro­­jet, aux­­quels seront affec­­tés un
ensemble appro­­prié de moyens humains, finan­­ciers, logis­­tiques, assor­­tis d’un calen­
­drier de réalisation réa­­liste, en per­­met­­tant le suivi.

phase d’inter­
nationalisation Phase 1 Phase 2
Phase 3
approches internationalisation développement
multinationalisation
fonctionnelles/ initiale local
transversales
prise en compte des recherche de intégration gestion
risques (change, crédit…) financements locaux du risque/cash
fonction finance financements consolidation des management
commerciaux comptes, accélération des coordination de la
transferts collecte des capitaux
ajustement produit/ étude de marché locale, coordination.
marché, recherche adaptation du Mix communication, étude de
fonction marketing
d’intermédiaires marketing, recherche de produits/services globaux
positionnement produit partenariats locaux
formation administration recrutement, formation constitution de « viviers »
fonction ressources des ventes, recrutement des personnels locaux internationaux, transferts
humaines développeurs de préparation à d’expérience, projets
marché… l’expatriation d’entreprise
contrats internationaux choix de statuts locaux optimisation fiscale
(vente, distribution, contrats locaux protection du capital
fonction juridique
licence.) protection ajustement à la fiscalité communication avec les
propriété industrielle locale actionnaires
veille d’ opportunités étude secteur locale amélioration chaîne
(achat, vente) et diagnostic d’internalisation de valeur, coordination
fonction stratégique
domestique ajustmt org. siège/filiales multifonctionnelle et
centres de décision
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coordination internationale
recoupements fréquents entre phase 1 et phase 2,
ou entre phase 2 et phase 3
Jean Paul Lemaire

Figure 8.3 – Les besoins fonc­­tion­­nels au fil de la crois­­sance internationale

Les pro­­jets inter­­na­­tionaux peuvent éga­­le­­ment don­­ner lieu à mobi­­li­­sa­­tion d’un


ensemble de fonc­­tion, en sui­­vant la chro­­no­­logie de son lan­­ce­­ment jus­­qu’à son
a­chèvement. C’est l’exemple qu’offre, ci-­dessous, une opé­­ra­­tion comme «  Laibin
B », en Chine.

445
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Exemple 8.2 – Laibin B, ou les dimen­­sions multi­fonc­­tion­­nelles d’un pro­­jet BOT en Chine1
La réfé­­rence à la mise en place d’un des pre­­miers pro­­jet de construc­­tion d’une cen­­trale
ther­­mique chi­­nois en BOT est des­­tiné à faire res­­sor­­tir la diver­­sité des approches néces­­
saires à la mise en œuvre multifonctionnelle d’une opé­­ra­­tion complexe, comme la réa­­li­­
sa­­tion d’un BOT tel que celui-­ci, ainsi que celle de l’ensemble des pro­­jets qui se situent
dans des cadres compa­­rables, en par­­ti­­cu­­lier, de réponse à des appels d’offres internatio-
naux. Cette ana­­lyse s’éten­­dra à l’ensemble du déroulement du pro­­jet, depuis la déci­­sion
par l’orga­­ni­­sa­­tion, chef de file du pro­­jet, de sou­­mis­­sion­­ner à l’appel d’offres internatio-
nal, jus­­qu’à la fin de la réa­­li­­sa­­tion du pro­­jet.
En amont de la négo­­cia­­tion, une fois prise la déci­­sion stra­­té­­gique de s’enga­­ger dans le
pro­­ces­­sus d’appel d’offres concer­­nant cette opé­­ra­­tion,
–– se situe tout d’abord, la phase stra­­té­­gique de consti­­tution du consor­­tium qui asso­­ciera
les pro­­mo­­teurs de l’opé­­ra­­tion, prin­­ci­­pales par­­ties pre­­nantes de l’opé­­ra­­tion : en l’occu­
rence Alstom (alors GEC Alsthom) – le concep­­teur tech­­nique et équipementier –
et EDF – l’opé­­ra­­teur de l’équi­­pe­­ment, une fois la cen­­trale élec­­trique entrée en phase
d’exploitation- ;
–– inter­­vient alors la phase de concep­­tion tech­­nique, incluant la concep­­tion d’ensemble
du pro­­jet, l’identification des four­­nis­­seurs locaux et étran­­gers des sous ensembles et
des pres­­tataires de ser­­vice, l’identification des contraintes logis­­tiques, la sous-­traitance
locale  ; le chif­­frage de l’opé­­ra­­tion, en tenant compte de ses dif­­fé­­rentes dimen­­sions
indus­­trielles, logis­­tiques, finan­­cières et juri­­diques, en lien avec les par­­te­­naires finan­­
ciers, assu­­rance, etc., sus­­cep­­tibles d’être mobilisés en cas de suc­­cès ;
–– pour se conclure par la phase de finalisation de la réponse à l’appel d’offres, elle-­même,
asso­­ciant les dif­­fé­­rentes compo­­santes, – tech­­niques, juri­­diques, finan­­cières, orga­­ni­­sa­­
tion­­nelles de l’opé­­ra­­tion –, pour abou­­tir à une déter­­mi­­na­­tion du prix de pro­­duc­­tion au
kwh sus­­cep­­tible d’être fac­­turé à la société locale de dis­­tri­­bu­­tion d’é­lectri­cité.
Au niveau de la négo­­cia­­tion, lorsque le consor­­tium se trouve pré-­sélectionné dans la
short list, puis lorsqu’il a été défi­­ni­­ti­­ve­­ment retenu, on s’atta­­chera suc­­ces­­si­­ve­­ment, dans
le cadre contrac­­tuel d’ensemble :
–– à l’ajus­­te­­ment juridico-­économico-technique des termes de la tran­­sac­­tion, à par­­tir des
attentes respectives des deux par­­ties ;
–– aux démarches auprès des dif­­fé­­rentes par­­ties pre­­nantes « offi­­cielles » (auto­­ri­­tés du pays
d’ori­­gine susceptibles de sou­­te­­nir le pro­­jet, auto­­ri­­tés du pays d’accueil sus­­cep­­tibles
d’appor­­ter les garan­­ties con­cernant dif­­fé­­rents macro-­risques inhé­­rents au pro­­jet) ;
–– à la rédac­­tion des dif­­fé­­rents contrats2 cou­­vrant les dif­­fé­­rentes facettes du pro­­jet, tout
au long de son dérou­­le­­ment (conces­­sion, four­­ni­­ture de combus­­tible, vente de l’éner­­gie
pro­­duite..) et des dif­­fé­­rents docu­­ments qui les accompagnent.
Au niveau de la construc­­tion de l’infra­­struc­­ture, seront à mettre en œuvre les divers
aspects fonctionnels de la réa­­li­­sa­­tion :

1.  Voir cas (avec notice péda­­go­­gique), recou­­vrant les aspects stra­­té­­giques et finan­­ciers des pro­­jets concessionnels
dis­­po­­nible en Fran­­çais et en Anglais à la Cen­­trale des Cas et des Moyens Pédagogiques. (Jean Paul Lemaire « Power
Plants in Asia », 2013)
2.  Voir chapitre 4, sec­­tion 1, «  Exemple de schéma rela­­tion­­nel dans le cadre d’un pro­­jet d’infra­­struc­­ture
concessionnel » et « Grands pro­­jets : l’évo­­lu­­tion de la rela­­tion client/four­­nis­­seur ».

446
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

–– l’orga­­ni­­sa­­tion du chan­­tier, (sur une base non exhaus­­tive) : le recru­­te­­ment des équipes
locales, la sélection des sous-­traitants locaux, l’accueil des équipes expa­­triées et la pré­
­pa­­ra­­tion des bases vie qui leur seront néces­­saires, l’a­che­­minement et le séquencement
de l’appro­­vi­­sion­­ne­­ment du chan­­tier ;
–– le suivi et le contrôle de l’avan­­ce­­ment et de la réa­­li­­sa­­tion : suivi des délais, suivi de la
qua­­lité de réalisation et des pres­­ta­­tions des sous-­traitants, prise en compte des écarts
(cf. péna­­li­­tés de retard, péna­­li­­tés sur perfomance), réso­­lu­­tion des pro­­blèmes et conflits
éven­­tuels, à carac­­tère rela­­tion­­nel et interculturels ;
–– la récep­­tion pro­­vi­­soire puis défi­­ni­­tive : per­­met­­tant de prendre acte du respect des délais
et des performances de l’équi­­pe­­ment au cours des phases de test, comme au moment
de la mise en ser­­vice, en appli­­quant si néces­­saire les mesures cor­­rec­­tives pré­­vues dans
les contrats.
Au niveau, enfin, de l’exploi­­ta­­tion  : tout au long de la période qui aura été fixée au
contrat de con­cession :
–– pour assu­­rer le bon fonc­­tion­­ne­­ment de l’équi­­pe­­ment, son suivi tech­­nique, sa main­­te­­
nance, pour limi­­ter les périodes d’inter­­rup­­tion de son fonc­­tion­­ne­­ment ;
–– pour assu­­rer le bon équi­­libre éco­­no­­mique de l’opé­­ra­­tion  : ajus­­te­­ments des prix du
combus­­tible fourni et de l’éner­­gie pro­­duite, conver­­sion des recettes en mon­­naie locale
en devises conver­­tibles, prise en compte du risque de change ;
–– pour assu­­rer, en fin de contrat de conces­­sion, le trans­­fert de l’équi­­pe­­ment, aux enti­­tés
dési­­gnées par l’auto­­rité con­cédante et à leurs équipes.

La mise en œuvre des pro­­jets sup­­pose donc, autour d’une opé­­ra­­tion bien iden­­ti­­fiée
mais pou­­vant compor­­ter des phases suc­­ces­­sives bien dis­­tinctes, de mobi­­li­­ser les
principales fonc­­tions – ingé­­nie­­rie, appro­­vi­­sion­­ne­­ment, res­­sources humaines,
finance, contrôle… – de la ou des orga­­ni­­sa­­tions qui en coor­­donnent la mise en
œuvre. Pour d’autres situations et stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation – dis­­tri­­bu­­tion ou
sous-­traitance locale, créa­­tion de filiale ou d’entre­­prise conjointe commer­­ciale ou
industri­elle, fusion-­acquisition... –, c’est le même type de décom­­po­­si­­tion des opé­­ra­
­tions qu’il convient de décliner  : leur séquencement et leur coor­­di­­na­­tion dans le
temps et dans l’espace qui ren­­tre­­ront dans cette der­­nière phase de la démarche.
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1.2 L’évo­­lu­­tion de la struc­­tu­­ra­­tion d’ensemble de l’orga­­ni­­sa­­tion


internationale
Les ten­­dances qui se des­­sinent en matière d’évo­­lu­­tion des modes de pré­­sence, plus
évolutives qu’au cours des périodes pré­­cé­­dentes, comme les besoins cor­­ré­­la­­tifs se
manifestant au niveau fonc­­tion­­nel, se tra­­duisent dans la struc­­tu­­ra­­tion des
organisations.

447
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Exemple 8.3 – la remise en ques­­tion de la cen­­tra­­li­­sa­­tion chez Air­­bus1


Air­­bus, confron­­té au double défi de la crois­­sance de son car­­net de commande et de son
adap­­ta­­tion à un envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment mou­­vant, a dû se plier à des
réor­­ga­­ni­­sa­­tions suc­­ces­­sives, à un rythme rapide, au cours des der­­nières années :
–– En 2007, le maître mot, était, «  l’inté­­gra­­tion  », comme le sou­­ligne Fabrice Brégier,
alors en charge de la réor­­ga­­ni­­sa­­tion de l’entre­­prise  : «  Car, à l’époque, Air­­bus était
encore un ensemble de socié­­tés natio­­nales fonc­­tion­­nant cha­­cune selon les méthodes
qui nous avaient conduit aux pro­­blèmes de l’A380. Il fal­­lait une orga­­ni­­sa­­tion inté­­grée
pour mettre fin aux réflexes natio­­naux et fonc­­tion­­ner avec les mêmes méthodes et les
mêmes niveaux d’exi­­gence. À cela s’est ajouté le plan d’éco­­no­­mies Power 8 et les
réduc­­tions de postes. Tout cela est der­­rière nous. »
–– En août 2012, le même diri­­geant, devenu pré­­sident d’Air­­bus, a pré­­senté un nou­­veau
pro­­jet de réor­­ga­­ni­­sa­­tion des­­tiné à sim­­pli­­fier et à assou­­plir l’orga­­ni­­sa­­tion de l’entre­­
prise : « L’objec­­tif est de rendre Air­­bus plus agile et plus adap­­table. En deve­­nant un
groupe plus inté­­gré nous avons pris du gras et accu­­mulé des lour­­deurs. Il est temps de
faire évo­­luer notre orga­­ni­­sa­­tion, en re­donnant des res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés aux équipes de ter­­
rain. ». À par­­tir de 2013, pour lut­­ter contre ces lourdeurs a­dministratives et pour re­moti­
­ver les équipes, les direc­­teurs d’usine dis­­po­­se­­ront en consé­­quence de plus d’auto­­no­­mie
dans dif­­fé­­rents domaines fonc­­tion­­nels clés, actuel­­le­­ment très cen­­tra­­li­­sés à Toulouse
– RH, achats, contrôle qualité – et le poste de direc­­teur des opé­­ra­­tions sera sup­­primé.

Si, pen­­dant long­­temps, cer­­tains cadres-­types ont pu s’appli­­quer aux différentes


phases du déve­­lop­­pe­­ment des orga­­ni­­sa­­tions, le changement per­­manent de leur envi­
­ron­­ne­­ment concurrentiel, la pres­­sion accrue des mar­­chés sur les résul­­tats finan­­ciers,
les nou­­velles pos­­si­­bi­­li­­tés offertes par les trans­­for­­ma­­tions rapides des sys­­tèmes
d’infor­­ma­­tion et de commu­­ni­­ca­­tion, sus­­citent l’appa­­ri­­tion de nouvelles struc­­tures
inter­­na­­tionales (cf. born glo­­bal), plus adaptables et plus hété­­ro­­gènes.
Celles-­ci s’incarnent dans de véri­­tables réseaux dont les règles de fonc­­tion­­ne­­ment
sont la flexi­­bi­­lité et la réac­­ti­­vité. Elles exigent donc des struc­­tures de coor­­di­­na­­tion
légères, avec un degré élevé de décen­­tra­­li­­sa­­tion, res­­pon­­sa­­bi­­lisant cha­­cune des enti­­tés
consti­­tutives sur ses objec­­tifs propres, ainsi que sur la néces­­sité de déve­­lop­­per des
syner­­gies avec les autres. Ne sont pas, pour autant, per­­dus de vue les impé­­ra­­tifs de
contrôle et de suivi, et la néces­­sité d’amé­­lio­­ra­­tion constante de la coor­­di­­na­­tion de
struc­­tures de plus en plus complexes et mul­­ti­­formes, qui asso­­cient prises de contrôle,
fusions, alliances et partenariats, de nature et de fina­­li­­tés diverses.
Evoluant d’une base natio­­nale «  géo cen­­trée  » vers des orga­­ni­­sa­­tions multi-­
continentales ou même mon­­diales, les sché­­mas de struc­­tu­­ra­­tion ont, pen­­dant long­­
temps, suivi et suivent encore, pour nombre d’entre elles, selon le carac­­tère plus ou
moins glo­­bal de leurs acti­­vi­­tés, une évo­­lu­­tion for­­te­­ment cor­­ré­­lée à cha­­cune des trois

1.  Cf. B.Trévidic, «  Fabrice Bréguier veut réor­­ga­­ni­­ser Air­­bus pour rendre l’avion­­neur plus agile et inter­­na­­
tional », Le Monde, 3/9/2012.

448
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

phases du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional. La carac­­té­­ris­­tique de ces sché­­mas était aussi


d’être sou­­vent asso­­ciée,
––à une approche par­­ti­­cu­­lière – horizontalisation/conquête de parts des mar­­ché ou
verticalisation/optimisation de la chaîne de valeur – ;
––ou à une démarche à domi­­nante spé­­ci­­fique – cou­­ver­­ture géo­­gra­­phique, déve­­lop­­pe­
­ment d’une famille de pro­­duits, foca­­li­­sa­­tion sur un seg­­ment de clien­­tèle « B to C »
ou une caté­­go­­rie de « grands comptes » « B to B » –.

phase Internationalisation Développement


Multinationalisation
intitiale local

Type de DÉVELOPPEMENT DÉVELOPPEMENT LOCAL DÉVELOPPEMENT


stratégie INITIAL TRANSFRONTIÈRES ET MULTIDOMESTIQUE INTERNATIONAL
PONCTUEL/OCCASIONNEL INTÈGRE
Logique de rapprochement
Logique d’optimisation des marchés porteurs LOGIQUE DE
Logique COORDINATION
des approvisionnements et de délocalisation
et de « lissage » des ventes de la production D’HARMONISATION
D’OPTIMISATION

Flexibilisation de la
chaine de valeur et prise en Adaptation aux besoins
Évolution
compte plus systématique et contextes locaux DYNAMIQUE
des opportunités de Réaménagement de la D’EXPANSION
marché internationales chaîne de valeur MULTIFONCTIONNELLE

Fonctions de base Fonctions de base Fonctions de base


+ support + support + structure
Fonctions marketing/ventes
impliquées appro./prod. management, finance, juridique, fiscal contrôle...
comptabilité...

SIÈGE SOCIAL DANS SIÈGE SOCIAL COORDINATION


LE PAYS D’ORIGINE + IMPLANTATIONS DES DIFFÉRENTS
Centres de
CENTRES DE DÉCISION
décision
Ë centralisation Ë éclatement Ë intégration
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VALORISATION DES GLOBALISATION


RÉDUCTION DES COÛTS/
Objectif PRODUITS/PROCESSUS/ PROGRESSIVE DE(S)
AMÉLIORATION DE L’OFFRE/
visé SERVICES AU-DELÀ DU ACTIVITÉS ET UNITÉS
DE LA RENTABILITÉ
PAYS D’ORIGINE STRATÉGIQUES

J.-P. Lemaire

Figure 8.4 – De l’inter­­na­­tiona­­li­­sation des fonc­­tions à la struc­­tu­­ra­­tion d’ensemble

À la phase d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale, asso­­ciant des struc­­tures domes­­tiques à


des modes de pré­­sence légers hors fron­­tières (agents/dis­­tri­­bu­­teurs ou licen­­ciés),
l’orga­­ni­­gramme est encore for­­te­­ment cen­­tra­­lisé, fai­­sant appa­­raître les acti­­vi­­tés hors
fron­­tières comme une excrois­­sance d’une struc­­tu­­ra­­tion essen­­tiel­­le­­ment domes­­tique.
« L’inter­­na­­tional » y apparait comme une entité auto­­nome, sous la forme d’une divi­

449
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

s­ ion inter­­na­­tionale1, en paral­­lèle avec les grandes divi­­sions domes­­tiques, pro­­duits ou


clien­­tèles. Le plus sou­­vent, il se trouve rat­­ta­­ché, à la fonc­­tion mar­­ke­­ting (expor­­ta­­
tions), plus rare­­ment, à la fonc­­tion pro­­duc­­tion (approvision­­ne­­ments, sous-­traitance).
À la phase de développement local cor­­res­­pond le déve­­lop­­pe­­ment de struc­­tures
véritablement inter­­na­­tionales, comme les acti­­vi­­tés multi locales, d’Euro­fins Scientific2
(en Europe de l’Ouest, puis en Europe Cen­­trale, aux États-Unis, etc.), ou encore,
celles des entre­­prises multi pro­­duits, tenues de s’adap­­ter à des contextes locaux spé­
­ci­­fiques, comme la banque de proxi­­mité, à l’image de BNP Paribas et Société Géné­
­rale, très pré­­sentes, l’une et l’autre en Europe de l’Est et au sud de la méditerranée.
La struc­­ture de ces orga­­ni­­sa­­tions s’appuiera sur des suc­­cur­­sales, des filiales ou des
entre­­prises conjointes, nécessitant une cer­­taine décen­­tra­­li­­sa­­tion de la déci­­sion (en
dehors de cer­­taines fonc­­tions stra­­té­­giques, comme la R & D, conser­­vées sous le
contrôle direct et, le plus sou­­vent, à proxi­­mité du siège).
La coor­­di­­na­­tion peut être assu­­rée par des divi­­sions géo­­gra­­phiques ou des divi­­sions
produit, sus­­cep­­tibles d’inté­­grer pro­­gres­­si­­ve­­ment la plu­­part des fonc­­tions de l’entre­­
prise, avec le souci de réta­­blir une cer­­taine cohé­­rence à un niveau conti­­nen­­tal ou sub­
conti­­nen­­tal, pour les acti­­vi­­tés conser­­vant encore un fort carac­­tère local (se tra­­dui­­sant
par des particularismes régle­­men­­taires et/ou de compor­­te­­ment de consom­­ma­­teur).
À la phase de multi­natio­­na­­li­­sation, domi­­née par une volonté de coor­­di­­na­­tion des
activités, d’har­­mo­­ni­­sa­­tion des pro­­cé­­dures et d’inté­­gra­­tion inter­­na­­tionale des fonc­­
tions, sur des mar­­chés trans­­na­­tionaux ou glo­­baux, plusieurs sché­­mas pour­­ront
s’impo­­ser :
––outre le schéma géo­­gra­­phique qui pourra être conservé, pour un temps, en limi­­tant
pro­­gres­­si­­ve­­ment les par­­ti­­cu­­la­­rismes de zone, pri­­vi­­lé­­giés au cours de la phase
précédente3 ;
––un schéma par ligne de pro­­duits, qui pré­­fère aux divi­­sions géo­­gra­­phiques des
divisions par groupes de pro­­duits (ce qui peut conve­­nir à cer­­taines entre­­prises de
taille modeste, posi­­tion­­nées sur des niches mon­­diales), ou par marques ou filiales,
comme Pernod-­Ricard ;
––un schéma par mar­­ché ou type de clien­­tèle, qui coor­­donne les besoins de cer­­tains
segments trans­­ver­­saux au niveau conti­­nen­­tal ou glo­­bal, comme Saint-­Gobain,
désor­­mais très axé sur les grandes appli­­ca­­tions trans­­ver­­sales de ses familles de
pro­­duits4 ;
–– un schéma par «  grand compte  », comme les grandes socié­­tés conseil inter­­na­­
tionales, orien­­tées vers de grands clients mon­­diaux ou «grands comptes», regrou­­pés
le plus souvent par sec­­teur, – banques, socié­­tés pétro­­lières ou construc­­teurs auto­­mo­

1.  La struc­­ture fonc­­tion­­nelle avec un dépar­­te­­ment “inter­­na­­tional » peut éga­­le­­ment être adoptée, comme c’est le
cas dans de nombreuses PME.
2.  Cf. exemple 7.6.
3.  Cor­­res­­pon­­dant à des acti­­vi­­tés que Bartlett et Goshal, Atamer et Calori qua­­li­­fient d’« inter­­na­­tionale ».
4.  Voir site Saint Gobain, www.saint-­gobain.com.

450
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

b­ iles, par exemple – sou­­hai­­tant béné­­fi­­cier par­­tout de ser­­vices homo­­gènes, d’un


même niveau de qua­­lité de pro­­duit, dans des condi­­tions de livrai­­son comparables.
Ces dif­­fé­­rents sché­­mas pou­­vant être combi­­nés pour lais­­ser place aux struc­­tu­­ra­­tions
inter­­na­­tionales plus complexes, mais aussi plus réac­­tives et plus flexibles – du moins
dans leur fina­­lité – que sont les struc­­tures matricielles et les structures en réseau.

Exemple 8.4 – L’approche pro­­duit/ mar­­ché de Samsung Electronics


Parmi les cinq grandes familles d’acti­­vi­­tés de Samsung -industries lourdes, ser­­vices
finan­­ciers, ingéniérie et construc­­tion, chi­­mie, électronique-, Samsung Electronics, qui
cha­­peaute la der­­nière d’entre elles est, sans doute, la plus en pointe au niveau glo­­bal, ne
ras­­sem­­blant pas moins de 196 filiales de production comme de commer­­cia­­li­­sa­­tion sur les
cinq conti­­nents.
Son orga­­ni­­gramme, struc­­turé à la base en neuf lignes de pro­­duits, se foca­­lise désor­­mais
sur quatre grands groupes de mar­­chés, trois à domi­­nante B to C - le digi­­tal mul­­ti­­mé­­dia,
les équi­­pe­­ments mobiles, l’équi­­pe­­ment é­lectroménager-, le der­­nier -les semi-­conducteurs-,
à domi­­nante B to B.

Les struc­­tures matricielles et les struc­­tures en réseau résultent de la néces­­sité de


réac­­ti­­vité et de flexi­­bi­­lité, asso­­ciée à l’anti­­ci­­pation per­­ma­­nente de l’évo­­lu­­tion des
besoins. Elles ont pro­­gres­­si­­ve­­ment remis en ques­­tion les orga­­ni­­sa­­tions à domi­­nante
géogra­­phique ou à domi­­nante pro­­duit, sug­­gé­­rant la mise en place de struc­­tures plus
souples et mieux à même de sai­­sir les oppor­­tu­­ni­­tés et de faire face à des contraintes
en constante muta­­tion.
Mais, tout autant que le besoin de réac­­ti­­vité et de flexi­­bi­­lité, c’est l’évo­­lu­­tion de la
nature même de l’orga­­ni­­sa­­tion inter­­na­­tiona­­li­­sée qui déter­­mine les trans­­for­­ma­­tions
structurelles les plus spec­­ta­­cu­­laires, en valo­­ri­­sant de véri­­tables « concepts » pro­­duits
ou ser­­vices déve­­lop­­pés à un niveau trans­fron­­tières, conti­­nen­­tal ou glo­­bal, condui­­sant
à adap­­ter constam­­ment la chaîne de valeur et à faire évo­­luer dans le sens des besoins
iden­­ti­­fiés les structures et les fina­­li­­tés mêmes de l’entre­­prise.
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L’approche matricielle de l’orga­­ni­­sa­­tion, désor­­mais moins uti­­li­­sée, au béné­­fice de


structures hori­­zon­­tales orga­­ni­­sées autour de pro­­ces­­sus d’acti­­vi­­tés plurifonctionnels,
part du prin­­cipe que les struc­­tures hié­­rar­­chiques, à domi­­nante géo­­gra­­phique ou à
domi­­nante produit, sont trop rigides pour per­­mettre une adap­­ta­­tion suf­­fi­­sam­­ment
rapide aux trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment, quel que soit son niveau de glo­­balité.
L’approche matricielle, de son côté, se révèle effi­­cace, mais pas tou­­jours flexible
(à la dif­­fé­­rence de la struc­­ture en réseau ; voir ci-­dessous) et peut sus­­ci­­ter des dérives
bureaucratiques. Elle cor­­res­­pond au cas d’entre­­prises diver­­si­­fiées en biens d’équi­­pe­
­ment (comme Alstom), par exemple, dont les acti­­vi­­tés se seg­­mentent en divi­­sions
pro­­duits et/ou mar­­chés et/ou programmes) dont les logiques et les fac­­teurs clés de
suc­­cès sont radi­­ca­­le­­ment dif­­fé­­rents, et qui, de plus, opèrent dans des domaines où
les enjeux de nature technologique sont forts. Il convient, dès lors, de main­­te­­nir un
poids impor­­tant au niveau des fonctions ou spé­­cia­­li­­tés, orga­­ni­­sées en pôles de

451
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

compé­­tences, au ser­­vice des divi­­sions. D’où le caractère croisé des struc­­tures s’ins­
­pi­­rant de cette approche.
C’est pour­­quoi la ten­­dance a été, depuis la fin des années 1970 et sur­­tout au cours
des années 1980, de déve­­lop­­per, au sein de la même orga­­ni­­sa­­tion mul­­ti­­natio­­nale, des
struc­­tures distinctes – géo­­gra­­phiques, lignes de pro­­duits, clients/mar­­ché ou fonc­­
tion­­nelles –, sans privilégier, a priori, l’une ou l’autre de ces dimen­­sions. Cette ten­
­dance per­­met­­tait de tirer parti, selon les cas, de la struc­­ture la mieux pla­­cée pour
sai­­sir une oppor­­tu­­nité, prendre la direc­­tion des opé­­ra­­tions ou du pro­­jet, à laquelle les
autres vien­­draient appor­­ter leur concours. Ce qui sup­­pose, pour la direc­­tion géné­­
rale, de conci­­lier en per­­ma­­nence des inté­­rêts sou­­vent conflic­­tuels entre, par exemple,
les lignes de pro­­duits et les zones géo­­gra­­phiques. D’où l’impor­­tance que revêt le
« contrôle stratégique » dans le cadre de telles struc­­tures.

c Repère 8.4
Les enjeux du contrôle stra­­té­­gique des struc­­tures matricielles
En sui­­vant Prahalad et Doz1, pas moins de quatre dimen­­sions devraient être simul­­ta­­né­
­ment prises en compte par le siège pour ana­­ly­­ser les enjeux de ces types de structures,
les ani­­mer et les contrô­­ler :
––une dimen­­sion cogni­­tive, liée à la per­­cep­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment que chaque
structure men­­tion­­née peut consi­­dé­­rer de manière fort dif­­fé­­rente ;
––une dimen­­sion stra­­té­­gique, direc­­te­­ment liée, elle aussi, à la per­­cep­­tion de l’envi­­ron­
­ne­­ment, et engen­­drant de la part des res­­pon­­sables de chaque type de structure, des
manières dif­­fé­­rentes de réagir aux menaces, et aux oppor­­tu­­ni­­tés ;
––une dimen­­sion poli­­tique, qui sup­­pose de loca­­li­­ser la source du pou­­voir parmi les
dif­­fé­­rents res­­pon­­sables dans la défi­­ni­­tion et la mise en œuvre d’une stra­­té­­gie ;
––une dimen­­sion admi­­nis­­tra­­tive, enfin, pour mobi­­li­­ser les res­­sources – humaines,
notamment – et har­­mo­­ni­­ser les sys­­tèmes – comp­­tables, par exemple –, pour défi­­nir
le mode de conso­­li­­da­­tion à rete­­nir (par ligne de pro­­duits ou par zone).
Dès lors, trois méca­­nismes doivent, selon ces auteurs, être déve­­lop­­pés pour per­­mettre
le fonc­­tion­­ne­­ment de ces sys­­tèmes complexes dits « hybrides » ou « matriciels » :
––les sys­­tèmes d’infor­­ma­­tion, qui per­­mettent de réguler les flux de don­­nées et de
décisions au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion ; en font par­­tie le sys­­tème comp­­table, le pro­­ces­­sus
bud­­gé­­taire et la pla­­ni­­fi­­ca­­tion, les sys­­tèmes d’infor­­ma­­tion managériaux ;
––les méca­­nismes de ges­­tion des diri­­geants, qui s’appuie sur les sys­­tèmes de nomination,
de rému­­né­­ra­­tion, de for­­ma­­tion, d’évo­­lu­­tion de car­­rière, d’éva­­lua­­tion et d’inté­­gra­­tion
au corps social qu’est l’entre­­prise ;
––les méca­­nismes de réso­­lu­­tion de conflit, en par­­ti­­cu­­lier dans un envi­­ron­­ne­­ment
pluriculturel, en déployant des outils tels que les groupes de pro­­jet, les comi­­tés de
planification, les groupes de coor­­di­­na­­tion, de défi­­ni­­tion de mis­­sions.

1.  « An approach to Strategic Control in MNCs », été 1981 ; « Headquarters Influ­­ence and Strategic control in
MNCs », Sloan Mana­­ge­­ment Review, automne 1981.

452
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

Les struc­­tures matricielles, dans l’hypo­­thèse où elles appa­­raissent plus effi­­caces


aux dirigeants en fonc­­tion des fina­­li­­tés de l’entre­­prise, de l’ana­­lyse interne et externe
et de la for­­mu­­la­­tion stra­­té­­gique, peuvent être défi­­nies sui­­vant deux ou trois des axes
parmi les sui­­vants :
––selon le sec­­teur ou l’acti­­vité et son degré de glo­­ba­­lité, sug­­gé­­rant plu­­tôt une
approche par lignes de pro­­duits, dans le cas d’acti­­vi­­tés glo­­bales, ou par zones
géographiques, dans le cas d’acti­­vi­­tés multi locales ;
––selon la nature et la concen­­tra­­tion de sa clien­­tèle, qui peuvent inci­­ter l’orga­­ni­­sa­­
tion, dans le cas d’une faible concen­­tra­­tion et d’une grande hété­­ro­­gé­­néité des
clien­­tèles, à seg­­men­­ter celle-­ci par zones ou par grandes caté­­go­­ries ; dans le cas
d’une grande concen­­tra­­tion des clients majeurs – appar­­te­­nant à de grands sec­­teurs
trans­­na­­tionaux ou glo­­baux, par exemple –, elle peut seg­­men­­ter par «  grands
comptes » sec­­to­­riels (cf. banque, auto­­mo­­bile, chi­­mie, etc.) ;
––selon l’impor­­tance des syner­­gies commer­­ciales et indus­­trielles, actuelles ou même
à venir, qui conduisent à pri­­vi­­lé­­gier, dans le pre­­mier cas, des approches
géographiques asso­­ciées à des approches clien­­tèles et/ou « grands comptes », et,
dans le second cas, des approches par lignes de pro­­duits, éga­­le­­ment sus­­cep­­tibles
d’être asso­­ciées à des approches clien­­tèles et/ou « grands comptes » ;
––selon l’inten­­sité du besoin d’inté­­gra­­tion et de contrôle : si elle est faible dans les
orga­­ni­­sa­­tions glo­­bales ou multi conti­­nen­­tales ayant choisi pour les rai­­sons qui
viennent d’être men­­tion­­nées, une orga­­ni­­sa­­tion par lignes de pro­­duits for­­te­­ment
inté­­grée, elle est forte dans des acti­­vi­­tés multi locales où l’axe géo­­gra­­phique est
pri­­vi­­lé­­gié, avec le déve­­lop­­pe­­ment cor­­ré­­la­­tif, du fait des dis­­pa­­ri­­tés d’envi­­ron­­ne­­
ments locaux, de tendances cen­­tri­­fuges propres à contra­­rier la coor­­di­­na­­tion et la
recherche de syner­­gies. Elle sus­­ci­­te­­rait alors le recours à un axe par fonc­­tions (pro­
­duc­­tion, mar­­ke­­ting, finance, etc.) qui vien­­drait complé­­ter le, ou les deux autres,
axes choi­­sis ;
––selon la taille de l’entre­­prise et le niveau de déploie­­ment géo­­gra­­phique qu’elle
aura déjà atteint, en met­­tant en place, pour les grandes enti­­tés déjà très ouvertes,
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d’axes bien dis­­tincts (pro­­duits, clients et/ou grands comptes, zones géo­­gra­­phiques,
etc.) et pour les enti­­tés de taille plus modeste, en défi­­nis­­sant des mis­­sions dis­­
tinctes pour les mêmes responsables ou struc­­tures.
Même dans une entité de taille modeste, en effet, un tel mode d’orga­­ni­­sa­­tion, si
ses caractéristiques le jus­­ti­­fient, peut appor­­ter une réponse adap­­tée, dès lors, par
exemple, que l’entre­­prise opère sur des niches glo­­bales.
Les struc­­tures matricielles peuvent n’appor­­ter qu’une réponse tran­­si­­toire à un
contexte glo­­bal ou multi local donné, pour deux rai­­sons :
––soit, elles offrent la pos­­si­­bi­­lité de tester, concur­­rem­­ment, plu­­sieurs types de
structures, dont l’une pourra fina­­le­­ment être rete­­nue de façon plus durable1 ;

1.  Comme, par exemple, les struc­­tures glo­­bales par fonc­­tions, envi­­sa­­geables lors­­qu’il existe un mar­­ché par­­fai­­te­
­ment homo­­gène pour une ligne de pro­­duits re­lativement res­treinte (ainsi, le sec­­teur minier).

453
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

––soit, elles consti­­tuent une étape vers d’autres struc­­tures encore plus flexibles (sans
pour autant que l’adop­­tion, même pro­­vi­­soire, d’une struc­­ture matricielle consti­­tue
un passage obligé).
Face à cette trans­­for­­ma­­tion des struc­­tures mul­­ti­­natio­­nales, l’approche « réseau »
s’oriente, quant à elle, davan­­tage encore vers la recherche de la flexi­­bi­­lité et de la
réactivité, intro­­dui­­sant grâce, notam­­ment, à de nou­­veaux fac­­teurs d’envi­­ron­­ne­­ment,
en matière de sys­­tèmes d’infor­­ma­­tion, de communication ou de qua­­lité, des solu­­tions
encore plus souples et adap­­tables aux fac­­teurs externes et internes de chan­­ge­­ment.

c Repère 8.5
L’orga­­ni­­sa­­tion en réseau de la firme trans­­na­­tionale1 gagnante
selon C. Bartlett et S. Goshal
Déjà, à la fin des années 1980, cer­­tains auteurs per­­ce­­vaient une ten­­dance à l’adop­­tion
des struc­­tures en réseau, trans­­cen­­dant les modèles d’orga­­ni­­sa­­tion culturellement
caractéristiques qui avaient été, jusque-­là, expor­­tés à par­­tir des modèles natio­­naux res­
­pec­­tifs des trois grandes zones de la Triade.
Qu’il s’agisse des firmes euro­­péennes, amé­­ri­­caines ou japo­­naises, obser­­vées pen­­dant
cinq ans par C. Bartlett et S. Goshal2, aucune de leurs approches stra­­té­­giques tra­­di­­tion­
­nelles res­­pec­­tives ne parais­­sait plus devoir conve­­nir à l’envi­­ron­­ne­­ment déjà mou­­vant
des années 1990.
Dans l’orga­­ni­­sa­­tion des entre­­prises euro­­péennes, domi­­nées par une tra­­di­­tion de
contrôle fami­­lial, les liens per­­son­­nels comptent davan­­tage que les liens for­­mels ; à
l’inter­­na­­tional les acti­­vi­­tés sont ani­­mées par des hommes de confiance, rat­­ta­­chés au
siège par des liens de contrôle infor­­mels et assez lâches, consti­­tuant donc davan­­tage
une fédé­­ra­­tion décentralisée.
À l’opposé, leurs homo­­logues amé­­ri­­caines s’ins­­crivent dans une tra­­di­­tion managériale
où les sys­­tèmes de pla­­ni­­fi­­ca­­tion et de contrôle jouent un rôle majeur ; est donc
privilégiée, dans le cadre de leur déve­­lop­­pe­­ment hors fron­­tières, une fédé­­ra­­tion coor­­
don­­née, asso­­ciée à des liens étroits entre la société-­mère et les filiales, dépen­­dantes en
matière de tech­­no­­logie et de savoir faire.
Quant aux firmes japo­­naises, très impré­­gnées par leur pra­­tique cultu­­relle ori­­gi­­nale des
communications internes inten­­sives, elles ont eu quelques dif­­fi­­cultés à trans­­po­­ser ce
modèle orga­­ni­­sa­­tion­­nel à l’étran­­ger, sauf à conser­­ver au siège, le «  moyeu  » (hub)
centralisateur, le point de concen­­tra­­tion des res­­sources et des déci­­sions ; les filiales ne
jouent qu’un rôle de dis­­tri­­bu­­teur des pro­­duits, à l’échelle glo­­bale.

1.  Le terme « trans­­na­­tionale » est entendu ici dans un sens large, c’est-­à-dire cou­­vrant l’ensemble des structures,
en par­­ti­­cu­­lier inter­­na­­tionales et mul­­ti­­natio­­nales.
2.  Bartlett C., Goshal S., «  Managing across borders  : the trans­­na­­tional solu­­tion », Harvard Busi­­ness Press,
2002.

454
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8


Dans une perspec­­tive idéale de réseau inté­­gré, avec des compé­­tences répar­­ties entre
les dif­­fé­­rentes loca­­li­­sa­­tions, inter­­dé­­pen­­dantes pour les pro­­duits, les res­­sources et
l’infor­­ma­­tion, les opé­­ra­­tions s’ins­­crivent dans un cadre homo­­gène et inter­­ac­­tif ; ce qui
sup­­pose que, dans chaque tra­­di­­tion managériale, des trans­­for­­ma­­tions devront s’effec­­
tuer de la façon sui­­vante :
––pour les entre­­prises japo­­naises, dans le sens d’un dépla­­ce­­ment des actifs et des res­­
sources vers les filiales, avec un accrois­­se­­ment paral­­lèle des res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés attri­­
buées aux non-­Japonais ;
––pour les entre­­prises euro­­péennes, en limi­­tant l’auto­­no­­mie des struc­­tures locales, en
conce­­vant et en met­­tant en œuvre un sys­­tème coor­­donné, aussi bien au niveau de
l’espace conti­­nen­­tal euro­­péen qu’à l’échelle du monde ;
––pour les entre­­prises amé­­ri­­caines, qui semblent les plus proches de ce modèle, forgé
dans le cadre du mar­­ché des États-­Unis, le plus grand et le plus riche du monde, avec
leur sys­­tème de coordination, de pla­­ni­­fi­­ca­­tion et de contrôle, en pre­­nant en compte
les men­­ta­­li­­tés locales et en les consi­­dé­­rant comme des fac­­teurs d’enri­­chis­­se­­ment et
non comme des contraintes dont il convien­­drait de limi­­ter le plus pos­­sible les effets
sur un sys­­tème bien rôdé.

L’idée d’entre­­prise en réseau est donc issue d’une vision cri­­tique des sché­­mas
d’orga­­ni­­sa­­tion exis­­tants, en inté­­grant, depuis cette pre­­mière for­­mu­­la­­tion, de nou­­
veaux élé­­ments sug­­gé­­rés par l’évo­­lu­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment politico-­réglementaire,
socio-­économique et tech­­no­­lo­­gique. Les réseaux ont ainsi béné­­fi­­cié, au cours des
années 1990, de l’ouver­­ture crois­­sante des éco­­no­­mies, de l’accé­­lé­­ra­­tion du trai­­te­­
ment et de la trans­mission des don­­nées, et de l’har­­mo­­ni­­sa­­tion pro­­gres­­sive de la
demande de cer­­tains pro­­duits, don­­nant, du même coup, plus de réa­­lité à « l’orga­­ni­­
sa­­tion mon­­diale », dont la réa­­lité a été précédemment dis­­cu­­tée1.
Le déve­­lop­­pe­­ment de celle-­ci s’ins­­crit dans une réflexion plus large, inté­­res­­sant
l’ensemble des orga­­ni­­sa­­tions, insis­­tant sur le rôle cen­­tral des « compétences-­clés »2,
et per­­met­­tant, à tra­­vers le contrôle d’une tech­­no­­logie ou d’un savoir faire essentiel,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’exer­­cer une influ­­ence déter­­mi­­nante sur l’ensemble d’une filière jus­­qu’au pro­­duit
final (cf. exemple 8.5).
Au niveau inter­­na­­tional, se dégagent pro­­gres­­si­­ve­­ment, en par­­ti­­cu­­lier dans les sec­­teurs
qui relèvent du glo­­bal ou du trans­­na­­tional, de nou­­velles struc­­tures, que l’on pour­­rait
qualifier d’« orga­­ni­­sa­­tions concept ». Celles-­ci exploitent une démarche orien­­tée vers
des catégories déter­­mi­­nées d’uti­­li­­sa­­teurs – et sus­­cep­­tibles d’évo­­luer avec le temps –,
à un niveau de qua­­lité élevé et reconnu, autour des­­quelles va se compo­­ser et se recom­
­po­­ser, de façon per­­ma­­nente, la chaîne de valeur, avec des délocalisations et des re­loca­
­li­­sa­­tions constantes, en fonc­­tion des oppor­­tu­­ni­­tés de commer­­cia­­li­­sa­­tion ou de

1.  Voir, supra, 4.1.2., «  De la théo­­rie éclec­­tique de la firme mul­­ti­­natio­­nale à la défi­­ni­­tion de stra­­té­­gies glo­­
bales ».
2.  Défi­­nies dans le célèbre article de G. Hamel et Prahalad C.-K., « The Core competence of the corporation »,
Harvard Busi­­ness Review, mai-­juin 1990.

455
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

pro­­duc­­tion, des obstacles régle­­men­­taires ou des mesures de déré­­gle­­men­­ta­­tion. Ces


« orga­­ni­­sa­­tions concept » opèrent des rap­­pro­­che­­ments pro­­vi­­soires ou plus per­­ma­­nents
avec d’autres struc­­tures, concurrentes ou complé­­men­­taires, en fonc­­tion des conver­­
gences d’inté­­rêt ou de l’inten­­si­­fi­­ca­­tion de la concur­­rence avec d’autres firmes...

Exemple 8.5 – Wikipedia, la mul­­ti­­natio­­nale « non pro­­fit » de la connais­­sance1


Pou­­vant four­­nir une bonne illus­­tra­­tion de l’« orga­­ni­­sa­­tion concept », la fameuse ency­­clo­
p­ é­­die gra­­tuite en ligne, a été créée en janvier 2001, par Jimmy Wales et Larry Sanger,
selon un modèle asso­­cia­­tif et collaboratif, qui fait de Wikimedia, la fon­­da­­tion dont elle
consti­­tue le pro­­jet phare, une ONG d’un type bien particulier.
Wikipedia, qui asso­­cie le pré­­fixe hawaïen « wiki », « vite » aux deux der­­nières syl­­labes
d’« encyclopedia », pro­­pose gra­­tui­­te­­ment 22 mil­­lions d’articles en 285 langues (dont 4
en anglais), à plus de 35 mil­­lions d’internautes de par le monde, fai­­sant partie des 10 sites
les plus visi­­tés (avec le n°6 au clas­­se­­ment Alexa).
Mais ce prin­­cipe d’ency­­clo­­pé­­die ouverte et dyna­­mique dont le contenu se renou­­velle en
per­­ma­­nence grâce à près de 100 000 contributeurs, tous volon­­taires, touche ses limites,
avec ses 370 ser­­veurs (contre 60 000 à Facebook et plus d’un million à Google) : pour
faire vivre la struc­­ture qui, fin 2011, n’employait que 78 per­­sonnes à plein temps, essen­
­tiel­­le­­ment des pro­­gram­­meurs.
Une for­­mule aussi ouverte a pu faire l’objet de polé­­miques quant à ses conte­­nus « non
aca­­dé­­miques » et aux actes de van­­da­­lisme dont elle a fait l’objet, sans tou­­te­­fois affec­­ter
sa noto­­riété auprès des utilisateurs.
Béné­­fi­­ciant de dons d’autres asso­­cia­­tions, comme la Stanton Fundation, Wikimedia a
décidé de solliciter les uti­­li­­sa­­teurs, pour leur demander leur sou­­tien finan­­cier et, sur­­tout,
leur temps pour étof­­fer la base de don­­nées que le site pro­­pose. Les chiffres sont en effet
plus inquié­­tants pour l’enri­­chis­­se­­ment de la base que pour la col­­lecte de fonds : le nom-
bre des contributeurs a flé­­chi de plus de 10  % en l’espace d’un an et l’aug­­men­­ta­­tion
men­­suelle de la crois­­sance des articles en anglais qui attei­­gnait 6 % en 2006, reste obs­­ti­
­né­­ment en des­­sous de la barre de 1 % depuis 2010..
De quoi inquié­­ter les pro­­mo­­teurs du concept, qui observent la mon­­tée en puis­­sance
d’autres sites, comme l’ency­­clo­­pé­­die en libre accès ouverte dans le cadre du prin­­ci­­pal site
chi­­nois, Baidu, Mais, au-­delà de la mon­­tée en puis­­sance pré­­vi­­sible d’une concur­­rence
qui, effec­­ti­­ve­­ment, s’inten­­si­­fie, c’est le renou­­vel­­le­­ment du concept, comme le main­­tien
de son dyna­­misme qui est en jeu. Comment, en effet, sti­­mu­­ler le déve­­lop­­pe­­ment de la
base de don­­nées ? Comment les rendre acces­­sible au plus grand nombre, notam­­ment, les
uti­­li­­sa­­teurs des pays émergents, qui pour­­raient avoir accès à l’ency­­clo­­pé­­die en uti­­li­­sant
des mobiles bon mar­­ché ?
C’est sans doute une des rai­­sons qui a conduit la Fon­­da­­tion Wikimedia à ouvrir sa pre­­
mière implantation hors des États-­Unis, en Inde, au tout pre­­mier rang des dona­­teurs
comme des contributeurs, qui offre d’énormes pos­­si­­bi­­li­­tés, via le déve­­lop­­pe­­ment expo­­
nen­­tiel du télé­­phone mobile, en anglais comme en d’autres langues, et où le nombre des
internautes devrait atteindre 300 mil­­lions en 2014.

1.  «Wikipedia’s fund raising  :  Free but not easy  », The Economist, 5/11/2011 et articles “Wikipedia” et
“Wikimedia”, Wikipedia, the free encyclopedia, 11/08/2012.

456
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

Depuis le début des années 90, les trans­­for­­ma­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment obligent


donc les orga­­ni­­sa­­tions ouvertes à l’inter­­na­­tional, quelle que soit leur taille, à faire
évo­­luer leur struc­­ture de façon plus souple encore. Elle doivent, en plus, mani­­fes­­ter
leur volonté de meilleure coor­­di­­na­­tion entre les dif­­fé­­rentes enti­­tés qui la composent,
en la ren­­dant plus adap­­table, sans la figer. Certes, tous les sec­­teurs ne sont pas
concer­­nés, à l’iden­­tique :
• Si la nature de leur acti­­vité – carac­­té­­ri­­sée par leurs pro­­duits et ser­­vices, leur tech­­no­
­logie de concep­­tion/fabri­­ca­­tion, et de mise sur le mar­­ché – inté­­resse des seg­­ments
mon­­diaux, comme Hermès ou Samsung Electronics, il convien­­dra d’appli­­quer une
démarche homo­­gène et coor­­don­­née dans l’ensemble de leurs enti­­tés consti­­tutives.
• À l’inverse, si les par­­ti­­cu­­la­­rismes des mar­­chés à conqué­­rir l’imposent, comme
pour les géants occi­­den­­taux des cos­­mé­­tiques en Inde ou en Chine (cf. cas intro­­
duc­­tif du chapitre 6), les ini­­tiatives locales devront être encou­­ra­­gées, sans, pour
autant, négli­­ger les apports d’expé­­rience et de compé­­tence venant des autres enti­
­tés du groupe concerné1.
Ce qui sou­­lève une der­­nière dimen­­sion – essentielle- de la mise en œuvre, celle des
rela­­tions multi­cultu­­relles du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional des orga­­ni­­sa­­tions, tant en
interne – entre et au sein des enti­­tés qui composent cha­­cune d’entre elles –, qu’avec
les par­­ties pre­­nantes directes et indi­­rectes, domes­­tiques, locales et inter­­na­­tionales,
avec les­­quelles elles inter­agissent.

2  L’inté­­gra­­tion des inter­­ac­­tions multi­cultu­­relles dans les sché­­mas


de déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion2

Les dif­­fé­­rentes facettes de la stra­­té­­gie d’entrée en Thaïlande de la société d’étude


marketing pré­­sen­­tées dans le cadre du cas intro­­duc­­tif du présent cha­­pitre, montrent bien
l’importance de la dimen­­sion inter­cultu­­relle3 à la fois sur le plan interne (dans la créa­­tion
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1.  Comme le pro­­pose E.Milliot, mar­­qué par la forte conver­­gence des typo­­logies d’orga­­ni­­sa­­tions inter­­na­­tionales
de Por­­ter et de Perlmutter, avec son modèle compo­­site, non déter­­mi­­niste, sou­­li­­gnant l’impor­­tance et la spé­­ci­­ficité
de l’ali­­gne­­ment inter­­ac­­tif des stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation et des pro­­fils orga­­ni­­sa­­tion­­nels. Il contri­­bue à pré­­ci­­ser
le pro­­jet d’orga­­ni­­sa­­tion, à véri­­fier la compa­­ti­­bi­­lité des choix et des moyens, à amé­­lio­­rer la commu­­ni­­ca­­tion entre les
par­­ties prenantes et à assu­­rer la cohéren­ce de l’action dans le temps.(voir E. Milliot, « Stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­
sation : une arti­­cu­­lation des tra­­vaux de Por­­ter et Perlmutter », Mana­­ge­­ment & Ave­­nir, 2005/1 n° 3).
2.  Ces ana­­lyses reprennent aussi des réflexions communes menées avec Nathalie Prime, par ailleurs auteure, avec
Jean-­Claude Usunier, de « Marketing Inter­­na­­tional, mar­­chés, cultures et orga­­ni­­sa­­tions », Pearson, 2012. Celles-­ci
ont été pré­­sen­­tées, lors du cycle «  Inter­­na­­tiona­­li­­sation et Mana­­ge­­ment Inter­cultu­­rel orga­­ni­­sés à ESCP Europe en
2004, avec des res­­pon­­sables de dif­­fé­­rentes mul­­ti­­natio­­nales telles que Car­­re­­four, Accor, Bouygues, Degrémont... Elles
se sont poursuivies depuis, don­­nant lieu à un cer­­tain nombre de commu­­ni­­ca­­tions communes, notam­­ment lors des
pre­­mières ren­­contres de la diver­­sité, organisées par l’IAE de Corse, à Corte, en octobre 2005 (J.-P.Lemaire et N.
Prime, « De la culture d’entre­­prises à la culture groupe : l’enjeu de la dif­­fu­­sion internationale »).
3.  Davel, E., Dupuis, J.P. et Chanlat, J.-F. (sous la direc­­tion de) (2008). La ges­­tion en contexte inter­cultu­­rel :
Problémtiques, approches et pra­­tiques, Les Presses de l’Uni­­ver­­sité Laval et Télé-­Université du Québec.

457
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

puis le fonc­­tion­­ne­­ment au jour le jour de cette implan­­ta­­tion), comme sur le plan externe,
avec, notamment, les clients et les autres par­­ties pre­­nantes concer­­nées. Si ce cas jus­­ti­­fie
aussi le choix du mode d’entrée qui a été retenu, avec un contrôle à 100 % de la mai­­son
mère, il fait, cepen­­dant, s’inter­­ro­­ger sur le risque d’échec consi­­dé­­rable que compor­­tait
l’envoi d’un homme seul1, sur les épaules duquel repo­­sait la réus­­site du projet.
À tra­­vers cet exemple, trans­parait la diver­­sité des situa­­tions d’inter­­ac­­tions
culturelles liées à la mise en œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, comme la
manière dont elles peuvent être la source de dif­­fi­­cultés, de mal­­en­­ten­­dus -pas seule­­
ment d’ordre lin­­guis­­tique2 –, mais aussi d’oppor­­tu­­ni­­tés qui pour­­ront doter
l’organisation d’avan­­tages compé­­titifs sup­­plé­­men­­taires vis-­à-vis de ses concur­­rents.
Sur­­tout si celle-­ci cherche à enri­­chir sa culture d’entre­­prise de cette diversité3.

2.1  La diver­­sité des situa­­tions d’inter­­ac­­tion interculturelles et leurs enjeux


Les enjeux inter­cultu­­rels ponc­­tuant une implan­­ta­­tion à l’étran­­ger, comme le révèle, par
exemple l’expé­­rience de Jérôme à Bangkok, concernent trois caté­­go­­ries d’inter­actions4:
––la négo­­cia­­tion avec les par­­ties pre­­nantes locales (admi­­nis­­tra­­tions locales, col­­la­­bo­
­ra­­teurs potentiels, pros­­pects puis clients, etc.) ;
––le mana­­ge­­ment des équipes, consti­­tuées ici, exclu­­si­­ve­­ment de Thaïs, avec la prise
en compte de leurs compor­­te­­ments, de leurs pro­­fils, de leurs attentes ; en créant de
toutes pièces les modes de fonc­­tion­­ne­­ment garan­­tis­­sant, à la fois, l’har­­mo­­nie et
l’efficacité au sein de la struc­­ture nou­­vel­­le­­ment créée ;
––la créa­­tion d’une offre adap­­tée, en adap­­tant l’approche tra­­di­­tion­­nelle de
l’organisation, tenant compte, aussi bien, de la néces­­sité de bien comprendre les
demandes spécifiques de chaque caté­­go­­rie de clients et de déve­­lop­­per une métho­
­do­­logie adap­­tée à l’environnement.
A par­­tir de ces situa­­tions d’inter­­ac­­tion, deux types d’enjeux peuvent être dis­­tin­­gués :
• Tout d’abord, les enjeux instrumentaux, ren­­voient à des effets immé­­diats, se
traduisant par des atti­­tudes et des réac­­tions (posi­­tives ou néga­­tives) de la part des
par­­ties pre­­nantes, internes ou externes, loca­­le­­ment ou dans le pays d’ori­­gine. Ces
der­­nières seront des per­­sonnes phy­­siques ou des repré­­sen­­tants de per­­sonnes
morales impli­­quées dans ces inter­­ac­­tions : four­­nis­­seurs, clients, sous-­traitants, col­
­la­­bo­­ra­­teurs, agents, partenaires. La double rela­­tion, inter­ ins­­ti­­tution­­nelle et, sur­­
tout, inter­­per­­son­­nelle, cor­­res­­pon­­dant à ces situa­­tions, compor­­tera une dimen­­sion

1.  Repère 8.7. « Quel pro­­fil pour pilo­­ter quelle phase de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ? »
2.  Kassis-­Henderson J.,The Impli­­ca­­tions of Language Boundaries on the Development of Trust in International
Management Teams, in Sanders M.N.K., Skinner D., Dietz G., Gillepsie N., Lewick R.J. (ed.), Oragnizational Trust,
a cultu­­ral Perspective, Cambridge Com­panions of Mana­­ge­­ment, Cambridge University Press, 2010.
3.  Lemaire J.-P., Prime N., «  Pré­­pa­­rer l’orga­­ni­­sa­­tion à l’aven­­ture inter­­na­­tionale  » in L’Art de la Crois­­sance,
ESCP/Bain & Company, Edition Village Mon­­dial, 2007. (article publié à l’ori­­gine dans Les Echos hors série L’Art
de la Crois­­sance 5, 14 Décembre 2006).
4.  Lemaire J.P. « L’approche multi­cultu­­relle des affaires », le MOCI, n°955, 14/1/1991.

458
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

affec­­tive impor­­tante. En par­­ti­­cu­­lier dans le contexte du cas introductif, dans un


envi­­ron­­ne­­ment cultu­­rel local, ou le col­­lec­­tif l’emporte sur l’indi­­vi­­duel et la la
relation l’emporte sur la tâche (à l’inverse de la culture nord-amé­­ri­­caine1).
Ces enjeux instrumentaux, seront le plus sou­­vent asso­­ciés à des situa­­tions aux
conséquences limi­­tées,  : tran­­sac­­tions ponc­­tuelles (opé­­ra­­tions d’achat/de vente
occasionnelles,..), rela­­tions à court terme (à carac­­tère explo­­ra­­toire, prises de contact,
prospection..), sus­­ci­­tant la décou­­verte, par­­fois abrupte, de compor­­te­­ments en fort
contraste avec sa propre culture. Pou­­vant sur­­prendre, ces enjeux peuvent être maî­­
tri­­sées  ; sur­­tout si on s’y est pré­­paré. Ils traduisant, dans une cer­­taine mesure un
«choc des cultures», qui peut compro­­mettre la rela­­tion, mais sans direc­­te­­ment
concer­­ner le fond de l’inter­action.2.

Niveau
d’interaction
interpersonnelle
/d’intégration
organisationnelle

Filiales/ Enjeux fondamentaux :


effets pérennes sur des
succursales
opérations et organisations
communes/conjointes/intégrées
Partenaires
Recherche des
Agents Enjeux instrumentaux : convergences
Collaborateurs effets immédiats sur les « Choc » des
cultures
intérêts/aspirations Structuration
Sous-traitants des parties prenantes des relations
Relations
à court terme
Clients Relations
Transactions à long terme
ponctuelles
Fournisseurs
Phase
du développement
international
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Internationalisation Développement Multinationalisation


initiale local intégration
Adapté de J.P.Lemaire et N. Prime

Figure 8.5 – les enjeux de l’inter­­ac­­tion inter­cultu­­relle

1.  Cf. H.C. Triandis, « The Self and Social Behavior in different Cultu­­ral Contexts », Psychological Review, Vol..
96, 1989, cité par N. Prime, «  Culture et Mon­­dia­­li­­sa­­tion: l’unité dans la diver­­sité  », L’Expan­­sion Mana­­ge­­ment
Review, Septembre 2001.
2.  Ce qui ren­­voie, pour les enjeux instrumentaux, comme pour les enjeux fon­­da­­men­­taux, à l’ouvrage de Philippe
d’Iribarne, cité plus haut, « La logique de l’hon­­neur » qui sou­­ligne que «les tra­­di­­tions où chaque peuple s’enra­­cine
modèlent ce que ses membres révèrent et méprisent ; et qu’on ne peut gou­­ver­­ner sans s’adap­­ter à la diver­­sité des
valeurs et des mœurs».

459
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

• Ensuite, les enjeux fon­­da­­men­­taux seront plus por­­teurs d’effets pérennes, en intéressant
les ins­­ti­­tutions qui inter­agissent entre elles, plus que les indi­­vi­­dus qui les repré­­
sentent : dans le cas thaï, ils concer­­ne­­ront les inter­­ac­­tions entre l’implan­­ta­­tion locale
et ses enti­­tés clientes, entre l’implan­­ta­­tion locale et sa société mère, ses par­­te­­naires
locaux éven­­tuels, ses prestataires et four­­nis­­seurs, comme avec les ins­­ti­­tutions locales
(admi­­nis­­tra­­tions, banques, etc.). De la qua­­lité de ces inter­­ac­­tions dépen­­dra la pro­­gres­
­sion de l’inté­­gra­­tion de l’implan­­ta­­tion dans l’espace géo-­sectoriel de réfé­­rence ou
d’expan­­sion ; et, dans ce cas, le pas­­sage de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale à la phase de
développement local. De la maî­­trise de ces enjeux dépen­­dra aussi l’éta­­blis­­se­­ment
réussi de liens contrac­­tuels avec des clients, l’obten­­tion de licences auprès des auto­­
ri­­tés, la mise à dis­­po­­si­­tion de res­­sources sup­­plé­­men­­taires par le siège, etc. ; mar­­quant
ainsi la péren­­ni­­sa­­tion et le déve­­lop­­pe­­ment de l’entité considérée.
Ces enjeux fon­­da­­men­­taux engagent à l’éta­­blis­­se­­ment de rela­­tions à long terme
avec des inter­­lo­­cuteurs incontour­­nables avec les­­quels un cli­­mat de confiance devra
s’éta­­blir, tant en interne qu’en externe. Ces rela­­tions elles-­mêmes devront se struc­­
tu­­rer (par exemple, par l’ins­­ti­­tution­­na­­li­­sation de consul­­ta­­tions régu­­lières pour tout
nou­­veau pro­­jet), avec un souci sys­­té­­ma­­tique de conver­­gence (en déve­­lop­­pant des
approches gagnant-­gagnant entre les enti­­tés concer­­nées).
Ils sou­­lignent aussi l’impor­­tance de la rela­­tion au temps qu’il convient de prendre
en compte, en fonc­­tion, par exemple, du contexte local thaï et de ses carac­­té­­ris­­tiques.
Ce à quoi invitent les cinq1 dimen­­sions de Hofstede (cf. repère 8.6) qui sou­­lignent,
entre autres carac­­té­­ris­­tiques cultu­­relles à forte impli­­ca­­tion managériale, la rela­­tion
-particulièrement souple- au temps, en Asie. Domi­­née par la flexi­­bi­­lité des échéances,
par rap­­port à la pro­­gram­­ma­­tion plus stricte en usage aux Etats-­Unis et en Europe du
Nord. D’autres contri­­bu­­tions, comme celles de Hall, marquent aussi la capa­­cité des
Asia­­tiques, compa­­rable, d’ailleurs, à celle des Latins, à mener simultanément plu­­
sieurs tâches à la fois, fai­­sant preuve d’un « polychronisme » étran­­ger aux cultures
anglo-­saxonnes, et, sur­­tout, ger­­ma­­niques, quant à elles, plus « mono chroniques »2.
Cet auteur fait res­­sor­­tir l’impor­­tance du contexte dans le cadre des rela­­tions inter
indi­­vi­­duelles, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment en Orient et en Extrème Orient, régions à contexte
« fort », où les échanges ver­­baux ont moins d’impor­­tance que le contexte. Dans la
commu­­ni­­ca­­tion, l’infor­­ma­­tion expli­­cite, pré­­cise et ver­­bale, essentielle dans un envi­
­ron­­ne­­ment amé­­ri­­cain ou occi­­den­­tal, y laisse plu­­tôt place à une commu­­ni­­ca­­tion plus
infor­­melle, sub­­jec­­tive, plus floue et non ver­­bale, où les gestes et les atti­­tudes revêtent
une importance déci­­sive3.

1.  Hofstede en a d’ailleurs sug­­géré d’en intro­­duire une sixième en 2009, oppo­­sant indul­­gence et sévé­­rité
(Hofstede G., Hofstede G.J., Minkov M., Cultures et orga­­ni­­sa­­tions : nos pro­­gram­­ma­­tions men­­tales, 3ème édi­­tion,
Pearson Education, 2010).
2.  Hall, E. T. (1978). La dimen­­sion cachée. (1ère édi­­tion en anglais : 1966, NewYork : Doubleday). Paris : Seuil.
Hall, E. T. (1984). La danse de la vie. Temps cultu­­rel, temps vécu. (1ère edition en anglais : 1983, New York :
Doubleday / Anchor Books). Paris :Seuil.
3.  Hall, E. T. (1979). Au-­delà de la culture. (1ère édi­­tion en anglais : 1976, New York, Doubleday). Paris : Seuil.

460
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

c Repère 8.6
Les cinq dimen­­sions de Hofstede appli­­quées à la Thaïlande1
Le modèle de Hofstede, à cinq dimen­­sions, per­­met de cer­­ner les par­­ti­­cu­­la­­ri­­tés de la
culture thaïe et d’en tirer les impli­­ca­­tions managériales géné­­rales comme opé­­ra­­tion­­
nelles ; sans pour autant que les pra­­tiques de Jérôme, comme les atti­­tudes de ses col­­
la­­bo­­ra­­teurs, ne coïn­­cident tou­­jours par­­fai­­te­­ment avec celles-­ci :
••La dis­­tance hié­­rar­­chique, tout d’abord  : en dépit d’un score de 64 sur 100 pour la
Thaïlande (légè­­re­­ment infé­­rieur à la moyenne asia­­tique de 71), tra­­duit un pays où la ligne
hié­­rar­­chique est res­­pec­­tée et un cer­­tain pro­­to­­cole observé. Cha­­cun reste à sa place ; les
infé­­rieurs mar­­quant loyauté, respect et déférence pour leurs supé­­rieurs  ; ceux-­ci leur
accor­­dant en retour pro­­tec­­tion et sou­­tien.
¼¼Ce qui tra­­duit un mana­­ge­­ment pater­­na­­liste, une atti­­tude for­­melle vis-­à-vis des diri­­
geants, un contrôle plu­­tôt étroit de ces der­­niers sur les flux d’infor­­ma­­tions.
••L’indi­­vi­­dua­­lisme, ensuite : avec un score de 20, la Thaïlande apparait comme un pays for­
­te­­ment col­­lec­­ti­­viste, où les liens sont forts entre les membres de groupes éten­­dus allant
bien au-­delà de la famille. Le refus du conflit y est mar­­qué, «oui» n’y signi­­fie pas sys­­té­­
ma­­ti­­que­­ment l’acquies­­ce­­ment, et le sens de la face, spé­­cia­­le­­ment devant des membres de
son groupe, est, éga­­le­­ment très élevé.
¼¼Etablir des liens per­­son­­nels est donc essen­­tiel pour gérer des équipes thaïes et cela
prend du temps pour bâtir une rela­­tion durable avec un col­­la­­bo­­ra­­teur.
••La mas­­cu­­li­­nité (oppo­­sée à la fémi­­nité) met en avant les meilleurs, par oppo­­si­­tion aux
socié­­tés qui recherchent la prise en compte de tous et la qua­­lité de la vie : avec un score
de 34, le pays peut être considéré comme plus fémi­­nin que mas­­cu­­lin (par rap­­port à une
moyenne asia­­tique de 53)
¼¼Prendre soin de son per­­son­­nel sera donc un impé­­ra­­tif pour un res­­pon­­sable ; tout
comme il pourra s’attendre à ce que son per­­son­­nel ait le même souci à son égard.
••L’aver­­sion pour l’incer­­ti­­tude, est carac­­té­­ris­­tique d’une société dont les membres
appréhendent les incer­­ti­­tudes de l’ave­­nir et pri­­vi­­lé­­gient des croyances et des ins­­ti­­tutions
qui tendent à les réduire ou à les éviter. Avec un score de 64, la ten­­dance y est clai­­re­­ment
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

«adverse» à l’incer­­ti­­tude.
¼¼En consé­­quence, il faut s’attendre de la part de ses équipes locales à une cer­­taines
résis­­tance au changement et à un cer­­tain refus du risque.
••L’orien­­ta­­tion vers le long terme, enfin, est étroi­­te­­ment reliée au confu­­cia­­nisme et peut être
in­terprétée comme une recherche prag­­ma­­tique de la vertu et de l’har­­mo­­nie : un score de
56, presqu’autant que les autres pays d’Asie, expli­­quant l’impor­­tance accor­­dée en
Thaïlande au tra­­vail et à la modé­­ra­­tion.
¼¼Cette carac­­té­­ris­­tique conduit les Thaïs à se mon­­trer souples dans la négociation, sans
souci par­­ti­­cu­­lier du respect des échéances et à ren­­for­­cer leur rejet du conflit.

1.  Voir D. Bollinger et G.Hofstede, Les dif­­fé­­rences cultu­­relles dans le mana­­ge­­ment. Paris, Les Édi­­tions d’Orga­­ni­­
sa­­tion, 1987. Basées sur un pro­­jet mené au sein du départment de recherche de la société IBM, G.Hofstede a d’abord
étu­­dié les dif­­fé­­rences cultu­­relles entre les per­­son­­nels des filiales de cette mul­­ti­­natio­­nale dans 64 pays. D’autres études
complémentaires ont été menées ensuite pour les complé­­ter. Ces tra­­vaux ont abouti à la déter­­mi­­na­­tion de quatre dimen­
­sions indé­­pen­­dants des dif­­fé­­rences cultu­­relles natio­­nales, complétées par une cin­­quième ulté­­rieu­­re­­ment. Les don­­nées
présentées ici pour la Thailande pro­­viennent du site offi­­ciel de G. Hofstede, <geert-­hofstede.com>.

461
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Dans une perspec­­tive de rela­­tion à long terme et d’inté­­gra­­tion dans un


environnement cultu­­rel spé­­ci­­fique, la compo­­sante per­­son­­nelle sera essen­­tielle, tout
comme la composante opé­­ra­­tion­­nelle. Elles faci­­li­­te­­ront, dans un pre­­mier temps, la
prise de contact avec l’envi­­ron­­ne­­ment local et, dans un second temps,
« l’indigénisation » de l’orga­­ni­­sa­­tion à tra­­vers son entité locale.
Plus tard, se posera la ques­­tion de l’inté­­gra­­tion de cette entité dans la struc­­ture
transnationale ou même glo­­bale du groupe dont elle fait par­­tie, qui ren­­verra, du
même coup, à l’impact des inter­­ac­­tions entre cultures natio­­nales et culture d’entre­­
prise (voir 8.2.2.).
––La compo­­sante per­­son­­nelle concerne le pilo­­tage de l’implan­­ta­­tion au fil du déve­
­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion : les qua­­li­­tés requises pour l’assu­­rer au
stade de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale, puis du déve­­lop­­pe­­ment local et, enfin, pour
accom­­pa­­gner son inté­­gra­­tion au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion mul­­ti­­natio­­nale, seront à dis­
­tin­­guer, car elles ne pré­­sentent pas les mêmes caractéristiques.

c Repère 8.7
Quel pro­­fil pour pilo­­ter quelle phase de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation
de l’orga­­ni­­sa­­tion?1
••À la phase d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale : des « pion­­niers » capables de…
––repérer les oppor­­tu­­ni­­tés et les « facilitateurs » locaux
––struc­­tu­­rer le cadre contrac­­tuel/ tech­­nique/rela­­tion­­nel de base
––iden­­ti­­fier les compé­­tences locales à mobi­­li­­ser (intermédia­ires/cor­­res­­pon­­dants)
––l’ajus­­ter et le faire accep­­ter à la struc­­ture mère
••À la phase de déve­­lop­­pe­­ment local : des « déve­­lop­­peurs »… capables de…
––faire accep­­ter l’implan­­ta­­tion à l’envi­­ron­­ne­­ment local (indigénisation)
––déve­­lop­­per les réseaux et les rela­­tions avec les par­­ties pre­­nantes locales de l’orga­­ni­­sa­­tion
––struc­­tu­­rer les équipes (amal­­game entre expa­­triés et locaux)
––conci­­lier les contraintes locales avec celles du siège
••À la phase de multi­natio­­na­­li­­sation : des « inté­­gra­­teurs »… capables de…
––orga­­ni­­ser un cadre rela­­tion­­nel multi­polaire et inter­­ac­­tif
––assu­­rer la col­­la­­bo­­ra­­tion des équipes entre les dif­­fé­­rentes implantations
––les faire évo­­luer en fonc­­tion des muta­­tions internes et externes
––envi­­sa­­ger sur un plan élargi et har­­mo­­nisé les rela­­tions avec les dif­­fé­­rents interlocuteurs
externes

1.  Ces défintions de pro­­fil ont été éla­­bo­­rées en rela­­tion avec les res­­pon­­sables GRHI de plu­­sieurs groupes mul­­ti­
­ atio­­naux, français - tels Bouygues, Dégrémont, Accor, Car­­re­­four..- ayant témoi­­gné dans le cadre du ‘Cycle Inter­­
n
na­­tiona­­li­­sation et Mana­­ge­­ment Inter­cultu­­rel  » (Janvier-­Avril 2004), orga­­nisé par ESCP-­EAP, (coor­­di­­na­­tion
scien­­ti­­fique de J.-P.Lemaire et N. Prime).

462
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

Dans le cas intro­­duc­­tif, Jérôme pos­­sède les qua­­li­­tés qui lui ont per­­mis d’assu­­mer
dans les meilleures condi­­tions les deux pre­­mières étapes. Sans pré­­su­­mer de sa capa­
­cité de faire face aux qua­­li­­tés qui lui seraient néces­­saires pour la troi­­sième, il faudra,
le plus sou­­vent, faire appel à des pro­­fils dis­­tincts, en termes de compé­­tences
techniques, managériales et lin­­guis­­tiques, d’expé­­rience inter­cultu­­relles, de capa­­cité
d’inter­action interne et externe, pour assu­­mer les mis­­sions correspondant à chaque
phase.
––La compo­­sante orga­­ni­­sa­­tion­­nelle peut s’appuyer, elle aussi, sur la suc­­ces­­sion
des phases et, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, sur l’évo­­lu­­tion des rela­­tions entre le siège et
les implantations, au fil du par­­cours per­­met­­tant de pas­­ser de l’une à l’autre.

Quel schéma relationnel déployer ?

1. Dominance de relations univoques « Centre » Ë « Périphérie »


relation commerciale/industrielle > relation managériale/partenariale

Agent
(pays tiers)

Agent
client
(pays tiers)
direct occasionnel

Présence
exploratoire

SIEGE Distributeur
Fournisseur local
ponctuel

Zone cible
Sous traitant initiale
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local

Source : J.P.Lemaire & N. Prime

• Dans un pre­­mier temps, en phase d’inter­­na­­tiona­­li­­sation ini­­tiale la rela­­tion centre-


­périphérie pré­­sente un carac­­tère uni­­voque : on applique les pro­­cé­­dures du siège,
on uti­­lise ses cadres contractuels, on commer­­cia­­lise les pro­­duits sans les adap­­ter,
faute de véri­­table capa­­cité ou d’expé­­rience pour le faire ou de volumes de tran­­sac­
­tions qui le justifiraient : c’est le tra­­vail des « pionniers » que de faire évo­­luer les
choses. Sur le plan des res­­sources humaines, il s’agit d’expor­­ta­­tion tem­­po­­raire de
compé­­tences plus que d’expa­­tria­­tion à proprement par­­ler, sauf pour le « pionnier »
en charge du pro­­jet qui, comme Jérôme, peut être amené à rési­­der sur place de
manière per­­ma­­nente.

463
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

Quel schéma relationnel déployer ?

2. Le développement des « effets de retour »


extension/intensification des relations managériales/partenariales
+ liens commerciaux privilégiés

Agent
Grand (pays tiers)
Compte
(multi zones)

Développement
Sous traitant
multi-local
local
(clients/fournisseurs
-cibles) SIEGE
JV locale
Production

Grand Développement local


Compte (pays-cibles)
(multi zones) Filiale
Commerciale
locale

Source : J.P.Lemaire & N. Prime

• Plus avant dans le pro­­ces­­sus d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, en phase de déve­­lop­­pe­­ment


local, la struc­­tu­­ra­­tion de l’implan­­ta­­tion se ren­­force et apparaissent progressivement
des « effets retours », car, loca­­le­­ment sont iden­­ti­­fiées des expé­­riences des spé­­ci­­
fici­­tés qui méritent d’être par­­ta­­gées, sous le contrôle du siège, sans qu’il y ait
encore un véri­­table par­­tage mutualisé. Un cer­­tain nombre d’expa­­triés entourent
– souvent en nombre restreint – le « déve­­lop­­peur » de l’implan­­ta­­tion.
• Enfin, en phase de multi­natio­­na­­li­­sation, on peut obser­­ver l’appa­­ri­­tion d’une
véritable struc­­tu­­ra­­tion en réseau au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion dans laquelle le par­­tage
devient plus natu­­rel, en s’appuyant sur des pro­­cé­­dures har­­mo­­ni­­sées et surtout des
sys­­tèmes d’infor­­ma­­tion, de dialogue, de par­­tage du savoir, comme des sys­­tèmes
de coopé­­ra­­tion ou de rap­­pro­­che­­ment à tra­­vers la mobilité, à tra­­vers la for­­ma­­tion,
la consti­­tution de « viviers » de jeunes futurs diri­­geants appar­­te­­nant à des cultures
dif­­fé­­rentes (cf. Yara, cas d’appli­­ca­­tion du présent cha­­pitre) qui peuvent y contribuer
de façon appré­­ciable.

464
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

Quel schéma relationnel déployer ?

3. La coordination et l’interoperabilite :
de l’ajustement multifonctionnel à la quasi intégration et à l’intégration

Filiales
Commerciales
locales

Fournisseurs

SIEGE Distributeurs
Filiale Quasi-intégrés
Intégrée
(régionale)
Coordination
et optimisation
des fonctions
JV
Prod/distrib
locale

Source : J.P.Lemaire & N. Prime

Cette évo­­lu­­tion de l’orga­­ni­­sa­­tion peut, d’ailleurs se décli­­ner par fonc­­tions, comme,


ci-­dessous pour la Ges­­tions des Res­­sources Humaines Internernationales (GRHI) :

Tableau 8.2 – Impact fonc­­tion­­nel de l’évo­­lu­­tion des sché­­mas organisationnels,


exemple d’appli­­ca­­tion à la ges­­tion des res­­sources humaines internationales
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Inter­­na­­tiona­­li­­sation Déve­­lop­­pe­­ment local Mana­­ge­­ment


initiale Go native/ Inté­­gré
First landing/ Indigénisation Multi­natio­­na­­li­­sation
–– Pilotage cen­­tralisé des –– Pilo­­tage décen­­tra­­lisé des –– Pilo­­tage coor­­donné en
per­­son­­nels et des structures et des équipes réseau, harmonisation des
Prin­­cipe équipes –– Mobilisation pro­­gres­­sive de pro­­cé­­dures
d’orga­­ni­­sa­­tion –– Déploie­­ment occa­­ personnels locaux aux côtés –– Développement de la mobi­­
sion­­nel du personnel d’expa­­triés lité inter-­filiales et inten­­si­fi­
du pays d’ori­­gine cation des flux d’infor­­ma­­tions
–– Émergence de la ges­­ –– “Loca­­li­­sa­­tion” des politiques –– Opti­­mi­­sation des poli­­tiques
tion de la mobi­­lité de GRH de ges­­tion du per­­son­­nel
Struc­­tures internationale –– Coexis­­tence culture siège-­ locales et cen­­trales
d’orga­­ni­­sa­­tion –– Pro­­pa­­ga­­tion de la culture locale, développement –– Développement d’une
culture corporate pro­­gres­­sif d’échanges culture groupe
du « Centre »

465
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

L’un des pro­­blèmes de fond de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, pour toutes les fonc­­tions, est
la ques­­tion de la stan­­dar­­di­­sa­­tion et de l’adap­­ta­­tion. Quand on l’applique à la fonc­
­tion ges­­tion des res­­sources humaines, on s’aper­­çoit qu’il y a cer­­tains fac­­teurs de
contin­­gence qui influ­ent sur les déci­­sions.
• Le pre­­mier fac­­teur impor­­tant, cor­­res­­pond à la nature des métiers et à l’inten­­sité
tech­­no­­lo­­gique : dans les métiers qui sont « culture free1 », c’est-­à-dire déconnectés
de la culture natio­­nale, comme les indus­­tries à fort contenu technologique, il est
plus facile de stan­­dar­­di­­ser les métiers et les pro­­cé­­dures. En revanche, dans les
métiers qui sont très liés à la culture natio­­nale, « culture bound », comme les ser­
­vices et, en par­­ti­­cu­­lier, les études mar­­ke­­ting, en Thaïlande, dans le cas intro­­duc­­tif,
l’adap­­ta­­tion locale est indis­­pen­­sable.
• Un deuxième fac­­teur dépend du mode d’implan­­ta­­tion et du niveau de contrôle du
siège. Plus le siège détient un contrôle étroit sur le savoir-­faire et s’engage sur le
plan finan­­cier, plus le lien avec les équipes locales sera facile à éta­­blir et les
procédures à stan­­dar­­di­­ser. Et plus les besoins de for­­ma­­tion seront éle­­vés, comme
dans les éco­­no­­mies en crois­­sance rapide, plus il sera aisé d’y stan­­dar­­di­­ser les
politiques de GRHI, alors que, dans les éco­­no­­mies matures, cer­­taines résis­­tances
pourront se manifester2.
• Enfin un troi­­sième fac­­teur – essen­­tiel- pro­­cède de la culture d’entre­­prise elle-­
même. En effet, dans un même sec­­teur peuvent coexis­­ter des cultures d’entre­­prise
tout à fait ori­­gi­­nales3, des iden­­ti­­tés orga­­ni­­sa­­tion­­nelles spé­­ci­­fiques4, des manières
de faire par­­ti­­cu­­lières5. Le carac­­tère cen­­tra­­li­­sé ou décen­­tra­­li­­sé de l’orga­­ni­­sa­­tion se
reflètera sur la culture d’entre­­prise, avec, aussi, un impact sur la GRHI : plus la
cen­­tra­­li­­sa­­tion sera mar­­quée, plus les pro­­cé­­dures et la ges­­tion des res­­sources
humaines ris­­que­­ront d’être stan­­dardisées.
Ainsi de la maî­­trise des inter­­ac­­tions cultu­­relles au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion, aux dif­­
fé­­rentes phases de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation et de leur décli­­nai­­son au niveau des
différentes fonc­­tions, dépen­­dra lar­­ge­­ment le suc­­cès ou l’échec de la mise en œuvre
de la SDI. Et, dans cette perspec­­tive, la culture d’entre­­prise et sa capa­­cité de dif­­fu­­
sion inter­­na­­tionale, comme de se nour­­rir des apports venant d’ailleurs, pour­­raient
consti­­tuer un véri­­table cata­­ly­­seur de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation de l’orga­­ni­­sa­­tion.

1.  Cf. R.M. Mason, “Culture-­Free or Culture-­Bound? A Boundary Spanning Perspec­­tive on Learning in
Knowledge Management Systems”, Jour­­nal of Glo­­bal Infor­­ma­­tion Mana­­ge­­ment, 11(4), 20-36, Oct-­Dec 2003
2.  Cf. Barmeyer Ch., Davoine E., Güsewell A., “La Ges­­tion des compétences inter­cultu­­relles dans le groupe
Bosch”, in Peretti J.M. Tous talen­­tueux, Editions d’Orga­­ni­­sa­­tion, 2008.
Barmeyer Ch., Mayrhofer U., « The Contri­­bu­­tion of Inter­cultu­­ral Mana­­ge­­ment to the Success of Inter­­na­­tional
Mergers and Acqusitions : an analysis of EADS Group », Inter­­na­­tional Busi­­ness Review, 17 (1), 2008.
3.  Qu’exprime bien le terme de « L’Oréalien » en usage dans la firme de Clichy, ou, au Japon, pour « les gens
de Mitsui » dans le para­­graphe sui­­vant.
4.  Comme le Toyota Pro­­duc­­tion System.
5.  Comme chez Huawei, la néces­­sité, jus­­qu’à une période récente, au moins, d’avoir « fait ses classes » dans les
pays émergents d’Afrique ou d’Asie avant de pou­­voir pré­­tendre à prendre des res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés plus impor­­tantes dans
un environnement plus « confor­­table », au siège ou dans les implan­­ta­­tions euro­­péennes de la firme.

466
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

2.2  La culture d’entre­­prise, catalyseur de l’inter­­na­­tiona­­li­­sation


La culture d’une orga­­ni­­sa­­tion s’ins­­crit natu­­rel­­le­­ment dans l’envi­­ron­­ne­­ment géo-
sec­­to­­riel spé­­ci­­fique de son pays d’ori­­gine1. Elle se défi­­nit dans une conti­­nuité, au fil
de son his­­toire, au gré d’évé­­ne­­ments fon­­da­­teurs, comme grâce à ceux et celles qui
l’ont créée puis déve­­lop­­pée. Elle véhi­­cule des valeurs, des normes, des sym­­boles,
des rituels et des compor­­te­­ments qui évo­­luent dans un cadre organisationnel qui,
lui-­même, se trans­­forme. Et l’inter­­na­­tiona­­li­­sation, lors­­qu’elle n’est pas à l’ori­­gine
du déve­­lop­­pe­­ment de l’orga­­ni­­sa­­tion, comme pour les « born glo­­bal », consti­­tue bien
souvent un fac­­teur d’accé­­lé­­ra­­tion de son évo­­lu­­tion.
Du « visible » au « sous-jacent »

Salariés CLIENTS
et managers et Prospects
Symboles,
rituels et normes
Actionnaires langage, style, organisation,
et investisseurs sous-cultures,.. Autorités
locales
Fournisseurs
et prestataires Leaders d’opinion
et Grand Public
« Cœur » :
image, valeurs
partagées ou
imposées ?
Environnements Environnements
d’implantation Culture Culture d’implantation
« métier » sectorielle

Histoire
d’entreprise
Environnements leaders / fondateurs Environnements
d’implantation d’implantation

Environnement d’origine

Source : J.P.Lemaire & N. Prime


© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Figure 8.9 – La culture d’entreprise et son enrichissement international

Exemple 8.6 – La culture de Danone au défi de la concur­­rence


et de l’ouver­­ture internationales
Ainsi, pour BSN devenu Danone, sous la hou­­lette d’Antoine puis de Franck Riboud, la
construction de l’iden­­tité de la firme est pas­­sée par une suc­­ces­­sion d’étapes : le regrou­­pe­­
ment de plu­­sieurs ver­­re­­ries à la fin des années 60, puis le tour­­nant de l’agro­ali­­men­­taire avec
l’acqui­­si­­tion de Gervais, enfin, plus récem­­ment, la ratio­­na­­li­­sation des acti­­vi­­tés, leur re­cen­­
trage et leur foca­­li­­sa­­tion sur la santé, dans la perspec­­tive d’un déve­­lop­­pe­­ment mon­­dial, face

1.  Cf. les ana­­lyses de Philippe d’Iribarne, à vingt ans d’inter­­valle, d’abord, dans son ouvrage clé La Logique de
l’hon­­neur (1989), dans lequel il compa­­rait, avec une approche eth­­no­­lo­­gique, à tra­­vers trois usines du groupe Saint-
­Gobain -en France, aux Etats-­Unis et en Hollande-, l’impact des cultures natio­­nales des modes de fonc­­tion­­ne­­ment
très contras­­tés, ensuite les convergences comme les diver­­gences de valeurs qu’il a pu obser­­ver au sein du groupe
Lafarge dans L’épreuve des différences (2009).

467
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

à des géants, comme Nestlé ou Kraft. Ces étapes ont pro­­gres­­si­­ve­­ment créé et nourri très
for­­te­­ment la culture d’entre­­prise, comme elles ont pu la faire évo­­luer, au fil des années.
Ainsi, pour Danone, en quelques années, toute la branche condi­­ments a dis­­paru de l’orga­
­ni­­gramme, tout comme, plus récem­­ment, la branche bis­­cuits et gri­­gno­­tage ; le redéploie­
­ment géo­­gra­­phique a changé d’échelle, à tra­­vers, notam­­ment, la mul­­ti­­pli­­cation des
acqui­­si­­tions, dans les éco­­no­­mies à croissance rapide..
De pro­­vin­­ciale à natio­­nale puis conti­­nen­­tale, l’orga­­ni­­sa­­tion, confron­­tée à une pres­­sion
concurrentielle de plus en plus intense, expo­­sée désor­­mais, comme en Chine, à des contex-
tes de consommation, mais aussi, ins­­ti­­tution­­nels, dif­­fi­­ciles, peut, de moins en moins,
s’accor­­der de la culture paternaliste qui est res­­tée la sienne pen­­dant des décen­­nies.

c Repère 8.8
La méta­­phore de l’arbre1
Une manière de repré­­sen­­ter cette muta­­tion et ce métis­­sage est d’assi­­mi­­ler l’orga­­ni­­sa­­
tion en voie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation à un arbre et à son éco sys­­tème  : si l’on part des
racines, on mesure la soli­­dité de l’embase, les apports du ter­­reau ori­­gi­­nel et de ses
adju­­vants, à tra­­vers l’his­­toire de l’entre­­prise, l’empreinte de ses fon­­da­­teurs et de ses
diri­­geants suc­­ces­­sifs, les évo­­lu­­tions de son environnement. La culture natio­­nale s’y
combine géné­­ra­­le­­ment, de manière étroite, avec une culture métier et une culture sec­
­to­­rielle. Au gré des trans­­for­­ma­­tions du modèle é­conomi­que, le déve­­lop­­pe­­ment de
nou­­velles implan­­ta­­tions, de nou­­velles acti­­vi­­tés va faire évo­­luer cette culture ini­­tiale
sans, bien sûr, la faire dis­­pa­­raître.
Le tronc cor­­res­­pon­­dra aux valeurs par­­ta­­gées ou impo­­sées, aux pro­­cé­­dures, aux
systèmes de contrôle et la par­­tie haute, les branches, pour­­raient repré­­sen­­ter les sym­­
boles, les rituels, les lan­­gages… ; celles-­ci sont visibles, beau­­coup plus que les racines
et se tra­­duisent en inter­­ac­­tions avec le milieu ambiant, par l’inter­­mé­­diaire des sala­­riés
et des diri­­geants, par­­ties pre­­nantes les plus proches du tronc. Ce « milieu ambiant »
inclura aussi les action­­naires et les inves­­tis­­seurs, comme les four­­nis­­seurs régu­­liers  ;
comme les clients et les pros­­pects, les autorités locales ou multi gou­­ver­­ne­­men­­tales, les
lea­­ders d’opi­­nion et le grand public. Et, plus on ira vers l’inter­­na­­tional, plus c’est cette
par­­tie haute qui tendra à s’élar­­gir.
Si le déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional se fait par trans­­plan­­ta­­tion d’une pousse dans un nou­
v­ eau ter­­reau, aura-­t-il plus de chance de prendre qu’en ont de se mêler harmonieusement
les ramures de deux arbres aux racines déjà bien enfon­­cées dans leur sol res­­pec­­tif ?
Une grosse erreur des joint-­ventures, au sens très large, mais, aussi des fusions d’entre­
­prises, c’est sou­­vent un manque de vision claire qui fait que, fina­­le­­ment, on obtient
quelque chose qui ne res­­semble à rien. Ainsi, dans le cas du rapprochement de
Daimler Benz et de Chrysler, le défaut, au départ, d’une vision commune a conduit
l’arbre le plus gros, le plus fort à phagocyter l’autre. Par la suite, lors du rap­­pro­­che­­ment
de Fiat et de Chrysler, une vision plus claire et par­­ta­­gée a per­­mis à cha­­cun des deux
partenaires de mieux tirer parti du rap­­pro­­che­­ment.

1.  Source: K. Nakada, Top Mana­­ge­­ment Forum ESCP-­EAP, 30 avril 2002.

468
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

L’inter­­na­­tiona­­li­­sation, avec les muta­­tions du por­­te­­feuille d’activités, leur adap­­ta­­


tion, l’approche, puis la conquête de nou­­veaux ter­­ri­­toires, encou­­rage le métis­­sage et
la muta­­tion1. Si la crois­­sance orga­­nique, avec une pro­­gres­­sion concentrique dans les
zones géo­­gra­­phiques de proxi­­mité s’y prête rela­­ti­­ve­­ment bien, les ces­­sions, fusions
et acquisitions – ami­­cales ou hostiles-, dans des cadres géo­­gra­­phiques plus larges,
constituent des contextes plus déli­­cats poury par­­ve­­nir.
Au fil du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional de l’orga­­ni­­sa­­tion et de son déploie­­ment par
crois­­sance orga­­nique et/ou par crois­­sance externe, des pre­­mières opérations d’achat
ou de vente hors fron­­tières, jus­­qu’à la multi­natio­­na­­li­­sation, la diffusion de la culture2
d’entre­­prise pré­­sente une impor­­tance crois­­sante. S’ins­­cri­­vant dans des contextes
différents, il lui fau­­dra inté­­grer à sa culture d’ori­­gine la diver­­sité et la richesse des
apports des implan­­ta­­tions et des envi­­ron­­ne­­ments dis­­tants, en met­­tant en œuvre un
véri­­table «  levier  » culturel pour en faire un avan­­tage compé­­titif vis-­à-vis de ses
clients et par­­ties pre­­nantes, comme face à ses concurrents dans l’ensemble de
l’espace géo-­sectoriel dans lequel elle opère.
Valorisation de
la culture
d’entreprise

Global
Diffusion
univoque de
central la culture
d’origine

Naissance Diffusion
et développement de la culture d’origine Multi-local
de la culture et stimulation des
d’entreprise « effets retour » Enrichissement
extensif et interactif
Apports de la d’une culture d’entreprise
diversité des partagée
local
cultures Décloisonnement
locales
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

organisationnel
(géo-sectoriel, et
Internationalisation Développement Multinationalisation culturel)
initiale local
J.P.Lemaire, adapté de J.P.Lemaire et N.Prime (2002)

Figure 8.10 – Déve­­lop­­per le « levier cultu­­rel » au fil du déve­­lop­­pe­­ment international

Toute la ques­­tion rési­­dera donc dans la façon de répondre à cette néces­­sité de dif­
­fu­­ser et d’enri­­chir, tout à la fois, la culture d’ori­­gine pour en faire une culture par­­
ta­­gée : cela sup­­po­­sera de prendre en compte et de maî­­tri­­ser les fac­­teurs, qui, d’une

1.  Prime N., Usunier J.C., Mar­­ke­­ting inter­­na­­tional. Mar­­chés, cultures et orga­­ni­­sa­­tions, Pearson, 2011.
2.  Lemaire, J.-P. et Prime, N. (2007). « L’enjeu de la dif­­fu­­sion inter­­na­­tionale de la culture », in Bournois, F.,
Duval-­Hamel, J., Roussillon, S. et Scaringella, J.L. (sous la direc­­tion de), Voyage au cœur de la dirigeance, Editions
d’Orga­­ni­­sa­­tion.

469
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

part, inhibent la dif­­fu­­sion et l’enri­­chis­­se­­ment de la culture d’entre­­prise, comme ceux


qui, d’autre part, la sti­­mulent, tout en recen­­sant quelques outils opérationnels
propres à la mettre en œuvre.

c Repère 8.9
Maî­­tri­­ser les fac­­teurs inhi­­bant et fac­­teurs sti­­mu­­lant la dif­­fu­­sion et l’enri­­
chis­­se­­ment de la culture de l’orga­­ni­­sa­­tion inter­­na­­tionale1
Pour ce qui est des fac­­teurs qui inhibent, on retien­­dra les plus fréquents :
••Tout d’abord, l’ethno­cen­­trisme, ou, plus pré­­ci­­sé­­ment, le «  corpo cen­­trisme  », fait se
considérer l’orga­­ni­­sa­­tion qui s’inter­­na­­tiona­­lise comme la seule déten­­trice de la vérité ; ce
qui est sou­­vent per­­çu comme de l’arro­­gance, en par­­ti­­cu­­lier par ses par­­te­­naires étran­­
gers.
••Ensuite, l’igno­­rance, traduit sou­­vent une mau­­vaise compré­­hen­­sion des autres envi­­
ronnements. Les images natio­­nales croi­­sées sont, à ce titre, très impor­­tantes et font que
l’on se repré­­sente les autres de façon néga­­tive, mul­­ti­­pliant par là les occa­­sions de mal­­en­
­ten­­dus et les conflits.
••Il y a aussi, sou­­vent, la dis­­tance cultu­­relle, qui résulte des dif­­fé­­rences de valeurs, de
références, de compor­­te­­ments qui ren­­drait la col­­la­­bo­­ra­­tion plus dif­­fi­­cile au-­delà de l’ère
cultu­­relle d’ori­­gine.
••Enfin, d’un point de vue plus « bio­­lo­­gique », se mani­­feste sou­­vent l’absence d’atten­­tion
à long terme, après la trans­­plan­­ta­­tion du modèle cultu­­rel du pays d’ori­­gine. Transférer sa
culture d’entre­­prise d’emblée ne suf­­fit pas  ; il faut ensuite l’enri­­chir et favo­­ri­­ser son
assimilation, en par­­ti­­cu­­lier dans le cadre des acqui­­si­­tions mul­­tiples que l’on peut obser­­ver
dans des groupes internationaux qui ont grossi très vite.
Il y a, par ailleurs, d’autres fac­­teurs inhibants spé­­ci­­fiques, comme la croyance dans le
fait que la connais­­sance est une pré­­ro­­ga­­tive des élites et non de l’ensemble de l’orga­­
ni­­sa­­tion  ; comme, aussi, le carac­­tère tacite et spécifique de cer­­taines connais­­sances
(« sticky » , autre­­ment dit, « col­­lantes »), que l’on a, de ce fait, du mal à trans­­fé­­rer. S’y
ajoutent, réci­­pro­­que­­ment, la dif­­fi­­culté à mettre en œuvre les élé­­ments impor­­tés dans
un autre ou d’autres envi­­ron­­ne­­ment(s) ; ainsi que la ré­sistance à ce qui vient de l’exté­
­rieur, comme l’into­­lé­­rance à l’erreur,
Il y a aussi, heu­­reu­­se­­ment, des fac­­teurs qui sti­­mulent la dif­­fu­­sion et l’enri­­chis­­se­­ment.
••Ils résident, dans l’adop­­tion d’une pos­­ture ini­­tiale favo­­rable à la dif­­fu­­sion de la culture
d’entre­­prise, en se foca­­li­­sant sur les savoirs clés à trans­­fé­­rer, en adop­­tant une langue
commune (une bonne pra­­tique de l’anglais et/ou d’une seconde langue), en n’hési­­tant
pas à déve­­lop­­per l’inno­­va­­tion hors de la mai­­son mère (comme la localisation du design
euro­­péen de Toyota à Nice).

1.  Ibidem. Lemaire J.-P. et Prime N. (2007)

470
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8


••Ils résident aussi dans l’affi­­chage d’une vision pré­­cise, commu­­ni­­quée et par­­ta­­gée, du
développement stra­­té­­gique et orga­­ni­­sa­­tion­­nel de l’ins­­ti­­tution, s’appuyant sur la convic­­
tion que « la moti­­vation est dans le pro­­jet ». Ils se tra­­dui­­sant par un enga­­ge­­ment visible
des états-­majors, une mise en œuvre, une appro­­pria­­tion et un suivi soi­­gneux des compo­
­santes clés de la culture d’entre­­prise (comme le Toyota Pro­­duc­­tion System à Valen­­
ciennes), la systématisation du tra­­vail en réseau, en équipes multi­cultu­­relles,
indé­­pen­­dam­­ment des hié­­rar­­chies tra­­di­­tion­­nelles (approche pro­­jet géné­­ra­­li­­sée, task-­force
spé­­ciale pour har­­mo­­ni­­ser les initiatives et redis­­tri­­buer le savoir). Ils favo­­risent, enfin, la
mise en œuvre d’un véri­­table Mana­­ge­­ment Stra­­té­­gique du Knowledge et des Ressources
Humaines à l’Inter­­na­­tional.

Une dif­­fu­­sion et un enri­­chis­­se­­ment bien combi­­nés de la culture d’entre­­prise peut


donc consti­­tuer un véri­­table avan­­tage compé­­titif pour l’orga­­ni­­sa­­tion,  au niveau
domes­­tique, comme au niveau inter­­na­­tional, avec des effets appréciables.
• En interne, ils créent, parmi les col­­la­­bo­­ra­­teurs, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, un sen­­ti­­ment
d’appar­­te­­nance et de fierté : au Japon, le public parle des « gens du Mitsui », en
France, et au-delà, on parle des «  L’Oréaliens  ». Il y a donc une véri­­table
assimilation de l’entre­­prise à ceux qui la font. Mais c’est aussi l’obli­­ga­­tion, pour
tout nou­­vel employé, d’adhé­­rer à la culture de l’entre­­prise, sous peine d’être mis
à l’écart du groupe ; ce qui peut se tra­­duire par un turnover impor­­tant dans cer­­
taines entre­­prises et dans certaines loca­­li­­sa­­tions.
• En externe, une culture forte, comme celle de Michelin, impose confiance et
respect au client, avec un effet de ren­­for­­ce­­ment mutuel entre l’interne et l’externe,
en particulier, auprès des col­­la­­bo­­ra­­teurs. Et, plus l’externe s’élar­­git géographique­
­ment, plus l’enjeu est impor­­tant. Mais cette culture forte peut aussi créer une
distance exces­­sive avec les four­­nis­­seurs et même les clients.
L’ouver­­ture inter­­na­­tionale sol­­li­­cite donc l’adap­­ta­­tion de la culture d’entre­­prise,
sous ses dif­­fé­­rentes facettes, lorsque l’orga­­ni­­sa­­tion, plus expo­­sée, passe d’un envi­­
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ron­­ne­­ment stable à un envi­­ron­­ne­­ment plus chan­­geant, pour ne pas dire instable ou


tur­­bulent, du fait de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale. Ce qui pri­­vi­­lé­­gie des axes forts :
––l’enri­­chis­­se­­ment et le rayon­­ne­­ment de l’iden­­tité ins­­ti­­tution­­nelle, la valorisation de
son image ou de son titre, comme celles de Dow Chemical, qui a ins­­crit le déve­­
lop­­pe­­ment durable dans son pro­­ces­­sus de crois­­sance (voir ci-­dessous), en lien avec
toutes ses implan­­ta­­tions inter­­na­­tionales aux­­quelles elle s’attache à le fare par­­ta­­
ger,
––en favo­­ri­­sant par­­tout l’ajus­­te­­ment des acti­­vi­­tés de l’entre­­prise à la diver­­sité de
l’envi­­ron­­ne­­ment, comme L’Oréal, déve­­lop­­pant, en moins de 10 ans, une gamme
de pro­­duits eth­­niques, déter­­mi­­nant une ouver­­ture encore plus mar­­quée de l’orga­­
ni­­sa­­tion, vers les équipes et les clien­­tèles locales des zones les plus
prometteuses,

471
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

––en déve­­lop­­pant une per­­cep­­tion plus a­igue des attentes des pays d’implan­­ta­­tion
et une réac­­ti­­vité plus grande1, et, sur­­tout en déve­­lop­­pant la res­­pon­­sa­­bi­­lité
sociale de l’entre­­prise (RSE), qui ménage une meilleure inser­­tion de l’orga­­ni­­
sa­­tion dans le corps social local, en l’asso­­ciant à la prise en charge et à la réso­
­lu­­tion de défis trans­­ver­­saux – santé, édu­­ca­­tion, lutte contre la pau­­vreté… –, ou
infra natio­­naux – vis-à-vis de cer­­taines popu­­la­­tions, commu­­nau­­tés ou groupes
sociaux etc. – ;
––en s’atta­­chant à la dif­­fu­­sion de son image et en faci­­li­­tant la commu­­ni­­ca­­tion de son
concept, tout en limi­­tant son recours à la publi­­cité, comme Zara, qui figure parmi
les toutes pre­­mières marques iden­­ti­­fiées par la clien­­tèle fémi­­nine dans le monde
entier.

Exemple 8.7 – La pro­­tec­­tion de l’envi­­ron­­ne­­ment pour Dow Chemical, une bonne


action et/ou une bonne affaire2 ?
En s’asso­­ciant à l’ONG scien­­ti­­fique amé­­ri­­caine The Nature Conservancy (TNC), à
Washington, et en relayant son concept d’« ecosystem services », qui pro­­meut les actions
des­­ti­­nées à faire face aux menaces les plus pres­­santes sur l’envi­­ron­­ne­­ment, tout en
concou­­rant à géné­­rer des reve­­nus sup­­plé­­men­­taires pour les entre­­prises qui s’y asso­­cient,
Dow Chemical a conscience de faire une bonne action comme une bonne affaire.
Son diri­­geant veut inclure les fac­­teurs envi­­ron­­ne­­men­­taux dans le compte de pertes et
profits, sou­­li­­gnant au pas­­sage à ses confrères que la nature ne peut davan­­tage être igno­­
rée. Si, pour lui, « les res­­sources natu­­relles de notre pla­­nète sont de plus en plus mena­­
cées  », il ajoute que «  … pro­­té­­ger la nature peut deve­­nir une fruc­­tueuse priorité pour
l’entre­­prise et une stratégie glo­­bale par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment avi­­sée ».
En mul­­ti­­pliant les pro­­jets maxi­­mi­­sant les avan­­tages pour les par­­ties pre­­nantes et l’envi­­
ron­­ne­­ment natu­­rel, en termes de pro­­tec­­tion de la forêt, de pré­­ser­­va­­tion de la qua­­lité de
l’eau, de réduc­­tion des émis­­sions de CO2, l’orga­­ni­­sa­­tion peut, tout à la fois, aug­­men­­ter
ses profits, en rédui­­sant les coûts de dépollution qu’engendre son acti­­vité, mais, aussi,
mobi­­li­­ser ses équipes autour d’une juste cause et amé­­lio­­rer son image, y compris auprès
des milieux finan­­ciers. Ce dont témoignent les résul­­tats d’une étude de la banque d’inves­
­tis­­se­­ment Goldman Sachs, démon­­trant que les entre­­prises consi­­dé­­rées comme des lea­­
ders en matière de poli­­tiques environnementales et sociales, comme de bonne gou­­ver­­nance,
sur-­performent par rap­­port aux indices bour­­siers et par rap­­port à leurs concurrents.

La mise en œuvre réus­­sie d’une culture d’entre­­prise forte et par­­ta­­gée consti­­tue le


ciment d’une orga­­ni­­sa­­tion à la fois struc­­tu­­rée, ration­­nelle et flexible. Elle faci­­lite, en

1.  Comme a pu le démon­­trer Perrier, il y a quelques années, en reti­­rant immé­­diatement des linéaires amé­­ri­­cains
toutes ses bou­­teilles à l’annonce de traces de benzine iden­­ti­­fiées dans quelques bou­­teilles.
2.  Cf. www.nature.org, www.dow.com , B. Walsh, “Paying for Nature”, Time, 21/2/2011. À noter que cette
compa­­gnie a été un des pro­­duc­­teurs du célèbre Agent Orange uti­­lisé au cours de la guerre du Vietnam et qu’elle est
éga­­le­­ment responsable de la plus grande catas­­trophe natu­­relle de touts les temps à Bhopal, en décembre 1984, où
les émis­­sions de gaz toxiques émanant de son usine ont tué 8000 indiens en en intoxi­­quant plu­­sieurs dizaine de
milliers (cf. O.Bailly, « Bhopal, l’infi­­nie catas­­trophe », Le Monde Diplo­­ma­­tique, décembre 1984).

472
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

effet, pour autant qu’on la réa­­lise, une meilleure syn­­chro­­nisation et une meilleure
coordination entre les dif­­fé­­rentes implantations de l’orga­­ni­­sa­­tion. Elle concourt à
l’adop­­tion d’une approche sys­­té­­ma­­tique de la capi­­ta­­li­­sa­­tion d’expé­­rience, met­­tant à
pro­­fit suc­­cès et erreurs. Elle conduit à une évo­­lu­­tion du «  gou­­ver­­ne­­ment d’entre­­
prise », valo­­ri­­sant les apports de ses par­­ties pre­­nantes internes, sti­­mu­­lant la créa­­ti­­vité
au niveau des implantations, pour abou­­tir, enfin, à de meilleures per­­for­­mances et à
une meilleure é­valuation/reconnais­­sance de l’orga­­ni­­sa­­tion.
Ce sont ces dif­­fé­­rents élé­­ments, qu’une orga­­ni­­sa­­tion mul­­ti­­natio­­nale comme Yara,
s’efforce de maî­­tri­­ser dans le cadre de sa struc­­ture et de ses fonc­­tions déployées sur
les cinq conti­­nents, en recher­­chant les solu­­tions les plus à même de mettre en œuvre,
aussi efficacement que pos­­sible, ses orien­­ta­­tions inter­­na­­tionales dans un espace
d’expan­­sion ten­­dant à couvrir le monde entier.

 Cas d’application 1
Yara, une struc­­ture souple et homo­­gène
pour un leadership mon­­dial
Dans un sec­­teur très ato­­misé dont les trois ou quatre lea­­ders mon­­diaux contrôlent
moins, à eux tous, de 20 % de la pro­­duc­­tion mon­­diale, Yara, démem­­brement (spin
off ) de la prin­­ci­­pale firme nor­­vé­­gienne, Norsk Hydro, a affirmé très tôt son ambi­­
tion. Elle envi­­sa­­geait, en effet, juste avant la crise finan­­cière, quelques années à
peine après son intro­­duc­­tion à la bourse d’Oslo, en mars 2004, de contrô­­ler 10 %
du mar­­ché mondial en 2011.
Les engrais consti­­tuaient une acti­­vité his­­to­­rique pour le géant nor­­vé­­gien, qui avait
déve­­loppé, au début du XXème siècle, une tech­­no­­logie d’avant-­garde, appuyée
dans un pre­­mier temps par l’éner­­gie hydroélectrique très lar­­ge­­ment exploi­­tée alors
dans le pays. Mais, pro­­gres­­si­­ve­­ment, depuis, en dépit d’un déve­­lop­­pe­­ment, domes­
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­tique et international, remar­­quable depuis la Seconde Guerre mon­­diale, cette acti­­


vité avait souf­­fert de la mon­­tée en puis­­sance de l’extrac­­tion d’hydro­­car­­bures et de
la pro­­duc­­tion d’alu­­mi­­nium deve­­nues, après la décou­­verte des impor­­tants gise­­ments
de la Mer du Nord, les acti­­vi­­tés phares de l’entre­­prise. D’où la déci­­sion de dis­­so­­cier
de Norsk Hydro l’acti­­vité engrais, l’Etat nor­­vé­­giens et Norsk Hydro demeurant des
action­­naires clés, lais­­sant à la nou­­velle orga­­ni­­sa­­tion l’usage du fameux logo au
drak­­kar, plus que jamais son symbole.
Yara, orga­­ni­­sa­­tion indus­­trielle désor­­mais très inté­­grée, est, en effet, pré­­sente de bout
en bout dans la filière. En amont, elle occupe le pre­­mier rang mon­­dial, pour les
prin­­ci­­paux compo­­sants des engrais – azote (N), phosphore (P) et potas­­sium (K) –,
qu’elle fabrique à par­­tir de l’air et d’élé­­ments miné­­raux, en mobilisant de consi­­dé­­

1.  Voir cas (avec notice péda­­go­­gique), dis­­po­­nible en Fran­­çais et en Anglais à la Cen­­trale des Cas et des Moyens
Péda­­go­­giques. (Rolf Peter Amdam, Jean Paul Lemaire et Marie Elizabeth Holm, «Yara structuring its world
deployment » à paraître, 2013).

473
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


rables quan­­ti­­tés d’éner­­gie, dans d’énormes usines, comme Qafco 5 et bien­­tôt
Qafco 6, qu’elle exploite en joint venture avec l’Etat du Qatar. Elle pro­­duit aussi de
l’ammo­­niac et de l’urée qui consti­­tuent éga­­le­­ment des compo­­sants fabri­­qués en
amont. La firme est aussi en très bonne posi­­tion en aval, en étant n°1 dans le monde
ou en Europe pour les appli­­ca­­tions azo­­tées, les engrais de spé­­cia­­lité et, surtout, pour
le mar­­ke­­ting et la dis­­tri­­bu­­tion. Elle possède des usines, des ter­­mi­­naux ou des dépôts
dans plus de cin­­quante pays et commercialise ses produits dans plus de 150.
Ce très large déploie­­ment inter­­na­­tional lui assure un meilleur lis­­sage de ses ventes,
puisque, dépendante à 50 % envi­­ron des mar­­chés euro­­péens -où elle conti­­nue de
se ren­­for­­cer, cepen­­dant-, elle peut comp­­ter sur les nouvelles éco­­no­­mies à crois­­
sance rapide, où elle est de plus en plus pré­­sente et où la hausse des reve­­nus indi­­
vi­­duels déter­­mine une aug­­men­­ta­­tion de la demande de pro­­duits ali­­men­­taires et,
particulière­ment, de pro­­téines ani­­males. C’est aussi une évo­­lu­­tion envi­­sa­­gée que
l’élar­­gis­­se­­ment de l’offre des engrais prop­­re­­ment dits aux «  solu­­tions agro­­no­­
miques », autre­­ment dit, des pro­­duits aux services.
Par ailleurs, Yara a déve­­loppé, une acti­­vité indus­­trielle qui contri­­bue lar­­ge­­ment à son
chiffre d’affaires et à ses résul­­tats, sur la base de la commer­­cia­­li­­sa­­tion des sous-­
produits de la fabri­­ca­­tion, en amont de la filière, des composants des engrais.
Elle a, cepen­­dant, été tou­­chée sévè­­re­­ment par la crise finan­­cière, juste après 2008.
Les « fondamentaux » de son acti­­vité sont sou­­mis, par ailleurs, à des fluc­­tua­­tions
très impor­­tantes : par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment en amont, le prix des intrants, – éner­­gie, matières
premières – comme, en aval, celui des extrants – les pro­­duits finis –, tout comme
des coûts logis­­tiques, sans par­­ler du change, constituent, avec les taux d’inté­­rêt, des
fac­­teurs de risque qu’il faut sans arrêt prendre en compte. Pour autant, en 2011, les
résul­­tats financiers ont été remar­­quables  : avec une forte crois­­sance du chiffre
d’affaires et des pro­­fits par rap­­port au niveau déjà record qu’ils avaient atteint en
2010, Yara affiche, avec un chiffre d’affaires de 13 milliards de dol­­lars, environ, et
un EBITDA dépas­­sant sen­­si­­ble­­ment le milliard, une excel­­lente santé qui reste, mal­
­gré tout, tri­­bu­­taire des aléas de l’envi­­ron­­ne­­ment – économique-­social et politico-­
réglementaire, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment –  : les évé­­ne­­ments en Lybie l’ont ainsi ame­­née à
inter­­rompre la production de l’usine qui venait d’entrer en ser­­vice, contri­­buant au
pla­­fon­­ne­­ment de sa pro­­duc­­tion en volume au cours du der­­nier exercice.
Mais Yara place au pre­­mier rang des avan­­tages compé­­titifs qu’elle s’attache à culti­­
ver par rap­­port à la concur­­rence, la flexi­­bi­­lité de son orga­­ni­­sa­­tion, tout comme sa
pré­­sence tout au long de la filière industri­elle, les éco­­no­­mies d’échelle qu’elle y
réa­­lise, notam­­ment en amont, et sa pré­­sence sur un très grand nombre de mar­­
chés.
C’est là-­dessus qu’elle table pour déve­­lop­­per sa posi­­tion, en la ren­­for­­çant par crois­
s­ ance orga­­nique ou dans le cadre de joint-­ventures, en créant, de nou­­velles usines
hau­­te­­ment pro­­duc­­tives pour ses composants, en Europe, au Moyen Orient et en
Amérique du Nord, pour n’évo­­quer que les plus récentes. Elle pro­­cède éga­­le­­ment
à des acqui­­si­­tions impor­­tantes, comme elle l’a fait au cours des der­­nières années,
en Australie, en Finlande, au Bré­­sil.., s’assu­­rant, du même coup, une pré­­sence sans
cesse plus impor­­tante dans tous les espaces géo-­sectoriels clés, comme dans les
plus pro­­met­­teurs, pour son acti­­vité principale.

474
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8


Son orga­­ni­­sa­­tion, long­­temps concen­­trée en l’Europe, entre son siège d’Oslo, demeuré
de taille modeste, et son implan­­ta­­tion pari­­sienne, située près de la Défense, a essaimé
au cours des dix der­­nières années  : Bruxelles est devenu le centre -le hub- pour
l’Europe conti­­nen­­tale, Singapour, pour l’Asie, Sao Paulo pour l’Amérique Latine, Paris
étant tou­­jours en charge de la zone médi­­ter­­ra­­néenne et de l’Afrique.
Si le siège s’attache à don­­ner les orien­­ta­­tions, à sti­­mu­­ler la per­­for­­mance et à pré­­pa­­rer
les diri­­geants de demain, les dif­­fé­­rents centres conti­­nen­­taux ou sub­conti­­nen­­taux, plus
proches du ter­­rain, plus au fait de ses carac­­té­­ris­­tiques, de ses cultures, de ses pra­­
tiques, en assurent l’ adap­­ta­­tion, l’appli­­ca­­tion et la mise en œuvre opérationnelle.
Dis­­po­­sant donc d’une réelle auto­­no­­mie, les équipes ont donc lar­­ge­­ment le sen­­ti­­
ment de contri­­buer au déve­­lop­­pe­­ment de la firme, se sentent valo­­ri­­sées et, où
qu’elles se trouvent, par­­ties pre­­nantes de l’orga­­ni­­sa­­tion. L’enga­­ge­­ment, le sen­­ti­­ment
d’appar­­te­­nance et la loyauté des col­­la­­bo­­ra­­teurs constituent donc, pour les res­­pon­­
sables du siège une des carac­­té­­ris­­tiques remar­­quables de l’orga­­ni­­sa­­tion.
En deve­­nant indé­­pen­­dante, Yara a hérité des trois valeurs d’Hydro Agri, qui consti­­tuait,
avant 2004, le département engrais de Norsk Hydro : la loyauté, la res­­pon­­sa­­bi­­lité et
l’esprit d’équipe, en y ajou­­tant, depuis, l’ambi­­tion. Elle explique, au-­delà de leur valeur
sym­­bo­­lique, la réus­­site de pro­­jets de développement tels que Qafco 5 et 6, au Qatar,
où la joint venture, combine l’exper­­tise d’ingé­­nieurs, d’agro­­nomes et d’autres spé­­cia­­
listes qui concourent à éla­­bo­­rer les meilleures pra­­tiques en tra­­vaillant en étroite
collaboration. Tous ces déve­­lop­­pe­­ments, cepen­­dant, n’ont pas tou­­jours été cou­­ron­­nés
de suc­­cès, comme au Nigéria, où la cor­­rup­­tion, l’insta­­bi­­lité poli­­tique et éco­­no­­mique
chro­­niques et le faible développement du mar­­ché l’ont conduit au retrait.
Même si le Conseil d’Admi­­nis­­tra­­tion et le Comité de Direc­­tion sont encore compo­
s­ és dans leur grande majo­­rité de Nor­­vé­­giens, l’éven­­tail des natio­­na­­li­­tés repré­­sen­­tées
parmi les 7500 col­­la­­bo­­ra­­teurs de l’orga­­ni­­sa­­tion est de plus en plus ouvert. Les
citoyens du pays d’ori­­gine n’y repré­­sentent que 10 %, en nombre moins impor­­tant
que les Bré­­si­­liens qui atteignent 13  % de l’effec­­tif. Cette diver­­sité consti­­tue un
incontes­­table fac­­teur d’enri­­chis­­se­­ment pour l’ensemble de l’orga­­ni­­sa­­tion, même si
elle engendre son lot de dif­­fi­­cultés dans les rela­­tions, sur le plan lin­­guis­­tique et
inter­cultu­­rel, comme, par­­fois, des malenten­­dus.
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La culture d’entre­­prise insiste donc sur l’assi­­mi­­la­­tion des col­­la­­bo­­ra­­teurs de toutes


origines et sur le sta­­tut de cha­­cun. Ce qui a conduit à l’adop­­tion de l’Anglais comme
langue de tra­­vail et de communication et, sur­­tout, à pri­­vi­­lé­­gier les prin­­cipes plu­­tôt
que les règles (sauf en matière tech­­nique et en matière de sécu­­rité, domaines dans
les­­quels des cadres plus stricts ont été défi­­nis). La diver­­sité des règles régissant les
autres domaines de la ges­­tion, sur le plan local, ont pu, en effet, produire, à cer­­
taines occa­­sions, des « ratés » qui ont consti­­tué autant d’occa­­sions de faire évo­­luer
la gou­­ver­­nance, de manière à les évi­­ter ou à les minimi­­ser, sans affec­­ter la dyna­­
mique que cette auto­­no­­mie a per­­mise dans les dif­­fé­­rents environnements où opère
l’orga­­ni­­sa­­tion. De moins en moins mar­­quée par son ori­­gine nor­­vé­­gienne, selon un
modèle « ethnocentrique », elle s’oriente de plus en plus vers un modèle « géo­­cen­
­trique » accor­­dant une large place aux cultures locales et au métis­­sage1.

1.  Perlmutter, H. 1969, “The Tortuous Evolution of the Mul­­ti­­natio­­nal Cor­­po­­ra­­tion”, Columbia, Jour­­nal of World
Business, 5(1).

475
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


Une voie par­­ti­­cu­­lière a, notam­­ment, été pri­­vi­­lé­­giée pour faci­­li­­ter cette évo­­lu­­tion : la
consti­­tution d’un vivier de jeunes cadres à fort potentiel, ayant l’expé­­rience de
l’« expo­­si­­tion » aux dif­­fé­­rences cultu­­relles, dont le par­­cours inter­­na­­tional et la for­­
ma­­tion per­­mettent et per­­met­­tront à l’orga­­ni­­sa­­tion de dis­­po­­ser des talents néces­­saires
pour assu­­rer sa crois­­sance, en ren­­for­­çant son homogénéité.
Le défi est, en effet, d’arti­­cu­­ler har­­mo­­nieu­­se­­ment, au niveau des fonc­­tions, comme,
par exemple, les res­­sources humaines ou la finance, la ges­­tion la plus effi­­cace pos­
­sible des contraintes et des oppor­­tunités, aussi bien au niveau cen­­tral qu’au niveau
local, en fai­­sant le par­­tage entre ce qui doit y être res­­pec­­ti­­ve­­ment a­dministré.
Ainsi, en amont de la filière, les prix des matières pre­­mières ou les pro­­duits semi
trans­­for­­més – le gaz, l’ammo­­niac ou l’urée- sont très fluc­­tuants et, le plus sou­­vent,
négo­­ciés en dol­­lars et en quelques monnaies véhi­­cu­­laires. En aval, les ventes
s’effec­­tuent en devises locales, avec une domi­­nance de l’euro en zone euro­­péenne
(mais la devise nor­­vé­­gienne ne fait pas par­­tie de la zone euro), et d’une mul­­ti­­tude
de devises, dont bon nombre fluc­­tuent davan­­tage autour du dol­­lar. La ques­­tion se
pose alors de loca­­li­­ser conve­­na­­ble­­ment la ges­­tion des risques1, comme la ges­­tion
de la tré­­so­­re­­rie et de répar­­tir les rôles et res­­pon­­sa­­bi­­li­­tés entre le siège et les dif­­fé­­rents
hubs conti­­nen­­taux ou subcontinentaux de l’orga­­ni­­sa­­tion ; de manière à ce que le
déve­­lop­­pe­­ment du modèle éco­­no­­mique puisse s’appuyer sur un modèle financier
propre à satis­­faire ses besoins dans le cadre de l’évo­­lu­­tion dyna­­mique de la structure
d’ensemble.

Ques­­tions de réflexion
1 ■ Dans quel sec­­teur d’acti­­vité opère Yara  ? Quelles en sont les prin­­ci­­pales
contraintes et comment évo­­lue la demande dans les éco­­no­­mies matures, dans
les éco­­no­­mies émergentes ? Quelles fluctuations la carac­­té­­risent ? Comment
se posi­­tionne Yara dans ce sec­­teur ? Quelles sont ses ambitions ? Comment
peuvent se résu­­mer ses prin­­ci­­pales orien­­ta­­tions  ? Quelles impli­­ca­­tions
comportent-­elles en termes de mise en œuvre ? En quoi la culture d’entre­­
prise est-­elle en mesure de faciliter cette mise en œuvre  ? En quoi cette
culture a-­t-elle évo­­lué depuis la dis­­so­­cia­­tion de Yara et de Norsk Hydro ?
2 ■ Quelles sont les prin­­ci­­pales contraintes orga­­ni­­sa­­tion­­nelle de Yara ? Quelles
consé­­quences pour l’orga­­ni­­sa­­tion pré­­sente sa pré­­sence aux dif­­fé­­rents étapes
de la filière  ? Comment est pris en compte le déploie­­ment géo­­gra­­phique  ?
Quelle place res­­pec­­tive occupent le siège, d’une part, les implan­­ta­­tions,
d’autre part ? Comment se répar­­tissent les rôles sur un plan géné­­ral ? Quelles
dif­­fi­­cultés cela pose-­t-il ? Comment sont-­elles réso­­lues ? En par­­ti­­cu­­lier, quel
sys­­tème d’orga­­ni­­sa­­tion a été adopté par acti­­vité, par zone géo­­gra­­phique, par
fonc­­tion  ? Matriciel  ? En réseau  ? Une combi­­nai­­son de plu­­sieurs d’entre

1.  Voir supra, cha­­pitre 2, sec­­tion 3, “La prise en compte du risque : « macro-­risques et micro-­risques »

476
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8

eux ? Comment ce sys­­tème serait-­il sus­­cep­­tible d’évo­­luer au cours des pro­­


chaines années, en fonc­­tion des options stra­­té­­giques qui semblent avoir été
retenues ?
3 ■ En matière de mise en œuvre fonc­­tion­­nelle, quels sont les prin­­ci­­paux défis à
résoudre en matière de ges­­tion des res­­sources humaines ? Quelles carac­­té­­ris­
­tiques de l’orga­­ni­­sa­­tion seraient à prendre en compte pour gérer effi­­ca­­ce­­ment
cette fonc­­tion (répar­­tition par natio­­na­­lité ou culture d’ori­­gine, par métiers
pra­­ti­­qués, par niveau hié­­rar­­chique)  ? Comment minimi­­ser les inci­­dences
néga­­tives de la diver­­sité ? Pour­­quoi et comment la mettre à pro­­fit au sein de
l’orga­­ni­­sa­­tion ? Comment en assu­­rer l’homo­­gé­­néité et tirer le meilleur parti
des rela­­tions entre les dif­­fé­­rentes entités cen­­trales et locales ? Dans un autre
domaine fonc­­tion­­nel, à quels prin­­ci­­paux défis financiers se trouve confron­­tée
l’orga­­ni­­sa­­tion  ? À quels niveaux pourraient-­ils être le mieux rele­­vés  : au
niveau cen­­tral et, au niveau local ? Quels avan­­tages et quels inconvé­­nients
correspondraient à l’une ou l’autre option ? Comment répar­­tir les res­­pon­­sa­­
bi­­li­­tés entre ces deux niveaux pour la satis­­faction de quels besoins ?

477
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions

L’essen­­tiel
Une fois défi­­nis les grands objec­­tifs de la SDI et choi­­sie la nature de la stra­­té­­gie
d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, il s’agira, en termes de mise en œuvre, tout d’abord, de
déter­­mi­­ner les priori­­tés géo­­gra­­phiques rete­­nues et les modes d’approche à privi-
légier.
La démarche de sélec­­tion des localisations-­cibles s’ins­­crit dans une logique
consis­­tant à mobi­­li­­ser une pre­­mière série de cri­­tères simples pour rete­­nir un cer­
­tain nombre de loca­­li­­sa­­tions poten­­tielles pour y commercialiser les pro­­duits ou
ser­­vices, comme pour y délocaliser tout ou par­­tie de la pro­­duc­­tion ou y sous-­
traiter cer­­tains composants ou sous-­ensembles.
C’est la for­­mu­­la­­tion de la SDI qui aura per­­mis, dans un pre­­mier temps, de pré­­
ci­­ser ces cri­­tères et d’en pondérer l’impor­­tance des uns par rap­­port aux autres,
pour éta­­blir des priori­­tés. Il s’agira, au stade de la mise en œuvre, de dési­­gner
les grandes options rete­­nues, de déter­­mi­­ner des limites d’enga­­ge­­ment compa­­
tibles avec les ressources de l’entre­­prise, de fixer les objec­­tifs géo­­gra­­phiques à
atteindre et le rythme de cette approche, tout en combi­­nant, au-­delà de l’uti­­li­­
sation de grilles compa­­ra­­tives, les attraits de chaque loca­­li­­sa­­tion potentielle avec
les atouts dont l’entre­­prise y dis­­pose.
Le choix du ou des modes d’approche à l’inter­­na­­tional, quant à lui, s’effec­­tuera
en fonc­­tion des enjeux liés à chaque loca­­li­­sa­­tion rete­­nue, des types de for­­mules
acces­­sibles et des anti­­ci­­pations pou­­vant être avan­­cées sur l’évo­­lu­­tion du poten­­tiel
offert par cha­­cune de ces loca­­li­­sa­­tions.
En effet, l’inté­­rêt des modes d’approche peut être appré­­cié en fonc­­tion du niveau
d’enga­­ge­­ment que cha­­cun requiert, asso­­cié au niveau de contrôle qu’il auto­­rise
pour l’entre­­prise qui les pra­­tique, et de la compa­­ti­­bi­­lité que peuvent pré­­sen­­ter ces
dif­­fé­­rentes for­­mules avec ses impé­­ra­­tifs de coor­­di­­na­­tion d’ensemble, ainsi
qu’avec les évolutions qu’ils per­­mettent vers d’autres for­­mules.
Par ailleurs, la dyna­­mique des modes d’approche des­­si­­nera des sché­­mas d’évo­­
lu­­tion et de transformation de l’orga­­ni­­sa­­tion, à par­­tir de la palette des solu­­tions
envi­­sa­­geables aux trois phases du déve­­lop­­pe­­ment international de l’entre­­prise,
aussi bien au niveau de chaque loca­­li­­sa­­tion que de l’orga­­ni­­sa­­tion d’ensemble.
Elle fera ainsi res­­sor­­tir des « che­­mi­­ne­­ments », qui peuvent varier selon la nature
de l’acti­­vité et les fonc­­tions de l’entre­­prise, en dis­­tin­­guant des che­­mi­­ne­­ments à
domi­­nante commer­­ciale (inter­­mé­­diaires, struc­­ture commerciale en par­­te­­na­­riat ou
en propre, struc­­ture inté­­grée, etc.), de che­­mi­­ne­­ments à carac­­tère indus­­triel (ces­­
sion de licence, par­­te­­na­­riat ou filiale de pro­­duc­­tion, filiale intégrée, etc.), sans
pré­­ju­­dice de toutes les varia­­tions et ajus­­te­­ments, déter­­mi­­nés par les contraintes

478
Mise en œuvre de la stratégie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation  ■  Chapitre 8


de rythme de crois­­sance, la foca­­li­­sa­­tion sur cer­­taines acti­­vi­­tés ou encore des fac­
­teurs psy­­cho­­lo­­giques ou la néces­­sité de réagir par rap­­port à une opportunité.
Mais la mise en œuvre ne peut se limi­­ter à la fina­­li­­sa­­tion des loca­­li­­sa­­tions cibles
et au choix des modes d’entrée, elle va recou­­vrir d’autres aspects qui concoure-
ront de manière déci­­sive à son heureux abou­­tis­­se­­ment :
L’évo­­lu­­tion des sché­­mas orga­­ni­­sa­­tion­­nels consti­­tue un aspect par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
complexe, dans la mesure où les struc­­tures tra­­di­­tion­­nelles se trouvent remises en
ques­­tion par les nou­­velles orien­­ta­­tions déter­­mi­­nées, notamment, par l’accé­­lé­­ra­­
tion de la globalisation et le déve­­lop­­pe­­ment de sup­­ports de commu­­ni­­ca­­tion qui
modi­­fient consi­­dé­­ra­­ble­­ment les données du pro­­blème, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment pour les
born glo­­bal.
Au fur et à mesure que l’entre­­prise accen­­tue sa globalisation, ces struc­­tures tra­
­di­­tion­­nelles tendent, habi­­tuellement, à trans­­for­­mer ce qui était à l’ori­­gine une
orga­­ni­­sa­­tion domes­­tique compor­­tant des ser­­vices ou une division inter­­na­­tionale,
en struc­­ture mul­­ti­­natio­­nale, à domi­­nante géo­­gra­­phique (en par­­ti­­cu­­lier, si ses acti­
­vi­­tés sont diver­­si­­fiées et/ou ont un carac­­tère très loca­­lisé) ou à domi­­nante ligne
de pro­­duits (pour les firmes à la gamme d’acti­­vi­­tés, à la fois, plus res­treinte et,
sur­­tout, plus tech­­no­­lo­­gique, pour des pro­­duits standardisés, à voca­­tion plus glo­­
bale).
Mais l’insta­­bi­­lité de l’envi­­ron­­ne­­ment a conduit de plus en plus d’entre­­prises à ne
plus tran­­cher en don­­nant la pré­­émi­­nence aux lignes de pro­­duits ou aux zones
géo­­gra­­phiques, tout en pre­­nant davan­­tage en compte d’autres dimen­­sions essen­
­tielles, comme les grandes fonc­­tions, les seg­­ments de clien­­tèles ou les don­­neurs
d’ordres prin­­ci­­paux. Elles ont ainsi sus­­cité l’appa­­ri­­tion de struc­­tures matriciel­
les, qui, en dépit de la flexi­­bi­­lité qu’elles veulent don­­ner à l’ensemble de l’orga­
­ni­­sa­­tion, peuvent y intro­­duire de fortes ten­­sions. L’accé­­lé­­ra­­tion de l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale et de l’inno­­va­­tion, dans cer­­tains sec­­teurs, comme les NTIC, peu-
vent déter­­mi­­ner l’appa­­ri­­tion de struc­­tures en réseau, consti­­tuant des «  entre­­
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prises concepts  » opé­­rant à un niveau glo­­bal, sans pré­­ju­­dice d’un grand souci
d’effi­­ca­­cité locale. Elles recherchent une flexi­­bi­­lité maximum, tant au niveau de
leurs lignes de pro­­duits, de leurs orien­­ta­­tions géo­­gra­­phiques, que de l’opti­­mi­­
sation de leur struc­­ture fonctionnelle. Elles n’hésitent pas à recom­­po­­ser en per­­
ma­­nence leur chaîne de valeur, à la recherche d’une amé­­lio­­ra­­tion en continu de
leur organisation.
L’inté­­gra­­tion des inter­­ac­­tions cultu­­relles consti­­tue, enfin, une dimen­­sion essen­­
tielle de la mise en œuvre, pour autant que sa réus­­site dépende d’une bonne
iden­­ti­­fi­­cation de ces inter­­ac­­tions tant avec les par­­ties prenantes externes qu’avec
les par­­ties pre­­nantes internes, en dis­­tin­­guant leurs enjeux à court terme (instru­
mentaux) de leurs enjeux à plus long terme (fon­­da­­men­­taux).

479
Partie 2  ■  L’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions


La prise en compte de ces inter­­ac­­tions cultu­­relles s’adap­­tera à chaque envi­­ron­
­ne­­ment inter­cultu­­rel, à tra­­vers le mode de mana­­ge­­ment déve­­loppé loca­­le­­ment,
comme à tra­­vers les rela­­tions entre le siège et les implan­­ta­­tions, quelle que soit
leur forme, que l’orga­­ni­­sa­­tion aura déployées dans le (ou les) différent(s)
espace(s) géo-­sectoriel/d’expan­­sion où elle opère.
Le déve­­lop­­pe­­ment d’une culture d’entre­­prise lar­­ge­­ment dif­­fu­­sée et par­­ta­­gée au
niveau inter­­na­­tional constituera, enfin, l’élé­­ment fédé­­ra­­teur propre à cimen­­ter
l’orga­­ni­­sa­­tion, en tirant parti des dif­­fé­­rences, plus qu’en les subis­­sant, pour opé­
­rer un véri­­table « levier cultu­­rel » consti­­tuant pour elle un avan­­tage compé­­titif
déterminant vis-­à-vis de la concur­­rence comme vis-­à-vis de l’ensemble des par­
­ties pre­­nantes internes et externes.

480
Conclu­­sion :
De l’audit
au plan d’action
inter­­na­­tional

A u-­delà de l’ana­­lyse de l’impact de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale sur les ter­­ri­­


toires, les sec­­teurs et les orga­­ni­­sa­­tions, et du dérou­­le­­ment du pro­­ces­­sus
d’audit d’internationalisation, il convient encore de sou­­li­­gner deux points qui
re­sortent res­­pec­­ti­­ve­­ment de chacune des deux par­­ties de cet ouvrage :
En pre­­mier lieu, en quelques années, depuis le début des années 2000, l’ouver­­
ture internationale est deve­­nue beau­­coup plus tan­­gible pour un éven­­tail beau­­coup
plus large de par­­ties pre­­nantes :
––les auto­­ri­­tés locales, à tous les niveaux ter­­ri­­toriaux (groupes de pays, pays, régions,
municipalités…) ;
––les orga­­ni­­sa­­tions, en nombre de plus en plus impor­­tant (de toutes tailles, aussi bien
publiques que pri­­vées, à but lucra­­tif ou non) relevant d’une diversité d’acti­­vi­­tés,
de secteurs et/ou d’indus­­tries ;
––sans oublier les in­dividus et les ménages (pro­­duc­­teurs et consom­­ma­­teurs).
La plu­­part d’entre elles sont désor­­mais conscientes que leur situa­­tion éco­­no­­mique,
et son deve­­nir, sont tri­­bu­­taires de transformations qui s’ins­­crivent dans un cadre
élargi et décloisonné où la cir­­cu­­la­­tion, des biens, des ser­­vices, des capi­­taux, des
hommes et de l’infor­­ma­­tion s’accé­­lère. Même si elles le vivent différemment, selon,
notam­­ment, qu’elles sont loca­­li­­sées dans les é­conomies matures ou dans les éco­­no­
­mies émergentes, elles prennent toutes conscience d’une interdépendance auxquelle
elles ne peuvent désor­­mais faire abs­­trac­­tion.
Stratégies d’internationalisation

Cha­­cune d’entre elles, dans ce nou­­vel envi­­ron­­ne­­ment en per­­ma­­nente muta­­tion, est


donc conduite à devenir – à son niveau, bien sûr – ana­­lyste et stra­­tège :
––les auto­­ri­­tés à la tête des ter­­ri­­toires, doivent être en mesure de défi­­nir les bases
d’un des­­tin commun pour l’ensemble des agents économiques qu’ils admi­­
nistrent ;
––les diri­­geants des orga­­ni­­sa­­tions doivent déter­­mi­­ner leurs orien­­ta­­tions par rap­­port à
des oppor­­tu­­ni­­tés et des menaces en constant renou­­vel­­le­­ment ;
––les indi­­vi­­dus et les ménages, doivent apprendre à se remettre sans cesse en ques­­
tion, au fil d’une évo­­lu­­tion pro­­fes­­sion­­nelle et dans un cadre de vie qui n’a désor­­
mais plus la même sta­­bi­­lité que ceux des géné­­ra­­tions précédentes.
En second lieu, il leur faut, aux unes et aux autres – à leur manière res­­pec­­tive,
certes –, au-­delà de l’ana­­lyse, pas­­ser à l’action. Les orga­­ni­­sa­­tions, en par­­ti­­cu­­lier,
doivent être en mesure, de suivre la démarche d’internationalisation jus­­qu’à son
terme et de mobi­­li­­ser les outils du diag­­nos­­tic, de la for­­mu­­la­­tion stra­­té­­gique et de la
mise œuvre. C’est-­à-dire jus­­qu’à l’éla­­bo­­ra­­tion des plans d’actions ou des «  plans
d’affaire » qui consti­­tuent l’abou­­tis­­se­­ment des étapes successives de l’audit d’inter­
­na­­tiona­­li­­sation. Ces plans qui asso­­cient les dif­­fé­­rentes déci­­sions répon­­dant, au
niveau opé­­ra­­tion­­nel de la mise en œuvre, aux ques­­tions Quoi ? Où ? Quand ?
Comment ?, doivent être suf­­fi­­sam­­ment flexibles pour se prê­­ter à des ajus­­te­­ments
per­­ma­­nents et suf­­fi­­sam­­ment pré­­cis pour prendre en compte les dif­­fé­­rentes dimen­­
sions qu’il leur faut concilier :
––la dis­­po­­ni­­bi­­lité des res­­sources tan­­gibles et intan­­gibles à mobi­­li­­ser, à coor­­don­­ner et
dont il faut suivre l’exploi­­ta­­tion au fil de leur uti­­li­­sation ;
––les inter­­ac­­tions à éta­­blir et à pilo­­ter sur le plan interne, auprès des différentes par­
­ties pre­­nantes concer­­nées, entre le siège et les dif­­fé­­rentes loca­­li­­sa­­tions ;
––la prise en compte des par­­te­­naires (proches ou dis­­tants, per­­ma­­nents ou plus
occasionnels), en tenant compte des rela­­tions à entre­­te­­nir avec cha­­cun ;
––sans négli­­ger les contacts à recher­­cher et à exploi­­ter avec l’éven­­tail des par­­ties
pre­­nantes externes – institutionnels, clients et uti­­li­­sa­­teurs, lea­­ders d’opi­­nion,
media… –, et, plus géné­­ra­­le­­ment, toutes les enti­­tés tou­­chées à un titre ou à un
autre par leurs acti­­vi­­tés et leur développement.
à l’issue de ce pro­­ces­­sus d’ana­­lyse dyna­­mique des trans­­for­­ma­­tions de
l’environnement inter­­na­­tional et d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, qui fondent et for­­
ma­­lisent les stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, il convient de reve­­nir brièvement,
pour conclure :
––sur cette prise de conscience de l’impact, sur un plus grand nombre d’agents
é­conomiques, de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, d’une part ;
––sur la néces­­saire for­­ma­­li­­sa­­tion d’un plan d’action, d’autre part.

482
Conclu­­sion : De l’audit au plan d’action inter­­na­­tional

Une prise de conscience élar­­gie de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale et de ses


impli­­ca­­tions pour une plus grande diver­­sité de par­­ties pre­­nantes
Pour tous les agents éco­­no­­miques, l’ouver­­ture internationale est donc deve­­nue un
défi beau­­coup plus présent, qui néces­­site d’être ana­­lysé de plus près pour conduire
à la formulation des déci­­sions les plus appro­­priées.
L’évo­­lu­­tion des cadres d’évo­­lu­­tion des flux d’échanges, sur un plan struc­­tu­­rel,
comme la suc­­ces­­sion et la dif­­fu­­sion des crises, sur un plan plus conjonc­­tu­­rel, les
engagent, en effet, à en révi­­ser la prise en compte, cha­­cun à sa manière :
Les groupes d’Etats, les Etats, comme les diverses enti­­tés ter­­ri­­toriales – les
« territoires » –, tout d’abord, pour les­­quels les prin­­cipes libé­­raux s’étaient petit à
petit impo­­sés à par­­tir des années 1980, sont désor­­mais ame­­nés à reconsi­­dérer leur
rôle de régu­­la­­teurs et à redéfinir les orien­­ta­­tions et les poli­­tiques qu’ils éla­­borent là
où ils opèrent. Ils se doivent de le faire, aussi bien pour faci­­li­­ter l’expan­­sion inter­­
na­­tionale des acteurs éco­­no­­miques ori­­gi­­naires de l’espace qu’ils admi­­nistrent que
pour atti­­rer des acteurs étran­­gers propres à contri­­buer à leur pros­­pé­­rité. Cet inter­­ven­
­tion­­nisme renou­­velé, comme on a pu le consta­­ter1, se mani­­feste de manière proactive
ou de manière réac­­tive, dans les éco­­no­­mies en crois­­sance rapide, comme dans les
éco­­no­­mies matures :
L’inter­­ven­­tion­­nisme proactif serait plu­­tôt l’apa­­nage des éco­­no­­mies à crois­­sance
rapide, notamment en tran­­si­­tion, comme la Chine ou le Vietnam, où l’approche diri­
­giste n’a pas dis­­paru, même si ses moda­­li­­tés ont évo­­lué, en particulier pour le déve­
­lop­­pe­­ment néces­­saire de leurs infra­­struc­­tures. Il s’exprime également dans des
espaces sans tra­­di­­tion compa­­rable, comme le Bré­­sil ou l’Inde, qui éla­­borent désor­­
mais des poli­­tiques éco­­no­­miques et indus­­trielles. Leurs auto­­ri­­tés sou­­tiennent,
comme dans les éco­­no­­mies en tran­­si­­tion, non seule­­ment le déve­­lop­­pe­­ment des infra­
­struc­­tures, mais aussi, comme eux, la mon­­tée en puis­­sance de leurs «cham­­pions
inter­­na­­tionaux» ou de leurs sec­­teurs d’excel­­lence, qui cana­­lisent la localisation
d’inves­­tis­­se­­ments directs étran­­gers, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment ceux qui leur apportent des
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tech­­no­­logies, des compé­­tences et des emplois. Mais cette proactivité se mani­­feste


aussi dans cer­­taines éco­­no­­mies matures, comme l’Allemagne2, qui récusent le
« dirigisme » et s’appuient sur leur pra­­tique tra­­di­­tion­­nelle de la concer­­ta­­tion entre
les dif­­fé­­rents acteurs économiques et sociaux, dans le but d’aug­­men­­ter, sur le long
terme, leur compé­­titi­­vité dans les niches mon­­diales dans les­­quelles elles ont su
conser­­ver une position dominante.
D’autres éco­­no­­mies, mar­­quées par le libé­­ralisme, où le rôle éco­­no­­mique de l’Etat
est plus mesuré -voire effacé-, étant, elles aussi, désor­­mais, plus for­­te­­ment expo­­sées
aux cycles éco­­no­­miques, doivent se résoudre à un chan­­ge­­ment de para­­digme ; autre­­
ment dit à une trans­­for­­ma­­tion en pro­­fon­­deur des prin­­cipes qui ins­­pirent leur

1.  Voir chapitre 2 « La dyna­­mique des ter­­ri­­toires ».


2.  Comme s’est atta­­ché à le faire le chan­­ce­­lier Schroeder, en Allemagne, au début des années 2000.

483
Stratégies d’internationalisation

développement. C’est ce à quoi sont confron­­tés les gou­­ver­­ne­­ments d’un cer­­tain


nombre d’éco­­no­­mies matures d’Europe du Sud, suc­­ces­­si­­ve­­ment tou­­chées par la crise
finan­­cière, puis par la crise de la dette sou­­ve­­raine, qui réa­­lisent -certes, un peu tard-,
qu’il leur faut plus systématiquement mettre en valeur les atouts dont elles dis­­posent
pour appuyer leurs agents économiques. Ces mesures sont mal­­heu­­reu­­se­­ment à prendre
«à chaud», alors même que l’accès aux finan­­ce­­ments inter­­na­­tionaux devient plus
couteux et qu’il leur est dif­­fi­­cile de mobi­­li­­ser les dif­­fé­­rents acteurs ou groupes
d’acteurs nationaux affec­­tés par une réces­­sion qui se des­­sine ou qui les touche déjà de
plein fouet. Il leur faut donc résoudre une équation dont la solu­­tion n’est guère évi­­
dente : dans des cir­­constances conju­­guant dif­­fi­­cultés financières majeures et extrême
ten­­sion sociale, tout à la fois, elles doivent prendre des mesures d’aus­­té­­rité visant à
limi­­ter les défi­­cits bud­­gé­­taires et réta­­blir dura­­ble­­ment les bases d’un meilleur équi­­libre
des dépenses publiques, tout en ren­­for­­çant leur compétitivité externe. Les gou­­ver­­ne­­
ments réa­­lisent la néces­­sité de re­des­­si­­ner un modèle é­conomi­que valo­­ri­­sant les atouts
dont ils dis­­posent pour déve­­lop­­per leurs parts de mar­­ché hors fron­­tières et limi­­ter
l’impact de la concur­­rence inter­­na­­tionale sur leur propre ter­­ri­­toire, sans dis­­po­­ser des
res­­sources nécessaires aux inves­­tis­­se­­ments à enga­­ger dans ce sens.
Les orga­­ni­­sa­­tions, quant à elles, ont à rele­­ver les défis de l’ouver­­ture internationale
en fonc­­tion du degré d’«  expo­­si­­tion internationale  » de l’acti­­vité ou des acti­­vi­­tés
qu’elles déve­­loppent, soit qu’elles se situent dans des sec­­teurs déjà glo­­ba­­li­­sés, ou en
passe de le deve­­nir à brève échéance, soit, à l’opposé, dans des sec­­teurs encore for­
­te­­ment géo-­centrés. Cepen­­dant, dans la plu­­part des sec­­teurs pro­­gres­­sant sur la voie
de la globalisation, ce sera davan­­tage, d’un sec­­teur à l’autre, face à une urgence plus
ou moins grande et à un rythme plus ou moins sou­­tenu, qu’elles auront à prendre en
compte les consé­­quences de l’ouver­­ture internationale :
Les orga­­ni­­sa­­tions les plus expo­­sées ont à déve­­lop­­per et à démon­­trer leur capacité
d’anti­­ci­­pation et d’adap­­ta­­tion dans le court terme. Selon le sens et l’impor­­tance des
pres­­sions -politico-règlementaires, éco­­no­­miques et sociales, technologiques-, accé­­
lé­­rant ou retar­­dant cette ouver­­ture s’exer­­çant sur leur espace géo-­sectoriel, elles
doivent, en per­­ma­­nence, iden­­ti­­fier et mesu­­rer les oppor­­tu­­ni­­tés et les menaces aux­­
quelles elles ont à faire face. Celles-­ci sont, comme on l’a vu, déter­­mi­­nées par l’atti­
­tude des auto­­ri­­tés sur le plan politico-­règlementaire, la pro­­gres­­sion plus ou moins
forte de la demande, sur le plan éco­­no­­mique et social, les inno­­va­­tions et l’évo­­lu­­tion
de la mise à niveau des infra­­struc­­tures, sur le plan tech­­no­­lo­­gique. Elles devront,
aussi, inté­­grer, dans le cadre de leurs acti­­vi­­tés et dans leur espace de réfé­­rence et/ou
d’expan­­sion, des rapports de force entre compé­­ti­­teurs sus­­cep­­tibles de se modi­­fier
très vite. Plus le sec­­teur sera glo­­ba­­lisé, plus elles devront culti­­ver et péren­­ni­­ser leurs
avan­­tages compé­­titifs en mobi­­li­­sant l’ensemble des «leviers» permettant d’y par­­ve­
­nir. Ce qui impli­­quera, sans cesse, et tout à la fois :
––que leur capa­­cité d’inno­­va­­tion soit déve­­lop­­pée, au niveau des pro­­duits et des ser­­
vices, comme au niveau des pro­­ces­­sus indus­­triels, mais, éga­­le­­ment, mar­­ke­­ting,
financiers, logis­­tiques et, aussi, RH ;

484
Conclu­­sion : De l’audit au plan d’action inter­­na­­tional

––que leur soli­­dité et leur répu­­ta­­tion finan­­cières soient pré­­ser­­vées et renforcées ;


––qu’elles soient en mesure de faire évo­­luer leurs struc­­tures en taille, par crois­­sance
externe ou orga­­nique, comme en effi­­ca­­cité, en asso­­ciant inté­­gra­­tion et flexibilité.
Il leur fau­­dra, notam­­ment, dans un tel cadre mon­­dia­­lisé, redé­­fi­­nir sans cesse leurs
domaines d’acti­­vité stra­­té­­giques et leurs espaces géo­­gra­­phiques cibles priori­­taires,
être prêtes à en réduire l’ampli­­tude ou, au contraire, à l’élar­­gir, en sachant maî­­tri­­ser
et tirer parti des dif­­fé­­rences cultu­­relles aux­­quelles la diver­­sité de leurs implan­­ta­­tions
et de leurs mar­­chés les confron­­teront.
Les orga­­ni­­sa­­tions moins expo­­sées, sou­­vent moins conscientes que les pré­­cé­­dentes
des pres­­sions externes, comme des rap­­ports de force concur­­ren­­tiels, devront se
montrer vigi­­lantes ; sauf à se trou­­ver sur­­prises par les muta­­tions impré­­vues ou accé­
­lé­­rées des unes et d’une brusque ten­­sion des autres. Ce qui sup­­pose, pour elles, de
mieux prendre en compte leur environnement proche et loin­­tain – réflexe qui ne leur
sera pas tou­­jours naturel –, en déve­­lop­­pant leur capa­­cité et leur sys­­tème de veille. Il
leur fau­­dra aussi, pro­­gres­­si­­ve­­ment, tis­­ser un réseau de relations avec des par­­te­­naires
domes­­tiques comme avec des par­­te­­naires étran­­gers pour ren­­for­­cer leur posi­­tion dans
leur espace domes­­tique et sortie de leurs fron­­tières. Ce réseau devra leur per­­mettre
d’iden­­ti­­fier de nou­­velles oppor­­tu­­ni­­tés de commercialisation ou de pro­­duc­­tion,
d’effec­­tuer des opé­­ra­­tions tests de vente, d’achat, de pro­­duc­­tion, d’ache­­mi­­ne­­ment,
de R & D… Autant d’occa­­sions de se familiariser pro­­gres­­si­­ve­­ment avec des
contextes dif­­fé­­rents, dans les­­quels elles seraient en mesure, à terme plus ou moins
rap­­pro­­ché, de s’enga­­ger.., ou, à par­­tir des­­quels, de nou­­veaux concur­­rents pour­­raient
les mena­­cer sur leur propre pré carré.
Les indi­­vi­­dus et les ménages, enfin, qui connaissent, certes, sta­­tisti­­que­­ment une
mobi­­lité limi­­tée1, sont deve­­nus beau­­coup plus conscients de l’impact de l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale et sont ame­­nés à la prendre en compte plus direc­­te­­ment. Elle repré­­
sente, en effet, pour certains, une oppor­­tu­­nité qui leur ménage de nou­­velles perspec­
­tives d’évo­­lu­­tion personnelle et pro­­fes­­sion­­nelle, comme elle remet pro­­fon­­dé­­ment en
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ques­­tion, pour d’autres, leur situa­­tion éco­­no­­mique et sociale ; par­­fois, de manière


radi­cale -voire, brutale-.
Pour les pre­­miers, les moins nom­­breux, sou­­vent dotés d’un bagage acquis au fil
d’un par­­cours de for­­ma­­tion et/ou d’une expé­­rience pro­­fes­­sion­­nelle appré­­ciables et
susceptibles d’être appré­­ciés, à l’inté­­rieur, comme en dehors de leur pays d’ori­­gine,
la mobi­­lité internationale peut consti­­tuer le moyen de complé­­ter l’éven­­tail de leurs
compé­­tences -techniques, managériales, lin­­guis­­tiques, inter culturelles-. Ils pour­­ront
en pro­­fi­­ter, en reve­­nant dans leur pays, comme en pour­­sui­­vant un par­­cours pro­­fes­­
sion­­nel dans un autre ou dans une suc­­ces­­sion d’autres, pour deve­­nir des acteurs
pri­­vi­­lé­­giés de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale : en dif­­fu­­sant les bonnes pra­­tiques et l’inno­
­va­­tion, en ser­­vant de «truchements» entre espaces éco­­no­­miques et cultu­­rels, en faci­

1.  Voir repère 1.1 «  Mon­­dia­­li­­sa­­tion/Globalisation ou Décloisonnement/Régio­­na­­li­­sa­­tion ? ».

485
Stratégies d’internationalisation

l­i­­tant les rela­­tions et en limi­­tant les mal­­en­­ten­­dus aux­­quels elles pourraient don­­ner
lieu.
À noter que cette mobi­­lité est déjà exploi­­tée par un cer­­tains nombre de pays hôtes
qui cherchent à béné­­fi­­cier de cet apport de compé­­tences pour combler des défi­­cits
catégoriels -de tech­­ni­­ciens ou d’ingé­­nieurs, en particulier- que réclame leur crois­­
sance1ou, comme dans un nombre crois­­sant d’éco­­no­­mies matures, pour compen­­ser
leurs défi­­cits démogra­­phiques2.
À l’inverse, dans cer­­taines économies à crois­­sance rapide, les auto­­ri­­tés prennent
de plus en plus conscience de l’impor­­tance de leur dia­­spora, de l’acqui­­si­­tion par
leurs res­­sortissants émi­­grés de savoirs et de savoir-­faire utiles à la mère patrie, ou de
capi­­taux, propres à y être réin­­ves­­tis. Ils favo­­risent de plus en plus, en consé­­quence,
leur retour et/ou encou­­ragent le rapatriement de tout ou par­­tie de leurs actifs finan­­
ciers3.
Mais, au-­delà de cette caté­­go­­rie plus édu­­quée, qui cher­­chera à valo­­ri­­ser ou à déve­
l­op­­per ses compé­­tences, ce sont aussi d’autres flux -non qua­­li­­fiés et, sou­­vent,
clandestins-, qui défient les fron­­tières et les bras de mer, sou­­vent au péril de leur vie,
en quête d’un mieux être pour eux-­mêmes ou pour leur famille. Alors que la géné­­
ra­­tion qui les pré­­cé­­dait avait été, pen­­dant la période de crois­­sance des éco­­no­­mies
mature, jus­­qu’au début des années 1970, le plus souvent, encou­­ra­­gée à immi­­grer, la
géné­­ra­­tion actuelle reste ani­­mée, du Sud du Rio Grande, au Maghreb et à l’Afrique
sub-­saharienne, mais aussi à l’Asie, par cet espoir de vie meilleure, alors même que
les pays qui les attirent ne sou­­haitent plus les accueillir. Ils n’en consti­­tuent pas
moins, désor­­mais, des commu­­nau­­tés impor­­tantes dont le potentiel pour­­rait être, lui-
­aussi, mieux cana­­lisé et valo­­risé dans les pays hôtes4 comme dans les pays d’ori­­gine.
Pour une seconde caté­­go­­rie d’indi­­vi­­dus, qui demeure, elle, dans son pays d’ori­­
gine, l’impact de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale peut se révé­­ler déter­­mi­­nante sur le
cours de leur exis­­tence. Pen­­dant long­­temps, notam­­ment au sein de l’Union euro­­
péenne, c’est le bénéfice consom­­ma­­teur qui a été mis en avant. Il reste, bien sûr,
appré­­ciable. Mais dans un cer­­tain nombre de pays, ce sont plu­­tôt, par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment
en période de crise, les aspects néga­­tifs qui frappent l’opinion publique. Ce sont,
ainsi, dans les éco­­no­­mies matures, les délocalisations et les ces­­sa­­tions d’acti­­vité
pro­­vo­­quées par la mon­­tée en puis­­sance de la concur­­rence internationale, jugée res­­

1.  C’est ainsi le cas du Canada, qui lance de véri­­tables cam­­pagnes de recru­­te­­ment à l’occa­­sion de dépla­­ce­­ments
de cer­­tains de ses ministres, comme, par exemple, en Europe et, plus par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment, en France au prin­­temps
2012.
2.  Comme l’Allemagne, qui devient une véri­­table terre d’accueil pour les jeunes diplô­­més –ingé­­nieurs,
notamment- des pays d’Europe du Sud, en proie à une progression spec­­ta­­cu­­laire du chô­­mage consé­­cu­­tive à la
crise.
3.  C’est, en par­­ti­­cu­­lier, le cas de l’Inde et de sa nou­­velle prise en compte au plus haut niveau des « N.R.I. », Non
Resident Indians.
4.  Ce qui a donné lieu, en août 2012, à la régu­­la­­ri­­sa­­tion de plu­­sieurs dizaines de milliers d’immi­­grants clan­­des­
­tins par l’admi­­nis­­tra­­tion Obama.

486
Conclu­­sion : De l’audit au plan d’action inter­­na­­tional

pon­­sables de la «désindustrialisation», qui sont très douloureusement res­­sen­­ties.


Dans les éco­­no­­mies émergentes en crois­­sance rapide, ce sont davan­­tage des mou­­ve­
­ments de popu­­la­­tion internes qui attirent à la périphérie des grandes conur­­ba­­tions
une main-­d’œuvre peu ou non qua­­li­­fiée, sur­­ex­­ploi­­tée, qui espère en dépit du peu
qu’elle gagne et d’une pro­­tec­­tion sociale déri­­soire, amé­­lio­­rer l’exis­­tence de leur
famille dans leur région d’ori­­gine.
Ces popu­­la­­tions, pour les unes, affec­­tées par un chô­­mage gran­­dis­­sant, pour les
autres, par une exploi­­ta­­tion qu’elles peinent de plus en plus à sup­­por­­ter, sus­­citent des
mouvements de pro­­tes­­ta­­tion1 qui tra­­duisent l’accrois­­se­­ment des écarts entre groupes
sociaux. Dans les éco­­no­­mies matures, elles appellent à une plus grande jus­­tice éco­
­no­­mique et sociale et à une plus grande soli­­da­­rité face aux dif­­fi­­cultés que génère
l’ouver­­ture in­ternatio­­nale, comme à l’éla­­bo­­ra­­tion de pro­­jets par­­ta­­gés, propres à ini­
­tier une nou­­velle dynamique éco­­no­­mique dans les ter­­ri­­toires ou les sec­­teurs sinis­­
trés. Dans les éco­­no­­mies à crois­­sance rapide, elles engagent à un meilleur par­­tage
des résul­­tats de la crois­­sance, même s’il ne faut pas se faire d’illu­­sions sur l’abou­­
tis­­se­­ment rapide d’ini­­tiatives publiques ou pri­­vées allant dans ce sens.
Les enti­­tés ter­­ri­­toriales, les orga­­ni­­sa­­tions, comme les indi­­vi­­dus, se trouvent ainsi
confron­­tés à des situa­­tions sou­­vent para­­doxales, résul­­tant des muta­­tions bru­­tales de
l’envi­­ron­­ne­­ment :
––des béné­­fices non négli­­geables, pour les uns, en termes de crois­­sance et, pour les
autres, d’accès à une gamme de biens et de ser­­vices élar­­gie, à des conditions de
prix plus avan­­ta­­geuses ;
––des contraintes éco­­no­­miques et sociales consi­­dé­­rables, en termes de dis­­pa­­ri­­tion
d’acti­­vi­­tés et d’emplois, et, finalement, de remise en cause des modèles productifs
et sociaux.
L’ensemble de ces enti­­tés demeure, plus que jamais, mar­­qué par les ten­­sions
contra­­dic­­toires, déter­­mi­­nant la pro­­gres­­sion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale et ses
conséquences, telles que l’ana­­lyse de la pre­­mière par­­tie les des­­sine et telles que
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l’audit de la seconde propose de les mesu­­rer  ; à tout le moins, pour les


organisations.

Défi­­nir les moda­­li­­tés de passage, de l’ana­­lyse à l’action


Mais il ne suf­­fit pas, en effet, de mesu­­rer les consé­­quences de l’ouver­­ture inter­­na­
t­ionale, sur un plan géné­­ral, pour les ter­­ri­­toires, les acti­­vi­­tés et les orga­­ni­­sa­­tions, puis
de dérouler, pour ces der­­nières, le pro­­ces­­sus d’audit jus­­qu’à la mise en œuvre de la
stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation. Encore faut-­il être alors en mesure de maî­­tri­­ser les
dif­­fé­­rentes moda­­li­­tés permettant de pas­­ser à l’action, en éla­­bo­­rant et en exé­­cu­­tant un

1.  Voir repère 1.8 « La croi­­sade mon­­diale des indi­­gnés ».

487
Stratégies d’internationalisation

plan d’action -un «  plan d’affaire  »- inter­­na­­tional, suf­­fi­­sam­­ment flexible et adap­­


table, en lien avec les étapes pré­­cé­­dentes de la démarche.
Cer­­taines d’entre elles, évo­­quées, plus haut, à un titre ou à un autre, dans le corps
de cet ouvrage, valent que l’on insiste sur leur impor­­tance : ce sont, sans pré­­tendre
à l’exhaustivité, les res­­sources à mobi­­li­­ser, la pro­­gram­­ma­­tion à éta­­blir et à adap­­ter
aux cir­­constances, les réseaux à déve­­lop­­per et à acti­­ver, l’ani­­ma­­tion à assu­­rer de
manière dyna­­mique et équilibrée entre la diver­­sité des par­­ties pre­­nantes et le lea­­der­
­ship propre à ins­­pi­­rer et à faire abou­­tir l’ensemble de la démarche.
Les res­­sources à mobi­­li­­ser, tout d’abord, incluent, tout à la fois, les res­­sources
tan­­gibles et intan­­gibles. Dans une perspec­­tive inter­­na­­tionale, ce ne seront pas tou­­
jours les mêmes que celles qui sont néces­­saires au déve­­lop­­pe­­ment de l’orga­­ni­­sa­­tion
dans son espace de référence ori­­gi­­nel.
Les res­­sources tan­­gibles consti­­tuent une base incontour­­nable pour sou­­te­­nir la
recherche d’oppor­­tu­­ni­­tés, étu­­dier leur fai­­sa­­bi­­lité, effec­­tuer les études tech­­niques et
commer­­ciales, mener les mis­­sions d’explo­­ra­­tion ou de pros­­pec­­tion, enga­­ger des
actions de pro­­mo­­tion, ini­­tier et pour­­suivre des négo­­cia­­tions, for­­ma­­li­­ser et mettre en
application des rap­­ports contrac­­tuels, en suivre la réa­­li­­sa­­tion, rebon­­dir sur d’autres
oppor­­tu­­ni­­tés, renfor­­cer et faire évo­­luer les struc­­tures locales et cen­­trales, etc.
Ces actions exigent, en effet, des moyens finan­­ciers qu’il fau­­dra pui­­ser dans les
ressources propres de l’orga­­ni­­sa­­tion, mais qui pour­­ront être éga­­le­­ment mobi­­li­­sées à
l’extérieur, auprès des par­­te­­naires ins­­ti­­tution­­nels, dans l’espace d’ori­­gine et/ou dans
l’espace cible, et/ou auprès de par­­te­­naires finan­­ciers, sous forme de cré­­dits ou
d’investissements. Ce qui sup­­po­­sera de dis­­po­­ser d’une assise finan­­cière et d’une
répu­­ta­­tion suffisamment solides pour per­­mettre l’accès à ces concours à des condi­­
tions accep­­tables.
Elles exigent aussi des moyens humains et des moyens tech­­niques sus­­cep­­tibles
d’être «pro­­je­­tés» au-­delà des espaces fami­­liers où ils se trouvent habi­­tuel­­le­­ment
enga­­gés, sans, pour autant, res­treindre les moyens dis­­po­­nibles pour les opé­­ra­­tions
menées dans l’espace d’ori­­gine. Ces projets extérieurs requèreront des efforts
d’inves­­tis­­se­­ment, de recru­­te­­ment, selon un cahier des charges qui pourra dif­­fé­­rer de
ceux dont l’orga­­ni­­sa­­tion a la pratique.
Ces res­­sources devront être enga­­gées, de plus, en pre­­nant en compte les risques
que comporte chaque opé­­ra­­tion, dès lors qu’elle se déroule hors fron­­tières. Ces
risques ne diffèreront guère, par nature, des risques domes­­tiques – comme le non
paie­­ment ou la faillite d’un client – mais seront moins maitrisables, en ter­­rain moins
fami­­lier. Par ailleurs, des risques spé­­ci­­fiques aux tran­­sac­­tions inter­­na­­tionales
– comme le risque de change – pour­­ront aussi, avec les pré­­cé­­dents, affec­­ter les résul­
­tats de ces opé­­ra­­tions comme, dans les cas les plus extrêmes, mettre en jeu la péren­
­nité de l’organisation elle-­même1.

1.  Voir chapitre 2, sec­­tion 3.

488
Conclu­­sion : De l’audit au plan d’action inter­­na­­tional

Les res­­sources intan­­gibles, par ailleurs, s’avèrent tout autant néces­­saires pour tirer
le maxi­­mum des res­­sources tan­­gibles ainsi mobi­­li­­sées.
Elles correspondent à l’expé­­rience des membres de l’orga­­ni­­sa­­tion, leur connais­­
sance des envi­­ron­­ne­­ments étran­­gers, leur capa­­cité à appré­­hen­­der des situa­­tions qui
les caractérisent et à répondre aux défis qu’elles sus­­citent. Elles incluent le réseau
propre de rela­­tions et de contacts de cha­­cun d’entre eux, leur pra­­tique des inter­­ac­­
tions culturelles, leur fami­­lia­­rité, au-­delà de l’espace d’ori­­gine, avec les pro­­cé­­dures,
les usages, les ins­­ti­­tutions etc.
Elles recouvrent, aussi, l’expé­­rience capi­­ta­­li­­sée de l’orga­­ni­­sa­­tion et sa capa­­cité à
l’utiliser, dans le cadre d’opé­­ra­­tions répé­­titives, comme à la trans­­fé­­rer et à l’adap­­ter
à des opé­­ra­­tions nou­­velles. Ce mana­­ge­­ment du savoir et du savoir-­faire inter­­na­­tional
-ce knowledge management-, dépasse le cadre tech­­nique et commer­­cial, pour inté­­
grer les pro­­cé­­dures et leur pra­­tique, avec leurs dimen­­sions objec­­tives et sub­­jec­­tives.
Il nécessite, de la part de l’orga­­ni­­sa­­tion, non seule­­ment la capa­­cité de défi­­nir la struc­
­ture et les moda­­li­­tés de capi­­ta­­li­­sa­­tion et d’exploi­­ta­­tion de cette «mémoire col­­lec­­
tive», mais, également, celle de moti­­ver et de sti­­mu­­ler ses équipes à y contri­­buer et
à l’enri­­chir, pour consti­­tuer, en lien avec le sys­­tème de veille, un outil opé­­ra­­tion­­nel,
acces­­sible en permanence.
La pro­­gram­­ma­­tion a pour fonc­­tion de struc­­tu­­rer le dérou­­le­­ment des opé­­ra­­tions
internationales enga­­gées, tout en lui ména­­geant une flexi­­bi­­lité et une adap­­ta­­bi­­lité
indispensables pour faire face aux divers aléas. Ceux-­ci pour­­ront, dans une cer­­taine
mesure, être anti­­ci­­pés, en fonc­­tion, notam­­ment, de l’ana­­lyse préa­­lable des risques et
de l’expé­­rience que pos­­sède l’orga­­ni­­sa­­tion de contextes opé­­ra­­tion­­nels simi­­laires ou
compa­­rables.
Cette pro­­gram­­ma­­tion doit, tout d’abord, pré­­ci­­ser et inté­­grer, les dif­­fé­­rentes phases
du pro­­ces­­sus d’opérationnalisation, en les séquençant sui­­vant un ordre qui dépen­­dra
de la nature de l’opé­­ra­­tion ou de l’ensemble des opé­­ra­­tions inter­­na­­tionales envi­­sa­­
gées. Autour de la chro­­no­­logie de base  pour­­ront être aussi iden­­ti­­fiées cer­­taines
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actions particulières pou­­vant être pro­­gram­­mées en paral­­lèle, de manière à pou­­voir


conver­­ger en temps voulu pour par­­ve­­nir au résul­­tat escompté. Cette pro­­gram­­ma­­tion
sera d’autant plus délicate à éta­­blir que les durées d’exé­­cu­­tion ne dépen­­dront pas
uni­­que­­ment de la mobi­­li­­sa­­tion des res­­sources internes. Elles seront tri­­bu­­taires de
parties prenantes externes – sous-traitants, par­­te­­naires, cocontractants – ou des
clients eux-­mêmes, qui n’obéi­­ront pas tou­­jours à la même logique que celle de
l’orga­­ni­­sa­­tion.
Elle doit aussi inté­­grer l’incer­­ti­­tude et les aléas de réa­­li­­sa­­tion. Ceux-­ci seront
iden­­ti­­fiés à par­­tir de l’ana­­lyse préa­­lable des risques et des inci­­dents cri­­tiques récur­­
rents, repé­­rés à la lumière de l’expé­­rience capi­­ta­­li­­sée de l’orga­­ni­­sa­­tion. Ils seront
pris en compte aux étapes suc­­ces­­sives de la chro­­no­­logie de base et ser­­vi­­ront à for­­
mu­­ler différentes hypo­­thèses per­­met­­tant de mieux anti­­ci­­per les délais d’exé­­cu­­tion et
d’opti­­mi­­ser, en conséquence, la mobi­­li­­sa­­tion des res­­sources.

489
Stratégies d’internationalisation

Cer­­taines opé­­ra­­tions complexes – appel d’offres impor­­tant, créa­­tion d’implan­­ta­­


tion liée à l’octroi de licence de la part des auto­­ri­­tés locales, opé­­ra­­tion d’acqui­­si­­tion
particulièrement dis­­pu­­tée, par exemple – pour­­ront même don­­ner lieu à l’éla­­bo­­ra­­tion
de véritables scé­­na­­rios. Ils per­­met­­tront de mieux éva­­luer, au fur et à mesure du
développement de l’opé­­ra­­tion, l’évo­­lu­­tion des coûts/béné­­fices atten­­dus tout au long
de son dérou­­le­­ment. S’en trou­­veront faci­­li­­tées les déci­­sions d’enga­­ge­­ment de nou­­
velles ressources, ou, à l’inverse, de désen­­ga­­ge­­ment, au cas où les élé­­ments défa­­vo­
­rables à l’abou­­tis­­se­­ment du pro­­ces­­sus dépas­­se­­raient un cer­­tain niveau préa­­la­­ble­­ment
déterminé.
La mobi­­li­­sa­­tion des réseaux consti­­tue un élé­­ment clé, sou­­vent sous estimé, de
l’opérationnalisation  : faute d’en reconnaitre l’impor­­tance, de pré­­ci­­ser leur
« géométrie », de for­­mu­­ler leurs moda­­li­­tés d’acti­­vation, l’orga­­ni­­sa­­tion compro­­met­­
trait ses chances de réus­­site. Inté­­res­­sant l’ensemble des par­­ties pre­­nantes qui sont
direc­­te­­ment ou indi­­rec­­te­­ment concer­­nées, de l’amont à l’aval de l’opé­­ra­­tion, ces
réseaux incluent les par­­te­­naires prêts à en faci­­li­­ter l’accès à cha­­cune de ses étapes.
Elle sup­­pose l’éta­­blis­­se­­ment d’une « topo­­gra­­phie » des contacts à éta­­blir et à entre­
­te­­nir, pour, d’une part, en rendre pos­­sible la réa­­li­­sa­­tion, sui­­vant l’échéan­­cier prévu,
et, d’autre part, pour iden­­ti­­fier et sur­­mon­­ter les obs­­tacles qui pour­­raient contra­­rier
son aboutissement.
Les contacts faci­­li­­tant la réa­­li­­sa­­tion des opé­­ra­­tions relèvent, tout à la fois, de
l’expé­­rience et de la capi­­ta­­li­­sa­­tion effec­­tuée au sein de l’orga­­ni­­sa­­tion, par ses
équipes et par cha­­cun de ses col­­la­­bo­­ra­­teurs. Y seront uti­­le­­ment asso­­ciés des par­­te­­
naires aux acti­­vi­­tés complé­mentaires ou comparables, entre­­te­­nant avec l’orga­­ni­­sa­­
tion des rapports de coopé­­ra­­tion por­­tant sur un éven­­tail plus ou moins large d’entre
elles. Ces contacts et par­­te­­na­­riats, consti­­tutifs de véri­­tables réseaux, seront propres
à chaque catégorie d’opé­­ra­­tion inter­­na­­tionale et/ou à chaque espace de réfé­­rence
géo-­sectoriel. Chaque nou­­velle opé­­ra­­tion don­­nera lieu à une sélec­­tion de ces
contacts qui seront jugés essentiels ou impor­­tants,  en les mobi­­li­­sant selon des
moda­­li­­tés et un calen­­drier bien déter­­miné, lais­­sant en sus­­pens les autres pour les
sol­­li­­ci­­ter autant que de besoin.
Les contacts per­­met­­tant la pré­­ven­­tion des obs­­tacles à la réa­­li­­sa­­tion des opé­­ra­­tions
ne dif­­fèrent guère, par nature, des pré­­cé­­dents. Ils procèderont, comme eux, de
l’expé­­rience indi­­vi­­duelle et col­­lec­­tive, mais ils seront aussi pres­­cris par le sys­­tème
de veille, dont le rôle est tout autant d’anti­­ci­­per que de capi­­ta­­li­­ser, en identifiant les
trans­­for­­ma­­tions signi­­fi­­ca­­tives de l’envi­­ron­­ne­­ment, favo­­rables et défa­­vo­­rables à
l’orga­­ni­­sa­­tion, enga­­geant à étendre le maillage des réseaux au-­delà du péri­­mètre
défini par les opé­­ra­­tions pas­­sées. Cette exten­­sion des réseaux pourra prendre,
notamment, en compte les « signaux faibles » annon­­çant les trans­­for­­ma­­tions sus­­cep­
­tibles d’inter­­ve­­nir à une échéance plus loin­­taine, condui­­sant, par exemple, à y inté­­
grer leaders d’opi­­nion, groupes de pres­­sion et media, et, plus géné­­ra­­le­­ment, toutes
les enti­­tés tou­­chées ou sus­­cep­­tibles d’être tou­­chées, à un titre ou à un autre, par les
opé­­ra­­tions de l’organisation et leur déve­­lop­­pe­­ment.

490
Conclu­­sion : De l’audit au plan d’action inter­­na­­tional

L’ani­­ma­­tion et le lea­­der­­ship, enfin, jouent un rôle déci­­sif dans l’exé­­cu­­tion du


plan d’action. Ils inté­­ressent la manière dont l’ani­­ma­­tion des opé­­ra­­tions inter­­na­­
tionales est mise en place et les rap­­ports qui s’éta­­blissent au sein et entre les équipes
concer­­nées. Ils intéressent aussi la per­­son­­na­­lité et le pro­­fil des res­­pon­­sables dési­­gnés
pour les coor­­don­­ner et les mener heu­­reu­­se­­ment à leur terme, comme de la vision
inter­­na­­tionale du ou des diri­­geant de l’organisation.
L’ani­­ma­­tion de l’opérationnalisation va s’inté­­grer dans le cadre inter­­na­­tional
d’ensemble retenu par l’orga­­ni­­sa­­tion, à chaque phase du plan d’action, selon le par­
­tage des rôles défini entre le siège et les dif­­fé­­rentes loca­­li­­sa­­tions impli­­quées. Ce qui
sup­­po­­sera que ce partage ait été bien déter­­miné et adapté à la nature des opé­­ra­­tions
concer­­nées, selon l’impor­­tance que revêtent les contextes locaux, d’une part, selon
la répar­­tition des compétences entre les dif­­fé­­rentes loca­­li­­sa­­tions, d’autre part.
Compte tenu du degré de diver­­sité et de nou­­veauté des actions à enga­­ger, cette ani­­
ma­­tion du plan d’action devra être plus ou moins stan­­dar­­di­­sée. Plus les opé­­ra­­tions
dépas­­se­­ront le champ d’expérience de l’orga­­ni­­sa­­tion, plus elles pré­­sen­­te­­ront un
carac­­tère spé­­ci­­fique, plus l’ani­­ma­­tion devra s’adap­­ter et le pro­­fil per­­son­­nel et pro­­
fes­­sion­­nel du ou des res­­pon­­sables chargé(s) du plan d’action sera impor­­tant. L’atten­
­tion por­­tée aux équipes, les moda­­li­­tés d’établissement des rela­­tions entre elles et
leur ani­­ma­­teur, leur responsabilisation, la mise à pro­­fit de leurs capa­­ci­­tés créa­­trices
et de leur sens de l’ini­­tiative, consti­­tue­­ront autant de fac­­teurs de réussite pour la
bonne exé­­cu­­tion de l’action pro­­gram­­mée.
L’impor­­tance des pro­­fils et du lea­­der­­ship dans une telle perspec­­tive peut à elle-­
seule, déter­­mi­­ner le suc­­cès ou l’échec des opé­­ra­­tions enga­­gées. Chaque opé­­ra­­tion
ou ensemble d’opé­­ra­­tions sup­­pose que la cohé­­sion entre les membres de chaque
équipe et entre les équipes impli­­quées soit aussi forte que pos­­sible, que leur
« ciment », leur social glue, leur pro­­cure une cohé­­sion garante de leur effi­­ca­­cité.
Elles le seront sur­­tout dans les contextes où seront mis en rela­­tion des acteurs indi­
­vi­­duels et ins­­ti­­tution­­nels de pro­­ve­­nances variées, mar­­qués par leur natio­­na­­lité, les
valeurs et les tra­­di­­tions de leurs métiers et de leurs activités, comme par les struc­­
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

tures et les fonc­­tions dans les­­quelles ils opèrent. C’est à ce niveau que les qua­­li­­tés
rela­­tion­­nelles, orga­­ni­­sa­­tion­­nelles, inter­cultu­­relles des res­­pon­­sables devront per­­
mettre l’unité d’action d’ensembles humains et de struc­­tures, sou­­vent très
disparates, dans un contexte inter­­na­­tional. Res­­pon­­sables de pro­­jets, d’implan­­ta­­
tions, de fonctions ainsi que leurs super­­vi­­seurs, au siège, comme dans le cadre de
sub­­di­­vi­­sions territoriales ou de groupes d’acti­­vi­­tés, devront donc faire l’objet d’un
«  pro­­fi­­lage  » atten­­tif. Celui-­ci devra prendre en compte, là encore, l’expé­­rience
capi­­ta­­li­­sée de l’orga­­ni­­sa­­tion mais, aussi, anticiper les situa­­tions aux­­quelles cha­­cun
pourra se trou­­ver confronté, compte tenu des muta­­tions de l’environnement dans
lequel va se situer chaque opération.
Mais c’est, en défi­­ni­­tive, au niveau de la vision d’ensemble du déve­­lop­­pe­­ment
international que l’on «boucle la boucle» entre le plan d’action et l’ana­­lyse. Elle
éta­­blit l’unité, dans les orga­­ni­­sa­­tions, encore en phase ini­­tiale d’inter­­na­­tiona­­li­­sation

491
Stratégies d’internationalisation

ou de déve­­lop­­pe­­ment local, entre le cadre géné­­ral qui des­­sine le modèle d’affaire et


les dif­­fé­­rentes actions entreprises, au niveau domes­­tique comme hors fron­­tières.
Dans les orga­­ni­­sa­­tions mul­­ti­­natio­­nales, déjà lar­­ge­­ment déployées géo­­gra­­phi­­que­­
ment, elle facilitera la réa­­li­­sa­­tion de l’inté­­gra­­tion néces­­saire entre les diverses
structures qui composent l’ensemble entre les diverses zones, les dif­­fé­­rentes acti­­vi­­
tés, les dif­­fé­­rentes équipes.
Cette néces­­sité de déve­­lop­­per une vision d’ensemble peut, d’ailleurs, être éten­­due
aux autres enti­­tés confron­­tées comme les orga­­ni­­sa­­tions à l’ouver­­ture inter­­na­­tionale,
en par­­ti­­cu­­lier les ter­­ri­­toires – groupes de pays, pays, régions, muni­­ci­­pa­­li­­tés, comme
évo­­qué dans les cha­­pitres qui précèdent –. Elles doivent, elles aussi, se pro­­je­­ter dans
l’espace et dans l’ave­­nir.
Pour celles-ci, comme pour celles-là, cela sup­­pose, au niveau de leur gou­­ver­­nance,
une réelle capacité à per­­ce­­voir les évo­­lu­­tions et les poten­­tia­­li­­tés de l’envi­­ron­­ne­­ment,
comme à se positionner dans un futur tout à la fois proche et loin­­tain, et à éta­­blir un
che­­mi­­ne­­ment réa­­liste pour atteindre les objectifs qui se dégageront de cette
démarche.
Cette vision peut être, pour les orga­­ni­­sa­­tions de taille plus modeste, le pro­­duit
d’une concertation effi­­cace entre par­­ties pre­­nantes internes, envi­­sa­­geable dans le
cercle res­treint des déci­­deurs – associant, par exemple, mana­­gers et action­­naires
clés –. Dans d’autres, de plus grande taille, plus lar­­ge­­ment déployées géo­­gra­­phi­­que­
­ment, plus inté­­grées et plus a­vancées sur le plan orga­­ni­­sa­­tion­­nel, devant asso­­cier
local et glo­­bal dans un cadre géographique élargi, ce cercle devra asso­­cier les
acteurs clés des dif­­fé­­rentes fonc­­tions et localisations. Ne serait-­ce que pour per­­
mettre, à la fois, adap­­ta­­tion et anti­­ci­­pation autour d’un pro­­jet commun comme sa
décli­­nai­­son à tous ces niveaux. Une telle concer­­ta­­tion est encore plus indis­­pen­­sable
dans le cadre, sou­­vent plus démo­­cra­­tique, d’autres entités – collectivités locales ou
ONG, par exemple –, sans pour autant être plus facile à réaliser.
Dans de nom­­breux cas, cette vision d’ensemble pourra se confondre – à cer­­taines
étapes clés du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional, du moins – avec celle d’un diri­­geant
charismatique ; créa­­teur ou successeur – capable de mobi­­li­­ser et de maî­­tri­­ser la plu­
­part des capa­­ci­­tés d’ana­­lyse, d’anticipation et de mise en œuvre, pré­­cé­­dem­­ment
évo­­quées. Dans les exemples figu­­rant dans cet ouvrage la réus­­site de nombre d’entre
elles est le résul­­tat de la vision comme de l’action de telles per­­son­­na­­li­­tés1. Est-­ce
parce que celles-­ci ont su incar­­ner et asso­­cier de façon par­­ti­­cu­­liè­­re­­ment heu­­reuse
l’ensemble des poten­­tia­­li­­tés que rece­­laient ces orga­­ni­­sa­­tions avec les oppor­­tunités
offertes par l’envi­­ron­­ne­­ment inter­­na­­tional ? Ou est-­ce parce qu’elles ont su faire
émer­­ger de ces orga­­ni­­sa­­tions une vision propre à leur per­­mettre de connaître un tel
développement ?

1.  Comme Zembrano, chez Cemex, Owen Jones, chez L’Oréal, Ren Zengfei, chez Huawei, Goshn, chez Renault-
­Nissan, etc..

492
Conclu­­sion : De l’audit au plan d’action inter­­na­­tional

Sans doute, la réponse à ces ques­­tions par­­ti­­cipe des deux. Mais, à l’issue de cette
série de réflexion sur les stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, l’impor­­tance de la vision
d’ensemble, de sa cohé­­rence avec les actions entre­­prises à l’inter­­na­­tional comme
avec la mobi­­li­­sa­­tion effi­­cace des équipes et des res­­sources, se révèlent les meilleurs
garants de leur réus­­site. Elles exigent de combi­­ner à bon escient, de manière tout à
la fois, réac­­tive et pro-­active, en per­­ma­­nence, les «leviers»1 que consti­­tuent l’inno­­
va­­tion des pro­­duits et ser­­vices comme des pro­­ces­­sus, la flexi­­bi­­lité organisationnelle,
la recherche de la profitabilité à long terme, repo­­sant à la fois sur la productivité et
la qua­­lité, face à une concur­­rence plus large et plus offensive dans l’espace décloi­­
sonné qui est, désor­­mais, le leur pour longtemps.

1.  Cf. niveau 3 du modèle PREST.

493
Biblio­­gra­­phie
et cas de réfé­­rence

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503
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Cas intro­­duc­­tifs/cas d’appli­­ca­­tion et cas complé­­men­­taires


en ver­­sion péda­­go­­gique déve­­lop­­pée (pour chaque cha­­pitre de l’ouvrage)
N.B. Cha­­cun des cas ci-­dessous, uti­­li­­sable en réfé­­rence de chaque cha­­pitre de cet ouvrage,
sera dis­­po­­nible en fran­­çais et en anglais avec une notice péda­­go­­gique, un jeu de trans­­pa­­
rents PPT et des sujets d’exa­­men et/ou un quiz, à la Cen­­trale des cas et des moyens péda­­
go­­giques. (dis­­po­­ni­­bi­­lité pré­­vue : 2013 / 2014, avec, en priorité, les cas intro­­duc­­tifs et les
cas d’appli­­ca­­tion) La plu­­part d’entre eux sont sus­­cep­­tibles d’être uti­­li­­sés pour d’autres
cha­­pitres.

Cha­­pitre 1 : L’inten­­si­­fi­­ca­­tion de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale


Lemaire J.P., « Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière et finan­­cière » (cas intro­
­duc­­tif)
•• Iden­­ti­­fi­­cation des dif­­fé­­rentes facettes de l’ouver­­ture inter­­na­­tionale, impact des chocs
conjonc­­tu­­rels et impli­­ca­­tions opé­­ra­­tion­­nelles pour les orga­­ni­­sa­­tions (chapitre 1)
•• Inci­­ta­­tions pour la mul­­ti­­natio­­nale mexi­­caine, « cham­­pion inter­­na­­tional » à se déve­­lop­­per
hors des fron­­tières de son pays d’ori­­gine (chapitre 4)
•• Diag­­nos­­tic (re)for­­mu­­la­­tion et mise en œuvre de la Stra­­té­­gie d’Inter­­na­­tiona­­li­­sation
(chapitres 7 & 8)
Lemaire J.P., « Renault en Inde : de l’horizontalisation à la verticalisation » (cas complé­­
men­­taire)
•• Diver­­si­­fi­­ca­­tion des formes d’inter­­na­­tiona­­li­­sation des orga­­ni­­sa­­tions, dis­­tinction horizonta­
lisation/verticalisation (chapitre 1).

504
Biblio­­gra­­phie et cas de réfé­­rence

•• Dyna­­mique des acti­­vi­­tés/sec­­teurs/indus­­tries dans les éco­­no­­mies à crois­­sance rapide  :


iden­­ti­­fi­­cation des variables déter­­mi­­nantes de leur évo­­lu­­tion (chapitre 3)
•• Appli­­ca­­tion des dif­­fé­­rentes étapes de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle au sec­­teur auto­­mo­­bile en Inde :
lignes de force, dyna­­mique concur­­ren­­tielle et fac­­teurs clés de suc­­cès (chapitre 6)
•• Remise en cause et mise en œuvre de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, ajus­­te­­ments du
modèle éco­­no­­mique dans le cadre d’une approche « foca­­li­­sée » (chapitres 7 & 8)
Lemaire J.P., Thang Trunong Thi Nam, « Le sec­­teur ban­­caire Viet­­na­­mien face défis de
l’ouver­­ture » , (cas complé­­men­­taire)
•• Muta­­tions de l’envi­­ron­­ne­­ment politico-­économique viet­­na­­mien et impact de l’ouver­­ture
inter­­na­­tionale sur le sec­­teur ban­­caire après l’adhé­­sion à l’OMC (chapitre 6)
•• Inci­­ta­­tions et obs­­tacles au déve­­lop­­pe­­ment d’un sec­­teur ban­­caire moderne dans une éco­­
no­­mie en tran­­si­­tion dans un sec­­teur étroi­­te­­ment régle­­menté (chapitre 2)
•• Stra­­té­­gies de déve­­lop­­pe­­ment des banques étran­­gères au Vietnam : les dif­­fé­­rentes options
stra­­té­­giques (chapitre 7)
Lemaire J.P, Bui L.H., « Vietnam : les défis de l’Orga­­ni­­sa­­tion mondiale du commerce » (cas
d’appli­­ca­­tion)
•• Déter­­mi­­na­­tion des moda­­li­­tés d’ouver­­ture inter­­na­­tionale d’une éco­­no­­mie long­­temps iso­­lée
et réac­­tions des dif­­fé­­rentes par­­ties pre­­nantes internes/externes (chapitre 1)
•• Dilemme ouver­­ture/ pro­­tec­­tion des ter­­ri­­toires, enjeux aux­­quels ils sont confron­­tés et poli­­
tiques qu’ils peuvent déve­­lop­­per, risques qu’ils peuvent pré­­sen­­ter pour les inves­­tis­­seurs,
expor­­ta­­teurs et impor­­ta­­teurs (chapitre 2)
•• Appli­­ca­­tion de la grille « 4 x i » : posi­­tion­­ne­­ment dyna­­mique du ter­­ri­­toire et impli­­ca­­tions
pour les inves­­tis­­seurs et expor­­ta­­teurs étran­­gers (chapitre 2)
•• Appli­­ca­­tion à une éco­­no­­mie en tran­­si­­tion de la démarche d’audit pro­­po­­sée aux orga­­ni­­sa­­
tions (diag­­nos­­tic, for­­mu­­la­­tion et mise en œuvre stra­­té­­gique), décli­­nai­­son des poli­­tiques
d’attractivité, de pro­­tec­­tion et de pro­­mo­­tion (chapitres 7 & 8).

…Et aussi pour illustrer/appliquer les concepts/outils de ce chapitre


Lemaire J.P., «  Com­in Asia à la croi­­sée des che­­mins  », (par­­ties 1 & 2) (cas intro­­duc­­tif,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

chapitre 7)
Bui L.H., Lemaire J.P, «  Big C au Vietnam  » (par­­ties 1 & 2) (cas complé­­men­­taire,
chapitre 7)

Cha­­pitre 2 : La dyna­­mique inter­­na­­tionale des ter­­ri­­toires


Lemaire J.P., Lopez D., « Promesas Argentinas » (cas intro­­duc­­tif)
•• Iden­­ti­­fi­­cation, pour une éco­­no­­mie à tra­­di­­tion libé­­rale, dans un contexte de crise, des
enjeux aux­­quels elle est confron­­tée, des poli­­tiques déve­­lop­­pées par les auto­­ri­­tés et des
« macro risques » cou­­rus par les inves­­tis­­seurs, expor­­ta­­teurs et impor­­ta­­teurs (chapitre 2)
•• Appli­­ca­­tion de la grille « 4 x i » : posi­­tion­­ne­­ment dyna­­mique du ter­­ri­­toire et impli­­ca­­tions
pour les inves­­tis­­seurs et expor­­ta­­teurs étran­­gers en matière de modes d’entrée
(chapitre 2)

505
Stratégies d’internationalisation

•• Appli­­ca­­tion à un tel ter­­ri­­toire de la démarche d’audit pro­­po­­sée aux orga­­ni­­sa­­tions (diag­­


nos­­tic, for­­mu­­la­­tion et mise en œuvre stra­­té­­giques, se tra­­dui­­sant en poli­­tiques d’attractivité,
de pro­­tec­­tion et de pro­­mo­­tion (chapitres 7 & 8)
Lemaire J.P., « L’In­do French connection »(cas d’appli­­ca­­tion)
•• Iden­­ti­­fi­­cation, des «  macro-­risques  » et, sur­­tout des «  micro-­risques  » aux­­quels est
confron­­tée une TPE opé­­rant à par­­tir d’Inde (chapitre 2)
•• Ana­­lyse de l’évo­­lu­­tion d’un modèle éco­­no­­mique inter­­na­­tional, déter­­mi­­na­­tion des pro­­blé­­
ma­­tiques et de l’espace de réfé­­rence au fil du déve­­lop­­pe­­ment d’une TPE (chapitre 5)
•• Diag­­nos­­tic inter­­na­­tional, for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation d’une
TPE (entrepreneuriat inter­­na­­tional) : (chapitres 7 & 8)

…Et aussi pour illustrer/appliquer les concepts/outils de ce chapitre


Lemaire J.P, Bui L.H., Vietnam : les défis de l’Orga­­ni­­sa­­tion Mon­­diale du Commerce (cas
d’appli­­ca­­tion du cha­­pitre 1)
Bui L.H., Lemaire J.P, « Big C au Vietnam » (par­­tie 1 & 2), (cas complé­­men­­taire, cha­­pitre 1)
Lemaire J.P., Thang Trunong Thi Nam, « Le sec­­teur ban­­caire Viet­­na­­mien face défis de
l’ouver­­ture », (cas complé­­men­­taire, cha­­pitre 7)
Lemaire J.P., « Power Plants in Asia » (cas complé­­men­­taire, cha­­pitre 4)
Lemaire J.P., « IBS Zan­­zi­­bar et son modèle d’affaire évo­­lu­­tif », (cas complé­­men­­taire, cha­
pitre 5)

Cha­­pitre 3 : La dyna­­mique inter­­na­­tionale des acti­­vi­­tés


Lemaire J.P., Lopez D., « Wines of Argentina », (cas intro­­duc­­tif)
•• Contexte d’évo­­lu­­tion rapide vers la mon­­dia­­li­­sa­­tion d’un sec­­teur tra­­di­­tion­­nel de biens de
consom­­ma­­tion et posi­­tion­­ne­­ment des dif­­fé­­rents pays pro­­duc­­teurs (chapitre 3)
•• Appli­­ca­­tion étape par étape de l’ana­­lyse externe du sec­­teur mon­­dial/argen­­tin du vin,
lignes de force, dyna­­mique concur­­ren­­tielle et fac­­teurs clés de suc­­cès (chapitre 6)
•• Diag­­nos­­tic inter­­na­­tional, – for­­mu­­la­­tion de la stra­­té­­gie mon­­diale d’un groupe de par­­te­­
naires – syner­­gies entre acteurs publics et acteurs pri­­vés, dans le cadre d’une approche
« tous azi­­muts » : (chapitre 7)
•• Mise en œuvre d’une stra­­té­­gie fonc­­tion­­nelle (mar­­ke­­ting) dans le cadre de l’approche
« foca­­li­­sée » d’ un pays déter­­miné (Royaume Uni) : (chapitre 8)
Lemaire J.P., « La Cimen­­te­­rie Natio­­nale (Liban) » (cas complé­­men­­taire)
•• Contexte d’évo­­lu­­tion d’un sec­­teur tra­­di­­tion­­nel au niveau régio­­nal dans un envi­­ron­­ne­­ment
poli­­ti­­que­­ment et éco­­no­­mi­­que­­ment très instable (chapitre 3)
•• Appli­­ca­­tion étape par étape de l’ana­­lyse externe à un sec­­teur du ciment dans un espace
de réfé­­rence régio­­nal élargi (Moyen Orient/Médi­­ter­­ra­­née/Monde) : lignes de force, dyna­
­mique concur­­ren­­tielle et fac­­teurs clés de suc­­cès (chapitre 6)
•• Diag­­nos­­tic inter­­na­­tional, iden­­ti­­fi­­cation des stra­­té­­gies de déve­­lop­­pe­­ment d’une entre­­prise
fami­­liale de taille moyenne à par­­tir d’un espace de réfé­­rence régio­­nal ; déter­­mi­­na­­tion des
voies d’évo­­lu­­tion pos­­sibles à terme : (chapitre 7)

506
Biblio­­gra­­phie et cas de réfé­­rence

Lemaire J.-P, Petit G., « Le sec­­teur auto­­mo­­bile euro­­péen : ceux qui rient et ceux qui pleu-
rent » (cas d’appli­­ca­­tion)
•• Muta­­tions du sec­­teur de l’auto­­mo­­bile et éva­­lua­­tion de son degré de globalisation, iden­­ti­­
fi­­cation des groupes d’acteurs natio­­naux et des stra­­té­­gies déve­­lop­­pées (chapitre 3)
•• Ana­­lyse externe étape par étape du sec­­teur de l’auto­­mo­­bile dans l’espace euro­­péen  :
lignes de force, dyna­­mique concur­­ren­­tielle et fac­­teurs clés de suc­­cès (chapitre 6)
•• Diag­­nos­­tic inter­­na­­tional, iden­­ti­­fi­­cation des stra­­té­­gies de développement d’acteurs euro­­
péens clés (cf. PSA, VW) à partir de cet espace de réfé­­rence, (chapitre 7)
Baron-Renault B., Lemaire J.-P, Petit G., « Le résis­­tible déve­­lop­­pe­­ment du sec­­teur ban­
­caire russe » (cas complé­­men­­taire)
•• Les obs­­tacles au déve­­lop­­pe­­ment d’un sec­­teur ban­­caire moderne dans une éco­­no­­mie en
tran­­si­­tion dans un cadre poli­­tique et éco­­no­­mique instable (chapitre 3)
•• Ana­­lyse externe étape par étape du sec­­teur ban­­caire en Russie  : lignes de force, dyna­­
mique concur­­ren­­tielle et fac­­teurs clés de suc­­cès (chapitre 6)
•• Stra­­té­­gies de déve­­lop­­pe­­ment des banques étran­­gères en Russie  : les dif­­fé­­rentes options
stra­­té­­giques (chapitre 7)

…Et aussi pour illustrer/appliquer les concepts/outils de ce chapitre


Lemaire J.P., « Renault en Inde : de l’horizontalisation à la verticalisation » (cas complé­­
men­­taire, cha­­pitre 1)
Lemaire J.P., « Le sec­­teur des cos­­mé­­tiques modernes en Inde, une créa­­tion ex nihilo !, (cas
intro­­duc­­tif, chapitre 6)
Lemaire J.P., « Le sec­­teur ban­­caire en Inde : les défis de l’inclu­­sion » (cas complé­­men­­taire
du chapitre 6)
Lemaire J.P., Thang Trunong Thi Nam, « Le sec­­teur ban­­caire Viet­­na­­mien face défis de
l’ouver­­ture » (cas complé­­men­­taire, chapitre 1)
Lemaire J.P., « Ama­­dou à la recherche d’un mana­­ge­­ment à l’Afri­­caine »,(cas complé­­men­­
taire, chapitre 8)
Amdam R.P., Holm M.E., Lemaire J.P., «Yara » (par­­tie 1 et par­­tie 2), (cas d’appli­­ca­­tion,
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

chapitre 8)

Cha­­pitre 4 : La dyna­­mique inter­­na­­tionale des orga­­ni­­sa­­tions


Lemaire J.P., « Huawei, la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der tech­­no­­lo­­gique mon­­dial » (cas
intro­­duc­­tif)
•• Inci­­ta­­tions internes/externes à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation et séquencement du déve­­lop­­pe­­ment
d’un cham­­pion inter­­na­­tional chi­­nois ; moda­­li­­tés de la « remon­­tée de filière » et pro­­ces­­sus
d’éta­­blis­­se­­ment d’un « lea­­der­­ship tech­­no­­lo­­gique » au niveau mon­­dial (chapitre 4)
•• Diag­­nos­­tic d’inter­­na­­tiona­­li­­sation aux dif­­fé­­rents stades du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional et
stra­­té­­gies d’inter­­na­­tiona­­li­­sation au cours de ses phases suc­­ces­­sives (chapitre 7).
•• Iden­­ti­­fi­­cation des contraintes de mise en œuvre dans le cadre d’une crois­­sance inter­­na­­
tionale accé­­lé­­rée, au niveau fonc­­tion­­nel, orga­­ni­­sa­­tion­­nel et cultu­­rel (chapitre 8)

507
Stratégies d’internationalisation

Lemaire J.P., « Power Plants in Asia »(cas complé­­men­­taire)


•• Spé­­ci­­ficité des pro­­jets inter­­na­­tionaux d’infra­­struc­­ture, diver­­sité des par­­ties pre­­nantes et
évo­­lu­­tion des modèles éco­­no­­miques cor­­res­­pon­­dant à ces opé­­ra­­tions (chapitre 4)
•• Iden­­ti­­fi­­cation des macro risques (risques poli­­tiques, risque pays) et des contraintes finan­
­cières liés aux opé­­ra­­tions d’infra­­struc­­ture ; impact des crises régio­­nales (chapitre 2)
•• Moda­­li­­tés de cou­­ver­­ture des risques liés aux pro­­jets, en amont et en aval des opé­­ra­­tions,
mon­­tages finan­­cier acces­­sibles (chapitre 2 & 8)
Lemaire J.P., « Elton, le défi séné­­ga­­lais aux majors des hydro­­car­­bures » (cas complé­­men­­
taire)
•• Séquencement du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional d’une entre­­prise moyenne issue d’une éco­
­no­­mie émergente (pas­­sage entre phases 1 et 2) (chapitre 4)
•• Ana­­lyse du modèle éco­­no­­mique d’une entre­­prise locale et de ses évo­­lu­­tions au fil de son
déve­­lop­­pe­­ment, déter­­mi­­na­­tion de son espace d’expan­­sion géo-­sectoriel, chapitre 5)
•• Ana­­lyse d’un sec­­teur (distribution d’hydro­­car­­bures) dans un envi­­ron­­ne­­ment en muta­­tion
rapide (Sénégal et Afrique de l’Ouest), émer­­gence d’une concur­­rence natio­­nale face aux
majors inter­­na­­tionaux (chapitre 6)
•• Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion d’une stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation dans un espace géo-­
sectoriel de proxi­­mité (chapitre 7)
Lemaire J.P., Magnier-Watanabe R. «  Sidel, une dyna­­mique inter­­na­­tionale «  tous azi­­
muts » (cas d’appli­­ca­­tion),
•• Séquencement du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional « tous azi­­muts » d’une entre­­prise moyenne
lea­­der mon­­dial de niche à par­­tir d’Europe (chapitre 4)
•• Évo­­lu­­tion du modèle éco­­no­­mique et de la gou­­ver­­nance de cette entre­­prise au fil de son
déve­­lop­­pe­­ment, iden­­ti­­fi­­cation de ses pro­­blé­­ma­­tiques d’inter­­na­­tiona­­li­­sation, (chapitre 5)
•• Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion d’une stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation dans un espace géo-­
sectoriel mon­­dia­­lisé (chapitre 7)

…Et aussi pour illustrer/appliquer les concepts/outils de ce chapitre


Lemaire J.P, Lemaire J.P., « Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière et finan­­
cière » (cas intro­­duc­­tif chapitre 1)
Lemaire J.P., « Com­in Asia à la croi­­sée des che­­mins », (cas intro­­duc­­tif, cha­­pitre 7)
Bui L.H., Lemaire J.P, « Big C au Vietnam » (par­­tie 1 & 2), (cas complé­­men­­taire, chapitre 7)
Lemaire J.P., « Arcor, ‘latino globale’ et fami­­liale, envers et contre tout », (cas d’appli­­ca­­
tion, chapitre 7)
Lemaire J.P., « Jérôme ou l’osmose thaïe », (cas intro­­duc­­tif, chapitre 8)

Cha­­pitre 5 : Struc­­tu­­rer la démarche d’audit d’inter­­na­­tiona­­li­­sation


Lemaire J.-P., « ESCP Europe face aux muta­­tions de la “globalisation aca­­dé­­mique” » (cas
intro­­duc­­tif)
•• Ana­­lyse du modèle éco­­no­­mique d’une orga­­ni­­sa­­tion « non pro­­fit » dans un envi­­ron­­ne­­ment
glo­­ba­­lisé et de ses évo­­lu­­tions au fil de son déve­­lop­­pe­­ment, déter­­mi­­na­­tion de son espace
d’expan­­sion géo-­sectoriel, (chapitre 5)

508
Biblio­­gra­­phie et cas de réfé­­rence

•• Appli­­ca­­tion étape par étape de l’ana­­lyse externe du sec­­teur de l’ensei­­gne­­ment supé­­rieur


de ges­­tion et de ses muta­­tions récentes, lignes de force, dyna­­mique concur­­ren­­tielle et fac­
­teurs clés de suc­­cès dans le cadre d’une approche « tous azi­­muts » (chapitre 6)
•• Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion d’une stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation dans un espace géo-­
sectoriel euro­­péen/glo­­bal (chapitre 7)
Lemaire J.-P., « IBS Zan­­zi­­bar et son modèle d’affaire évo­­lu­­tif », (cas complé­­men­­taire)
•• Ana­­lyse du modèle éco­­no­­mique d’une TPE dans une éco­­no­­mie émergente et de ses évo­­lu­
­tions au fil de son déve­­lop­­pe­­ment, déter­­mi­­na­­tion de son espace d’expan­­sion géo-­sectoriel,
(chapitre 5)
•• Ana­­lyse des risques (macro-­risques et micro-­risques) liés à ses dif­­fé­­rentes acti­­vi­­tés ; iden­
­ti­­fi­­cation des modes de cou­­ver­­ture pos­­sibles (chapitres 2 & 8)
•• Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion d’une stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation dans un espace géo-­
sectoriel de proxi­­mité ou dis­­tant (chapitre 7)
Lemaire J.-P., « Gou­­ver­­nance à l’Algé­­rienne », (cas complé­­men­­taire)
•• Ana­­lyse du modèle éco­­no­­mique et de la gou­­ver­­nance d’une entre­­prise fami­­liale dans une
éco­­no­­mie émergente du sec­­teur agro-­alimentaire et de ses évo­­lu­­tions au fil de son déve­­
lop­­pe­­ment, (chapitre 5)
•• Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion d’une stra­­té­­gie d’ensemble et d’une stra­­té­­gie » d’inter­­na­­tiona­­
li­­sation dans un espace géo-­sectoriel de proxi­­mité ou dis­­tant (chapitre 7)
Lemaire J.-P., « Rien ne va plus chez HP, en quête d’un nou­­veau “modèle d’affaire” » (cas
d’appli­­ca­­tion)
•• Ana­­lyse du modèle éco­­no­­mique et de la gou­­ver­­nance d’une mul­­ti­­natio­­nale lea­­der du sec­
­teur élec­­tro­­nique et de sa remise en ques­­tion radi­­cale au cours de la période récente
(chapitre 5)
•• Appli­­ca­­tion étape par étape de l’ana­­lyse externe du sec­­teur de l’élec­­tro­­nique et de ses
muta­­tions récentes, lignes de force, dyna­­mique concur­­ren­­tielle et fac­­teurs clés de suc­­cès
(chapitre 6)
•• Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion d’une stra­­té­­gie d’ensemble et d’une stra­­té­­gie » d’inter­­na­­tiona­­
li­­sation dans un espace géo-­sectoriel glo­­bal (chapitre 7)
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

…Et aussi pour illustrer/appliquer les concepts/outils de ce chapitre


Lemaire J.P., « L’In­do French connection » (cas d’appli­­ca­­tion, chapitre 2)
Lemaire J.P., « Elton, le défi séné­­ga­­lais aux majors des hydro­­car­­bures » (cas complé­­men­­
taire)
Lemaire J.P., « Com­in Asia à la croi­­sée des che­­mins », (cas intro­­duc­­tif, chapitre 7)
Lemaire J.P., « Arcor, ‘latino glo­­bale’ et fami­­liale », envers et contre tout, (cas d’appli­­ca­­
tion, chapitre 7).
Lemaire J.P., « Jérôme ou l’osmose thaïe », (cas intro­­duc­­tif, chapitre 8)
Amdam R.P., Holm M.E., Lemaire J.P., « Yara » (par­­tie 1 et par­­tie 2), (cas d’appli­­ca­­tion,
chapitre 8)

509
Stratégies d’internationalisation

Cha­­pitre 6 : Ana­­lyse externe de l’acti­­vité dans l’espace de réfé­­rence


Lemaire J.-P., « Le sec­­teur des cos­­mé­­tiques modernes en Inde, une créa­­tion ex nihilo !, (cas
intro­­duc­­tif)
•• Appli­­ca­­tion des dif­­fé­­rentes étapes de l’ana­­lyse sec­­to­­rielle au sec­­teur des cos­­mé­­tiques
modernes en Inde : lignes de force, dyna­­mique concur­­ren­­tielle et fac­­teurs clés de suc­­cès
(chapitre 6)
•• Émer­­gence et dyna­­mique de déve­­lop­­pe­­ment des acti­­vi­­tés/sec­­teurs/indus­­tries modernes
dans les éco­­no­­mies à crois­­sance rapide : iden­­ti­­fi­­cation des variables déter­­mi­­nantes de leur
évo­­lu­­tion (chapitre 3)
•• Diag­­nos­­tic compa­­ra­­tif et ana­­lyse des orien­­ta­­tions stra­­té­­giques res­­pec­­ti­­ve­­ment adop­­tées
par les acteurs locaux/inter­­na­­tionaux dans un espace géo-­sectoriel natio­­nal ( chapitre 7)
Lemaire J.-P., « Le sec­­teur ban­­caire en Inde : les défis de l’inclu­­sion » , (cas complé­­men­­
taire)
•• Ana­­lyse externe étape par étape du sec­­teur ban­­caire en Inde : lignes de force, dyna­­mique
concur­­ren­­tielle et fac­­teurs clés de suc­­cès (chapitre 6)
•• Les obs­­tacles au déve­­lop­­pe­­ment d’un sec­­teur ban­­caire moderne au sein d’éco­­no­­mie en
tran­­si­­tion dans un cadre poli­­tique et éco­­no­­mique instable (chapitre 3)
•• Stra­­té­­gies de déve­­lop­­pe­­ment des banques étran­­gères en Inde : les dif­­fé­­rentes options stra­
­té­­giques (chapitre 7)

…Et aussi pour illustrer/appliquer les concepts/outils de ce chapitre


Lemaire J.-P., Thang Trunong Thi Nam, « Le sec­­teur ban­­caire Viet­­na­­mien face défis de
l’ouver­­ture », (cas complé­­men­­taire, chapitre 1)
Lemaire J.-P., Lopez D., « Wines of Argentina », (cas intro­­duc­­tif, chapitre 3)
Lemaire J.-P., « La Cimen­­te­­rie Natio­­nale (Liban) » (cas complé­­men­­taire, chapitre 3)
Lemaire J.-P, Petit G., « Le sec­­teur auto­­mo­­bile euro­­péen : ceux qui rient et ceux qui pleu-
rent » (cas d’appli­­ca­­tion, chapitre 3)
Baron-Renault B., Lemaire J.P Petit G., « Le résis­­tible déve­­lop­­pe­­ment du sec­­teur ban­­
caire russe » (cas complé­­men­­taire Cha­­pitre 3)
Lemaire J.-P., Prime N., Vasudevan V. « Telebanking may I help You ? » Dis­­tant banking
development in In­dia (CCMP/CCIP and Crandfield case clearing house), 2005(cas
complé­­men­­taire)

Cha­­pitre 7 : Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion de la SDI


Lemaire J.P., « Com­in Asia à la croi­­sée des che­­mins », (par­­ties 1 & 2) (cas intro­­duc­­tif)
•• Séquencement du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional d’une TPE issue d’une éco­­no­­mie émer­
gente (pas­­sage entre phases 1, 2 puis 3), diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion de la SDI à ces dif­­fé­­
rentes phases de déve­­lop­­pe­­ment (chapitre 7)
•• Ana­­lyse du modèle éco­­no­­mique évo­­lu­­tion de la gou­­ver­­nance évo­­lu­­tions au fil de son déve­
­lop­­pe­­ment, déter­­mi­­na­­tion de son espace d’expan­­sion géo-­sectoriel, chapitre 5)
•• Contraintes fonc­­tion­­nelles (finance, RH…) et orga­­ni­­sa­­tion­­nelles de mise en œuvre (cha­
pitre 8)

510
Biblio­­gra­­phie et cas de réfé­­rence

Bui L.H., Lemaire J.P, « Big C au Vietnam » (par­­tie 1 & 2), (cas complé­­men­­taire)
•• Les deux « époques » de Big C (Bourbon puis Casino), diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion de la SDI
« foca­­li­­sée » appli­­quée res­­pec­­ti­­ve­­ment aux deux orga­­ni­­sa­­tions (chapitre 7)
•• Évo­­lu­­tion de l’attractivité du Vietnam dans un sec­­teur nou­­vel­­le­­ment créé, avant et après
l’adhé­­sion à l’OMC, (chapitre 2)
•• Évo­­lu­­tion du sec­­teur de la dis­­tri­­bu­­tion moderne au Vietnam : pres­­sions externes, enjeux
géo-­sectoriels, « leviers » (appli­­ca­­tion du modèle PREST) (chapitre 3)
•• Inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation à ces deux époques, pour les deux socié­­tés mères suc­­
ces­­sives, (chapitre 4)
Lemaire J.P., Arcor, «  latino glo­­bale  » et fami­­liale, envers et contre tout, (cas d’appli­­ca­­
tion)
•• Diag­­nos­­tic et for­­mu­­la­­tion d’une stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation dans un espace géo-­
sectoriel de proxi­­mité puis globalisé (chapitre 7)
•• Inci­­ta­­tions et séquencement du déve­­lop­­pe­­ment inter­­na­­tional d’une mul­­ti­­natio­­nale fami­­
liale latino-­américaine (pas­­sage entre phases 1, 2 et 3) (chapitre 4)
•• Évo­­lu­­tion du modèle éco­­no­­mique et de la gou­­ver­­nance au fil de son déve­­lop­­pe­­ment, déter­
­mi­­na­­tion de son espace d’expan­­sion géo-­sectoriel, (chapitre 5)

…Et aussi pour illustrer/appliquer les concepts/outils de ce chapitre


Lemaire J.P., «  Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière et finan­­cière  » (cas
introductif, chapitre 1)
Lemaire J.-P., « L’In­do French connection » (cas d’appli­­ca­­tion 2)
Lemaire J.-P., Lopez D., « Wines of Argentina », (cas intro­­duc­­tif, chapitre 3)
Lemaire J.-P., « La Cimen­­te­­rie Natio­­nale (Liban) » (cas complé­­men­­taire, chapitre 3)
Lemaire J.-P., « Huawei, la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der tech­­no­­lo­­gique mon­­dial », (cas
intro­­duc­­tif 4)
Lemaire J.-P., Magnier-Watanabe R. « Sidel, une dyna­­mique inter­­na­­tionale « tous azi­­
muts », (cas d’appli­­ca­­tion 4)
Lemaire J.-P., « ESCP Europe face aux muta­­tions de la « globalisation aca­­dé­­mique » (cas
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

intro­­duc­­tif)
Lemaire J.-P., Rien ne va plus chez HP, en quête d’un nou­­veau « modèle d’affaire » (cas
d’appli­­ca­­tion, chapitre 5)
Lemaire J.-P., « Ama­­dou à la recherche d’un mana­­ge­­ment à l’Afri­­caine », (cas complémen­
taire, chapitre 8)

Cha­­pitre 8 : La mise en œuvre de la SDI


Lemaire J.-P., « Jérôme ou l’osmose thaïe », (cas intro­­duc­­tif)
•• Implan­­ta­­tion ex nihilo d’une filiale dans un pays à forte dis­­tance phy­­sique et psy­­chique,
iden­­ti­­fi­­cation des enjeux cultu­­rels externes/internes, et de la mise en œuvre orga­­ni­­sa­­tion­­
nelle /fonc­­tion­­nelle, importance du lea­­der­­ship, (chapitre 8)

511
Stratégies d’internationalisation

•• Inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation en Asie du Sud Est, sélec­­tion de la Thaïlande comme


tête de pont régio­­nale, choix de la crois­­sance orga­­nique comme mode d’entrée (cha­
pitre 4)
•• Ana­­lyse du modèle éco­­no­­mique évo­­lu­­tion de la gou­­ver­­nance évo­­lu­­tions au fil du déve­­lop­
­pe­­ment de la filiale locale, (chapitre 5)
Lemaire J.P., « Ama­­dou à la recherche d’un mana­­ge­­ment à l’Afri­­caine », (cas complé­­men­­
taire)
•• Mise en œuvre d’une stra­­té­­gie d’inter­­na­­tiona­­li­­sation régio­­nale en Afrique de l’Ouest d’un
éta­­blis­­se­­ment d’ensei­­gne­­ment supé­­rieur de ges­­tion, basé à Dakar, à voca­­tion pan-­africaine
(chapitre 8)
•• Muta­­tions du sec­­teur de l’ensei­­gne­­ment supé­­rieur de ges­­tion dans une zone géo­­gra­­phique
déter­­mi­­née, appli­­ca­­tion du modèle PREST (chapitre 3)
•• Inci­­ta­­tions à l’inter­­na­­tiona­­li­­sation en Afrique de l’Ouest, choix des modes d’entrée (cha­
pitre 7)
Amdam R.P., Holm M.E., Lemaire J.P., « Yara » (par­­tie 1 et par­­tie 2), (cas d’appli­­ca­­tion)
•• Déploie­­ment inter­­na­­tional d’une mul­­ti­­natio­­nale nor­­vé­­gienne du sec­­teur des engrais, choix
d’orga­­ni­­sa­­tion pour les dif­­fé­­rentes acti­­vi­­tés, arbi­­trage cen­­tra­­li­­sa­­tion/décen­­tra­­li­­sa­­tion
pour les dif­­fé­­rentes fonc­­tions (chapitre 8)
•• Muta­­tions du sec­­teur mon­­dial des engrais, impact des fac­­teurs d’insta­­bi­­lité, appli­­ca­­tion
du modèle PREST (chapitre 3)
•• Évo­­lu­­tion de la gou­­ver­­nance et du modèle éco­­no­­mique inter­­na­­tional avant et après l’auto­
nomisation de l’acti­­vité engrais (chapitre 5)

…Et aussi pour illustrer/appliquer les concepts/outils de ce chapitre


Lemaire J.-P., «  Cemex pris au double piège de la crise immo­­bi­­lière et finan­­cière  » (cas
intro­­duc­­tif, chapitre 1)
Lemaire J.-P., « Renault en Inde : de l’horizontalisation à la verticalisation » (cas complé­­
men­­taire, cha­­pitre 1)
Lemaire J.-P., « L’In­do French connection » (cas d’appli­­ca­­tion, chapitre 2)
Lemaire J.-P., Lopez D., « Wines of Argentina », (cas intro­­duc­­tif, chapitre 3)
Lemaire J.-P., Serhed C., «  Huawei, la mon­­tée en puis­­sance d’un lea­­der tech­­no­­lo­­gique
mon­­dial », (cas intro­­duc­­tif, chapitre 4)
Lemaire J.-P., « Power Plants in Asia » (cas complémen­taire, chapitre 4)
Lemaire J.-P., « IBS Zan­­zi­­bar et son modèle d’affaire évo­­lu­­tif », (cas complé­­men­­taire, cha­
­pitre 5)

512
Index des concepts
et auteurs

A Autonome (sole venture) 251


Autonomiàs 76
Accords Multifibres 121 Avantage
Acte de navigation 50 comparatif 5, 184, 214, 217, 221
Activité compétitif 5, 25, 27, 188, 217, 243, 263, 264,
à dominante globale 157, 161, 178, 181, 194, 288, 310, 360, 376, 388, 393, 425, 427, 474
308, 319 concurrentiel 24 , 70
à dominante locale 164, 178, 181, 309, 319 concurrentiel décisif 429
mixte 169,179, 319 d’internalisation 218, 222, 380
multinationale 170 de localisation 218
transnationale 169 spécifique 5, 215, 218, 380
Agents/distributeurs intermédiaires 38, 250, 410
Aide bilatérale 292
Akamatsu 189 B
Analyse concurrentielle 47
Appréciation/dépréciation monétaire 152, 188 Balance commerciale 80
Approche 285 Banque de détail 167
d’horizontalisation 400 Barrières
éclectique 184 à la sortie 96, 108
focalisée (inbound) 65, 155, 299, 307, 308, à l’entrée 47, 85
317, 324, 337, 361, 392, 400 tarifaires et non tarifaires 29
géocentrée 167 Bartlett et Ghoshal 169, 176, 218, 454
globale/transversale 167 Base de la pyramide Bottom of the Pyramid/BoP
longitudinale (timeline) 304 40, 322, 334, 339
néo-factorielles et néo-technologiques 55 BCG 177
tous azimuts (outbound) 64, 154, 194, 255, Benchmarking 256, 357
299, 309, 317, 319, 324, 361, 392, 400 Biens de consommation 264
Approvisionnement 6, 8 Biens d’équipement 264, 291
Arène stratégique 326, 331 Blockbuster 157
Assurance - crédit 81, 124, 133 Born global/nées globales 157, 207, 213, 230,
Atamer et Calori 170 234, 237, 249, 257, 305, 378, 437, 448
Atouts 426, 429 Brevets/depôts de brevets 56, 209
Attractivité des territoires 5, 218 Bottom of the pyramid 332
Attraits 426 Buckley et Ghauri 222, 223, 224
Stratégies d’internationalisation

Bullionisme espagnol 50 D
Bureaux de représentation 437
Buy back 228 Décloisonnement des économies 2, 18, 25, 29
Délocalisation 262, 263, 319
Dérégulation 35
C Déterminants externes de l’internationalisation 243
Développement
Capitalisme libéral 1, 35 concentrique 256
Capitalismes d’État 35 éclaté 256
Carte concurrentielle 287, 342, 348 en vol d’oies sauvages 189
Cautions 133 local (ou go native) 215, 251, 381, 433, 464
Chaîne Diagnostic fonctionnel 385
de production d’approvisionnement (supply Diamant de Porter 54, 237
chain) 6, 8, 201, 223 Diasporas 169, 244
de valeur 19, 235, 258, 330 Dirigeants 235
Champions internationaux 2, 20, 41, 85, 177, Distance psychique 232, 279, 289, 388
181, 192, 207, 212, 230, 236, 382, 393 Distribution 290, 323
Chinafrique 87 Division internationale du travail 191
Climat d’affaires 42 Dominante « réactive »/dominant « proactive »
Colbertisme 50 300
Commerce croisé intrabranche 183 Donneurs d’ordre 225, 226, 265, 329
Concurrence 184 Dotation initiale de facteur 50, 52, 183, 218
monopolistique 184, 381 Dotation naturelle de facteurs 70
oligopolistique 85, 184, 381 Doz et Prahalad 172, 176, 218
Consensus 87 Dumping monétaire 89
Conteneurisation 164 Dumping social 89, 303
Contrôle des changes 80 Dunning 214, 217, 219, 381
Coopétition 199
Cosmétiques 325
Courant mercantiliste et néo-mercantiliste 49, E
50
Coûts des approvisionnements 6 Ease of doing business index 119, 120
Crédit documentaire 133 Échanges intra-branches 186
Crise École d’Uppsala 214
bancaire 21 Économie
de la dette souveraine 30, 37, 38 en transition 96
des subprimes 21, 38, 65 libérale 96
économiques mondiales 196 à croissance rapide (ECR)/mature 2
financière 37 d’échelle 157, 161, 162, 165, 171, 222, 241,
immobilière 21 243, 343, 359, 405, 412
mexicaine 79 de gamme ou d’envergure 157, 171, 175, 331,
mondiale 2 332, 343, 359
Croissance Effet
externe (brownfield) 180, 264, 265, 383, 392, d’apprentissage 162
436 de diffusion des IDE/spillover effect 245, 247
interne 436 de grand marché 243, 247
organique (greenfield) 180, 264, 392, 423 d’expérience 161
Culture d’aubaine 8
bound driven 179, 466 Enjeux géo-sectoriels (niveau 2)
d’entreprise 467 concurrentiel 103, 109, 195, 336
free technology driven 179, 466 d’adaptation 103, 106, 195, 336
Cycle de redéploiement 103, 107, 195, 336
de vie international du produit 183, 216, 257, Entreprise conjointe 85, 290, 450
326 332, 333 Espace de référence/d’expansion géo-sectoriel
du bâtiment 20 59, 64, 154, 161, 194, 213, 259, 284, 290, 299,
306, 317, 324, 325, 395, 407

514
Index des concepts et auteurs

Ethnicisation 320 Horizontalisation 8, 58, 96, 107, 112, 114, 233,


Eurobonds 32 235, 241, 307, 341, 410, 423, 429, 449
Excédent brut d’exploitation-Ebitda 23 Hymer 214, 218
Expansion 257
Exposition 476
fiscale 424, 444 I
internationale 235, 279, 305
Externalisation 223 INCOTERM 130, 137
Indigénisation 251, 253, 303, 462
Indignés 43
Industrialisation en substitution des importations/
F industrialisation par les exportations 189
Fabricants sous licence 250 Industrie
Facteurs clés de succès FCS 287, 288, 317, 353, mixte 169
393, 429 naissante 85, 192
Facteurs clés de succès internationaux (FCS) 352 vieillissante ou déclinante 86, 192
Factors (ou sociétés d’affacturage) 129 Informations/données
Faits générateurs de sinistre 123, 124, 137 primaires 291
Filiale 290, 437, 450 secondaires 291
Filière 342, 345, 473 Innovation 51
Filière de production 326, 327, 328 process 266, 346
Firme multinationale (FMN) 5, 438 produit 266, 346
Flexibilisation 224, 438 Intelligence économique 281, 291
Flexibilité opérationnelle 222, 438 Internationalisation initiale 249, 380, 435, 449,
Focalisation 285, 319 463
Follow the client/follow the customer 241, 381, Interruption de transfert 123
383
Fonds de pension 303, 358
Fonds souverain 35, 92, 358 J
Forces de la concurrence 345, 346
Johanson et Vahlne 232
Fortune 500 176, 177
Joint venture 85, 437
Fournisseur 226
Juste à temps (just in time) 163, 223
Françafrique 87
Franchise 256, 386, 388, 431
K
G Kanban 52
GATT 18 Keynes 49
© Dunod – Toute reproduction non autorisée est un délit.

Ghemawat 19 Kindelberger 215, 233


Globalisation mondialisation 18, 19, 181, 182, Knickerbocker 214, 217
253, 257 Kogut 217, 270
Go native 381 Krugman 49, 84
Gouvernance 302, 472
Grands comptes internationaux 163, 450, 453
Grille global/local 159, 160, 172, 174 L
Grubel 218
Leader technologique 2, 36, 208, 223, 247
Le modèle « 4 x i » 111
H Léontief 50, 55
Levier culturel 469
Hall 460 Leviers stratégiques (PREST 3) 63, 199, 259,
Heckscher-Ohlin-Samuelson (théorie HOS) 50, 260, 266, 287, 354
184 Liability of foreigneness/of outsidership 232
Hofstede 460, 461 Libéralisation 332, 343

515
Stratégies d’internationalisation

Libéralisme économique et financier 33, 34, 337 O


Licence (cession de) 256, 386, 388, 410, 436
Licenciés 387 Obligation de résultat 226
Licencieurs 431 Obstacles tarifaires et non tarifaires 183, 185
Lignes de force 286, 324, 325 OCDE 87
Litiges commerciaux 29 OEM 234, 329, 437
Lloyd 218 Oligopole 171
Localisations cibles 284, 426, 430 à franges 171, 180
Logistique internationale 184 mondial 85, 180, 236
ONG organisations non gouvernementales 3, 43,
225, 303, 456
M Optimisation
fiscale 5, 222, 229
Macro-risques 78, 122, 128, 132, 138, 446 internationale de la chaîne de valeur 85
Maître d’œuvre 226 Organisation Internationale du Travail 303
Maîtrise des facteurs clés de succès 391, 393 Organisation « réactive »/« proactive » 300, 395,
Marché commun 30 401
Marché unique 30 Organismes multigouvernementaux 292
Marketing territorial 94 Original equipment manufacturers (OEM) 163,
Matrice attraits/atouts 376, 427, 428 329, 442
Matrice d’Ansoff 405
Matrice McKinsey General Electric 376, 423,
428 P
Méthode Delphi 126, 349, 351, 355
Méthode des scénario 126 Partenariales 437
Mode de présence 388 Partenariat/joint venture 85, 251, 437
Modèle Partenariats Publics Privés/PPP 227
« 4 x i » 82, 192 Perlmutter 176
d’affaire international 276, 284, 289, 291, Perspective 285
299, 300, 306, 397 Phases d’internationalisation 248, 380, 443
des « forces de la concurrence » de Porter 287 Politique
d’Uppsala (1 et 2) 214, 231, 232, 235, 237, agricole commune 30
248, 250 commerciale stratégique 49, 84, 196, 211, 218
économique territorial 89, 91, 109 Portages (piggy back) 387, 435
PREST 59, 82, 172, 296, 336, 337, 354 Porter 52, 317, 346
Modes Positionnement 117
d’approche 78 dynamique du territoire 103
d’entrée 430 Prahalad et Doz 40, 218, 229, 452
d’entrée/de présence 434 Première mondialisation 19
de présence 284, 388, 430 Pressions
Mondialisation 18, 255 économiques et sociales 100
Monopole(s) d’État 187, 343 externes (PREST 1) 59, 67, 98, 194, 195, 196,
Monopsones 343 258, 259, 266, 287, 335
Multinationalisation phase 3 4, 47, 48, 214, 383, politico-réglementaires 99
433, 450, 464 technologiques 101
Municipalités 76, 93 PREST
niveau 1 199, 286, 317
niveau 2 199, 286, 317
N niveau 3 199, 287, 317
Printemps arabes 42
Négociations de Doha 89 Prix de transfert 222
Niveau de risque 425 Problématiques internationales 276, 284, 299, 306
Nomenclatures douanières 327 Processus de production 6
Non tarifaires 183 Profils des managers internationaux 258, 279
Norme 165, 326 Projet concessionnel, B.O.O.T./B.O.T. (Business,
Nouveau protectionnisme 84, 88 Own, Operate, Transfer) 224, 225, 228, 290, 446

516
Index des concepts et auteurs

Propriété industrielle 29, 223 T


Protectionnisme 48, 189
Tarif extérieur commun (TEC) 29, 33
Technologies de l’information 240
Q The Economist 1, 34
Théorie
Quesnay 49 de l’avantage absolu relatif 49, 51
Quotas 35, 69 de l’avantage comparatif 49, 52, 55
de l’échange international 49
du cycle international du produit 56
R « éclectique » de la firme internationale/OLI
214, 217, 218, 380, 384, 399
Ratio
néo-factorielles et néo-technologiques 48
d’internationalisation Export+Import 19
Time to market 193, 224
d’investissement étranger IDE/FBCF 19
Tous azimuts 285, 307
d’ouverture internationale 340
Régionalisation 18, 76, 93 Toyota Production System (TPS) 52, 201
Relations intra-branches 182 Transfert de technologie 19, 41, 85, 186
Remontée de filière 36, 186, 190, 208 Transitaires 137
Réseaux 258, 263, 296, 299, 454 Transparence 8
Responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) 41, Transport combiné multimodal 19
303, 413, 472 Transporteurs 137
Ricardo 47, 49, 89
Risque 118, 129, 132, 138, 139, 427, 476
de change 135, 263, 347 U
opérationnel 122
pays 122, 123, 125 Union
politique 123, 222 douanière 30, 47, 76, 183, 185
internes 122 monétaire 30
Root 235, 402 économique 76
Rugman 176, 177 Usine mondiale/global factory 222, 224

S V
Sampson (Anthony) 5 Ventes de biens d’équipement 224
Saut de la grenouille/leapfrogging 58, 216
Vernon 56, 57, 216
Scénarios 287, 355
Verticalisation 8, 58, 96, 107, 112, 114, 233, 235,
Segmentation stratégique 326
241, 307, 341, 400, 404, 410, 423, 429, 449
Smith (Adam) 47, 48, 49, 89
Sociétés d’État 35
Sous-traitance 263, 290, 386, 387, 410, 436
Spécialisation internationale 48, 49, 58, 183, 186 Y
Start-up 157, 236 Yip 233
Stratégie Yuan 89
gagnantes 287, 357
globales 217
proactives 401
réactives 401
Z
Stuart Mill 49 Zone de libre-échange 30, 76, 183, 185
Succursale 437, 450
Syndrome hollandais 29
Système de veille 98, 222, 281, 291

517
Index
des organisations,
des activités
et des territoires
A Australie 150, 255
Automobile/Composants automobiles 2, 164,
AB Inbev 180 185, 209, 223, 240, 261, 345, 346, 348, 361,
Actia 36 375, 398, 424, 426, 450
Aéronautique 85, 162, 185, 194, 195, 209, 223, Avic 175
240, 330, 336, 426 Avions moyen courrier 196, 198
Afrique du Sud 35, 119, 151, 413 Avon 349
Agence Française de Développement 292
Agents 256
Agrima 129, 132 B
Agro-alimentaires 413
Airbus 36, 164, 175, 185, 186, 195, 308, 329, Bahrat 240
330, 424, 425, 429, 448 Bahrti 309, 323
Air Liquide 170 Baidu 375
Alabama 164, 185 Bangalore 210
Alcatel-Lucent 169, 208, 210, 426 Bankia 344
Alena 19, 30, 32, 182, 319 Banque 166, 179, 261, 344, 346, 348, 397, 450
Algérie 28 Banque centrale européenne (BCE) 32
Allemagne 2, 119, 150, 210, 302, 402, 426 de détail 165, 179, 331, 332, 361, 398
Alstom 446, 451 d’investissement (Investment banks) 32, 181
Amsterdam 93 Banque mondiale 78, 119
APEC 19, 32, 66, 182 Barcelone 93
Apple 173, 192, 223, 236, 253, 265, 304, 311 Beijing Yangjing Brewery 180
Arabie Saoudite 210 Berlin 93
Arcelor 2 Bharti 375
Archos 223, 235, 236, 257 Biens de consommation courante 296, 336
Arcor 393, 411 Biens de consommations durables 223, 332, 336
Argentine 78, 94, 96, 99, 100, 101, 106, 107, Biens d’équipement 264, 296
108, 109, 110, 115, 117, 119, 150, 151, 412 Bière 152, 361
Asean 319 Birla 323
ASEAN 32, 37, 66, 245, 393 Birmanie 379
Assurances 165, 181, 344 BMW 200
Assureurs 332 BNP Paribas 166, 450
Audi 200 Boch 234
Boeing 175, 329
Stratégies d’internationalisation

Bombardier 175 Deutsche Bank 344


Bombay 258 Disney 168
Boston Consulting Group 161, 162 Distributeurs 256
Brésil 35, 58, 79, 83, 88, 119, 124, 195, 210, Dow Chemical 471, 472
239, 240, 383 Dragons du Sud Est asiatique 41, 191
Dubaï 53, 113
Ducroire 81, 123
C Duralex 127, 309
Cadila 240
Californie 54, 151 E
Canada 32, 42, 255, 378, 413
Carrefour 323 ECGD 81, 86
Carrier 368 ECJD 123
Cemex 20, 21, 65, 170, 308, 429, 431, 438 Éclairage/LED 191
Chanel 343 Économique mondial 1
Chaussure 262 EDF 292, 343, 381, 446
Chimie 157 Édition 166
China Resouces Enterprise 180 Eicher 240
Chine 2, 18, 27, 29, 35, 41, 124, 150, 153, 164, Électricité 174
167, 181, 186, 194, 208, 234, 236, 239, 240, Électroménager 209, 223, 240, 261, 336
254, 255, 256, 330, 375, 383, 413, 424, 432, Électronique/électronique grand public 157, 161,
457 163, 185, 265
Christie 175 Elton 250
Chrysler 202, 468 Embraer 175, 240, 241
Ciba 53 Émirats Arabes Unis 119
Ciment 170, 179, 329, 361, 408 Énergie 368
Cimenterie Nationale 195 Engrais 361
Clinique 342 Équipement 240
CNOOC 239 de transport 157
Coca-Cola 168, 177, 253, 269, 378, 431 télécom 240, 326, 336, 359, 361, 408, 425
Coface 1, 81, 86, 123, 124, 129 Ericsson 208
Comin Asia 265, 288, 309, 367, 375, 376, 377, ESCP Europe 277, 284, 305, 378
379, 384, 386, 393, 395, 398, 399, 404, 406, Espagne 42, 119, 124, 150, 210, 344, 413
424, 425, 427, 428, 431 Essec 279
Communication 166 Estée Lauder 342, 349
Confection mode, fast fashion 223, 255, 256, États-Unis 1, 32, 42, 76, 119, 150, 153, 185, 210,
336, 361, 402 211, 236, 240, 243, 255, 279, 330, 336, 344,
Constellation Brands 151 378, 402, 411, 413, 424, 450, 456
Construction aérienne 175 Études de marché 361
Construction aéronautique 329, 361 Eurocopter 36, 185
Corée du Sud 36, 88, 119, 191, 210, 237, 240 Eurofins Scientific 382, 383, 425, 450
Cosmétiques 286, 320, 327, 331, 333, 334, 337, Europe 240
346, 426, 457 Europe Centrale et Orientale 397, 450
Crédit Agricole 344 Eximbank 87, 123
CSN 239
CVRD 239
F
D Facebook 236, 379
Fiat 202, 468
Dacia-Renault 375 Firmenich 94
Daimler Benz/Mercédès 201, 468 Fitch rating 175
Danone 269, 396, 412, 467 FMI 78
Dell 304 Forum économique mondial de Davos 1
Dentressangle 264, 309 Foxconn 192

520
Index des organisations, des activités et des territoires

France 1, 119, 150, 167, 192, 279, 343 Indonésie 379, 424
Fuji 216 Industries pharmaceutiques 359
Informatique 265, 311, 345
Informatique grand public et professionnel 157
G Infosys 240
Ingénierie 240
G20 83 Insead 279
Gallo 151 Intel 175, 304
Gap 180, 254, 255 Internet 157, 375, 402
GATT 27 Investissement 166
Gaz industriels ou hospitaliers 170 Invoxia 236
Geely 187 Israël 42
Geigy 53 Italie 119, 124, 150
General Motors/Opel 200
Ghana 114
GHCL 258, 259, 330, 424, 425 J
Google 236, 374, 375, 379
Grande distribution 168, 179, 181, 327, 332, Jacobs Creek 151
361, 426 Japon 2, 36, 41, 53, 119, 191, 192, 251, 336, 361
Grèce 31, 92 Jouet 208
JP Morgan Chase 344

H
K
Haier 240, 241, 242, 308
Haute Couture 329 Kodak 5, 215, 216, 309
Havells Sylvania 191 Kraft 412, 467
HDFC 166 Kraft Foods 383
Heineken 180, 269 Krupp 268
Hermès 86, 123, 432, 457
Hewlett Packard 309, 311
Hindustan Lever 349 L
Hindustan Lever Ltd 342
HLL 347 LaCie 236
H & M 180, 255 Lafarge 20, 170
Hoffman-La Roche 53 Lafuma 297
Holcim 20, 23, 170 Laibin B 446
Hong Kong 53, 119, 208, 237, 256 Laos 379
Hongrie 151 La Roche 53
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Hôtellerie 171, 219, 368 Lehman Brothers 22, 38


HSBC 166, 167 Lenovo 187, 240, 242
Huawei 169, 194, 207, 208, 213, 220, 223, 235, LG 194
236, 240, 242, 247, 256, 257, 265, 308, 395, Liban 119
396, 425, 426 Londres 77, 93
Hub River 228 L’Oréal 286, 308, 320, 326, 334, 342, 347, 349,
395, 405, 425, 471
Luxe 251, 361, 432
I Luxembourg 3, 53, 90, 119
Lybie 474
IBM 177, 311 Lyon/OnlyLyon 93
ICICI 166
Inde 35, 37, 54, 76, 120, 124, 166, 210, 240, 286,
320, 337, 383, 405, 456, 457 M
Indian Railway 121
Inditex/Zara 180 MAC 342
Indo-French connection 254 Machines-outils 157

521
Stratégies d’internationalisation

Magnum photo 378 Pernod-Ricard 151, 398, 450


Majorette 254 Petrobras 239
Mango 255 Petrochina 239
Marcopolo 240 Pharmacie/pharmacie générique 102, 157, 161,
Matrix 241 256, 265, 402
Max Factor 343 Philip Morris 398
McDonald’s 168, 253, 431 Philippines 54
Mécanique 163 Philips 191
Mendoza 152 Politec 241
Mercosur 19, 30, 32, 76, 182, 244, 247, 319, 412 Producteurs de films 157
Metro 323 Produits frais 179
Meuble 336 PSA 80, 200, 309, 396
Mexique 21, 32, 192, 397
Michelin 471
Microprocesseurs 163, 175 Q
MITI 86
Mode 401 Qatar 92, 119, 474
Mode fast fashion 180
Moët et Chandon 151
Moody 175 R
Moody’s, Standard & Poor’s 124
Motorola 210, 357 Ranbaxy 240, 242
Motors 200 Région toulousaine 36
Myanmar 368 Reims 151
Reliance 323
Renault Alliance Renault/Nissan 200, 234
N Repsol 83
Reserve Bank of India 166
Nestlé 94, 269, 383, 412, 467 Revlon 342, 347, 349
Nissan 201, 234 RM Asia 374, 379
Nokia 173, 194, 304, 374 Robert Mondavi 151
Norvège 119 Roëderer 151
Novartis 53 Rotterdam 77
Roumanie 151, 174
Royaume-Uni 119, 150, 153, 154
O RPG 323
OCDE 86 Russie 28, 115, 119, 150, 210
Odebrecht 240
OEM 223
OMC 27, 28, 89 S
ONGC 239 SAB Miller 180
Opérateurs télécom 332 Sace 123
Oracle 311 Safran 36
Organisation mondiale du commerce (OMC) 18, SAIC 240, 242
49, 68, 182, 345 Saint-Gobain 450
Osram 191 Samsung Electronics 173, 175, 194, 236, 304,
308, 451, 457
P Sandoz 53
Schlumberger 163
Pacte Andin 33 Schneider 368
Pakistan 119 Semi-conducteurs 85, 191
Paris 77, 93, 330 Services bancaires 261
Parrot 236 Shenzen 53, 192, 208, 211
Pays-Bas 344 Sidel 177, 255, 265, 267
Pepsi 269 Sidérurgie 2

522
Index des organisations, des activités et des territoires

Siemens 169, 191, 210 U


Singapour 53, 113, 119, 210, 279, 383
Sinopec 239 Unilever, Hindustan Lever 40, 322, 342
Société financière internationale 119 Union européenne 19, 29, 32, 49, 76, 83, 182,
Société Générale 344, 450 319, 336, 345
Sony-Ericsson 177, 374 Uniqlo 180
Sotheby 175 Utilités (utilities) 179, 292, 343
Standard & Poors 1, 166, 175
State Bank of India 166
ST Microelectronics 175 V
Stockholm 210
Sudelec 291, 292, 294, 343 Valeo 234
Suède 210 Versace 253
Suisse 53 Vietnam 18, 27, 66, 68, 94, 96, 99, 100, 101,
Sun Pharma 241 106, 107, 108, 109, 110, 117, 119, 167, 241,
Swatch 94 361, 368
Vin 179, 361, 426
Vinci 393
T Volkswagen 200, 308, 396
Volvo car 2
Taiwan 192 Votorantim 239
Tata 323
Taurus 240
TCL 240, 242 W
TCS 240, 242
Teka 241 Walmart 323, 413
Télécommunications 179, 209, 265, 369 Wanxiang 242
Téléphonie mobile 173, 194, 346, 402, 408, 429 Wartsila 368
Tesco 323 WEG 240
Tètra Laval 268 Wikipedia 456
Texas 175 Wines of Argentina 150, 154
Texas Instrument 161 Wipro 240
Textile 35, 208, 258, 262, 424
TGV 327
Thaïlande 119, 210, 254, 361, 368, 379, 383, Y
418, 457, 461
Yahoo 375
Tokyo 251
Yara 406, 438, 443, 464, 473
Toshiba 175
Yue Yuen 241
Toyota 200, 470
Trains à grande vitesse 185, 209
Transport aérien 196, 261
Travail temporaire 165
Z
Tsingtao 180 Zara 51, 255, 472
Tunisie 36 Zone euro 30
Turquie 124, 192 ZTE 169, 194, 210, 236, 240, 242

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