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Karine Boyer • Alain Chevalier

Jean-Yves Léger • Aurélie Sannajust

Le crowdfunding


Collection_
repères

ÉCONOMIE

SOCIOLOGIE
.... .-J,

SCIENCES POLITIQUES •DROIT

HISTOIRE

GESTION

CULTURE‘COMMUNICATION
#7 s.
Karine Boyer
Alain Chevalier
Jean-Yves Léger
Aurélie Sannajust

Le crowdfunding

9 bis, rue Abel-Hovelacque


75013 Paris
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ISBN : 978-2-7071-8810-6
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sente pour l'avenir du livre, tout particulièrement dans le domaine
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Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins,
75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également
interdite sans autorisation de l'éditeur.

© Éditions La Découverte, Paris, 2016.


Introduction

La liberté d'entreprendre et l'innovation technologique et scienti¬


fique, mais aussi commerciale et managériale, sont les éléments expli¬
catifs essentiels de la croissance dans une économie développée. Au
début du XX' siècle, Joseph Schumpeter [1911]* avait déjà mis en valeur
ces principes simples. La sphère publique doit être, pour l'essentiel,
limitée aux fonctions régaliennes et à la mise en place d'un environ¬
nement favorable au développement de l'entreprise : la sécurité juri¬
dique des acteurs concernés, le respect de la propriété privée, la stabilité
des règles fiscales et administratives, le développement des marchés
financiers mais aussi de toutes les places de marché, la définition de
mécanismes d'incitation pour accélérer l'investissement productif.
La crise de 2008, dont nous avons découvert progressivement les
étapes, a fragilisé le monde de la finance et le système économique dans
son ensemble. Les États ont dû intervenir pour sauver l'organisation en
place, symbolisée par le pouvoir oligopolistique des grandes banques et
des marchés financiers. Le modèle a été réformé, les décideurs politiques
ont défini de nouvelles règles et contraintes, et les différents acteurs ont
repris confiance. L'entrepreneur a été progressivement réhabilité par les
acteurs politiques et les marchés, et aussi par l'opinion publique.
L'innovation est aujourd'hui le fait de multiples start-up autant que
des grands groupes. Le retour progressif de la confiance en l'avenir et
les phénomènes de transformation technologique auxquels nous
sommes confrontés (l'Internet des objets, les énergies renouvelables,
l'intelligence artificielle, les imprimantes 3D, l'économie sociale et soli¬
daire) [Rifkin, 2011] ont entraîné la multiplication de projets innovants,
beaucoup d'entre eux n'aboutissant pas faute de modes de financement
adaptés et à cause des politiques restrictives des apporteurs de fonds
traditionnels. Une nouvelle phase de « destruction créatrice » est en

* Les références entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d'ouvrage.


4 Le crowdfundinc

marche ; il convient de l'accélérer en rhettant en place les mécanismes


et plus particulièrement les leviers financiers nécessaires à la création de
valeur pour les entreprises, et la société plus globalement.
Après avoir engendré une restructuration complète des médias,
Internet modifie les chaînes de valeur et les rapports de force dans
tous les secteurs économiques. L'énergie s'adapte à une situation dans
laquelle chaque acteur est à la fois producteur et consommateur,
l'éducation se transforme grâce aux MOOC {Massive Open Online
Courses), et les acteurs traditionnels de la finance s'adaptent au déve¬
loppement de nouvelles formes de financement avec, par exemple,
les PPP (partenariats public-privé) pour les infrastructures, mais aussi
dans d'autres domaines, avec la croissance du microcrédit et du
financement participatif qui complètent les actions du venture capital,
des business angels et du love money.
C'est dans ce contexte que de nouvelles solutions de financement
ont émergé, privilégiant la proximité, la solidarité entre les acteurs et
l'économie réelle. Au cours des dernières années, la vraie innovation
en matière de financement pour les PME/ETI (petites et moyennes
entreprises/entreprises de taille intermédiaire), pour les jeunes créa¬
teurs d'entreprise, mais aussi pour des secteurs plus traditionnels
comme l'immobilier, c'est le financement participatif, appelé, par
emprunt à la langue anglaise, le crowdfunding, c'est-à-dire, au sens
propre, le financement par la foule.
Le crowdfunding, c'est le financement de petits et moyens projets, le
plus souvent innovants, par des investisseurs en majorité particu¬
liers, via Internet et des plateformes numériques. Ce financement
peut prendre plusieurs formes : le don (avec ou sans contrepartie), le
prêt et le financement par le capital. Le financement participatif est
une nouvelle approche du financement de l'entrepreneuriat, notam¬
ment local, par des investisseurs dont la démarche et la relation au
risque et à la rentabilité diffèrent en partie de celles des investisseurs
traditionnels. C'est un mécanisme qui permet de collecter des apports
financiers, généralement de petits montants, d'un grand nombre de
contributeurs au moyen d'une plateforme Internet en vue de financer
un projet (selon la Direction générale des entreprises — DGE). Né aux
États-Unis, le « financement par la foule » a essaimé progressivement
sur les autres continents. Ce phénomène encore récent enregistre une
forte croissance qui montre, si nécessaire, que ce mode de finance¬
ment des PME/TPE (petites et moyennes entreprises/très petites entre¬
prises) et des start-up répond à des besoins peu ou pas remplis par les
financements traditionnels. En France, cette forme de financement
a fait l'objet d'un encadrement réglementaire par une ordonnance
(30 mai 2014) et un décret (16 septembre 2014).
Introduction 5

En mettant en relation un grand nombre d'investisseurs poten¬


tiels avec des initiateurs de projet à l'aide d'une plateforme Internet,
ce nouveau mode de financement aux apparences démocratiques,
voire plébiscitaires, apporte un complément dans la chaîne des finan¬
cements disponibles. Le financement participatif est confronté à des
enjeux complexes ; accompagner l'élan du partage et de l'innova¬
tion permanente tout en conservant ses valeurs d'origine (solidarité,
humanité et rentabilité), faire face aux réactions des forces politiques
et financières (banques, assureurs, marchés financiers traditionnels),
mais aussi à celles du capital-risque et des business angels.
Le lecteur aura compris que, parmi les différentes formes de aowd-
funding existantes, nous privilégions dans cet ouvrage celles qui concer¬
nent le financement en capitaux propres (equity). Plusieurs auteurs
francophones ont déjà proposé des ouvrages descriptifs et/ou juri¬
diques. Nous avons pour ambition d'apporter au lecteur un regard plus
opérationnel avec une orientation vers des exemples et des cas, une
ouverture internationale ainsi qu'une interrogation sur l'avenir de ce
mode de financement, complément des dispositifs existants, nouvelle
étape « schumpétérienne » dans la panoplie de financements dispo¬
nibles et peut-être aussi outil publicitaire et/ou escroquerie ?
Après avoir exploré dans le chapitre i les raisons pour lesquelles le
crowdfunding se développe rapidement, nous analysons ses diffé¬
rentes composantes et ses mutations progressives. Dans le chapitre ii,
nous présentons un « bilan à date » de cette croissance exponentielle
en Lrance, mais aussi dans d'autres pays. Ensuite, nous proposons
un focus sur les acteurs (chapitre iii). Les plateformes constituent les
composantes clés de ce nouveau mode de financement : comment
sont-elles gérées, contrôlées ? Comment se financent-elles ? Qui sont
les destinataires des fonds recueillis ? Quelles sont les réactions des
acteurs traditionnels face à ce nouvel adversaire ? Le chapitre iv est
consacré au cadre réglementaire qui doit être sécurisant pour les
apporteurs de fonds, mais suffisamment flexible pour répondre aux
demandes du marché. Les éléments de base étant en place, nous
abordons dans le chapitre v les étapes de la mise en place d'un projet
de crowdfunding en présentant une méthode que nous appliquons au
projet de Valérie M., une fiction qui rejoint la réalité. Enfin, les consé¬
quences du développement du crowdfunding sur le financement des
PME sont à l'image de la courte expérience disponible (chapitre vi).
Assistons-nous à un mouvement de substitution ou bien la nouvelle
technique de financement disponible apporte-t-elle un peu de flexi¬
bilité et une diminution du coût des financements mis en œuvre,
réduisant ainsi le coût moyen pondéré du capital du projet et/ou de
l'entreprise concerné ?
I / Une nouvelle source de financement
pour les entreprises

Tout projet, particulier ou collectif, capitaliste ou associatif, est en


général confronté à un problème de financement. Comment
financer ? Qui peut financer ? Quel est le degré de dépendance par
rapport aux apporteurs de capitaux ?
Dès sa création, une entreprise est confrontée à ce problème. La
recherche de capitaux pour financer son développement, comme la
recherche de crédits de trésorerie pour financer son exploitation sont
deux des principaux défis du chef d'entreprise. La crise économique
et financière de ces dernières années a rendu encore plus difficile
cette recherche de financements. Le durcissement de la réglementa¬
tion bancaire, une nouvelle approche des relations de l'entreprise
avec son proche environnement et, bien sûr, le développement
d'Internet modifient progressivement les opportunités de finance¬
ment des entreprises, ou plus globalement des porteurs de projet.
C'est dans ce contexte que le crowdfunding, ou financement parti¬
cipatif, se développe. Mais les financements traditionnels restent
prédominants.

L'entreprise et son financement

Après des dizaines d'années de développement de l'industrie, la


fin du xx' siècle et le début du xxr ont été marqués par la « financia-
risation » des économies développées et la croissance des activités de
services. Cette économie financière a donc naturellement donné nais¬
sance à une industrie financière, aujourd'hui très puissante par les
moyens dont elle dispose, les fonds à investir, et très exigeante en
termes de rentabilité pour elle-même et pour ceux chez qui elle a
investi, les sociétés en particulier.
Une nouvelle source de financement pour les entreprises 7

Les moyens du développement

Dans l'industrie comme dans le service, l'entreprise émettrice, le


financier, l'investisseur constituent les premières pièces d'un système
économique et financier moderne, éléments indispensables auxquels
il faut évidemment ajouter le salarié et le client. L'émetteur, c'est
l'entreprise, grande, moyenne, petite ou naissante comme la start-up,
qui cherche des capitaux, des actionnaires ou des prêteurs.
L'entreprise est une structure évolutive, vivante, changeante, qui
naît, se développe, mais peut disparaître. En France, en 2015,
525 100 entreprises (469 000 en 2006) de toutes tailles et de toutes
formes juridiques ont été créées (Insee, janvier 2016). Sur ce total, il y
avait 353 100 entreprises individuelles, dont 223 500 auto-entreprises.
Mais de nombreuses entreprises disparaissent aussi chaque année :
62 400 défaillances d'entreprises (redressement ou liquidation judi¬
ciaire) et près de 330 000 cessations d'activité en 2014.
Pour se développer, une entreprise a besoin de deux carburants
indispensables — l'argent et les hommes : dirigeants et salariés — et
de débouchés durables : les clients.

L'actionnaire et le banquier

11 faut de l'argent pour aider au démarrage d'une start-up, pour


financer un investissement industriel important, pour aider à la réali¬
sation d'une opération de croissance externe.
L'entrepreneur, le créateur d'entreprise, l'initiateur d'une start-up
ont essentiellement deux sources de financement ; le capital (le sien
ou celui des autres) et la dette financière, l'obtention de la seconde
étant largement liée à la mise en place du premier. Le banquier sera
plus enclin à prêter si l'entrepreneur investit ses propres fonds et
prend des risques en étant capitaliste dans sa propre entreprise, le
cas échéant en y associant ses proches... Pour pouvoir s'endetter,
l'entrepreneur doit donc rechercher du capital, c'est-à-dire concrète¬
ment des actionnaires, en général minoritaires, qui acceptent de
s'associer. Ces actionnaires sont associés à la fois au développement
et aux risques de l'entreprise. Le capitaliste doit donc être rémunéré,
soit régulièrement au travers du dividende, soit par la plus-value qu'il
réalisera à la sortie de son investissement. À un moment de la vie
de l'entreprise, les intérêts de l'actionnaire et du banquier, souvent
complémentaires, peuvent devenir divergents. Et pourtant, le
banquier a un rôle essentiel dans la vie de l'entreprise, en- particulier
pour les PME.
8 Le crowdfundinc

L'importance du financement bancaire

Le rapport de force entre entreprise et banque est bien sûr


contrasté selon la taille, la nature et l'actionnariat de l'entreprise,
comme le montrent les statistiques de la Banque de France en la
matière. Dans leur relation avec le banquier, les situations d'une
société cotée et d'une grosse PME ne sont pas tout à fait comparables.
Dans le premier cas, le recours possible au marché et la force d'un
actionnariat structuré rendent la société moins sensible à la pression
du banquier ; il en va différemment pour une PME dirigée par son
actionnaire principal et disposant de fonds propres insuffisants.

Les crédits bancaires

Au sein des petites et moyennes entreprises, les 3 millions de


MIC/TPE (microentreprises/très petites entreprises) françaises en
2015 sont les plus touchées par cette question de la relation avec la
banque, en particulier depuis la crise entamée en 2008. Rencontrer
son banquier, monter un dossier, expliquer ses comptes, présenter ses
objectifs sont les défis permanents d'un chef d'entreprise, accom¬
pagné de son seul comptable, pour préparer et présenter un dossier de
financement et/ou d'accompagnement en trésorerie.
Défi croissant car, s'il y a quelques années on pouvait construire
une demande de financement à partir d'un bilan et d'un compte de
résultat, les choses sont bien différentes aujourd'hui, avec des
données plus étendues et des vérifications réglementaires plus
exigeantes. Pourquoi cette complexification ? Parce que les banques
souhaitent prévenir plus complètement leurs risques : une banque ne
prête que si elle est sûre d'être remboursée.
Les banques constituent les partenaires financiers privilégiés des PME
en matière de crédit. Ainsi, fin 2015, l'encours des crédits aux TPE/PME
approchait 375 milliards d'euros en France (Banque de France, Stat Info,
février 2016). Pourtant, cet accès est plus limité pour les petites sociétés,
et les taux d'intérêt pratiqués sont moins avantageux.
Un premier point sur les relations entre les banques et les entre¬
prises mérite attention. Alors que les entreprises de taille significa¬
tive (plus de cinq cents salariés) sont souvent clientes de plusieurs
banques (cinq à dix), leur permettant ainsi de stimuler la concur¬
rence et d'obtenir des conditions tarifaires avantageuses, les PME et
ETl de cinquante salariés au plus entretiennent des relations avec
deux banques maximum, et même une seule pour les sociétés de
moins de dix salariés qui doivent chercher des alternatives au crédit
bancaire (Banque de France, Service central des risques, 2014).
Une nouvelle source de financement pour les entreprises 9

Grandes entreprises -ws- ETI (entreprises de taille


intermédiaire)
-A- PME -H- Microentreprises

Source : site Internet Banque de France, « Économie et Statistiques », juin 2015.

Une autre différence doit être soulignée entre les entreprises : le


différentiel de taux pratiqué en fonction de la taille. Les taux accordés
aux PME et ETI sont moins favorables, compte tenu notamment du
développement jugé plus risqué de leur(s) projet(s), que ceux
consentis aux GE (grandes entreprises), comme le montre le
graphique 1 publié par la Banque de France, sur l'évolution des taux
d'intérêt consentis aux entreprises. L'écart des taux obtenus respecti¬
vement par les TPE (ou microentreprises) et les PME est lui-même
important.
Un point positif mérite d'être noté ; les TPE françaises bénéficient
de taux d'intérêt inférieurs à ceux des autres TPE dans les grands pays
de la zone euro (Banque de France, Stat Info, février 2016).
Un dernier indicateur permet de constater la différence de traite¬
ment entre les sociétés : 63 % seulement des TPE obtienrient la tota¬
lité ou au moins 75 % du montant des crédits de trésorerie demandés,
alors que ce chiffre ressort à 84 % pour les PME (Banque de France,
10 Le ckowofundinc

fin 2015). Cette prudence des banques-s'explique par un nouvel envi¬


ronnement : la donne a changé et la crise est passée par là.

Le financement bancaire remis en cause

Le schéma classique simple : un entrepreneur, un actionnaire, un


banquier prêteur, est remis en cause, en particulier pour les petites et
moyennes sociétés. En effet, à la suite'des crises financières récentes et
des évolutions réglementaires, les entreprises françaises et euro¬
péennes, notamment les sociétés de petite et moyenne taille
(MIC/TPE et PME), s'orientent vers un modèle de financement plus
« désintermédié », conséquence naturelle de l'attitude réservée de
banques confrontées à des réglementations plus drastiques et
devenues plus limitatives en matière d'octroi de prêts, ou volonté
d'obtenir plus rapidement leurs financements.
La crise bancaire devenue financière puis économique entamée en
2008 a fortement remis en cause le système bancaire mondial. 11 s'en
est suivi des règles imposées aux banques par les autorités bancaires
pour limiter leurs volumes de prêts. Ainsi, les accords de Bâle 111
renforcent les critères de solvabilité et de rentabilité des banques, et
leur imposent trois ratios très contraignants en termes de liquidités à
court terme, de ressources stables et de fonds propres. Selon les obser¬
vateurs du secteur, une nouvelle donne financière se prépare. À la fin
des années 2010, les 92 % de financements bancaires obtenus actuel¬
lement par les MIC/TPE et PME pourraient devenir 50-60 % à cause
de ces nouvelles réglementations.
Toutefois, une certaine retenue s'impose. La prudence des banques
en matière de financement pour les PME est un postulat fréquemment
mis en avant par les chefs d'entreprise. Mais les données collectées
par la Banque de France en 2014 et 2015 amènent à nuancer ces affir¬
mations. Ainsi, les statistiques relatives à la hn de 2015 et au début de
2016 montrent que, en France, le crédit aux PME en matière de tréso¬
rerie et d'investissement a progressé, que neuf demandes de crédits
d'investissement sur dix ont été acceptées et huit sur dix pour les
crédits de trésorerie (Banque de France, Stat Info, février 2016).
L'impression semble donc céder la place à la réalité...
Mythe ou réalité, la crainte d'une raréfaction des crédits aux entre¬
prises accordés par les établissements bancaires traditionnels existe.
Mais, au fond, vraie ou non, cette dépendance aux banques pose le
problème de la diversification des financements. Les PME restent très
dépendantes des banques, mais elles doivent néanmoins diversifier
leurs sources de financement, en particulier à cause des normes
prudentielles renforcées du système bancaire.
Une nouvelle source de financement pour les entreprises 11

Les alternatives au financement bancaire

La diversification des circuits de financement peut se faire par le


recours aux moyens traditionnels. Mais, parallèlement, de nouvelles
sources, en particulier publiques, sont devenues accessibles. Enfin,
dans la lignée de l'évolution constatée depuis bientôt trente ans, une
désintermédiation croissante s'impose.

Les solutions traditionnelles

Les alternatives au financement bancaire ne manquent pas, quel


que soit leur objet : financer un investissement ou une acquisition,
couvrir une insuffisance de trésorerie, etc. Bien évidemment, il n'y
a pas une solution unique ni un produit de financement universel.
Les besoins d'un assembleur d'ordinateurs ne sont pas les mêmes que
ceux d'un constructeur de ponts. Les exigences d'une société de
services dans la communication ou le numérique ne sont pas simi¬
laires aux besoins d'une société pharmaceutique ou d'une « biotech ».
Enfin, d'autres critères interviennent : taille de l'entreprise, exposi¬
tion aux risques, société indépendante ou société cotée, etc.
Les solutions historiques et traditionnelles sont les premières :
affacturage, crédit-bail, capital-investissement, marché financier.
L'affacturage ou factoring est une solution commode pour faire face
aux tensions de trésorerie, en particulier pour les petites entreprises.
C'est maintenant le deuxième moyen de financement à court terme
des entreprises, derrière le découvert. En 2014, cette technique a
concerné 40 000 entreprises en Erance pour un montant de
227 milliards d'euros, en hausse de 13 % (Association française des
sociétés financières, ASF, L'Activité des établissements spécialisés en
2014). Ce service est proposé par une société financière appelée factor,
qui achète les créances détenues par une société cliente qui délègue
à ce factor la gestion de ses factures. Ces services sont assurés princi¬
palement par des établissements de crédit, filiales de banques. L'affac¬
turage a un avantage : il apporte un financement proportionnel à
l'activité ; il a un inconvénient : il est coûteux pour l'entreprise.
Le crédit-bail ou leasing est réservé à des projets d'investissements
immobiliers ou mobiliers. Les avantages sont divers : souplesse du
contrat, financement à 100 % du montant sans apport, réparation
ou remplacement des biens en cas de besoin, déductibilité des loyers.
Mais le crédit est plus coûteux qu'un crédit bancaire traditionnel. Par
nature, le développement de ce type de financement est lié à l'activité
et à la santé de l'économie. Le volume des financements d'investis¬
sements d'équipement mis en place s'est établi à 22 milliards d'euros
12 Le crowdfundinc

en 2014 (Association française des sociétés financières, ASF, L'Acti¬


vité des établissements spécialisés en 2014), soit le même niveau qu'en
2006... avant la crise.
Le capital-investissement, réalisé par des sociétés ou fonds d'inves¬
tissement spécialisés ou, sur une échelle plus petite, par des business
angels, permet d'apporter des financements, en général en capital,
aux sociétés non cotées, notamment aux start-up. En 2014, en France,
il a concerné un nombre restreint d'entreprises : 1 650 entreprises,
dont 1 200 ETl et PME, pour un montant de 8,7 milliards d'euros
(Banque publique d'investissement, Bpifrance, PME 2015). Pour la
même période, en Europe, ces investissements se sont élevés à près de
40 milliards d'euros. Les sociétés de capital-investissement sont des
intermédiaires financiers gérant les fonds confiés par des investis¬
seurs institutionnels, notamment banques et compagnies d'assu¬
rances. Les business angels sont des investisseurs individuels disposant
de moyens plus modestes. C'est donc la rencontre intermédiée entre
une entreprise et son dirigeant ayant un projet de développement
et un ou plusieurs investisseurs institutionnels ou particuliers prêts
à investir dans un projet risqué par nature. Mais la crise a renforcé
l'exigence des capital investisseurs et des business angels.
Le marché financier, c'est-à-dire le recours aux marchés des
actions, reste encore une solution peu utilisée par les PME, malgré
son intérêt à long terme. Les raisons sont notamment le coût d'accès,
les contraintes réglementaires, les impératifs d'information liés à la
cotation et les incertitudes résultant de l'évolution de la Bourse. Il
convient toutefois de retenir le lancement, par Euronext, en 2013,
d'Enternext, une plateforme dédiée aux sociétés d'une capitalisation
inférieure à 1 milliard d'euros. Parmi les axes stratégiques définis par
Enternext, il faut noter l'accompagnement des sociétés cotées et non
cotées dans leur utilisation des marchés, et la promotion des PME
et ETI auprès des investisseurs. Enternext ambitionne d'attirer en
Bourse, au cours des prochaines années, des dizaines de sociétés small
caps, c'est-à-dire les sociétés dont la capitalisation boursière est infé¬
rieure à 150 millions d'euros. Une bonne orientation du marché
pourrait faciliter la réalisation de ce projet.

Le renouveau des financements publics en France

Les financements publics pour les PME et les GE ont connu un


renouveau, depuis 2013, avec la création de la Banque publique
d'investissement (Bpifrance). La Bpifrance regroupe trois organismes
existants : Oseo (intervenant sur la dette senior des entreprises), le
Fonds stratégique d'investissement (FSI) et CDC Entreprises (des
Une nouvelle source de financement pour les entreprises 13

fonds d'investissement apportant des capitaux propres aux entre¬


prises). La Bpifrance, structure de financement public à l'intention
des PME et ETl, intervient en matière de capital-investissement. En
2014, la Bpifrance et ses partenaires ont investi 1,5 milliards d'euros
en fonds propres dans les entreprises (Bpifrance, PME 2015).
En matière de financements publics pour les entreprises, Bpifrance
devrait, durant 2016, intégrer les garanties publiques à l'export gérées
jusqu'ici par Coface.

De nouvelles opportunités de financement pour les PME

Au cours des dernières années, différents dispositifs de soutien au


financement des PME ont été mis en œuvre avec plus ou moins de
succès. En avril 2014, cinq banques françaises ont créé un véhicule
de titrisation européen, dans le but de dynamiser l'accès des PME et
ETl au crédit. À ce sujet, un banquier déclare le 11 avril 2014 au
journal La Tribune : « Le fait de rendre les prêts aux PME plus facile¬
ment monétisables devrait inciter les banques à consentir davantage
de crédits aux petites et moyennes entreprises. »
Un autre véhicule a été créé début 2014, le PEA-PME, réservé pour
l'investissement vers les PME et ETl, conçu sur le même modèle que
le PEA (plan d'épargne en actions), les épargnants pouvant d'ailleurs
cumuler les deux supports d'investissement. Ces deux produits
d'épargne bénéficient d'avantages fiscaux, à savoir une exonération
d'impôts des profits (plus-values et dividendes compris), sous
certaines conditions, notamment lorsque la détention des titres est
de cinq années au moins. Ces produits visent ainsi les personnes
ayant une faible aversion au risque et/ou des épargnants qui souhai¬
tent diversifier leurs placements tout en bénéficiant de conditions
fiscales avantageuses.

De nouvelles formes de financement hors de France

Les raisons qui poussent les entreprises françaises à se financer en


dehors des frontières sont multiples, par exemple la recherche de
financements diversifiés pour compléter des financements obtenus
au sein de l'Hexagone. Autre motivation : la présence d'investis¬
seurs étrangers qui permet de bénéficier des connaissances du marché
local (réglementations, concurrence, etc.). Entre le 1" janvier 2010 et
le 30 juin 2012, six des dix plus importantes levées de fonds réalisées
par des start-up françaises ont été en partie financées pat des fonds
de capital-investissement étrangers, indique KPMG (Observatoire des
levées de fonds Internet). Autre illustration : en 2014, TAFIC
14 Le cdowdfundinc

(Association française des investisseurs pour la croissance) et Grant


Thornton indiquaient que 41 % des fonds levés par les acteurs
français du capital-investissement (10,1 milliards d'euros) l'ont été
auprès d'institutionnels étrangers.
Deezer, site Internet proposant de la musique à la demande, a levé,
en 2012, 132 millions de dollars auprès d'un milliardaire russo-améri¬
cain, propriétaire entre autres du label Warner Music. Blablacar, site
Internet de covoiturage avec réservation en ligne, a été soutenu par
des partenaires étrangers tels que Accel Partners (Royaume-Uni),
Cabiedes & Partners (Espagne) et ISAI (France), qui lui ont permis
de lever 7,5 millions d'euros début 2012. Criteo, qui propose des solu¬
tions permettant d'augmenter l'efficacité des publicités diffusées sur
la Toile, a obtenu, en 2012, 30 millions d'euros de financements
auprès de SdftBank Capital (États-Unis), Yahoo! Japan (Japon) et
Adam Street Partner (États-Unis).

Un modèle de financement en pleine mutation

Les alternatives au financement bancaire classique ont des caracté¬


ristiques différentes. Affacturage et crédit-bail, deux alternatives clas¬
siques aux prêts bancaires, restent largement distribués par les grands
réseaux bancaires. Le marché boursier, favorable sur le long terme,
reste soumis aux incertitudes du court terme. La Bpifrance dépend
encore largement des moyens mis à sa disposition par les pouvoirs
publics. Les financements par des investisseurs étrangers sont en
développement, mais leur obtention reste liée à l'image de
l'économie française. On revient donc immanquablement à la ques¬
tion du financement de l'entreprise.

Le financement, une démarche stratégique

La crise systémique entamée en 2008 remet en cause progressive¬


ment, au sein des entreprises, les modèles de gestion, de croissance,
d'investissement, de financement, ainsi que les rapports aux action¬
naires et aux différents partenaires. Les directions financières doivent
réétudier l'organisation et les mécanismes du financement, et plus
particulièrement ceux du cycle d'exploitation, anticiper la restructu¬
ration du bilan, repenser les organisations et bien sûr accorder la prio¬
rité à la gestion des risques et notamment aux relations bancaires.
Le besoin de financement d'une entreprise, c'est d'abord le finan¬
cement de sa croissance, interne par l'investissement en biens et équi¬
pements ou externe par l'acquisition de sociétés. La recherche de
Une nouvelle source de financement pour les entreprises 15

financements et leur nature sont donc largement la conséquence de


choix stratégiques, s'inscrivant dans une démarche de long terme.
Mais, dans le même temps, on constate des approches de court terme
pour certains financeurs, notamment les banques, en même temps
qu'on observe un éloignement croissant entre les demandeurs de
capitaux et les décideurs en matière financière.

La désintermédiation et la proximité

Ùn constat s'impose du côté des épargnants : l'investisseur devient


un acteur de plus en plus impliqué dans la gestion de son épargne
qu'il souhaite de plus en plus pouvoir placer « en direct », à proxi¬
mité, au service d'une économie plus réelle et plus concrète. Internet
et les moyens numériques sont de formidables accélérateurs en la
matière.
Internet est en train de révolutionner durablement la communi¬
cation entre les individus et de donner une nouvelle dimension à
l'un des grands marchés mondiaux : le marché de l'argent, de l'inves¬
tissement boursier et du financement des entreprises. Révolution,
puisque tous les internautes peuvent accéder aux mêmes données à
partir d'un simple clic sur une touche de clavier. Révolution,
puisqu'un investisseur particulier a accès à la même information
qu'un investisseur professionnel, cela au même moment, dans les
mêmes conditions. Révolution pour les particuliers en général, les
actionnaires ou les investisseurs individuels en particulier, puisque le
média Internet cumule les avantages des médias de masse et ceux
des médias relationnels. Révolution, puisque, avec Internet, ce sont
finalement quatre avantages simultanés qui se cumulent en matière
d'accès à l'information et de prise de décision : la rapidité, l'univer¬
salité, la permanence, l'économie.
Internet est un moyen de dialogue entre l'entreprise et ses publics,
et entre les publics entre eux. C'est le moyen technique qui permet
et accélère la désintermédiation dans le domaine de la finance. Il
s'inscrit dans une logique d'interactivité et d'anticipation. C'est une
formidable opportunité pour l'entreprise qui peut aller en perma¬
nence au-devant des attentes de ses actionnaires, de ses clients et de
ses financeurs, dans une logique de relation de long terme. Internet
est aujourd'hui un élément essentiel du marketing commercial et
hnancier de l'entreprise, qui trouve là l'occasion de toucher par elle-
même de nouvelles populations.
Internet, outil majeur du cybermarketing économique et finan¬
cier, contribue à modifier largement les modalités du financement
de l'entreprise et ses relations avec ses « fournisseurs d'argent ».
16 Le crowdfunoinc

Beaucoup de banques et d'établissements financiers, qui ont lancé et


qui développent des banques en ligne, ne s'y sont pas trompés.
Un autre phénomène va dans le même sens : la part croissante,
même si elle est encore modeste, de l'approche extrafinancière dans
le domaine de l'épargne. Le développement de l'ISR (investissement
socialement responsable) en est la preuve concrète.
Nombreux sont les publics de l'entreprise, y compris parmi les
investisseurs, qui demandent à cette entreprise de ne pas fonder son
développement uniquement sur des performances financières. Ces
investisseurs souhaitent que l'entreprise intègre, dans sa stratégie, les
problématiques environnementales, mais également les questions
relatives aux valeurs morales et éthiques, en vue d'une performance
durable, ce qu'on appelle l'ISR, qui évalue les entreprises à travers les
critères ESC (environnementaux, sociétaux, de gouvernance). En dix
ans, de 2005 à 2014, les volumes investis dans les supports gérés selon
des critères ISR dans ce domaine ont été multipliés par vingt-cinq en
France, pour atteindre 223 milliards d'euros (Novethic, Chiffres 2014
de l'investissement responsable en France). La France est encore loin des
volumes investis dans ce domaine aux États-Unis, où sont apparus
les fonds éthiques. Mais la croissance de ces fonds est une réalité qui
traduit l'intérêt des investisseurs pour ces sujets et ces approches
nouvelles.

Le crowdfunding, une nouvelle alternative

D'abord Internet et le numérique avec la réduction induite des


coûts, ensuite une approche nouvelle de la relation entre épar¬
gnants et émetteurs avec une recherche de plus grande proximité,
enfin une nouvelle exigence de la rentabilité attendue pour l'épargne
disponible, telles sont les conditions pour de nouvelles formes de
financement des entreprises, en particulier les petites, les moyennes
et les start-up, mais aussi des projets divers, via une véritable
désintermédiation.
Cette nouvelle donne sociale, sociologique et technique, et l'insuf¬
fisance ou l'inadaptation des solutions traditionnelles de finance¬
ment, en particulier pour les petites et très jeunes entreprises, ouvrent
la voie à de nouvelles approches prises en compte par tous les acteurs
du monde économique et financier. Cette nouvelle donne annonce-
t-elle le renversement de la suprématie du système bancaire tradi¬
tionnel, au profit des investisseurs directs ? Il ne faut pas aller trop
vite. Mais le monde politique a bien compris cette évolution. Arnaud
Montebourg, alors ministre de l'Économie, disait en 2014 : « Le
Une nouvelle source de financement pour les entreprises 17

système bancaire qui s'est un peu trop détourné des petites entre¬
prises doit s'intéresser davantage à l'économie de nos PME et pas
seulement aux marchés mondiaux. » Xavier Bertrand, membre de la
Commission des finances de l'Assemblée nationale, affirmait en
février 2014 : « Si le crowdfunding marche, c'est que les banques ne
font pas leur travail. » Voilà donc posée la question du financement
participatif...
Le crowdfunding est la rencontre de trois acteurs : un entrepreneur/
émetteur, une plateforme/opérateur, un épargnant/investisseur, pour
gériérer de l'argent en développant de nouveaux projets.
Mais des questions concrètes se posent : comment s'articule la rela¬
tion entre ces trois acteurs ? Les plateformes de financement partici¬
patif peuvent-elles être amenées à devenir rivales des banques ?
Auront-elles les capacités pour pouvoir accorder des prêts à grande
échelle ? Quel encadrement réglementaire faut-il mettre en place ?
Compte tenu du coût de l'argent levé, le modèle économique du
crowdfunding peut-il être rentable ?
Au moment où le crowdfunding s'intégre de plus en plus à
l'économie et à la finance en France, et où sa croissance est exponen¬
tielle, il est important d'expliquer ce qu'est ce financement partici¬
patif, pour lequel les acteurs ont une ambition : inventer et
développer une nouvelle forme de financement des entreprises, et
plus particulièrement des petites et moyennes entreprises et des
start-up.
Il / Une réalité nouvelle

Depuis quelques années, le terme crowdfunding ou financement parti¬


cipatif apparaît régulièrement dans les médias. Le crowdfunding signifie
littéralement le financement (funding) par la foule (crowd). Selon la défi¬
nition de Schwienbacher et Larralde [2012], le financement par la foule
se définit comme « un appel à tous, essentiellement via Internet, pour
obtenir des ressources financières, soit sous forme de don, soit sous
forme d'écbange d'une certaine forme de récompense, soit sous forme
de droits de vote ».
Le crowdfunding est donc le financement d'un projet, via Internet,
grâce à un intermédiaire : la plateforme. 11 existe trois formes de
crowdfunding : le don, le prêt et l'apport en capital, réalisées par un
nombre important de contributeurs appelés les crowdfunders. Les
internautes qui investissent dans un projet sont de tous âges et de
toutes catégories socioprofessionnelles, comme le montre l'étude
d'AdoctA-Crowdfunding menée en France en octobre 2013. Un inves¬
tisseur via le crowdfunding est majoritairement masculin, assez jeune
(avec deux tranches d'âge principales : les 18-24 ans et les 40-49 ans)
et avec trois catégories socioprofessionnelles privilégiées : les cadres
et professions intellectuelles supérieures pour 31 %, les employés
pour 24 % et les sans-activité professionnelle pour 15 %. L'association
Financement Participatif France précise que, en 2015, les investisse¬
ments sont orientés en priorité vers de petites sociétés, en particu¬
lier des start-up, et sont compris, en moyenne, entre 56 euros pour les
dons avec récompense et 4 342 euros pour l'apport en capital.
Le crowdfunding, même s'il existe depuis longtemps sous des formes
différentes, comme le montre l'encadré 1, connaît une croissance très
rapide : 34,4 milliards de dollars attendus en 2015 contre 1,5 milliard
de dollars en 2011 au niveau mondial. À l'image de l'apparition et
du développement du numérique et des nouvelles technologies
(appelé la nouvelle économie) à la fin des années 1990 et au début
Une réalité nouvelle 19

des années 2000, il est difficile de disposer de données économiques


ef sfatisfiques régulières et fiables. Ceci explique certaines différences
concernant notamment les définitions et typologies du crowdfunding,
et sa répartition géographique.
Dans ce chapitre, nous présentons cette réalité nouvelle du finance¬
ment en quatre points : son origine (de son apparition à 2015) ; le
marché et les plateformes d'un point de vue national et international ;
ses différentes formes (don, prêt, capital) et des exemples de business
models ; la complémentarité ou la dualité du financement participatif
avec les autres formes de financement notamment bancaire.

Depuis quand, le crowdfunding ?

Le financement par la foule est une pratique déjà ancienne. Au


fil du temps, à travers le monde, le financement participatif a utilisé
plusieurs supports : la presse écrite, la radio et maintenant les
nouvelles technologies, grâce au développement d'Internet et des
réseaux sociaux. Le contenu du crowdfunding a également évolué au
fur et à mesure des mutations technologiques, allant du simple appel
aux dons au financement en capital pour des entreprises.

L'apparition du crowdfunding

Le financemenf par la foule, via des dons ou la participation finan¬


cière de plusieurs individus, n'esf pas récent, contrairement à ce
qu'on peut entendre, voir ou lire. 11 se faisait via le mécénat, via la
contribution de membres d'une famille ou d'habitants dans un
village, comme c'est le cas dans certains pays africains.
Aujourd'hui, la révolution technologique, Internet en particulier,
est la principale raison de l'essor du crowdfunding. C'est la caractéris¬
tique majeure qui différencie le financement participatif d'avanf et
celui de maintenant. En effet, le crowdfunding est construit sur un
système pratiquement identique, sauf qu'il utilise les nouvelles tech¬
nologies de l'information et de la communication (NTIC). Selon
Agrawal et al. [2011], le développement des NTIC, et plus particuliè¬
rement d'Internet, permet la mise en relation et la communication
entre les donateurs et les porteurs de projet, à moindre coût, quelle
que soit la localisation de chacune des parties, cela grâce à une plate¬
forme. La diversité géographique des investisseurs est donc facilitée.
Le phénomène est amplifié par les réseaux sociaux à travers le monde,
relayés par les mêmes supports et par le développement de la langue
anglaise.
20 Le crowdfundinc

Encadré 1. Quelques dates

1875 Une partie du financement de la statue de la Liberté a été assurée par un appel
aux dons sous diverses formes : spectacles, taxes, loteries, ventes de coupe-
papier à l'effigie de la statue, ainsi qu'un appel à l'aide de Joseph Pulitzer dans
le journal New York World. 125 000 contributeurs ont apporté 100 000 dollars.
1945 Appel aux dons dans des communes françaises pour financer des monu¬
ments aux morts.
1958 Réalisation d'un film aux États-Unis grâce à un appel aux dons par radio. En
une journée, le réalisateur reçoit 1 800 dollars.
1997 Appel aux dons à ses fans par Marillion, un groupe anglais, pour le finan¬
cement de sa tournée. 60 000 livres sont obtenues.
2004 Appel aux dons sur Internet par deux producteurs, Guillaume Colboc et
Benjamin Pommeraud, pour financer leur film Demain la veille.
2007 Appel aux dons pour l'album «Toi + moi » du chanteur Grégoire.
2012 Financement de la campagne présidentielle de Barack Obama aux
États-Unis par les dons de ses sympathisants, en particulier sur Internet.

Le terme crowdfunding, apparu pour la première fois en 2006 sur


le site Wordspy.com, a été inventé par deux journalistes de Wired
Magazine, Jeff Howe et Mark Robinson. Ce terme est issu du mot
crowdsourcing, qui vise l'utilisation du savoir-faire ou des connais¬
sances d'une communauté, c'est-à-dire de plusieurs individus, pour
obtenir des idées et des informations relatives, par exemple, au déve¬
loppement des activités d'une entreprise. Le crowdsourcing est notam¬
ment utilisé lorsqu'une entreprise incite ses salariés à participer à
l'amélioration du processus de production. Le crowdfunding, comme
le crowdsourcing, utilise et associe la foule, mais à des fins différentes :
le financement pour le premier, l'information pour le second.
En France, le financement participatif a trouvé sa première traduc¬
tion concrète en 2007, quand Grégoire, un jeune chanteur, a été le
premier artiste connu à bénéficier d'un financement participatif au
travers d'une plateforme (MyMajorCompany) pour lancer son
premier album. Au total, 347 internautes ont apporté 70 000 euros
pour cette opération. L'album a connu un succès tel que les contri¬
buteurs ont perçu un gain proche de 350 % de leur mise initiale.

Le marché du crowdfunding

Depuis 2009, le développement du crowdfunding a été rapide au


niveau mondial. 11 s'est traduit, en particulier, par la création de
nombreuses plateformes à travers le monde.
Une réalité nouvelle 21

Graphique 2. Évolution des montants investis en crowdfunding


entre 2009 et 2015 au niveau mondial
(en millions de doliars)

35 000 -/ 34 400

30 000

25 000

'20 000

15 000
16 200 P
i

10 000

5 000 530 854 1 470 ^


6 100

/k
i1 1

0
«■» C» 1 11
2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 (est.)

Source : massolution.com, The Crowdfunding Industry Report.

Le marché mondial

En 2012, selon l'étude de massolution.com, 2,7 milliards de dollars


ont été investis au niveau mondial à travers 1,1 million de projets
financés, venant en majorité d'Amérique du Nord. Entre 2009 et
2012, les montants apportés ont été multipliés par cinq.
En 2014, le marché mondial du crowdfunding s'est établi à
16,2 milliards de dollars, répartis comme suit : les prêts ont repré¬
senté 11,1 milliards de dollars, les dons avec ou sans contrepartie
4 milliards de dollars et les apports en capital 1,1 milliard de dollars.
Le graphique 2 confirme la croissance explosive des montants
investis en crowdfunding, qui a probablement dépassé 34 milliards de
dollars en 2015 à travers le monde, avec 17,3 milliards de dollars aux
États-Unis (9,5 en 2014), 6,5 milliards de dollars en Europe (3,4 en
2014) et 10,5 milliards de dollars en Asie (3,4 en 2014).
Le financement participatif est souvent comparé au capital-
risque, qui finance des entreprises innovantes à l'aide de fonds
privés et d'investisseurs en private equity. Les montants actuels du
premier sont plus faibles que ceux du second. Mais l'écart se réduit
progressivement...
22 Le crowdfundinc

Le crowdfunding dans les différentes zones géographiques

Le crowdfunding est apparu sur le continent nord-américain qui


continue, en 2015, à dominer le marché mondial avec près de 50 %
des montants investis. Une part très majoritaire (70 %) des fonds
récoltés par le financement participatif provient donc des États-Unis
(croissance de 145 % par rapport à 2014) et de l'Europe (croissance de
141 % des fonds investis en 2015 sur 2014), alors que l'Asie, avec un
montant légèrement supérieur à celui du marché européen, occupe
maintenant le deuxième rang et dispose d'un fort potentiel de déve¬
loppement, confirmé par la croissance de 320 % enregistrée sur cette
zone en 2015 par rapport à 2014.
En décembre 2014, on dénombrait 1 250 plateformes à travers le
monde, dont 600 en Europe, 375 en Amérique du Nord, 169 en Asie,
50 en Amérique du Sud, 37 en Océanie et 19 en Afrique (étude de
massolution.com). Ces données sont amenées à évoluer rapidement
à la suite de la mise en place de nouvelles réglementations, de l'inac¬
tivité de certaines plateformes et du développement de nouveaux
marchés (Asie, Extrême-Orient).

Tableau 1. Les plateformes à travers le monde

Pays Nombre de plateformes

États-Unis 344
Royaume-Uni 87
France 53*
Pays-Bas 34
Canada 34
Espagne 27
Allemagne 26
Brésil 17
Italie 15

* 66 plateformes en 2015.

Source : Banque mondiale (201 3).

Aux États-Unis, le marché du crowdfunding a connu un développe¬


ment très actif, faisant aujourd'hui de cette zone le premier marché
mondial, avec plus de 17 milliards de dollars attendus en 2015. Les
États-Unis restent incontestablement les leaders dans le développement
du aowdfunding et les montants collectés. Un tel succès se justifie princi¬
palement par un système réglementaire plus souple et une culture plus
propice au don, contexte qui sera développé dans le chapitre rv.
Une réalité nouvelle 23

Les premières plateformes créées aux États-Unis, en particulier


Kickstarter en avril 2009 et Indiegogo, autre site phare, ont connu
rapidement un grand succès. Contrairement à l'Europe, les plate¬
formes de don sans contrepartie sont les plus représentées (34 %),
devant celles de don avec contrepartie. Leur nombre est assez stable
par rapport à 2013, et peu d'entre elles se regroupent. À titre
d'exemple, Kickstarter a financé, depuis sa création en 2009 jusqu'à
début 2016, plus de 100 000 projets pour un montant de 2,2 milliards
de dollars, grâce à 10,4 milliards de contributeurs. Cette plateforme a
financé notamment la rénovation de la combinaison spatiale portée
par Neil Armstrong lors de ses premiers pas sur la lune, mais aussi le
Musée mondial de la pizza à Philadelphie. Les financements concer¬
nent essentiellement des projets créatifs. Par exemple a été permis, en
2012, le financement pour 10,1 millions de dollars de Pebble Smart
Watch, une montre connectée, en regroupant 70 000 contributeurs
(Kickstarter.com).
Concernant les plateformes de prêt, Lending Club, lancée en 2007
par un Français, Renaud Laplanche, est la référence mondiale en
approchant les 16 milliards de dollars de prêts cumulés à fin 2015.
Le crowdfunding par apport en capital fait l'objet d'une réglemen¬
tation mise en place en 2016 (voir chapitre iv).
Le Rapport paneuropéen du crowdfunding [2014] présente le marché
européen. En matière économique et financière, il est courant de
constater que, en Europe, 80 % d'un marché ou d'un mode de finan¬
cement sont le fait de quelques pays majeurs : le Royaume-Uni, la
France, l'Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie, l'Espagne. Dans le cas du
crowdfunding, à côté des pays habituels, on constate la place faible
de l'Italie (malgré une législation assez favorable) et, au contraire, la
position significative de la Suède (peut-être grâce à l'activisme de
l'actionnariat individuel local).
Le marché européen est passé de 487 millions d'euros en 2012 à
3 milliards d'euros en 2014 et probablement 7 milliards d'euros en
2015. En Europe, le marché du Royaume-Uni est le plus important, avec
2,34 milliards d'euros collectés en 2014 contre 154 millions d'euros
pour la France, 140 millions d'euros pour l'Allemagne, 107 millions
d'euros pour la Suède, 78 millions d'euros pour les Pays-Bas et
62 millions d'euros pour l'Espagne sur la même période, les pays
nordiques ayant enregistré les taux de croissance les plus élevés.
Au Royaume-Uni, le nombre des nouveaux entrants est plus faible
qu'en France car le marché est plus ancien. Cette antériorité
s'explique probablement par la capacité à l'innovation financière de
la place de Londres et par la proximité en la matière avec les
États-Unis. Les dons avec contrepartie représentent l'essentiel des
24 Le crowdfundinc

plateformes (31 %), suivis par le prêt participatif avec intérêts (29 %).
UK Crowdfunding et Peer2Peer sont les deux associations de plate¬
formes sur ce marché.
En France, le marché du crowdfunding a triplé entre 2012 et 2013,
et doublé entre 2013 et 2014. Cette situation va encore évoluer dans
les années à venir, à la suite de la mise en place d'une réglementa¬
tion favorable (voir chapitre iv) qui attirera de nouveaux entrants.
Les données publiées relatives à 201S montrent un doublement des
fonds collectés (297 millions d'euros), comparées aux données de
2014 (152 millions d'euros). La majorité des plateformes en France
sont dédiées aux dons avec contrepartie (environ 40 %) ainsi qu'au
prêt rémunéré (20 %). Deux associations de financement participatif
existent : l'AFIP (Association française de l'investissement partici¬
patif) et le FPF (Financement Participatif France).
En Scandinavie, le financement participatif a connu une crois¬
sance à un rythme rapide (128 millions d'euros en 2014 contre
32 millions d'euros en 2012). Une vingtaine de plateformes de crowd¬
funding [Rapport paneuropéen du crowdfunding, 2014] ont été
recensées. Elles se caractérisent par de petites et jeunes entreprises
qui sont davantage spécialisées dans le don avec récompense et dans
une moindre mesure dans le don sans contrepartie. Deux associations
existent : la Danish Crowdfunding Association et la Nordic Crowd¬
funding Alliance.
Aux Pays-Bas, les sites avec contrepartie dominent le marché, avec
une part de 45 % contre 22 % pour les dons. Les plateformes de sous¬
cription au capital sont peu présentes sur ce marché.
En Espagne, les plateformes de dons avec contrepartie (47 %) et
de dons sans contrepartie (32 %) représentent une part très majori¬
taire du marché du financement participatif. Ce marché est très actif
et peu mature. Des plateformes de prêts participatifs avec intérêts
devraient s'y développer. Sur ce marché, la collaboration de plusieurs
plateformes avec des ministères ou des fondations permet d'assurer
des financements pour la science, la recherche et la culture.
En Allemagne, les plateformes de souscription au capital des entre¬
prises dominent largement, montrant le goût des Allemands pour
l'entrepreneuriat. Les plateformes de dons avec contrepartie représen¬
tent 29 %, et celle des prêts participatifs avec intérêts, 20 %. 11 existe
une association : la German Crowdfunding Network.
Le crowdfunding se développe très rapidement en Extrême-Orient,
en particulier en Asie du Sud et de l'Est. En 2015, cette région dépasse
légèrement l'Europe en matière de fonds investis dans le financement
participatif avec 10,5 milliards de dollars. Nous mettons l'accent sur
la Chine, le Japon et la Malaisie.
Une réalité nouvelle 25

En Chine, le marché du financement participatif a connu des


débuts assez difficiles du fait de la culture et des mentalités diffé¬
rentes. Les Chinois devenant plus exigeants dans leurs choix de
financement et concernant le retour sur investissement, le finance¬
ment participatif devient de plus en plus attractif. Des plateformes
ont été créées, certaines très actives comme Dreamore, Fundator et
DemoHour. Les acteurs les plus puissants en Chine ont créé des plate¬
formes comme Alibaba et plus récemment Jingdong avec la plate¬
forme Feniziqian. Le succès est tel que le principal organisme de
régulation hnancière du pays, la CSRC (China Securities Regulatory
Commission), met en place des dispositions législatives relatives aux
pratiques de Vequity et du prêt en matière de financement participatif.
Le Japon est un des principaux acteurs en Asie sur le marché du
crowdfunding. Depuis 2010, de nombreuses plateformes, essentielle¬
ment dans le don avec ou sans contrepartie, sont apparues et
commencent à s'internationaliser, par exemple CampFire, Maneo,
Countdown et Readyfor. En revanche, il y a peu de plateformes en
equity. Pour remédier à cette situation, une nouvelle législation entrée
en vigueur au mois de mai 2015, le Japan's Financial Instruments and
Exchange Act, favorise la création de plateformes pour permettre aux
jeunes entreprises locales de récolter plus simplement des fonds.
La Malaisie est l'un des pays pionniers en Asie dans le soutien des
moyens de financement innovants. C'est le premier pays dans la
région de l'ASEAN (Association des nations de l'Asie du Sud-Est) à
avoir un environnement réglementaire avantageux pour le finance¬
ment participatif. Cette situation devrait évoluer encore plus favora¬
blement grâce à la loi de finances 2015. Le ministre adjoint des
Finances Datuk Ahmad Masian a d'ailleurs déclaré : « Nous encoura¬
geons les investissements au moyen du crowdfunding et nous espérons
que le nombre d'investisseurs de ce type va croître. Le but de l'adop¬
tion aujourd'hui du projet de loi est de réglementer et de protéger les
intérêts des investisseurs et des entreprises. »
En Asie, la transaction moyenne récente d'un projet est d'environ
13 700 dollars alors qu'elle n'est que de 2 570 dollars aux États-Unis.
Ces données ne sont que des moyennes et doivent être affinées selon
le secteur d'activité du projet.
Au niveau africain, le crowdfunding est encore peu présent. Smala
and Co, plateforme créée en juin 2014, s'adresse à l'Afrique du Nord.
Arnaud Pinier, son fondateur, a basé sa plateforme en France en
raison d'un vide juridique en matière de crowdfunding en Afrique. Elle
finance des projets en dirhams pour que les Marocains puissent parti¬
ciper aux campagnes. Une particularité est à noter : aucune commis¬
sion sur les projets réalisés n'est prélevée, mais la plateforme facture
26 Le crowdfundinc

des honoraires de commission en arfiont. Quelques autres plate¬


formes existent, telle que la plateforme kenyane M-Changa, qui
permet de faire des dons via un mobile, ou encore Ecofund, ancrée
dans le paysage africain. Le faible développement du marché africain
se justifie par une faible bancarisation, un réseau informatique limité
et une épargne difficilement mobilisable.

Les formes de crowdfunding

Le crowdfunding peut prendre la forme d'un don avec ou sans contre¬


partie (ou récompense), d'un prêt rémunéré ou non ou d'un apport
en capital. Comme pour toute situation nouvelle et évolutive, pour un
marché encore assez jeune mondialement, les définitions retenues ne
sont pas toujours homogènes d'une zone géographique à l'autre. 11 en
résulte donc des différences en matière de données statistiques, qui ne
remettent toutefois pas en cause les grands équilibres. Le graphique 3
permet d'avoir une vision de la répartition et de l'évolution, au cours
des dernières années, des diverses formes de aowdfunding.

Graphique 3. Évolution de la répartition mondiaie


des formes du crowdfunding de 2011 à 2014

Le financement par le don

Le financement par le don peut prendre deux formes : le don sans


contrepartie, appelé aussi donation-based, et le don avec contrepartie,
appelé aussi reward-based.
Une réalité nouvelle 27

Tableau 2. Quelques plateformes de don en France

Plateformes Domaines de Caractéristiques


spécialisation

MyMajor Culture, technologie, sport, Pionnier en France.


Company solidarité.

KissKissBank- Art, sport, design, écologie, Un des pionniers en France.


Bank solidarité, mode.

Ulule Projets créatifs, projets Le minimum requis pour faire un


innovants. don est de 5 euros.

Notrepetite Soutien des entreprises. Cette plateforme est le résultat


entreprise d'un partenariat entre
MyMajorCompany et la BCE.

Reservoirfunds Création d'entreprises et Échange de sommes d'argent


jeunes entreprises. assez faibles contre des dons en
nature.

Zentreprendre Soutien aux entreprises dans Le porteur de projet doit avoir au


tous les secteurs. moins 50 parrains.
Soutien aux créations
d'entreprise.

Source : tableau établi par les auteurs à partir des sites des plateformes.

Le financement par le don consiste pour un internaute à apporter un


soutien financier à un porteur de projet qui conserve toute sa propriété
intellectuelle. Selon l'étude de massolution.com, le don, qui représen¬
tait plus de 50 % du marché mondial en 2012, est tombé à 25 % en
2014 (4,02 milliards de dollars sur un marché mondial de 16,2 milliards
de dollars), malgré un taux de croissance annuel significatif. Cette
tendance s'est probablement confirmée en 2015.
Pour une opération de don sans contrepartie, l'internaute participe
financièrement au projet qui l'intéresse et, en échange, il n obtient
aucune contrepartie. Les plateformes de donation-based se sont essen¬
tiellement développées aux États-Unis et présentent un taux d attrac¬
tivité en diminution. Selon lizuka [2013], il existe plusieurs types de
dons sans contrepartie : les fonds collectés pour les organisations à
but non lucratif, par exemple des organismes caritatifs ou des partis
politiques ; les fonds collectés pour aider des personnes en difficulté,
par exemple à régler leurs factures ; les fonds collectés pour financer
des événements privés.
En ce qui concerne le don avec contrepartie, qui est le plus
répandu, une contrepartie est donnée aux internautes lorsque la levée
28 Le crowdfundinc

Tableau 3. Quelques plateformes de prêt en France

Plateformes Domaines de Durées de Caractéristiques


spécialisation remboursement

Babyloan Micro-entreprises Jusqu'à 24 mois. Première plateforme euro¬


en France. péenne du microcrédit
solidaire.

BlueBees Secteurs environ¬ Entre 6 et Investissement dans les


nementaux et 24 mois. pays en voie de développe¬
sociaux. ment.

Credofunding Secteurs religieux Maximum Investissement dans


de la commu¬ 84 mois. l'éducation, la vie reli¬
nauté chrétienne. gieuse, le patrimoine reli¬
gieux, la solidarité, la
culture, la création.

Hexagon Secteur de Entre 6 et Promouvoir la construction,


l'immobilier. 24 mois. la création d'emplois et la
création de logements.

Finsquare Crédit à court Entre 3 et Les entreprises peuvent


terme. 24 mois. faire un emprunt de 3 000
Financement de à 50 000 euros. Le finance¬
l'économie ment peut se faire à partir
locale. de 10 euros.

Lendopolis Entre 24 et Prêts rémunérés.


TPE/PME 60 mois.

Source : tableau établi par les auteurs à partir des sites des plateformes.

de fonds est réalisée. La contrepartie, déterminée en fonction du


montant du don, peut être financière ou non financière. Ainsi, en
décembre 2015, le site Pédaleur met à disposition des « Box » pour les
cyclistes avec cinq à sept produits pour les sorties et entraînements,
et, en échange, les donateurs reçoivent des bidons, des maillots et
aussi quelques « Box ». On peut aussi relever le cas du financement de
l'album d'un artiste ou d'un spectacle qui entraîne l'octroi d'un CD
ou d'un billet. Une place de spectacle gratuite ou un album reçu n'est
pas une somme financière proprement dite, mais correspond bien à
une certaine valeur financière reçue. Le mot « don » est-il réellement
approprié ? Oui, car la contrepartie est plus du domaine du symbole
que de l'ordre du produit financier. Toutefois, certains qualifient le
crowdfunding par le don de « 2.0 du mécénat ».
Une réalité nouvelle 29

Le financement par le prêt, dit crowdlending

Le financement par le prêt se traduit par la possibilité d'obtenir un


prêt avec ou sans intérêt, c'est-à-dire rémunéré ou pas, accordé par un
internaute à un individu ou à une organisation sans passer par l'inter¬
médiaire d'une institution financière. De manière plus concrète, un
porteur de projet lance un appel au financement, et chaque finan¬
ceur devient « détenteur » d'une partie du prêt. Ce dernier peut se
décliner sous deux formes : le prêt désintéressé (ou gratuit) et le prêt
avec intérêt, dont le taux est fixé, au sein d'une plage sélectionnée, en
fonction de la popularité du projet et de la nature de celui-ci.
Le financement par le prêt est en forte croissance à travers le
monde. En 2011, il représentait 40 % du marché mondial ; en 2014,
il s'élève à 11,08 milliards de dollars, soit 68 % du marché. En 2015,
en France, on dénombre seize plateformes de crowdlending, dont
certaines sont présentées dans le tableau 3. L'interview du président
de Babyloan, une plateforme majeure dans le domaine du crowdlen¬
ding en France, fait l'objet de l'encadré 8 dans le chapitre vi, p. 108.

Le financement en capital, dit crowdequity

Le financement en capital est la troisième et dernière forme de


financement participatif apparue sous le nom crowdequity. Dans ce
cas, l'internaute est un investisseur qui acquiert une participation
dans un projet ou devient coacteur de celui-ci. En cas de succès
commercial du projet, le crowdfunder a droit, en échange, à des
contreparties financières.
Le crowdequity permet d'investir dans une entreprise en souscri¬
vant des actions. Les investisseurs en actions, qualifiés d'action¬
naires, sont détenteurs d'une partie du capital de l'entreprise.
L'investisseur accompagne l'entreprise au cours de son développe¬
ment (intérêt pour l'entreprise), mais peut aussi obtenir un retour sur
investissement en cédant ses titres à un horizon de trois à huit ans
(intérêt pour l'investisseur). Ce mode de financement fait encourir un
certain risque à l'investisseur qui finance une entreprise, générale¬
ment petite ou moyenne, avec des perspectives de croissance peu ou
pas connues, en tout cas incertaines. Une autre limite est à souligner :
le marché du financement participatif n'a pas de marché secondaire
à ce jour et il engendre donc un risque de liquidité.
Cette nouvelle forme de financement représente aujourd'hui 7 %
du marché mondial, avec 1,1 milliard de dollars en 2014. À titre de
comparaison, le crowdequity s'élevait à 116 millions de dollars en
2012 (4 % du marché mondial).
30 Le crowdfundinc

Le aowdequity se décline de diverses manières, notamment via l'inves¬


tissement dans les projets culturels, dans les entreprises innovantes et
désormais dans le secteur de l'immobilier. WiSEED et Anaxago, deux
plateformes importantes dans le domaine du aowdequity en France, sont
présentées dans le chapitre vi (encadrés 7 et 9, p. 106 et 110) à travers
deux interviews.
La finance offre globalement aux investisseurs un panel diversifié de
produits financiers. Le financement participatif fait de même en intro¬
duisant l'émission obligataire. Deux acteurs, Lumo et SmartAngels, ont
commencé à initier cette approche en France. Le principe est simple :
lorsque le projet est validé par la plateforme, l'entreprise qui souhaite
obtenir des fonds lance une opération en ligne de financement partici¬
patif en obligations. Dès que l'objectif est atteint, les investisseurs
deviennent obligataires et percevront ainsi un intérêt qui s'ajoutera au
remboursement de leur capital. Une des différences entre une émission
obligataire traditionnelle et celle-ci est que les titres sur ce marché ne
sont, dans la pratique pas cédés, mais conservés par l'obligataire jusqu'à
la fin du remboursement du prêt. Mi-avril 2015, ClubFunding a lancé,
sur sa plateforme, les premiers financements obligataires de PME. Son
processus est simple : elle sélectionne des entreprises émettrices selon
un processus d'analyse précis mené par ses équipes internes, à l'aide
d'une centaine de critères financiers et managériaux, puis les soumet
ensuite à un comité des risques indépendant. Cette offre permet ainsi de
donner la possibilité aux PME d'accéder plus facilement au marché obli¬
gataire qui est, de fait, aujourd'hui plutôt réservé aux grands groupes et
aux institutionnels. C'est donc l'occasion d'un retour aux sources pour
le marché obligataire qui a été longtemps un marché ouvert aux parti¬
culiers, à la foule, c'est-à-dire la aowd...
Le aowdequity s'applique au secteur de l'immobilier, qu'on appelle
le crowd-immobilier, dont le développement s'explique notamment
par le nouveau contexte bancaire qui oblige les promoteurs à
apporter un pourcentage de fonds propres plus important. Le finan¬
cement participatif est une solution alternative ou complémentaire
qui permet aux promoteurs de renforcer leurs fonds propres afin
d'obtenir leur crédit bancaire. Ce qui était auparavant réservé aux
investisseurs institutionnels — financer un projet immobilier
(construction d'immeubles, mais aussi de maisons individuelles) —
devient possible pour des investisseurs particuliers.
Le crowd-immobilier nécessite une société holding et des sociétés
opérationnelles. La forme juridique de la holding est, le plus souvent,
une SAS (société par actions simplifiées), mais il n'y a aucune obliga¬
tion pour cette forme. Les sociétés opérationnelles peuvent être une
SARL (société à responsabilité limitée), une SCI (société civile
Une réalité nouvelle 31

immobilière) ou une SCCV (société civile de construction-vente).


Elles peuvent être financées par la dette, des comptes courants
d'associés ou des souscriptions de parts sociales. Une même holding
peut contrôler un ou plusieurs programmes. Une SAS peut par
exemple avoir une seule filiale ou plusieurs, qui peuvent prendre la
forme d'une SCI, d'une SAS ou d'une SCCV. Ces sociétés auront
recours à des financements bancaires. Une fois les programmes
réalisés ou vendus, les profits engendrés par les filiales opération¬
nelles vont remonter à la holding de tête, dans notre exemple à la SAS,
pour servir au remboursement des investisseurs.
Les fonds sont apportés pour une durée entre douze et trente-six
mois. La rémunération de l'investissement est établie de manière
contractuelle au travers d'une convention de compte courant
d'associés. Mais, bien sûr, les taux de rentabilité ne peuvent être
garantis, notamment en cas de prolongation du chantier ou de très
forte diminution des marges dégagées.
Dans le crowdequity classique, un investisseur acquiert une partici¬
pation dans un projet et obtient en échange une rémunération finan¬
cière en cas de succès commercial du projet. Le crowdequity peut être
envisagé d'une autre manière : l'investissement contre des royalties,
où le porteur de projet en cède la propriété intellectuelle.
Concrètement, la première plateforme active en la matière fut
Sellaband en Allemagne en 2006, suivie en France de MyMajorCom-
pany en 2008 et de My Pharma Company en 2012. My Pharma
Company donne le droit aux investisseurs de financer un projet de
recherche dans le domaine de la santé. En échange, ils reçoivent, en
cas de succès, un pourcentage du chiffre d'affaires : ce sont les
royalties. Pour cela, l'investisseur doit apporter au moins 50 euros
pour financer un projet de recherche et obtient en échange des points
de R&D qui lui donnent droit à un pourcentage du chiffre d'affaires
dans le cas où le projet aboutit et crée des revenus. My Pharma
Company s'octroie 10 % de la collecte de fonds et redistribue aux
investisseurs 80 % des royalties reversées par la société porteuse du
projet de recherche.
Le tableau 4 ne mentionne pas, notamment, deux plateformes en
capital : Anaxago et WiSEED, qui font l'objet d'une présentation
détaillée dans le chapitre vi.
À titre de synthèse, le tableau 5 présente la répartition en France
des projets pour le don avec ou sans contrepartie, le prêt et l'investis¬
sement en capital. Alors que la culture et la solidarité représentent
la majeure partie des projets concernant le don, les secteurs du
commerce et des services sont prédominants en ce qui concerne le
prêt et le capital.
32 Le crowdfundinc

Tableau 4. Quelques plateformes de financement en capital en France

Plateformes Domaines de Durées de Caractéristiques


spécialisation levée de fonds
et/ou
d'intervention

SmaitAngels Projets de Entre 2 et Levée de fonds entre


développement des 3 mois. 200 000 euros et
PME et start-up. 2 000 000 d'euros.

Kiosk to invest Entrepreneurs, Entre 2 et Levée de fonds comprise


start-up et PME. 3 mois. entre 100 000 euros et
5 000 000 d'euros.
Montant minimal de
1 000 euros.

Happy Capital Projets de Entre 8 et Levée de fonds maximale


développement des 12 semaines. de 2 500 000 euros.
PME et jeunes
entreprises.

Investir 99 jeunes sociétés dans Durée maximale Le porteur de projet doit


tous les secteurs de 12 mois. trouver 99 parrains sur la
d'activité. plateforme avant de
présenter son business plan
aux investisseurs.

Source : tableau établi par les auteurs à partir des sites des plateformes.

Tableau 5. La répartition des projets entre don,


prêt et capital en France
(en %)

Culture Solida¬ Santé et Techno¬ Commerce Immo¬ Autres


rité environ¬ logie et services bilier
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Don avec
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Source : Financement Participatif France (2014).


Une réalité nouvelle 33

Business mode! et crowdfunding

Le nombre important de plateformes de crowdfunding (66 en France


fin juin 2015) enfraîne un phénomène de concurrence accrue entre
elles. Certaines ont déjà un poids assez important dans leur secteur,
et d'autres au contraire disparaissent rapidement. Selon Les Échos
(17 février 2014), une plateforme sur deux disparaît dans les trois ans
qui suivent son lancement.
Pour éviter cette situation, un modèle économique appelé plus
couramment business plan est important. Selon Osterwalder et
Pigneur [2011], «un modèle économique (ou business modeî) décrit
les principes selon lesquels une organisation crée, délivre et capture
de la valeur ». Les auteurs proposent une matrice appelée CANVAS
qui permet de « décrire, représenter et analyser les éléments de base
du nouveau modèle économique ».
Le business model CANVAS est une matrice visuelle constituée de
neuf blocs qui décrivent les quatre grandes dimensions d'une organi¬
sation (les clients, l'offre, l'infrastructure, la viabilité financière). Les
neuf blocs sont les suivants : proposition de valeur, segmentation
clients, canaux de distribution, relations clients, sources de revenus,
ressources clés, partenaires clés, activités principales, structure des
coûts. Cet outil sert à aider les managers à expliciter leur business
model et est particulièrement adapté au cas des TPE/ETl et start-up.
11 apporte, comme tous les modèles, une description et une simplifi¬
cation de la réalité, et il ne prend pas en compte les détails complexes
de la stratégie, des processus, des entités et de l'organisation hiérar¬
chique. 11 s'agit, en analysant les composantes des neuf blocs,
d'engendrer des idées en utilisant des techniques de créativité,
d'identifier les interdépendances entre les neuf blocs (approche
système), de rendre le modèle de développement de l'entreprise plus
pertinent, innovant et performant.
Cette approche est adaptée à l'analyse et à la comparaison des
modèles et des stratégies de développement mis en œuvre par les
principales plateformes de crowdfunding.

Business model d'une plateforme de dons avec contrepartie :


KissKissBankBank (KKBB)

Les points importants que nous retenons sur une plateforme de


don avec contrepartie sont les suivants : elle s'adresse à un public
très large, elle permet au contributeur d'être remboursé en cas de
non-atteinte de l'objectif financier nécessaire à la réalisation du
projet (voir tableau 6).
34 Le crowdfundinc

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Une réalité nouvelle 35

Business model d'une plateforme de prêt : Unilend

Les points importants que nous retenons sur une plateforme de


prêts sont les suivants : elle s'adresse à un public ciblé, elle contribue
au financement de l'économie comme prêteur, mais aussi au place¬
ment de fonds financiers en tant qu'épargnant. Un de ses avantages
peut aussi être considéré comme un inconvénient puisqu'elle s'inté¬
resse uniquement à deux catégories d'acteurs : les prêteurs et les
emprunteurs (voir tableau 7).

Business model d'une plateforme d'equity ; WiSEED

Les points importants que nous retenons sur une plateforme


d’equity sont les suivants : elle permet de financer en priorité de
jeunes entreprises, quel que soit le secteur d'activité. WiSEED
présente la particularité d'avoir trois principaux secteurs d'activité :
les start-up, l'immobilier et les coopératives. Du lancement du projet
à la création de la holding, WiSEED est présent pour gérer toute l'orga¬
nisation. Toutefois, aucun remboursement des investisseurs n'est
réalisé en cas d'échec du projet (voir tableau 8).

Financement participatif et autres financements


de l'entreprise : complémentarité ou opposition ?

Les entreprises, en particulier les petites et les naissantes, sont


confrontées à des problèmes de financement, comme évoqué dans
le chapitre i. Des solutions, notamment bancaires, existent, mais elles
ne sont pas toujours adaptées ou accessibles aux entreprises en ques¬
tion. Le financement participatif apparaît comme un complément,
un appoint aux financements plus traditionnels.

Financement participatif et financement bancaire

Des médias ou des acteurs du monde de la finance considèrent le


financement participatif comme un concurrent au financement
bancaire. Certains imaginent même un remplacement possible de
l'un par l'autre. Cette vision nous semble peu réaliste. D'ailleurs, nous
constatons que des banques ont un intérêt croissant pour le crowd-
funding, en particulier sous forme de prêt et d'investissement en
capital, à l'image de la Banque Populaire, du Crédit Coopératif, de
Groupama Banque, du Crédit Mutuel..., qui pénètrent le marché.
36 Le crowdfundinc

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Tableau 7. Matrice CANVAS d'une plateforme de prêt

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Une réalité nouvelle 37

(max. 3 000 euros selon le montage financier), honoraires d'apport de fonds


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Coopératives : même principe que pour les start-up avec application d'un
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taux dégressif selon un barème couvrant les tranches de 100 000 euros à
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38 Le crowdfundinc

La Banque Populaire Atlantique lance, en avril 2015, sa première


plateforme d'investissement en capital, Proximea, qui s'adresse essen¬
tiellement aux entrepreneurs de Loire-Atlantique, Maine-et-Loire,
Vendée, Morbihan et Finistère. Cette plateforme a pour objectif de
soutenir trois projets d'un montant minimum de 150 000 euros avec
une enveloppe globale de 1,5 million d'euros. Selon le directeur de la
Banque Populaire Atlantique, Olivier de Marignan, « le circuit bancaire
traditionnel n'est pas forcément taillé pour appréhender les opportu¬
nités de marchés émergents, parfois atypiques, ou autorisé à prendre
des risques quand les perspectives de réussite reposent sur trop
d'inconnues ».
Le Crédit Coopératif (BPCE) a décidé de s'allier, en février 2015, avec
la plateforme toulousaine WiSEED. Cette banque propose désormais
deux types de financements en capital à ses clients : des fonds propres
apportés par WiSEED ou ses propres fonds propres.
Un autre exemple : Groupama a annoncé, au début de l'année 2015,
sa volonté de prêter jusqu'à 100 millions d'euros aux start-up françaises
à travers un partenariat avec la plateforme Unilend, spécialisée dans les
prêts aux entreprises.
Autre acteur bancaire majeur, le Crédit Mutuel a investi
10 millions d'euros, en juillet 2015, dans la plateforme de finance¬
ment Prêt d'Union. Le but est de prêter de l'argent pour des crédits
à la consommation en échange d'un rendement qui peut atteindre
jusqu'à 6,5 % pour les prêteurs.
11 est intéressant de constater que les banques mutualistes actives
dans les partenariats ou les initiatives en matière de financement
participatif. C'est là un retour à l'esprit du mutualisme et aux ambi¬
tions d'origine des établissements mutualistes : la régionalisation de
l'épargne, la proximité entre les apporteurs et les utilisateurs de capi¬
taux. Les initiatives décrites traduisent la simplification de la chaîne
des financements, une autre forme de l'« ubérisation » du monde de
la finance.

Financement participatif et private equity

Le capital-risque est un financement potentiel pour une entreprise.


Le crowdfunding peut-il être une réponse à la baisse des rendements
nets du capital-risque ? Selon l'EVCA (European Venture Capital
Association), le rendement net du capital-risque en Europe en 2012
est faible, de l'ordre de 3,6 % au Royaume-Uni, de - 1,7 % en Alle¬
magne et de - 0,9 % en France. Le crowdfunding permet, à l'inverse
du capital-risque, une désintermédiation entre les apporteurs et les
demandeurs de capitaux. Cyril Demaria, gérant d'un fonds de venture
Une réalité nouvelle 39

capital, indiquait sur BFM Business le 3 décembre 2013 que, selon


une étude publiée par l'université de Yale, la crise financière avait
entraîné une augmentation de la durée entre la création de l'entre¬
prise et sa sortie via une introduction en Bourse qui est passée de
5-7 ans à 9,2 ans en moyenne aux États-Unis à la fin des années 2000.
Ces caractéristiques font que le crowdfunding est un financement plus
souple, avec moins de contraintes, moins d'intermédiaires et une
mise en place de plus en plus rapide.

Financement participatif et business angels

L'horizon temporel d'investissement des business angels est probable¬


ment plus court que celui des investisseurs en private equity. Le finance¬
ment par les business angels et le financement participatif peuvent être
liés étroitement et complémentaires, sachant que tous les deux contri¬
buent à l'accès aux capitaux pour les entreprises innovantes. Mais des
divergences apparaissent dans deux domaines : d'une part, l'évaluation ;
d'autre part, les risques d'asymétrie informationnelle.
Andrieu et Groh [2013] soulignent que, dans le crowdfunding, la foule
peut ne pas avoir d'impact sur le management ou le monitoring de
l'entreprise, contrairement au business angel. Bessière et Stéphany
[2014a] précisent que « la qualité de l'information véhiculée par Y equity
crowdfunding dépend de la capacité de la foule à évaluer le projet ;
l'expertise de la foule peut, dans certains cas, être réelle dans le domaine
d'activité, à défaut de l'être en matière d'évaluation financière ».
11 est possible aussi de se retrouver dans une situation d'asymé¬
trie informationnelle entre le porteur de projet et l'investisseur. En
effet, Kim et Viswanathan [2013] ont précisé que, dans le cadre d'une
plateforme spécialisée sur les applications pour mobiles, l'identifica¬
tion des investisseurs compétents est possible ; ils peuvent véhiculer
de l'information aux investisseurs non compétents. Un signal est
ainsi donné au projet. Toutefois, l'inverse peut exister...
Les divers constats faits ci-dessus montrent que le financement
participatif ne prétend ni ne peut prétendre remplacer les finance¬
ments traditionnels, mais que les différentes formes de financement
peuvent trouver au contraire dans le crowdfunding un excellent
complément.
/ Les acteurs

Le crowdfunding est une relation entre trois acteurs : le porteur de


projet qui a besoin de fonds, l'épargnant qui possède ces fonds à
investir, et la plateforme, intermédiaire entre le porteur de projet et
l'épargnant, qui permettra à la foule de connaître les projets, de
choisir parmi eux et d'investir.
Mais c'est une approche un peu réductrice des acteurs du finance¬
ment participatif, car il ne faut pas oublier les banquiers et les assu¬
reurs, parfois concurrents des plateformes sur le marché du
financement des entreprises, les experts-comptables et les avocats,
conseils des porteurs de projets, notamment pour les petites entre¬
prises. Autres intervenants sur ce marché du financement partici¬
patif : les pouvoirs publics et le législateur, ou encore les autorités
de contrôle, en particulier l'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et
de résolution) et l'AMF (Autorité des marchés financiers) qui seront
présentées dans le chapitre iv. Autres protagonistes de ce marché :
les médias, et pas seulement la presse économique et financière, qui,
depuis 2013 et surtout 2014, ont popularisé le crowdfunding ou finan¬
cement participatif, à l'occasion de nombreux articles présentant ce
nouveau mode de financement de l'économie et des entreprises.
Le crowdfunding fait partie des rares marchés sur lesquels l'offre a
anticipé la demande. Ce sont les particuliers et les entreprises qui
sont allés à la recherche d'un public pour présenter leurs projets et
objectifs dans le but de se faire financer par le plus grand nombre.
Ceci explique le boom du marché en France, évoqué précédemment.
Les fonds collectés ont été multipliés par trente-huit entre 2011 et
2015 : 297 millions d'euros en 2015 contre 7,9 millions d'euros en
2011. Cette effervescence autour du phénomène en France n'échappe
pas au reste du monde : la plateforme de don américaine Kickstarter
s'est installée en France en mai 2015. Arnaud Poissonnier, fondateur
Les acteurs 41

de la plateforme Babyloan, estime d'ailleurs que « le marché du aowd-


funding en France pourrait atteindre 6 milliards d'euros d'ici à 2020 ».

Des acteurs aux intérêts convergents

Les porteurs de projet/émetteurs souhaitent obtenir le finance¬


ment permettant de faire aboutir leur projet. Pour cela, ils l'expo¬
sent sur des plateformes de financement participatif qui leur servent
de vitrine afin de convaincre les internautes de leur apporter, sous
forme de dons, prêts, achats d'actions ou d'obligations, le finance¬
ment nécessaire à la réalisation de leurs ambitions.
Nous appelons « investisseur » toute personne qui apporte des
fonds à un projet de financement participatif. Les investisseurs
veulent être acteurs de leur épargne et impliqués dans l'opération de
financement, en choisissant un ou plusieurs projets précis présentés
sur des plateformes. Ces investisseurs peuvent être à la fois des parti¬
culiers, des entreprises, des fonds d'investissement, des banques, etc.
Les plateformes de financement permettent de mettre en relation
des porteurs de projet et des financeurs/investisseurs qui n'avaient
ni la vocation à se rencontrer ni le moyen de le faire. Elles peuvent
être assimilées en cela à des sites de rencontre dédiés au secteur de la
finance. Leur rôle consiste notamment à sélectionner les projets
viables susceptibles de séduire un maximum d'investisseurs.
Plus encore que les plateformes de don, les plateformes de prêt et
de participation au capital, qui proposent de financer des entre¬
prises, doivent être vigilantes pour ce qui est de la faisabilité du
projet, et de la pérennité de la société. Les plateformes affichent
souvent moins de 10 % des projets reçus (3 % pour la plateforme
d'equity crowdfunding Anaxago et 2 % pour la plateforme de lending
crowdfunding Bolden, d'après les informations publiées sur leurs sites
Internet respectifs).
En France, les pouvoirs publics jouent un rôle primordial dans le
développement du crowdfunding grâce à une réglementation souple
qui participe activement à son essor. En effet, en 2014, la parution
successive d'une ordonnance puis de son décret d'application a
permis la mise en place d'un cadre juridique favorable à la création de
plateformes de crowdfunding et rassurant pour les investisseurs. Le
décret, applicable au 1" octobre 2014, a créé deux nouveaux statuts
juridiques dédiés aux plateformes de financement participatif ; le
conseiller en investissements participatifs (CIP) et l'intermédiaire en
financement participatif (IFP). Les retombées de cette mesure ne
seront réellement évaluables qu'à partir de 2016.
42 Le crowdfundinc

Des autorités de tutelle sont égaleraient actrices dans ce nouveau


cadre réglementaire. Toute plateforme souhaitant obtenir Tun des
deux nouveaux statuts juridiques — CIP ou IFP — doit impérative¬
ment s'immatriculer auprès du registre de l'ORIAS (Organisme pour
le registre des intermédiaires en assurance). Les plateformes ayant
obtenu leur immatriculation en tant que CIP sont régulées par l'AMF,
tandis que les plateformes sous statut d'IFP sont régulées par l'ACPR.
Autre autorité de contrôle ; Tracfin (Traitement du renseigne¬
ment et action contre les circuits financiers clandestins) a notam¬
ment pour rôle de traiter les déclarations de soupçon d'opérations
frauduleuses des organismes financiers et professions non finan¬
cières. Dans le rapport annuel 2013 de Tracfin, il est ainsi mentionné
que « les plateformes de crowdfunding présentent un certain nombre
de caractéristiques propices à différents schémas frauduleux, l'utilisa¬
tion d'Internet permettant de dématérialiser et de démultiplier la
portée de vecteurs classiques de blanchiment et de fraude ». Dans ce
cadre, Tracfin surveille donc les plateformes de crowdfunding.
Les partenaires des entreprises — experts-comptables, avocats ou
encore fiscalistes — sont de plus en plus sollicités par les entreprises
pour trouver des solutions innovantes permettant de garantir la
pérennité de leur structure ou d'initier des solutions de financement
alternatives. Ces professions se retrouvent ainsi à devenir des pres¬
cripteurs liés à ce nouveau mode de financement.
Les médias, Internet et plus généralement les réseaux sociaux ont
été les premiers à relayer le sujet né sur la Toile. Vincent Ricordeau,
président et cofondateur de la plateforme KissKissBankBank, note
une similarité certaine dans la création des premières plateformes de
crowdfunding entre 2005 (Kiva aux États-Unis) et 2009 (Kickstarter et
KissKissBankBank), juste après la formation des premiers espaces de
partage communautaires sur la Toile : Wikipédia en 2001, MySpace
en 2003 ou encore Facebook en 2004. Au fur et à mesure que le
phénomène a pris de l'ampleur, l'intérêt de la presse pour ce nouveau
mode de financement qu'est le crowdfunding n'a cessé de croître, au
point que de nombreux journaux y consacrent une double page.

Les émetteurs et les emprunteurs : entreprises,


associations, particuliers

Pour que son projet soit financé, un porteur de projet doit notam¬
ment s'efforcer d'être un bon communicant. Il est impératif que le
but et Tenjeu du projet soient clairement expliqués et compris de
tous : quel est l'historique éventuel de ce projet, en quoi il consiste.
Les acteurs 43

dans quel but, quelle est la taille du marché visé, en quoi ce marché
constitue une réelle opportunité, quelles retombées sont attendues du
projet, etc.
Les coûts liés au financement d'une opération de crowdfunding,
notamment dans le cadre de prêts, doivent être examinés attentive¬
ment. En effet, dans un contexte de taux bas, les banques peuvent
proposer dans certains cas des taux plus avantageux. 11 en va autre¬
ment pour les délais : sur une plateforme de financement partici¬
patif, une levée de fonds réussie peut être effectuée en quelques jours
seulement. Ainsi, la société Rooseveldis, qui gère plusieurs boulan¬
geries franchisées, a pu obtenir un prêt de 200 000 euros en une
semaine sur Lendix, plateforme de lending crowdfunding, dont la
moitié a été collectée en vingt-quatre heures. Grâce à ce prêt, la
société a pu financer la rénovation de ses points de vente et renou¬
veler son matériel. De même, Alain Ducasse Entreprise a décroché
en quelques jours un prêt de 300 000 euros pour rénover trois de ses
restaurants parisiens ainsi que sa chocolaterie.
Nos deux exemples précédents sont assez représentatifs des entre¬
prises porteuses de projet qui sont très majoritairement des TPE ou
PME, plus rarement des ETI, les grands groupes étant peu présents.
Ces petites structures ont en effet des conditions bancaires moins
avantageuses que celles des entreprises de taille importante (voir
graphique 1). Les sociétés peuvent ainsi se tourner vers une plate¬
forme de financement participatif de prêt pour plusieurs raisons :
elles ne parviennent pas à obtenir auprès des banques traditionnelles
l'intégralité du financement nécessaire pour mener à bien leur projet,
elles ont besoin d'argent rapidement, elles souhaitent diversifier leurs
débiteurs financiers. Il convient de noter par ailleurs que les plate¬
formes de crowdfunding présentent l'avantage de ne jamais demander
de garanties au porteur de projet (caution personnelle, hypothèque,
nantissement) en contrepartie d'un prêt. Se heurtant à un problème
de financement auprès des banques. Jordan Lorgeron et Guillaume de
Bois ont pu financer le rachat du théâtre Saint-Germain à Paris en
partie grâce à l'argent collecté sur la plateforme Lendix qui a repré¬
senté près d'un tiers, soit 200 000 euros, du montant total nécessaire
à la réalisation du projet.
Les plateformes de crowdfunding de dons et de prêts peuvent aussi
permettre aux porteurs de projet de réaliser un test de réceptivité à
un nouveau produit/service auprès des investisseurs, potentiels
consommateurs. L'entreprise porteuse de projet engagera les frais de
mise en production seulement si le projet trouve preneur. Il arrive
même parfois que des plateformes de crowdfunding deviennent elles-
mêmes porteuses de projet. C'est le cas de Babyloan, première
44 Le crowdfundinc

sur- le site MyMajorCompany.com sur


Encadré 2. Une nouvelle technique lequel les internautes peuvent aussi
financière au service de la politique apporter leur soutien. Il s'agit donc d'une
des grands groupes ? opération à double détente associant les
techniques du mécénat participatif et
EDF : amorçage, communication celles du crowdfunding. Au 30 juin 2015,
ou partenariat ? on décompte cinquante-sept projets
EDF Énergies Nouvelles a réalisé une ayant bénéficié de l'aide d'AXA France
opération de financement participatif pour un total de plus de 220 000 euros.
avec Lendosphère pour financer une
première phase du parc éolien du Belfrays Coca-Cola : innovation, publicité
(limite des régions Alsace et Lorraine). positive, engagement sociétal ?
Lancée le 16 juin 2015, l'opération Coca-Cola, à travers sa filiale Coca-
s'adresse aux riverains, c'est-à-dire aux Cola Ventures basée à Atlanta, soutient le
résidents des six communes vosgiennes développement d'entreprises œuvrant
où seront installées dix éoliennes d'une dans les centres d'intérêt des consomma¬
puissance de 10 MW chacune. teurs de ses produits. Le groupe Coca-
Les sommes recueillies sont destinées Cola est ainsi devenu actionnaire à
à financer une phase amont du projet, hauteur de 5 % de Sponsorise, une
c'est-à-dire les études géothermiques, et start-up française spécialisée dans le finan¬
aussi à associer un groupe important de cement participatif et dédiée au sport,
riverains au développement du projet. Il avec un capital de 10 millions d'euros.
s'agit d'une opération de prêt qui a L'augmentation de capital de 2 millions
connu un succès rapide, EDF Énergies d'euros a attiré quatre investisseurs, dont
Nouvelles ayant recueilli 1 75 000 euros le groupe d'Atlanta. Il s'agit, pour Coca-
auprès de 148 participants en quelques Cola Venture Capital, de la sixième opéra¬
semaines, à comparer avec un objectif tion du groupe dans le monde et de la
initial de 100 000 euros. Les prêts ont une deuxième en Europe (après Spotify,
maturité de deux ans et les taux d'intérêt leader mondial du streaming musical).
pratiqués varient de 4 % à 7 % selon que Sponsorise a développé un modèle
les apporteurs de fonds résident ou non original de crowdfunding qui associe
sur le territoire d'une des communes marques internationales et consomma¬
concernées. teurs. Lancé en 2013, il a séduit, en
France, Intersport, BNP Paribas, Cofidis,
AXA : aménagement du territoire, AG2R La Mondiale, Société Générale.
notoriété ou B.A. citoyenne ? C'est une filiale du groupe LGS fondé par
AXA France, en partenariat avec Loïc Yviquel et Gilles Dumas qui contrôle
MyMajorCompany, apporte une contri¬ aussi Sport Lab (agence de conseil en
bution au développement de projets marketing sportif) et SL Events (société de
innovants et solidaires mettant en valeur création d'événements). Cette participa¬
des actions de prévention, respectueux tion permet à Coca-Cola d'innover en
de l'environnement et privilégiant l'entre- matière de sponsoring sportif et de
prenariat. Les projets proposés sont soutien d'athlètes. La rentabilité finan¬
soumis au vote des internautes et les trois cière directe de l'opération est secon¬
premiers reçoivent chaque mois un don daire pour le groupe Coca-Cola ; cette
d'AXA représentant 100 % du besoin de participation constitue une plateforme
financement pour le premier, 50 % pour d'innovation, d'expérimentation ou de
le deuxième et 25 % pour le troisième. validation d'idées et/ou de projets.
Simultanément, les projets sont proposés
Les acteurs 45

plateforme de prêt qui en a choisi une autre, Anaxago, pour se


financer. En ouvrant son capital sur Anaxago en 2014, Babyloan a
ainsi collecté 300 000 euros.
Les porteurs de projet viennent plus que jamais de tous horizons,
touchant ainsi un maximum de financeurs. À ce sujet, il est intéres¬
sant d'illustrer la porosité susceptible d'exister entre projets et finan¬
ceurs, en présentant, dans l'encadré 2, trois opérations lancées par
EDF, AXA et Coca-Cola, qui montrent également l'originalité de ce
financement et des situations qu'il permet d'engendrer.

Les prêteurs et les financeurs : un nombre croissant

Fin 2015, 2,3 millions de crowdfunders/îmàncems ont participé


depuis le lancement des plateformes (Financement Participatif France
et Compinnov, Baromètre 2015 du crowdfunding) à un projet proposé
sur une plateforme française de financement participatif (dons, prêts,
royalties, achats d'actions et d'obligations confondus). Bien que peu
d'études qualitatives existent encore sur ce marché relativement
récent, cette donnée peut être mise en regard des 3,7 millions
d'actionnaires individuels en France en 2014 (TNS Sofres).
En 2015, le nombre cumulé de crowdfunders représente près de
75 % des actionnaires individuels français dénombrés en 2014,
rapport qui tend à augmenter compte tenu, d'une part, de la hausse
progressive des crowdfunders (130 000 en 2011) et, d'autre part, du
trend baissier du nombre d'actionnaires individuels en France
(6,5 millions en 2007, devenus 3,3 millions estimés en 2015).
La typologie des crowdfunders varie en fonction de la forme de
crowdfunding : don, prêt, apport en capital. En 2015 (Financement
Participatif France et Compinnov, Baromètre 2015 du crowdfun¬
ding), la majorité (57 %) des financeurs ayant participé aux projets
sous forme de dons avec ou sans récompense ont entre vingt-cinq
et quarante-neuf ans. Du côté des prêteurs, les 35-49 ans sont les plus
représentés : 34 % des financeurs de projets (prêts gratuits et rému¬
nérés confondus). La population de financeurs qui choisissent de
prendre part au capital d'une société est plus mature, composée à
39 % par les 35-49 ans et à 40 % par les plus de cinquante ans. Globa¬
lement, en 2015, les 35-49 ans sont les plus actifs en France sur le
marché du crowdfunding.
Avant de se lancer dans l'aventure, les investisseurs doivent
s'assurer de l'immatriculation de la plateforme auprès de l'ORlAS et
de la nature de son statut. 11 existe en effet plusieurs statuts possibles
en fonction du type de crowdfunding (voir chapitre iv).
46 Le crowdfundinc

La vérification de la légitimité d'une plateforme de crowdfunding


à intervenir comme telle est primordiale puisque toutes ne sont pas
immatriculées auprès de l'ORIAS et ne respectent donc pas le cadre
juridique en vigueur. Natalie Lemaire, directrice des relations avec
les épargnants au sein de l'AMF, alerte à propos du crowd-immobi-
lier : « Nous avons constaté l'essor d'investissements aux rende¬
ments flatteurs, réalisés au travers de structures telles que des sociétés
en nom collectif (SNC), des sociétés civiles ou des sociétés en partici¬
pation (SEP). » Elle ajoute : « Or, dans ce cadre, sans qu'ils le sachent,
les investisseurs sont responsables des dettes de la société sur leur
patrimoine personnel, au-delà même des sommes investies. » La créa¬
tion du label « Plateforme de financement participatif régulée par les
autorités françaises », affiché sur les plateformes françaises disposant
des statuts de CIP, IFP et PSI (prestataire de services d'investisse¬
ment) (seulement s'ils sont agréés par l'ACPR), permet d'indiquer aux
crowdfunders que la plateforme respecte la réglementation en vigueur.
Ce label est particulièrement important puisque, comme l'indique
Souleymane-Jean Galadima, directeur général de la plateforme
WiSEED Immobilier, au travers de l'article « Crowdfunding immobi¬
lier, les pièges à éviter» (Le Figaro, 29 mai 2015) : «Une nouvelle
plateforme voit le jour toutes les deux ou trois semaines, sans avoir
obtenu un agrément AMF. »
Certains investisseurs vont jusqu'à faire de l'investissement via des
plateformes de crowdfunding une activité professionnelle. C'est le cas
d'Amaury de Granvilliers qui investit sur les plateformes depuis 2013
et déclare ; « Maintenant, avec le prêt et l'investissement en capital,
c'est devenu un actif, comme le livret A. » Amaury souhaiterait
mettre en place un fonds d'investissement dédié au crowdfunding sous
forme de prêt et financé par les particuliers.
Face à un projet publié sur une plateforme, c'est bien la foule, par
sa décision d'investir, qui détient le pouvoir de voir ce projet se
réaliser. Alors que certains soutiennent le pouvoir d'efficience de
cette foule, comme Patrick Le Camus, fondateur et vice-président de
Popfinance — qui affirme : «Je parie que le meilleur label de qualité,
le vecteur de certification, restera l'intelligence par la foule » —,
d'autres ont un discours plus modéré. Vida Markoski, créatrice du
blog Crowdfunding Superstar, déclare : « Les financiers gagneront à
écouter la foule des crowdfunders, souvent les futurs clients des projets
de crowdfunding. [...] C'est peut-être en cela que la foule est plus
experte que les financiers qui, parfois aveuglés par des modèles et
outils d'analyse, peuvent facilement passer à côté de "pépites". »
Les acteurs 47

Les plateformes : des typologies différentes

Le financement participatif peut prendre, comme indiqué, diffé¬


rentes formes — dons, prêts, achats d'obligations ou d'actions — et il
apparaît difficile d'évaluer avec précision le nombre de plateformes
de financement participatif en France.
Le baromètre réalisé par Compinnov pour l'association Finance¬
ment Participatif France, en 2015, comporte vingt plateformes de
plus qu'en 2014 (soixante-six contre quarante-six). Le nombre de
plateformes de crowdfunding évoluant dans le temps, cette étude n'a
pas été réalisée à périmètre constant et ne recense pas toutes les plate¬
formes existantes à date. Le tableau 9 montre l'évolution sur cinq ans
des montants levés par les plateformes en France.

Tableau 9. Répartition des fonds levés en France en fonction


du type de financement et du nombre de plateformes
(en millions d'euros)

2011 2012 2013* 2014** 2015***

Fonds levés Fonds Fonds Fonds levés Nombre Fonds levés


levés levés de plate¬
formes

Dons 5,08 64 % 8,96 20,02 38,20 25 % 25 50,20 17 %

Prêts/
Obliga¬
tions 1,88 24 % 14,94 47,94 88,40 58 % 27 196,30 66 %

Actions/
Royalties 0,95 12 % 3,12 10,33 25,40 17 % 14 50,30 17 %

Total 7,91 100 % 27,02 78,29 152,0 100 % 66 296,80 100 %

* Chiffres collectés sur la base de trente-six plateformes présentes dans l'étude.


'* Chiffres collectés sur la base de quarante-six plateformes présentes dans l'étude.
* Chiffres collectés sur la base de soixante-six plateformes présentes dans l'étude.

Sources : études Financement Participatif France et Compinnov.

Les dons

La collecte de dons a été la première illustration du crowdfunding en


France, à l'occasion du financement du disque du chanteur Grégoire
grâce à la plateforme MyMajorCompany.
En 2015 (Financement Participatif France et Compinnov, Baro¬
mètre 2015 du crowdfunding), les dons (50 millions d'euros) ont
représenté 17 % du total des fonds collectés en France. Cette part
48 Le crowdfundinc

entre particuliers et/ou l'entrée de capital


Encadré 3. Kickstarter, de'PME, ce qui impliquerait une analyse
la référence mondiale précise des dossiers. Depuis sa création,
cette plateforme connaît un succès tel
Description que 850 000 fans sont inscrits sur Face-
Kickstarter est une plateforme de book et 805 660 followers sur Twitter. Elle
crowdfunding à l'échelle mondiale. Elle a ainsi rassemblé 8,5 millions de
a été créée à New York en 2009 par personnes avec 1,5 milliard d'euros pour
Perry Chen et Yancey Strickler, respecti¬ contribuer à 84 000 projets. Deux ans
vement propriétaire d'une galerie de a'près ses débuts, la plateforme reçoit
Brooklyn et critique musical. L'un plusieurs nominations et classements
souhaitait monter un concert de jazz tels que the peopie's NEA (National
alors que l'autre s'occupait d'un site de Endowment for the Arts) par le New York
musique. Une simple rencontre entre Times, les « meilleures inventions de
ces deux acteurs, auxquels s'est joint l'année 2010 » par Time. Elle connaît une
Charles Adler, un designer, a permis la croissance exponentielle depuis sa créa¬
création d'une plateforme de crowdfun¬ tion et a annoncé son lancement en
ding. Leur problématique d'origine France en mai 2015.
concerne le financement d'un projet
artistique sans apport initial. La solu¬ Développement
tion adoptée consiste à faire appel aux Kickstarter est basée à New York
internautes. En échange de leur don, ils dans le quartier de Brooklyn avec
obtiennent un accès privilégié à 120 salariés. Elle s'étend sur le Vieux
l'œuvre finale et à des bonus en fonc¬ Continent avec un objectif de dévelop¬
tion du montant investi (affiches de pement dans les pays d'Europe du Sud.
film, DVD, jeux vidéo, places d'avant- Depuis mai 2015, les créateurs installés
première...). Selon le directeur général, en France peuvent lever des fonds en
Yancey Strickler, « l'équation que doit euros via la plateforme américaine avec
résoudre un banquier ou un capital- leurs coordonnées bancaires locales. Ils
risqueur avant de prêter ou d'investir peuvent partager leurs idées avec un
est bien plus complexe que la nôtre ». public international très large compre¬
nant 8,5 millions de membres. Un
Objectif témoignage du P-DG et cofondateur
Cette citation explique l'objectif de de Kickstarter le souligne : « En termes
Kickstarter : conserver une approche de création, nous connaissons un
fondée sur le don sans aborder le prêt nouvel âge d'or qui permet à tous ceux

tend toutefois à diminuer au fil du temps (64 % en 2011),


parallèlement au développement des autres formes de aowdfunding :
le prêt et l'investissement en capital. Comme nous l'avons vu dans le
chapitre ii, deux formes d'apports peuvent être effectuées sur une plate¬
forme de crowdfunding par le don, avec ou sans récompense (aussi
appelé contrepartie) en fonction de la volonté du porteur de projet. La
plupart des plateformes de don proposent des projets à la fois avec et
sans contrepartie : Ulule, KissKissBankBank, MyMajorCompany, etc.
Dans le cas du don avec récompense (ou contrepartie), celle-ci doit
être « décorrélée » du montant du don et peut prendre diverses
Les acteurs 49

qui ont de l'imagination de créer des fonds collectés par la plateforme et des
projets avec d'autres. Kickstarter est frais de 3 % à 5 % facturés par Amazon
une communauté internationale de en fonction des caractéristiques de
créatifs qui partagent, développent et l'opération.
réalisent des projets pour engendrer
une culture plus riche et plus dyna¬ Exemples
mique. Personne ne peut nier la remar¬ Les projets proposés sont classés en
quable contribution de la France à la plusieurs catégories, par exemple l'art,
culture mondiale. Qu'il s'agisse de la mode, la nourriture et le théâtre, les
mode ou de cuisine, d'art ou de plus représentatives concernant les
cinéma, de musique ou de littérature, films, les vidéos et la musique.
le monde a toujours apprécié le travail Parmi les succès récents, quatre
des créateurs français. Aujourd'hui, projets méritent d'être distingués ;
Kickstarter leur permet d'exprimer des — Shenmue III ; lancé le 15 juin
idées nouvelles avec le soutien d'une 2015 par Yu Suzuki, ce projet a
énorme communauté internationale. rassemblé 2 millions de dollars en
Nous sommes ravis d'y accueillir les moins d'une journée après une
créateurs français et tout aussi impa¬ annonce à l'E3 de Sony;
tients d'assister à la naissance de leurs — Pebble Time : lancé aussi en
idées innovantes. » 2015, ce projet propose la commercia¬
lisation d'une smartwatch ; il a obtenu
Fonctionnement 20 millions de dollars apportés par
Le fonctionnement est simple. Le 78 000 contributeurs ;
créateur définit un objectif de collecte — Exploding Kittens : ce projet
de fonds, fixe une date limite et concerne un jeu de cartes créé par
propose des récompenses à ses diffé¬ Elan Lee, Shane Small et Matthew
rents contributeurs. Deux scénarios Inman ; il a obtenu 10 000 dollars en
sont possibles ; soit l'objectif n'est pas moins de huit minutes et au total
atteint, soit il est atteint ou dépassé et 5,2 millions de dollars apportés par
les contributeurs obtiennent la récom¬ 1 33 000 internautes ;
pense promise distribuée par Amazon — Coolest Cooler : il s'agit d'une
Payments. glacière perfectionnée qui a obtenu
13,3 millions de dollars apportés par
Rémunération 62 000 internautes en 2014.
Le financement du business mode!
repose sur un prélèvement de 5 % des

formes, telles qu'un autographe, des goodies ou encore des préventes.


En France, selon le baromètre déjà cité, les dons avec récompense
ont représenté, en 2015, 83 % des fonds collectés sous forme de
don par une opération de crowdfunding (41,9 millions d'euros), et
le montant moyen rassemblé par projet s'est élevé à 4 181 euros
pour une contribution moyenne de 56 euros. Les projets financés
sous forme de dons avec récompense mobilisent plus de finan¬
ceurs pour un montant moyen légèrement plus faible que
pour un projet financé sous forme de dons sans contrepartie. Les
projets de dons avec récompense, majoritairement portés par des
50 Le crowdfundinc

particuliers (50 %), visent principalement (64 %) des projets liés à


l'audiovisuel et à la musique.
Un projet de don avec contrepartie publié sur une plateforme a
61 % de chance de voir sa collecte aboutir, soit un des taux de réussite
les plus faibles. Mais il peut y avoir quelques déboires. Coolest Cooler,
une glacière nouvelle génération, a été financée par don début 2015
à hauteur de 12 millions d'euros sur la plateforme Kickstarter. Mais,
près de dix mois après l'opération, les contributeurs n'ont toujours
pas reçu l'exemplaire promis alors que l'objet est en vente pour près
de 500 euros sur Amazon... Les mauvais commentaires s'accumu¬
lent sur le site d'achat en ligne de la part d'investisseurs Kickstarter
mécontents de voir des exemplaires mis en vente avant qu'ils aient
eu le leur. Voilà les limites possibles du don et le risque des réseaux
sociaux...
Les dons sans récompense, soit 8,3 millions d'euros, ont repré¬
senté en 2015 seulement 17 % des fonds collectés sous forme de don
(avec et sans contrepartie). Le montant moyen collecté par projet est
de 3 247 euros en 2015, pour une contribution de l'ordre de 64 euros.
Ces projets sont en très grande partie (99 %) portés par des associa¬
tions et concernent à 38 % des projets humanitaires, à 21 % des
projets d'enseignement et à 17 % des projets culturels.
Effectuer un don sur une plateforme de financement participatif
est une bonne manière de soutenir le projet d'une entreprise, mais ne
confère en aucun cas de lien juridique avec elle. Ainsi, une levée de
fonds sous forme de don réalisée sur une plateforme de finance¬
ment participatif peut permettre à une société de se développer pour
ensuite être vendue à prix d'or... au détriment des primo-investis¬
seurs qui l'ont financée sous forme de don. C'est le cas de la société
Oculus Rift, qui a levé plus de 2,4 millions de dollars en 2012 grâce à
des dons avec contrepartie sur la plateforme de financement partici¬
patif Kickstarter afin de développer son casque de réalité augmentée
(pour les jeux vidéo). La suite de l'histoire aurait été identique en cas
de prêts. Le concept a été racheté, en mars 2014, par Facebook qui
a déboursé pour cela 2 milliards de dollars. Les quelque 9 500 contri¬
buteurs qui avaient fait des dons pour permettre au projet de se déve¬
lopper n'ont évidemment rien touché lors de la transaction. Le
financement de cette entreprise à son plus jeune stade, au travers
de la plateforme de crowdfunding, ne leur a procuré aucune action,
et donc aucun droit leur permettant de revendiquer une part du
produit de la transaction. Outre le sentiment d'injustice qui a gagné
certains, les primo-investisseurs déplorent le fait que la société ait été
vendue à un géant et d'avoir ainsi perdu l'esprit collaboratif qui
régnait autour de ce projet.
Les acteurs SI

Fonctionnement
Encadré 4. Le financement Le fonctionnement de KissKissBank¬
de projets créatifs et innovants : Bank repose sur quelques principes
KissKissBankBank simples ; l'artiste regroupe et mobilise
en première ligne une communauté et la dynamise. Ce
premier objectif doit être atteint en
Description moins de quatre-vingt-dix jours; dans
KissKissBankBank est une plateforme le cas contraire, les montants déposés
de financement participatif créée en sont rendus aux contributeurs. Si
mars 2010 en France par Ombline Le l'opération est menée à son terme,
Lasseur, Vincent Ricordeau et Adrien l'internaute obtient soit l'inscription de
Aumont. Le nom fait référence au film de son nom dans l'album, soit une place
Shane Black, Kiss Kiss Bang Bang (2005). de concert. Ces dispositions créent
C'est une plateforme dédiée au finance¬ un lien social fort entre les acteurs
ment de projets créatifs et innovants. concernés.
Selon Adrien Aumont, cofondateur du
site : « Depuis 2010, on a collecté plus Rémunération
de 5,5 millions d'euros de façon expo¬ La plateforme offre un service de
nentielle chaque année : 100 000 euros conseil et d'accompagnement au
en 2010, 600 000 en 2011, 2,4 millions porteur de projet pour faciliter sa
en 2012 et en 2013 autour de 6 à présentation et sa réalisation. Une
7 millions d'euros. La plateforme a commission de 8 % (5 % sur les
permis de financer plus de 3 000 projets fonds rassemblés et 3 % de frais
avec une moyenne de 3 500 euros et un bancaires) assure la rémunération de la
soutien moyen de 50 euros avec un taux plateforme.
de réussite de 62 %. »
Exemples
Objectifs Citons quelques projets symboliques :
La plateforme a été créée pour — le projet des lunettes en bois a
répondre à un antagonisme constaté été porté par des étudiants d'Annecy
dans le secteur de la musique. Le marché où la monture en bois recyclé à partir
chutait pendant que la consommation d'essences locales était fabriquée ;
augmentait régulièrement. La plate¬ — le Dualo Du Touch est un accor¬
forme apporte un ensemble de moyens déon numérique où l'on peut program¬
de communication plus large aux mer la totalité des instruments ;
artistes. Selon Adrien Aumont : « Aujour¬ — la réalisation en juillet 2014 d'un
d'hui, on peut créer de la musique, documentaire grâce auquel Mélanie
communiquer et lever des fonds depuis Laurent et Cyril Dion obtiennent
son studio. » Les principaux domaines 444 390 euros investis dans le film
représentés sont liés à l'audiovisuel, à la Demain qui aborde les solutions aux
musique et au spectacle vivant. problèmes écologiques et sociétaux
actuels et reçoit un César en 2016.

Il est primordial que les participants aux levées de fonds ne fassent


pas l'amalgame entre participer au financement d'une entreprise par
don ou prêt et devenir actionnaire.
52 Le CROWDFUNDINC

Les prêts

Les prêts (196,3 millions d'euros) représentent 66 % des fonds


collectés, en 2015, par les plateformes françaises de financement
participatif (Financement Participatif France et Compinnov, Baro¬
mètre 2015 du crowdfunding). Alors que les fonds collectés en France
via le crowdfunding, toutes formes confondues, ont été multipliés par
3,8 entre 2013 et 2015, la progression des prêts se situe légèrement
au-dessus (multiplié par 4,1).
Les prêts constituent donc la majorité des fonds collectés en France
par crowdfunding. Au premier semestre 2015, alors que le montant
collecté par crowdlending sur la période est de 85,2 millions d'euros
(soit presque le niveau de l'année 2014 complète), la plateforme Prêt
d'Union représente à elle seule 61 millions d'euros, c'est-à-dire 46 %
du marché français global du crowdfunding (133,2 millions d'euros au
premier semestre 2015) (« Crowdfunding : le cahier de doléances des
acteurs français». Le Revenu, 17 septembre 2015). Cette plateforme
se définit comme la première plateforme de prêts entre particuliers
et dispose non pas d'un statut juridique spécifique aux plateformes
de crowdfunding, mais du statut d'établissement de crédit délivré par
l'ACPR. Contrairement aux autres plateformes. Prêt d'Union ne
s'adresse qu'aux investisseurs qualifiés et propose des prêts à la
consommation. Rappelons que le décret n° 2014-1053 du
16 septembre 2014 (mis en vigueur au 1" octobre 2014), qui encadre
les plateformes de crowdfunding, mentionne que les prêts onéreux
concernent uniquement les personnes morales et physiques agis¬
sant à des fins professionnelles ainsi que les personnes physiques qui
souhaitent financer une formation initiale ou continue. De fait, les
prêts à la consommation accordés à titre onéreux ne font pas partie
de cette réglementation. Bien que le modèle proposé par Prêt d'Union
soit tout à fait innovant et prometteur, son intégration au sein des
statistiques purement liées au crowdfunding peut laisser matière à
débattre. En effet, sans les données collectées par la plateforme Prêt
d'Union, le montant collecté via le crowdfunding concernant les prêts
chuterait à 24,2 millions d'euros au premier semestre 2015 et s'établi¬
rait ainsi au même niveau que les fonds levés en capital (24,3 millions
d'euros à la même date). De même, le montant total collecté au
premier semestre 2015 chuterait drastiquement pour s'établir à
72,2 millions d'euros.
Le montant moyen collecté par projet en 2015, en dehors des prêts
non affectés, varie fortement selon qu'il s'agit d'un prêt rémunéré
ou non : 224 152 euros pour le premier contre 814 euros pour le
second. Cette différence s'explique en partie par le fait que les prêts
Les acteurs 53

rémunérés sont davantage destinés au financement des entreprises.


En effet, plus de 98 % des porteurs de projet qui souhaitent se
financer sous forme de prêts sont des entreprises, contre moins de
2 % de particuliers. Les sociétés apparaissent clairement comme les
plus grandes utilisatrices du crowdfunding sous forme de prêts.
Les prêts proposés sur une plateforme de financement partici¬
patif peuvent, en fonction de la nature du projet, être consentis à titre
onéreux (personnes morales et physiques agissant à des fins profes¬
sionnelles et personnes physiques souhaitant financer une formation
initiale ou continue) ou à titre gratuit (mêmes conditions que précé¬
demment, auxquelles s'ajoutent les personnes physiques qui n'agis¬
sent pas à des fins professionnelles). La plupart des plateformes de
prêt rémunéré permettent aux prêteurs de choisir au sein d'une plage
proposée, le taux d’intérêt auquel ils souhaitent engager leur argent.
Toutefois, certaines plateformes ont un fonctionnement innovant
s'agissant du taux d'intérêt. Il existe un certain nombre de plate¬
formes proposant de financer des projets sous forme de prêts, parmi
lesquelles : Lendix, Lendopolis, Lendosphère, Pretpme, Unilend, Fins-
quare, etc. Unilend permet également aux crowdfunders de choisir le
montant qu'ils souhaitent prêter (à partir de 20 euros) ainsi que le
taux (compris entre 4 % et 10 %). Lorsque le financement d'un projet
est atteint, seules les offres proposant les taux les plus bas sont
retenues.
Dans un contexte actuel de taux bas offert par les banques, le fait
de lever de l'argent au travers d'une plateforme de crowdfunding est
à étudier attentivement, au cas par cas, en fonction des besoins et
contraintes (notamment de temps) de chaque porteur de projet. Si les
taux devaient rester à un niveau bas à moyen-long terme, cela impac-
terait certainement la croissance des montants levés par crowdfunding
sous forme de prêts.

La participation au capital

La participation au capital représentait 12 % des fonds collectés


en 2011, soit 0,95 million d'euros ; elle a doublé entre 2014 et 2015
pour atteindre 50,3 millions d'euros et correspond à présent à près de
17 % des fonds collectés sur les plateformes (Financement Participatif
France et Compinnov, Baromètre 2015 du crowdfunding).
Alors que l'immobilier représentait, en 2014, seulement 6 % des
projets par investissement en capital, ce secteur a représenté 21 % des
projets par achat d'actions en 2015. Cet essor est dû à la ptolifération
en 2015 de plateformes dédiées à l'immobilier. Les autres secteurs
sont pour 17 % la recherche et 14 % l'environnement et l'énergie. Le
54 Le crowdfundinc

montant moyen d'une collecte sous.forme d'achat d'actions s'est


élevé à 448 460 euros en 2015 pour une contribution moyenne par
investisseur de 4 372 euros. Cette contribution moyenne, bien plus
élevée que pour un projet sous forme de don ou de prêt, s'explique
par le fait que ces projets sont portés par des entreprises, et que les
financeurs ont ainsi accès aux données financières de la société ainsi
qu'à un business plan éventuel, permettant une meilleure projection
du gain attendu. Par ailleurs, contrairement aux prêteurs, les crowd-
funders qui souhaitent entrer au capital d'une société via une plate¬
forme peuvent effectuer un investissement sans limite de montant.
Le tableau 10 recense les droits et la fiscalité des investisseurs.
Avant d'investir, comme pour tout placement, les investisseurs
doivent garder en tête que le rendement affiché ou espéré (dans le
cas des plateformes de prêts ou d’equity) est lié au risque encouru.
Même si une sélection rigoureuse des projets est opérée en amont
par les plateformes, le risque de défaut subsiste. Dans le cadre des
prêts, les montants instaurés par le décret du 1"' octobre 2014
(présenté au sein du chapitre iv, tableau 12, p. 72) ne permettent
pas au prêteur d'accorder plus de 4 000 euros dans le cadre de prêts
gratuits (1 000 euros dans le cas de prêts rémunérés), ce qui contribue
à la diversification et à la protection de l'épargne des prêteurs. Bien
qu'il n'existe pas de limite en termes de montant maximal d'investis¬
sement dans le cadre de l'investissement en capital {equity crowdfün-
ding), il est conseillé aux investisseurs de diversifier leur portefeuille
d'actions.
S'agissant de Vequity crowdfunding, les crowdfunders sont parfois
comparés aux actionnaires. Mais ces deux catégories d'investisseurs
n'ont souvent pas le même but ni le même profil. D'après une étude
Havas publiée en 2014, 50 % des actionnaires individuels possèdent
un portefeuille d'actions d'une valeur supérieure à 20 000 euros
(Havas, Actionnaires individuels, à l'encontre des idées reçues, à la
rencontre de leurs profils, 25 juin 2014). Cette même étude indique par
ailleurs que la majorité (63 %) des actionnaires individuels disposent
d'actions dans au plus cinq entreprises, soit en moyenne 4 000 euros
minimum d'actions par société.
En 2015, le baromètre Compinnov nous informe que la contribu¬
tion moyenne d'un apporteur de capitaux pour un projet de finan¬
cement participatif est de 4 342 euros... sans toutefois connaître le
montant moyen d'un portefeuille d'actions de crowdfunder. Toutefois,
les actionnaires individuels et les crowdfunders ne partagent sans
doute ni le même but ni le même profil.
Les études sociologiques relatives aux actionnaires individuels et
aux crowdfunders (marché encore plus récent) étant peu nombreuses.
Les acteurs 55

Tableau 10. Droit et fiscalité des investisseurs

Don Prêt Prise de participation/


achat d'obligations

Montant Pas de montant 1 000 euros/projet Pas de montant


maximum que maximum. sans limite de maximum, mais un
l'on peut investir cumul pour les ticket d'entrée qui peut
prêts rémunérés être dissuasif.
(4 000 euros/
projet dans le
cadre de prêts
gratuits).

Avantage fiscal Aucun sauf si don Aucun. Sous réserve de détenir


effectué auprès les actions pendant au
d'associations moins cinq ans :
d'intérêt général — réduction de l'IR
ou public ; 66 % jusqu'à 18% dans la
du montant du limite d'une déduction
don déductible maximale de
dans la limite de 9 000 euros pour un
20 % du revenu célibataire et
fiscal de référence. 18 000 euros pour un
couple ;
— réduction de l'ISF
jusqu'à 50 % dans la
limite d'une réduction
maximale de
45 000 euros.

Déclaration aux Seulement si le Tout prêt octroyé Obligatoire.


impôts don est éligible à supérieur à
une déduction 760 euros doit être
d'impôts. déclaré aux impôts
via l'imprimé
n“2062.

Imposition sur Pas d'enrichisse¬ Intérêts perçus Les coupons, dividendes


le montant lié à ment. soumis à l'IR ainsi et plus-values de cession
l'enrichissement Il s'agit soit d'une qu'à la CSC et la sont taxés de la même
prévente, soit CRDS. façon, qu'ils s'inscrivent
d'une contrepartie ou non dans une
qui ne doit pas opération de
dans ce cas crowdfunding.
représenter plus
d'un quart du
montant du don.
56 Le crowdfundinc

une comparaison détaillée de ces deux types d'investisseurs n'est pas


réalisable à ce jour. 11 convient de noter que, en 2014, 50 % des
actionnaires individuels français sont retraités (Havas, Actionnaires
individuels, à l'encontre des idées reçues, à la rencontre de leurs profüs,
25 juin 2014). En matière de crowdfunding (toutes formes
confondues), si on considère que les plus de soixante-cinq ans ne
sont plus actifs, cette population ne représentait en 2015 que 13 %
des prêteurs, 10 % des apporteurs de. capitaux et 8 % des donateurs
sur les plateformes en France. Nous pouvons en déduire que les
crowdfunders, d'une façon générale, sont plus jeunes que les action¬
naires individuels, ce qui semble cohérent avec le fait que le dévelop¬
pement du crowdfunding s'appuie fortement à la fois sur Internet et
sur les réseaux sociaux où les jeunes sont plus représentés.
Selon la même étude Havas, 84 % des actionnaires individuels
possèdent des actions du CAC 40, contre seulement 18 % pour des
actions de PME cotées sur Alternext, et 12 % disposent d'actions de
sociétés non cotées. Les sociétés du CAC 40 étant pour l'heure très
peu représentées sur le marché du crowdfunding (voir encadré 2), nous
comprenons que le portefeuille d'un crowdfunder est bien différent de
celui d'un actionnaire individuel.
Enfin, 61 % des actionnaires se définissent en gestionnaires
prudents, n'acceptant qu'un faible niveau de risque. Maxime Chipoy,
responsable des études à UFC-Que Choisir, déclare : « Si ces entre¬
prises font appel au financement participatif, c'est aussi parce qu'elles
n'ont pas réussi à passer par le réseau bancaire traditionnel. Or les
banques savent a priori mieux mesurer le risque que les particu¬
liers. » En finançant un projet sur une plateforme de crowdfunding, les
investisseurs s'exposent à un risque plus élevé, les entreprises, majori¬
tairement non cotées, représentant en 2015 99,3 % des porteurs de
projet en capital et 98,4 % des projets sous forme de prêt. Les crowd¬
funders ont donc en moyenne un couple rentabilité/risque différent
de celui des actionnaires classiques.

Le crowdfunding par l'achat d'obligations

L'achat d'obligations, constituant une part d'un emprunt émis par


un État, une collectivité locale ou une société, est également possible.
Cependant, il reste encore marginal même si certaines plateformes
comme Investbook sont spécialisées sur ce marché. Les obligations
achetées sur une plateforme de financement participatif doivent être
conservées pour toute la durée de l'emprunt et ne peuvent donc pas
être revendues, à l'inverse d'obligations acquises sur le marché finan¬
cier classique.
Les acteurs 57

Le principal avantage de la souscription d'obligations par rapport


à l'achat d'actions réside dans le fait que la rémunération, c'est-à-
dire le taux d'intérêt de l'obligation, est connue dès la souscription et
pour toute la durée de vie de l'emprunt. Comme sur le marché finan¬
cier classique, l'obligataire est certain de percevoir ses intérêts, sauf en
cas de défaut de paiement de l'émetteur.

Les plateformes : supports et relais de communication

La communication sur un projet de crowdfunding intervient avant


la mise en ligne sur la plateforme et bien sûr après.
En amont, le porteur de projet doit constituer un réseau. Le poids
du réseau est primordial car il contribue à la réussite de l'opération.
Ce réseau, ce sont les amis, bien sûr, mais aussi des acteurs du monde
économique, du monde du financement et des médias. Après avoir
publié le projet sur une plateforme et afin d'accroître les chances de
réussite, il faut rendre l'entreprise très visible pendant la période de
levée de fonds. L'émetteur doit s'impliquer activement dans sa
campagne de promotion afin de dépasser les cercles des amis, de la
famille et des connaissances pour ensuite pouvoir atteindre de
parfaits inconnus et multiplier ses chances de réussite. En effet, dans
la plupart des cas, si le montant récolté n'atteint pas le montant visé,
l'opération sera annulée, et le porteur de projet ne touchera rien :
retour à la case départ. On est bien dans le « tout ou rien ». Le porteur
de projet doit donc présenter l'activité, mais aussi les risques du
projet, les données techniques et juridiques (notamment capital
social et droit de vote), les titres offerts à la souscription, les droits
attachés, les conditions liées à la cession pour les opérations en
capital, les droits d'accès à l'information, etc. Parallèlement, la plate¬
forme doit communiquer sur les modalités de souscription et les frais
facturés au porteur de projet.
En plus de promouvoir son projet, il est conseillé au porteur de
projet, pour maximiser ses chances de réussite, de se rendre dispo¬
nible et accessible à ses éventuels futurs clients et/ou financeurs. Il
ne doit donc pas hésiter à multiplier les opérations de communica¬
tion afin de rassurer les donateurs/prêteurs/investisseurs : créer un
forum de discussion afin de répondre à toutes leurs interrogations,
tenir sa communauté régulièrement informée de l'avancée du finan¬
cement ou encore organiser un « chat en direct ». Faire de la publi¬
cité sur Internet est le moyen adapté, peu coûteux ou même parfois
gratuit, pour toucher la clientèle jeune et connectée des plateformes
de crowdfunding.
58 Le crowdfundinc

Lors d'une opération de financement par crowdfunding, et à l'image


des opérations plus classiques, la communication doit donc être à
la fois technique et corporate... Cette communication a également
toute son importance pour la plateforme de crowdfunding. En effet,
le nombre de plateformes croît rapidement et toutes ne perdureront
probablement pas. Une bonne communication permet à une plate¬
forme d'être visible et donc d'attirer le plus grand nombre de crowd-
funders et porteurs de projet, ce qui est indispensable sur un marché
de plus en plus concurrentiel.
Dans le cas de prêts rémunérés et d'achats d'actions/obligations,
opérations pour lesquelles le crowdfunder espère souvent une plus-
value, la sélection des projets par la plateforme est primordiale. 11
apparaît donc particulièrement important pour ce t5q)e de plate¬
forme de disposer d'un effectif salarial dédié à la sélection des projets
qui pourront être publiés. Comment la plateforme se rémunère-t-elle
pour embaucher ensuite des salariés ? Pour Hugues Sibille, président
du Labo de l'économie sociale et solidaire : « "Économie collabora¬
tive", le terme sonne bien. On imagine une communauté d'utilisa¬
teurs, soudée, qui échange de jolis messages pour partager des biens
ou s'offrir des services. [...] La réalité, ce sont des entreprises capita¬
listes comme Uber, Blablacar, valorisées à plusieurs milliards de
dollars et avec pour objectif principal : gagner de l'argent le plus vite
possible » (« L'économie collaborative accroît les inégalités patrimo¬
niales », L'OBS et Rue89, 2016). En réalité, même si le financement
participatif est le produit de l'économie collaborative, les valorisa¬
tions de plateformes n'atteignent pas des montants aussi élevés au
début de l'année 2016.

Les plateformes : leur rémunération

Pour se rémunérer, les plateformes disposent de deux sources


potentielles : le crowdfunder et le porteur de projet. La plupart des
plateformes de don choisissent de facturer un pourcentage du
montant de la collecte (uniquement en cas de succès) et certaines
ajoutent des frais de transactions bancaires. La plateforme Bulbin-
town mentionne à propos des projets financés sous forme de don
avec contrepartie : « Étant donné que 40 % des contributeurs ne vien¬
nent pas réclamer leurs contreparties — et compte tenu de la marge
sur coûts variables que vous réalisez sur vos contreparties —, le coût
de la campagne est négligeable par rapport au montant récolté, aux
ventes réalisées et à l'impulsion que la campagne aura donnée à votre
projet. »
Les acteurs 59

Les plateformes qui proposent de financer des projets sous forme


de prêts (rémunérés ou non) choisissent souvent de se rémunérer en
ponctionnant un pourcentage du montant de la collecte (réussie),
quelques-unes facturent ensuite à l'emprunteur un pourcentage du
capital restant dû, et d'autres Imposent des frais de gestion aux
prêteurs.
11 n'est pas rare que des plateformes d’equity crowdfunding factu¬
rent au porteur de projet des frais de mise en ligne ou de montage de
dossier (montant fixe), auxquels s'ajoute un pourcentage du montant
collecté. Concrètement, il n'existe pas de règle commune concernant
la rémunération des plateformes.
Le Baromètre du crowdfunding 2015, réalisé par Financement Parti¬
cipatif France et Compinnov, recense les taux de frais moyens
appliqués au sein de soixante-six plateformes françaises actives (voir
tableau 11).

Tableau 11. Taux de frais moyens appliqués


par 66 plateformes françaises
(en %)

Dons Prêts Investissements

Sans Avec Gratuit Rému- En Obliga- Contre


contre¬ contre¬ néré capital tions royalties
partie partie

Taux de
frais moyen 0,19 8,2 5,0 3,7 7,3 6,3 9,75

Nous constatons au travers de ce tableau que d'importantes dispa¬


rités existent en termes de frais au sein d'un même type de aowdfiin-
ding (dons, prêts, investissements). Cette disparité est tout
particulièrement marquée entre les frais appliqués aux projets de
dons avec ou sans contrepartie (multiplication des frais par plus de
quarante).

Les plateformes sectorielles : des situations particuiières

De nombreuses plateformes se développent en se spécialisant dans


un secteur d'activité donné : la production de courts et longs
métrages, la mode, les énergies renouvelables, etc. À titre d'exemple,
Babyloan ou Microworld sont des plateformes spécialisées en micro¬
crédit. Bulbintown et Prêt de chez moi proposent aux investisseurs de
60 Le crowdfundinc

financer des projets situés près de chez eux dans le but de favoriser
l'économie locale. Eduklab ou Davincicrowd concernent les projets
liés à l'éducation, et Ecobole ou Lendosphère les projets environne¬
mentaux et de développement durable, etc.
L'immobilier est un secteur dans lequel le nombre de plate¬
formes dédiées augmente rapidement : WiSEED, Lymo, Buildeeg,
Anaxago, Hexagon Crowdbuilding, Canberra Immo, etc. Ce secteur
promet des rendements intéressants .(jusqu'à 12 %), en lien avec le
niveau élevé de risque encouru lié aux retards de livraison ou aux
recours juridiques.
Certaines plateformes utilisent une approche psychologique secto¬
rielle. En effet, pour un grand nombre de porteurs de projet, trouver
des personnes, en dehors de leur love circle ou cercle de connaissances
(famille, amis, collègues, etc.), prêtes à participer au financement de
leur projet constitue un obstacle. Une plateforme a choisi de faire
un atout majeur du love circle du porteur de projet. En incitant les
connaissances du porteur de projet à le financer, Peter O'Mahony,
fondateur de la plateforme irlandaise Linked Finance, affirme afficher
en moyenne, en 2014, des taux plus bas de 2 % que ceux proposés
par les banques du pays (une moyenne de 8,5 % pour la plateforme,
contre un taux de 10,5 % en moyenne proposé par les banques irlan¬
daises). Cette différence s'explique par le fait que les investisseurs qui
ont un lien avec les porteurs de projet se sentent plus investis et font
généralement le choix d'un niveau de rentabilité moins important
(le taux de rémunération proposé par la plateforme Linked Finance
pouvant osciller de 5 % à 15 %). Le lien qui existe entre les porteurs
de projet et leurs prêteurs (40 % des prêteurs connaissent de près ou
de loin la PME qu'ils ont financée) permet également de responsa¬
biliser le porteur de projet dans le remboursement de son emprunt.
Le caractère particulier d'une plateforme peut tenir aussi à son
origine. Ainsi, la région Nord-Pas-de-Calais a créé son site Internet
(rev3.fr, en partenariat avec la plateforme Cowfunding.fr) au travers
duquel il est proposé aux internautes de soutenir financièrement les
différents projets exposés via le financement participatif ou via le
livret d'épargne «Troisième révolution industrielle en Nord-Pas-
de-Calais », livret mis en place par le Crédit Coopératif. L'économiste
américain Jeremy Rifkin [2011], auteur de La Troisième Révolution
industrielle, collabore à cette initiative « pour construire l'avenir de
la région et transformer cette vieille région industrielle en terre
d'avenir ».
Dans un contexte de marché en fort développement et grâce à la
technologie, la création de plateformes de financement participatif
avec peu de moyens est relativement aisée. En quelques jours, une
Les acteurs 61

plateforme peut voir le jour, et le nombre de plateformes créées est en


plein boom. Alors que l'on dénombrait moins de cinq plateformes
de crowdfunding spécialisées dans le secteur de l'immobilier en France
début 2015, leur nombre était estimé à vingt-six fin 2015 (Le Crowd¬
funding immobilier : son fonctionnement, ses enjeux, ses défis, étude
CM Economies et Eden Finances). Surfant sur l'engouement suscité
par ce phénomène, des sites spécialisés comme Mipise, Capsens ou
encore Particeep proposent la création de plateformes clés en main,
appelées « en marque blanche », le plus souvent en contrepartie d'un
abonnement mensuel. La plateforme Anaxago propose elle aussi ses
services d'achat/location de plateforme en marque blanche. S'agis¬
sant de la location d'une plateforme, cette solution permet d'éviter
les coûts liés au développement d'un site Internet, mais crée une
dépendance certaine du détenteur de la plateforme vis-à-vis de son
hébergeur.

L'avenir des plateformes

Le marché du crowdfunding est en plein développement, pour ne


pas dire en pleine explosion. Mais l'intermédiaire indispensable
qu'est la plateforme n'échappe pas aux contraintes de rentabilité.
Même si les investissements nécessaires au lancement et les frais de
fonctionnement sont probablement plus faibles que dans beaucoup
de secteurs de l'économie non numérique, la plateforme doit être
profitable.
Pour être rentables, les plateformes doivent impérativement
financer un grand nombre de projets... qui se retrouvent évidem¬
ment dilués parmi ce grand nombre d'intervenants. Beaucoup
d'acteurs estiment qu'un nombre important de plateformes ne survi¬
vront pas sur le long terme. C'est le cas d'Arnaud Poissonnier, prési¬
dent et fondateur de la plateforme de microcrédit Babyloan, qui
estime que, à terme, seules quinze à vingt plateformes trouveront une
place pérenne sur le marché. Selon lui, la majorité des plateformes
qui subsisteront proposeront de financer des projets sous forme de
prêts (une dizaine de plateformes), suivies par celles qui s'inscriront
sur le marché de Vequity crowdfunding (quatre à cinq). Les plate¬
formes de don avec contrepartie (ou récompense), activité fortement
contrainte par une importante volumétrie du nombre de projets
financés, devraient se concentrer autour de quatre à cinq acteurs, et
les plateformes de prêts solidaires deviendraient quant à elles margi¬
nales. Plusieurs hypothèses sont possibles pour arriver à cette situa¬
tion : disparitions, absorptions, fusions...
62 Le crowdfundinc

À cet égard, il faut noter, au printemps 2016, la décision de MyMa-


jorCompany d'arrêter les nouveaux financements de projets pour se
consacrer à ses propres projets.
Autre hypothèse pour les actionnaires des plateformes de crowdfun-
ding s'étant développées : revenir aux schémas classiques des start-ups
devenues grandes, c'est-à-dire aller en Bourse. Fin 2014, Lending Club
a été valorisé à 870 millions de dollars lors son introduction en
Bourse à Wall Street... De quoi donner des idées à certains détenteurs
de plateformes.
Afin d'attirer un nombre toujours plus grand de crowdfunders, il est
important que les plateformes d’equity crowdfunding développent un
marché performant de revente des titres financiers (actions et obliga¬
tions). Ce point est développé au sein du chapitre v.

Les banques et les compagnies d'assurances :


une présence croissante sur ce marché

Deux acteurs ont un rôle historique majeur dans le financement


de l'économie et des entreprises : les banques et les compagnies
d'assurances.

La fin du monopole bancaire pour la distribution des crédits

Jusqu'au 1" octobre 2014, date d'entrée en vigueur du décret


n° 2014-1053, les banques bénéficiaient en France d'un monopole en
termes de distribution de crédits, et 92 % des TPE/PME se finançaient
alors au travers du système bancaire (Assises européennes du finan¬
cement des PME, PME Finance, 2014). La plateforme Prêt d'Union
était, jusqu'à cette date, la seule plateforme de financement partici¬
patif en France à pouvoir distribuer des crédits aux particuliers grâce
à l'obtention du statut d'établissement de crédit prestataire de
services d'investissement délivré par l'ACPR. Depuis, toutes les plate¬
formes qui disposent du statut d'IFP (intermédiaire en financement
participatif) peuvent octroyer des emprunts aux entreprises et aux
particuliers sous certaines conditions décrites au sein du chapitre iv.
Le système de distribution historique de produits bancaires (via les
agences physiques), affaibli depuis un certain temps notamment par
l'arrivée massive des banques en ligne et de leurs prix attractifs,
s'apprête probablement à vivre un bouleversement de plus grande
ampleur. La crise financière de 2008 et la concrétisation du risque
systémique associé au système bancaire ont par ailleurs entraîné un
mouvement de défiance vis-à-vis de ce système.
Les acteurs 63

Dans ce contexte en pleine mutation, les établissements bancaires


adoptent des positions et des stratégies différentes face à ce phéno¬
mène nouveau qu'est le crowdfunding, dont l'ambition reste d'offrir
une alternative au financement bancaire.

L'approche des banquiers

Contribuer au développement de plateformes de crowdfunding peut


permettre aux banques, dans un premier temps, de s'approprier
certaines valeurs véhiculées par le financement participatif, telles que
la transparence, le partage, l'éthique ou encore la confiance, et, dans
un second temps, de pouvoir profiter du plein essor de ce marché.
Quand elles ont décidé de s'investir au sein de plateformes de
crowdfunding, les banques le font surtout en fonction de l'impact
souhaité auprès du grand public. La plateforme Spear, qui agit en tant
que courtier en opérations de banque et services de paiement
(COBSP), propose de financer sous forme de prêts des projets « à fort
impact social, environnemental ou culturel » portés par des entre¬
prises et des associations. Spear compte quatre partenariats avec des
établissements bancaires. Parmi eux, la Société Générale, le Crédit
Coopératif et CMP-Banque (filiale du Crédit Municipal de Paris), qui
financent certains projets responsables présents sur la plateforme, en
accordant des crédits à taux réduits. Pour sa part, la Banque publique
d'investissement (Bpifrance) recense sur sa propre plateforme Tous-
NosProjets.fr les projets d'un grand nombre de plateformes françaises,
dont ceux mis en ligne par Spear.
Préalablement à la mise en ligne d'un projet, les banques parte¬
naires sélectionnent les projets qu'elles peuvent financer (environ
60 % des dossiers sont retenus). Le projet est alors mis en ligne sur
la plateforme Spear, et les investisseurs participent à la collecte. Si,
au terme de cette collecte, le porteur de projet n'a pas atteint son
objectif en termes de montant, il obtiendra toutefois un prêt du
montant total sollicité. La minoration du taux d'emprunt est fonc¬
tion du taux de collecte. Une fois le crédit accordé, les banques se refi¬
nancent ensuite auprès de Spear. L'intervention des établissements
bancaires dans le processus d'octroi des crédits permet de réduire les
taux de non-remboursement par une présélection en amont et de
rassurer ainsi les investisseurs.
Une autre façon pour une banque d'interagir avec les plateformes
de financement participatif est de participer au financement de
certains projets. La Banque Postale est ainsi partenaire de deux plate¬
formes : Hello Merci et KissKissBankBank, toutes deux fondées par
Vincent Ricordeau. La Banque Postale et Hello Merci déterminent.
64 Le crowdfundinc

chaque trimestre, des projets « coup de cœur » qui bénéficieront d'une


exonération des frais de commission pèrçus par la plateforme. Ceux-ci
seront en effet supportés par La Banque Postale (compris entre 3 %
et 6 % du montant collecté, lui-même compris entre 200 euros et
10 000 euros). Le partenariat avec KissKissBankBank est un peu diffé¬
rent puisque La Banque Postale sélectionne dans ce cas, une fois par
mois, son projet « coup de cœur » qu'elle finance à hauteur de 50 %.
Ces actions, réalisées sous forme de mécénat, permettent de renforcer
un peu plus la devise de La Banque Postale : « banque et citoyenne »,
aux yeux de ses clients.
D'autres banques affichent une volonté différente en accompa¬
gnant des sociétés pour leur permettre de booster leur croissance. BNP
Paribas, en lien avec la plateforme Ulule, organise des opérations
« 1 clic pour 1 projet » qui permettent au porteur de projet qui a
récolté le plus de clics de recevoir 3 000 euros et d'être parrainé
pendant un an par un collaborateur de BNP Paribas. Cette opéra¬
tion fait d'ailleurs l'objet d'un encart au sein du rapport annuel 2014
de BNP Paribas. Ce même rapport évoque le rapprochement de BNP
Paribas Fortis avec une plateforme leader en Belgique — MyMicroln-
vest —, preuve que le crowdfunding est perçu comme un atout renfor¬
çant la notoriété du groupe.
Le Crédit Coopératif, qui consacre une demi-page de son rapport
annuel 2014 au crowdfunding, est par ailleurs très actif dans ce domaine.
11 soutient six plateformes qui regroupent tous les types de finance¬
ments (don, prêt, apport en capital d'entreprise), dont une plate¬
forme de don créée par le Crédit Coopératif : Agir&Co. La banque a
également effectué une prise de participation de 16 % au sein de la
SAS Treize37 qui gère la plateforme de don pour projets solidaires
Arizuka. Cette même banque a, par ailleurs, créé un livret d'épargne
« Troisième révolution industrielle en Nord-Pas-de-Calais », dédié au
financement de celle-ci. En abordant sa nouvelle collaboration avec
le Crédit Coopératif, Stéphanie Savel, présidente de la plateforme
WiSEED, indique : « L'association banque/crowdfunding est une
manière intelligente et efficace d'appréhender au mieux les probléma¬
tiques des jeunes sociétés en matière de financement et de leur
apporter les moyens appropriés de réaliser leur projet toujours en
adéquation avec leurs besoins propres. »
Pour ce qui est de l'attitude des banques mutualistes, on pourrait
imaginer que celles-ci ont une affinité culturelle plus prononcée avec
la finance participative. Mais il est difficile, à ce jour, de mesurer
l'attrait des banques pour la finance participative, en fonction de leur
statut mutualiste ou non.
Les acteurs 65

Les assureurs, un intérêt croissant pour le crowdfunding

Alors que les assureurs étaient, pour la plupart, encore discrets


jusqu'en 2014, l'engouement autour du «phénomène crowdfun¬
ding» et la mise en place d'un cadre juridique favorable et structuré
ont certainement favorisé l'implication grandissante des assureurs au
sein des plateformes de financement participatif.
L'intérêt nouveau des assureurs pour les plateformes de crowdfun¬
ding se traduit par diverses démarches : la prise de participation
(Aviva France a pris part au capital de la plateforme de prêts Finsquare
au cours du premier semestre 2015), la mise en place de partenariats
ou encore la création d'un site Internet dédié (partagerproteger.
axa.fr) par AXA qui soutient des projets présentés sur la plateforme
MyMa j orCompany.
D'autres compagnies sont actives en la matière ; Gan Assurances,
intégrée à Groupama, a annoncé, début 2015, son partenariat avec
la plateforme de prêts Lendopolis. Le cadre de ce partenariat demeure
toutefois assez vague : « Gan Assurances parraine et accompagne des
entrepreneurs qui ont réussi leur levée de fonds sur Lendopolis »,
mentionne le site Internet de la plateforme. L'assureur, dans son
communiqué de presse, précise, à propos de ce partenariat, qu'il
proposera un diagnostic assurance des sociétés afin que les investis¬
seurs puissent « faire un choix plus éclairé sur le niveau de risque de
leur investissement ». Début 2015, Allianz France a mis en place un
fonds d'investissement dédié au crowdfunding, en partenariat avec la
plateforme d'equity crowdfunding SmartAngels et la société de gestion
en capital investissement Idinvest qui permet « de tester ce marché
et d'accompagner sa croissance ». « Dans un contexte de taux bas, il
faut être capable de trouver d'autres types de placements plus rému¬
nérateurs, que ce soit pour nous en tant qu'assureur ou pour nos
clients », estime Matthias Seewald, membre du comité exécutif. Le
site Particeep, qui propose la création d'une plateforme participa¬
tive en marque blanche, s'est associé à AXA Assurcredit et Creditor
Lifestyle Protection pour proposer aux porteurs de projet diverses
garanties en adéquation avec leurs besoins et rassurer ainsi les inves¬
tisseurs. Les porteurs de projet ayant souscrit une garantie se voient
attribuer un label « assuré par AXA » visible de tous.
Les filiales bancaires des assureurs commencent elles aussi à
prendre part à l'aventure : c'est le cas de Groupama Banque, qui
contribuera au financement des projets d'entreprises par l'intermé¬
diaire d'Unilend, acteur français du crowdlending, à hauteur de
100 millions d'euros entre 2015 et 2019.
66 Le crowdfundinc

Les experts-comptables : conseils des petites entreprises

Pour les grandes sociétés, l'expert-comptable est plutôt un audi¬


teur, souvent incarné par un grand cabinet. Mais, pour une petite
structure, susceptible d'avoir besoin de financement participatif,
l'expert-comptable est un véritable soutien du chef d'entreprise.
L'expert-comptable a été longtemps celui qui aide à l'élaboration
des comptes annuels, c'est-à-dire la mesure du passé. Mais, depuis
quelques années, il devient également un consultant susceptible
d'aider à la formalisation d'un business plan stratégique et financier,
fondement du dossier de demande de financement. L'expert-comp¬
table n'est plus un spectateur de la gestion de l'entreprise ; il est
devenu un acteur de la vie et du futur de l'entreprise.
La profession, le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comp¬
tables (CSOEC), a concrétisé cette évolution en établissant en 2014
et 2015 des partenariats avec les plateformes Lendopolis et Prêtgo afin
de promouvoir, vers les TPE et PME, le financement participatif sous
forme de prêts rémunérés. Le président du CSOEC a déclaré : « Le
financement participatif ouvre une nouvelle voie pour le finance¬
ment de projets entrepreneuriaux, pas toujours faciles à financer dans
des conditions et des délais satisfaisants. Notre profession, dans le
cadre de l'accompagnement de ses clients dans la recherche de finan¬
cement, se doit de s'y intéresser. C'est pourquoi le CSOEC met en
place un partenariat avec Lendopolis, plateforme de prêts rémunérés
dont les équipes ont déjà une expérience réussie du prêt solidaire et
du don. »
Dans la continuité de ces partenariats, le CSOEC a créé un portail
qui permet à l'expert-comptable concerné de visualiser les projets de
son client et de communiquer à la plateforme les informations utiles
à l'élaboration et à la validation du projet. Par ailleurs, l'ordre des
experts-comptables a publié une collection de « Kits Missions » pour
accompagner ses membres dans la réalisation de leurs missions. Le kit
relatif au financement participatif comprend des modèles de lettre
de mission d'accompagnement au financement de l'entreprise et de
rapport de l'expert-comptable relatif aux informations financières
prévisionnelles pour vérifier que les hypothèses retenues sont raison¬
nables et que les informations présentées sont cohérentes avec les
états financiers historiques. On y trouve aussi te modèle d'attesta¬
tion de l'expert-comptable portant sur la conformité de l'utilisation
des fonds levés au projet présenté sur une plateforme de finance¬
ment. L'expert-comptable contribue donc à donner à l'entreprise une
meilleure crédibilité dans l'utilisation des fonds ef à apporter aux
investisseurs la confiance nécessaire.
Les acteurs 67

Les médias : accélérateurs de notoriété

Depuis 2013, le crowdfunding a connu une exposition médiatique


croissante depuis que les médias, y compris grand public, ont renou¬
velé leur intérêt pour la finance et le financement des entreprises, à
la suite de la crise financière et bancaire commencée en 2008.
Une revue de presse, d'ailleurs non exhaustive, montre que des
dizaines d'articles ont présenté le crowdfunding, terme plus à la mode
que l'expression « financement participatif », sous ses divers aspects,
articles souvent illustrés de cas concrets. Cette exposition médiatique
a commencé dans des publications professionnelles {Agefî, Les Échos,
La Lettre Vemimmen.net, Revue Analyse financière) avant de se déve¬
lopper, notamment, dans Le Nouvel Observateur, Le Monde, Le Parisien
et bien sûr Investir et Le Revenu. Les articles, descriptifs au début, sont
devenus de plus en plus concrets, visant à présenter l'intérêt pour
les épargnants et l'opportunité nouvelle de financement pour les
porteurs de projet.
Les nombreux articles publiés sur le sujet ont donc mieux fait
connaître aux entrepreneurs ces solutions nouvelles de finance¬
ment, ont sensibilisé le grand public à la question du financement
des entreprises et bien sûr attiré l'attention des particuliers suscep¬
tibles de devenir les « nouveaux banquiers » des entreprises...
Depuis le titre technique « Quelle place pour le crowdfunding dans
la gamme des financements alternatifs ? » de la très sérieuse revue
du Club des marchés financiers jusqu'aux accroches : « Le banquier,
c'est vous » ou « Investir dans une PME, c'est facile » du Parisien, en
passant par « Vous avez dit crowdfunding ? » du Nouvel Observateur ou
« Crowdfunding et culture » de Madame Figaro, la presse, les presses ont
beaucoup contribué à faire découvrir puis bien connaître les formes
du crowdfunding et les techniques concrètes de ce nouveau mode de
financement des entreprises ou des projets individuels. La presse s'est
même fait l'écho en juillet 2015 d'un appel d'un jeune Britannique à
utiliser le crowdfunding pour « sauver la Grèce ». Mais le pays n'en a
pas eu besoin...
On peut affirmer que les médias sont un acteur significatif dans le
développement du crowdfunding et pas seulement par l'intermédiaire
d'Internet.
En conclusion, le crowdfunding a essentiellement comme raison
d'être de financer des projets et/ou des entreprises, les différentes
formes de don devenant progressivement secondaires ou des formes
d'amorçage du « vrai financement », en mettant les initiateurs/entre-
preneurs en relation, par l'intermédiaire des plateformes avec des
prêteurs et des actionnaires qui :
68 Le crowdfundinc

— leur apportent les fonds nécessaires à leur développement en


temps utile (la maîtrise du timing est essentielle) pour assurer le finan¬
cement des investissements ;
— les aident à mobiliser la meilleure structure de capitaux perma¬
nents possible et donc à optimiser leur coût moyen pondéré du
capital (CMPC) à court et long termes afin d'obtenir les valeurs
actuelles nettes et donc les rentabilités les plus élevées envisageables
pour les investissements réalisés ;
— leur offrent la possibilité de communiquer sur leur projet
auprès d'une large communauté par l'intermédiaire des médias et
ainsi de réduire, en augmentant le nombre d'investisseurs potentiels,
le coût des fonds mobilisés ;
— leur apportent une réduction du risque perçu grâce à l'accompa¬
gnement dont ils bénéficient de la part des experts-comptables, de
certains groupes industriels, banques et/ou compagnies d'assurances...,
ce qui améliore encore leur couple rentabilité/risque.
11 s'agit donc d'une nouvelle application de la théorie financière
classique, en utilisant les moyens de communication les plus
modernes.
Dans le cadre du processus largement désintermédié mis en place,
les plateformes ne survivront que si elles apportent un service adapté
en termes de fiabilité, de rapidité d'exécution et de coût des opéra¬
tions, ce qui implique la réalisation d'économies d'échelle supplé¬
mentaires, mais exige aussi plus de flexibilité et d'innovation de la
part de leurs dirigeants.
IV '/ Le cadre juridique et fiscal

Le aowdfunding, nouveau mode de financement de projets de toutes


natures par le public, repose sur une réalité : l'appel à l'épargne, celle
des particuliers, la « foule », et éventuellement celle des sociétés qui
souhaitent investir. Que ce financement participatif intervienne par
le don, le prêt, les royalties, l'apport en capital ou l'émission d'obli¬
gations, il devenait naturel qu'un cadre réglementaire soit mis en
place en France pour encourager le développement de ce mode de
financement, mais aussi pour protéger les épargnants. L'année 2014
a vu la mise en place, en France, d'un environnement juridique et
fiscal pour les trois populations concernées : les épargnants, les plate¬
formes et les émetteurs.

La mise en place en France d'un nouveau cadre juridique

Au début de l'année 2013, le crowdfunding est encore un sujet pour


spécialiste. Au niveau mondial, le marché est de petite taille :
2,7 milliards de dollars environ, mais en développement rapide
puisque le marché représentait 1,5 milliard de dollars en 2011 (selon
massolution). Toutefois, beaucoup d'observateurs du monde de la
finance et de la banque envisagent un avenir favorable pour ce mode
de financement. Ainsi, une étude Forbes du 31 décembre 2012 estime
que le marché mondial du crowdfunding atteindra 1 000 milliards de
dollars d'ici 2020, alors que celui-ci était de 16,2 milliards de dollars
en 2014, pour un prévisionnel 2015 à plus de 34 milliards de dollars
{201 SCF Crowdfunding Industry Report, massolution). En France, à la
même époque (2012 jusqu'à mi-2013), le sujet du crowdfunding
émerge lentement et les médias commencent à Tévoquet, surtout
dans les revues spécialisées.
70 Le crowdfundinc

La motivation du pouvoir politique

Les fonds collectés par le recours au aowdfunding progressent rapide¬


ment en France : 7,9 millions d'euros en 2011, TI millions d'euros
en 2012, 78 millions d'euros obtenus en 2013, 152 millions d'euros en
2014 et 296 millions d'euros collectés en 2015 (Financement Participatif
France et Compinnov, Baromètre du crowdfunding 2015). La crois¬
sance des fonds apportés est rapide ; .en revanche, elle n'est pas enca¬
drée par une réglementation spécifique et ne suscite pas encore l'intérêt
médiatique.
11 faut attendre les Assises de l'entrepreneuriat du 29 avril 2013
pour que le président de la République, François Hollande, affiche
sa volonté de mettre en place un cadre juridique favorable au déve¬
loppement du financement participatif en France. 11 déclare : « C'est
un mode de financement tout à fait précieux dès lors que la protec¬
tion de l'épargne est assurée. Je demande donc au gouvernement de
formuler d'ici septembre des propositions en ce sens pour la finance
participative. »
À la suite de cette annonce, les premières Assises de la finance
participative sont organisées le 30 septembre 2013 par Fleur Pellerin,
alors ministre déléguée aux PME, à l'Innovation et à l'Économie
numérique. Ces Assises attirent plus de 800 participants : acteurs du
secteur, médias, leaders d'opinion, représentants des administra¬
tions et grand public. Les objectifs de ces Assises sont de démocra¬
tiser le concept de financement participatif, en dresser les contours,
mais aussi annoncer les avancées réglementaires qui permettront à
ce nouveau mode de financement de se développer. Comme le
mentionne le blog de Babyloan, une plateforme spécialisée en prêt
solidaire : « Le secteur était jusqu'alors dans un no man's land régle¬
mentaire et juridique » (« Assises de la finance participative ; un
nouvel horizon pour le secteur ! », Babyloan Le Blog, 2 octobre 2013).
Lors de ces Assises, la ministre Fleur Pellerin annonce les princi¬
pales pistes de la réforme envisagée :
— la création d'un statut de conseiller en investissements partici¬
patifs (CIP) ;
— la création d'un régime prudentiel dérogatoire pour certains
établissements de paiement ;
— l'allègement des contraintes pour les offres au public de titres
financiers, réalisées dans le cadre du financement participatif ;
— l'assouplissement du monopole bancaire.
Le premier semestre 2014 est consacré à l'élaboration de la
nouvelle réglementation. La presse commence à s'intéresser de plus
en plus au sujet. Les Échos du 16 janvier 2014 posent la question :
Le cadre iuridique et fiscal 71

— une dérogation partielle au mono¬


Encadré 5. Les points clés pole bancaire est décidée concernant les
des nouveaux textes relatifs opérations de crédit ;
au financement participatif — la protection des investisseurs est
assurée par la mise en place d'un
L'ordonnance du 30 mai 2014 comporte montant limité dans le cadre de prêts et
cinq titres, dont deux nécessitent une d'un site à accès progressif dans le cadre
attention toute particulière. Le titre T' d'achat d'actions ordinaires et d'obliga¬
traite du financement participatif sous tions à taux fixe ;
forme de titres financiers. Le titre II traite — les entreprises sont exemptées
du financement participatif sous forme du prospectus AMF pour des levées
de prêts ou de dons. de fonds jusqu'à 1 million d'euros
Cette ordonnance met en lumière (contre 0,1 million d'euros avant le
les différents aspects du sujet : 1®' octobre 2014).
— un cadre juridique précis est Cette ordonnance du 30 mai 2014 a
proposé pour les plateformes avec la été complétée par un texte plus concret.
création de deux statuts : conseiller en Le décret du 16 septembre 2014, appli¬
investissements participatifs (CIP) et cable au 1 " octobre 2014, traduit, en parti¬
intermédiaire en financement partici¬ culier dans le code monétaire et financier,
patif (IFP), sans oublier le statut préexis¬ les choix stratégiques émis dans l'ordon¬
tant de PSI (prestataire de services nance. Ainsi, l'article L. 547-1 du code
d'investissement) ; monétaire et financier vise l'activité de
— l'AMF (Autorité des marchés conseil en investissement alors que
financiers) et l'ACFR (Autorité de les articles L. 548-1 et 548-2 traitent
contrôle prudentiel et de résolution) respectivement de l'intermédiation en
seront les autorités de tutelle de ces financement participatif et du statut
deux nouveaux statuts ; d'intermédiaire en financement participatif.

« Financement ; aowdfunding ou business angels ? » Le Nouvel Observateur


du 13 février 2014 titre ; « Crowdfunding : vive la finance populaire ! »
L'Agefi Hebdo du 13 mars 2014 est plus concret : « Le aowdfünding enfin
libéré. » Le 14 février 2014, une conférence initiée par le ministère du
Redressement productif attire les participants par son intitulé : « Faire de
la France le pays pionnier du financement participatif. » Fin mai 2014,
les préparatifs de la nouvelle réglementation aboutissent enfin, avec une
volonté : organiser le cadre de la relation entre l'épargnant, le deman¬
deur de capitaux et la plateforme de mise en relation.

L'ordonnance et le décret de 2014

Un peu plus d'un an après la première annonce de François


Hollande concernant la mise en place d'un cadre juridique adapté,
l'ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 est publiée au Jùumal offi¬
ciel, suivie du décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014. L'encadré 5
reprend les points principaux de ces deux textes.
72 Le crowdfunoinc

Le tableau 12 retrace les changements majeurs intervenus pour les


investisseurs et porteurs de projet après la mise en application du
décret.

Tableau 12. Évolutions induites par les changements réglementaires


de 2014 en France

Jusqu'au 1" octobre 2014 Depuis le 1'' octobre 2014

Statut des sociétés qui Accès réservé aux sociétés Accès possible pour les
ont la possibilité de anonymes (sociétés sociétés anonymes (SA) et
porter des projets sur souvent déjà matures). les sociétés par actions
une plateforme de simplifiées (SAS), etc.
crowdfunding.

Montant dispensant de Pas de prospectus jusqu'à Pas de prospectus jusqu'à


prospectus AMF. 100 000 euros. 1 million d'euros (le
maximum européen est de
5 millions d'euros).

Montant maximal que Pas de limite formelle. 1 000 euros max./projet si


les particuliers peuvent prêt rémunéré.
prêter. 4 000 euros max./projet si
prêt gratuit.

Sources : ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014


et décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014.

Les statuts juridiques des piateformes

Le décret du 16 septembre 2014, entré en vigueur le 1®' octobre


2014, a complété la mise en œuvre de l'ordonnance du 30 mai 2014.
Ces deux textes créent deux statuts réglementaires pour les plate¬
formes de financement participatif — le conseiller en investissements
participatifs (CIP) et l'intermédiaire en financement participatif
(IFP) — et introduisent également une nouvelle dérogation au mono¬
pole bancaire concernant l'octroi de crédits en tant qu'activité
habituelle.
Le statut de CIP est obligatoire pour les plateformes finançant des
projets par émission d'actions ordinaires ou d'obligations à taux fixe.
Le statut d'IFP est obligatoire pour les plateformes finançant des
projets sous forme de prêts et peut être adopté par les plateformes de
don qui le souhaitent.
Les plateformes de financement participatif émettrices d'actions
ordinaires ou d'obligations à taux fixe peuvent choisir le statut de
Le cadre )uridique et fiscal 73

prestataire de services d'investissement (PSI) défini par l'article


L. 531-1 du code monétaire et financier, statut préexistant à ceux de
CIP et IFP.
En ce qui concerne l'assouplissement du monopole bancaire à
propos de l'octroi de crédits, l'article L. 511-5 du code monétaire et
financier indique en effet : « Il est interdit à toute personne autre
qu'un établissement de crédit ou une société de financement d'effec¬
tuer des opérations de crédit à titre habituel », sous réserve de
quelques exceptions mentionnées à l'article L. 511-6 (organismes
sans but lucratif, etc.). Mais l'ordonnance mentionne que l'article
L. 511-6 est augmenté d'un alinéa précisant que l'interdiction rela¬
tive aux opérations de crédit ne s'applique pas « aux personnes
morales pour les prêts participatifs qu'elles consentent en vertu des
articles L. 313-13 à L. 313-17 et aux personnes morales mentionnées
à l'article L. 313-21-1 pour la délivrance des garanties prévues par
cet article ». Les plateformes agissant en tant qu'intermédiaires en
financement participatif (IFP) bénéficient donc de cette dérogation
au monopole bancaire depuis le 1®' octobre 2014 et peuvent proposer
aux particuliers, sous certaines conditions, la souscription de prêts
dont les taux d'intérêt doivent être inférieurs aux taux d'usure fixés
régulièrement par la Banque de France. En pratique, les personnes
physiques qui collectent de l'argent sous forme de prêt grâce au
crowdfiinding en dehors d'un projet professionnel ou commercial ne
peuvent obtenir que des prêts gratuits. Grâce à la dérogation au
monopole bancaire, le champ d'action des plateformes de finance¬
ment participatif a été élargi, offrant une vraie opportunité au déve¬
loppement du crowdfunding.

Le statut de conseiller en investissements participatifs (CIP)

Avant l'ordonnance et le décret de 2014, les plateformes de finan¬


cement participatif spécialisées dans l'offre des titres financiers non
cotés optaient pour le statut de conseiller en investissement financier
(GIF), comme Anaxago, WiSEED ou Lumo, ou pour le statut d'inter¬
médiaire en opérations de banque et en services de paiement (lOBSP),
comme l'a fait la plateforme Sowefund (« Point sur les immatricula¬
tions des CIP et IFP », ORIAS, 16 décembre 2014). Depuis la mise en
place du décret, l'adoption du statut de conseiller en investisse¬
ments participatifs (CIP) ou de prestataire de services d'investisse¬
ment (PSI) est impérative pour toute plateforme qui propose la
souscription de titres financiers (actions ordinaires et/ou obligations
à taux fixe) d'entreprises non cotées.
74 Le crowdfundinc

L'article L. 547-1 du code monétaire et financier précise : « Les


conseillers en investissements participatifs sont les personnes morales
exerçant à titre de profession habituelle une activité de conseil en
investissement portant sur des offres de titres de capital et de titres de
créance définies par décret. Cette activité est menée au moyen d'un
site Internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement
général de l'Autorité des marchés financiers. » Concrètement, un CIP,
personne morale non éligible au passeport européen, doit être établi
en France et proposer ses services d'achat d'actions ordinaires et/ou
d'obligations à taux fixe uniquement sur le territoire français. Il peut
cumuler le statut d'intermédiaire en financement participatif (IFP) à
la condition de ne pas fournir de services de paiement. Le cumul de
tout autre statut, notamment agent d'assurances, agent immobilier
et lOBSP, est interdit. LFn CIP ne peut recueillir les titres des sociétés
porteuses de projet ni encaisser les fonds liés aux différentes
collectes ; il ne peut recevoir que les fonds relatifs à sa rémunéra¬
tion. Pour obtenir le statut de CIP, la plateforme doit adhérer à l'une
des associations professionnelles agréées par l'AMF, remplir certaines
conditions d'honorabilité (L. 541-7 du code monétaire et financier) et
de capacité professionnelle, et souscrire une assurance de responsa¬
bilité civile professionnelle (obligatoire au 1" juillet 2016).
Au 31 décembre 2014, d'après le rapport annuel 2014 de l'AMF,
huit plateformes avaient déposé une demande d'immatriculation en
tant que CIP (Anaxago, Lumo, Raizers, Investbook, etc.). Un an après
l'entrée en vigueur du décret, au 1" octobre 2015, vingt-neuf plate¬
formes disposent du statut de CIP (« Financement participatif/
crowdfunding : un an après la nouvelle réglementation », ORIAS,
22 octobre 2015).
Ce statut a déjà montré ses limites. Alors que les levées de fonds
supérieures à 1 million d'euros sur une plateforme opérant sous le
statut de CIP sont soumises à l'obtention du prospectus AMF, la
société Océan Fresh Water a déposé auprès de l'AMF une demande
de prospectus pour une opération de 25 millions d'euros à réaliser
au travers de la plateforme Raizers (qui agit sous le statut de CIP).
La demande de prospectus de la société porteuse de projet a été
rejetée, et l'AMF a estimé que, s'agissant de levées de fonds en
crowdequity (actions ordinaires ou obligations à taux fixe), la plate¬
forme devait avoir le statut de prestataire en services d'investissement
(PSI) («L'AMF défend les limites du crowdfunding», L'Agefi, 14 avril
2015). Fin 2015, il semblerait que la société ne soit pas parvenue à
effectuer sa levée de fonds via une plateforme de financement parti¬
cipatif (« Océan Fresh Water, de l'eau pour tous puisée aux meilleures
sources », L'Opinion, 3 décembre 2015).
Le cadre iuridique et fiscal 75

Le statut d'intermédiaire en financement participatif (IFP)

La publication de l'ordonnance et du décret de 2014 a conduit à la


rédaction de deux articles du code monétaire et financier qui préci¬
sent les règles relatives à l'intermédiaire en financement participatif
(IFP).
L'article L. 548-1 définit ainsi : « L'intermédiation en finance¬
ment participatif consiste à mettre en relation, au moyen d'un site
Internet, les porteurs d'un projet déterminé et les personnes finan-
çanit ce projet. » L'article précise ensuite la nature des personnes
morales et physiques susceptibles de porter un projet, soit à des fins
professionnelles, soif en vue d'une formafion initiale ou continue,
et les financements possibles (prêts avec et sans intérêt, aussi appelés
prêts gratuits, et dons). Les personnes physiques n'agissant pas pour
des besoins professionnels peuvent obtenir des prêts sans intérêt, sous
réserve que les prêteurs n'agissent pas dans un cadre professionnel
ou commercial, et des dons. L'article mentionné précise : « Un projet
consiste en un achat ou un ensemble d'achats de biens ou de presta¬
tions de services concourant à la réalisation d'une opération prédé¬
finie en termes d'objet, de montant et de calendrier. »
L'article L. 548-2 du code monétaire et financier précise que les
intermédiaires en financement participatif (uniquement des
personnes morales) exercent, à titre habituel, l'intermédiation au sens
de l'article L. 548-1 pour les opérations de prêt à titre onéreux ou
sans intérêt. Une plateforme de crowdlending (c'est-à-dire proposant
de financer des projefs sous forme de prêts gratuits ou rémunérés) a
l'obligation de s'enregistrer en tant qu'IFP, tandis qu'une plateforme
de crowdgiving (c'esf-à-dire qui propose de financer des projets sous
forme de dons avec ou sans contrepartie) a la possibilité d'adopter ce
statut si elle le souhaite. Les IFP peuvent cumuler leur activité notam¬
ment avec celles d'établissement de crédit, de société de financement,
d'entreprise d'investissement, de prestataire de services de paiement
et de conseiller en investissements participatifs.
La Banque de France peut communiquer aux IFP certains rensei¬
gnements concernant la situation financière de sociétés sollicitant
des prêts gratuits ou onéreux via des plateformes de crowdfunding.
Dans le cadre de leurs fonctions, les IFP ont l'obligation de publier un
rapport annuel d'activité, ce qui n'est pas le cas pour les acteurs sous
statut de CIP.
Au 31 décembre 2014, seize plateformes au moins, pas toutes
encore opérationnelles, ont déposé leur demande d'immatriculation
en tant qu'intermédiaire en financement participatif : Prêtgo,
Credif.fr, Hello Merci, Givemedolz, Pretpme, Tributile, etc. (selon le
76 Le crowdfundinc

rapport annuel 2014 de l'AMF). Un an après l'entrée en vigueur du


décret, au 1^' octobre 2015, cinquante-trois plateformes disposent du
statut d'IFP, soit près de deux fois plus que le nombre de plateformes
opérant sous le statut de CIP : vingt-neuf pour rappel (« Financement
participatif/crowdfunding : un an après la nouvelle réglementation »,
ORIAS, 22 octobre 2015).

Les obligations communes aux deux statuts

Les deux nouveaux statuts de CIP et d'IFP sont soumis à l'immatri¬


culation auprès de l'ORIAS (Organisme pour le registre des intermé¬
diaires en assurance).
L'ORIAS est une association de loi 1901 à but non lucratif créée
en 2007. Elle régissait, à l'origine, l'immatriculation de tous les inter¬
médiaires en assurance : agents généraux d'assurance, courtiers en
assurance et réassurance, mandataires d'assurance et mandataires
d'intermédiaires en assurance. Les pouvoirs de l'ORIAS s'étendent
désormais aux établissements financiers proposant l'octroi de crédits
et de services de paiement.
Traduisant la volonté des pouvoirs publics de sécuriser l'épargne,
l'obligation d'immatriculation auprès de l'ORIAS concerne tout inter¬
médiaire en assurance (lAS), intermédiaire en opérations de banque
et services de paiement (lOBSP), conseiller en investissements finan¬
ciers (GIF), agent lié de prestataire de services d'investissement
(ALPSI), conseiller en investissements participatifs (CIP), intermé¬
diaire en financement participatif (IFP).
Au U' octobre 2015, soixante-dix-neuf plateformes ont été enregis¬
trées par l'ORIAS sous les statuts de CIP (35 %) et d'IFP (65 %)
(« Financement participatif/crowdfunding : un an après la nouvelle
réglementation », ORIAS, 22 octobre 2015). S'agissant des statuts de
CIP, l'autorisation d'exercice a notamment été accordée après un
examen par l'Autorité des marchés financiers de la compétence des
dirigeants et du fonctionnement du site Web de ces entreprises.
La mise en place d'une assurance responsabilité civile profession¬
nelle est obligatoire. Comme le mentionnent les articles 1382 et 1383
du code civil, toute personne doit réparer les dommages et préjudices
causés à autrui par sa faute. La responsabilité civile professionnelle
permet ainsi à une entreprise de pouvoir compenser les faits domma¬
geables qu'elle a pu commettre dans l'exercice de ses fonctions. Cette
obligation prendra effet au 1" juillet 2016.
Deux autres caractéristiques communes peuvent être relevées ;
seules les personnes morales peuvent adopter ces statuts, et les plate¬
formes visées doivent respecter des règles de bonne conduite et de
Le cadre juridique et fiscal 77

transparence, par exemple se comporter avec loyauté, disposer d'une


politique de gestion des conflits d'intérêts, etc.

Le statut de prestataire de services d'investissement (PSI)

Les prestataires de services d'investissement (PSI) sont des établis¬


sements spécialisés dans l'ensemble des métiers relatifs aux titres et
autres instruments financiers (par exemple : actions, obligations,
parts d'OPCVM).
Le statut des PSI résulte de la transposition en droit français de la
directive européenne du 10 mai 1993 sur les services d'investisse¬
ment, transposition réalisée par la loi de modernisation des activités
financières, dite « loi MAF », du 2 juillet 1996, qui a créé la notion de
prestataire de services d'investissement. Cette notion de PSI regroupe
des établissements très variés, notamment les banques et les sociétés
financières qui offrent ces services et les entreprises d'investissement,
au nombre desquelles on compte les sociétés de gestion de porte¬
feuille (SGP). Le cadre mis en place par la « loi MAF » a été modifié
en novembre 2007 à la suite de l'ordonnance du 12 avril 2007 trans¬
posant la directive européenne « Marché d'instruments financiers »
(MIF) du 21 avril 2004.
La « loi MAF » et l'ordonnance de transposition de la directive MIF
sont intégrées dans le code monétaire et financier, en particulier dans
l'article L. 531-1 qui précise : « Les prestataires de services d'investis¬
sement sont les entreprises d'investissement et les établissements de
crédit ayant reçu un agrément pour fournir des services d'investisse¬
ment. » Le statut de PSI est ainsi régulé conjointement par l'AMF et
l'ACPR.
Contrairement au CIP, le prestataire en services d'investissement
a la possibilité de percevoir les fonds de ses clients et leurs titres en
compte propre. Pour cela, ces capitaux propres doivent être a minima
de 125 000 euros ; ce montant s'abaisse à 50 000 euros lorsque la
plateforme n'encaisse pas de fonds et ne reçoit pas de titres. De
même, à l'inverse du CIP, le PSI a la possibilité de présenter tous titres
financiers sans être cantonné aux actions simples et obligations à
taux fixe. Le PSI a accès au passeport européen, lui permettant de
proposer ses services partout au sein de l'espace économique
européen.
Les prestataires de services d'investissement ne sont soumis à
aucune obligation d'immatriculation au registre de l'ORIAS, mais ils
doivent figurer au REGAFI, le Registre des agents financiers.
Toutefois, leurs agents liés, c'est-à-dire toute personne physique ou
morale mandatée par un PSI et qui effectue en son nom diverses
78 Le CROWDfUNDINC

Tableau 13. Les statuts des plateformes en France

Conseiller en Intermédiaire Prestataire


investissements en financement de services
participatifs (CIP) participatif (IFP) d'investissement
(PSI)

Type de plateforme Plateforme propo¬ Plateforme propo¬ Plateforme pouvant


concernée sant des titres sant de financer des proposer tous titres
financiers (actions projets sous forme financiers.
ordinaires,' obliga¬ de don (statut d'IFP
tions à taux fixe). facultatif) et sous
forme de prêt
(statut d'IFP
obligatoire).

Date d'entrée en 1 " octobre 2014 1 '' octobre 2014 Loi MAF
vigueur par le décret par le décret (n° 96-597) du
n° 2014-1053. n° 2014-1053. 2 juillet 1996, à la
suite de la directive
du 10 mai 1993
(n° 93/22/CEE).

Enregistrement Registre unique des Registre unique des Registre des agents
auprès de intermédiaires en intermédiaires en financiers : REGAFl.
l'organisme assurance, banque assurance, banque Les agents liés au PSI
et finance : ORIAS. et finance : ORIAS. doivent être imma¬
triculés à l'ORIAS.

Organisme de Statut agréé par ACPR. Conjointement


tutelle l'ACPR et régulé supervisé par l'AMF
par l'AMF. et l'ACPR.

Montant maximum 1 million d'euros 1 million d'euros. 1 million d'euros


par projet (sans déposer de (sans déposer de
prospectus auprès prospectus auprès
de l'AMF). de l'AMF).

Montant maximal Pas de limite dans Prêt gratuit : Pas de limite dans le
par investisseur et le cadre d'investis¬ 4 000 euros/ cadre d'investisse¬
par projet sements en titres investisseur. ments en titres
financiers. Prêt rémunéré : financiers.
1 000 euros/
investisseur.

Capitaux propres Pas de minima. Pas de minima. 50 000 euros si pas


de la plateforme d'encaissements de
fonds ni de titres ;
125 000 euros
sinon.
Le cadre juridique et fiscal 79

Conseiller en Intermédiaire en Prestataire de


investissements financement services
participatifs (CIP) participatif (IFP) d'investissement
(PSI)

Cumul possible de Oui avec IFP, sous Oui avec : Un PSI peut recourir
statut réserve de ne pas — CIP, sous aux services d'un
proposer de service réserve de ne pas agent lié :
de paiement. proposer de service « personne physique
de paiement ; ou morale.
— établissement mandatée par un
de crédit, société prestataire de
de financement. services d'investisse-
entreprise d'inves- ment (PSI), qui peut
tissement, établisse- fournir pour le
ment de monnaie compte de ce
électronique. dernier » certains
établissement de services d'investisse-
paiement ou agent ment (selon l'AMF).
de prestataire de
services de paie¬
ment. Le cumul
avec l'activité
d'intermédiation en
assurance est
possible si l'activité
d'IFP est exercée à
titre accessoire.

Possibilité pour Néant. Néant. Banques, établisse-


d'autres plateformes ments de crédit
(hors financement spécialisés, entre-
participatif) prises d'investisse-
d'adopter ce statut ments, etc.

Passeport européen Non. Non. Peut proposer ses


services partout au
sein de l'espace
économique
européen.

Rapport annuel Aucune obligation. Obligatoire. Obligatoire.


d'activité

prestations (réception et transmission d'ordres pour le compte de


tiers, placement garanti ou non, conseil en investissement), ont
l'obligation de s'immatriculer auprès de l'ORIAS.
80 Le CROWDfUNDINC

Le choix pour les plateformes proposant des titres financiers : CIP ou PSI ?

Les plateformes de financement participatif proposant des titres


financiers ont la possibilité d'adopter le statut de PSI ou le statut de
CIP, régulé quant à lui par l'AMF seule. En 2015, il semblerait qu'une
seule plateforme de financement participatif ait opté pour le statut de
PSI : LETITSEED.
Une question se pose alors ; le statut de prestataire de services
d'investissement (PSI) existant déjà depuis de nombreuses années et
pouvant être adopté par les plateformes qui proposent des titres
financiers, pourquoi avoir créé le statut de conseiller en investisse¬
ments participatifs (CIP) ? Le statut de CIP est un statut plus léger qui
ne requiert pas de capital minimum, ne permet pas à la plateforme
d'encaisser des fonds autres que ceux liés à sa rémunération, ni de
percevoir de titres financiers, contrairement au statut de PSL Le statut
de CIP traduit bien la volonté de favoriser le développement de ce
nouveau mode de financement.
Le tableau 13 p. 78-79 propose un comparatif des trois statuts qui
encadrent les plateformes de crowdfunding.

L'ACPR et l'AMF, autorités de tutelle

L'ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et l'AMF


(Autorité des marchés financiers) sont notamment en charge du
contrôle des porteurs des statuts de conseiller en investissements parti¬
cipatifs (CIP) et d'intermédiaire en financement participatif (IFP).

L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR)

L'ACPR est une autorité administrative indépendante fondée en


janvier 2010. L'ACPR veille à simplifier la préservation de la stabilité
du système financier et la protection des clients, assurés, adhérents et
bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle, en particulier les
établissements de crédit, les entreprises d'investissement autres que
les sociétés de gestion de portefeuille, les entreprises de marché, les
entreprises exerçant une activité d'assurance directe, les mutuelles et
unions, les institutions de prévoyance. L'ACPR a donc un pouvoir de
contrôle sur les IFP.
Le cadre iuridique et fiscal 81

L'Autorité des marchés financiers (AMF)

En France, la loi de sécurité financière du 1" août 2003 a permis la


modernisation des autorités de contrôle avec la création de l'Autorité
des marchés financiers (AMF). L'AMF est une autorité administra¬
tive indépendante, autonome juridiquement, qui a pour mission
d'assurer la sécurité et la transparence du marché financier, de veiller
à la protection de l'épargne investie en valeurs mobilières ou en
autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'infor¬
mation des investisseurs, au bon fonctionnement des marchés. Pour
réaliser ces différentes missions, l'AMF dispose des pouvoirs régle¬
mentaires d'agrément, de contrôle de l'information, d'enquête et
d'injonction.
Les plateformes de financement participatif sont soumises au
contrôle de l'AMF au même titre que les autres établissements finan¬
ciers en France. Les CIP sont agréés par l'ACPR et régulés par l'AMF,
tandis que les PSI sont supervisés conjointement par l'AMF et l'ACPR.
Dans son rapport annuel relatif à 2013 et diffusé en mai 2014,
l'AMF avait traité du crowdfunding dans le chapitre intitulé « Les rela¬
tions avec les épargnants ». L'AMF évoquait les textes réglementaires
à venir en la matière et proposait une illustration du fonctionnement
du crowdfunding résumée dans le graphique 4.

Un focus sur les investisseurs et les porteurs de projet

Rappelons que la plateforme de financement participatif est l'inter¬


médiaire entre les émetteurs et les épargnants, quel que soit leur
mode d'investissement. Comment ces porteurs de projet et ces inves¬
tisseurs, mis en relation au moyen du site Internet de la plateforme,
sont-ils informés, protégés ou encadrés dans leurs démarches
respectives ?

Les informations fournies par les plateformes

Les plateformes de financement participatif, CIP (propose l'achat


d'actions ordinaires et d'obligations à taux fixe) comme IFP (propose
de contribuer à des collectes de fonds sous forme de prêts gratuits
ou rémunérés, éventuellement sous forme de dons), sont tenues de
fournir un certain nombre d'informations aux investisseurs pour leur
permettre la meilleure appréciation possible de leur investissement :
activité et projet de l'émetteur, derniers comptes de l'émetteur et
éléments prévisionnels (CIP), droits à rémunération, droits de vote et
82 Le crowdfundinc

Graphique 4. Le financement participatif schématisé par l'AMF

* En attente de la fixation définitive de ce seuil par l'ordonnance (ce seuil a été confirmé par le
décret n° 2014-1053).

Source : rapport annuel de l'AMF, 2013.

droit d'information attachés aux titres offerts (CIP), caractéristiques


principales du prêt (IFP), taux de défaillance enregistré sur les projets
présentés par la plateforme au cours des trente-six derniers mois (IFP),
etc.
Le cadre juridique et fiscal 83

Une plateforme de crowdfunding étrangère souhaitant proposer des


titres financiers en France doit relever de l'un des deux statuts, PSI ou
CIP, soit en bénéficiant du passeport européen, si elle est agréée en
tant que PSI dans son État d'origine faisant partie de l'espace écono¬
mique européen (EEE), soit en créant une filiale PSI ou CIP en France.

Des investisseurs inégalement protégés

L'ordonnance et le décret de 2014 ont pris en compte le risque des


investisseurs, c'est-à-dire la « foule » des particuliers et des entreprises.
Ces investisseurs sont très protégés dans le cadre des opérations de
prêts, mais moins dans celui d'achats de titres financiers.
Dans le premier cas, les investisseurs ne peuvent prêter qu'un
maximum de 1 000 euros par projet lorsqu'il s'agit d'un prêt rému¬
néré, ou 4 000 euros par projet lorsqu'il s'agit d'un prêt à titre gratuit,
favorisant ainsi ces derniers.
Cette différence radicale de traitement entre les prêteurs et les
investisseurs traduit la volonté de préserver les personnes qui partici¬
pent à l'octroi de prêts (66 % des fonds levés en France par le crowd¬
funding en 2015 l'ont été sous forme de prêts), tout en laissant
l'opportunité à l'investisseur de prendre plus de risques s'il le
souhaite avec des opérations en capital sans plafonnement (17 % des
fonds collectés en 2015 en crowdfunding en France, soit 50,3 millions
d'euros) (Financement Participatif France et Compinnov, Baromètre
2015 du crowdfunding).
Dans le second cas — l'achat d'actions simples ou d'obligations à
taux fixe —, les investisseurs sont soumis à un suitability test qui
permet de déterminer leur niveau de connaissances en matière de
finance et de produits d'épargne ainsi que leurs objectifs d'investis¬
sements en termes de risque, de disponibilité des capitaux, etc. Ce
questionnaire permet de vérifier que le financement participatif sous
forme de titres financiers correspond bien aux besoins de l'investis¬
seur et que celui-ci a conscience des risques qu'il court. 11 n'est prévu
aucun montant maximum dans le cadre d'achat de titres financiers,
mais la plateforme est garante de l'adéquation de l'offre proposée
avec les connaissances du client, son expérience en matière d'inves¬
tissement, sa situation financière et ses objectifs d'investissements.
Les plateformes proposant de participer à des levées de fonds sous
forme de titres financiers — plateformes régies par les statuts de CIP
ou PSI — doivent proposer aux crowdfunders un site Internet à accès
progressif qui impose plusieurs étapes à l'investisseur potentiel avant
de pouvoir souscrire à l'offre : il s'agit du suitability test décrit
précédemment.
84 Le crowdfundinc

Les règles de bonne conduite iinposées aux plateformes par


l'ordonnance de 2014 constituent une protection des investisseurs,
mais aussi des porteurs de projet. L'article L. 547-9 mentionne les
points suivants, précisés dans le règlement général de l'AMF : « Se
comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de
leurs clients [...], exercer leur activité, dans les limites autorisées par
leur statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent
au mieux des intérêts de leurs clients,, afin de leur conseiller plusieurs
offres de titres [...], être dotés des ressources et procédures nécessaires
pour mener à bien leurs activités et mettre en œuvre ces ressources et
procédures avec un souci d'efficacité [...], mettre en place une poli¬
tique de gestion des conflits d'intérêts [...], mettre en garde les clients
ou clients potentiels des risques auxquels ils s'exposent... » Ces règles
de bonne conduite sont précisées par le règlement général de l'Auto¬
rité des marchés financiers.

Des porteurs de projets encadrés

Les personnes morales et personnes physiques opérant à des fins


professionnelles ou pour financer une formation initiale ou continue
ont accès au don et au prêt gratuit et rémunéré. Une personne morale
a également accès aux opérations en capital par l'intermédiaire du
financement participatif. Une personne physique proposant un
projet en dehors d'un objectif professionnel n'a accès qu'au don et au
prêt gratuit.
Un entrepreneur qui souhaite faire financer par un prêt un projet
présenté sur une plateforme agit en qualité d'emprunteur et noue
donc un contrat avec chaque prêteur. Le montant maximum qui peut
être emprunté par un porteur de projet, sans déposer de prospectus
auprès de l'AMF, est fixé à 1 million d'euros par projet. Au niveau
européen, ce niveau est fixé à 5 millions d'euros. Le prospectus est
un document qui a vocation à informer le public lorsqu'une société
réalise un appel public à l'épargne (émissions, cessions de titres finan¬
ciers ou cotations).
En théorie, un projet concernant une levée de fonds sous forme
de capital par l'intermédiaire d'une plateforme n'est pas plafonné en
termes de montant, sous réserve de déposer un prospectus auprès de
l'AMF lorsque la collecte envisagée est supérieure à 1 million d'euros
(100 000 euros avant la mise en application du décret du U'octobre
2014). Toutefois, la mise en pratique semble plus complexe, comme
la société Océan Fresh Water a pu en faire l'expérience courant 2015
(voir « Le statut de conseiller en investissements participatifs (CIP) »,
p. 73).
Le cadre iuridique et fiscal 85

Le cadre fiscal pour les crowdfunders

Au-delà de l'encadrement juridique et réglementaire, le crowdfun-


ding est soumis à des mesures d'ordre fiscal spécifiques.

La fiscalité des dons

En théorie, les dons effectués auprès d'organismes d'intérêt général


ou d'utilité publique permettent de déduire 66 % du montant du don
du revenu fiscal de référence. La déduction maximale autorisée est
égale à 20 % du revenu imposable (service-public.fr). Cette réduc¬
tion d'impôt peut même atteindre 75 % du montant du don, dans
la limite d'une réduction maximale de 397 euros en 2016, lorsque le
porteur de projet est un organisme d'aide aux personnes en difficulté.
En pratique, peu de porteurs de projet sont des associations d'intérêt
général ou d'utilité publique. Cet avantage est donc marginal pour les
donateurs sur les plateformes de financement participatif.
S'agissant des dons avec contrepartie (ou récompense), celle-ci
représente un avantage supplémentaire à la réduction d'impôt. La
valeur de la contrepartie ne doit donc pas excéder 25 % du montant
du don (culturecommunication.gouv.fr).

La fiscalité des prêts gratuits

Tout prêt octroyé supérieur à 760 euros en 2016 doit être déclaré
au fisc par l'imprimé n° 2062 « Déclaration de contrat de prêt ». Pour
les personnes imposables à l'impôt sur la fortune (ISF), le montant du
prêt octroyé constitue une créance et doit donc, à ce titre, être déclaré
au sein du patrimoine imposable (impôts.gouv.fr).
Lorsque des prêts gratuits sont octroyés par une entreprise, l'admi¬
nistration fiscale considère qu'« il n'est pas normal pour une entre¬
prise de faire des prêts sans intérêts. Elle en déduit qu'en cas de prêt
non rémunéré, l'entrepreneur doit malgré tout être imposé sur les
intérêts qu'il aurait dû percevoir s'il avait agi "normalement" » (« La
fiscalité complexe du financement participatif». Le Revenu, 17 juin
2015).

La fiscalité des prêts rémunérés

En plus de la déclaration des prêts supérieurs à 760 euros en 2016,


les particuliers qui ont financé une opération de crowdfünding sous
forme de prêt doivent déclarer les intérêts perçus en tant que produits
de placement. Ceux-ci sont imposables au barème progressif de
86 Le cnowDFUNDiNC

l'impôt sur le revenu (IR) après déduction d'un acompte fiscal, soit
24 % du montant des intérêts, prélevé à la source. Les intérêts perçus
dans ce cadre sont également soumis à la CSG (contribution sociale
généralisée) et la CRDS (contribution au remboursement de la dette
sociale) qui s'élevaient en 2015 à 15,5 %.
Les foyers peuvent être exemptés du versement de l'acompte fiscal
de 24 % si leur revenu fiscal de référence est inférieur à 25 000 euros
pour une personne célibataire, divorcée ou veuve, et inférieur à
50 000 euros pour un couple. Par ailleurs, les contribuables dont le
montant annuel des produits de placement à revenu fixe est infé¬
rieur à 2 000 euros peuvent opter pour l'imposition forfaitaire de
24 % au lieu de l'imposition au barème (impôts.gouv.fr). Cette dispo¬
sition confère un avantage aux contribuables dont le taux marginal
d'imposition est supérieur à 24 %. Pour les personnes imposables à
l'ISF, comme pour les prêts gratuits, le montant du prêt octroyé
constitue une créance et doit à ce titre être déclaré en patrimoine
imposable sur l'imprimé n° 2062. Aucun avantage fiscal n'est donc
consenti.
Afin d'inciter les particuliers à prêter (gratuitement ou avec intérêt)
aux entreprises via une plateforme de crowdfunding, l'Assemblée
nationale a adopté le 30 novembre 2015 un amendement permet¬
tant à un particulier de compenser fiscalement les pertes subies sur un
prêt, avec les intérêts perçus sur d'autres prêts qu'il aurait accordés
à des sociétés par l'intermédiaire du crowdfunding. Florence de
Mopeou, coordinatrice générale de Financement Participatif France,
précise : « Concrètement, si un particulier prête à cinq entreprises via
des plateformes de financement participatif et qu'il subit une perte
en capital pour l'une des cinq, il pourra déduire les pertes subies des
intérêts perçus et c'est le solde restant qui sera imposé. »
Enfin, les sociétés qui ont investi dans un projet de financement
participatif devront comptabiliser les intérêts perçus en produits
exceptionnels qui seront donc intégrés au bénéfice imposable.

La fiscalité des investissements en capital

Les investisseurs ayant fait le choix d'entrer au capital d'une PME


française ou européenne peuvent bénéficier, à l'entrée, d'une réduc¬
tion de leur impôt sur le revenu pouvant aller jusqu'à 18 % en 2015
des sommes investies, dans la limite d'une réduction maximale de
9 000 euros pour une personne fiscalement célibataire (soit un inves¬
tissement de 50 000 euros) et de 18 000 euros pour un couple marié
ou pacsé (soit un investissement de 100 000 euros). Pour bénéficier de
Le cadre iuridique et fiscal 87

cet avantage, les investisseurs devront néanmoins conserver leurs


parts au sein de la PME pendant une durée minimale de cinq ans.
Les investisseurs soumis à l'ISF peuvent bénéficier en 2015 d'une
réduction d'impôt jusqu'à 50 % du montant de leur ISF, dans la
limite d'une réduction maximale de 45 000 euros correspondant à
un investissement de 90 000 euros, sous réserve de conserver les parts
qu'ils détiennent dans la PME française ou européenne pendant au
moins cinq ans.
L'investisseur peut aussi choisir de placer ses titres financiers au
sein d'un PEA (plan d'épargne en actions) ou d'un PEA PME, ce qui
lui permettra de bénéficier, sous réserve de détenir les titres pendant
cinq ans, d'une exonération d'impôt sur les dividendes perçus ainsi
que sur les plus-values.

La dimension internationaie

La réglementation française de 2014 a pour vocation de favoriser


le développement du crowdfunding, bien que les avantages fiscaux
restent à ce stade limités. 11 est intéressant de pouvoir comparer la
législation au sein de l'Hexagone avec celle mise en place par d'autres
pays.
L'Union européenne (près de 20 % du marché mondial en 2015
avec 6,5 milliards de dollars, estimés par massolution), où un nombre
croissant d'États membres légifèrent sur la fiscalité du crowdfunding,
constitue un vivier pour le développement de ce mode de finance¬
ment, même si l'Amérique du Nord reste l'acteur mondial majeur
(50 % des 34,4 milliards de dollars levés au niveau mondial en 2015 :
estimation). Un focus sur la législation applicable aux États-Unis,
pays pionnier dans le domaine, ainsi que dans quatre pays européens
s'impose donc.

Les États-Unis

Le président des États-Unis, Barack Obama, a proposé en


avril 2012, dans un contexte d'après-crise difficile, des dispositions
(le Jobs Act — ou Jumpstart Our Business Start-Ups Act) permettant aux
entreprises de lever des fonds plus facilement. Les titres 11 et 111 y
traitent de la mise en place d'un cadre réglementaire adapté au
crowdfunding.
Alors qu'un certain nombre de lois relatives au Jobs Act ont été
votées dans les mois qui suivirent sa présentation en 2012, ce n'est
que le 30 octobre 2015 que la SEC (Securities and Exchanges
88 Le crowdfundinc

Commission) a statué sur le titre III qui traite de Vequity aowdfunding.


Cette dernière mesure permet aux investisseurs non accrédités par
la SEC, c'est-à-dire tous les citoyens américains, d'investir en equity
crowdfunding pour un montant maximum dépendant de leurs revenus
et/ou de leur patrimoine. Le texte impose aussi aux contributeurs de
conserver les actions obtenues dans le cadre d'une opération d'equity
crowdfunding pour une durée minimale d'un an. Les émetteurs
peuvent quant à eux lever jusqu'à 1 million de dollars sous forme de
capital au travers d'une plateforme sur une période de douze mois.
Ces dispositions devraient entrer en vigueur courant 2016.
Les levées de fonds sous forme de dons, avec ou sans contrepartie,
ne sont pas soumises à une réglementation particulière, même si elles
doivent respecter les obligations liées à la lutte contre la fraude.

L'Europe

La directive européenne n° 2003/71/CE du 4 novembre 2003, qui a


connu ensuite plusieurs actes modificatifs, impose à chacun des Etats
membres de transférer les règles de l'Union dans son système juri¬
dique tout en prenant en compte ses propres spécificités. Par
exemple, les porteurs de projet peuvent être exonérés de prospectus
pour des levées de fonds inférieures à 5 millions d'euros sur douze
mois.
Le Royaume-Uni (voir chapitre ii) est le pays dans lequel les
sommes les plus importantes sont collectées par les investisseurs
(2 337 millions d'euros en 2014 contre 152 millions d'euros en
France) en Europe, soit 80 % des fonds levés par financement parti¬
cipatif (3 milliards d'euros en 2014 selon Ernst & Young). Le marché
anglais est particulièrement orienté vers les prêts aux PME (43 % des
fonds collectés dans le pays par le financement participatif) et les
prêts à la consommation (32 %) (« Le crowdfunding en plein boom
en Europe », Les Échos, TL février 2015). Une législation favorable au
développement du crowdfunding a été mise en place depuis plusieurs
années. À titre d'exemple, le pays offre la possibilité aux entreprises,
sous certaines conditions, de bénéficier d'une exonération de pros¬
pectus jusqu'à 5 millions d'euros levés sur une période de douze mois
(European Crowdfunding Network, Review of Crowdfunding Régulation
2014).
En Italie, les émetteurs bénéficient d'une exonération de pros¬
pectus jusqu'à 5 millions d'euros levés sur une période de douze mois
sous réserve que 5 % au moins de la levée de fonds soit réservée et
payée par au moins un investisseur professionnel. En Belgique, la loi
est plus stricte, puisque l'exemption de prospectus est limitée aux
Le cadre iuridique et fiscal 89

montants inférieurs à 300 000 euros obtenus sur une période de


douze mois et que la contribution par investisseur est plafonnée à
1 000 euros. En Allemagne, la législation permet une exonération de
prospectus jusqu'à 1 million d'euros levés sur une période de douze
mois (comme en France), mais limite chaque investissement à un
maximum de 10 000 euros. À titre de comparaison, la loi française
ne prévoit pas de montant maximal pour les opérations d'equity
crowdfunding.
La plupart des États de l'Union européenne disposent d'un cadre
juridique favorable au développement du crowdfunding qui respecte
les principes de la directive européenne. L'European Crowdfunding
Network, organisation de promotion du financement participatif en
Europe, essaie d'harmoniser les dispositions relatives au cadre juri¬
dique et à l'organisation du marché européen afin de « contribuer à
une meilleure allocation des fonds privés, et donc au développement
des PME, ce qui engendrera de nouvelles créations d'emplois ».
V / L'organisation d'un projet de crowdfunding

Le crowdfunding permet aux initiateurs d'obtenir des fonds pour des


projets de tout profil en utilisant une plateforme Internet. Les contri¬
buteurs potentiels comparent les caractéristiques des différentes
propositions disponibles et effectuent leur choix. La concurrence
entre les projets est rude, et une approche structurée doit être suivie
par les initiateurs pour espérer recueillir les fonds souhaités. Le
chapitre v traite successivement des étapes préalables au lancement,
de la préparation de ce dernier, du suivi du projet après son lance¬
ment, et, enfin, illustre la méthode proposée avec un cas concret :
le crowdfunding appliqué au sport, et une illustration via le cas
Valérie M.

Les étapes préalables au lancement d'un projet

La préparation du lancement d'un projet nécessite l'utilisation


d'une méthode structurée qui prend en compte toutes les dimen¬
sions à traiter sans exception. L'approche présentée dans le tableau 14
comporte dix étapes pour le don avec contrepartie et neuf étapes pour
le prêt, Vequity et le don sans contrepartie. L'essentiel des étapes sont
identiques pour les différentes formes de crowdfunding. Toutefois,
quelques particularités sont à noter, telles que le choix de la plate¬
forme, la durée et le montant de la collecte requise selon le projet.
Le financement d'un projet par l'intermédiaire d'une plateforme
selon la démarche proposée ci-dessus est surtout adapté aux acti¬
vités de B2C, à l'exception des services. 11 est plus difficile à mettre en
œuvre pour les autres types de projets, et en particulier pour le B2B.
L'organisation d'un pro)et de crowdfundinc 91

Tableau 14. La préparation d'un projet de crowdfunding

Étapes Contenu

1. Rendre le projet Faire valider la faisabilité du projet et la collecte de fonds par la


possible plateforme (structuration, cohérence, ciblage des contributeurs
potentiels...).

2. « Vendre » le projet Élaborer une présentation claire mettant en évidence les motiva¬
tions des initiateurs et justifiant les besoins de fonds ; elle
transmet un message, raconte une histoire qui donne envie
d'investir; la préparation d'un mini-clip vidéo placé au début
d'une présentation d'une minute est conseillée.

3. Déterminer le besoin Déterminer un objectif financier en identifiant toutes les


dépenses ; le montant demandé doit être cohérent avec la nature
du projet et intégrer la rémunération de la plateforme, le coût
des contreparties promises aux contributeurs et l'ensemble des
charges de financement.

4. Contrepartie (unique¬ Choisir la contrepartie proposée aux internautes qui investissent


ment pour le don dans le projet ; sa nature et sa valeur dépendent des caractéris¬
avec contrepartie) tiques de ce dernier et de celle des fonds demandés.

5. Règle du «tout Appliquer la règle du « tout ou rien ». Lorsque le montant


ou rien » minimal fixé par l'initiateur n'est pas atteint à la fin de la période
de collecte, tous les apports sont restitués aux contributeurs.

6. Durée Optimiser la durée de collecte de fonds. Plus la durée de la


collecte de fonds est courte et plus la communauté se mobi¬
lise. La communication devient indispensable. La mobilisation des
réseaux amicaux, sociaux est un facteur clé.

7. Durée et montant Équilibrer la durée de la collecte de fonds et les montants


souhaités ; l'expérience acquise par les différentes plateformes est
résumée ci-dessous :
— de 0 à 500 euros ; 7 à 15 jours ;
— de 500 à 2 500 euros : 15 à 30 jours ;
— de 1 000 à 2 500 euros : 30 à 40 jours ;
— de 2 500 à 5 000 euros : 40 à 60 jours ;
— -E de 5 000 euros : de 60 à 90 jours.

8. Nombre d'investis¬ Fixer un objectif de nombre d'investisseurs rassemblés en fonc¬


seurs tion des informations disponibles et traitées précédemment.

9. Finalisation de la Affiner la stratégie de communication précisée à l'étape 6 pour


communication inciter les internautes à participer au projet.

10. Élargissement de Établir une stratégie de communication plus large avec des
la communication annonces auprès des proches (les amis de la famille), en utilisant
les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Linkedin, Google +), des
blogs, des courriels et des messages personnalisés...
92 Le crowdfundinc

La préparation du lancement

L'organisation du réseau

La confiance, variable clé : la création, la pérennité et le dévelop¬


pement d'un réseau reposent sur la confiance qui existe entre ses
membres et aussi celle qu'il inspire au-delà de ses membres actuels,
comme le montre le graphique 5. L'entretien et l'accroissement d'un
niveau de confiance existant sont un objectif essentiel, même s'ils
sont difficilement mesurables.
Les étapes pour constituer le réseau :
— un investissement personnel du leader et des membres de son
équipe rapprochée (le noyau dur) qui est un engagement fort et crée
les bases de la confiance ;
— une action de communication à destination de l'entourage des
membres de l'équipe les plus proches et les plus fidèles (premier
degré), c'est-à-dire leur famille et leurs amis ; cette étape fait appel à
la communication essentiellement orale classique, mais aussi aux
réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Linkedln, Google +, YouTube,
Instagram, Pinterest... Ces premiers signaux destinés à un groupe
plus large que le « noyau dur » apportent aussi une visibilité aux
participants du second degré ;
— les participants au premier degré accompagnent et amplifient
les signaux adressés aux contributeurs potentiels du second degré,
amis d'amis et connaissances des précédents, le plus souvent assez
simples à convaincre ;
— la mise en place de ces trois niveaux facilite l'appel au troisième
degré à des populations plus larges, c'est-à-dire la « foule ». La créa¬
tion de corps intermédiaires, la qualité de leur gestion et le niveau
d'implication de leurs membres constituent des leviers essentiels du
succès de l'« appel à la foule ».

La préparation des informations à publier

Les informations à mettre à disposition des internautes concernent


six domaines.
1) Le choix pour le projet d'un titre court, lisible, compris immé¬
diatement par l'internaute.
2) La sélection avec soin d'une illustration qui est la première
représentation du projet perçue par les internautes.
3) La réalisation d'une description du projet la plus précise
possible, compréhensible dans tous ses détails, et en particulier ses
nouveautés, par un investisseur potentiel non averti :
L'organisation d'un projet de crowdfundinc 93

Graphique 5. La hiérarchie du réseau d'un porteur de projet

Réseau large et foule

Amis d'amis et
connaissances

Famille-amis-supporters
fidèles

Le porteur de projet et
son équipe

— énoncer les objectifs du projet et la manière dont ils seront


atteints ;
— exposer ses forces, par exemple son originalité, son intérêt et ses
compétences, les expériences spécifiques de l'initiateur ;
— développer une « stratégie de conviction » pour assurer la réus¬
site de l'opération ;
— présenter le marché sur lequel le projet sera lancé et les résultats
de l'étude de marché correspondante (cibles, concurrents,
perspectives) ;
— résumer les principaux choix effectués pour assurer le finan¬
cement et fiabiliser le retour sur investissement attendu par les
internautes.
4) La vérification de la qualité de la vidéo ; celle-ci apporte aux
internautes et futurs investisseurs une vision concrète du projet avec
le visage et le discours d'une personne, l'initiateur, qui s'exprime,
explique, raconte une histoire et crée de la confiance. La valeur
ajoutée de la vidéo dépend de quelques éléments clés :
— utiliser un langage simple, peu technique, qui permette à tous
les internautes de partager l'histoire proposée ;
— réaliser une démonstration dynamique avec des animations,
des plans 3D ;
— être créatif(ve) et innovant(e) ;
— valider les composantes de la vidéo pour qu'elle soit suivie inté¬
gralement par les internautes ;
94 Le crowdfundinc

— prévoir une durée du message qui ne dépasse pas trois minutes


en concentrant la recherche de qualité sur les trente premières
secondes, les plus déterminantes dans le choix de l'investisseur
potentiel ;
— proposer la consultation de blogs, celle d'une vidéo à créer sur
YouTube et son partage entre plusieurs communautés et réseaux
sociaux.
5) Quelques illustrations ou photps accroissent l'attractivité du
projet en dévoilant certains de ses éléments, par exemple la forme
et/ou la marque retenues. Ces illustrations sont mises à jour réguliè¬
rement pour accroître le niveau d'activité du projet et dynamiser le
réseau.
6) Des analyses financières et stratégiques sont effectuées et
présentées pour :
— prévoir l'ensemble des coûts induits et des recettes potentielles,
pour les optimiser dans la durée ;
— identifier à l'aide d'une analyse SWOT les forces et faiblesses
du projet (analyse interne), mais aussi les opportunités et les risques
associés (analyse externe) ;
— mettre en valeur à l'aide de l'approche de Porter les cinq prin¬
cipales forces du projet, l'intensité concurrentielle, les barrières à
l'entrée et les nouveaux entrants possibles, le pouvoir de négociation
des clients, celui des fournisseurs et enfin les produits de substitution.

Les dernières vérifications à effectuer

Après avoir achevé les deux phases précédentes, une vérification


finale d'ensemble s'impose avant de procéder au lancement du
projet. Elle est articulée autour des points suivants :
— relire, examiner, analyser tous les éléments du projet en détail ;
— visionner la vidéo préparée pour le lancement et la présenter
à des personnes ne connaissant pas le projet pour recueillir leurs
réactions ;
— relire le descriptif du projet et le faire valider par des tiers ;
— demander conseil et obtenir une validation par des membres de
la famille, des amis, des personnes (premier degré) de l'équipe (noyau
dur) ;
— solliciter l'avis, les conseils et suggestions d'experts externes,
notamment d'une agence de communication, mais aussi de personnes
n'ayant aucune connaissance ni expérience dans le domaine ;
— vérifier le niveau d'activation des réseaux sociaux ;
— rencontrer la presse pour faciliter la diffusion des éléments
essentiels du projet auprès d'un large public ;
L'organisation d'un projet de crowdfundinc 9S

— valider les éléments importants du calendrier de lancement et


de suivi.

Le suivi du lancement

Le suivi du lancement, partie essentielle de la gestion d'un projet,


est dans de nombreux cas la clé du succès ou de l'échec de l'opéra¬
tion. La communication, préparée à l'avance, adaptable en fonction
des circonstances, comprend :
— le suivi du réseau auquel l'initiateur s'adresse : celui-ci regroupe
au minimum trente personnes au sein du premier degré, c'est-à-dire
disposées à investir et à créer un effet d'entraînement vis-à-vis
d'autres investisseurs potentiels ; ce noyau dur de contributeurs
améliore le niveau de confiance des différents acteurs et apporte de la
crédibilité au projet ;
— la promotion du projet sur les réseaux sociaux et les autres sites
ou blogs : la création de groupes de communauté, la multiplication
des échanges accroissent le nombre d'internautes intéressés ; l'actua¬
lisation des « posts » placés sur la page de présentation et la mise à
disposition de nouvelles images et de vidéos relancent périodique¬
ment l'attention sur le projet; lorsque les soutiens de deuxième et
troisième degrés montrent une volonté d'implication, une nouvelle
campagne de recrutement destinée à de nouveaux blogueurs et
groupes en voie de fidélisation est entamée ;
— la gestion de la phase finale : lorsque l'échéance de la période de
souscription approche, les initiateurs augmentent le volume d'acti¬
vité sur le projet, les fréquences de mises à jour, le nombre et le degré
d'attraction des événements ;
— la postclôture du lancement : quel que soit le résultat du projet,
succès ou échec, les initiateurs remercient les contributeurs et aussi
tous les internautes qui ont formulé une question ou démontré une
écoute minimale vis-à-vis de la présentation. Dans l'hypothèse d'un
succès, des modalités d'échange sont proposées aux apporteurs de
capitaux.

Quelle conclusion pour un projet ?

La conclusion d'un projet de crowdfunding varie avec-le type de


financement. Dans tous les cas, la règle du « tout ou rien » s'applique,
à savoir que le projet doit être financé au minimum à 100 % de
96 Le crowdfundinc

l'objectif. Si l'objectif n'est pas’ atteint, le crowdfunder est remboursé


entièrement.
Dans le cas du don avec contrepartie, l'opération est débouclée
lorsque la contrepartie ou récompense annoncée par le porteur de
projet est reçue par le donateur.
Dans le cas du prêt, le schéma est classique et ressemble au
remboursement d'un emprunt contracté par le porteur de projet. Le
prêt effectué n'est pas garanti, et la pire conclusion est bien sûr quand
l'empmnteur ne peut plus rembourser. Dans ce cas, certaines plate¬
formes proposenf les services d'une sociéfé de recouvrement. Dans
l'hypothèse, heureusement la plus courante, d'un remboursement
normal, le remboursement du capital dû et des intérêts intervient
mensuellement et pour la première fois environ deux mois après la
mise en place du prêt. Les remboursements reçus par le prêteur
peuvent être transférés sur son compte bancaire à tout moment ou
être laissés sur son compte ouvert sur la plateforme ef réinvesfis dans
d'autres projets.
Le cas le plus récent et le plus ouvert aux réflexions ef innova¬
tions est l'issue d'une opération d'apport en capital, c'est-à-dire,
concrètement, la mise en place d'un marché secondaire. Les
exigences des investisseurs en capital, dans le cadre d'une opération
de crowdfunding, sont, comme évoqué précédemment, un peu diffé¬
rentes des critères habituels d'une opération classique. Mais la ques¬
tion de la sortie des investisseurs se pose naturellement. L'opération
d'origine est assimilable à une opération sur le marché primaire,
c'est-à-dire à l'émission et à la souscription de nouveaux titres finan¬
ciers (des acfions pour l'essenfiel) par des investisseurs, réalisée à
travers la plateforme. Mais quel esf, dans ce cas, le marché secon¬
daire, c'esf-à-dire le marché au sein duquel s'échangent et se valori¬
sent les titres financiers déjà créés grâce à une liquidifé possible pour
les investisseurs ?
Pour assurer son avenir, l'entreprise peut, traditionnellement,
rester indépendante, se vendre ou fusionner, ou bien aller en Bourse.
Dans le crowdequity, la plafeforme initiatrice peut organiser la
cession des titres à d'autres investisseurs inscrits, fournissant ainsi
une solution à un problème posé aux investisseurs d'origine. À titre
d'exemple, aux États-Unis, la plateforme CircleUP a ouvert son
propre marché secondaire. C'est en réalité la même démarche que
celle des intermédiaires en charge d'assurer la sortie des porteurs de
parts de SCPl ou de SCI.
Mais on peut imaginer aussi la création, à l'initiative des plate¬
formes existantes, d'une nouvelle plateforme spécialisée, sur un
L'organisation d'un proiet de crowdfundinc 97

modèle coopératif, qui pourrait organiser ce marché secondaire, avec


les mêmes logiques et moyens que ceux des plateformes sources.
Autre projet possible : le recours à la Bourse, mais quelle Bourse ?
Les Bourses actuelles, plus spécialement Alternext, dédiée aux PME,
pourraient créer un compartiment spécial où s'échangeraient les
titres visés, avec l'objectif d'être un marché en tant que tel ou bien
comme antichambre du marché principal Euronext. Encore faut-il
que la société concernée, les investisseurs et les intermédiaires,
notamment les analystes, trouvent intérêt à ce marché secondaire.

Une illustration dans le sport

Le développement du financement participatif dans le sport « se


fait au sprint », trop rapidement peut-être et sans discernement suffi¬
sant. L'encadré 6 montre que les internautes doivent prendre en
compte les risques spécifiques à ces types d'activités dans l'estimation
implicite ou quantifiée du couple rentabilité-risque de chaque projet
et aussi de leur propre aversion au risque.
La préparation, le lancement et le suivi d'un projet sont illustrés
dans « La vraie fausse histoire de Valérie M. et de TenAce ».

La vraie fausse histoire de Valérie M. et de TenAce

Connaissez-vous Valérie M. ? Non. C'est normal, elle est un


personnage de fiction. Mais nous allons imaginer que Valérie M. a
un projet de développement à financer dans le domaine de la
distribution.

Le projet

Valérie M., passionnée de tennis, avait toujours voulu créer et


développer un réseau de boutiques consacrées à ce sport. Elle trouva
le nom TenAce... qui lui correspondait d'ailleurs bien. Et elle ouvrit
une première puis une deuxième boutique qui connurent un grand
succès, laissant présager des développements futurs. Après avoir envi¬
sagé la création d'un réseau de franchisés, Valérie M. décida d'investir
sur une moindre échelle (quatre à six boutiques), mais en gardant la
maîtrise de son développement.
La première question était simple : comment financer ce projet ?
Première personne consultée : le banquier qui l'accompagnait depuis
le début, mais qui ne fut pas enthousiasmé, invoquant les nouvelles
98 Le crowdfundinc

proximité via le numérique... Enfin, en


Encadré 6. Le crowdfunding, tant que supporter du sportif, l'investis¬
un nouveau financement seur est d'autant plus motivé qu'il se
pour les sportifs ? sent concerné.
Mais il convient d'être prudent car,
En devenant un accélérateur du dévelop¬ malgré un essor marquant, le crowdfun¬
pement des relations entre pays et ding est encore moyennement efficace
cultures, le sport a pris, dans nos sociétés, dans ce domaine. Certes, les plate-
une dimension économique et finan¬ vformes sportives se multiplient, mais sans
cière. En 1999, le journaliste jean Dion répondre pour autant aux attentes : faible
témoigne de l'enjeu financier du sport : nombre d'investisseurs, modestie des
« Dans le sport professionnel actuel, il est budgets financés... peut-être par crainte
deux certitudes : sans fric, on ne va nulle de blessure ou de mauvais résultats de
part, mais avec du fric, on ne va pas l'athlète. Depuis 2013, les banques et les
nécessairement quelque part. » Il assurances proposent ce mode de finan¬
distingue deux catégories d'athlètes : les cement pour le sport avec toutefois une
médiatisés touchant d'importants contrainte : un univers financier gérant à
revenus et les peu médiatisés sans réelle court terme et un univers sportif s'inscri¬
notoriété. Le crowdfunding semble être vant dans le long terme.
une alternative à la contrainte financière Les internautes, sensibles à la
de cette seconde catégorie qui s'accroît contrainte financière des sportifs peu
avec la démocratisation du sport. médiatisés, voient le crowdfunding
Le développement du financement comme une opportunité d'implication
participatif dans le sport se fait... au directe dans la réussite de leur athlète
sprint car cette demande de finance¬ ou équipe de cœur, alors que, pour
ment vient aussi bien des athlètes que d'autres, il apparaît plus comme un
des contributeurs. D'une part, les relais dans l'attente d'un sponsor.
sportifs peu médiatisés et non sponso¬ Enfin, certaines données perturbent le
risés compromettent l'exploitation de domaine sportif : la dépendance de
leur potentiel et leur chance d'être l'athlète à son compte bancaire, la
sponsorisés. Le crowdfunding est, à leurs corruption ou le dopage posent la
yeux, une solution pour assurer leur question de l'adéquation du crowdfun¬
avenir professionnel. D'autre part, les ding au monde du sport.
investisseurs s'intéressent au finance¬
ment participatif qui se rapproche des Source : synthèse d'un mémoire rédigé
valeurs du sport : confiance, solidarité. par Clara Maillard, première ES.

contraintes qui pesaient sur les banques depuis la crise des


années 2008-2010. Toutefois, prudent, ne voulant pas risquer de
perdre sa cliente, mais croyant au succès de son entreprise, il lui dit
qu'il « était prêt à l'accompagner pour une part du projet » et lui
recommanda de chercher un apporteur de fonds propres.
Après avoir pensé à un business angel ou un spécialiste du private
equity, Valérie M. se dit qu'elle risquait d'entrer dans un univers non
maîtrisable pour elle. Et lui vint l'idée du crowdfunding. Elle avait lu
beaucoup d'articles sur le sujet et savait qu'il était possible de trouver
là une forme originale de financement, soit par le don, soit par le
L'organisation d'un proiet de crowdfundinc 99

prêt, soit par l'apport en capital, soit par le financement obligataire


ou encore même les royalties.
TenAce était une marque jeune, dynamique, à l'image de sa
conceptrice. Valérie M. avait parlé de son projet à certains de ses amis,
enthousiastes sur cette idée, mais qui lui avaient aussi conseillé
d'aborder cette question du financement avec son expert-comptable,
autre personnage important dans sa vie de chef d'entreprise. L'accueil
de cet homme pondéré fut plutôt favorable et il résuma le tout en
une phrase : « Vous êtes dynamique dans vos affaires, vous devez être
dynamique dans vos financements : le crowdfunding, c'est le finance¬
ment moderne et d'avenir qu'il vous faut. »
Valérie M. avait bien compris que le crowdfunding, et en particu¬
lier le crowdequity, le financement par le capital, n'était pas un mode
de hnancement nouveau, mais que, ce qui était novateur, c'était le
support, le vecteur utilisé pour solliciter des investisseurs plus
orientés vers le partage que les épargnants plus traditionnels. Comme
le disaient beaucoup d'articles, le crowdfunding est une sorte de test
grandeur nature grâce aux réactions d'une communauté qui finance
un produit ou un service. Dans son cas, Valérie M. pourrait tester
sa capacité à passer d'une petite taille à une plus grande échelle de
commercialisation de ses produits et services. Mais, en choisissant le
financement par le capital pour renforcer ses fonds propres et rassurer
son banquier, plutôt que le prêt plus coûteux, il lui faudrait procéder
à l'estimation de ses besoins et à la valorisation actuelle de son entre¬
prise et accepter de nouveaux actionnaires. C'était là un défi pour
Valérie M., seule aux commandes de son entreprise jusqu'à présent.

Le choix de la plateforme et le dossier de présentation

Valérie M. avait un premier choix important à faire : celui de la


structure qui serait le lien entre elle et la communauté des investis¬
seurs. Elle choisit la plateforme ABC, après avoir étudié sérieusement
les références et les sites Internet de ses concurrentes spécialisées,
identifiées par elle et son expert-comptable.
ABC, comme ses concurrentes, avait des obligations relatives aux
entreprises proposées et un processus de sélection exigeant, large¬
ment inspiré par l'AMF. L'AMF a produit un modèle de document
d'information réglementaire synthétique à fournir par la plateforme
et donc par le porteur de projet, dans le cadre d'une offre de finan¬
cement participatif sous forme d'achat d'actions, information à
fournir aux investisseurs par l'émetteur et le conseiller en investisse¬
ments participatifs ou le prestataire de services d'investissement dans
le cadre du financement participatif. Ce document comportait deux
100 Le CROWDFUNDING

parties : la présentation de l'émetteur et du projet d'abord, les


données présentées par le prestataire qui gère le site Internet ensuite.
Valérie M. s'attaqua donc à la partie qui la concernait et recensa
toutes les informations nécessaires relatives à TenAce pour répondre
aux souhaits de l'AMF. Des données juridico-financières sur l'entre¬
prise étaient exigées : logo éventuel, dénomination sociale de l'émet¬
teur, forme sociale, montant du capital social, adresse du siège social,
numéro d'identification (RCS), greffe compétent. Les autres informa¬
tions demandées visaient le projet de financement lui-même : activité
de l'émetteur et du projet, risques induits, capital social, éléments liés
aux titres offerts à la souscription (droits attachés, conditions de la
cession ultérieure des titres, risques attachés aux titres, modifications
de la composition du capital de l'émetteur), relations avec le teneur
de registre de la société, interposition de société(s) entre l'émetteur et
le projet. L'aide de l'expert-comptable fut décisive et... rémunérée.
La partie la plus importante était bien sûr l'activité de l'émetteur,
c'est-à-dire de l'entreprise TenAce, et le contenu du projet. En effet,
l'AMF souhaite, en « trente lignes maximum », que le demandeur
puisse « décrire la nature des opérations effectuées actuellement par
l'émetteur et ses principales activités, en mentionnant les principales
catégories de produits vendus et/ou de services fournis et en recensant
les principaux marchés sur lesquels il opère (les principales tendances
récentes ayant des répercussions sur l'émetteur et ses secteurs d'acti¬
vité) ainsi que le projet de l'émetteur et l'utilisation des fonds levés ».
Cette description doit être suivie du paragraphe suivant : « Vous
êtes invités à cliquer sur les liens hypertexte pour accéder s'ils existent
aux rapports du (ou des) commissaire(s), aux comptes établis au cours
du dernier exercice et de l'exercice en cours, au tableau d'échéancier
de l'endettement sur cinq ans, aux éléments prévisionnels sur l'acti¬
vité et [le cas échéant] à l'organigramme du groupe auquel appar¬
tient l'émetteur et à la place qu'il y occupe. » Une approche semblable
doit être proposée pour accéder au curriculum vitae des représentants
légaux de la société et à l'organigramme des principaux membres de
l'équipe de direction. 11 doit aussi être mentionné qu'une copie des
rapports des organes sociaux à l'attention des assemblées générales
du dernier exercice et de l'exercice en cours peut être obtenue sur
demande.

La plateforme et ses investisseurs

Le premier défi pour Valérie M. était de donner autant d'informa¬


tions sur sa société, car, hormis à son banquier, jamais Valérie M.
n'avait transmis, à des tiers, autant d'éléments sur son entreprise et
L'organisation d'un projet de crowdfundinc 101

son activité. Heureusement, le code monétaire et financier ne permet


pas à la plateforme de diffuser ces informations à tout le monde, mais
seulement à des investisseurs qualifiés (personnes ou entités dispo¬
sant des compétences et des moyens nécessaires pour appréhender
les risques inhérents aux opérations sur instruments financiers) ou
à un cercle restreint d'épargnants (personnes autres que des investis¬
seurs qualifiés), sous réserve que ces investisseurs agissent pour
compte propre. La plateforme doit donc s'assurer que les personnes
inscrites ont la capacité d'investir et n'engagent pas une trop grande
partie de leur patrimoine. Le fait de ne pouvoir montrer l'offre
d'investissement détaillée à plus de 149 personnes (investisseurs non
qualifiés) impose à la stmcture d'equity crowdfunding de s'assurer du
sérieux et de la solidité des investisseurs potentiels.
Le crowdfunding s'est développé grâce à Internet et donc aux
réseaux sociaux. Certaines plateformes — celle choisie par Valérie M.
en faisait partie — demandent donc au porteur de projet de justifier
d'une visibilité de l'entreprise sur les réseaux sociaux, chose banale
pour Valérie M., déjà active sur Facebook et Twitter, mais aussi
Linkedin. Ainsi, même si la foule n'est pas extensible et est plutôt
initiée, c'est elle qui sélectionne les entreprises qui pourront
prétendre à une levée de fonds, c'est elle qui va, et doit, se poser les
mêmes questions que celles des professionnels : est-ce un projet
crédible ? Quelle est la légitimité du dirigeant de l'entreprise ? Le
produit a-t-il été testé sur un marché ? Quelle est la concurrence ?
La rentabilité annoncée est-elle crédible ? L'investisseur a-t-il des
chances raisonnables de retrouver son investissement ? Sous quel
délai sera-t-il possible de revendre la participation ? La Bourse sera-
t-elle une sortie possible ? Quel montant investir ?
La plateforme ABC a été le premier acteur à convaincre. Ses repré¬
sentants ont analysé l'historique de l'entreprise, examiné le prévi¬
sionnel attesté par l'expert-comptable du porteur du projet, effectué
un « audit » léger, sorte de due diligence, comme le pratiquent les
banques d'affaires, et un contrôle des pièces comptables communi¬
quées. Valérie M. a été convoquée pour un entretien avec l'équipe
dirigeante au siège de la plateforme. File a été interrogée, sans l'aide
de son expert-comptable, sur la cohérence des comptes des années n
et n - 1, et sur les prévisionnels. Elle a dû aussi démontrer sa présence
et son activité sur les réseaux sociaux.

De la valorisation à la levée de fonds

Valérie M. allait vivre un deuxième moment original pour elle ;


celui où ses conseils lui communiqueraient la valorisation de son
102 Le CROWDFUNDINC

entreprise et le choix du montant de l'opération. Comme dans une


opération financière classique, par exemple une introduction en
Bourse, la valorisation est un moment clé. Pour Valérie M., c'est la
première vraie mesure du travail mené depuis plusieurs années. Pour
le futur investisseur, la démarche est différente et probablement plus
rationnelle. La valorisation d'entreprise est établie notamment à
partir des cash-flows futurs, donc des estimations de l'actionnaire
actuel, mais elle intègre aussi des éléments plus incorporels et donc
subjectifs : l'ampleur du marché et son attractivité, la notoriété,
l'équipe dirigeante, la marque, etc. Dans le cas de TenAce, tout cela
se résumait largement aux qualités de Valérie M., à ses ambitions et
au talent des managers des futures boutiques du réseau. La valorisa¬
tion était ressortie à 1,6 million d'euros et les besoins de financement
à 750 000 euros sous forme de crowdequity, soit des minoritaires avec
une participation de 32 %.
Après ces différentes étapes, assez courtes en réalité (trois à quatre
semaines), les experts financiers de la plateforme ABC validèrent le
projet qui put donc être mis en ligne. La communication commença
alors sur le site d'ABC. Les candidats investisseurs découvrirent le
nom, le secteur et la localisation géographique du projet, le montant
de l'opération, le ticket minimum, et l'on put suivre, pratiquement
en temps réel, le nombre de personnes ou sociétés ayant marqué un
intérêt et la somme collectée. La durée de l'offre pouvait varier de
quelques jours à quelques semaines. C'est à ce moment qu'intervint
la communication. Bien sûr, il y eut les contacts spécifiques avec les
clients actuels, mais aussi les clubs et associations de tennis proches.
Le hasard heureux du calendrier de l'opération voulut que la
campagne de communication commença en mai, au moment du
tournoi de Roland-Garros. Valérie M. avait choisi de se donner toutes
les chances de réussite en retenant une agence de communication
spécialisée, capable de toucher les investisseurs potentiels et
d'accroître la notoriété de TenAce sur les réseaux sociaux et, plus
largement, sur Internet, grâce notamment à la publicité. À côté du
budget de communication, Valérie M. savait que cette opération avait
un coût, comme toute levée de fonds. Le premier coût identifié était
celui de la plateforme : animation du réseau des membres, sélection
des dossiers, due diligence, suivi, communication, etc. Dans le cas
présent, ABC préleva 5 % des fonds levés. À ce coût s'ajoutèrent les
frais administratifs, comptables et bien sûr juridiques, notamment
pour la rédaction de certains actes relatifs au dossier. Valérie M. avait
bien compris que TenAce ne toucherait pas 750 000 euros...
Pour TenAce, la souscription dura trois semaines et attira trente-
huit investisseurs. Et moins de trois mois après, la société avait
L'organisation d'un projet de crowdfundinc 103

encaissé les fonds. Si Valérie M. avait choisi la solution du crowdfun-


ding par le prêt, la durée aurait peut-être été plus courte. Au sein du
capital de TenAce, Valérie M. fut rejointe par près de quarante
nouveaux actionnaires qui, dans le cas de la plateforme ABC, seront
représentés, notamment lors de l'assemblée générale, par un collège
constitué de quatre membres de la plateforme, entrés lors de l'opéra¬
tion, et par ABC, en tant que personne morale.
L'autre changement significatif dans la vie de TenAce fut la
communication financière à assurer pour les nouveaux actionnaires.
Elle prit la forme d'un reporting disponible sur le site de la plate¬
forme, une information financière idéalement trimestrielle pour
suivre l'utilisation des fonds, l'activité de l'entreprise, mais aussi un
espace d'échange entre les actionnaires et les dirigeants. Un nouveau
rôle pour Valérie M. et de nouveaux défis pour la présidente de
TenAce dans notre histoire : réussir son investissement, satisfaire ses
nouveaux actionnaires et préparer de nouveaux développements.
L'histoire de Valérie M. et de TenAce est une fiction, mais toute
ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé n'est pas
complètement le fruit du hasard...
VI / Témoignages et illustrations

Les chapitres précédents présentent les principales dimensions du


crowdfunding, ses différentes définitions, sa courte histoire, les acteurs
qui interagissent autour des plateformes et les principes législatifs et
réglementaires mis en œuvre afin d'encadrer cette nouvelle tech¬
nique financière. De nombreux exemples et quelques cas ont été
développés pour illustrer ces éléments.
Le nombre des plateformes de chaque catégorie (dons, prêts,
capital...) et la progression régulière de leurs performances constituent
des indicateurs essentiels de la mesure du succès ou de l'échec du crowd-
fimding en général et de chacune de ses composantes en particulier.
Cependant, le nombre de plateformes en activité à un instant donné
est difficile à estimer. De nouvelles plateformes sont régulièrement
créées, d'autres disparaissent et certaines n'ont aucune activité. 11 s'agit
d'une population vivante qui se renouvelle régulièrement dans un cadre
concurrentiel et qui a tendance à se concentrer autour de quelques
acteurs très médiatisés, même si d'autres plateformes plus petites se
développent rapidement en mettant en œuvre des stratégies de niche.
Nous présentons ci-dessous trois éclairages spécifiques illustrant les
évolutions possibles du crowdfiinding :
— d'une part, trois stratégies de succès dans differentes catégories
du crowdfunding, dans l'ordre, celle de WiSEED, celle de Babyloan et
enfin celle d'Anaxago ;
— d'autre part, une réflexion sur cette activité économique
récente encore peu ou pas assez régulée, qui connaît des situations
spéculatives, déviantes sur le plan technique et/ou éthique, qui la
fragilisent. Les quatre exemples retenus dans trois pays illustrent la
phase de développement rapide et volatile d'une industrie non
stabilisée ;
— enfin, le crowdfunding, en particulier dans les domaines du prêt,
et surtout de Vequity, peut apporter aux investisseurs une bonne
témoignages et illustrations 105

rentabilité, associée cependant à un niveau de risque souvent élevé.


Cela signifie que des faillites peuvent se produire.

Les stratégies à succès de plateformes leaders

Nous présentons ci-dessous les stratégies de trois plateformes dans


les domaines des capitaux propres (WiSEED et Anaxago) et du prêt
solidaire (Babyloan). Les développements actuels du crowdfunding
sont de plus en plus orientés vers le financement des activités
marchandes (voir chapitre i) et plus particulièrement de l'entreprise
qui crée l'essentiel de la valeur ajoutée et de la contribution à la crois¬
sance économique. Ce constat explique le choix des trois acteurs
dont les stratégies sont analysées ci-dessous.

WiSEED ou le retour de l'actionnariat populaire

Les privatisations ont permis entre 1986 et 2002 de développer un


actionnariat diversifié en France et de diffuser les actions des sociétés
privatisées au sein de la population française. Les crises successives
des marchés financiers et, en particulier, celle qui a commencé en
2008 ont entraîné une réduction importante du nombre de
personnes physiques actionnaires en direct. L’equity crowdfunding
offre, après la loi Monory de 1978, les premières privatisations de
1986-1987 et celles le plus souvent partielles d'entreprises straté¬
giques et de monopoles naturels réalisées à partir de 1993, une
nouvelle opportunité de transformer les citoyens en actionnaires...
« Soyez tous, chers électeurs, propriétaires et actionnaires » pourrait
être la devise commune des gouvernements successifs depuis 1986.
Les dirigeants de WiSEED, après un apprentissage dans la gestion
d'un incubateur et l'analyse du positionnement des principaux
acteurs présents sur le marché, ont créé une plateforme d’equity
crowdfunding qui est aujourd'hui parmi les leaders en France. Ils ont
identifié et retenu quelques axes stratégiques essentiels, éléments clés
de leur politique : diffusion des actions de la société porteuse de
projet financée parmi un grand nombre de petits actionnaires appor¬
tant de faibles mises, définition de procédures de gestion à la fois
efficaces et transparentes (existence d'un comité interne de sélection
et mise en place de due diligence), ouverture à des partenariats avec
des venture capitalists et des business angels, et participation à la prépa¬
ration de règles de fonctionnement de l'industrie en respectant
quelques principes fondamentaux en matière éthique (voir
encadré 7).
106 Le crowdfundinc

urie' focalisation sur les projets issus des


Encadré 7. Questions à Élodie secteurs biotech/cleantech/medtech pour
Manthé, responsable R&D lesquels notre communauté d'investisseurs
chez WiSEED, plateforme a une appétence très marquée ;
d'equity crowdfunding — dans la formation autour du crowd¬
funding, au travers de journées pour les
Quelles ont été les motivations stratégiques dirigeants en ievée de fonds chez nous,
de la création de WiSEED ? pour les chargés d'affaires des structures
Nicolas Sérès et Thierry Merquioi, les d'accompagnement (incubateurs, etc.) du
deux cofondateurs de WiSEED, étaient à la grand public ;
tête de l'incubateur Midi-Pyrénées pendant — dans l'accompagnement struc¬
plusieurs années. En 2008, ils voient le turé des dirigeants, pendant la phase de
crowdfunding en don, notamment la plate¬ levée de fonds et de post-levée, avec des
forme MyMajorCompany, prendre de apports d'expertises et la création de
l'ampleur en France. Dans une logique synergies avec des grands comptes et
entrepreneuriale et afin de répondre à un des industriels.
enjeu crucial de financement en fonds
propres des start-up qu'ils accompagnaient, Comment fonctionnez-vous 7
ils décident de se lancer sur le marché de Nous avons trois étapes, bien définies,
\'equity crowdfunding. L'idée : faire financer dans notre processus de sélection.
les start-up et l'innovation en général par des Premièrement : un comité interne de
particuliers, avec des tickets d'entrée très bas sélection passe en revue les 1 000 projets
(100 euros), pour leur permettre de devenir reçus par an, une sélection par l'intelli¬
actionnaires des futures pépites écono¬ gence collective se dégageant des crowd-
miques et technologiques. WiSEED est née : funders (phase d'e-vote), et, enfin, la due
c'est alors la première plateforme lancée sur diligence (ou audit financier, métier,
ce segment au monde ! Le siège est à technologique).
Toulouse depuis les origines, mais les Deuxièmement ; les investissements ne
équipes sont présentes aujourd'hui sur tout sont réalisés qu'au travers d'une holding
le territoire national et les stort-up/investis- d'investissement (SA à capital variable
seurs viennent de partout en France. ayant pour seul objet de prendre une
WiSEED est en 2015 la plateforme portion du capital de la cible), qui réunit
leader sur le marché de Vequity crowdfun¬ tous les petits porteurs au sein d'une
ding avec une communauté de près de même entité juridique. Cette méthode est
50 000 membres, 24 millions d'euros bénéfique pour tous : elle permet de
investis dans soixante-trois projets inno¬ garantir une meilleure représentation des
vants. C'est également une plateforme crowdfunders, l'entrepreneur a un seul
pionnière, ayant fortement contribué aux interlocuteur (membre de WiSEED), repré¬
changements de réglementation entérinés sentant les intérêts des actionnaires, qui
par l'ordonnance du 30 mai 2014 (créa¬ gère la relation actionnariale avec les
tion du statut CIP, possibilité de lever WiSEEDers, pour le compte de la start-up
jusqu'à 1 million d'euros par projet, plus (vote, reporting, etc.).
de limitation à 149 investisseurs par levée). Troisièmement : la plupart du temps,
Enfin, c'est une plateforme engagée : nous réalisons des co-investissements
— dans la démocratisation de l'investis¬ avec des VC (venture capitalists) ou des
sement avec un ticket d'entrée à 100 euros business angels, ce qui est grandement
pour les investisseurs particuliers ; facilité par l'existence de ces holdings qui
— dans le financement de projets simplifient les co-investissements et assu¬
ayant un impact social et/ou sociétal, d'où rent une sortie flexible du capital.
témoignages et illustrations 107

Babyloan, le leader incontesté du prêt solidaire

Après une carrière bancaire, le dirigeant de Babyloan décida de


créer un site de prêt solidaire (il n'utilise pas les mots « plateforme » et
crowdfunding !) aujourd'hui leader en France dans sa catégorie, mais
aussi dans l'industrie du crowdfunding globalement. L'équipe qui
l'accompagne a su respecter les règles de solidarité qui expliquent la
naissance de cette entreprise, mais aussi mettre en place et appli¬
quer des principes et des procédures de gestion comparables à ceux de
grandes institutions financières. Le business model adopté privilégie
la relation avec des institutions de microfinance sélectionnées et
régulièrement auditées. Ce choix clé, élément essentiel de la stra¬
tégie de Babyloan, explique la parfaite maîtrise du risque obtenue,
aucun défaut de remboursement n'ayant été constaté sur des milliers
de projets financés (voir encadré 8).

Anaxago, un entrepreneur médiateur et leader dans sa catégorie

Les dirigeants d'Anaxago ont un discours d'entrepreneurs dans un


pays où l'entreprise et plus encore les patrons restent mal aimés. Ils
facilitent grâce à leur plateforme la rencontre d'une épargne abon¬
dante en quête de bons couples rentabilité-risques et de TPE/PME
innovantes confrontées à des difficultés pour mobiliser des action¬
naires et des fonds propres. L'équipe d'Anaxago a constitué en
quelques années le plus important portefeuille d'investissements
diversifiés en France. Plus récemment, la part des projets sélec¬
tionnés dans l'immobilier a augmenté de manière significative, ce qui
traduit une nouvelle tendance du marché. Cette évolution accélère
le développement de la collaboration de la plateforme et peut-être
demain de partenariats avec des banques. L'équipe dirigeante anti¬
cipe déjà une concentration du secteur, la taille critique des acteurs
augmentant régulièrement et n'étant pas atteinte aujourd'hui par la
plupart d'entre eux (voir encadré 9).
Les trois entretiens présentés font apparaître, outre de fortes spécifi¬
cités propres à chacune des plateformes, des analyses communes de
leurs dirigeants sur la situation actuelle du aowdfunding et une vision
partagée de son évolution. Les trois dirigeants interrogés soulignent ;
— la nécessaire qualité de la gouvernance et des procédures mises
en oeuvre, conditions nécessaires au maintien de la crédibilité des
plateformes et aussi de leur équilibre financier ;
— le nécessaire équilibre à établir entre, d'une part, les contraintes
de rentabilité et de liquidité et, d'autre part, le discours entrepreneu¬
rial, solidaire, voire en partie philanthropique d'origine ;
108 Le crowdfundinc

entreprises, qui trouvent là un moyen de


Encadré 8. Questions déployer leur politique RSE (responsabi¬
à Arnaud Poissonnier, lité sociale d'entreprise), grâce au numé¬
président de Babyloan, rique, auprès de leurs salariés et de leurs
première plateforme clients. Je souhaite ne pas oublier non
de prêt solidaire en Europe plus les étudiants, puisque vingt-huit
campus font aussi partie de la commu¬
Quelles ont été les motivations stratégiques nauté. Au total, en cette fin 2015, près
de la création de Babyloan ? de 40 000 membres ont soutenu plus de
Babyloan a été créée en 2008 et nous 26 000 projets pour un montant cumulé
étions, à l'époque, le deuxième acteur de prêts de 12 300 000 euros.
français proposant des solutions de
crowdfunding, après MyMajorCompany, Comment sélectionnez-vous les microprojets
Notre ambition première, et donc notre à financer 7 Quel est le profil des projets
premier message, c'est la solidarité. financés 7
C'est pourquoi nous agissons dans le Babyloan serait peu de chose sans ses
domaine du prêt solidaire, non rému¬ partenaires locaux : les institutions de
néré, et non pas du don avec récom¬ microfinance (IMF). Ces structures ont
pense ou de l'investissement en capital. un rôle majeur : permettre aux exclus du
Nous avons la volonté de garder ce cap système bancaire de profiter durable¬
stratégique. Babyloan est une start-up ment d'un financement. Notre premier
sociale qui déploie son action au béné¬ devoir est donc de sélectionner avec
fice de micro-entrepreneurs en France, attention ces IMF.
bien sûr, mais aussi à l'extérieur de nos Cette sélection se fait notamment via
frontières puisque nous agissons dans un audit approfondi. Environ 10 000 IMF
dix-huit pays. sont réparties à travers le monde, Baby¬
loan étant partenaire de vingt et une
Pour prêter, il faut des ressources. Quel est d'entre elles, dispatchées au sein de seize
le profil de vos prêteurs 7 pays. Il peut arriver que nous arrêtions nos
En cet hiver 2015, la communauté relations avec une IMF.
Babyloan des prêteurs, essentiellement D'ici fin 2016, nous aurons des parte¬
francophone, atteint 40 000 membres, nariats avec dix ou douze IMF nouvelles
dont 70 % sont français (32 % venant dans différents pays, notamment dans le
d'île-de-France), 90 % sont européens cadre du lancement du portail « Access
(Belgique, Luxembourg, Suisse, etc.), to Energy» en février 2016 avec Total.
mais nous avons aussi des prêteurs au Un partenariat avec une nouvelle IMF
Québec par exemple. Ce sont pour n'est possible qu'après avoir procédé à
beaucoup des cadres moyens supé¬ une sélection fondée notamment sur un
rieurs urbains, avec une moyenne d'âge audit qui dure de six à neuf mois. C'est
proche de quarante ans, répartis prati¬ un travail lourd que l'on réalise à la fois à
quement à égalité entre hommes et distance et sur le terrain. Ensuite, notre
femmes. Le montant moyen d'une tran¬ comité de sélection décide à la majorité
saction de prêt solidaire ressort à environ d'agréer une IMF. Le rôle de TIMF est
75 euros. d'identifier les projets, de nous les
Ces personnes sont incitées à nous remonter et bien sûr de les garantir.
rejoindre via les médias (un tiers des Aujourd'hui, il y a 200 millions d'auto¬
prêteurs), le numérique ou encore le entrepreneurs et 65 milliards de dollars
bouche à oreille (un prêteur sur cinq). d'encours de microcrédit à travers le
Parmi les prêteurs, il y a aussi les monde.
Témoignages et illustrations 109

Les 26 000 projets financés au bout de réalisé au profit de l'institution de micro¬


sept ans d'existence par Babyloan repré¬ finance partenaire, puis affecté au projet
sentent 40 % des projets financés en choisi par l'internaute; c'est donc l'insti¬
France grâce au crowdfunding. Globale¬ tution partenaire qui rembourse ; une
ment, le financement moyen par projet forme de contre-garantie du projet
ressort à environ 450 euros. Cette financé en quelque sorte...
moyenne est de 3 000 euros pour les
projets français et de 380 euros hors de Comment voyez-vous l'avenir pour le
France. En 2015, nous aurons financé secteur et pour Babyloan ?
environ près de 6 000 projets, je je crois que nous assisterons dans les
souhaite vous donner deux exemples prochaines années à une forte concentra¬
concrets en matière de projets. tion du secteur et à bien des désillusions
À Angers, Mme D. avait un projet de pour aller vers quinze/vingt acteurs. Il y a
coiffure à domicile : nos membres lui ont beaucoup trop de sites en France. Dans
prêté 2 500 euros et son entreprise se notre secteur, très complexe et avec des
développe. Au Cambodge, à Phnom très fortes barrières à l'entrée, il en restera
Penh, Mme Fl. souhaitait rénover son deux ou trois.
chariot de bonbons et accroître son Pour Babyloan, notre ambition est
stock : 200 dollars lui ont été prêtés. Et simple : doubler de taille en trois ans,
elle continue de faire le bonheur des avec notamment une collecte annuelle
enfants du coin... C'est ça concrètement de newcashde 1,2 à 1,3 million d'euros.
notre rôle. Cela signifie à terme une communauté
de 70 000 à 80 000 personnes et
Revenons sur les prêts. Quel est le taux 60 000 projets financés en cumul. Nous
d'intérêt 1 Comment vérifiez-vous leur avons aussi de gros projets de diversifi¬
utilisation 1 V a-t-il des problèmes de cation, un portail sur les énergies renou¬
remboursement 7 velables, un portail dédié au microcrédit
Sur le terrain, le taux moyen du français, des sites pour les pays
microcrédit pratiqué dans le monde est d'Afrique, un lancement sur la Belgique,
de 27 %, avec des taux souvent compris etc. Et, me concernant, j'ajouterais une
entre 10 % et 40 %, et nous sommes chose : je rêve que Babyloan n'ait plus
très attentifs aux frais de dossier et bien besoin de moi au niveau opérationnel
sûr aux taux pratiqués. Nous procédons pour que je puisse retourner sur le
à la vérification de l'affectation des prêts terrain, dans les bidonvilles... et travailler
grâce à des tests aléatoires. Nous par exemple sur d'autres outils de soli¬
souhaitons aussi prévenir le risque de darité numérique et collaborative...
faux projets. Aussi étonnant que cela
puisse paraître, ce taux n'est, en valeur
relative, pas élevé comparativement au
taux de l'usure dans les pays en dévelop¬
pement (cinq à six fois moins cher). Le
microcrédit apporte donc une énorme
valeur ajoutée dans ces pays où l'accès
au prêt bancaire n'est pas possible.
Par principe, en matière de prêt, le
risque de non-remboursement existe.
En pratique, et depuis la création de
Babyloan, nous avons enregistré 100 % de
remboursements. Le prêt sur Babyloan est
no Le crowdfundinc

nous intéresser par exemple aux biotechs


Encadré 9. Questions à Joachim ou medtechs, au digital, à l'industrie
Dupont, président d'Anaxago, verte, à la robotique et bien sûr aux TIC
plateforme de crowdfunding (technologies de l'information et de la
communication). Par ailleurs, nous avons
Quelles ont été les motivations stratégiques décidé de nous intéresser au secteur de
de la création d'Anaxago ? l'immobilier.
Mes deux associés et moi-même
avons créé Anaxago en 2012 en partant En ce printemps 2015, c'est quoi, Anaxago ?
d'un triple constat : en France, on n'aime Anaxago est la première plateforme
pas les « patrons », mais on aime les en France avec plus de quarante projets
entrepreneurs ; ensuite, il y a une déjà financés, 18 millions d'euros levés et
épargne disponible importante ; enfin, 40 000 membres inscrits sur la plate¬
les particuliers intéressés en la matière forme contre 20 000 il y a un an, mais
veulent savoir où va leur argent. C'est ce tous ne sont pas actifs. Pour ce qui est
que j'appelle l'économie collaborative. Le de nos investisseurs, nous avons, pour
crowdfunding est la bonne réponse. simplifier, trois catégories : les jeunes
Notre ambition est de financer des actifs avec un ticket d'entrée de 2 000 à
TPE et PME innovantes, et notre 3 000 euros ; les cadres supérieurs avec
démarche est à mi-chemin du micro¬ 10 000 à 15 000 euros de disponibilités,
crédit et du capital-risque. Anaxago a et des membres de professions libérales
d'ailleurs obtenu, en octobre 2014, les prêts à investir 100 000 à 200 000 euros
autorisations de l'Autorité des marchés sur un projet, je précise que l'investisse¬
financiers (AMF) en qualité de conseiller ment minimum est de 1 000 euros. Tous
en investissements participatifs (CIP), sont prêts à s'engager dans une aven¬
gage de sérieux et de transparence. ture partenariale, une vraie histoire
Nous avons fait quelques choix stra¬ entrepreneuriale.
tégiques majeurs : d'abord, le fait de faire
du capital et non pas du don ou du prêt ; Pourquoi cette orientation vers l'immobilier 1
ensuite, le choix de ne pas nous concen¬ En effet, l'immobilier représente
trer sur un ou deux secteurs, mais de 50 % environ des volumes investis.

— les convergences des systèmes de sélection et de gestion de


projet avec ceux adoptés par les investisseurs en capital-risque et les
gestionnaires de projets petits ou grands dans les banques et les
grandes entreprises ;
— le développement de collaborations/partenariats non seule¬
ment avec les venture capitalists et les business angels, mais aussi avec
les banques ; ce point essentiel montre que, au-delà de la concurrence
entre les acteurs, des complémentarités et des synergies apparaissent
et engendrent progressivement non seulement un repositionnement
de chacun d'entre eux, mais aussi une restructuration de l'offre de
financement.
témoignages et illustrations ni

Nous avons simplement répondu à disent s'ils sont prêts à intervenir, à


la demande de promoteurs dont investir, j'ajoute que la réponse ne se
les banquiers traditionnels exigeaient fait pas sous forme de quizz, mais
une part de fonds propres plus impor¬ qu'elle doit exprimer des explications
tante (15 %-20 % contre 5 % avant) ou des motivations profondes. C'est
et nous sommes en partenariat avec un ensuite la souscription, et les fonds sont
assureur. Nous apportons une partie reçus par la société porteuse du projet
des capitaux propres (entre 70 % et ou par la holding créée pour l'occa¬
80 %), et les banquiers débloquent les sion : en clair, la plateforme ne reçoit
prêts. pas l'argent. En général, il faut moins
d'un mois pour instruire un dossier et
Comment fonctionnez-vous 7 lancer la souscription, et entre quinze
Nous travaillons avec les méthodes jours et un mois dans l'immobilier et
relativement classiques du capital- deux mois et demi dans les autres
risque pour sélectionner les projets et, à secteurs pour que les capitaux soient
ce jour, nous avons plutôt fait des choix disponibles.
pertinents.
Concrètement, nous recevons Comment voyez-vous l'évolution du
environ trente/trente-cinq dossiers par secteur ?
semaine. Nous avons une sélection Il est clair qu'aujourd'hui il y a beau¬
extrêmement sévère via un comité de coup de plateformes et toutes ne survi¬
présélection qui nous amène à retenir vront pas. En effet, il faut être d'abord
entre un et trois dossiers. À ce sujet, capable de constituer la communauté
nous sommes en train de mettre en des investisseurs. Ensuite, il faut lever
place un réseau de partenaires qui nous les capitaux et, aujourd'hui, il me
servira à sélectionner les dossiers. Les semble que le minimum à lever par an
dossiers retenus donnent lieu à une est de 3 à 4 millions d'euros. Et, pour
rencontre avec le porteur du projet. Et « vivre », il en faut plutôt 10 déjà
si nous validons cette étape, nous solli¬ investis. Nous sommes à 18 en ce qui
citons les investisseurs qui posent leurs nous concerne.
questions, expriment leurs doutes,

Déviance et détournements ?

Une industrie naissante (et en plus de nature financière) peu


mature, inégalement régulée présente souvent des cas de « situations
déviantes ». II s'agit, dans le cas présent, de projets proposés « à la
foule » qui n'onf plus pour objecfif de financer l'économie réelle,
mais de porter des politiques publicitaires ou de communication,
dans certains cas contraires aux règles éthiques fondamentales,
des escroqueries masquées derrière des objectifs sociéfaux ou
humanifaires, ou encore des proposifions absurdes (voir encadré 10).
Ces situafions dévianfes décrédibilisenf le crowdfimding et font peser
sur ce dernier un risque existentiel. Cette situation nécessite l'adop¬
tion et l'application par tous les acteurs d'un corpus de bonnes
pratiques.
112 Le crowdfundinc

les canaux de distribution utilisés... Dans


Encadré 10. Trois pays, un passé récent, des contributeurs d'un
quatre opérations insolites, projet proposé sur le même site et financé
une escroquerie en totalité ont intenté une action en
justice, aucune action n'ayant été entre¬
1. Solidarité politique, promotion prise par les initiateurs.
des exportations ou escroquerie ?
Un projet destiné à aider le gouverne¬ 2. Protection du patrimoine national
ment grec à rembourser l'échéance de et sentiment patriotique
1,5 million d'euros due au FMI début Tous les moyens sont bons pour
juillet 2015 a été proposé en juin sur le rembourser la dette d'un pays et protéger
site Indiegogo. Un projet analogue avait son patrimoine des prédateurs étrangers.
été lancé en mars 2015 sur le site KissKiss- Une société de financement participatif
BankBank... La somme recueillie (environ spécialisée en immobilier (Crowdimo
120 000 euros) avait été utilisée pour Invest) a encouragé les internautes à
financer des actions de solidarité en Grèce. acheter des morceaux du palais de
L'investisseur reçoit en échange de son l'Élysée. François Hollande, solennel sur le
apport et en fonction de son montant : parvis, tient une pancarte «À vendre.
— une carte postale à l'effigie du Investissement libre à partir de 1 euro ». Il
Premier ministre grec Alexis Tsipras semble demander aux citoyens de contri¬
pour une mise de 3 euros; buer à une souscription nationale... mais
— une salade d'olives et de la fêta le bâtiment n'est pas à vendre !
pour une mise de 6 euros ; Les initiateurs du projet ont souhaité
— une bouteille d'ouzo pour une attirer l'attention du public sur les cessions
mise supérieure ou égale à 10 euros. de joyaux du patrimoine national à de
Au début du mois de juillet 2015, riches investisseurs étrangers. Le finance¬
terme fixé pour le recueil des fonds, ment participatif aurait donc une vertu
70 000 personnes avaient apporté au cachée ; réveiller l'esprit patriotique des
total plus de 1 350 000 euros. Cette Français.
opération était accompagnée d'une
campagne de promotion des produits 3. Décrédibilisation et absurdité
grecs et des séjours touristiques en Grèce. Un internaute américain est parvenu
Les organisateurs promettaient aussi à faire financer une salade de patates
que les sommes rassemblées seraient sur le site Kickstarter. L'initiateur,
« remises au peuple grec », sans préciser Z. D. Brown, a obtenu 55 500 dollars

Le crowdfimding, dans ses composantes lending et equity et, dans


une certaine mesure aussi, pour les formes reward et hybride,
comporte un certain nombre de risques que supportent les diffé¬
rents acteurs concernés par le montage financier de la plateforme et
le financement des projets. C'est le cas des investisseurs en fonds
propres dans les projets et/ou des prêteurs associés, mais aussi des
plateformes et de leurs actionnaires ainsi que des acteurs qui leur ont
accordé des prêts.
Les risques liés aux structures financières choisies, au rythme de
développement des projets, à leur succès ou à leur échec au niveau
de l'exploitation sont des conséquences acceptables d'un
Témoignages et illustrations 113

de 7 000 personnes, en août 2014, pour d'euros au 31 juillet 2015, mais les fonds
financer son projet. Plusieurs apports manquants ont été évalués, à la suite d'un
supérieurs à 10 000 dollars chacun qui ne audit effectué en septembre 2015, à
remplissaient pas les conditions de trans¬ 4,7 millions d'euros du côté des prêteurs
parence requises ont été annulés. Les et à 4 millions d'euros du côté des
contreparties proposées dépendaient de emprunteurs.
la somme apportée. Pour une mise de La nouvelle direction de la société,
1 dollar, l'internaute obtenait un remer¬ nommée à l'été 2015, a décidé de déve¬
ciement sur le site de la salade de lopper une activité de crédit à la consom¬
pommes de terre ; pour 2 dollars, la mation de maturité plus longue que celle
photo était offerte en plus ; pour 5 dollars, des crédits de trésorerie habituels. À cette
il recevait un « package de luxe ». fin, un audit approfondi et une augmen¬
L'imagination des initiateurs de projet tation de capital avaient été programmés.
est sans limite. Z. D. Brown prévoit de À la suite des résultats de la mission
diffuser la préparation de sa salade en d'audit, la police et la justice ont été
direct sur Internet. Plusieurs centaines de saisies, des cadres en fonction suspendus
projets similaires ont été proposées sur et d'anciens collaborateurs mis en cause.
différentes plateformes en un an. Des Un système de détournement de fonds
investisseurs et des gérants de plate¬ des clients avait été organisé dès la créa¬
formes estiment que ce type d'opération, tion de la société en 2009. Les apports
à la fois surréaliste et absurde, décrédibi¬ des prêteurs ont été utilisés en violation
lise le financement participatif, même si de leurs instructions, et des crédits non
l'initiateur a promis de reverser les performants ont été affectés à des
sommes recueillies à une oeuvre caritative. ressources nouvelles.
Les clients de la société suédoise recou¬
4. Escroquerie de grande ampleur vreront-ils au moins une partie de leurs
et réputation de tous les acteurs tonds ? Quel sera le sort des filiales
du crowdfunding danoise, anglaise, finlandaise, polonaise et
Trust Buddy, plateforme suédoise espagnole de Trust Buddy et de leurs
spécialisée dans les crédits de trésorerie clients? L'enquête en cours et les déci¬
aux particuliers, fondée en 2009 et cotée sions de justice qui suivront permettront
à la Bourse de Stockholm, a suspendu ses de connaître rapidement les conséquences
activités début octobre 2015 à la de cette escroquerie de grande ampleur
demande du régulateur suédois. Ses qui a un impact négatif sur le crowd¬
fonds propres s'élevaient à 4,2 millions funding et la réputation de ses acteurs.

investissement. En revanche, certains risques résultant de l'absurdité


des projets et des comportements déviants de certains acteurs, s'ils ne
sont pas contrôlés et maîtrisés par un ensemble de bonnes pratiques
(une meilleure transparence sur le contenu des projets par exemple),
auxquelles adhère l'ensemble de la profession, peuvent présenter une
« dimension systémique » et mettre en danger la crédibilité, le déve¬
loppement et l'existence même du crowdfunding.
11 n'y a pas d'innovation et de progrès sans risque. Celui-ci doit être
évalué, géré, mais le principe de précaution est une règle malthu¬
sienne qui entrave la marche vers la modernité. Le succès n'est jamais
certain, l'échec non plus.
Conclusion / Une nouvelle'donne pour
la finance et l'économie réelle

La disponibilité à tout instant d'un large portefeuille de financements


ayant des caractéristiques diverses (stmctures, taux, maturités, risques,
espérances de rentabilité) est un élément majeur de visibilité, c'est-à-
dire de confiance pour les dirigeants d'entreprise dont les décisions sont
dominantes dans une économie de marché ouverte sur le monde. La
confiance constitue une clé nécessaire et prioritaire dans la décision
d'investissement et donc dans le développement des entreprises et de la
croissance.
À côté de l'apport en capital, le financement bancaire joue un rôle
primordial pour les entreprises françaises pour lesquelles l'accès au
marché financier reste compliqué, malgré les tentatives de création de
compartiments boursiers adaptés à leurs besoins. Toutefois, les condi-
hons d'accès au financement bancaire se sont durcies depuis le début
de la crise actuelle, les banques renconhant des problèmes de liquidité
puis étant, depuis quelques années, soumises à une réglementation
prudentielle réduisant leur capacité d'octroi de prêts malgré la politique
expansionniste de la Banque centrale européenne (BCE). Une innova¬
tion offrant des solutions adaptées aux difficultés rencontrées est donc
nécessaire.

L'innovation financière est de retour

Les PME et plus encore les TPE doivent explorer de nouveaux circuits,
entrer en relation avec de nouveaux partenaires et donc innover dans
le domaine du financement comme dans les autres domaines de leurs
activités. Leurs dirigeants peuvent faire appel aux financements tradi¬
tionnels (affacturage, crédit-bail, capital-investissement, par exemple),
mais aussi aux nouveaux dispositifs publics mis en place par la Bpifrance
et aux ressources et acteurs internationaux. En même temps, la tendance
Conclusion 115

actuelle au retour à une certaine forme de proximité et de désintermé¬


diation (raccourcissement de la chaîne de valeur), amplifiée par l'évolu¬
tion des technologies de communication, en particulier Internet et
l'essor des réseaux sociaux, crée les conditions de l'apparition et du déve¬
loppement d'une nouvelle mutation des systèmes de financement.

Le mariage de l'histoire et d'Internet

Le financement par la « foule » existe dans les pays développés sous


la forme du mécénat, par exemple, mais offre aussi une longue et riche
histoire dans des sociétés différentes, par exemple avec la tontine en
Afrique subsaharienne. Le crowdfunding est donc une adaptation, à
l'heure de la révolution Internet, d'une technique ancienne qui a connu
plusieurs formes. Le terme aowdfiinding apparaît pour la première fois
en 2006 avec les premières plateformes de dons auxquelles succèdent
celles spécialisées dans les prêts, puis la génération montante, celle des
plateformes spécialisées dans le financement par apport de capitaux
propres iequity). Cette éclosion, due à la fusion d'un très ancien prin¬
cipe de mutualisation des ressources financières et des technologies à
la base de la nouvelle révolution industrielle en cours, est apparue,
comme presque toutes les grandes innovations financières depuis la
Seconde Guerre mondiale, aux États-Unis avant d'essaimer à Londres
puis en Europe continentale et enfin sur les autres continents.
Aujourd'hui, le marché du financement participatif est largement nord-
américain, mais son potentiel de développement le plus important est
demain en Asie et après-demain en Afrique.

Instabilité et convergence

Le bon fonctiormement de ce nouveau compartiment des porte¬


feuilles de financements disponibles repose sur un équilibre instable et
la convergence des intérêts entre trois acteurs : le porteur de projet qui
a besoin de fonds, l'épargnant qui dispose des fonds à investir et la plate¬
forme intermédiaire (mais est-ce seulement un intermédiaire ?) entre
l'initiateur et l'épargnant. D'autres acteurs remplissent des fonctions
indispensables pour assurer l'équilibre, le développement régulier, mais
aussi la bonne gestion de cet écosystème : les pouvoirs publics et les
autorités de tutelle et de contrôle, mais aussi les experts-comptables, les
avocats, les fiscalistes et plus encore les médias. Les plateformes et leurs
dirigeants jouent un rôle majeur, et leur concentration probable laisse
entrevoir des positions dominantes que seuls le régulateur et/ou de
116 Le crowdfundinc

nouveaux acteurs, par exemple les banque? et les assureurs, mais aussi de
grands groupes industriels, commerciaux et/ou de services et les médias
peuvent contrebalancer.

L'État dans son rôle

L'État a vocation non pas à gérer lubmême des activités concurren¬


tielles, mais à préparer les conditions de l'innovation et à encadrer leur
développement dans la durée afin d'assurer, à tous les acteurs, la visibi¬
lité et la stabilité nécessaires à la réalisation de leurs opérations. Les
pouvoirs publics français ont accompagné la naissance du crowdfunding
de manière adaptée, et en temps utile, comme dans le passé avec la créa¬
tion des nouveaux compartiments des marchés financiers (second
marché, MATIF, MONEP), mais aussi celle de la désintermédiation finan¬
cière (billets de trésorerie, certificats de dépôt) ou de l'élargissement des
possibilités de refinancement des banques et des entreprises (titrisation).
Mais, une fois encore, la fiscalité, trop complexe et trop élevée en compa¬
raison de celle de plusieurs pays voisins, reste le frein majeur à un déve¬
loppement rapide de ce mode de financement.

La diversification de la « famille des crowtifiindmgs »

Ce livre présente l'ensemble des composantes de la « famille des


aowdfundings » en mettant en valeur certains développements ou utili¬
sations particuliers : le financement des promoteurs immobiliers, la
compatibilité avec les principes éthiques et religieux, les financements de
projets des opérateurs humanitaires.
Plus particulièrement :
— nous insistons sur la nécessaire « dimension professionnelle » des
investisseurs et des initiateurs même lorsqu'il s'agit de particuliers et
même pour des montants limités, ce qui implique la maîtrise et la mise
en oeuvre d'une méthode d'analyse de projet, aussi bien pour l'initiateur
que pour les investisseurs potentiels, et peut-être aussi un effort global de
formation de tous les acteurs ;
— nous soulignons aussi l'expérience de gestionnaire de projet néces¬
saire à l'initiateur pour préparer le lancement du projet, le « vendre » aux
investisseurs et plus encore assurer le « service après-vente » et le succès
de l'opération pour tous les acteurs concernés.
Conclusion 117

Le crowdfunding, un mode de financement pérenne ?

Ce nouveau compartiment de financement est en phase de crois¬


sance. Atteindra-t-il rapidement une phase d'équilibre plus stable, c'est-à-
dire de maturité ?
Ou bien sera-t-il soumis à des crises sévères (des disparitions de plate¬
formes, des faillites multiples de lanceurs de projets), comme dans le
passé les émissions d'empmnts de maturité longue (le retour des émis¬
sions de maturité supérieure ou égale à cinquante ans est récent), le
marché des options négociables (la crise d'octobre 1987 a nécessité le
lancement des OBSAR pour le ressusciter) ou encore la titrisation qui
avait quasiment dispam après la crise des subprimes ?
Connaîtra-t-il des phases de croissance ou au contraire d'affaiblisse¬
ment en fonction du niveau des taux d'intérêt réels, du maintien ou de
l'assèchement des politiques de quantitative easing, de l'évolution de la
fiscalité ou encore des effets d'éviction liés aux émissions souveraines ?
Sera-t-il analysé comme une source de financement majeure et
complémentaire de celles aujourd'hui disponibles, ou bien comme une
technique de substitution à la fois par les organisations caritatives, par
les PME empmnteuses ou ayant besoin d'accroître leurs fonds propres
et plus particulièrement par les promoteurs immobiliers et les jeunes
porteurs de projets originaux ?
Trouvera-t-il sa place pour le financement en equity des TPE et PME
entre les opérateurs en capital-risque, les business angels, les banquiers
et les assureurs ? Les investisseurs en financement participatif intervien¬
dront-ils en amont, en aval ou en même temps que certains de ces
acteurs ? Seront-ils progressivement cantonnés dans une « niche de
financement » de certaines catégories de PME ou bien, suivant les
montants recherchés, la nature des projets et les caractéristiques des
entreprises à financer, noueront-ils différents partenariats et alliances à
dimensions variables avec d'autres acteurs ?

La « finance positive », un espoir pour tous

Une fois encore, la finance montre sa puissance de régénération après


la crise très forte de 2008, sa capacité à faire appel à de vieilles techniques
validées à de nombreuses reprises dans différents contextes et, simulta¬
nément, à intégrer les innovations technologiques et les médias les plus
récents.
C'est la revanche de la mutualisation dans sa définition d'origine,
mais aussi celle des marchés financiers face à la bureaucratisation des
grandes organisations publiques ou privées souvent monopolistiques ou
1Î8 Lî OKm&=uw(r>iG

amatrices d'oligopoles, un nouvel espace offert à l'initiative et aux


réseaux des acteurs de proximité à l'occasion de la sélection des projets
prc^^sés et de leur suivi, et enfin une contribution essentielle au raccour-
ci5senierit de la chaîne de valeur du financement, c'est-à-dire à sa désin¬
termédiation, scwi « ubérisation ».
Le modifie aussi, en les améliorant, les couples :
— lentabtlité-risque, même si, dans de nombreux cas, les investisseurs
ont des critères de décision plus complexes que ceux des investisseurs
traditionnds. intégrant l'adhésion au projet/à l'entreprise et à sa finalité ;
— flexilslité pc»ir l'initiateur et sécurité pour l'investisseur, ce qui est
essentiel dans une période de forte volatilité et de discontinuités.
n crée aussi ;
— un nou\'el effet de levier en facilitant l'introduction de stmctures
intermédiaires dans le montage financier mis en œuvre ;
— un nouvel espace de développement pour les obligations, même si
les titres ànis dans le cadre d'un financement par le aowdfunding n'ont
pas (encore ?) de marché secondaire ;
— une possibilité de réduire le coût moyen pondéré du capital,
élément essentiel du calaü de la rentabilité des investissements et donc
du projet et/ou de l'entreprise financé.
Il est exact que œrtaines questions essentielles restent actuellement
sans solution satisfaisante ou avec des réponses partielles :
— la liquidité pour les investisseurs, concernant les apports réalisés
dans le cadre d ime opération financée par la dette ou bien en capitaux
propres, n’est j>as garantie, la création d'un marché secondaire s'impose
donc ;
— la transpiarence et la sécurité des opérations ainsi que l'identifica¬
tion des projets qui constituent de par leurs caractéristiques et/ou celles
de leurs initiateurs des escroqueries potentielles restent insuffisantes.
Mais, dans c'ette phase nouvelle que connaissent les économies déve¬
loppées, un autre équilibre financier, créateur de richesses, apparaît ;
— géré par des équipes plus jeunes, plus flexibles, étrangères à la
culture de !'« establishment financier traditionnel » ;
— en phase avec l'économie réelle et les besoins de financement des
TPE et PME qui représentent l'essentiel du potentiel de la croissance et
de l'emploi des économies de demain ;
— offrant une capacité de transfert et d'essaimage dans de nombreux
pays émergents en éliminant une phase du développement traditionnel
comme pour les nouveaiLx systèmes de paiement associés au téléphone
mobile.
Parti des États-Unis, le aowdfunding semble donc avoir un véritable
potentiel de croissance à travers le monde, au service des entreprises
comme des partiailiers.
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Table des matières

Introduction 3

I Une nouvelle source de financement


pour les entreprises
L'entreprise et son financement 6
Les moyens du développement, 7
L'actionnaire et le banquier, 7
L'importance du financement bancaire 8
Les crédits bancaires, 8
Le financement bancaire remis en cause, 10
Les alternatives au financement bancaire 11
Les solutions traditionnelles, 11
Le renouveau des financements publics en France, 12
De nouvelles opportunités de financement pour les PME, 13
De nouvelles formes de financement hors de France, 1 3
Un modèle de financement en pleine mutation 14
Le financement, une démarche stratégique, 14
La désintermédiation et la proximité, 15
Le crowdfunding, une nouvelle alternative 16

II Une réalité nouvelle


Depuis quand, le crowdfunding? 19
L'apparition du crowdfunding, 19
□ Encadré 1 : Quelques dates, 20
Le marché du crowdfunding 20
Le marché mondial, 21
Le crowdfunding dans les différentes zones géographiques, 22
Les formes de crowdfunding 26
Le financement par le don, 26
Le financement par le prêt, dit crowdlending, 29
124 Le CROWDFUNDINC

Le financement en capital, dit crowd^quity, 29


Business model et crowdfunding 33
Business model d'une plateforme de dons avec contrepartie :
KissKissBankBank (KKBB), 33
Business model d'une plateforme de prêt ; Unilend, 35
Business model d'une plateforme d'equity : WiSEED, 35
Financement participatif et autres financements
de l'entreprise : complémentarité ou opposition ? 35
Financement participatif et financem'ent bancaire, 35
Financement participatif et private equity, 38
Financement participatif et business angels, 39

III Les acteurs


Des acteurs aux intérêts convergents 41
Les émetteurs et les emprunteurs : entreprises,
associations, particuliers 42
□ Encadré 2 : Une nouvelle technique financière au service
de la politique des grands groupes ? 44
Les prêteurs et les financeurs : un nombre croissant 45
Les plateformes : des typologies différentes 47
Les dons, 47
□ Encadré 3 : Kickstarter, la référence mondiale, 48
□ Encadré 4 : Le financement de projets créatifs et innovants :
KissKissBankBank en première ligne, 51
Les prêts, 52
La participation au capital, 53
Le crowdfunding par l'achat d'obligations, 56
Les plateformes ; supports et relais de communication 57
Les plateformes : leur rémunération 58
Les plateformes sectorielles : des situations
particulières 59
L'avenir des plateformes 61
Les banques et les compagnies d'assurances :
une présence croissante sur ce marché 62
La fin du monopole bancaire pour la distribution
des crédits, 62
L'approche des banquiers, 63
Les assureurs, un intérêt croissant pour le crowdfunding, 65
Les experts-comptables : conseils des petites
entreprises 66
Les médias : accélérateurs de notoriété 67
Table 125

IV Le cadre juridique et fiscal


La mise en place en France d'un nouveau
cadre juridique 69
La motivation du pouvoir politique, 70
□ Encadré 5 : Les points clés des nouveaux textes relatifs
au financement participatif, 71
L'ordonnance et le décret de 2014, 71
Les statuts juridiques des plateformes 72
Le statut de conseiller en investissements
• participatifs (CIP), 73
Le statut d'intermédiaire en financement participatif (IFP), 75
Les obligations communes aux deux statuts, 76
Le statut de prestataire de services d'investissement (PSI), 77
Le choix pour les plateformes proposant
des titres financiers ; CIP ou PSI ? 80
L'ACPR et l'AMF, autorités de tutelle 80
L'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), 80
L'Autorité des marchés financiers (AMF), 81
Un focus sur les investisseurs et les porteurs
de projet 81
Les informations fournies par les plateformes, 81
Des investisseurs inégalement protégés, 83
Des porteurs de projets encadrés, 84
Le cadre fiscal pour les crowdfunders 85
La fiscalité des dons, 85
La fiscalité des prêts gratuits, 85
La fiscalité des prêts rémunérés, 85
La fiscalité des investissements en capital, 86
La dimension internationale 87
Les États-Unis, 87
L'Europe, 88

V L'organisation d'un projet de crowdfundîng


Les étapes préalables au lancement d'un projet 90
La préparation du lancement 92
L'organisation du réseau, 92
La préparation des informations à publier, 92
Les dernières vérifications à effectuer, 94
Le suivi du lancement 95
Quelle conclusion pour un projet ? 95
Une illustration dans le sport 97
La vraie fausse histoire de Valérie M. et de TenAce . 97
Le projet, 97
□ Encadré 6 : Le crowdfundîng, un nouveau financement
pour les sportifs ? 98
126 Le CROWDFUNDINC

Le choix de la plateforme et le dossier de présentation, 99


La plateforme et ses investisseurs, 100
De la valorisation à la levée de fonds, 101

VI Témoignages et illustrations
Les stratégies à succès de plateformes leaders 105
WiSEED ou le retour de l'actionnariat populaire, 105
□ Encadré 7 : Questions à Élodie Manthé, responsable R&D
chez WiSEED, plateforme rf'equity crowdfunding, 7 06
Babyloan, le leader incontesté du prêt solidaire, 107
Anaxago, un entrepreneur médiateur et leader
dans sa catégorie, 107
□ Encadré 8 : Questions à Arnaud Poissonnier,
président de Babyloan, première plateforme
de prêt solidaire en Europe, 7 08
□ Encadré 9 : Questions à Joachim Dupont, président
d'Anaxago, plateforme de crowdfunding, 7 7 0
Déviance et détournements ? 111
□ Encadré 10 : Trois pays, quatre opérations insolites,
une escroquerie, 17 2

Conciusion / Une nouvelle donne pour


la finance et l'économie réelle 114
L'innovation financière est de retour 114
Le mariage de l'histoire et d'Internet 115
Instabilité et convergence 115
L'État dans son rôle 116
La diversification de la « famille des crowdfundings » 116
Le crowdfunding, un mode de financement pérenne ? 117
La « finance positive », un espoir pour tous 117

Repères bibliographiques 119


Collection_

REPÈRES
aéée par Michel Freyssenet et Olivier Pastré (en 1983),
dirigée par Jean-Paul PiRiou (de 1987 à 2004), puis par Pascal Combemale,
avec Serge Audier,Stéphane Beaud, André Cartapanis, Bernard Colasse, Jean-Paul Deléage,
Françoise Dreyfus, Claire Lemercier, Yannick L'Horty, Philippe Lorino, Dominique Merllié,
Michel Rainelli, Philippe Riutort, Franck-DominiqueVivien et Claire Zalc.
Coordination et réalisation éditoriale : MariekeJoly.
Le catalogue complet de la collection « Repères » est disponible sur notre site
http://www.collectionreperes.coin

GRANDS REPÈRES
Dictionnaires Les ficelles du métier. Comment La dissertation d'économie.
conduire sa recherche en sciences Préparation aux concours,
REPÈRES sociales, Howard S. Becker. Laurent Simula et Luc Simula.
Dictionnaire d'analyse Le goût de l'observation. Économie politique des
économique. Microéconomie, Comprendre et pratiquer l'observation capitalismes. Théorie de la régulation
macroéconomie, monnaie, finance, participante en sciences sociales, et des crises, Robert Boyer.
Bernard Guerrien et
etc., Jean Peneff. L'entreprise dans la société.
Ozgur Gun. Une question politique,
Guide de l'enquête de terrain,
Dictionnaire de comptabilité. Michel Capron et
Stéphane Beaud et Florence Weber.
Compter/conter l'entreprise, Bernard Françoise Quairel-Lanoizelée.
Colasse. Guide des méthodes de
L'explosion de la communication.
l'archéologie, Jean-Paul Démoulé,
Dictionnaire de gestion, Introduction aux théories et aux
François Giligny, Anne Lehoërff et
Élie Cohen. pratiques de la communication,
Alain Schnapp. Philippe Breton et Serge Proulx,
Lexique de sciences économiques
et sociales, Denis Clerc Guide du stage en entreprise, Les grandes questions
et Jean-Paul Piriou. Michel Villette. économiques et sociales, sous la
Manuel de journalisme. L'écritetle direction de Pascal Combemale.
Guides numérique,Yves Agnès. Une histoire de la comptabilité
Les sciences économiques et nationale, André Vanoli.
REPÈRES
sociales. Histoire, enseignement, Histoire de la psychologie en
L'art de la thèse. Comment préparer concours, sous la direction de France. xix'-xx‘ siècles,
et rédiger un mémoire de master, une Jacqueline Carroy, Annick Ohayon
Marjorie Galy, Erwan Le Nader et
thèse de doctorat ou tout autre travail et Régine Plas.
Pascal Combemale.
universitaire à l'ère du Net,
Voir, comprendre, analyser les Introduction à l'histoire
Michel Beaud. économique mondiale,
images, Laurent Gervereau.
Comment parler de la société. Robert C. Allen.
Artistes, écrivains, chercheurs et
Manuels Macroéconomie financière,
représentations sociales, Howard
Michel Aglietta.
S. Becker. REPÈRES
La mondialisation de l'économie.
Comment se fait l'histoire. Analyse macroéconomique 1. De la genèse à la crise, Jacques
Adda.
François Cadiou,
Pratiques et enjeux,
Analyse macroéconomique 2. Nouveau manuel de science
Clarisse Coulomb, Anne Lemonde
17 auteurs sous la direction de politique, sous la direction
et Yves Santamaria.
Jean-Olivier Hairault. d'Antonin Cohen, Bernard Lacroix
La comparaison dans les sciences et Philippe Riutort.
sociales. Pratiques et méthodes, La comptabilité nationale,
Jean-Paul Piriou La théorie économique
Cécile Vigour.
et Jacques Bournay. néoclassique. Microéconomie,
Enquêter sur le travail. Concepts, macroéconomie et théorie des jeux,
méthodes, récits, Christelle Avril, Consommation et modes de vie en
Emmanuelle Bénicourt et Bernard
Marie Cartier et Delphine Serre. France. Une approche économique et
Guerrien.
sociologique sur un demi-siècle,
Faire de la sociologie. Les grandes Le vote. Approches sociologiques de
Nicolas Herpin et Daniel Verger.
enquêtes françaises depuis 1945, l'institution et des comportements
Philippe Masson. Déchiffrer l'économie, Denis Clerc. électoraux, Patrick Lehingue.
Composition Facompo, Lisieux (Calvados).
Achevé d'imprimer en avril 2016 sur les presses de
La Nouvelle Imprimerie Laballery à Clamecy (Nièvre).
Dépôt légal : avril 2016
N° de dossier : 603407

Imprimé en France
Karine Boyer, Alain Chevalier,
Jean-Yves Léger et Aurélie Sannajust

Le crowdfunding

Le crowdfunding tst le moyen de finance¬ Karine Boyer, diplômée


ment de projets par la « foule », particuliers de Neoma BS en mastère
et entreprises. Le financement participatif est spécialisé Analyse
devenu une réalité mondiale de la « finance financière internationale,
positive », en forte croissance grâce à Internet. est chargée d’affaires
Est-ce une mode fugitive ou une aiterna- à Coface.
tive durable aux autres formes de finance¬ Alain Chevalier, ESSEC,
ment ? Quels sont les acteurs et le cadre professeur à ESCP
réglementaire en France et aiiieurs ? Por¬ Europe, docteur, HdR,
teurs de projets, investisseurs et piateformes ancien doyen, enseigne
ont-iis les mêmes intérêts ? Le crowdfunding la politique et l’ingénierie
peut-ii tout financer ? Quelies sont les financières.
règles à respecter et les opportunités à sai¬
Jean-Yves Léger,
sir ? Comment réussir le financement d’un
consultant en
projet ?
communication, ancien dir’
Cet ouvrage aborde concrètement toutes
corn’ de BSN et LVMH, puis
ces questions, grâce à une anaiyse des textes
partner Havas, enseigne à
régiementaires, des témoignages d’acteurs du
ESCP Europe et à l’institut
secteur, ia présentation d’exempies concrets
de haute finance.
et une mise en perspective de ce nouveau
mode de financement des entrepreneurs. Aurélie Sannajust
docteur, HdR, maîi
conférences à l’un
de Saint-Étienne,
la finance d’entrei
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Le capital-risque • La responsabilité sociale d'entreprise à l’université Par
• Le management de projet • Les réseaux Dauphine, à l’EI“
inter-organisationneis... et à l’ENS Lyon.

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