Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Santos de Aguilar - 2018 - 25.infractions Réglementaires en Matière de Santé Et de Sécurité Du Travail
Santos de Aguilar - 2018 - 25.infractions Réglementaires en Matière de Santé Et de Sécurité Du Travail
POINTS-CLÉS
5. Dans te cadre d’une infraction traitée sous le régime de responsabilité stricte, la poursuite
devra prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels de l’infraction qui
comportent, entre autres, la qualification du défendeur, lorsque requise. et l’élément maté
riel. En ce qui à trait à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la notion de danger sera
un élément essentiel dans les seuls cas où le législateur l’aura prévu. de façon expresse
ou implicite, dans la disposition décrivant l’élément matériel (V. nos 30 à 33 et 38 à 67).
6. Une fois les éléments essentiels de l’infraction établis, le juge n’aura d’autre choix que
de prononcer une condamnation si aucun moyen de défense n’est invoqué. L’article
60 du (‘ode de procédure pénale prévoit que les moyens de défense en matière pénale
et criminelle s’appliquent, en faisant les adaptations nécessaires pour ces dernières,
aux infractions pénales réglementaires. Sauf exceptions, le défendeur devta établir
ces moyens selon la prépondérance des probabilités. Au nombre de ces moyens on
retrouve la défense de diligence raisonnable, l’erreur de fait et l’erreur provoquée par
la personne en autorité (V. n’5 6$ à 8$).
7. Lorsque le défendeur est reconnu coupable, le juge impose une peine. Lors de cet exer
cice, le juge doit tenir compte des circonstances aggravantes et atténuantes entourant
l’infraction et celles relatives au défendeur (V. n°5 90 et 95).
INDEX ANALYTIQUE
I. INFRACTION RÉGLEMENTAIRE
Le droit pénal général comporte ainsi deux grandes catégories d’infractions, à savoir les
infractions criminelles et les infractions réglementaires. Ces deux catégories d’infractions
sont régies par des règles de droit substantivement différentes, d’où l’importance de bien
les distinguer.
minelles, vise à punir les comportements de ceux qui commettent des actes qui entraînent
une plus grande réprobation morale de la société puisqu’ils remettent en question ses
valeurs fondament ales1.
La Loi constitutionnelle de 18671 prévoit que c’est le gouvernement fédéral qui a compé
tence pour légiférer en cette matière, y compris en ce qui a trait à la procédure criminelle3.
1. R. e. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, 218-220, [1991] A.C.S. no 79.
2. Loi constilutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., R-U., c. 3.
3. Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., R-U., e. 3, art. 91(27).
d’infractions, à savoir les infractions réglementaires, elles visent à inciter les citoyens au
respect des nonnes de conduite qui encadrent l’exercice d’activités dans la société, activi
tés qui sont par ailleurs permises. Le tenue «réglementaire» s’entend donc, ici, dans son
sens large et ne se limite pas aux seules contraventions aux règlements adoptés en vertu
des lois habilitantes, mais inclut aussi les contraventions aux règles prévues par la loi1. Ces
nonnes concernent des questions de la vie quotidienne telles que la circulation routière,
l’environnement et le travail.
Le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces ont compétence pour légi
férer en cette matière2.
1. R. c. Whotesale Travel Group Inc., [199113 RC.S. 154,218-220, [1991]A.C.S. no 79.
2. Loi constitulloimelle de 1867, 30 & 31 Vict., R-U., c. 3, art. 9 1(29) et 92(15).
sance de ces infractions, appelées aussi «infractions contre le bien-être public»1, ainsi que
l’établissement des différents régimes de responsabilité applicables à celles-ci, remontent au
fameux atTêt qu’a rendu la Cour suprême dans l’affaire Sault Sic-Marte2. Les dispositions
relatives aux infractions réglementaires ont pour but d’inciter les citoyens au respect des
règles que la société s’impose en adoptant diverses lois visant chacune l’atteinte d’objectifs
particuliers. Elles répondent à l’impératif de «sérieusement prendre en considération les
victimes potentielles de ceux qui exercent des activités comportalit un danger latent»3. Ce
faisant, ces infractions assurent le maintien par un contrôle efficace de la société, «d’un
haut niveau d’hygiène et de sécurité publique ».
I. R, c. Sault Ste-Mane (Ville de.), [1978] 2 R.C.S, 1299, 1303, [197$] A.C.S, no 59,
2. 1?. c. SaultSte-A/Iarie (Ville de,), [197$] 2R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59.
3. R. c. Whofesale Troue! Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, 220, [1991] A.C.S. no 79.
4. 1?. c. SaultSte-Marie (Ville de,), [1978] 2R.C.S. 1299, 1310, [1978] A.C.S. no 59.
5. R. c. Sault Ste-Marie (Ville dc), [1978]2 R.C.S. 1299, 1310, [1978] A,C,S, no 59.
6. Objectif de la Loi sur la santé et ta sécurité du travail Dans le monde du travail, les
victimes potentielles à protéger sont celles qui exécutent la tâche, soit les travailleurs1. La
Loi sur la santé et la sécurité du travail vise ainsi à atteindre cet objectif non seulement
en protégeant les travailleurs même contre leurs propres erreurs2, mais aussi en éliminant
les causes d’accidents et de maladies du trayait3. L’article 2 Ls.s.t. énonce cet objectif:
2. La présente loi a pour objet l’élimination à la source méfie des dangers pour
la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.
[.1.
La Cour suprême explique cet objectif poursuivi par la loi comme suit:
L’article 2 qui, à son premier alinéa, énonce l’objectifde la Loi comme un objectif
de prévention, savoir «l’élimination à la source même des dangers pour la santé,
la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs)>, peut être considéré en un sens
comme énonçant un objectif négatif. Il s’agit par exemple de prévenir les acci
dents du travail. Mais l’envers positif de cet objectif et le moyen de l’atteindre,
c’est d’assurer au travailleur des conditions de travail qui respectent sa santé, sa
sécurité et son intégrité physique. Telle est, en une proposition, la philosophie
qui inspire toute la Loi.3
Quelques années avant que ne soit rendue la décision dans l’affaire SauÏt Ste-Marie’, la
Cour suprême était intervenue sur le sujet en distinguant les infractions réglementaires des
infractions proprement criminelles, les premières n’étant sujettes à l’exigence de la preuve
de la mens rea ou de l’intention coupable comme élément essentiel de l’infraction que si
les ternies de la loi le prévoyaient expressément2.
Dans l’arrêt Sauli Sic-Marie3, la Cour précise la portée de cette distinction en créant des
régimes de responsabilité particuliers pour l’infraction pénale réglementaire, comme nous
le verrons plus loin. La Cour consacre cette distinction en ces termes:
1. 1?. c. Sailli Sic-Marie (Ville de), [1978] 2 RC.S. 1299, [197$] A.C.S. no 59.
2. R. c. Pierce Fisheries Ltd., [1971] RC.S. 5, [1970] A.C.S. no 5$.
3. R. c. Sauli Sic-Marie (Ville de), [197$] 2 R.C.S, 1299, [1978] A.CS. no 59
4. R. c. San!! 51e-Marie (Ville de), [197$] 2 RC.S. 1299, 1302-1303, [197$] AC,S. no 59.
5. Partie I de la Loi constitullo,ïndlle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982,
R-U., c. 11)].
6. I?. c. 31g MDrug Mari Ltd., [1985] 1 RC.S. 295, [1985] A.C.S. no 17; R. c. Filzpatrick,
[1995]4RC.S. 154, [1995] AC,S, no 94; R. c. Stinchcomhe, [1991] 3 R.C.S. 326, [1991]
A.CS. no $3; R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C,S. 757, [2002] A.CS. no 76; R. c. Wholesale Travel
Group Inc., [1991] 3 RC,S. 154, [1991] A.C.S. no 79.
7. Thomson Newspapers Ltd. c. (anada (Directeur des enquêtes et recherches, €ominission
sur lespratiques restrictives du commerce). [1990] 1 R,C.S, 425, 506, [1990] A.C.S no 23.
8. Nature réglementaire des infractions dans la Loi sur la santé et la sécurité du tra
vail En matière de santé et de sécurité du travail, après avoir analysé de quelle manière
—
l’article 237 s’insère dans l’objectif de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le
Tribunal du travail a conclu, dans l’affaire C.S.S.T c. Contenants industriels liée’, que
les dispositions pénales contenues dans la loi ne sont pas de nature criminelle mais bien
réglementaire:
1. (‘.S.S. T c. Contenants Industriels liée, D.T.E, 87T-484, conf. par [198$] R.JQ. 1345 (C.S.).
2. CS.S.T c. (‘onk’nants Industriels liée, D.T.E. 87T-4$4, p. 13, 16 et 18.
pénale réglementaire est régie par le Code de procédure pénale1 qui spécifie, à son article
I, que celui-ci «s’applique à l’égard des poursuites visant la sanction pénale des infrac
tions aux lois [...1 ».
I. f ‘ode de procédure péna/e, RLRQ, c. C-25. 1.
10. Régimes de responsabilité Dans l’arrêt R. c. Sault Ste-Pufari& la Cour suprême éta
,
blit que trois régimes de responsabilité sont applicables aux infractions pénales de nature
réglementaire. Il s’agit de la responsabilité stricte, de la responsabilité absolue et du régime
de la mens rea clairement manifestée2.
I, Ï?. c. Sauli 51e-Marie «711e de,), [1978] 2 R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59.
2. Pour une présentation de ces différents régimes, voir: Alain MORAND, <cLes infractions
relatives au bien-être public», dans Collection de droit 2015-2016, Ecole du Barreau du
Québec, vol. 12, Droil pénal: infractions, moyens de défènse et peine, Cowansville, Editions
Yvon Biais, p. 23.
la plupart des infractions contre le bien-être public appartiennent généralement, est celle
de la responsabilité stricte ou responsabilité pour négligence. Pour cette catégorie, la
poursuite n’a pas, après avoir fait la preuve de l’élément matériel de l’infraction’, à prouver
l’existence d’un élément moral. L’élément moral minimal de négligence est ainsi présumé.
cable en droit pénal réglementaire est celui de la responsabilité absolue où, une fois la
preuve faite par la poursuite de l’existence de l’élément matériel de l’infraction, il n’est
pas possible pour l’accusé de se disculper en démontrant qu’il a fait preuve de diligence
raisonnable ou qu aucun element moral n est present Ce type de 1 egime renvoie donc au
concept de responsabilité sans faute. Il trouve application dans les cas d’exception où le
législateur manifeste expressément son intention à cet égard en indiquant, par exemple,
que la culpabilité résulte de la simple preuve de l’élément matériel’. Puisque ce régime
permet la condamnation d’un défendeur sans qu’un élément moral soit présent, il peut
ainsi entraîner la condamnation de personnes ayant une conduite irréprochable2. Cette
conséquence a mené la Cour suprême à déclarer ce régime inconstitutionnel dans les cas
où l’emprisonnement est prévu3.
Nous n’avons repéré aucun jugement qui applique ce régime de responsabilité aux infrac
tions prévues en matière de santé et de sécurité du travail.
1. J?. e. Sait!! Ste-Marie (Ville de,), [1978] 2 RC.S. 1299, 1326, [1978] A.C.S. no 59.
2. I?. e. San!! SIc-Marie (1711e de,), [197$] 2R.C.S. 1299, 1311-1312, [1978] A.C.S. no 59.
3. Renvoi sur la Motor VeÏnc!e Act Cotombie-BriIannique,) s. 94(, [1985] 2 RC.S. 486,
[1985] A.C.S. no 73.
en droit pénal réglementaire est celui où, en plus de l’élément matériel de l’infraction, le
poursuivant doit aussi prouver l’état d’esprit coupable du défendeur. Comme l’indiquait
le juge Dickson dans l’arrêt R. c. Saziit 81e-Marie1, ce type d’infraction est et doit rester
l’exception si on veut assurer tine application efficace de la législation réglementaire:
Attention
jtirisprudenc& et les auteurs2 s’entendent sur le fait que l’ensemble des infractions pré
vues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail doivent être traitées sous le régime de
la responsabilité stricte.
Même dans des cas où les articles semblent établir la responsabilité sans faute et édicter
ainsi que la culpabilité puisse être établie sur simple preuve de l’acte matériel, comme
l’article 3.l5.3(5)b) du Code de sécurité pour les travaux de construction3 relatif â la dis-
lance que les véhicules doivent garder du sommet des parois d’une excavation, la Cour du
Québec a retenu que c’est le régime de la responsabilité stricte qui s’applique et non pas
la responsabilité absolue4.
1. Voir entre autres (‘onimi.sxlo,i de la santé et de la sécurité du travail c. (‘ouverture Beauport
111e., [2008]J.Q. no 5413 (C.S.); Alex Couture inc. e. Co,nni&io;ide la santé dde la sécu—
rilé dii travail, [2008] J.Q. no 3242, 2008 QCCA 773; Québec (‘Commission de fa santé et
de la sécurité du travail, e. Constructions Zanetti Inc., [1995] J.Q. no 297 (C.A.).
2. Bernard CLICHE, Serge LAFONTAINE et Richard MAILMOT, li’aité de droit de la
santé et de la sécurité du travail, Cowansville, Editions Yvon BIais, 1993, p. 383; Jean-
Pierre VILLAGGI, La protection des travailleurs: l’obligation générale de f ‘employeur,
Cowansville, Editions Yvon BIais, 1996, p. 181-182; Tristan DESJARDINS, «Les infractions
prévues aux articles 236 et 237 de la Loi sur la santé et fa sécurité du travail: délimitation des
(5996) 25 / 10 Janvier2018
Fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail
16. Régime de responsabilité sous la Loi sur les accidents du travail et les maladies pro
Jèssionnettes Les dispositions du chapitre XV de la Loi sur les accidents du travail et les
maladies pmfèssionnelles doivent égal ement être traitées sous le régime de la responsabilité
stricte sous réserve des cas où la mens rea est clairement énoncée dans la disposition visée.
17. Mens rea à prouver sous la Loi sur les accidents du travail et les maladies profeswion
netles A la lecture du chapitre XV certaines infractions peuvent être considérées comme
tombant sous le régime de la mens rea au regard du libellé des dispositions qui en traitent.
Mentionnons, par exemple, l’infraction décrite à l’article 466 (vu l’utilisation, par le légis
lateur, du tenue « sciemment»). celle énoncée à l’article 463 ((<agir ou omettre d’agir fl
vue d’obtenir un avantage auquel la personne jt ne pas avoir droit»), de même que celle
apparaissant à l’article 460 (qui implique, comme élément essentiel, que l’employeur ait
agi en vue d’empêcher l’exercice du droit au retour au travail).
considère que cette infraction réglementaire est de la nature d’une infraction criminelle.
Elle assimile celle-ci au faux semblant que le Code criminel5 définit à son article 361. La
Cour supérieure est venue préciser dans l’affaire Bleau c. Comm&ien de la santé et de
la sécurité du travail que la connaissance exigée par cet article est prouvée par la mens
rea subjective6.
Dans l’affaire Rau’as7. le juge Burns précise, en regard de l’article 466 La.t.m.p., que de
par l’emploi du mot sciemment, l’infi-action décrite à cet article implique la preuve d’un
élément intentionnel.
Attention
En ce qui a trait à l’article 462 L.a.t.m.p., bien que la mens rea n’y soit pas clairement
manifèstéc, il semble y avoir une certaine controverse jurisprudentielle quant àla nécessité
de protiver celle-ci. Ainsi, dans l’affaire Marois8, la cour indique qu’à l’instar de l’article
463, l’article 462 exige la preuve de la mens rea. Sans toutefois l’affirmer clairement, la
coui; dans les affaires Duschesneau9 et Doré’°, semble en arriver à la même conclusion.
Toutefois, dans l’affaire Champagne”, décision la plus récente des quatre, la cour indique
clairement que l’infraction prévue à l’article 462 n’exige pas la preuve de l’intention cou
pable et qu’elle constitue une infraction de responsabilité stricte.
18. Objet de la cohabitation Pour inciter au respect des obligations incombant aux per
—
sonnes visées dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, deux processus coexistent:
un processus administratif et un processus judiciaire pénal’.
1. Voir au sujet de cette cohabitation: Alain MARCOTTE, «Les moyens de défense en matière
pénale dans le contexte de l’obligation de protection du travailleur, victime potentielle», dans
S,F.P.B.Q., Dé’eloppemenis récents en droit de la santé et sécurité au travail (200]), vol.
149, Cowansville, EditionsYvon Biais, 2001, p, 171, aux pages 173 à 177; Tatiana SANTOS
DE AGUILAR et Dominique TRUDEL, «Prévention des lésions professionnelles: une loi
et deux tribunaux pour l’interpréter», dans S.F.P.B.Q., vol. 346, Développeïnenis récents
en droit de la santé et sécurité ai, travail (‘2012), Cowansviile, Editions Yvon Biais, p. 85.
Les décisions de l’inspecteur peuvent faire l’objet d’une révision administrative3 et les
décisions qui découlent de celle-ci peuvent à leur tour faire l’objet d’un recours devant le
Tribunal administratif du travail4, le TAT. Le fardeau de preuve applicable dans le cadre
du processus administratif est celui de la preuve prépondérante et les règles de preuve et
de procédure qui gouvernent ce processus sont appliquées avec la souplesse inhérente au
droit administratif Le TAT n’est donc pas tenu à l’application des règles usuelles de preuve
et de procédure civiles5.
Ï. Voir les articles 182, 186, 217 et 218 L.s.s.t.
2. Voir l’article 191 L.s.s.t.
3, Voir l’article 191.1 L.s.s,t.
4. Voir l’article 193 L.s.s.t.
5. ItègÏernent sur la preuve et la procédure du Tribunal administratif du travail, RLRQ, c.
A-3.001, r. 12, art. 2.
20. Processus pénal Quant au processus judiciaire pénal, il est prévu au chapitre XIV
-
(articles 234 et suivants) de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il a pour objet de
sanctionner, par une amende, toute personne qui contrevient à la loi ou aux règlements. Les
poursuites pénales sont intentées par la CNESST ou par une association accréditée, avec
la permission d’un juge dans ce cas’, et elles sont instruites devant la Cour du Québec’.
Le Code de procédure pénale et les règles de preuve plus contraignantes ayant cours en
matière criminelle s’appliquent à ce processus3.
Attention
D’une part, le fait d’être l’objet d’une décision administrative n’a pas pour effet d’écarter
le processus pénal4 et les juges ne sont pas liés par les décisions prises dans le cadre du
processus administratif’.
pour la Cour d’appel il est possible de se référer aux critères développés par les tribunaux
administratifs pour comprendre la réalité entourant l’application de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail, ce que les tribunaux pénaux de première instance n’hésitent d’ail
leurs pas à faire6.
D’autre part, le tribunal pénal ne peut en principe se prononcer sur la validité d’une décision
administrative puisque cela permettrait alors au défendeur de court-circuiter les instances
administratives et d’amener « les tribunaux à se prononcer sur des questions à l’égard des
quelles ils ne sont pas les mieux placés»7.
21. Distinction entre les deux processus Le même principe de cohabitation des régimes,
—
pénal et administratif, s’applique aussi dans le cas de la Loi sur les accidents du travail et
les înaladiesprofèssiomïelles. Tout comme pour la Loi sur la santé et la sécurité du travail,
ce ne sont pas les mêmes règles et garanties qui s’appliquent aux deux régimes quant au
fardeau de preuve et aux règles de preuve et procédure. Conséquemment, en matière pénale,
les juges ne sont pas liés par les décisions prises dans le cadre du processus administratif1.
Les dettx régimes sont distincts et peuvent même aboutir à des résultats qui peuvent sem
bler contradictoires, mais qui ne sont pas incompatibles, comme l’indiquait d’ailleurs le
juge Lesage dans l’affaire (‘.8.8. L c. LajÏantme:
11 s’agit là d’un processus administratif qui ne crée aucune fin de non-recevoir à
une plainte pénale subséquente qu’une déclaration initiale est fausse. Les règles
L Procédure
u) Prescription du recours
son article 14, que les recours se prescrivent par un an à compter de la date de la perpétra
tion de l’infraction. Selon ce même article, une loi particulière peut toutefois fixer un délai
différent ou fixer le point de départ de la prescription à la date de la connaissance de la
perpétration de l’infraction ou à la date où se produit un événement déterminé par cette loi.
1. (ode de procédure pénale, RLRQ, c. C-251.
23. Prescription Loi sur ta santé et ta sécurité du travail Puisque la Loi sur lu santé
— —
et la sécurité du travail ne contient pas de telles dispositions spécifiques, c’est le délai d’un
an du Code de procédure pénale’ qui trouve application.
1. Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25. I
24. Prescription Loi suries accidents du travail et tes maladies professionnelles Pour
— —
ce qui est de la Loi suries accidents du travail et les maladies professionnelles, l’article
473 prévoit que les poursuites intentées pour les infractions se retrouvant au chapitre XV
de celle-ci se prescrivent par un an à compter de la connaissance par le poursuivant de la
perpétration de l’infraction. Par ailleurs, cette disposition prévoit aussi qu’aucune poursuite
ne peut être intentée s’il s’est écoulé plus de 5 ans depuis que l’infraction a été commise.
l)ans l’affaire C.8.8.T e. Seymour2, le juge Saint-Amaud spécifie que la connaissance doit
être celle d’une «personne raisonnable qui perçoit l’existence d’une infraction quelconque
à partir de faits idoines». Dans ce jugement, la connaissance a été établie à la date d’un
appel téléphonique anonyme indiquant que le défendeur travaillait, ce qui a mené l’enquê
teur de la CSST à consulter les dossiers d’indemnisation du travailleur qui prétendait être
sans emploi à la suite d’une lésion professionnelle.
Dans une autre affaire3, il est spécifié que la date de connaissance de l’infraction doit
être celle du moment où le poursuivant a reçu le dossier d’enquête et non le moment où
l’enquêteur chargé de l’application de la loi a débuté son enquête.
26. Fondement Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est consacré â l’article
—
11 b) de la Charte canadienne des droits et flbertés’. L’objet principal de cet article est la
protection des droits individuels des accusés, auquel se greffe un objet secondaire, soit
la sauvegarde de l’intérêt de l’ensemble de la société. Dans l’arrêt J?. e. Jordan2, la Cour
suprême du Canada exprime l’importance de ce droit comme suit:
Comme nous l’avons dit, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est d’une
importance capitale pour l’administration du système de justice criminelle du
Canada. Ce droit trouve son expression dans la maxime bien connue: «un retard
à rendrejustice équivaut à un déni dejustice». Un délai déraisonnable représente
un déni dejustice pour l’inculpé, les victimes, leurs familles et la population dans
son ensemble.3
Pendant près de vingt-cinq ans, c’est l’arrêt I?. c. Morin4 qui a servi de ligne directrice
en matière de délais déraisonnables. Le 8 juillet 2016, la Cour suprême du Canada est
par ailleurs venue modifier le cadre d’analyse proposé antérieurement5. En effet, dans un
arrêt partagé de cinq juges contre quatre, la majorité du plus haut tribunal du pays conclut
que le temps est venu de modifier les règles proposées dans l’arrêt 1?. e. Morin6 puisque ,
celles-ci engendrent des problèmes de nature tant théorique que pratique. Pour la Cour,
le cadre antérieur est trop complexe et difficile à saisir pour les participants du système
judiciaire. Il est, au surplus, devenu un fardeau pour les tribunaux de première instance,
qui sont déjà surchargés. Sur le plan pratique, il n’incite pas les participants du système
judiciaire à agir de manière préventive7.
1. Partie I de la Loi constituliojinelle de 1982 [annexe B de la Loi dc 1982 sur le (anada (1982,
c. 11)].
2. R. e. Jordan, 2016 CSC 27, [20161 1 R.C.S. 631.
3. R. e. Jordan, 2016 CSC 27, [20161 1 R.C.S. 631, par. 19.
4. R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, [1992] A.C.S. no 25.
5. R. e. Jordan, 2016 CSC 27, [2016J 1 R.C.S. 631.
6. R. e, Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, [1992] A.C.S. no 25.
7. R. e. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, par. 29-45.
27. Crïtères d’application — Voici comment la Cour suprême résume le nouveau cadre
d’analyse qu’elle propose:
instruites devant une cour provinciale au terme d’une enquête préliminaire). Les
délais imputables à la défense ne comptent pas dans le calcul visant à déterminer
si ce plafond est atteint.
Une fois le plafond présumé dépassé, le fardeau est inversé et le ministère
public doit réfuter la présomption du caractère déraisonnable du délai en invoquant
des circonstances exceptionnelles. Il doit s’agir de circonstances indépendantes
de la volonté du ministère public, c’est à dire de circonstances (I) raisonnable
ment imprévues ou raisonnablement inévitables, et (2) auxquelles il ne peut pas
être raisonnablement remédié. Si la circonstance exceptionnelle concerne un
événement distinct, le délai attribuable à cet événement doit être soustrait du
délai total. Si la circonstance exceptionnelle résulte de la complexité de l’affaire,
le délai est raisonnable.
Lorsque le délai est inférieur au plafond présumé, la défense, dans des cas
manifestes, peut faire la preuve que le délai est déraisonnable. Pour ce faire, elle
doit démontrer deux choses (1) qu’elle a pris des mesures utiles démontrant
qu’elle a fait des efforts soutenus pour accélérer la procédure, et (2) que le délai
a été plus long de manière manifeste que celui qui aurait été raisonnable que
prenne la cause.
• Pour /e,vaffitires en COU! d’instance, le tribunal doit appliquer le cadre d’analyse
selon le contexte et avec souplesse, tout en étant sensible au fait que les parties
se sont fiées à l’état du droit qui prévalait auparavant.
De ce cadre, il faut retenir qu’il y aura une présomption qu’un délai est déraisonnable
lorsqu’il sera supérieur au plafond fixé par la Cour suprême. Pour ce qui est des affaires
pénales réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail, ce plafond est fixé à
1$ mois, puisqu’elles sont instruites devant la Cour du Québec2. Ce sera alors au poursui
vant de repousser la présomption au moyen de circonstances exceptionnelles. Par ailleurs,
lorsque le délai est inférieur au plafond fixé, ce sera au défendeur de démontrer le caractère
déraisonnable du délai.
il tus (rations
Le cadre d’analyse de l’arrêt Jordan5 a été appliqué dans quelques affaires en matière de
santé et de sécurité du travail.
Dans le jugement Les industries Dore! Inc. c. Commission des normes de / ‘équité, de la
santé et de la sécurité du travail6 la défenderesse présentait oralement le jour même du
procès une requête en arrêt de procédure fondée sur l’article 1 lb) de la Charte canadienne
des droits et libertés7. Elle prétendait que le délai de 26 mois entre la délivrance du constat
d’infraction et la date du procès était déraisonnable, essentiellement parce que le plafond
de 1$ mois nouvellement établi dans l’arrêt Jordan8 avait été dépassé. Pour sa part, la
CNESST invoquait l’application des mesures transitoires énoncées dans ce même arrêt en
avançant que les parties s’étaient raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait au
préalable. Dans sa décision, le tribunal conclut en premier lieu que la requérante-défen
deresse ne pouvait pas présenter sa requête oralement le matin même du procès9. Pour ce
qui est de la question sur le fond, ptlisque le tribunal avait accepté de procéder à l’audi
tion de la requête avec le consentement de l’intimée-poursuivante, il dispose de celle-ci.
A cet égard, le tribunal conclut que délai résiduel d’environ 24 mois excède effectivement
le plafond établi dans l’arrêt Jordan. Par ailleurs, puisqu’il s’agissait d’une affaire déjà en
cours, des mesures transitoires devaient être appliquées. Le tribunal considère alors que
l’intimée-poursuivante ne pouvait agir autrement dans le contexte «pré-Jordan» et, au
surplus, dans un ressort aux prises avec des problèmes de retards systémiques. Il conclut
finalement que le prononcé de la décision dans l’arrêt Jordan ne devrait pas transformer
automatiquement en un délai déraisonnable ce qui aurait antérieurement été considéré
comme un délai raisonnabl&°.
Des jugements ont également rejeté des requêtes en arrêt des procédures fondées sur
l’article I lb) de la Charte canadienne des droits et libertés” dans les affaires Commission
de la santé et de la sécurité du travail c. Coffrage Lue Pelletier’2, Commission de la santé
et de la sécurité du travail e. Coffrage Alliance Ltée’3, Commission de la santé et de la
sécurité du travail c. Livraison Stérik Inc.’4 et Commission de la santé et de la sécurité du
travail c. 9230-1393 Ouébec inc. et Bertrand Lavoie’5.
Dans un deuxième temps, le juge statue sur les mesures transitoires de l’arrêt Jordan. À
ce sujet. il retient qu’en application du cadre d’analyse deMorin de $ à 10 mois ou celui de
1$ mois de Jordan, force est de constater que la poursuivante a failli à son devoir d’amener
la défenderesse à son procès dans un délai raisonnable’9.
1. R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, par. 105.
2. Voir l’article 3 du Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25. 1.
3. 1?. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, par. 96. Voir aussi R. c. Cody, 2017 CSC
3], par. 68-71.
4. 1?. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, par. 99.
5. R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631.
6. Jus industries Dorel inc. c. Commission des ,iormes de l’équité, de la santé et de la sécurité
du travail, [2016] J.Q. no 17269, 2016 QCCQ 14240.
7, Partie I de la Loi con,stitutionnelle de 1982 annexe B de la Loi de 1982 sur le (auada (1982,
R-U., c. ll)J.
8. R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631.
9, Les industries Derel inc. c. (‘onm,ission de,s uorme de l’équité, de la sauté et de la sécurité
du travail, [2016] J.Q. no 17269, 2016 QCCQ 14240, par. 9-15.
I t), Les industries J)orel inc. e. (‘onimission des normes de Ï ‘équité, de la santé et de la séct,rité
du travc,il, [2016] J.Q. no 17269, 2016 QCCQ 14240, par. 61.
Il, Partie I de la Loi constitt(ttonnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982,
R-U., c. 11)].
12. (‘ominission de la santé et de la sécurité du travail e, Coffrage Lue Pelletier, [2017] J.Q.
no 9429, 2017 QCCQ 7786.
13. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Coffrage Alliance Ltée, [2017] J.Q.
no 6527, 2017 QCCQ 5517.
14. Commission de la santé et de ta sécurité du travail c. Livraison Stérik Inc., [2017] J.Q.
no 10469, 2017 QCCQ 8640.
15. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9230-1393 Otié bec Inc., [2017] J.Q.
no 11622, 2017 QCCQ 9619.
16. Commi.ssion des normes de l’équité de lct santé et de la sécurité du travail poursuivante—
intimée c. (‘hantiers (“hihouganiati ltée, [2017] J,Q. no 9007, 2017 QCCQ 7450.
17. Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Ccxuada (1982,
R-U., c. Il)j.
18. Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travailpoursiuvante—
intimée c. Chantiers Chibeugamau ltée, [2017] J.Q. no 9007, 2017 QCCQ 7450, par. 34.
19. (‘onunission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail poursui’ante—
ititimée e. Chantiers Chibougamau ltée, [2017] J.Q. no 9007, 2017 QCCQ 7450, par. 46.
2$, Conseil pratique Afin d’éviter toute ambiguïté et de faciliter la computation des
délais, lors d’une demande de remise, il est conseillé d’en préciser le demandeur, d’expliquer
à la cour le motif et de mentionne; le cas échéant, si la défense renonce ou non au délai.
29. Principe Le Code de procédure pénale’ prévoit les demandes qui peuvent être faites
préliminairement, au cours de l’instruction ou après celle-ci. Au nombre de celles-ci figurent
la requête pour changement de district2, la requête pour détails3, la requête pour amende
ment’, la requête pour non-lieu5, la requête en rétractation de jugement6. Le tableau intitulé
Les demandes prévues par le Code de procédure pénale7 indique le délai et la procédure
applicables à ces demandes.
1. Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25,1.
2. Article 174(2) C.p.p.
3. Article 174(3) C.p.p.
4. Article 179 et 209 C.p.p.
5. Article 210 C.p.p.
5. Chapitre IX C.p.p.
7. Alain MARCOTTE, «Droit pénal dans le contexte de l’obligation de protection du travail
leur, victime potentielle: les infractions àlaLoi sur la santé et la sécurité du travail», dans
S.F.P.B.Q., vol. 263, Développements récents endroit de la santé et de la sécurité au travail
(2007), Cowansville, Editions Yvon Biais, p, i, à la page 79.
2. Preuve
30. Principe En matière pénale, deux niveaux de preuve sont applicables. D’abord, le
—.
poursuivant devra prouver hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels de
l’infraction. Une fois ces éléments prouvés, le défendeur pourra alors, selon les règles de
la prépondérance de preuve, présenter une défense.
31. Notion de doute raisonnable La notion de doute raisonnable est intrinsèquement liée
—
à la présomption d’innocence. C’est dans l’alTêtJ?. e. L/èhus1 que la Cour suprême a établi
et défini les paramètres applicables en matière de «doute raisonnable». A la lumière de cet
arrêt, le doute raisonnable est celui qui se justifie rationnellement en fonction de la preuve
ou d’un manque de preuve, et non en fonction de conjectures non appuyées par la preuve2.
Cette approche a évidemment été reprise en matière de santé et de sécurité du travail3.
illustration
Dans l’affaire C.S.8. T e. Plomberie Fortin Inc.4, l’employeur est accusé d’avoir «com
promis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un tra
vailleur alors que des travaux dans un creusement sont exécutés dans des conditions non
sécuritaires et dangereuses». La défense invoquait l’argument que les témoignages des
deux inspecteurs de la CSST contenaient des contradictions qui, affectant leur crédibilité,
suscitaient un doute raisonnable. Or, la Cour rejette l’argument avancé par le défendeur
en s’ exprimant comme suit:
Des contradictions peuvent effectivement influencer au niveau de la crédibilité,
mais je considère que l’ensemble des témoignages des inspecteurs étaient cré
dibles et fiables malgré ces petites différences mineures et elles n’écartent en rien
leurs dépositions sur les évènements. De ce fait, elles n’entachent pas la crédibilité
des inspecteurs au point de susciter cm doute raisonnable dans l’esprit du tribunal.5
[...] Le juge du procès pourrait donner des directives au jury au sujet de la crédi
bilité selon le modèle suivant:
Premièrement, si vous croyez la déposition de l’accusé, manifestement vous devez
prononcer l’acquittement.
Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l’accusé, mais si vous
avez un doute rai sonnabte, vous devez prononcer l’acquittement.
Troisièmement, même si [vous] n’avez pas de doute à ta suite de la déposition de
l’accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez,
vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable parla preuve de la culpabilité
de l’accusé.3
Attention
Bien entendu, cette approche ne doit être appliquée qu’aux témoignages contradictoires
portant SUt Ufl sujet pour lequel le défendeur adroit au bénéfice du doute raisonnable et non
pas sur les sujets pour lesquels il assume un fardeau de persuasion, comme, par exemple,
lors de la présentation d’une défense de diligence raisonnable.
1. R. e. W (1).), [1991]] R.C.S. 742, [1991] A.C.S. no 26.
2. 1?. c. W (D.), [1991] 1 R.C.S. 742, [1991] A.C.S. no 26.
3. R. ê. W (D.), [1991] 1 R.C.S. 742, 748, [1991] A.C.$. no 26.
4. Voir entre autres: (‘o,nmission de ta santé et de ta sécurité du travail e. Gagnon, [2006] J.Q.
no 6046, 2006 QCCQ 5644; Commission de la santé et de la sécurité dii travail e. 907!-
3686 Ouébec inc., [2011] J.Q. no 3756 (C.Q.); (onunission de ta santé et de la sécurité du
travail ê. 4208404 Canada inc., C.Q. HuIt, n° 550-63-000016-107, 17 février 2012,j. Auger;
(‘ommission de la santé et de la sécurité du travail e. 111517 Canada liée, [2013] J.Q. no
3972, 2013 QCCQ 3691; (‘omniission de la santé et de la sécurité titi trctvail e. Kingstou
Byet inc., [2013] J.Q. no 6158, 2013 QCCQ 5582; 3563677 (‘anada inc. c. Commission de
la santé et de la sécurité au travail, [2014] J.Q. no 19942, 2014 QCCS 6732; Commission de
la santé et de la sécurité du travail e. Aile,, Entrepreneur général inc., [2015] I.Q. no 5017,
2015 QCCQ 4727.
au doute raisonnable découle de l’opposition entre la règle selon laquelle les dispositions
pénales doivent s’interpréter restrictivement et la règle d’interprétation large et libérale
édictée par l’article 41 de la Loi d’interprétation2.
Dans Acibec (La Rose) Inc. c. Ouébec (‘Commission de la santé et de la sécurité du travail
CSS1)3, la Cour d’appel émet l’avis que l’interprétation stricte des dispositions pénales
signifie simplement que, si après avoir utilisé les règles ordinaires d’interprétation pour
déterminer l’intention du législateur, il subsiste encore une ambiguïté et un doute réel quant
au sens de la loi, l’accusé pourra alors bénéficier de ce doute et la loi devra être interprétée
en sa faveur. Même dans le cas des lois pénales, l’intention réelle du législateur doit être
recherchée par interprétation et eu égard au but et à l’objet de la loi en cause.
En 1993, la Cour suprême confirme la nécessité de recourir à l’objet de la loi pour inter
préter même une disposition pénale criminelle4.
3. Acibec (La l?ose) Inc. c. Ouébec (Commission de la santé et de la sécurité du travail CSST),
—
h] i)ivulgationde la preuve
36. Application en matière de droit pénal réglementaire Les principes élaborés par
—
la Cour suprême, dans l’arrêt Stinchcombe’, l’ont été dans un contexte de droit criminel.
La Cour émet d’ailleurs une mise en garde quant à la portée plus limitée du contenu de ce
droit ou quant à son effet moindre en droit pénal réglementaire2.
1. J?. c. Siinchcombe, [199113 R.C.S. 326, [1991]A.C.S. no 83.
2. R. e, Stinchcoinbe, [1991] 3 R,C.S. 326, 342, [1991] A.CS no $3.
Ce ne sera que dans des circonstances exceptionnelles, soit lorsque le défendeur démontre
que l’atteinte au droit est irréparable, que l’arrêt des procédures sera ordonné’. La Cour
suprême indique d’ailleurs ce qui suit:
Pour assurer l’équité des procès, ce n’est que lorsqu’il ne peut être remédié au préju
dice en ordonnant l’ajournement de l’instance et la communication de la preuve que
l’exclusion des éléments de preuve constituera une réparation convenable et juste.2
Citant ces propos de la Cour suprême, la Cour du Québec, dans une affaire rendue en
matière de santé et de sécttrité du travail, après avoir noté que le défendeur n’avait pas
établi que la communication tardive avait rendu le procès inéquitable, opte pour l’ajour
nement à titre de réparation3.
Attention1
Le droit du défendeur de connaître la preuve à laquelle ii doit répondre, droit visant à lui
permettre de faire un choix éclairé quant à l’opportunité de produire ou non une défense
(le droit de connaître la preuve qui pèse contre lui ou la preuve à réfuter), entre en jeu à
une étape subséquente du processus judiciaire pénal. Du point de vue constitutionnel, cette
composante du droit à une défense pleine et entière est par ailleurs respectée dès lors que la
poursuite, au procès, déclare sa preuve close, c’est-à-dire dès qu’elle a produit les éléments
qu’elle a choisis à l’intérieur de la preuve communiquée préalablement5.
38. Acteurs assujettis Différents acteurs sont assujettis à la Loi sur la santé et la sécurité
—
De plus, les articles 7 et $ L.s.s.t. visent spécifiquement la personne physique faisant affaires
pour son propre compte qui exécute, pour autrui et sans l’aide de travailleurs, des travaux
sur un lieu de travail où se trouvent des travailleurs, l’employeur et les personnes visées
dans les paragraphes I et 2 de la définition du mot « travailleur»’.
Dans le cas des personnes visées à l’article 7, celles-ci sont tenues plus précisément aux
obligations imposées par la Loi sur la santé et ta sécurité du travail à un travailleur et
aux obligations relatives aux produits, procédés, équipements, matériels. contaminants ou
matières dangereuses que cette loi ou les règlements associés imposent à un employeur.
Pour ce qui est des personnes visées à l’article 8, celles-ci sont uniquement tenues aux
obligations imposées en vertu de la loi à un travailleur. Précisons que, dans un arrêt récent,
la Cour d’appel a confirmé que la présence de travailleurs sur le lieu de travail n’est néces
saii’e que pour l’application des obligations prévues à l’article 7 par opposition à celles
à l’article $2,
Les personnes visées par ces paragraphes sont: une personne qui est employée à titre de
gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec
les travailleurs, un administrateur ou dirigeant d’une personne morale, sauf si une personne
agit à ce titre à l’égard de son employeur après avoir été désignée par les travailleurs ou une
association accréditée.
2, N’adeau c. Commissio,, de la santé et de la sécurité du travail, [2014] J.Q. no 6807, 2014
QCCA 1333.
L Notion d’employeur
38.1. Généralités La Cour suprême ayant précisé dans l’affaire Bel! Canada’ que la Loi sur
—
nous nous attarderons plus particulièrement à la notion d’employeur dans la présente section.
1, Bel! Canada c. Onébec (Commission de la santé dde la sécurité dé travah9, [198$] I R.C.S.
749, $00, [1922] A.C.S. no 41
38.2. Définition L’article 1 L.s.s.t. définit l’employeur de la façon suivante: une per
—
sonne qui, en vertu d’un contrat de travail ou d’un contrat d’apprentissage, même sans
rémunération, utilise les services d’un travailleur; un établissement d’enseignement est
réputé être l’employeur d’un étudiant, dans les cas où, en vertu d’un règlement, l’étudiant
est réputé être un travailleur ou im travailleur de la construction.
Ces deux notions ne sont pourtant pas définies à la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
Quant à la notion de «contrat d’apprentissage», celle-ci n’est pas définie au Code civil
du Ouébec. D’ailleurs, cette notion n’a été que très peu étudiée par la jurisprudence et la
doctrine en santé et sécurité au travail2.
Rémunération Avant que ne soit rendu l’arrêt Dionne3 par la Cour suprême du Canada,
la doctrine en matière de santé et sécurité du travail semblait opposer la notion de contrat
de travail à celle de contrat d’apprentissage en raison du fait que seul le contrat d’appren
tissage pouvait être à titre gratuit, alors que la rémunération était nécessaire à la formation
d’un contrat de travail4. Or, depuis l’arrêt Dionne> , il ne fait plus aucun doute que la rému
nération n’est pas un critère nécessaire à la formation d’un contrat de travail en vertu de la
Loi sur la santé et de la sécurité au travail. La Cour suprême indique ce qui suit à ce sujet:
La Loi définit le «travailleur» autrement que ne le fait le Code civil une per
—
sonne qui exécute un travail même sans rémunération, plutôt qu’un employé
qui travaille moyennant rémunération. Il est donc clair que le législateur avait
l’intention de rejoindre un ensemble de travailleurs beaucoup plus large que celui
qui est visé parla notion d’employé» dans le Code civil. Cette interprétation
plus généreuse de la notion de (<travailleur)> est non seulement justifiée par le
caractère de la Loi, qui est d’ordre public, elle est également permise par la dis-
position préliminaire du Code, qui prévoit que d’autres lois peuvent ((ajouter au
code ou y déroger» [...].
chantier, peut néanmoins être leur patron momentané s’il a le pouvoir de diriger les tra
vaux à effectuer sur ledit chantier. Il est alors considéré comme l’employeur aux fins de
l’application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
1. Voir, notamment C 5.5. T c. Construction et location Jenik lite., AZ-93 147005 (T.T.), suivi
dans Onébec «J’ominission de la santé et de la sécurité du travail,) c. Guay inc., [2001]
D,T.T.Q. no 94; Commiçsion de la santé et de la sécurité du travail c. Constructions Ferclau
inc., [2003] D.T.T.Q. no 13; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Groupe
Forlini Inc., [2004] DT.T.Q. no 56; Commïssion de la santé et de la sécurité du travail c.
Gucty inc., [2007] J.Q. no 4967, 2007 QCCQ 5197.
40.01. Obligation face à un travailleur d’un tiers L’employeur occupe un rôle si ce;;
tral en matière de prévention des lésions professionnelles qu’il sera tenu de respecter les
obligations contenues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail même à l’égard d’un
travailleur qui n’est pas à son service.
La Cour supérieure avait déjà confirmé dans l’affaire Niobec’, relativement à une infrac
tion à l’article 237. que les obligations en matière de santé et de sécurité du travail d’une
défenderesse qui exploitait une mine s’appliquaient à tous les travailleurs oeuvrant dans la
mine et non seulement aux travailleurs de celle-ci.
L’affaire Niobec a par la suite été suivie par la jurisprudence rendue en matière de santé
et de sécurité du travail2.
Mais c’est finalement dans l’affaire Sobeys3, dont l’autorisation de pourvoi à la Cour
suprême a été rejetée le 20 décembre 2012, que la question a été définitivement réglée par
un jugement de principe rendu par la Cour d’appel du Québec.
En effet, puisque dans l’affaire Niohec c’était une infraction visée à l’article 237 L.s.s.t.,
la défenderesse prétendait dans Sobeys Québec inc. c. Com,nisston de la santé et de la
sécurité du travail que les mêmes principes étaient inapplicables à une infraction relative
à l’article 236 avec référence à l’article 51. Or, la Cour d’appel n’est pas de cet avis. Elle
reconnaît plutôt expressément que la Loi sur la santé et la sécurité du travail couvre un
spectre plus large que la «relation traditionnelle d’emploi au sens le plus strict»4. Ce fai
sant, elle n’hésite pas à imputer à la défenderesse l’obligation, prévue à l’article 51 L.s.s.t.,
de s’assurer que son établissement était équipé et aménagé de façon à assurer la protection
des travailleurs, même à l’égard des travailleurs qui ne sont pas les siens>.
1 Conunission de la .s’anté et de la sécurité du travail e. Services minéraux industriels inc.
(Mine Niobec,), [2006] J.Q. no 5957, 2006 QCCS 3345.
40.02, Définition Le maître d’oeuvre, tout comme l’employeur, joue un rôle vital en
matière de prévention des lésions professionnelles. C’est lui qui, sur un chantier de
construction, «a la responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux»’.
1. Art. I L.s.s,t.
40.03. Critères Cette notion a fait l’objet d’une vaste jurisprudence en droit de la santé
—
Plus précisément, la Cour d’appel était saisie de la question de savoir â quel moment il faut
procéder à l’identification du maître d’oeuvre. Pour y répondre, elle procède à l’étude des
décisions rendues en la matière par les tribunaux judiciaires et administratifs. Elle propose
ensuite sa propre analyse de la définition de maître d’oeuvre en retenant quatre éléments à
considérer dans la détermination de cette notion:
40.05. Détermination des travaux à être exécutés En ce qui a trait au deuxième élé
ment, la Cour d’appel souligne qu’il faut « établir un portrait global du projet pour éviter
de scinder les étapes successives de réalisation des travaux en autant d’ensembles avec
des maîtres d’oeuvres distincts»1.
1. Commission de la santé e! de ta sécurité du travail e. Hydro-Ouébec, 2011 QCCA 1314,
par. 22, [2011] J,Q. no 9030.
Pour le savoir, l’étude des documents contractuels, lorsqu’ils existent, constitue un point
de départ pour la recherche de l’intention des parties. A défaut de tels écrits, il faudra
directement interpeller les parties pour déterminer leurs intentions. Dans un cas comme
dans l’autre, c’est la véritable intention des parties qui compte et celle-ci pourra être déter
minée à partir des règles usuelles en matière d’interprétation des contrats ou pourra aussi
se dégager du comportement des parties2.
La Cour accorde ainsi une grande importance au contrat intervenu entre le propriétaire
et le tiers puisqu’un maître d’oeuvre doit exister avant même le début du chantier. Par ail
leurs, elle ajoute du même souffle qu’<dl n’en demeure pas moins que le juge saisi d’une
poursuite pénale doit déterminer, au jour précis de l’infraction alléguée, qui était alors le
maître d’oeuvre du chantier » confirmant ainsi qu’il est possible d’avoir un changement de
maîtrise d’oeuvre en cour d’exécution des travaux sur le chantier.
40.07. Objet de la Loi sur la santé et la sécurité du travail — La Cour supérieure est venue
ajouter que, lors de la détermination du maître d’oeuvre, il y a lieu de s’assurer que le but
recherché par la loi qu’elle désignait comme étant «d’éliminer à la source les dangers
pour les travailleurs en édictant les obligations pour l’employeur et le maître d’oeuvre»,
est rempli’.
1. Maisons Laprise lite. c. (‘oinmission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCS
223, par. 39.
3. Notion de travailleur
ailleurs, en contrepartie des droits qui lui sont conférés par la Loi, des obligations lui sont
égal ement imposées4.
I. Articles 12 à 31 L.s.s.t.
2. Articles 32 à 48 L.s.s.t.
3. Article 10 L.s.s.t.
4. Article 49 L.s.s,t.
f...] reflète une intention claire d’étendre le plus largement possible la protec
tion en matière de santé et de sécurité du travail, y compris aux étudiants, aux
stagiaires, aux apprentis et aux travailleurs individuels, qu’ils soient rémunérés
ou non. Essentiellement, quiconque n’exerce pas un rôle de cadre et effectue un
travail pour un employeur adroit à la protection de la Loi.
1. Dionne c. Commission scolaire des Patriotes, [2014] 1 R.CS. 765, 774, [2014] A.CS. no 33,
par. 32.
Ces exclusions visent les personnes représentant l’autorité patronale1 et se retrouvent éga
lement à la définition de «salarié>) de l’article premier du Code du travaiP.
Carol JOBIN, «Statuts de salarié et d’employeur dans les lois du travail», dans JurisClasseur
Québec, coll «Droit du travail », Rapports individuels et collectifv du fravctil, fasc. 8,
Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, n° 116.
2, Code du trm’ail, RLRQ, c. C-27, art 1
40.1. Le chapitre des dispositions pénales de la Loi sur les accidents du travail et les mala
dies professionnelles cible certaines personnes spécifiques, mais comprend également des
dispositions qui peuvent viser toute personne.
41. Dispositions visant l’employeur L’article 458 L.a.t.m.p. vise l’employeur, tel que
défini par cette loi. Il édicte un certain nombre de dispositions auxquelles l’employeur
ne peut déroger sans être passible d’une amende. Au nombre de ces dispositions, nous
retrouvons celles concernant l’interdiction des sanctions à l’égard d’une personne exerçant
un droit en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies projèssionnelÏes,
de même que l’obligation de payer les 14 premiers jours, d’offrir les premiers soins et de
transmettre les rapports médicaux au travailleur. Les infractions et peines prévues à l’article
460 ainsi qu’à l’article 461 visent également l’employeur.
42. Autres acteurs visés Les dispositions pénales de la Loi sur les accidents du travail
et les maladies projèssionnelles visent également d’autres acteurs importants. C’est le cas,
entre autres, du professionnel de la santé ou de l’établissement de santé, du maître d’oeuvre
et de l’association de travailleurs autonomes ou de domestiques.
43. Quiconque Les articles 463 et 464 L.a.t.m.p. ne visent pas des acteurs en particu
—
lier. En effet, toute personne faisant une fausse déclaration à la CNESST ou agissant en
vue d’obtenir un avantage auquel elle sait ne pas avoir droit peut être poursuivie en vertu
de la loi.
B. Élément matériel
44. Articles créateurs d’infractions dans la Loi sur ta santé et ta sécurité du travail La —
Loi sur la santé et la sécurité du travail comporte deux articles créateurs d’infractions.
L’infraction décrite à l’article 237 est complète en elle-même et, selon la jurisprudence
unanime. son élément matériel comporte la nécessité de prouver un danger. Pour sa part,
celle que prévoit l’article 236 nécessite une référence à im autre article de la loi ou d’un
règlement de sorte que chaque infraction particularisée visée par l’article 236 doit être
analysée afin de déterminer si un danger est inclus dans l’élément matériel reproché.
45. Omniprésence de la notion de danger dans la Loi sur ta santé et ta sécurité du tra
vail I .a notion de danger est omniprésente dans la Loi str la sanlé et la sécurité du travail
et elle est au coeur même de l’objet de celle-ci puisqu’elle vise l’élimination à la source des
dangers. Dans presque tous les chapitres de la loi, on réfère expressément à cette notion1.
De plus. certaines dispositions, telles celle relative à l’obligation générale de l’employeur
tic prciidre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité
des travailleurs décrite au premier alinéa de l’article 51 et celle relative à l’interdiction de
compromettre directement et sérieusement la santé et la sécurité d’un travailleur dont il
est question à l’article 237, réfèrent implicitement à cette notion.
Toutefois, cette notion coexiste dans la loi avec la notion de risque. Il est donc important de
les différencier, et ce, même si, dans certaines circonstances, la différence peut être ténue.
Ces deux termes n’étant pas définis dans la loi, nous venons de quelle façon les tribunaux
et la doctrine les ont définis et distingués.
I. Voir, notamment, les articles 2, 3. 9. 12, 32, 40, 49, 51. 52, 59, 90, 167 et 186 L.s.st.
dans les seuls cas où le législateur l’aura prévu de façon expresse ou implicite dans la dis
position décrivant l’élément matériel. Ainsi, plusieurs articles tant de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail que des règlements adoptés en vertu de celle-ci n’imposent pas à la
poursuite le fardeau de faire la preuve d’un danger.
47. (as où le danger n’est pas inclus dans l’élément matériel C’est ainsi que, dans l’af
—
faire (‘.S.8 T c. (‘ompagnie 9014-2050 Ouébec Inc.’, la Cour du Québec. statuant sur une
infraction visée à l’article 236 L.s.s.t. relativement à une contravention à l’article 3.10.4(1)
du (‘ode de sécurité pour les travatix de construction2, conclctt que le défendeur ne peut
se soustraire à ses obligations légales en établissant qu’il a par ailleurs atteint l’objectif de
sécurité des travailleurs3. Dans trois autres affaires, la Cour a conclu que la notion de danger
n’était pas un élément essentiel des articles 3.15.3(1), 3.15.3(5) ou 3.15.4 dudit Code4.
De façon plus explicite encore, dans une autre affaire5, la Cour affirme que, lorsque le
texte de F article ne l’indique pas. il n’est pas requis de prouver le danger pour que l’obli
gation s’applique.
Une décision de la Cour supérieure, dans l’affaire 3563677 Canada Inc. c. Conmiission
de la santé et de la sécurité au travail6, traite spécifiquement de la question du fardeau
de la poursuivante de faire la preuve ou non du «danger» pour une infraction à l’ar
ticle 236 L.s.s.t. pour une contravention à l’article 2.9.1. al.1(l) du Code de sécurité pour
les travaux de cons truciion7.
Dans cette affaire, les appelantes-défenderesses prétendaient que le texte même de l’ar
ticle 2.9.1, al. 1(1) faisait implicitement référence à la notion de danger puisque cet article
impose à la poursuivante de prouver que le travailleur était «exposé» à une chute de plus
de trois mètres de sa position de travail. Cette preuve du danger n’ayant pas été faite, les
appelantes demandaient à la Cour supérieure d’accueillir leur appel. Or, la Cour rejette
plutôt ce motif d’appel puisqu’elle «[...] n’accepte pas l’idée qu’on puisse faire implicite
ment référence à un élément de danger»6. La cour conclut ainsi que «[...] l’actus reus qui
doit être démontré, c’est purement et simplement qu’il y a eu une situation où le travailleur
est exposé à une chute de plus de 3 mètres et rien de plus ».
I. C.S.S.L c. Compagnie 9014-2050 Onébec hic., C.Q. Charlevoix, n°240-63-000003-046 et
autres, 30juin 2005, j. Tremblay.
2. (‘ode de sécurité pour les travaux de construction, RLRQ, c. S-2. 1, r. 4.
3. C.S.S.T c. Compagnie 9011-2050 Onébec Inc., C.Q. Charlevoix. n°240-63-000003-046 et
autres. 30juin 2005, j. Tremblay, par. 28.
4. Connnission de la santé et de la sécurité du travail c. Construction Abri val Itéc’, [2007]
J.Q. no 17889, 2007 QCCQ 5907; Coimnissiou, de la santé et de la sécurité du travail c. Les
(‘onsiructionsC’JRB inc., (‘Q. Terrebonne, n°700-63-000821-092,3 mai 2010,j. Duperron
Roy, par. 25; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Constructions Jnftahec
inc., [20091 J.Q. no 16342, 2009 QCCQ 14459.
5. C.S.S.T e. Construction ïHcicl-APG hic., T.T. Montréat, n° 500-63-001072-94, 5 avril 1995,
j. Prud’homme, p. 2.
6. 3563677 Canada inc. e. Commission de la santé et de la sécurité au travail, [2014]
J.Q. no 19942, 2014 QCCS 6732,
7. Code de sécurité pour les travaux de construction, RLRQ, e. S-21, r. 4.
8. 3563677 Canada inc. e. Commission de la santé et de la sécurité au travail, [2014]
J.Q. no 19942, 2014 QCCS 6732, par. 20.
9. 3563677 Canada inc. c. Commission de la santé ci de la sécurité au travail, [2014]
J.Q. no 19942, 2014 QCCS 6732, par. 22.
48. Cas où le danger est inclus dans l’élément matériel La preuve d’un danger est
—
C’est ce qui a d’ailleurs été confirmé par la Cour d’appel dans l’affaire Domta,2. Se pronon
çant sur la validité d’un avis de correction fondé sur l’article 51(7) L.s.s.t. relativement à
un chariot non sécuritaire, la Cour affirmait:
Lajurispnidence majoritaire du Tribunal du travail reconnaît en effet que le
devoir d’un employeur n’est pas limité au respect de règlements existants ni
aux règlements qui pourront être adoptés par la Commission de la santé et de
h) l)éfinition du danger
49. Définition du danger La notion de danger, telle qu’étudiée par un auteur1 ayant
-.-
L’application de la définition du danger requiert donc une projection temporelle qui tient
compte du travail qui doit être effectué, des circonstances de son exécution et de la conduite
des travailleurs, en y incluant les erreurs qu’ils peuvent commettre dans ces circonstances.
L’appréciation du caractère dangereux d’une situation pourra généralement se déduire du
simple bon sens1.
1. Alain MARCOTTE, «Droit pénal dans le contexte de l’obligation de protection du travail
leur. victime potentielle: les infractions à la Loi sur la santé et la sécurité du trcn’ail», dans
S.F.RB.Q., vol. 263, Déi’eloppemeiits récents en droit de ta santé et de la sécurité au travail
(_‘OO7,, Cowansvifle, Editions Yvon Biais, p. 1, aux pages 32 à 34, ainsi que le tableau synop
tique relatifàla définition du danger selon les tribunaux judiciaires reproduit âla page 80:
2: Voir, entre autres : C’om,nission de la santé et de la sécurité du travail c. I,iclu.wies
lsocct,i hic.. [2007] J.Q. no 16264, 2007 QCCQ 15873: (‘onnuission de la santé et de
la sécurité du travail C. (‘tuiler & Bégin hic,, [200$] J.Q. no 7248, 200$ QCCQ 6769:
(‘onimission de la santé et de la sécurité du travail c. Auj—Mal Inc., [2008] J.Q. no 15254,
2008 QCCQ 9979; CSST c. Générale électrique du canada international inc., [2010]
J.Q. no 11226, 2010 QCCQ 9505,
3. Compagnie Abitibi-ConsoÏidated du Canada c. Commission de la santé et de la sécurité
du travail, [2009] J.Q. no 11276, 2009 QCCS 4707; Ross finlay 2000 inc. c. Commission
de la santé et de la sécurité du travail, [2011] J.Q. no 13357, 2011 QCCS 5049; Transport
et excavation Mascouche inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2011]
J.Q. no 18883, 2011 QCCS 6761; Québec (Ville de,) c. Commission de la santé etde la sécu
rité du travail ((‘3Sf,), [2016] J.Q. no 340, 2016 QCCS 208, par. 31.
4. commission de la santé et de la sécurité du travail c. Richard Garrett flectrique inc., [2006]
].Q. no 17753, 2006 QCCQ 17284, conf par [2007] J.Q. no 181, 2007 QCCS 47; Oué bec
(Ville de) c. Commission de la santé et de la sécurité du travail CSS1., [2016] J.Q. no 340,
2016 QCCS 208, par. 32.
50. Distinction entre danger et risque Les notions de risque et de danger coexistent
—
dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, mais doivent être distinguées. Les auteurs
Cliche, Lafontaine et Mailhot écrivent à ce sujet:
[...] Le risque «zéro» dans les milieux de travail n’est pas l’objectif visé par la
loi. Toute fonction, tout poste de travail et toute assignation de tâches comportent
un ensemble de risques plus ou moins élevés déterminés par la nature du travail
à exécuter. Un risque élevé ne constitue pas nécessairement un danger. Ainsi un
sapeur appelé sur les lieux d’un violent incendie exécute une tâche qui comporte
des risques élevés pour sa santé et sa sécurité. Le danger naît lorsque les conditions
d’exécution d’une tâche ou fonction sont inadéquates.
Le risque est donc l’ensemble des difficultés, contraintes et aléas inhérents à une
fonction, un poste de travail ou une assignation de tâches. [...]
Pour conclure à une situation de danger au sens de la loi, il faut que l’apprécia
tion objective et subjective des conditions de temps, de lieu et de moyens dans
lesquelles un travailleur exécute son travail soit telle qu’il en résulte, de façon
probable et imminente, une atteinte à sa santé, à sa sécurité et à son intégrité
physique)
La distinction entre ces deux concepts réside dans la probabilité associée à la survenance
d’une lésion2. Dans Conmiission de la santé et de la sécurité du travail c. 9189-5201 Ouébec
inc., la Cour du Québec souligne que le risque est de gravité moindre que le danger. Ainsi,
celui-ci doit être défini comme une simple possibilité par opposition au danger qui lui est
représenté par une simple éventualité3.
52, Lien de causalité Il fattt ensuite démontrer que celle situation inadéquate mène à
une éventualité de lésion et ainsi faire la preuve de ce lien causal’.
Leclere c. Maurecon Inc., T.T. Québec, n” 200-28-000584-83, 10janvier 1984, p. 4-6; C.SS. T
c, Oceantechc’onstn,ctio,, Inc., [19961J.Q. no 2721, [1996] D.TTQ. no 19, par. 13; C.SS.T
e. Lachance, T,T. Charlevoix, n” 240-63-000002-030, 4juillet 2003, par. 18; CXs.7: c.
Place Sanborn Inc. (La.), T.T. Montréal, n° 500-63-000236-957, 14septembre 1995, p. 6-7;
C.S.S.T c. Hôtel-Dieu deMontréat, T.i. Montréal, n’ 500-29-000012-904, 14mai 1990, p:
2 et 13.
Ainsi, selon les enseignements de la jurisprudence. une lésion est éventuelle si sa sur
venance est plus que possible sans être plus probable qu’improbable3. La probabilité de
matérialisation pourra alors être mince, pourvu qu’elle ne soit pas négligeable4.
Attention
En effet, le concept de prévisibilité peut renvoyer à deux situations qu’il est important de
distinguer: la prévisibilité intrinsèque à la situation inadéquate concernée pour ce qui est
de la prévisibilité du danger à la charge de la poursuite et la prévisibilité examinée du point
de vue du défendeur (d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances
que le défendeur) pour ce qui est des précautions raisonnables à prendre. Les précautions
raisonnables à prendre, et donc la prévisibilité du point de vue du défendeur, correspondent
à la défense de diligence raisonnable ou d’erreur de fait à la charge de la défense.
Le piège réside dans le fait de faire de la perception que le défendeur a de l’existence d’un
danger (de l’élément matériel) un élément essentiel de l’infraction et d’exiger, consé
quemment, que la poursuite le prouve hors de tout doute raisonnable, ce qui dénaturerait
l’infraction pénale de type réglementaire traitée sous le régime de la responsabilité stricte.
On imposerait ainsi à la poursuite le fardeau de démontrer hors de tout doute l’absence
d’erreur de fait raisonnable alors que, pour une infraction devant être traitée sous le régime
de la responsabilité stricte, l’erreur de fait est un moyen de défense. C’est pourquoi la
perception que le défendeur a de l’existence d’un danger, la prévisibilité du défendeur à
cet égard, doit être examinée dans l’optique d’une défense d’erreur de fait raisonnable à
la charge de la défenset.
Ainsi, si un élément de prévisibilité est à la charge de la poursuite, cela ne peut être que
celle qui est intrinsèque à la situation inadéquate concernée, soit l’éventualité ou la simple
probabilité que la situation réelle mise en preuve se matérialise en une lésion7. C’est ce
qu’est venue confirmer la Cour d’appel du Quéhec dans l’arrêt Coffrages CCCX.
54. Erreur humaine Pour conclure qu’une éventualité de lésion découle de la situation
—
inadéquate, il fattt tenir compte de l’erreur humaine moyenne susceptible d’être commise
par le travailleur et/ou de la nature des choses1. Cela s’explique par le fait que la Loi sur
la santé et la sécurité du travail a pour objet la protection des « travailleurs qui peuvent
potetitielleineit être victimes d’accidents en commettant des erreurs htimaines. C’est ainsi
ciu’il flint les protéger contre leurs propres erreurs.
I. 9(ri—3686 Inc. c. Cominissio,icle la santé etde ta sécurité du travail, [2014] J.Q. no 10258,
2014 QCCS 4449, par. 33 Ouéhec (1 ‘lle deY) c. (‘ommission de la santé et de la sécurité clii
travail (CSSY), [2016] J.Q. no 340, 2016 QCCS 208, par. 30.
2. C.S.S.L e. kIw’c J”ihatreault (‘ouvreur Inc., [2001] D.1.TQ, no 63, D.T.E. 20011-842,
par. 16.
Bien que la poursuite n’ait pas à démontrer la survenance d’un accident pour ren
contrer son fardeau de preuve, dans le cas présent, le danger s’est effectivement
matérialisé par un accident fatal. Alors que M. RodHgue fut la victime, en tombant
à travers l’ouverture masquée, un autre membre de cette équipe aurait pu être
visé. L’existence d’un danger imminent de blessures graves est donc évidente.
56, Principe L’élément matériel de l’article 237 L.s.s.t. requiert, en plus de la démons
—
tration d’un danger. tel que précédemment décrit, que ce dernier soit direct et sérieux.
Selon la jurisprudence, le caractère direct et sérieux réfère à des critères d’immédiateté et
de gravité. Ainsi, cette infraction exige que le danger puisse se matérialiser dans l’immédiat
et que la lésion éventuelle puisse être grave.
et de la sécurité du travail’, la Cour supérieure précisait en effet que les termes «directe
ment et sérieusement» doivent être interprétés comme s’ appliquant aux conséquences de
l’action plutôt qu’à l’action ou à l’omission2.
Ainsi, pour l’infraction décrite à l’article 237 Ls.s.t.. le danger doit pouvoir se réaliser
à court terme et pouvoir mener à une blessure grave, mais l’acte ou l’omission peuvent
constituer des «fautes légères en soi, ou même des faits non délictueux» puisque ce sont
les conséquences qui importent3.
1. G.S.S.T c. Contenants Industriels Ltée, D.TE. 87T-4$4, conf, par [198$] R.J.Q. 1345 (C.S.);
Plastipro (‘anada liée c. Co,nmissioî, de la santé et de la sécurité du travail, [2011] J.Q.
no 19228, 2011 QCCS 6960, par. 36-39.
2. Voir aussi: Com,nission de la santé et de la sécurité du travail c. Entreprises Landco Inc.,
[2004] D.TT.Q. no 71, par. 2; Commission de la santé etde la sécurité du travail c. Habitations
Serge Savard lue., T.T. Longueuil, n° 505-36-001022-067, 11 octobre 2006, par. 6.
3. Commission de la santé et de la sécurité du travail c, I?ichard Garrett Electrique Inc., [2006]
J.Q. no 17753, 2006 QCCQ 17284, par. 45, conf. par [2007] J.Q. no 181, 2007 QCCS 47.
58. Matérialisation du danger À noter que, tout comme dans le cas du simple danger,
—
pour faire la preuve que l’infraction prévue à l’article 237 a été commise, soit la compro
mission directe et sérieuse à la santé, la sécurité ou l’intégrité, il n’est pas nécessaire qu’il
y ait matérialisation effective du danger, tel que nous le rappelle la Cour d’appel dans
l’affaire Constructions Zanetti Inc.:
59. Cause de l’accident Bien sûi comme nous l’avons vu, lorsqu’il y a matérialisa
—
tion d’une situation inadéquate en accident, cela peut servir à démontrer l’existence du
danger mais, dans ce cas, il est important de préciser que la cause précise de l’accident
ne constituera cependant pas un élément essentiel de l’infraction1. il en est de même pour
l’établissement de la responsabilité de chacun des acteurs2.
Ï. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Constructions Ferclau inc., [2003]
D.T.T.Q. no 13, par. 70; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Maçonneries
TA inc., [2004] D,T.T,Q. no $5, par. 83 et 85; Commission de la santé et de la sécurité du
travail c. GastierM.P inc., 2012 QCCQ 7923,
2. Onébec (Commission de la santé et de la sécurité du travail) e. Techno films Inc., [2001]
D.TT.Q. no 26, par. 16.
60. Matérialisation du danger aux dépens d’une personne autre qu’un travailleur —
être établie, même si le danger s’est matérialisé aux dépens d’une personne n’ayant pas
cette qualification, si un travailleur a été exposé au même danger.
Illustration
Dans l’affaire Constructions FercÏau, il était question de deux personnes d’une mfme
équipe se trouvant sur une toiture, un travailleur et un non-travailleur, qui étaient exposés
au mêtiie danger. Or, pour la Cour, le fait que ce fut un représentant d’un employeur qui
avait subi un accident plutôt qu’un travailleur permettait tout de même de conclure que
l’infraction avait été commise puisque le danger aurait très bien pu se matérialiser aux
dépens du travailleur. La situation inadéquate décrite exposait le travailleur à une éven
tualité de graves lésions pouvant se matérialiser dans l’immédiat. L’existence d’un danger
imminent de blessures graves était donc prouvé&.
Attention
61.1. Affaire SEBJ Dans I’ affaire 8E3J1 la Cour d’appel est venue récemment affirmer,
,
que dans le cas d’un maître d’oeuvre, la poursuite devait également prouver, à titre d’élé
ment matériel de l’infraction énoncée à l’article 237 L.s.s.t., une action ou une omission
qui lui est propre.
La Cour d’appel a alors été saisie du dossier. Pour sa part, elle considère que les obliga
tions du maître d’oeuvre ne sont pas les mêmes que celles de l’employeur. Ce faisant, la
poursuite, pour pouvoir imputer au maître d’oeuvre une infraction en vertu de l’article 237,
doit faire la preuve d’une action ou d’une omission qui lui est propre. La Cour fait ainsi
droit aux arguments somnis par la SEBJ:
La Cour suprême du Canada ayant rejeté en date du 11 avril 2013 la demande d’autorisa
tion de pourvoi de la Commission de la santé et de la sécurité du travail à l’encontre du
jugement de la Cour d’appel, ce dernier est donc maintenant final5.
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société d ‘énergie de la Baie James,
[2012] J.Q. no 11244, 2012 QCCA 1910 (requête pour permission d’en appeler refusée,
[2012] C.S.C.R. no 541).
2. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société d’énergie de la Baie James,
[2010] J.Q. no 6733, 2010 QCCQ 5985.
3. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société d’énergie de la Baie Janies,
[2011] J.Q. no 12657, 2011 QCCS 4819.
4. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société d ‘énergie de la Baie James,
[2012]J.Q. no 11244, 2012 QCCA 1910, par. 16.
5. Onébec (Commission de la santé e de la sécurité du travail,) c. Société d’énergie de la Baie
James, [2012] C.S.C.R. no 541,
4. Élément matériel pour tes infractions prévues à ta Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles
62. Généralités Chaque infraction particularisée prévue par la Loi sur les accidents du
travail et les maladies projèssionnelles comporte des éléments matériels distincts. S’il n’y
a pas lieu de passer tous ces éléments en revue, certains méritent cependant des précisions.
63. Article 463 L.a.t.m.p. L’article 463 prévoit que «quiconque agit ou omet d’agir,
—
en vue d’obtenir un avantage auquel il sait ne pas avoir droit ou de se soustraire à une
obligation que la présente loi lui impose commet une infraction».
Les tribunaux ont eu à se pencher sur la notion d’avantage à laquelle réfère cette disposition.
Une lecture de lajurispmdence permet de conclure que cette notion doit être interprétée
largement. La simple possibilité d’influer sur un droit suffira1. Ainsi, l’avantage pourra être
éventuel ou conditionnel2 et viser une amélioration de la situation dans un sens très large3.
64. Article 27$ L.a.t.m.p. Une autre notion qui mérite d’être précisée est celle de «tout
-
changement dans [...] la situation [d’un bénéficiaire]» que l’on retrouve à l’article 278. 11 est
en effbt possible de poursuivre un bénéficiaire qui n’a pas informé sans délai la CNESST
de tottt changement dans sa situation, si cette information peut influer sur un droit que la
loi lui confère ou sur le montant d’une indemnité. L’article 462 prévoit l’infraction pour
contravention à l’article 278.
65, Article 465 L.a.t.m.p. —Tout comme l’article 236 L.s.s.t., l’article 465 L.a.t.rn.p. est
de portée générale et vise la contravention à toute disposition de la loi et de ses règlements.
C. Imputabilité
66. Principe En vertu des règles de la common Ïaw applicables, toute personne ayant
—
67. Application dans le cadre de la Loi sur la santé et ta sécurité du travail Lajuris —
l’employeur des actes commis par son préposé, à savoir un représentant. un mandataire
ou un travailleur à son emploi.
La Cour supérieure est d’ailleurs venue préciser que le «travailleur» auquel réfère l’article
239 L.s.s.t. n’a pas à être un tiers travailleur de l’employeur et qu’il peut être celui qui s’est
lui-même placé dans une situation qui compromet directement et sérieusement sa santé,
sa sécurité ou son intégrité physiqu&.
1 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Services Minéraux Industriels Inc.
(Mine NiobeçL [2006] J.Q. no 5957, par. 55, 2006 QCCS 3345; Commission de la santé et
de la sécurité du travail c. Constructions Ferclan inc., [2003] D.T.T.Q. no 13; (‘ommission
de la santé et sécurité du travail e. Domtar hic., [2004] J.Q. no 9239 (C.Q.); C.S.S. T c.
lôitures livis Floues inc., [2001] D.T.T.Q. no 60, par. 21, conf. par C.S. Montréal, n’ 500-
36-002514-019, 23 octobre 2001, j. Zigman; (‘onunission de la santé et de la sécurité du
travail e. 9089-5228 Ouéhec inc., [2006] J.Q. no 2376, 2006 QCCQ 2025; Coinimssion
de la santé et de la sécurité du travail c. Général électrique du ‘anada, C.Q. Montréal,
n 500-63-002202-064,9 novembre 2010,j. Lamontagne, conf. par [2011] J.Q. no 9829,
2011 QCCS 3777; ltoss Finlay 2000 inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du tra
vail, [2011] J.Q. no 13357, 2011 QCCS 5049. par. 31-34: Commission de la santé dde la
sécurité du travail c. Soheys Ouébec inc., [2010] J.Q. no 22189, 2010 QCCQ 11989, conf.
par [2012] J.Q. no 6680, 2012 QCCA 1329 (requête pour permission d’en appeler refusée,
[2012] C.S.C.R. no 378); Commission de la santé et de la sécurité du travail c. (‘offi’ages
CCC ,‘tée, [2013] J.Q. no 15007, 2013 QCCA 1875 (requête pour permission d’en appe
ler refusée, [20131 C.S.C.R. no 492). Voir cependant: C.gS.T c. 2421-4123 Oué bec hic.,
[2003] D.T.T.Q. no 132; Commission de Ici santé et de lci sécurité du travail c. I’ahricants
de plastique Fédéral Itée, [2006] J.Q. no 8061, 2006 QCCQ 3158, qui sont silencieux quant
à ta notion de contrôle.
2. 9098-9583 Onéhec inc. e. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2015] ].Q.
no16459,2015QCCS6495,par.22-27,conf.par[2016]J.Q. no 13117,2016QCCA1648.
6$. Généralités Une fois les éléments essentiels de l’infraction établis, le juge n’aura
d’autre choix que de prononcer une condamnation si aucun moyen de défense n’est invoqué.
L’article 60 du €ode de procédure pénale1 prévoit que les moyens de défense en matière
pénale et criminelle s’appliquent. en faisant les adaptations nécessaires, aux infractions
pénales réglementaires.
1. Code de pmcédure pénale, RLRQ, c. C-25. 1.
69. Principe Pour invoquer valablement ce moyen de défense, le défendeur doit établir
qu’il croyait, pour des motifs raisonnables. à un état de fait inexistant qui, s’il avait existé.
aurait rendu l’acte ou l’omission innocent1.
doit être raisonnable, cela implique que le défendeur doit démontrer qu’il a fait des efforts
raisonnables pour connaître la situation réelle. C’est pourquoi ce moyen de défense se
confond très souvent avec ta diligence raisonnable2.
1. 1?. c. SauliSte-Marie (Ville de), [19781 2R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59.
2. Voir, à titre d’illustration, l’arrêt R. e. Chopin, [1979] 2 R.C.S. 121, [1979] A.C.S. no 35,
où la Cour suprême, elle-même, semble confondre ces deux moyens de défense.
70. Fardeau de lreuve Ce moyen de défense doit être établi selon une preuve prépondé
—
rante et on peut penser que ce fardeau se justifie sous l’article premier de la Charte cana
dienne des droits et libertés1 de la même façon que pour la diligence raisonnable.
illustrations
Est-ce que cette erreur de fait est raisonnable dans les circonstances? S’il n’y a pas
de travaux et pas de raisons de penser qu’il doit y avoir des travaux, c’est-à-dire
que l’équipement se trouve sur un autre chantier, si le sous-traitant est respectueux
habituellement de la sécurité, si on n’ajamais eu de difficultés majeures avec lui
par le passé et, compte tenu qu’il s’agit d’un complexe de développement rési
dentiel de plusieurs maisons, si le matériel se trouve sur un autre chantier, il est
raisonnable à ce moment-là de pouvoir penser qu’il n’y aurait pas de travaux et
que personne ne se présenterait sur le chantier à ce moment-là.
Dans une autre affaire, le Tribunal du travail a estimé que, lorsque l’employeur est accusé
d’avoir contrevenu à l’article 237 L.s.s.t., alors que toutes les circonstances indiquent des
éléments de hasard difficilement imaginables par la direction d’une entreprise, des réac
tions inexplicables et inexpliquées, ou une réaction en chaîne d’éléments pour le moins
surprenante, il doit être acquitté3.
En outre, l’expérience des travailleurs peut parfois justifier une surveillance moins étroite,
lorsque les fautes commises étaient imprévisibles pour l’employeur4. Cela dit, encore faut
il que cette croyance soit raisonnable. C’est ce qu’a conclu le Tribunal du travail dans
l’affaire Roireau c. Oue//ette:
L’ inculpé savait ou devait savoir que dans l’accomplissement des travaux de bri
quetage de la partie supérieure de la cheminée, ses travailleurs auraient à oeuvrer
à proximité de la ligne électrique,5
1. Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur te Canada (1982,
R-U., c. 11)].
tration de l’infraction n’est pas pertinente à l’égard d’un élément à charge de la poursuit&.
Elle est plutôt considérée aux fins d’examiner l’existence d’une défense d’erreur de fait
raisonnable2.
Pour évaluer la faute commise par le travailleur, dans un autre jugement, la Cour du Québec
indique qu’il faut se placer du point de vue de celui-ci. Lorsque, comme c’était le cas en
l’espèce, le travailleur est limité par son instruction, il revient à l’employeur d’évaluer et
tenir compte des aptitudes de celui-ci pour ajuster ainsi sa formation en conséquence7.
I. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Coffrages CCC liée, [2013]
J.Q. no 15007, 2013 QCCA 1875 (requête pour permission d’en appeler refusée, [2013]
C.S.C.R. no 492).
2. (‘ommission de la santé e! de la sécurité du travail c. Domtar inc., [2004] J.Q. no 9239 (C.Q.);
Commission de la scmté et de la sécurité du travail c. Colore.v Inc., [200$] J.Q. no 7849,
200$ QCCQ 6516; commission de la santé et sécurité du travail c. Imprimerie Ste-Jiille
Inc., [2008J J.Q. no 9740, 2008 QCCQ 8606; Commission de la santé et de la séctirité du
travail c. Ehénisterie de ta Chaudière Inc., [2014] J.Q. no 876, 2014 QCCS 762, par. 46.
3. Com,nission de la santé et de la sécurité dtt travail e. 2750-9615 Ouébec inc., [2015]
J.Q. no 9816, 2015 QCCQ 9144, par. 57, Voir aussi: (‘ommission de la santé dde la sécurité
du travail e. 2855-2909 Oné bec inc., [2012] J.Q. no 1045, 2012 QCCQ 915, par. 98,
4. 9098-9583 Ouébec mc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2015] J.Q.
no16459,2015QCCS6495,par. 31-35,conf.par[2016]J.Q.no 13117,2016QCCA1648.
5. (‘ommission de la santé et de la sécurité du travail e. Général électrique du (‘anada, C.Q.
Montréal, n’ 500-63-002202-064, 9 novembre 2010, j. Lamontagne, conf. par [2011] J.Q.
no 9829, 2011 QCCS 3777.
6. Ross Finlay 2000 inc. e. Commission tic la santé et de la sécurité du travail, [2011] J.Q.
no 13357, 2011 QCCS 5049.
7. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 2855—2909 Ouébec inc., [2012] J.Q.
no 1045, 2012 QCCQ 915.
B. l)iligence raisonnable
72. Irincipe En droit pénal réglementaire, dans le cas d’une infraction traitée sous le
régime de la responsabilité stricte, un défendeur peut se disculper de l’infraction commise
en prouvant, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a fait diligence raisonnable,
Dans l’arrêt &mlt Ste-Marie, la Cour suprême enseigne ce qui suit:
Lorsqu’un employeur est poursuivi pour un acte commis par un employé dans
le cours de son travail, il faut déterminer si l’acte incriminé a été accompli sans
l’autorisation ni l’approbation de l’accusé, ce qui exclut toute participation inten
tionnelle de ce dernier, et si l’accusé a fait preuve de diligence raisonnable, savoir
s’il a pris toutes les précautions pour prévenir l’infraction et fait tout le nécessaire
pour le bon fonctionnement des mesures préventives.’
1. R. e. SauliSte-Marie (Ville de1, [1978] 2 R.C.S. 1299, 1331, [1978] A.C.S. no 59.
Dans l’approche qui a été adoptée par notre Cour, il s’agit en réalité de laisser au
prévenu la possibilité et le fardeau de démontrer une diligence raisonnable. On
applique à ce moment une norme objective, qui apprécie son comportement par
rapport à celui d’une personne raisonnable, placée dans un contexte similaire.’
Or, pour atteindre cet objectif de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le législa
teur a imposé à l’employeur de lourdes obligations, dont l’obligation générale prévue à
l’article 51 L.s.s.t. de (<prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer
la sécurité et l’intégrité physique du travailleur», qui implique de faire (<tout ce qu’il est
humainement logique et raisonnable de faire ». La défense de diligence raisonnable doit
alors être analysée en regard également de ces obligations imposées à l’employeur par la
loi5.
1.Conunission de la santé et de la sécurité du travail e. RaymondMartin Itée, [2003]
J.Q. no 14772, par. 6 (C.S.).
2. R. c. San!! Ste-Marie (Ville de), [197$] 2 R.C.S. 1299, 1310, [1978] A.C.S. no 59.
3. Art, 2 L.s.s.t.
4. Domtar inc. c. Onéhec fComnaission d’appel en matière de lésionsproftssionnetles,), [1990J
J.Q. no 1435, [1 990] R.J.Q. 2190, 2192 (C.A.), citant Couture e. Hydro-Onéhec, D.T.E. 82T-
746.
5. Commission de la santé et de la sécurité dt, travail c. Groupe Lebel 2004 inc., [2015]
J.Q. no 5016, 2015 QCCQ 4721, par. 33.
façon spécifique à l’égard de l’infraction et non pas à l’égard d’une conduite générale rai
sonnabl&.
75. Niveau de valeur probante Le niveau de valeur probante à atteindre pour prétendre
—
à la preuve prépondérante requise a été fixé comme suit par la Cour suprême dans l’affaire
Wholesale iavel Group:
Il ne s’agit donc pas de savoir si l’accusé a fait preuve d’une certaine diligence,
mais plutôt si le degré de diligence dont il a fait preuve était suffisant pour res
pecter la norme imposée. Pour lutter efficacement contre les auteurs d’annonces
trompeuses, les sociétés qui polluent l’environnement et les fabricants de mar
chandises nuisibles, il faut exiger qu’ils prouvent selon la prépondérance des
probabilités qu’ils ont pris des précautions raisonnables pour prévenir le préjudice
qui s’est en fait produit. Dans le contexte réglementaire, l’imposition d’une telle
charge n’a rien d’inéquitable; en fait, c’est essentiel pour assurer la protection de
notre société vulnérable.’
Il est par ailleurs établi que le niveau de valeur probante à atteindre n’exige pas pour le
défendeur de démontrer ta perfection puisque l’obligation de diligence raisonnable en est
une de moyens et non de résultat2. Une preuve «d’un agir modèle ou frôlant l’excellence
absolue» ne sera donc pas exigée du défendeur’.
1. 1?. e. Whoiesale &avel Group Inc., [199113 R.C.S. 154, [1991] A.C.S. no 79,
2. (‘onimission de la santé et de la sécurité du havai! c. 9202—9 781 Ouéhec inc., [2015]
J.Q. no 3374, 2015 QCCQ 3189, par. 32; (‘oimnission de la santé et de la sécurité du travail
c. Constructions Les Meilleurs 2011, [2016] J.Q. no 1755, 2016 QCCQ 1209, par. 43.
3. Commission des normes de l’équité dc la santé et de la sécurité dii travail e. Le Groupe
Majestik inc., [2017] J.Q. no 2547 2017 QCCQ 2015, par. 13.
76. Devoir de lrévoyance, devoir d’efficacité et devoir d’autorité C’est ce qui amené
—
les mesures de sécurité pour pallier les risques et former adéquatement les travailleurs sur
les façons sécuritaires d’effectuer les travaux. Finalement, le devoir d’autorité suppose le
contrôle du respect des règles de sécurité en manifestant avec autorité l’intolérance aux
cas de manquement’.
Illustration
La Cour du Québec, dans l’affaire Transpavé2, a confirmé que le respect de ces trois devoirs
est essentiel pour faire preuve de diligence raisonnable en matière de négligence crimi
nelle, de même que la Cour supérieure dans l’affaire Compagnie Abitibi-Consolidated du
(anada3, pour ce qui est des infractions pénales réglementaires prévues dans la Loi sur
la santé e. la sécurité du travail. Depuis ces décisions, la Cour du Québec a également
adopté cette approche dans plusieurs jugements4.
1 Sophie BOURQUE et Mathieu BEAUREGARD, «Quand l’accident du travail devient
un crime: C-21, la terreur des conseils d’administration)>, dans S.F.P.3.Q., vol. 220,
Développements récents en droit de la santé et sécurité au travail (2005), Cowansville,
Editions Yvon Biais, p. 109, aux pages 120 à 126.
2. R. c. Transpm’é inc., [200$] J.Q. no 1857, 200$ QCCQ 1598.
3. Compagnie A bitibi-ConsolidaieU du Canada c. Commission de la santé et de la sécurité du
travail, [20091 JQ. no 11276, 2009 QCCS 4707.
4. Voir notamment: Commission de la santé et de la sécurité tin travail e. 9075-5836 Onéhec
inc.. [20101 J.Q. no 13877, 2010 QCCQ 1 1568; Coimnission de la santé et de la sécurité du
travctil c. Constructions Infrahec inc.. [2009] J.Q. no 14611, 2009 QCCQ 12659 Commissiot,
de la santé et de la sécurité dii travail c. 9189-5201 Onéhec inc. (Monsieur filiatreauli
couvreur), [2013] J.Q. no 11865, 2013 QCCQ 10572.
Plus précisément, 1ajurispnideice nous indique quelles mesures l’employeur doit prendre
pour faire preuve de diligence raisonnable:
Ces moyens que l’employeur doit prendre pour s’assurer que ses directives sont
respectées et que ses employés travaillent en sécurité comprennent les suivants:
1. Vérifier que les employés sont munis de l’équipement de sécurité au moment
de leur départ vers le site;
2. rencontrer le(s) contremaitre(s) afin de faire comprendre l’importance des
instructions et les conséquences du non-respect;
3. faire surveiller les employés et/ou faire des visites de contrôle au chantier;
4. faire des rappels verbaux et subséquemment par écrit en cas de non-respect
des directives;
7$. t)iligence raisonnable attendue du maître d’oeuvre - De la même façon que pour
l’employeur, la jurisprudence a également énoncé les mesures que le maître d’oeuvre doit
mettre en place pour faire preuve de diligence raisonnable
[...] En guise de réponse à la question posée soit « qu’est-ce que le maître d’oeuvre
doit faire de plus?)), il s’agit d’agir positivement afin de s’assurer que les direc
tives émises sont effectivement respectées et que les employés travaillent en
sécurité. Les moyens à prendre peuvent être formulés comme suit
détenir un programme de sécurité;
s’assurer que les sous-traitants assistent aux réunions de sécurité sur le
chantier, le cas échéant, et qu’ils sont au courant des mesures de sécurité que
chacun doit respecter;
— rencontrer la personne responsable, chez le sous-traitant, afin de faire com
prendre l’importance des mesures de sécurité et les conséquences du non-
respect de celles-ci;
— vérifier que l’équipement de sécurité est disponible sur les lieux de travail:
— vérifier que ces équipements sont effectivement utilisés;
— faire surveiller les employés ou effectuer régulièrement des visites de contrôle
sur le chantier;
— faire des rappels quant à l’application des règles de sécurité et en cas de
non-respect de celles-ci OLI des directives émises, imposer des sanctions
appropriées.’
Cet ensemble de mesures qui doivent être mises en place pour que le maitre d’oeuvre fasse
pleuve de diligence raisonnable démontre que les tribunaux sont également exigeants en
matière de diligence raisonnable pour le maître d’oeuvre. Toutefois, comnie le précise la
Cour du Québec, cette liste ne saurait être vue comme étant «impérative ou exhaustive»2.
Attention
principe dégagé dans l’affaire C.S.S.T. c. Rayonex2, énonce que l’employeur ne peut se
disculper en invoquant que l’acte ou l’omission qui lui est reproché était le fait de son
contremaître3. De plus, dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail
c. Maçonnerie Demers inc.4, suivie et citée dans les affaires Commission de la santé et de
la sécurité du travail e. I?.B. Bélanger Couvreurs inc.5 et Commission de la santé et de la
sécurité du travail c. Sintra inc.6. la Cour a considéré que le geste posé par le contremaître,
en contravention avec la réglementation, «a pour effet de resserrer et d’alourdir davantage
les démonstrations par l’employeur d’avoir pris tous les moyens pour éviter de commettre
l’infraction ». Ce faisant, dans ces trois affaires, la participation du contremaître à l’acte
reproché a été jugée déterminante et a mené à des condamnations des défenderesses.
80, principe «À l’impossible nul n’est tenu», nous dit l’adage. Ce moyen de défense
—
de la nature de l’excuse pose comme principe que rien ne peut être reproché à celui qui est
empêché d’agir en raison d’un événement fortuit ou par une force majeure, Le défendeur
devra également démontrer qu’il lui était impossible d’agir autrement’.
1 (‘otnnn.s’sion de Ici santé et de la sécurité du travail e. (‘oopérctllve des techniciens anibu—
lanciers du Ouéhec, [2007] J.Q. no 9809, 2007 QCCQ 9499 Commission de la santé
et de la sécurité du travail e. Construction (K’P inc., [2009] J.Q. no 8385, 2009 QCCQ
7374 Comnussion de kt santé et de la sécurité du travail e. J?.B. Bélangeî Couvreur inc.,
[2011] J.Q. no 220, 2011 QCCQ 17l Conunission de ici santé et de la sécurité du travail
c. Couvreurs Denis (‘ourville inc., [2012] J.Q. no 6068, 2012 QCCQ 4908, Commission
de la santé et de la sécurité du travail e. CMS Entrepreneurs généraux inc., [2016] J.Q,
no 6177, 2016 QCCQ 4879. Voir aussi: Gisèle COTE-HARPER, Pierre RAINVILLE et
Jean TURGEON, ihiité de droit pénal canadien, 4 éd., Cowansvilte, Editions Yvon Biais,
1998, p. 1289-1296.
noncées sur la nature du fardeau de preuve que doit assumer le défendeur qui invoque une
impossibilité absolue d’agir. Par ailleurs, tout porte à croire que, comme pour la défense
de diligence raisonnable, il incombera au défendeur d’établir par prépondérance des pro
babilités l’existence de ce moyen de défense’.
Illustration
Il est très rare que les critères reconnus pour l’établissement de ce moyen de défense
soient remplis puisque le défendeur doit démontrer l’absence d’alternative. Nous avons
ainsi retracé un seul jugement accueillant une telle défense en matière de santé et de sécu
rité du travail. 11 s’agit de l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail e.
Coopérative des techniciens ambulanciers dïi Ouébec où il était question d’une poursuite
en vertu de l’article 184 L.s.s.t. reprochant au défendeur de ne pas avoir donné suite à un
avis de correction dans le délai imparti. Le défendeur, à savoir un employeur qui gérait une
coopérative de services ambulanciers, invoquait qu’il ne pouvait donner suite à l’avis de
correction qui exigeait de lui qu’il fournisse un moyen de communication alternatif afin de
permettre aux ambulanciers de communiquer en tout temps pour appeler de l’aide. Après
analyse, la Cour du Québec anive à la conclusion que le défendeur ne pouvait donner suite
â l’avis de correction parce qu’il lui était impossible d’enrayer complètement le risque
D. Nécessité
82. Principe La défense de nécessité sera accueillie si le défendeur démontre que l’in
—
fraction a été commise pour éviter un péril direct et immédiat et qu’il s’agissait du seul
moyen de faire face à la situation. La Cour suprême précise que trois éléments devront
être présents pour que la défense trouve application. Premièrement, il faut qu’il existe un
danger imminent. Deuxièmement, l’obéissance à la loi n’est pas possible. finalement, le
mal causé doit être proportionnel ou moindre que celui que l’on cherche à éviter’.
En matière de santé et de sécurité du travail, ces critères ont été analysés dans les affaires
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. St-Jean Baptiste (‘Municipalité d)2
et Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9189-5201 Québec inc.
1. R. c. ?erka, [1984] 2 R.C.S. 232, [1984] A.C.S. no 40; 1?. c. Latimer, [2001] 1 R.C.S. 3,
[2001] A.C.S. no 1.
2. [2007] J.Q. no 1265, 2007 QCCS 4953.
3. [2013] J.Q. no 11865, 2013 QCCQ 10572.
s’agit de la démonstration que l’acte matériel n’a pas été commis volontairement, le défen
deur ne devra satisfaire qu’à un simple fardeau de présentation’.
1. R. c. Perka, [1984]2 R.C.S. 232, [1984] A.C.S. no 40.
84. Principe L’existence de cette défense en droit pénal canadien a été confirmée par la
—
Cour suprême dans l’arrêt de principe Lévis (Ville de] c. Tétreaufl’. il s’agit d’une excep
tion à la règle de droit qui refuse de reconnaître que l’ignorance de la loi constitue une
défense valable2.
2. (‘ode criminel, LRC. (1985), c. C-46, art. 19, qui s’applique vu l’article 60 du Code de
procédure pénale, RLRQ, c. C-25. 1. Voir également: Lévis (Ville de.) c. Tétreault; Lévis
(1711e de,) c. 2629-1170 Oué bec inc., [2006] Ï R.C.S. 420, par. 21, [2006] A.C.S. no 12;
(‘ommissionde la santé etde la sécurité du lravallc. Duquette, [2008] J.Q. no 6197, par. 18,
2008 QCCS 2968.
3. I?. c. McDougall, [1982] 2 R.C.S. 605, [1982] A.C.S. no 89; R. e. (‘ancoil Thermal Corp.,
[1986] O.J. No. 290 (C.A.).
85. Conditions d’ouverture Les conditions d’ouverture à une telle défense ont été
-
établies par la Cour suprême dans l’affaire R. c. Jorgense& et réitérées dans l’arrêt Lévis
(Ville de) e. Tétreaufl2
Après son analyse de lajurispmdence, le juge en chef Lamer définit les éléments
constitutifs et les conditions d’ouverture de la défense. il impose au prévenu
l’obligation de démontrer la présence de six éléments:
(1) la présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de fait;
(2) la considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli;
(3) le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière;
(4) le caractère raisonnable de l’avis;
(5) le caractère erroné de l’avis reçu;
(6) l’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis.
Ainsi pour être recevable, cette défense exige non seulement la démonstration d’un geste
positif de la part du fonctionnaire responsable3, mais aussi la démonstration que cette erreur
est raisonnable. Par exemple, dans une affaire, la Cour du Québec estime que le fait qu’un
inspecteur n’exige pas le port du casque lorsque les travailleurs sont sur le toit est un avis
manifestement déraisonnable puisqu’il contredit l’article 2.10.3 du Code de sécurité pour
les travaux de construction4, qui exige le port d’un casque de sécurité pour toute personne
se trouvant sur un chantier de construction5.
À l’inverse, te fait que l’autorité publique tolère ou passe sous silence certains compor
tements contrevenant à la loi ne constitue pas une défense d’erreur provoquée par une
personne en atttorité. C’est ainsi que la Cour d’appel a infirmé un jugement de la Cour
supérieure qui avait pris en considération, pour un calcul en matière d’excès de vitesse,
le fait que la police avait une certaine tolérance par rapport au dépassement de la vitesse
maximale permise6.
1. 1?. c. Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55, par. 28-35, [1995] A.C.S. no 92.
2. Lévis (Ville de,) e. Tétreaidi; Lévis (Ville de.) c. 2629-4470 Qué bec inc., [2006] 1 R.C.S. 420,
par. 26, [2006] A.C.S. no 12.
3. 1?. c, Cancoil Thermal Corp., [1986] O.J. No. 290 (C.A.).
4. Code de séctirité pour les travaux de construction, RLRQ, c. S-2. I, r. 4.
5. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Couvertures Miche! Lamontagne
inc., [2015] J.Q. no 14734, 2015 QCCQ 13140, par. 32.
6. Ouét,ec (Procureur général,) c. Lévesque, [1992] J.Q. no 886, i.E. 92-1006 (C.A.).
86. Fardeau de preuve Quant au fardeau de preuve, il y a lieu de souligner que cette
—
Illustrations
Ces principes ont été appliqués dans quelques jugements en matière de santé et sécurité
du travail3. Il en ressort qu’ un acte positif de l’administration induisant en erreur doit être
démontré. À titre d’exemple, dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du
travail c. Fabricants de Plastique Fédéral Ltée3, la Cour du Québec indique que la tolé
rance et le silence des inspecteurs de la CSST lors de visites antérieures d’inspection de
l’établissement du défendeur ne peuvent être considérés comme une erreur par une per
sonne en autorité.
Dans une autre affaire, il est question de conseils erronés donnés par un avocat de pratique
privée5. La Cour supérieure saisie en appel de cette affaire s’exprime à ce sujet de la façon
suivante:
Il est vrai que la Cour suprême n’a pas voulu décider si l’avocat de pratique privée
qui donne un conseil à un jtisticiable peut être assimilé au représentant autorisé de
l’Etat. En l’espèce, accepter ce moyen de défense équivaut à dire que les intimés
ne sont pas responsables parce qu’ils ont suivi le conseil de leur avocat, conseil
tout à fait erroné, malhabile et incompétent. N’est-ce pas un moyen de défense
facile que de s’appuyer sur les mauvais conseils de son avocat? Moins l’avocat
sera compétent (ou scrupuleux..,), plus l’accusé aura des chances de bénéficier
de ce moyen de défense.
Si tant est que ce moyen de défense doive être accepté en droit canadien, les
circonstances de l’espèce ne s’y prêtent pas. L’avocat n’a pas témoigné et on ne
sait pas pourquoi il n’a pas fait les démarches appropriées auprès de la CSST pour
faire reporter l’assignation ou pour respecter les ordonnances.6
travail c. Planchers de bois francs C’hamh/y inc., [2012] J.Q. no 8241, 2012 QCCQ 6466;
(‘ommission de la santé et de la sécurité du travail c. (‘ouvertures Miche? Lamontagne
inc., [2015] J.Q. no 14734, 2015 QCCQ 13140.
4. (‘ommission de la santé et de la sécurité du travail c. Fabricants de plastique J’déra? liée,
[2006] J.Q. no 8061, 2006 QCCQ 315$.
5, t ‘ommission de la santé et de la sécurité du travail c. I)uque/te, [2008] J.Q. no 6197, 2008
QCCS 2968.
6. (‘Omînission de la santé et de la sécurité du travail c. l)uquette, [2008] J Q. no 6197,
par. 19-20, 2008 QCCS 296$.
7. t ‘oimnision de la santé et de la sécurité du travail c. Les Constructions (ZJRB inc., C.Q.
Terrebonne, n’ 700-63-000821-092, 3 mai 2010, j. Duperron Roy.
87, Principe Certains moyens de défense sont prévus expressément dans la loi ou les
—
règlements. Ce sont les exceptions. les exemptions et les excuses ou justifications. Encore
une fois, ces moyens de défense devront être établis par le défendeur selon une preuve
prépondérante. tel que le prévoit le deuxiême alinéa de l’article 64 du (ode dc procédure
pénale’
1. (‘c.de de procédure pénale, RLRQ, c. C-25,1. Voir à titre d’illustration: Lséavation Gérard
Pouliot inc. c. Conunission de ta santé et de la sécurité du travail, [2011] J.Q. no 1717$,
2011 QCCS 6184.
88. Articles 240 L.s.s.t. et 468 La.t.m.p. À titre d’exemple, mentionnons les articles
—
IV. CONTRE-PREUVE
89. Principe La poursuite doit présenter la preuve servant à établir tous les éléments
—
Illustration
À titre d’exemple. dans le cas des défenses de diligence raisonnable. d’erreur de fait.
d’impossibilité absolue et d’erreur provoquée, la contre-preuve pourrait ainsi être permise
en tout temps tandis que, pour la défense de nécessité ou toute autre défense ayant pour
objectif de soulever un doute quant à la perpétration de l’infraction, la contre-preuve ne
serait permise que si la poursuite ne peut prévoir le moyen de défense soulevé.
1. R. c.Biddle,[1995] 1 R.C.S, 761, [19951 A.C.S. no 22.
2. R. c. (‘haulk, [1990] 3 RC.S. 1303, [1990] A.C.S. no 139.
3. Alain MARCOTTE, « Les Moyens de défense en matière pénale dans le contexte de l’obli
gation de protection du travailleur, victime potentielle)), dans S.F.P.B.Q., Développements
récents en droit de la santé et sécurité au travail (2001), Cowansville, Editions Yvon Biais,
2001, p. 171, à la page 192.
V. SENTENCE
90. Principe L’imposition de la peine en matière réglementaire est prévue à l’article 229
du (‘ode de procédure pénale’. La détermination de celle-ci s’inscrit dans un processus
individualisé et doit tenir compte des circonstances particulières relatives à l’infraction
et au défendeur2. La peine devra, bien entendu, se situer entre les minimum et maximum
prévus par la loi.
Les règles ayant cours en matière criminelle pourront s’appliquer à titre supplétif en
matière réglementaire3. Se prononçant au sujet de l’objet de l’imposition de la peine, la
Cour suprême indiquait:
La détermination d’une peine juste et appropriée est un art délicat, où l’on tente
de doser soigneusement les divers objectifs sociétaux de la détermination de la
peine, eu égard à la culpabilité morale du délinquant et aux circonstances de
l’infraction, tout en ne perdant jamais de vue les besoins de la communauté et
les conditions qui y règnent.4
Au surplus. il est reconnu que la peine a pour objectif « «assurer le respect de la loi et la
prévention des infractions ».
1. Code de procédure pénale, RLRQ. c, C-251.
2. Code de procédure pénale. RLRQ. C. C-25.1, art. 229.
3. Autorité des marchés financiers c. Lacroi.v. [2009] J.Q. no 8329. 2009 QCCA 1559. Principe
reconnu en matière de santé et sécurité du travail: Commission de la santé et de la sécu
rité du trcn’aiÏ c. Municipalité dc’ Saint—Bernard, C.Q. Saint—Joseph—de-Beauce, n’ 350-63-
000012-101, 14 avril 2011, j. Emond; Commission de la santé et de la sécurité du tra’ail c.
JfSignahsatioiî 2000 inc., [2015] J.Q. no 14730, 2015 QCCQ 13147, par. 12.
4. R. c. LAI.. [2008] 2 R.C.S. 163, [2008] A.C.S. no 31.
91 Peine maximale La peine maximale ne peut plus être considérée comme étant
—
iéseivée au pire crime commis dans les pires circonstances par le pire des contrevenants.
et ce. depuis l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire J?. e. L M.’. En effet, il est toujours
possible d’imaginer un pire scénario que celui pour lequel la détermination de la peine
doit être faite:
[...] Il semble toutefois que ces peines maximales ne soient pas toujours infligées
lorsqu’elles pourraient ou devraient l’être, à cause de l’influence d’une idée ou
d’une attitude selon laquelle elles doivent être réservées aux pires cas, impliquant
les pires circonstances et tes pires criminels. Comme on le constate dans le présent
dossier, l’influence de cette conception amène parfois tesjuges à se lancer dans la
création de scénarios d’horreur qui dépassent toujours la réalité dont ils sont saisis.
En conséquence, les peines maximales deviennent pratiquement théoriques [...].
Comme le souligne le juge Morin dans ses motifs dissidents, la nature humaine
fait en sorte que l’on petit toujours imaginer un pire scénario que celui dont est
saisi le tribunal. Le juge Monn rappelle avec justesse l’importance d’éviter cette
recherche de situations fictives lorsqu’il s’agit de décider si l’on peut ou doit infli
ger la peine maximale prévue pour un crime donné. Cette approche correspond
à lajurispmdence récente de notre Cour.
Dans 1?. e, Cheddesingh. notre Cour a admis la nature exceptionnelle de la peine
maximale, mais a rejeté fermement la proposition voulant qu’elle doive être
réservée au pire crime commis dans les pires circonstances. Ainsi, on ne peut
icserver la peine maximale au scénario abstrait du pire crime commis dans les
pires circonstances. C’est encore le principe fondamental selon lequel la «peine
sera] proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du
délinquant» qui dictera la décision du juge du procès (art. 718.1 C. cr.). La pro
portionnalité sera atteinte par un «calcul complexe» dont le juge du fait maîtrise
les éléments mieux que quiconque. Sa position dans le système de détermination
de la peine justifie le respect dù à l’exercice raisonné de sa discrétion et l’attitude
de déférence et de retentie conseillée aux tribunaux d’appel en ces matières [...].
I. 1?. e. LAI., [200812 R.C.S. 163, [2008] A.C.S. no 31, par. 22.
2. 1?. e. LM, [2008] 2 R.C.S. 163, [2008] A.C S. no 31. par. 18-22. Principe reconnu en matière
de santé et de sécurité du travail : (‘onunission de la santé et de la sécurité du trm’aii e.
Location dnmtils Budget inc., [2009] J.Q. no 5531, 2009 QCCQ 4873; Coinmissioi, dc’ la
vanté et de la sécurité du travail e. 9789-5201 Onébec inc. (Monsieur Filiatreatiti cou ITeui.),
[2013] J.Q. no 16336, 2013 QCCQ 14262, par. 16; Commission de la santé eide la sécurité du
travailc. JP Signalisation 2000 inc., [2015] J.Q. no 14730, 2015 QCCQ 13147, par. 16. Voir
toutefois contra: Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Silicium Bécancouri
inc., [20121 J.Q. no 4550, 2012 QCCQ 3717.
91.1. Preuve sur sentence Les règles régissant la recevabilité de la preuve sur sentence
sont assouplies puisqu’«il n’est pas souhaitable d’imposer la rigueur et le formalisme
qui caractérisent normalement notre système de procédures contradictoires»’. Ce faisant,
une preuve par ouï-dire sera admissible lors de l’audience sur la peine si elle présente des
garanties de fiabilité et de crédibilité2. Toutefois, la nonne de preuve qui subsiste pour la
poursuite est celle de la preuve hors de tout doute raisonnable lorsqu’un élément en par
ticulier est contesté3.
92. Peines minimale et maximale prévues par la Loi sur ta santé et la sécurité du tra
vail La peine imposée pour une infraction à la Loi sur la santé et sécurité au travail devra
se situer entre le minimum et le maximum prévus à la loi pour l’infraction en question.
Les articles 236 et 237 L.s.s.t. prévoient des peines distinctes selon que le défendeur est
une personne physique ou une personne morale. De plus, ces articles prévoient des peines
plus fortes en cas de récidive ou de récidive additionnelle.
Ainsi, pour une première infraction, l’article 236 L.s.s.t. prévoit, pour une personne morale,
une peine minimale de 1 500 S et une peine maximale de 3000$. Quant à lui, l’article 237
L.s.s.t., prévoit que la peine peut aller de 15000$ à 60000 S pour une personne morale en
cas de première infraction.
Aux termes de l’article 237.1 L.s.s.t., entré en vigueur le ijanvier 2012, les amendes
établies aux articles 236 et 237 L.s,s.t. sont revalorisées annuellement selon la méthode
prévue aux articles 119 à 123 L.a.t.m.p.
Attention
Les recommandations sur sentence faites par les parties après la déclaration de culpabilité
devront en outre tenir compte de la preuve qui aura été présentée au procès.
93. Circonstances aggravantes Les tribunaux ont considéré comme étant des cir
—
par les tribunaux, la collaboration du défendeur’, son regret et sa compassion qui peuvent
notamment être exprimés par un plaidoyer de culpabilité2 ainsi que le lourd fardeau éco
nomique de la sentence pour celui-ci3.
(‘onunission de la santé et de la sécurité du travail C: Location cl ‘outils Budget inc., [2009]
J:Q. no 5531, 2009 QCCQ 4873:
94.1. Peine pour une société —Tant l’article 236 que l’article 237 Ls.s.t. sont muets quant
à la peine applicable à une société, telle une société en commandite.
Toutefois, avant que ne soit rendu le jugement de la Cour d’appel, à savoir le 7 décembre
2012, le législateur a adopté et sanctionné la Loi sur / ‘intégrité en matière de contrats
publics6 qui prévoyait notamment la modification du Code de procédure pénale avec
l’adoption du nouvel article 232.1. Cet article, qui est entré en vigueur à la date de l’adop
tion de la loi, prévoit que « sauf disposition contraire d’une loi, une peine applicable à une
personne morale s’applique également à une société».
Ainsi, l’entrée en vigueur de l’article 232.1 du Code de procédure pénale vient en quelque
sorte contrecarrer prospectivement l’effet du jugement rendu dans l’affaire Dollorama. Ce
faisant, pour les infractions commises avant le 7 décembre 2012, c’est l’article 232 du Code
de procédure pénale qui prévoit que la peine se situe entre 50$ et 2000$ qui s’applique. Par
ailleurs, pour les infractions commises à partir du 7décembre2012, la peine qui s’applique
est celle prévue pour les personnes morales aux articles 236 et 237 L.s.s.t.
1. Commission de Ici santé et de la sécurité du travail c. Dollarama, s.e.c,, [2010] J.Q. no 11233,
2010 QCCQ 9503.
2. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. i)olkua,na. sec.. [2011] J.Q. no 15413,
2011 QCCS 5630.
3. (‘oimnissionde ki santé etde la sécurité du trctvail c J)ollarama, s.e.c., [2013] J.Q. no 1432,
2013 QCCA 336.
4. Code de procédure pénale. RLRQ. chapitre C-25. I
5. Commission de la santé et de ta sécurité du travail c. i)oflarama. s.ec.. [2013] J.Q. no 1432,
2013 QCCA 336, par. 6.
6. Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics. L.Q. 2012, c. 25.
95. Peines minimale et maximale prévues par la Loi sur tes accidents du travail et les
maladies professionnelles pour une première infraction Les amendes prévues par la
—
Loi sur les accidents du travail et les maladies pro/èssionnelles varient d’une disposition
à l’autre et selon que l’infraction est commise par une personne physique ou par une per
sonne morale. Pour les infractions prévues aux articles 45$ à 460, la peine devra se situer
entre 500$ et 1 000$ dans le cas d’une personne physique et entre I 000$ et 2000$ dans
le cas d’une personne morale. Quant aux infractions prévues aux articles 461, 462 et 464,
l’amende pour une personne physique peut varier entre 300 S et 500$. Les peines les plus
élevées se retrouvent à l’article 463, qui prévoit une peine maximale de $000$ dans le
cas d’une personne morale. Finalement, lorsqu’une disposition ne prévoit aucune peine,
l’amende ne peut excéder 300$ s’il s’agit d’une personne physique et 500 S s’il s’agit d’une
personne morale’. Elle ne peut toutefois être inférieure à 50 $2,
En ce qui a trait aux amendes relatives â la Loi sur les accidents du travail et les maki
dit», professionnelles pour les sociétés, les commentaires faits ci-haut sur le sujet pour les
amendes à la Loi sur la santé ci la sécurité du travail s’appliquent mutandis ,nutandis.
L Ail. 465 L.a.t.m.p.
2. (‘ode de procéditre pétiole, RLRQ, c. C-251, art. 232.
BIBLIOGRAPHIE
BOUCHER, B,, «Les infractions pénales à la L.A.T.M.P. dans S.F.P.B.Q., vol. 50,
»,
2005, p. 109.
CÔTÉ, P.-A., Interprétation des lois, 4e éd.. Montréal, Éditions Thémis. 2009.
DESJARDINS, T., «Les infractions prévues aux articles 236 et 237 de la Loi sur la santé
et la sécurité du travail: délimitation des contours et limites de la responsabilité pénale»,
dans S.F.P.B.Q., vol. 334, Développements récents en droit de la santé e! sécurité tra au
GAGNON, R.P., Le droit du travail du Ouébec, 7e éd. par Langlois Kronstrùm Desjardins,
Cowansville, Editions Yvon Biais, 2013.
JOBIN, C., «Statuts de salarié et d’employeur dans les lois du travail dans JurisCiasseur
»,
Québec, cou. «Droit du travail Rapports individuels et colle cti/s du travail, fasc. 8,
»,
LÉTOU RNEAU, G. et P. ROBERT, Code de procédure pénale annoté 2016, 10e éd.,
Montréal, Wiison & Lafleur, 2016.
MARC(YFTE, A,, «Les moyens de défense en matière pénale dans le contexte de l’obli
gation de protection du travailleur, victime potentielle», dans S.F.P.B.Q., Développements
récents en droit de la santé et sécurité au travail (2t)01,), vol. 149. Cowansville, Editions
Yvon BIais, 2001, p. 171.
MORAN D, A., «Les infractions relatives au bien-être ptiblic », dans Collection de droit
2015-2016, Ecole du Barreau du Québec, vol. 12, Droit pénal: infractions, moyens de
défrnse et peine, Cowansville, Editions Yvon Biais, p. 23.
ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
Note aux lecteurs: cette table des matières renvoie tout d’abord à la première page de
chaque fascicule (le premier chiffre apparaissant dans les numéros de page étant celui du
fascicule). Ensuite, la table des matières détaillée de chaque fascicule est reproduite et les
chiffres qui suivent les titres des sections ou sous-sections sont des renvois précis aux
paragraphes du fascicule. Ainsi, dans le fascicule 25, la mention «Infraction réglementaire:
1-37» indique que le sujet est traité aux paragraphes I à 37 de ce fascicule.
Fascicule 25
Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail
Tatiana Santos de Aguilar 25 11
2. Preuve: 30-3 7
ci,) Fardeau de preuve: 3 0-33
b) Divulgation de la preuve: 34-3 7
II. Éléments à la charge de la poursuite: 3$-67
A. Qualification du défendeur lorsque requise: 38-43
I. Notion d’employeur: 38.1-40.0.1
2. Notion de maître d’oeuvre : 40.0.2-40.0-7
3. Notion de travailleur: 40.0.8-40,0,10
4. Diverses qualifications visées dans la Loi sur les accidents cia travail e! les
maladies profèssionnelles : 40.1—43
B. Élément matériel: 44-65
Ï. Danger au sens de la Loi sur la sanlé et fa sécurité du travail: 45—61. I
a C ‘as où le danger est un élément essentiel de / ‘infraction : 46—48
b,) Définition du danger: 49-55
2. Compromission directe et sérieuse â la santé, la sécurité ou l’intégrité
physique d’un travailleur: 56-61
3. Action ou omission spécifiques au maître d’oeuvre: 61.1
4.Élément matériel pour les infractions prévues â la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles’. 62—65
C. Imputabilité: 66-67
111. Moyens de défense: 6$-$8
A. Erreur de fait raisonnable: 69-71
B. Diligence raisonnable: 72-79
C. Impossibilité absolue d’agir: 80-$1
D. Nécessité: $2-$3
E. Erreur provoquée par une personne en autorité: 84-$6
F. Moyens de défense prévus par la loi: $7-88
1V. Contre-preuve: 89
V Sentence: 90-95
Fascicule 26
l)roit criminel et santé et sécurité du travail
Maryline Rosan 26 I 1
Introduction: l-2
1. Cadre législatif et principales modifications apportées au Code criminel: 3-4
il. Notion de négligence criminelle en santé et sécurité du travail: 6-21
A. Éléments constitutifs de la négligence criminelle: 7-li
SANTÉ ET
SÉCURITÉ
DU TRAVAIL
VOLUME 2
Directrices de collection
PROFESSEURE KATHERINE LIPPEL
Conseillers éditoriaux
PROFESSEURE ANNE-MARIE LAFLAMME
ME JEAN-SÉBASTIEN NolsEux
LexisNexis
JurisClasseur Québec Collection Droit du travail
—
Tous droits réservés. fi est interdit, sauf en conformité avec les dispositions de la Loi sur te droit
douieur, de reproduire ou sauvegarder ce document sous quelque support (incluant la photocopie
ou la sauvegarde électronique, soit de façon transitoire ou accidentelle, de ce document) sans la
permission expresse du titulaire de son droit d’auteur. Toute demande de permission pour
reproduction du document, en tout ou en partie, peut être adressée à la maison d’édition.
Avertissement. Quiconque commet une infraction aux droits d’auteur d’une oeuvre peut s’exposer
â des recours civils en dommages-intérêts et aussi à des poursuites criminelles.
Mise en garde et exonération de responsabilité. L’éditeur, les auteurs et quiconque a participé à
la production de la présente publication ne sont pas responsables des pertes, des préjudices, des
réclamations, des obligations ou des dommages découlant de l’utilisation ou de la consultation de
tout renseignement ou matériel contenu dans cette publication. Même si tous les efforts possibles
ont été faits pour assurer l’exactitude du contenu de la publication, il s’agit d’un document
d’information seulement, Dans la production de cette publication, ni l’éditeur, ni les auteurs ou les
contributeurs n’ont voulu donner de conseils juridiques ou professionnels. Il ne faut pas compter
sur cette publication comme si elle présentait de tels conseils. Quiconque a besoin de conseils
juridiques ou d’aide d’experts doit retenir les services d’un professionnel compétent. L’éditeur et
quiconque a participé à la création de cette publication rejettent toute responsabilité à l’égard des
résultats de toute poursuite intentée parce que l’on s’est fié aux renseignements contenus dans cette
publication et de toute erreur ou omission contenue dans l’ouvrage. Ils rejettent expressément toute
responsabilité à l’égard de tout usager de l’ouvrage.
LexisNexis Canada Inc. 1200, avenue McGill College, bureau 1100, Montréal, Québec H33 4G7
Service à la clientèle l-$00-668-6481 Icommandes@lexisnexis.ca! www.lexisnexis.calfr
Les ouvrages publiés dans le JurisClasseur Ouéhec sont développés par l’Éditeur avec
l’indispensable apport des directeurs de collection et des conseillers éditoriaux. Veuillez
toutefois noter que le contenu des fascicules relève de la responsabilité de chacun des auteurs.