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Peter Pan, une métaphore de la


thérapie

! vincent Joly " 28 janvier 2021 # Psychologue libéral


clinique $ No Comments

Peter Pan, roman de James Matthew Barrie rendu célèbre


par les nombreuses adaptations cinématographiques qu’il
connut, illustre métaphoriquement les dérèglements de la
temporalité que l’on rencontre souvent en thérapie. En
effet, Peter Pan est le roman de « l’enfant qui ne voulait
pas grandir », bloqué éternellement dans un monde dont
on ne saurait dire s’il est merveilleux ou terri\ant.

Sommaire

Le pays des enfants perdus


L’oubli dans Peter Pan
Peter Pan, :gure des agonies primitives en thérapie
Conclusion: Wendy ou les di@cultés du thérapeute

Une illustration du magni\que Peter Pan de Régis Loisel

Le pays des enfants perdus


Commençons par rappeler les grands temps du récit
avant de s’interroger plus spéci\quement sur les lignes de
force qui en structurent le sens et se rapportent à notre
objet.

Peter Pan rencontre Wendy et son jeune frère pour les


emmener au Pays Imaginaire car il est à la recherche
d’une « maman » qui pourrait lui lire des histoires. Wendy
et son frère découvrent alors ce pays, ses histoires
innombrables et ses personnages fascinants ou
menaçants : les fées, dont la jalouse et menaçante Fée
Clochette qui voit dans la jeune Wendy une rivale, les
pirates avec à leur tête le terrible capitaine Crochet qui
porte à la main les stigmates d’un combat avec Peter, ou
encore les « enfants perdus », compagnon d’armes en
culottes courtes du héros éponyme. Les enfants vivront
de nombreuses aventures, dont la mort du capitaine
Crochet, puis Wendy rentrera chez ses parents. Ces
derniers, rongés par l’inquiétude et le chagrin, acceptent
alors d’adopter les enfants perdus. Seul Peter refuse de
venir vivre dans cette famille de substitution, préférant
renoncer aux promesses de l’âge adulte pour rester
éternellement l’enfant qui ne voulait pas grandir. Le roman
se clôt sur la rencontre entre Wendy qui, devenue adulte,
s’est mariée et a eu des enfants, et Peter qui, ne
comprenant d’abord pas que Wendy a grandit, \nit par
emmener la \lle de cette dernière au Pays Imaginaire.

Un temps qui s’est :gé


Dans son roman, James Matthew Barrie déploie une
interrogation qu’avait déjà formulé Kant : Que se passerait-
il si un individu ne possédait pas la structure a priori du
temps ? En effet, tout, dans le Pays Imaginaire, fonctionne
comme si le temps n’existait pas. Notons, toutefois, que
cette absence de temps n’est pas tant la conséquence du
fonctionnement d’un monde différent du nôtre que le
résultat d’un acte de volonté : Peter fait tout pour que le
temps ne passe pas et empêcher que l’éternité de
l’enfance ne dure qu’un temps.

Peter Pan - Tu t'envoles I Disney

L’oubli dans Peter Pan


Ainsi, Peter oublie, et c’est peut-être là sa caractéristique
essentielle : il oublie ses histoires sitôt qu’il les a vécu, il
oublie le nom de la fée dont on apprend au détour d’une
phrase qu’elle a été remplacée par une autre, et Wendy a
peur très tôt qu’il ne l’oublie également. Signe de cette
non-inscription des événements, Peter ne sait ni lire ni
écrire, \gé en cela dans le monde « pré-historique »
d’avant l’écriture.

Un temps menaçant
Le temps est ainsi vu tout au long du récit comme une
\gure menaçante, représentée par le crocodile. Cet animal
immense et terri\ant a dévoré le bras du capitaine après
que Peter lui ait coupé. Il a également avalé un réveil et
« lorsque Crochet reconnaît le bruit du réveil avalé par le
crocodile, [il] s’enfuit à toutes jambes, tremblant de peur »
(p.9). La \gure du crocodile condense ainsi en une image
ce temps qui, pour ne pas passer, n’en reste pas moins
menaçant. Castrateur et dévorateur, le reptile poursuit
inexorablement celui qui a voulu le fuir.

L’absence de temps peut avoir deux conséquences :


l’enfermement dans un temps \gé au sein duquel plus rien
ne change (c’est par exemple celui de la Belle au bois
dormant, dans le château de laquelle tout est endormi) ou
le bouillonnement d’un monde dans lequel tout bouge
sans que rien, jamais, ne change.

Paradoxalement, Peter Pan, comme son double adulte le


capitaine Crochet, est un héros de l’errance. Ses aventures
n’ont ni but, ni \n et les pérégrinations du capitaine qui
sillonna toutes les mers du globe \gurent le destin d’un
Peter Pan qui serait adulte.

Peter Pan, :gure des agonies


primitives en thérapie
D’où naît la dystemporalité que \gure Peter ? Le roman de
Matthew Barrie semble proposer deux éléments de
réponse à cette question.

Tout d’abord, Peter ne connaît ni son histoire ni ses


parents, ne laissant, au lieu de son passé, qu’un vide
angoissé dont on retrouve les traces dans ses
cauchemars.

Ensuite, le chemin qui mène au Pays Imaginaire est certes


\guré par un envol mais sa véritable origine est une
chute : les enfants perdus « sont tombés de leur landau
lorsque la bonne ne les regardait pas ». M. Berrie illustre ici
ce que Winnicott a décrit en parlant de défaut de portage
maternel et d’agonie primitive. La bobine décrite par Freud
n’a jamais pu faire retour dans le cas de Peter et
l’éloignement fut vécu comme un arrachement et un oubli.
« Moi aussi, déclare ainsi Peter à Wendy, je croyais que ma
mère laisserait toujours la fenêtre ouverte mais, à mon
retour, j’ai trouvé des barreaux à la fenêtre car ma maman
m’avait oublié et un autre petit garçon dormait dans mon
lit. Toutes les mères sont comme ça ».

Peter Pan - Extrait Les enfants…

Conclusion: Wendy ou les


di@cultés du thérapeute
Comment permettre de grandir à celui qui ne veut pas que
le temps passe ? La question se pose à Wendy comme au
thérapeute et l’on peut voir dans l’enfant une métaphore de
ce dernier.

Wendy, en effet, après avoir rencontré Peter, part dans son


pays imaginaire mais a pour objectif de l’en faire sortir
pour permettre au temps de passer – sans succès
toutefois. De ce point de vue, la \n du livre est
particulièrement intéressante pour nous. Peter promet de
voir Wendy pour « faire le nettoyage de Printemps » -
nettoyage qui n’est pas sans rappeler le « ramonage de
cheminée » dont parle la célèbre Anna O. Mais la durée qui
sépare chaque nettoyage est à la fois trop longue et trop
courte : si longue que Peter a tout oublié de ce qu’il avait
vécu la fois précédente, si courte qu’il revient comme si le
temps ne s’était pas écoulé. De la même façon, certains
patients semblent vivre l’espace entre les séances de
psychothérapie soit comme une éternité, soit comme un
instant ; sans doute d’ailleurs comme les deux à la fois. De
ce fait, la régularité des nettoyages de Printemps est aussi
diLcile à tenir pour Peter que, pour certains patients, la
régularité des séances. Peter manque un rendez-vous,
laissant Wendy l’attendre, puis revient l’année suivante
sans se rendre compte qu’il a manqué un an.

Dans le roman, Peter ne grandira pas, témoignant de la


longueur de ce pas permettant de franchir le seuil du
temps.

Voir mon article sur les abandons thérapeutiques


précoces

Pour aller plus loin


La face sombre de Peter Pan
Peter Pan, qui refuse de grandir et préfère vivre dans son
monde imaginaire, est à l’image de son créateur, James
M.Barrie, prisonnier de sa propre histoire familiale, qui
inventera un Peter Pan bien plus sombre que la version de
Disney.

Une vidéo réalisée par France Culture.

Une conférence sur l’enfance et


l’imaginaire dans Peter Pan
Dans le cadre du « cycle littéraire » proposé par
l’Université permanente de l’Université de Nantes, Philippe
Forest, professeur de littérature à l’Université de Nantes,
étudie Peter Pan, personnage de la littérature qui a
dépassé le cadre du livre pour prendre la forme d’une
\gure mythologique.

Philippe Forest - Autour du Pe…

À propos Articles récents

Vincent Joly
Psychologue et psychothérapeute en cabinet
libéral et en CMPP, Vincent Joly est professeur
à l'université Paris Descartes auprès des
étudiants de Master.Il a publié avec Pierre
Gaudriault : Construire la relation
thérapeutique, prévenir l'abandon précoce des
thérapies (éditions Dunond).

Résumé

Nom de l’article Peter Pan, une métaphore de la


thérapie

Description Peter Pan est un enfant enfermé dans


l'imaginaire. Bloqué dans le monde de
l'enfance, il représente ces personnes
qui souffrent dans leur rapport au
temps. Une diLculté que l'on retrouve
fréquemment en thérapie.

Auteur Vincent Joly

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