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FASCICULE 25

Infractions réglementaires en matière de santé


et de sécurité du travail

Tatiana SANTOS DE AGUILAR*


Avocate, Direction des affaires juridiques, Commission des normes, de l’équité,
de la santé et de la sécurité du travail

À jour au 15 novembre 2017

POINTS-CLÉS

1. Les deux principales lois régissant le droit de la santé et de la sécurité du travail au


Québec, à savoir la Loi sur la santé e! la sécurité du travail et la Loi sur les accidents
du travail e. les maladies profèssionnelles, comportent chacune une section portant
spécifiquement sur les dispositions pénales (V. n° 1).
2. Les infractions qui y sont décrites sont de nature réglementaire. Ces dispositions ont
pour but d’inciter les citoyens au respect des règles que la société s’impose en adoptant
diverses lois visant chacune l’atteinte d’objectifs particuliers. Elles visent à encadrer
certaines activités dans le but de «protéger les victimes potentielles» (V. n° 2, 4, 5, 6
et 8).
3. Différents régimes de responsabilité s’appliquent à ces infractions réglementaires. Dans
l’affaire Saïtlt 51e-Marie, la Cour suprême distingue ces différents régimes et définit
letir champ d’application spécifique. Toutes les infractions visées par la Loi sur la santé
et la sécurité du travail doivent être traitées sous le régime de la responsabilité stricte.
Les dispositions du chapitre XV de la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles doivent également être traitées sous ce régime sous réserve des cas
où la mens rea est clairement énoncée dans la disposition visée (V. ns 10 à 17),
4. En ce qui concerne les règles de procédure, c’est le Code de procédure pénale qui régit
les poursuites pénales réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail (V.
OS
9, 22 à 25 et 29).
L’auteure désire remercier Alain Marcotte pour sa participation à la rédaction de la version
originale du texte.

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VIL Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

5. Dans te cadre d’une infraction traitée sous le régime de responsabilité stricte, la poursuite
devra prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels de l’infraction qui
comportent, entre autres, la qualification du défendeur, lorsque requise. et l’élément maté
riel. En ce qui à trait à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, la notion de danger sera
un élément essentiel dans les seuls cas où le législateur l’aura prévu. de façon expresse
ou implicite, dans la disposition décrivant l’élément matériel (V. nos 30 à 33 et 38 à 67).
6. Une fois les éléments essentiels de l’infraction établis, le juge n’aura d’autre choix que
de prononcer une condamnation si aucun moyen de défense n’est invoqué. L’article
60 du (‘ode de procédure pénale prévoit que les moyens de défense en matière pénale
et criminelle s’appliquent, en faisant les adaptations nécessaires pour ces dernières,
aux infractions pénales réglementaires. Sauf exceptions, le défendeur devta établir
ces moyens selon la prépondérance des probabilités. Au nombre de ces moyens on
retrouve la défense de diligence raisonnable, l’erreur de fait et l’erreur provoquée par
la personne en autorité (V. n’5 6$ à 8$).
7. Lorsque le défendeur est reconnu coupable, le juge impose une peine. Lors de cet exer
cice, le juge doit tenir compte des circonstances aggravantes et atténuantes entourant
l’infraction et celles relatives au défendeur (V. n°5 90 et 95).

TABLE DES MATIÈRES

Infraction réglementaire: l-37


A Distinction entre le droit pénal de nature réglementaire et le droit pénal
criminel: 2-9
B. Caractère propre du droit pénal réglementaire: 10-21
I. Différents régimes de responsabilité pénale: 10-1 7
2. Cohabitation du processus pénal et du processus administratif dans la Loi
sur la santé et la sécurfié du travail: 1$—20
3. Cohabitation du processus pénal et du processus admini stratif dans la Loi
sur les accidents du travail et les maladies Prc?/erio11nelles : 2 1
C. Règles de preuve et de procédure: 22-37
I. Procédure: 22-29
q) Prescription dït recours: 22-25
b,) Droit à un procès dans un délai raisonnable: 26-2$
e,) Demandes prévues par le Code de procédure pénale: 29
2. Preuve:30-37
u) Fardeau de preuve: 30-33
h,) Divulgation de lu preuve : 34—37
ii. Éléments à la charge de la poursuite: 3 8-67
A. Qualification du défendeur lorsque requise: 38-43
1. Notion d’employeur: 38.1-40.0.1

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fasc, 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

2. Notion de maître d’oeuvre: 40.0.2-4OE0-7


3. Notion de travailleur: 40.0.8-40.0.10
4. Diverses qualifications visées dans la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles: 40.1-43
B. Élément matériel: 44-65
1. Danger au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail: 45-61.1
a, Cas où le danger est un élément essentiel de 1 ‘infraction: 46-4$
b,l Dejinition du danger: 49-5 5
2. Compromission directe et sérieuse à la santé, la sécurité ou l’intégrité
physique d’un travailleur: 56-61
3. Action ou omission spécifiques au maître d’oeuvre: 61.1
4. Élément matériel pour les infractions prévues à la Loi sur les accidents du
travail et les maladies profrssionnelles: 62-65
C. Imputabilité: 66-6 7
III. Moyens de défense: 68-8$
A. Erreur de fait raisonnable: 69-7 1
B. Diligence raisonnable: 72-79
C. Impossibilité absolue d’agir: $0-$1
D. Nécessité: $2-83
E. Erreur provoquée par une personne en autorité: $4-86
f. Moyens de défense prévus par la loi: $7-88
1V. Contre-preuve: 89
V. Sentence: 90-95

INDEX ANALYTIQUE

Code de procédure pénale, 9, 22 Éventualité d’une lésion, 53


Demandes prévues, 29 Lien de causalité, 52
Prescription, 22, 23 Matérialisation, 55
Danger, 44-46 Diligence raisonnable, 72
Action ou omission du maître Appréciation objective, 73, 73,1
d’oeuvre, 61.1 Attendue de l’employeur, 77
Cause de l’accident (et), 59 Attendue du maître d’oeuvre, 78
Définition, 49 Devoirs de prévoyance, d’efficacité et
Direct et sérieux, 56 d’autorité, 76
Interprétation, 57 Fardeau de preuve, 74
Matérialisation, 58, 60 Manquement d’un représentant, 79
Inclus dans l’élément matériel, 48 Niveau de valeur probante, 75
Non inclus dans l’élément matériel, 47 Divulgation de la preuve, 34, 36
Preuve, 61 Défaut, 37
Risque (et), 50 Limites, 35
Situation inadéquate Doute raisonnable
Erreur humaine, 54 Notion, 31

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VU. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

Règles d’interprétation (et), 33 Loi sur les accidents du travail et les


Versions contradictoires (et), 32 maladies professionnelles, 1, voir aussi
Droit à un procès dans un délai raisonnable Régime de responsabilité
Critères, 27 Acteurs assujettis, 38, 40.1, 42
Demande de remise, 2$ Employeur, 41
Fondement, 26 Quiconque, 42
Employeur Elément matériel de l’infraction, 62-65
Critères, 39 Prescription, 24, 25
Momentané, 40 Processus administratif, 21
Obligation face au travailleur d’un Processus pénal, 21
tiers, 40.0.1 Maître d’oeuvre, 40.0.2-40.0.6
Erreur de fait raisonnable, 69 Moyens de défense, 62, voir aussi Diligence
Fardeau de preuve, 70 raisonnable, Erreur de fait raisonnable,
Faute contributive du travailleur (et), 71 Erreur provoquée par une personne en
Erreur provoquée par une personne en autorité, Impossibilité absolue d’agir,
autorité, $4 Nécessité
(‘ond ti ons d’ ouverture, 85 Contre-preuve (et), 89
Fardeau de preuve, $6 Prévus parla loi, $7, $8
Impossibilité absolue d’agir, $0 Nécessité, 82
Fardeau de preuve, $1 Fardeau de preuve, 83
Régime de responsabilité, 10
Infraction criminelle, 2, 3, 7
Absolue, 12
infraction réglementaire, 2, 4, 7, voir aussi
Loi sur la santé cl ta sécurité du
Moyens de défense, Régime de
travail, 14, 15
responsabilité
Loi sur tes accidents du travail et les
Imputabilité, 66 maladies projèssionnelles, 1 6, I 7
Objectif, 5 Mens rea, 13
Preuve hors de toute doute raisonnable, 30, Stricte, 11
voir aussi Doute raisonnable Sentence, 90
Procédure, voir Code de procédure Circonstances aggravantes, 93
pénale, Droit à un procès dans un délai Circonstances atténuantes, 94
raisonnable Peine maximale, 91
Loi sur la santé et la sécurité du travail, 1, Prévue par la loi sur lct santé et la
voir au,vsi Régime de responsabilité sécurité du liai ‘ail, 92
Acteurs assujettis, 38, voir auvs’i Prévue par la Loi sur les accidents
Employeur du travail et les maladies
Infractions réglementaires, $ prQ/eSsionflelles, 95
Elément matériel, voir Danger, Danger Peine minimale
direct et sérieux Prévue par la Loi sur la santé et la
Imputabilité, 67 sécurité du travail, 92
Objectif, 6 Prévue par la Loi sur les accidents
Prescription, voir Code de procédure dii travail et les maladies
pénale professionnelles, 95
Processus administratif, 18, 19 Peine pour une société, 94.]
Processus pénal, 1$, 20 Travailleur (notion), 40.0,8-40.0.10

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fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

I. INFRACTION RÉGLEMENTAIRE

1. Dispositions habilitantes Les deux principales lois régissant le droit de la santé et


de la sécurité du travail au Québec, à savoir la Loi sur santé et la sécurité du travaiP, et


la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles2, comportent chacune
une section consacrée aux dispositions pénales, que nous étudierons plus en détail dans
le présent fascicule. Il s’agit du chapitre XiV pour ce qui est de la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et du chapitre XV en ce qui concerne la Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles.
L Loi sur la santé et la sécurité du travail, RLRQ, c. S-2,1 [ci-après (CL.s.s.t. »].
2. Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, c. A-3.001 [ci-après
«L.a.tm.p. »].

A. Distinction entre le droit pénal de nature réglementaire et le droit


pénal criminel

2. Catégories d’infractions En droit canadien, les infractions pénales réglementaires,


desquelles relèvent les dispositions pénales en matière de santé et sécurité du travail, se


distinguent des infractions criminelles à proprement parler.

Le droit pénal général comporte ainsi deux grandes catégories d’infractions, à savoir les
infractions criminelles et les infractions réglementaires. Ces deux catégories d’infractions
sont régies par des règles de droit substantivement différentes, d’où l’importance de bien
les distinguer.

3. Infraction criminelle La première catégorie d’infractions, à savoir les infractions cri


minelles, vise à punir les comportements de ceux qui commettent des actes qui entraînent
une plus grande réprobation morale de la société puisqu’ils remettent en question ses
valeurs fondament ales1.

La Loi constitutionnelle de 18671 prévoit que c’est le gouvernement fédéral qui a compé
tence pour légiférer en cette matière, y compris en ce qui a trait à la procédure criminelle3.
1. R. e. Wholesale Travel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, 218-220, [1991] A.C.S. no 79.
2. Loi constilutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., R-U., c. 3.
3. Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., R-U., e. 3, art. 91(27).

4. Infraction réglementaire Quant aux sanctions relatives à la deuxième catégorie


d’infractions, à savoir les infractions réglementaires, elles visent à inciter les citoyens au
respect des nonnes de conduite qui encadrent l’exercice d’activités dans la société, activi
tés qui sont par ailleurs permises. Le tenue «réglementaire» s’entend donc, ici, dans son
sens large et ne se limite pas aux seules contraventions aux règlements adoptés en vertu
des lois habilitantes, mais inclut aussi les contraventions aux règles prévues par la loi1. Ces
nonnes concernent des questions de la vie quotidienne telles que la circulation routière,
l’environnement et le travail.

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VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

Le gouvernement fédéral et les gouvernements des provinces ont compétence pour légi
férer en cette matière2.
1. R. c. Whotesale Travel Group Inc., [199113 RC.S. 154,218-220, [1991]A.C.S. no 79.
2. Loi constitulloimelle de 1867, 30 & 31 Vict., R-U., c. 3, art. 9 1(29) et 92(15).

5. Objectif des dispositions relatives aux infractions réglementaires La reconnais —

sance de ces infractions, appelées aussi «infractions contre le bien-être public»1, ainsi que
l’établissement des différents régimes de responsabilité applicables à celles-ci, remontent au
fameux atTêt qu’a rendu la Cour suprême dans l’affaire Sault Sic-Marte2. Les dispositions
relatives aux infractions réglementaires ont pour but d’inciter les citoyens au respect des
règles que la société s’impose en adoptant diverses lois visant chacune l’atteinte d’objectifs
particuliers. Elles répondent à l’impératif de «sérieusement prendre en considération les
victimes potentielles de ceux qui exercent des activités comportalit un danger latent»3. Ce
faisant, ces infractions assurent le maintien par un contrôle efficace de la société, «d’un
haut niveau d’hygiène et de sécurité publique ».
I. R, c. Sault Ste-Mane (Ville de.), [1978] 2 R.C.S, 1299, 1303, [197$] A.C.S, no 59,
2. 1?. c. SaultSte-A/Iarie (Ville de,), [197$] 2R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59.
3. R. c. Whofesale Troue! Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, 220, [1991] A.C.S. no 79.
4. 1?. c. SaultSte-Marie (Ville de,), [1978] 2R.C.S. 1299, 1310, [1978] A.C.S. no 59.
5. R. c. Sault Ste-Marie (Ville dc), [1978]2 R.C.S. 1299, 1310, [1978] A,C,S, no 59.

6. Objectif de la Loi sur la santé et ta sécurité du travail Dans le monde du travail, les
victimes potentielles à protéger sont celles qui exécutent la tâche, soit les travailleurs1. La
Loi sur la santé et la sécurité du travail vise ainsi à atteindre cet objectif non seulement
en protégeant les travailleurs même contre leurs propres erreurs2, mais aussi en éliminant
les causes d’accidents et de maladies du trayait3. L’article 2 Ls.s.t. énonce cet objectif:
2. La présente loi a pour objet l’élimination à la source méfie des dangers pour
la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.
[.1.
La Cour suprême explique cet objectif poursuivi par la loi comme suit:
L’article 2 qui, à son premier alinéa, énonce l’objectifde la Loi comme un objectif
de prévention, savoir «l’élimination à la source même des dangers pour la santé,
la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs)>, peut être considéré en un sens
comme énonçant un objectif négatif. Il s’agit par exemple de prévenir les acci
dents du travail. Mais l’envers positif de cet objectif et le moyen de l’atteindre,
c’est d’assurer au travailleur des conditions de travail qui respectent sa santé, sa
sécurité et son intégrité physique. Telle est, en une proposition, la philosophie
qui inspire toute la Loi.3

1. commission de Ici santé et de la sécurité du trai.’ad c. Services Minércu,.v Industriels Inc.


‘Miiw Niobec,), [2006] J.Q. no 5957, par. 55, 2006 QCCS 3345.
2. Oué bec (Commission de lct santé et de la sécurité.) c. Afarc Filiatreauli (‘ouvreur Inc., [2001]
D.T.T.Q. no 63, par. 16, D.T.E. 200 1T-842.
3. Dionne c. Commissioti scolaire des Patriotes, [2014] 1 R.C.S. 765, 774, [2014] A.C.S. no 33.

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fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

4. Bel! C’anada c. Ouébec (‘Commission de la sanlé et de la sécurité du travail,), [198$] I R.C,S.


749, 800, [1988] A.C.S, no 41

7. Importance de la distinction Il est important de distinguer les infractions réglemen


taires des infractions criminelles, et ce, pour plusieurs raisons.

Quelques années avant que ne soit rendue la décision dans l’affaire SauÏt Ste-Marie’, la
Cour suprême était intervenue sur le sujet en distinguant les infractions réglementaires des
infractions proprement criminelles, les premières n’étant sujettes à l’exigence de la preuve
de la mens rea ou de l’intention coupable comme élément essentiel de l’infraction que si
les ternies de la loi le prévoyaient expressément2.

Dans l’arrêt Sauli Sic-Marie3, la Cour précise la portée de cette distinction en créant des
régimes de responsabilité particuliers pour l’infraction pénale réglementaire, comme nous
le verrons plus loin. La Cour consacre cette distinction en ces termes:

Bien qu’appliquées comme lois pénales par le truchement de la procédure crimi


nelle, ces infractions sont essentiellement de nature civile et pourraient fort bien
être considérées comme une branche du droit administratif à laquelle les principes
traditionnels du droit criminel ne s’appliquent que de façon limitée4

La jurisprudence subséquente en matière d’interprétation contextuelle des droits garantis


par la Charte canadienne des droits et libertés5 a également allinné l’importance de dis
tinguer les deux types d’infractions6. Ainsi, une modulation de l’étendue de la protection
de ces droits peut être nécessaire dans le cas des infractions réglementaires, comme en
témoigne le passage suivant de l’affaire Themson Newspapers Ltd. c. Qanada:

Depuis l’adoption de la Charte, les tribunaux canadiens ont répété à maintes


reprises que la norme du caractère raisonnable applicable dans le cas des fouilles,
des perquisitions ou des saisies effectuées dans le cadre de la mise en application
du droit criminel ne sera généralement pas appropriée pour déterminer le caractère
raisonnable dans le contexte administratif ou réglementaire.7

1. 1?. c. Sailli Sic-Marie (Ville de), [1978] 2 RC.S. 1299, [197$] A.C.S. no 59.
2. R. c. Pierce Fisheries Ltd., [1971] RC.S. 5, [1970] A.C.S. no 5$.
3. R. c. Sauli Sic-Marie (Ville de), [197$] 2 R.C.S, 1299, [1978] A.CS. no 59
4. R. c. San!! 51e-Marie (Ville de), [197$] 2 RC.S. 1299, 1302-1303, [197$] AC,S. no 59.
5. Partie I de la Loi constitullo,ïndlle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982,
R-U., c. 11)].
6. I?. c. 31g MDrug Mari Ltd., [1985] 1 RC.S. 295, [1985] A.C.S. no 17; R. c. Filzpatrick,
[1995]4RC.S. 154, [1995] AC,S, no 94; R. c. Stinchcomhe, [1991] 3 R.C.S. 326, [1991]
A.CS. no $3; R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C,S. 757, [2002] A.CS. no 76; R. c. Wholesale Travel
Group Inc., [1991] 3 RC,S. 154, [1991] A.C.S. no 79.
7. Thomson Newspapers Ltd. c. (anada (Directeur des enquêtes et recherches, €ominission
sur lespratiques restrictives du commerce). [1990] 1 R,C.S, 425, 506, [1990] A.C.S no 23.

8. Nature réglementaire des infractions dans la Loi sur la santé et la sécurité du tra
vail En matière de santé et de sécurité du travail, après avoir analysé de quelle manière

l’article 237 s’insère dans l’objectif de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le
Tribunal du travail a conclu, dans l’affaire C.S.S.T c. Contenants industriels liée’, que

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VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

les dispositions pénales contenues dans la loi ne sont pas de nature criminelle mais bien
réglementaire:

La province ne peut édicter de prohibitions assorties de pénalités, que si celles-


ci s’inscrivent logiquement et authentiquement dans le schème organisationnel
d’une loi provinciale valide.
[.. .1
Il faut, mais pas davantage, qu’il y ait un lien suffisant entre la disposition pénale
et l’ensemble législatif provincial. Si l’on découvre que c’est un simulacre pour
réglementer le comportement du citoyen en soi, c’est-à-dire sans relation véritable
avec l’accomplissement d’objectifs d’un autre type, nous serons en droit criminel
où la Province ne peut pénétrer.
Lorsqu’on relit maintenant l’exposé queje faisais du sens de l’article 237, dans la
première partie de ce jugement, pour conclure que la prévenue y avait contrevenu,
l’on se rend compte qu’il y a un lien utile et normal entre celle sanction sévère
qu’édicte l’article 237 et les dispositions de base de cette nouvelle loi sociale, à
ses articles 2, 9 et 51 en particulier.
[.1
Cette disposition n’est donc pas édictée sousl’aspect du droit criminel, mais bien
dans la perspective de la loi provinciale où elle s’imbrique.

1. (‘.S.S. T c. Contenants Industriels liée, D.T.E, 87T-484, conf. par [198$] R.JQ. 1345 (C.S.).
2. CS.S.T c. (‘onk’nants Industriels liée, D.T.E. 87T-4$4, p. 13, 16 et 18.

9. Procédure applicable en matière pénale réglementaire Au Québec, la procédure


pénale réglementaire est régie par le Code de procédure pénale1 qui spécifie, à son article
I, que celui-ci «s’applique à l’égard des poursuites visant la sanction pénale des infrac
tions aux lois [...1 ».
I. f ‘ode de procédure péna/e, RLRQ, c. C-25. 1.

B. Caractère propre du droit pénal réglementaire

L Différents régimes de responsabititépénale

10. Régimes de responsabilité Dans l’arrêt R. c. Sault Ste-Pufari& la Cour suprême éta
,

blit que trois régimes de responsabilité sont applicables aux infractions pénales de nature
réglementaire. Il s’agit de la responsabilité stricte, de la responsabilité absolue et du régime
de la mens rea clairement manifestée2.
I, Ï?. c. Sauli 51e-Marie «711e de,), [1978] 2 R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59.
2. Pour une présentation de ces différents régimes, voir: Alain MORAND, <cLes infractions
relatives au bien-être public», dans Collection de droit 2015-2016, Ecole du Barreau du
Québec, vol. 12, Droil pénal: infractions, moyens de défènse et peine, Cowansville, Editions
Yvon Biais, p. 23.

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fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

11. Régime de responsabilité stricte La catégorie la plus importante, celle à laquelle


la plupart des infractions contre le bien-être public appartiennent généralement, est celle
de la responsabilité stricte ou responsabilité pour négligence. Pour cette catégorie, la
poursuite n’a pas, après avoir fait la preuve de l’élément matériel de l’infraction’, à prouver
l’existence d’un élément moral. L’élément moral minimal de négligence est ainsi présumé.

L’établissement de l’acte matériel comporte une présomption d’infraction de même que la


possibilité pour le défendeur de demander son acquittement après avoir démontré, selon la
prépondérance des probabilités, qu’il a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter
l’infraction et fait tout le nécessaire pour le bon fonctionnement des mesures préventives2.
Il s’agit là de la défense de diligence raisonnable qui peut se présenter dans un nombre
illimité de contextes, et que nous examinerons en détail plus loin.
L Ces termes utilisés par la Cour suprême depuis R. c. Chapin, [1979] 2 R.C.S. 121, [1979]
A.C.S. no 35, nous apparaissent convenir mieux que l’expression aclus reus pour les infrac
tions de type réglementaire qui sont souvent des infractions commises par omission,
2. R. c. Sauli 51e-Marie (1711e de,), [1978] 2 R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59; Couvertures
Beauport inc. c. commission de la santé et de la sécurité du travail, [2008] J.Q. no 5413,
2008 QCCS 2514.

12. Régime de responsabilité absolue Le deuxième régime de responsabilité appli


cable en droit pénal réglementaire est celui de la responsabilité absolue où, une fois la
preuve faite par la poursuite de l’existence de l’élément matériel de l’infraction, il n’est
pas possible pour l’accusé de se disculper en démontrant qu’il a fait preuve de diligence
raisonnable ou qu aucun element moral n est present Ce type de 1 egime renvoie donc au
concept de responsabilité sans faute. Il trouve application dans les cas d’exception où le
législateur manifeste expressément son intention à cet égard en indiquant, par exemple,
que la culpabilité résulte de la simple preuve de l’élément matériel’. Puisque ce régime
permet la condamnation d’un défendeur sans qu’un élément moral soit présent, il peut
ainsi entraîner la condamnation de personnes ayant une conduite irréprochable2. Cette
conséquence a mené la Cour suprême à déclarer ce régime inconstitutionnel dans les cas
où l’emprisonnement est prévu3.

Nous n’avons repéré aucun jugement qui applique ce régime de responsabilité aux infrac
tions prévues en matière de santé et de sécurité du travail.
1. J?. e. Sait!! Ste-Marie (Ville de,), [1978] 2 RC.S. 1299, 1326, [1978] A.C.S. no 59.
2. I?. e. San!! SIc-Marie (1711e de,), [197$] 2R.C.S. 1299, 1311-1312, [1978] A.C.S. no 59.
3. Renvoi sur la Motor VeÏnc!e Act Cotombie-BriIannique,) s. 94(, [1985] 2 RC.S. 486,
[1985] A.C.S. no 73.

13. Régime de la mens rea finalement, le dernier régime de responsabilité applicable


en droit pénal réglementaire est celui où, en plus de l’élément matériel de l’infraction, le
poursuivant doit aussi prouver l’état d’esprit coupable du défendeur. Comme l’indiquait
le juge Dickson dans l’arrêt R. c. Saziit 81e-Marie1, ce type d’infraction est et doit rester
l’exception si on veut assurer tine application efficace de la législation réglementaire:

(5995) 25/9 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

Si l’on prend en considération la difficulté de prouver la culpabilité morale et


le nombre d’affaires mineures qui viennent quotidiennement devant les tribu
naux, la preuve de la faute est, en termes de temps et d’argent, un fardeau trop
lourd à imposer à la poursuite. Presque tous les contrevenants échapperaient à
la condamnation si l’on exigeait à chaque fois la preuve de l’intention. Ceci, en
plus du travail énorme qu’entraîne la preuve de la mens rea dans chaque affaire,
encombrerait les rôles des tribunaux et gênerait l’application de la législation
réglementaire qui resterait virtuellement sans effet.2

Comme le régime de la responsabilité absolue, le régime de la mens rea s’applique â


‘infraction réglementaire dans les seuls cas où le législateur a clairement et explicitement
manifesté son intention â cet égard par l’utilisation de termes tels que «volontairement»,
«avec l’intention», «sciemment» ou «intentionnellement» dans la disposition créatrice
de l’infraction3.

Attention

En application de ces principes, l’infraction pénale réglementaire comportant un élément


intentionnel implicite demeure de responsabilité stricte, l’élément intentionnel étant ainsi
présumé4, mais le défendeur pourra être acquitté en soulevant un simple doute sur cet
élément5.
1. 1?. e. Sault Ste-A/farie a?lle de), [197$] 2 R.C.S. 129Ç, [1978] A,C. S. no 59.
2. R. e. Sault Ste-Marie (Ville de,), [197$] 2 R.C,S. 1299, 1311, [197$] A.C.S. no 59.
3. R. e. Sautt Sic-Marie (‘Ville de), [1978] 2 R.C.S. 1299, 1326, [1978] AC.S. no 59.
4. Strasser c. Itoherge, [1979] 2 R.C.S. 953, [1979] A.C.S. no 79.
5. R. c. Bergemn, [1995] J.Q. no 600, [1995] R.J.Q. 2054 (C.A.).

14, Régime de responsabilité sous la Loi sur ta santé et ta sécurité du travail La —

jtirisprudenc& et les auteurs2 s’entendent sur le fait que l’ensemble des infractions pré
vues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail doivent être traitées sous le régime de
la responsabilité stricte.

Même dans des cas où les articles semblent établir la responsabilité sans faute et édicter
ainsi que la culpabilité puisse être établie sur simple preuve de l’acte matériel, comme
l’article 3.l5.3(5)b) du Code de sécurité pour les travaux de construction3 relatif â la dis-
lance que les véhicules doivent garder du sommet des parois d’une excavation, la Cour du
Québec a retenu que c’est le régime de la responsabilité stricte qui s’applique et non pas
la responsabilité absolue4.
1. Voir entre autres (‘onimi.sxlo,i de la santé et de la sécurité du travail c. (‘ouverture Beauport
111e., [2008]J.Q. no 5413 (C.S.); Alex Couture inc. e. Co,nni&io;ide la santé dde la sécu—
rilé dii travail, [2008] J.Q. no 3242, 2008 QCCA 773; Québec (‘Commission de fa santé et
de la sécurité du travail, e. Constructions Zanetti Inc., [1995] J.Q. no 297 (C.A.).
2. Bernard CLICHE, Serge LAFONTAINE et Richard MAILMOT, li’aité de droit de la
santé et de la sécurité du travail, Cowansville, Editions Yvon BIais, 1993, p. 383; Jean-
Pierre VILLAGGI, La protection des travailleurs: l’obligation générale de f ‘employeur,
Cowansville, Editions Yvon BIais, 1996, p. 181-182; Tristan DESJARDINS, «Les infractions
prévues aux articles 236 et 237 de la Loi sur la santé et fa sécurité du travail: délimitation des

(5996) 25 / 10 Janvier2018
Fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

contours et limites de la responsabilité pénale», dans S.F.P.BQ., vol. 334, I3éveÏoppeme,;ts


récents en dieu de la santé et sécurité an travail (2O]]), Cowansville, Editions Yvon BIais,
201 1, p. 63, àlapage65.
3 Code de sécurité pour les travaux de construction, RLRQ, c. S-2. 1, r. 4.
4. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Constructions Infrabec inc., [2009]
JQ. no 16342, 2009 QCCQ 14459, par. 37; Commission de la santé et de la sécurité du tra
vail c. Les Constructions (JRB inc., C.Q. Teffebonne, n° 700-63-000821-092, 3 mai 2010,
j. Duperron Roy, par. 21.
15. Infraction sous l’article 185 Ls.st. L’infraction d’entrave àl’mspecteur ainsi que

celle qui consiste à le tromper ou à tenter de le tromper, à refuser de s’identifier, ou encore


à négliger d’obéir à un ordre, telles que décrites à l’article 185 L.s.s.t., doivent être traitées
sous le régime de la responsabilité stricte également.

Cet article se lit comme suit:

185. 11 est interdit d’entraver un inspecteur dans l’exercice de ses fonctions, de


le tromper ou de tenter de le tromper par des réticences ou par des déclarations
fausses ou mensongères, de refuser de lui déclarer ses nom et adresse ou de
négliger d’obéir à un ordre qu’il peut donner en vertu de la présente loi ou des
règlements.

Lajurisprudence a d’ailleurs confirmé et appliqué à cette infraction le régime de responsa


bilité stricte de négligence présumée. Ainsi, une fois faite la preuve de l’élément matériel,
le défendeur doit alors démontrer par preuve prépondérante qu’il bénéficie d’une défense
pour éviter une déclaration de culpabilit&.
1. Coinnnsioii de la santé et de la sécurité du travail c. Ducjuette, [2008] J.Q. no 6197, 2008
QCCS 2968; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Choinière, C.Q. Montréal,
n° 500-63-008212-117, 21 octobre 2011, j White; ‘ommission de la santé e! de la sécurité
c. Castilloux, [2013] JQ. no 17928, 2013 QCCQ 15545.

16. Régime de responsabilité sous la Loi sur les accidents du travail et les maladies pro
Jèssionnettes Les dispositions du chapitre XV de la Loi sur les accidents du travail et les
maladies pmfèssionnelles doivent égal ement être traitées sous le régime de la responsabilité
stricte sous réserve des cas où la mens rea est clairement énoncée dans la disposition visée.

17. Mens rea à prouver sous la Loi sur les accidents du travail et les maladies profeswion
netles A la lecture du chapitre XV certaines infractions peuvent être considérées comme
tombant sous le régime de la mens rea au regard du libellé des dispositions qui en traitent.
Mentionnons, par exemple, l’infraction décrite à l’article 466 (vu l’utilisation, par le légis
lateur, du tenue « sciemment»). celle énoncée à l’article 463 ((<agir ou omettre d’agir fl
vue d’obtenir un avantage auquel la personne jt ne pas avoir droit»), de même que celle
apparaissant à l’article 460 (qui implique, comme élément essentiel, que l’employeur ait
agi en vue d’empêcher l’exercice du droit au retour au travail).

La jurisprudence confirme cette interprétation. Ainsi, en ce qui a trait à l’article 463


L.a.t.m.p., les tribunaux1 exigent la preuve de l’intention coupable. En se référant aux arrêts
I?. c. SauÏt Ste-Marie2 et Strasser c. Roberge3, dans l’affaire CSS. T. c. Beauder”, la Cour

(5996) 25/11 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

considère que cette infraction réglementaire est de la nature d’une infraction criminelle.
Elle assimile celle-ci au faux semblant que le Code criminel5 définit à son article 361. La
Cour supérieure est venue préciser dans l’affaire Bleau c. Comm&ien de la santé et de
la sécurité du travail que la connaissance exigée par cet article est prouvée par la mens
rea subjective6.

Dans l’affaire Rau’as7. le juge Burns précise, en regard de l’article 466 La.t.m.p., que de
par l’emploi du mot sciemment, l’infi-action décrite à cet article implique la preuve d’un
élément intentionnel.

Attention

En ce qui a trait à l’article 462 L.a.t.m.p., bien que la mens rea n’y soit pas clairement
manifèstéc, il semble y avoir une certaine controverse jurisprudentielle quant àla nécessité
de protiver celle-ci. Ainsi, dans l’affaire Marois8, la cour indique qu’à l’instar de l’article
463, l’article 462 exige la preuve de la mens rea. Sans toutefois l’affirmer clairement, la
coui; dans les affaires Duschesneau9 et Doré’°, semble en arriver à la même conclusion.
Toutefois, dans l’affaire Champagne”, décision la plus récente des quatre, la cour indique
clairement que l’infraction prévue à l’article 462 n’exige pas la preuve de l’intention cou
pable et qu’elle constitue une infraction de responsabilité stricte.

1. Voir entre autres: C.S.S. T c. Beaudet, II. Montréal, n° 500-29-000435-931, 1” décembre


1993, j, Brière; C.S.S. T c. Benidir, T,T, Montréal, n’ 500-63-000194-958, 13 septembre
1995,j. Lesage; CS.S. ï c. Dz,caxve, T.T, Joliette, n” 500-63-002626-973, 3 septembre 1998,
j. Langlois; Bleau c. tomtnission de lasanlé et de Ict sécurité du travail, 2013 QCCS 4873,
par. 10$.
2. R. c. Sailli Ste-Marie (Ville de), [1978] 2 R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59.
3. Strasserc.Roberge, [1979]2 R.C.S. 953, [1979] A.C.S. no 79.
4. CS.S.T c. Beaudet, T.I. Montréal, n’ 500-29-000435-931, lr décembre 1993, j. Brière.
5. L.R.C. (1985), c. C-46.
6. Blean c. Vommission de la santé et de la sécurité du travail, [2013] J.Q. no 17928, 2013
QCCS 4873.
7. (‘SSTc. Rawas, T.T. Montréal, n” 500-63-001328-951, 21 décembre 1995,j. Burns,
8. (‘.5.5.;: c. Marois, T.T. Montréal, n” 500-63-1039-947, 2$ juin 1995, j. Langlois.
9, (‘.5.5.1 c. I)uchesneau, T.T. Montréal, n°’ 500-63-002479-97 et 500-63-002480-97, 30
octobre l997,j. Langlois.
10. (‘.5.5.1 c. Doié, T.T. Montréat, n” 500-63-003421-994, 500-63-003422-992, 500-63-
003423-990, 500-63-003424-998, 500-63-003425-995, 500-63-003426-993, 500-63-
003427-991, 500-63-003428-999, 1” février 2000, j. Ménard.
Il, C’.S.5.7 c. (‘hampagne, T.T. Montréal, n° 500-63-003604-995, 20juillet 2000, j. Langlois.

2. cohabitation du processus péitat et du processus adrni;tistratf dans ta Loi


sur la santé et la sécurité du travail

18. Objet de la cohabitation Pour inciter au respect des obligations incombant aux per

sonnes visées dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, deux processus coexistent:
un processus administratif et un processus judiciaire pénal’.

(5996) 25/12 Janvier2018


Fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

1. Voir au sujet de cette cohabitation: Alain MARCOTTE, «Les moyens de défense en matière
pénale dans le contexte de l’obligation de protection du travailleur, victime potentielle», dans
S,F.P.B.Q., Dé’eloppemenis récents en droit de la santé et sécurité au travail (200]), vol.
149, Cowansville, EditionsYvon Biais, 2001, p, 171, aux pages 173 à 177; Tatiana SANTOS
DE AGUILAR et Dominique TRUDEL, «Prévention des lésions professionnelles: une loi
et deux tribunaux pour l’interpréter», dans S.F.P.B.Q., vol. 346, Développeïnenis récents
en droit de la santé et sécurité ai, travail (‘2012), Cowansviile, Editions Yvon Biais, p. 85.

19. Processus administratif Dans le cadre du processus administratif, des décisions


peuvent être rendues par les inspecteurs de la Commission des normes, de l’équité, de la
santé et de la sécurité du travail, la CNESST, telles que les avis de correction, les suspen
sions de travaux ou les ordonnances de fermeture d’un lieu de travail’. Ces décisions exé
cutoires2 ont pour objet de contraindre la personne à qui elles s’adressent à se conformer
à la loi ou aux règlements.

Les décisions de l’inspecteur peuvent faire l’objet d’une révision administrative3 et les
décisions qui découlent de celle-ci peuvent à leur tour faire l’objet d’un recours devant le
Tribunal administratif du travail4, le TAT. Le fardeau de preuve applicable dans le cadre
du processus administratif est celui de la preuve prépondérante et les règles de preuve et
de procédure qui gouvernent ce processus sont appliquées avec la souplesse inhérente au
droit administratif Le TAT n’est donc pas tenu à l’application des règles usuelles de preuve
et de procédure civiles5.
Ï. Voir les articles 182, 186, 217 et 218 L.s.s.t.
2. Voir l’article 191 L.s.s.t.
3, Voir l’article 191.1 L.s.s,t.
4. Voir l’article 193 L.s.s.t.
5. ItègÏernent sur la preuve et la procédure du Tribunal administratif du travail, RLRQ, c.
A-3.001, r. 12, art. 2.

20. Processus pénal Quant au processus judiciaire pénal, il est prévu au chapitre XIV
-

(articles 234 et suivants) de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Il a pour objet de
sanctionner, par une amende, toute personne qui contrevient à la loi ou aux règlements. Les
poursuites pénales sont intentées par la CNESST ou par une association accréditée, avec
la permission d’un juge dans ce cas’, et elles sont instruites devant la Cour du Québec’.
Le Code de procédure pénale et les règles de preuve plus contraignantes ayant cours en
matière criminelle s’appliquent à ce processus3.

Attention

D’une part, le fait d’être l’objet d’une décision administrative n’a pas pour effet d’écarter
le processus pénal4 et les juges ne sont pas liés par les décisions prises dans le cadre du
processus administratif’.

Dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Hydro-Ouébec. la Cour


d’appel saisie d’un litige portant sur la notion de «maître d’oeuvre» réitère ce principe en
soulignant que les critères développés par les tribunaux administratifs afin d’identifier le
maître d’oeuvre ne lient pas les tribunaux judiciaires saisis de procédures pénales. Toutefois,

(5996) 25/13 janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

pour la Cour d’appel il est possible de se référer aux critères développés par les tribunaux
administratifs pour comprendre la réalité entourant l’application de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail, ce que les tribunaux pénaux de première instance n’hésitent d’ail
leurs pas à faire6.

D’autre part, le tribunal pénal ne peut en principe se prononcer sur la validité d’une décision
administrative puisque cela permettrait alors au défendeur de court-circuiter les instances
administratives et d’amener « les tribunaux à se prononcer sur des questions à l’égard des
quelles ils ne sont pas les mieux placés»7.

1. Voir l’article 242 L.s.s.t.


2. Voirl’article3 du (ode deprocédmepénale, RLRQ, c. C-25,1,
3. Voir les articles 1 et 61 du Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25,1.
4. (‘.5.5,1: c. lôltures Lois Etoiles Inc., T.T. Montréal, n’ 500-63-005090-003, 11 mai 2001,
j. Ilandman, par. 21, conf. par C.S. Montréal, n°500-36-002514-019, 23 octobre 2001,
Zigman (onmitssion des normes de / ‘équité de la santé et de la sécurité du travail c.
Services de couvertures et cheminées Lambert inc., [2016] J.Q. no 11757, 2016 QCCQ 9324,
par. 38.
5, CS.S.T c. Démo Pop, T.T. Montréal, n’ 500-63-003808-992, 1 Ï février 2000, j. Ménard;
(‘.S.S.T c, Commission des écoles catholiques de Montréai, T.T. Montréal, n’ 500-63—
000373-95, 25 octobre 1995,j. Langlois, p. 7 et II Commission de la santé etde la sécurité
du travail c. Edifices St-Georges inc., [2008] J.Q. no 10036, 2008 QCCQ 8921, par. 50, conf.
par [2009] J.Q. no 5463, 2009 QCCS 2481 (requête pour permission d’en appeler refusée,
[2009] ].Q. no 7460, 2009 QCCA 1424); (‘omnussion des normes de I quité de la santé et
de la sécurité du travail c. Services de couvertures et cheminées Lambert inc., [2016] J.Q.
no 11757, 2016 QCCQ 9324, par. 3$.
6. Commission de ki santé et de la sécurité du travail c. Hydro-Ouéhec, [2011] J.Q. no 9030,
2011 QCCA 1314.
7. Principe établi dans l’arrêt de la Cour suprême R. c. C’onsolidated Maybrtm Mines Ltd.,
[199$] I RC. S. 706, par. 43, [1998] A.C.S. no 32, et suivi en matière de santé et de sécurité
du travail par la Cour du Québec dans lejugement (‘onunission de la santé et de la sécurité
du travail c. Laft)rest, [2013] J.Q. no 5826, 2013 QCCQ 526$.

3. Cohabitation dtt processus pénal et du processus administratjf dans ta Loi


sur les accidents du travail et les maladies professionnelles

21. Distinction entre les deux processus Le même principe de cohabitation des régimes,

pénal et administratif, s’applique aussi dans le cas de la Loi sur les accidents du travail et
les înaladiesprofèssiomïelles. Tout comme pour la Loi sur la santé et la sécurité du travail,
ce ne sont pas les mêmes règles et garanties qui s’appliquent aux deux régimes quant au
fardeau de preuve et aux règles de preuve et procédure. Conséquemment, en matière pénale,
les juges ne sont pas liés par les décisions prises dans le cadre du processus administratif1.

Les dettx régimes sont distincts et peuvent même aboutir à des résultats qui peuvent sem
bler contradictoires, mais qui ne sont pas incompatibles, comme l’indiquait d’ailleurs le
juge Lesage dans l’affaire (‘.8.8. L c. LajÏantme:
11 s’agit là d’un processus administratif qui ne crée aucune fin de non-recevoir à
une plainte pénale subséquente qu’une déclaration initiale est fausse. Les règles

(5996) 25/14 Janvier2018


fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

de procédure qu’on applique au niveau de l’indemnisation peuvent fort bien


aboutir à un résultat favorable à une partie qui pourtant aurait fait une fausse
déclaration, et il n’y a aucune incompatibilité à mettre en évidence entre les deux
cheminements procéduraux.2

1. CS.& T c. Fisc!, T.T. Montréal, n° 500-63-00693 7-020, 24 août 2004, j Ménard,


2. CSS. T c. La/larnine, T.T. Montréal, n° 500-29-000057-925, Il juin 1992,j Lesage, p. 12,
conf. par C.S. Huil, n” 550-36-000024-925, 30novembre 1992,

C. Règles de preuve et de procédure

L Procédure

u) Prescription du recours

22. Principe En matière pénale réglementaire, le (‘ode de procédure pénale’ prévoit, à


son article 14, que les recours se prescrivent par un an à compter de la date de la perpétra
tion de l’infraction. Selon ce même article, une loi particulière peut toutefois fixer un délai
différent ou fixer le point de départ de la prescription à la date de la connaissance de la
perpétration de l’infraction ou à la date où se produit un événement déterminé par cette loi.
1. (ode de procédure pénale, RLRQ, c. C-251.

23. Prescription Loi sur ta santé et ta sécurité du travail Puisque la Loi sur lu santé
— —

et la sécurité du travail ne contient pas de telles dispositions spécifiques, c’est le délai d’un
an du Code de procédure pénale’ qui trouve application.
1. Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25. I

24. Prescription Loi suries accidents du travail et tes maladies professionnelles Pour
— —

ce qui est de la Loi suries accidents du travail et les maladies professionnelles, l’article
473 prévoit que les poursuites intentées pour les infractions se retrouvant au chapitre XV
de celle-ci se prescrivent par un an à compter de la connaissance par le poursuivant de la
perpétration de l’infraction. Par ailleurs, cette disposition prévoit aussi qu’aucune poursuite
ne peut être intentée s’il s’est écoulé plus de 5 ans depuis que l’infraction a été commise.

La poursuite a alors le fardeau de prouver la date de la connaissance de l’infraction qui


devient un élément essentiel de celle-ci’. Cette preuve doit être faite hors de tout doute
raisonnable et une preuve contraire soulevant un doute raisonnable est suffisante pour
acquitter le défendeur2.
1 Commission des ialeurs mobilières c. Zallac, [1977] C.S. 129; c.S.5 T c. Corp. (onstruction
nationale Ltée, C.S. Mingan, n° 650-36-000010-930, 12 octobre 1993,j. Corriveau.
2. Bleau c. Commission de la santé e! de la sécurité du trrn’ail, [2013] J.Q. no 13393, 2013
QCCS 4873, par. 101; Vahquette c. Autorité des marchés financiers, [2011] J.Q. no 11492,
2011 QCCS 4630, par. 23.

(5996) 25/15 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

25. Notion de «connaissance de l’infraction» Quant à l’interprétation à donner à la


notion de «connaissance de l’infraction», les auteurs Létoumeau et Robert formulent les


commentaires suivants:

[...] Il y a lieu de se demander ce qu’il faut entendre par l’expression « de la


connaissance de la perpétration de l’infraction». Quand peut-on dire que le
poursuivant a connaissance d’une infraction? Tout d’abord il ne suffit pas que le
poursuivant soupçonne ou qu’un tiers allègue l’existence d’une infraction pour
que le délai de prescription commence à courir. Les soupçons ou les simples
allégations d’un tiers peuvent justifier la tenue d’une enquête pour déterminer si
une infraction a ou non été commise, mais ils ne peuvent justifier l’engagement
de poursuites)

l)ans l’affaire C.8.8.T e. Seymour2, le juge Saint-Amaud spécifie que la connaissance doit
être celle d’une «personne raisonnable qui perçoit l’existence d’une infraction quelconque
à partir de faits idoines». Dans ce jugement, la connaissance a été établie à la date d’un
appel téléphonique anonyme indiquant que le défendeur travaillait, ce qui a mené l’enquê
teur de la CSST à consulter les dossiers d’indemnisation du travailleur qui prétendait être
sans emploi à la suite d’une lésion professionnelle.

Dans une autre affaire3, il est spécifié que la date de connaissance de l’infraction doit
être celle du moment où le poursuivant a reçu le dossier d’enquête et non le moment où
l’enquêteur chargé de l’application de la loi a débuté son enquête.

Dans le jugement Commission de la santé et de la sécurité du travail e. A. T4, la Cour du


Québec retient comme point de départ de la connaissance non pas la date de fin d’enquête,
mais bien la connaissance defricro des faits pouvant mener à une poursuite pénale et que
cette évaluation doit être faite objectivement par le tribunal.

finalement, la question de la prescription a fait l’objet d’une analyse détaillée et revue


exhaustive de la jurisprudence et de la doctrine par la Cour supérieure dans l’affaire Bleati
e. Commission de ta santé et de la séctirité du travail>, La question était de savoir si le
point de départ de la connaissance se situe à la date du rapport d’enquête de la CSST ou
à une date antérieure. La Cour précise en premier lieu qu’il faut garder à l’esprit que la
prescription pénale est établie au bénéfice du défendeur et favorise la célérité des enquêtes6.
Elle retient ensuite que le point de départ de la connaissance doit se faire selon la norme
objective fondée sur des motifs raisonnables de croire que l’infraction a été commise7.
Cette norme est distincte de la preuve suffisante pour justifier une poursuite8.
Gilles LÉTOURNEAU et Pierre ROBERT, Code de procédure pénale du Onébec annoté
2011, 9° éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, p. 54.
2. C.SS.T c. Seymour, T.T. Montréal, n° 500-63-00180$-960, 22novembre 1996,j. St-Arnaud.
3. C.S.S.T c. Bédard, C.Q. Iberville, n°755-63-000181-054, 8mars 2007, j. Lanctôt.
4. (‘onimission de la santé etde la sécurité du travail c. A. T, [2008] J.Q. no 6018, 2008 QCCQ
5478. Voir au même effet: Commission de la santé et de la sécurité du travail c. St-Pierre,
[2012] J.Q. no 7217, 2012 QCCQ 1732, par. 265-267.
5. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2013] J.Q. no 13393,
2013 QCCS 4873.

(5996) 25/16 Janvier2018


fasc. 25 * Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

6. Bleau c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [20131 J.Q. no 13393,


2013 QCCS 4873, par. 49-51.
7. Bleau c. Commission de la santé et de ta sécurité du travail, [2013] J.Q. no 13393,
2013 QCCS 4873, par. 87.
8. Bleau c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2013] J.Q. no 13393,
2013 QCCS 4873, par. 85.

b Droit à un procès dans un délai raisonnable

26. Fondement Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est consacré â l’article

11 b) de la Charte canadienne des droits et flbertés’. L’objet principal de cet article est la
protection des droits individuels des accusés, auquel se greffe un objet secondaire, soit
la sauvegarde de l’intérêt de l’ensemble de la société. Dans l’arrêt J?. e. Jordan2, la Cour
suprême du Canada exprime l’importance de ce droit comme suit:

Comme nous l’avons dit, le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est d’une
importance capitale pour l’administration du système de justice criminelle du
Canada. Ce droit trouve son expression dans la maxime bien connue: «un retard
à rendrejustice équivaut à un déni dejustice». Un délai déraisonnable représente
un déni dejustice pour l’inculpé, les victimes, leurs familles et la population dans
son ensemble.3

Pendant près de vingt-cinq ans, c’est l’arrêt I?. c. Morin4 qui a servi de ligne directrice
en matière de délais déraisonnables. Le 8 juillet 2016, la Cour suprême du Canada est
par ailleurs venue modifier le cadre d’analyse proposé antérieurement5. En effet, dans un
arrêt partagé de cinq juges contre quatre, la majorité du plus haut tribunal du pays conclut
que le temps est venu de modifier les règles proposées dans l’arrêt 1?. e. Morin6 puisque ,

celles-ci engendrent des problèmes de nature tant théorique que pratique. Pour la Cour,
le cadre antérieur est trop complexe et difficile à saisir pour les participants du système
judiciaire. Il est, au surplus, devenu un fardeau pour les tribunaux de première instance,
qui sont déjà surchargés. Sur le plan pratique, il n’incite pas les participants du système
judiciaire à agir de manière préventive7.
1. Partie I de la Loi constituliojinelle de 1982 [annexe B de la Loi dc 1982 sur le (anada (1982,
c. 11)].
2. R. e. Jordan, 2016 CSC 27, [20161 1 R.C.S. 631.
3. R. e. Jordan, 2016 CSC 27, [20161 1 R.C.S. 631, par. 19.
4. R. c. Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, [1992] A.C.S. no 25.
5. R. e. Jordan, 2016 CSC 27, [2016J 1 R.C.S. 631.
6. R. e, Morin, [1992] 1 R.C.S. 771, [1992] A.C.S. no 25.
7. R. e. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, par. 29-45.

27. Crïtères d’application — Voici comment la Cour suprême résume le nouveau cadre
d’analyse qu’elle propose:

• il existe un plafond au delà duquel le délai est présumé déraisonnable. Ce plafond


présumé est de 18 mois pour les affaires instruites devant une cour provinciale,
et de 30 mois pour celles portées devant une cour supérieure (ou pour les affaires

(5996) 25/17 Janvier2018


VU. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

instruites devant une cour provinciale au terme d’une enquête préliminaire). Les
délais imputables à la défense ne comptent pas dans le calcul visant à déterminer
si ce plafond est atteint.
Une fois le plafond présumé dépassé, le fardeau est inversé et le ministère
public doit réfuter la présomption du caractère déraisonnable du délai en invoquant
des circonstances exceptionnelles. Il doit s’agir de circonstances indépendantes
de la volonté du ministère public, c’est à dire de circonstances (I) raisonnable
ment imprévues ou raisonnablement inévitables, et (2) auxquelles il ne peut pas
être raisonnablement remédié. Si la circonstance exceptionnelle concerne un
événement distinct, le délai attribuable à cet événement doit être soustrait du
délai total. Si la circonstance exceptionnelle résulte de la complexité de l’affaire,
le délai est raisonnable.
Lorsque le délai est inférieur au plafond présumé, la défense, dans des cas
manifestes, peut faire la preuve que le délai est déraisonnable. Pour ce faire, elle
doit démontrer deux choses (1) qu’elle a pris des mesures utiles démontrant
qu’elle a fait des efforts soutenus pour accélérer la procédure, et (2) que le délai
a été plus long de manière manifeste que celui qui aurait été raisonnable que
prenne la cause.
• Pour /e,vaffitires en COU! d’instance, le tribunal doit appliquer le cadre d’analyse
selon le contexte et avec souplesse, tout en étant sensible au fait que les parties
se sont fiées à l’état du droit qui prévalait auparavant.

De ce cadre, il faut retenir qu’il y aura une présomption qu’un délai est déraisonnable
lorsqu’il sera supérieur au plafond fixé par la Cour suprême. Pour ce qui est des affaires
pénales réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail, ce plafond est fixé à
1$ mois, puisqu’elles sont instruites devant la Cour du Québec2. Ce sera alors au poursui
vant de repousser la présomption au moyen de circonstances exceptionnelles. Par ailleurs,
lorsque le délai est inférieur au plafond fixé, ce sera au défendeur de démontrer le caractère
déraisonnable du délai.

Puisque l’implantation de ce nouveau cadre d’analyse constitue une modification subs


tantielle du droit, la Cour suprême reconnaît qu’il y a lieu de l’appliquer avec souplesse
aux affaires en cours. A cet égard, les juges majoritaires énoncent deux réserves visant à
atténuer l’impact du nouveau cadre d’analyse sur le processus judiciaire. Selon la première
réserve, dans les affaires où le délai excède le nouveau plafond, le poursuivant pourra tenter
de convaincre la Cour «que le temps qui s’est écoulé est justifié du fait que les parties se
sont raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait au préalable ». La deuxième
réserve s’applique aux affaires dont le délai est inférieur au nouveau plafond présumé. Dans
ce cas, un défendeur n’aura pas nécessairement à faire la preuve qu’il a pris des initiatives
pour accélérer le déroulement du procès pour obtenir un arrêt des procédures4.

il tus (rations

Le cadre d’analyse de l’arrêt Jordan5 a été appliqué dans quelques affaires en matière de
santé et de sécurité du travail.

(5996) 25/18 Janvier2018


Fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

Dans le jugement Les industries Dore! Inc. c. Commission des normes de / ‘équité, de la
santé et de la sécurité du travail6 la défenderesse présentait oralement le jour même du
procès une requête en arrêt de procédure fondée sur l’article 1 lb) de la Charte canadienne
des droits et libertés7. Elle prétendait que le délai de 26 mois entre la délivrance du constat
d’infraction et la date du procès était déraisonnable, essentiellement parce que le plafond
de 1$ mois nouvellement établi dans l’arrêt Jordan8 avait été dépassé. Pour sa part, la
CNESST invoquait l’application des mesures transitoires énoncées dans ce même arrêt en
avançant que les parties s’étaient raisonnablement conformées au droit tel qu’il existait au
préalable. Dans sa décision, le tribunal conclut en premier lieu que la requérante-défen
deresse ne pouvait pas présenter sa requête oralement le matin même du procès9. Pour ce
qui est de la question sur le fond, ptlisque le tribunal avait accepté de procéder à l’audi
tion de la requête avec le consentement de l’intimée-poursuivante, il dispose de celle-ci.
A cet égard, le tribunal conclut que délai résiduel d’environ 24 mois excède effectivement
le plafond établi dans l’arrêt Jordan. Par ailleurs, puisqu’il s’agissait d’une affaire déjà en
cours, des mesures transitoires devaient être appliquées. Le tribunal considère alors que
l’intimée-poursuivante ne pouvait agir autrement dans le contexte «pré-Jordan» et, au
surplus, dans un ressort aux prises avec des problèmes de retards systémiques. Il conclut
finalement que le prononcé de la décision dans l’arrêt Jordan ne devrait pas transformer
automatiquement en un délai déraisonnable ce qui aurait antérieurement été considéré
comme un délai raisonnabl&°.

Des jugements ont également rejeté des requêtes en arrêt des procédures fondées sur
l’article I lb) de la Charte canadienne des droits et libertés” dans les affaires Commission
de la santé et de la sécurité du travail c. Coffrage Lue Pelletier’2, Commission de la santé
et de la sécurité du travail e. Coffrage Alliance Ltée’3, Commission de la santé et de la
sécurité du travail c. Livraison Stérik Inc.’4 et Commission de la santé et de la sécurité du
travail c. 9230-1393 Ouébec inc. et Bertrand Lavoie’5.

Toutefois, dans le jugement Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécu


rité du travail e. Les Chantiers Chibougamau ltée’6. une requête en arrêt des procédures
fondée sur l’article 1lb de la Charte canadienne des droits et libertés’7 est accueillie.
Dans cette affaire, le plafond de 1$ mois avait été dépassé. Les pal-tics avaient convenu
que le délai net s’établissait à 33 mois. La première question portait sur le délai de plus ou
moins 20 mois durant lequel la CNESST n’avait pas transmis le constat d’infraction au
Tribunal suivant la réception d’un plaidoyer de non-culpabilité de la part du défendeur.
Selon la preuve, cette décision de la CNESST s’appuyait sur une demande de la Sûreté
du Québec de ne pas publiciser l’affaire, A ce sujet le tribunal conclut que la demande de
la Sûreté du Québec était peut-être inévitable, niais que la CNESST pouvait raisonnable
ment se conformer aux demandes de la Sûreté du Québec en ne faisant pas de conférence
de presse et en ne déposant pas son rapport public. Toutefois, il juge que la rétention du
constat d’infraction allait au-delà de la demande de la Sûreté du Québec et il ne voit pas
en quoi cela aurait pu nuire à l’enquête policière’8.

Dans un deuxième temps, le juge statue sur les mesures transitoires de l’arrêt Jordan. À
ce sujet. il retient qu’en application du cadre d’analyse deMorin de $ à 10 mois ou celui de

(5996) 25/19 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

1$ mois de Jordan, force est de constater que la poursuivante a failli à son devoir d’amener
la défenderesse à son procès dans un délai raisonnable’9.
1. R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, par. 105.
2. Voir l’article 3 du Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25. 1.
3. 1?. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, par. 96. Voir aussi R. c. Cody, 2017 CSC
3], par. 68-71.
4. 1?. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631, par. 99.
5. R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631.
6. Jus industries Dorel inc. c. Commission des ,iormes de l’équité, de la santé et de la sécurité
du travail, [2016] J.Q. no 17269, 2016 QCCQ 14240.
7, Partie I de la Loi con,stitutionnelle de 1982 annexe B de la Loi de 1982 sur le (auada (1982,
R-U., c. ll)J.
8. R. c. Jordan, 2016 CSC 27, [2016] 1 R.C.S. 631.
9, Les industries Derel inc. c. (‘onm,ission de,s uorme de l’équité, de la sauté et de la sécurité
du travail, [2016] J.Q. no 17269, 2016 QCCQ 14240, par. 9-15.
I t), Les industries J)orel inc. e. (‘onimission des normes de Ï ‘équité, de la santé et de la séct,rité
du travc,il, [2016] J.Q. no 17269, 2016 QCCQ 14240, par. 61.
Il, Partie I de la Loi constitt(ttonnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982,
R-U., c. 11)].
12. (‘ominission de la santé et de la sécurité du travail e, Coffrage Lue Pelletier, [2017] J.Q.
no 9429, 2017 QCCQ 7786.
13. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Coffrage Alliance Ltée, [2017] J.Q.
no 6527, 2017 QCCQ 5517.
14. Commission de la santé et de ta sécurité du travail c. Livraison Stérik Inc., [2017] J.Q.
no 10469, 2017 QCCQ 8640.
15. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9230-1393 Otié bec Inc., [2017] J.Q.
no 11622, 2017 QCCQ 9619.
16. Commi.ssion des normes de l’équité de lct santé et de la sécurité du travail poursuivante—
intimée c. (‘hantiers (“hihouganiati ltée, [2017] J,Q. no 9007, 2017 QCCQ 7450.
17. Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Ccxuada (1982,
R-U., c. Il)j.
18. Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travailpoursiuvante—
intimée c. Chantiers Chibeugamau ltée, [2017] J.Q. no 9007, 2017 QCCQ 7450, par. 34.
19. (‘onunission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail poursui’ante—
ititimée e. Chantiers Chibougamau ltée, [2017] J.Q. no 9007, 2017 QCCQ 7450, par. 46.

2$, Conseil pratique Afin d’éviter toute ambiguïté et de faciliter la computation des
délais, lors d’une demande de remise, il est conseillé d’en préciser le demandeur, d’expliquer
à la cour le motif et de mentionne; le cas échéant, si la défense renonce ou non au délai.

e) l)e,nandes prévues par te Code de procédure pénale

29. Principe Le Code de procédure pénale’ prévoit les demandes qui peuvent être faites
préliminairement, au cours de l’instruction ou après celle-ci. Au nombre de celles-ci figurent
la requête pour changement de district2, la requête pour détails3, la requête pour amende
ment’, la requête pour non-lieu5, la requête en rétractation de jugement6. Le tableau intitulé

(5996) 25/20 Janvier2018


Fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

Les demandes prévues par le Code de procédure pénale7 indique le délai et la procédure
applicables à ces demandes.
1. Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-25,1.
2. Article 174(2) C.p.p.
3. Article 174(3) C.p.p.
4. Article 179 et 209 C.p.p.
5. Article 210 C.p.p.
5. Chapitre IX C.p.p.
7. Alain MARCOTTE, «Droit pénal dans le contexte de l’obligation de protection du travail
leur, victime potentielle: les infractions àlaLoi sur la santé et la sécurité du travail», dans
S.F.P.B.Q., vol. 263, Développements récents endroit de la santé et de la sécurité au travail
(2007), Cowansville, Editions Yvon Biais, p, i, à la page 79.

2. Preuve

ci) Fardeau de preuve

30. Principe En matière pénale, deux niveaux de preuve sont applicables. D’abord, le
—.

poursuivant devra prouver hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels de
l’infraction. Une fois ces éléments prouvés, le défendeur pourra alors, selon les règles de
la prépondérance de preuve, présenter une défense.

31. Notion de doute raisonnable La notion de doute raisonnable est intrinsèquement liée

à la présomption d’innocence. C’est dans l’alTêtJ?. e. L/èhus1 que la Cour suprême a établi
et défini les paramètres applicables en matière de «doute raisonnable». A la lumière de cet
arrêt, le doute raisonnable est celui qui se justifie rationnellement en fonction de la preuve
ou d’un manque de preuve, et non en fonction de conjectures non appuyées par la preuve2.
Cette approche a évidemment été reprise en matière de santé et de sécurité du travail3.

illustration

Dans l’affaire C.S.8. T e. Plomberie Fortin Inc.4, l’employeur est accusé d’avoir «com
promis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un tra
vailleur alors que des travaux dans un creusement sont exécutés dans des conditions non
sécuritaires et dangereuses». La défense invoquait l’argument que les témoignages des
deux inspecteurs de la CSST contenaient des contradictions qui, affectant leur crédibilité,
suscitaient un doute raisonnable. Or, la Cour rejette l’argument avancé par le défendeur
en s’ exprimant comme suit:
Des contradictions peuvent effectivement influencer au niveau de la crédibilité,
mais je considère que l’ensemble des témoignages des inspecteurs étaient cré
dibles et fiables malgré ces petites différences mineures et elles n’écartent en rien
leurs dépositions sur les évènements. De ce fait, elles n’entachent pas la crédibilité
des inspecteurs au point de susciter cm doute raisonnable dans l’esprit du tribunal.5

I. J?. c. Lfchus, [1997] 3 R.C.S. 320, [1997] A.C.S. no 77.


2. R. c. Jifehus, [1997] 3 R.C.S. 320, [1997] A.C.S. no 77, par. 39.

(5996) 25/21 Janvier2018


VU. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

3, Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9090-5092 Ouébec inc., [2017] J.Q.


no 844, 2017 QCCQ 581, par. 90 (appel inteijeté, C.S. Montréal, n° 500-36-008416-177);
C.S.S.T c. Benidir, T.T. Montréal, n” 500-63-000194-958, 13 septembre 1995, j. Lesage.
4. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Plomberie Fortin inc., [2007] J.Q.
no 14528, 2007 QCCQ 13656.
5. (‘ommission de la santé et de la sécurité du travail e. Plomberie Fortin inc., [2007] J.Q.
no 14528, par. 107, 2007 QCCQ 13656.

32. Versions contradictoires En présence de témoignages contradictoires, la Cour


suprême a précisé, dans l’arrêt R. e. W. (D.)1, les règles à suivre pour évaluer si la pour
suite a satisfait aux exigences de son fardeau de persuasion. Ainsi, même si le juge pré
fère la version des témoins de la poursuite, il doit malgré tout analyser les témoignages
des témoins de la défense, et ce, même s’ils sont moins crédibles, en fonction de toute la
preuve et de tous les autres témoignages de la défense, en vue de déterminer si la défense
peut bénéficier d’un doute raisonnable2. Lorsque le juge iistruit lejuiy en cette matière, il
doit le fiuire dans les tennes équivalents suivants:

[...] Le juge du procès pourrait donner des directives au jury au sujet de la crédi
bilité selon le modèle suivant:
Premièrement, si vous croyez la déposition de l’accusé, manifestement vous devez
prononcer l’acquittement.
Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l’accusé, mais si vous
avez un doute rai sonnabte, vous devez prononcer l’acquittement.
Troisièmement, même si [vous] n’avez pas de doute à ta suite de la déposition de
l’accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez,
vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable parla preuve de la culpabilité
de l’accusé.3

La jurisprudence en matière de santé et de séctirité du travail applique ces règles1.

Attention

Bien entendu, cette approche ne doit être appliquée qu’aux témoignages contradictoires
portant SUt Ufl sujet pour lequel le défendeur adroit au bénéfice du doute raisonnable et non
pas sur les sujets pour lesquels il assume un fardeau de persuasion, comme, par exemple,
lors de la présentation d’une défense de diligence raisonnable.
1. R. e. W (1).), [1991]] R.C.S. 742, [1991] A.C.S. no 26.
2. 1?. c. W (D.), [1991] 1 R.C.S. 742, [1991] A.C.S. no 26.
3. R. ê. W (D.), [1991] 1 R.C.S. 742, 748, [1991] A.C.$. no 26.
4. Voir entre autres: (‘o,nmission de ta santé et de ta sécurité du travail e. Gagnon, [2006] J.Q.
no 6046, 2006 QCCQ 5644; Commission de la santé et de la sécurité dii travail e. 907!-
3686 Ouébec inc., [2011] J.Q. no 3756 (C.Q.); (onunission de ta santé et de la sécurité du
travail ê. 4208404 Canada inc., C.Q. HuIt, n° 550-63-000016-107, 17 février 2012,j. Auger;
(‘ommission de la santé et de la sécurité du travail e. 111517 Canada liée, [2013] J.Q. no
3972, 2013 QCCQ 3691; (‘omniission de la santé et de la sécurité titi trctvail e. Kingstou
Byet inc., [2013] J.Q. no 6158, 2013 QCCQ 5582; 3563677 (‘anada inc. c. Commission de
la santé et de la sécurité au travail, [2014] J.Q. no 19942, 2014 QCCS 6732; Commission de

(5996) 25/22 Janvier2018


Fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

la santé et de la sécurité du travail e. Aile,, Entrepreneur général inc., [2015] I.Q. no 5017,
2015 QCCQ 4727.

33. Doute raisonnable et règles d’interprétation’ Une autre problématique relative


au doute raisonnable découle de l’opposition entre la règle selon laquelle les dispositions
pénales doivent s’interpréter restrictivement et la règle d’interprétation large et libérale
édictée par l’article 41 de la Loi d’interprétation2.

Dans Acibec (La Rose) Inc. c. Ouébec (‘Commission de la santé et de la sécurité du travail
CSS1)3, la Cour d’appel émet l’avis que l’interprétation stricte des dispositions pénales
signifie simplement que, si après avoir utilisé les règles ordinaires d’interprétation pour
déterminer l’intention du législateur, il subsiste encore une ambiguïté et un doute réel quant
au sens de la loi, l’accusé pourra alors bénéficier de ce doute et la loi devra être interprétée
en sa faveur. Même dans le cas des lois pénales, l’intention réelle du législateur doit être
recherchée par interprétation et eu égard au but et à l’objet de la loi en cause.

En 1993, la Cour suprême confirme la nécessité de recourir à l’objet de la loi pour inter
préter même une disposition pénale criminelle4.

À plus forte raison. il y a lieu de rechercher l’objectifpoursuivi par le législateur lorsqu’on


est en présence d’une infraction pénale réglementaire, par opposition à une infraction cri
minelle proprement dite. En effet, les infractions pénales réglementaires s’inscrivent dans
un contexte beaucoup plus large que l’examen de la seule disposition à laquelle un citoyen
aurait contrevenu, et ce, contrairement à une disposition pénale criminelle5.

Dans l’affaire Structures Universelles Inc. c. Conimnission de la santé et de la sécurité du


travail6, la Cour d’appel revient d’ailleurs sur cette nécessité d’interpréter les dispositions
pénales dans le contexte de l’objet de la loi:
Même s’il s’agit de dispositions pénales, adopter une interprétation trop restrictive
conduirait à annihiler les objectifs de la Loi.7

finalement, dans l’arrêt Sobeys Ouébec inc. e. Commission de la santé et de la sécurité


au travail6, appelée à se prononcer sur l’article 5 1(1) L.s.s.t., en 2012, la Cour d’appel
indique que la Loi sur la santé et la sécurité du travail est une loi sociale et d’ordre public.
Elle mentionne qu’elle doit ainsi recevoir une interprétation large et libérale permettant
d’atteindre son objectif, et ce, même en matière pénale. Elle ajoute que cette loi déroge au
droit commun et vise à offrir aux travailleurs une protection généreuse9. La Cour suprême,
dans l’arrêt Dionne e. Commission scolaire des Patriotes’0, réitère cette interprétation en
fonction de l’objet de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, alors qu’elle est appelée
à se prononcer sur le statut de travailleuse d’une enseignante suppléante sur appel qui a
fait une demande de retrait préventif.
Section tirée de: Main MARCOTTE, «Les moyens de défense en matière pénale dans le
contexte de l’obligation de protection du travailleur, victime potentielle», dans S.F.PBQ.,
Développements récents en droit de la santé et sécurité au travail (2001), vol. 149,
Cowansville, EditionsYvon BIais, 2001, p. 171.
2. Loi d’interprétation, RLRQ, c. I-16.

(5996) 25/23 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

3. Acibec (La l?ose) Inc. c. Ouébec (Commission de la santé et de la sécurité du travail CSST),

[1987] ].Q. no 2044, [1988] R.J.Q. $0 (C.A.).


4. 1?. c. HasseÏwander, [1993] 2 R.C.S. 398, 413, [1993] A.C.S. no 57,
5. Pierre-André COTE, Interprétation des lois, 4” éd., Montréal, Editions Thémis, 2009, P. 546.
6. Structures tJnive,s’elles Inc. c. Conunission de la santé et de la sécurité du travail, [2006]
J.Q. no 3687, 2006 QCCA 559.
7. Structures Universelles Jiic. c. Commission de la santé et de la sécurité dii travail, [2006]
J.Q. no 3687, 2006 QCCA 559, par. 17 (affaire citée: Domtar inc. c. Commission d’appel
en matières de lésions professionnelles, [1990] J.Q. no 1435, [1990] R.J.Q. 2190 (C.A.),
la loi devant recevoir une interprétation large et libérale afin d’atteindre les objectifs qui y
sont sous-jacents).
8. Soheys Ouébec inc.c. Comniissiomi de la santé et de la sécurité du travail, [2012] J.Q.
no 6680, 2012 QCCA 1329 (requête pour permission d’en appeler refusée, [2012] C.S.C.R.
no 378).
O. Sohey Ouébec inc. c. Co,nnnssion de la santé et de la sécurité au travail, [2012] J.Q.
no 6680, 2012 QCCA 1329, par. 47-53 (requête pour permission d’en appeler refusée, [2012]
Q.S.C.R. no 378).
10, Dionne c. Commission scolaire des Patriotes, [2014] 1 R.C.S. 765, [2014] A.C,S. no 33.

h] i)ivulgationde la preuve

34. Contenu de l’obligation de divulgation de la preuve L’obligation de divulgation


de la preuve qui revient à la poursuite contribue à assurer au défendeur la protection de
son droit à une défense pleine et entière’. Cette obligation implique pour la poursuite
l’obligation de divulguer la totalité2 des renseignements qui sont en sa possession ou sous
son contrôle3, et qui ont une pertinence probable4 ou qui sont possiblement raisonnable
ment5 susceptibles d’agir sur la capacité du défendeur de présenter une défense pleine et
entière6. Cette obligation s’applique, que ces renseignements soient inculpatoires ou, a
fôrtiori, disculpatoires, et ce, sans distinction7, et que la poursuite ait ou non l’intention
de les produire en preuve8. Cela implique aussi l’obligation corollaire pour la poursuite
de conserver cette preuve9.
1. R c. .kiille/èr; f?. c. Dnguav, [2003] 3 R.C. S. 307, [2003] A.C.S. no 75, par. 1 Commission de
ta santé et de la sécurité dit travail c. Le/ko produits de plastique inc., [2009] J.Q. no 1914$,
2009 QCCQ 17245, par. 30.
2. R. c. Durette, [1994] 1 R.C.S. 469, [1994] A.C.S. no 22.
3. R. c. La (appel de fi,), [1997] 2 R.C.S. 680, [1997] A..C.S. no 30.
4, R.c.Stinchcoinbe,[1991]3R.C.S.326,[1991]A.C.S.no83,
5. 1?. c. (7iaplin, [1995] 1 R.C.S. 727, [1994] A.C.S. no 89.
6. R. c.Egger,[1993]2R.C.S. 451, [1993]A.C.S. no66.
7. R. c. Stinchcombe, [1991] 3 R.C.S. 326, [1991] A.C.S. no $3.
8. I?. c. C’ook, [1997] 1 R.C.S. 1113, [1997] A.C.S. no 22.
9. f?. c. La (appel de Vm,), [1997] 2 R.C.S. 680, [1997] A.C.S. no 30; 1?. c. Fournier, [2000]
J.Q. no 684, i.E. 2000-571, REJB 2000-16642 (C.A.).

35. Limites de l’obligation de divulgation de la preuve L’obligation de divulguer la


preuve n’est cependant pas absolue. La poursuite a en effet un certain pouvoir discrétion
naire quant au contenu â divulguer et quant au moment où la divulgation doit se faire.
A ce titre, la poursuite n’est pas tenue de divulguer les informations faisant l’objet d’un

(5996) 25124 Janvier2018


fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

privilège1. Ce pouvoir discrétionnaire de la poursuite sera toutefois sujet au contrôle de la


part du juge du procès2.
1. R. e. Slincheombe, [1991] 3 R.C.S. 326, [19911 A.C.S. no 83.
2. R. c. Commanda, [2007] J.Q. no 6991, 2007 QCCA 947 (requête pour permission d’en
appeler refusée, [2007] C.S.C.R, no 476).

36. Application en matière de droit pénal réglementaire Les principes élaborés par

la Cour suprême, dans l’arrêt Stinchcombe’, l’ont été dans un contexte de droit criminel.
La Cour émet d’ailleurs une mise en garde quant à la portée plus limitée du contenu de ce
droit ou quant à son effet moindre en droit pénal réglementaire2.
1. J?. c. Siinchcombe, [199113 R.C.S. 326, [1991]A.C.S. no 83.
2. R. e, Stinchcoinbe, [1991] 3 R,C.S. 326, 342, [1991] A.CS no $3.

37. Réparation en cas d’inexécution de l’obligation En cas de manquement, la répa


ration peut aller de l’ajournement à l’arrêt des procédures.

Ce ne sera que dans des circonstances exceptionnelles, soit lorsque le défendeur démontre
que l’atteinte au droit est irréparable, que l’arrêt des procédures sera ordonné’. La Cour
suprême indique d’ailleurs ce qui suit:
Pour assurer l’équité des procès, ce n’est que lorsqu’il ne peut être remédié au préju
dice en ordonnant l’ajournement de l’instance et la communication de la preuve que
l’exclusion des éléments de preuve constituera une réparation convenable et juste.2

Citant ces propos de la Cour suprême, la Cour du Québec, dans une affaire rendue en
matière de santé et de sécttrité du travail, après avoir noté que le défendeur n’avait pas
établi que la communication tardive avait rendu le procès inéquitable, opte pour l’ajour
nement à titre de réparation3.

Attention1

H est important de ne pas confondre l’obligation de divulgation de la preuve avec le droit


du défendeur de connaître la preuve à réfuter.

Le droit du défendeur de connaître la preuve à laquelle ii doit répondre, droit visant à lui
permettre de faire un choix éclairé quant à l’opportunité de produire ou non une défense
(le droit de connaître la preuve qui pèse contre lui ou la preuve à réfuter), entre en jeu à
une étape subséquente du processus judiciaire pénal. Du point de vue constitutionnel, cette
composante du droit à une défense pleine et entière est par ailleurs respectée dès lors que la
poursuite, au procès, déclare sa preuve close, c’est-à-dire dès qu’elle a produit les éléments
qu’elle a choisis à l’intérieur de la preuve communiquée préalablement5.

Le principe qui interdit à la poursuite de diviser sa preuve des éléments essentiels de


I ‘infraction complètera cette composante.
1. 1?. e. ‘J/iiÏÏefer; R. e. Dugïiay, [2003] 3 R.C.S. 307, [2003] A.C.S. no 75.
2. R. e. BjeÏIand, [2009] 2 R.C.S. 651. 663, [2009] A.C.S. no 3$.

(5996) 25/25 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

3. Conimission de la santé et de la sécurité du travail c. 14ko produits de plastique inc., [20091


J.Q. no 19148, 2009 QCCQ 17245.
4, Section tirée de: Alain MARCOTTE, «Droit pénal dans le contexte de l’obligation de pro
tection du travailleur, victime potentielle: les infractions à la Loi sur la santé et la sécurité
du travail», dans S.F.P.3.Q, vol. 263, Développements récents en droit de la santé et de la
sécurité au trcivail (2007,), Cowansville, Editions Yvon Biais, p. 1, à la page 25.
5. 1?. c. R.JS., [19951 1 RC.S. 451, [1995] A.C.S. no 10; J?. c. Underwood, [1998] 1 R.C.S.
77, [1997] A.C.S. no 107; R. c. Rose, [1998] 3 R.C.S. 262; R. c. 1,atimer, [2001] 1 R.C.S.
3; R. c. Cook, [1997] 1 R.C.S. 1113, [1997] A.C.S. no 22.

11. ÉLÉMENTS À LA CHARGE DE LA PORSflE


A Qualification du défendeur lorsque requise

38. Acteurs assujettis Différents acteurs sont assujettis à la Loi sur la santé et la sécurité

du travail en fonction de leur qualification. C’est le cas de l’employeur, du travailleur et du


maître d’oeuvre définis à l’article I, du fournisseur d’équipement visé à l’article 63, du pro
priétaire d’un édifice visé à l’article 56 ainsi que de la personne qui, sans être un employeur,
utilise les services d’un travailleur aux fins de l’établissement visé à l’article 51.1 L.s.s.t.

De plus, les articles 7 et $ L.s.s.t. visent spécifiquement la personne physique faisant affaires
pour son propre compte qui exécute, pour autrui et sans l’aide de travailleurs, des travaux
sur un lieu de travail où se trouvent des travailleurs, l’employeur et les personnes visées
dans les paragraphes I et 2 de la définition du mot « travailleur»’.

Dans le cas des personnes visées à l’article 7, celles-ci sont tenues plus précisément aux
obligations imposées par la Loi sur la santé et ta sécurité du travail à un travailleur et
aux obligations relatives aux produits, procédés, équipements, matériels. contaminants ou
matières dangereuses que cette loi ou les règlements associés imposent à un employeur.
Pour ce qui est des personnes visées à l’article 8, celles-ci sont uniquement tenues aux
obligations imposées en vertu de la loi à un travailleur. Précisons que, dans un arrêt récent,
la Cour d’appel a confirmé que la présence de travailleurs sur le lieu de travail n’est néces
saii’e que pour l’application des obligations prévues à l’article 7 par opposition à celles
à l’article $2,
Les personnes visées par ces paragraphes sont: une personne qui est employée à titre de
gérant, surintendant, contremaître ou représentant de l’employeur dans ses relations avec
les travailleurs, un administrateur ou dirigeant d’une personne morale, sauf si une personne
agit à ce titre à l’égard de son employeur après avoir été désignée par les travailleurs ou une
association accréditée.
2, N’adeau c. Commissio,, de la santé et de la sécurité du travail, [2014] J.Q. no 6807, 2014
QCCA 1333.

(5996) 25 / 26 Janvier 2018


fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

L Notion d’employeur

38.1. Généralités La Cour suprême ayant précisé dans l’affaire Bel! Canada’ que la Loi sur

la santé et la sécurité du travail vise d’abord et avant tout le «gestionnaire de l’entreprise »,

nous nous attarderons plus particulièrement à la notion d’employeur dans la présente section.
1, Bel! Canada c. Onébec (Commission de la santé dde la sécurité dé travah9, [198$] I R.C.S.
749, $00, [1922] A.C.S. no 41

38.2. Définition L’article 1 L.s.s.t. définit l’employeur de la façon suivante: une per

sonne qui, en vertu d’un contrat de travail ou d’un contrat d’apprentissage, même sans
rémunération, utilise les services d’un travailleur; un établissement d’enseignement est
réputé être l’employeur d’un étudiant, dans les cas où, en vertu d’un règlement, l’étudiant
est réputé être un travailleur ou im travailleur de la construction.

38.3. Contrat de travail et contrat d’apprentissage La présence d’un «contrat


de travail» ou d’un «contrat d’apprentissage» est essentielle pour l’identification de


«l’employeur» mais aussi du «travailleur».

Ces deux notions ne sont pourtant pas définies à la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Pour ce qui est de la notion de «contrat de travail », il y a lieu de se référer à la définition


du droit commun contenue à l’article 2085 du Code civil du Québec’. Selon cet article, trois
critères doivent être réunis pour qu’il y ait formation d’un contrat de travail à savoir, la
prestation de travail, la rémunération et le lien de subordination, mais, comme nous le ver
rons ci-après, la rémunération ne sera pas un critère nécessaire pour être en présence d’une
relation employeur-travailleur au sens de la Loi sur la santé et de la sécurité aîi travail.

Quant à la notion de «contrat d’apprentissage», celle-ci n’est pas définie au Code civil
du Ouébec. D’ailleurs, cette notion n’a été que très peu étudiée par la jurisprudence et la
doctrine en santé et sécurité au travail2.

Rémunération Avant que ne soit rendu l’arrêt Dionne3 par la Cour suprême du Canada,
la doctrine en matière de santé et sécurité du travail semblait opposer la notion de contrat
de travail à celle de contrat d’apprentissage en raison du fait que seul le contrat d’appren
tissage pouvait être à titre gratuit, alors que la rémunération était nécessaire à la formation
d’un contrat de travail4. Or, depuis l’arrêt Dionne> , il ne fait plus aucun doute que la rému
nération n’est pas un critère nécessaire à la formation d’un contrat de travail en vertu de la
Loi sur la santé et de la sécurité au travail. La Cour suprême indique ce qui suit à ce sujet:
La Loi définit le «travailleur» autrement que ne le fait le Code civil une per

sonne qui exécute un travail même sans rémunération, plutôt qu’un employé
qui travaille moyennant rémunération. Il est donc clair que le législateur avait
l’intention de rejoindre un ensemble de travailleurs beaucoup plus large que celui
qui est visé parla notion d’employé» dans le Code civil. Cette interprétation
plus généreuse de la notion de (<travailleur)> est non seulement justifiée par le
caractère de la Loi, qui est d’ordre public, elle est également permise par la dis-

(5996) 25/27 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

position préliminaire du Code, qui prévoit que d’autres lois peuvent ((ajouter au
code ou y déroger» [...].

1. Anne-Marie LAFLAMME et Katherine LIPPEL, «Les droits et responsabilités des


employeurs et des travailleurs dans un contexte de sous-traitance: enjeux pour la préven
tion, l’indemnisation et le retour au travail», dans Service de la formation continue, Barreau
du Québec, vol. 334, i)éveloppemetits récents en droit de la santé et sécurité au travail,
Cowansvitle, Editions Yvon Biais, 2011, p, 283; Commission de la santé et de la sécurité
du travail c. 9089-5228 Oué bec inc., 2006 QCCQ 2025; Commission de la santé et sécurité
du travail c, A/Iario Mottard inc., 2013 QCCQ 5574, conf. par 2013 QCCS 513.
2. Marie-Anne LECAVALIER et Tatiana SANTOS DE AGUILAR, « La notion de travailleur
dans le contexte de la réalisation de l’objet de la L.S.S.T.», dans Service de la formation
continue, Barreau du Québec, vol. 394, Développements récents en droit de la santé et
sécurité au travail, Cowansville, Editions Yvon BIais, 2015, p. i, à la page 24.
3. l)ionne c. &)mmission scolaire des Patriotes, [2014] 1 RC.S. 765, [2014] A.C.S. no 33.
4. Anne-Marie LAFLAMME et Katherine LIPPEL, « Les droits et responsabilités des
employeurs et des travailleurs dans un contexte de sous-traitance: enjeux pour ta préven
tion, l’indemnisation et le retour au travail», dans Service de la formation continue, Barreau
du Québec, vol. 334, Développements récents en droit de la santé et sécurité au travail,
Cowansville, Editions Yvon Biais, 2011, p. 283, â la page 284. Robert P. GAGNON, Le droit
du travail dii Ouéhec, 7e éd. par Langlois Kronstrôm Desjardins, Cowansville, Editions
Yvon BIais, 2013, p. 303.
5. Dionne c. Commission scolaire des Patriotes, [20141 1 R.C.S. 765, [2014] A.C.S. no 33,
6. Dionne c. Commission scolaire des Patriotes, [20141 1 R. C.S. 765, [2014] A.C.S. no 33,
par. 37.

39. Subordination En matière de droit du travail, le critère de la subordination juridique


est détenniiiant et d’autant plus lorsque la question du véritable employeur se posera’. Ce


critère «englobe essentiellement la notion du contrôle effectif d’ une partie sur les presta
tions de travail quotidiennes du salarié »2,

En matière de santé et sécurité du travail, une revue de lajurispmdence nous permet de


constater que celle-ci accorde également une plus grande importance au critère de la subor
dination juridique surtout dans un contexte où se pose la question du véritable employeur.
l)ans ces cas, la notion de contrôle effectué sur les lieux de travail est au coeur des déci
sions rendues3.
1. Pointe-Claire (Hile de) c. Ouébec (iribmialdu travail), [1997] 1 RC.S. 1015, [1997] A.C.S.
no 41.
2. Pointe-t7c,ire (Ville de) c. Ouéhec (iribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015, [1997] A.C.S,
no 41, par. 35.
3. Commission de ta santé et de la sécurité du travail c. Guay inc., [2007] J.Q. no 4967, 2007
QCCQ 5197; Strttctures (Jniverselles inc. c. (‘onunissïon de la santé et de la sécurité du
travail, [2006] J.Q. no 3687, 2006 QCCA 559; Ottébec (‘Commission de la santé et de la
sécurité du travail) c. Guay inc., [2001] D.T.T.Q. no 94.

40. Notion d’employeur momentané La théorie de l’etnployeur momentané a été éla


borée par la jurisprudence’ dans de tels cas où la détermination du véritable employeur


se posait. Selon cette théorie, élaborée plus précisément dans le contexte des infractions
pénales visant des contraventions sur un chantier de construction, le défendeur imputable
de l’infraction est celui qui, sans être celui qui rémunère les travailleurs salariés sur un

(5996) 25/28 Janvier2018


Fasc, 25 infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

chantier, peut néanmoins être leur patron momentané s’il a le pouvoir de diriger les tra
vaux à effectuer sur ledit chantier. Il est alors considéré comme l’employeur aux fins de
l’application de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.
1. Voir, notamment C 5.5. T c. Construction et location Jenik lite., AZ-93 147005 (T.T.), suivi
dans Onébec «J’ominission de la santé et de la sécurité du travail,) c. Guay inc., [2001]
D,T.T.Q. no 94; Commiçsion de la santé et de la sécurité du travail c. Constructions Ferclau
inc., [2003] D.T.T.Q. no 13; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Groupe
Forlini Inc., [2004] DT.T.Q. no 56; Commïssion de la santé et de la sécurité du travail c.
Gucty inc., [2007] J.Q. no 4967, 2007 QCCQ 5197.

40.001. Interprétation en fonction de la réalisation de l’objet de la Loi sur la santé


et la sécurité du travail finalement, la Cour d’appel nous rappelle que la qualification
d’employeur «doit se faire en tenant compte de la relation de travail prévalant dans les faits
[...], de même que des objectifs de la Loi qui vise à éliminer les dangers pour la sécurité
des travailleurs en établissant des mécanismes de prévention et de surveillance (article 2) »‘.
1 Structures Universelles Inc. c. onimission de la santé et de la sécurité dii travail, [2006]
J.Q. no 3687, 2006 QCCA 559, par. 16,

40.01. Obligation face à un travailleur d’un tiers L’employeur occupe un rôle si ce;;
tral en matière de prévention des lésions professionnelles qu’il sera tenu de respecter les
obligations contenues à la Loi sur la santé et la sécurité du travail même à l’égard d’un
travailleur qui n’est pas à son service.

La Cour supérieure avait déjà confirmé dans l’affaire Niobec’, relativement à une infrac
tion à l’article 237. que les obligations en matière de santé et de sécurité du travail d’une
défenderesse qui exploitait une mine s’appliquaient à tous les travailleurs oeuvrant dans la
mine et non seulement aux travailleurs de celle-ci.

L’affaire Niobec a par la suite été suivie par la jurisprudence rendue en matière de santé
et de sécurité du travail2.

Mais c’est finalement dans l’affaire Sobeys3, dont l’autorisation de pourvoi à la Cour
suprême a été rejetée le 20 décembre 2012, que la question a été définitivement réglée par
un jugement de principe rendu par la Cour d’appel du Québec.

En effet, puisque dans l’affaire Niohec c’était une infraction visée à l’article 237 L.s.s.t.,
la défenderesse prétendait dans Sobeys Québec inc. c. Com,nisston de la santé et de la
sécurité du travail que les mêmes principes étaient inapplicables à une infraction relative
à l’article 236 avec référence à l’article 51. Or, la Cour d’appel n’est pas de cet avis. Elle
reconnaît plutôt expressément que la Loi sur la santé et la sécurité du travail couvre un
spectre plus large que la «relation traditionnelle d’emploi au sens le plus strict»4. Ce fai
sant, elle n’hésite pas à imputer à la défenderesse l’obligation, prévue à l’article 51 L.s.s.t.,
de s’assurer que son établissement était équipé et aménagé de façon à assurer la protection
des travailleurs, même à l’égard des travailleurs qui ne sont pas les siens>.
1 Conunission de la .s’anté et de la sécurité du travail e. Services minéraux industriels inc.
(Mine Niobec,), [2006] J.Q. no 5957, 2006 QCCS 3345.

(5996) 25 / 29 Janvier 2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

2. Voir, entre autres: Commission de la santé et de la sécurité du travail e. century Mining


(‘orporation, [2007] J.Q. no 8904, 2007 QCCQ 8660; Co,nm&ion de la santé et de la sécu
rilé du travail c. Société en commandite lhfisa Canada, [2007] J.Q. no 15965, 2007 QCCQ
11496; commission de la santé et de la sécurité du travail c. RCI Environnement inc., C.Q.
lberville, n°755-63-000246-055, 14 septembre 2007,j. Bouchard; Commission de la santé
et de la sécurité du travail c, E.CE. Electrkpte i., C.Q. Montréal, n° 500-63-003928-097,
23 août 2010,j Labelle; Général Electrique du Canada c. Commission de la santé et de la
sécurité du travail, [2011] J.Q. no 9829, 2011 QCCS 3777.
3. Sobeys Ouébec inc. c. Commission de la santé et de /a sécurité du trrn’ai/, [20121 J.Q.
no 6680, 2012 QCCA 1329 (requête pour permission d’en appeler refusée, [20121 C. S.C, R.
no 378).
4. Soheys Ouébec inc. c. t’ommission de la santé et de /a sécurité du travail, [2012] J.Q.
no 6680, 2012 QCCA 1329, par. 53,
5 Sobeys Ouébec inc. c. (‘o,nmission de la santé et de la sécurité du travail, [2012] J.Q.
no 6680, 2012 QCCA 132Ç, par. 54.

2. Notion de maître d’oeuvre

40.02, Définition Le maître d’oeuvre, tout comme l’employeur, joue un rôle vital en
matière de prévention des lésions professionnelles. C’est lui qui, sur un chantier de
construction, «a la responsabilité de l’exécution de l’ensemble des travaux»’.

1. Art. I L.s.s,t.

40.03. Critères Cette notion a fait l’objet d’une vaste jurisprudence en droit de la santé

et de la sécurité du travail. De plus, en 2011, la Cour d’appel a eu l’occasion de se pencher


sur cette notion dans l’affaire Hydro-Ouébec’.

Plus précisément, la Cour d’appel était saisie de la question de savoir â quel moment il faut
procéder à l’identification du maître d’oeuvre. Pour y répondre, elle procède à l’étude des
décisions rendues en la matière par les tribunaux judiciaires et administratifs. Elle propose
ensuite sa propre analyse de la définition de maître d’oeuvre en retenant quatre éléments à
considérer dans la détermination de cette notion:

Identification d’un chantier de construction;


Détermination de tous les travaux qui doivent y être exécutés;
— Examen du rapport juridique établi entre le propriétaire et le tiers afin de voir
si le premier a confié au deuxième la responsabilité de l’exécution de l’ensemble
des travaux;
À défaut de l’existence d’un tel lien juridique, le propriétaire est le maître
d’oeuvre au sens de la Loi.2

Ï. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Hvdm—Ouéhec, 2011 QCCA 1314,


[2011] J.Q. no 9030.
2. (‘onunission de la santé et de la sécurité du travail e. Hvdro-Ouébec, 2011 QCCA 1314,
par. 19, [2011] J.Q. no 9030.

(5996) 25/30 Janvier2018


Fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

40.04. Identification du chantier de construction Pour ce qui est du premier élément,


la Cour indique qu’il s’agit d’identifier le chantier de construction en ayant recours à la


définition de cette notion contenue à la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Selon la
Cour, cet élément peut être établi généralement par la simple visite des lieux1.
1. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Hydro-Ouébec, 20H QCCA 1314,
par. 21, [20111 J.Q. no 9030.

40.05. Détermination des travaux à être exécutés En ce qui a trait au deuxième élé
ment, la Cour d’appel souligne qu’il faut « établir un portrait global du projet pour éviter
de scinder les étapes successives de réalisation des travaux en autant d’ensembles avec
des maîtres d’oeuvres distincts»1.
1. Commission de la santé e! de ta sécurité du travail e. Hydro-Ouébec, 2011 QCCA 1314,
par. 22, [2011] J,Q. no 9030.

40.06. Examen du rapport juridique Le troisième élément requiert l’analyse du contrat


entre le propriétaire et le tiers pour déterminer si le propriétaire a conservé le contrôle


sur la réalisation de l’ensemble des travaux ou s’il agit plutôt comme un simple donneur
d’ouvrage ayant confié les travaux à un entrepreneur1.

Pour le savoir, l’étude des documents contractuels, lorsqu’ils existent, constitue un point
de départ pour la recherche de l’intention des parties. A défaut de tels écrits, il faudra
directement interpeller les parties pour déterminer leurs intentions. Dans un cas comme
dans l’autre, c’est la véritable intention des parties qui compte et celle-ci pourra être déter
minée à partir des règles usuelles en matière d’interprétation des contrats ou pourra aussi
se dégager du comportement des parties2.

La Cour accorde ainsi une grande importance au contrat intervenu entre le propriétaire
et le tiers puisqu’un maître d’oeuvre doit exister avant même le début du chantier. Par ail
leurs, elle ajoute du même souffle qu’<dl n’en demeure pas moins que le juge saisi d’une
poursuite pénale doit déterminer, au jour précis de l’infraction alléguée, qui était alors le
maître d’oeuvre du chantier » confirmant ainsi qu’il est possible d’avoir un changement de
maîtrise d’oeuvre en cour d’exécution des travaux sur le chantier.

L’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Unique (L2, assurances


générales inc. illustre bien cette possibilité évoquée par la Cour d’appel è l’effet qu’un
changement de maîtrise d’oeuvre peut survenir lors de la réalisation du contrat4.
1. C’ommission de la santé et de la sécurité du travail e. Hydro-Ouébec, 2011 QCCA 1314,
par. 23, [2011] l.Q. no 9030.
2. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Hydro-Oiiéhec, 2011 QCCA 1314,
par, 24, [2011] J.Q. no 9030.
3. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Hvdro-Ouébec, 2011 QCCA 1314,
par. 26, [2011] J.Q. no 9030.
4. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Unique(L), assurances générales
inc., [2013] J.Q. no 11029, 2013 QCCQ 9812, par. 34.

(5996) 25/31 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

40.07. Objet de la Loi sur la santé et la sécurité du travail — La Cour supérieure est venue
ajouter que, lors de la détermination du maître d’oeuvre, il y a lieu de s’assurer que le but
recherché par la loi qu’elle désignait comme étant «d’éliminer à la source les dangers
pour les travailleurs en édictant les obligations pour l’employeur et le maître d’oeuvre»,
est rempli’.
1. Maisons Laprise lite. c. (‘oinmission de la santé et de la sécurité du travail, 2015 QCCS
223, par. 39.

3. Notion de travailleur

40.08. Généralités — En santé et sécurité du travail, le travailleur est la victime poten


tielle à protéger. La Loi sur la santé et la sécurité du travail ltd confère alors un ensemble
de citoits, tels le droit de refus’ ou le droit au retrait préventif2 et pltis généralement le
<t droit â des conditions qui respectent sa santé, sa sécurité et son intégrité physique ». Par

ailleurs, en contrepartie des droits qui lui sont conférés par la Loi, des obligations lui sont
égal ement imposées4.
I. Articles 12 à 31 L.s.s.t.
2. Articles 32 à 48 L.s.s.t.
3. Article 10 L.s.s.t.
4. Article 49 L.s.s,t.

40.09. Définition La notion de travailleur est définie à l’article I Ls.s.t.:


1. Dans la présente loi et les règlements, à moins que le contexte n’indique
un sens différent, on entend par:
[. .1
« travailleur»: une personne qui exécute, en vertu d’un contrat de travail ou d’un
contrat d’apprentissage, méme sans rémunération, un travail pour un employeur.
y compris un étudiant dans les cas déterminés par règlement, à l’exception:
d’une personne qui est employée à titre de gérant, surintendant, contremaùre
ou représentant de l’employeur dans ses relations avec les travailleurs;
2 d’un administrateur ou dirigeant d’une personne morale, sauf si une personne
agit à ce titre à l’égard de son employeur après avoir été désignée par les
travailleurs ou une association accréditée.

Au sujet de cette définition, la Cour suprême affirme que celle-ci:

f...] reflète une intention claire d’étendre le plus largement possible la protec
tion en matière de santé et de sécurité du travail, y compris aux étudiants, aux
stagiaires, aux apprentis et aux travailleurs individuels, qu’ils soient rémunérés
ou non. Essentiellement, quiconque n’exerce pas un rôle de cadre et effectue un
travail pour un employeur adroit à la protection de la Loi.

La détermination du statut de travailleur se fera alors par l’analyse de la présence d’un


contrat d’apprentissage ou d’un contrat de travail comme c’est le cas pour la détermination
du statut d’employeur.

(5996) 25/32 Janvier2018


fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

1. Dionne c. Commission scolaire des Patriotes, [2014] 1 R.CS. 765, 774, [2014] A.CS. no 33,
par. 32.

40.010. Exclusion du personnel-cadre Il est à noter que sont expressément exclus de


la définition de travailleur le gérant, le surintendant, le contremaître et le représentant de
l’employeur dans ses relations avec les travailleurs ainsi que l’administrateur ou le dirigeant
d’une personne morale, sauf si une personne agit à ce titre à l’égard de son employeur après
avoir été désignée par les travailleurs ou une association accréditée.

Ces exclusions visent les personnes représentant l’autorité patronale1 et se retrouvent éga
lement à la définition de «salarié>) de l’article premier du Code du travaiP.
Carol JOBIN, «Statuts de salarié et d’employeur dans les lois du travail», dans JurisClasseur
Québec, coll «Droit du travail », Rapports individuels et collectifv du fravctil, fasc. 8,
Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles, n° 116.
2, Code du trm’ail, RLRQ, c. C-27, art 1

4. Diverses qualifications visées par ta Loi sur les accidents du travail


et les maladies professionnelles

40.1. Le chapitre des dispositions pénales de la Loi sur les accidents du travail et les mala
dies professionnelles cible certaines personnes spécifiques, mais comprend également des
dispositions qui peuvent viser toute personne.

41. Dispositions visant l’employeur L’article 458 L.a.t.m.p. vise l’employeur, tel que
défini par cette loi. Il édicte un certain nombre de dispositions auxquelles l’employeur
ne peut déroger sans être passible d’une amende. Au nombre de ces dispositions, nous
retrouvons celles concernant l’interdiction des sanctions à l’égard d’une personne exerçant
un droit en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies projèssionnelÏes,
de même que l’obligation de payer les 14 premiers jours, d’offrir les premiers soins et de
transmettre les rapports médicaux au travailleur. Les infractions et peines prévues à l’article
460 ainsi qu’à l’article 461 visent également l’employeur.

42. Autres acteurs visés Les dispositions pénales de la Loi sur les accidents du travail
et les maladies projèssionnelles visent également d’autres acteurs importants. C’est le cas,
entre autres, du professionnel de la santé ou de l’établissement de santé, du maître d’oeuvre
et de l’association de travailleurs autonomes ou de domestiques.

43. Quiconque Les articles 463 et 464 L.a.t.m.p. ne visent pas des acteurs en particu

lier. En effet, toute personne faisant une fausse déclaration à la CNESST ou agissant en
vue d’obtenir un avantage auquel elle sait ne pas avoir droit peut être poursuivie en vertu
de la loi.

B. Élément matériel

44. Articles créateurs d’infractions dans la Loi sur ta santé et ta sécurité du travail La —

Loi sur la santé et la sécurité du travail comporte deux articles créateurs d’infractions.

(5996) 25/33 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

L’infraction décrite à l’article 237 est complète en elle-même et, selon la jurisprudence
unanime. son élément matériel comporte la nécessité de prouver un danger. Pour sa part,
celle que prévoit l’article 236 nécessite une référence à im autre article de la loi ou d’un
règlement de sorte que chaque infraction particularisée visée par l’article 236 doit être
analysée afin de déterminer si un danger est inclus dans l’élément matériel reproché.

Ï. Danger au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail

45. Omniprésence de la notion de danger dans la Loi sur ta santé et ta sécurité du tra
vail I .a notion de danger est omniprésente dans la Loi str la sanlé et la sécurité du travail
et elle est au coeur même de l’objet de celle-ci puisqu’elle vise l’élimination à la source des
dangers. Dans presque tous les chapitres de la loi, on réfère expressément à cette notion1.
De plus. certaines dispositions, telles celle relative à l’obligation générale de l’employeur
tic prciidre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité
des travailleurs décrite au premier alinéa de l’article 51 et celle relative à l’interdiction de
compromettre directement et sérieusement la santé et la sécurité d’un travailleur dont il
est question à l’article 237, réfèrent implicitement à cette notion.

Toutefois, cette notion coexiste dans la loi avec la notion de risque. Il est donc important de
les différencier, et ce, même si, dans certaines circonstances, la différence peut être ténue.

Ces deux termes n’étant pas définis dans la loi, nous venons de quelle façon les tribunaux
et la doctrine les ont définis et distingués.
I. Voir, notamment, les articles 2, 3. 9. 12, 32, 40, 49, 51. 52, 59, 90, 167 et 186 L.s.st.

q) (‘as où le dan ger est tin é/ément essentiel de / ‘infraction

46. Principe La notion de danger sera un élément essentiel à la charge de la poursuite


dans les seuls cas où le législateur l’aura prévu de façon expresse ou implicite dans la dis
position décrivant l’élément matériel. Ainsi, plusieurs articles tant de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail que des règlements adoptés en vertu de celle-ci n’imposent pas à la
poursuite le fardeau de faire la preuve d’un danger.

47. (as où le danger n’est pas inclus dans l’élément matériel C’est ainsi que, dans l’af

faire (‘.S.8 T c. (‘ompagnie 9014-2050 Ouébec Inc.’, la Cour du Québec. statuant sur une
infraction visée à l’article 236 L.s.s.t. relativement à une contravention à l’article 3.10.4(1)
du (‘ode de sécurité pour les travatix de construction2, conclctt que le défendeur ne peut
se soustraire à ses obligations légales en établissant qu’il a par ailleurs atteint l’objectif de
sécurité des travailleurs3. Dans trois autres affaires, la Cour a conclu que la notion de danger
n’était pas un élément essentiel des articles 3.15.3(1), 3.15.3(5) ou 3.15.4 dudit Code4.

De façon plus explicite encore, dans une autre affaire5, la Cour affirme que, lorsque le
texte de F article ne l’indique pas. il n’est pas requis de prouver le danger pour que l’obli
gation s’applique.

(5996) 25/34 Janvier2018


fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

Une décision de la Cour supérieure, dans l’affaire 3563677 Canada Inc. c. Conmiission
de la santé et de la sécurité au travail6, traite spécifiquement de la question du fardeau
de la poursuivante de faire la preuve ou non du «danger» pour une infraction à l’ar
ticle 236 L.s.s.t. pour une contravention à l’article 2.9.1. al.1(l) du Code de sécurité pour
les travaux de cons truciion7.

Dans cette affaire, les appelantes-défenderesses prétendaient que le texte même de l’ar
ticle 2.9.1, al. 1(1) faisait implicitement référence à la notion de danger puisque cet article
impose à la poursuivante de prouver que le travailleur était «exposé» à une chute de plus
de trois mètres de sa position de travail. Cette preuve du danger n’ayant pas été faite, les
appelantes demandaient à la Cour supérieure d’accueillir leur appel. Or, la Cour rejette
plutôt ce motif d’appel puisqu’elle «[...] n’accepte pas l’idée qu’on puisse faire implicite
ment référence à un élément de danger»6. La cour conclut ainsi que «[...] l’actus reus qui
doit être démontré, c’est purement et simplement qu’il y a eu une situation où le travailleur
est exposé à une chute de plus de 3 mètres et rien de plus ».
I. C.S.S.L c. Compagnie 9014-2050 Onébec hic., C.Q. Charlevoix, n°240-63-000003-046 et
autres, 30juin 2005, j. Tremblay.
2. (‘ode de sécurité pour les travaux de construction, RLRQ, c. S-2. 1, r. 4.
3. C.S.S.T c. Compagnie 9011-2050 Onébec Inc., C.Q. Charlevoix. n°240-63-000003-046 et
autres. 30juin 2005, j. Tremblay, par. 28.
4. Connnission de la santé et de la sécurité du travail c. Construction Abri val Itéc’, [2007]
J.Q. no 17889, 2007 QCCQ 5907; Coimnissiou, de la santé et de la sécurité du travail c. Les
(‘onsiructionsC’JRB inc., (‘Q. Terrebonne, n°700-63-000821-092,3 mai 2010,j. Duperron
Roy, par. 25; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Constructions Jnftahec
inc., [20091 J.Q. no 16342, 2009 QCCQ 14459.
5. C.S.S.T e. Construction ïHcicl-APG hic., T.T. Montréat, n° 500-63-001072-94, 5 avril 1995,
j. Prud’homme, p. 2.
6. 3563677 Canada inc. e. Commission de la santé et de la sécurité au travail, [2014]
J.Q. no 19942, 2014 QCCS 6732,
7. Code de sécurité pour les travaux de construction, RLRQ, e. S-21, r. 4.
8. 3563677 Canada inc. e. Commission de la santé et de la sécurité au travail, [2014]
J.Q. no 19942, 2014 QCCS 6732, par. 20.
9. 3563677 Canada inc. c. Commission de la santé ci de la sécurité au travail, [2014]
J.Q. no 19942, 2014 QCCS 6732, par. 22.

48. Cas où le danger est inclus dans l’élément matériel La preuve d’un danger est

nécessaire lorsque la disposition créatrice d’infraction réfère explicitement oti implicite


ment à cette notion. C’est à cette notion, qui est au coeur même de la loi, que renvoient des
obligations générales du travailleur et de l’employeur. En effet, l’obligation de «protéger
la santé et la sécurité physique» renvoie implicitement à la notion de danger’.

C’est ce qui a d’ailleurs été confirmé par la Cour d’appel dans l’affaire Domta,2. Se pronon
çant sur la validité d’un avis de correction fondé sur l’article 51(7) L.s.s.t. relativement à
un chariot non sécuritaire, la Cour affirmait:
Lajurispnidence majoritaire du Tribunal du travail reconnaît en effet que le
devoir d’un employeur n’est pas limité au respect de règlements existants ni
aux règlements qui pourront être adoptés par la Commission de la santé et de

(5996) 25/35 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

la sécurité du travail. L’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires


et raisonnables pour mettre à la disposition des travailleurs des équipements de
protection individuels ou collectifs propres à assurer l’élimination à la source
même des dangers pour leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique (art. 2
et 3 de la Loi).3

Quant à l’infraction prévue à l’article 237 Ls.s.t., la jurisprudence unaiime considère


qu’il revient à la poursuite de démontrer la présence d’un danger qtii, au surplus, peut se
matérialiser dans l’immédiat et mener à une conséquence grave.
1. £IP.() c. Québec (Procureur général,l, [19981 D:T:T.Q. no 28, [199$] J.Q. no 576, p: 77
et 79 du texte intégral.
2 l)omtar fliC. C. Ouébtc ((‘onhiiiissioii d’appel en rnalic’re de lésioiis piqfessionnel/es,), [1990]
JQ: no 1435, [1990] R.].Q. 2190 (C.A.).
3 / )omtar Inc. c. Onébec (roiiiniissioiz cl ‘appel en niatiére de lésiotispm/essionnelles,), [19901
:lQ. no 435, [1990] R.J.Q. 2190, 2192 (CA:).

h) l)éfinition du danger

49. Définition du danger La notion de danger, telle qu’étudiée par un auteur1 ayant
-.-

procédé à la lecture de l’ensemble de la jurisprudence émanant des tribunaux judiciaires,


peut être définie comme suit:
Une situation inadéquate ou allant au-delà de ce qui est normal ou inhérent à la
situation concernée: situation inadéquate en ce quelle va à l’encontre d’une règle
de l’an, d’une norme, dun règlement (même non applicable), de la loi, ou même
du simple bon sens: situation créant ou menant à une simple éventualité de lésion
sans égard à sa matérialisation, éventualité qui tient compte de l’erreur humaine
susceptible de se commettre et/ou de la nature des choses:

La jurisprudence récente2, dont certains jugements émanant des tribunaux supérieurs3,


retient cette définition qui semble faire consensus.

L’application de la définition du danger requiert donc une projection temporelle qui tient
compte du travail qui doit être effectué, des circonstances de son exécution et de la conduite
des travailleurs, en y incluant les erreurs qu’ils peuvent commettre dans ces circonstances.
L’appréciation du caractère dangereux d’une situation pourra généralement se déduire du
simple bon sens1.
1. Alain MARCOTTE, «Droit pénal dans le contexte de l’obligation de protection du travail
leur. victime potentielle: les infractions à la Loi sur la santé et la sécurité du trcn’ail», dans
S.F.RB.Q., vol. 263, Déi’eloppemeiits récents en droit de ta santé et de la sécurité au travail
(_‘OO7,, Cowansvifle, Editions Yvon Biais, p. 1, aux pages 32 à 34, ainsi que le tableau synop
tique relatifàla définition du danger selon les tribunaux judiciaires reproduit âla page 80:
2: Voir, entre autres : C’om,nission de la santé et de la sécurité du travail c. I,iclu.wies
lsocct,i hic.. [2007] J.Q. no 16264, 2007 QCCQ 15873: (‘onnuission de la santé et de
la sécurité du travail C. (‘tuiler & Bégin hic,, [200$] J.Q. no 7248, 200$ QCCQ 6769:
(‘onimission de la santé et de la sécurité du travail c. Auj—Mal Inc., [2008] J.Q. no 15254,

(5996) 25/36 Janvier2018


Fasc, 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

2008 QCCQ 9979; CSST c. Générale électrique du canada international inc., [2010]
J.Q. no 11226, 2010 QCCQ 9505,
3. Compagnie Abitibi-ConsoÏidated du Canada c. Commission de la santé et de la sécurité
du travail, [2009] J.Q. no 11276, 2009 QCCS 4707; Ross finlay 2000 inc. c. Commission
de la santé et de la sécurité du travail, [2011] J.Q. no 13357, 2011 QCCS 5049; Transport
et excavation Mascouche inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2011]
J.Q. no 18883, 2011 QCCS 6761; Québec (Ville de,) c. Commission de la santé etde la sécu
rité du travail ((‘3Sf,), [2016] J.Q. no 340, 2016 QCCS 208, par. 31.
4. commission de la santé et de la sécurité du travail c. Richard Garrett flectrique inc., [2006]
].Q. no 17753, 2006 QCCQ 17284, conf par [2007] J.Q. no 181, 2007 QCCS 47; Oué bec
(Ville de) c. Commission de la santé et de la sécurité du travail CSS1., [2016] J.Q. no 340,
2016 QCCS 208, par. 32.

50. Distinction entre danger et risque Les notions de risque et de danger coexistent

dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail, mais doivent être distinguées. Les auteurs
Cliche, Lafontaine et Mailhot écrivent à ce sujet:

[...] Le risque «zéro» dans les milieux de travail n’est pas l’objectif visé par la
loi. Toute fonction, tout poste de travail et toute assignation de tâches comportent
un ensemble de risques plus ou moins élevés déterminés par la nature du travail
à exécuter. Un risque élevé ne constitue pas nécessairement un danger. Ainsi un
sapeur appelé sur les lieux d’un violent incendie exécute une tâche qui comporte
des risques élevés pour sa santé et sa sécurité. Le danger naît lorsque les conditions
d’exécution d’une tâche ou fonction sont inadéquates.
Le risque est donc l’ensemble des difficultés, contraintes et aléas inhérents à une
fonction, un poste de travail ou une assignation de tâches. [...]
Pour conclure à une situation de danger au sens de la loi, il faut que l’apprécia
tion objective et subjective des conditions de temps, de lieu et de moyens dans
lesquelles un travailleur exécute son travail soit telle qu’il en résulte, de façon
probable et imminente, une atteinte à sa santé, à sa sécurité et à son intégrité
physique)

La distinction entre ces deux concepts réside dans la probabilité associée à la survenance
d’une lésion2. Dans Conmiission de la santé et de la sécurité du travail c. 9189-5201 Ouébec
inc., la Cour du Québec souligne que le risque est de gravité moindre que le danger. Ainsi,
celui-ci doit être défini comme une simple possibilité par opposition au danger qui lui est
représenté par une simple éventualité3.

Cette distinction établie, il y a lieu de regarder les différentes composantes de la définition


du danger ci-haut énoncée.
1. Bemard CLICHE, Serge LAFONTAINE et Richard MAILHOT, Traité de droit de la santé
et de la sécurité du travail, Cowansville, Editions Yvon BIais, 1993, p. 91 et 92.
2. Commission de lct santé et de la sécurité au travail c. 9189-5201 Ouébec inc., [2013] J.Q.
no 11865, 2013 QCCQ 10572, par. 22.
3. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9189-5201 Ouébec inc., [2013] J.Q.
no 11865, 2013 QCCQ 10572, par. 19.

51. Situation inadéquate — Le danger renvoie d’abord à l’existence d’une situation ma


déquat& ou allant au-delà de ce qui est inhérent à la situation concernée. L’inadéquation

(5996) 25/37 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

de la situation pourra ainsi se déduire de la contravention à une loi, à un règlement2 ou à


toute autre règle de conduite. Elle peut aussi tout simplement être déduite du bon sens3.
1. (‘onunission de la santé et de ki sécurité du travail e. Maçonneries TA. Inc., [2004] D.T.T.Q.
no 85, par. 77; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Ogesco Construction
inc., [2011] J.Q. no 18531, 2011 QCCQ 15205, par. 38.
2 t ‘onstructions Bricon Itée e. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2007] J. Q.
no 336, 2007 QCCA 90.
3. Coimnission de ta santé et de la sécurité dii travail c. Richard Garreti Electrique hic., [2006]
JQ. no 17753, 2006 QCCQ 17284, conf. par [2007] J.Q. no 181,2007 QCCS 47; Plastipro
(‘ctnada liée c. Commission de la santé et de la sécurité au travail, 2011 QCCS 6960, par. 43.

52, Lien de causalité Il fattt ensuite démontrer que celle situation inadéquate mène à
une éventualité de lésion et ainsi faire la preuve de ce lien causal’.
Leclere c. Maurecon Inc., T.T. Québec, n” 200-28-000584-83, 10janvier 1984, p. 4-6; C.SS. T
c, Oceantechc’onstn,ctio,, Inc., [19961J.Q. no 2721, [1996] D.TTQ. no 19, par. 13; C.SS.T
e. Lachance, T,T. Charlevoix, n” 240-63-000002-030, 4juillet 2003, par. 18; CXs.7: c.
Place Sanborn Inc. (La.), T.T. Montréal, n° 500-63-000236-957, 14septembre 1995, p. 6-7;
C.S.S.T c. Hôtel-Dieu deMontréat, T.i. Montréal, n’ 500-29-000012-904, 14mai 1990, p:
2 et 13.

53. Éventualité de lésion Le concept d’éventualité de lésion qui s’harmonise pleinement


avec l’objet préventif de la Loi sur la sal?té et la sécurité du travail est au coeur même de
la définition du danger. Dans l’affaire Constructions Zanetti Inc., la Cour d’appel a intro
duit celle notion en indiquant «qu’il suffit de constater l’existence de certains gestes ou
de certaines conduites mettant éventuellement en péril [lai sécurité»’.

Cette éventualité qu’une lésion survienne se traduit par la probabilité de matérialisation


qui ne doit toutefois pas devenir un exercice mathématique, Comme l’indiquait le Tribunal
du travail:
Ce serait là un exercice assez artificiel et possiblement odieux que d’exiger une
mesure mathématique de l’importance du risque. Il suffit que la preuve soit faite
de l’existence d’un risque sérieux, qui soit plus qu’une simple possibilité, mais
sans nécessairement que sa réalisation soit plus probable qu’improbable.2

Ainsi, selon les enseignements de la jurisprudence. une lésion est éventuelle si sa sur
venance est plus que possible sans être plus probable qu’improbable3. La probabilité de
matérialisation pourra alors être mince, pourvu qu’elle ne soit pas négligeable4.

Attention

En regard de la preuve du danger qui est à la charge de la poursuite, il est préférable de


référer à ce concept «d’éventualité» ou de «simple probabilité » de lésion plutôt qu’ à celui
de prévisibilité que la jurisprudence utilise souvent5.

En effet, le concept de prévisibilité peut renvoyer à deux situations qu’il est important de
distinguer: la prévisibilité intrinsèque à la situation inadéquate concernée pour ce qui est
de la prévisibilité du danger à la charge de la poursuite et la prévisibilité examinée du point

(5996) 25/38 Janvier2018


Fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

de vue du défendeur (d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances
que le défendeur) pour ce qui est des précautions raisonnables à prendre. Les précautions
raisonnables à prendre, et donc la prévisibilité du point de vue du défendeur, correspondent
à la défense de diligence raisonnable ou d’erreur de fait à la charge de la défense.

Le piège réside dans le fait de faire de la perception que le défendeur a de l’existence d’un
danger (de l’élément matériel) un élément essentiel de l’infraction et d’exiger, consé
quemment, que la poursuite le prouve hors de tout doute raisonnable, ce qui dénaturerait
l’infraction pénale de type réglementaire traitée sous le régime de la responsabilité stricte.
On imposerait ainsi à la poursuite le fardeau de démontrer hors de tout doute l’absence
d’erreur de fait raisonnable alors que, pour une infraction devant être traitée sous le régime
de la responsabilité stricte, l’erreur de fait est un moyen de défense. C’est pourquoi la
perception que le défendeur a de l’existence d’un danger, la prévisibilité du défendeur à
cet égard, doit être examinée dans l’optique d’une défense d’erreur de fait raisonnable à
la charge de la défenset.

Ainsi, si un élément de prévisibilité est à la charge de la poursuite, cela ne peut être que
celle qui est intrinsèque à la situation inadéquate concernée, soit l’éventualité ou la simple
probabilité que la situation réelle mise en preuve se matérialise en une lésion7. C’est ce
qu’est venue confirmer la Cour d’appel du Quéhec dans l’arrêt Coffrages CCCX.

En définitive, il s’agit de l’élément matériel de l’infraction déjà circonscrit par la Cour


d’appel dans l’affaire Zaijetif’. soit une situation mettant éventuellement en péril la santé
ou la sécurité d’un travailleur.
Ouébec (Commission de la santé et de la sécurité du trm’ctil) c. Constructions Zc,netti Inc.,
[1995] J.Q. no 297, 1995 CanLil 5382, par. 4 (C.A.).
2. Roireau c. Produits Chimiques Evpro Inc., T.T. Montréal, n 500-28-001133-826, 6 février
1984, p. 25.
3 Conunission de la santé et de la sécurité du travail c. Richard Garreti Electrique Inc., [2006]
J.Q. no 17753, 2006 QCCQ 17284, conf. par [2007] J.Q. no 181, 2007 QCCS 47. Voir aussi
CS.S.T C. Montréal (Ville de). [2003] D.T.T.Q. no 19, par, 41; Commission de la santé et
de la sécurité dit travail c. Services minéraux industriels inc. (Mine Niobec), [2006] J.Q.
no 5957, par. 51, 2006 QCCS 3345.
4. Conunissiomi des normes de / ‘équité de la santé et de la sécurité du travail c. Services de
couvertures et cheminées Lainbert inc., [2016] J.Q. no 11757, 2016 QCCQ 9324, par. 22.
5. Alain MARCOTTE, ((Droit pénal dans le contexte de l’obligation de protection du tra
vailleur, victime potentielle: les infractions à la Loi sur la santé et la sécurité du irm’ail»,
dans S.F.P.B.Q., vol. 263, J)éveloppements récents en droit de la santé et de la seculité au
travail (20O), Cowansville, EditionsYvon BIais, p. 1, aux pages 36 et 37; Comnnssionde
la samné et de la sécurité du travail c. A lclaurey Aluminium Inc., [2005] J.Q. no 299 (C. S.);
Coimnission de la santé et de la sécurité du travctil c. I?ichard Garrett EÏeetrkjue Inc., [2006]
J.Q. no 17753, par. 42, 2006 QCCQ 17284, conf par [2007] J.Q. no 181, 2007 QCCS 47
(en référant plutôt au concept d’éventualité).
6. Ce raisonnement a été retenu dans Onéhec (Commission de la santé et de la sécurité du
t,’m’ail) c. D.I.M.S. Construction Inc.. [1996] J.Q. no 1133 (C.S.), où une infraction prévue
à l’article 237 L.s.s.t. était reprochée. Voir aussi: Groupe Forage Ma/or International c.
Commission dc’ la santé et de la sécurité di, travail, [2008] J.Q. no 1286, 2008 QCCS 5866;

(5996) 25 / 39 Janvier 2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

Premier Horticulture liée c. (‘onunission de la santé et de la sécurité du travail “CSS?),


[2009] J.Q. no 11226, 2009 QCCS 4703.
7. Itichard Garrett Etectrique Inc. c. (‘ommission de ta santé et de la sécurité du travail, [2007]
J.Q. no 181, 2007 QCCS 47, par. 41-48.
8. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Coffrages CC(’ liée, [2013] J.Q.
no 15007, 2013 QCCA 1875, par. 20 (requête pour permission d’en appeler refusée, [20131
C.S.C.R. no 492).
9. Ouébec (Commission de la sauté et de la sécurité du travail) e. Constntctions Zane tti Inc.,
[1995] J.Q. no 297, 1995 CanLil 5382 (C.A.).

54. Erreur humaine Pour conclure qu’une éventualité de lésion découle de la situation

inadéquate, il fattt tenir compte de l’erreur humaine moyenne susceptible d’être commise
par le travailleur et/ou de la nature des choses1. Cela s’explique par le fait que la Loi sur
la santé et la sécurité du travail a pour objet la protection des « travailleurs qui peuvent
potetitielleineit être victimes d’accidents en commettant des erreurs htimaines. C’est ainsi
ciu’il flint les protéger contre leurs propres erreurs.
I. 9(ri—3686 Inc. c. Cominissio,icle la santé etde ta sécurité du travail, [2014] J.Q. no 10258,
2014 QCCS 4449, par. 33 Ouéhec (1 ‘lle deY) c. (‘ommission de la santé et de la sécurité clii
travail (CSSY), [2016] J.Q. no 340, 2016 QCCS 208, par. 30.
2. C.S.S.L e. kIw’c J”ihatreault (‘ouvreur Inc., [2001] D.1.TQ, no 63, D.T.E. 20011-842,
par. 16.

55. Matérialisation du danger Finalement, il est utile de rappeler que la rnatéria


lisation d’une situation inadéquate en accident n’est pas nécessaire pour conclure à la
présence d’un danger. Cependant, cette matérialisation petit permettre de conclure dans
certaines circonstances à la présence d’un danger, comme cela a été le cas dans l’affaire
Constructions Eerclau:

Bien que la poursuite n’ait pas à démontrer la survenance d’un accident pour ren
contrer son fardeau de preuve, dans le cas présent, le danger s’est effectivement
matérialisé par un accident fatal. Alors que M. RodHgue fut la victime, en tombant
à travers l’ouverture masquée, un autre membre de cette équipe aurait pu être
visé. L’existence d’un danger imminent de blessures graves est donc évidente.

I la santé et de la sécurité du travail c. (‘onstructions Eei’clcn, inc., [2003]


(‘OIiiiilisSiOI? de
DTT.Q. no 13, par. 72. Voir également au même effet: Conmussien de la santé et de la
sécurité au travail c. Menuise,’ie de la (‘apitale inc., 2012 QCCQ 571.

2. compromission directe et sérieuse à la santé, ta sécurité ou l’intégrité


physique d ‘tilt travailleur

56, Principe L’élément matériel de l’article 237 L.s.s.t. requiert, en plus de la démons

tration d’un danger. tel que précédemment décrit, que ce dernier soit direct et sérieux.
Selon la jurisprudence, le caractère direct et sérieux réfère à des critères d’immédiateté et
de gravité. Ainsi, cette infraction exige que le danger puisse se matérialiser dans l’immédiat
et que la lésion éventuelle puisse être grave.

(5996) 25/40 Janvier2018


fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

57. Interprétation Dans l’affaire Contenants Industriels Ltée c. Commission de la santé


et de la sécurité du travail’, la Cour supérieure précisait en effet que les termes «directe
ment et sérieusement» doivent être interprétés comme s’ appliquant aux conséquences de
l’action plutôt qu’à l’action ou à l’omission2.

Ainsi, pour l’infraction décrite à l’article 237 Ls.s.t.. le danger doit pouvoir se réaliser
à court terme et pouvoir mener à une blessure grave, mais l’acte ou l’omission peuvent
constituer des «fautes légères en soi, ou même des faits non délictueux» puisque ce sont
les conséquences qui importent3.
1. G.S.S.T c. Contenants Industriels Ltée, D.TE. 87T-4$4, conf, par [198$] R.J.Q. 1345 (C.S.);
Plastipro (‘anada liée c. Co,nmissioî, de la santé et de la sécurité du travail, [2011] J.Q.
no 19228, 2011 QCCS 6960, par. 36-39.
2. Voir aussi: Com,nission de la santé et de la sécurité du travail c. Entreprises Landco Inc.,
[2004] D.TT.Q. no 71, par. 2; Commission de la santé etde la sécurité du travail c. Habitations
Serge Savard lue., T.T. Longueuil, n° 505-36-001022-067, 11 octobre 2006, par. 6.
3. Commission de la santé et de la sécurité du travail c, I?ichard Garrett Electrique Inc., [2006]
J.Q. no 17753, 2006 QCCQ 17284, par. 45, conf. par [2007] J.Q. no 181, 2007 QCCS 47.

58. Matérialisation du danger À noter que, tout comme dans le cas du simple danger,

pour faire la preuve que l’infraction prévue à l’article 237 a été commise, soit la compro
mission directe et sérieuse à la santé, la sécurité ou l’intégrité, il n’est pas nécessaire qu’il
y ait matérialisation effective du danger, tel que nous le rappelle la Cour d’appel dans
l’affaire Constructions Zanetti Inc.:

CONSIDÉRANT que pour compromettre la santé ou la sécurité des travailleurs,


au sens de la loi précitée, il n’est pas nécessaire comme élément matériel de
l’infraction que la compromission ait effectivement eu lieu, mais qu’il suffit de
constater l’existence de certains gestes ou de certaines conduites mettant éventuel
lement en péril cette sécurité,’

1. Ouébec (Commission de la .s’anté et de la sécurité du travail) c. Constructions Zanetti Inc.,


[1995] J.Q. no 297, 1995 CanLil 5382, par. 4 (C.A.).

59. Cause de l’accident Bien sûi comme nous l’avons vu, lorsqu’il y a matérialisa

tion d’une situation inadéquate en accident, cela peut servir à démontrer l’existence du
danger mais, dans ce cas, il est important de préciser que la cause précise de l’accident
ne constituera cependant pas un élément essentiel de l’infraction1. il en est de même pour
l’établissement de la responsabilité de chacun des acteurs2.
Ï. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Constructions Ferclau inc., [2003]
D.T.T.Q. no 13, par. 70; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Maçonneries
TA inc., [2004] D,T.T,Q. no $5, par. 83 et 85; Commission de la santé et de la sécurité du
travail c. GastierM.P inc., 2012 QCCQ 7923,
2. Onébec (Commission de la santé et de la sécurité du travail) e. Techno films Inc., [2001]
D.TT.Q. no 26, par. 16.

60. Matérialisation du danger aux dépens d’une personne autre qu’un travailleur —

De plus, la preuve de la compromission de la santé, ou de la sécurité d’un travailleur peut

(5996) 25/41 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

être établie, même si le danger s’est matérialisé aux dépens d’une personne n’ayant pas
cette qualification, si un travailleur a été exposé au même danger.

Illustration

Dans l’affaire Constructions FercÏau, il était question de deux personnes d’une mfme
équipe se trouvant sur une toiture, un travailleur et un non-travailleur, qui étaient exposés
au mêtiie danger. Or, pour la Cour, le fait que ce fut un représentant d’un employeur qui
avait subi un accident plutôt qu’un travailleur permettait tout de même de conclure que
l’infraction avait été commise puisque le danger aurait très bien pu se matérialiser aux
dépens du travailleur. La situation inadéquate décrite exposait le travailleur à une éven
tualité de graves lésions pouvant se matérialiser dans l’immédiat. L’existence d’un danger
imminent de blessures graves était donc prouvé&.

Attention

À la lecture de la jurisprudence, on constate que le critère d’c< immédiateté» a été établi


dans le contexte de la matérialisation éventuelle d’une blessure. Or, l’article 237 Ls,s.t.
vise aussi les atteintes à la santé du travailleur, lesquelles se manifestent habituellement
par des maladies professionnelles. Ces dernières prenant souvent des années à se matéria
lisez; la jurisprudence devra probablement adapter ce critère pour atteindre les objectifs
visés par le législateur.
1. de la santé et de la sécurité dii travail c. Constructions Ferclau inc., [2003]
(‘cnzn;Issio,i
D.T.TQ. no 13, par. 63, 72 et 73.
2. Section tirée de: Alain MARCOTTE, «Droit pénal dans le contexte de l’obligation de pro
tection du travailleur, victime potentielle: les infractions à la Loi sur la santé et la sécurité
du travail», dans 5f P.B.Q., vol. 263, Développements récents en droit de la santé et de la
sécurité au travail (2007], Cowansville, Editions Yvon B lais, p. 1, à la page 43.

61. Preuve du danger En terminant, il est important d’apporter quelques précisions


sur l’introduction de la preuve du danger. li est légitime de se questionner sur la néces
sité de recourir à la preuve d’expert pour pouvoir qualifier une situation de dangereuse.
Afli rmer l’éventualité d’une lésion découlant d’une situation inadéquate est de la nature
de l’opinion. Toutefois, puisque cette opinion relève très fréquemment du sens commun,
l’inspecteur pourra dans plusieurs cas, et ce. sa;is avoir été préalablement qualifié d’expert,
se prononcer sur cette éventualité’.
1. l?ecyclage Miller Inc. e. C.S.S.T., C,S, Montréal, n°500-36-001333-973, 3juin 1998;
&FP.O. c. Ouébec (Procureur général), [199$] J.Q, no 576, [1998] D.T.T.Q. no 2$, p. $2
du texte intégral; (‘S.S.E c. Cam,ck knr., T.T. Québec, n° 200-29-000065-85, 16 octobre
1985; Commission de la sauté et de la sécurité du travail c. Carrier & Bégin inc., [200$]
J.Q. no 724$, 200$ QCCQ 6769.

(5996) 25/42 Janvier 201$


Fasc. 25 - Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

3. Action ou omission spéqfiques au maître d’œtwre

61.1. Affaire SEBJ Dans I’ affaire 8E3J1 la Cour d’appel est venue récemment affirmer,
,

que dans le cas d’un maître d’oeuvre, la poursuite devait également prouver, à titre d’élé
ment matériel de l’infraction énoncée à l’article 237 L.s.s.t., une action ou une omission
qui lui est propre.

À l’origine de cette affaire, un travailleur d’un sous-traitant du maître d’oeuvre SE3J


était décédé à la suite de la frappe d’un module transporté par des chariots élévateurs. La
Cour du Québec2 avait en première instance déterminé que bien que la santé et la sécurité
de ce travailleur avaient été compromises, les manquements constatés étaient le fait de
l’employeur et non du maître d’oeuvre. La Cour supérieure3 avait confirmé ce jugement.

La Cour d’appel a alors été saisie du dossier. Pour sa part, elle considère que les obliga
tions du maître d’oeuvre ne sont pas les mêmes que celles de l’employeur. Ce faisant, la
poursuite, pour pouvoir imputer au maître d’oeuvre une infraction en vertu de l’article 237,
doit faire la preuve d’une action ou d’une omission qui lui est propre. La Cour fait ainsi
droit aux arguments somnis par la SEBJ:

[.,.] Bien au contraire, ii revient au poursuivant d’établir au-delà de tout doute


raisonnable, mais sans qu’il soit question de mens rea, les composantes de l’actus
reus du maître d’oeuvre lui-même, soit le fait d’avoir, (j) par action ou par omis
sion, (ii) agi de manière à compromettre (iii) directement et (iv) sérieusement
(y) la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur,3

La Cour suprême du Canada ayant rejeté en date du 11 avril 2013 la demande d’autorisa
tion de pourvoi de la Commission de la santé et de la sécurité du travail à l’encontre du
jugement de la Cour d’appel, ce dernier est donc maintenant final5.
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société d ‘énergie de la Baie James,
[2012] J.Q. no 11244, 2012 QCCA 1910 (requête pour permission d’en appeler refusée,
[2012] C.S.C.R. no 541).
2. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société d’énergie de la Baie James,
[2010] J.Q. no 6733, 2010 QCCQ 5985.
3. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société d’énergie de la Baie Janies,
[2011] J.Q. no 12657, 2011 QCCS 4819.
4. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Société d ‘énergie de la Baie James,
[2012]J.Q. no 11244, 2012 QCCA 1910, par. 16.
5. Onébec (Commission de la santé e de la sécurité du travail,) c. Société d’énergie de la Baie
James, [2012] C.S.C.R. no 541,

4. Élément matériel pour tes infractions prévues à ta Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles

62. Généralités Chaque infraction particularisée prévue par la Loi sur les accidents du
travail et les maladies projèssionnelles comporte des éléments matériels distincts. S’il n’y
a pas lieu de passer tous ces éléments en revue, certains méritent cependant des précisions.

(5996) 25/43 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

63. Article 463 L.a.t.m.p. L’article 463 prévoit que «quiconque agit ou omet d’agir,

en vue d’obtenir un avantage auquel il sait ne pas avoir droit ou de se soustraire à une
obligation que la présente loi lui impose commet une infraction».

Les tribunaux ont eu à se pencher sur la notion d’avantage à laquelle réfère cette disposition.
Une lecture de lajurispmdence permet de conclure que cette notion doit être interprétée
largement. La simple possibilité d’influer sur un droit suffira1. Ainsi, l’avantage pourra être
éventuel ou conditionnel2 et viser une amélioration de la situation dans un sens très large3.

1. CXS.T c. Paradis, C.S. Québec, n°200-36-000138-941,2 mai l995,j. Bienvenue.


2. (‘.S.S.T e. Benidir, T.T. Montréal, n°500-63-000194-958,13 septembre 1995,j. Lesage.
3. 1?. c. Chatifimx, C.Q. Terrebonne, n’ 700-63-000115-041. 3juillet 2007,j. Beaulieu.

64. Article 27$ L.a.t.m.p. Une autre notion qui mérite d’être précisée est celle de «tout
-

changement dans [...] la situation [d’un bénéficiaire]» que l’on retrouve à l’article 278. 11 est
en effbt possible de poursuivre un bénéficiaire qui n’a pas informé sans délai la CNESST
de tottt changement dans sa situation, si cette information peut influer sur un droit que la
loi lui confère ou sur le montant d’une indemnité. L’article 462 prévoit l’infraction pour
contravention à l’article 278.

Au sujet de cette notion de «changement dans sa situation», lajurisprudence indique qu’il


peut s’agir d’une source de revenus1, du fait d’être retourné sur le marché du travail2, de
l’état de santé psychologique, de l’état civil ou encore d’une tentative de retourner au travail
ou de se lancer en affaires3. De plus, même en cas d’activités bénévoles, le bénéficiaire a
l’obligation d’informer la CNESST4.
1. C.S.S. T e. Béliveau, C.S. Saint-François, n° 450-36-000043-936, 25 octobre 1993, j.
Galipeau.
2. C.S.S.T c,Jeca, T.T. Montréal, n°500-63-000001-95, 10avril 1995,j. St-Amaud.
3. C.S.S.’E c. Marais, T.T. Montréal, n°500-63-1039-947, 28juin 1995,j. Langlois.
4. C.SS. T c. Denis, [1998] J.Q. no 1129, [1998] D.T.T.Q. no 20 C.S’S T c. Se,utnour, [1996]
J.Q. no 3869, [1996] D.T.T.Q. no 81. Contra: (‘.S.5T c. Ward, T.T. Montréal, n°500-63-
000775-947, $ novembre 1994,j. Bdère.

65, Article 465 L.a.t.m.p. —Tout comme l’article 236 L.s.s.t., l’article 465 L.a.t.rn.p. est
de portée générale et vise la contravention à toute disposition de la loi et de ses règlements.

C. Imputabilité

66. Principe En vertu des règles de la common Ïaw applicables, toute personne ayant

le pouvoir de contrôler la situation dérogatoire en est imputable1.


I. J?. c. Saut! Sie-ZVfarie (i?llede,), [1978] 2 R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59.

67. Application dans le cadre de la Loi sur la santé et ta sécurité du travail Lajuris —

prudence applique ce principe de common law en matière de santé et de sécurité du tra


vail1. De plus, l’article 239 L.s.s.t. codifie ce principe en ce qui concerne l’imputabilité à

(5996) 25/44 Janvier2018


Fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

l’employeur des actes commis par son préposé, à savoir un représentant. un mandataire
ou un travailleur à son emploi.

La Cour supérieure est d’ailleurs venue préciser que le «travailleur» auquel réfère l’article
239 L.s.s.t. n’a pas à être un tiers travailleur de l’employeur et qu’il peut être celui qui s’est
lui-même placé dans une situation qui compromet directement et sérieusement sa santé,
sa sécurité ou son intégrité physiqu&.
1 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Services Minéraux Industriels Inc.
(Mine NiobeçL [2006] J.Q. no 5957, par. 55, 2006 QCCS 3345; Commission de la santé et
de la sécurité du travail c. Constructions Ferclan inc., [2003] D.T.T.Q. no 13; (‘ommission
de la santé et sécurité du travail e. Domtar hic., [2004] J.Q. no 9239 (C.Q.); C.S.S. T c.
lôitures livis Floues inc., [2001] D.T.T.Q. no 60, par. 21, conf. par C.S. Montréal, n’ 500-
36-002514-019, 23 octobre 2001, j. Zigman; (‘onunission de la santé et de la sécurité du
travail e. 9089-5228 Ouéhec inc., [2006] J.Q. no 2376, 2006 QCCQ 2025; Coinimssion
de la santé et de la sécurité du travail c. Général électrique du ‘anada, C.Q. Montréal,
n 500-63-002202-064,9 novembre 2010,j. Lamontagne, conf. par [2011] J.Q. no 9829,
2011 QCCS 3777; ltoss Finlay 2000 inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du tra
vail, [2011] J.Q. no 13357, 2011 QCCS 5049. par. 31-34: Commission de la santé dde la
sécurité du travail c. Soheys Ouébec inc., [2010] J.Q. no 22189, 2010 QCCQ 11989, conf.
par [2012] J.Q. no 6680, 2012 QCCA 1329 (requête pour permission d’en appeler refusée,
[2012] C.S.C.R. no 378); Commission de la santé et de la sécurité du travail c. (‘offi’ages
CCC ,‘tée, [2013] J.Q. no 15007, 2013 QCCA 1875 (requête pour permission d’en appe
ler refusée, [20131 C.S.C.R. no 492). Voir cependant: C.gS.T c. 2421-4123 Oué bec hic.,
[2003] D.T.T.Q. no 132; Commission de Ici santé et de lci sécurité du travail c. I’ahricants
de plastique Fédéral Itée, [2006] J.Q. no 8061, 2006 QCCQ 3158, qui sont silencieux quant
à ta notion de contrôle.
2. 9098-9583 Onéhec inc. e. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2015] ].Q.
no16459,2015QCCS6495,par.22-27,conf.par[2016]J.Q. no 13117,2016QCCA1648.

III. MOYENS DE DÉFENSE

6$. Généralités Une fois les éléments essentiels de l’infraction établis, le juge n’aura
d’autre choix que de prononcer une condamnation si aucun moyen de défense n’est invoqué.

L’article 60 du €ode de procédure pénale1 prévoit que les moyens de défense en matière
pénale et criminelle s’appliquent. en faisant les adaptations nécessaires, aux infractions
pénales réglementaires.
1. Code de pmcédure pénale, RLRQ, c. C-25. 1.

A. Erreur de fait raisonnable

69. Principe Pour invoquer valablement ce moyen de défense, le défendeur doit établir
qu’il croyait, pour des motifs raisonnables. à un état de fait inexistant qui, s’il avait existé.
aurait rendu l’acte ou l’omission innocent1.

L’erreur de fait raisonnable consiste donc en la croyance raisonnable du défendeur de


n’avoir pas commis l’élément matériel de l’infraction. Cependant, comme l’e;Teur de fait

(5996) 25/45 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

doit être raisonnable, cela implique que le défendeur doit démontrer qu’il a fait des efforts
raisonnables pour connaître la situation réelle. C’est pourquoi ce moyen de défense se
confond très souvent avec ta diligence raisonnable2.
1. 1?. c. SauliSte-Marie (Ville de), [19781 2R.C.S. 1299, [1978] A.C.S. no 59.
2. Voir, à titre d’illustration, l’arrêt R. e. Chopin, [1979] 2 R.C.S. 121, [1979] A.C.S. no 35,
où la Cour suprême, elle-même, semble confondre ces deux moyens de défense.

70. Fardeau de lreuve Ce moyen de défense doit être établi selon une preuve prépondé

rante et on peut penser que ce fardeau se justifie sous l’article premier de la Charte cana
dienne des droits et libertés1 de la même façon que pour la diligence raisonnable.

illustrations

Voici quelques exemples d’application de cette défense en matière de santé et de sécurité


du travail.

La Cour supérieure a confinné un jugement de la Cour du Québec acceptant que la croyance


du maître d’oeuvre selon laquelle des travaux ne devaient pas avoir lieu sur un chantier à
la date de l’infraction pouvait constituer une défense d’erreur de fait raisonnable. La Cour
s’exprime ainsi à ce sujet:

Est-ce que cette erreur de fait est raisonnable dans les circonstances? S’il n’y a pas
de travaux et pas de raisons de penser qu’il doit y avoir des travaux, c’est-à-dire
que l’équipement se trouve sur un autre chantier, si le sous-traitant est respectueux
habituellement de la sécurité, si on n’ajamais eu de difficultés majeures avec lui
par le passé et, compte tenu qu’il s’agit d’un complexe de développement rési
dentiel de plusieurs maisons, si le matériel se trouve sur un autre chantier, il est
raisonnable à ce moment-là de pouvoir penser qu’il n’y aurait pas de travaux et
que personne ne se présenterait sur le chantier à ce moment-là.

Dans une autre affaire, le Tribunal du travail a estimé que, lorsque l’employeur est accusé
d’avoir contrevenu à l’article 237 L.s.s.t., alors que toutes les circonstances indiquent des
éléments de hasard difficilement imaginables par la direction d’une entreprise, des réac
tions inexplicables et inexpliquées, ou une réaction en chaîne d’éléments pour le moins
surprenante, il doit être acquitté3.

En outre, l’expérience des travailleurs peut parfois justifier une surveillance moins étroite,
lorsque les fautes commises étaient imprévisibles pour l’employeur4. Cela dit, encore faut
il que cette croyance soit raisonnable. C’est ce qu’a conclu le Tribunal du travail dans
l’affaire Roireau c. Oue//ette:

L’ inculpé savait ou devait savoir que dans l’accomplissement des travaux de bri
quetage de la partie supérieure de la cheminée, ses travailleurs auraient à oeuvrer
à proximité de la ligne électrique,5

1. Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur te Canada (1982,
R-U., c. 11)].

(5996) 25/46 Janvier2018


fasc. 25 Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

2. C. S.S.T c. Constructions et Rénovation ferri hie., C. S. Longueuil, n° 505-36-000871-048,


20 mai 2005, par. 19.
3. C.SS.Tc. Tembec Inc., T.T. Montréal, n° 500-29-000207-868,22 décembre 1986.
4. C.S.S.T c. Société d’électrolyse Aleaii Liée, T.T. Chicoutimi, n° 200-28-000136-819, 30
septembre 1983.
5. Roireau (CSS7 c. Onellette, ET. Montréal, n°500-28-001112-820, 15 avril 1983, j.
Prud’Homme, p. 9. Voir aussi: C.gS. T c. construction frank catania et Associés hic.,
[1996] J.Q. no 4480, [1996] D.T,T.Q. no 127.

71. Faute contributive du travailleur La faute contributive du travailleur à la perpé


tration de l’infraction n’est pas pertinente à l’égard d’un élément à charge de la poursuit&.
Elle est plutôt considérée aux fins d’examiner l’existence d’une défense d’erreur de fait
raisonnable2.

La jurisprudence réfère également aux notions de négligence grossière ou d’erreur gros


sière de la part du travailleur. Cette notion implique «un comportement marqué repré
sentant une attitude désinvolte, insouciante, négligente, stupide et téméraire» de la part
du travailleur3. Elle s’oppose à l’erreur de moyenne gravité qui, elle, ne peut exonérer la
responsabilité de l’ernployeu?.

Dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Générale électrique


du Canada5, la Cour du Québec rappelle, dans le contexte d’une telle défense, qu’un
employeur ne peut se prémunir contre la négligence grossière d’un travailleur, mais ajoute
que l’employeur doit d’abord avoir fait des efforts raisonnables pour coimaître la situation
réelle. Or, dans ce cas, la Cour est arrivée à la conclusion que malgré le fait que les travail
leurs aient fait preuve de négligence celle-ci doit être analysée dans le cadre de la prémisse
que le danger d’électrocution leur était inconnu et inconnu également de leur employeur.
Ainsi, l’employeur qui croit en un état de fait inexistant car il n’a pas pris les mesures pour
identifier le danger associé à cette situation ne peut être disculpé de l’infraction commise.
En effet, cette croyance de la défenderesse à l’état de fait inexistant, soit l’absence d’expo
sition au danger d’électrocution, n’était pas raisonnable vu l’absence d’effort raisonnable
pour connaître la situation réelle. La Cour supérieure réitère ces principes dans I ‘affaire
Ross Finlav 2000 inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, en indiquant
que la négligence doit non seulement être grossière, mais ne peut valablement être plaidée
lorsque le défendeur n’a pris aucune mesure pour s’assurer que les travailleurs suivent les
directives’.

Pour évaluer la faute commise par le travailleur, dans un autre jugement, la Cour du Québec
indique qu’il faut se placer du point de vue de celui-ci. Lorsque, comme c’était le cas en
l’espèce, le travailleur est limité par son instruction, il revient à l’employeur d’évaluer et
tenir compte des aptitudes de celui-ci pour ajuster ainsi sa formation en conséquence7.
I. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Coffrages CCC liée, [2013]
J.Q. no 15007, 2013 QCCA 1875 (requête pour permission d’en appeler refusée, [2013]
C.S.C.R. no 492).
2. (‘ommission de la santé e! de la sécurité du travail c. Domtar inc., [2004] J.Q. no 9239 (C.Q.);
Commission de la scmté et de la sécurité du travail c. Colore.v Inc., [200$] J.Q. no 7849,
200$ QCCQ 6516; commission de la santé et sécurité du travail c. Imprimerie Ste-Jiille

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Vil. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

Inc., [2008J J.Q. no 9740, 2008 QCCQ 8606; Commission de la santé et de la séctirité du
travail c. Ehénisterie de ta Chaudière Inc., [2014] J.Q. no 876, 2014 QCCS 762, par. 46.
3. Com,nission de la santé et de la sécurité dtt travail e. 2750-9615 Ouébec inc., [2015]
J.Q. no 9816, 2015 QCCQ 9144, par. 57, Voir aussi: (‘ommission de la santé dde la sécurité
du travail e. 2855-2909 Oné bec inc., [2012] J.Q. no 1045, 2012 QCCQ 915, par. 98,
4. 9098-9583 Ouébec mc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2015] J.Q.
no16459,2015QCCS6495,par. 31-35,conf.par[2016]J.Q.no 13117,2016QCCA1648.
5. (‘ommission de la santé et de la sécurité du travail e. Général électrique du (‘anada, C.Q.
Montréal, n’ 500-63-002202-064, 9 novembre 2010, j. Lamontagne, conf. par [2011] J.Q.
no 9829, 2011 QCCS 3777.
6. Ross Finlay 2000 inc. e. Commission tic la santé et de la sécurité du travail, [2011] J.Q.
no 13357, 2011 QCCS 5049.
7. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 2855—2909 Ouébec inc., [2012] J.Q.
no 1045, 2012 QCCQ 915.

B. l)iligence raisonnable

72. Irincipe En droit pénal réglementaire, dans le cas d’une infraction traitée sous le
régime de la responsabilité stricte, un défendeur peut se disculper de l’infraction commise
en prouvant, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a fait diligence raisonnable,
Dans l’arrêt &mlt Ste-Marie, la Cour suprême enseigne ce qui suit:
Lorsqu’un employeur est poursuivi pour un acte commis par un employé dans
le cours de son travail, il faut déterminer si l’acte incriminé a été accompli sans
l’autorisation ni l’approbation de l’accusé, ce qui exclut toute participation inten
tionnelle de ce dernier, et si l’accusé a fait preuve de diligence raisonnable, savoir
s’il a pris toutes les précautions pour prévenir l’infraction et fait tout le nécessaire
pour le bon fonctionnement des mesures préventives.’

1. R. e. SauliSte-Marie (Ville de1, [1978] 2 R.C.S. 1299, 1331, [1978] A.C.S. no 59.

73. Appréciation objective Aussi, selon la Cour suprême, le comportement de l’accusé


doit être apprécié sous l’angle objectif de la personne raisonnable placée dans les mêmes
circonstances:

Dans l’approche qui a été adoptée par notre Cour, il s’agit en réalité de laisser au
prévenu la possibilité et le fardeau de démontrer une diligence raisonnable. On
applique à ce moment une norme objective, qui apprécie son comportement par
rapport à celui d’une personne raisonnable, placée dans un contexte similaire.’

Cependant, le Tribunal du travail, référant à un autre arrêt de la Cour suprême, a rappelé


que la pratique courante n’a pas d’effet disculpatoire lorsque celle-ci est entachée de
négligence2.

S’ ajoutent à cette appréciation objective les connaissances supplémentaires dont bénéficie


l’accusé. On examine alors ce qu’aurait fait une personne raisonnable ayant les mêmes
connaissances par rapport à une situation donnée. Il y a aussi lieu de tenir compte de la
spécialisation de l’entreprise dans le domaine visé par l’infi’action3. C’est dans ce contexte
que la Cour du Québec, dans le jugement Commission des normes de I ‘équité tic la santé

(5996) 25/48 Janvier2018


fasc, 25 - Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

et de la sécurité du travail c. Le Groupe Ma/estik inc. ‘,

souligne que «la diligence raison


nable est une notion à géométrie variable, en ce sens que les tribunaux seront plus exigeants
vis-à-vis les défendeurs exerçant mie activité spécialisée ou comportant des risques élevés
pour la santé et la sécurité des travailleurs».
1. Lévis (Ville de) e. Tétreauli; Lévis (Ville de,) e. 2629-4470 Onébec inc., [20061 1 R.C.S. 420,
par. 15, [2006] A.C.S. no 12. Appliqué en matière de santé sécurité par: 9071-3686
Oité bec inc. e. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2014] J.Q. no 10258,
2014 QCCS 4449, par. 3$-39; Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Groupe
Lebet 2004 inc., [2015] J.Q. no 5016, 2015 QCCQ 4721, par. 35.
2. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Maçonneries lA inc., [2004] D.T.T.Q.
no 85, référant à Waldick e. Malcolm, [1991] 2 R.C.S. 456, [1991] A.C.S. no 55.
3. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Bc;rdeaux Lajoie inc., [2006]
J.Q. no 8859, 2006 QCCQ 7949.
4. Commission des normes de 1 ‘équité de la santé et de la sécuriÏé dii travail e. Le Groupe
Majestik inc., [2017] J.Q. no 2547, 2017 QCCQ 2015, par. 13. Voir au même effet:
Commission des normes de l’équité de la santé et de la sécurité du travail e. Les Coffrages
Paul Thiban!! inc., [2017] J.Q. no 2548, 2017 QCCQ 2014, par. 7.

73.01. Appréciation en fonction de la nature de l’infraction et de l’objet de la loi -

L’étendue et la portée de la défense de diligence raisonnable sont également circonscrites


par la nature des infractions pénales de type réglementaire en cause, de même que par les
objectifs du législateur en regard de la loi faisant l’objet de la poursuitet. Rappelons que,
selon l’arrêt Sault Ste-Marie, l’objectif de la création des infractions pénales est de protéger
les victimes potentielles de l’activité réglernenté& et que, plus particulièrement, celui de
la Loi sîir la santé et la sécurité du travail est l’élimination à la source même des dangers
pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs3.

Or, pour atteindre cet objectif de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le législa
teur a imposé à l’employeur de lourdes obligations, dont l’obligation générale prévue à
l’article 51 L.s.s.t. de (<prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer
la sécurité et l’intégrité physique du travailleur», qui implique de faire (<tout ce qu’il est
humainement logique et raisonnable de faire ». La défense de diligence raisonnable doit
alors être analysée en regard également de ces obligations imposées à l’employeur par la
loi5.
1.Conunission de la santé et de la sécurité du travail e. RaymondMartin Itée, [2003]
J.Q. no 14772, par. 6 (C.S.).
2. R. c. San!! Ste-Marie (Ville de), [197$] 2 R.C.S. 1299, 1310, [1978] A.C.S. no 59.
3. Art, 2 L.s.s.t.
4. Domtar inc. c. Onéhec fComnaission d’appel en matière de lésionsproftssionnetles,), [1990J
J.Q. no 1435, [1 990] R.J.Q. 2190, 2192 (C.A.), citant Couture e. Hydro-Onéhec, D.T.E. 82T-
746.
5. Commission de la santé et de la sécurité dt, travail c. Groupe Lebel 2004 inc., [2015]
J.Q. no 5016, 2015 QCCQ 4721, par. 33.

73.1. Appréciation à l’égard de l’infraction La conduite du défendeur s’apprécie de


façon spécifique à l’égard de l’infraction et non pas à l’égard d’une conduite générale rai
sonnabl&.

(5996) 25)49 Janvier2018


VIL Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

1. Pktstipro Canada liée c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2011]


J.Q no 19228, 2011 QCCS 6960; 9071-3686 Oué bec inc. c. Commission de la santé et de la
sécurité du travail, [2014] J.Q no 10258, 2014 QCCS 4449, par 50; Commission de la santé
ci de la sécurité du travail c. 9202-9781 Ouébec inc., [2015] J.Q. no 3374, 2015 QCCQ 3189,
par. 16; Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Conrad Lrn’oie 1983 inc.,
[2015] J.Q. no 16179, 2015 QCCQ 14588, par. 41 (appel interjeté, C.S. Richelieu, n” 765-36-
000217-l 50).

74. Fardeau Le moyen de défense de diligence raisonnable sera établi si le défendeur


démontre, par une preuve prépondérante, qu’il a pris toutes les précautions raisonnables
pour éviter que l’infraction soit commise, Ce fardeau se justifie en vertu de l’article premier
de la Charte canadienne des droits et libertés’.
Partie I de la Loi constitution,,elle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le C’wiada (1982,
R-U., c. 11)]. Voir, au sujet du fardeau: 1?. e. Sault Ste-Marie (1 mc de), [1978] 2 R.C.S.
1299, [1978] A.C.S. no 59; 1?. c. Wholesale fl’avel Group Inc., [1991] 3 R.C.S. 154, 220,
[1991] A.C.S. no 79,

75. Niveau de valeur probante Le niveau de valeur probante à atteindre pour prétendre

à la preuve prépondérante requise a été fixé comme suit par la Cour suprême dans l’affaire
Wholesale iavel Group:

Il ne s’agit donc pas de savoir si l’accusé a fait preuve d’une certaine diligence,
mais plutôt si le degré de diligence dont il a fait preuve était suffisant pour res
pecter la norme imposée. Pour lutter efficacement contre les auteurs d’annonces
trompeuses, les sociétés qui polluent l’environnement et les fabricants de mar
chandises nuisibles, il faut exiger qu’ils prouvent selon la prépondérance des
probabilités qu’ils ont pris des précautions raisonnables pour prévenir le préjudice
qui s’est en fait produit. Dans le contexte réglementaire, l’imposition d’une telle
charge n’a rien d’inéquitable; en fait, c’est essentiel pour assurer la protection de
notre société vulnérable.’

Il est par ailleurs établi que le niveau de valeur probante à atteindre n’exige pas pour le
défendeur de démontrer ta perfection puisque l’obligation de diligence raisonnable en est
une de moyens et non de résultat2. Une preuve «d’un agir modèle ou frôlant l’excellence
absolue» ne sera donc pas exigée du défendeur’.
1. 1?. e. Whoiesale &avel Group Inc., [199113 R.C.S. 154, [1991] A.C.S. no 79,
2. (‘onimission de la santé et de la sécurité du havai! c. 9202—9 781 Ouéhec inc., [2015]
J.Q. no 3374, 2015 QCCQ 3189, par. 32; (‘oimnission de la santé et de la sécurité du travail
c. Constructions Les Meilleurs 2011, [2016] J.Q. no 1755, 2016 QCCQ 1209, par. 43.
3. Commission des normes de l’équité dc la santé et de la sécurité dii travail e. Le Groupe
Majestik inc., [2017] J.Q. no 2547 2017 QCCQ 2015, par. 13.

76. Devoir de lrévoyance, devoir d’efficacité et devoir d’autorité C’est ce qui amené

les tribunaux, partout au Canada, à développer un corpus jurisprudentiel permettant d’affir


mer que la nonne de diligence raisonnable comporte trois aspects: un devoir de prévoyance,
un devoir d’efficacité et un devoir d’autorité. Le devoir de prévoyance se traduit par le fait
de prévoir les risques au sein de l’entreprise, en tenant compte de l’erreur humaine sus
ceptible d’être commise. Le devoir d’efficacité implique, quant à lui, de mettre en oeuvre

(5996) 25 / 50 Janvier 2018


fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

les mesures de sécurité pour pallier les risques et former adéquatement les travailleurs sur
les façons sécuritaires d’effectuer les travaux. Finalement, le devoir d’autorité suppose le
contrôle du respect des règles de sécurité en manifestant avec autorité l’intolérance aux
cas de manquement’.

Illustration

La Cour du Québec, dans l’affaire Transpavé2, a confirmé que le respect de ces trois devoirs
est essentiel pour faire preuve de diligence raisonnable en matière de négligence crimi
nelle, de même que la Cour supérieure dans l’affaire Compagnie Abitibi-Consolidated du
(anada3, pour ce qui est des infractions pénales réglementaires prévues dans la Loi sur
la santé e. la sécurité du travail. Depuis ces décisions, la Cour du Québec a également
adopté cette approche dans plusieurs jugements4.
1 Sophie BOURQUE et Mathieu BEAUREGARD, «Quand l’accident du travail devient
un crime: C-21, la terreur des conseils d’administration)>, dans S.F.P.3.Q., vol. 220,
Développements récents en droit de la santé et sécurité au travail (2005), Cowansville,
Editions Yvon Biais, p. 109, aux pages 120 à 126.
2. R. c. Transpm’é inc., [200$] J.Q. no 1857, 200$ QCCQ 1598.
3. Compagnie A bitibi-ConsolidaieU du Canada c. Commission de la santé et de la sécurité du
travail, [20091 JQ. no 11276, 2009 QCCS 4707.
4. Voir notamment: Commission de la santé et de la sécurité tin travail e. 9075-5836 Onéhec
inc.. [20101 J.Q. no 13877, 2010 QCCQ 1 1568; Coimnission de la santé et de la sécurité du
travctil c. Constructions Infrahec inc.. [2009] J.Q. no 14611, 2009 QCCQ 12659 Commissiot,
de la santé et de la sécurité dii travail c. 9189-5201 Onéhec inc. (Monsieur filiatreauli
couvreur), [2013] J.Q. no 11865, 2013 QCCQ 10572.

77. Diligence raisonnable attendue de Pemployeur— Dans la décision CSS. T c. 2855-


2909 Québec Inc., le Tribunal du travail rappelle que les tribunaux sont très exigeants en
matière de diligence raisonnable et à cet effet:
[...] qu’il ne suffit pas, pour un employeur, de fournir l’équipement approprié et
de donner des directives aux employés en présumant que les instructions seront
suivies, il ne suffit pas, non plus, de se fier sur l’expérience des travailleurs; il
faut qu’un employeur prenne des mesures concrètes et positives pour assurer que
la loi soit respectée.’

Plus précisément, 1ajurispnideice nous indique quelles mesures l’employeur doit prendre
pour faire preuve de diligence raisonnable:
Ces moyens que l’employeur doit prendre pour s’assurer que ses directives sont
respectées et que ses employés travaillent en sécurité comprennent les suivants:
1. Vérifier que les employés sont munis de l’équipement de sécurité au moment
de leur départ vers le site;
2. rencontrer le(s) contremaitre(s) afin de faire comprendre l’importance des
instructions et les conséquences du non-respect;
3. faire surveiller les employés et/ou faire des visites de contrôle au chantier;
4. faire des rappels verbaux et subséquemment par écrit en cas de non-respect
des directives;

(5996) 25/51 janvier2018


VIL Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

5. émettre des avertissements et, si nécessaire, imposer des mesures discipli


naires pour sanctionner le défaut de respecter les directives émises.

Ouéhec ((‘ommission de la santé e! de la sécurité du travail,) c. 2855—2909 Ouébec inc.,


[2002] D.T.T.Q. no 36, par. Il.
2 Québec (Commission de la santé et de la sécurité) c. Marc biliatreault Couvreur Inc., [2001]
D,T.T.Q. no 63 (cité avec approbation par (‘onunission de la santé etde la sécurité du travail
c. RaymondMartin liée, [20031 J.Q. no 14772, par. 7 (C.S.)).

7$. t)iligence raisonnable attendue du maître d’oeuvre - De la même façon que pour
l’employeur, la jurisprudence a également énoncé les mesures que le maître d’oeuvre doit
mettre en place pour faire preuve de diligence raisonnable

[...] En guise de réponse à la question posée soit « qu’est-ce que le maître d’oeuvre
doit faire de plus?)), il s’agit d’agir positivement afin de s’assurer que les direc
tives émises sont effectivement respectées et que les employés travaillent en
sécurité. Les moyens à prendre peuvent être formulés comme suit
détenir un programme de sécurité;
s’assurer que les sous-traitants assistent aux réunions de sécurité sur le
chantier, le cas échéant, et qu’ils sont au courant des mesures de sécurité que
chacun doit respecter;
— rencontrer la personne responsable, chez le sous-traitant, afin de faire com
prendre l’importance des mesures de sécurité et les conséquences du non-
respect de celles-ci;
— vérifier que l’équipement de sécurité est disponible sur les lieux de travail:
— vérifier que ces équipements sont effectivement utilisés;
— faire surveiller les employés ou effectuer régulièrement des visites de contrôle
sur le chantier;
— faire des rappels quant à l’application des règles de sécurité et en cas de
non-respect de celles-ci OLI des directives émises, imposer des sanctions
appropriées.’

Cet ensemble de mesures qui doivent être mises en place pour que le maitre d’oeuvre fasse
pleuve de diligence raisonnable démontre que les tribunaux sont également exigeants en
matière de diligence raisonnable pour le maître d’oeuvre. Toutefois, comnie le précise la
Cour du Québec, cette liste ne saurait être vue comme étant «impérative ou exhaustive»2.

Attention

La jurisprudence a précisé qu’une véritable diligence raisonnable exige l’application effec


ti ve des sanctions prévues pour les cas de manquement3.
Commission tic la santé et dc la sécurité du travail e. Entreprises (‘R. Guay inc., [2004]
D T.T.Q. no 2, par. 15. Voir aussi: (‘.8.8. T e. Construction I?eliance dii (‘anada, [2000]
D.T.T.Q. no Ï 10; (‘.8.8.1 c. (‘onstructionsAïcana Ltée, [2004] D.T.T.Q. no 79; (‘.8.8.1 c.
Excavatio,i Loiselle & Frères hic., [2002] D.T.T.Q. no 76; (‘.&S.T e. Groupe Panigas Inc.
(Le), [2003] D.T.IQ. no 134; (‘.8.8. T e. Entreprises l.andco Inc., [2004] D.T,T.Q, no 71.

(5996) 25/52 Janvier2018


Fasc. 25 .— Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

2. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Construction Çybco inc., 2009 QCCQ


6574, par. 44; Commission de la santé et de ta sécurité du travail c. Qualité Construction
(CDN) Itée, 2014 QCCQ 13156, par. 39.
3 Commission de la santé et de la sécurité du travail ç. 9023-5299 Ouébec inc., C.Q. Montréal,
n° 500-63-00036$-040, 14juin 2005; Commission de la santé et de la sécurité du travail c.
Entreprises J. Chabot Inc., C.Q. Québec, n° 200-63-000984-041, 16juin 2005; Commission
de ta santé et de la sécurité du travail c. Siçtèmes intérieurs B. Lehoux inc., [2004] D.T.T.Q.
1108.

79. Les manquements d’un représentant finalement, en cas de manquement de la part


d’un représentant du défendeur, ily aura vraisemblablement échec à la défense de diligence
raisonnable. Dans l’affaire Couverture Beauport inc. la Cour supérieure, réaffirmant le
,

principe dégagé dans l’affaire C.S.S.T. c. Rayonex2, énonce que l’employeur ne peut se
disculper en invoquant que l’acte ou l’omission qui lui est reproché était le fait de son
contremaître3. De plus, dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail
c. Maçonnerie Demers inc.4, suivie et citée dans les affaires Commission de la santé et de
la sécurité du travail e. I?.B. Bélanger Couvreurs inc.5 et Commission de la santé et de la
sécurité du travail c. Sintra inc.6. la Cour a considéré que le geste posé par le contremaître,
en contravention avec la réglementation, «a pour effet de resserrer et d’alourdir davantage
les démonstrations par l’employeur d’avoir pris tous les moyens pour éviter de commettre
l’infraction ». Ce faisant, dans ces trois affaires, la participation du contremaître à l’acte
reproché a été jugée déterminante et a mené à des condamnations des défenderesses.

Plus récemment, dans l’affaire 90 71-3686 0 né bec inc. c. Commission de la santé et de la


sécurité du travail8, la Cour supérieure retient également que la présence du contremaître
lors de la commission de l’infraction fait échec à la prétention de l’appelante-défende
resse voulant que l’infraction ait été commise à son insu. Le juge indique à ce propos que
«[l]’appelante ne peut à la fois se fonder sur le rôle des contremaîtres en matière de dili
gence raisonnable et affirmer du même souffle que l’infraction a été commise à son insu >.

Dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9202-9781 Québec


inc., la Cour du Québec retient par ailleurs que cette règle relative aux manquements d’un
représentant de l’employeur ne s’applique pas au chef d’équipe, qui, en l’absence de preuve
qu’il représente l’employeur dans ses relations de travail avec les travailleurs, demeure un
simple travailleur10,
1. Couvertures Beauport inc. e. Co,n,nission de la santé et de la sécurité du travail, [200$]
J.Q. no 5413, 2008 QCCS 2514.
2. Oué bec (Commission de la santé et de la sécurité du travail,) ç, Rayonex inc., [2002] DI T.Q.
no 26.
3. Couvertures Beauport inc. e. Commission de la santé et de la sécurité du travail, [2008]
J.Q. no 5413, par. 27, 2008 QCCS 2514.
4. Commission de la santé et de la sécurité du tral’ail e. Maçonnerie Demers Inc., [2004]
D.T.T.Q. no 19.
5. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. R.B. Bélanger Couvreurs inc., [2011]
J.Q no 220. 2011 QCCQ 171.
6. (ommission de la santé et de la sécurité du travail c. Sintra inc., [2012] J.Q. no 3008, 2012
QCCQ 2444.

(5996) 25/53 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

7. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Maçonnerie Deniers inc., [2004]


D.T.T.Q. no 19, par. 28.
8. 9071-3686 Ouébec inc. c. Comniisiot, de la santé et de la sécttrité du travail, [2014] J.Q.
no 10258, 2014 QCCS 4449.
9. 9071-3686 Ouébec inc. c. Commission de ta santé et de la sécurilé du travail, [2014] J.Q.
no 10258, 2014 QCCS 4449, par. 59.
10. Connnission de la santé et de la sécurité du travail e. 9202-9784 Ouéhec inc., [2015]
J.Q. no 3374, 2015 QCCQ 3189, par. 34-48.

C. Impossibilité absolue d’agir

80, principe «À l’impossible nul n’est tenu», nous dit l’adage. Ce moyen de défense

de la nature de l’excuse pose comme principe que rien ne peut être reproché à celui qui est
empêché d’agir en raison d’un événement fortuit ou par une force majeure, Le défendeur
devra également démontrer qu’il lui était impossible d’agir autrement’.
1 (‘otnnn.s’sion de Ici santé et de la sécurité du travail e. (‘oopérctllve des techniciens anibu—
lanciers du Ouéhec, [2007] J.Q. no 9809, 2007 QCCQ 9499 Commission de la santé
et de la sécurité du travail e. Construction (K’P inc., [2009] J.Q. no 8385, 2009 QCCQ
7374 Comnussion de kt santé et de la sécurité du travail e. J?.B. Bélangeî Couvreur inc.,
[2011] J.Q. no 220, 2011 QCCQ 17l Conunission de ici santé et de la sécurité du travail
c. Couvreurs Denis (‘ourville inc., [2012] J.Q. no 6068, 2012 QCCQ 4908, Commission
de la santé et de la sécurité du travail e. CMS Entrepreneurs généraux inc., [2016] J.Q,
no 6177, 2016 QCCQ 4879. Voir aussi: Gisèle COTE-HARPER, Pierre RAINVILLE et
Jean TURGEON, ihiité de droit pénal canadien, 4 éd., Cowansvilte, Editions Yvon Biais,
1998, p. 1289-1296.

81. Fardeau de preuve Ni la jurisprudence ni la doctrine ne se sont clairement pro


noncées sur la nature du fardeau de preuve que doit assumer le défendeur qui invoque une
impossibilité absolue d’agir. Par ailleurs, tout porte à croire que, comme pour la défense
de diligence raisonnable, il incombera au défendeur d’établir par prépondérance des pro
babilités l’existence de ce moyen de défense’.

Illustration

Il est très rare que les critères reconnus pour l’établissement de ce moyen de défense
soient remplis puisque le défendeur doit démontrer l’absence d’alternative. Nous avons
ainsi retracé un seul jugement accueillant une telle défense en matière de santé et de sécu
rité du travail. 11 s’agit de l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail e.
Coopérative des techniciens ambulanciers dïi Ouébec où il était question d’une poursuite
en vertu de l’article 184 L.s.s.t. reprochant au défendeur de ne pas avoir donné suite à un
avis de correction dans le délai imparti. Le défendeur, à savoir un employeur qui gérait une
coopérative de services ambulanciers, invoquait qu’il ne pouvait donner suite à l’avis de
correction qui exigeait de lui qu’il fournisse un moyen de communication alternatif afin de
permettre aux ambulanciers de communiquer en tout temps pour appeler de l’aide. Après
analyse, la Cour du Québec anive à la conclusion que le défendeur ne pouvait donner suite
â l’avis de correction parce qu’il lui était impossible d’enrayer complètement le risque

(5996) 25 / 54 Janvier 2018


Fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

associé aux intermittences et qu’aucun autre système de communication ne pouvait coin


bler les limites inhérentes au réseau dont il était doté2.
1, (‘ommission de la santé et de la sécurité du travail c. Couvertures Germain Thivierge, C.Q.
Beauhamois, n°760-63-000421-120, 29 septembre2014; Qué bec Sous-ministre du Revenu)
c. Mousseau, [2003] J.Q. no 6435, [2003] RD.F.Q. 200; Fondation Richard Lamer hic. c.
Office de la construction du Ouébec, [1976] C.S. 1703. Contra: Commission de la santé et
de la sécurité du travail c. Coopérative des tech,iiciens ambulanciers du Oné bec, [2007]
J.Q. no 9809, 2007 QCCQ 9499.
2. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Coopérative des techniciens ambu
lancïers du Ouébec, [2007] ].Q. no 9809, 2007 QCCQ 9499.

D. Nécessité

82. Principe La défense de nécessité sera accueillie si le défendeur démontre que l’in

fraction a été commise pour éviter un péril direct et immédiat et qu’il s’agissait du seul
moyen de faire face à la situation. La Cour suprême précise que trois éléments devront
être présents pour que la défense trouve application. Premièrement, il faut qu’il existe un
danger imminent. Deuxièmement, l’obéissance à la loi n’est pas possible. finalement, le
mal causé doit être proportionnel ou moindre que celui que l’on cherche à éviter’.

En matière de santé et de sécurité du travail, ces critères ont été analysés dans les affaires
Commission de la santé et de la sécurité du travail c. St-Jean Baptiste (‘Municipalité d)2
et Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9189-5201 Québec inc.
1. R. c. ?erka, [1984] 2 R.C.S. 232, [1984] A.C.S. no 40; 1?. c. Latimer, [2001] 1 R.C.S. 3,
[2001] A.C.S. no 1.
2. [2007] J.Q. no 1265, 2007 QCCS 4953.
3. [2013] J.Q. no 11865, 2013 QCCQ 10572.

83. fardeau de preuve En ce qui concerne le fardeau de preuve applicable, puisqu’il


s’agit de la démonstration que l’acte matériel n’a pas été commis volontairement, le défen
deur ne devra satisfaire qu’à un simple fardeau de présentation’.
1. R. c. Perka, [1984]2 R.C.S. 232, [1984] A.C.S. no 40.

E. Erreur provoquée par une personne en autorité

84. Principe L’existence de cette défense en droit pénal canadien a été confirmée par la

Cour suprême dans l’arrêt de principe Lévis (Ville de] c. Tétreaufl’. il s’agit d’une excep
tion à la règle de droit qui refuse de reconnaître que l’ignorance de la loi constitue une
défense valable2.

Également connu sous le vocable « erreur administrativement induite», ce moyen de


défense de la nature d’une excuse sera accueilli si le défendeur démontre quel ‘infraction a
été provoquée par une personne en autorité puisque cette dernière l’aurait induit en erreur3.
1. Lévis (Ville de,) c. Télreault; Lévis (Ville de) c. 2629-4470 Ouébec inc., [2006] 1 RC.S. 420,
[2006] A.C.S. no 12.

(5996) 25/55 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

2. (‘ode criminel, LRC. (1985), c. C-46, art. 19, qui s’applique vu l’article 60 du Code de
procédure pénale, RLRQ, c. C-25. 1. Voir également: Lévis (Ville de.) c. Tétreault; Lévis
(1711e de,) c. 2629-1170 Oué bec inc., [2006] Ï R.C.S. 420, par. 21, [2006] A.C.S. no 12;
(‘ommissionde la santé etde la sécurité du lravallc. Duquette, [2008] J.Q. no 6197, par. 18,
2008 QCCS 2968.
3. I?. c. McDougall, [1982] 2 R.C.S. 605, [1982] A.C.S. no 89; R. e. (‘ancoil Thermal Corp.,
[1986] O.J. No. 290 (C.A.).

85. Conditions d’ouverture Les conditions d’ouverture à une telle défense ont été
-

établies par la Cour suprême dans l’affaire R. c. Jorgense& et réitérées dans l’arrêt Lévis
(Ville de) e. Tétreaufl2

Après son analyse de lajurispmdence, le juge en chef Lamer définit les éléments
constitutifs et les conditions d’ouverture de la défense. il impose au prévenu
l’obligation de démontrer la présence de six éléments:
(1) la présence d’une erreur de droit ou d’une erreur mixte de droit et de fait;
(2) la considération par son auteur des conséquences juridiques de l’acte accompli;
(3) le fait que l’avis obtenu provenait d’une personne compétente en la matière;
(4) le caractère raisonnable de l’avis;
(5) le caractère erroné de l’avis reçu;
(6) l’accomplissement de l’acte sur la base de cet avis.

Ainsi pour être recevable, cette défense exige non seulement la démonstration d’un geste
positif de la part du fonctionnaire responsable3, mais aussi la démonstration que cette erreur
est raisonnable. Par exemple, dans une affaire, la Cour du Québec estime que le fait qu’un
inspecteur n’exige pas le port du casque lorsque les travailleurs sont sur le toit est un avis
manifestement déraisonnable puisqu’il contredit l’article 2.10.3 du Code de sécurité pour
les travaux de construction4, qui exige le port d’un casque de sécurité pour toute personne
se trouvant sur un chantier de construction5.

À l’inverse, te fait que l’autorité publique tolère ou passe sous silence certains compor
tements contrevenant à la loi ne constitue pas une défense d’erreur provoquée par une
personne en atttorité. C’est ainsi que la Cour d’appel a infirmé un jugement de la Cour
supérieure qui avait pris en considération, pour un calcul en matière d’excès de vitesse,
le fait que la police avait une certaine tolérance par rapport au dépassement de la vitesse
maximale permise6.

1. 1?. c. Jorgensen, [1995] 4 R.C.S. 55, par. 28-35, [1995] A.C.S. no 92.
2. Lévis (Ville de,) e. Tétreaidi; Lévis (Ville de.) c. 2629-4470 Qué bec inc., [2006] 1 R.C.S. 420,
par. 26, [2006] A.C.S. no 12.
3. 1?. c, Cancoil Thermal Corp., [1986] O.J. No. 290 (C.A.).
4. Code de séctirité pour les travaux de construction, RLRQ, c. S-2. I, r. 4.
5. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Couvertures Miche! Lamontagne
inc., [2015] J.Q. no 14734, 2015 QCCQ 13140, par. 32.
6. Ouét,ec (Procureur général,) c. Lévesque, [1992] J.Q. no 886, i.E. 92-1006 (C.A.).

86. Fardeau de preuve Quant au fardeau de preuve, il y a lieu de souligner que cette

défense, tant en ce qui concerne la preuve du caractère raisonnable de l’erreur qu’en ce


qui concerne la preuve du caractère raisonnable des démarches entreprises pour connaître

(5996) 25/56 Janvier2018


Fasc. 25 — infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

la loi, doit répondre aux exigences de la prépondérance de la preuve et que ce fardeau se


justifie eu égard à l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés1, de la
même façon qu’il se justifie pour ce qui est de la défense de diligence raisonnable2.

Illustrations

Ces principes ont été appliqués dans quelques jugements en matière de santé et sécurité
du travail3. Il en ressort qu’ un acte positif de l’administration induisant en erreur doit être
démontré. À titre d’exemple, dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du
travail c. Fabricants de Plastique Fédéral Ltée3, la Cour du Québec indique que la tolé
rance et le silence des inspecteurs de la CSST lors de visites antérieures d’inspection de
l’établissement du défendeur ne peuvent être considérés comme une erreur par une per
sonne en autorité.

Dans une autre affaire, il est question de conseils erronés donnés par un avocat de pratique
privée5. La Cour supérieure saisie en appel de cette affaire s’exprime à ce sujet de la façon
suivante:

Il est vrai que la Cour suprême n’a pas voulu décider si l’avocat de pratique privée
qui donne un conseil à un jtisticiable peut être assimilé au représentant autorisé de
l’Etat. En l’espèce, accepter ce moyen de défense équivaut à dire que les intimés
ne sont pas responsables parce qu’ils ont suivi le conseil de leur avocat, conseil
tout à fait erroné, malhabile et incompétent. N’est-ce pas un moyen de défense
facile que de s’appuyer sur les mauvais conseils de son avocat? Moins l’avocat
sera compétent (ou scrupuleux..,), plus l’accusé aura des chances de bénéficier
de ce moyen de défense.
Si tant est que ce moyen de défense doive être accepté en droit canadien, les
circonstances de l’espèce ne s’y prêtent pas. L’avocat n’a pas témoigné et on ne
sait pas pourquoi il n’a pas fait les démarches appropriées auprès de la CSST pour
faire reporter l’assignation ou pour respecter les ordonnances.6

finalement, dans l’affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Les Cons


Iructions (URB inc. le tribunal, après avoir analysé les principes applicables eu égard à la
défense d’ erreur provoquée par une personne en autorité souligne qu’un ingénieur engagé
par la défenderesse n’est pas une personne en situation d’autorité. Le tribunal précise égale
ment que l’erreur n’est pas raisonnable dans les circonstances puisque l’ingénieur s’est fié à
un aide-mémoire préparé par la CSST alors que le texte de loi est clair et sans équivoque7.
L Partie I de laI,oi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi dc 1982 sur le Canada(19$2,
R-U., c. 11)].
2. R. c. Wholescile Travel Group Inc.. [199113 RC.S. 154, [1991] A.C.S. no 79.
3. Voir, entre autres: Ouébec tConunission de lct santé et de la sécurité du travail,) c, Couvreur
Edgar Savoic liée. [2002] D.T.TQ. no 52; C.S.S.T c. Alpha J7co Inc.. [2003] D.T.T.Q. no
49: CS.S.T c. Daneau Construction Inc., [2003J D.I.T.Q. no 127: C.SS.T c. Machinerie
Lauri,, Inc., T.T. Montréal. n’ 500-63-005182-00$, 30juillet 2003; Commission de la
salué et de la sécurité du travail c. Colorex inc., [2008] i.Q. no 7849, 200$ QCCQ 6516;
(.‘ornmission de Ici santé et de la sécurité du travail c. Ccioiuchotws et plastiques Falpaco
inc., [2009] J.Q. no 6701, 2009 QCCQ 6129; Commission de la santé et de la sécurité du

(5996) 25 / 57 Janvier 201$


Vil. Droit pénal de ta santé et de la sécurité du travail

travail c. Planchers de bois francs C’hamh/y inc., [2012] J.Q. no 8241, 2012 QCCQ 6466;
(‘ommission de la santé et de la sécurité du travail c. (‘ouvertures Miche? Lamontagne
inc., [2015] J.Q. no 14734, 2015 QCCQ 13140.
4. (‘ommission de la santé et de la sécurité du travail c. Fabricants de plastique J’déra? liée,
[2006] J.Q. no 8061, 2006 QCCQ 315$.
5, t ‘ommission de la santé et de la sécurité du travail c. I)uque/te, [2008] J.Q. no 6197, 2008
QCCS 2968.
6. (‘Omînission de la santé et de la sécurité du travail c. l)uquette, [2008] J Q. no 6197,
par. 19-20, 2008 QCCS 296$.
7. t ‘oimnision de la santé et de la sécurité du travail c. Les Constructions (ZJRB inc., C.Q.
Terrebonne, n’ 700-63-000821-092, 3 mai 2010, j. Duperron Roy.

F. Moyens de défense prévus par la loi

87, Principe Certains moyens de défense sont prévus expressément dans la loi ou les

règlements. Ce sont les exceptions. les exemptions et les excuses ou justifications. Encore
une fois, ces moyens de défense devront être établis par le défendeur selon une preuve
prépondérante. tel que le prévoit le deuxiême alinéa de l’article 64 du (ode dc procédure
pénale’

1. (‘c.de de procédure pénale, RLRQ, c. C-25,1. Voir à titre d’illustration: Lséavation Gérard
Pouliot inc. c. Conunission de ta santé et de la sécurité du travail, [2011] J.Q. no 1717$,
2011 QCCS 6184.

88. Articles 240 L.s.s.t. et 468 La.t.m.p. À titre d’exemple, mentionnons les articles

240 Ls.s.t. et 468 La.t.rn.p. qui offrent au travailleur la possibilité de se dégager de sa


responsabilité en démontrant que l’infraction a été commise malgré son désaccord et à la
suite d’instructions formelles de son employeur.

IV. CONTRE-PREUVE

89. Principe La poursuite doit présenter la preuve servant à établir tous les éléments

essentiels de l’infraction. L’interdiction de fractionner sa preuve vise à assurer au défen


deur le droit de connaitre tous les éléments qui sont retenus contre lui avant de présenter
sa défense. Ainsi, la contre-preuve ne sera permise que pour réfute;’ des faits nouveaux et
imprévisibles soulevés par la défense’.

La question se pose en ce qui a trait à l’obligation pou;’ la poursuite de présenter, dans le


cadre de sa preuve principale, les éléments de preuve visant à réfuter un moyen de défense
qui pouvait être anticipé2.

À ce sujet, mi auteur indique que:


La question de savoir si un moyen de défense a pour objectif de nier la présence d’un
élément essentiel ou d’excuser la perpétration d’une infraction est pertinente afin
de déterminer si la poursuite peut être autorisée à faire une contre-preuve. Dans le
premier cas, la contre-preuve est permise seulement si la poursuite ne peut raison
nablement le prévoir, tandis qu’elle est permise en tout temps dans le deuxième cas.3

(5996) 25/52 Janvier2018


Fasc. 25 — Infractions r&lementaires en matière de santé et de sécurité du travail

Illustration

À titre d’exemple. dans le cas des défenses de diligence raisonnable. d’erreur de fait.
d’impossibilité absolue et d’erreur provoquée, la contre-preuve pourrait ainsi être permise
en tout temps tandis que, pour la défense de nécessité ou toute autre défense ayant pour
objectif de soulever un doute quant à la perpétration de l’infraction, la contre-preuve ne
serait permise que si la poursuite ne peut prévoir le moyen de défense soulevé.
1. R. c.Biddle,[1995] 1 R.C.S, 761, [19951 A.C.S. no 22.
2. R. c. (‘haulk, [1990] 3 RC.S. 1303, [1990] A.C.S. no 139.
3. Alain MARCOTTE, « Les Moyens de défense en matière pénale dans le contexte de l’obli
gation de protection du travailleur, victime potentielle)), dans S.F.P.B.Q., Développements
récents en droit de la santé et sécurité au travail (2001), Cowansville, Editions Yvon Biais,
2001, p. 171, à la page 192.

V. SENTENCE

90. Principe L’imposition de la peine en matière réglementaire est prévue à l’article 229
du (‘ode de procédure pénale’. La détermination de celle-ci s’inscrit dans un processus
individualisé et doit tenir compte des circonstances particulières relatives à l’infraction
et au défendeur2. La peine devra, bien entendu, se situer entre les minimum et maximum
prévus par la loi.

Les règles ayant cours en matière criminelle pourront s’appliquer à titre supplétif en
matière réglementaire3. Se prononçant au sujet de l’objet de l’imposition de la peine, la
Cour suprême indiquait:

La détermination d’une peine juste et appropriée est un art délicat, où l’on tente
de doser soigneusement les divers objectifs sociétaux de la détermination de la
peine, eu égard à la culpabilité morale du délinquant et aux circonstances de
l’infraction, tout en ne perdant jamais de vue les besoins de la communauté et
les conditions qui y règnent.4

La jurisprudence a reconnu que les circonstances particulières relatives à l’infraction ou


au défendeur auxquelles réfère l’article 229 du Code de procédure pénale5 sont les cir
constance.s aggravantes et atténuantes entourant la perpétration de l’infraction et celles
relatives au défendeur6.

Au surplus. il est reconnu que la peine a pour objectif « «assurer le respect de la loi et la
prévention des infractions ».
1. Code de procédure pénale, RLRQ. c, C-251.
2. Code de procédure pénale. RLRQ. C. C-25.1, art. 229.
3. Autorité des marchés financiers c. Lacroi.v. [2009] J.Q. no 8329. 2009 QCCA 1559. Principe
reconnu en matière de santé et sécurité du travail: Commission de la santé et de la sécu
rité du trcn’aiÏ c. Municipalité dc’ Saint—Bernard, C.Q. Saint—Joseph—de-Beauce, n’ 350-63-
000012-101, 14 avril 2011, j. Emond; Commission de la santé et de la sécurité du tra’ail c.
JfSignahsatioiî 2000 inc., [2015] J.Q. no 14730, 2015 QCCQ 13147, par. 12.
4. R. c. LAI.. [2008] 2 R.C.S. 163, [2008] A.C.S. no 31.

(5996) 25/59 Janvier2018


Vil. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

5. Code de procédure pénale, RLRQ, c. C-251.


6. Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Co,,structions Ferctau inc., [2003]
D.T.T.Q. no 13. par. 29 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Silicium
Bécancourt inc., [2012] ].Q. no 4550, 2012 QCCQ 37l Coimnission de ta santé et de la sécu—
iitéduirauailc.JPSignalisaiion2000inc.,[2015]J.Q. no 14730, 2015 QCCQ 13147, par. J
7. Principe reconnu en matière de santé et sécurité du travail: (‘o,mnission dc’ la sanlé et de la
sécurité dit travail c. Constructions Ferclau inc.. [2003] DJ.T.Q. no 13, par. 28. Voir aussi
(‘onunission de la santé et de la sécurité du travail e. 9189—5201 Gué bec inc. (Mo,msieur
liliatrectult Couvremn), [2013] J.Q. no 16336, 2013 QCCQ 14262. par. 8; Conunissio,i cIL’
la santé e de la sécurité di, travail c. ]P Signalisation 2000 inc., [2015] J.Q. no 14730,
2t)l5 QCCQ 13147, par. 15.

91 Peine maximale La peine maximale ne peut plus être considérée comme étant

iéseivée au pire crime commis dans les pires circonstances par le pire des contrevenants.
et ce. depuis l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire J?. e. L M.’. En effet, il est toujours
possible d’imaginer un pire scénario que celui pour lequel la détermination de la peine
doit être faite:

[...] Il semble toutefois que ces peines maximales ne soient pas toujours infligées
lorsqu’elles pourraient ou devraient l’être, à cause de l’influence d’une idée ou
d’une attitude selon laquelle elles doivent être réservées aux pires cas, impliquant
les pires circonstances et tes pires criminels. Comme on le constate dans le présent
dossier, l’influence de cette conception amène parfois tesjuges à se lancer dans la
création de scénarios d’horreur qui dépassent toujours la réalité dont ils sont saisis.
En conséquence, les peines maximales deviennent pratiquement théoriques [...].
Comme le souligne le juge Morin dans ses motifs dissidents, la nature humaine
fait en sorte que l’on petit toujours imaginer un pire scénario que celui dont est
saisi le tribunal. Le juge Monn rappelle avec justesse l’importance d’éviter cette
recherche de situations fictives lorsqu’il s’agit de décider si l’on peut ou doit infli
ger la peine maximale prévue pour un crime donné. Cette approche correspond
à lajurispmdence récente de notre Cour.
Dans 1?. e, Cheddesingh. notre Cour a admis la nature exceptionnelle de la peine
maximale, mais a rejeté fermement la proposition voulant qu’elle doive être
réservée au pire crime commis dans les pires circonstances. Ainsi, on ne peut
icserver la peine maximale au scénario abstrait du pire crime commis dans les
pires circonstances. C’est encore le principe fondamental selon lequel la «peine
sera] proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du
délinquant» qui dictera la décision du juge du procès (art. 718.1 C. cr.). La pro
portionnalité sera atteinte par un «calcul complexe» dont le juge du fait maîtrise
les éléments mieux que quiconque. Sa position dans le système de détermination
de la peine justifie le respect dù à l’exercice raisonné de sa discrétion et l’attitude
de déférence et de retentie conseillée aux tribunaux d’appel en ces matières [...].

I. 1?. e. LAI., [200812 R.C.S. 163, [2008] A.C.S. no 31, par. 22.
2. 1?. e. LM, [2008] 2 R.C.S. 163, [2008] A.C S. no 31. par. 18-22. Principe reconnu en matière
de santé et de sécurité du travail : (‘onunission de la santé et de la sécurité du trm’aii e.
Location dnmtils Budget inc., [2009] J.Q. no 5531, 2009 QCCQ 4873; Coinmissioi, dc’ la
vanté et de la sécurité du travail e. 9789-5201 Onébec inc. (Monsieur Filiatreatiti cou ITeui.),
[2013] J.Q. no 16336, 2013 QCCQ 14262, par. 16; Commission de la santé eide la sécurité du

(5996) 25/60 Janvier2018


Fasc. 25 - Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

travailc. JP Signalisation 2000 inc., [2015] J.Q. no 14730, 2015 QCCQ 13147, par. 16. Voir
toutefois contra: Commission de la santé et de la sécurité du travail e. Silicium Bécancouri
inc., [20121 J.Q. no 4550, 2012 QCCQ 3717.

91.1. Preuve sur sentence Les règles régissant la recevabilité de la preuve sur sentence
sont assouplies puisqu’«il n’est pas souhaitable d’imposer la rigueur et le formalisme
qui caractérisent normalement notre système de procédures contradictoires»’. Ce faisant,
une preuve par ouï-dire sera admissible lors de l’audience sur la peine si elle présente des
garanties de fiabilité et de crédibilité2. Toutefois, la nonne de preuve qui subsiste pour la
poursuite est celle de la preuve hors de tout doute raisonnable lorsqu’un élément en par
ticulier est contesté3.

C’est ainsi que dans Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9189-520]


Québec inc. (Monsieur Filiatreault Couvreur)1, le juge du procès sur la peine fait
droit à l’objection de la défenderesse au sujet du dépôt de trois rapports d’intervention
d’inspecteurs de la CSST, puisque cette dernière ne pouvait les contre-interroger sur les
faits mentionnés auxdits rapports. Le juge retient en effet «qu’il s’agit d’éléments fac
tuels potentiellement dommageables rapportés dans des notes comportant de nombreuses
déclarations extra-judiciaires ainsi que du ouï-dire et le désir clairement exprimé de la
défenderesse d’en contre-interroger les auteurs ».
t. I?. e. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368, 414.
2. R. c. Gardiner, [1982] 2 RC.S. 368, 414.
3 R. e. Gardiner, [19821 2 R,C, S. 368, 414; €‘ommission de la santé et de la sécurité du travail
c. 9189-520] Ouébec inc. (Monsieur filiatreauti Couvreur), [2013] J.Q. no 16336, 2013
QCCQ 14262, par. li.
4, Commission de la santé et de la sécurité du travail c. 9189-5201 Ouébec inc. (Monsieur
Filiatreault Couvreur), [2013] J.Q. no 16336, 2013 QCCQ 14262.
5. Commission de la santé et de la sécurité du iravail c. 9189-520] Ouébec inc. (Monsieur
Filiatreault Couvreur), [2013] J.Q. no 16336, 2013 QCCQ 14262, par. 13.

92. Peines minimale et maximale prévues par la Loi sur ta santé et la sécurité du tra
vail La peine imposée pour une infraction à la Loi sur la santé et sécurité au travail devra
se situer entre le minimum et le maximum prévus à la loi pour l’infraction en question.
Les articles 236 et 237 L.s.s.t. prévoient des peines distinctes selon que le défendeur est
une personne physique ou une personne morale. De plus, ces articles prévoient des peines
plus fortes en cas de récidive ou de récidive additionnelle.

Ainsi, pour une première infraction, l’article 236 L.s.s.t. prévoit, pour une personne morale,
une peine minimale de 1 500 S et une peine maximale de 3000$. Quant à lui, l’article 237
L.s.s.t., prévoit que la peine peut aller de 15000$ à 60000 S pour une personne morale en
cas de première infraction.

Aux termes de l’article 237.1 L.s.s.t., entré en vigueur le ijanvier 2012, les amendes
établies aux articles 236 et 237 L.s,s.t. sont revalorisées annuellement selon la méthode
prévue aux articles 119 à 123 L.a.t.m.p.

(5996) 25/61 Janvier2018


VIl. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

Attention

Les recommandations sur sentence faites par les parties après la déclaration de culpabilité
devront en outre tenir compte de la preuve qui aura été présentée au procès.

93. Circonstances aggravantes Les tribunaux ont considéré comme étant des cir

constances aggravantes, entre autres, la matérialisation du danger se réalisant aux dépens


d’une personne1, la gravité objective de l’infraction et l’intérêt public2, les condamnations
antérieures3, le comportement réfractaire du défendeur4, la présence d’une personne en
autorité5 et le fait que le défendeur soit une entreprise spécialisée dans le domaine visé
par I in fraction6.

À titre d’illustration, dans l’affaire Ami du bois inc. c. Commission de la santé et de la


sécurité du travail qui a été confirmée en appel par la Cour supérieure, la peine maximale
a été ordonnée. Le juge de première instance considérait en effet que le dossier présentait
toutes les circonstances aggravantes sans aucune circonstance atténuante7.
1. (‘onunission de la santé et dc’ la sécurité du travail c. Constructions E. Huot inc., [2009]
J:Q: no 4053, 2009 QCCQ 3645; Commission de la santé et de la sécurité du travail
Silicium Bécancourt inc.. [2012] J.Q. no 4550, 2012 QCCQ 3717; Commission de la
santé et de la sécurité du travail c. [P Signalisation 200t) inc., [2015] J.Q. no 14730,
2015 QCCQ 13147.
2. Commission de ta santé et de ht sécurité du travail c. 9tS9—5201 Ouébec inc. (Monsieur
Filiatreault Couvreur), [2013] J:Q. no 16336, 2013 QCCQ 14262; Counnission de la santé
et de la sécurité du travail c. Unique (L’) assurances générales inc.. [2015] J.Q no 9855,
2015 QCCQ 9145; Commission dc’ Ici santé et de la sécurité dit travail c Jf Signalisation
2000 inc., [2015] J.Q: no 14730, 2015 QCCQ 13147:
3. Commission de Ici santé et de la sécurité du travail c. Malartic (J Wlc de), [2006] J:Q: no 2413,
2006 QCCQ 2091.
4. (‘.5.5.1. c. Bdtimnents Fafaid inc.. T.T. Montréal, n 500-29-000491-86. 15 avril 1987,
j. Prud’Homme.
5 (‘.5.8. T c Moufette, [2004] DJ.T.Q. no 16; Commission de ki santé et de la sécurité du
travail c. Constructions E. lino! hic., [2009] ]:Q. no 4053, 2009 QCCQ 3645; (‘omnussion
dc’ Ici santé et de la sécurité du travail e. Unique (L’) cissurances gétiéraies inc., [2015]
].Q. no 9855, 2015 QCCQ 9145; Commission de la sauté et de la sécurité du travail C. JP
Signalisation 2000 inc., [2015] ].Q. no 14730, 2015 QCCQ 13147.
6. (‘.S,S.T c. St-&uno Electrique inc., C.Q. Montréal, n° 500-63-000911-079, 13 mai 2009,
j. Hénault; Commission de lit santé et de la sécurité du travail e. ]P Signalisation 2000
inc., [2015] J,Q. no 14730, 2015 QCCQ 13147.
7. Ami du bois inc. c. Commission de la santé et de la sécurité du travail [2007] J.Q. no 1383,
2007 QCCS 732.

94. Circonstances atténuantes Ont été considérés à titre de circonstances atténuantes


par les tribunaux, la collaboration du défendeur’, son regret et sa compassion qui peuvent
notamment être exprimés par un plaidoyer de culpabilité2 ainsi que le lourd fardeau éco
nomique de la sentence pour celui-ci3.
(‘onunission de la santé et de la sécurité du travail C: Location cl ‘outils Budget inc., [2009]
J:Q. no 5531, 2009 QCCQ 4873:

(5996) 25/62 Janvier2018


Fasc. 25 — Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

2. Commission de la santé et de la sécurité au travail c. Silicium Bécancour inc., [2012]


J.Q. no 4550, 2012 QCCQ 3717 Go,nmission de la santé et de la sécurité du travail c. J?
Signalisation 2000 inc., [2015] J.Q. no 14730, 2015 QCCQ 13147.
3. Commission de la santé et de la sécurité du travail C. Constructions ferclan inc., [2003]
D.T.T.Q. no 13.

94.1. Peine pour une société —Tant l’article 236 que l’article 237 Ls.s.t. sont muets quant
à la peine applicable à une société, telle une société en commandite.

Devant ce silence législatif. la Cour du Québec’ et ensuite en appel, la Cour supérieure2 et


la Cour d’appel3, ont eu à se prononcer sur cette question dans 1’ affaire Doïlorarna. Lors
du jugement de première instance, la Cour du Québec, avait décidé que la défenderesse,
Dollorama, s.e.c., ne pouvait se faire imposer la peine demandée par la poursuite à savoir, la
peine minimale prévue pour une infraction à l’article 236 L.s.s,t. pour une personne morale.
Potir la Cour, puisque l’article 236 ne prévoit des peines que pour la personne morale et
la personne physique, il faut alors se référer à l’article 232 du Code de procédure pénale3
qui prévoit que lorsqu’une loi ne prévoit aucune peine pour la sanction d’une infraction,
la peine doit se situer entre 50 S et 2000$. Ce jugement a été confirmé par la Cour supé
rieure et, le 22 février 2013, par la Cour d’appel. Pour la Cour d’appel, non seulement le
texte de l’article 236 L.s.s.t. n’est pas ambigu, mais au surplus, même dans l’hypothèse
où il l’aurait été, il aurait alors fallu interpréter restrictivement cette disposition pénale5.

Toutefois, avant que ne soit rendu le jugement de la Cour d’appel, à savoir le 7 décembre
2012, le législateur a adopté et sanctionné la Loi sur / ‘intégrité en matière de contrats
publics6 qui prévoyait notamment la modification du Code de procédure pénale avec
l’adoption du nouvel article 232.1. Cet article, qui est entré en vigueur à la date de l’adop
tion de la loi, prévoit que « sauf disposition contraire d’une loi, une peine applicable à une
personne morale s’applique également à une société».

Ainsi, l’entrée en vigueur de l’article 232.1 du Code de procédure pénale vient en quelque
sorte contrecarrer prospectivement l’effet du jugement rendu dans l’affaire Dollorama. Ce
faisant, pour les infractions commises avant le 7 décembre 2012, c’est l’article 232 du Code
de procédure pénale qui prévoit que la peine se situe entre 50$ et 2000$ qui s’applique. Par
ailleurs, pour les infractions commises à partir du 7décembre2012, la peine qui s’applique
est celle prévue pour les personnes morales aux articles 236 et 237 L.s.s.t.
1. Commission de Ici santé et de la sécurité du travail c. Dollarama, s.e.c,, [2010] J.Q. no 11233,
2010 QCCQ 9503.
2. Commission de la santé et de la sécurité du travail c. i)olkua,na. sec.. [2011] J.Q. no 15413,
2011 QCCS 5630.
3. (‘oimnissionde ki santé etde la sécurité du trctvail c J)ollarama, s.e.c., [2013] J.Q. no 1432,
2013 QCCA 336.
4. Code de procédure pénale. RLRQ. chapitre C-25. I
5. Commission de la santé et de ta sécurité du travail c. i)oflarama. s.ec.. [2013] J.Q. no 1432,
2013 QCCA 336, par. 6.
6. Loi sur l’intégrité en matière de contrats publics. L.Q. 2012, c. 25.

95. Peines minimale et maximale prévues par la Loi sur tes accidents du travail et les
maladies professionnelles pour une première infraction Les amendes prévues par la

(5996) 25/63 Janvier2018


VII. Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

Loi sur les accidents du travail et les maladies pro/èssionnelles varient d’une disposition
à l’autre et selon que l’infraction est commise par une personne physique ou par une per
sonne morale. Pour les infractions prévues aux articles 45$ à 460, la peine devra se situer
entre 500$ et 1 000$ dans le cas d’une personne physique et entre I 000$ et 2000$ dans
le cas d’une personne morale. Quant aux infractions prévues aux articles 461, 462 et 464,
l’amende pour une personne physique peut varier entre 300 S et 500$. Les peines les plus
élevées se retrouvent à l’article 463, qui prévoit une peine maximale de $000$ dans le
cas d’une personne morale. Finalement, lorsqu’une disposition ne prévoit aucune peine,
l’amende ne peut excéder 300$ s’il s’agit d’une personne physique et 500 S s’il s’agit d’une
personne morale’. Elle ne peut toutefois être inférieure à 50 $2,

En ce qui a trait aux amendes relatives â la Loi sur les accidents du travail et les maki
dit», professionnelles pour les sociétés, les commentaires faits ci-haut sur le sujet pour les
amendes à la Loi sur la santé ci la sécurité du travail s’appliquent mutandis ,nutandis.
L Ail. 465 L.a.t.m.p.
2. (‘ode de procéditre pétiole, RLRQ, c. C-251, art. 232.

LES DEMANDES PRÉVUES PAR LE (Y)DE DL’ PROClDUJ?E PÉI’L4LE


(4tten tien: les demandes qualifiées de préliminaires ptr l’article 174 ctoh’ent faire l’objet
d’un préavis sauf si les parties sent présentes tte’ant lejttge
(ctrt. 169, al. 2)

Les demandes Les demandes Lorsqu’une


sont présentées verbales sont demande verbale
oralement présentées doit faire l’objet
(art. 30, al. 1) sans préavis d’un préavis,
sauf indication celui-ci indique
contraire de façon précise
(art. 30, al. I) et concise la
nature et les
mo6fs de la
demande ainsi
que la date et le
lieu de
présentation
(art. 30, al. 2)
Tout préavis doit La contestation
être signifié et des demandes
produit 5jours se fait oralement
francs avant la à moins que
de la le juge ne
U présentation
demande sauf si permette une
un délai différent contestation
est expressément écrite
prévu (art, 33)
(art. 32)

(5996) 25/64 Janvier2018


fasc. 25 - Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail

Par écrit Les demandes Contenu de la


dans les cas où écrites doivent demande écrite
c’est prévu toujours faire 30, al. 1)
(art.

expressément l’objet d’un


(art. 30, al. I) préavis indiquant
la date et le lieu
de présentation
de la demande
(art. 30, al. 2)

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une loi et deux tribunaux pour l’interpréter», dans S.F.P.B.Q., vol. 346, Développements
récents en droit de la santé et séct’ritê au travail (2O12), Cowansville, Editions Yvon Biais,
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(‘owansvifle, Éditions Yvon Biais, 1996.

(5996) 25/66 Janvier2018


TABLE DES MATIÈRES DÉTAILLÉE

PARTIE Vil DROIT PÉNAL DE LA SANTÉ


-

ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

Note aux lecteurs: cette table des matières renvoie tout d’abord à la première page de
chaque fascicule (le premier chiffre apparaissant dans les numéros de page étant celui du
fascicule). Ensuite, la table des matières détaillée de chaque fascicule est reproduite et les
chiffres qui suivent les titres des sections ou sous-sections sont des renvois précis aux
paragraphes du fascicule. Ainsi, dans le fascicule 25, la mention «Infraction réglementaire:
1-37» indique que le sujet est traité aux paragraphes I à 37 de ce fascicule.

Fascicule 25
Infractions réglementaires en matière de santé et de sécurité du travail
Tatiana Santos de Aguilar 25 11

Infraction réglementaire: I-37


A. Distinction entre le droit pénal de nature réglementaire et le droit pénal criminel: 2-9
B. Caractère propre du droit pénal réglementaire: 10-21
1. Différents régimes de responsabilité pénale: 10-17
2, Cohabitation du processus pénal et du processus administratif dans la Loi sur
la santé et la sécurité du travail: 1 8—20
3. Cohabitation du processus pénal et du processus administratifdans la Loi sur
les accidents du travail et les maladies proJL’ssionneÏÏes: 21
C. Règles de preuve et de procédure: 22-3 7
1. Procédure: 22-29
a Prescription du recours: 22—25
b,) Droit à un procès dans un délai raisonnable: 26-28
ç) Demandes prévues par le Code de procédure pénale: 29

(5996) TDMVII! I Janvier2018


Santé et sécurité du travail

2. Preuve: 30-3 7
ci,) Fardeau de preuve: 3 0-33
b) Divulgation de la preuve: 34-3 7
II. Éléments à la charge de la poursuite: 3$-67
A. Qualification du défendeur lorsque requise: 38-43
I. Notion d’employeur: 38.1-40.0.1
2. Notion de maître d’oeuvre : 40.0.2-40.0-7
3. Notion de travailleur: 40.0.8-40,0,10
4. Diverses qualifications visées dans la Loi sur les accidents cia travail e! les
maladies profèssionnelles : 40.1—43
B. Élément matériel: 44-65
Ï. Danger au sens de la Loi sur la sanlé et fa sécurité du travail: 45—61. I
a C ‘as où le danger est un élément essentiel de / ‘infraction : 46—48
b,) Définition du danger: 49-55
2. Compromission directe et sérieuse â la santé, la sécurité ou l’intégrité
physique d’un travailleur: 56-61
3. Action ou omission spécifiques au maître d’oeuvre: 61.1
4.Élément matériel pour les infractions prévues â la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles’. 62—65
C. Imputabilité: 66-67
111. Moyens de défense: 6$-$8
A. Erreur de fait raisonnable: 69-71
B. Diligence raisonnable: 72-79
C. Impossibilité absolue d’agir: 80-$1
D. Nécessité: $2-$3
E. Erreur provoquée par une personne en autorité: 84-$6
F. Moyens de défense prévus par la loi: $7-88
1V. Contre-preuve: 89
V Sentence: 90-95

Fascicule 26
l)roit criminel et santé et sécurité du travail
Maryline Rosan 26 I 1

Introduction: l-2
1. Cadre législatif et principales modifications apportées au Code criminel: 3-4
il. Notion de négligence criminelle en santé et sécurité du travail: 6-21
A. Éléments constitutifs de la négligence criminelle: 7-li

(5996) TDMVII / 2 Janvier 2018


Table des matières détaillée Partie VII— Droit pénal de la santé et de la sécurité du travail

B. Notion de «devoir d’accomplir»: 12-21


1. Devoir en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail: 13-17
2. Devoir en vertu du Code criminel: 18-21
IIi. Notion d’homicide involontaire dans un contexte d’accident du travail: 21.1-21.3
A. Affaire f oumier: Nouvelle brèche en matière de responsabilité criminelle: 21.2
B. Éléments constitutifs de l’homicide involontaire: 21.3
1V. Présomption de participation de l’organisation à une infraction de négligence
criminelle: 22-30
A. Présomption contre l’organisation: 22-23
B. Notion d’organisation: 24
C. Conduite des agents: 25-3 0
1. Agent: 2 5-26
2. Cadre supérieur: 27-2$
3. Cas de l’entrepreneur: 29-30
V. Peines:31-34.2
A. Contre l’individu: 31
B. Contre l’organisation: 32-34
C. Décisions commentées dans le cadre de poursuites criminelles: 34.1-34.2
1. Contre les organisations (employeurs): 34.1
2. Contre un agent de l’organisation: 34.2
VI. Droits dans le cadre d’une enquête: 35-43
A. Introduction: 35
B. Pouvoirs de l’inspecteur: 36-39
C. Droits fondamentaux: 40-43
V1I.Défense de diligence raisonnable: 44-4$
Conclusion: 49

(5996) TDMVII! 3 Juillet 2018


JURISCLASSEUR QUÉBEC

COLLECTION DROIT DU TRAVAIL

SANTÉ ET
SÉCURITÉ
DU TRAVAIL
VOLUME 2

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Vedette principale au titre
Santé et sécurité du travail
(JurisClasseur Québec. Collection Droit du travail)
Comprend des réf. bibliogr.
ÏSBN 978-O-433-46264-4
I. Hygiène industrielle Droit Québec (Province). 2. Sécurité du travail Droit Québec

(Province). 3. Maladies professionnelles Droit Québec (Province). 4. Travail Accidents


— —

Droit Québec (Province).

KEQ692.S26 2010 344.71404’65 C2010-94043 1-9


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