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MASTER 1 FINANCE

FINANCE

HISTOIRE
MASTER MENTION FINANCE
GÉOGRAPHIE Parcours Management Administratif et Financier des Entreprises
(MAFE)
INFORMATIQUE

MATHÉMATIQUES

SCIENCES POUR L'INGÉNIEUR

FRANÇAIS LANGUE ÉTRANGÈRE Centre de Télé-enseignement


Universitaire
ADMINISTRATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE http://ctu.univ-fcomte.fr

DIPLÔME D'ACCÈS AUX ÉTUDES UNIVERSITAIRES

FILIÈRE FINANCE
VVJ7ESTR

Stratégie

M. MESSEGHEM Karim
karim.messeghem@umontpellier.fr
CENTRE DE TELE-ENSEIGNEMENT UNIVERSITAIRE

MASTER 1 - FINANCE

CONSTRUCTION DE LA DECISION STRATEGIQUE

Karim MESSEGHEM
Professeur des Universités
Université Montpellier

2020-2021
SOMMAIRE

Introduction : A la découverte de la décision stratégique ……………………………….2

Chapitre 1- Les fondements de la décision stratégique…………………………...………13

Chapitre 2 – Les stratégies de diversification...……………………………...……...….….21

Chapitre 3- La décision stratégique en PME…………..………………………………….47

Bibliographie………………………………………………………………………………...61

1
INTRODUCTION : A LA DECOUVERTE
DE LA DECISION STRATEGIQUE

1- Origines et évolutions de la stratégie


La stratégie trouve ses origines dans le domaine militaire. Le mot stratégie vient des mots
grecs « Stratos », qui signifie armée, et « agos », qui veut dire je conduis. Elle désigne l’art de
conduire les armées, c’est-à-dire planifier la destruction de ses ennemis par un usage efficace
des ressources.
La pensée stratégique est influencée par deux ouvrages de référence :
- L’ouvrage de Sun Tzu (ou Tse), L’art de la guerre, 480 Av JC estime que le but de la guerre
est de forcer l’ennemi à abandonner la lutte, y compris sans combat. La stratégie est centrée
sur : la surprise, la ruse et l’espionnage.
- Dans son ouvrage, De la guerre, Carl Von Clausewitz (1780-1833) considère que l’objectif
d’une guerre est de gagner en dominant son adversaire. La stratégie repose sur trois piliers :
1- La concentration des forces,
2- L’économie de moyens,
3- La liberté d’action.

L’usage du mot stratégie dans la vie des affaires s’est développé après la deuxième guerre
mondiale, parallèlement à l’émergence d’un environnement d’affaires plus concurrentiel et
instable. L’histoire contemporaine de la stratégie peut être résumée autour de trois grands
moments : la naissance, la critique et l’éclectisme.

La naissance
Les premiers enseignements datent de la fin des années 50 à Harvard. Un cours de politique
générale est proposé pour former les futurs dirigeants d’entreprise. Ces enseignements
s’appuient sur trois ouvrages de référence :
- Chandler (1962), historien des affaires propose une réflexion sur la conduite de quatre
grandes entreprises (General Motors, Sears, Standard Oil (Exxon) et Du Pont). Il met en
évidence le lien entre structure organisationnelle et stratégie.
- Learned, Christensen, Andrews et Guth proposent en 1965 un ouvrage dans lequel ils
soulignent le rôle de l’environnement dans les choix stratégiques. L’environnement crée des

2
opportunités et des menaces auxquelles l’entreprise s’adapte en définissant une stratégie
fondée sur ses forces et faiblesses.
- Ansoff (1965) propose en s’appuyant sur son expérience de cadre dirigeant une contribution
dans laquelle il analyse la stratégie globale de l’entreprise. La stratégie doit servir à mettre en
relation les objectifs, les voies et modes de développement, les avantages concurrentiels et les
synergies. Les enseignements d’Ansoff concernent de grandes entreprises engagées dans une
stratégie de diversification.

La fin des années 60 est marquée par la proposition d’outils par des cabinets de consultants
dont le BCG destinés à analyser les portefeuilles d’activités des entreprises diversifiées. Ces
outils destinés à optimiser les politiques d’investissement s’inscrivent dans une logique de
planification stratégique.

La critique
A partir de la fin des années 70, des critiques se font entendre contre les travaux précurseurs.
La principale critique porte sur le manque de flexibilité face aux ruptures stratégiques
auxquelles les entreprises sont confrontées depuis le premier choc pétrolier. La littérature se
scinde en deux courants : l’un fondé sur les contenus et l’autre sur les processus.
- L’approche par les contenus s’intéresse aux relations entre stratégie et performance.
Quelles sont les conséquences des différentes options stratégiques comme l’innovation, la
diversification ou l’internationalisation sur la performance ? Ces travaux sont inspirés par
l’économie industrielle.
- L’approche par les processus : A partir des années 70 se développe un courant critique qui
met l’accent sur les processus stratégiques. Des auteurs comme Mintzberg, Quinn ou
Pettigrew insiste sur le caractère émergent ou incrémental de la stratégie. Ce courant inspiré
de la sociologie et de la psychologie dénonce la rationalité substantive des modèles
fondateurs. Ces auteurs invitent à tenir compte dans la définition et la mise en œuvre de la
stratégie des jeux d’acteurs, des phénomènes culturels et de l’apprentissage.

L’éclectisme
Les années 90 à nos jours voient le recours à de nombreux cadres théoriques. Cette période est
marquée par la prédominance de deux grands courants : la théorie des coûts de transaction et
l’approche fondée sur les ressources.

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- La théorie des coûts de transaction, portée par Willianson, permet de répondre à une
question fondamentale faire ou faire faire. Ce courant d’inspiration économique répond aux
défis de l’externalisation auxquelles les entreprises sont confrontées au cours des années
1990.
- La théorie fondée sur les ressources est une théorie d’inspiration économique. Elle s’appuie
sur les enseignements d’Edith Penrose. Selon cette théorie, pour détenir et soutenir un
avantage concurrentiel, l’entreprise doit se recentrer sur son portefeuille de ressources et de
compétences. Cette théorie a été popularisée par Hamel et Prahalad qui insistent sur le rôle de
l’apprentissage organisationnel très prégnant dans des entreprises japonaises comme Canon.

Comme l’ensemble des sciences de gestion, la stratégie est influencée par la sociologie,
l’économie et la psychologie. Elle apparaît aujourd’hui comme une discipline traversée par de
nombreux courants. A la fin des années 1990, Mintzberg a repéré pas moins de dix écoles de
pensée.

2- Définition et vocabulaire de la stratégie


2.1- Définition
La stratégie d’entreprise peut être vue sous l’angle du contenu ou du processus. Cette
distinction permet de retenir deux définitions de la stratégie.
Dans l’approche par les contenus, la stratégie recouvre essentiellement les choix relatifs aux
couples produits-marchés auxquels l’entreprise décide de consacrer ses efforts. Les décisions
étudiées portent sur les choix relatifs à la gamme d’activités. Il s’agit :
- des décisions de diversification qui consistent à élargir la gamme des biens et services
proposés en développant de nouveaux métiers.
- des décisions de spécialisation ou les décisions de recentrage qui conduisent à se concentrer
sur un front plus étroit en portant ses efforts sur les activités et les métiers les plus porteurs ou
les métiers adaptés à ses compétences.
- des décisions d’innovation qui peuvent conduire au lancement d’un nouveau produit ou à
l’introduction d’un changement organisationnel.
- des décisions d’internationalisation qui consistent à l’extension géographique des
marchés, à travers le développement des ventes à l’exportation, l’implantation d’unités
commerciales ou de production à l’étranger.

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Cette conception de la stratégie est restrictive dans la mesure où elle met essentiellement
l’accent sur le développement des domaines d’activités. Elle ne tient pas compte des
caractéristiques qui conditionnent l’activité interne de l’entreprise ou ses rapports avec
l’environnement.
L’approche par les processus conduit à retenir une définition plus large de la stratégie
comme :
L’ensemble des choix et des processus qui déterminent dans leur ensemble les structures
internes de l’entreprise et les relations que celle-ci entretient avec son environnement et qui
visent l’obtention d’un avantage concurrentiel.

Cette définition appelle des remarques complémentaires :


- Elle englobe la définition précédente tout en la dépassant. En effet, elle permet d’inclure
dans le champ de la stratégie les choix d’ensemble concernant les activités de l’entreprise.
Mais ces activités ne représentent que l’une des relations que l’entreprise entretient avec son
environnement. Ainsi, le développement des relations non marchandes avec des partenaires
extérieurs peut être porteur d’enjeux stratégiques. Ces relations concernent les liens établis
avec les actionnaires, les pouvoirs publics, les opérations de communication destinées à
améliorer l’image de l’entreprise (relations publiques, mécénat). La stratégie de l’entreprise
est influencée par l’ensemble des parties prenantes (stackholders) comme le souligne la
théorie des parties prenantes.

Schéma 1 : Les parties prenantes

Investisseurs

Gouvernements Groupes de
Pression

Fournisseurs Entreprise Clients

Associations
Professionnelles Communauté
Locale
Employés

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- Cette définition souligne également le rôle stratégique joué par les aménagements internes.
La maîtrise des ressources qui peuvent être matérielles ou immatérielles peut procurer un
avantage concurrentiel à l’entreprise. L’approche fondée sur les ressources retient cette
conception de la stratégie.

2.2- Vocabulaire
Dans le domaine de la stratégie, certains termes sont incontournables.

- La mission représente la raison d’être de l’entreprise. Elle définit les grands objectifs que
l’organisation souhaite atteindre. Elle délimite son domaine d’activité, c’est-à-dire les clients
qu’elle veut servir et satisfaire. Elle précise ses valeurs et les priorités de ses parties prenantes.
Exemple : Google a pour mission d'organiser les informations à l'échelle mondiale dans le but
de les rendre accessibles et utiles à tous.

- La vision est la représentation présente et future de l’organisation et de son environnement.


Elle représente ce vers quoi l’entreprise souhaiterait tendre. L’écart entre la représentation
actuelle et future fait naître un état de tension qui doit déclencher une action. La tâche du
leader est de proposer une vision et de la faire partager à l’ensemble de ses collaborateurs.
Exemple : « L'ambition que je souhaite donner au groupe Orange : devenir le premier
opérateur télécom de l'ère Internet. » - Stéphane Richard (Orange)

- Le but correspond à l’orientation poursuivie par l’entreprise en cohérence avec la mission.


Le but s’exprime généralement de manière qualitative. Le but peut être la maximisation de la
valeur pour l’actionnaire, la pérennité de l’entreprise ou encore le bien-être social.
Exemple : « Tout le monde espère gagner de l'argent en faisant des affaires. Mais l'homme
peut réaliser tellement d'autres choses en faisant des affaires. Pourquoi ne pourrait-on pas se
donner des objectifs sociaux, écologiques, humanistes ? C'est ce que nous avons fait. » -
Muhammad Yunus (Grameen Bank)

- L’objectif est une quantification des buts fixés par l’entreprise. Elle permet de fixer des
jalons à l’action stratégique et d’évaluer la performance de l’organisation.

6
Exemple : « ENGIE adopte une stratégie agile qui vise à aligner ses activités industrielles sur
des enjeux environnementaux, sociaux et sociétaux ambitieux. Les objectifs extra-financiers à
horizon 2020 :
- Un taux de satisfaction de 85% de ses clients ;
- Une part de 25% d’énergies renouvelables dans le portefeuille de production du Groupe1 ;
- Une réduction de -20% du ratio d’émission de CO2 par source de production d’énergie, par
rapport à 2012. »

- La capacité stratégique recouvre l’ensemble des ressources et des compétences qui


distinguent l’entreprise de ses concurrents et qui lui permettent d’obtenir un avantage
concurrentiel, c'est-à-dire qui permettent de tirer une source de revenus supérieure à celle des
concurrents.
Exemple : ENGIE est l’un des premiers énergéticiens au niveau mondial, qui est présent sur
l’ensemble de la chaîne de l’énergie, en électricité et en gaz naturel, de l’amont à l’aval.

- Le modèle économique ou business model est le choix que font les organisations pour
générer des revenus (Lecocq et al., 2006). Ces choix portent à la fois sur les ressources et les
compétences à valoriser ou à développer, sur l’offre élaborée à partir de la valorisation de ces
ressources et compétences, et enfin, sur l’organisation mises en œuvre pour générer des
revenus. Le business model peut s’apprécier au niveau d’un secteur (modèles low cost, open
source…) ou au niveau d’une entreprise.
Exemple : Le « drive » est un nouveau business model pour la grande distribution qui consiste
à passer commande et à acheter sur Internet, puis à venir récupérer ses produits en voiture à
un point de retrait.

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3- Les décisions stratégiques

3.1- caractéristiques de la décision stratégique


Igor Ansoff propose de classer les décisions selon leur degré d’importance pour le devenir de
l’entreprise, en adoptant une représentation pyramidale :
- Les décisions stratégiques concernent les relations entre l’entreprise et son environnement.
Ces décisions renvoient aux choix des marchés et des produits, c’est-à-dire au positionnement
concurrentiel, mais également aux choix des ressources et compétences susceptibles de
procurer un avantage concurrentiel à l’entreprise. Il s’agit de décisions non-programmables.
- Les décisions tactiques sont relatives à la gestion des ressources à travers notamment leur
acquisition, leur organisation et leur développement.
- Les décisions opérationnelles portent sur l’exploitation courante et sont de nature
programmable.

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Les décisions stratégiques

Importance
Les décisions tactiques croissante
ou de gestion

Les décisions dites


opérationnelles

Typologie de la décision proposée par I. Ansoff

Cette typologie tend à être remise en cause pour plusieurs raisons :


- L’horizon de planification tend à se réduire dans un contexte d’hypercompétition ce qui rend
ténu la frontière entre ces niveaux.
- La dimension stratégique est relative : ce qui est perçu comme stratégique pour un
responsable de département peut être perçu comme tactique pour la direction.
- Les décisions à caractère tactique ou opérationnel peuvent avoir un impact stratégique
(Affaire du Benzène dans le Perrier aux Etats-Unis).

Les décisions stratégiques doivent permettre de répondre aux interrogations suivantes :


- Quelle est notre vision à trois ou cinq ans ? : les décisions stratégiques concernent
les orientations à long terme d’une organisation.
- Quels marchés souhaitons-nous développer ? : les décisions stratégiques concernent
le périmètre d’activité d’une organisation. Elles ont pour but l’obtention d’un
avantage concurrentiel.
- Quels rapports entretenir avec nos partenaires externes (clients, fournisseurs,
banquiers, pouvoirs publics…) ? : la stratégie est influencée par les attentes et les
valeurs des acteurs susceptibles d’exercer un pouvoir sur elle.
- Quelles structures internes faut-il adopter ? : La stratégie est construite à partir des
ressources et des compétences de l’entreprise. Il ne s’agit pas simplement de
s’adapter à l’environnement mais au contraire d’exploiter la capacité de
l’organisation afin de construire de nouvelles conditions de succès voire de
développer de nouveaux marchés.

9
Ces questions font référence aux quatre variables essentielles de l’analyse stratégique : les
buts, l’environnement, l’organisation et les activités.

CORPORATE STRATEGY

LES BUTS

L’ENVIRONNEMENT L’ORGANISATION

LES ACTIVITES

BUSINESS STRATEGY

Les principales caractéristiques des décisions stratégiques sont les suivantes :


- Les décisions sont complexes car il s’agit de tenir compte de nombreux éléments en
interaction.
- Les décisions sont incertaines car l’environnement des entreprises est en perpétuelle
transformation. Il est difficile de prévoir effets de nos actions et les réactions des différentes
parties prenantes.
- Si les décisions stratégiques influencent les décisions opérationnelles, la réciproque est
vraie. D’une part, la mise en œuvre de la stratégie dépend du niveau d’engagement des
salaries. D’autre part, les actions quotidiennes peuvent impacter les orientations stratégiques.
- Les décisions ont une dimension temporelle. Le changement est intimement lié à la décision
stratégique. L’histoire de l’entreprise à travers l’accumulation de compétences et de
ressources, la culture peuvent constituer un frein au changement.

3.2- Les trois niveaux de la décision stratégique


Les décisions stratégiques peuvent concerner l’ensemble de l’entreprise ou certaines de ses
composantes. Il existe donc deux niveaux :

- La stratégie de groupe qualifiée de Corporate Strategy, voire de stratégie d’entreprise,


détermine les domaines d’activité de l’entreprise. Elle conduit l’entreprise à s’engager dans tel

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ou tel secteur, ou se retirer de tel autre, afin de se constituer un portefeuille d’activité
équilibré. Elle précise les modalités de développement qui peuvent prendre la forme
d’investissement ou de désinvestissement, de fusion-acquisition ou encore de co-entreprise.
Cette stratégie est très influencée par les parties prenantes et en particulier par les
actionnaires. Les choix opérés sont justifiés très souvent en termes de création de valeur pour
l’actionnaire. La direction doit s’assurer que la stratégie corporate est bien comprise par
l’ensemble des salariés, car son succès dépend de la cohérence entre cette stratégie et
l’ensemble des autres décisions stratégiques.

- La stratégie d’activité qualifiée de Business Strategy ou de stratégie secondaire est mise en


œuvre dans chacun des domaines d’activité. Elle consiste à déterminer comment un avantage
peut être obtenu par rapport aux concurrents et quels nouveaux marchés peuvent être
identifiés ou construits. Cette stratégie concurrentielle définit les manœuvres que l’entreprise
doit accomplir afin de se positionner favorablement face à ses concurrents dans un secteur
donné. Elle se décline en termes de prix, de différenciation ou encore d’innovation. Elle
concerne une partie de l’organisation. On parle de domaine d’activité stratégique. Chaque
domaine se voit allouer des ressources et doit atteindre des objectifs.
Dans les organisations de petite taille, corporate strategy et business strategy se confondent.
Ce découpage devient pertinent dès lors que ces organisations s’engagent dans une stratégie
de diversification.

- Il est possible de distinguer un troisième niveau appelé stratégie fonctionnelle ou stratégie


opérationnelle. Les stratégies opérationnelles déterminent comment les différentes
composantes de l’organisation déploient effectivement les stratégies définies au niveau global
et au niveau des DAS. Il s’agit de fixer des stratégies et des objectifs pour chaque fonction de
l’entreprise. Les responsables de fonction influencent le cours stratégique de l’entreprise par
les décisions qu’ils prennent et par la mise en œuvre des stratégies de niveau supérieur.

Conclusion : la stratégie entre émergence et délibération


Mintzberg montre que les décisions stratégiques sont une combinaison de choix délibérés et
de décisions émergentes.

11
La stratégie délibérée correspond à la planification stratégique. Elle se présente comme un
processus rationnel, de haut en bas, dans lequel définition et mise en œuvre coïncident. Ce
processus s’observe lorsque l’environnement est stable. Mintzberg montrent lorsque ces
conditions de stabilité ne sont pas remplies, la décision stratégique est un processus
discontinu, de bas en haut, avec des retours en arrière. Les stratégies viennent de la base de
l’organisation. Elles constituent une réponse à des événements imprévus et elles sont
qualifiées par Mintzberg de stratégies émergentes.

Stratégie délibérée
Stratégie projetée

Stratégie réalisée

Stratégie non
réalisée
Stratégie
émergente

Pour Mintzberg le management doit :


- reconnaître rapidement les stratégies émergentes délivrées par l’organisation en valorisant
les meilleures et en écartant les plus mauvaises ;
- confronter les stratégies émergentes avec les objectifs de l’entreprise, avec les menaces et
opportunités et les forces et faiblesses.

Peut-on se passer de stratégie ?


Les études dans le champ de la stratégie montrent, quelle que soit la stratégie retenue, que les
entreprises qui développent une orientation stratégique se distinguent de leur concurrent :
- elles cernent mieux que les autres les facteurs de succès dans un secteur d’activité ;
- elles segmentent le marché et parviennent à mieux exploiter leurs avantages concurrentiels ;
- elles connaissent mieux leur avantage concurrentiel et ceux de leurs concurrents
- elles arrivent mieux à anticiper les réponses de leurs concurrents.

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CHAPITRE 1- LES FONDEMENTS
DE LA DECISION STRATEGIQUE

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la conception de l’entreprise se renouvelle


profondément. L’entreprise n’est plus considérée comme une boite noire mais comme un
système ouvert en interaction avec son environnement. C’est au cours de cette période que les
premiers modèles de décisions stratégiques voient le jour aux Etats-Unis. Ils sont construits
autour de deux grands axes dont la combinaison permet la formulation d’une stratégie :
- l’étude des caractéristiques de l’environnement concurrentiel et sociétal
- l’analyse des caractéristiques et objectifs de l’entreprise.

1- Présentation du modèle LCAG


En 1965, quatre professeurs de la Harvard Business School, E. P. Learned, C. R. Christensen,
K. R. Andrews et W. D. Guth, vont proposer le modèle LCAG (Business Policy) qui repose
sur l’étude d’une centaine de cas d’entreprises. Ils proposent une démarche simple qui permet
de guider les dirigeants dans l’élaboration du diagnostic stratégique et dans la formulation de
la politique générale. Le but de la politique générale est la maximisation de la valeur des
actions, ce qui revient à maximiser le profit.
Cette conception de la stratégie s’applique à de très grandes entreprises qui vendent une
multitude de produits dans des secteurs très différents. Les stratégies au niveau de chacun des
DAS doivent être cohérentes avec la stratégie élaborée au niveau de la direction générale. Le
modèle LCAG concerne l’analyse des stratégies concurrentielles.

La démarche proposée par le modèle LCAG comporte cinq phases :


- le diagnostic externe qui approfondit la connaissance de l’environnement ;
- le diagnostic interne, qui procède par à un inventaire systématique des ressources, moyens et
capacités de l’entreprise en fonction de l’environnement et en particulier de la concurrence.
- la détermination de toutes les possibilités d’action en évaluant les avantages et les
inconvénients ;
- la clarification des valeurs des dirigeants et de l’entreprise et en particulier la responsabilité
sociale de l’entreprise.

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- la confrontation des actions possibles avec les objectifs généraux de l’entreprise, pour
définir les choix de manœuvres stratégiques.
Les deux principales composantes du modèle sont le diagnostic interne et externe :
– le diagnostic externe privilégie la mise en évidence des facteurs clés de succès ou de
compétences nécessaires pour réussir, à partir d’une analyse des menaces et opportunités que
suscite l’environnement. L’étude de l’état et de l’évolution de l’environnement couvre trois
points principaux :
1/ La définition des limites de l’environnement pertinent de l’entreprise en fonction de son
environnement global. Cette phase permet de déterminer le terrain sur lequel l’entreprise
positionne la concurrence et par conséquent son potentiel de croissance et sa probabilité de
succès.
2/ Il s’agit ensuite de repérer systématiquement les tendances les plus significatives qui
affectent l’environnement de l’entreprise dans toutes ses dimensions (économique, légal,
technologique, socioculturel).
3/ Enfin il faut classer ces tendances en opportunités ou menaces, en sachant qu’une attitude
proactive permet de transformer des menaces et en opportunités, et inversement en cas
d’attitude passive.

– le diagnostic interne privilégie la mise en évidence des avantages concurrentiels de


l’entreprise. L’analyse des forces et faibles est menée par référence aux fonctions de
l’entreprise et en termes relatifs par rapport à la concurrence, mais aussi en fonction du temps,
de façon à évaluer les capacités d’adaptation aux évolutions de l’environnement. Le
diagnostic doit permettre de définir le profil concurrentiel de l’entreprise indispensable pour
élaborer le cadre des manœuvres stratégiques.

La confrontation entre les caractéristiques propres à l’entreprise et celles de l’environnement


doit conduire à la formulation de projets stratégiques qui, en s’appuyant sur les forces et en
corrigeant les faiblesses de l’entreprise, permettent de tirer parti des occasions favorables, tout
en se protégeant contre les menaces.

Il est rare que tous les projets stratégiques envisagés soient simultanément réalisables. Dans
ces conditions, une sélection demeure généralement nécessaire entre projets concurrents.
Cette sélection est réalisée en fonction de l’évaluation des projets et compte tenu des moyens
mobilisables. L’échelonnement des projets retenus sur les années à venir pourra être prévues

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dans le cadre de la planification stratégique de l’entreprise. Les procédures de planification
permettent précisément de prévoir et de dater des projets d’action destinés à faire entrer dans
les faits les orientations de la stratégie.

Ce modèle porte parfois le nom de modèle SWOT, car il met en balance les forces (Strength)
et faiblesses (Weakness) au sein de l’organisation, et les menaces (Threat) et opportunités
(Opportunity) détectables dans l’environnement. Il a connu un vif succès, mais il fait l’objet
de nombreuses critiques.
1. Analyse de l’environnement 2. Analyse de l’entreprise
Diagnostic externe Diagnostic interne
- Facteurs clés de succès - Compétences distinctives
- Identification des opportunités et des - Etude des résultats passés
menaces - Audit de gestion et positionnement
- Environnement général et concurrence - Identification des forces et faiblesses
de l’entreprise

3- Synthèse interactive
- Analyse avantages inconvénients
- Analyse risques/résultats
- Recensement et évaluation des possibilités
d’action
- Analyse compatibilité / incompatibilité

3’. Intégration des valeurs


3’’. Intégration des valeurs des dirigeants
sociétales - Objectifs généraux
- Responsabilité sociale de - Formation des dirigeants
l’entreprise
- Culture de l’entreprise
- citoyenneté de l’entreprise

4. Formulation stratégique
- Segmentation des activités
- Définition des objectifs fonctionnels et opérationnels
- Choix des moyens et affectation des ressources

2- Les limites du modèle LCAG


Les critiques formulées à l’encontre du modèle LCAG concernent la méthodologie et la
fixation des buts.

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H. Mintzberg a souligné les limites méthodologiques de cette approche qualifiée d’école de
la conception (design school) :
- Cette méthodologie laisse entendre que les décisions stratégiques sont et doivent être prises
de façon rationnelle, logique. Or, le plus souvent elles sont prises de façon artisanale et
intuitive, car le décideur ne dispose jamais de toutes les informations nécessaires et utiles.
Parfois il en a trop, et ses capacités cognitives limitées ne lui permettent pas de toutes les
traiter. Mais le plus souvent il ne dispose pas suffisamment d’information en particulier sur
les intentions et résultats des concurrents.
Les décisions prises ne sont jamais linéaires : il faut reboucler en arrière, revenir sur les
hypothèses, sur des décisions, au vu des résultats ou d’événements nouveaux. En particulier,
les décisions prises entraînent des réactions et des modifications de l’environnement

- En second lieu, cette méthodologie est appliquée à de grandes entreprises, qui maîtrisent
largement leur secteur d’activité, même si elles doivent faire face à une vive concurrence.
Elles évoluent le plus souvent dans un environnement stable qui détermine leurs actions si
elles veulent maximiser le profit. Or au cours des années 1970, l’environnement va devenir
instable suite à des modifications brutales, des ruptures dans la technologie et dans les modes
de consommation des pays industrialisés. Ce modèle ne s’applique plus qu’à un petit nombre
d’entreprises. La plupart des décisions stratégiques sont prises dans un contexte de forte
incertitude environnementale. Les très grandes entreprises comme IBM ont eu du mal à
s’adapter aux ruptures stratégiques. Ce nouveau contexte montre que la flexibilité stratégique
est incompatible avec la démarche rationnelle.

- En troisième lieu, Cette démarche laisse entendre qu’il existe une solution optimale à
découvrir (one best way). Or dans la réalité le décideur recherche une solution satisfaisante.

La deuxième famille de critiques porte sur la fixation des buts. Le modèle LCAG repose sur
une croyance fondamentale en l’efficience des marchés et de la concurrence dans une
économie capitaliste. L’objectif partagé par les actionnaires et les managers est la
maximisation du profit. De nombreux auteurs ont remis en cause cette hypothèse :
- la maximisation du profit n’est pas claire : s’agit-il du profit à court ou long terme. La
logique de maximisation du profit à court terme peut conduire à privilégier le court terme et
donc à sous-estimer les besoins d'investissement (communication, formation…).

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- les actionnaires et les managers ne partagent pas nécessairement les mêmes objectifs. Dans
les années 1930, Berle et Means ont montré que les décisions stratégiques appartenaient dans
une grande majorité aux dirigeants salariés des grandes entreprises. Celles-ci n’étaient pas
totalement contrôlées par les actionnaires trop nombreux. Ces auteurs montrent que les
managers privilégiaient d’autres buts tels que la croissance, leur revenu monétaire…, au
détriment du profit maximum.

2- Présentation de la démarche stratégique


La démarche stratégique s’est enrichie de nombreux modèles au cours des Trente dernières
années. L’ensemble de ces approches peut être structuré dans une démarche cohérente
comprenant cinq grandes étapes.

1- La segmentation stratégique
Il s’agit d’identifier au sein d’un ensemble hétérogène de marchés, de produits, de
technologies qui constituent l’activité globale de l’entreprise un ensemble homogène du point
de vue de la formulation de la stratégie et donc de l’allocation des ressources, à partir desquels
on pourra construire la réflexion stratégique

2- L’analyse concurrentielle
Pour chacun des domaines d’activités, il convient d’en analyser les caractéristiques
intrinsèques (croissance, taux moyen de rentabilité, potentiel de développement…), de

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déterminer quelles sont les principales forces qui s’y exercent et d’identifier ainsi les ressorts
de la concurrence. Le modèles des 5+1 forces de Porter permet de mesurer l’intensité
concurrentielle au sein d’un secteur. Porter défend la thèse que plus l’intensité concurrentielle
est forte et plus le niveau de rentabilité à l’intérieur d’un secteur est faible. Le schéma ci-
dessous reprend les différentes forces concurrentielles et permet de les évaluer de 0 à 10.
L’intérêt de cette représentation est double :
- une hiérarchisation des forces concurrentielles pour concentrer l’action stratégique dans
certaines directions ;
- une évaluation globale pour apprécier l’attractivité d’un secteur.

Danone, Nestlé, Intensité


Menace des entrants
potentiels Senoble, MDD concurrentielle
Pepsi, Coca 10
10

5 5
Pouvoir de
Pouvoir de
négociation des
négociation
fournisseurs
des clients
10 5 5 10

Coopérative laitière 0 Distributeurs


Conditionnement Restauration
5 5 collective
Logistique
Particuliers

Fruits
Concurrence Menace des
Barres chocolatés produits de
Sécurité alimentaire
10 Pouvoir de l’Etat Produits surgelés substitution
10
Analyse des forces concurrentielles dans le secteur des desserts lactés

3- La construction d’un avantage concurrentiel


Pour chacun des domaines d’activités, une stratégie appropriée doit être mise en œuvre. Les
deux principales stratégies envisageables sont les stratégies de domination par les coûts et les
stratégies de différenciation. La construction d’un avantage concurrentiel repose sur des
compétences distinctives. Il s’agit de ressources et de compétences propres à l’entreprise et
difficilement imitables.

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La construction d’un avantage concurrentiel repose sur des compétences distinctives. Il s’agit
de ressources et de compétences propres à l’entreprise et difficilement imitables. Cette
construction peut se réaliser en s’appuyant sur le modèle de la chaîne de valeur.

4- Les voies et modes de développement stratégiques


En croisant produits et missions, il est possible de faire apparaître les axes de développement
de l’entreprise. Ansoff parle de vecteur de croissance. Il existe deux grandes directions dans
lesquelles peut s’engager l’entreprise : l’expansion et la diversification.

PRODUITS ACTUELS PRODUITS NOUVEAUX


PENETRATION DE LANCEMENT DE
MISSIONS ACTUELLES
MARCHES NOUVEAUX PRODUITS
DEVELOPPEMENT DE
MISSIONS NOUVELLES DIVERSIFICATION
MARCHES

19
Ces développements peuvent être réalisés par croissance interne ou croissance externe
(fusion, acquisition, alliances…). Ce choix suppose une réflexion préalable fondée sur
l’analyse de l’écart entre les capacités de production qu’elle détient et les capacités de
productions requises pour couvrir l’ensemble des couples produits × marchés. Il faut
également repérer les synergies possibles en combinant plusieurs couples produits × missions.
La synergie est un surcroît d’efficience ou d’efficacité que l’on observe lorsque des activités
qui restaient exploitées isolément sont poursuivies de façon conjointes. L’identification
d’effets de complémentarité détermine l’aptitude de l’entreprise à réussir dans un nouveau
domaine, en valorisant ses potentiels productifs, financiers, commerciaux, technologiques et
humains.

Application au groupe Carrefour

PRODUITS ACTUELS PRODUITS NOUVEAUX

RENFORCEMENT DE LA DRIVE
MISSIONS ACTUELLES
PART DE MARCHE E-COMMERCE
INTERNATIONALISATION PRODUITS FINANCIERS
MISSIONS NOUVELLES
(CHINE) VACANCES CARREFOUR

5- Le management d’un portefeuille diversifié d’activités


La diversification conduit l’entreprise à gérer un ensemble de domaines d’activité pour lequel
elle doit prendre des décisions d’allocation des ressources. Les modèles de portefeuille
d’activités permettent une gestion globale et permettent d’assurer une cohérence et un
équilibre de l’ensemble des activés. Cette analyse est réalisée à partir de deux dimensions
principales :
- La valeur ou l’attrait des domaines d’activités,
- La position concurrentielle de l’entreprise sur chacun de ces domaines.

20
CHAPITRE 2- LES STRATEGIES DE DIVERSIFICATION

Au début des années 1970, les grandes entreprises américaines et multinationales qui
proposent des biens de grande consommation, commencent à se heurter à un phénomène de
saturation de la demande. Le modèle du cycle de vie des produits montre que ces produits
arrivent dans une phase de stagnation de la demande, voire de déclin. Les entreprises pour
faire face à la concurrence ont plusieurs solutions :
- elles peuvent grâce à l’innovation et à une politique commerciale agressive renouveler de
façon incessante l’image de leurs produits aux yeux des consommateurs. Cette démarche se
révèle très coûteuse.
- La seconde stratégie consiste à atteindre une taille critique qui permettrait à l’entreprise
d’exercer un pouvoir de marché.
- La troisième option consiste en l’abandon des couples produits  marchés pour lesquels
l’entreprise ne peut exercer un pouvoir de marché et pour lesquels les perspectives de
développement sont insatisfaisantes.

La dernière option se justifie d’autant plus que les grandes entreprises ont eu tendance au
cours des années 50 et 60 à se développer par diversification. C’est dans ce contexte, que les
cabinets de consultants vont proposer des outils d’analyse plus connus sous le nom de matrice
de portefeuilles d’activités. Ces matrices ont rencontré un très grand succès au cours des
années 70, avant de faire l’objet de vives critiques au cours des années 80.

SECTION 1- LES FONDEMENTS DE LA DIVERSIFIACATION

Les entreprises doivent rechercher une répartition équilibrée de leurs différentes activités afin
d’établir entre elles des liens de complémentarité et une compensation des risques. Cela
suppose qu’elles réalisent un découpage de leurs activités en domaines d’activités
stratégiques.
Elles doivent s’interroger au préalable sur la pertinence d’une stratégie de diversification. La
question doit être tranchée à partir d’une réflexion en termes de création de valeur.

21
1- Diversification et création de valeur
Lorsque les domaines d’activité stratégique (DAS) sont indépendants, l’allocation des
ressources et leur contrôle dépendent des marchés financiers, ce qui peut être moins efficient.

En effet, le siège :
- dispose d’informations internes peu accessibles aux analystes externes (meilleur contrôle et
meilleure allocation des ressources) ;
- facilite le transfert de connaissances ;
- crée une émulation entre dirigeants de DAS.

L’analyse des stratégies de diversification des entreprises montre qu’elles peuvent être à la
fois créatrices et destructrices de valeur. Le tableau suivant résume ce double mouvement en
soulignant le rôle du siège dans ce processus.

Création de valeur Destruction de valeur

Le siège : Le siège :
- améliore l’efficience - génère des coûts
- fournit un niveau d’expertise et de services - entraîne des lourdeurs bureaucratiques
hors de portée pour de simples DAS - ralentit les décisions et la vitesse de réponse
- équilibre les risques au marché
- construit une image de marque - empêche les activités de prendre conscience
- facilite l’innovation des coûts réels de financement
- Développe une intention stratégique
(motivation)

Aujourd’hui, les marchés financiers expriment une certaine méfiance vis-à-vis de stratégies de
diversification. Des entreprises comme Vivendi ou General Electric ont subi des pressions
pour se recentrer. Il existe néanmoins des contre-exemples comme le Groupe Samsung en
Corée du Sud qui est présente dans des secteurs aussi variés que l'électronique, le BTP et la
construction navale ou comme Bouygues en France qui détient des activités dans la
téléphonie, le bâtiment ou encore la télévision.

22
Afin de déterminer quel doit être le rôle de la direction générale et quel portefeuille d’activités
lui conviendra le mieux, on peut utiliser la matrice d’Ashridge. Cette matrice repose sur l’idée
que le siège doit chercher à construire un portefeuille d’activités qui soit compatible avec ses
compétences centrales.

En s’appuyant sur ce principe, les organisations doivent être capables d’améliorer la


compatibilité de leur portefeuille d’activités selon deux dimensions :
 l’adéquation entre d’une part les FCS des DAS et d’autre part les compétences,
ressources et les caractéristiques de la DG. Il s’agit de la capacité du siège à
comprendre les DAS.
 L’adéquation entre d’une part les opportunités de consolidation des DAS et d’autre
part les compétences, les ressources et les caractéristiques de la DG. Il s’agit de la
capacité du siège à ajouter de la valeur aux DAS.
1. Les activités cœur sont celles que la direction générale peut valoriser sans risque. Elles
doivent être au centre de la stratégie future.
2. Les activités mirage sont celles que la direction générale comprend bien mais qu’elle
n’a pas la capacité d’aider. Ces activités ne gagnent généralement rien à faire partie de
l’organisation et seraient tout aussi performantes en tant qu’entreprises indépendantes.
Si elles font partie d’une stratégie future, elles doivent être gérées d’une manière qui
préserve leur autonomie.
3. Les activités gouffre sont dangereuses. Elles semblent attrayantes car la direction
générale ou la maison mère peut les valoriser. Cependant cet attrait est trompeur, car il
est très probable que les actes de la DG détériorent la performance de ces activités plutôt
qu’ils ne les améliorent. Les activités gouffre ne doivent être incluses dans la stratégie
future qu’à la condition qu’on puisse les faire évoluer en activités cœur, ce qui implique
généralement modifier certaines des compétences, ressources ou caractéristiques de la
DG.
4. Les activités intrus sont clairement inadaptées. Elles ne sont pas cohérentes avec les
caractéristiques de la DG, qui est incapable de les valoriser. La meilleure solution
consiste à ne pas les conserver.

23
Elevée
Activité Activités
mirage coeur
Capacité d siège à
comprendre les FCS
des DAS

Activités Activités
intrus gouffre
Faible

Faible Elevée
Capacité du siège à ajouter de la valeur aux DAS

Adapté de Good M., A. Campbell et M. Alexander, Corporate Level Strategy, Willey, 1994.

2- La segmentation stratégique
La segmentation stratégique constitue le fondement de toute analyse stratégique, tant pour
définir les critères d’allocation des ressources que pour la comparaison entre concurrents. Il
existe différents niveaux de segmentation : on parle de micro, méso et macro-segmentation.
Le premier niveau correspond à une segmentation opérationnelle tandis que les deux autres
niveaux relèvent de l’analyse stratégique.
– La micro-segmentation consiste à repérer des segments de marché, c’est-à-dire des
ensembles de clients présentant les mêmes comportements d’achat.
– La meso-segmentation consiste à délimiter des domaines d’activités qui sont des ensembles
de lignes de produits s’appuyant sur les mêmes ressources et confrontés aux mêmes
concurrents.
– La macro-segmentation correspond à la notion de métier exercé par l’entreprise, en d’autres
termes l’ensemble des compétences qu’elle maîtrise et qui lui permettent d’être présent dans
un ou plusieurs domaines d’activités principaux.

24
Segmentation stratégique du groupe Castel

Production / Négoce
Distribution Bière et boissons
gazeuses (Afrique)

Brasseries et
Glacières
Internationales

La segmentation stratégique consiste à procéder à des regroupements d’activités en domaines


d’activités stratégiques suffisamment homogènes pour qu’ils impliquent un même ensemble
d’actions stratégiques.

On peut définir le domaine d’activité stratégique comme un ensemble homogène de biens et


ou services destinés à un marché spécifique, ayant des concurrents déterminés, et pour
lesquels il est possible de formuler une stratégie.

D’un point de vue théorique, deux domaines d’activités stratégiques seraient des domaines
entre lesquels les synergies industrielles, technologiques ou commerciales seraient nulles. Le
principe de la segmentation consiste à opérer un découpage de façon à minimiser les
synergies entre DAS et à les maximiser au sein de chaque DAS.

Derek Abell propose de définir l’activité à partir de trois dimensions :


– Les fonctions du produit correspondent aux services attendus grâce à l’utilisation du
produit. Autrement dit, il s’agit des besoins satisfaits par le produit. L’entreprise peut choisir
de satisfaire un ou plusieurs d’entre eux (prix, esthétique, garantie, proximité…. ).
– Les clients sont regroupés en fonction de critères géographiques, socio-démographiques.
– La technologie utilisée pour assumer ces fonctions.

25
Fonctions

Clientèles

Technologies

La réalisation d’une segmentation stratégique se heurte à des difficultés à la fois


méthodologiques et organisationnelles.
D’un point de vue méthodologique, il faut tenir compte du degré de finesse et de la précarité
de la segmentation.
En terme de finesse, deux écueils qui faussent l’analyse du jeu concurrentiel doivent être
évités :
– une segmentation trop fine revient à confondre segmentation stratégique et segmentation
marketing et donc à négliger le fait que plusieurs produits ou services peuvent mettre en jeu
les mêmes compétences, et relever ainsi du même DAS ;

Segmentation marketing Segmentation stratégique


 Concerne un secteur d’activité de  Concerne les activités de l’entreprise.
l’entreprise.
 Vise à diviser les consommateurs en  Vise à diviser ces activités en
groupes caractérisés par : groupes homogènes qui relèvent :
- les mêmes besoins, - de la même technologie,
- les mêmes habitudes, - des mêmes marchés,
- les mêmes comportements d’achat. - des mêmes concurrents.
 Permet d’adapter les produits aux  Permet de révéler :
consommateurs, de sélectionner des - Des opportunités de création ou
cibles privilégiées, de définir le d’acquisition de nouvelles activités,
marketing-mix. - Des nécessités de développement ou
d’abandon d’activités actuelles.
 Provoque des changements à court et  Provoque des changements à moyen
moyen terme. et long terme.

26
– tandis qu’une segmentation trop globale revient à assimiler DAS et les notions statistiques
de branche industrielle ou commerciale. On risque alors de confondre dans les mêmes DAS
des activités relevant de stratégies divergentes voire opposées.
La segmentation présente également un caractère précaire. En effet, un découpage stratégique
ne peut être considéré comme définitif mais doit au contraire faire l’objet de remises en
causes pour éviter de correspondre à une analyse obsolète du jeu concurrentiel. Celui-ci peut
se modifier sous l’influence de facteurs technologiques, économiques ou géographiques.

D’un point de vue organisationnel, rien ne garantit que la segmentation obtenue à l’aide des
données concurrentielles et à l’aide de l’analyse économique et technologique des secteurs
d’activité coïncide nécessairement avec la structure de l’entreprise. Lorsque les DAS ne
correspondent pas aux découpages de l’organisation, il est portant rare que les entreprises
procèdent à une restructuration. En effet, toute redistribution est l’occasion de conflits pour
l’attribution de produits ou d’ensemble de produits.

Une fois que les domaines d’activités stratégiques ont été repérés, il convient ensuite
d’identifier les éléments qui assurent le succès de l’entreprise dans un domaine pour que
celle-ci puisse occuper une position concurrentielle avantageuse. Pour identifier et décrire les
facteurs clé de succès de chaque segment stratégique, on retient généralement cinq grandes
catégories de critères : la position sur le marché, la structure relative des coûts, la maîtrise
technologique, l’image de l’entreprise et de ses produits et la rentabilité.

SECTION 2- LES MODELES DE PORTEFEUILLE D’ACTIVITE

A la fin des années 60, les analyses de portefeuille d’activités vont être mises en pratique par
des cabinets de consultants en stratégie de marché. Les analyses les plus connues sont celles
proposées par le Boston Consulting Group (BCG), le cabinet McKinsey et le cabinet Arthur
D. Little (ADL). Leurs modèles reposent sur trois principes :
- la segmentation stratégique, c’est-à-dire le découpage de l’entreprise en domaine d’activité
stratégique, pour lesquels il est possible de formuler des stratégies spécifiques et auxquels il
est nécessaire d’allouer des ressources.

27
- la recherche des facteurs clés de succès, c’est-à-dire les éléments qui permettent à
l’entreprise dans un domaine spécifique d’évoluer vers une position concurrentielle
avantageuse. Il s’agit des compétences et des ressources qu’une entreprise doit détenir dans
un segment stratégique pour être performante.
- L’allocation des ressources financières entre les différents segments stratégiques qui
composent le portefeuille d’une entreprise. La réflexion est conduite au niveau de l’ensemble
de l’entreprise en tenant compte aussi bien de la position concurrentielle que des ressources
financières consommées et générées par chacun des domaines.
Les modèles de portefeuilles d’activités retiennent deux principales variables pour caractériser
les DAS : la première variable traduit l’intérêt intrinsèque du domaine, son attrait ; la seconde
variable traduit la position concurrentielle de l’entreprise sur le marché.
Le modèle BCG retient un seul critère quantitatif pour évaluer chacune de ces deux
dimensions, alors que les deux autres modèles retiennent plusieurs critères aussi bien
quantitatifs que qualitatifs. Dans le premier cas, on parle de modèles quantitatifs et dans le
deuxième cas de modèles qualitatifs ou multicritères.

1- La matrice BCG
Trois hypothèses sous-tendent ce modèle :
– le taux de croissance de l’activité permet d’apprécier l’attrait et il est directement relié au
cycle de vie du produit ;
– la part de marché relative permet de bénéficier de l’effet d’expérience et constitue donc un
indicateur de la position concurrentielle ;
– la combinaison de ces deux dimensions permet de déterminer les flux nets de liquidités
générés par chaque DAS.

1.1- Présentation de l’effet d’expérience


Selon l’effet d’expérience le coût d’un travail répété décroît d’un pourcentage fixe, compris
en moyenne entre 20 et 30 %, chaque fois que le volume total accumulé de production double.
Ce phénomène connu depuis le début des années 20 a été observé à l’origine dans l’industrie
aéronautique. Pour étudier ce phénomène, on utilise des courbes qui représentent l’évolution
des coûts unitaires en fonction de l’expérience, c’est-à-dire en fonction du volume cumulé de
production. Mathématiquement, cette relation est de la forme :
Ct = C0 (Pt / P0) - x

28
Avec : Ct et C0 = coût unitaire aux temps t et 0
Pt et P0 = volume accumulé de production aux temps t et 0
x = constante représentant l’effet d’expérience
Il est possible d’obtenir une représentation linéaire de l’effet d’expérience en retenant une
formulation logarithmique, soit :
ln Ct = ln C0 – x ln (Pt / P0)
Coûts
unitaires

100 x = 0,2344652536

85

72,25
Production
cumulée
10 20 40

Selon cette théorie, l’entreprise qui a le plus gros volume de production cumulé devrait avoir
les coûts unitaires les plus bas. Autrement dit, elle bénéficie d’un avantage coût vis-à-vis de
ses concurrents. Elle peut supporter des baisses de prix et donc s’engager dans une guerre des
prix de façon à éliminer les entreprises les moins performantes. Elle peut également dégager
une marge plus confortable lui permettant d’investir davantage dans les domaines du
marketing, de la recherche et développement ou dans les capacités de production pour
renforcer sa position.

Coûts
unitaires Perte
Prix en t

Marge

Production
cumulée
Entreprise Entreprise Entreprise
A B C

Le BCG montre qu’il existe trois facteurs explicatifs à l’effet d’expérience :


– Les économies d’échelle s’expliquent par l’étalement des frais fixes sur une plus grande
production et par l’amélioration des frais variables grâce à de meilleurs procédés.
– L’apprentissage : la répétition d’une tâche accroît les capacités de l’exécutant et permet des
gains productivités.

29
– L’innovation est obtenue par une concentration des efforts de recherche sur un domaine de
compétence particulier (accumulation de savoirs).

L’effet d’expérience se heurte à de nombreuses limites :


– Certains marchés sont peu ou pas sensibles au prix, le coût n’est donc pas nécessairement un
avantage concurrentiel déterminant. Autrement dit, ce cadre d’analyse ne peut s’appliquer
qu’à des industries de volume.
– L’innovation de produits ou de procédés peut bouleverser les positions au niveau des coûts.
Le leader peut avoir du mal à adapter son système de production à la nouvelle technologie.
L’application de cette théorie favorise la mise en place de système de gestion et de structures
organisationnelles débouchant sur une entreprise peu flexible.
– Il est possible de bénéficier d’un avantage coût sans s’appuyer sur l’effet d’expérience en
particulier en adoptant certaines méthodes de gestion qui réduisent les stocks ou les délais de
conception telles que le juste à temps, l’ingénierie concourante.

1.2- Présentation de la matrice


La matrice BCG vise à apprécier la rentabilité à court terme de l’entreprise et son potentiel de
croissance à long terme. Elle retient deux variables :
– en abscisse, la valeur ou l’attrait du DAS qui est mesuré par la part de marché relative. Cet
indicateur compare la part de marché de l’entreprise à celle du principal concurrent. La
mesure se fait de préférence en volume. En effet, le chiffre d’affaires dépend largement de la
politique de prix de l’entreprise. Une part de marché relative supérieure à un est censée être le
reflet d’une meilleure rentabilité par rapport au concurrent, en raison de l’effet d’expérience.
La valeur médiane utilisée sur cet axe est 1, mais le BCG montre qu’une valeur supérieure à
1,5 correspond au seuil à partir duquel le leader devient nettement dominant.
– en ordonnée, la position concurrentielle qui s’apprécie à l’aide du taux de croissance du
domaine d’activité. Le BCG retient dans sa matrice une valeur médiane de 10 %, mais il est
possible de retenir d’autres seuils tels que la croissance de l’ensemble des DAS de
l’entreprise, la croissance du PIB. Cet indicateur s’appuie sur la théorie du cycle de vie des
produits. Ainsi, les activités en émergence ou en croissance sont les plus attractives.
L’entreprise doit y occuper une position dominante pour que ses activités puissent contribuer
à la rentabilité à long terme. Il s’agit de domaines qui ne sont pas figées et l’entreprise a
toujours la possibilité de renforcer sa position grâce à l’innovation. En revanche dans les

30
activités stables, les positions concurrentielles sont figées dans la mesure où les gains de part
de marché se révèlent être très coûteux.

Le BCG met en évidence une relation entre les flux de liquidités et ces deux variables. Les
activités en forte croissance sont consommatrices de liquidités pour faire face aux besoins de
financement de l’exploitation et aux investissements. Tandis que les activités à forte part de
marché permettent de dégager des marges beaucoup plus importantes que les concurrents.

Ces deux axes permettent de faire apparaître quatre types d’activités :

Génération de liquidités

Vedette Dilemme
Forte

Taux de
croissance du Besoins de
marché 10 % liquidités

Vache à lait Poids mort

Faible

10 Forte 1 Faible 0,1

Part de marché relative

– Les vaches à lait sont des activités caractérisées par une forte part de marché relative et une
faible croissance. Elles ne nécessitent pas de lourds investissements et la position sur le
marché permet d’obtenir une très forte rentabilité. Ces activités génèrent d’importants flux
nets de liquidités qui permettent de couvrir les charges fixes communes et qui contribuent à la
rémunération des apporteurs de capitaux.
– Les activités vedettes ou étoiles sont caractérisées par une part de marché relative élevée et
une forte croissance. La position de leader sur le marché permet de dégager des flux
importants de liquidités qui permettent de financer les investissements matériels et
immatériels nécessaires à la croissance. Autrement dit ces activités s’autofinancent et
contribuent au développement futur du portefeuille d’activité.
– Les activités dilemmes bénéficient d’une très forte croissance mais qui s’accompagne
d’une faible part de marché relative. Elles absorbent de nombreuses liquidités mais leur

31
position défavorable ne permet pas de dégager suffisamment de liquidités. Autrement dit,
elles ne contribuent pas à la rentabilité à court terme. Toutefois, les positons acquises sur des
marchés en forte croissance ne sont pas irréversibles. Ces activités peuvent donc se
transformer en activités vedettes voire en activités vache à lait. Il s’agit d’activités sur
lesquelles plane une forte incertitude.
– Les activités poids morts sont caractérisées par une faible part de marché relative et par
une faible croissance. Elles ne consomment pas liquidités mais elles ne contribuent pas à la
rentabilité. L’entreprise peut avoir intérêt à se retirer car ces activités immobilisent des
ressources.

La matrice permet de réaliser un diagnostic d’ensemble à partir des caractéristiques de


chacune des activités. L’objectif est d’atteindre un équilibre entre les différents types
d’activité. Ainsi, les activités vaches à lait assurent une rentabilité à court terme et contribuent
au financement des activités en forte croissance qui assureront la rentabilité à long terme. Le
schéma suivant met en scène trois portefeuilles dont l’un qualifié de juvénile qui annonce un
futur prometteur mais difficile à atteindre et l’autre vieilli qui génère de fortes liquidités à
court terme mais dont les perspectives de développement à long terme sont très limitées. Ces
deux d’entreprises devront sans doute envisager des rapprochements avec d’autres entreprises
pour parvenir à équilibrer leur portefeuille.

La matrice BCG

Portefeuille vieilli Portefeuille équilibré Portefeuille juvénile

1.3- Limites et prolongements


Le modèle BCG va servir de référence au cours des années 1970 à de nombreuses opérations
de restructuration de grands groupes. Mais à partir de la fin des 1970, il fera l’objet de vives
critiques :

32
– La croissance ne constitue pas la seule variable permettant d’apprécier l’attrait d’une
activité. Ainsi, l’intensité des forces concurrentielles permet de davantage tenir compte de la
valeur d’une activité.
– La part de marché ne constitue pas le seul facteur explicatif de la rentabilité. Certains
travaux ont montré que d’autres variables telles que la qualité, l’intensité capitalistique ont
une influence plus forte. De plus, la part de marché n’est que le reflet d’une situation passée.
Ainsi, les changements technologiques peuvent rapidement remettre en cause les positions
acquises dans un secteur d’activité.
– Ce modèle fondé sur l’effet d’expérience ne peut s’appliquer qu’à des industries de volume
caractérisées par une concurrence qui porte uniquement sur les prix. Cette méthode ne peut se
justifier que dans des secteurs où les produits sont faiblement différenciés.
– Ce modèle a eu tendance à être appliqué de façon mécanique. De nombreuses décisions ont
pu être prises en oubliant les effets de synergies entre les activités, les coûts occasionnés par
l’abandon de certaines activités, les ambiguïtés de la notion de marché.

Le BCG a tenu compte de ces différentes critiques et a proposé au début des années 1980 une
nouvelle matrice. Cette grille montre qu’il existe différents systèmes concurrentiels
caractérisés par des facteurs clés de succès spécifiques. Pour distinguer ces systèmes
concurrentiels, le BCG propose de retenir deux dimensions de l’avantage concurrentiel :
– La taille ou l’importance de l’avantage concurrentiel représente l’écart entre le leader et les
concurrents en termes quantitatifs (avantage coût) ou qualitatifs (écart d’image, de qualité).
Elle est fonction des protections élevées qu’une firme peut maintenir sur un marché.
– Les sources de différenciation indiquent la diversité des moyens permettant d’atteindre
l’avantage concurrentiel
La combinaison de ses dimensions fait apparaître quatre systèmes concurrentiels :

33
Transferts d’expérience

Multiples
Activités fragmentées Activités spécialisées

Sources de
différenciation Standardisation

Impasse stratégique Activités de volume

Limitées

Faible Elevée

Taille de l’avantage concurrentiel

Le transfert d’expérience signifie que plus le savoir-faire et la technologie sont diffusés à


l’intérieur de l’industrie moins l’avantage concurrentiel est important. La standardisation
indique que plus le produit est standardisé, moins nombreuses sont les sources de
différenciation possibles.

- Les activités de volume s’appuient sur l’effet d’expérience. Les volumes cumulés permettent
d’obtenir un avantage coût. Seule une position de leader est viable à terme (Chimie de base).

- Les activités de spécialisation sont caractérisées par une grande diversité des possibilités de
différenciation par rapport aux concurrents (prix, image, qualité, technologie…). Aussi bien
les entreprises bénéficiant d’effets d’expérience que celles ayant recours à la différenciation
peuvent prospérer dans un même secteur. Les entreprises doivent choisir entre ces deux voix
comme le souligne Porter (Automobile).

- Les activités fragmentées sont caractérisées par des barrières à l’entrée et à la sortie faibles
ce qui permet à une multiplicité de petites entreprises de coexister sur des créneaux bien
délimités. Les sources de différenciation ne permettent pas de conserver longtemps un
avantage concurrentiel car il y a une forte diffusion de l’innovation. La réussite suppose une
forte capacité d’adaptation aux changements (Restauration, Internet).

34
- Les impasses concurrentielles sont des activités où les produits sont banalisés et comportent
peu de source de différenciation. La concurrence s’exerce essentiellement sur les prix, mais
les coûts restent peu sensibles aux volumes. Seul un changement des règles concurrentielles
peut permettre aux entreprises d’éviter l’enlisement dans l’impasse (Textile bas de gamme).

2- Les matrices multicritères


A partir du milieu des années 1970, de grands cabinets de consultants vont proposer des
matrices de portefeuille d’activités qui prétendent remédier à certaines lacunes de la matrice
BCG. Ils proposent de davantage tenir compte de la diversité des avantages concurrentiels
détenus par les entreprises en s’appuyant sur une analyse en termes de forces et faiblesses. Ils
suggèrent également d’élargir le champ d’analyse de l’environnement à partir d’une analyse
en termes d’opportunités et de menaces. Ces grilles d’analyse s’inscrivent donc dans le
prolongement du modèle LCAG.

2.1- La matrice McKinsey


Cette matrice également appelée matrice ABC vise à positionner les activités en trois
catégories en croisant l’attractivité du secteur et la compétitivité de l’entreprise dans ce
secteur. Sa mise en œuvre passe par six étapes :
1– La détermination et l’évaluation de l’attrait des domaines d’activité stratégique : au cours
de cette phase, il convient de préciser les objectifs généraux privilégiés par l’équipe
dirigeante. A partir de ces objectifs, il est possible d’apprécier l’attrait en fonctions de
différents critères pondérés. Chacun des critères fait l’objet d’une notation qui permet
d’apprécier la valeur de chacun des DAS.

2– L’évaluation de la position concurrentielle dans chacun des DAS : cette phase nécessite
l’identification des différents facteurs clés de succès pondérés selon leur importance. Il faut
ensuite évaluer la position de l’entreprise par rapport au principal concurrent sur ces différents
facteurs. La moyenne pondérée permet de déterminer la position concurrentielle

3– Le classement des activités en fonction de l’attrait et de la position concurrentielle : chaque


activité est représentée sur la matrice par des cercles proportionnels à l’importance du chiffre
d’affaires de l’activité dans le chiffre d’affaires total.

35
Les facteurs de la compétitivité et de l’attractivité
Attractivité d’un secteur Atouts ou position concurrentielle
Note Note
Notes Poids Notes Poids
pondérée pondérée
Taille du marché global Part de marché
Taux de croissance Croissance de la part de
annuel marché
Marge bénéficiaire Qualité du produit
Intensité de la Réputation de la marque
concurrence Maîtrise technologique
Nombre de concurrents Capacité financière
Barrières à l’entrée Ancienneté dans le
Capacité à développer la secteur
technologie Position sur la courbe de
Synergies internes coût
Expérience

4– La détermination du diagnostic de la situation actuelle à partir de l’analyse du portefeuille :


la matrice fait apparaître trois principales zones :
- la zone A correspond à des activités à développer en priorité car il s’agit d’activités très
attrayantes pour lesquelles l’entreprise dispose de très bons atouts.
- la zone B comprend des activités caractérisées soit par un positionnement défavorable soit
par l’absence d’attrait. Une réflexion doit être conduite pour savoir si l’entreprise doit se
maintenir ou désinvestir. Il s’agit de se concentrer sur les segments les plus rentables.
- la zone C comprend des activités où il est souhaitable de ne plus investir, voire de
désinvestir. Il convient de privilégier la rentabilité immédiate en abandonnant les produits les
moins rentables.
5– La projection du portefeuille dans l’avenir pour établir un diagnostic plus dynamique.
6– L’identification des priorités et la définition des règles de décision d’investissements et de
manœuvres stratégiques, sur la base du portefeuille projectif.

36
Développement Développement Sélectivité
sélectif
Forts

Attraits de Développement Sélectivité Abandon sélectif


chaque sélectif
segment
Moyens
stratégique

Sélectivité Abandon sélectif Abandon

Faibles

Forts Moyens Faibles

Atouts de l’entreprise sur le segment


(Positionnement concurrentiel)

La matrice McKinsey présente trois principaux avantages :


- elle permet de tenir compte de la réalité de chaque entreprise dans la mesure où l’attrait dans
un domaine est apprécié en fonction des objectifs de l’entreprise.
- Elle enrichit l’analyse stratégique en retenant un grand nombre de variables pour évaluer
l’attrait d’un domaine ou la position concurrentielle.
- elle favorise la réflexion et encourage l’imagination qui est avec la logique l’un des
principaux ingrédients de la réflexion stratégique.
La principale faiblesse de la méthode tient à la subjectivité des analyses qui s’appuient
largement sur des critères qualitatifs.

2.2- La matrice ADL


Le modèle ADL adopte une position intermédiaire entre le modèle BCG qui n’utilise qu’un
seul critère pour chaque axe et le modèle McKinsey qui retient de nombreux critères. Elle
appréhende l’attrait du secteur à partir d’un seul critère objectif qui détermine la place du
secteur dans le cycle de vie, tandis que la position concurrentielle est évaluée à partir d’une
analyse multicritère.

37
Ce modèle repose sur la théorie du cycle de vie des produits. Le degré de maturité du segment
stratégique est le reflet du taux de croissance et il permet d’apprécier les besoins financiers
des activités.

La position concurrentielle reflète la position relative de l’activité par rapport aux concurrents
vis-à-vis des différents facteurs clés de succès. La matrice ADL distingue cinq positions :
- position dominante, l’entreprise contrôle le comportement de ses concurrents et dispose d’un
vaste choix d’options stratégiques ;
- position forte, l’entreprise est capable de mener la politique de son choix sans mettre en
danger sa position à long terme ;
- position favorable, l’entreprise détient des atouts exploitables pour conduire certaines
stratégies avec de bonnes chances de pouvoir maintenir sa position à long terme ;
- position défendable, les performances de l’entreprise permettent une continuation de
l’exploitation grâce en partie à la tolérance volontaire ou non, des concurrents, et avec des
chances moyennes de maintenir sa position à long terme ;
- position marginale, l’entreprise obtient des performances peu satisfaisantes avec une
faiblesse probablement majeure. Elle peut survivre à court terme, mais sa pérennité à plus
long terme dépend d’une amélioration inespérée de sa position.

La matrice fait apparaître quatre principales orientations :


– Le développement naturel suppose la réalisation d’investissements importants et concerne
les activités où l’entreprise détient une bonne position concurrentielle, et où les tendances du
marché sont porteuses d’avenir.
– Le développement sélectif consiste à rechercher des créneaux ou des niches pour améliorer
la position concurrentielle sans alourdir l’investissement et rentabiliser l’activité.
– La stratégie de retournement consiste à faire un choix entre l’amélioration de la position
concurrentielle et le retrait progressif.
– La stratégie d’abandon concerne des activités à position concurrentielle trop faible ou des
métiers nouveaux mais à risque concurrentiel trop fort. Cette stratégie minimise les risques de
gouffre financier et permet de dégager des liquidités utiles pour d’autres activités.

38
Degré de maturité du métier

Lancement Croissance Maturité Déclin

Développement Développement Développement Développement


naturel naturel naturel naturel
Dominante

Développement Développement Développement Développement


naturel naturel naturel sélectif
Forte

Développement Développement Développement Développement


Position naturel naturel sélectif sélectif
concurrentielle Favorable

Développement Développement Développement Retournement


naturel sélectif sélectif ou abandon
Défendable

Retournement Retournement Retournement Abandon


ou abandon ou abandon ou abandon
Marginale

Conclusion
Les trois principaux modèles de portefeuille d’activités ont contribué à enrichir l’analyse
stratégique dans trois directions :
– l’élaboration d’un cadre d’analyse formalisé permettant de tenir compte de la diversité des
activités au sein de l’entreprise ;
– la diffusion de la réflexion stratégique au sein du groupe de dirigeants et du groupe des
responsables d’activités ;
– la proposition d’un raisonnement intégré « stratégie-marketing-finance » fondé sur la
détermination de critères rigoureux d’allocation des ressources entre activités.
Ces méthodes ont été mises en œuvre essentiellement dans des grandes entreprises
diversifiées à organisation complexe. Elles ont connu une remise en cause radicale au début
des années 1980. Les principales critiques concernent :

39
– Les hypothèses sur lesquelles reposent ces modèles telles que l’effet d’expérience, le cycle
de vie des produits ;
– Les difficultés techniques de construction des matrices : la définition des domaines
d’activité stratégique se révèle le plus souvent très difficile ;
– Elles apparaissent inadaptées au contexte actuel caractérisé par les acquisitions d’activités
nouvelles, le lancement d’OPA hostiles, la volatilité accrue des marchés… ;
– Leur caractère rationnel peut conduire à une rigidité de la pensée stratégique en laissant peu
de place à l’intuition et à l’imagination.

BCG 1 BCG 2 McKinsey ADL


Avantages Simplicité Réalisme supérieur
Inconvénients Réductrice Complexité
Buts Retour sur investissement
Organisation Inexistante Prise en compte Peu visible
Environnement Non Prise en compte (positionnement, attractivité)
Activités Volume Activités diversifiées

40
CHAPITRE 3 - LES STRATEGIES RELATIONNELLES

Les stratégies relationnelles consistent à étendre le champ d’influence de l’entreprise, sans


mettre en jeu ses capitaux ou ses actifs, du moins directement, mais en développant des
relations fortes avec d’autres entreprises. Ce mode de développement qu’adoptent de plus en
plus les entreprises s’appuient sur de nombreuses pratiques de plus en plus complexes qui
concernent à la fois des entreprises complémentaires et des concurrents.

Plusieurs facteurs expliquent le développement de la coopération :


- L’intensification de la concurrence : la concurrence se complexifie, elle ne porte plus
seulement sur la conquête des clients, elle touche aussi l’accès aux ressources, aux
compétences, aux financements, aux technologies… Aucune entreprise seule ne dispose des
capacités requises pour répondre aux défis de la concurrence.

- La globalisation oblige les entreprises à gérer des volumes de ressources plus importants.
L’atteinte d’une masse critique suppose de développer des relations de coopération avec
d’autres entreprises. Ces relations permettent de bénéficier d’un effet taille tout en conservant
une flexibilité. La mise en réseau grâce aux NTIC permet aux entreprises d’échanger
rapidement des informations et accroît leur capacité d’adaptation.

- L’évolution de la technologie fait qu’il devient de plus en plus difficile de développer des
recherches de façon isolée. Les entreprises ont intérêt à coopérer car les coûts de la R&D
deviennent difficiles à amortir d’autant que la durée de vie des produits tend à diminuer.

1- Les formes de coopération


Les coopérations entre les firmes peuvent être regroupées dans trois catégories : l’alliance qui
se noue entre des firmes concurrentes, le partenariat d’impartition qui prend appui sur une
relation d’échange commercial de type achat-vente et le partenariat de symbiose qui met en
jeu des entreprises appartenant à des champs concurrentiels différents.

41
Mouvement
Domaine d’activité des Type de
Type d’économie stratégique
partenaires (1) coopération
correspondant
Même champ concurrentiel Economie sur les
Impartition Intégration
mais secteur différent coûts de transaction
Champs concurrentiels Economie
Symbiose Diversification
différents d’éventail
Même secteur Alliance Economie de taille Spécialisation
(1) Le secteur comprend des firmes concurrentes, le champ concurrentiel englobe notamment
le secteur et son environnement transactionnel (concurrents, clients, fournisseurs).

1.1- Le partenariat d’impartition


L’impartition concerne des entreprises qui entretiennent des relations d’échange commercial.
L’engagement dans cette stratégie marque le passage de la simple transaction à la relation
durable. Cette situation s’observe dans l’automobile où les équipementiers sont de moins en
moins de simples sous-traitants mais de véritables partenaires qui participent à la conception
des produits et qui réalisent des sous-ensembles de plus en plus complexes. Pour que l’on
puisse parler de partenariat, il faut que la relation s’inscrive dans le temps et qu’un climat de
confiance s’instaure. Pour favoriser la confiance, les fournisseurs peuvent s’engager dans des
démarches de gestion de la qualité telles que les normes ISO 9000. La certification selon ces
normes constitue une preuve que l’entreprise a mis en place un dispositif de gestion de la
qualité permettant d’atteindre un certain niveau de qualité.
Le partenariat d’impartition se présente souvent comme une alternative à l’intégration. Le
choix entre ces deux formules dépend des coûts de transaction et d’opportunité, de la valeur
ajoutée et des risques de chacun des choix. Les politiques d’externalisation et de recentrage
sur les compétences clés favorisent cette approche.

Exemple : Valeo noue de véritables partenariats tant avec ses clients, que le Groupe
accompagne dans leur développement sur tous leurs marchés dans le monde, qu’avec ses
fournisseurs pour progresser ensemble afin de satisfaire aux meilleurs standards mondiaux.
Etre partenaire, c’est :
 Ecouter et comprendre nos clients, anticiper leurs besoins et l’évolution du marché.
 Impliquer nos clients dans nos développements avant-projet pour recueillir leur feed-back.
 Etre présent à travers un réseau, être près des centres de décisions et de leurs
implantations internationales.
 Satisfaire les demandes des clients en termes de qualité, de coûts et de délais.

42
1.2- Le partenariat de symbiose
Cette forme de coopération touche des organisations qui n’entretenaient jusqu’alors ni
rapports de concurrences ni relations de client à fournisseur. Elle s’appuie sur des projets dont
la réalisation dépend de la combinaison de ressources détenues par des entreprises différentes.
Il peut s’agir de ressources tangibles ou de compétences (Développement du PC par IBM en
collaboration avec Microsof et Intel). Le développement de produits nouveaux exige parfois
des combinaisons originales de compétences difficiles ou longues à développer en interne.
Le partenariat symbiotique peut concerner aussi parfois des opérations de modeste envergure,
telle l’organisation conjointe d’une campagne commerciale (lessivier et habillement ; Crème
diadermine et Fitness).

Le partenariat symbiotique constitue souvent une alternative à la diversification. L’avantage


sur la diversification consiste à permettre la valorisation d’une ressource déjà exploitée dans
des domaines nouveaux, sans que l’entreprise ait besoin d’acquérir les compléments de
ressources et de compétence nécessaires au projet envisagé. Lorsque l’entreprise utilise ses
ressources dans de nouveaux domaines, elle bénéficie d’économie de champ (de variété ou
d’éventail). La limite de cette approche tient à une diminution de l’autonomie.

1.3- L’alliance
L’alliance se caractérise par la mise en place de relations contractuelles entre des firmes
concurrentes. Mais, à l’inverse des ententes, les conduites d’alliance ne signifient nullement la
fin de toute compétition. Les entreprises mettent en commun de façon définitive leurs
ressources et leurs activités pour mener un projet ou une activité spécifique.

On peut distinguer trois formes d’alliance : l’alliance de complémentarité, l’intégration


conjointe et l’alliance additive. Dans les alliances de complémentarité, la motivation de l’un
au moins des partenaires est d’accéder à un actif complémentaire à son activité (Renault-
Microsoft : voiture connectée). Dans les autres formes, la motivation est de bénéficier d’un
effet taille qui concerne une partie du processus de production dans l’intégration conjointe
(Renault-Nissan et Daimler) ou l’ensemble d’une activité dans l’alliance additive (Airbus).

43
Les alliés apportent
des actifs…

de même nature de nature différente

pour mettre sur le


marché

un même produit des produits propres à


commun chaque allié

Alliance additive Intégration conjointe Alliance de complémentarité

2- La notion de réseau d’entreprises


Le réseau est un ensemble interactif d’entreprises qui développent des relations d’échange qui
s’inscrivent dans le temps. Ces entreprises cordonnent leurs activités en s’appuyant sur une
organisation qui est susceptible d’engendrer des externalités positives et de valoriser des
opportunités. Il s’agit d’une forme hybride qui se situe entre la hiérarchie et le marché et qui
recouvre de nombreuses situations du faire-faire au faire ensemble. On peut distinguer trois
types de réseau : le type contrôle, le type coordination et le type coopération.
- Dans le type contrôle, nous sommes dans le cadre d’une logique de quasi-intégration dans
laquelle une firme pivot détient un pouvoir de décision qui porte sur l’agencement des
processus, l’organisation des actifs détenus par les partenaires. Les actifs nécessaires aux
activités productives sont détenus par plusieurs entreprises mais ils sont consacrés à une
activité particulière. Le plus souvent, un ensemble de partenaires gravitent autour d’une firme
principale pour lui procurer des inputs ou distribuer ses produits. La domination de la firme
pivot fait que les relations au sein du réseau sont asymétriques bien qu’interdépendantes. Les
restructurations à travers l’externalisation ont favorisé l’émergence de cette forme
d’organisation également qualifiée de réseau stable.

44
Fournisseur Fournisseur

Firme pivot

Fournisseur Fournisseur

- Le type coordination est composé d’entreprises qui tissent des relations dans une véritable
logique de désintégration verticale. Il présente les caractéristiques suivantes :
- les tâches de conception et développement des produits, de fabrication, de marketing et de
commercialisation sont prises en charge par des organisations indépendantes.
- une entreprise joue un rôle de leader ou de courtier en mettant les entreprises en relation.
- la coordination du réseau repose sur les mécanismes de marché (contrats rémunérés au
résultat) plutôt que sur des plans ou des systèmes de contrôle.
- les membres du réseau sont reliés par des systèmes informatisés assurant la circulation et la
mise à jour permanente des informations. Ces informations permettent d’assurer la
coordination et d’apprécier la contribution de chacun.
Cette forme d’organisation marque le renoncement au modèle de la grande entreprise
intégrée. Elle permet de bénéficier des avantages de souplesse, de dynamisme et de capacité
d’adaptation des organisations de petite taille.

Concepteurs Fabricants

Courtier,
assembleur

Fournisseurs Distributeurs

- La troisième forme de réseau est de type coopération. Elle associe des partenaires dans le
cadre d’un dessein commun induisant des relations d’interdépendance mutuelle. Cette forme
correspond le plus souvent à des réseaux de PME non hiérarchisés et administrés par une
fédération de producteurs. Ils peuvent être localisés géographiquement et ils sont qualifiés de

45
districts industriels (Arc Jurassien, Le sentier, Oyonnax). Les risques de dilution de
responsabilité, d’opportunisme d’incompétence sont contrebalancés par les liens culturels et
sociaux qui lient les partenaires et qui assurent une stabilité. En l’absence de firme pivot, le
réseau s’organise autour de logiques de réciprocité, de solidarité et de réputation.

Entreprise Entreprise Entreprise

Entreprise Entreprise

Entreprise Entreprise Entreprise

Les avantages induits par le réseau sont nombreux. Il ouvre l’accès à des compétences non
maîtrisées par la firme dont les possibilités de recombinaison nombreuses permettent de
répondre aux changements complexes des conditions de compétitivité. Les avantages sont
donc à la fois organisationnels et économiques :

Avantages économiques Avantages organisationnels


Partage des coûts et des risques Décentralisation des initiatives

Economie d’échelle Association de compétences complémentaires

Accès aux ressources Meilleure maîtrise de la complexité des


processus de production e des marchés

46
CHAPITRE 4 : LA DECISION STRATEGIQUE EN PME

Les PME sont devenues au cours des 20 dernières années un enjeu socio-économique
majeur. Le discours politique met en avant le rôle des PME : en matière d’emploi, de
développement local, ou encore en matière d’innovation.
Ce renouveau de la PME s’est amplifié à la fin des années 1990 avec l’émergence de la
nouvelle économie. L’internet en tant que moyen de communication et de distribution offre de
nouvelles opportunités dans tous les secteurs d'activité.

L’intérêt manifesté pour les PME et l’entrepreneuriat s’exprime à différents niveaux :


– Au niveau politique, la France souhaite s’afficher comme une « start-up nation » et la
communauté européenne a développé plusieurs programmes pour les PME. L’objectif est de
favoriser le développement des PME, en particulier par l’innovation, et ainsi de contribuer à
résoudre les problèmes d’emploi.
– Au niveau de la recherche, il existe une communauté scientifique organisée autour
d’associations telles que l'AIREPME (Association Internationale de Recherche sur
l'Entrepreneuriat et la PME). Les travaux montrent que les PME constituent un réel objet de
recherche et soulignent les spécificités de cette forme d’organisation.
– Au niveau de l’enseignement, de nombreuses formations orientées PME ont vu le jour
(BTS assistant de dirigeant de PME, DUT option PMO, Licences professionnelles, Master).
Cette orientation du système éducatif vise à tenir compte des réalités du marché du travail.

De façon plus générale, l’intérêt porté à la PME s’explique par son importance économique.
On s’aperçoit que, quels que soient les études et les pays considérés, les PME ont depuis les
années 1970 davantage contribué à la création d’emploi :
Tableau 1- Répartition des entreprises
PME (0-249)
TPE PE ME Sous- GE (>250) Total
(0-9) (1-49) (50-249) total
Nombre d’entreprises
France 92 6,6 1,1 99,7 0,3 100
Union européenne 93 5,9 0,9 99,8 0,2 100
Emploi
France 32 19 15 66 34 100
Union européenne 33 19 14 66 34 100

47
Les arguments mis en avant pour expliquer le succès des PME sont la capacité d’adaptation,
la flexibilité, la convivialité, l’innovation.
Cependant, cette vision quelque peu idyllique ne doit cacher les difficultés auxquelles ces
entreprises peuvent être confrontées :
– Leur vulnérabilité en particulier dans la phase de démarrage ou de façon plus générale dans
leurs relations avec de grandes entreprises.
– Leurs difficultés dans certains cas à trouver de nouveaux financements.

1- Définition de la PME
Derrière l’importance des PME se cache une grande diversité d’entreprises. Face à cette
diversité, peut-on proposer une définition de la PME largement reconnue ?
Parvenir à une telle définition se révèle indispensable pour le chercheur mais surtout pour les
pouvoirs publics qui souhaitent développer des programmes pour soutenir ces entreprises. Il
existe deux grandes approches : les approches quantitatives et les approches qualitatives.

Les définitions quantitatives sont très souvent privilégiées en raison de leur grande
opérationnalité. Les critères retenus sont le plus souvent l’effectif, le chiffre d’affaires ou
encore le montant de l’actif du bilan. Lorsqu’on étudie ces critères on s’aperçoit qu’il n’existe
pas de consensus et que même dans certains pays selon le programme gouvernemental ces
seuils varient.

Tableau 2- Classification des firmes selon leur taille dans quelques pays de l’OCDE
Petites firmes Moyennes firmes Grandes firmes
Etats-Unis 1 – 250 251 – 500 501
Union Européenne 1 – 49 50 – 249 250
Japon 1 – 49 50 – 500 501
Suisse 1 – 20 21 – 100 101

Les approches qualitatives mettent l’accent sur les principales caractéristiques des PME.
P.A. Julien (1997) propose une définition sous forme de continuum à partir de six
caractéristiques qui concernent la taille, la structure organisationnelle, le type de stratégie
et la nature de l'environnement. Sur ces continuums, les PME se situent plutôt à gauche
mais pas nécessairement pour l'ensemble des caractéristiques. Il s’agit donc d’une définition
contingente de la PME.

48
Figure 1- Typologie sur « continuum » (Source Julien, 1997)

1. La dimension brute
nombre d’employés,
200 à 500 employés
actifs, chiffre d’affaires ou

de vente
2. Le secteur A secteurs modernes ou
de traditionnel
0 ou 1 ou mature à produits secondaires,
ou à produits pour les ou de pointe (selon
consommateurs définitions)

3. Le marché International
local, protégé ouvert

4. Contrôle et organisation
Centralisée Décentralisée, à un ou à
plusieurs niveaux
Indépendance forte Liée (satellite)

5.Stratégie intuitive Formalisée de


de survie, à faible croissance, à
risque haut risque

6. Technologie
traditionnelle, mature De pointe,
innovation faible, organisée,
spontanée radicale
incrémentale

La communauté européenne a décidé d’harmoniser ces définitions à travers une


recommandation du 3 avril 1996 (J.O.C.E. N° L107/6) qui a fait l’objet s’une actualisation le
20 mai 2003 (Recommandation 2003/361/CE). Selon la commission, sont considérées comme
PME, les entreprises :
– employant moins de 250 personnes ;
– dont, soit le chiffre d’affaires n’excède pas 50 millions d’euros, soit le total du bilan annuel
n’excède pas 43 millions d’euros ;
– qui respecte un critère d’indépendance. Sont considérées comme indépendantes, les
entreprises qui ne sont pas détenues à hauteur de 25 % ou plus du capital ou des droits de vote
par une ou plusieurs grandes entreprises.
La commission utilise donc trois critères quantitatifs et un critère d’ordre plus qualitatif. Elle
considère que le critère du nombre de salariés doit impérativement être utilisé, mais qu’il faut

49
le combiner à l’un des deux critères financiers reflétant l’importance économique relative
d’une entreprise.
La commission estime qu’il est nécessaire d’établir une distinction entre une entreprise
moyenne, une petite entreprise et une micro-entreprise.

Tableau 3- Définition de la PME selon la commission européenne


Chiffre d’affaires Total bilan
Effectif
(millions d’euros) (millions d’euros)
Moyenne entreprise [50 ; 250] [10 ; 50] [10 ; 43]
Petite entreprise [10 ; 50[ [2 ; 10[ [2 ; 10[
Micro-entreprise < 10 <2 <2

La définition de la commission permet d’identifier les PME, mais leur compréhension


nécessite des approches plus qualitatives.

Derrière la diversité des formes de PME, il semble possible de trouver des invariants que l’on
qualifie de spécificités de la PME. Nous allons tout d’abord nous intéresser aux fondements
de la spécificité, c’est-à-dire aux justifications de la PME, avant de présenter le système de
gestion de la PME. Nous nous intéresserons enfin aux choix stratégiques en PME en
soulignant le rôle du profil du dirigeant.

2- Les Fondements de la PME


On pourrait être tenté de considérer les PME comme de grandes entreprises miniatures. Ce
postulat nous permettrait de pouvoir transposer l’ensemble des outils de gestion de la grande
entreprise vers les PME. Or l’étude de la PME montre qu’il existe des différences de nature
entre PME et grande entreprise qui justifient le recours à des méthodes de gestion spécifiques
à ce type d'entreprises.

3.1- L’effet taille


La mise en évidence d’une relation entre la taille et la structure date des années 1960. Des
chercheurs de l’Université d’Aston (Birmingham) se sont intéressés à la structuration des
entreprises en essayant de mettre en évidence des relations entre la structure organisationnelle
et des variables telles que la taille, l’âge, la technologie, la dépendance. Ces variables sont
qualifiées de facteur de contingence. Pour étudier la structure organisationnelle, ces

50
chercheurs se sont intéressés à quatre principales variables : la standardisation, la
formalisation, la spécialisation et la centralisation.

Tableau 4- Variables d’analyse de la structure organisationnelle


Variables Définitions
Standardisation Existence de procédures et de règles
Recours à l’écrit (règles et
Formalisation
communication)
Division du travail au sein de
Spécialisation
l’organisation
Centralisation Concentration du pouvoir de décision

Ces auteurs ont mis en évidence, à partir de ces quatre variables, des différences significatives
entre les entreprises selon leur taille. Les entreprises de petite taille sont caractérisées par une
formalisation, une standardisation et une spécialisation faible et par une forte centralisation.
Ces résultats permettent de conclure à un effet taille qui se traduit par une bureaucratisation.

La principale critique essuyée par cette approche est que la prédominance de l’effet taille sur
d’autres facteurs tels que la technologie n’est pas démontrée. D’autre part ces travaux ne
permettent pas d’identifier le seuil à partir duquel les spécificités de la PME s’effacent.

D’autres chercheurs se sont intéressés à l’effet taille à travers la mise en évidence d’un cycle
de développement des organisations. Ces travaux considèrent que la PME apparaît comme
une étape transitoire dans la vie des entreprises. Les modèles de métamorphose supposent que
les entreprises alternent des phases stables d’évolution entrecoupées de périodes de
transformation, de crise.

Ces modèles permettent d’apprécier les spécificités des PME et les problèmes auxquels elles
sont confrontées en phase de croissance. En revanche, ils ne permettent pas d’identifier les
seuils en termes de taille à partir desquels ces changements s’opèrent. De plus, on peut leur
reprocher d'être déterminismes, dans la mesure où ils considèrent que les entreprises
connaissent les mêmes phases de développement et qu'elles s'inscrivent toutes dans une
logique de croissance.

51
Tableau 5- Cycle de développement des organisations
Phase 1 Phase 2 Phase 3 Phase 4 Phase 5
Structure
Structure Structure Structure Structure matricielle ou
Structure informelle fonctionnelle divisionnelle divisionnelle par unités semi-
autonomes
Très forte Forte
Centralisation centralisation centralisation
Décentralisation Décentralisation Décentralisation
Pas de Contrôle des Contrôle des
Contrôle / Budgets et coûts Suivi par centres
prévisions ni de réalisations et réalisations et
planification standards de profits
normes suivi des plans suivi des plans
Marché Marché élargi :
Etendue Marché élargi Marché national
restreint, national voire Multinational
géographique devenu régional ou international
souvent local international
Degré de Gamme de Diversification Entreprise Entreprise
Un seul produit
diversification produits élargie croissante diversifiée diversifiée
Essentiellement Minoritairement Capital Capital
Actionnariat Familial
familial familial diversifié diversifié

Les travaux sur l’effet taille montrent qu’il existe des différences marquées entre les
entreprises selon leur taille mais ils n’expliquent pas pourquoi les entreprises de petite taille
arrivent à assurer la pérennité de leur activité.

3.2- Les déséconomies d’échelle, de variété et d’expérience


La justification de la PME et de sa pérennité repose sur une remise en cause de la notion de
taille critique. Les économistes ont longtemps défendu l’idée de la taille critique en montrant
que les entreprises ont intérêt à rechercher une grande taille pour bénéficier de baisse des
coûts. Ces baisses sont obtenues grâce aux économies d’échelle, aux économies de variété ou
de champ et grâce aux économies d’apprentissage.
Tableau 6- Les économies d'échelle, de variété et d'apprentissage
Economie
Economies d’échelle Economies de variété
d’apprentissage
Diminution de coûts due Diminution de coûts due Diminution des coûts due
à l’augmentation des à la diversification à l’augmentation du
Définition capacités de production volume de production
cumulé
Etalement des charges Synergie Répétition des tâches
fixes Etalement des charges Accumulation des savoirs
Spécialisation de la main Notoriété
d’œuvre Diminution du risque
Adoption de procédés
Facteurs
automatisés de
explicatifs production
Meilleures conditions
d’achat et de vente
Meilleur accès aux
ressources

52
Marchesnay remet en cause cette théorie et montre que l’existence des PME s’explique par
l’apparition de déséconomies d’échelle, de variété ou d’apprentissage.

- On peut retenir trois principaux facteurs explicatifs à l’apparition de déséconomies


d’échelle : la bureaucratisation, la différenciation et la dimension service.

- L’accroissement des échelles de production s'accompagne d'une bureaucratisation.


Autrement dit, la taille devient un facteur de rigidité. Les problèmes d’organisation et de
gestion associés à cette bureaucratisation alourdissent les coûts, en particulier les coûts de
coordination.

- De plus les économies d’échelles concernent essentiellement des activités dont les produits
et les technologies sont banalisés. Les PME peuvent toutefois trouver leur place sur ces
secteurs d’activités en s’inscrivant dans une stratégie de différenciation. Dans l’agro-
alimentaire, les petites entreprises côtoient les grandes en proposant des produits typiques
bénéficiant d’une image artisanale.

- Il existe des secteurs d’activité où les économies d’échelle jouent peu. C’est le cas lorsque la
dimension service exerce un rôle important dans la décision d’achat. L’exemple typique est
le petit commerce de proximité qui apparaît comme un complément indispensable à la grande
distribution, grâce à sa proximité à ses horaires d’ouvertures et à la personnalisation de la
relation. Ce dernier avantage est recherché par les grandes entreprises grâce aux nouvelles
technologies de l’information qui permettent une individualisation de la relation.
Le développement des activités de service dans nos économies apparaît comme une
explication à l’essor des PME.

Il existe des déséconomies de champ ou de variété qui s’expliquent essentiellement par les
limites d’une politique de diversification.
Cette politique peut conduire l’entreprise à se disperser et à s’engager dans des voies qu’elle
ne maîtrise plus. Une entreprise spécialisée connaît mieux son métier et peut concentrer ses
efforts sur l’amélioration constante de son activité. Il existe ainsi toute une série d’entreprise
de petite taille reconnue au plan national et international comme le spécialiste incontesté dans
un domaine bien ciblé. Ces entreprises se positionnent sur une niche, c’est-à-dire :
- un marché relativement petit,

53
- caractérisé par une demande spécifique,
- et des compétences particulières.
Les grandes entreprises sont conscientes de ce phénomène de déséconomies de variété, c’est
pour cela qu’un certain nombre d’entre elles cherchent à se recentrer sur leur métier de base.

L’effet d’apprentissage ne concerne que les industries où les activités d’assemblage sont
importantes. Il suppose également un environnement stable. Il se traduit rapidement en
déséconomie car il conduit à une inertie d’un point de vue organisationnel et stratégique.
Lorsque l’environnement devient instable, cet effet devient un obstacle au changement. Le
facteur de succès devient davantage l’expérimentation, c’est-à-dire la capacité à trouver de
nouvelles solutions pour s’adapter aux nouvelles conditions (Torres, 1999). C’est cette grande
souplesse d’adaptation qui confère aux PME une meilleure résistance à la crise que les
grandes entreprises.
Les grandes entreprises essaient de promouvoir cette capacité entrepreneuriale en leur sein
en décentralisant et en octroyant plus d’autonomie au niveau de leurs unités. Elles essaient
donc de s’approprier les facteurs de succès de la petite entreprise.

Cette partie nous a permis de montrer qu’il existe des différences de nature entre les grandes
entreprises et les PME. Pour expliquer l'importance croissante et la pérennité de ces
entreprises, nous avons insisté sur les avantages dont elles bénéficient, à savoir, les
déséconomies d’échelle, de variété et d’apprentissage.

L’effet taille peut également être apprécié à travers l’idée d’effet de grossicement décrit par
Mahé de Boislandelle (1998). Cet effet traduit l’idée que le poids relatif de chacun est
beaucoup plus important et que les décisions ont un impact plus fort en PME. Autrement dit,
il y a une amplification des phénomènes en petite entreprise. Certaines décisions de gestion
courante peuvent avoir des implications sur le devenir de l’entreprise : le recrutement d’un
salarié, le démarchage d’un prospect, le départ à la retraite d’un salarié.

3- Les spécificités du système de gestion


Marchesnay (1991) s’est intéressé aux spécificités du système de gestion des PME. Il insiste
sur le rôle déterminant du dirigeant et sur le caractère global du système de gestion.

54
Le dirigeant joue un rôle majeur dans la mesure où ses buts déterminent la conduite de
l’entreprise et parce qu’il participe très souvent à la gestion courante de l’entreprise. Ce rôle
rend floue la frontière entre décision stratégique et décision opérationnelle.
L'approche systémique défendue par Marchesnay exige d’analyser ensemble les buts,
l’environnement, l’organisation et les activités. La grille qu’il propose peut être utilisée pour
conduire des diagnostics stratégiques en PME, et notamment pour apprécier la cohérence du
système de gestion, à travers la prise en compte des interrelations entre les différentes
composantes du système, et la pertinence du projet stratégique.
PIC ?
CAP ?

BUTS DES
DIRIGEANTS

Ethique
Valeurs
Légitimité Vision Culture

Société globale Les hommes


ENVIRONNEMENT Image Identité ORGANISATION
Secteurs d’activités Les tâches

Mission Plan Métier

Besoins Savoir-faire
ACTIVITES
Biens/Services

Figure 2- Le système de gestion de la petite entreprise (Source : Marchesnay, 1997)

Les buts
L’étude des buts du dirigeant est indispensable car ils conditionnent les choix stratégiques. Ils
permettent d’apprécier l’efficacité du dirigeant et de son entreprise en particulier lorsqu’ils
sont formulés sous un angle économique. Les buts sont largement influencés par le profil du
dirigeant.

55
Les buts du dirigeant s'inscrivent dans une vision c'est-à-dire dans la représentation qu'il se
fait de son entreprise et de son environnement dans les années à venir. Le passage de la vision
à l'action se traduit par la définition de plans. Les travaux consacrés aux PME montrent que la
formalisation de la politique d'entreprise est très faible et que le système de planification est
peu développé dans ces entreprises.

L’éthique est au centre de la relation entre les buts et l’environnement social. L’éthique d’une
entreprise regroupe un ensemble de principes, de valeurs et de croyances qui dirigent la
conduite des individus. Elle a pour ambition de distinguer, par une réflexion personnelle, la
bonne et mauvaise façon d’agir. L’éthique exerce une influence sur la performance. En effet,
elle est à la fois :
- coûteuse puisqu’elle peut avoir une influence sur la politique environnementale, sur la
politique de GRH ;
- et source de profit dans la mesure où elle améliore l’image interne, source de satisfaction
pour les salariés, et l’image externe, source de satisfaction pour les clients.

L’organisation
L’analyse de l’organisation se décompose en deux niveaux :
- le niveau des individus, c’est-à-dire des personnes qui travaillent dans l’entreprise. Ces
personnes partagent plus ou moins les valeurs du dirigeant. La culture est le fruit de l’histoire
de l’entreprise, elle permet de comprendre le degré d’implication des salariés.
La culture organisationnelle est un ensemble complexe de valeurs, de croyances, de
symboles, de pratiques qui définissent la manière dont une entreprise réalise ses activités.
C’est une manière spécifique à l’entreprise de répondre à ses problèmes.

Représentations, idéologies Modes d’actions utilisés


et croyances véhiculées dans dans l’entreprise
l’entreprise

Valeurs et normes de comportement véhiculées


dans l’entreprise

Modes d’expression utilisés dans l’entreprise

Métaphores mythes, récits rituels symboles


et images légendes cérémonie

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La culture remplit plusieurs fonctions :
- elle délimite les frontières de l’entreprise (elle crée une distinction entre une organisation et
les autres ;
- elle permet de transmettre une certaine identité à ses membres ;
- elle est un mécanisme de contrôle qui permet de guider et de façonner les attitudes et les
comportements des salariés.
Selon Dean et Kennedy, une forte culture comprend :
- une philosophie largement partagée,
- la vision du personnelle comme ressource fondamentale,
- des leaders et des héros charismatiques,
- des rites et des cérémonies,
- des attentes claires à propos de la direction de l’entreprise.
L’éthique peut être au cœur de la culture d’entreprise mais les mythes, symboles, rites et
coutumes qui construisent cette culture peuvent aller à l’encontre de l’éthique.

- le niveau des tâches : renvoie aux fonctions regroupées dans des services. Plus l’entreprise
est petite, plus l’organisation des tâches est indifférenciée et le personnel polyvalent. La
coordination se fait le plus souvent par ajustement mutuel et par supervision directe.
Les frontières de l’organisation sont parfois floues en particulier lorsque l’entreprise fait
partie d’un réseau. En effet, il peut y avoir des échanges de salariés, la mise en commun de
ressources.

L’environnement
L’environnement doit également être scindé en deux niveaux :
– L’environnement concurrentiel correspond à l’ensemble des entreprises avec lesquelles la
PME est en concurrence directe ou indirecte. Mais il comprend aussi les partenaires
économiques de la PME (clients et distributeurs, fournisseurs et prestataires de services).
Cet environnement peut être analysé en retenant trois niveaux : l’industrie ou le secteur, la
filière et le marché (Marchesnay, 1995). Chacun de ces niveaux est caractérisé par un risque
spécifique :

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Tableau 7- Analyse de l'environnement (Source : Marchesnay, 1995)
NIVEAU RISQUE CRITERES
Complexité
Industrie Vulnérabilité Turbulence
Accessibilité
Concentration
Filière Dépendance Substituabilité
Essentialité
Marché Agressivité Hostilité

La PME est très souvent handicapée par son absence de pouvoir, mais elle est avantagée par
la forte personnalisation des rapports. En générale la PME est caractérisée par une forte
dépendance et une forte vulnérabilité.

– L’environnement social comprend les collectivités et institutions locales, mais aussi les
réseaux de relations personnelles tissées par le dirigeant. En PME, cet environnement est
particulièrement important puisqu’il peut servir de sources d’information, de moyen de
financement. Les dirigeants peuvent établir des relations interactives avec trois types
d’acteurs :
- les acteurs exerçant une fonction tutélaire : il s’agit des administrations publiques, des
collectivités locales, des institutions consulaires (CCI…).
- les acteurs exerçant une fonction d’expertise, c’est-à-dire susceptible de fournir aide et
conseil aux entreprises (OSEO, expert-comptable…).
- les acteurs exerçant un rôle partenarial, qu’il s’agisse de fournisseurs, de clients de
groupements professionnels.

Les relations de réseau peuvent être étudiées à partir de la théorie de l’encastrement


développée par Granovetter. L’encastrement se caractérise par la nature des relations.
Granovetter oppose :
 Les liens forts, il s’agit de relations fondées sur la famille ou l’amitié,
 et les liens faibles, relations fondées sur des contacts professionnels.
La force du lien est définie sur la base de quatre critères :
 L a durée de la relation,
 l’intensité émotionnelle,
 l’intimité
 et les services réciproques que se rendent les partenaires.

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Il est possible de distinguer trois formes d’encastrement :
- L’encastrement structurel correspond à l’architecture du réseau, c’est-à-dire aux propriétés
des liens noués entre les organisations.
- L’encastrement relationnel fait référence à la qualité des échanges dyadiques et en
particulier au caractère réciproque de l’échange.
- L’encastrement cognitif exprime la proximité entre les membres du réseau en termes de
représentations, d’interprétations et de systèmes de signification.

L’étude l’environnement institutionnel peut également être réalisée à l’aide du courant


sociologique de la théorie néo-institutionnelle. Les auteurs majeurs sont DiMaggio et
Powell. Ces auteurs montrent que les entreprises sont à la recherche de l’efficacité mais
surtout à la recherche de la légitimité. Cette recherche de légitimité se traduit par un
isomorphisme institutionnel, c’est-à-dire par une tendance à la ressemblance. D’après
DiMaggio et Powell, cet isomorphisme peut être coercitif, mimétique ou normatif.
- L’isomorphisme coercitif a deux origines. Il s’explique tout d’abord par les pressions
formelles et informelles exercées sur une organisation par les autres organisations desquelles
elle dépend.
Il s’explique ensuite par les attentes culturelles de la société dans laquelle l’organisation
évolue. DiMaggio et Powell font référence à l’environnement légal qui est susceptible
d’affecter le comportement des organisations (automobile : émission de CO2).
- L’isomorphisme mimétique s’observe en situation de forte incertitude. Les organisations
peuvent être tentées d’imiter une organisation qui semble avoir réussi ou qui bénéficie d’une
forte légitimité (Automobile : Toyota, Prius voiture de l’année).
- L’isomorphisme normatif s’explique par ce que DiMaggio et Powell nomment la
professionnalisation des organisations. Les professionnels d’une organisation à l’autre
partagent un certain nombre de références, de cadres théoriques dans la mesure où ils ont
fréquenté les mêmes écoles et les mêmes universités. Cette proximité et cette socialisation
sont renforcées dans le cadre des associations professionnelles qui jouent un rôle important
dans la diffusion d’idées et le développement de certaines pratiques (Projet alpha dans
l’automobile : projet visant à favoriser la diffusion des TIC au niveau des fournisseurs de rang
2 ou 3).

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Les activités
Une activité peut être définie comme un ensemble homogène de biens et services répondant à
des besoins de la clientèle actuelle ou potentielle, réalisés par l’entreprise, à partir de ses
propres savoir-faire, ou s’appuyant sur ceux de ses partenaires. Elle repose sur l’articulation
entre le besoin satisfait (mission) et le savoir-faire (métier).
Le dirigeant doit faire en sorte que ses activités soient compétitives. La compétitivité a
longtemps été appréciée en termes d’efficience. L’efficience traduit la capacité de l’entreprise
à gérer ses ressources de la meilleure façon afin d’obtenir les coûts les plus bas, mais aussi la
meilleure qualité, c’est-à-dire le moins de défaut.
Cependant, la compétitivité fait également référence à l’adéquation aux attentes des clients.
La qualité se mesure par la satisfaction que retirent les clients des caractéristiques du produit
et des services qui lui sont associés. Cela nécessite bien souvent une personnalisation de la
relation. Les PME bénéficient alors d’un atout indiscutable par rapport aux grandes
entreprises.
Les PME sont caractérisées par un nombre limité d’activité et un marché plutôt local ce qui
renforce la personnalisation des relations avec les partenaires de l’entreprise.

Ce Chapitre nous a permis de présenter une grille d’analyse qui peut se révéler utile dans la
conduite d’étude de cas. Cette grille présente un double intérêt : elle souligne le rôle du
dirigeant et elle permet de tenir compte des interrelations entre les différentes variables du
système de gestion.

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BIBLIOGRAPHIE

Atamer T. et Calori R., Diagnostic et décisions stratégiques, Dunod, 2011.

Garrette B., R. Durand, P. Dussauge, Lispe (collectif HEC), Strategor, Politique générale de
l’entreprise, Dunod, 2016.

Johnson G., K. Scholes, Stratégique, 12e édition, Pearson, 2020.

Marchesnay M. Messeghem K., Cas de stratégie de PME et d’entrepreneuriat, Editions


Mangement et Sociétés, 2011.

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