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Direction éditoriale 

: Stéphane Chabenat
Édition : Les Petites Capitales
Mise en pages : Soft Of ce
Conception graphique de la couverture : olo.éditions
Les Éditions de l’Etudiant
Sont éditées par les Éditions de l’Opportun
16, rue Dupetit-Thouars,
75003 Paris
www.editionsopportun.com
Sommaire
Introduction

Partie 1. Les besoins


Chapitre 1. L’homme est un être de besoins
Chapitre 2. Chassé du paradis terrestre, l’homme doit lutter pour survivre dans un monde
de rareté
Chapitre 3. Le plaisir est lié à la satisfaction des besoins
Chapitre 4. La satisfaction des besoins peut-elle être une source d’insatisfaction ?
Chapitre 5. La rareté détermine-t-elle la valeur ?

Partie 2. La production
Chapitre 1. La production permet de satisfaire les besoins
Chapitre 2. L’entreprise, « institution cardinale du capitalisme  »
Chapitre 3. L’organisation du travail dans l’entreprise
Chapitre 4. L’entreprise, quelle  nalité ?
Chapitre 5. L’investissement est indispensable
Chapitre 6. L’investissement doit être nancé
Chapitre 7. L’État produit des services répondant à des besoins

Partie 3. Le travail
Chapitre 1. « Il n’est de richesses que d’hommes  », ou le populationnisme
Chapitre 2. Le malthusianisme
Chapitre 3. L’optimum de population
Chapitre 4. Le travail à l’origine de la richesse des nations
Chapitre 5. La nature du travail et de l’emploi évolue
Chapitre 6. Un travail et des emplois de plus en plus féminisés
Chapitre 7. Un travail et des emplois de plus en plus quali és
Chapitre 8. Le travail et l’emploi sont un coût
Chapitre 9. Le travail, « torture » ou accomplissement ?
Chapitre 10. Le travail et ses arbitrages
Partie 4. Les revenus
Chapitre 1. Revenus du travail
Chapitre 2. Revenus sans travail (revenus de transfert)
Chapitre 3. Revenus et épargne
Chapitre 4. Revenus et inégalités

Partie 5. La consommation
Chapitre 1. La consommation, moteur de la croissance ?
Chapitre 2. Le consommateur, un être rationnel ?
Chapitre 3. La consommation, entrave au développement ?

Partie 6. La monnaie
Chapitre 1. La dématérialisation de la monnaie
Chapitre 2. Le rôle de la monnaie

Partie 7. La croissance
Chapitre 1. La croissance économique est salvatrice
Chapitre 2. La croissance n’a pas que des effets bienfaisants
Chapitre 3. Des indicateurs alternatifs de la croissance

Partie 8. Les crises économiques


Chapitre 1. L’économie est structurellement instable
Chapitre 2. Le chômage
Chapitre 3. L’in ation, la dé ation, la stag ation

Partie 9. Le rôle de l’État


Chapitre 1. L’État, ennemi de la liberté ?
Chapitre 2. L’État, en charge du bien commun ?
Chapitre 3. L’État, garant de la justice sociale ?
Chapitre 4. L’État, grand régulateur ?
Partie 10. Les grands courants de pensée
Chapitre 1. Les mercantilistes
Chapitre 2. Les physiocrates
Chapitre 3. Les classiques
Chapitre 4. Les néoclassiques
Chapitre 5. Le marxisme
Chapitre 6. Le keynésianisme
Chapitre 7. Les économistes de l’offre
Chapitre 8. Les monétaristes
Chapitre 9. La Nouvelle école classique (NEC)

Partie 11. Les systèmes économiques


Chapitre 1. Le capitalisme, ou le libéralisme économique
Chapitre 2. Le socialisme (ou les socialismes ?)

Partie 12. Les principaux marchés et leurs limites


Chapitre 1. De la CPP (concurrence pure et parfaite) aux marchés imparfaits
Chapitre 2. Les limites et les imperfections du marché

Partie 13. Les structures économiques et sociales


Chapitre 1. Évolution des structures sociales
Chapitre 2. Évolution des structures économiques

Partie 14. Les échanges internationaux


Chapitre 1. Le débat libre-échange/protectionnisme
Chapitre 2. Mondialisation et DIPP
Chapitre 3. La globalisation nancière
Chapitre 4. Le système monétaire international (SMI)
Chapitre 5. Les grandes institutions mondiales
Chapitre 6. Des rmes multinationales aux  rmes globales
Chapitre 7. Le Tiers Monde
Chapitre 8. Les mouvements altermondialistes
Partie 15. La création européenne, une
construction en devenir
Chapitre 1. La construction européenne, un projet d’abord éthique
Chapitre 2. Le projet européen se construit par le biais de l’économie
Chapitre 3. Une avancée considérable, l’euro

Partie 16. Vers une économie de la connaissance


Chapitre 1. L’économie de la connaissance
Chapitre 2. Les vagues d’Alvin Tof er

Conclusion
Glossaire des auteurs
Introduction
La science économique a longtemps été reléguée à quelques cercles
réduits d’intellectuels initiés et a été sans prise, ou sans grande prise,
sur les actions et décisions des hommes politiques.
Sans remonter loin dans le temps, il suf t de se souvenir des erreurs
majeures commises par les Alliés au moment de la signature du traité
de Versailles en 1919 qui imposait, entre autre, un montant de
réparations insoutenable pour l’Allemagne vaincue. Le slogan du
ministre français des Finances Klotz à ce sujet, « L’Allemagne paiera »,
est révélateur de la cécité des cercles politiques. La décision de
Poincaré d’occuper la Ruhr en 1923 pour prendre des gages s’est
avérée un échec. De même, les politiques dé ationnistes pratiquées
par des hommes comme Brüning en 1930, Laval en 1935 traduisent-
elles une méconnaissance grave des mécanismes économiques. Le
drame est que cette ignorance a conduit, par une succession
d’enchaînements, à la tragédie de la Seconde Guerre mondiale.
Par chance, ces événements ont suscité des réactions et poussé des
esprits éclairés à remettre en cause certaines idées considérées
comme «  gravées dans le marbre  ». On pense bien évidemment à
Keynes qui a su comprendre que l’activité économique impactait les
hommes, donc les sociétés, et que, à tout prendre, l’essentiel était de
privilégier un fonctionnement harmonieux des mécanismes sociaux.
Simultanément, on a assisté, depuis 1945 et dans les pays
développés, à une démocratisation du savoir dans toutes les
disciplines. Cette diffusion des connaissances est due à une volonté
établie d’éradiquer l’ignorance, de diffuser la culture, de favoriser le
dialogue. Le slogan de Jean-Pierre Chevènement, «  80  % d’une
tranche d’âge au baccalauréat  », même s’il demande à être examiné
de près, est révélateur de ce mouvement.
En même temps, le développement des médias contribuait à aiguiser
la curiosité des citoyens à l’égard des questions économiques tant les
propos de ceux-ci étaient émaillés d’informations économiques
(in ation, chômage, stag ation, internationalisation, mondialisation,

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monnaie, dévaluation, etc.). Ce n’est pas par hasard si, en ce qui
concerne la France, a été introduit, depuis 1966, dans les lières des
lycées, une section où était prodigué un enseignement économique et
social. Ainsi tout un chacun est-il désormais partie prenante, s’il le
souhaite, aux débats qui ne cessent de surgir à propos de la gestion
économique de la « Cité ».
Mais ces questions économiques ne peuvent pas être appréhendées
par le seul biais du « bon sens », encore que l’usage de ce dernier soit
essentiel. En effet, «  Nous sommes des nains juchés sur des épaules
de géants ». Cette formule attribuée à Bernard de Chartres (XIIe siècle)
et reprise par Newton et Pascal, explique, en partie, le souci qui a
prévalu dans la réalisation de cet ouvrage  : ouvrage  : permettre aux
lycéens ayant choisi la spécialité «  sciences économiques et
sociales  », ainsi qu’aux étudiants concernés par l’économie
(notamment : classes préparatoires aux écoles de commerce, instituts
d’études politiques, DCG, universités, certains BUT et BTS), mais
aussi à tout un chacun d’accéder rapidement à la pensée des
«  géants  » de la pensée économique, exprimée sous la forme de
formules choc.
Pour ce faire, après avoir identi é les principaux rouages de la
machinerie économique, et les avoir, autant qu’il était possible, mis en
relation d’une manière logique, on a recherché ce qu’avaient pu dire
des auteurs notables sur chacun de ces thèmes. En effet, nul ne
contestera que ce qu’ils ont laissé à la postérité mérite, pour le moins,
l’attention, la méditation.
L’économie n’étant pas une science « dure », il ne faut pas s’étonner
de la variété des citations à propos de telle ou telle thématique. Il n’est
pas anormal que les points de vue soient hétérogènes puisque,
derrière telle ou telle af rmation, il y a une position philosophique, une
conception éthique, une «  Weltanschauung » de l’auteur. L’objectif de
l’ouvrage n’est pas d’abord de permettre de briller en société, encore
que cela ne soit nullement méprisable, mais de susciter l’analyse et de
favoriser la discussion.
On pourra par ailleurs observer que les pères fondateurs de l’économie
ne proposent pas toujours une pensée monolithique. Leurs propres
propos peuvent quelquefois se télescoper. Il ne faut pas s’en étonner.
D’abord un proverbe français ne dit-il pas que «  Seuls les imbéciles ne

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changent pas d’avis  »  ? En outre, leur existence s’est déroulée sur
l’espace-temps d’une vie qui a pu modi er le contexte et leur ouvrir de
nouvelles pistes d’analyse.
En n, il faut se garder de toute tentation de catégoriser dé nitivement
les penseurs  ; certes, chacun se situe dans un courant de pensée
spéci que mais, dans ce courant dominant, il peut présenter des
spéci cités. Le cartésianisme, marque de la pensée française, ne doit
pas être poussé à l’extrême  ; il convient d’accepter que des parcs à
l’anglaise puissent voisiner avec l’ordonnancement des parterres du
château de Versailles.
Une dernière remarque  : le lecteur voudra bien accepter que les
auteurs n’aient pas lu l’intégralité des œuvres dont ils ont extrait les
citations. Celles qui gurent dans cet ouvrage ont été puisées à bonne
source. Mais il ne faudrait pas s’étonner de les trouver formulées un
peu différemment en d’autres occasions, ne fût-ce qu’à cause des
différences de traduction.

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PARTIE 1

Les besoins

L’économie est une sorte de machinerie dont les


différents éléments sont interconnectés, toute
modi cation de l’un d’entre eux induisant des effets sur
les autres. C’est en cela que la gestion des affaires
économiques requiert une bonne connaissance des
principaux mécanismes, une intelligence intuitive des
situations, une grande habilité dans la manipulation des
variables.
Ce gouvernement de l’économie nécessite d’autant plus de
subtilité que cette dernière met en cause des hommes, des
groupes sociaux, des sociétés à chaque étape des processus.
Dès lors, les analyses doivent intégrer des données humaines,
des croyances, des demandes qui, par essence, sont souvent
plus marquées par les émotions que par la raison.
Face à cette complexité, les décisionnaires avisés doivent
distinguer, en chaque circonstance, l’essentiel de l’accessoire.
Appliquant ce principe, rappelons donc d’abord qu’il n’y aurait

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pas d’activité économique si les hommes n’éprouvaient pas de
besoins.

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Chapitre 1
L’HOMME EST UN ÊTRE DE BESOINS

L’activité économique trouve son origine dans une


double constatation : d’une part, l’homme a des besoins
in nis, d’autre part, les ressources, sauf dans quelques
cas particuliers, sont en nombre limité. La Bible elle-
même fait allusion à ce rêve d’un pays de cocagne.

Ils allèrent trouver Moïse, Aaron et toute la communauté des ls


d’Israël, à Cadès, dans le désert de Parane. Ils rent leur rapport
devant eux et devant toute la communauté, et ils leur montrèrent les
fruits du pays.
Ils rent ce récit à Moïse : « Nous sommes allés dans le pays où tu
nous as envoyés. Vraiment, il ruisselle de lait et de miel, et voici ses
fruits. »
Bible, Exode 33 : 3
Alors que Moïse se trouvait sur le mont Horeb, Yahvé lui apparut
dans le buisson-ardent et lui dit : « J’ai vu la misère de mon peuple
en Égypte… et je suis descendu pour le délivrer de la main des
Égyptiens et le faire monter de ce pays vers une terre fertile et vaste,
une terre où ruissellent lait et miel… »
Bible, Exode 3 : 8

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Chapitre 2
CHASSÉ DU PARADIS TERRESTRE,
L’HOMME DOIT LUTTER POUR SURVIVRE
DANS UN MONDE DE RARETÉ

Depuis le paléolithique jusqu’à nos jours, en passant par


le néolithique, les êtres humains ont dû lutter pour se
procurer ce qu’ils jugent nécessaires à leur vie.
On parle aujourd’hui d’un monde d’abondance, mais
c’est là une formule trompeuse, car rien, ou presque
rien, n’est donné gratuitement.

Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, jusqu’à ce que tu


retournes à la terre dont tu as été tiré. Car tu es fait de poussière, et
tu retourneras à la poussière.
Bible, Genèse 3 : 19
Toute aventure humaine, au moins jusqu’ici, est une lutte acharnée
contre la rareté.
Jean-Paul Sartre (1905-1980),
Critique de la raison dialectique
Je conçois qu’une chose est rare, quand nous jugeons que nous
n’en avons pas autant qu’il en faut pour notre usage, qu’elle est
abondante quand nous jugeons que nous en avons autant qu’il nous

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en faut et qu’elle est surabondante, quand nous jugeons que nous
en avons au-delà.
Étienne Bonnot de Condillac (1714-1780),
Le Commerce et le Gouvernement
Sauver notre planète, éloigner les gens de la pauvreté, faire avancer
la croissance économique – ce sont les mêmes combats.
Ban Ki-moon (1944-)
Le fait qu’il n’est pas possible de satisfaire tous les besoins des
hommes n’est pas dû à des institutions sociales mal conçues, ni à
des dé ciences du système de l’économie de marché. C’est une
condition naturelle de la vie humaine. La croyance que la nature offre
à l’homme d’inépuisables richesses et que la misère est le résultat
d’un échec dans l’organisation de la société est entièrement erronée.
Ludwig von Mises (1881-1973),
L’Action humaine
La première leçon de l’économie  est celle de la rareté  : qu’on n’a
jamais assez de tout pour satisfaire entièrement les besoins de
chacun. Et en politique, la première leçon est de ne pas tenir compte
de la première leçon de l’économie.
Thomas Sowell (1930-)
Ce n’est que parce que la rareté existe qu’il y a aussi un problème
de formulation des lois morales  ; dans la mesure où les biens sont
surabondants (biens «  gratuits  »), aucun con it sur leur utilisation
n’est possible et aucune coordination des actions nécessaire. Il
s’ensuit donc que toute éthique, correctement conçue, doit être
formulée comme une théorie de la propriété, c’est-à-dire une théorie
de la cession des droits de contrôle exclusif sur des moyens rares.
Car ce n’est qu’alors qu’il devient possible d’éviter des con its
autrement inévitables et insolubles.
Hans-Hermann Hoppe (1949-)
Le système capitaliste résout le problème de la rareté par la
reconnaissance du droit de propriété.

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Hans-Hermann Hoppe (1949-),
De l’impossibilité du socialisme
Les choses auxquelles nous aspirons le plus dans la vie sont rares
et nos désirs sont illimités.
Jeremy Rifkin (1945-),
La Nouvelle Société du coût marginal zéro

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Chapitre 3
LE PLAISIR EST LIÉ À LA SATISFACTION
DES BESOINS

L’exception con rme la règle  ! Diogène dans son pithos


(tonneau) ou les ermites constituent assurément des
singularités qui démontrent a contrario que l’humanité
n’est pas prête à renoncer à ce que Tocqueville a nommé,
dans son livre De la démocratie en Amérique, « les petits
et vulgaires plaisirs ».
On peut regretter qu’il en soit ainsi, car cela interdit
d’imaginer qu’il soit possible d’arrêter la marche du
temps et de renoncer à la croissance. Ce qui ne signi e
pas qu’il ne soit pas nécessaire d’organiser cette
dernière.

Quand nous disons que le plaisir est notre but, nous n’entendons
pas par-là les plaisirs des débauchés ni ceux qui se rattachent à la
jouissance matérielle […]. Le plaisir que nous avons en vue est
caractérisé par l’absence de souffrance corporelle et de troubles de
l’âme.
Épicure (342-270 av. J.-C.),
Lettre à Ménécée

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Il n’est pas possible de vivre de façon bonne et juste, sans vivre avec
plaisir.
Épicure (342-270 av. J.-C.),
Lettre à Ménécée
On peut dire d’une action qu’elle est conforme au principe d’utilité
ou plus simplement qu’elle est utile […] lorsque sa tendance à
accroître le bonheur de la société est supérieure à ce qui le diminue.
Jeremy Bentham (1748-1832),
Principes de morale et de législation
Chaque portion de richesse a une portion correspondante de
bonheur.
Jeremy Bentham (1748-1832),
Traités de législation civile et pénale
L’excédent en bonheur du plus riche ne sera pas aussi grand que
son excédent en richesse.
Jeremy Bentham (1748-1832),
Traités de législation civile et pénale
La conquête du super u donne une excitation spirituelle plus grande
que la conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir,
et pas une création du besoin.
Gaston Bachelard (1884-1962),
La Psychanalyse du feu
La théorie qui suit repose entièrement sur un calcul du plaisir et de la
peine  ; et l’objet de l’économie est de maximiser le bonheur en
achetant le plaisir […] au coût le plus bas de la peine.
William Stanley Jevons (1835-1882),
Théorie de l’économie politique
C’est la fantaisie des hommes qui met le prix aux choses frivoles  ;
c’est cette fantaisie qui fait vivre cent ouvriers que j’emploie  ; c’est
elle qui me donne une belle maison, un char commode, des
chevaux  ; c’est elle qui excite l’industrie, qui entretient le goût, la
circulation, et l’abondance.

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Voltaire (1694-1778),
Le Monde comme il va
Une production qui aspire à multiplier les biens de l’existence
requiert chez les hommes des envies insatiables, qui s’allument
d’autant plus qu’elles se satisfont davantage.
Guglielmo Ferrero (1871-1942),
Discours aux sourds

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Chapitre 4
LA SATISFACTION DES BESOINS PEUT-ELLE
ÊTRE UNE SOURCE D’INSATISFACTION ?

Jamais le monde, et notamment occidental, n’a vécu dans


une telle profusion de biens et de services dont les
populations ont, toutes, recueilli les fruits. Mais,
simultanément, les médias nous parlent de crise à
longueur d’ondes, de colonnes et d’images. Ce paradoxe
ne peut pas s’expliquer autrement que par un décalage
entre l’aspiration à un ordre éthique, spirituel,
intellectuel, artistique et le désir de bien-être matériel.
À cet égard, Aristote et saint Thomas d’Aquin avaient
marqué la différence entre l’activité économique (la
chrématistique) naturelle, nécessaire, celle qui vise à
permettre le fonctionnement de la famille, et la
chrématistique commerciale, qui cherche à acquérir
toujours plus de monnaie. Karl Marx exprimera la même
critique en reprenant la formule de Virgile, auri sacra
fames (« exécrable soif de l’or »).

Ceux qui désirent le moins de choses sont les plus près des dieux.
Socrate (c. 470-399 av. J.-C.)

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Celui […] qui n’a besoin de rien parce qu’il se suf t à lui-même, ne
fait point partie de l’État ; c’est une brute ou un dieu.
Aristote (384-322 av. J.-C.),
Éthique à Nicomaque
L’amour de l’argent comme objet de possession […] sera reconnu
pour ce qu’il est, une passion morbide plutôt répugnante, une de
ces inclinations à moitié criminelles, à moitié pathologiques.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Essais de persuasion
Comme pour le concept d’émergence d’un nouveau besoin après
satisfaction d’un besoin primaire, l’émergence n’est pas un
phénomène soudain, mais plutôt une émergence lente et graduelle à
partir du néant. Par exemple, si le besoin primaire A est seulement
satisfait à 10  %, alors le besoin B ne sera pas visible du tout.
Pourtant, si le besoin A est satisfait à 25  %, le besoin B peut
apparaître à 5 %, si le besoin A est satisfait à 75 % le besoin B peut
apparaître complètement et ainsi de suite.
Abraham Harold Maslow (1908-1970),
A Theory of Human Motivation
Nos sensations montrent que les degrés de satisfaction ne
progressent pas  pari passu  avec les quantités consommées – ils
n’augmentent pas de la même manière que celle avec laquelle
progresse la quantité de marchandise offerte aux sens – mais
diminuent graduellement jusqu’à ce qu’ils disparaissent nalement et
que des quantités additionnelles de marchandise ne puissent plus
procurer de satisfaction supplémentaire.
Francis Ysidro Edgeworth (1845-1926)
La course consumériste a laissé les gens haletants, éternellement
insatisfaits.
Richard Easterlin (1926-)
La vertu seule ne peut faire vivre les nations dans la splendeur. Qui
veut ramener l’âge d’or doit accueillir également le vice et la vertu.

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Bernard de Mandeville (1670-1733),
La Fable des abeilles
L’argument des besoins est l’argument majeur des thuriféraires de la
croissance  : nous devons absolument viser à la croissance la plus
forte possible, car les besoins humains sont in nis. Et lorsqu’on a dit
cela, tout est dit. Le contradicteur n’a plus qu’à plier bagage  ; car
comment pourrait-il oser ne pas vouloir satisfaire les besoins
humains, et donc faire progresser l’humanité, la rendre plus
heureuse, toujours plus libérée de la tyrannie de la nécessité ?
Dominique Méda (1962-),
Qu’est-ce que la richesse ?
Le grand problème de la production capitaliste n’est plus de trouver
des producteurs et de décupler leurs forces, mais de découvrir des
consommateurs, d’exciter leurs appétits et de leur créer des besoins
factices.
Paul Lafargue (1842-1911),
Le Droit à la paresse
Le consumérisme est l’addiction aux produits inutiles, à valeur
illusoire ou imaginaire, parfois toxiques.
Edgar Morin (1921-)
Ce qui nous rend heureux, une fois satisfaites nos exigences
minimales de confort matériel, c’est l’affection et la compagnie. Nous
cherchons à nouer des liens affectifs, pas à posséder et à dévorer.
Jeremy Rifkin (1945-),
La Nouvelle Société du coût marginal zéro
En réalité, les choses auxquelles nous aspirons le plus ne sont pas
rares, mais d’une abondance in nie  : l’amour, l’acceptation et la
reconnaissance de notre humanité.
Jeremy Rifkin (1945-),
La Nouvelle Société du coût marginal zéro

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Chapitre 5
LA RARETÉ DÉTERMINE-T-ELLE
LA VALEUR ?

La notion de valeur est la croix des économistes.


La plupart d’entre eux en ont donné leur interprétation.
Bien que tout effort de simpli cation soit critiquable, on
proposera d’articuler ces dé nitions autour de deux
idées simples : la valeur est soit objective, soit subjective.
La valeur objective porte aussi les noms de valeur
travail, de valeur intrinsèque, de valeur d’échange, de
prix naturel.
La valeur subjective porte ceux de valeur d’usage, de
valeur rareté, de valeur utilité, de prix courant ou prix
de marché.

La valeur objective
La valeur d’échange est réelle et objective.
Léon Walras (1834-1910)
Le prix d’une cruche d’eau de la rivière Seine n’est rien parce que
c’est une matière immense qui ne tarit point ; mais on en donne un

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sol dans les rues de Paris, ce qui est le prix ou la mesure du travail
du porteur d’eau.
Richard Cantillon (1680-1734),
Essai sur la nature du commerce en général
La valeur d’échange ne se déduit pas de la valeur d’usage ; elle est
déterminée par la quantité de travail qu’une marchandise contient.
Jean-Marie Harribey (1948-),
La Nouvelle Revue du Travail
Le prix réel de chaque chose, ce qu’elle coûte réellement à la
personne qui a besoin de l’acquérir, est l’équivalent de la peine et de
l’embarras qu’il a fallu pour l’acquérir.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
La valeur subjective
Il arrive toujours que nous n’estimions pas un bien à sa juste valeur,
tant que nous en jouissons ; mais dès qu’il nous manque, nous lui
découvrons le mérite qu’il ne voulait pas nous montrer quand il était
à nous.
William Shakespeare (1564-1616),
Beaucoup de bruit pour rien
Une chose n’a pas une valeur, parce qu’elle coûte, comme on le
suppose ; mais elle coûte, parce qu’elle a une valeur.
Étienne Bonnot de Condillac (1714-1780),
Le Commerce et le Gouvernement
considérés relativement l’un à l’autre
Même sur les bords d’un euve, l’eau a une valeur, mais la plus
petite possible, parce qu’elle y est in niment surabondante à nos
besoins. Dans un lieu aride, au contraire, elle a une grande valeur
Étienne Bonnot de Condillac (1714-1780),
Le Commerce et le Gouvernement
considérés relativement l’un à l’autre

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La valeur est moins dans la chose que dans l’estime que nous en
faisons, et cette estime est relative à notre besoin  : elle croît et
diminue comme notre besoin croît et diminue lui-même.
Étienne Bonnot de Condillac (1714-1780),
Le Commerce et le Gouvernement
considérés relativement l’un à l’autre
Quand le puits est sec, on connaît la valeur de l’eau.
Benjamin Franklin (1706-1790),
L’Almanach du pauvre Richard
La valeur des choses est toujours en raison directe de la quantité
demandée et en raison inverse de la quantité offerte.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Le premier fondement de la valeur d’une chose est l’utilité que les
gens y trouvent. Cette utilité tient à la nature physique et morale de
l’homme, au climat qu’il habite, aux mœurs, à la législation de la
société dont il fait partie.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
L’utilité d’une chose […] la rend désirable aux yeux des hommes
[…]. Lorsqu’il suf t de la désirer pour l’obtenir, elle peut être
considérée comme une richesse naturelle livrée sans mesure aux
besoins de l’homme […]  : tels sont l’air, l’eau la lumière du soleil.
[…] S’il obtenait ainsi tous les objets de tous ses besoins et de tous
ses désirs, il serait in niment riche. […] Malheureusement il n’en est
pas ainsi ; la plupart des choses qui lui sont […] indispensablement
nécessaires […] ne lui sont pas accordées en quantité illimitée.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Lorsqu’un homme vend à un autre un produit quelconque, il lui vend
l’utilité qui est dans ce produit ; l’acheteur ne l’achète qu’à cause de
son utilité, de l’usage qu’il peut en faire.

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Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Il n’y a donc véritablement production de richesse que là où il y a
création ou augmentation d’utilité.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
La valeur réside dans les jugements que les individus portent sur
leurs besoins ; elle n’existe donc pas en dehors de leur jugement.
Karl Menger (1902-1985)
Les prix courants ou prix d’équilibre sont égaux aux rapports des
raretés. Soit autrement : les valeurs d’échange sont proportionnelles
aux raretés.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
Mais rien n’est simple !
Il faut observer que le mot valeur a deux signi cations différentes  ;
quelquefois il signi e l’utilité d’un objet particulier, et quelquefois il
signi e la faculté que donne la possession de cet objet d’acheter
d’autres marchandises. On peut appeler l’une valeur en usage, et
l’autre valeur en échange.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature
et les causes de la richesse des nations
Il n’y a rien de plus utile que l’eau, mais elle ne peut presque rien
acheter […]. Un diamant, au contraire, n’a presque aucune valeur
quant à l’usage, mais on trouvera fréquemment à l’échanger contre
une très grande quantité d’autres marchandises.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature
et les causes de la richesse des nations
Adam Smith a remarqué que le mot valeur a deux signi cations
différentes, et exprime, tantôt l’utilité d’un objet quelconque, tantôt la

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faculté que cet objet transmet à celui qui le possède, d’acheter
d’autres marchandises. Dans un cas, la valeur prend le nom de
valeur en usage ou d’utilité, dans l’autre, celui de valeur en échange.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Les choses, une fois qu’elles sont reconnues utiles par elles-mêmes,
tirent leur valeur échangeable de deux sources, de leur rareté, et de
la quantité de travail nécessaire pour les acquérir.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Il serait tout aussi déraisonnable de discuter sur le point de savoir si
c’est la lame supérieure ou la lame inférieure d’une paire de ciseaux
qui coupe un morceau de papier que de se demander si la valeur est
déterminée par l’utilité ou par le coût de production.
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
S’il est certain que la rareté et la valeur d’échange sont deux
phénomènes concomitants et proportionnels, il est certain que la
rareté est la cause de la valeur des choses.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
Les marchandises possèdent une valeur d’usage ou utilité, pour
laquelle elles sont désirées, et une valeur d’échange entre elles.
Jean-Marie Harribey (1948-),
La Nouvelle Revue du Travail

20
PARTIE 2

La production

À partir de l’instant où l’on admet que les besoins des


hommes doivent être satisfaits, on conçoit que des
moyens soient mis en œuvre pour y répondre. Pendant
longtemps, c’est par le biais de la guerre, de la
conquête, de la rapine que les humains se sont procuré
les biens de nature à les satisfaire. L’image de Brennus
jetant son épée dans la balance pour faire augmenter le tribut
payé par les Romains vaincus et s’exclamant «  Vae victis  1 » est
emblématique de cette situation.
Puis, graduellement, mais bien lentement néanmoins, s’est
développée l’idée que le monde irait mieux si l’on remplaçait le
vol, la destruction, le meurtre par des activités de production.
Simultanément se sont développées, notamment à partir de la
Renaissance, la science, les techniques, l’innovation. Elles
donneront naissance, à partir du XVIIIe  siècle, à la révolution
industrielle.

21
Aujourd’hui, les besoins en biens et services sont satisfaits par
une production organisée, encadrée, ef ciente qui est le fait des
entreprises et de l’État.

1. Malheur aux vaincus.

22
Chapitre 1
LA PRODUCTION PERMET DE SATISFAIRE
LES BESOINS

Elle est le fait des entreprises et requiert des


investissements. Mais l’État produit aussi des  services
répondant à des besoins.

La politique est donc, pour me résumer en deux mots, la science de


la production, c’est-à-dire la science qui a pour objet l’ordre des
choses le plus favorable à tous les genres de production.
Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825), L’Industrie
Le volume réel de la production et de l’emploi dépend des décisions
courantes de produire, lesquelles dépendent à leur tour des
décisions d’investir et de l’estimation actuelle des montants de la
consommation courante et future.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie

23
Chapitre 2
L’ENTREPRISE, « INSTITUTION CARDINALE
DU CAPITALISME 1 »

À partir du moment où les progrès scienti ques et


techniques ont permis de mieux répondre aux besoins
des hommes, des individus ont entrepris de les mettre en
œuvre dans le cadre d’unités de production. Ce faisant,
ils ont cherché à combiner au mieux les facteurs de
production que sont le capital et le travail.
Par «  capital  », il faut entendre ici le capital technique,
c’est-à-dire l’ensemble des actifs, notamment les biens
qui permettent de produire (terrains, bâtiments,
machines, etc.).
Par «  travail  », on entend la main-d’œuvre sous toutes
ses formes (ouvriers, employés, cadres, etc.).

Si on veut obtenir quelque chose que l’on n’a jamais eu, il faut tenter
quelque chose que l’on n’a jamais fait.
Périclès (495-429 av. J.-C.)
Il y a bien des manières de ne pas réussir, mais la plus sûre est de
ne jamais prendre de risques.

24
Benjamin Franklin (1706-1790)
Le mépris qu’on a pour les arts mécaniques semble avoir in ué
jusqu’à un certain point sur leurs inventeurs mêmes. Les noms de
ces bienfaiteurs du genre humain sont presque tous inconnus,
tandis que l’histoire de ses destructeurs, c’est-à-dire des
conquérants, n’est ignorée de personne.
Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783),
Discours préliminaire de l’Encyclopédie
Cependant, c’est peut-être chez les artisans qu’il faut aller chercher
les preuves les plus admirables de la sagacité de l’esprit, de sa
patience et de ses ressources.
Jean Le Rond d’Alembert (1717-1783),
Discours préliminaire de l’Encyclopédie
Chaque fois que vous voyez une entreprise qui réussit, dites-vous
que c’est parce qu’un jour quelqu’un a pris une décision
courageuse.
Peter Drucker (1909-2005)
Le succès arrive toujours lorsqu’une opportunité rencontre la
préparation.
Albert Einstein (1879-1955)
Beaucoup considèrent le chef d’entreprise comme un homme à
abattre, ou une vache à traire. Peu le voient comme le cheval tirant la
charrue.
Winston Churchill (1874-1965)
Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la
bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout,
exploiter partout, établir partout des relations.
Karl Marx (1818-1883)
et Friedrich Engels (1820-1895),
Manifeste du parti communiste
J’échangerais toute ma technologie pour un après-midi avec
Socrate.

25
Steve Jobs (1955-2011)
C’est l’entreprise de production qui pousse ses tentacules […] pour
diriger le comportement de marché et les attitudes sociales de ceux
qu’apparemment elle sert. Pour ce phénomène, il nous faut aussi
trouver un nom : celui de lière inversée paraît approprié.
John Kenneth Galbraith (1908-2006),
Le Nouvel État industriel

1. Formule de François Perroux (1903-1987).

26
Chapitre 3
L’ORGANISATION DU TRAVAIL
DANS L’ENTREPRISE

Avec The Principles of Scienti c Management, publié en


1911, Taylor révolutionne la façon de penser et
d’organiser le travail. Il s’agit désormais de penser celui-
ci scienti quement  : c’est la mise en place de
l’organisation scienti que du travail (OST), une sorte de
rationalité productive voulue par les organisations.
L’industriel américain Ford reprendra et complétera les
principes tayloriens (travail à la chaîne, standardisation
et politique de salaires élevés).
Le système taylorien-fordien, en associant production et
consommation de masse, sera à l’origine, entre autres,
du développement de la consommation de masse et des
Trente Glorieuses. Mais il sera critiqué, ce qui poussera
les entreprises à imaginer de nouvelles formes
d’organisation du travail, comme le toyotisme.
Aujourd’hui, le lean management regarde l’entreprise
comme un groupe de personnes devant coopérer pour
faire face aux nouvelles exigences du management
contemporain (produire, aux coûts les plus justes, des

27
biens et services de qualité en mobilisant l’intelligence de
tous les salariés).

La direction doit développer scienti quement une nouvelle technique


pour chaque aspect de la tâche d’un travailleur, pour remplacer la
méthode empirique utilisée traditionnellement.
Frederick Winslow Taylor (1856-1915),
The Principles of Scienti c Management
La direction doit coopérer avec enthousiasme avec les travailleurs
pour s’assurer que chaque tâche soit exécutée suivant les principes
et les techniques qui ont été développés.
Frederick Winslow Taylor (1856-1915),
The Principles of Scienti c Management
Les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur pour la Ford T, du
moment que c’est noir.
Henry Ford (1863-1947)
Ce n’est pas l’employeur qui paie les salaires, mais le client.
Henry Ford (1863-1947)
Le Five dollars day est une des meilleures politiques de baisse des
coûts jamais réalisées.
Henry Ford (1863-1947)
Laissez le ux gérer le processus et ne laissez pas le management
gérer le ux.
Taiichi Ohno (1912-1990),
Workplace Management
Le juste-à-temps signi e que l’enchantement du client est
directement transmis à ceux qui font le produit.
Taiichi Ohno (1912-1990),
Workplace Management

28
Prendre conscience du temps qui s’écoule entre le moment où le
client passe commande et celui où nous encaissons. À nous de
réduire ce temps en éliminant tout gaspillage et tout ce qui n’apporte
pas de valeur ajoutée.
Taiichi Ohno (1912-1990),
Workplace Management
Trop occupé pour vous améliorer ? Fréquemment, je suis étonné par
les gens qui se disent trop occupés et sans temps pour leur
développement. Je leur dis toujours, écoutez, vous ne serez plus
occupé dans deux cas : le jour où vous êtes mort ou lors de la faillite
de votre entreprise.
Shigeo Shingo (1909-1990)
Le client est la partie la plus importante de la ligne de production.
William Edwards Deming (1900-1993)
La qualité est l’affaire de tous.
William Edwards Deming (1900-1993)
Un contrôle de la qualité qui ne donne pas de résultats ne sert à rien.
Recherchons le contrôle de qualité qui rapporte tellement d’argent à
l’entreprise qu’on ne sait plus quoi en faire.
Kaoru Ishikawa (1915-1989)
Pourquoi ne pas faciliter le travail et le rendre plus intéressant pour
que les gens ne transpirent plus ? Le style Toyota ne cherche pas à
créer des résultats en travaillant dur. C’est un système qui ne xe
pas de limites à la créativité des gens. Les employés ne vont pas
chez Toyota pour travailler, ils y vont pour penser.
Taiichi Ohno (1912-1990)
Les coûts n’existent pas pour être calculés. Les coûts existent pour
être réduits.
Taiichi Ohno (1912-1990)

29
Chapitre 4
L’ENTREPRISE, QUELLE FINALITÉ ?

Les motivations du chef d’entreprise sont multiples, mais


son appétence pour le succès nancier personnel est
incontestable.
En outre, l’équilibre nancier est vital pour toute
entreprise qui ne peut durablement accumuler les
pertes.
Mais cette recherche de pro t à tout prix a pu s’avérer
socialement contre-productive, de sorte que l’entreprise
se voit aujourd’hui chargée de nouvelles responsabilités.
Depuis les années  1990, les missions des entreprises se
sont élargies, notamment avec la montée en puissance du
concept de RSE. La Commission européenne dé nit en
2011 la responsabilité sociétale (ou sociale) des
entreprises comme « la responsabilité des entreprises vis-
à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ».
Autrement dit, la RSE désigne un concept dans lequel les
entreprises intègrent, en plus de leurs préoccupations
économiques, des objectifs sociaux et environnementaux
avec l’ensemble de leurs parties prenantes.

30
Du pro t…
Il y a une et une seule responsabilité des affaires  : utiliser ses
ressources nancières et engager des activités désignées à accroître
ses pro ts.
Milton Friedman (1912-2006),
The Social Responsibility of Business
is to Increase its Pro ts
Les discussions sur la responsabilité sociétale des entreprises sont
remarquables par leur faiblesse analytique et leur manque de rigueur.
Milton Friedman (1912-2006),
The New York Times Magazine, 13 septembre 1970
La responsabilité sociétale de l’entreprise est d’accroître ses pro ts.
Milton Friedman (1912-2006),
The New York Times Magazine
Peu d’évolutions pourraient miner aussi profondément les fondations
mêmes de notre société libre que l’acceptation pour les dirigeants
d’entreprise d’une responsabilité sociale autre que de faire le plus
d’argent possible pour leurs actionnaires.
Milton Friedman (1912-2006),
Capitalisme et liberté
L’objectif de l’entreprise est de faire de l’argent, tout en s’amusant.
Bill Gore (1912-1986)
Les maîtres sont en tout temps et partout dans une sorte de ligue
tacite, mais constante et uniforme, pour ne pas élever les salaires
au-dessus de leur taux actuel.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
… à la RSE
L’entreprise doit faire des pro ts, sinon elle mourra. Mais si l’on tente
de faire fonctionner une entreprise uniquement sur le pro t, alors elle
mourra aussi car elle n’aura plus de raison d’être.

31
Henry Ford (1863-1947)
Les entreprises doivent aujourd’hui créer de la valeur non plus
seulement pour les actionnaires mais aussi pour la société et pour
les parties prenantes.
Joyce Su, directrice du B Lab Canada
La comptabilité environnementale est nécessaire pour sauver le
monde.
Kirk Myers
Le concept de responsabilité sociale des entreprises signi e
essentiellement que celles-ci décident de leur propre initiative de
contribuer à améliorer la société et rendre plus propre
l’environnement.
Livre vert de l’Union européenne, 2001
La responsabilité sociale des entreprises renvoie à la manière dont
les dirigeants des entreprises améliorent leur impact social et
environnemental pour créer de la valeur à la fois pour les actionnaires
et les autres parties prenantes en modi ant sa stratégie, son
organisation et ses procédés.
CSR Europe, premier réseau européen d’entreprises pour la RSE,
fondé en 1995
Nous dé nissons la responsabilité sociale de l’entreprise comme des
actions permettant d’améliorer le bien-être social au-delà des intérêts
de la rme et de ce qui est requis par la loi.
Revue Structural Change
and Economic Dynamics, 2004
La notion de RSE est liée à l’application aux entreprises du concept
de développement durable qui repose sur trois piliers (économique,
social et environnemental).
Novethic, centre de recherche
sur l’investissement responsable
L’entreprise est une institution sociale créée par la société, envers
laquelle elle est redevable et qui est en mesure de lui retirer ses

32
privilèges si elle se révèle inadéquate.
Corinne Gendron (1968-),
« Enjeux sociaux et représentations
de l’entreprise », Revue du MAUSS

33
Chapitre 5
L’INVESTISSEMENT EST INDISPENSABLE

Les innovations constantes provenant du génie humain


imposent aux rmes l’acquisition d’équipements leur
permettant d’être toujours plus ef caces et compétitives.
L’investissement est un moyen d’élever la productivité
globale des facteurs, en ce qu’il permet d’incorporer le
progrès technique à l’appareil de production.

Si un homme vide sa bourse dans sa tête, personne ne peut la lui


prendre. Un investissement dans le savoir paie toujours les meilleurs
intérêts.
Benjamin Franklin (1706-1790)
On réussit mieux en produisant les biens d’usage par des moyens
détournés qu’en les produisant directement.
Eugen von Böhm-Bawerk (1851-1914),
La Théorie positive du capital
Le capital technique est l’ensemble des biens indirects ou
intermédiaires qui, à travers des détours productifs féconds, et
moyennant une dépense de temps, ont la vertu de rendre plus
productif le travail.
Eugen von Böhm-Bawerk (1851-1914),
La Théorie positive du capital

34
L’immobilier ne peut pas être perdu ou volé, et il ne peut pas être
emporté. Acheté avec bon sens, payé en totalité et géré avec raison,
il est le placement le plus sûr du monde.
Franklin Delano Roosevelt (1882-1945)
La productivité est la mesure du progrès technique.
Jean Fourastié (1907-1990),
La Productivité
La con ance est une institution invisible qui régit le développement
économique.
Kenneth Arrow (1921-2017)
Si l’on n’investit pas sur le long terme, il n’y a pas de court terme.
Georges Davis (1942-)
Les investissements d’aujourd’hui sont les pro ts de demain et les
emplois d’après-demain.
Helmut Schmidt (1918-2015)
La résistance au changement n’est que le refus de la croissance.
Alexander Ruperti (1913-1998)
Plus de sécurité pour plus de con ance, donc plus de croissance et
plus d’emplois. C’est cette dynamique vertueuse qu’il faut stimuler.
Ségolène Royal (1953-)
Investir dans la formation, c’est conjuguer au présent, mais aussi au
futur, le souci des hommes et le souci des résultats.
Philippe Bloch (1959-)
La machine a jusqu’ici créé, directement ou indirectement, beaucoup
plus d’emplois qu’elle n’en a supprimés.
Alfred Sauvy (1898-1990),
Mythologie de notre temps
On appelle progrès technique une capacité d’action de plus en plus
ef cace que l’homme acquiert par l’effort intellectuel sur les éléments
matériels.

35
Jean Fourastié (1907-1990),
La Productivité
Bien entendu, tout pays est sous-développé en ce sens que, n’étant
pas encore parvenu à épuiser ses possibilités virtuelles, il est capable
de continuer à avancer dans la voie du progrès technique.
Paul Samuelson (1915-2009)

36
Chapitre 6
L’INVESTISSEMENT DOIT ÊTRE FINANCÉ

L’acquisition de matériels à la pointe du progrès coûte


souvent très cher. Les entreprises sont donc
constamment à la recherche des nancements permettant
leur croissance. À cet égard, l’épargne apparaît
vertueuse dans la mesure où elle permet de nancer les
investissements.

Le prix du prêt n’est point du tout fondé, comme on pourrait


l’imaginer, sur le pro t que l’emprunteur espère faire avec le capital
dont il achète l’usage. Ce prix se xe, comme le prix de toutes les
marchandises, par le débat entre le vendeur et l’acheteur, par la
balance de l’offre et de la demande.
Anne Robert Jacques Turgot (1727-1781)
Les capitaux augmentent par l’économie  ; ils diminuent par la
prodigalité et la mauvaise conduite.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Adam Smith a af rmé que la parcimonie développe le capital, qu’un
homme économe est un bienfaiteur public et que l’accroissement de
la richesse dépend de l’excès de la production sur la consommation.

37
Que ces propositions contiennent une grande part de vérité ne peut
être contesté. […] Mais il est bien évident qu’elles sont vraies
seulement dans certaines limites, et que le principe de l’épargne,
poussé à l’extrême, détruirait le motif de la production.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Principes d’économie politique
L’épargne, c’est-à-dire […] la renonciation à une consommation
actuelle en vue d’un bien futur.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
Les propriétaires deviennent riches pendant leur sommeil.
John Stuart Mill (1806-1873)
On ne peut devenir entrepreneur qu’en devenant auparavant débiteur.
S’endetter appartient à l’essence de l’entreprise et n’a rien
d’anormal.
Joseph Alois Schumpeter (1883-1950),
Théorie de l’évolution économique
L’épargne et l’accumulation de biens de capitaux qui en résulte sont
au début de chaque tentative d’améliorer les conditions matérielles
de l’homme ; c’est le fondement de la civilisation humaine.
Ludwig von Mises (1881-1973)
C’est dans la mesure où les agents sont prêts à épargner que
l’économie peut consacrer des ressources à la formation du capital.
Paul Samuelson (1915-2009),
L’Économique
La formation du capital, ou investissement, exige une abstention de
consommation, c’est-à-dire une épargne.
Jacques Lecaillon (1925-2014),
La Politique des revenus : espoir ou illusion
Toute entreprise a besoin d’injection de capitaux frais dans les
phases d’investissement et de croissance.
Catherine Trautmann (1951-)

38
Les pro ts sont le sang vital du système économique, l’élixir
magique sur lequel repose tout progrès. Mais le sang d’une
personne peut être le cancer pour une autre.
Paul Samuelson (1915-2009)
Mais il y a une autre forme de colonisation, c’est celle qui s’adapte
aux peuples qui ont, ou bien un excédent de capitaux, ou bien un
excédent de produits. Les colonies sont pour les pays riches un
placement de capitaux des plus avantageux. Dans la crise que
traversent toutes les industries européennes, la fondation d’une
colonie, c’est la création d’un débouché.
Jules Ferry (1832-1893)
La première forme de la colonisation, c’est celle qui offre un asile et
du travail au surcroît de population des pays pauvres ou de ceux qui
renferment une population exubérante.
Jules Ferry (1832-1893)
La puissance productrice d’un pays peut s’accroître d’une façon plus
que proportionnelle à l’augmentation du chiffre de sa population.
Alfred Marshall (1842-1924)

39
Chapitre 7
L’ÉTAT PRODUIT DES SERVICES
RÉPONDANT À DES BESOINS

Les économies modernes sont de plus en plus


dématérialisées. La production de services représente
plus de la moitié des PIB (mais ceci ne doit pas faire
oublier que les activités agricoles et industrielles
demeurent la base de toute l’activité productive). Dans
ces activités tertiairisées, l’État tient une place
primordiale car il «  produit  » des services essentiels au
bien-être des populations.

Si le gouvernement est un mauvais producteur par lui-même, il peut


du moins favoriser puissamment la production des particuliers par
des établissements publics bien conçus, bien exécutés et bien
entretenus, et notamment par les routes, les ponts, les canaux et les
ports.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Les académies, les bibliothèques, les écoles publiques, les musées,
fondés par les gouvernements éclairés, contribuent à la production
des richesses en découvrant de nouvelles vérités, en propageant
celles qui sont connues, et en mettant ainsi les entrepreneurs

40
d’industrie sur la voie des applications que l’on peut faire des
connaissances de l’homme à ses besoins.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
L’État, c’est la grande ction par laquelle tout le monde s’efforce de
vivre aux dépens de tout le monde.
Frédéric Bastiat (1801-1850),
« L’État », Journal des débats, 25 septembre 1848
Le plus pressé, ce  n’est pas que l’État enseigne, mais qu’il laisse
enseigner. Tous les monopoles sont détestables, mais le pire de
tous, c’est le monopole de l’enseignement.
Frédéric Bastiat (1801-1850),
Journal des économistes, 15 avril 1849
L’éducation, c’est la famille qui la donne  ; l’instruction, c’est l’État
qui la doit.
Victor Hugo (1802-1885),
Actes et paroles
Les formes non marchandes d’économie doivent nourrir notre
ré exion.
Roger-Pol Droit (1949-),
Le Monde, 3 décembre 2013
Le produit intérieur brut (PIB) est la somme du produit marchand et
du produit non marchand.
Jean-Marie Harribey (1948-),
La Nouvelle Revue du Travail, n° 15, 2019
Dans notre système capitaliste, la production [évaluée par le PIB] ne
désigne pas ce qui est utile à l’homme, elle désigne ce qui résulte
d’un travail rémunéré.
Denis Clerc (1942-),
Déchiffrer l’économie
Les consommations collectives obéissent à une logique des
besoins, et non à une logique marchande.

41
Denis Clerc (1942-),
Déchiffrer l’économie
Au niveau macroéconomique, parler de « prélèvement » est une pure
ction idéologique  : il n’y aurait aucune activité marchande possible
si n’existait pas en même temps tout un secteur non marchand.
Guillaume Duval (1957-),
« L’incontournable non marchand »,
Nouvelles Fondations, n° 5, 2007
L’accroissement du non-marchand dans l’économie monétaire est
en fait consubstantiel au développement même du capitalisme.
Guillaume Duval (1957-),
« L’incontournable non marchand »,
Nouvelles Fondations, 2007, n° 5
Pour que le pro t privé demeure possible, il faut être en mesure de
rassembler autour de l’économie marchande proprement dite des
conditions de plus en plus nombreuses et strictes en matière
d’environnement naturel, juridique, social, humain […]. Et, pour les
réunir, il n’y a pas d’autre choix que d’avoir recours à l’action
publique nancée par des voies non marchandes.
Guillaume Duval (1957-),
« L’incontournable non marchand »,
Nouvelles Fondations, 2007, n° 5
À côté de la production capitaliste proprement dite, il existe […] un
secteur soustrait à la logique du capital et où sont produits des
services monétaires non marchands, sous l’égide de l’État, des
collectivités territoriales.
Jean-Marie Harribey (1948-),
La Nouvelle Revue du Travail, n° 15, 2019
Dans les services monétaires non marchands, le travail est productif
de valeur.
Jean-Marie Harribey (1948-),
La Nouvelle Revue du Travail, n° 15, 2019

42
Les progrès réels ne peuvent être mesurés uniquement par l’argent.
Nous devons veiller à ce que la croissance économique contribue à
notre qualité de vie, plutôt que de la dégrader.
Tony Blair (1953-)
Il nous faut abandonner l’idée qu’en matière de dépenses publiques,
« plus » est synonyme de « mieux ».
Laurent Fabius (1946-),
discours à l’Assemblée nationale, avril 1998

43
PARTIE 3

Le travail

Les progrès scienti ques, techniques, industriels ont


permis des avancées considérables en matière de
productivité, à telle enseigne que la durée du travail a
régulièrement et considérablement diminué depuis la
révolution industrielle.
Ce mécanisme a conduit certains à imaginer que les
économies et les sociétés développées seraient entrées dans
une « civilisation des loisirs1 » et que des robots remplaceraient
graduellement le travail des hommes.
Le numérique et l’économie du quaternaire caractérisent
effectivement la troisième révolution industrielle. Cela permet-il
de concevoir que la production de biens et de services puisse
se passer du travail des hommes  ? Il faudrait faire preuve d’un
optimisme débordant pour envisager que l’on puisse se
dispenser de l’activité humaine pour créer de la valeur et
transformer la nature. Sans compter que le travail, en même
temps qu’il est voué à la détestation, est ardemment désiré.

44
Autant de questions auxquelles il convient de ré échir  : les
hommes sont-ils un atout ou à contrario un handicap  pour le
fonctionnement d’une économie  ? Constituent-il un coût ou
sont-ils source d’un pro t ? Quelles formes le travail prend-il au
l du temps ? Le travail est-il libérateur ou aliénateur ?

1.  Joffre Dumazedier, sociologue né en 1915 et mort en 2002, a publié en 1962 un ouvrage
intitulé Vers une civilisation des loisirs.

45
Chapitre 1
« IL N’EST DE RICHESSES QUE
D’HOMMES 1 »,
OU LE POPULATIONNISME

Pendant longtemps, on a pensé qu’une population


abondante était une source de richesse et de puissance
politique. Sur le plan économique, la faible technicité des
productions requérait de nombreux bras. Sur le plan
militaire, le nombre constituait souvent un avantage
important, mais pas toujours.

Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa


l’homme et la femme.  Dieu les bénit, et Dieu leur dit  : «  Soyez
féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez
sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal
qui se meut sur la terre. »
Bible, Genèse, 1 : 27
Le prince ne doit pas craindre de n’avoir pas une population
nombreuse, mais de ne pas avoir une juste répartition des biens.
Confucius (551-479 av. J.-C.)
Or il ne faut jamais craindre qu’il y ait trop de sujets, trop de
citoyens : vu qu’il n’y a richesse, ni force que d’hommes.

46
Jean Bodin (1530-1596),
Les Six Livres de la République
Le grand avantage et pro t de la compagnie consiste uniquement à
voir augmenter considérablement le nombre des habitants dans
toutes les isles, d’autant que cette augmentation entraîne après soi
l’augmentation de la consommation des marchandises de l’ancienne
France, qui tire aussi après soi celle des denrées qu’elle produit ; et
ces deux doivent produire la richesse et les avantages de la
compagnie.
Jean-Baptiste Colbert (1619-1683),
Lettre aux directeurs de la compagnie
des Indes occidentales
Faire le dénombrement des peuples du royaume tous les  ans une
fois, et établir pour cela une certaine méthode aisée et sûre […]  ;
surtout que celle-ci fasse connaître le nombre, la qualité et
profession des sujets de toute condition. Je ne vois rien de plus
nécessaire à un prince qui aime son peuple que de savoir
précisément l’état où il est.
Sébastien Le Prestre de Vauban (1633-1707)
La puissance productrice d’un pays peut s’accroître d’une façon plus
que proportionnelle à l’augmentation du chiffre de sa population.
Alfred Marshall (1842-1924)
L’accroissement de la population est le principal facteur qui
détermine le changement.
Ester Boserup (1910-1990)
Bon nombre de changements qui surviennent lorsque
l’accroissement de la population s’accompagne d’une utilisation du
sol plus intensive ont un effet de choc en retour sur les taux et de
mortalité et de natalité. Ainsi existe-t-il une relation à double sens
entre le trend démographique et le développement agraire.
Ester Boserup (1910-1990)
Les chiffres et les indices ne suf sent certes pas à résoudre tous les
problèmes, mais l’ignorance à leur égard ou leur connaissance

47
imparfaite et déviée sont un moyen sûr de commettre de grandes
erreurs, d’autant plus dangereuses que les conséquences
n’apparaissent qu’à la longue.
Alfred Sauvy (1898-1990)
Si fondamentaux sont les problèmes de population qu’ils prennent
de terribles revanches sur ceux qui les ignorent.
Alfred Sauvy (1898-1990)
Il n’y a de salut pour un pays, pour une forêt, pour tout ensemble
vivant, que dans une montée suf sante d’éléments jeunes.
Alfred Sauvy (1898-1990)

1.  Jean Bodin (1519 ou 1520-1596), dont l’œuvre, éclectique, comporte des analyses
économiques.

48
Chapitre 2
LE MALTHUSIANISME

En Angleterre se produit, au cours du XVIIIe  siècle, le


début de la transition démographique qui entraîne une
augmentation signi cative de la population. Face à cela,
certains plaident en faveur d’une maîtrise de la
fécondité. Malthus en est le représentant le plus célèbre
au point d’avoir donné son nom à ce type de politique.
Mais Aristote avait déjà évoqué la question.

Le nombre d’habitants doit toujours être limité.


Aristote (384-322 av. J.-C.)
Les hommes se multiplient comme des souris dans une grange, s’ils
ont les moyens de subsister sans limitation.
Richard Cantillon (1680-1734),
Essai sur la nature du commerce en général
Nous pouvons donc tenir pour certain que, lorsque la population
n’est arrêtée par aucun obstacle, elle va doublant tous les 25 ans.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Je pense pouvoir poser franchement deux postulats : premièrement,
que la nourriture est nécessaire à l’existence de l’homme  ;

49
deuxièmement, que la passion réciproque entre les sexes est une
nécessité et restera à peu près ce qu’elle est à présent. Je dis que le
pouvoir multiplicateur de la population est in niment plus grand que
le pouvoir de la terre de produire la subsistance de l’homme.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Un homme qui est né dans un monde déjà occupé, s’il ne lui est
pas possible d’obtenir de ses parents les subsistances qu’il peut
justement leur demander, et si la société n’a nul besoin de son
travail, n’a aucun droit de réclamer la moindre part de nourriture et,
en réalité, il est de trop. Au grand banquet de la nature, il n’y a point
de couvert disponible pour lui  ; elle lui ordonne de s’en aller, et elle
ne tardera pas elle-même à mettre son ordre à exécution, s’il ne peut
recourir à la compassion de quelques convives du banquet. Si ceux-
ci se serrent pour lui faire place, d’autres intrus se présentent
aussitôt, réclamant les mêmes faveurs. La nouvelle qu’il y a des
aliments pour tous ceux qui arrivent remplit la salle de nombreux
postulants. L’ordre et l’harmonie du festin sont troublés, l’abondance
qui régnait précédemment se change en disette, et la joie des
convives est anéantie par le spectacle de la misère et de la pénurie
qui sévissent dans toutes les parties de la salle, et par les clameurs
importunes de ceux qui sont, à juste titre, furieux de ne pas trouver
les aliments qu’on leur avait fait espérer.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Ainsi, à terme, l’accroissement de la population se heurte à une
insuf sance des produits agricoles  ; l’Histoire enseigne que la
population a toujours tendance à augmenter jusqu’aux limites des
moyens de subsistance. La régulation de la population se fait à
travers les famines, les maladies, les guerres.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
C’est le degré de culture et de prévoyance plus que le degré
d’aisance qui paraît régler la restriction des naissances.
Alfred Sauvy (1898-1990)

50
Chapitre 3
L’OPTIMUM DE POPULATION

Les prévisions cataclysmiques de Malthus n’ont pas été


validées par les faits. Néanmoins, la croissance
démographique mondiale (de 250  millions estimés au
début de l’ère chrétienne à plus de 7  milliards
aujourd’hui, et une prévision de 10 milliards à l’horizon
2100) doit inciter à ré échir à la notion d’optimum de
peuplement.

Les différences qu’on remarque dans les usages et les institutions


des divers peuples dépendent de la manière dont chacun d’eux
pourvoit à sa subsistance  ; les hommes ne sont réunis en société
que pour s’aider à obtenir les moyens de vivre.
Ibn Khaldoun (1332-1406)
Le nombre des individus, dans toute espèce vivante, tend toujours
vers l’extrême limite qui correspond à la quantité des subsistances
disponibles.
Adolphe Landry (1874-1956)
L’optimum de la population correspond à un certain niveau de vie.
Adolphe Landry (1874-1956)

51
L’heure est venue pour l’humanité d’évaluer soigneusement ses
ressources, ses aspirations, ses chiffres de population, et de tenter
de déterminer en connaissance de cause la taille optimale de la
population, tant pour chaque pays que pour le monde dans son
ensemble.
Paul Ralph Ehrlich (1932-),
Ecoscience : population, ressources, environnement

52
Chapitre 4
LE TRAVAIL À L’ORIGINE DE LA RICHESSE
DES NATIONS

Le thème du travail a toujours été au cœur des


préoccupations des économistes.
Pour les classiques, tels Smith et Ricardo, le travail
constitue le fondement de l’enrichissement des pays.
Smith considère que le progrès technique peut améliorer
la puissance productive du travail. Mais il perçoit l’état
d’aliénation dans lequel la division du travail place
l’ouvrier. Cet aspect sera repris et développé par Marx.
Pour Marx, le travail constitue en effet un facteur
d’aliénation  : le bourgeois capitaliste vole une partie de
son travail à l’ouvrier prolétaire (la plus-value), qui n’a
pas d’autre choix que de vendre sa force de travail pour
survivre.
Grâce au processus de croissance-développement, les
pays capitalistes ont créé des millions d’emplois depuis la
révolution industrielle. Ceux-ci ont connu des évolutions
majeures depuis un demi-siècle (féminisation croissante,
salarisation, tertiairisation). De même, la norme de
l’emploi total (emploi à temps plein et à durée

53
indéterminé) des Trente Glorieuses est remise en cause
par la montée du précariat et l’arbitrage travail-loisir mis
en évidence par la théorie néoclassique.

Le travail, créateur de richesses


Le travail est l’aliment des âmes nobles.
Sénèque (entre 4 av. J.-C et 1 ap. J.-C. - 75 apr. J.-C.)
Le travail est pour les hommes un trésor.
Ésope (vers 620 av. J.-C. - vers 564 av. J.-C.),
Fables
Le travail est le pain nourricier des grandes nations.
Mirabeau (1749-1791)
Le fruit du travail est le plus doux des plaisirs.
Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues (1715-1747), Ré exions
et maximes
L’oisiveté est comme la rouille ; elle use plus que le travail.
Benjamin Franklin (1706-1790)
La vie eurit par le travail.
Arthur Rimbaud (1854-1891),
Une saison en enfer
Le travail annuel d’une nation est le fonds primitif qui fournit à sa
consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes
à la vie ; et ces choses sont toujours, ou le produit immédiat de ce
travail, ou achetées des autres nations avec ce produit.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Ainsi, selon que ce produit, ou ce qui est acheté avec ce produit, se
trouvera être dans une proportion plus ou moins grande avec le

54
nombre de consommateurs, la nation sera plus ou moins pourvue
de toutes les choses nécessaires ou commodes dont elle éprouvera
le besoin.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du
travail, et la plus grande partie de l’habilité, de l’adresse et de
l’intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont dues, à ce
qu’il semble, à la division du travail.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Prenons un exemple dans une manufacture de la plus petite
importance, mais où la division du travail s’est fait souvent
remarquer, une manufacture d’épingles.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
L’important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit
opérations distinctes, ou environ, lesquelles, dans certaines
fabriques, sont remplies par autant de mains différentes.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Dans chaque art, la division du travail, aussi loin qu’elle peut y être
portée, donne lieu à un accroissement proportionnel dans la
puissance productive du travail. C’est cet avantage qui paraît avoir
donné naissance à la séparation des divers emplois et métiers.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations

55
Cette grande augmentation dans la quantité d’ouvrage qu’un même
nombre de bras est en état de fournir est due à trois circonstances
différentes  : premièrement, à un accroissement d’habilité dans
chaque ouvrier individuellement  ; deuxièmement, à l’épargne du
temps qui se prend ordinairement quand on passe d’une espèce
d’ouvrage à une autre  ; et, troisièmement en n, à l’invention d’un
grand nombre de machines qui facilitent et abrègent le travail.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Le travail, facteur d’aliénation
La cloche dit : prière ! L’enclume : travail !
Victor Hugo (1802-1885),
Toute la lyre
Si le travail était une si magni que chose, les riches en auraient
gardé plus pour eux.
Bruce Grocott (1940-)
Quand l’attention d’un homme est toute dirigée vers un objet, il est
bien plus propre à découvrir  les méthodes les plus promptes et les
plus aisées pour l’atteindre, que lorsque cette attention embrasse
une grande variété de choses.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Un homme dont toute la vie se passe à remplir un petit nombre
d’opérations simples […] n’a pas lieu de développer son intelligence
ni d’exercer son imagination à chercher des expériences.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Sa dextérité dans son métier particulier est une qualité qu’il semble
avoir acquise aux dépens de ses qualités intellectuelles.

56
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
De quoi dépend la rémunération du travail ?
J’ai toujours pensé que les salaires devaient s’établir en raison
inverse de l’intérêt que l’on prend à son travail
Françoise Giroud (1916-2003),
Journal d’une Parisienne
Toute peine mérite salaire.
Proverbe français
Le travail, ainsi que toute chose que l’on peut acheter ou vendre, et
dont la quantité peut augmenter ou diminuer, a un prix naturel et un
prix courant.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Le prix naturel du travail est celui qui fournit aux ouvriers, en général,
les moyens de subsister et de perpétuer leur espèce sans
accroissement ni diminution.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Le prix courant est le prix que reçoit réellement l’ouvrier, d’après les
rapports de l’offre et de la demande, le travail étant cher quand les
bras sont rares, et à bon marché lorsqu’ils abondent.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
C’est lorsque le prix courant du travail s’élève au-dessus de son prix
naturel que le sort de l’ouvrier est réellement prospère et heureux.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Quand le prix courant du travail est en dessous de son prix naturel,
le sort de l’ouvrier est déplorable, la pauvreté ne lui permet plus de

57
se procurer les objets que l’habitude lui a rendus absolument
nécessaires.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt

58
Chapitre 5
LA NATURE DU TRAVAIL ET DE L’EMPLOI
ÉVOLUE

Avec l’évolution des activités économiques vers des


productions de plus en plus immatérielles (c’est le
«  déversement  » de Sauvy), les formes de l’emploi ont
évolué.

L’impulsion fondamentale qui met et maintient en mouvement la


machine capitaliste est imprimée par les nouveaux objets de
consommation, les nouvelles méthodes de production et de
transport, les nouveaux marchés, les nouveaux types d’organisation
industrielle – tous éléments créés par l’initiative capitaliste. […] Ce
processus de destruction créatrice constitue la donnée fondamentale
du capitalisme.
Joseph Alois Schumpeter (1883-1950),
Capitalisme, socialisme et démocratie
Rien ne sera moins industriel que la civilisation née de la révolution
industrielle.
Jean Fourastié (1907-1990),
Le Grand Espoir du XXe siècle
Jusqu’à l’achèvement de l’industrie, les hommes travaillent en circuit
fermé, indé niment renouvelable, l’engrais naturel et les déchets

59
reviennent à la terre.
Alfred Sauvy (1898-1990),
Croissance zéro ?
À mesure que le temps passe et que les communautés atteignent
un sens plus avancé de développement économique, la main-
d’œuvre agricole tend à décroître par rapport à la main-d’œuvre
industrielle qui, elle-même, tend à décroître par rapport aux effectifs
employés dans les services.
Colin Clark (1905-1989),
Les Conditions du progrès économique
Nous connaissons le secteur primaire dont, avec l’exode rural, les
forces productives se sont déversées dans le secteur secondaire et
ont alimenté la révolution industrielle  ; ce secteur secondaire s’est
dégagé à son tour dans un secteur tertiaire de services actuellement
pléthorique.
L’économie qui se dégagerait à partir de ce secteur quaternaire
pourrait, en un certain sens, être appelée économie sociale.
J’entends par là une économie qui retrouverait des fonctions de
socialisation.
Jean-Marc Ferry (1946-),
Esprit
Le temps partiel n’apparaît pas comme une simple fraction d’un
temps plein. Il est souvent associé à une organisation plus
disciplinaire, à une moindre autonomie et à des facteurs de exibilité
temporelle dont les formes extrêmes peuvent impliquer le travail sur
appel, les horaires coupés, des changements d’horaire avec de
brèves périodes d’anticipation.
Margaret Maruani (1954-)
Despote conquérant, le progrès technique ne souffre pas l’arrêt. Tout
ralentissement équivalant à un recul, l’humanité est condamnée au
progrès à perpétuité.
Alfred Sauvy (1898-1990)
La troisième révolution industrielle est, indissociablement, la dernière
phase de la grande saga industrielle et la première de l’ère

60
coopérative émergente.
Jeremy Rifkin (1945-),
La Troisième Révolution industrielle
Comme l’ère industrielle a mis n au servage, l’ère coopérative
mettra probablement n au salariat de masse.
Jeremy Rifkin (1945-),
La Troisième Révolution industrielle
La croissance séculaire de la proportion de la main-d’œuvre totale
employée dans le secteur des services provient en partie de la
productivité relativement faible du travail et – plus encore peut-être –
d’une forte hausse séculaire de la demande.
Simon Colin,
ISEA, août-septembre 1957
Le progrès technique ne tue pas l’emploi, il le modi e, le réalloue
dans un autre secteur.
Jean-Olivier Hairault (1964-)
Les activités du quaternaire […] sont non mécanisables,
personnelles, communicationnelles, relevant de nalités personnelles
ou sociales.
Jean-Marc Ferry (1946-),
L’Allocation universelle
Le secteur quaternaire est le  secteur du nouvel âge de l’économie,
où l’homme s’empare de la production (et non plus l’inverse).
Roger Sue (1951-),
La Richesse des hommes. Vers l’économie quaternaire

61
Chapitre 6
UN TRAVAIL ET DES EMPLOIS
DE PLUS EN PLUS FÉMINISÉS

Contrairement à ce qui est souvent pensé et dit, les


femmes ont toujours travaillé. D’abord dans le cadre
domestique, car tenir un foyer et élever des enfants n’est
pas une activité de loisir  ! Ensuite dans le cadre
professionnel, car les entreprises de la révolution
industrielle, dès le XIXe  siècle, ont eu recours à de la
main-d’œuvre féminine salariée.
Néanmoins, il est exact que leur taux d’activité a
quasiment atteint celui des hommes aujourd’hui, soit
environ 70  %, alors qu’il n’était que de quelque 35  %
avant les années 1960.

Les idées et les institutions, d’après lesquelles l’accident du sexe est


le point de départ d’une inégalité des droits et d’une différence
nécessaire de fonctions sociales, seront bientôt reconnues comme
un des plus grands obstacles à tout progrès moral, social et même
intellectuel.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique

62
Je n’indiquerai ici parmi les effets qu’aurait probablement
l’indépendance industrielle et sociale de la femme qu’une grande
diminution des maux de l’excès de population.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
Dans ce siècle qui a pour loi d’achever la Révolution française et de
commencer la révolution humaine, l’égalité des sexes faisant partie
de l’égalité des hommes, une grande femme était nécessaire.
Victor Hugo (1802-1885)
Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et
satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence
conforme à la dignité humaine et complétée, s’il y a lieu, par tous
autres moyens de protection sociale.
Déclaration universelle des droits de l’Homme
du 10 décembre 1948 (article 23)
L’action des femmes n’a jamais été qu’une agitation symbolique  ;
elles n’ont gagné que ce que les hommes ont bien voulu leur
concéder ; elles n’ont rien pris : elles ont reçu.
Simone de Beauvoir (1908-1986),
Le Deuxième Sexe
Dans l’histoire de l’activité féminine, la nouveauté n’est donc pas
tant le travail qui, sous des formes diverses, a toujours existé, mais
plutôt l’emploi salarié, c’est-à-dire une forme de travail instituée et
reconnue, autonome, clairement identi able et extérieure à l’univers
domestique.
Margaret Maruani (1954-)
C’est par le travail que la femme a en grande partie franchi la
distance qui la séparait du mâle ; c’est par le travail qui peut seul lui
garantir une liberté concrète.
Simone de Beauvoir (1908-1986)
Les pays ayant plus d’égalité des sexes ont une meilleure croissance
économique. Les entreprises avec plus de femmes leaders se
comportent mieux.

63
Ban Ki-moon (1944-)
L’égalité pour les femmes signi e le progrès pour tous.
Ban Ki-moon (1944-)
Le travail des femmes n’est pas un cadeau pour les femmes, c’est
un cadeau pour la société.
Coline Serreau (1947-)
Le travail des femmes est entre l’idéal de liberté et la nécessité de
subsistance.
Geneviève Fraisse (1948-)

64
Chapitre 7
UN TRAVAIL
ET DES EMPLOIS
DE PLUS EN PLUS QUALIFIÉS

Les progrès scienti ques et techniques constituant le


cœur des activités économiques, il est naturel que ces
dernières incorporent toujours plus de savoir et de
technicité dans leurs process. Partant, elles ont besoin de
personnel de plus en plus quali é.

De même que tout royaume divisé est bientôt défait, toute


intelligence qui se divise en plusieurs études différentes s’embrouille
et s’affaiblit.
Léonard de Vinci (1452-1519)
Le facteur essentiel du développement et du progrès n’est pas le
capital, mais le savoir des hommes, leur aptitude à créer des
richesses.
Alfred Sauvy (1898-1990),
Mythologie de notre temps
Pour avoir une nation, il faut miser sur la formation professionnelle et
l’éducation.
Rhan Brunet Angwé Mintsa

65
En période de mobilité économique, la souplesse est une condition
vitale du plein-emploi.
Alfred Sauvy (1898-1990),
La France ridée

66
Chapitre 8
LE TRAVAIL ET L’EMPLOI SONT UN COÛT

La révolution industrielle a rapidement fait apparaître


un affrontement entre les dirigeants des entreprises et les
travailleurs salariés. Le principal point de friction a été,
et demeure, la répartition de la valeur ajoutée. Pour les
uns, le coût salarial est vu comme une charge, pour les
autres, le salaire permet une émancipation.

Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du


travail, et la plus grande partie de l’habilité, de l’adresse, de
l’intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué sont dues, à ce
qu’il semble, à la division du travail.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Quelquefois les maîtres font entre eux des complots particuliers pour
faire baisser au-dessous du taux habituel le salaire du travail.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
C’est parce que la demande de travail augmente dans les années
d’une abondance soudaine et extraordinaire, et parce qu’elle décroît

67
dans les années d’une cherté soudaine et extraordinaire, que le prix
pécuniaire du travail s’élève quelquefois dans les unes et baisse dans
les autres.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Le prix réel de chaque chose, ce que chaque chose coûte réellement
à celui qui veut se la procurer, c’est le travail et la peine qu’il doit
s’imposer pour l’obtenir.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
De même que le salaire de l’ouvrier est la rémunération de son
travail, les pro ts du capitaliste sont à proprement parler […] la
rémunération de son abstinence.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
L’élévation lente et progressive des salaires est une des lois
générales qui régissent les sociétés démocratiques.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
À mesure que les conditions deviennent plus égales, les salaires
s’élèvent, et, à mesure que les salaires sont plus hauts, les
conditions deviennent plus égales.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
Ce que l’ouvrier vend, ce n’est pas directement son travail mais sa
force de travail, qu’il met temporairement à la disposition du
capitaliste.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
En admettant la libre concurrence des travailleurs et la parfaite
mobilité du capital, […] les taux de salaires ont toujours tendance à

68
s’adapter à la demande de telle façon que tout le monde soit
employé. Par conséquent, en condition de stabilité, chacun trouve
normalement un emploi.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959),
La Théorie du chômage
Je cherche ce qui doit être fait au cours d’une loyale journée de
travail, c’est-à-dire ce qui pourrait être fait, tout en gardant cette
allure pendant une bonne suite d’années, sans que l’ouvrier subisse
une fatigue excessive.
Frederick Winslow Taylor (1856-1915),
Les Principes de l’organisation scienti que du travail

69
Chapitre 9
LE TRAVAIL, « TORTURE »
OU ACCOMPLISSEMENT ?

Le vocable «  travail  » est ambigu  ; en effet, il recouvre


une double réalité que l’on perçoit bien dans les termes
latins qui le traduisent : d’une part, le «  tripalium  », qui
était un instrument de torture (de ce point de vue, le
travail est une torture) ; d’autre part, « l’opus », qui est
le travail noble, créatif, épanouissant.

Parce que tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé le


fruit de l’arbre que je t’avais interdit de manger : maudit soit le sol à
cause de toi ! C’est dans la peine que tu en tireras ta nourriture, tous
les jours de ta vie.
Bible, Genèse, 3 : 16-17
Au XIIe siècle, « travail » désignait un instrument de torture fait de trois
pieux (tripalium) et «  travailler  » signi ait torturer. Le travail désignait
également les efforts faits par une femme pour accoucher.
Maurice Godelier (1934-),
Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie
Alors Prométhée, ne sachant qu’imaginer pour donner à l’homme le
moyen de se conserver, vole à Héphaistos et à Athéna  la
connaissance des arts avec le feu ; car, sans le feu, la connaissance

70
des arts était impossible et inutile  ; et il en fait présent à l’homme.
L’homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie.
Platon (c. 428-347 av. J.-C.),
Protagoras
Il ne faut pas s’étonner que nous ayons tant de penchant à la
paresse  ; c’est l’état naturel de l’homme, puisque le travail n’est
pour lui qu’une punition.
Stanislas Leszczynski (1677-1766),
Œuvres du philosophe bienfaisant
Le progrès de l’industrie n’est qu’un leurre pour la multitude. Dans
l’Angleterre tant vantée, la moitié de la population est réduite à
travailler seize heures par jour, une partie même dans des ateliers
infects, pour gagner sept  sous de France dans un pays où la
subsistance est plus coûteuse qu’en France.
Charles Fourier (1772-1837)
Le travail est extérieur à l’ouvrier. Il ne s’af rme pas dans son travail ;
bien au contraire, il s’y renie  ; loin d’y être heureux, il s’y sent
malheureux  ; il n’y développe aucune énergie libre, ni physique, ni
morale, mais il y morti e son corps et y ruine son esprit.
Karl Marx (1818-1883),
Manuscrits
Ce n’est pas seulement le travail qui est divisé, subdivisé et réparti
entre divers individus, c’est l’individu lui-même qui est morcelé et
métamorphosé en ressort automatique d’une opération exclusive.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
Le domaine de la liberté commence là où s’arrête le travail déterminé
par la nécessité.
Karl Marx (1818-1883)
Toute obligation, même la plus douce, pèse au jeune âge  : il faut
avoir expérimenté la vie pour reconnaître la nécessité d’un joug et
celle du travail.

71
Honoré de Balzac (1799-1850),
Le Médecin de campagne
Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi.
Préambule de la Constitution, 1946
Le propre du travail, c’est d’être forcé.
Alain (1868-1951)
L’excellence est un art que l’on n’atteint que par exercice constant.
Nous sommes ce que nous faisons de manière répétée. L’excellence
n’est donc pas une action mais une habitude.
Aristote (384-322 av. J.-C.)
Les jeunes gens commencent à apprendre la grande leçon de la vie,
à comprendre la monotonie inévitable du travail de chaque jour  ; ils
acquièrent peu à peu le caractère nécessaire pour faire des choses
désagréables et fatigantes.
Frederick Winslow Taylor (1856-1915),
Pourquoi les industriels n’apprécient pas
les diplômés d’université
L’emploi qu’un homme nit par obtenir est rarement celui pour lequel
il se croyait préparé et dans lequel il pensait pouvoir être utile.
Marguerite Yourcenar (1903-1987)
Le travail, c’est ce qu’on ne peut pas s’arrêter de faire quand on a
envie de s’arrêter de le faire.
Boris Vian (1920-1959)
Si, en effet, travail et loisir sont l’un et l’autre indispensables, le loisir
est cependant préférable à la vie active et plus réellement une n, de
sorte que nous avons à rechercher à quel genre d’occupations nous
devons nous livrer pendant nos loisirs. […] Le loisir […] semble
contenir en lui-même le plaisir, le bonheur et la félicité de vivre.
Aristote (384-322 av. J.-C.),
Politique
Le travail nous rend maîtres et possesseurs de la nature.

72
René Descartes (1596-1650),
Discours de la méthode
Choisissez un travail que vous aimez et vous n’aurez pas à travailler
un seul jour de votre vie.
Confucius (551-479 av. J.-C.)
Le travail éloigne de nous trois grands maux  : l’ennui, le vice et le
besoin.
Voltaire (1694-1778),
Candide

73
Chapitre 10
LE TRAVAIL
ET SES ARBITRAGES

Pour les économistes classiques et néoclassiques, le


marché du travail est un marché comme les autres qui
peut donc s’autoréguler. Il en résultera un prix et des
quantités d’équilibre. Si malgré cela subsiste du
chômage, celui-ci ne peut être que volontaire et le
résultat de l’arbitrage des individus entre travail et loisir.
J.-M. Keynes remettra en cause cette analyse.

Le plein-emploi existe toujours, ce terme étant interprété au sens


large comme l’emploi de tous les gens désireux d’être salariés,
moins ceux qui sont empêchés de l’être, en raison d’une insuf sante
mobilité, et entre frictions semblables.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959),
The Theory of Unemployment
Ainsi, tous ceux qui souhaitent être salariés peuvent l’être à plus ou
moins long terme.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959),
The Theory of Unemployment
Si la libre concurrence parfaite joue parmi les travailleurs et que le
travail est parfaitement mobile […], il y aura toujours une forte

74
tendance en action pour mettre le taux des salaires dans un rapport
tel avec la demande tel que tout le monde sera embauché.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959),
The Theory of Unemployment
Les individus font face à des arbitrages […]. Plus vous passez
d’heures à travailler, moins vous passez d’heures à regarder la
télévision, à dîner avec des amis ou à vous consacrer à votre activité
préférée.
Gregory Mankiw (1958-) et Mark P. Taylor (1958-), Principes de
l’économie
Le coût d’une chose est mesuré par ce que vous devez sacri er pour
l’obtenir. À quoi renoncez-vous pour obtenir une heure de loisir  ?
Vous renoncez à travailler une heure et de ce fait, vous renoncez à
percevoir une heure de salaire.
Gregory Mankiw (1958-) et Mark P. Taylor (1958-), Principes de
l’économie
Ainsi, si votre salaire horaire est de 15  €, votre coût d’opportunité
d’une heure de loisir est de 15  €. Lorsque votre salaire augmente
pour s’établir à 20 €, le coût d’opportunité de votre loisir augmente.
Gregory Mankiw (1958-) et Mark P. Taylor (1958-), Principes de
l’économie
Savoir ce qu’un boulot rapporte, mais savoir aussi ce qu’il vous
coûte.
Daniel Pennac (1944-)
Sans un minimum de loisir, pas de travail créateur, par conséquent
pas de culture ni de civilisation.
Roy Lewis (1913-1996)
Un des aspects fondamentaux de la conscience du travail fut la
conscience et le désir de ce qui est son contraire, à savoir le loisir.
Jacques Le Goff (1924-2014)

75
PARTIE 4

Les revenus

Les crises de surproduction ont toujours existé, mais


c’est la grande dépression des années  1930 qui a fait
prendre conscience de l’absurdité qu’il y avait à avoir
« des greniers pleins devant des ventres vides ». Keynes
a montré que la demande devait être solvable pour
permettre l’écoulement de la production.
De fait, ce sont les revenus qui permettent à la fois de répondre
aux besoins en consommant, et de soutenir l’activité
économique de production. Mais les revenus sont aussi à
l’origine de la nécessaire épargne. Une question ne peut
cependant pas être éludée : celle des inégalités de revenus qui,
dans les sociétés modernes, sont mal tolérées.

76
Chapitre 1
REVENUS DU TRAVAIL

La manière la plus habituelle, et la plus logique, de


disposer d’un revenu est de créer de la valeur en
travaillant et de tirer un revenu de cette valeur créée.
Pour la grande majorité de la population active, cette
activité est salariée.

Ce n’est pas par les revenus de chacun, mais par son train de vie
qu’il faut évaluer sa fortune.
Cicéron (106-43 av. J.-C.)
Il n’y a point de travail honteux.
Socrate (470-399 av. J.-C.)
À toute tâche proposez en outre un salaire, vous doublez le plaisir de
l’accomplir.
Euripide (480-406 av. J.-C.),
Rhésos
Notre vrai salaire doit se borner au plaisir de bien faire.
Jean-Baptiste Rousseau (1669-1741)
N’exigeons pas le prix avant la victoire, ni le salaire avant le travail.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778),
Émile ou De l’éducation

77
Ce n’est que lorsqu’à force de privations le nombre des ouvriers se
trouve réduit, ou que la demande de bras s’accroît, que le prix
courant du travail remonte de nouveau à son prix naturel. L’ouvrier
peut alors se procurer encore une fois les jouissances modérées qui
faisaient son bonheur.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Le salaire n’est que l’esclavage prolongé.
François-René de Chateaubriand (1768-1848), Mémoires d’outre-
tombe
Il y a deux manières d’être riche : élever son revenu au niveau de ses
désirs, abaisser ses désirs au niveau de son revenu.
Alphonse Karr (1808-1890)
Les ministres le nomment «  traitement  », les notaires
«  émoluments  », les médecins «  honoraires  », les employés
«  appointements  », les ouvriers «  salaires  », les domestiques
« gages ». L’argent ne fait pas le bonheur.
Gustave Flaubert (1821-1880),
Dictionnaire des idées reçues
Le capital mourrait si, tous les matins, on ne graissait pas les
rouages de ses machines avec de l’huile d’homme.
Jules Vallès (1832-1885)
Le capital est du travail volé.
Auguste Blanqui (1805-1881),
Critique sociale. Capital et travail
La concurrence croissante des bourgeois entre eux et les crises
commerciales qui en résultent rendent le salaire des ouvriers toujours
plus incertain.
Karl Marx (1818-1883)
et Friedrich Engels (1820-1895),
Manifeste du parti communiste

78
Le capital est seulement le fruit du travail et il n’aurait jamais pu
exister si le travail n’avait tout d’abord existé.
Abraham Lincoln (1809-1865)
L’un a besoin de l’autre : le capital n’est rien sans le travail, le travail
rien sans le capital.
Léon XIII (1810-1903)
Toute peine mérite salaire.
Proverbe français
Tout salaire mérite travail.
Yvon Gattaz (1925-)
L’un des symptômes d’une proche dépression nerveuse est de croire
que le travail que l’on fait est terriblement important.
Bertrand Russell (1872-1970)
J’ai toujours pensé que les salaires devaient s’établir en raison
inverse de l’intérêt que l’on prend à son travail.
Françoise Giroud (1916-2003),
Journal d’une Parisienne

79
Chapitre 2
REVENUS SANS TRAVAIL (REVENUS DE
TRANSFERT)

Toute ré exion économique s’accompagne d’une


ré exion éthique. C’est ainsi que, face à la misère
matérielle due à l’insuf sance de revenus, voire à leur
absence, il a été graduellement établi que la société se
devait de prendre en charge ceux qui étaient frappés par
les malheurs de la vie. C’est la solidarité. Mais cette
redistribution des richesses est contestée.

Ne rien convoiter, c’est épargner ; ne rien acheter, c’est s’enrichir.


Cicéron (106-43 av. J.-C.)
Le travail de la jeunesse fait le repos de la vieillesse.
Proverbe grec antique
Il se faut entraider, c’est la loi de nature.
Jean de La Fontaine (1621-1695),
« L’Âne et le Chien », Fables
On est pauvre dans l’opulence quand nos besoins vont toujours au-
delà de nos revenus.
François-Rodolphe de Weiss (1751-1818),
Principes philosophiques, politiques et moraux

80
Si l’impôt absorbe une trop grande part de notre revenu, adieu la
tranquillité !
Louis-Philippe de Ségur (1753-1830)
Aucune société ne peut prospérer et être heureuse, dans laquelle la
plus grande partie des membres est pauvre et misérable.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
L’égalité donne naturellement aux hommes le goût des institutions
libres.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratique en Amérique
L’égalité produit, en effet, deux tendances  : l’une mène directement
les hommes à l’indépendance et peut les pousser tout à coup
jusqu’à l’anarchie, l’autre les conduit par un chemin plus long, plus
secret, mais plus sûr, vers la servitude.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratique en Amérique
C’est la cohorte des fourmis qui, dans les galeries souterraines des
bas-fonds de la société, permet à l’économie d’avancer.
Moses Isegawa (1963-),
Chroniques abyssiniennes
À la télé ils disent tous les jours  : «  Y a trois millions de personnes
qui veulent du travail. » C’est pas vrai : de l’argent leur suf rait.
Coluche (1944-1986)
Le système des impôts a complètement dévié en faveur des riches
aux dépens des classes moyennes. C’est dramatique.
Warren Buffet (1930-)
Dif cile de justi er un  impôt  progressif dont le seul but est de
redistribuer les revenus.
Milton Friedman (1912-2006)

81
Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme  : des impôts, des
impôts et toujours plus d’impôts.
Karl Marx (1818-1883)
La solidarité n’existe pas  : n’existe qu’une coalition d’égoïsmes.
Chacun reste avec les autres pour se sauver soi-même.
Francesco Alberoni (1929-),
Vie publique et vie privée
Personne ne peut être privé de l’essentiel de ses revenus acquis par
son travail et son intelligence. Ce n’était pas la volonté des
constituants de 1789.
Michel Charasse (1941-2020)
L’impôt sur le revenu agit comme le mors ; l’impôt sur le capital agit
comme l’éperon.
Émile de Girardin (1802-1881),
Les Cinquante-deux
Imposer les gros revenus plus que les petits, c’est imposer l’activité
et l’économie ; c’est frapper d’une amende ceux qui ont plus travaillé
et plus économisé que leurs voisins.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
Il ne fait pas doute qu’un  impôt  exorbitant, équivalant par exemple,
en temps de paix comme en temps de guerre, à la moitié ou même
au cinquième de la richesse de la nation, justi erait, comme tout
abus caractérisé de pouvoir, la résistance du peuple.
Adam Smith (1723-1798),
Leçons sur la jurisprudence
L’impôt  peut entraver l’industrie du peuple et le détourner de
s’adonner à certaines branches de commerce ou de travail.
Adam Smith (1723-1798)
Un impôt inconsidérément établi offre beaucoup d’appât à la fraude.
Adam Smith (1723-1798)

82
Avec un gouvernement juste, il y a peu d’impôts.
Thomas Paine (1737-1809)

83
Chapitre 3
REVENUS ET ÉPARGNE

Comme le disait Keynes, «  la monnaie est un pont entre


le présent et le futur ». De fait, l’épargne monétaire sert à
se prémunir contre les aléas du futur. Une de ses
perversions est néanmoins le jeu spéculatif.

Mais le principe qui nous pousse à épargner, c’est le désir


d’améliorer notre sort ; désir qui en général, à la vérité, est calme et
sans passion, mais qui naît avec nous et ne nous quitte qu’au
tombeau.
Adam Smith (1723-1798)
Ce que l’on prodigue, on l’ôte à son héritier  ; ce que l’on épargne
sordidement, on se l’ôte à soi-même.
Proverbe français
Qui épargne écu par écu amasse un trésor.
Proverbe français
L’épargne est une magni que réalité, spécialement quand nos
parents l’ont pratiquée.
Mark Twain (1835-1910)
Travail et épargne sont le poteau et la traverse d’une croix qui donne
le salut à un homme.

84
Roch Carrier (1937-)
Qui épargne pour plus tard n’a pas con ance en Dieu.
Proverbe latino-américain
La supériorité des Occidentaux tient, en dernière analyse, au
capitalisme, c’est-à-dire à la longue accumulation de l’épargne. C’est
l’absence de capitaux qui rend les peuples sujets.
Jacques Bainville (1879-1936)
L’épargne est le soin et le scrupule dans la dépense de ses moyens.
Ce n’est pas une vertu et elle ne requiert ni compétence ni talent.
Emmanuel Kant (1724-1804)
L’utilitarisme était la philosophie de l’épargne  : il perd tout sens
quand l’épargne est compromise par l’in ation et les menaces de
banqueroute.
Jean-Paul Sartre (1905-1980),
Situations II
Ne te pique pas […] d’une épargne excessive. Rien n’est préférable à
la juste mesure qu’il faut observer en toutes choses.
Pythagore (c. 570-495 av. J.-C.)
La plus belle épargne est celle du temps.
Proverbe français
Si la prodigalité de quelques-uns n’était pas compensée par la
frugalité des autres, tout prodigue […] tendrait, par sa conduite, à
appauvrir son pays.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
L’épargne est une vertu […] et une force poussant à la dépression.
Roy Forbes Harrod (1900-1978),
La Théorie de la croissance
Une épargne exagérée peut causer à un pays un réel préjudice.

85
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Correspondance
La négation de l’idée industrielle est la spéculation.
Henry Ford (1863-1947)
Lorsque, dans un pays, le développement du capital devient le sous-
produit de l’activité d’un casino, il risque de s’accomplir en des
conditions défectueuses.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Toute spéculation mercantile que je fais aux dépens de la vie de mon
semblable n’est point un tra c. C’est un brigandage et un fratricide.
Maximilien de Robespierre (1758-1794),
Discours sur les subsistances
Il y a deux cas dans lesquels un homme ne devrait pas spéculer en
Bourse : quand il n’en a pas les moyens et quand il en a.
Mark Twain (1835-1910)

86
Chapitre 4
REVENUS ET INÉGALITÉS

La tension vers l’égalité semble être une tendance de long


terme de l’histoire. C’est la thèse de Tocqueville. De fait,
on observe que les inégalités tendent, sur le long terme, à
se réduire, du moins dans les pays démocratiques. Il
n’empêche qu’elles perdurent et alimentent les
frustrations et les contestations.

Il n’est de riche qui ne veuille devenir plus riche encore. Laissez-le


faire. En s’enrichissant, il enrichira la nation tout entière.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Il faut trouver le bon dosage entre l’équité et l’ef cacité. Trop
d’inégalités sociales créent de grands drames humains, mais trop de
droits acquis pervertissent le système.
Peter Praet (1949-)
La nature a créé des différences, la société en a fait des inégalités.
Proverbe arabe
Les fruits sont à tous, et […] la terre n’est à personne.

87
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778),
Discours sur l’origine et les fondements
de l’inégalité parmi les hommes
Le plus grand mal est déjà fait quand on a des pauvres à défendre et
des riches à contenir.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778),
Économie politique
[Les peuples] ont pour l’égalité une passion ardente, insatiable,
éternelle, invincible.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
La lutte contre les inégalités sociales est le grand dessein collectif
qu’une nation devrait se donner.
Jacques de Bourbon Busset (1912-2001)
Au plan national comme au plan mondial, la ligne de partage est
nette entre les gagnants et les perdants de la modernisation. Dans
nos pays, la répartition des fortunes et des revenus est de plus en
plus inégale.
Jürgen Habermas (1929-)
Plus les grands patrons néolibéraux augmentent leurs revenus, plus
ils estiment excessif le coût de la main-d’œuvre.
Jean-François Kahn (1938-)
Plus on aide les gens, plus ils sont aptes à sortir de la trappe à
pauvreté.
Esther Du o (1972-)
Après le salaire minimum, pourquoi ne pas instituer une
rémunération maximum ?
Jean-François Kahn (1938-),
Dictionnaire incorrect
Les pressions intérieures pour plus de protection se font plus fortes
en temps de crise.

88
Esther Du o (1972-)

89
PARTIE 5

La consommation

L’homme travaille pour produire de quoi satisfaire ses


besoins. Et le stade ultime du processus est la
consommation qui éteint le désir en procurant aux
individus, à tort ou à raison, des sentiments de plaisir,
de joie, voire de bonheur. À cet égard, elle tient une
place essentielle dans le fonctionnement des sociétés
dans la mesure où elle participe à leur équilibre. La formule de
Juvénal  1 «  Panem et circenses  2  » pourrait-elle être la base
d’une politique sociale  ? En outre, comment imaginer un
fonctionnement satisfaisant de la machine économique si la
consommation n’était pas suf sante pour absorber la
production  ? Keynes a magistralement montré combien la
demande, dont la consommation est la composante principale,
était au cœur de l’activité économique. Mais la consommation
est aussi la destruction de la production et des ressources que
celle-ci a requises. De plus, on peut se demander si l’homme
est réductible au seul statut de consommateur. Face à de telles

90
questions, la société de consommation fait aujourd’hui l’objet
d’âpres débats.

1. Poète satirique romain de la n du Ier siècle.


2. Du pain et des jeux (du cirque).

91
Chapitre 1
LA CONSOMMATION, MOTEUR
DE LA CROISSANCE ?

Déjà au début du XVIIIe  siècle, le philosophe et écrivain


néerlando-anglais Bernard de Mandeville, dans sa Fable
des abeilles, avait montré que des vices privés (Private
Vices) pouvaient constituer des vertus publiques (Public
Bene ts). En l’occurrence, la recherche de la jouissance
consommatrice pouvait créer un «  ruissellement  »
propice à la croissance économique.

Ne cherche point à briller par des dépenses déplacées, comme si tu


ignorais ce qui est convenable et beau.
Pythagore (c. 580-c. 495 av. J.-C.)
Le but de l’économie n’est pas le travail, mais la consommation.
Alfred Sauvy (1898-1990)
À l’encontre des Cassandre qui annoncent la n de la croissance,
l’économie mondiale se situe à la veille d’un cycle comparable à la
Renaissance.
Luc Ferry (1951-)
Les entrepreneurs des diverses branches d’industrie ont coutume de
dire que la dif culté n’est pas de produire, mais de vendre […].

92
L’objet de leur désir est une consommation active qui multiplie les
ventes.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Les produits se vendent d’autant mieux que les nations ont plus de
besoins.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
La guerre [celle de 1914-1918] a révélé les promesses de la
consommation à chacun et la vanité de l’abstinence à beaucoup.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Les Conséquences économiques de la paix
Aucune nation ne peut jamais devenir riche par l’accumulation d’un
capital provenant d’une diminution permanente de consommation.
Thomas Robert Malthus (1766-1834)
Il y a aujourd’hui beaucoup de gens qui […] s’imaginent qu’épargner
plus qu’à l’ordinaire est la meilleure chose que leur prochain et eux-
mêmes puissent faire pour améliorer la situation générale […]. Rien
ne peut être plus nuisible ni mal avisé.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Essai sur la monnaie et l’économie
Toutes les fois que vous achetez des marchandises, vous contribuez
à multiplier les emplois offerts aux travailleurs.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Essai sur la monnaie et l’économie
Un acte d’épargne individuelle signi e […] une décision de ne pas
dîner aujourd’hui. Mais il n’implique pas nécessairement une
décision de commander un dîner […] plus tard. Il produit donc un
effet déprimant sur l’industrie intéressée à la préparation du dîner
d’aujourd’hui.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie

93
Ce sont la propension à consommer et le montant de
l’investissement nouveau qui déterminent conjointement le volume
de l’emploi.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Abstenez-vous de désirer ce que vous n’avez pas, et vous ruinerez
l’économie.
François Proust (1941-),
Maximes à l’usage des dirigés et de leurs dirigeants
Le grand problème de la production capitaliste n’est plus de trouver
des producteurs et de décupler leurs forces mais de découvrir des
consommateurs, d’exciter leurs appétits et de leur créer des besoins
factices.
Paul Lafargue (1842-1911),
Le Droit à la paresse
L’aristocratisme du désintéressement est sans doute au principe de
nombre de condamnations de la «  société de consommation  » qui
oublient que la condamnation de la consommation est une idée de
consommation.
Pierre Bourdieu (1930-2002),
La Distinction. Critique sociale du jugement
La société dite de consommation – et qui est, beaucoup plus
certainement, une société de production – constitue le passage
obligatoire vers une civilisation de masse où s’épanouira la
personnalité.
Jean Saint-Geours (1925-2015),
Vive la société de consommation
La consommation est la seule n et la seule raison d’être de toute
production.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations

94
Quand on crée des emplois à très hauts revenus, ça nit par
béné cier à tout le monde.
Nicolas Bouzou (1976-)

95
Chapitre 2
LE CONSOMMATEUR, UN ÊTRE
RATIONNEL ?

L’économie a comme objectif prioritaire la satisfaction


des besoins humains. Dans la théorie néoclassique, le
consommateur cherche  à maximiser son plaisir, son
utilité.
Comme von Wieser ou Walras, Jevons considère que la
valeur d’un bien repose sur son utilité pour le
consommateur, mais plus particulièrement sur l’utilité
marginale, c’est-à-dire l’utilité apportée par le dernier
bien consommé. Les néoclassiques expliquent alors
comment le consommateur obtient une carte de courbes
d’indifférence qui donne une représentation des goûts
du consommateur.

Le but auquel nous tendons est d’obtenir le plus de richesse


possible, avec le moins de travail possible.
Stanley Jevons (1835-1882)
La richesse est faite pour l’usage et la consommation, d’une façon
ou de l’autre.
Stanley Jevons (1835-1882)

96
L’économie est la science qui étudie le comportement humain en
tant que relation entre les ns et les moyens rares à usage alternatif.
Lionel Robbins (1898-1984)
L’économie recherche comment les hommes décident, en faisant ou
non usage de la monnaie, d’affecter des ressources productives
rares à la production à travers le temps de marchandises et services
variés et de répartir ceux-ci, à des ns de consommation présente et
future, entre les différents individus et collectivités constituant la
société.
Paul Samuelson (1915-2009)
La valeur d’un produit divisible […] est […] mesurée, non par son
utilité totale mais par l’intensité du besoin que nous avons d’en avoir
davantage.
Stanley Jevons (1835-1882)

97
Chapitre 3
LA CONSOMMATION, ENTRAVE AU
DÉVELOPPEMENT ?

Des économistes n’ont pas attendu les années 1960 pour


critiquer les « dissipateurs » qui dépensent sans compter
au détriment de la nécessaire épargne. Et, depuis les
évènements de mai  1968, les critiques de la société de
consommation de masse n’ont cessé de se multiplier, en
même temps que les débats sur les questions
environnementales.

La société, le public doivent même préférer, dans leur intérêt, l’avare


qui, avec un soin sordide, amasse écu sur écu, au dissipateur qui les
répand avec profusion.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Cours complet d’économie politique pratique
L’économie est lle de la sagesse et d’une raison éclairée  : elle sait
se refuser le super u, pour se ménager le nécessaire.
Jean Baptiste Say (1767-1832)
Tout accroissement de la consommation, si l’on ne veut pas
perturber la production, exige au préalable une épargne.
Friedrich von Hayek (1899-1992),
Prix et production

98
Une société qui survit en créant des besoins arti ciels pour produire
ef cacement des biens de consommation inutiles ne paraît pas
susceptible de répondre à long terme aux dé s posés par la
dégradation de notre environnement.
Pierre Joliot-Curie (1932-),
La Recherche passionnément
La société de consommation a privilégié l’avoir au détriment de l’être.
Et, le jour où l’avoir ne progresse plus, le roi se sent tout nu.
Jacques Delors (1925-),
Le Bonheur, la Vie, la Mort, Dieu…
Ce qu’on appelle la société de consommation devrait être rebaptisé :
société de tentation.
Frédéric Beigbeder (1965-)
La consommation, c’est l’addiction.
Luc Ferry (1951-)
On ne peut pas rêver d’une croissance in nie de la population et de
la consommation individuelle sur une planète qui n’est pas en
expansion.
Anémone (1950-2019)
La planète abrite aujourd’hui 6 milliards d’individus […]. Vivre comme
avant n’est plus possible, ou nous allons au-devant de catastrophes.
Albert Jacquard (1925-2013)
Ainsi se formèrent ces immenses couches de charbon qu’une
consommation excessive doit pourtant épuiser en moins de
trois siècles si les peuples industrieux n’y prennent garde.
Jules Verne (1828-1905),
Voyage au centre de la Terre

99
PARTIE 6

La monnaie

Si l’on en juge par la èvre consommatrice des sociétés


riches, comme moins riches, la machine économique
ne risque pas d’être bloquée. Encore faut-il que la
demande des consommateurs potentiels soit solvable,
c’est-à-dire que ces derniers soient nantis d’un pouvoir
d’achat. À cet égard, la monnaie va permettre le
passage du virtuel au réel, du désir à l’achat (fonction
d’intermédiation des échanges).
En outre, la monnaie permet de xer la valeur réciproque des
biens ou services échangés (fonction de numération).
Comme l’homme ne vit pas que dans l’instant, il arrive qu’il
intègre le futur à ses préoccupations et qu’il cherche à se
prémunir contre les éventuels «  coups du sort  » par une
épargne monétaire (fonction d’accumulation).
Mais la monnaie est mystérieuse : elle a pris au cours du temps
des formes multiples pour nir par être aujourd’hui (presque)
totalement immatérielle. De ce point de vue, qu’elle soit

100
matérielle ou virtuelle, qu’elle soit un mythe ou une réalité, la
monnaie reste intrigante.

101
Chapitre 1
LA DÉMATÉRIALISATION DE LA MONNAIE

Des coquillages à l’or, les formes de la monnaie ont été


multiples au cours des âges.
Néanmoins, les métaux précieux, l’or en particulier, ont
constitué la monnaie par excellence jusqu’à ce que celle-
ci soit démonétisée de facto en 1971, et de jure en 1976
(accords de la Jamaïque 1).
Aujourd’hui, la monnaie duciaire (billets et pièces)
représente moins de 10  % de la masse monétaire M3
(masse monétaire au sens le plus large).

De l’or…
Des raisons irrésistibles semblent, dans tous les pays, avoir
déterminé les hommes à adopter les métaux pour cet usage […].
Les métaux non seulement ont l’avantage de pouvoir se garder avec
aussi peu de déchet que quelque autre denrée que ce soit, aucune
n’étant moins périssable qu’eux, mais encore ils peuvent se diviser
sans perte en autant de parties qu’on veut, et ces parties, à l’aide de
la fusion, peuvent être de nouveau réunis en masse ; qualité que ne
possède aucune autre denrée aussi durable qu’eux, et qui, plus que
tout autre qualité, en fait les instruments les plus propres au
commerce et la circulation.

102
Adam Smith (1723-1798),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
L’or est tout, et le reste sans or n’est rien.
Denis Diderot (1713-1784),
Le Neveu de Rameau
On doit choisir soit de faire con ance à la stabilité naturelle de l’or,
soit de faire con ance à la stabilité naturelle de l’honnêteté et de
l’intelligence des membres du gouvernement. Avec tout le respect
que je dois à ces dignes personnages, je vous conseille fortement de
voter pour l’or.
George Bernard Shaw (1856-1950),
Guide de la femme intelligente
en présence du socialisme et du capitalisme
Nous tenons donc pour nécessaire que les échanges internationaux
s’établissent, comme c’était le cas avant les grands malheurs du
monde, sur une base monétaire indiscutable et qui ne porte la
marque d’aucun pays en particulier. Quelle base  ? En vérité, on ne
voit pas qu’à cet égard il puisse y avoir de critère, d’étalon, autres
que l’or. Eh  ! Oui, l’or, qui ne change pas de nature, qui se met,
indifféremment, en barres, en lingots ou en pièces, qui n’a pas de
nationalité, qui est tenu, éternellement et universellement, comme la
valeur inaltérable et duciaire par excellence.
Charles de Gaulle (1890-1970)
L’or est une monnaie, tout le reste est du crédit.
John Pierpont Morgan (1837-1913)
L’or représente encore l’ultime forme de paiement dans le monde.
Dans le pire des cas, la monnaie duciaire ne sera plus acceptée par
personne, alors que l’or le sera encore.
Alan Greenspan (1926-)
Seuls sont conformes à la  justice, peuvent assurer la stabilité
économique, et représentent la vraie réponse au
asco  monétariste  actuel, un système de monnaie universelle ayant

103
une valeur intrinsèque (commodity money) telle que l’or, la
concurrence bancaire et un taux de réserve de 100 % sur les dépôts,
avec une stricte séparation entre banques de dépôt et banques de
prêt.
Hans-Hermann Hoppe (1949-)
Par nature, l’or et l’argent ne sont pas monnaie, mais la monnaie
est, par nature, or et argent.
Karl Marx (1818-1883),
Critique de l’économie politique
Seul l’étalon-or permet de déterminer le pouvoir d’achat de la
monnaie indépendamment des ambitions et des machinations des
gouvernements, des dictateurs, des partis politiques et des groupes
de pression.
Ludwig von Mises (1881-1973),
Plani er la liberté et autres essais
L’étalon-or a une énorme vertu  : la quantité de masse monétaire,
sous l’étalon-or, est indépendante des politiques, des
gouvernements et des partis politiques. C’est son avantage. C’est
une forme de protection contre les gouvernements dépensiers.
Ludwig von Mises (1881-1973),
Politique économique :
ré exions pour aujourd’hui et pour demain
Seul l’étalon-or représente ce que les chefs de le du XIXe  siècle,
amoureux de la liberté (eux qui défendaient le gouvernement
représentatif, les libertés civiques et la prospérité pour tous),
appelaient une « monnaie solide ».
Ludwig von Mises (1881-1973),
Plani er la liberté et autres essais
Le retour à l’or ne dépend pas de la réalisation d’une condition
matérielle. C’est un problème idéologique. Cela  suppose une seule
chose  : l’abandon de l’illusion que l’augmentation de la quantité de
monnaie crée la prospérité.

104
Ludwig von Mises (1881-1973),
Economic Freedom and Interventionism
Un traité n’est-il pas comme un billet de banque qui vaut ce que vaut
l’encaisse métallique ?
Paul Valéry (1871-1945),
Cahiers
… à la monnaie monétique des banques :
la dématérialisation
Lorsque circulent dans un pays deux monnaies, dont l’une est
considérée par le public comme bonne et l’autre mauvaise, la
mauvaise chasse la bonne.
Thomas Gresham (1519-1579)
Comme celui qui a l’argent est toujours le maître de l’autre, le traitant
se rend despotique sur le prince même : il n’est pas législateur, mais
il le force à donner des lois.
Montesquieu (1689-1755),
De l’esprit des lois
La valeur de la monnaie papier est basée sur la con ance dans l’État
qui l’imprime et revient toujours à sa valeur intrinsèque c’est-à-dire
zéro.
Voltaire (1694-1778)
Le peuple reçoit la religion, les lois, comme la monnaie, sans
l’examiner.
Voltaire (1694-1778)
L’intérêt de l’argent prêté se règle, comme celui de toutes les autres
marchandises, par la balance de l’offre et de la demande.
Jacques Turgot (1727-1781),
Ré exions sur la formation
et la distribution des richesses
Toute la perplexité, la confusion, et la détresse en Amérique ne
proviennent pas des défauts de la Constitution ou de la

105
Confédération ni du désir d’honneur ou de vertu, mais de notre
ignorance profonde de la nature des devises, du crédit, et de la
circulation.
John Adams (1735-1826)
Il y a deux manières de conquérir et d’asservir une nation, l’une est
par les armes, l’autre par la dette.
John Adams (1735-1826)
Celui qui contrôle l’argent de la nation contrôle la nation.
Thomas Jefferson (1743-1826)
Celui qui contrôle le volume de la monnaie dans notre pays est
maître absolu de toute l’industrie et tout le commerce.
James A. Gar eld (1831-1881)
Ainsi notre moyen national d’échange est maintenant à la merci des
transactions de prêts des banques, qui prêtent, non pas de l’argent,
mais des promesses de fournir de l’argent qu’elles n’ont pas.
Irving Fisher (1867-1947)
Il est appréciable que le peuple de cette nation ne comprenne rien au
système bancaire et monétaire.
Car si tel était le cas, je pense que nous serions confrontés à une
révolution avant demain matin.
Henry Ford (1863-1947)
L’étalon-or, cette relique barbare.
John Maynard Keynes (1883-1946),
A Tract on Monetary Reform
Le procédé par lequel les banques créent de l’argent est tellement
simple que l’esprit en est dégoûté.
John Kenneth Galbraith (1908-2006)
L’idée courante est que la création monétaire est un attribut de la
souveraineté, ce qui est contestable puisque la monnaie a été
inventée par la pratique des marchés.

106
Pascal Salin (1939-),
Les Systèmes monétaires :
des besoins individuels aux réalités internationales
Je suis opposé au système bancaire à réserves fractionnaires, qui
repose sur un mensonge : nous vous paierons des intérêts sur votre
argent que nous avons prêté à quelqu’un d’autre et que vous pouvez
retirer à tout instant.
Gary North (1942-)
Si vous n’avez pas con ance en l’or, vous admettez qu’il est logique
d’abattre un arbre valant environ trois ou quatre mille dollars, de le
transformer en pulpe puis en papier, de mettre un peu d’encre
dessus et d’appeler le tout un milliard de dollars.
Kenneth J. Gerbino
Banque  : société à laquelle vous donnez votre argent pour qu’elle
vous le prête. Elle vous vendra en échange une carte de crédit et un
chéquier, fabriqués avec votre argent, qui vous permettront de
consommer tout ce dont vous aurez besoin.
Christophe Alévêque (1963-),
Décodeur médiatique du XXIe siècle
S’il n’y avait pas de dette dans le système, il n’y aurait aucun argent.
Marriner S. Eccles (1890-1977)
Une banque vous prête un parapluie quand il fait beau et vous le
retire dès qu’il se met à pleuvoir.
Jerome Klapka, dit Jerome K. Jerome (1859-1927)
Je ne nie pas l’utilité des idées abstraites, pas plus que je ne
conteste la valeur des billets de banque.
Henri Bergson (1859-1941),
La Pensée et le Mouvant
Dans son essence, la création monétaire ex nihilo actuelle par le
système bancaire est identique […] à la création de monnaie par des
faux-monnayeurs.

107
Maurice Allais (1911-2010),
La Crise mondiale d’aujourd’hui
En fait, sans aucune exagération, le mécanisme actuel de la création
de monnaie par le crédit est certainement le cancer qui ronge
irrémédiablement les économies de marchés de propriété privée.
Maurice Allais (1911-2010),
La Crise mondiale d’aujourd’hui
La création monétaire doit relever de l’État et de l’État seul. Toute
création monétaire autre que la monnaie de base par la banque
centrale doit être rendue impossible, de manière que disparaissent
les faux droits résultant actuellement de la création de monnaie
bancaire.
Maurice Allais (1911-2010),
La Crise mondiale d’aujourd’hui
La monnaie n’a que la valeur qu’on lui donne.
Christophe Jaffrelot (1964-)
Jusqu’à ce que le contrôle de l’émission de devises et de crédit soit
restauré au gouvernement et reconnue comme sa responsabilité la
plus agrante et la plus sacrée, tout discours sur la souveraineté du
Parlement et la démocratie est vain et futile.
William Lyon Mackenzie King (1874-1950)
Les banquiers Illuminati gouvernent le monde grâce à la dette qui
correspond à l’argent créé à partir du néant.
Henry Makow (1949-)
Aussi longtemps que les banques privées, au lieu des
gouvernements, contrôleront la création de l’argent, la race humaine
sera condamnée. Ces banquiers et leurs alliés ont tout acheté et tout
le monde.
Henry Makow (1949-)
Le système bancaire moderne fabrique de l’argent à partir de rien. Ce
processus est peut-être le tour de dextérité le plus étonnant qui fut
jamais inventé.

108
Josiah Stamp (1880-1941)
La banque fut conçue dans l’iniquité et est née dans le péché. Les
banquiers possèdent la terre. Prenez-la-leur, mais laissez-leur le
pouvoir de créer l’argent et en un tour de main ils créeront assez
d’argent pour la racheter.
Josiah Stamp (1880-1941)
Si vous voulez continuer à être les esclaves des banques et à payer
le prix de votre propre esclavage, laissez donc les banquiers
continuer à créer l’argent et à contrôler les crédits.
Josiah Stamp (1880-1941)
La con ance est une institution invisible qui régit le développement
économique.
Kenneth Arrow (1921-2017)

1.  Accords signés en 1976 qui mettent n au système instauré en 1944 à Bretton Woods  :
démonétisation de l’or et n des parités xes.

109
Chapitre 2
LE RÔLE DE LA MONNAIE

Bien d’échange accepté au sein d’une communauté de


paiements, la monnaie remplit trois fonctions
traditionnelles (intermédiation, numération,
accumulation). Elle facilite donc les échanges et, partant,
l’activité économique ; à cet égard, on peut la comparer à
l’huile d’un moteur thermique.
Mais l’on a pu observer des situations de «  famine  » ou
de «  disette  » monétaire conduisant à des blocages de
l’activité économique. Pour éviter ces crises, certains ont
été amenés à suggérer d’utiliser la monnaie pour faire
tourner la «  machine  ». De ce point de vue, on peut
comparer la monnaie à l’essence d’un moteur.
Monnaie voile (sans action sur l’économie réelle) ou
monnaie active, elle joue un rôle intrigant.

Il n’est pas dans l’économie d’une société quelque chose de plus


insigni ant en elle-même que la monnaie, si on la considère
autrement qu’un mécanisme pour faire vite et commodément ce que
l’on ferait moins vite et moins commodément s’il n’existait pas […].
L’introduction de la monnaie ne modi e en rien l’action des lois de la

110
valeur […]. La monnaie et les marchandises se recherchent pour être
échangées.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
Semblables à l’huile qui adoucit les mouvements d’une machine
compliquée, les monnaies, répandues dans tous les rouages de
l’industrie humaine, facilitent les mouvements qui ne sont plus
productifs dès que l’industrie cesse de les employer.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
L’argent n’est que la voiture des produits.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
La monnaie n’est que l’intermédiaire par lequel s’effectue l’échange.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
L’or et l’argent, comme toutes les autres matières dont l’ensemble
forme les richesses d’une nation, ne sont utiles à cette nation que
jusqu’au point où ils n’excèdent pas les besoins qu’elle en a. Le
surplus, occasionnant plus d’offres de cette marchandise qu’il n’y en
a de demandes, en avilit la valeur d’autant plus que l’offre est plus
grande, et il en résulte un puissant encouragement pour en tirer parti
en dehors avec béné ce.
Jean Baptiste Say (1767-1832), Traité d’économie politique
La monnaie n’est qu’un parasite dans le fonctionnement de
l’économie de marché. Un parasite dangereux, à domestiquer, parce
qu’on ne peut pas l’éliminer.
Jacques Attali (1943-),
Les Trois Mondes
Je trouve que la cherté que nous voyons vient pour trois causes. La
principale et presque seule […] est l’abondance d’or et d’argent, qui
est aujourd’hui en ce royaume plus grande qu’elle n’a été il y a
400 ans.

111
Jean Bodin (c. 1530-1596),
Réponse aux paradoxes du seigneur
de Malestroict sur le faict des monnoyes
Le moyen le plus sûr de renverser un ordre social existant consiste à
corrompre la monnaie.
Lénine (1870-1924)
Lénine aurait déclaré que la meilleure manière de détruire le système
capitaliste est de s’attaquer à sa monnaie. […] Il avait raison. Il n’y a
pas de manière plus subtile, plus sûre et plus discrète de renverser
l’ordre existant de la société que de vicier sa monnaie.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Les Conséquences économiques de la paix
La contraction brutale de la masse monétaire est un facteur essentiel
qui conditionne l’apparition d’une crise 1.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
L’argent n’est pas la richesse dont les hommes ont besoin pour leur
jouissance. Ce sont les biens nécessaires à la vie même qu’il faut
obtenir.
François Quesnay (1694-1774),
Analyse de la formule arithmétique
du tableau économique […]
Il est nécessaire qu’un État ait une certaine quantité de monnaie
proportionnée au nombre de ses peuples.
John Law (1671-1729),
Mémoires sur les monnaies et sur la banque
Contrairement à votre situation britannique, il n’y a pas en Nouvelle
Angleterre un seul chômeur, mendiant ou vagabond. Cela grâce à
l’émission sans intérêt dans nos 13 colonies de monnaie de papier ;
ce qui permet de contrôler le pouvoir d’achat (en circulation) et
n’engendre pas de dette publique.
Benjamin Franklin (1706-1790)

112
Le gouvernement devrait créer, émettre, et faire circuler toutes les
devises et tous les crédits nécessaires pour satisfaire les dépenses
du gouvernement et le pouvoir d’achat des consommateurs.
[…] Le privilège de créer et d’émettre de la monnaie n’est pas
seulement la prérogative suprême du gouvernement, mais c’est
aussi sa plus grande opportunité.
Abraham Lincoln (1809-1865)
L’économie de marché pourrait bien mieux développer ses
potentialités si le monopole gouvernemental sur la monnaie était
aboli.
Friedrich August von Hayek (1899-1992)
Chaque fois qu’une banque accorde un prêt, un nouveau crédit
bancaire est créé. Ce sont de nouveaux dépôts, de l’argent
entièrement nouveau.
Graham F. Towers (1897-1975)
La théorie quantitative de la monnaie peut être énoncée dans les
termes suivants  ; tant qu’il existe du chômage, l’emploi varie
proportionnellement à la quantité de monnaie  ; lorsque le plein-
emploi est réalisé, les prix varient proportionnellement à la quantité
de monnaie.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Le rôle du taux d’intérêt est de maintenir en équilibre, non la
demande et l’offre de biens de capital nouveau, mais la demande et
l’offre de monnaie.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
L’amour de l’argent comme objet de possession […] sera reconnu
pour ce qu’il est, une passion morbide plutôt répugnante, une de
ces inclinations à moitié criminelles, à moitié pathologiques, dont on
con e le soin en frissonnant aux spécialistes de maladies mentales.

113
John Maynard Keynes (1883-1946),
Perspectives économiques pour nos petits-enfants

1. Il s’agit alors d’une famine monétaire.

114
PARTIE 7

La croissance

Les hommes étant de plus en plus nombreux, et leurs


désirs étant in nis, les systèmes de production sont
sollicités pour fournir toujours plus de biens et de
services.
Par ailleurs, et ceteris paribus  1, plus l’activité
économique est soutenue, plus le nombre d’emplois est
important. Or le plein-emploi est un souci majeur pour les
responsables politiques.
Dans ces conditions, la croissance économique est devenue un
objectif prioritaire des gouvernements qui sont jugés à l’aune
des taux de croissance du PIB.
Néanmoins, dans les années 1960, la croissance économique a
commencé à être contestée. La controverse sur ses bienfaits et
ses méfaits n’a cessé de s’ampli er, et, aujourd’hui, la question
de la soutenabilité de la croissance s’est invitée dans le débat et
y occupe un espace signi catif.

115
1. Toutes choses égales par ailleurs.

116
Chapitre 1
LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE
EST SALVATRICE

L’activité économique consiste à ajouter de la valeur à


des biens et des services pour qu’ils répondent au mieux
aux demandes des hommes. On prend une terre et, par
son labeur, l’agriculteur produit 100 quintaux de blé par
hectare  1 (secteur primaire). On prend un arbre et, par
une succession d’opérations, l’industriel fabrique un
meuble (secteur secondaire). On prend un malade et, par
son savoir, un médecin le soigne (secteur tertiaire).
Ces ajouts de valeur, dont le total n’est autre que le PIB,
permettent de satisfaire les aspirations des hommes à
vivre mieux. Ils permettent de sortir des «  dark ages  »
(âges obscurs) et de s’acheminer vers un monde meilleur.

La vie est, à mes yeux, instinct de croissance, de durée,


d’accumulation de force, de puissance  : là où la volonté de
puissance fait défaut, il y a déclin.
Friedrich Nietzsche (1844-1900)
Nous ne pouvons pas être en mode survie. Nous devons être en
mode croissance.

117
Jeff Bezos (1964-)
Les systèmes qui échouent sont ceux qui dépendent de la
permanence de la nature humaine, et non de sa croissance et de
son développement.
Oscar Wilde (1854-1900)
Il me semble n’y avoir aucune bonne raison de croire que nous
soyons le moins du monde proches d’un état stationnaire où il n’y
aurait aucun besoin nouveau important à satisfaire. Toute l’histoire
de l’homme montre que ses besoins s’étendent à mesure que se
développent ses richesses et ses connaissances.
Alfred Marshall (1842-1924)
Le développement durable est en soi une contradiction, car on ne
peut pas développer sans consommer davantage de biens et
d’énergie.
René Dumont (1904-2001)
Le numérique est notre avenir. Que ce soit dans le domaine de
l’économie, de l’emploi ou de l’éducation, le numérique est un
facteur indispensable à l’évolution, au progrès et à la pérennité de
notre société.
Anonyme
Pas de réformes sans croissance, avaient estimé Jacques Chirac et
ses confrères. Pas de croissance sans réforme, a répondu l’Histoire.
Éric Le Boucher (1950-),
Économiquement incorrect
La croissance intellectuelle et morale n’est pas moins indispensable
que l’amélioration matérielle. Savoir est un viatique  ; penser est de
première nécessité ; la vérité est nourriture comme le froment.
Victor Hugo (1802-1885),
Les Misérables
Si nous ne parvenons pas à concilier les besoins de croissance de
l’humanité et la souffrance d’une planète à bout de souf e, nous
courons à la catastrophe.

118
Jacques Chirac (1932-2019)
Vouloir s’opposer à la croissance et au progrès technologique, c’est
engager la France dans le déclin et la détérioration du niveau de vie
des Français.
Claude Allègre (1937-),
Ma vérité sur la planète
L’écologie, c’est notre affaire à tous. Elle doit être créatrice de
richesse. Je crois en la croissance écologique, pas à la décroissance
verte.
Jean Castex (1965-),
Discours de politique générale, 15 juillet 2020

1. Dans un bon contexte.

119
Chapitre 2
LA CROISSANCE N’A PAS QUE DES EFFETS
BIENFAISANTS

Même si des philosophes comme Jean-Jacques Rousseau


avaient déjà ré échi aux relations que l’Homme
entretenait avec la nature, c’est dans les années 1960 que
le débat sur les limites de la croissance s’installe avec les
travaux du Club de Rome et le rapport Meadows (« Halte
à la croissance  »). Sont déjà dénoncés les effets pervers
d’une trop forte croissance, tels le gaspillage, l’érosion de
la biodiversité et la pollution. En 1987 est publié le
rapport Brundtland, qui dé nit notamment la notion de
développement durable.
Il en résulte, dans les décennies 1990 et 2000, une prise
de conscience générale que la planète est un bien
commun que l’on doit protéger. Cela donne lieu à la mise
en place de politiques climatiques de plus en plus
contraignantes.
Dès la n des années  1960, l’économiste canadien Dales
avait émis l’idée de marché de permis négociables. Au
sein de l’Union européenne, ce marché se nomme
système communautaire d’échange de quota d’émission
de gaz à effet de serre, qui s’applique à environ 12  000

120
installations auxquelles est allouée une quantité
maximum d’émission de GES au cours d’une année.
Il ne s’agit pas de détruire le capitalisme et la société de
consommation de masse, mais d’essayer de concilier
respect de l’environnement et bien-être des populations.
On parle de plus en plus de croissance verte.
Néanmoins, certains économistes vont encore plus loin en
préconisant la décroissance.

La croissance n’est pas sans effets néfastes


Nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos
arts se sont avancés à la perfection.
Jean-Jacques Rousseau,
Discours sur les sciences et les arts
Les effets conjugués de la croissance économique, de la pression
démographique, du développement du tourisme accentuent, d’année
en année, les menaces qui pèsent sur l’avenir même de l’homme.
Corinne Lepage (1951-)
Il faut faire passer l’homme avant le pro t, la croissance spirituelle
avant le PNB.
Théodore Monod (1902-2000)
Les progrès réels ne peuvent être mesurés uniquement par l’argent.
Nous devons veiller à ce que la croissance économique contribue à
notre qualité de vie, plutôt que de la dégrader.
Tony Blair (1953-)
Croyez-vous encore qu’une croissance in nie soit possible sur une
planète où les ressources sont limitées ?
Frédéric Beigbeder (1965-),
La Journée sans achat

121
Gloire à l’expansion qui fait tourner les usines qui font grimper
l’expansion ! Surtout ne nous arrêtons pas pour ré échir.
Frédéric Beigbeder (1965-),
99 francs
Certes, le capitalisme est le système qui a su produire, de façon
extraordinaire et remarquable, le plus de biens et de richesses. Mais
il faut aussi regarder la somme des pertes –  pour l’environnement,
pour les sociétés – qu’il a engendrées.
Immanuel Wallerstein (1930-2019)
Le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité
de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. […] Il ne prend pas
en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. […]
En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la
peine d’être vécue.
Robert Kennedy (1925-1968)
Si la croissance économique s’élève de 5 à 10 %, le bonheur va-t-il
doubler ? […] Pourrait-il y avoir quelque chose de mieux que de vivre
simplement et sans souci ?
Masanobu Fukuoka (1913-2008),
La Révolution d’un seul brin de paille
Nous n’avons pas mis n à la croissance, la nature va s’en charger.
Dennis Meadows (1942-)
En 1972, nous étions en dessous de la capacité maximum de la
terre à supporter nos activités, à 85  % environ. Aujourd’hui nous
sommes à 150 %.
Dennis Meadows (1942-)
Notre mode de vie gourmand en biens matériels et en énergies
fossiles n’est pas soutenable.
Dennis Meadows (1942-)
Notre espèce survivra  ; en revanche notre civilisation matérialiste ne
tiendra pas le choc.
Dennis Meadows (1942-)

122
Est-il préférable de tenter de vivre en deçà de la limite en acceptant
un frein à la croissance ou bien doit-on poursuivre cette croissance
jusqu’à ce qu’une nouvelle limite soit en vue avec l’espoir qu’un
nouveau bond technologique permette alors de sauter ce nouvel
obstacle ?
Donella Meadows (1941-2001),
Dennis Meadows (1942-), Jørgen Randers (1945-)
et William W. Behrens III, Rapport Meadows (1972)
Dans The Limits To Growth (en 1972), nous expliquions que les
limites écologiques planétaires (en matière d’utilisation des
ressources et d’émissions de polluants) auraient une in uence
importante sur le développement mondial durant le XXIe siècle.
Dennis Meadows (1942-) et Jørgen Randers (1945-),
Les Limites à la croissance dans un monde ni
Il fut un temps où les limites à la croissance appartenaient à un futur
éloigné. Elles sont bien là aujourd’hui. Il fut un temps où le concept
d’effondrement était inconcevable. Il fait aujourd’hui son apparition
dans les discours publics.
Dennis Meadows (1942-) et Jørgen Randers (1945-),
Les Limites à la croissance dans un monde ni
Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à
nos enfants.
Antoine de Saint Exupéry (1900-1944)
Celui qui croit que la croissance peut être in nie dans un monde ni
est soit un fou, soit un économiste.
Kenneth Ewart Boulding (1910-1993)
À l’échelle cosmique, l’eau est plus rare que l’or.
Hubert Reeves (1932-)
Une croissance indé nie est impossible, nous n’avons qu’une seule
terre, mais une civilisation du bonheur est possible. Les solutions
existent, mais l’opinion les ignore, car les structures actuelles et les
détenteurs du pouvoir économique et politique s’y opposent.
René Dumont (1904-2001)

123
Le développement durable :
un concept aujourd’hui incontournable
Le développement durable est un mode de développement qui
répond aux besoins des générations présentes, sans compromettre
la capacité des générations futures de répondre aux leurs.
Rapport Brundtland, 1987
Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. La nature, mutilée,
surexploitée, ne parvient plus à se reconstituer, et nous refusons de
l’admettre.
Jacques Chirac (1932-2019)
Sur tous les continents, les signaux d’alerte s’allument […]. Nous ne
pourrons pas dire que nous ne savions pas. Prenons garde que le
XXe siècle ne devienne pas […] celui d’un crime de l’humanité contre
la vie. Notre responsabilité collective est engagée.
Jacques Chirac (1932-2019)
Nous n’avons qu’une seule et unique biosphère pour nous faire
vivre.
Gro Harlem Brundtland (1939-),
Rapport Brundtland
D’aucuns consomment les ressources de la planète à un rythme qui
entame l’héritage des générations à venir. D’autres, bien plus
nombreux, consomment peu, trop peu et connaissent une vie
marquée par la faim et la misère noire, la maladie et la mort
prématurée.
Gro Harlem Brundtland (1939-),
Rapport Brundtland
La logique inhérente aux biens communs fait sans remords le lit de
la tragédie.
Garrett Hardin (1915-2003),
La Tragédie des communs
Lorsqu’une terre n’est la propriété de personne bien que le
formalisme juridique puisse la quali er de propriété publique, elle est

124
utilisée sans aucun égard aux inconvénients entraînés.
Ludwig von Mises (1881-1973),
L’Action humaine
Ce qui appartient à tout un chacun est le plus négligé car tout
individu prend le plus grand soin de ce qui lui appartient en propre,
quitte à négliger ce qu’il possède en commun avec autrui.
Aristote (384-322 av. J.-C.),
Politique
En pêcherie, si vous vendez le poisson et retournez pêcher
davantage, tant qu’on peut vendre, cela conduira probablement à
une surpêche. Mais si l’on établit une règle commune pour ne pas
pêcher une partie de l’année, les pêcheurs gagneront plus d’argent,
car la lière restera productive.
Elinor Ostrom (1933-2012)
Réduire les émissions tout de suite est plus urgent que parvenir à un
accord international sur le pourcentage précis de réduction des
émissions, lequel risque fort de toute façon de n’être atteint que
dans un lointain futur.
Elinor Ostrom (1933-2012)
Il n’y a pas de passagers sur le vaisseau Terre. Nous sommes tous
des membres de l’équipage.
Marshall McLuhan (1911-1980)
Le développement durable n’est ni une utopie ni même une
contestation, mais la condition de survie de l’économie de marché.
Louis Schweitzer (1942-)
Le dé urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la
préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un
développement durable et intégral.
Pape François (1936-),
encyclique Laudato si’
Le développement durable et le changement climatique sont les
deux côtés de la même pièce.

125
Ban Ki-moon (1944-)
Des rapports avec la terre basés exclusivement sur l’utilisation de
celle-ci en vue de la croissance économique ne peuvent que mener à
la dégradation en même temps qu’à la dépréciation de la vie
humaine.
René Dubois (1901-1982),
Les Dieux de l’écologie
Aujourd’hui, la seule condition de survie réside dans l’établissement
d’un rapport plus humble avec la planète.
Alain Gras (1941-)

La mise en place de politiques climatiques


L’OCDE dé nit la scalité environnementale comme l’ensemble des
taxes, impôts et redevances dont l’assiette est constituée par un
polluant, ou par un produit ou un service qui détériore
l’environnement ou prélève des ressources naturelles.
Gilles Rotillon,
Regards croisés sur l’économie, 2007/1, n° 1
Pour les économistes, et dans l’abstrait, les marchés de droits (à
polluer) ne sont pas des instruments de nature fondamentalement
différente de la taxe pigouvienne  : il s’agit dans les deux cas
d’internaliser les externalités, et, selon la formule consacrée, on peut
avoir recours à une coordination par les prix (la taxe) ou par les
quantités (les permis).
Alain Karsenty et Jacques Weber,
Revue Tiers-Monde, 2004/1, n° 177
L’État attribue les droits de propriété. En revanche, il ne xe pas le
prix (comme dans le cas du taux de taxe ou de subvention), mais la
quantité, c’est-à-dire la quantité de droits qui peuvent être échangés
librement.
Maya Bacache-Beauvallet (1972-),
Pouvoirs, 2008/4, n° 127

126
Outre son rôle dans l’institution du marché, l’autorité en charge de la
lutte contre la pollution intervient comme courtier et comme
régulateur sur le marché des droits ; tous les échanges de droits se
font par son intermédiaire.
John Dales (1920-)
L’adhésion des entreprises à la certi cation de système de
management environnemental selon la norme  ISO  14  001 est l’un
des phénomènes les plus signi catifs parmi l’ensemble des initiatives
volontaires des entreprises en matière de protection de
l’environnement et de développement durable.
Thomas Reverdy (1974-),
Sociologies pratiques
Les normes de respect de l’environnement doivent être en rapport
avec les coûts de protection qu’elles font peser sur l’économie.
Arnaud Dragicevic,
CIRANO et École polytechnique Paris Tech
La régulation par les normes environnementales se fait généralement
par toute une branche d’activité, parce que le régulateur ne dispose
pas d’informations sur les coûts de dépollution de chaque rme.
Arnaud Dragicevic,
CIRANO et École polytechnique Paris Tech
La certi cation environnementale française par des bâtiments
tertiaires est la certi cation HQE (haute qualité environnementale). La
démarche a été développée à partir des années 1990, et a donné lieu
of ciellement à une certi cation à partir de 2005.
Yona Kamelgarn et Raphaël Languillon-Aussel,
Revue d’économie régionale et urbaine
La croissance verte n’est pas un luxe  ; c’est une opportunité de
développement.
Stéphane Hallegatte,
Croissance verte pour tous
Aller encore plus loin : la décroissance

127
La décroissance est donc une proposition nécessaire pour rouvrir
l’espace de l’inventivité et de la créativité de l’imaginaire, bloqué par
le totalitarisme économiciste, développementaliste et progressiste.
Serge Latouche (1940-),
Le Pari de la décroissance
Parmi les alternatives, je crois beaucoup à l’idée de décroissance,
c’est-à-dire une résistance à la mondialisation compétitive et
négative : une résistance fondée sur l’autolimitation et la sobriété.
Pierre Rabhi (1938-)
Il faut vivre simplement pour que d’autres puissent simplement vivre.
Gandhi (1869-1948)
La sobriété est une option heureuse qui produit une vie allégée,
tranquille et libre. Le bonheur n’est pas dans la possession, dans
l’avoir mais dans l’être.
Pierre Rabhi (1938-)
La joie de vivre ne s’achète ni au supermarché ni même dans les
magasins de luxe.
Pierre Rabhi (1938-)
L’utopie consiste à croire que la croissance de la production sociale
peut encore apporter le mieux-être et qu’elle est matériellement
possible.
André Gorz (1923-2007)
Avant d’être un concept opératoire, sur lequel appuyer une politique,
la décroissance vise d’abord une désaliénation, un
déconditionnement, une désintoxication, un désencombrement.
Vincent Cheynet (1966-),
Le Choc de la décroissance
Une société post-croissance est non seulement une nécessité mais
[…], moyennant une redé nition des priorités, elle correspond à une
perspective désirable et crédible de progrès social et de
développement humain.

128
Jean Gadrey (1943-),
Adieu à la croissance.
Bien vivre dans un monde solidaire
L’Homme est maintenant le jouet des savants, des ingénieurs et des
plani cateurs.
Ivan Illich (1926-2002)
La plupart des nations […] se précipitent dans l’ère du
développement économique et de la consommation concurrentielle.
Elles commencent à connaître, par conséquent, la pauvreté
modernisée.
Ivan Illich (1926-2002),
Une société sans école
Nous ne pouvons produire des réfrigérateurs, des automobiles ou
des avions à réaction meilleurs et plus grands sans produire aussi
des déchets meilleurs et plus grands.
Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994),
La Décroissance
La profession des économistes subira un changement curieux  : au
lieu d’être exclusivement préoccupés de croissance économique, les
économistes chercheront des critères optimaux pour plani er la
décroissance.
Nicholas Georgescu-Roegen (1906-1994),
Pour une révolution bioéconomique
On n’a pas à choisir si l’on est pour ou contre la décroissance, elle
est inéluctable, elle arrivera qu’on le veuille ou non.
Yves Cochet (1946-)
La décroissance n’est pas se serrer la ceinture mais inventer un
autre pouvoir.
Paul Ariés (1959-),
La Décroissance, n° 31
Il est faux de penser que l’idée de décroissance nie la notion de
progrès. Elle condamne le mythe du progrès, ce qui est bien

129
différent.
Jean-Claude Besson-Girard (1938-),
« La décroissance, un nouveau romantisme révolutionnaire »,
Libération, 2 mars 2007
La décroissance ne propose pas de vivre moins mais mieux avec
moins de biens et plus de liens.
Charte de la décroissance
Si la société de consommation ne produit plus de mythe, c’est
qu’elle est elle-même son propre mythe.
Jean Baudrillard (1929-2007),
La Société de consommation
La question du pouvoir d’achat ne s’est pas imposée par hasard
dans le débat public. Ce mot-poison empêche de remettre en cause
la consommation et enferme les luttes sociales dans la revendication
d’un toujours plus.
Paul Ariés (1959-),
La Décroissance, n° 48

130
Chapitre 3
DES INDICATEURS ALTERNATIFS
DE LA CROISSANCE

Le PIB a toujours été, et continue d’être, une sorte de


boussole obsessionnelle des économistes et gouvernants.
Mais sont apparus depuis une trentaine d’années un
grand nombre de nouveaux indicateurs.
L’idée est de mieux appréhender les notions de bonheur,
de développement et d’épanouissement des humains
vivant sur une planète à ressources nies. Ainsi, de plus
en plus d’économistes (Gordon, Krugman aux États-
Unis, Cohen et Piketty en France par exemple) sont
d’accord avec l’idée de lui trouver des indicateurs
alternatifs.

Le PIB repose sur une vision particulière de la richesse d’une


société : celle des économistes.
Domique Méda (1962-),
Projet 2012/6 (n° 331)
Ce qui compte, c’est qu’une estimation du capital soit faite en
argent ; peu importe que ce soit par les méthodes de la comptabilité
moderne […]. Tout se fait par bilans. Au début de l’entreprise : bilan

131
initial ; avant chaque affaire : estimation du pro t probable ; à la n :
bilan dé nitif visant à établir le montant du pro t.
Max Weber (1864-1920),
L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme
Le PIB se contente de totaliser tout ce qui se vend ou s’achète, ainsi
que la production des administrations publiques, sans considération
de la contribution au bien-être. Il ne prend pas en compte la
répartition de la richesse créée. Il ne rend pas compte de
l’épuisement des ressources naturelles liées à nos modes de
consommation.
Eva Sas (1970-)
On observe déjà qu’au moindre signe de reprise signi cative de la
croissance au niveau mondial, les tensions sur les matières
premières, l’énergie et les capacités de prêt ont explosé le prix de
ces ressources, la spéculation devançant toujours l’événement pour
dresser un obstacle par anticipation […]. Bref la croissance, même
seulement anticipée, vient étouffer la croissance.
Jean Gadrey (1943-),
Adieu à la croissance.
Bien vivre dans un monde solidaire
Mesurer le bonheur, ce n’est pas juste utiliser un indicateur […]. Il
faut prendre un ensemble de mesures (indice de développement
humain, bonheur intérieur net, indice du bonheur mondial…) pour
avoir une image complète. Surtout […] au-delà de mesurer, ce qui
compte, c’est de construire des politiques publiques.
Renaud Gaucher,
Bonheur et économie. Le capitalisme est-il soluble
dans la recherche du bonheur ?
La philosophie qui nourrit la ré exion sur le Bonheur National Brut
(BNB) estime qu’il ne peut y avoir de transformation d’une société
sans changement personnel. Pour qu’une économie soit
bienveillante, il faut que l’individu développe sa propre capacité à la
bienveillance.

132
Sabine Estier Thévenoz,
Le Temps, avril 2018
Osberg a donc suggéré de bâtir un indicateur de bien-être
économique sur les indices suivants : consommation, accumulation,
inégalité et insécurité, étant entendu que les coef cients de
pondération attachés à chaque élément varieront en fonction des
valeurs des différents observateurs.
Lars Osberg et Andrew Sharpe,
Travail et emploi, n° 93, janvier 2003
En général, un constat clé de notre étude est que le bien-être
économique […] a progressé beaucoup plus lentement au cours des
25 dernières années que le PIB par habitant, indicateur le plus
couramment utilisé pour calculer le bien-être.
Lars Osberg et Andrew Sharpe,
Travail et emploi, n° 93, janvier 2003
Le développement humain est un processus qui conduit à
l’élargissement de la gamme de possibilités qui s’offrent à chacun.
En principe, elles sont illimitées et peuvent évoluer avec le temps.
Mais quel que soit le stade de développement, elles impliquent que
soient réalisées trois conditions essentielles  : vivre longtemps et en
bonne santé, acquérir un savoir et avoir accès aux ressources
nécessaires pour jouir d’un niveau de vie convenable. Si ces
conditions ne sont pas satisfaites, de nombreuses possibilités
restent inaccessibles.
Programme des Nations Unies pour le développement,
Rapport mondial sur le développement humain, 1990
Reposant sur trois composantes distinctes –  l’espérance de vie, le
niveau d’éducation et le revenu par habitant  –, [l’IDH, indice de
developpement humain] ne se concentre pas exclusivement sur
l’opulence économique. Dans les limites de ces trois composantes,
l’IDH a permis d’élargir considérablement l’attention empirique que
reçoit l’évaluation des processus de développement.
Amartya Sen (1933-),
L’Indice de développement humain,

133
Revue du MAUSS, n° 21, 2003,
On peut être heureux dans sa pauvreté et malheureux dans sa
richesse car le bonheur n’est pas matière.
Mazouz Hacène (1967-)
Le contentement apporte le bonheur, même dans la pauvreté. Le
mécontentement apporte la pauvreté même dans la richesse.
Confucius (551-479 av. J.-C.)
Le maintien de la croissance économique dans les pays riches est
insoutenable non seulement à long terme, mais actuellement même
parce que leur propre consommation dépasse déjà la capacité de
support de la planète.
Harvey Mead,
L’Indice de progrès véritable au Québec

134
PARTIE 8

Les crises économiques

On se souvient que la forme la plus primitive de


l’enrichissement pour satisfaire ses désirs est la
prédation sous toutes ses formes. C’est pourquoi
l’histoire du monde est jalonnée de drames, autrement
plus mortels que les crises économiques  : ils sont
symbolisés par les quatre cavaliers de l’Apocalypse  :
conquêtes, guerres, famines (épidémies), mort.
Certes, cette manière d’envisager les affaires humaines s’est
atténuée au l du temps avec l’essor de la ré exion et
l’apparition de nouvelles valeurs cardinales. Mais le temps n’est
pas loin où des pays, au demeurant hautement civilisés,
procédaient à des guerres pour agrandir leur Lebesraum1  ! En
comparaison, les dif cultés économiques, sans être
secondaires, peuvent (doivent) être relativisées.
Néanmoins, elles méritent ré exion parce qu’elles sont, d’une
part, source éventuellement de dérapages politiques à cause de
la misère qu’elles suscitent, d’autre part parce que les peuples

135
ne supportent plus que leur horizon soit assombri par des
dysfonctionnements économiques essentiellement marqués par
le chômage et les phénomènes monétaires.

1. Espace vital. Allusion évidemment aux théories nazies qui ont ensanglanté le monde.

136
Chapitre 1
L’ÉCONOMIE EST STRUCTURELLEMENT
INSTABLE
Laisse-moi nourrir le petit peuple.
Dioclétien (244-311)
Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs
publics, quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer.
Que dis-je  ? quand on l’approuve et qu’on y souscrit, quoique ce
soit avec répugnance.
Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704)
Une épidémie sociale éclate, qui, à toute autre époque, eût semblé
absurde, l’épidémie de la surproduction. Les institutions bourgeoises
sont devenues trop étroites pour contenir la richesse qu’elles ont
créée.
Karl Marx (1818-1883),
Manifeste du parti communiste
Progrès dont on demande : Où va-t-il ? Que veut-il ?
Victor Hugo (1802-1885),
Les Contemplations
Le changement du monde n’est pas seulement création, progrès, il
est d’abord et toujours décomposition, crise.
Alain Touraine (1925-)
L’incertitude est toujours nuisible aux affaires ; elle paralyse l’effort.
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie

137
L’un des principaux signes d’un haut degré de civilisation est la
réduction des risques et la diminution des dangers qui menacent la
vie et la propriété.
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie
Une fois la crise déclarée, nous ne pouvons rien faire pour en sortir
avant son terme naturel.
Friedrich von Hayek (1899-1992),
Prix et production
La seule cause de la dépression est la prospérité.
Clément Juglar (1819-1905),
Des crises commerciales et de leur retour périodique
en France, en Angleterre et aux États-Unis
Le capitalisme constitue, de par sa nature, un type ou une méthode
de transformation économique, et non seulement il n’est jamais
stationnaire, mais il ne pourrait le devenir. Ce processus de
destruction créatrice constitue la donnée fondamentale du
capitalisme.
Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950),
Capitalisme, socialisme et démocratie
Le nouveau ne sort pas de l’ancien, mais apparaît à côté de l’ancien,
lui fait concurrence jusqu’à le ruiner, et modi e toutes les situations
de sorte qu’un « processus de mise en ordre » est nécessaire.
Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950),
Théorie de l’évolution économique
Les restrictions commerciales du type cartel ainsi que celles
consistant dans de simples ententes tacites relatives à la
concurrence par les prix peuvent, en cas de dépression, constituer
des remèdes ef caces.
Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950),
Capitalisme, socialisme et démocratie
Le marché est myope. La preuve, c’est que les entreprises, avant de
lancer une opération, procèdent à des études de marché.

138
Pierre Massé (1898-1987),
Le Plan ou l’anti-hasard
Crise : état structurel de l’économie capitaliste libérale.
Luc Fayard (1952-),
Dictionnaire impertinent des branchés
De part et d’autre du sentier d’expansion qui seul, si on s’y trouvait,
donnerait satisfaction, des forces centrifuges sont en œuvre qui font
s’écarter le système de plus en plus du sentier d’expansion
obligatoire.
Roy Forbes Harrod (1900-1978),
La Théorie de la croissance
Les marchés sont fondamentalement instables, contrairement à ce
que prétendent les idéologues du laisser-faire, qui s’opposent à toute
forme d’intervention visant à rétablir un peu de stabilité. L’histoire a
démontré que les marchés nanciers peuvent s’effondrer, en
provoquant des dépressions économiques et des troubles sociaux,
ou, pire, des régimes totalitaires.
George Soros (1930-),
Le Dé de l’argent

139
Chapitre 2
LE CHÔMAGE

De tout temps, le chômage a constitué une plaie pour les


sociétés car il génère misère matérielle et anxiété
psychologique. Il est donc la manifestation la plus
tangible de ce qu’il est convenu de nommer la crise.

Si les navettes tissaient d’elles-mêmes, alors les chefs artisans


n’auraient plus beaucoup d’ouvriers et les maîtres d’esclaves.
Aristote (384-322 av. J.-C.),
Les Politiques
MM.  Ricardo et Say […] ont af rmé que [la demande croissante de
travail] résulte inévitablement de l’accroissement des productions.
M.  Malthus et moi, nous le nions  : nous regardons ces deux
accroissements comme résultant de causes indépendantes, et qui,
quelquefois peuvent être opposées. Selon nous, lorsque la demande
de travail n’a pas précédé et déterminé la production, le marché
s’encombre, et alors une production nouvelle devient une cause de
ruine et non de jouissance.
Jean de Sismondi (1773-1842),
Nouveaux principes d’économie politique […]
Les chômeurs forment l’armée de réserve du capitalisme.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital

140
C’est la production qui ouvre des débouchés aux produits.
Jean-Baptiste Say (1767-1832)
La surpopulation ouvrière […] forme une armée industrielle de réserve
qui appartient au capital d’une manière aussi absolue que s’il l’avait
élevée et disciplinée à ses propres frais.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
Tout chômage quelconque a uniquement sa cause dans le fait que
des changements dans les conditions de la demande ont lieu sans
cesse, et que les résistances de frictions empêchent que
l’ajustement des salaires appropriés ne s’effectue instantanément.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959),
La Théorie du chômage
S’il n’y avait ni friction ni immobilité, mais concurrence parfaite entre
salariés, [la baisse des salaires] ferait que, pratiquement, toute la
main-d’œuvre disponible serait toujours employée.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959),
La Théorie du chômage
Dès lors, le chômage qui existe en réalité est entièrement dû aux
modi cations constantes de la demande et à la viscosité qui
empêche l’ajustement du salaire d’être immédiat.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959),
La Théorie du chômage
Le plein-emploi ou même une situation voisine du plein-emploi est
rare autant qu’éphémère.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Toute uctuation de l’investissement, non compensée par une
variation correspondante de la propension à consommer, se traduit
nécessairement par une uctuation de l’emploi.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,

141
de l’intérêt et de la monnaie
En dehors du chômage «  de frottement  » et du chômage
«  volontaire  », il n’y a pas de place pour aucune autre sorte de
chômage. Les postulats classiques n’admettent pas la possibilité
d’une troisième catégorie, que nous dé nirons par la suite, le
chômage « involontaire ».
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
La théorie classique a été habituée à expliquer l’aptitude supposée
du système économique à s’ajuster de lui-même par une prétendue
uidité des salaires nominaux et, quand ceux-ci sont rigides, à
rendre cette rigidité responsable du non-ajustement.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Si les syndicats font augmenter les taux de salaires dans une
profession ou une industrie particulière, ils rendent nécessairement le
nombre d’emplois disponibles dans cette profession ou cette
industrie moindre que ce qui aurait été autrement, de la même façon
exactement que toute augmentation des prix diminue le volume des
achats. Il en résulte qu’un nombre accru de personnes cherchent du
travail.
Milton Friedman (1912-2006),
Capitalisme et liberté
En période de mobilité économique, la souplesse est une condition
vitale du plein-emploi.
Alfred Sauvy (1898-1990),
La France ridée
Le chômeur a le sentiment que la société en général et ses amis se
détournent de lui, que sa présence crée une gêne et provoque la
crainte de ses interlocuteurs de se voir demander une forme d’aide.

142
Dominique Schnapper (1934-),
L’Épreuve du chômage
Ce qui disparaît, c’est l’emploi salarié.
William Bridges (1933-2013),
La Conquête du travail
Je n’ai jamais vu un homme de l’opposition mettre plus d’une
minute pour juguler la pauvreté et réduire le chômage.
Jean Amadou (1929-2011),
Les Pensées
Face au chômage, la solution de la sagesse, c’est que les travailleurs
travaillent moins.
Pierre Mauroy (1928-2013)
Le chômage a un seul avantage  : les accidents du travail y sont
rares.
Yvan Audouard (1914-2004)
Les vrais ennemis, ce sont le chômage, l’échec de l’éducation,
l’exclusion, la pauvreté, les ns de mois dif cile, l’inquiétude et le
souci des familles.
François Bayrou (1951-)
Plus que la faim, la soif, le chômage, la souffrance d’amour, le
désespoir de la défaite, le pire de tout, c’est de sentir que personne,
mais absolument personne en ce monde, ne s’intéresse à nous.
Paulo Coelho (1947-),
Comme le euve qui coule
Être licencié et tomber dans le chômage, c’est un drame pour ceux à
qui cela arrive et à leurs familles.
Arlette Laguiller (1940-)
Bien peu parmi ceux qui acceptent l’hypothèse du taux naturel de
chômage réalisent qu’elle n’a de sens que s’ils considèrent que
l’équilibre général walrasien donne une description valable de
l’économie réelle quotidienne.

143
Robert Solow (1924-)
La récession c’est quand votre voisin perd son emploi  ; la
dépression c’est quand vous perdez le vôtre.
Harry S. Truman (1884-1972)
Le travail libère, c’est le chômage qui aliène.
Nicolas Sarkozy (1955-)

144
Chapitre 3
L’INFLATION, LA DÉFLATION, LA
STAGFLATION

Les politiques économiques sont largement tributaires


des phénomènes monétaires, soit qu’elles veuillent lutter
contre l’in ation, soit qu’elles cherchent à éviter la
dé ation, soit qu’elles soient confrontées à la stag ation.
L’in ation est au centre d’une ré exion  : est-elle
créatrice ou destructrice  ? Par ailleurs, les explications
de cette dernière sont variées  : in ation monétaire (les
monétaristes), in ation par les coûts, in ation par la
spirale prix-salaires, in ation par un déséquilibre offre-
demande, in ation d’ordre psychologique (rigidité de la
demande par rapport aux prix), entre autres.
À l’inverse, la dé ation ne fait plus guère aujourd’hui
l’objet d’un débat  ; elle est considérée comme un mal à
éviter. Ceci ne signi e pas néanmoins qu’elle ne risque
pas de se reproduire. En tout état de cause, elle est
explicative de phénomènes historiques majeurs (ainsi la
crise de 1929 et ses conséquences).

145
L’in ation est l’œuvre du diable, parce qu’elle respecte les
apparences et détruit les réalités.
André Maurois (1885-1967)
L’in ation est injuste et la dé ation inopportune. Des deux, la
dé ation est peut-être pire,  si on exclut les in ations exagérées,
parce qu’il est plus grave dans un monde appauvri de provoquer le
chômage que de désappointer les rentiers.
John Maynard Keynes (1883-1946),
A Tract on Monetary Reform
L’in ation se produit en général quand les gouvernements se
trouvent en dif cultés nancières, spécialement en temps de guerre
ou après une guerre. La guerre a toujours été, de beaucoup, le plus
grand fabricant de papier-monnaie et de crédit et, par conséquent, la
principale cause des grands bouleversements des prix au cours de
l’histoire.
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie
Pour lutter contre l’in ation, il n’y a qu’une seule solution  : ne pas
donner d’argent à ceux qui le dépensent et ne pas le prendre à ceux
qui le conservent.
Georges Wolinski (1934-2015)
L’in ation, c’est comme la pâte dentifrice : une fois qu’elle est sortie
du tube, il est impossible de l’y faire rentrer  ; ainsi, il vaut mieux ne
pas appuyer trop fort sur le tube.
Karl Otto Pöhl (1929-2014),
Institutional Investor, janvier 1980
Ce qu’il y a de bien avec l’in ation, c’est que, quand on va au
supermarché avec vingt dollars, on en ressort plus vite qu’il y a
un an.
Alda Cammarota (1930-2002)
Je trouve que la cherté que nous voyons vient de trois causes. La
première et presque seule (que personne jusqu’ici n’a perçue) est

146
l’abondance d’or et d’argent […]. La seconde occasion de cherté
vient en partie des monopoles. La troisième est la disette.
Jean Bodin (c. 1530-1596),
Réponse aux paradoxes du seigneur
de Malestroict sur le faict des monnoyes
Si la circulation de la monnaie s’accroît relativement à celle des
marchandises, les prix monteront. Si au contraire elle décroît
relativement, les prix baisseront. Le premier cas est celui de l’in ation
relative, le second celui de la dé ation relative.
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie
Des fortunes s’édi ent en temps d’in ation ; il suf t de contracter de
larges dettes, qui se trouvent annulées par la dépréciation monétaire.
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie
La vérité, naturellement, c’est que l’in ation et la dé ation sont
également nuisibles. C’est la stabilité qu’il nous faut, la normale
également éloignée de ces deux maux. Une fois obtenue la stabilité
des prix, le commerce jouira d’un fondement assuré.
Reginald McKenna (1863-1943)
Qu’il y ait in ation et que le niveau des prix monte, le créancier perd
et le débiteur gagne.
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie
La con ance reviendra lorsque l’in ation aura nalement disparu,
grâce à une saine administration nancière et à la stabilité de la
monnaie.
Dr Alfred Zimmerman,
commissaire général de la SDN à Vienne,
interview, 29 octobre 1923
Une hausse des salaires survenant en même temps qu’une hausse
plus rapide des prix est bien, comme le dit Édouard A. Filene,
une « duperie ».

147
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie
Lorsqu’un nouvel accroissement du montant de la demande effective
ne produit plus de nouvelle augmentation du volume de la
production et se traduit par un accroissement de l’unité de coût qui
lui est pleinement proportionnel, on est parvenu à un état qu’on peut
proprement quali er d’in ation véritable.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
On a besoin d’un appareil qui enregistre automatiquement les effets
des actions individuelles et dont les indications sont en même temps
la résultante et le guide de toutes les décisions individuelles. C’est là
précisément ce que fait le système des prix en régime de
concurrence, et c’est ce qu’aucun autre système ne permet de faire.
Friedrich von Hayek (1899-1992),
La Route de la servitude
Le seul moyen de conserver un volume de chômage inférieur au taux
naturel est une in ation en accélération continue, dans laquelle
l’in ation effective est toujours en avance sur l’in ation anticipée.
Milton Friedman (1912-2006),
Prix et théorie économique
L’in ation est comme l’alcoolisme. Lorsqu’un homme se livre à une
beuverie, le soir même, cela lui fait du bien. Ce n’est que le
lendemain qu’il se sent mal.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et système monétaire
Le seul moyen dont dispose le gouvernement pour lutter contre
l’in ation consiste à dépenser moins et à fabriquer moins de
monnaie. Le seul remède est de réduire l’accroissement de la
quantité de monnaie.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et système monétaire

148
L’in ation est partout et toujours un phénomène monétaire.
Milton Friedman (1912-2006),
The Counter-Revolution in Monetary Theory
Il y a lieu d’adopter la stabilité du niveau des prix comme, à la fois,
but de la politique monétaire, guide et critère de réussite.
Milton Friedman (1912-2006),
Prix et théorie économique
L’in ation est une taxation sans législation.
Milton Friedman (1912-2006)
Le moyen de traiter l’in ation consiste à freiner l’ensemble des
dépenses.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et système monétaire
Il y a trente ans, les monétaristes friedmaniens ont liquidé toutes les
théories alternatives sur l’in ation. Les notions d’in ation par les
coûts et de spirales prix-salaires, sur lesquelles les stratégies anti-
in ationnistes des années soixante reposaient, ont disparu.
James Galbraith (1952-),
Comment les économistes se sont trompés
Dorénavant, il n’existe aucune autre solution pour lutter contre
l’in ation que des taux d’intérêt élevés, la récession et le chômage.
James Galbraith (1952-),
Comment les économistes se sont trompés
Il y a in ation quand la monnaie devient plus encombrante que les
denrées.
Jean Mistler (1897-1988)
Casser l’in ation se fait toujours au détriment de l’emploi.
Nicholas Kaldor (1908-1986)
Quand l’aiguillon de la concurrence pousse à avilir les prix,
notamment le prix du travail, jusqu’à amener le malaise des
producteurs et à vicier les organes de la production, il ne nuit pas

149
seulement à ceux qui en souffrent immédiatement, il devient nuisible
au corps social tout entier, quelque avantage apparent qu’il donne
pour le moment à d’autres classes de la société.
Antoine Augustin Cournot (1801-1877),
Principes de la théorie des richesses

150
PARTIE 9

Le rôle de l’État

L’État est une organisation qui dispose du «  monopole


de la violence légitime  ». Cette dé nition du sociologue
allemand Max Weber (1864-1920) justi e à elle seule le
débat sur la question du «  jusqu’où  »  ; jusqu’où la
puissance publique peut-elle intervenir dans la vie des
sujets, des citoyens ?
La question a été d’abord abordée sous l’angle des libertés
publiques, des droits fondamentaux. De ce point de vue, elle a
été résolue, sur le plan des idées, par les révolutions américaine
(1766) et française (1789) et les textes fondamentaux  : la
Déclaration d’indépendance américaine et la Déclaration des
droits de l’Homme et du citoyen, largement imprégnés des
idées de la philosophie des Lumières. Ces conceptions vont
nir par s’imposer à l’ensemble des pays avec la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948.
Puis, avec le développement des économies sous les effets de
la révolution industrielle, et avec la naissance d’un prolétariat

151
largement misérable, s’est posée la question du rôle de
l’État  dans les affaires économiques et sociales  : devait-il
intervenir en allant bien au-delà de ses fonctions
régaliennes  traditionnelles  ? Le point ultime du débat sera
atteint avec Marx et Engels. Aujourd’hui, cette question n’est
pas tranchée, et la chute du bloc de l’Est entre 1988 et 1991 a
redonné de la vigueur aux thèses libérales. Mais l’histoire
continue de se faire…

152
Chapitre 1
L’ÉTAT, ENNEMI DE LA LIBERTÉ ?

Pour les libéraux de tout poil, l’intervention de l’État


devrait être réduite aux fonctions régaliennes (sécurité
extérieure, ordre public, justice, monnaie). Certes, peu
de gens défendent aujourd’hui une dé nition aussi
restrictive de l’État, tant les responsabilités de ce dernier
se sont accrues, de facto, au l du temps, et notamment
depuis la Première Guerre mondiale. Néanmoins, cette
conception libérale continue d’alimenter le débat,
politique comme économique.

En politique le choix est rarement entre le bien et le mal, mais entre


le pire et le moindre mal.
Nicolas Machiavel (1469-1527)
La seule liberté digne de ce nom est celle de travailler à notre propre
bien de la manière qui nous est propre, pour autant que nous ne
cherchions pas à en priver les autres ou à leur faire obstacle dans
leurs efforts pour l’obtenir.
John Stuart Mill (1806-1873),
De la liberté
Si la méchanceté des hommes est un argument contre la liberté, elle
en est un plus fort encore contre la puissance. Car le despotisme

153
n’est autre chose que la liberté d’un seul ou de quelques-uns contre
tous.
Benjamin Constant (1767-1830),
Principes de politique
On n’est jamais mieux gouverné que lorsqu’il n’y a pas de
gouvernement.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Œuvres morales et politiques
Malheur […] aux peuples qui ne savent pas limiter la sphère d’action
de l’État. Liberté, activité privée, richesse, bien-être, indépendance,
dignité, tout y passera.
Frédéric Bastiat (1801-1850),
Physiologie de la spoliation
Ce pays est trop gouverné, voilà le mal. Le remède est qu’il
apprenne à se gouverner lui-même.
Frédéric Bastiat (1801-1850),
Journal des débats
L’État pourrait être ef cace dans la police et la justice, s’il ne
s’occupait pas de mille préoccupations accessoires.
Frédéric Bastiat (1801-1850)
Mais la question est précisément de savoir si un peuple surtaxé peut
être libre, s’il n’y a pas incompatibilité radicale entre la liberté et
l’exagération de l’impôt. Or, j’af rme que cette incompatibilité est
radicale.
Frédéric Bastiat (1801-1850)
Détruire la concurrence, c’est tuer l’intelligence.
Frédéric Bastiat (1801-1850)
Le gouvernement ayant pris ainsi la place de la Providence, il est
naturel que chacun l’invoque […]. Aussi rencontre-t-on un nombre
immense de requêtes qui, se fondant toujours sur l’intérêt public,
n’ont trait néanmoins qu’à de petits intérêts privés.

154
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
L’Ancien Régime et la Révolution
Le premier des droits de l’homme, c’est la liberté individuelle, la
liberté de la propriété, la liberté de la pensée, la liberté du travail.
Jean Jaurès (1859-1914)
L’histoire de la liberté, c’est l’histoire des limites du pouvoir de l’État.
Woodrow Wilson (1856-1924)
Il n’y a que deux possibilités, soit un système dirigé par la discipline
impersonnelle du marché, soit un autre dirigé par la volonté de
quelques individus  ; et ceux qui s’acharnent à détruire le premier
contribuent […] à créer le second.
Friedrich von Hayek (1899-1992),
La Route de la servitude
Une société qui ne reconnaît pas que chaque individu a des valeurs
qui lui sont propres […] ne peut réellement connaître la liberté.
Friedrich von Hayek (1899-1992)
La liberté économique est […] une condition indispensable de toute
autre liberté.
Friedrich von Hayek (1899-1992)
Potentiellement, un État est la plus grande menace qui pèse sur les
droits de l’homme […]. Quand son pouvoir n’est ni limité ni restreint
par les droits individuels, l’État est le plus mortel ennemi des
hommes.
Ayn Rand (1905-1982),
The Objectivist Newsletter, avril 1923
La seule justi cation valable de l’existence d’un État [est d’] assurer
les droits des hommes en protégeant ceux-ci de la violence
physique.
Ayn Rand (1905-1982)
Aucune loi, aucun parti ne pourra jamais tuer cette chose en
l’homme qui sait dire « je ».

155
Ayn Rand (1905-1982),
Nous les vivants
Si l’État est fort, il nous écrase. S’il est faible nous périssons.
Paul Valéry (1871-1945)
L’État est notre serviteur et nous n’avons pas à en être les esclaves.
Albert Einstein (1879-1955),
Comment je vois le monde
Ne fais jamais rien contre ta conscience, même si l’État te le
demande.
Albert Einstein (1879-1955)
Vous ne pouvez pas taxer les gens quand ils gagnent de l’argent,
quand ils en dépensent, et quand ils épargnent.
Maurice Allais (1911-2010)
Les hommes n’étant pas dotés des mêmes capacités, s’ils sont
libres, ils ne sont pas égaux, et s’ils sont égaux, c’est qu’ils ne sont
pas libres.
Alexandre Soljenitsyne (1918-2008)
Un problème politique est un problème économique sans solution.
Georges Elgozy (1909-1989),
L’Esprit des mots ou l’antidictionnaire

156
Chapitre 2
L’ÉTAT,
EN CHARGE DU BIEN COMMUN ?

Les sociétés industrielles ont secrété l’apparition d’une


classe ouvrière, que le syndicalisme et des partis
politiques ont voulu défendre. Leurs revendications ont
été soutenues, voire suscitées, par de nouveaux courants
de pensée, à la fois économiques et philosophiques. Dans
ce nouveau cadre, l’État est devenu un acteur
économique et social majeur. Il lui est demandé de
prendre en compte le bien commun, et non pas de
favoriser des groupes particuliers.

Toutes les choses doivent être communes aux amis.


Cicéron (106-43 av. J.-C.)
C’est le bien général, et non l’intérêt particulier, qui fait la puissance
d’un État.
Nicolas Machiavel (1469-1527),
Discours sur la première décade de Tite-Live
Il se trouve que chacun va au bien commun, croyant aller à ses
intérêts particuliers.

157
Montesquieu (1689-1755),
De l’esprit des lois
Nous regardons le gouvernement comme devant être le protecteur
du faible contre le fort, […] et le représentant de l’intérêt permanent
[…] de tous, contre l’intérêt temporaire […] de chacun.
Jean de Sismondi (1773-1842),
Nouveaux principes d’économie politique
Le troisième et dernier devoir du souverain est celui de développer
les biens publics.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Nul ne veut le bien public que quand il s’accorde avec le sien.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778),
Lettre à Mgr de Beaumont
Pour être un bon ministre, il faut avoir pour passion dominante
l’amour du bien public. Le grand homme d’État est celui dont il reste
de grands mouvements utiles à la patrie.
Voltaire (1694-1778),
Le Siècle de Louis XIV
Le climat est un bien commun, de tous et pour tous.
Pape François (1936-),
encyclique Laudato si’
Le droit de propriété est […] limité par le bien commun  ; il ne peut
jamais être invoqué contre le droit commun.
Abbé Pierre (1912-2007)
La première règle avant d’agir consiste à se mettre à la place de
l’autre. Nulle vraie recherche du bien commun ne sera possible hors
de là.
Abbé Pierre (1912-2007),
Servir

158
Les œuvres d’art ne doivent jamais être des proies. Elles constituent
le bien commun de l’humanité.
Laurent Fabius (1946-),
Le Figaro, 29 septembre 2015
Bien commun, bien d’aucun.
Proverbe amand

159
Chapitre 3
L’ÉTAT, GARANT DE LA JUSTICE SOCIALE ?

Alexis de Tocqueville (1805-1859) a montré combien les


peuples démocratiques avaient pour l’égalité «  une
passion ardente  » (quitte à sacri er leur liberté pour y
parvenir). Face à cette «  passion  », les États ont dû
intervenir pour lutter contre les injustices.

Il faut libérer l’homme du besoin et du risque.


William Beveridge (1879-1963)
Il faut, autant qu’on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
Jean de La Fontaine (1621-1695),
« Le Lion et le Rat », Fables
Entre l’assurance et l’assistance […] il y a un abîme. L’assisté […]
est obligé de plaider pour avoir la réalisation de ce droit. Au contraire,
l’assuré a un plein droit ; un droit absolu, un droit inconditionnel.
Jean Jaurès (1859-1914)
Magni que idée d’assurance sociale, qui crée pour tous les salariés
un droit tangible, sans humiliation.
Jean Jaurès (1859-1914)

160
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la
Sécurité sociale.
Déclaration universelle des droits de l’Homme
du 10 décembre 1948 (article 22)
La protection sociale […] est pour tous la condition de base pour
qu’ils puissent continuer d’appartenir à une «  société de
semblables ».
Robert Castel (1933-),
L’Insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?
La Sécurité sociale, pour être ef cace, doit reposer sur une solidarité
nationale. Tout le monde doit participer à ses charges dans la
mesure de ses moyens.
Pierre Laroque (1907-1997),
discours prononcé le 23 mars 1945 à l’École nationale
d’organisation économique et sociale
Viser la justice sociale est la chose la plus précieuse à faire dans la
vie.
Albert Einstein (1879-1955)
L’opposition et le communisme sont ls de l’injustice sociale.
Maurice Bandaman (1962-),
La Bible et le Fusil
Je n’ai jamais séparé la République des idées de justice sociale,
sans laquelle elle n’est qu’un mot.
Jean Jaurès (1859-1914)
Ce qui distingue la France des autres pays, c’est la tradition de
solidarité sociale.
François Hollande (1954-)
S’il suf sait d’augmenter les impôts pour qu’il y ait de la justice
sociale, […] on devrait être le pays le plus juste au monde.
Nicolas Sarkozy (1955-)

161
Malheureusement, il y a des moments où la violence est la seule
façon dont on puisse assurer la justice sociale.
Thomas Stearns Eliot (1888-1965),
Meurtre dans la cathédrale
Le pire des États, c’est l’État populaire.
Pierre Corneille (1606-1684),
Cinna
Nous nous cotisons pour venir en aide à ceux qui ne peuvent
travailler ou ne trouvent pas d’ouvrage ; il serait à craindre qu’on ne
vît se développer […] le penchant naturel de l’homme vers l’inertie, et
que bientôt les laborieux ne fussent réduits à être les dupes des
paresseux.
Frédéric Bastiat (1801-1850),
Harmonies économiques
Ce n’est jamais sans créer pour l’avenir de grands dangers et de
grandes dif cultés qu’on soustrait l’individu aux conséquences de
ses propres actes.
Frédéric Bastiat (1801-1850),
Harmonies économiques

162
Chapitre 4
L’ÉTAT, GRAND RÉGULATEUR ?

Avec l’amélioration graduelle des connaissances


économiques des dirigeants politiques et de leurs
conseillers, et face aux exigences des citoyens en termes
de niveau de vie et d’équité, l’État a pris en main les
grands leviers de l’action économique et sociale,
notamment par le biais des dépenses publiques.

L’homme est un animal social.


Aristote (384-322 av. J.-C.)
On doit se dévouer à l’intérêt public.
Cicéron (106-43 av. J.-C.)
Le droit, l’ordre éthique, l’État constituent la seule réalité positive et
la seule satisfaction de la liberté.
Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831),
La Raison dans l’Histoire
En politique, ce qui est cru devient plus important que ce qui est vrai.
Talleyrand (1754-1838)
L’État s’établit davantage tous les jours, à côté, autour, au-dessus
de chaque individu pour l’assister, le conseiller et le contraindre.

163
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
Tout le monde a droit de vie ici-bas, et la mort de faim est un crime
social.
Victor Hugo (1802-1885),
Tas de pierres
L’éducation, c’est la famille qui la donne  ; l’instruction, c’est l’État
qui la doit.
Victor Hugo (1802-1885),
Actes et paroles
L’éducation est la meilleure politique économique qui soit.
Tony Blair (1953-)
La fraternité n’est qu’une idée humaine, la solidarité est une idée
universelle.
Victor Hugo (1802-1885),
Proses philosophiques
Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons.
Victor Hugo (1802-1885)
Payer ses impôts est un devoir glorieux.
Mao Zedong (1893-1976)
Dans le système de séparation des pouvoirs, il faudrait ajouter à ses
trois composantes traditionnelles […] une quatrième  : le pouvoir
monétaire.
Alexandre Zinoviev (1922-2006),
L’Occidentisme
L’économie politique est l’école de l’ordre et du bien-être.
Pierre-Jules Hetzel (1814-1886)
On a intérêt au bonheur des autres, on a intérêt à ce que les autres
ne soient pas malades, on a intérêt au succès des autres parce que
nous sommes une équipe collective.

164
Jacques Attali (1943-)
Construire les services publics pourrait être la meilleure façon de faire
l’Histoire sans avoir besoin d’un fusil ou d’être président.
Edward D. Wynot
Les entreprises nationalisées ont eu pour vocation de suppléer aux
insuf sances du marché, […] d’assurer des missions de  service
public.
Serge Halimi (1955-),
Manière de voir, n° 102, décembre 2008
Sont uniquement, exclusivement, des services publics, les besoins
d’intérêt général.
Gaston Jèze (1869-1953)
Qu’ils chantent, pourvu qu’ils paient.
Mazarin (1602-1661)
Ô France, tourmentée par les agents du sc, tu as eu à supporter de
dures lois et de terribles moments !
Gilles de Paris (1162-1220),
Étude sur la vie et le règne de Louis VIII
Qui presse trop les hommes excite des révoltes et des séditions.
C’est la règle que donne Salomon.
Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704),
Politique tirée de l’Écriture sainte
Par la gabelle et les aides, l’inquisition entre dans chaque ménage.
Hippolyte Taine (1828-1893),
Les Origines de la France contemporaine
Ci-gît l’auteur de tous impôts  dont à présent la France abonde.
Ne priez pas pour son repos puisqu’il l’ôtait à tout le monde !
Épitaphe anonyme de Jean-Baptiste Colbert
Il ne fait pas doute qu’un impôt exorbitant, équivalant […] à la moitié
ou même au cinquième de la richesse de la nation, justi erait […] la
résistance du peuple.

165
Adam Smith (1723-1790),
Leçons de jurisprudence
L’impôt  peut entraver l’industrie du peuple et le détourner de
s’adonner à certaines branches de commerce ou de travail.
Adam Smith (1723-1790)
Un impôt inconsidérément établi offre beaucoup d’appâts à la fraude.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Avec un gouvernement juste, il y a peu d’impôts.
Thomas Paine (1737-1809),
Droits de l’homme
Tout impôt inutile est une atteinte contre la propriété.
Benjamin Constant (1767-1830)
L’impôt est infailliblement nuisible.
Benjamin Constant (1767-1830),
Principes de politique
Ainsi, le peuple n’est pas misérable seulement parce qu’il paie au-
delà de ses moyens, mais il est misérable encore par l’usage que
l’on fait de ce qu’il paie.
Benjamin Constant (1767-1830),
Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri
Tout  impôt, de quelque nature qu’il soit, a toujours une in uence
plus ou moins fâcheuse. […] Plus on laisse de moyens à la
disposition de l’industrie des particuliers, plus un État prospère.
Benjamin Constant (1767-1830),
Quand l’impôt est excessif ou inique, il provoque des fraudes.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte.

166
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Si l’impôt produit souvent un bien quant à son emploi, il est toujours
un mal quant à sa levée.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Je ne craindrai pas de prononcer que l’impôt progressif est le seul
équitable.
Jean-Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
La spoliation est un principe de haine et de désordre, et si elle revêt
une forme plus particulièrement odieuse, c’est surtout la forme
légale.
Frédéric Bastiat (1801-1850)
Si l’impôt n’est pas nécessairement une perte, encore moins est-il
nécessairement une spoliation.
Frédéric Bastiat (1801-1850)
Dans les sociétés modernes, la spoliation par l’impôt s’exerce sur
une immense échelle.
Frédéric Bastiat (1801-1850)
L’impôt forcé, c’est l’État subventionné  ; l’État subventionné, c’est
l’État coûtant beaucoup et rendant peu  ; compliquant tout et ne
simpli ant rien  ; conservant les abus avec autant de soin qu’il en
devrait mettre à les supprimer.
Émile de Girardin (1802-1881)
Si en France on établit l’impôt  sur le revenu, on commencera avec
un taux progressif fort supportable, et puis, […] on l’augmentera.
Vilfredo Pareto (1848-1923)
Dif cile de justi er un  impôt  progressif dont le seul but est de
redistribuer les revenus.
Milton Friedman (1912-2006)

167
L’impôt sur le revenu  : une machine forgée pour dépouiller sous le
couvert de la solidarité certains citoyens au pro t de certains autres.
Vilfredo Pareto (1848-1923)
Bénis soient les plus jeunes, car ils hériteront du dé cit budgétaire de
l’État.
Herbert Hoover (1874-1964)
Le libéralisme intelligent consiste […] à tracer fermement la limite en
deçà de laquelle le pouvoir central doit être très puissant, au-delà de
laquelle il doit n’être rien du tout.
Ludwig von Mises (1881-1973),
Libéralisme
Un État est une communauté humaine qui revendique le monopole
de l’usage légitime de la force physique sur un territoire donné.
Max Weber (1864-1920),
Le Savant et le Politique
La politique économique a souvent été aux antipodes de l’intérêt
économique lui-même.
John Kenneth Galbraith (1908-2006)
On ne construit pas le progrès social à coups de dé cits.
Pierre Bérégovoy (1925-1993)
Ce n’est pas par la loi qu’on va réguler l’économie.
Lionel Jospin (1937-)
Il nous faut abandonner l’idée qu’en matière de dépenses publiques,
« plus » est synonyme de « mieux ».
Laurent Fabius (1946-),
discours à l’Assemblée nationale, avril 1998
La consolidation budgétaire et la croissance économique sont les
deux faces d’une même pièce.
Angela Merkel (1954-)
Le tournevis n’est pas le seul outil de politique économique.

168
Lionel Jospin (1937-)
En matière scale surtout, ce qui est exceptionnel devient très vite
temporaire et encore plus rapidement « dé nitif ».
Jacques Mailho (1949-),
La Politique d’en rire
Les princes prélèvent des impôts sur les riches a n d’aider les
pauvres : c’est rançonner l’économie et le travail pour encourager la
paresse et la prodigalité.
Han Fei (280-233 av. J.-C.),
Le Tao du Prince
Grâce à la bureaucratie et au socialisme, il n’y aura bientôt que deux
partis en France : ceux qui vivent de l’impôt et ceux qui en meurent.
Achille Tournier (1847-1920),
Pensées d’automne
Il n’y a qu’une seule façon de tuer le  capitalisme  : des  impôts,
des impôts et toujours plus d’impôts.
Karl Marx (1818-1883)
La France est un pays extrêmement fertile  : on y plante des
fonctionnaires et il y pousse des impôts.
Georges Clémenceau (1841-1929)
La capacité d’action d’un État moderne ne se fonde que sur une
société civile vivante, auto-organisée et puissante.
Alexandre Jardin (1965-),
Laissez-nous faire !

169
PARTIE 10

Les grands courants de pensée

Il n’a pas fallu attendre la Renaissance pour trouver dans


des textes anciens, voire très anciens, des notations à
connotation économique. Quelques citations tirées de la
Bible dans cet ouvrage l’attestent, ainsi que des
références à de grands esprits de l’Antiquité.
Mais c’est à partir de la Renaissance que va se
développer une ré exion structurée sur les questions
économiques ; et elle s’ampli era avec la naissance des États-
nations et l’apparition de progrès scienti ques majeurs,
notamment la maîtrise énergétique.
Dans un esprit cartésien, on présente les écrits économiques
dans un ordre correspondant aux grands courants de pensée.
Cela offre l’avantage de la clarté.
Néanmoins, il faut se dé er de toute simpli cation excessive qui
amènerait à enfermer telle ou telle pensée dans un cadre
exclusif. Adam Smith par exemple, considéré comme un
défenseur ardent de l’ordre économique libéral, justi e des

170
interventions de l’État dans le domaine des infrastructures et de
l’éducation.
En lisant ces textes, il convient de les situer dans un contexte
pour les rendre intelligibles, faute de quoi ils risqueraient de
donner naissance à des contresens et à une utilisation
inappropriée.

171
Chapitre 1
LES MERCANTILISTES

Les mercantilistes, du XVIe au XVIIIe  siècle, sont les


premiers à expliquer la richesse des nations. Ils
considèrent que l’État doit jouer un rôle important dans
l’accumulation des richesses (l’or) et mettre en œuvre des
mesures protectionnistes.

La mode est pour la France ce que les mines du Pérou sont pour
l’Espagne.
Jean-Baptiste Colbert (1619-1683)
Le commerce est une guerre d’argent.
Jean-Baptiste Colbert (1619-1683)
La France est terre franche, et la négociation y est pareillement libre,
mais ce doit être aux siens proprement et particulièrement.
Antoine de Montchrestien (1575-1621),
Traité d’économie politique
Le seul but de ce traité tend à l’enrichissement d’un royaume pour le
développement du commerce et du crédit public.
William Petty (1623-1687)
Nous devrions nous employer à produire les marchandises qui nous
procurent le plus de monnaie de l’étranger.

172
William Petty (1623-1687)

173
Chapitre 2
LES PHYSIOCRATES

Les physiocrates, dont le plus connu est François


Quesnay (1694-1774), peuvent être considérés comme les
premiers penseurs libéraux. Selon eux, la société est
régie par un ordre naturel de droit divin. Celui-ci
s’impose aux hommes et légitime la propriété privée, la
liberté du commerce et de l’industrie.
De ce dernier point de vue, Quesnay s’oppose aux
mercantilistes. Il met en avant l’importance de
l’agriculture, car elle seule crée un produit net (elle
rapporte plus qu’elle ne coûte). Pour lui, la classe
productive est constituée par les agriculteurs.

Le droit naturel est le droit que l’homme a aux choses propres à sa


jouissance.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
Trop gouverner est le plus grand danger des gouvernements.
Mirabeau (1749-1791),
discours à l’Assemblée nationale, 25 novembre 1790

174
La loi fondamentale […] est l’institution de l’instruction publique et
privée des lois de l’ordre naturel, qui est la règle souveraine de toute
législation humaine et de toute conduite civile, politique, économique
et sociale.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
La classe productive est celle qui fait renaître par la culture du
territoire les richesses annuelles de la nation, qui fait les avances des
travaux de l’agriculture, et qui paie annuellement les revenus des
propriétaires des terres.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
La classe des propriétaires comprend le souverain, les possesseurs
des terres et les décimateurs1.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
La classe stérile est formée de tous les citoyens occupés à d’autres
services et à d’autres travaux que ceux de l’agriculture.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
La nation a besoin que la terre produise le plus qu’il est possible, et
que les productions deviennent des richesses par la plus grande
valeur vénale possible.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
La terre est l’unique source de richesses et c’est l’agriculture qui les
multiplie.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
La sûreté de la propriété est le fondement essentiel de l’ordre
économique de la société.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique

175
Préférablement à tout, le royaume doit être bien peuplé de riches
cultivateurs.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
Car la police du commerce intérieur et extérieur la plus sûre, la plus
exacte, la plus pro table à la nation et à l’Etat consiste dans la pleine
liberté de la concurrence.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
Ceux qui excluront du commerce les étrangers seront par
représailles exclus du commerce des nations étrangères.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
Il n’y a que la libre concurrence des commerçants étrangers qui
puisse assurer le meilleur prix possible, et il n’y a que le haut prix qui
puisse procurer et maintenir l’opulence et la population d’un
royaume par le succès de l’agriculture.
François Quesnay (1694-1774),
Tableau économique
La science économique n’étant autre chose que l’application de
l’ordre naturel au gouvernement des sociétés est aussi constante
dans ses principes et aussi susceptible de démonstration que les
sciences physiques les plus certaines.
Pierre Samuel Dupont de Nemours (1739-1817),
De l’origine et des progrès d’une science nouvelle

1. Ceux qui perçoivent la dîme, c’est-à-dire une partie du clergé.

176
Chapitre 3
LES CLASSIQUES

L’école classique regroupe des économistes anglais et


français des XVIIIe et XIXe  siècles. Leurs représentants les
plus connus sont Smith, Malthus, Ricardo, Mill et Say.
Bien que formant un courant de pensée assez
hétérogène, ils se retrouvent sur un point fondamental  :
le libéralisme économique. Ce sont donc globalement des
défenseurs du principe du «  laissez-faire, laissez-
passer ».

Smith : un libéral qui ne renie pas l’État


Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et
du boulanger que nous attendons notre dîner, mais bien du soin
qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur
humanité mais à leur égoïsme  ; et ce n’est jamais de leurs besoins
que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
L’individu est conduit par une main invisible à remplir une n qui
n’entre nullement dans ses intentions. Tout en ne cherchant que son

177
intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière plus ef cace pour
l’intérêt de la société, que s’il avait réellement pour but d’y travailler.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Dans le système de la liberté naturelle, le souverain n’a que trois
devoirs à remplir  ; trois devoirs à la vérité d’une haute importance,
mais clairs, simples et à la portée d’une intelligence ordinaire. Le
premier, c’est le devoir de défendre la société de tout acte de
violence ou d’invasion de la part des autres sociétés indépendantes.
Le second, c’est le devoir de protéger, autant qu’il est possible,
chaque membre de la société contre l’injustice ou l’oppression de
tout autre membre […]. Et le troisième, c’est le devoir d’ériger et
d’entretenir certains ouvrages publics et certaines institutions.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
L’éducation de la foule du peuple, dans une société civilisée et
commerçante, exige peut-être davantage les soins de l’État, que
celle des gens qui sont mieux nés et qui sont dans l’aisance […].
D’ailleurs, un peuple instruit et intelligent est toujours plus décent
dans sa conduite et mieux disposé à l’ordre, qu’un peuple ignorant
et stupide.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Moyennant une très petite dépense, l’État peut faciliter, peut
encourager l’acquisition de ces parties essentielles de l’éducation
parmi la masse du peuple, et même lui imposer, en quelque sorte,
l’obligation de les acquérir.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations

178
Quand la dette nationale s’est une fois grossie jusqu’à un certain
point, il n’y a pas, je crois, un seul exemple qu’elle ait été loyalement
et complètement payée. Si jamais la libération du revenu public a été
opérée tout à fait, elle l’a toujours été par le moyen d’une
banqueroute, quelquefois par une banqueroute ouverte et déclarée,
mais toujours par une banqueroute réelle, bien que déguisée souvent
sous une apparence de paiement.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Il est évident qu’on ne saurait se atter d’atteindre à cette libération,
à moins de quelque augmentation considérable dans le revenu
public, ou bien de quelque réduction non moins considérable dans la
dépense.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Ricardo : un pessimiste qui pronostique un état
stationnaire et qui vilipende les impôts
Chaque nouveau progrès de la population obligera un pays à recourir
à des terres de moindre qualité qui lui permettront d’accroître la
quantité de nourriture, la rente de toutes les terres plus fertiles s’en
trouvera donc augmentée.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Le salaire naturel dépend du prix de la nourriture, des biens
nécessaires et des biens d’agrément indispensables à l’entretien du
travailleur et de sa famille. Si le prix de la nourriture et des biens
nécessaires augmente, le prix du travail augmentera.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Comme il est indubitable que les salaires montent par la hausse du
blé, les pro ts doivent nécessairement baisser.

179
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Il n’y aura certainement plus d’accumulation car aucun capital ne
pourra plus rapporter le moindre pro t.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Tout au long de cet ouvrage, je tente de démontrer que le taux de
pro t ne peut jamais croître, si ce n’est sous l’effet d’une baisse
durable des salaires, si ce n’est à la suite d’une baisse du prix des
biens nécessaires dans lesquels les salaires sont dépensés. Par
conséquent, si l’expansion du commerce extérieur, vu le
perfectionnement des machines, permettait de mettre sur le marché,
à un prix réduit, la nourriture et les biens nécessaires consommés
par le travailleur, les pro ts augmenteraient.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Il n’est pas d’impôt qui ne tende à réduire le pouvoir d’accumuler.
Tout impôt frappe nécessairement le capital ou le revenu.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Tout nouvel impôt devient une nouvelle charge sur la production, et
entraîne une hausse du prix naturel.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
L’impôt empêche le capital national de se distribuer de la manière la
plus avantageuse pour la société.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
L’expérience montre qu’une hausse du montant nominal de l’impôt
en réduit souvent le produit.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt

180
Say : un précurseur du courant
de l’économie de l’offre
La valeur que les hommes attachent aux choses a son premier
fondement dans l’usage qu’ils peuvent en faire […]. Cette faculté
qu’ont certaines choses de pouvoir satisfaire aux divers besoins des
hommes, qu’on me permette de la nommer utilité.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
En effet, lorsqu’un homme vend à un autre un produit quelconque, il
lui vend l’utilité qui est dans ce produit  ; l’acheteur ne l’achète qu’à
cause de son utilité, de l’usage qu’il en peut faire. Si, par une cause
quelconque, l’acheteur est obligé de le payer au-delà de ce que vaut
pour lui cette utilité, il paie une valeur qui n’existe pas, et qui, par
conséquent, ne lui est pas livrée.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
La valeur échangeable, ou le prix, n’est qu’une indication de l’utilité
que les hommes reconnaissent dans une chose.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Plus les producteurs sont nombreux et les productions multipliées,
et plus les débouchés sont faciles, variés et vastes.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Les échanges terminés, il se trouve toujours qu’on a payé des
produits avec des produits.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Il est bon de remarquer qu’un produit terminé offre, dès cet instant,
un débouché à d’autres produits pour tout le montant de sa valeur
[…]. On voit donc que le fait seul de la formation d’un produit ouvre,
dès l’instant même, un débouché à d’autres produits.

181
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Il est presque impossible qu’un gouvernement puisse, je ne dis pas
se mêler utilement de l’industrie, mais éviter, quand il s’en mêle, de
lui faire du mal.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Les vraies colonies d’un peuple commerçant, ce sont les peuples
indépendants de toutes les parties du monde.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Ce qui a été appelé université par Bonaparte n’a été qu’un moyen
dispendieux par les parents et vexatoire pour les instituteurs,
d’attribuer à l’autorité publique le privilège exclusif d’endoctriner la
jeunesse.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique
Malthus : un ardent défenseur de la limitation
des naissances et un pourfendeur
des aides sociales
Si Malthus, et non Ricardo, avait été la souche dont naquit
l’économie politique au XIXe  siècle, nous aurions, aujourd’hui, un
monde bien plus sage et bien plus riche.
John Maynard Keynes (1883-1946)
On appelle ordinairement pro ts du capital la portion du revenu
national qui est payée aux capitalistes pour l’usage de ses fonds
[…]. Les pro ts du capital consistent dans la différence entre la
valeur des avances nécessaires pour créer ce produit et celle de la
chose produite.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Principes d’économie politique considérés
sur le rapport de leur application théorique

182
La passion d’accumuler doit inévitablement donner naissance à une
quantité de denrées supérieure à celle que l’organisation et les
habitudes de la société peuvent permettre de consommer.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Principes d’économie politique considérés
sur le rapport de leur application théorique
Aucune nation ne peut jamais devenir riche par l’accumulation d’un
capital provenant d’une diminution permanente de la consommation
[…]. Il faut admettre que l’amour des folles dépenses, et la
répugnance décidée à économiser, peuvent maintenir les pro ts
constamment élevés.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Principes d’économie politique considérés
sur le rapport de leur application théorique
Un très grand propriétaire, entouré de paysans très pauvres, offre
l’exemple du mode de distribution territoriale le plus défavorable à la
croissance de la demande effective […]. On a toujours vu, en fait,
que la richesse excessive du petit nombre n’équivaut nullement,
quant à la demande réelle, à la richesse modique du plus grand
nombre.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Principes d’économie politique considérés
sur le rapport de leur application théorique
Si elle n’est pas freinée, la population s’accroît en progression
géométrique. Les subsistances ne s’accroissent qu’en progression
arithmétique.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Les lois sur les pauvres tendent manifestement à accroître la
population sans rien ajouter aux moyens de subsistance. Un homme
peut se marier avec peu ou point de moyens de soutenir une famille,
parce qu’il compte sur les secours de sa paroisse. Ainsi les lois y
créent les pauvres qu’elles assistent.

183
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille n’a
pas le moyen de le nourrir, ou si la société n’a pas besoin de son
travail, cet homme, dis-je, n’a pas le moindre droit à réclamer une
portion quelconque de nourriture : il est réellement de trop sur terre.
Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert mis pour lui.
La nature lui commande de s’en aller, et ne tardera pas à mettre elle-
même cet ordre à exécution.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Les obstacles à la population qui maintiennent le nombre des
individus au niveau de leurs moyens de subsistance peuvent être
rangés sous deux chefs. Les uns agissent en prévenant
l’accroissement de la population, et les autres en le détruisant. La
somme des premiers compose ce qu’on peut appeler l’obstacle
privatif ; celle des seconds, l’obstacle destructif.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Dans un pays où la population ne peut pas croître indé niment,
l’obstacle privatif et l’obstacle destructif doivent être en raison inverse
l’un de l’autre  : c’est-à-dire que dans les pays malsains, l’obstacle
privatif aura peu d’in uence. Dans ceux au contraire qui jouissent
d’une grande salubrité, et où l’obstacle privatif agit avec force,
l’obstacle destructif agira faiblement et la mortalité sera très petite.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Mill : un pessimiste qui pronostique
l’état stationnaire
Les économistes n’ont pu manquer de voir plus ou moins
distinctement que l’accroissement des richesses n’est pas illimité.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique

184
Le meilleur état pour la nature humaine est celui dans lequel
personne n’est riche, personne n’aspire à devenir plus riche et ne
craint d’être renversé en arrière par les efforts que font les autres
pour se précipiter en avant.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
Le génie ne peut respirer librement que dans une atmosphère de
liberté.
John Stuart Mill (1806-1873),
De la liberté
Un État qui rapetisse les hommes pour en faire des instruments
dociles entre ses mains, même en vue de bienfaits, s’apercevra
qu’avec de petits hommes rien ne grand ne saurait s’accomplir.
John Stuart Mill (1806-1873),
De la liberté
L’histoire nous montre constamment la vérité réduite au silence par
la persécution  ; si elle n’est pas supprimée à tout jamais, elle peut
être reculée pour des siècles.
John Stuart Mill (1806-1873),
De la liberté
La valeur d’un État à la longue, c’est la valeur des individus qui le
composent.
John Stuart Mill (1806-1873),
De la liberté
La seule n par laquelle les hommes sont autorisés, individuellement
ou collectivement, à intervenir dans la liberté d’action d’un de leurs
semblables, est la protection de soi-même.
John Stuart Mill (1806-1873),
De la liberté

185
Chapitre 4
LES NÉOCLASSIQUES

La seconde moitié du XIXe  siècle voit apparaître une


nouvelle école de pensée, l’école néo-classique, dont les
représentants les plus connus sont Walras, Marshall,
Jevons, Menger et Pareto.
Comme les classiques, ils défendent les principes du
« laissez-faire, laissez-passer » et de la libre concurrence.
Mais ils remettent en cause certains principes classiques
tels la loi de la valeur-travail et développent une analyse
plus micro-économique que macro-économique (analyse
du comportement d’un agent économique).
Dans Éléments d’économie politique pure (1874), Walras
met en place une théorie de la détermination des prix
« sous un régime hypothétique de concurrence absolue ».
Il fait l’hypothèse d’un «  marché parfaitement organisé
sous le rapport de la concurrence, comme en mécanique
pure on suppose d’abord des machines sans
frottement ».

Walras : la concurrence pure et parfaite est le meilleur


moyen de régulation de l’économie

186
Les marchés les mieux organisés sous le rapport de la concurrence
sont ceux où les ventes et achats se font à la criée, par
l’intermédiaire d’agents tels qu’agents de change, courtiers de
commerce, crieurs qui les centralisent, de telle sorte qu’aucun
échange n’ait lieu sans que les conditions en soient annoncées et
connues.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
Deux marchandises étant données, pour qu’il y ait un équilibre du
marché à leur égard, ou prix stationnaire de l’une ou l’autre, il faut et
il suf t que la demande effective de chacune de ces deux
marchandises soit égale à son offre effective. Lorsque cette égalité
n’existe pas, il faut, pour arriver au prix d’équilibre, une hausse du
prix de la marchandise dont la demande effective est supérieure à
l’offre effective, et une baisse du prix de celle dont l’offre est
supérieure à la demande effective.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
On voit clairement à présent ce qu’est le mécanisme de la
concurrence sur le marché ; c’est la solution pratique, et par hausse
et baisse du prix, du problème de l’échange.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
On peut donc exactement comparer cet équilibre à celui d’un corps
dont le point de suspension est au-dessus du centre de gravité sur
une ligne verticale, de telle sorte que ce centre de gravité, s’il était
éloigné de la verticale, y reviendrait de lui-même par la seule force de
la pesanteur. C’est un équilibre stable.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
À l’état d’équilibre général du marché, les m (m-1) prix qui règlent
l’échange de m marchandises prises deux à deux sont implicitement
déterminées par les m-1 prix qui règlent l’échange de m-1
quelconques d’entre ces marchandises avec la mième. Ainsi, à l’état

187
d’équilibre général, on peut dé nir complétement la situation du
marché en rapportant les valeurs de toutes les marchandises à la
valeur de l’une d’entre elles.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
Marshall : le marché concurrentiel
permet d’atteindre un équilibre
et favorise les consommateurs
L’économique est, d’un côté, une science de la richesse, et de
l’autre, cette partie de la science des actions de l’homme vivant en
société, une science sociale, qui s’occupe des efforts de l’homme
pour satisfaire ses besoins, en tant que ces efforts et ces besoins
sont susceptibles d’être mesurés à l’aide des richesses un de leur
équivalent général, la monnaie.
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
L’étude plus complète de la consommation doit suivre et non pas
précéder la partie principale de l’analyse économique.
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
L’utilité totale d’une chose est la somme des plaisirs ou des autres
avantages qu’il en retire.
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
Le béné ce supplémentaire qu’une personne tire d’une
augmentation donnée du stock d’une chose qu’elle possède,
diminue à chaque augmentation de ce stock.
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
La quantité demandée augmente avec une baisse de prix, et diminue
avec une hausse des prix.

188
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
Cet excédent de satisfaction est mesuré économiquement par la
différence entre le prix qu’un consommateur consentirait à payer
plutôt que de se passer de l’objet, et le prix qu’il paye réellement. Il y
a quelques analogies avec la rente  ; mais il vaut peut-être mieux
l’appeler simplement « le béné ce du consommateur ».
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
Lorsque l’offre et la demande sont en équilibre, la quantité de la
marchandise qui est produite dans une unité de temps peut être
désignée sous le nom de quantité d’équilibre et le prix de cette
quantité peut être appelé le prix d’équilibre. Un semblable équilibre
est un équilibre stable, c’est-à-dire que le prix, s’il s’en écarte tant
soit peu, tend à y revenir, comme une pendule oscille autour de son
point le plus bas.
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
Les salaires et autres rémunérations de l’effort ont bien des points
communs avec l’intérêt du capital. Il y a en effet une correspondance
générale entre les causes qui gouvernent les prix d’offre et du capital
matériel et du capital personnel ; les motifs qui poussent un homme
à accumuler du capital sur la tête de son ls par l’éducation sont
semblables à ceux qui gouvernent son accumulation du capital
matériel par son ls.
Alfred Marshall (1842-1924),
Principes d’économie politique
Pareto : l’équilibre économique est possible et permet de
dé nir
un optimum
On peut dire que l’équilibre économique est l’état qui se
maintiendrait indé niment s’il n’y avait aucun changement dans les
conditions dans lesquels on l’observe.

189
Vilfredo Pareto (1848-1923),
Manuel d’économie politique
Il est déterminé de telle sorte que, s’il n’est que faiblement modi é, il
tend immédiatement à se rétablir.
Vilfredo Pareto (1848-1923),
Manuel d’économie politique
C’est la mutuelle dépendance des phénomènes économiques qui
rend indispensable l’usage des mathématiques pour étudier ces
phénomènes.
Vilfredo Pareto (1848-1923),
Manuel d’économie politique
Quand à la fois les couches supérieures sont pleines d’éléments
inférieurs et les couches inférieures pleines d’éléments supérieurs,
l’équilibre social devient éminemment instable, et une révolution
violente est imminente.
Vilfredo Pareto (1848-1923),
Manuel d’économie politique
Considérons une position quelconque et supposons nous en
éloigner d’un très faible montant, cohérent avec les restrictions visant
à assurer le plus grand bien-être possible des individus d’une
collectivité. Si, ce faisant, le bien-être de tous les individus de la
collectivité est accru, il est évident que la nouvelle position est plus
avantageuse pour chacun d’entre eux ; et vice versa, elle l’est moins
si le bien-être de tous les individus est réduit. […] Mais à l’inverse, si
ce petit mouvement accroît le bien-être de certains individus et réduit
celui d’autres, nous ne pouvons plus af rmer positivement qu’il est
avantageux pour toute la collectivité de réaliser ce mouvement.
Vilfredo Pareto (1848-1923),
Manuel d’économie politique
Jevons et Menger : l’économie
est la mécanique du plaisir
Ainsi les économistes sont depuis longtemps des mathématiciens
sans s’en rendre compte.

190
Stanley Jevons (1835-1852),
La Théorie de l’économie politique
Le plaisir et la douleur sont sans aucun doute les objets ultimes du
calcul économique. Satisfaire nos besoins au maximum avec le
moins d’efforts, se procurer le plus grand nombre de ce qui est
désirable au détriment du moins indésirable, en d’autres termes,
maximiser le plaisir, est le problème de l’économie.
Stanley Jevons (1835-1852),
La Théorie de l’économie politique
Les dif cultés de l’économie sont principalement les dif cultés de
concevoir clairement et pleinement les conditions d’utilité.
Stanley Jevons (1835-1852),
La Théorie de l’économie politique
Le point de départ de toutes les recherches théoriques concernant
l’économie est la nature de l’homme comme être de besoin. Sans
besoins, il n’y aurait aucune économie, aucune économie nationale,
aucune de ces sciences.
Carl Menger (1840-1921),
Principes d’économie politique
La valeur des biens est fondée par la relation des biens à nos
besoins, et ne se trouve pas dans les biens eux-mêmes.
Carl Menger (1840-1921),
Principes d’économie politique

191
Chapitre 5
LE MARXISME

Karl Marx (1818-1883), économiste, sociologue et


philosophe allemand, décrit ce qu’il appelle le mode de
production capitaliste au cœur de la révolution
industrielle du XIXe  siècle. Reprenant la loi de la valeur-
travail des classiques, il critique sévèrement les
conditions économiques qui aboutissent à l’exploitation
des prolétaires par les capitalistes, à l’extorsion de la
plus-value et nalement à la baisse tendancielle du taux
de pro t.

L’extorsion de la plus-value
par les capitalistes avec un État complice
Le temps socialement nécessaire à la production des marchandises
est celui qu’exige tout travail, exécuté avec le degré moyen d’habilité
et d’intensité et dans les conditions qui, par rapport au milieu social
donné, sont normales.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
La partie transformée en force de travail change […] de valeur dans le
cours de la production. Elle reproduit son propre équivalent et de

192
plus un excédent, une plus-value qui peut elle-même varier et être
plus ou moins grande.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
La production capitaliste ne commence en fait à s’établir que là où
un seul maître exploite beaucoup de salariés à la fois.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
Ce que les ouvriers parcellaires perdent se concentre en face d’eux
dans le capital. La division manufacturière leur oppose les
puissances intellectuelles de la production comme la propriété
d’autrui et comme le pouvoir qui les domine.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
Le processus de production capitaliste produit et éternise le rapport
social entre capitaliste et salarié.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
Cette surpopulation n’existe que par rapport aux besoins
momentanés de l’exploitation capitaliste, elle peut s’en er et se
resserrer d’une manière subite.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
Les procédés idylliques de l’accumulation primitive ont conquis la
terre à l’agriculture capitaliste, incorporé le sol au capital et livré à
l’industrie des villes les biens dociles d’un prolétariat sans feu ni lieu.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
Une intervention honteuse de l’État […] favorise l’exploitation du
travail, et partant, l’accumulation du capital.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital

193
La condamnation du mode
de production capitaliste
L’heure de la propriété capitaliste a sonné. Les expropriateurs sont à
leur tour expropriés.
Karl Marx (1818-1883),
Le Capital
Que les classes dominantes tremblent devant une révolution
communiste. Les prolétaires n’ont rien à y perdre que leurs chaînes.
Ils ont un monde à gagner. Prolétaires de tous les pays, unissez-
vous !
Karl Marx (1818-1883),
Manifeste du parti communiste
La bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la mettront à
mort : elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes, les
ouvriers modernes, les prolétaires.
Karl Marx (1818-1883),
Manifeste du parti communiste
La bourgeoisie produit avant tout ses propres fossoyeurs. Sa chute
et la victoire du prolétariat sont également inévitables.
Karl Marx (1818-1883),
Manifeste du parti communiste
Seul le prolétariat est une classe vraiment révolutionnaire.
Karl Marx (1818-1883),
Manifeste du parti communiste
Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut pas leur prendre ce
qu’ils n’ont pas.
Karl Marx (1818-1883),
Manifeste du parti communiste

194
Chapitre 6
LE KEYNÉSIANISME

John Maynard Keynes, économiste anglais, révolutionne


la pensée économique en publiant en 1936 Théorie
générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie. Il y
critique les postulats classiques et néo-classiques. Il place
au cœur de son analyse la recherche du plein-emploi et
montre la nécessité de l’intervention publique en cas de
dysfonctionnement, sans pour autant remettre en cause
le capitalisme.

La critique du chômage classique


Nous démontrerons que les postulats de la théorie classique ne
s’appliquent qu’à un cas spécial et non au cas général.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Il n’y a pas de raison de penser que le niveau de l’emploi doive être
égal au plein-emploi.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie

195
Ce sont la propension à consommer et le montant de
l’investissement nouveau qui déterminent conjointement le volume
de l’emploi et c’est le volume de l’emploi qui détermine de façon
unique le niveau des salaires réels.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
L’idée ancienne que l’épargne implique toujours un investissement,
toute incomplète et trompeuse qu’elle fût, est formellement plus
juste que l’idée moderne qu’il peut y avoir épargne sans
investissement ou investissement sans épargne véritable.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
La consommation et l’investissement constituent la
demande effective
En moyenne et la plupart du temps, les hommes tendent à accroître
leur consommation à mesure que le revenu croît, mais non d’une
quantité aussi grande que le revenu […]. Une proportion de plus en
plus importante du revenu est épargnée à mesure que le revenu
croît.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Nous sommes amenés à conclure que les variations de courte
période de la consommation dépendent dans une large mesure des
variations du rythme auquel le revenu (mesuré en unité de salaire) est
gagné et non des variations de la propension à dépenser pour la
consommation d’un revenu donné.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
La monnaie joue un rôle actif

196
Le taux d’intérêt est la récompense par la renonciation à la liquidité
durant une période déterminée.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Les trois éléments que nous venons de distinguer dans la préférence
pour la liquidité peuvent être dé nis par les motifs qui les
gouvernent  : 1° le motif de transaction, i.  e. le besoin de monnaie
pour la réalisation courante des échanges personnels et
professionnels  ; 2° le motif de précaution, i.  e. le désir de sécurité
[…] et 3° le motif de spéculation, i.  e. le désir de pro ter d’une
connaissance meilleure que celle du marché de ce que réserve
l’avenir.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Le souci de parer aux éventualités exigeant une dépense soudaine,
l’espoir de pro ter d’occasions non prévues d’achats avantageux, et
en n le désir de garder un avoir de valeur nominale immuable, pour
faire face à une obligation future stipulée en monnaie sont autant de
nouveaux motifs à conserver de l’argent liquide.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Le risque d’une prédominance de la spéculation tend à grandir au fur
et à mesure que l’organisation des marchés nanciers progresse
[…]. Mais la situation devient sérieuse lorsque l’entreprise n’est plus
qu’une bulle d’air dans le tourbillon spéculatif. Lorsque, dans un
pays, le développement du capital devient le sous-produit de l’activité
d’un casino, il risque de s’accomplir en des conditions défectueuses.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie

197
La technique du placement peut être comparée à ces concours
organisés par les journaux où les participants ont à choisir les six
plus jolis visages parmi une centaine de photographies, le prix étant
attribué à celui dont les préférences s’approchent le plus de la
sélection moyenne opérée par l’ensemble des concurrents. Chaque
concurrent doit donc choisir non les visages qu’il juge lui-même les
plus jolis, mais ceux qu’il estime les plus propres à obtenir les
suffrages de tous les concurrents, lesquels examinent tous le
problème sous le même angle. […] Au troisième degré […] on
emploie ses facultés à découvrir l’idée que l’opinion moyenne se fera
à l’avance de son propre jugement.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
L’État doit mener une politique économique
Les deux vices marquants du monde économique où nous vivons
sont le premier que le plein-emploi n’y est pas assuré, le second que
la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque
d’équité.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Nous sommes assez sceptiques sur les chances de succès d’une
politique purement monétaire destinée à agir sur le taux d’intérêt.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Lorsqu’un accroissement de l’investissement global se produit, le
revenu augmente d’un montant égal à k fois l’accroissement de
l’investissement.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie

198
Les dépenses publiques sur fond d’emprunt peuvent, même
lorsqu’elles sont inutiles, enrichir en dé nitive la communauté. La
construction des pyramides, les tremblements de terre et jusqu’à la
guerre peuvent contribuer à accroître la richesse.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Une redistribution du revenu propre à accroître la propension à
consommer pourrait favoriser de façon décisive la croissance du
capital. […] La croissance de la richesse, loin de dépendre de
l’abstinence des milieux aisés, comme on le croit en général, a plus
de chances d’être contrariée par elle.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
L’élargissement des fonctions de l’État, qu’implique la responsabilité
d’ajuster l’une à l’autre la propension à consommer et l’incitation à
investir, semblerait à une publicité du XIXe ou à un nancier
d’aujourd’hui une horrible infraction aux principes individualistes. Cet
élargissement nous apparaît au contraire comme le seul moyen
possible d’éviter une complète destruction des institutions
économiques actuelles et comme la condition d’un fructueux
exercice de l’initiative individuelle.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie

199
Chapitre 7
LES ÉCONOMISTES DE L’OFFRE

Les économistes de l’offre, tels Arthur Laffer, Pascal


Salin, George Gilder, désignent un courant de pensée, là
encore, d’obédience libérale. La stimulation de la
croissance économique viendra d’une offre compétitive,
et non pas de la demande comme le supposent les
keynésiens. Ils dénoncent notamment la trop forte
pression scale. Ils reprennent des idées déjà
développées par les classiques.

Il n’est pas d’impôt qui ne tende à réduire le pouvoir d’accumuler.


Tout impôt frappe nécessairement le capital ou le revenu.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
L’expérience montre qu’une hausse du montant nominal de l’impôt
en réduit souvent le produit.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Un impôt exagéré détruit la base sur laquelle il porte.
Jean Baptiste Say (1767-1832),
Traité d’économie politique

200
L’idéal n’est pas de rendre les riches pauvres, mais de rendre les
pauvres riches.
Arthur Laffer (1941-)
Les emplois et les richesses sont créés pour ceux qui sont imposés,
et non pas pour ceux qui taxent. Le gouvernement, par sa nature
même, ne crée pas de richesses, mais les redistribue.
Arthur Laffer (1941-)
L’impôt tue l’impôt.
Arthur Laffer (1941-)
Souvenons-nous qu’à l’époque du président républicain Eisenhower,
dans les années 1950, la tranche la plus élevée des revenus était
taxée à 90 % [aux États-Unis]. En 2009, le taux d’imposition le plus
haut, qui s’applique aux revenus de plus de 372 950 dollars, est de
35 %. Les États membres de l’Union européenne sont déjà engagés
dans une sorte de «  course au moins-disant scal  », pour les
particuliers, comme pour les entreprises, et les traités rendent
l’harmonisation vers le haut pratiquement impossible.
Susan George (1934-)
Prélevé en fonction d’une norme décidée par les détenteurs du
pouvoir étatique, sans respect de la personnalité de chacun, l’impôt
pénalise la prise de risque et est nancièrement esclavagiste, allant à
l’encontre de son but recherché, bafouant les droits fondamentaux
de l’être humain et la propriété de l’individu.
Pascal Salin (1939-)

201
Chapitre 8
LES MONÉTARISTES

Les économistes monétaristes, comme Friedman, sont des


penseurs libéraux qui, comme les classiques, néo-
classiques et économistes de l’offre, défendent le marché.
Ils critiquent l’interventionnisme keynésien, source, à
leurs yeux, de dérèglements monétaires.

Le mal absolu : l’in ation


Plus les débiteurs remboursent, plus ils doivent.
Irving Fisher (1867-1947),
Théories des grandes dépressions
par la dette et la dé ation
Si la circulation de la monnaie s’accroît relativement à celle des
marchandises, les prix monteront. Si au contraire elle décroît
relativement, les prix baisseront. Le premier cas est celui de l’in ation
relative, le second celui de la dé ation relative.
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie stable
Chacun de nous, en général, est soumis à l’illusion de la monnaie en
ce qui touche la monnaie de son propre pays.
Irving Fisher (1867-1947),
L’Illusion de la monnaie stable

202
Il faut limiter le rôle du gouvernement et accorder une importance
primordiale à la propriété privée, au libre marché et aux accords de
volonté.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
Mes préférences personnelles me porteraient plutôt à penser
(comme le font la plupart des hommes d’affaires) que l’in ation est le
résultat de l’action conjuguée des syndicats et des grands
monopoles ou encore, comme une large fraction de l’opinion le croit,
qu’elle provient d’un déséquilibre budgétaire.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
La cause immédiate de l’in ation est toujours et partout la même  :
un accroissement anormalement rapide de la quantité de monnaie
par rapport au volume de la production.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
L’in ation est créée à Washington par la faute du gouvernement.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
Le gouvernement se trouve dans l’obligation d’augmenter ses
dépenses, alors qu’il n’est pas en mesure d’augmenter of ciellement
les impôts.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
La seconde raison de l’in ation […] tient à l’objectif du plein-emploi.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
Le seul moyen dont dispose le gouvernement pour lutter contre
l’in ation consiste à dépenser moins et à fabriquer moins de
monnaie […]. Mais […] le problème est d’avoir la volonté politique de
le faire.

203
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
Le moyen de traiter l’in ation consiste à freiner l’ensemble des
dépenses.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
L’in ation permet d’opérer une redistribution des richesses et des
revenus.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
L’émission de monnaie constitue une source de revenus pour le
gouvernement qu’il peut utiliser pour stimuler la croissance.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
Le choix n’est pas entre in ation et chômage, mais entre le chômage
sans in ation et le chômage avec in ation.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
La masse monétaire doit être contrôlée ; l’organisation
sociale et politique
doit être la plus libérale possible
La monnaie est une chose trop importante pour être laissée entre les
mains des banques centrales.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
Dans l’état actuel de nos connaissances, il me semble souhaitable
d’instituer un dispositif réglementaire destiné à contrôler le
comportement de la masse monétaire.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires

204
Fixez les prix et les problèmes se multiplieront  ; laissez les prix se
déterminer d’eux-mêmes, et les problèmes disparaîtront comme par
enchantement.
Milton Friedman (1912-2006),
In ation et systèmes monétaires
Le montant de la masse monétaire courante n’a aucune
conséquence sur le bien-être de l’humanité.
Friedrich von Hayek (1899-1912),
Prix et production
L’individualisme consiste à respecter l’individu en tant que tel,
reconnaître que ses opinions et ses goûts n’appartiennent qu’à lui,
dans sa sphère.
Friedrich August von Hayek (1899-1912),
La Route de la servitude

205
Chapitre 9
LA NOUVELLE ÉCOLE CLASSIQUE (NEC)

La nouvelle école classique regroupe des économistes


essentiellement américains qui émergent dans les
années 1960-1970.
Ils mettent en avant la notion d’anticipations
rationnelles. Les agents économiques sont supposés
réagir rationnellement et rapidement à toute action de
l’État, rendant cette dernière inef cace.
Ainsi, pensant qu’une politique de relance conduit à de
l’in ation, ils s’en prémunissent en exigeant des hausses
de rémunération qui augmentent l’in ation, ce qui
neutralise l’action de relance.
C’est pourquoi ce courant de pensée privilégie les
mécanismes de marché dans la régulation de l’économie.

Si je dois abandonner l’hypothèse de rationalité, j’abandonne


l’économie.
Robert Lucas (1937-)
La recherche du réalisme d’un modèle économique pervertit son
utilité potentielle pour penser la réalité.

206
Robert Lucas (1937-)
Les anticipations, puisqu’elles sont les prévisions bien informées
d’événements futurs, sont, pour l’essentiel, identiques aux
prévisions de la théorie économique.
John Muth (1930-2005),
Rational Expectations
and the Theory of Price Movements
Étant donné que la structure d’un modèle économétrique consiste
dans les règles de décision optimales des agents économiques et
que ces règles de décisions varient systématiquement quand la
structure des séries pertinentes pour le décideur change, il s’ensuit
que tout changement de politique altérera systématiquement la
structure des modèles économétriques.
Robert Lucas (1937-)
Les réponses des agents ne deviennent prévisibles par des
observateurs extérieurs seulement quand il existe quelque assurance
que les agents et les observateurs partagent une même appréciation
de la nature des chocs que chacun d’eux peut prévoir.
Robert Lucas (1937-)
L’une des premières et des plus remarquables applications du
concept d’anticipations rationnelles est la théorie de l’ef cience des
marchés nanciers.
Thomas Sargent (1943-)
L’hypothèse d’anticipations rationnelles suppose que tous les
individus dans l’économie ont une capacité de calcul illimité et
savent comment utiliser toute l’information dont ils disposent.
John Muth (1930-2005)
Les agents à l’intérieur du modèle, l’économètre et Dieu, tous
partagent le même modèle.
Thomas Sargent (1943-)

207
PARTIE 11

Les systèmes économiques

Un système économique est une construction théorique


sur laquelle se greffent des pratiques. Parce qu’un tel
ensemble est, par essence, complexe, il est utile, voire
nécessaire, de s’attacher à l’essentiel pour proposer une
typologie acceptable qui facilite la ré exion et le débat. À
cet égard, on peut admettre que les structures sur
lesquelles sont construits les systèmes économiques plongent
leurs fondations dans les notions-clé de liberté et de justice.
Il y a ceux qui veulent laisser la plus grande autonomie possible
aux agents économiques, en limitant au strict nécessaire
l’intervention de l’État, quitte à tolérer que les inégalités entre
les hommes perdurent, voire s’aggravent.
Et il y a ceux qui acceptent, qui veulent même, que l’État
intervienne dans le fonctionnement économique pour lutter
contre les inégalités, les injustices, quitte à entraver la liberté
des agents économiques.

208
Sur cette base, on dira que les systèmes économiques tournent
autour de deux pôles : le capitalisme et le socialisme.
Il conviendra cependant de se garder de tout manichéisme, de
tout dogmatisme  : aucun de ces deux systèmes n’existe à
l’état pur ; et le socialisme, notamment, a pris des formes très
variées.

209
Chapitre 1
LE CAPITALISME, OU LE LIBÉRALISME
ÉCONOMIQUE

Il est courant que ces deux expressions soient utilisées


indifféremment. De fait, la liberté d’entreprendre, ainsi
que celle de posséder (la propriété privée), sont au cœur
du système capitaliste. Le lien est donc fort entre
capitalisme et libéralisme économique.
Néanmoins, on observe que le capitalisme ne constitue
nullement un corps de doctrine, comme a pu l’être le
marxisme  ; ce qui le caractérise est sa très grande
plasticité. Ainsi, une économie sociale de marché, une
économie mixte, un capitalisme d’État, un capitalisme
marchand sont-ils, par exemple, autant de formes variées
du capitalisme.
De surcroît, on notera que sa mise en œuvre a pu
s’accommoder de régimes politiques fort peu libéraux,
comme les régimes autoritaires (nazisme, fascisme par
exemple).

Ses thuriféraires

210
Ce qui appartient à tout un chacun est le plus négligé, car tout
individu prend le plus grand soin de ce qui lui appartient en propre.
Aristote (385-322 av. J.-C.)
L’homme supérieur demande tout à lui-même  ; l’homme vulgaire
demande tout aux autres.
Confucius (551-479 av. J.-C.)
Quand chaque homme recherche le plus ce qui lui est utile à lui-
même, alors les hommes sont les plus utiles les uns aux autres.
John Locke (1632-1704)
La démocratie, c’est l’égalité dans l’indépendance, la liberté  ; le
socialisme, c’est l’égalité dans la contrainte, la servitude.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
discours à l’Assemblée constituante, 12 septembre 1848
L’appropriation est un phénomène naturel, providentiel, essentiel à la
vie, et la propriété n’est que l’appropriation devenue un droit par le
travail.
Frédéric Bastiat (1801-1850),
Journal des économistes
Le capitalisme constitue, par nature, un type ou une méthode de
transformation économique, et non seulement il n’est jamais
stationnaire, mais il ne pourrait le devenir. Ce processus de
destruction créatrice constitue la donnée fondamentale du
capitalisme.
Joseph Aloïs Schumpeter (1883-1950),
Capitalisme, socialisme et démocratie
C’est en Occident que le capitalisme a trouvé sa plus grande
extension et connu des types, des formes, des tendances qui n’ont
jamais vu le jour ailleurs.
Max Weber (1864-1920),
L’Éthique protestante et l’Esprit du capitalisme
Si ce développement [du capitalisme] ne se produisit qu’en
Occident, il faut en rechercher la raison dans certains traits de son

211
évolution culturelle générale, qui ne sont propres qu’à lui. Il n’y a que
l’Occident qui connaisse un État au sens moderne du terme […] Il
n’y a que l’Occident qui connaît un droit rationnel […]. Il n’y a qu’en
Occident que l’on trouve le concept du Bürger-civis romanus,
citoyens, bourgeois, parce qu’il n’y a qu’en Occident, là encore, qu’il
y ait une ville au sens spéci que du terme.
Max Weber (1864-1920),
Histoire économique générale
L’économie de  marché  n’a pas besoin d’apologistes ni de
propagandistes. […] Si vous cherchez son monument, regardez
autour de vous.
Ludwig von Mises (1881-1973),
L’Action humaine
Il est fort regrettable qu’une partie de notre communauté soit
pratiquement réduite en  esclavage, mais suggérer pour résoudre ce
problème d’asservir la communauté toute entière est puéril.
Oscar Wilde (1854-1900)
Quand [le capitalisme] se trouve par trop acculé aux désordres qu’il a
créés, il emprunte aux idées socialistes quelques réformes.
Roger Martin du Gard, 
Les Thibault
Une société dans laquelle l’égalité est plus importante que la liberté
n’aura ni l’une ni l’autre.
Milton Friedman (1912-2006),
Free to choose
Une société dans laquelle la liberté est plus importante que l’égalité
obtiendra les deux à un haut degré.
Milton Friedman (1912-2006),
Free to choose
Entre l’égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de
chacun à l’arrivée, le travail fait de l’individu le seul responsable de
son propre parcours.
Christine Lagarde (1956-)

212
Le capitalisme a suscité les progrès de la production mais aussi
ceux de la connaissance, et ce n’est pas un hasard.
Albert Einstein (1879-1955),
Comment je vois le monde
L’égoïsme et la concurrence restent hélas plus puissants que l’intérêt
général ou que le sens du devoir.
Albert Einstein (1879-1955),
Comment je vois le monde
La bureaucratie réalise la mort de toute action.
Albert Einstein (1879-1955),
Comment je vois le monde
Dans le mouvement incessant du monde, toutes les doctrines,
toutes les écoles, toutes les révoltes, n’ont qu’un temps. Le
communisme passera. Mais la France ne passera pas.
Charles de Gaulle (1890-1970),
Mémoires de guerre
Ses détracteurs
Homo mercator vix aut numquam deo potest placere 1.
Gratien (359-383),
Décret
La feinte charité du riche n’est en lui qu’un luxe de plus ; il nourrit les
pauvres comme des chiens et des chevaux.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), 
Correspondance
La liberté des contrats, lorsqu’il s’agit d’enfants, n’est qu’une forme
de la liberté de contraindre.
John Stuart (1806-1873),
Principes d’économie politique
La nation a admis pour principe fondamental que les pauvres
devaient être généreux à l’égard des riches.

213
Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825), 
L’Organisateur
La propriété, c’est le vol.
Pierre Joseph Proudhon (1809-1865),
Qu’est-ce que la propriété ?
Ainsi, la production capitaliste est hostile à certains secteurs de
production intellectuelle, comme l’art et la poésie par exemple.
Karl Marx (1818-1883)
À mesure que l’égalité politique devenait un fait plus certain, c’est
l’inégalité sociale qui heurtait le plus les esprits.
Jean Jaurès (1859-1914), 
Histoire socialiste de la Révolution française
Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage.
Jean Jaurès (1859-1914),
discours prononcé le 7 mars 1895
On croit mourir pour la patrie ; on meurt pour des industriels.
Anatole France (1844-1924), 
L’Humanité

1. Le commerçant ne peut que rarement, voire jamais, plaire à Dieu.

214
Chapitre 2
LE SOCIALISME (OU LES SOCIALISMES ?)

Existe-t-il un socialisme ou des socialismes  ? Albert


Camus disait  : «  Mal nommer les choses, c’est ajouter
aux malheurs du monde ».
Le fait est que le socialisme au sens de Karl Marx n’a que
peu à voir avec celui de Léon Blum. Il faut se rappeler
les luttes sanglantes qui ont opposé les communistes aux
socio-démocrates (les «  socio-traitres  ») dans les
années 1930, notamment en Allemagne.
Il est donc tout à fait nécessaire que chacun se fasse sa
propre religion en la matière, le socialisme balançant
entre un système absolument incompatible avec toute
forme de liberté et un socialisme «  à visage humain  »
(Léon Blum), parfaitement soluble dans des sociétés de
liberté.

Ses thuriféraires
Le communisme est l’épopée majeure du XXe siècle.
Dominique Dessanti (1914-2011),
L’Internationale communiste

215
Vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la
terre n’est à personne.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778),
Discours sur l’origine et les fondements
de l’inégalité parmi les hommes
Plus de propriété individuelle, la terre n’est à personne, les fruits sont
à tout le monde.
Gracchus Babeuf (1760-1797),
Manifeste des égaux
L’homme a jusqu’ici exploité l’homme. Maîtres, esclaves ; patricien,
plébéien  ; seigneurs, serfs  ; propriétaires, fermiers  ; oisifs et
travailleurs.
Barthélémy-Prosper Enfantin (1760-1825), 
Doctrine de Saint-Simon
Le socialisme est la forme moderne de la protestation qui, à toutes
les époques d’activité intellectuelle, s’est élevée […] contre l’injuste
répartition des avantages sociaux.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
Du travail ou la mort  ! Nous aimons mieux périr d’une balle que de
faim.
Réponse des ouvriers au préfet,
Compte-rendu des événements qui ont eu lieu
dans la ville de Lyon au mois de novembre 1831
Aimez le travail, nous dit la morale  : c’est un conseil ironique et
ridicule. Qu’elle donne du travail à ceux qui en demandent, et qu’elle
sache le rendre aimable.
Charles Fourier (1772-1837),
Livret d’annonce du nouveau monde industriel
Le communisme […] doit se garder des allures de l’utopie et ne se
séparer jamais de la politique.
Auguste Blanqui (1805-1881),
Critique sociale

216
Le gouvernement provisoire s’engage à garantir l’existence de
l’ouvrier par le travail. Il s’engage à garantir le travail à tous les
citoyens.
Louis Blanc (1811-1882)
Pour chaque indigent qui pâlit de faim, il y a un riche qui pâlit de
peur.
Louis Blanc (1811-1882), 
Organisation du travail
Le socialisme, le vrai, a pour but l’élévation des masses à la dignité
civique, et pour préoccupation principale […] l’élaboration morale et
intellectuelle.
Victor Hugo (1802-1885),
William Shakespeare
Le socialisme est vaste et non étroit. […] Il proclame le droit de la
femme, cette égale de l’homme.
Victor Hugo (1802-1885)
La pauvreté ne sera plus séditieuse, lorsque l’opulence ne sera plus
oppressive.
Louis-Napoléon Bonaparte,
L’Extinction du paupérisme
La révolution de février a posé le droit au travail, c’est-à-dire la
prépondérance du travail sur le capital.
Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865),
Toast à la révolution du 17 octobre 1848
Un spectre hante l’Europe, le spectre du communisme.
Karl Marx (1818-1883)
et Friedrich Engels (1820-1895),
Manifeste du parti communiste
On aura besoin du socialisme pour faire un monde nouveau.
Louise Michel (1830-1905),
Lettre à la Commission des grâces

217
Quant à la société communiste […], elle n’aura pas d’autre devise
que celle inscrite par Rabelais à la porte de son abbaye de Thélème :
fais ce que tu voudras.
Jules Guesde (1845-1922),
L’Égalité
Le Paris ouvrier, avec sa Commune, sera célébré à jamais comme le
glorieux fourrier d’une société nouvelle. Ses martyrs seront enclos
dans le grand cœur de la classe ouvrière.
Karl Marx (1818-1883),
La Guerre civile en France
Le communisme n’est pas en tant que tel ni le but du
développement humain ni la forme de la société humaine.
Karl Marx (1818-1883),
Critique de l’économie politique
Le communisme […] n’ôte que le pouvoir d’asservir à l’aide de cette
appropriation (des produits sociaux) le travail d’autrui.
Karl Marx (1818-1883)
et Friedrich Engels (1820-1895),
Manifeste du parti communiste
C’est à la violence que le socialisme doit les hautes valeurs morales
par lesquelles il apporte le salut au monde moderne.
Georges Sorel (1847-1922),
Ré exions sur la violence
Le peuple n’a pas besoin de liberté, car la liberté est une des formes
de la  dictature  bourgeoise. Le peuple veut exercer le  pouvoir. La
liberté ! Que voulez-vous qu’il en fasse ?
Lénine (1870-1924),
L’État et la Révolution
Gauchisme, la maladie infantile du communisme.
Lénine (1870-1924),
La Maladie infantile du communisme
Gauchisme, remède à la maladie sénile du communisme.

218
Daniel Cohn-Bendit (1945-)
Le communisme doit être l’idée directrice et visible de tout le
mouvement.
Jean Jaurès (1859-1914),
Études socialistes
Il n’y a pas de démocratie sans socialisme et pas de socialisme sans
démocratie.
Rosa Luxemburg (1871-1919)
La société bourgeoise se trouve à la croisée des chemins, soit en
transition vers le socialisme, soit en régression vers la barbarie.
Rosa Luxemburg (1871-1919)
L’élargissement des fonctions de l’État […] nous apparaît […]
comme le seul moyen d’éviter une complète destruction des
institutions économiques actuelles.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Quarante  ans après le cauchemar décrit par Hayek de l’État-
providence […] les Scandinaves jouissent d’une liberté sans pareil.
Paul Samuelson (1915-2009),
L’Économie mondiale à la n du siècle
Un spectre hante les partis communistes : le spectre du socialisme.
Maria Antonietta Macciocchi (1922-2007),
De la France
Le communisme […] se propose d’allouer, à l’être humain, des
conditions de vie équitables et faciles.
Jacques Audiberti (1899-1965),
Dimanche m’attend
Si le communisme ne devait pas conduire à la création d’un homme
nouveau, il n’aurait aucun sens.
Ernesto Guevara, dit Che Guevara (1928-1967)

219
Je veux dire que plus je m’instruis, plus je me sens communiste.
Paul Langevin (1872-1946),
discours à la conférence du PCF de Gennevilliers
Le communisme n’a nul besoin de preuves logiques. Au contraire,
plus la croyance est inouïe, plus elle est crédible.
Vladimir Boukovsky (1942-2019),
Cette lancinante douleur de la liberté
Ses détracteurs
L’erreur commune des socialistes est de ne pas tenir compte de la
paresse naturelle aux hommes.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
Je fais profession […] d’un anti-dogmatisme économique presque
absolu […]  ; mais, pour Dieu, après avoir démoli tous les
dogmatismes a priori, ne songeons point, à notre tour, à endoctriner
le peuple.
Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865),
Lettre à Karl Marx, 17 mai 1846
Le pseudo-État populaire ne sera rien d’autre que le gouvernement
despotique des masses prolétaires […]. Bel affranchissement.
Mikhaïl Bakounine (1814-1876),
Œuvres
Le communisme, c’est une des seules maladies graves qu’on n’a
pas expérimentées sur les animaux.
Coluche (1944-1986)
Les hommes sont conservateurs de ce qu’ils possèdent et
communistes du bien d’autrui.
Malcolm de Chazal (1802-1981),
Penser par étapes
Le communisme est l’opium de l’intellectuel.
Clare Booth Luce (1903-1987)

220
Si le parti communiste et le peuple ne sont pas d’accord, il n’y a
qu’à dissoudre le peuple.
Bertolt Brecht (1898-1956)
Le socialisme cherche à abattre la richesse, le libéralisme à
supprimer la pauvreté.
Winston Churchill (1874-1965)
Le socialisme est une philosophie de l’échec, le credo de l’ignorance
et l’évangile de l’envie.
Winston Churchill (1874-1965)
Le vice inhérent au  capitalisme  consiste en une répartition inégale
des  richesses. La vertu inhérente au  socialisme  consiste en une
égale répartition de la misère.
Winston Churchill (1874-1965)
Le  marxisme  et le  national-socialisme  ont en commun leur
opposition au libéralisme […]. Les deux visent un régime socialiste.
Ludwig von Mises (1881-1973)
Le problème avec le socialisme, c’est que, tôt ou tard vous êtes à
court de l’argent des autres.
Margaret Thatcher (1925-2013)
Par la norme et par l’impôt, l’Occident s’est engagé dans un
processus de socialisation sans précédent dans son histoire.
Drieu Godefridi (1972-),
La Passion de l’égalité.
Essai sur la civilisation socialiste
Entre le communisme et le socialisme, il y a la différence de
l’assassinat à l’homicide par imprudence.
Wilhelm Roepke (1899-1966)
Le communisme propose l’esclavage par la force, le socialisme par
le vote. La différence est la même qu’entre le meurtre et le suicide.
Ayn Rand (1905-1982)

221
PARTIE 12

Les principaux marchés


et leurs limites

Les économistes libéraux ont toujours mis en avant le


rôle du marché comme régulateur ef cient des activités
économiques. Knight, Debreu, Arrow ou encore Walras
ont étudié un modèle théorique de fonctionnement de
marché  : la concurrence pure et parfaite. Mais le
fonctionnement des marchés réels s’éloigne de ce
modèle et aboutit à des marchés imparfaitement concurrentiels.

222
Chapitre 1
DE LA CPP
(CONCURRENCE PURE ET PARFAITE)
AUX MARCHÉS IMPARFAITS
Il est positif que, pour certains économistes, l’économie politique et
sociale est une science qui tient toute entière dans ces quatre mots :
laissez-faire, laissez-passer.
Léon Walras (1834-1910),
L’État et le chemin de fer
L’économie politique pure nous apprend que la production et
l’échange sous le régime de la concurrence […] [sont] une opération
par laquelle les services peuvent se combiner en les produits de la
nature et de la quantité propres à donner la plus grande satisfaction.
Léon Walras (1834-1910)
Le tâtonnement sera ni lorsque, en échange des produits qu’ils
auront fabriqués, les entrepreneurs obtiendront […] précisément les
quantités de rentes, travaux et pro ts qu’ils leur devront et qu’ils
auront fait entrer dans la confection des produits.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
Nous supposerons toujours un marché parfaitement organisé sous
le rapport de la concurrence, comme en mécanique pure on suppose
d’abord des machines sans frottement.
Léon Walras (1834-1910),
Éléments d’économie politique pure
Détruire la concurrence, c’est tuer l’intelligence.

223
Frédéric Bastiat (1801-1850)
Ce mécanisme consiste en un dialogue atemporel entre les agents et
le fameux commissaire-priseur walrasien […]. Le tâtonnement
s’arrête quand toutes les demandes excédentaires sont nulles.
Jean-Pascal Benassy (1948-)
La concurrence monopolistique est une structure de marché où les
producteurs sont nombreux mais où ces derniers mettent en œuvre
une stratégie de différenciation de leurs produits pour béné cier
d’une position commerciale ressemblant au monopole.
Paul Krugman (1953-)
Dès 1933, Chamberlin étend le modèle de la concurrence pour tenir
compte de la différenciation des produits et donc de l’existence d’un
pouvoir de marché.
Christine Dollo (1962-),
Cahiers français
Le monopole est une entreprise qui se trouve seule à produire un
bien ou un service et doit donc satisfaire la totalité de la demande
exprimée sur le marché correspondant […]. Pour l’essentiel, les
raisons de l’existence d’un monopole entrent dans l’une des trois
catégories suivantes  : monopole naturel, monopole d’innovation ou
monopole légal.
Jacques Généreux (1956-),
Économie politique
La présence de monopoles constitue le tout premier obstacle à
l’obtention des bienfaits de la concurrence pure et parfaite.
Thierry Sebagh (1968-),
Microéconomie. Comprendre les enjeux contemporains
Un monopole faisant des pro ts ne passera pas inaperçu.
Paul Krugman (1953-) et Robin Wells (1959-)
Le monopole est ainsi fait qu’il frappe d’immobilisme tout ce qu’il
touche.
Frédéric Bastiat (1801-1850)

224
Il y aura toujours des monopoles inévitables, dont le caractère
transitoire et temporaire ne se transformera en caractère permanent
que sous l’effet de l’intervention des gouvernements.
Friedrich von Hayek (1899-1992),
La Constitution de la liberté
Dans le monde réel, hors des théories économiques, la réussite
d’une entreprise est exactement proportionnelle à sa capacité à faire
ce que les autres ne savent pas faire. Le monopole n’est donc pas
une pathologie ou une exception. Le monopole est la situation de
toute entreprise qui réussit.
Peter Thiel (1967-),
De zéro à un
C’est bien d’introduire plus de concurrence là où il y a des
monopoles sclérosés.
Michel Godet (1948-)
Si cette industrie n’est pas telle que le gouvernement lui-même
puisse entreprendre avantageusement, il faut la con er entièrement à
une compagnie ou à l’association qui l’exploitera aux conditions les
plus avantageuses pour le public.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
Tout bien, toute entreprise dont l’activité a ou acquiert le caractère
d’un service national ou d’un monopole de fait doit devenir la
propriété de la collectivité.
Constitution de 1946
De nombreux marchés sont dominés par quelques entreprises qui
in uencent tous les prix, les volumes et la qualité. La théorie
économique traditionnelle ne traite pas de ce cas, connu sous le
nom d’oligopole. Au lieu de cela, elle présuppose qu’il n’y a qu’un
seul monopole ou bien la situation connue sous le nom de
concurrence parfaite.
Comité Nobel

225
Il s’ensuit un prix nettement supérieur au coût de la dernière unité
produite, ce qui va permettre de maximiser le pro t en situation
d’oligopole.
Pierre Jeanblanc (1952-),
Analyse stratégique
On assiste à une prolifération des marchés de petit nombre où
règnent de puissantes rmes et de nos jours, il faut le rappeler avec
force, les situations d’oligopole prévalent sur la plupart des marchés.
Michel Glais et Philippe Laurent,
Traité d’économie et de droit de la concurrence

226
Chapitre 2
LES LIMITES
ET LES IMPERFECTIONS DU MARCHÉ
Une déséconomie externe est un phénomène qui in ige un préjudice
signi catif à une ou plusieurs personnes qui n’ont pas été partie
prenante ou consentante du processus de décision qui a abouti
directement ou indirectement à l’effet produit.
James Edward Meade (1907-1995)
Imaginez un pâturage ouvert à tous […]. Chaque homme est coincé
dans un système qui le pousse à augmenter la taille de son troupeau
sans limite, dans un monde qui est limité.
Garett Hardin (1915-2003),
« La théorie des biens communs », Science
La destination vers laquelle chaque homme se hâte est la ruine,
chacun poursuivant son propre intérêt dans une société qui croit à la
liberté des biens communs.
Garett Hardin (1915-2003),
« La théorie des biens communs », Science
Dans la littérature contemporaine, c’est le marché qui est à la source
des problèmes d’asymétrie d’information puisque le prix ne traduit
pas les différentes qualités des biens et la concurrence par les prix
pousse les producteurs à altérer la qualité des biens  : les agents
sont incités à la malhonnêteté de par la structure du marché et de la
concurrence.
Sylvie Lupton,
Incertitudes sur la qualité

227
PARTIE 13

Les structures économiques


et sociales

On a vu qu’un système économique est une


construction théorique sur laquelle se greffent des
pratiques. Mais ne pourrait-on pas tout autant dire qu’il
est une construction pratique sur laquelle se greffent
des théories  ? On retrouve ici le vieux débat marxiste  :
est-ce la conscience de l’homme qui détermine son
existence ou son existence qui détermine sa conscience  1  ?
C’est la question du matérialisme historique à laquelle on se
gardera de répondre ici.
Sans rentrer donc dans l’analyse des causes et des effets, qu’il
suf se d’observer l’histoire, dans sa dimension économique et
sociale. Nous pourrons alors constater combien les structures
économiques et sociales ont pu évoluer, se modi er au l du
temps sous les effets d’une multitude de variables.

228
1. Formule de Marx et Engels dans L’Idéologie allemande (ouvrage rédigé par Marx et Engels
en 1845-1846 et publié en 1932).

229
Chapitre 1
ÉVOLUTION DES STRUCTURES SOCIALES

Chacun à sa façon, Max Weber et Émile Durkheim ont


montré, ou voulu montrer, que les sociétés antérieures à
la révolution industrielle étaient marquées par un fort
sentiment d’appartenance à la collectivité, aux croyances
enchanteresses. Dans ces sociétés, tout écart par rapport
à la norme admise est sanctionné, et la liberté
individuelle est réduite.
En revanche, dans les sociétés modernes, que l’on voit
apparaître graduellement à partir de la révolution
industrielle, la conscience collective laisse place à
l’individualisme. La solidarité entre les membres de la
collectivité provient de leur intérêt bien compris et de
leur complémentarité entre les fonctions qu’ils assument
dans l’organisation économique et sociale.
Pour caractériser ces situations, Max Weber parle de
«  sociétés enchantées  » puis «  désenchantées  »  ; Émile
Durkheim, quant à lui, évoque des solidarités
«  mécaniques  » qui deviennent des solidarités
« organiques ».

230
Les « sociétés enchantées » (mais inégalitaires) à
« solidarité mécanique »
Pour que la société soit heureuse et le peuple content, même de son
sort pénible, il faut que la grande majorité reste aussi ignorante que
pauvre.
Bernard de Mandeville (1670-1733),
La Fable des abeilles
L’ordre social ne vient pas de la nature  ; il est fondé sur des
conventions.
Jean-Jacques Rousseau (1712-1778),
Du contrat social
Il a fallu des siècles pour rendre justice à l’humanité, pour sentir qu’il
était horrible que le grand nombre semât, et le petit recueillît.
Voltaire (1694-1778),
Lettres philosophiques
La naissance et la fortune sont évidemment les deux circonstances
qui contribuent le plus à placer un homme au-dessus d’un autre.
Adam Smith (1723-1798),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Un état d’égalité ne peut offrir des motifs d’activité suf sants pour
vaincre la paresse naturelle de l’homme.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Il faut que l’assistance ne soit point exempte de honte  ; c’est un
aiguillon au travail, indispensable pour le bien-être général de la
société.
Thomas Robert Malthus (1766-1834),
Essai sur le principe de population
Et que faire d’un peuple maître de lui-même, s’il n’est pas soumis à
Dieu ?

231
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
Dans les sociétés aristocratiques, les hommes n’ont pas besoin de
s’unir pour agir, parce qu’ils sont retenus fortement ensemble.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
Pour qu’il y ait société […] il faut que tous les esprits des citoyens
soient toujours rassemblés et tenus ensemble par quelques idées
principales.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
Il n’y a au monde que le patriotisme ou la religion qui puissent faire
marcher […] vers un même but l’universalité des citoyens.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
Au Moyen Âge se met véritablement en place l’élément fondamental
de notre identité collective qu’est le christianisme.
Jacques Le Goff (1924-2014)
La lutte contre les inégalités sociales est le grand dessein collectif
qu’une nation devrait se donner.
Jacques De Bourbon Busset (1912-2001)
La solidarité […] ne peut s’accroître qu’en raison inverse de la
personnalité.
Émile Durkheim (1858-1917),
De la division du travail social
Toute époque a son armature, une hiérarchie, des classes, des
administrations.
André Maurois (1885-1967),
Études littéraires
Être noble, c’est gaspiller, c’est une obligation de paraître, c’est être
condamné, sous peine de déchéance, au luxe et à la dépense.

232
Georges Duby (1919-1996),
Hommes et structures du Moyen Âge
Les « sociétés désenchantées »
(mais égalitaires) à « solidarité organique »
L’Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal.
Décret du 11 août 1789
Qu’est-ce que le Tiers-État  ? – Tout. – Qu’a-t-il été jusqu’à présent
dans l’ordre politique  ? – Rien. –  Que  demande-t-il  ? –  À être
quelque chose.
Emmanuel-Joseph Sieyès (1748-1836),
Qu’est-ce que le Tiers-État ?
Tous les pouvoirs publics, sans distinction, sont une émanation de la
volonté générale.
Emmanuel-Joseph Sieyès (1748-1836),
Premier projet de déclaration des droits
Les droits des hommes étaient méconnus, insultés depuis
des siècles ; ils ont été rétablis pour l’humanité entière.
Talleyrand (1754-1838),
Adresse solennelle aux Français,
lue le 11 février 1790 à l’Assemblée
L’égoïste est né pour lui seul, l’homme collectif est né pour ses
semblables.
Alphonse de Lamartine (1790-1869)
Les pauvres sont sortis des lisières […]. C’est de leurs qualités
personnelles que dépendront leurs destinées.
John Stuart Mill (1806-1873),
Principes d’économie politique
La prospérité de la France ne peut avoir lieu que par l’effet et en
résultat des progrès des sciences, des beaux-arts et des arts et
métiers  ; or, le prince, les grands of ciers de la couronne, les
évêques, les maréchaux de France, les préfets et les propriétaires

233
oisifs ne travaillent pas directement aux progrès des sciences, des
beaux-arts et des arts et métiers ; loin d’y contribuer, ils ne peuvent
qu’y nuire.
Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon (1760-1825)
Le développement graduel de l’égalité des conditions est un fait
providentiel.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
L’égalité des conditions […] contribue à briser les liens sociaux qui
cimentaient la société aristocratique.
Denis Clerc (1942-),
Déchiffrer les grands auteurs
de l’économie et de la sociologie
Ils [les Français] veulent l’égalité dans la liberté et, s’ils ne peuvent
l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
L’Ancien Régime et la Révolution
L’intérêt bien entendu est une doctrine peu haute, mais claire et
sûre.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
L’individualisme est un sentiment ré échi qui dispose chaque citoyen
à s’isoler de la masse de ses semblables.
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
De la démocratie en Amérique
Puisque la solidarité mécanique va en s’affaiblissant, il faut ou que la
vie proprement sociale diminue ou qu’une autre solidarité vienne peu
à peu se substituer à celle qui s’en va.
Émile Durkheim (1858-1917),
De la division du travail social
À mesure que l’égalité politique devenait un fait plus certain, c’est
l’inégalité sociale qui heurtait le plus les esprits.

234
Jean Jaurès (1859-1914),
Histoire socialiste (1789-1900)
Un La Fayette donnerait-il sa lle à un commerçant  ? Les idées
généreuses étaient une chose, l’abolition des classes sociales, une
autre.
Catherine Hermary-Vieille (1943-),
Les Années Trianon
Le patriotisme est la plus puissante manifestation de l’âme d’une
race.
Gustave Le Bon (1841-1931)
Il [le patriotisme] représente un instinct de conservation collectif qui,
en cas de péril national, se substitue immédiatement à l’instinct de
conservation individuelle.
Gustave Le Bon (1841-1931)
Il ne s’agit pas de tuer la liberté individuelle mais de la socialiser.
Pierre Joseph Proudhon (1809-1865),
Système des contradictions économiques
L’ambition individuelle est une passion enfantine.
Charles de Gaulle (1890-1970)
Le bonheur individuel se doit de produire des retombées collectives.
Daniel Pennac (1944-),
La Fée carabine
Il y a des pouvoirs collectifs qui sont aussi dangereux que le pouvoir
personnel.
François Mitterrand (1916-1996)
Le triomphe de l’individualisme s’est fait au détriment des
appartenances collectives.
Michel Winock (1937-)
Les membres d’une même industrie se rencontrent rarement par
plaisir ou pour se divertir, mais leur conversation aboutit

235
invariablement sur une conspiration contre l’intérêt général ou sur un
accord pour augmenter leur prix.
Adam Smith (1723-1790)
J’appelle innocence cette maladie de l’individualisme qui consiste à
vouloir échapper aux conséquences de ses actes, cette tentative de
jouir des béné ces de la liberté sans souffrir d’aucun de ses
inconvénients.
Pascal Bruckner (1948-),
La Tentation de l’innocence
Les bourgeois ont toujours eu la conscience étroite. Ils
s’accommodent de la morale individuelle conventionnelle pour mieux
refuser la morale sociale et politique.
Madeleine Ouellette-Michalska (1930-),
Le Dôme
Les humains doivent se reconnaître dans leur humanité commune,
en même temps que reconnaître leur diversité tant individuelle que
culturelle.
Edgar Morin (1921-),
Les Sept Savoirs nécessaires à l’éducation du futur
La pensée primitive de l’être humain [est] la recherche de la
satisfaction, de la jouissance individuelle, l’auto-érotisme.
Henri Barte (1937-),
Pourquoi les hommes et les femmes ne s’entendent plus
Il n’existe pas d’autre voie vers la solidarité humaine que la recherche
et le respect de la dignité individuelle.
Pierre Lecomte du Noüy (1883-1947)
La société de consommateurs a remplacé la société de citoyens. Le
collectif a été remplacé par l’individualisme.
Michel Charasse (1941-2020)
Le bourgeois a travaillé, fabriqué, commercé, gagné, épargné, et
tous les jours il s’enrichit davantage.

236
Hippolyte Taine (1828-1893),
Les Origines de la France contemporaine
Le monde a été divisé en trois classes. […] Le but du groupe
inférieur […] est d’abolir toute distinction et de créer une société
dans laquelle tous les hommes seraient égaux.
George Orwell (1903-1950),
1984
Les innovations sont presque toujours le fait d’explorateurs
individuels ou de petits groupes, et presque jamais celui de
bureaucraties importantes et hautement structurées.
Harold J. Leavitt (1922-2007)
L’initiative est chose individuelle.
Marcelin Berthelot (1827-1907)
Les classes d’esprit n’ont pas égard à la naissance.
Marcel Proust (1871-1922),
Le Temps retrouvé
L’égoïsme des classes est un des soutiens les plus fermes de la
tyrannie.
Émile Zola (1840-1902),
Le Ventre de Paris
Les hommes n’étant pas dotés des mêmes capacités, s’ils sont
libres, ils ne sont pas égaux, et s’ils sont égaux, c’est qu’ils ne sont
pas libres.
Alexandre Soljenitsyne (1908-2008)
Une démocratie ne vaut et ne dure que si elle sait refondre
constamment dans la communauté nationale l’individualisme qu’elle
fait naître.
Jacques de Lacretelle (1888-1985)
Dans la société de classes, chaque homme occupe une position de
classe déterminée et il n’existe aucune pensée qui ne porte une
empreinte de classe.

237
Mao Zedong (1893-1976),
Le Petit Livre rouge
Toutes les classes inférieures sont tapies devant les riches et en
guettent les goûts pour en faire des vices et les exploiter.
Honoré de Balzac (1799-1850),
La Fille aux yeux d’or
Notre monde est toujours déchiré par les passions de l’âge des
cavernes : la cupidité, l’envie, l’emportement, la haine, qui, au cours
des ans, ont acquis de nouveaux noms respectables, comme la lutte
des classes, l’action des masses, le con it racial, le combat syndical.
Alexandre Soljenitsyne (1908-2008),
Le Cri. Le discours du prix Nobel
(discours écrit mais non prononcé)
Dans l’ordre naturel comme dans l’ordre social, il ne faut pas vouloir
être plus qu’on ne peut.
Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort (1741-1794)
Le théâtre est un club privé pour les classes moyennes et
supérieures cultivées, alors qu’il devrait être partout et pour tous.
Martin Page (1975-),
L’Apiculture selon Samuel Beckett
On a voulu, à tort, faire de la bourgeoisie une classe. La bourgeoisie
est tout simplement la portion contentée du peuple.
Victor Hugo (1802-1885)
La revendication d’égalité est devenue institutionnelle.
Jean Fourastié (1907-1990),
Le Jardin du voisin

238
Chapitre 2
ÉVOLUTION DES STRUCTURES
ÉCONOMIQUES

Depuis toujours, l’activité essentielle des hommes a


consisté à produire de quoi se nourrir. Les chasseurs-
cueilleurs se déplaçaient pour trouver dans la nature de
quoi assurer leur survie alimentaire.
Mais, graduellement, les hommes se sont sédentarisés
(c’est la révolution néolithique) en découvrant qu’ils
pouvaient maîtriser la nature par le biais des activités
agricoles.
C’est ainsi que ces dernières ont constitué l’activité
économique essentielle dont découlaient les autres
occupations (art, architecture, philosophie, etc.). La
construction du « manteau » de cathédrales en Occident
aux XIIe et XIIIe siècles est liée à l’essor agricole intervenu à
cette même époque. Dans ce contexte, la quasi-totalité de
la population vivait dans un cadre «  domestique  » au
sein d’un monde villageois.
Mais, à partir du moment où se sont produites les
innovations techniques, notamment la maîtrise de
l’énergie, les activités industrielles se sont développées.

239
Simultanément se produisait une révolution agricole
permettant de dégager la main-d’œuvre nécessaire à
l’industrial system.

Avec son savoir ingénieux qui passe toute attente, l’homme


progresse vers le mal ou vers le bien.
Sophocle (495-406 av. J.-C.),
Antigone
Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France.
Maximilien de Béthune, duc de Sully (1559-1641)
L’esprit qui invente est toujours mécontent de ses  progrès, parce
qu’il voit au-delà.
Jean le Rond d’Alembert (1717-1783)
L’histoire humaine n’est qu’un effort incessant d’invention, et la
perpétuelle évolution est une perpétuelle création.
Jean Jaurès (1859-1914)
Il importe peu de descendre du singe  ; l’essentiel est de ne pas y
remonter.
Richard Wagner (1813-1883)
L’insatisfaction est la première étape dans le progrès d’un homme ou
d’une nation.
Oscar Wilde (1854-1900)
Le progrès technique est comme une hache qu’on aurait mise dans
les mains d’un psychopathe.
Albert Einstein (1879-1955)
Tous les métiers sont vils, seule l’étude est noble.
Proverbe chinois
L’ère du numérique a créé un nouveau monde qui bouleverse
l’ensemble de l’industrie médiatique, son économie comme ses

240
usages.
Serge July (1942-)
Internet sera à l’économie du XXIe  siècle ce que l’essence fut au
XXe siècle. La puissance des ordinateurs, c’est l’essence d’internet.
Craig Barrett (1939-)

241
PARTIE 14

Les échanges internationaux

Le commerce est une activité économique qui a


toujours existé dans les sociétés humaines. La
découverte du vase de Vix1 démontre que des courants
d’échanges existaient entre la Grande Grèce et le
monde celte dès le VIe avant J.-C.
Mais, même si les pays ont toujours échangé,
l’accélération du commerce mondial date surtout du XXe  siècle,
et plus particulièrement de l’après Seconde Guerre mondiale.
Cette accélération, due en partie aux progrès techniques,
introduit une telle différence de degré avec l’ancien état de
choses que l’on peut parler de différence de nature.
Ainsi, on évoque aujourd’hui une globalisation des économies,
une mondialisation, ce qui renvoie à une quasi-disparition des
frontières, économiques notamment. Les plus grandes rmes
sont aussi quali ées de rmes globales.
L’apparition, puis la multiplication, des États-nations à partir
du  XIXe  siècle a suscité un débat sur le caractère béné que ou

242
non de ces échanges entre les pays. Le débat n’est pas encore
clos, loin s’en faut.

1. En 1953, dans un champ près de Chatillon-sur-Seine.

243
Chapitre 1
LE DÉBAT LIBRE-
ÉCHANGE/PROTECTIONNISME

Smith considère que tout pays doit consacrer ses moyens


humains et nanciers aux secteurs pour lesquels il
dispose d’un avantage absolu.  Chaque pays doit se
spécialiser dans les biens pour lesquels les coûts de
production sont les moins élevés par rapport aux autres.
C’est la loi des avantages absolus.
Comme Smith, Ricardo considère que le commerce avec
l’extérieur est béné que pour le pays qui accepte de le
pratiquer. Il critique cependant Smith en montrant qu’il
faut raisonner de façon comparative et non absolue.
Chaque pays peut donc s’insérer dans le commerce
mondial.
Mais dès les années  1840, List montre qu’un
protectionnisme peut être toléré a n de protéger les
« industries naissantes ». Il s’agit en quelque sorte d’un
« protectionnisme éducateur » susceptible de favoriser le
renforcement d’une économie nationale.

244
On est trop habitués en Europe à béné cier du libre-échange des
biens, de la circulation des capitaux, en échange de rien.
Thomas Piketty (1971-)
Aucune nation n’a jamais été ruinée par le commerce.
Benjamin Franklin (1706-1790)
En commerce, l’occasion est tout.
Honoré de Balzac (1799-1850)
L’histoire du commerce est celle de la communication des peuples.
Montesquieu (1689-1755),
De l’esprit des lois
Le commerce est le plus grand de tous les intérêts politiques.
Joseph Chamberlain (1836-1914)
Le pays où le commerce est le plus libre sera toujours le plus riche et
le plus orissant.
Voltaire (1694-1778),
Lettres philosophiques
Libre-échange. Cause des souffrances du commerce.
Gustave Flaubert (1821-1880)
Le commerce est l’école de la tromperie.
Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues (1715-1747)
Si tu as une pomme, que j’ai une pomme, et que l’on échange nos
pommes, nous aurons chacun une pomme. Mais si tu as une idée,
que j’ai une idée et que l’on échange nos idées, nous aurons chacun
deux idées.
George Bernard Shaw (1856-1950)
Le commerce améliore la vie de la plupart des gens dans le monde.
Pascal Lamy (1947-),
discours prononcé au Minnesota Economic Club, 17 avril 2012

Les avantages absolus

245
Un pays riche est celui qui abonde en argent, et le moyen le plus
simple de s’enrichir, c’est déjà d’encaisser l’or et l’argent.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Toutes les différentes nations de l’Europe se sont appliquées,
quoique sans beaucoup de succès, à chercher tous les moyens
possibles d’accumuler l’or et l’argent dans leurs pays respectifs.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
La maxime de tout chef de famille prudent est de ne jamais essayer
de faire chez soi la chose qui lui coûtera moins à acheter qu’à faire.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Si un pays étranger peut nous fournir une marchandise à meilleur
marché que nous ne sommes en état de l’établir nous-mêmes, il
vaut bien mieux que nous la lui achetions avec quelque partie du
produit de notre propre industrie, employée dans le genre dans
lequel nous avons quelque avantage.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Les avantages naturels qu’un pays a sur un autre par la production
de certaines marchandises sont quelquefois si grands, qu’au
sentiment unanime de tout le monde, il y aurait de la folie à vouloir
lutter contre eux.
Adam Smith (1723-1790),
Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations
Les avantages comparatifs

246
Le commerce avec l’étranger est très avantageux pour un pays
puisqu’il augmente le nombre et la variété des objets auxquels on
peut employer son revenu, et qu’en répandant avec abondance les
denrées à bon marché, il encourage les économies et favorise
l’accumulation des capitaux.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Dans un système d’entière liberté du commerce, chaque pays
consacre son capital et son industrie à tel emploi qui lui paraît le plus
utile.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
L’échange lie entre elles toutes les nations du monde civilisé par les
nœuds communs de l’intérêt, par des relations amicales, et en fait
une seule et grande société. C’est ce principe qui veut qu’on fasse
du vin en France et au Portugal, qu’on cultive du blé en Pologne et
aux États-Unis, et qu’on fasse de la quincaillerie et autres articles en
Angleterre.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Si le Portugal n’avait aucune relation commerciale avec d’autres
pays, au lieu d’employer son capital et son industrie à faire du vin,
avec lequel il achète aux autres nations le drap et la quincaillerie par
son propre usage, ce pays se trouverait forcé de consacrer une partie
de ce capital à la fabrication de ces articles, qu’il n’obtiendrait plus
probablement qu’en qualité inférieure et en quantité moindre.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
L’Angleterre peut se trouver dans des circonstances telles qu’il lui
faille, pour fabriquer le drap, le travail de 100 hommes par an, tandis
que, si elle voulait faire du vin, il lui faudrait peut-être le travail de
120 hommes par an.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt

247
Au Portugal, la fabrication du vin pourrait ne demander que le travail
de 80 hommes pendant une année, tandis que la fabrication du drap
exigerait le travail de 90 hommes.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Quoique le Portugal pût faire son drap en n’employant que
90  hommes, il préférerait le tirer d’un autre pays où il faudrait 100
ouvriers pour le fabriquer parce qu’il trouverait plus de pro t à
employer son capital à la production de vin, en échange duquel il
obtiendrait de l’Angleterre une quantité de drap plus forte que celle
qui pourrait produire en détournant une portion de son capital
employé à la culture des vignes et en l’employant à la fabrication des
draps.
David Ricardo (1772-1823),
Des principes de l’économie politique et de l’impôt
Le protectionnisme
Le système douanier n’est donc pas, comme on l’a prétendu, une
invention de têtes spéculatives. Il est une conséquence naturelle de
la tendance des nations à rechercher des garanties pour leur
prospérité et leur survie ou pour établir leur suprématie.
Friedrich List (1789-1846),
Système national d’économie politique
La protection douanière est notre voie, le libre-échange est notre but.
Friedrich List (1789-1846),
Système national d’économie politique
J’estimai qu’il était temps de renoncer à certains égards à une école
de pensée, aujourd’hui méconnue, qui fut illustrée au milieu du
XIXe siècle par Frédéric List en Allemagne.
Jean Marcel Jeanneney (1910-2010),
Pour un nouveau protectionnisme
Les conditions de l’activité économique s’étaient depuis cette
époque modi ées profondément, les justi cations et les modalités du
protectionnisme ont à différer aujourd’hui de ce qu’elles furent alors,

248
mais elles doivent être inspirées par la même idée fondamentale  :
que la maîtrise du commerce extérieur est une arme de politique
économique essentielle pour assurer un développement harmonieux
de l’économie d’un État.
Jean Marcel Jeanneney (1910-2010),
Pour un nouveau protectionnisme
Il est utopique d’espérer que jamais le libre-échange international
s’applique à un monde où la concurrence serait pure et parfaite entre
des entreprises et des individus d’égales capacités.
Jean Marcel Jeanneney (1910-2010),
Pour un nouveau protectionnisme
Trois attitudes sont concevables : préconiser un libre-échange parfait
parce que débarrassé de toute domination pour qui que ce soit ; ou
bien estimer que mieux vaut perpétuer l’ordre libéral actuel avec ses
imperfections  ; ou bien encore vouloir instaurer un nouveau
protectionnisme.
Jean Marcel Jeanneney (1910-2010),
Pour un nouveau protectionnisme
Les États-Unis et les entreprises transnationales ont
incontestablement un rôle utile à jouer dans le développement
économique, mais il est dangereux de s’en remettre à eux du soin
de déterminer l’ordre économique mondial.
Jean Marcel Jeanneney (1910-2010),
Pour un nouveau protectionnisme
Il faut que les États moins puissants conservent le moyen de se
protéger contre les importations abusives pour garder la maîtrise de
leur économie. Leur niveau de vie est en cause, et aussi leur dignité.
Jean Marcel Jeanneney (1910-2010),
Pour un nouveau protectionnisme

249
Chapitre 2
MONDIALISATION ET DIPP

Plus que de mondialisation, on parle de globalisation


dans les années  1990. Elle signi e une quasi-disparition
des frontières économiques, comme le montre la logique
de la «  division internationale du processus productif  »,
aussi appelée «  décomposition internationale du
processus productif » (DIPP).
Il s’agit d’une répartition internationale de la production
réalisée par différents acteurs au service d’un donneur
d’ordres, généralement une très grande entreprise.
Le but est, à chaque étape de la production, la recherche
d’un avantage compétitif (ainsi, faible coût du travail,
qualité de la main-d’œuvre, disponibilité de la matière
première).
In ne, il s’agit de maximiser le pro t des rmes.

La mondialisation est un nouveau visage de l’aventure humaine.


Jacques Chirac (1932-2019)
Ce n’est pas la mondialisation qui dissout les nations, mais
l’autodissolution des nations qui produit la mondialisation.

250
Emmanuel Todd (1951-)
La mondialisation n’est ni l’horreur ni le bonheur.
Jacques Le Goff (1924-2014)
L’économie n’est pas un jeu à somme nulle. Nous pouvons
restructurer la mondialisation au béné ce de tous.
Joseph Stiglitz (1943-)
Il est certes souhaitable qu’un alignement sur les systèmes les plus
respectueux des hommes soit un jour réalisé  ; la mondialisation
souhaitée sera alors tout naturellement obtenue.
Albert Jacquard (1925-2013)
Avec la mondialisation, nous sommes tous interdépendants. On
disait autrefois  : lorsque les États-Unis éternuent, le Mexique
s’enrhume. Aujourd’hui, lorsque les États-Unis éternuent, une
grande partie du monde attrape la grippe, et les problèmes de
l’Amérique sont bien plus graves que de simples reni ements.
Joseph Stiglitz (1943-)
La mondialisation pourrait être dé nie comme l’extension à l’échelle
mondiale d’enjeux qui étaient auparavant limités à des régions ou
des nations.
Guy Rocher (1924-)
La mondialisation est le processus historique d’extension
progressive du système capitaliste dans l’espace géographique
mondial.
Laurent Carroué (1958-),
Géographie de la mondialisation
La division internationale du processus productif (DIPP) correspond
au fait que les rmes délocalisent certains morceaux de la chaîne de
valeur (l’assemblage par exemple), ce qui peut donner lieu à une
exportation préalable de composants (tissus, composants
automobiles, composants électroniques, pièces détachées…) et à
des importations des produits nals.

251
El Mouhoub Mouhoud (1960-),
Revue d’économie politique, mai 2005
Avec la globalisation croissante des économies, la logique de DIPP
s’étend désormais aux activités de support (achat, nance,
informatique…) jusqu’à la recherche-développement pour laquelle de
nouvelles logiques de délocalisation se développent depuis les
années 1990 a n d’accéder à des savoirs spéci ques localisés.
El Mouhoub Mouhoud,
Revue d’économie politique, mai 2005
Quels sont les effets de la globalisation ? Le plus évident tient dans
l’extension et la concrétisation de ce que j’appellerai l’idéologie du
même  : homogénéisation planétaire, uniformisation des
comportements, disparition des modes de vie différenciés,
généralisation d’un modèle de développement, etc.
Alain de Benoist (1943-)
La globalisation à la fois une et plurielle connaît sa propre crise qui
rapproche et désunit, uni e et sépare.
Edgard Morin (1921-)
Le monde entier est en train de devenir une seule population, et cet
aspect de la globalisation ne peut être que béné que sur le plan
génétique.
Luigi Luca Cavalli-Sforza (1922-2018)
La globalisation provoque un besoin d’enracinement.
Max Gallo (1932-2017)
L’arrivée du troisième millénaire dépasse largement les limites du
monde chrétien, symbole non pas de la christianisation de la planète
mais de la globalisation du monde occidental par les médias
électroniques.
Norman Spinrad (1940-)

252
Chapitre 3
LA GLOBALISATION FINANCIÈRE

Au sein de cette globalisation est observée la montée en


puissance de la nance. Le capitalisme nancier s’est
ainsi imposé après le capitalisme industriel depuis les
années 1980-1990.
Ce mouvement alimente des phénomènes spéculatifs qui
ont toujours existé (on peut penser à la «  tulipmania  »
aux Provinces Unies au milieu du XVIIe  siècle), mais dont
l’ampleur fait peser aujourd’hui des risques
considérables sur les économies.
Le capitalisme est ainsi régulièrement confronté à des
chocs nanciers de plus ou moins grande ampleur. La
globalisation nancière a renforcé le risque systémique et
la propagation de ces crises nancières dans le monde
(par exemple le e-krack de 2000-2001 ou la crise des
subprimes en 2007-2008).

C’est dans le domaine de la nance que la globalisation des marchés


est la plus poussée avec une mobilité quasi-parfaite des ux
nanciers à l’échelle de la planète.
Dominique Plihon (1946-)

253
Règle n° 1 : ne perdez jamais d’argent.
Règle n° 2 : n’oubliez jamais la règle numéro 1.
Warren Buffett (1930-)
Apprenez à ré échir, avoir tort, ré échir une deuxième fois, avoir tort
de nouveau, ré échir une troisième fois et doubler votre capital.
Bruce Kovner (1945-)
La plupart des gens s’intéressent aux actions quand tout le monde
s’y intéresse. Le moment d’acheter est quand personne ne veut
acheter. Vous ne pouvez acheter ce qui est populaire.
Warren Buffett (1930-)
Les spéculateurs peuvent être aussi inoffensifs que des bulles d’air
dans un courant régulier d’entreprise. Mais la situation devient
sérieuse lorsque l’entreprise n’est plus qu’une bulle d’air dans un
tourbillon spéculatif. Lorsque, dans un pays, le développement du
capital devient le sous-produit de l’activité d’un casino, il risque de
s’accomplir en des conditions défectueuses.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,
de l’intérêt et de la monnaie
Dans les concours organisés par les journaux […], les participants
ont à choisir les six plus jolis visages parmi une centaine de
photographies, le prix étant attribuée à celui dont les préférences
s’approchent le plus de la sélection moyenne opérée par l’ensemble
des concurrents  ; chaque concurrent doit choisir non les visages
qu’il juge lui-même les plus jolis mais ceux qu’il estime les plus
propres à obtenir le suffrage des autres concurrents, lesquels
examinent tous le problème sous le même angle. Il ne s’agit pas,
pour chacun, de choisir les visages qui, autant qu’il peut en juger,
sont réellement les plus jolis, ni même ceux que l’opinion moyenne
considérera comme tels. Au troisième degré où nous sommes déjà
rendus, on s’emploie à découvrir l’idée que l’opinion moyenne se
fera à l’avance de son propre jugement.
John Maynard Keynes (1883-1946),
Théorie générale de l’emploi,

254
de l’intérêt et de la monnaie
C’est, au début, une dé nition fausse de la situation qui provoque un
comportement qui fait que cette dé nition initialement fausse devient
vraie.
Robert King Merton (1910-2003)
Effectivement, l’hypothèse mimétique met en scène un sujet
marchand aux antipodes de l’homo oeconomicus des manuels  : il
est indécis, in uençable, perpétuellement soumis aux rumeurs qui
circulent, à l’emprise du regard des autres.
André Orléan (1950-)
En matière nancière, il faudrait réaf rmer le droit et la responsabilité
du gouvernement à prendre le contrôle des établissements qui
posent problème, établir un état réel des lieux de leurs dif cultés,
renvoyer les dirigeants fautifs, etc. Au lieu de cela, les grandes
banques conservent leur in uence sur l’État pour éviter de payer le
prix de la crise, avec le résultat qu’elles survivent mais restent
éminemment toxiques, préparant de nouvelles crises pour demain.
John Kenneth Galbraith (1908-2006)
J’avais déjà plus qu’assez d’argent pour ma famille et moi, mais je
me suis laissé entraîner dans tout ça, en pensant que je pourrais en
sortir.
Bernard Madoff (1938-)
La faillite d’Enron en décembre  2001 a été le début d’une
succession de scandales nanciers aux États-Unis, qui ont atteint
leur paroxysme avec l’éclatement de la  «  bulle internet  ». Les
scandales ont impliqué les équipes dirigeantes de grandes
entreprises citées de la « nouvelle économie » (Enron, Worlam, Tyco,
Adelphia) et plusieurs grandes banques d’investissement (Citigroup,
Morgan Stanley, etc.), de même que les grandes rmes d’audit
chargées du contrôle des comptes (Arthur Andersen).
Catherine Sauviat,
Finance et bien commun

255
Les individus ne sont plus responsables de ce qui se passe sur le
marché, car les ordinateurs prennent toutes les décisions.
Mickaël Lewis (1960-)
Aux totalitarismes du XXe  siècle a succédé la tyrannie d’un
capitalisme nancier qui ne connaît plus de borne.
Stéphane Hessel (1917-2013)
La plupart des défauts que l’on attribue au capitalisme nancier sont
imaginaires ou proviennent de réglementations inadaptées.
Agnès Verdier-Molinié (1978-),
La mondialisation va-t-elle nous tuer ?
Cette nouvelle pensée unique qu’est la révolte contre le «  grand
méchant loup » du libéralisme nancier résiste mal à la confrontation
aux faits […]. De manière générale, le constat quantitatif est
univoque : la nance est l’amie de l’emploi, pas son fossoyeur.
David Thesmar (1972-) et Augustin Landier (1974-),
Le Grand Méchant Marché

256
Chapitre 4
LE SYSTÈME MONÉTAIRE INTERNATIONAL
(SMI)

Chaque nation dispose de la souveraineté monétaire,


sauf dans des cas particuliers comme aujourd’hui la zone
euro. De ce fait, les échanges internationaux requièrent
des conversions de monnaies selon des taux de change ou
des parités.
Par les moyens classiques de l’inconvertibilité des
monnaies et des sous-évaluations (ou des surévaluations)
des taux de change, il devient possible de perturber
gravement les échanges internationaux.
Pour tenter d’éviter ces distorsions, on a mis en place
des systèmes monétaires internationaux (Gold Standard,
Gold Exchange Standard par exemple).
Dans cette perspective a été organisé, en 1944, un
nouveau système monétaire international de parités xes.
Celui-ci a laissé place, dans les années  1970, au système
qui régit aujourd’hui les questions monétaires
internationales.

257
Le SMI de Bretton Woods
L’idée qui sous-tend ma proposition pour une Union Monétaire est
simple, à savoir l’établissement d’une Banque de Règlement
internationale.
John Maynard Keynes (1883-1946)
L’étalon-or est déjà une relique barbare.
John Maynard Keynes (1883-1946)
Il est important de disposer d’un régime de changes basé sur des
règles a n de stabiliser les anticipations économiques.
John Maynard Keynes (1883-1946)
L’ordre monétaire a une base morale. Sa vertu est de contenir les
tensions, les frustrations, les rivalités qu’une société concurrentielle
d’individus libres engendre.
Michel Aglietta (1938-)
Il faut être deux pour danser le tango. À l’abondance de l’épargne
chinoise répond la faiblesse de l’épargne américaine.
Ben Bernanke (1953-)
Rien n’est moins important que la monnaie… quand elle est bien
gérée.
Milton Friedman (1912-2006)
C’est ainsi que le Gold Exchange Standard a accompli cette
immense révolution de livrer aux pays pourvus d’une monnaie
béné ciant d’un prestige international le merveilleux secret du dé cit
sans pleurs qui permet de donner en dollars sans les prendre dans
les caisses, de prêter sans emprunter et d’acquérir sans payer.
Jacques Rueff (1896-1978)
A n de régler leurs dettes extérieures (achats, investissements, solde
des balances de paiements), les pays à monnaies normales doivent
prélever sur leurs réserves of cielles de l’or ou des devises fortes qui
ont été acquis par la vente à l’étranger de biens ou de services
soustraits à la consommation intérieure. Pour eux, tout paiement

258
extérieur correspond donc à un prélèvement sur la richesse
nationale.
G-M. Chenu
Théoriquement, il en est de même pour les États-Unis qui peuvent
payer avec leur propre monnaie nationale parce qu’elle est
convertible en toutes les devises et surtout en l’or. Mais si
Washington parvient à persuader les détenteurs, étrangers, privés ou
publics, de ne pas transformer leurs dollars en or ou à les empêcher
de le faire, la monnaie américaine acquiert, de ce fait, un cours
international forcé.
G-M. Chenu
Rien n’empêchera alors les USA d’émettre des billets sans
contrepartie réelle en or, en devises fortes étrangères, biens ou
services américains.
G-M. Chenu
Le Gold Exchange Standard accumulait indé niment des créances
nouvelles sur une masse d’or qui n’augmentait pas. Il était ainsi voué
à une faillite inéluctable.
Jacques Rueff (1896-1978)

Le SMI actuel : les changes ottants


Le système monétaire actuel, qui a commencé en 1971 à la n de
Bretton Woods, constitue la plus importante expérience monétaire
de l’histoire. Personne ne sait ce qui va en résulter.
Wüthrich,
Horizons et débats, n° 19, 17 mai 2010
Les taux de changes ottants rendent le commerce international
incertain, excluent toute clause de long terme, donnent lieu à
protection ou subvention, et sont de ce fait tout à fait incompatibles
avec l’expansion désirée et exigée par l’opinion publique dans les
États modernes.
Jacques Rueff (1896-1978)

259
Ce système (Bretton Woods) permet aux États-Unis de s’endetter
gratuitement vis-à-vis de l’étranger […]. Cette facilité unilatérale qui
est attribuée à l’Amérique contribue à faire s’estomper l’idée que le
dollar est un signe impartial et international des échanges, alors qu’il
est un moyen de crédit approprié à un État.
Charles de Gaulle (1890-1970)
Le dollar est notre monnaie, mais votre problème.
John Connally (1917-1993)

260
Chapitre 5
LES GRANDES INSTITUTIONS MONDIALES

Tout au long du  XXe siècle, et plus particulièrement après


la Seconde Guerre mondiale, ont été mises en place des
institutions mondiales dont l’objectif est de réguler et
d’organiser les activités économiques et sociales.

Toutes les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)


contraignent les États ; aucune ne s’impose aux rmes privées, aux
opérateurs nanciers internationaux, aux zones franches, aux paradis
scaux, aux sociétés transnationales. Cette discrimination est
révélatrice d’une organisation censée réguler le commerce mondial.
Raoul-Marc Jennar (1946-), Laurence Kalafatides, L’AGCS. Quand
les États abdiquent face aux multinationales
L’OMC est la seule organisation internationale à vocation mondiale
qui s’occupe des règles régissent le commerce entre les pays. Au
cœur de l’Organisation se trouvent les Accords de l’OMC, négociés
et signés par la majeure partie des puissances commerciales du
monde et rati és par leurs parlements. Le but est de favoriser autant
que possible la bonne morale, la prévisibilité et la liberté des
échanges.
Site of ciel de l’OMC
Il ne fait aucun doute que l’OMC a accompli beaucoup de choses
pendant sa courte histoire. En tant qu’Organisation, elle s’est

261
développée et s’est adaptée, et elle est devenue un pilier central de
l’architecture économique mondiale.
Roberto Carvalho Azevêdo (1957-)
La naissance d’une institution internationale aura rarement été
précédée de si grandes attentes. L’OMC a été largement saluée
comme la pièce maîtresse d’un ordre plus solide et plus cohérent
permettant d’accélérer la libéralisation des économies dans le monde
entier et de promouvoir la coordination plus ef cace des politiques
entre les pays.
Guy de Jonquières, Financial Times, 5 janvier 1995
Le débat n’est plus aujourd’hui de savoir si nous voulons ou pas du
développement des échanges et de la mondialisation des
économies. Ce sont des faits acquis. Elle couvre aujourd’hui la
quasi-totalité de la planète, à l’exception de quelques dictatures
repliées sur elles-mêmes.
Christian Sautter (1940-)
Mais il faut aller plus loin aujourd’hui et sans franchir une ligne
rouge  : non pas réformer la Banque Mondiale, l’OMC, le FMI  ; non
pas se limiter à dénoncer les conséquences dramatiques de leurs
politiques, mais proposer des institutions alternatives, en dé nir
positivement les tâches et en dessiner les contours institutionnels.
Samir Amin (1931-)
Ces deux institutions [Banque Mondiale et FMI], dites de Bretton
Woods, se sont cependant progressivement éloignées des fonctions
qui leur avaient été initialement attribuées  : stabiliser les taux de
change pour éviter le retour des désordres monétaires des
années  1930 et nancer la reconstruction à la suite de la guerre.
Elles se sont muées, au l des décennies, en des instruments à
travers lesquels le capitalisme transnational impose aux pays
dépendants et endettés ses préceptes d’organisation, que recouvre
le terme « d’ajustement structurel ».
ATTAC (Association pour la taxation
des transactions nancières et pour l’action citoyenne)

262
Mesdames et Messieurs, nous voyons l’OMS à l’œuvre comme chef
de le, obtenant souvent des résultats considérables avec des
moyens modestes mais intelligemment ciblés.
Dr Margaret Chan (1947-)
À mon sens, le rôle de l’OMS est celui de protecteur et défenseur de
la santé à l’échelle mondiale, et cela comprend le droit à la santé.
L’OMS est le dépositaire de compétences techniques aussi bien que
de valeurs telles que la justice sociale et l’équité, et notamment
l’équité entre les sexes.
Dr Margaret Chan (1947-)
Les capacités institutionnelles des pays les moins avancés se
heurtent à la complexité croissante de l’écosystème du nancement
du développement.
Conférence des Nations Unies
sur le commerce et le développement, 2019
Le FMI est une institution publique qui fonctionne avec l’argent que
versent les contribuables du monde entier. Il faut s’en souvenir, parce
qu’il ne rend de comptes personnellement ni aux citoyens qui le
nancent ni à ceux dont il change la vie.
Joseph Stiglitz (1943-)

263
Chapitre 6
DES FIRMES MULTINATIONALES
AUX FIRMES GLOBALES

Les rmes multinationales (FMN) constituent des acteurs


importants dans le processus d’ouverture croissant des
économies. Elles sont de nationalités multiples et de plus
en plus imposantes en matière de chiffre d’affaires ou
encore de nombre de salariés. Les plus grandes d’entre
elles sont regroupées derrière des acronymes tels
GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft),
NATU (Net ix, Air B&B, Tesla, Uber) ou encore BATX
(Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi).
Il en résulte un fort développement des ux et des stocks
d’investissements directs à l’étranger (IDE), fondement
de la multinationalisation des rmes. Ces derniers sont
essentiellement le fait des pays développés.

Les avantages comparatifs des différentes économies deviennent


dans l’optique de la FMN des avantages de localisation.
Charles-Albert Michalet (1938-2007)
Les liales permettent aux multinationales de segmenter les marchés
nationaux et d’utiliser la discrimination des prix pour maximiser leur

264
pro t mondial.
Charles-Albert Michalet (1938-2007)
L’IDE est, pour l’essentiel, un mode de relations économiques entre
les pays développés à économie de marché.
Wladimir Andreff (1946-)
Les dimensions de la multinationale sont devenues si complexes et
globales qu’elles ne se laissent pas enfermer dans une dé nition.
Wladimir Andreff (1946-)
La multinationale est une organisation matricielle qui abandonne le
principe d’unité de commandement, chaque dirigeant de liale
dépendant à la fois d’un responsable de produit mondial et d’un
directeur de région.
Wladimir Andreff (1946-)
Il se développe une circulation interne de produits, de techniques, de
capitaux et d’hommes.
Wladimir Andreff (1946-)
Dans leur commerce internalisé, les multinationales appliquent non
pas les prix de marché mondial, mais des prix de transfert internes
établis indépendamment de la concurrence.
Wladimir Andreff (1946-)
La multinationale a une vision mondiale des marchés et de la
concurrence […] et se comporte comme un joueur global.
Wladimir Andreff (1946-)
Les multinationales contrôlent une part appréciable du commerce
mondial.
Wladimir Andreff (1946-)
Je sais que nous n’avons pas la meilleure réputation en matière de
vie privée, pour le dire légèrement.
Mark Zuckerberg, PDG de Facebook (1984-)

265
Apple est une entreprise géniale. Mais nous voulons que nos
utilisateurs regardent nos séries sur nos services.
Wilmot Reed Hastings, PDG de Net ix (1960-)
Cela me dégoûterait de savoir qu’un salarié de Microsoft se félicite
de notre capitalisation boursière.
Satya Nadella, PDG de Microsoft (1967-)
Face aux GAFAM, protégeons nos libertés individuelles.
Luc Rubiello, entrepreneur français
Ce n’est pas le boulot des consommateurs de savoir ce qu’ils
veulent.
Steve Jobs, fondateur puis PDG d’Apple (1955-2011)
Être l’homme le plus riche du cimetière ne m’intéresse pas […]. Aller
au lit en se disant qu’on a fait quelque chose de magni que, c’est ce
qui m’importe.
Steve Jobs, fondateur puis PDG d’Apple (1955-2011)

266
Chapitre 7
LE TIERS MONDE

Le terme « Tiers Monde » est utilisé pour la première fois


par l’économiste et démographe Alfred Sauvy en 1952.
Les pays du Tiers Monde se caractérisent par des termes
de l’échange qui leur sont globalement défavorables.
Depuis 1971, les pays plus pauvres du monde sont
appelés les PMA (Pays les Moins Avancés).
La forte croissance démographique constitue un obstacle
au développement. Celle-ci s’explique par  «  des
comportements hérités d’un très ancien passé, de valeurs
spirituelles estimables et en n de l’intérêt des familles  »
(Yves Lacoste [1929-]).
Cependant, d’autres ont accompli des progrès depuis les
années  1970-1980 et réussi à entamer leur processus de
croissance-développement. Ce rattrapage s’explique par
des facteurs socio-culturels.

Nous parlons volontiers de deux mondes en présence, de leur guerre


possible, de leur coexistence, oubliant trop souvent qu’il en existe un
troisième, le plus important […]. C’est l’ensemble de ceux que l’on

267
appelle […] les pays sous-développés […]. Ce Tiers Monde, ignoré,
exploité, méprisé, veut lui aussi être quelque chose.
Alfred Sauvy (1898-1990)
Le Tiers Monde n’est pas une réalité, mais une idéologie.
Hannah Arrendt (1906-1975)
Les pays tropicaux ne peuvent rééquilibrer à leur pro t les termes de
l’échange en accroissant la productivité dans les secteurs où ils
exportent car cette amélioration a pour seul effet d’abaisser le prix de
leurs exportations.
Arthur Lewis (1915-1991)
Le jeu des termes de l’échange est défavorable aux seuls produits
tropicaux, que ceux-ci viennent de l’agriculture ou de l’industrie.
Arthur Lewis (1915-1991)
Il est impossible de protéger le Tiers Monde des effets des crises
longues et profondes.
Arthur Lewis (1915-1991)
L’heure de travail simple au Congo et en Allemagne génère la même
valeur.
Arghiri Emmanuel (1911-2001)
Ne pas voir qu’ici, c’est la vente de la force de travail qui commande
le système, c’est donc ne pas comprendre l’unité du système
mondial.
Samir Amin (1931-2018)
L’échange inégal ne suppose pas nécessairement que ces modes de
production chez les partenaires soient capitalistes  : il suf t que les
marchandises produites soient destinées au marché capitaliste
international.
Samir Amin (1931-2018)
L’échange inégal est avant tout à l’origine d’un développement
inégal.
Samir Amin (1931-2018)

268
Ces inégalités mondiales cessent de s’aggraver, elles régressent
même sensiblement.
Jean-Claude Chesnais (1948-)
La fonction de mère cesse d’être centrale, voire exclusive.
Jean-Claude Chesnais (1948-)
La montée des jeunes crée une pression à l’innovation.
Jean-Claude Chesnais (1948-)
La composition de la main-d’œuvre s’en trouve radicalement
transformée.
Jean-Claude Chesnais (1948-)
[L’accroissement démographique] contribue puissamment au
développement des contradictions économiques, sociales et
politiques.
Yves Lacoste (1929-)
Les populations sont placées dans l’obligation de dépenser de
l’argent mais ne trouvent pas les moyens d’en gagner.
Yves Lacoste (1929-)
L’égalité des mondes n’est pas pour demain, ni pour après-demain.
Paul Bairoch (1930-1999)
Étant donné la structure actuelle de la pyramide des âges […], même
une forte baisse de la fécondité n’entraînerait pas un ralentissement
à court terme du taux de pression démographique.
Paul Bairoch (1930-1999)

269
Chapitre 8
LES MOUVEMENTS ALTERMONDIALISTES

Les économistes altermondialistes dénoncent les effets


négatifs de la mondialisation libérale. Selon eux, elle
renforce les inégalités mondiales et appauvrit encore plus
les pays les plus pauvres.

La forme actuelle de la mondialisation a peu à offrir à la grande


majorité des peuples du sud  : pro table pour une minorité de
personnes, elle exige en contrepartie la paupérisation des autres, en
particulier des sociétés paysannes qui rassemblent près de la moitié
de l’humanité.
Samir Amin (1931-2018)
Une réforme radicale des institutions nancières internationales […]
constitue une condition politique préalable à la construction d’un
mondialisme alternatif fondé sur le pouvoir des peuples et sur une
nouvelle conception du développement durable.
ATTAC
La famine n’est pas le résultat d’un manque de ressources
alimentaires.
Amartya Sen (1933-)
Si l’on ne construit pas un monde de partage des richesses, c’est
un monde de con its multilatéraux qui nous attend.

270
José Bové (1953-)
La désobéissance civique est un acte de résistance collective, qui
agglomère et transcende les démarches d’individus indignés.
José Bové (1953-)
Un autre monde est possible.
Slogan altermondialiste
Le mouvement altermondialiste fédère les mobilisations et les luttes
diversi ées contre la mondialisation néolibérale.
Dominique Plihon (1946-)

271
PARTIE 15

La création européenne,
une construction en devenir

Il convient de se garder de toute forme d’ethnocentrisme


et de ne pas considérer que l’Europe constitue le centre
du monde. Elle n’est, après tout, que l’un des cinq
continents, et encore n’est-elle pas le plus grand.
En outre, la dé nition de l’Europe est ambigüe : pour les
géographes, le continent européen va de l’Atlantique à
l’Oural  ; pour un habitant d’Europe de l’Ouest, le mot
«  Europe  » correspond, spontanément, à l’Union européenne,
c’est-à-dire à la partie ouest du continent.
En revanche, l’Europe a joué dans l’histoire du monde un rôle
particulier pour deux raisons. D’abord, c’est là que se sont
constitués, au l du temps, les États-nation, Grande-Bretagne
et France en tête, qui vont conférer à ces pays une puissance
économique et militaire incontestable. De surcroît, les grandes
découvertes et les progrès scienti ques, ainsi que la révolution

272
industrielle qui leur est liée, sont un fait d’abord et
essentiellement européen.
Au XXe siècle, les évènements qui ont parcourue l’Europe ont eu
un retentissement mondial. C’est précisément à la suite des
deux guerres mondiales, dont l’Europe a été l’épicentre, que
s’est renforcée la volonté de créer une zone, en Europe, dans
laquelle tout con it deviendrait impossible. Et cette construction
s’est, largement, faite autour de l’économie.

273
Chapitre 1
LA CONSTRUCTION EUROPÉENNE, UN
PROJET D’ABORD ÉTHIQUE

La gestation de l’idée européenne vient de loin. Elle


correspond à une prise de conscience de l’unité
spirituelle, culturelle, du vieux continent.

L’Europe est un État composé de plusieurs provinces.


Montesquieu (1689-1755),
Pensées
Le bonheur est une idée neuve en Europe.
Louis Saint-Just (1767-1794)
Il faut que je fasse de tous les peuples de l’Europe un même peuple
et de Paris la capitale du monde.
Napoléon (1769-1821),
Histoire du Consulat et de l’Empire
Quand Paris s’enrhume, l’Europe prend froid.
Klemens Wenzel von Metternich (1773-1859)
[La France] la plus brillante et la plus dangereuse des nations de
l’Europe, et la mieux faite pour y devenir tour à tour un objet
d’admiration, de haine, de pitié, de terreur, mais jamais
d’indifférence.

274
Alexis de Tocqueville (1805-1859),
L’Ancien Régime et la Révolution
La haine nationale est une chose bien particulière. C’est aux degrés
les plus bas de la culture que vous la trouverez toujours la plus forte
et la plus violente.
Johann Peter Eckermann (1792-1854),
Conversations avec Goethe
Ce que Paris conseille, l’Europe le médite ; ce que Paris commence,
l’Europe le continue.
Victor Hugo (1802-1885),
discours à l’Assemblée constituante
Nous aurons ces grands États-Unis d’Europe, qui couronneront le
vieux monde comme les États-Unis d’Amérique couronnent le
nouveau.
Victor Hugo (1802-1885),
Actes et paroles
Et de l’union des libertés dans la fraternité des peuples naîtra la
sympathie des âmes, germe de cet immense avenir où commencera
pour le genre humain la vie universelle et que l’on appellera la paix de
l’Europe.
Victor Hugo (1802-1885),
Choses vues
Une guerre entre Européens est une guerre civile.
Victor Hugo (1802-1885)
Ne soyons plus anglais ni français ni allemands. Soyons européens.
Ne soyons plus européens, soyons hommes. Soyons l’humanité. Il
nous reste à abdiquer un dernier égoïsme : la patrie.
Victor Hugo (1802-1885),
Choses vues
Soyons la même république, soyons les États-Unis d’Europe,
soyons la fédération continentale, soyons la liberté européenne,
soyons la paix universelle !

275
Victor Hugo (1802-1885),
discours à l’Assemblée nationale, 1er mars 1871
La paix européenne a cessé d’être une utopie du jour où la guerre
est devenue un contresens.
Émile de Girardin (1802-1881)
Ce fut par ces traductions arabes des ouvrages de science et de
philosophie grecque que l’Europe reçut le ferment de tradition
antique nécessaire à l’éclosion de son génie.
Ernest Renan (1823-1892),
Discours et conférences
La souveraineté nationale n’est plus suf sante. […] Seule une
république fédérée d’Europe peut donner la paix à l’Europe.
John Silas Reed (1884-1920),
Dix jours qui ébranlèrent le monde
Les États-Unis d’Europe se feront dans la douleur, et les États-Unis
du monde ne sont pas encore là.
André Malraux (1901-1976),
Appel aux intellectuels, 5 mars 1948
Ce qui est important, ce n’est, ni d’être optimiste, ni pessimiste,
mais d’être déterminé.
Jean Monnet (1888-1979)
Nous ne coalisons pas des États, nous unissons des hommes.
Jean Monnet (1888-1979)
Une Europe fédérée est  indispensable  à la sécurité et à la paix du
monde libre.
Jean Monnet (1888-1979)
La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la
civilisation est indispensable au maintien des relations paci ques.
Robert Schuman (1886-1963),
Déclaration du 9 mai 1950

276
La base sur laquelle peut et doit se construire l’union de l’Europe, le
plus solide atout de la liberté du monde, c’est l’estime, la con ance,
l’amitié mutuelle du peuple français et du peuple allemand.
Charles de Gaulle (1890-1970),
devant les jeunes Allemands à Ludwigsburg en 1962
Bien entendu, on peut sauter sur sa chaise comme un cabri, en
disant : l’Europe ! l’Europe ! l’Europe ! Mais ça n’aboutit à rien et ça
ne signi e rien.
Charles de Gaulle (1890-1970),
entretien du 14 décembre 1965
C’est l’Europe qui doit relever la tête pour se montrer à la hauteur de
son histoire et de sa puissance. Pour cela, il faut plus que jamais
renforcer le couple franco-allemand.
Jean d’Ormesson (1925-2017),
Le Figaro, 21 janvier 2017
L’Europe est trop grande pour être unie  ; mais elle est trop petite
pour être divisée. Son double destin est là.
Daniel Faucher (1882-1970)
Après avoir été longtemps le cerveau de l’Europe, Paris est encore
aujourd’hui la capitale de quelque chose de plus que la France.
Milan Kundera (1929-),
entretien avec Antoine de Gaudemar, février 1984
Il est clair que l’Europe est notre espace vital spirituel.
Hans-Gert Poettering (1975-)
La vérité historique est que l’Europe est une création liée au
catholicisme. En disant cela, on n’exclut personne.
Max Gallo (1932-2017)
Les Français sont le peuple européen de la culture par excellence.
Hermann von Keyserling (1880-1946),
Analyse spectrale de l’Europe

277
Je ne suis ni français, ni allemand, je suis européen. Et j’aimerais
beaucoup qu’il y ait une nationalité européenne. Mais là, je crois que
je rêve.
Heinz Berggruen (1914-2007)
L’assimilation systématique de l’Europe au christianisme et à la
modernité a fait oublier – ou même réfuter – tout ce que l’islam a pu
apporter à la civilisation européenne.
Jack Goody (1919-2015),
L’Islam en Europe
Mon obsession est de revenir à la racine : l’Europe a été fondée sur
une promesse de paix, de progrès, de prospérité.
Emmanuel Macron (1977-),
Sud-Ouest, juillet 2017
Entre le XIe et le XIIIe  siècle, la culture européenne a commencé à se
développer, sous l’effet de l’emprunt systématique à la culture
musulmane et byzantine.
Samuel Huntington (1927-2008),
Le Choc des civilisations
Parce qu’elle s’opposait à l’islam, l’Europe a déprécié l’in uence des
Sarrasins et mis exagérément l’accent sur sa dépendance à l’égard
de l’héritage grec et romain.
William Montgomery Watt (1909-2006),
L’in uence de l’islam sur l’Europe médiévale
Dire qu’en Europe, il y a des racines chrétiennes, c’est tout
simplement faire preuve de bon sens, renoncer à le dire, c’est
tourner le dos à une réalité historique.
Nicolas Sarkozy (1955-)
Si on renie son histoire, on ne prépare pas son avenir.
Nicolas Sarkozy (1955-)
La dette de l’Europe envers l’Espagne musulmane est d’une
importance presque sans égale.

278
Évariste Lévi-Provençal (1894-1956),
L’Espagne musulmane au Xe siècle
L’Europe, démographiquement déprimée par sa faible fécondité, a
besoin d’immigrés. L’installation d’étrangers sur son sol est l’une
des conditions de sa survie.
Emmanuel Todd (1951-),
L’Invention de l’Europe
Toute race et toute terre qui a été successivement romanisée,
christianisée et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs,
sont absolument européennes.
Paul Valéry (1871-1945),
La Revue universelle
La France est notre patrie, l’Europe est notre avenir.
François Mitterrand (1916-1996)
Pour moi j’ai, de tout temps, mais aujourd’hui plus que jamais,
ressenti ce qu’ont en commun les nations qui la peuplent. Toutes
étant de même race blanche, de même origine chrétienne, de même
manière de vivre, liées entre elles depuis toujours par d’innombrables
relations de pensée, d’art, de science, de politique, de commerce, il
est conforme à leur nature qu’elles en viennent à former un tout,
ayant au milieu du monde son caractère et son organisation.
Charles de Gaulle (1890-1970), 
Mémoires d’espoir
L’Europe, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre.
Jacques Chirac (1932-2019),
Dans la peau de Jacques Chirac
Ceux qui laissent croire que, par une sorte d’abracadabra européen,
tous nos problèmes seront résolus, se trompent et trompent les
Français.
Jacques Chirac (1932-2019)
L’Europe doit respirer avec ses deux poumons : celui de l’Est et celui
de l’Ouest.

279
Jean-Paul II (1920-2005)
Pourquoi l’Europe est-elle si économiquement nécessaire et si
profondément ennuyeuse ?
Valérie Accary

280
Chapitre 2
LE PROJET EUROPÉEN SE CONSTRUIT PAR
LE BIAIS DE L’ÉCONOMIE

Après l’échec de la Communauté européenne de défense


en 1954, les promoteurs du rapprochement des peuples
européens, notamment de la France et de l’Allemagne,
ont compris que celui-ci ne se réaliserait que
graduellement, et par le biais des intérêts économiques
(spillover effect).

L’Europe […] se fera par des réalisations concrètes créant d’abord


une solidarité de fait.
Robert Schuman (1886-1963),
Déclaration du 9 mai 1950
La mise en commun des productions de charbon et d’acier assurera
immédiatement l’établissement de bases communes de
développement économique, première étape de la Fédération
européenne.
Robert Schuman (1886-1963),
Déclaration du 9 mai 1950
Rien n’est possible sans les hommes, rien n’est durable sans les
institutions.
Jean Monnet (1888-1979), Mémoires

281
Le traité de Rome élargit le champ de la coopération supranationale
et relance ainsi la construction européenne […]. Le domaine
économique, moins sujet aux résistances nationales, apparaît
comme un champ consensuel de coopération.
Toute l’Europe
Établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les
peuples européens.
Préambule du traité de Rome, 1957
La Communauté économique européenne (CEE) a pour mission, par
l’établissement d’un Marché commun, une expansion continue
et  équitable, une stabilité accrue, un relèvement accéléré du niveau
de vie et des relations plus étroites entre les États qu’elle réunit.
Article 2 du Traité de Rome
En fait, cela nous conduit à mettre en œuvre la Communauté
économique des Six ; à provoquer leur concertation régulière dans le
domaine politique.
Charles de Gaulle (1890-1970)
Pour Adenauer, non plus que pour moi, il ne saurait être question de
faire disparaître nos peuples, leurs États, leurs lois, dans quelque
construction apatride.
Charles de Gaulle (1890-1970)
L’Acte unique européen (1986) prévoit de mener à terme, avant le
1er  janvier 1993, la réalisation du marché intérieur (rebaptisé marché
unique)  : un «  espace sans frontières intérieures dans lequel la libre
circulation des marchandises, des personnes, des services et des
capitaux est assurée » (article 7 du traité CEE).
Site Toute l’Europe
Le traité signé le 7  février 1992 à Maastricht dépasse l’objectif
économique initial de la Communauté européenne (réaliser un
marché commun) et lui donne une vocation politique. C’est la
création de l’Union européenne.
Site Toute l’Europe

282
Il [le traité de Lisbonne] est illisible pour les citoyens.
Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020)
Les traités, voyez-vous, sont comme les jeunes lles et les roses : ça
dure ce que ça dure !
Charles de Gaulle (1890-1970)
C’est dans le cadre d’une Europe unie que tous les problèmes […]
trouveront la meilleure solution.
Paul-Henri Charles Spaak (1899-1972)
Quand un pouvoir est ainsi déterritorialisé, déraciné, il devient
abstrait, lointain, facile à circonvenir. Le peuple ne le surveille plus.
Philippe de Villiers (1949-),
Le moment est venu de dire ce que j’ai vu
Personne n’aurait délibérément conçu un gouvernement aussi
complexe et dans lequel les pouvoirs sont aussi mal délimités que
celui de l’Union européenne.
Tom Reid (1946-),
The United States of Europe
Je n’ai pas peur de la réuni cation. L’Histoire avance, je la prends
comme elle est.
François Mitterrand (1916-1996)
L’élargissement demeure une politique essentielle de l’Union
européenne.
Conseil de l’Union, juin 2019

283
Chapitre 3
UNE AVANCÉE CONSIDÉRABLE, L’EURO

Une monnaie est vernaculaire ; elle est un attribut d’une


entité étatique et un élément constitutif de la souveraineté
nationale. La création de l’euro constitue à cet égard une
avancée majeure.

L’Europe se fera par la monnaie ou ne se fera pas.


Jacques Rueff (1896-1978)
L’Europe cherche, avec raison, à se donner une politique et une
monnaie communes, mais elle a surtout besoin d’une âme.
André Frossard (1915-1995)
L’euro, c’est une grande réussite et c’est ce qui irrite.
Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020)
Maastricht constitue les trois clefs de l’avenir  : la monnaie unique
[…] ; la politique étrangère commune […] ; et la citoyenneté.
Michel Rocard (1930-2016)
L’euro est voué à l’échec.
Margaret Thatcher (1925-2013)
Le système éclatera et s’effondrera avant trois ans.
Margaret Thatcher (1925-2013)

284
Il y a des hommes politiques éclairés en France et en Allemagne qui
ont dit que des pays qui ont la même monnaie ne s’enfermeront plus
jamais dans des querelles.
Angela Merkel (1954-)
La Grèce n’aurait jamais dû être admise dans la zone euro.
Angela Merkel (1954-)
La Grèce doit sortir de l’euro.
Valery Giscard d’Estaing (1926-2020)
La sortie de l’euro, de l’Union européenne, ce serait une sortie de
route, une sortie de l’histoire.
François Hollande (1954-)
Dès lors que, dans un territoire donné, il n’existe qu’une seule
monnaie, les écarts de niveau de vie entre les régions qui le
composent deviennent vite insupportables. Et en cas de crise
économique, c’est le chômage qui s’impose comme seule variable
d’ajustement.
Philippe Séguin (1943-2010),
discours à l’Assemblée nationale, 5 mai 1992
L’euro, c’est l’Europe dans la poche du citoyen.
Anonyme
L’euro a été inventé pour rendre le salaire des riches six fois moins
indécent.
Frédéric Beigbeder (1965-),
99 francs
Les lois, les scalités, les coutumes, les langues sont différentes.
L’euro, c’est désormais le plus petit dénominateur commun de
l’Europe.
Jacques Séguéla (1934),
Les Échos, 17 octobre 2001
Je suis absolument hostile au plan tendant à instituer en Europe une
monnaie unique.

285
Jacques Chirac (1932-2019)
Faire une monnaie unique, cela veut dire que nous n’aurions plus de
politique budgétaire nationale, plus de politique sociale
indépendante, plus de politique de défense indépendante.
Jacques Chirac (1932-2019)
Qui dit monnaie unique et institut d’émission unique, dit perte de
souveraineté dans des domaines aussi essentiels que la politique
économique.
Alain Juppé (1945-)

286
PARTIE 16

Vers une économie de la


connaissance

On sait que les activités économiques sont devenues,


au l du temps, de moins en moins matérielles, ce que
l’évolution des secteurs traditionnels d’activité a
montré  : passages du secteur primaire au secteur
secondaire, puis tertiaire.
Cela tient à ce que les sociétés, au moins celles des
pays développés, ont résolu la question de la satisfaction des
besoins primaires. Dès lors, les aspirations des hommes se
sont déplacées vers la possession de biens matériels dont, au
demeurant, le prix ne cessait de baisser. Ainsi, on constate
aujourd’hui une sorte de saturation des marchés de ces biens.
Simultanément, une longue période de paix, du moins dans les
pays riches, a permis de concentrer l’énergie et le talent des
hommes, ou du moins ceux des élites, sur des activités de
recherche qui ont débouché sur des découvertes, des
innovations ouvrant de nouvelles perspectives aux économies :

287
un passage à une économie de la connaissance, à une ère
post-industrielle.

288
Chapitre 1
L’ÉCONOMIE DE LA CONNAISSANCE
L’intérêt de l’économie de la connaissance, c’est que le savoir
potentiel est in ni […]. Quand on partage un bien matériel, on le
divise, quand on partage un bien immatériel, on le multiplie.
Idriss Aberkane (1986-)
Faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive
du monde.
Stratégie de Lisbonne, mars 2000
Alors que les ux nanciers enrichissent certains et en appauvrissent
d’autres, les ux de connaissance pro tent à tout le monde.
Idriss Aberkane (1986-)
Le savoir est la seule richesse que l’on puisse entièrement dépenser
sans en rien la diminuer.
Idriss Aberkane (1986-)
À l’échelle de l’entreprise, il est de plus en plus clair que l’avantage
compétitif repose avant tout sur les compétences de ses ressources
humaines et la capacité à se doter d’une organisation apprenante,
qu’il a pour principal ressort la dynamique du savoir et des
compétences, qu’il suppose le partage des savoirs.
Commissariat général au Plan
L’économie de la connaissance capture la totalité du développement
durable et ouvre la possibilité de trivialiser en quelques années des
problèmes que l’humanité a estimés insolubles.
Idriss Aberkane (1986-)

289
L’économie de la connaissance permet une croissance à la fois saine
et in nie, ce qu’absolument aucun autre paradigme économique ne
permet aujourd’hui.
Idriss Aberkane (1986-)
En dé nitive, adopter l’économie de la connaissance n’est qu’une
question d’évolution : baserons-nous l’humanité sur la matérialité ou
sur la sagesse ?
Idriss Aberkane (1986-)

290
Chapitre 2
LES VAGUES D’ALVIN TOFFLER

Le futurologue américain Alvin Tof er (1928-2016) a


publié une série d’ouvrages (Le Choc du futur, 1970, La
Troisième Vague, 1980, étant les plus connus). Selon lui,
l’humanité est passée et passera par les trois vagues
suivantes : la vague agraire (la plus longue à ce jour) ; la
vague industrielle ; la vague de la connaissance.

La majorité écrasante des biens matériels dont nous nous servons


dans notre vie quotidienne ont vu le jour au cours de la présente
génération.
Alvin Tof er (1928-2016),
Le Choc du futur
L’illettré du futur ne sera pas celui qui ne sait pas lire. Ce sera celui
qui ne sait pas comment apprendre.
Alvin Tof er (1928-2016),
Le Choc du futur
90 % de tous les hommes de science que la terre ait jamais connus
sont actuellement en vie.
Alvin Tof er (1928-2016),
Le Choc du futur

291
Le changement n’est pas seulement nécessaire à la vie, il est la vie.
Et, par conséquent, vivre, c’est s’adapter.
Alvin Tof er (1928-2016)

292
Conclusion
Ce livre que vous avez eu entre les mains n’a très probablement pas
fait l’objet, de votre part, d’une lecture in extenso, mais plutôt d’un
«  picorage  » au l de vos interrogations, de vos recherches, de votre
curiosité.
Son ambition était celle-là même  : faciliter l’accès rapide à des
références essentielles sur les diverses questions qui se posent en
économie.
Au l de vos investigations, vous aurez pu constater combien, pour
chacun des thèmes abordés, les conceptions de ces grands penseurs
étaient diverses, voire opposées. Il n’y a là rien que de très normal.
De fait, chaque citation, vous l’aurez vraisemblablement compris, doit
être située dans son contexte historique. Entre l’Athènes d’Aristote au
IVe  siècle av. J.-C.  et le monde du XXIe  siècle, les évolutions ont été
considérables dans tous les domaines. Ainsi est-on passé du
polythéisme au monothéisme ; de la théocratie à la laïcité ; de l’Empire
romain au monde seigneurial et à l’émergence graduelle des États-
nation  ; des techniques rudimentaires de production à la révolution
industrielle ; des croyances ancestrales aux grandes découvertes et à
la diffusion du savoir.
À chacun de ces moments, les structures politiques, économiques et
sociales sont donc particulières et conduisent nécessairement à une
interprétation spéci que du monde. C’est dire qu’il ne faut pas prendre
les propos des grands hommes au premier degré. Un effort de
contextualisation doit être mené.
Néanmoins, un l directeur apparaît  : ces esprits brillants ont tous
cherché à promouvoir des idées visant à améliorer la vie des hommes
en communauté, et nul ne pourrait leur reprocher, rétrospectivement,
d’avoir été encastrés, enchâssés dans leur monde. Tout à tour, ils
peuvent donc apparaître comme précurseurs et révolutionnaires, ou
comme conservateurs et rétrogrades.
Rien ne servirait de vouloir les ranger dans telle ou telle case (encore
qu’il soit souhaitable de les situer dans tel ou tel courant de pensée

293
dominant). En revanche, se référer à leurs écrits permet d’enrichir
l’analyse et la compréhension du fonctionnement des sociétés et des
systèmes économiques, ce que tout «  honnête homme  »
d’aujourd’hui devrait chercher à réaliser.
Si cet ouvrage a permis d’établir, de renforcer, d’étayer, votre propre
vision du monde et de l’économie, il aura été utile.

294
Glossaire des auteurs
Friedman (1912-2006) est un économiste américain à l’origine du
monétarisme et fondateur de l’École de Chicago. Il entend démontrer
la supériorité du libéralisme économique sur tout autre système
économique et a critiqué les recommandations keynésiennes.
Jevons (1835-1882) est un économiste et un logicien britannique
considéré comme cofondateur de l’école néoclassique et de la
« révolution marginaliste », avec Léon Walras et Carl Menger.
Keynes (1883-1946) est un économiste et essayiste britannique dont
la notoriété est mondiale. Il est le fondateur de la macroéconomie
keynésienne. Le keynésianisme, la nouvelle économie keynésienne, le
néokeynésianisme ou le post-keynésianisme sont issus de son œuvre.
Il est considéré comme l’un des plus in uents théoriciens de
l’économie du XXe siècle.
Malthus (1766-1834), rattaché à l’école classique anglaise, est un
pasteur connu pour son analyse des rapports entre la croissance de la
population et la production. Mettant en avant le rôle de la demande, il
est également vu comme un annonciateur du keynésianisme. La
doctrine qui porte son nom, le malthusianisme, considère comme
nécessaire le contrôle de la natalité.
Marshall (1842-1924) est un économiste britannique, considéré
également comme l’un des pères fondateurs de l’école néoclassique.
Son apport le plus connu concerne son analyse de l’équilibre partiel
sur un marché.
Marx (1818-1883) est un économiste, sociologue et philosophe
allemand. Il décrit, en plein cœur de la révolution industrielle, le mode
de production capitaliste qui aboutit, selon lui, à l’exploitation de
l’ouvrier prolétaire par le bourgeois capitaliste. Marx a fortement
in uencé le développement des sciences humaines et sociales.
Menger (1840-1921) est un économiste autrichien, fondateur de
l’école autrichienne. Il met en avant une conception subjective de la
valeur, laquelle repose sur l’utilité marginale. Comme Jevons, Marshall,
Walras et Pareto, on le rattache à l’école néoclassique.

295
Mill (1806-1873) est l’un des derniers représentants de l’école
classique. Avec Jeremy Bentham, il est partisan de l’utilitarisme,
doctrine qui vise à maximiser le bien-être collectif.
Pareto (1848-1923) est un économiste et sociologue italien. Rattaché
au courant néoclassique, il a proposé des idées nouvelles telles les
courbes d’indifférence. En sociologie, il est connu pour sa théorie de la
circulation des élites.
Quesnay (1694-1774) est un médecin et économiste français. Il est le
père fondateur de la physiocratie, première école de pensée en
économie. Dans le Tableau économique (1758), il décrit une
représentation du circuit économique. C’est le précurseur de ce qui
sera plus tard la comptabilité nationale.
Ricardo (1772-1823) est un économiste britannique, également agent
de change et député. Il est considéré comme l’un des économistes
libéraux les plus in uents de l’école classique aux côtés d’Adam
Smith.
Say (1767-1832) est le principal économiste classique français. Il est
connu pour sa loi des débouchés ou loi de Say, selon laquelle l’offre
crée sa propre demande, et pré gure en cela le courant de l’économie
de l’offre. Il est également l’un des premiers économistes à raisonner
en termes de valeur-utilité.
Schumpeter (1883-1950) est un économiste autrichien considéré
comme hétérodoxe (ni néoclassique, ni keynésien, ni marxiste). Il est
connu pour ses analyses des uctuations économiques et des cycles.
Ceux-ci reposent sur le rôle de l’entrepreneur et de l’innovation.
Smith (1723-1790) est un philosophe et économiste britannique des
Lumières. Père de la science économique moderne, son œuvre
principale, La Richesse des nations (1776), est un des textes
fondateurs du libéralisme économique.
Walras (1834-1910) est un économiste français, considéré par Joseph
Schumpeter comme « le plus grand de tous les économistes ». Léon
Walras a décrit l’équilibre général de concurrence parfaite et cherché à
montrer que cet équilibre est optimal.

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Dépôt légal : septembre 2021
ISBN : 9782380151848

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