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Implémentation d’un intégrateur de type θ-schéma

Jean-Christophe Toussaint
11 décembre 2022

Ce document est constitué de deux parties. Dans la première partie, sous la forme d’une
auto-formation, on donne les éléments mathématiques nécessaires à l’établissement d’un
intégrateur de type θ-schéma. La seconde sert à la mise en application de ce schéma dans
les cas d’un oscillateur harmonique amorti.

1 Equation différentielle du premier ordre


On considère une équation différentielle du premier ordre décrivant la relaxation d’une
grandeur physique v(t) vers l’équilibre :
dv
γ= = f (t, v) (1)
dt
On cherche à établir un schéma d’ordre 2 en temps, k désignant le pas de temps :

vn+1 = vn + kγ + ϑ(k3 ) (2)

coı̈ncidant avec le développement limité suivant :

k2
vn+1 = vn + γn k + γn′ + ϑ(k 3 ) (3)
2
Ceci est possible si et seulement si γ ≡ γn + θkγn′ + ϑ(k 2 ) en imposant donc θ = 21 .
On remarque que γ coı̈ncide avec γn+θ , accélération estimée à l’instant n + θ pour θ ∈ [0, 1].
Sa précision est en ϑ(k 2 ) pour θ = 21 et régresse en ϑ(k) pour θ ≠ 21 .

1.1 Le θ-schéma :
On propose par conséquent le θ−schéma suivant :

vn+1 = vn + kγn+θ + ϑ(k 3 ) (4)

où γn+θ = f (tn+θ , vn+θ ) d’après (1).


D’autre part,
vn+θ = vn + θkγn + ϑ(k 2 ) (5)

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θ-schéma

donne une estimation de vn+θ . Sans modifier la précision du développement, on remplace


γn dans (5) par γn+θ . (Cette astuce constitue la principale différence avec le schéma explicite
RK2 quand θ = 12 ). On utilise donc :

vn+θ = vn + θkγn+θ + ϑ(k 2 ) (6)

On remarque que la précision d’ordre 1 sur v est suffisante pour avoir un ordre 2 en
temps avec le schéma (4).
A l’instant n + θ, on a :

γn+θ = f (tn + θk, vn + θkγn+θ ) + ϑ(k 2 ) (7)

Dans la limite des pas de temps faibles, on peut approximer f (tn + θk, vn + θkγn+θ )
par son développement de Taylor à l’ordre 1 en k, au voisinage de (tn , vn ). On obtient
finalement une équation donnant une estimation de γn+θ en fonction de vn .

2 Application à une équation de relaxation


On applique le schéma précédent pour résoudre numériquement une équation différentielle
du premier ordre décrivant la relaxation d’une grandeur physique v(t) vers l’équilibre,
comme la décélération d’un mobile soumis à une force visqueuse uniquement :
dv
= f (v) = −η v (8)
dt
où η est l’inverse d’un temps de relaxation.

2.1 Le θ-schéma associé


A l’instant n + θ, on a :
dv
γn+θ = ( ) = −ηvn+θ = −η (vn + θkγn+θ ) + ϑ(k 2 ) (9)
dt n+θ
ce qui permet d’estimer γn+θ .
En utilisant le schéma (4), montrer que, dans ce cas particulier, on a :
−1
vn+1 = vn − k (1 + θkη) η vn (10)

2.2 Stabilité énergétique du θ−schéma


L’énergie totale du système à un préfacteur près s’écrit dans ce cas particulier selon :

E(v) = v 2 (11)

On la définit en général comme la somme de l’énergie cinétique et de l’énergie potentielle.

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θ-schéma

C’est une fonction monotone décroissante avec le temps en présence d’amortissement.


Pour le montrer, il suffit de multiplier l’équation différentielle (8) par v pour obtenir direc-
tement l’expression de dE/dt.
Le but de cette section est de déterminer les conditions pour que le θ−schéma soit lui
aussi dissipatif. Pour ce faire, on calcule la variation de l’énergie entre deux pas de temps
consécutifs :
∆E = E(vn+1 ) − E(vn ) (12)
que l’on peut récrire sous la forme factorisée :

∆E = (vn+1 − vn ) (vn+1 + vn ) (13)

1. Montrer qu’après développement, on obtient :

1 2
∆E = 2kvn+θ γn+θ + 2 ( − θ) (kγn+θ ) (14)
2
en utilisant γn+θ = −η vn+θ ; la vitesse et l’accélération étant évaluées à l’instant n+θ.
2. En déduire que :
2
∆E = −2kη vn+θ + k 2 (1 − 2θ) γn+θ
2
(15)
Le premier terme correspond à la dissipation physique. Le second n’est dû qu’au
2
schéma numérique. Son signe est donné par le facteur 1 − 2θ puisque γn+θ ≥ 0. Le
1
θ−schéma est donc inconditionnellement stable pour θ ∈] 2 , 1]. Sa précision est dans
ce cas d’ordre 2 en temps pour θ = 12 . L’énergie décroit de manière monotone avec
le temps.
En prenant θ = 0, on retrouve le schéma d’Euler explicite d’ordre 1. A priori, le schéma
reste dissipatif sous la condition sur le pas de temps :
2
2η vn+θ 2
k< 2
= (16)
γn+θ η

En conclusion, le schéma d’Euler est stable sous condition et d’ordre 1 en temps. On


prévilégiera toutefois un schéma semi-implicite d’ordre 2 en temps, respectant sans condi-
tion la décroissance monotone de l’énergie.

2.3 Stabilité du θ−schéma au sens de Von Neumann


Le θ-schéma vu précédemment s’écrit de façon compacte :
η
vn+1 = (1 − k ) vn = G(k) vn (17)
1 + θkη
Le domaine de stabilité au sens de Von Neumann est l’ensemble des pas de temps k
pour lesquels le gain G(k) reste inférieur à 1 en module.
Dans le cas présent, tout bruit numérique tend à être atténué par le schéma pour toute

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valeur de k. Rappelons qu’il faut toutefois choisir θ = 21 pour obtenir une décroissance
monotone de l’énergie, conformément à la physique du phénomène.

1. Montrer qu’avec le schéma RK2, G(k) = 1 − kη + 12 k 2 η 2 et qu’il existe une contrainte


dans le choix de k pour avoir stabilité contrairement au θ-schéma.

3 Application à l’équation de l’oscillateur amorti


Le travail à réaliser dans la suite de ce document consistera à généraliser l’étude
précédente au cas d’un oscillateur harmonique amorti.
On considère une masse unitaire soumise à une force de rappel élastique et à une force
de frottement visqueux. Son déplacement x(t) est gouvernée par l’équation suivante :
d2 x dx
2
= −ω02 x − η (18)
dt dt
où ω0 est la pulsation propre de l’oscillateur et η le facteur d’amortissement visqueux.
On transforme d’abord (18) en un système d’équations différentielles d’ordre 1 en in-
troduisant la vitesse ẋ = v et l’accélération locale v̇ = γ, d’où

ẋ = v
{ (19)
v̇ = γ = −ω02 x − η v

3.1 Exercice : écriture du θ-schéma


On propose une généralisation du θ-schéma, vu en (4), en écrivant :

xn+1 = xn + k vn+θ
{ (20)
vn+1 = vn + k γn+θ

sachant que dans cet exemple, γn+θ = −ω02 xn+θ − η vn+θ .


1. Montrer que le θ-schéma s’écrit dans ce cas, de façon compacte :

xn+1 0 1 x 1 −θk
( ) = [1 + k Jˆ−1 (k) ( ˆ
)] ( n ) où J(k) =( ) (21)
vn+1 −ω02 −η vn θkω02 1 + θkη

Le calcul de Jˆ−1 (k) fait apparaı̂tre le préfacteur det Jˆ−1 (k) = (1 + θkη + (θkω0 )2 )
−1

qui joue le rôle d’un filtre fréquentiel passe-bas et stabilise par conséquent le schéma.
2. Vérifier qu’en prenant θ = 0, on retrouve le schéma explicite d’ordre 1.
3. Récrire le θ-schéma (21), sous une forme beaucoup moins compacte, en introduisant
les étapes de calcul de vn+θ et γn+θ .

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θ-schéma

4. Proposer une implémentation Matlab dans le cas de l’oscillateur en favorisant la


structuration de votre programme et surtout sa lisibilité.
5. Etudier l’évolution de la position et de la vitesse avec le temps en imposant comme
conditions initiales x0 = 1 m et v0 = 0 m.s−1 et comme valeurs des paramètres
ω0 = 1 rad.s−1 , η = 0.1 s−1 . Reporter vos expériences numériques les plus pertinentes
pour différents pas de temps et différentes valeurs de θ. Commenter.

3.2 Exercice : stabilité énergétique du θ-schéma


L’énergie totale du système à un préfacteur près est définie par :
E(x(t), v(t)) = ω02 x2 + v 2 (22)
1. En calculant sa dérivée temporelle, montrer que c’est une fonction monotone décroissante
avec le temps en présence d’amortissement.
2. Notre but est de déterminer les conditions pour que le θ−schéma soit lui aussi
dissipatif. Pour ce faire, on calcule la variation de l’énergie entre deux pas de temps
consécutifs :
∆E = E(xn+1 , vn+1 ) − E(xn , vn ) (23)
Montrer que la variation d’énergie entre deux pas successifs s’écrit :
2
∆E = −2kη vn+θ + k 2 (1 − 2θ) (ω02 vn+θ
2 2
+ γn+θ ) (24)
où la vitesse et l’accélération sont évaluées à l’instant n + θ.
3. En déduire que la précision du schéma est d’ordre 2 en (pas de) temps pour θ = 21 .
4. Montrer que du point de vue énergétique, le θ−schéma est inconditionnellement
stable pour θ ∈] 21 , 1], autrement dit que l’énergie estimée numériquement décroit de
manière monotone avec le temps.
5. Montrer qu’à priori, le schéma pour θ ∈ [0, 12 [, reste dissipatif sous condition sur le
pas de temps, expliciter-la.
6. Pourquoi cette inégalité ne peut-elle pas être respectée en général dans le cas d’un
oscillateur libre ? Est-ce satisfaisant du point de vue de la physique ?
7. Implémenter dans votre code Matlab, le calcul de l’énergie à tout instant et donner
son implémentation.
8. Etudier numériquement l’évolution de l’énergie avec le temps en schéma d’Euler ex-
plicite θ = 0, semi-implicite θ = 12 et implicite θ = 1, en imposant comme conditions
initiales x0 = 1 m et v0 = 0 m.s−1 et comme valeurs des paramètres ω0 = 1 rad.s−1 ,
η = 0.1 s−1 .
Indication : stocker d’abord les évaluations de l’énergie dans un tableau E. La quan-
tité max(sort(E, ’descend’)-E), différence entre les valeurs de l’énergie et celles triées
de manière décroissante, est nulle si le schéma est à tout instant dissipatif.
9. Résumer les expériences numériques les plus pertinentes que vous avez réalisées pour
différents pas de temps et différentes valeurs de θ. Commenter.

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3.3 Exercice : stabilité du θ-schéma au sens de Von Neumann


Sans perdre en généralité, on suppose maintenant que l’oscillateur se trouve dans le
régime sous-critique η < 2ω0 .
1. Montrer que pour θ ≥ 12 , le schéma est inconditionnellement stable au sens de Von
Neumann. Ce résultat est-il cohérent avec l’analyse de stabilité energétique vue dans
la section précédente ? Commenter.
2. Pour θ < 12 , montrer que le schéma est stable au sens de Von Neumann pour
η
k< (25)
ω02 (1 − 2θ)

3. Résumer les expériences numériques les plus pertinentes que vous avez réalisées pour
différents pas de temps et différentes valeurs de θ. Commenter.

4 Généralisation aux EDP


Le θ-schéma est très largement utilisé pour résoudre des équations aux dérivées par-
tielles dépendantes du temps, comme l’équation de la chaleur. Le second membre (1) est
alors remplacé par un terme laplacien qui se comporte comme un terme de raideur. On
retrouve ainsi, la propriété de stabilité inconditionnelle pour θ ∈ [ 12 , 1], établie dans ce
document.
Je tiens à remercier M Quentin Rafhay pour m’avoir aidé à améliorer la qualité pédagogique
de ce document.

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