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Et demain

1 '

J.
Littéramaohi
Publication d’un groupe d’écrivains autochtones de la Polynésie française

Directrice de la publication :
Chantal T. Spitz

Motu ’Ara’ara
Huahine

E-mail : vahinetumu(®mail.pf

Numéro 24/Juillet 2018


Tirage : 300 exemplaires
lMx£<2_ <2K_

Couverture : an’so Le Boulc’h

N° Tahiti Iti : 755900.001


Revue

Littéramaohi

Ramées
de Littérature

Polynésienne

Te Hotu Ma’ohi -
Liste des auteurs de Littéramaohi n°24

Leila Lissant-Ercoli
Mirose Paia
Goenda a Turiano-Reea
Patrick Amaru
Simone Grand
Loïc Li
Te’ura ’Opuu
Hokunui Clover
Lazare Paia

Danièle-Taoahere Helme
’Orama Nigou

RyanLi
Steeve Reea
Nicolas Kurtovitch
Karine Taea
Ku ualoha Hoomanavanui
Chantal T. Spitz
Arnaud Chollet-Leakava
Odile Purue-Alfonsi
Peter Sipeh
Clothilde Grand
SOMMAIRE

Littéramaohi N°24

Juillet 2018

Liste des auteurs


p. 4
Sommaire
p. 5
La revue Littérama ohi Les membres fondateurs
8
-
p.
Editorial
p. 10

Dossier “Et demain”

Leila Lissant-Ercoli
Demain c’est Être Demain est ma victoire
- -

Charmant lendemain-Job lendemain p. 13


Goenda a Turiano-Reea
MahanaTanaTautai !
.p. 18
Simone Grand
’Eaha atu no ananahi ? Et demain ?
p. 20
Te’ura ’Opu’u
Ne pas oubber - Où va-ton ? .p. 25
Lazare Paia
Pâtia ârai Petite injection
-
de rappel .p. 29
’Orama Nigou
Miranda
.p. 33
Steeve Reea
Moemoeâ nô ananahi .p. 35
Karine Taea
Et demain p. 41
Chantal T. Spitz
J eus un pays p. 43
Odile Purue-Alfonsi

Apopo, tamau te Apopo me tota’i te Apopo !


Demain, toujours Demain et encore Demain ! p. 48
Clothilde Grand
Et demain p. 52
Mirose Paia
E ananahi mau ? .p. 54

Créations autochtones

Patrick ’Amaru
1apeàHûeÂmeneNoa(Ataehoie!) p. 58
LoïcLi
Derniers mots - Admiration secrète - La course p. 68
Hokunui Clover
Te reva ra vau -
Rouge p. 71
Danièle-Taoahere Helme
Kia Ora au fenua Je me prends pour la lune -
-

J’aimerai allumer un feu p. 73


RyanLi
Ma muse Maria - Soir du 13 août
-
p. 77
Auteurs invités

Nicolas Kurtovitch
Les invisibles
p. 81
Ku’ualoha Ho’omanavanui
Matavai Wedding-Toa-NâPuaPurauoVaimâ p. 86
Arnaud Chollet-Leakava
Le cri du Tapa
p. 90
Peter Sipeli
Burn the Trees Brûlent les arbres
-
p. 92

Lartiste

Malissa Itchner
p. 98
Littérama’ohi
Rainées de Littérature Polynésienne
-

TeHotuMaohi-

La revue Littérama’ohi a été fondée


par un groupe d’écrivains autoch-
tones de la polynésie française associés librement :
Patrick Amaru, Michou Chaze, Flora Devatine,
Danièle-Tao’ahereHelme,Marie-Claude Teissier-Latidgraf, Jimmy M. Ly,
Chantal T. Spitz.

Le titre et les sous-titres de la revue traduisent la société polynésienne d’au-


jourd’hui :
-

“Littérama’ohi” pour l’entrée dans le monde littéraire et pour l’affirmation


de son identité,
-

“Ramées de Littérature Polynésienne”, par référence à la rame de papier,


à celle de la pirogue, à sa culture francophone,
-

“Te Hotu Ma’ohi”, signe la création féconde en terre polynésienne,


-

Fécondité originelle renforcée par le ginseng des caractères chinois intercalés


entre le titre en français et celui en tahitien.

La revue a
pour objectifs :
-

de tisser des liens entre les écrivains


originaires de la Polynésie française,
-

de faire connaître la variété, la richesse et la spécificité


des auteurs origi-
naires de la Polynésie française dans leur diversité contemporaine,
-

de donner à chaque auteur un espace de publication.


Par ailleurs, c’est aussi de faire connaître les différentes facettes de la culture
polynésienne à travers les modes d’expression traditionnels et modernes que
sont la peinture, la sculpture, la gravure, la photographie, le tatouage, la musique,

le chant, la danse... les travaux de chercheurs, des enseignants...


Editorial

Littéramaohi existe pour qu’aujourd’hui ne soit pas complètement comme


hier et pour que demain, il y ait encore moins d’insulaires qui se laissent parler par
d’autres qui très souvent ne se sont pas donné la peine de se présenter. C’est telle-
ment ancré dans les habitudes, qu’on s’excuserait presque d’avoir été froissé, maee,
par leur impolitesse devenue norme. Heureusement qu’ils et elles ne sont pas tous
comme Il en existe qui ne se servent pas de nous pour se cacher devant des
ça.
identités imaginaires qui les révèlent plus qu’ils n’ont jamais « découvert » de
bons ou mauvais sauvages, « arriérés » mais si paradoxalement intelligents. Celles
et ceux qui osent se dévoiler en toute sincérité, nous confirment notre commune

humanité riche en zones obscures et en chatoiements lumineux.


Dans la présente revue, il est question de « Demain » que chacun décline
à façon, nous émouvant, faisant naître une larme ou un sourire, nous éton-
sa

nant par la beauté d’une pensée humble et généreuse ou, nous agaçant quelque

part parce qu’on n’est pas d’accord. Ah ! prendre avec bonheur une pensée
comme un
objet digne de débats contradictoires quitte à ébranler ses certitudes
dans une démarche dynamique : ce serait amusant.
Merci aux auteurs pour ce partage, merci aux lecteurs et lectrices d’accueillir
ces
parcelles d’être et de venir à leur tour, participer à ce chant de la vie, porté
par Littéramaohi.

Ananahi

Tel est le mot tahitien pour


demain », mot français qui, selon le
dire «
Larousse, est dérivé du latin, de mane, au matin. 1. Le jour qui suit immédiate-
ment celui où l’on est. 2. Dans un avenir plus ou moins proche.

Amusons-nous à découvrir ce qu’en racontent nos dictionnaires.


Davies (traduit par mes soins) :

Ananahi demain ou hier, c’est selon : si la préposition i précède, c’est hier,



:

sinon c’est demain ; cf abobo et nanahi.



Ananahi atura : le jour après-demain ou, si c’est précédé de i : c’est avant-hier.

Abobo : demain. C£ apopo et ananahi

Apopo : demain.

Nanahi : hier.

Tepano Jaussen :

Demain : ananahi, apopo, ninahi; - après-demain : ananahi atu,
apopo atu.

Ninahi nanahi : hier, demain, i nanahi atu : avant-hier, a nanahi : demain,
=

a nanahi atu :
après-demain.
Académie :


Ananahi (composée de ANA. Préfixe indiquant l’antériorité et de NAHI :
Demain. Ce mot signifiait anciennement « hier ». Par suite de la dispari-
tion de apopo : demain, il est utilisé maintenant pour demain, Inanahi étant
utilisé pour hier. Mais la langue populaire perpétue l’usage ancien .Ananahi
atu Après-demain. Ci
=
Apopo, inanahi, nanahi, ninahi.

Âpôpô : demain,Âpôpô atu : tout à l’heure, à l’auhe.

Inanahi : Hier. Inanahi atu : avant-hier.

Nanahi : Hier.

Ninahi : Hier.

Consultons le dictionnaire pa’umotu de Stimson et Marshall


(traduit par mes soins) :

Nanahi : le jour après aujourd’hui, ('i nanahi : hier ; Â nanahi, demain ;
'î nanahi atu, avant-hier ; Â nanahi atu : après-demain.

Nahi : le jour qui suit aujourd’hui.

Il m’a semblé intéressant de consulter et présenter en


préambule les ouvrages de
référence qui nous aident à approcher non seulement le sens apparent des mots,
mais aussi lesconcepts sous-jacents véhiculés par nos médiateurs. Tant il est vrai
qu’une traduction est une médiation entre deux mondes de pensée et le média-
teur à son insu, peut influencer cette médiation. Bonne lecture.

Simone Grand

P.S. Les termes marquisiens m'étant peu familiers, je n’y fais pas référence.
Marine Taea

Hou a reva ai
’Ua rumaruma te ra’i
’Ua mohimohi roa be
I te fa’aineinera’a i to tereraa
Hou a reva ai i to tere
E opéré i te tà fenua
E tu’u i te ’ite i roto i te tama Avant de partir
Noa’tu te paruparu o te tino Les nuages assombrissent le ciel
Tuma hia e te paura ’ura La lumière de la vie te quitte
E mau hoa te matai
Alors que tu es sur le départ.
ora
Avant de partir,
’Ua huri tô manava, ’ua ha’i,
Tu prépares la transmission de la terre
’Ua topa te aito i roto i te pouri ano
Tu délivres ta connaissance à ton enfant
Hou a reva ai te pou o te hiro’a
Malgré la déchéance de ton corps
A apoite’ite Affaibli par les
effets des essais sanglants
’la fana’o te u’i hou i to’na faufa’a
Le souffle de la vie s’arrêtera
inéluctablement.
Tu as
perdu conscience, tu t’es effondré,
Le guerrier a sombré dans les

profondeurs des ténèbres.


Avant que le porteur de patrimoine
ne
disparaisse,
Saisis la connaissance à pleine main
Afin que les générations futures

profitent pleinement de leur héritage.


Malissa Itchier
15
Leila Lissant-Ercoli Dossier

Après avoir obtenu sa licence de Lettres à l'UFP, elle continue sa


maîtrise et son DEA de Littérature Française à Montpellier. De
retour au Fenua, elle enseigne le français au lycée Samuel Raa-

poto à Arue. Leila a les yeux toujours plongés dans un livre, une
plume constamment à la main et des nouvelles plein la tête.

Demain c est Être

Quand les blanches pitates s’ouvriront et


Exhaleront leur fin arôme,
Je serai là, à l’affût de cet instant.

Quand les souffles longs et agiles du mara’amu


Descendront sur les vallées de Hamuta
Je me tiendrai debout à l’attendre.

Quand les galets de la plage de Papara


Se frotteront contre les paumes
de ta main
Je réfléchirai alors aux solutions que la vie me tend.

Quand le tümu’uru du jardin de papi


Se brisera contre les marées de mon chagrin existentiel
Je saurai alors que le temps de la réparation a sonné.
Demain sera le moment où je récolterai
Les germes que j’ai semés à tout vent,
Demain sera le jour où je me lèverai
Pour dire tout haut ce
que je pense tout bas.
Demain sera l’heure de la rencontre
Afin que mon âme immortelle
Soit repue de la satisfaction méritée
D’ETRE
demain
t
LittéRama'om # 24

Leila Lissant-Ercoli

Je metais endormie,
Tranquille et sereine
Confortable et confiante
De mes incertitudes étourdies.

J’ai nagé longtemps dans les voiles


De coton parfumé à l’huile essentielle de lavande vraie ;
Et la nuit m’a toujous accompagnée
Pour rêver à l’envi sur les pensées nostalgiques
D’une période lointaine et enfouie.
Mais j’ai finide voguer sur les nuages soufflés par les autres !
Demain est mon jour, demain c’est mon tour !

Je me réveille de cette longue nuit devenue inutile à ma vie.


Et se lèvent ces aubes qui éclairent et célèbrent.
Demain je serai libre, je baillonerai mes angoisses
Demain est mon jour, demain est ma conquête.
Demain plus personne ne me dira quoi faire ou quoi dire
Demain je reprends le fil de mon existence.
Demain je dis SUFFIT ! Je prends mon envol,
Ceci est ma première révolution.
17

Dossier

Demain est ma victoire

Sur toi étranger aux yeux verts qui a troublé mon désert nocturne.
Demain est ma victoire,
Sur toi Famille aux tentacules puissantes encerclant ma jeunesse.
Demain est ma victoire,

Sur toi mon pays qui ma laissé entendre les cris et les
gémissements de l'injustice.
Demain est ma victoire,

Sur vous amis, mirages enchanteurs qui ont falsifié mes terreurs
Demain est ma victoire,

Sur toi, enfant aux mains liées, enfermé bâillonné et mourrant


Demain est ma victoire,
Sur toi tout-puissant qui a lancé les filets de mon obéissance
Demain est ma victoire,
Sur l’empire du savoir, énorme ogre temporel et père nourricier à la fois
Demain est ma victoire
Sur la douleur les abîmes désenchantées de ma mémoire sélective
Demain est ma victoire
Sur ton amour :
pierre merveilleuse de chatoiement douleur et bonheur
Demain est ma victoire
Sur toi l’ennemie d’hier beau visage au sourire de poupée
Demain est ma victoire
Sur le lagon tourbillonant d’eaux tumultueuses noires et dorées
Demain est ma victoire

Sur le silence lourd et pesant de l’afireuse foule larmoyante


Demain est ma victoire
Sur l’ignorance : cette fange qui déchire les strates d’almandin et de toumaline
Demain est ma victoire
Sur mysérieux enchantement qui m’opresse et me soulève à la fois.
ce

Demain, je viens à toi, les yeux ouverts et le cœur en sursaut.

demain
t
LittéRama'OHi # 2M

Leila Lissant-Ercoli

Charmant lendemain

Charmant lendemain
Te voici, petit oiseau velouté
Crème de dentelles et de soies
Parfum de muscs et d’enscens
Là, tu te poses, gracile moineau.
Tu es
fragile et fort à la fois.

Charmant lendemain
Gentille serre d été où se pâment roses et orchidées
Dans les délices des longues discussions.
Oh ! Comme je t ai attendu ! Tant d’impatience
Et toi voilà enfin,

Charmant lendemain
Tu sonnes vrille joyeuse et tintante.
Dans le fushias des bougainvillers dArue,
Où tu as fait ton nid, beau volatile.
Les effluves viennent me susurrer que le temps des autres est terminé.
Tel un vainqueur : doux et puissant
Tu déposes, ta jolie musique qui virevolte :
Tu t’engouffres dans ma vie merveilleux matin

Charmant lendemain
Aux promesses multiples.
19

Dossier

Joli lendemain

Je joue avec tes mains


Et alors s’ouvre lecrin

Froissements de lin

Tendres effluves de jasmin.

Me voilà de frais matin,

A
interroger nos destins...
Charmant vent cristallin

Tu fredonnes le même refrain

Sans cesse et sans frein.

Voilà un lendemain

Chargé de promesses enfin,


Revis mon instinct !

Mon esprit tout enclin

Flairant les vapeurs de clairs doucins

S’avance avec entrain.

Demain sera souverrain

Victoire du bien

Sur le chagrin
Mes lendemains

Sont corallins.

lemain
T3
LittéRama'OHi it 2M

Goenda a Turiano-Reea

Epa'i ! Teie noa à 'o Paraita mà e 'imi nei i te rôve'a ! Inaha, e mea
here i te pàpa'i, e mea au i te tai'o, e mea 'ana'anatae ato'a i te
hïro'a tumu o te fenua. 'Atae ho’i ! 'la eaea noa te ta'o, 'ia oraora
noa te tai'o, 'ia maumau ri'i noa a'e i roto i te 'â'au ! Enà 'outou !

Mahana Tàna Tautai !

Ma, tè haere atu ra tatou i hea ?


Âhi’ona:
Tahirihiri fa’ahou ra terâ mau reva màhaehae
Nâ ni’ani a i te mau fare nô Tahiti nei
E mea ! E’ita iho à e roa’a !
Rahi te ha avare, rahi te ti aturira a !

Mà, të haere ra tatou i hea ?


Fa’aro’orob vau ë :

Fa a’amuhia ra te a ahi nâ Tuamotu mà


Fa ati’ahia ra teie Hau ha avi ta ata
la tomo mai io tatou
Mea mà..., eiaha e ta’i mai arauae iho !

Mà, të haere ra tâtou i hea ?


’Ua ’ite be :

E’ita e nehenehe fa’ahou e parauparau nâ roto i te Reo


Nà o iho â ra io « Mets et saveurs » mà
Tu atu’a roa ïa te mata a verà mà !
la au ë, të parau ’ino atu ra be !
21

Dossier

Mà; tê haere ra tatou i hea ?


Ahi’ona:
’Ua aravihi roa b Tetuanui ma
I roto i te tapiho’oraa « Ice »
Tei mûri b Al Capone ma !
E’ita e riaria faahou,
Puai ae te nounou moni !

Ma, të haere ra tatou i hea ?


Faarobroo vau ë :

Aita e rava’i ra te motu io tatou nei


Mea e iho â terâ motu haavare pâpainu haere
Nâ tô râpae pa i e faaoti b vai ma të fâri’ihia i reira
’Ei pütë % ei ti’araa,
’Ua ta’ahi ïa i te reira vâhi ! ! !

Ma, të haere ra tatou i hea ?

Meaaaa...
'Aiü !!!
Herü na...

’Ua 'ite be :
« ’Eiaha e tapitapi i to ananahi IMahana tâna tautai ! »

Eparaupaari terâ III


Eparau a te Tupuna II!
Eparau a teAtua II!

demain
t
LittéRama'OHi » 2M

Simone Grand

Née à Tahiti de parents métissés nés à Tahiti, elle est de formation


scientifique. Etudiant les soins traditionnels et la maladie à Tahiti,
elle réalise une thèse d'anthropologie médicale. La maladie fait
tomber les masques et permet d'interroger les préjugés émis sur
les Polynésiens.

’Eaha atu no ananahi ?


Et demain ?

Bon ! OK ! Nous avons vidé une partie du sac de colère contre les formatés
monothéismes inévitablement persuadés detre supérieurs à tous les autres. Les
monothéistes méprisent ceux qui ne croient pas comme eux. Si bien que
même en s’affranchissant de leurs
religions, ils restent convaincus detre le sel
de la terre. Tant fat efficace leur endoctrinement à leur supériorité intrinsèque.
Ils ont fait intrusion dans nos îles et ont tout chamboulé. Nous sommes les des-
cendants métissés de cette histoire que nous ne pouvons changer.
La seule chose que nous pouvons modifier, c’est le récit... forcément mul-

tiple. Selon les péripéties personnelles, familiales et collectives traversées, selon


la compréhension des mots et leur charge affective spécifique à chacun, la nar-
ration variera. Comme nos
légendaires. Chaque famille a sa version et à
récits
l’intérieur de chaque famille, selon le moment et les variations de compréhen-
sion, une information inattendue ou une lacune de mémoire, chacun racontera
sa variante.
Sans doute est-ce la raison pour laquelle la sagessedes peuples conseille-t-
elle à vivre pleinement lePrésent. L’Ici et Maintenant si vite écoulé qu’il est
presque passé et nous fait déjà vivre le futur dans un Aujourd’hui qu’Hier
imprègne à notre insu de notre plein gré. Aussi est-il bon de savoir d’où l’on vient.
23

Dossier j
Il importe de visiter revisiter les multiples interprétations
du Passé comme
des objets de connaissance relative pour qu'au lieu de nous plomber, il nous
porte vers un futur plus apaisé. Car s’il est rare qu’un âne tombe deux fois dans
un même trou, l’être humain traumatisé
qui n’a pas pris conscience du trauma
et n’a donc pu le traiter,
répète indéfiniment ce qui l’a violenté. C’est dire à quel
point demain est indissociable d’hier.
Notre mémoire est inévitablement sélective. Et forte est notre tendance à
la discrimination affective nous faisant distribuer des bons et mauvais points
de manière pas toujours objective à nos plus ou moins illustres devanciers.
Selon le Larousse, « coloniser » un pays est le transformer en un territoire

dépendant d’une métropole. Les premiers colonisateurs de Tahiti furent les


pasteurs de la London Misionnary Society qui voulurent en faire une des perles
de la couronne de leur reine. Après 20 ans de vains prêches, ils s’allièrent à Tü,
Pa’umotu devenu Tahitien quand il fut adopté par un ari'i en deuil de son fils.
Il prit le nom Pômare tant son enfant « toussa la nuit » avant de décéder. Les

épidémies meurtrières introduites ravagèrent la population et détruisirent une


société jusque-là prospère. Les mœurs et coutumes condamnées barbares
furent remplacées par des rituels anglais pudibonds tropicalisés (désastreux car
ils ont concentré les populations au moment où il était vital de les disperser),
avant d’être rétablies en partie
par le Protectorat français qui aimait la fête. Puis
vint la colonisation politique et économique à la française limitant la
religion à
la sphère privée saufdans le domaine de l’éducation où elle manqua de moyens.
En Amérique du Nord la guerre de Sécession faisait
rage et le coton manqua
sur les marchés mondiaux. L’idée
saugrenue de se lancer dans la culture coton-
nière, exploitation éminemment gourmande en main d’œuvre servile, naquit
dans les cerveaux des responsables d’alors. La population insulaire était

exsangue. Selon le pharmacien Cuzent, il ne restait plus qu’environ six mille


survivants dont certains avaient accepté de cultiver cette plante exotique, sur
leurs terres. S’ouvrit alors une période de dépossession foncière où, pour sou-
tenir le projet, la Caisse agricole acquit des domaines auprès de familles éprou-

demain
vées pour les céder à des colons à condition qu’ils les exploitent. Quand le

projet échoua et prit fin, nul ne rétrocéda les terres qui furent et sont toujours t

l’objet de spéculation foncière lucrative pour les descendants des bénéficiaires.


LittéRama'oHi « zm

Simone Grand

Tous les colons n’étaient pas d’origine européenne. Il y en eut qui vinrent
des îles de ce qui est devenu la Polynésie française et les Cook. L’exploitant Ste-
wart rêvait d’un vaste domaine dédié à l’impératrice Eugénie. Avec le soutien

du gouvernement colonial, il disposa de terres à bail et en acquit d’autres. Les


terres d’apanage furent englobées dans le lot. En veine de main d’œuvre bon

marché, le gisement d’esclaves noirs étant trop éloigné en une période où les-
clavage était combattu, ils se tournèrent vers lAsie où ils enrôlèrent des coolies
chinois traités de manière indigne. Les archipels voisins ne furent pas épargnés
et virent partir leurs jeunes hommes dans la Grande Plantation.

Ces travailleurs forcés jouèrent ainsi le rôle de supplétifs de la colonisation.


Involontairement au début, puis volontairement car les conditions de vie de
nos îles étaient et sont plus agréables que celles de leurs pays d’origine. Ceci, à

l’instar des Tahitiens qui émigrèrent en Nouvelle-Calédonie travailler dans


les mines de nickel, furent des instruments de colonisation économique... fon-
cière et politique du Caillou.
Dans mon arbre généalogique, tous les modèles de relation entre les
humains se nuancent. Ma mère est issue d’une lignée de ari’i dont certains
situent les origines à Ta’aroa nui tahi tumu. Rien que ça ! J’ai cru comprendre

que la notion de divinité était différente de celle des monothéistes. Les mythes
des origines racontent une vibration traversant tout ce qui existe y compris le
néant et non une autorité supérieure toute puissante déléguant son pouvoir à
l’être humain. Plus prosaïquement, son arrière-grand-mère paternelle Teriitau-
maitera’i était fille de Ariimanihini a Marama et de Tepa’u a Tati. Elle épousa
Maheanu’u a Mai de qui elle eut des enfants dont Taurua, mon arrière-grand-
mère, qui eut un certain nombre d’enfants d’un Français, hobereau officier de
l’armée napoléonienne battue à Sedan et à qui échut la charge de notaire. C’est
ainsi que Taiana ma mère est Vincent. Sa mère Marae était de Tubua’i, fille

unique de la liaison entre Ta’ema a Hauata et Otis Richmond. Otis était né


d’une union Hurimana, (renversement de mana) ; c’est-à-dire des trois jours de
levée du tapu interdisant le mariage de vahiné ari’i avec des Popa'a. Cette levée
du tapu fut décrétée par Pômare IV pour permettre à Ariitaimai fille aînée de
Ariimanihini, d’épouser Alexander Salmon.
Dossier

Quant à Ta’cma, si son père était Tubua’i de naissance, sa mère Tera (Stella)
était fille de Ani a Atamoe, une Tahitienne de Punaauia et de Adolphe Bonnard
qui commanda les troupes françaises lors de la guerre franco-tahitienne fomen-
tée par des Anglais qui ne se présentèrent pas sur les champs de bataille.
Mon père est né d une Mexicaine métisse amérindienne et espagnole et
d’un Arcachonnais étonnant voyageur qui écrivit ses mémoires que je publiai
sous le titre de : Tribulations à Tahiti et en Amériques.
Avec un tel patchwork d’origines sur cinq générations, je ne vois pas les-
quelles rejeter ni pourquoi. Il me plaît à penser que si certains de mes ancêtres
se sont combattus, ils se sont réconciliés et
je suis l’un des fruits de cette récon-
ciliation qui élargit mes appartenances à au moins trois continents sur cinq. Ce
sentiment d’appartenir à des espaces si grands et des peuples si divers fut pour

moi un fabuleux stimulus vers la conquête de la connaissance et les apprentis-

sages. J’étais habitée par une immense fringale de savoir. Je rêvais de pouvoir par-
1er à ma grand-mère hispanophone morte en couches alors que mon père avait
deux ans. J’ai appris l’espagnol et lui parlai dans ma tête tout en cherchant à corn-

prendre les peuples du continent amérindien. Idem pour l’Europe dont j e dévo-
rais les romans. A grand-mère Marae, dans ma tête je parlais aussi en tahitien

mais dans le réel, je lui parlais français, c’était obligé. Elle ne comprenait pas et se
mettait en colère. Il fut un temps où passionnée de Bible, j’ai suivi des cours de

théologie après l’avoir lue deux fois en français, une fois en tahitien, une fois en
anglais. Bien plus tard, j’ai tenté d’apprendre le grec et ai dû passer à autre chose.
M’habitait aussi une phrase du discours de Tehatu pasteur adventiste. Il
avait organisé un grand repas pour la gamine de 14 ans que j’étais et qui devait

embarquer sur le Tahitien pour 30 jours de voyage avant d’arriver en Europe,


dans une zone frontalière française proche de la Suisse, non loin de l’Allemagne,
l’Autriche, l’Italie... J’y ai découvert le baccalauréat que personne dans ma
famille n’avait et comme c’était un séminaire, en plus des math, de la physique
chimie, le chant et autres disciplines, j’ai beaucoup étudié la Bible. J’y ai rencon-
tré la beauté et aussi la saloperie.
A Tipaerui en septembre 1957, où fut organisé le repas, j’étais bouleversée
intimidée par ces honneurs. J’en garde un souvenir ému. Des phrases furent lemam
ns

H
LittéRama'OHi « zm

Simone Grand

gravées en moi ce jour-là : Te reva nei be i teferma maramarama. 'E roa’a ia be i te


'ite. Haamanab mai tei ’ere. « Tu pars vers les terres de connaissances. Tu acquer-
ras le savoir. Penses à ceux
qui, ici, en sont privés. »
Ces paroles m’ont portée ma vie durant et elles continuent. Et c’est avec un
étonnement non dénué d’amusement et demotion que je me vois restituer à
mon
entourage, la richesse et la beauté de nos mythes et de nos langues.
Dans les propos de Tehatu, palpitait la souffrance d’appartenir à une
« race »
quasi maudite de païens arriérés dont les références et la langue
devaient disparaître. Il comptait sur moi pour aider ses enfants et les enfants
des autres à s’en débarrasser au plus vite pour se saisir des références et langues
des porteurs de Vérité.
Or, mes voyages, mes apprentissages multiples et la méthode scientifique
m’ont révélé que les langues et cultures polynésiennes ont absolument la même
valeur que les autres langues et cultures y compris les judéo-chrétiennes. Lévi-
Strauss a écrit dans je ne sais plus quelle publication : « Il n’y a pas de culture

supérieure, il n’y a pas de culture inférieure, il n’y a que des cultures humaines. »
Aujourd’hui, c’est ma richesse dans des langues et cultures autres qui me guide
dans l’évaluation des traitements infligés aux langues et cultures polynésiennes.
Je suis choquée par la désinvolture avec laquelle elles sont traitées par celles-là
et ceux-là même qui sont rétribués
pour les promouvoir et célébrer.
Comme un navigateur fait le point astronomique avant de tracer sa route
du jour, d’avoir autant parlé d’Hier nous permettra je l’espère de construire un
Demain délesté des préjugés qui nous ont façonnés à notre insu et dont nous
devons nous alléger. Absolument.
27

I Te'ura 'Opu'u
Pensant que rêver éveiller, c'est comme penser trop haut ce
que tout le monde pense tout bas.
Cherchant le courage de surpasser cette douleur aussi vive
qu'une blessure à l'arme blanche.

Ne pas oublier

J'oublierais mon nom et mon prénom,


La crainte se lira dans mes yeux,

Je me poserais la question « où suis-je ? »,


Je me poserais la question « qui suis-je ? »,
Je voudrais partir loin de ces gens que je ne connais pas,
Je me dirais que je dois me préparer à mes examens,
Je me dirais que je dois appeler mon petit copain de Paea,
Je me dirais que je devrais appeler Maman en premier pour lui dire que j’ai
besoin d’elle,

Quelqu’un m’appellera « maman » et je dirais « mais non, je n’ai que 15 ans »,


Quelqu’un m’appellera « chérie » et je dirais « mais non, je ne te connais pas »,
Quelqu’un m’appellera « ma belle sista » et je dirais « on se connaît ? »,
Je demanderais à voir ma mère et ma famille...
Je demanderais à partir d’ici,
Je demanderais à ce que cette farce s’arrête,
demain
t
LittéRama'oHi » 24

Te'ura 'Opu'u

J’examinerais mon visage et dirais « j’ai l’air d’avoir 50 ans pourtant je n’ai que
15 ans »,

J’examinerais mon corps et dirais « que s’est-il passé avec mon ventre ? »,
J’examinerais les parcelles de mon corps et serais horrifié,
Puis...

Il sera là et me montrera,

Il sera là et me guidera dans mon passé,

Il sera là et m’expliquera ma vie,

Il sera là et me dira «
je suis là »,
Il sera là et me regardera comme un homme amoureux,

Il sera là et me fera revivre notre Amour,

Elle sera là et elle me montrera son parcours,

Elle sera là et elle me dira «Je t’aime Maman »,

A vous, A nous, A moi

Vivez, profitez, aimez...


L’Ombre de l’oubli n’est pas loin.
Dossiar

Où va-ton ?

Je me pose la question de notre avenir à tous, nous, qui vivons sur une île.
Parfois je me dis que nous avons de la chance detre loin des guerres qui font
rage ailleurs dans le monde car nous sommes trop loin pour être atteints puis
je me rappelle que nous vivons aussi des conflits, des conflits d’intérêts qui
détruisent notre savoir vivre, notre savoir-faire et l’avenir de nos enfants.

Pourquoi ? Suis-je si pessimiste ? Est-ce que j’ai baissé les bras ? Ais-je aban-
donné l’espoir ? Suis-je lâche? Suis-je pitoïste ? Je me voile la face ? Je me cache ?

Non est ma réponse à toutes ces questions !

Je suis comme beaucoup d’entre vous, je ne veux pas sortir de ma zone de


confort, je suis trop bien là où je suis, je vis ma vie : je travaille, j’ai une vie de
famille, je vis au jour le jour, je prévois des choses mais c’est tout. J’ai des projets
mais j e ne me donne pas les moyens, j’analyse puis j e vois que j e suis trop limité
financièrement alors je vis au jour le jour avec ce que j’ai puis tant pis, les projets
attendront. Je vis, point.

Et pourtant je vois ce qu’il se passe sur mon île, je suis témoin de cette chute
mais je ne fais rien.

J’ai aussi un rêve ou plutôt des rêves alors j’oublie que je suis témoin de cette
fameuse chute et je pars dans mon rêve de bisounours dans lequel je me perds
et ne veux plus en sortir. Quand
j’y suis, j e rêve tellement trop que la frustration
me tend la main avec
vigueur. J’y retourne chaque jour dans ce rêve, j’en deviens
accro, il me faut ma dose sinon je tombe dans une spirale de dépression et me

rappelle que je vis sur une île égrainée par la corruption, les inégalités, l’injustice,
la violence, la rage et la mort.
LittéRama'OHi 8 28

Te'ura 'Opu'u

Serait-ce à moi de faire quelque chose pour améliorer les choses dans nos
vies ? Non je noserais pas, mon nom de famille ne signifie rien pour personne,
les gens m’oublierontdans la seconde comme à chaque fois. Non je n’oserais
clichés reviendront
pas, mon physique ne plaît pas. Non je n’oserais pas car les
au
galop comme un mustang. Non je n’oserais pas, je ne suis pas grandement
diplômé. Non je n’oserais pas, je suis bien trop banal. Non je n’oserais pas, je
suis bien trop occupé à vivre ma vie.

Mais que deviendrons-nous donc si personne ne fait rien ? Où va-t-on ? Où


allons-nous ? Que ferons-nous ? Existerons-nous encore ?

Allô lÂvenir as-tu de quoi nous aider ? Allô lÂvenir que nous réserves-tu ?
Allô lAvenir, Allô ? Allô ?

« Fin de la communication cérébrale...»


31

Lazare Paia

Dit Rataro, originaire de Tahaa, il est professeur des écoles et a


composé plusieurs textes en langue tahitienne, pehepehe, fa'ateni,
fa'atara, paripari fenua pour la déclamation 'ôrero. Il est égale-
ment investi, en tant qu'auteur, dans le Heiva à Tahaa.

Pâtia àrai

E ai tu
purotuhara ’ia ooto te ta’i varovaro o te vevovevo o te reo o tô’u mau
tupuna, i te faauru vaa nâ te tuateaha o te moana nui o Hiva. 'E 'ia roaroa iti ae
au, te hôe o te ono faufa’a é, ei auvaha i te faufa’a i fa’aha’amà noa hia na, e 'ua
riro ei teoteoraa nô tatou i teie aru’i.

Nâ poro e hâ o te ao mà’ohi nui, 'ia ora !

E aitu fa’ati’i râ i teie tau 'ia ooto te ta'i varovaro o te vevovevo o te reo o tô

tatou mau taea'e nâ te mau aroà o tô tâtou fenua.

'E inaha 'ia ui atu vau : « Tei hea roa te vàhi ho’ora’a raau i o nei, âniania ri’i
au ? ».

Ra’ura’u ë haruharu ë nevaneva atura ïa e ina a tu au au noa mai nei i te upo’o,


e au ë ua mo’e te hîro'a.

'E inaha, ua hàmani tô’u nâ metua i tôna rà’au, e tuu e ono ae tôpata tab i
roto i te hôe au’a 'ïrava e a
paraparau noa ai, fa’atere i te po'ipo’i, i te avatea e i te
ahiahi hou a tàmà’a ai..., teie te i’oa o te rà’au : «Àparau i tô be reo».

demain
t
LittéRama'OHi » 2M

Lazare Paia

Nô reira, b vai râ ho’i tâua i te pâpü bre i te parau o tô tâua reo, e mata na i
te hi’o i te teiteiraa o tô mou’a, té tâhirihiri ri’i noa ra â tô reva noa atu ïa e ’ua

màhaehae roa, e reva â ïa tô tâua i te bre roa. Tê taraoha nei au i te hepohepo ia


tâua e te nûnaa maohi, tô tâua ma’a reva iti te na ma i noa atura.Tè faaitoito nei
te fare ha api’ira a i te tàfaifai haere, i te mau hu’ahu’a ri’i,
ta tatou i omotumotu
haere, e inaha ua hâmani tô u nà metua i te nira, e tïfai e ono a’e pô’ai taura tab
i te mahana hôe, teie te u o te taura : « A parau i to be reo».

ë, e te mau metua tamari’i, tè ti a nei e rave rahi pupu


E te mau metua pa’ari

taata, te reira i tâna tauto’ora’a, te reira i tàna rave a, te reira i tôna pùai,
te reira i
tôna anaanatae e i tôna itoito, nô te rahi o te aroha e te here ia tâua e te nûnaa

maohi, here i tô tàtou reo e b tei pau roa i te tïahihia e tàtou i ràpae i tô tâtou
mau utuâfare’Ua haamata ato a tàtou i te ha’amou haere i tei vai ra i roto i te aru-
taimareva,oia ïa : «’ia tu’u tâtou i te tahi reo e atu i nia iho i terà e terâ rà’au të
tïahi atura ïa tâtou i tô tàtou iho reo i vaho».

Nô reira ’ia bre tâtou e faaitoito e te mau metua, e riro ïa te haere’a o te


ha’api’ira’a i tô tàtou reo mai te haere’a o te hôe taata piri’o’i, roa’a aéra te tu’ura’a
piri a verâ ma : Taata iti i te reo piri’o’i e aha ïa ?

E te nûnaa maohi ë, teie te pâtia àrai : « A parau i tô be reo, e parau ïa tô te


nûnaa».
33

Dossier

Petite injection de rappel

Quelle langue prestigieuse et envoûtante, trésor de pensée de mes ancêtres,


génie d’un peuple de l’océan incommensurable, le grand océan Pacifique.Héri-
tier de ce trésor, je ne suis que le passeur de
messages. J ai l’honneur de décla-
mer ce
génie honteusement déshonorant jadis, mais qui, ce soir, doit susciter
en nous
je le souhaite, un sentiment de grande fierté.

Aux quatre coins de la Polynésie française, recevez mes salutations les plus
vives.

Mais quelle langue de frustration et de désenchantement peut-on entendre


résonner à présent dans les allées et contrées.

Ainsi à ma question à un passant un jour : «mon ami, où pourrais-je pren-


dre de quoi calmer mes maux de tête ?».
Celui-ci commença par se gratter la tête, puis par la tenir entre ses mains
comme
pour raviver des bribes de langue en vain, jeta un regard désemparé
autour de lui à la recherche d’aide et démuni de parole, finit par hocher la tête,
il semblait avoir perdu toute sa tête.

Pourtant, nos parents pratiquaient régulièrement un remède, quelques


gouttes d’expressions dans une coupelle de formules à déguster sur place,
matin, midi, soir, avant chaque repas... Ce remède est leur adage : «parle ta
langue c’est l’affaire de chaque instant».
Qu’est-il arrivé pour que tu sois si démuni de ta langue ? Aussi devrais-tu G

désormais regarder ta montagne pour y voir battre au vent les couleurs de ta B


dignité, de ton étendard ravagé, mais brave malgré tout. -o
LittéRama'OHi » zm

Lazare Paia

Je meurs d'inquiétude en songeant à toi peuple polynésien, notre étendard


est aussi
petit qu’invisible.

Lecole s’évertue à raccommoder les lambeaux qu e nous avons pu laisser au


fil du temps.Pourtant, nos parents, en prévention, tissaient pas moins de six
d’expressions par jour, la teinte de la tresse avait pour adage : «tresse les
tresses

nuances de ta
langue en la parlant à tout instant».
Aussi, mes chers aînés, mes chers parents, savez-vous que des communau-
tés de gens agissent chacune à leur manière, leurs moyens, leur force, toutes ani-
mées de grande volonté et de bravoure, et d’un si grand respect et d’amour pour
toi peuple polynésien, pour que vivent nos langues si précieuses, que nous
avons
pour autant chassées hors de nos foyers.

Nous continuons malheureusement à pratiquer l’exclusion et la privation


de notre propre environnement, comme pour reprendre l’expression polyné-
sienne «penser notre environnement dans une autre langue au détriment de
:

la nôtre, c’est priver nos enfants de notre trésor de pensée».

Sans notre engagement à tous dans nos familles, le chemin vers nos langues
et par nos
langues sera le chemin d’un éclopé. Cela ne manquera pas d’alimen-
ter nos devinettes bien
polynésiennes : Je suis une personne à la langue
d’éclopé, qui suis-je ?

Peuple polynésien, veillez bien à suivre cette injection de rappel qui a pour
adage : «parler sa langue c’est signe de bonne santé pour un peuple».

Traduction : Mirose Paia


35
drama fligou Dossier

Actuellement étudiante au Centre des Métiers d'Artdela polynésie


française où elle apprend à découvrir la culture polynésienne sous
l'angle de l'art. Elle est très créative et n'aime pas se restreindre à
une seule activité : l'écriture est donc un des nombreux moyens
d'expression par lesquels elle appréhende son univers.

Miranda

Je marche au milieu du parc. Il fait nuit, il fait bon.


Une amie m’accompagne. Elle n’est pas au meilleur de sa forme, alors je l’ai
emmenée avec moi.

J’aime bien ce parc, surtout la nuit. On voulait un endroit calme, je crois que
c’est parfait. Il y a un banc au milieu de la promenade, éclairé par un lampadaire.
La lumière n’est pas trop forte, elle s’impose tout en laissant sa place à la nuit...
et à la conversation.
Ça fait du bien de parler, des choses importantes, des choses qui font mal,
des choses de rien.

Caramels, bonbons et chocolats...”

On voulait courir au milieu des arbres, sauter comme des débiles au milieu
desjam, des palmiers et des flamboyants. Matari’i i nia est en pleine ascension
et les flamboyants sont en fleurs. De nuit, c’est magnifique un flamboyant en
fleurs.
Mais on a oublié de courir ; le lampadaire,
la lumière nous ont délié la
langue, tout en nous liant au banc, et on a oublié de courir.
L’angoisse est partie, même si on a oublié de courir. On a fait courir nos
langues et elles ont fait un véritable marathon. demain
t
LittéRama'OHi » 2M

'Orama fligou

“Caramels,bonbons et chocolats...”

La lumière confidente se trouble. Une délicate pellicule d’eau se dépose sur


nous. Il est temps
de partir, une ondée c’est agréable, une averse c’est une invi-
tation au départ. Nous n’aimons pas tellement attendre les invitations.

“Caramels, bonbons et chocolats...”

On chante comme des débiles, on rit, on pleure, on parle, parle, paroles,


paroles, paroles....
On se vide la tête de tout et de rien. On oublie un moment toute obligation,
toute contrainte. Cette nuit il n’y a que la lumière et les flamboyants qui comp-
tent. La lumière, les flamboyants et les paroles....

“Caramels, bonbons et chocolats...”

Demain j’aurai la tête lourde et vide à la fois. Demain j’aurai la nostalgie de


nuit, pleine du plus important et de l’inutile, de nécessaire et de rien.
cette

Demain la parenthèse sera refermée, et j’y repenserai mélancolique, rêvant d’en


ouvrir une autre.

Caramels, bonbons et chocolats... ”.


37

I Steeve Reea Dossier

Mâ'ohi tei here i te reo tumu o tôna fenua. Ta'ata hïmene 'e ta'ata

pâpa'i nâ roto i teie reo iti arohahia, ’ia fa'a'ohipa-noa-hia â, 'ia


tai'o-noa-hia à, 7a fa'aro'o-noa-hia a, 'ia parau-noa-hia à 'oia.

Moemoeà nô ananahi

E tia, fa aineine i te taofe.


« ’Ia ora na Pâpâ ! »
Te reo ïa o ta u nà tamari’i, të haere mai ra e tauahi ià’u i teie po’ipo’i.
« ’Uata’otomaita’ibee Pâpâ ?
-

’Ë ! »

Âuê ïa baba i te fa’aro’o i terâ reo iti tô râua.

Hora hitu. E haere i te bhipa i te fare ha’api’ira’a. Fârerei te mau hoa brome-
tua
ha’api’i.
« E aha tô be hum ? »

Tô ràtou ïa reo màtàmua nô te aroha mai iâ’u. Mûri noa mai ihoa, te mau
fa’ati’ara’a a’amu hope ore ïa. ’Aita e pau hà noa. E a’amu noa rà.

Pâté te oe. Fâri’i ta u mau


piahi i roto i te piha ha’api’ira’a. Vaiho ia râtou e
fa’a’ti’a na i te tahi parau api.
« ’Ua ü te
pere’o’o o tô’u màmà inanahi ra. Âua’a a’e ’aita ona i pëpë noa a’e.
Te tahi urï pa’i te tumu, ’ua horo oia i nia i te porômu. ’Ua roa’a rà i tô’u màmà
i te ape. Reva roa te pere’o’o i nia i te pou môrï ! »
Pahô a’e nei te ata o te mau tamari’i.
demain
t
LittéRama'oHi » zm

Steeue Reea

Të parau mai ra te tahi :


« ’Ua
pa’apaa ïa te fare i roto i tô mâtou mataeinaa ’inapô ra. Aua’a ae ’aita e
ta’ata i roto i te fare i terâ taime. ’Ua haere pa’i râtou e tâmâ’a i râpae. ’Ua ora ïa.
-

E aha te tumu i pa’apaa ai tenà fare ?


-

E hoa aéra, ’aita ato’a teie i ’ite, e raau naonao paha ?


Të fa aô mai ra te tahi :

E aha ïa huru ! E pa’apaa ïa te fare tïmà i te raau naonao ?»


Màrôra’a ïa nâ te mau tamari’i, ta vai te parau mau. Peu mâtauhia ihoa.

Ha’amata i te tai’ora a :

« A rave i ta ’outou puta ! A tai’o ! A tâpiti ! Nô vai teie parau ? A pâhono


mai ! ’O vai tei bre i ta’a ? ’O vai të nehenehe e tauturu ? Afa’aitoito ! ’Eiaha e
haaparuparu ! Maita’i roa ! Haere â ! »
Rave i te ha api’ira’a nümera :
« A nümera mai ! A amui ! A fa’arahi ! A màtutu mai ! ’O vai të hina aro i te
tauturu ? ’O vai të nehenehe e tauturu iàna ? ’Eiaha e tu’u ! A tütava ! Maita i roa
’ino ! »

Pâpa’ira’a i te tahi pehepehe:


A pâpa’i ! A fa’anehenehe mai tà ’outou mau ’ïrava ! A fa a’ite iho i tô outou
«

huru, ’oa’oa ânei, hepohepo ânei ! A faaafaro mai te pàpa’i ! A ’imi i te tab tano !
A hi’o i roto i te puta fa’atoro ! Te tamari’i e hina’aro e tai’o i tàna pehepehe, a tai’o
mai ! ’O vai të hinaaro ?
« ’O vau !

Moemoeâ

E hia taime tô’u moemoeàraa


I te tahi ao hau atu i te maita’i
E ao fa’ahiahia
E ao ha’avï bre
E ao fa’atura
E ao aroha
Të màna’onab noa nei
39

Dossier

Noa atu aita tenâ ao

E tâpae ihoa
E ti aturiraa mau
E moemoeâ tàm au
Tei mua noa iâ’u

Ahani ta u e nehenehe e mau iâna


Ahani ta u e nehenehe e tauahi iâna
Teie ao u rau

Teie ao baba
Teie ao hâviti
Teie ao hau atu i te maita’i
Penei ae, e moemoeâ noa. »

Taime faafaaearaa. Té tàtamai ra e piti tamàroa i roto i te aua. E hara pôro.


« Nô te aha be i rave ai i tà’u
poro, eere nâ be, nà’u !
-

Te hoa, ua ani au ia be e faariro tàua ? Pàhono mai nei be, e ! Te auraa ïa,
’ia pau anae be, e tàpe a ihoa ïa vau i tâ be pôro nâ u !
-

Haaviti a faaho’i mai ! Aita vau e hinaaro faahou ia be nô te ha uti ! Mai


te peu e’ita be e faaho’i, e faa’ite au i tô’u pàpà !
-

Auê, erâ atu tà be pôro ! A afa’i atu i tô be pâpâ ra nô te faariro ! »

Tamàaraa i te avatea. Noa atu te màniania rahi i roto i te fare tàmàaraa, të


aparau ra b Màui ràua b Paul.
« Aita e auraa te mâa i teie mahana ! Mea e ihoa pa’i i te fare. Tô u mâmà,
nümera hôe nô te tunuraa mâa !
-

E aha ïa tâna e hâmani nei e mea au roa nâ be ?


-

Fâfaru !
-

Hâu a piropiro tenâ mâa ! Mea au nâ be ? Aita roa vau e au !


-

E hoa, terâ i a haamitibe i terà mitihue, ai-ai-ai, ua pata te maire !


-

T pa’i, te màua rahi terâ ia tu’uhia i roto i tenâ miti pè ! Mea au ae ïa te ia


ota tâhaari, mea no’anoa ae, mea monamona ae.
-

-
'Oia atoa, e'ita ihoa râ te fâfaru e ü !
Afa’i e atu i tà be fâfaru. A amu na i tâ be pipi!
demain
t
LittéRama'OHi it 2M

Steeue Reea

E’ita vau e amu i tenâ mâ’a. Ahani i ano’ihia mai te tahi maa raiti, ’ua amu
ri’iïavau.
-

E pipi e te raiti ? Peu api atura ïa ! Nâ vai tenâ, nâ tô be ato a màmâ ?


Mâtau ihoa pa’i matou i te ’amu mai terà. I teie mahana, e tunu noa i te pipi,
-

aita e raiti. Terâ te peu api !


-

Aha’avitiviti i te amu i tà be maa, a fa’ahepohia be ! Ua pa’ia teie.


Arauae ! »

Fàtata te fa aotira a ha api’ira’a. Të pàpa’i nei te mau piahi i roto i tà ràtou puta
faaueraa :

Mahana maha, 28 nô mâti, tàmau i te ha’api’ira’a tarame i nia i te huru aipa.


«
ha’api’ira’a o tà butou e tàmau mai nô ananahi. ’Ua oti i te
Terà ïa te

pâpa’ihia ? Ha’avitiviti mai, fàtata roa te hora !


’Orometua, e haere tàtou i te ha’apunara’a pape ananahi ?
-

’Ë, ’ua ’ite a’ena ’outou, pau roa te mahana maha, e haere tàtou i haapu-
-

nara’a pape nô tà tàtou fa’a’eta’etara’a tino. ’Eiaha e ha’amo e i tô ’outou tàpo’i


rouru e tô ’outou ahu taui.
Të ui mai ra b Kevin:
-

’Orometua, nehenehe e afa’i te tahi tïti’a mata nô te màta’ita’i i roto i te


pape ?
-

’Ua ani a’e mai na be i te hepetoma i ma’iri ae nei. ’O vai të nehenehe e


pâhono iâna ?
-Â-i-t-a ! »

Të fa’aô mai ra o Tevahine:


«
Kevin, e aha ïa tà be e hina’aro e màta’ita’i ? Âore re’a ohipa i roto i terà
ha’apunaraa pape ! Ahani rà tei roto i te miti, e ’ite ïa be i te mao të haere mai ra
e fâ’ao ia be ! »

Fefe roa te tamari’i i te ata. Pàtëra’a ïa te oe.


« Ati’a te mau tamari’i, a haere. Ananahi ! »

Ho’ira’a fare. Aparaura’a i roto i te pere’oo, tere noa ai :


« E aha te hum te ha’api’ira’a i teie mahana ?»
Të pàhono mai râ b Manatea :
m

Dossier

« Aita atu ai ! ’Ua fa’aho’ihia mai ta matou hi’opo’ara’a reo peretàne, ’ua roaa
iau e
ahurumapae i nia i te piti ahuru. Eere i te mea au ?
-

Maita’i roa ! E tâmata râ be i te ha’amaita’i faahou â i ta be nota.

Papa, eere paha ïa i te mea ohie !


-

Nehenehe ihoa râ e tâmata. Eere ? ’E be Tiare ura ?


-

Maita’i ri’i. Te tahi noa ma’a ohipa tei faaharaob iâ’u i teie mahana.
-

E aha ho’i ?
-1 terà taime ha’api’ira’a nümera, nà o mai te orometua ha’api’i ia mâtou ë,
’eiaha e parau tahiti, eere te taime haapi’iraa reo tahiti teie. ’Ua riri au iâna !
-

E aha ïa tà be i parau iâna?


-

Aita ho’i au i parau a’e hôe parau. Te mea ïa ta u e riri maita’i ra.
-

Eere ihoa i te mea tano terà fa’ahepora’a tàna. Aita hôe a’e ta’ata e nehenehe
e
opani ia be i te parau i tô be reo. A ’ite ona a faabroma i !
’Ua ’ite au Pàpà.
-

E riri ihoa pa’i të roaa mai. Mai te


peu e nà reira faahou ona, eiaha roa atu
-

be e mâmü. A parau iâna tô be mana’o. E fa’a’ite be iâna b vai be ! ’O vai ho’i


ona nô te
parau i te tahi parau ma’au mai tenà te huru ! E ’orometua ha’api’i ïa !
Ananahi, e haere be e fârerei iâna. Mai te peu e’ita ona e fàri’i i tô be mana’o,
b vau ïa tàna e fa’aruru atu. Të ta’a atu ra ?
-

Të ta’a atu nei. »

Taime tâmâ’ara’a. ’Ua pô. ’Ua pa’ia ato’a. Të hina’aro ra b ’aiü mà i te tahi
tu’ura’a piri. Nau te reira e ha’apa’o :
« E ta’ata iti huruhuru vau. ’O vai au ? »

Nâ Manatea te pàhonora’a màtàmua :


« E animara
paha teie ?
-Aita.
-

Pàpà, mai te peu e huruhuru tôna, e animara ihoa ïa !


-

Të tâpiti
atu nei i tà’u pàhonora’a : Aita ! »
Tiare’ura :

« E animara ha’avare. E pëpe hurio ?»


Pahô te ata o Manatea.
demain
t
LittéRama'oHi a 2M

Steeue Reea

«
Mea, mai te peu pa’i e ere i te animara, e ere ato a ïa i te animara ha’avare !
'O be rahi !
-

Faaea nâ be ! Â ’imi mai !


-

’Ua ’ite au ! Tê vai ra ta Mâmâ rü au terâ mea !


-E ahaïa ?
-

E rave ona i terâ tao’a nô te tàmâ i tôna fare. Terâ pa’i raau e huruhuru
manutô niaiho ! »

Atara’a ïa b Tiare’ura.
« Terâ tâna i tâmata ato a i nia i tô be avae nô tô be fa’aro’o bre ?
-

Të ta’a atu nei. ’Aita ! Eere terâ. Haere à !


-

E porômu fare ihoa ïa !


-

Aita Tiare’ura.
-

Ae, ’ua ’itehia ià’u...


-

’Ua oti ! E piti pàhonora’a tà orua i hôroa. Të hôro’a atu nei i te pàhonora’a
tano. Terâ ta’ata iti huruhuru, terâ ïa ta’ata iti tà orua e haere e ti’i i teie nei nô te

porômu i tô orua niho. Eere ?


-

Pâpà ! Terâ ho’i ta u i hina’aro e parau ! »


E riri iti tô Tiare’ura :

« Faaea atu. A haere be nà mua e porômu i tô be niho. E nà mûri atu teie. »


Të nâ nia mai ra tô ràua mâmâ:
« Aita-ita-ita ! A rave nâ mua i teie ta’ata iti huruhuru ato a, ’a tàpu a atu e a
horohoroi i tô orua merëti !
-

Nà reira ïa Mâmâ. »

’Ua hora iva i te pô. Të haere nei e apà i ta u nâ tamari’i hou râua e ta’oto ai.
Ahi’o ia Tiare’ura, të tai’o ra i tâna puta.
Ahi’o ia Manatea, të ha’uti ra i nia i tâna màtini roro uira.
Ha’amana’o i te reo o tô’u mâmâ. Tô’u ato’a ïa reo i terâ taime :

« Aiü mâ. Eiaha e haamaoro. E ha’api’ira’a tô ananahi. A ta’oto. »


Vaiho hôe i tâna puta. Vaiho te tahi i tâna ha’uti.

Tüpohe tô râua môrï. Tapiri tô ràua mata.


Pàhono mai ra tô râua reo...

«
Bonjour Papa, t’as bien dormi ? »
M3
Marine Taea Dossier

Passionnée de lettres,
l'auteure dévore les livres depuis sa tendre enfance.
Enseignante par conviction
et oeuvrant dans diverses associations,

Teraipoia voyage par la lecture et s'évade par l'écriture.

Et demain

Mes bébés sont enterrés.

Ils ne pouvaient pas vivre :

Trop petits, immatures, inachevés.


Pourtant ils avaient déjà tout : deux pieds, deux bras, un cœur, un cerveau,
Une maman, un papa, des grands-parents à foison et une armada de taties.
Trop jeunes, trop pressés de continuer leur chemin
En un ailleurs que je ne connais point.

Que vais-je faire de ces berceaux ?


Et cette chambre grise et bleue à vomir, à quoi me sert-elle ?
Tout cet amour
que j’avais construit autour de vous
Vous aura donc protégé de rien !
Nothing, aore, nada !
E aha te faufaa ?

demain
Quel gain ?
Quel intérêt à toute cette souffrance ? t

Quelle perte....
LittéRama'OHi « 2M

Marine Taea

J en veux à la terre entière.


Je vous maudis
Vous,
Toutes les femmes fécondes comme des champs de taro

Qui enfantez sans difficulté


Comme un pied de nez à ma terre infertile.
Je vous hais detre aussi heureuses avec votre ribambelle d’amours.
Ma beauté, à quoi me sert-elle aujourd’hui ?
Mes maternités échouées

Mes enfants perdus

Si loin

Je dois continuer ma vie


Désormais

Seule.
M5

Chantal T. Spitz Dossier

amante mère grand-mère tante gand-tante amie tahitienne océanienne


1991 : nie des rêves
écrasés, premier roman tahitien de langue française
publié aux Editions de la plage, Pape'ete - réédité au Vent des Iles
2002 :Hombo, transcription d'une biographie aux éditions Te Ite-
réédité au Vent des Iles
2006 : Pensées insolentes et inutiles aux éditions Te Ite
2011 : Elles, Terre d'Enfance, roman à deux encres au Vent des Iles
2015: Cartes postales au Vent des Iles

J'eus un pays

ce
qui frappe c est lordre
l’ordre et l’espace
l’ordre et le silence
l’ordre et la paix
l’ordre comme un moule dans lequel tout se restreint s’éteint se tait
l’ordre comme une insulte à l’humanité affaiblie atrophiée abolie
l’ordre comme un oubli un défaut un vide

je me souviens
j’habitais encore mon pays comme mon pays m’habitait
inconsciente de l’impitoyable trame qui s’ourdissait et
qui changea bientôt le
cours de nos existences
inconsciente
comme nous tous

non

pas inconsciente
échouant à imaginer qu’un projet aussi dément puisse naître de cerveaux
humains
malfaisance achevée absolue aboutie

demain
une

qui entend soumettre un pays aux griffes assoiffées d’une poignée de rapaces
t
impatients de se défaire de toute contrainte limitant leurs vastes voracités
LittéRama'OHi tt 2M

Chantal T. Spitz

l’annonce court sur les réseaux sociaux


NoFrontiers une multinationale d’ultramilliardaires veut construire des îles flot-
tantes dans les eaux internationales

pour s’affranchir de toute forme de gouvernement de toute réglementation


humaine connue
afin de bâtir un nouveau mode de gouvernance où les règles seraient celles des
plus riches donc des plus forts
dans le pays le temps continue de s’égoutter dans une nonchalante indifférence

lesinégalités qui déséquilibrent notre société sont bien plus intenses que les
élucubrations d’une bande d’ultralibéraux qui désirent fonder une nouvelle ère

plus de la moitié de la population sous le seuil de pauvreté


échec scolaire et illettrisme galopants
addictions multiples alcool sucres drogues violences

chômage massif
richesses bedonnantes pauvretés bouffies
violences physiques sexuelles contre les enfants les femmes
obésité morbide cancers diabètes maladies cardio-vasculaires en
explosion
déracinement des populations

conséquences de trente années de bidouillage nucléaire de l’état d’invasion

soudain tout s’accélère


la trop grande profondeur des fonds marins ne permet pas la réalisation du pro-

jet dans les eaux internationales


des morceaux de lagons du pays sont sélectionnés par NoFrontiers avec l’aval
du gouvernement

protection contre la montée des eaux innovation technologique énergies


renouvelables développement économique emplois assurés sont les atouts lan-
cés en appât

un mouvement de contestation se crée


la campagne électorale pour redéfinir la composition de l’assemblée du pays
commence
M7

Dossier

le projet est suspendu le temps de la campagne


NoFrontiers ne reste pas inactif
des conférences dans le monde occidental leur permettent d’intéresser de
plus
en
plus d’investisseurs qui rêvent d’une gouvernance de profits dans un des plus
beaux lagons de la planète
les élections portent les indépendantistes au pouvoir
le rêve s’achève pour les investisseurs
les îles flottantes ne se feront pas dans les lagons du pays

je me souviens
j’habite encore mon pays comme mon pays m’habite
les perdants des élections orchestrent des manifestations financées
par
NoFrontiers
des grèves paralysent l’économie du pays
les pénuries s’organisent
les misères s’étalent
les violences s’enflent

derrière mon pays est tapi l’ogre ultralibéral


intérêts financiers aux infinies voracités

qui depuis des décennies destituent la démocratie et ses défenseurs


partout dans le monde où des richesses sont à piller
instituent la dictature et ses tyrans

partout dans le monde où des enrichissements sont à moissonner

lesquelques escadrons mobiles mobilisés par l’état d’invasion


ne semblent pasdéterminés à rétablir l’ordre
dans le pays qui s’enfonce dans des violences
jusqu’alors inconnues
camions gorgés de milices armées surgies du néant
arrestations arbitraires

camps d’emprisonnement demain


t
LittéRama'OHi » 24

Chantal T. Spitz

de tortures murmure-t-on
couvre-feu perpétuel
interdiction de s assembler de circuler

coups de feu bruits de botte et de coups


lignes téléphoniques connexion internet coupées
le pays se recroqueville

mon
pays ressemble à tous les pays
qui n’ont pour eux que leur taille modeste et leur éloignement des continents
proies faciles pour les grands prédateurs
on murmure
que l’état d’invasion a passé contrat avec NoFrontiers
qui prend le pouvoir dans l’île principale
et lui laisse le reste du pays

généreuse étendue océanique


qui l’autorisera à continuer de se clamer
deuxième puissance maritime mondiale

NoFrontiers prend possession de mon pays-île


et y instaurela gouvernance nouvelle
délivrée de toute réglementation humaine
libre de fonder le nouvel ordre
où le plus-riche-plus-fort dicte sa loi
l’état d’invasion a rapatrié ses expatriés
beaucoup des nôtres ont fui les affrontements armés
armada de pirogues bateaux surfs
traversant l’océan

pour rejoindre Mo’orea l’île voisine


beaucoup sont morts sous les assauts des milices meurtrières
dans une vaillante volonté de résister à la nouvelle invasion
histoire qui se répète

nous sommes les survivants de la prise de possession


NoFrontiers règne en maître absolu sur le nouveau monde
49

Dossier

surgi d’imaginations furieuses en quelques années


beaucoup d’entre nous sont ensevelis sous les décombres
sur
lesquels se dresse une ville de science fiction

nous avons
disparu de notre pays
parqués dans des camps d’habitation
entourés de grillages électriques
survolés de drones de surveillance
laisser passer obligatoire pour sortir de notre enclos
afin de servir les nouveaux maîtres
esclaves emprisonnés sur notre terre
mur
végétalisé florissant
qui empêche tout contact avec les étrangers
nous
éradique du monde des vivants
certains sont traités mieux que nous

maison individuelle régime spécial coach sportif


on murmure de drôles de choses

que dans le bel hôpital flambant neuf


ces certains sont tués pour que les richissimes
atterrissant dans leurs jets flamboyants
puissent continuer à vivre
grâce à leurs organes
ce
qui frappe c’est l’ordre
l’ordre et l’espace
l’ordre et le silence
l’ordre et la paix
l’ordre comme un moule dans lequel tout se restreint s’éteint se tait
l’ordre comme une insulte à l’humanité affaiblie atrophiée abolie
l’ordre comme un oubli un défaut un vide

je me souviens
j’eus un pays
demain
t
LittéRama'oHi » 2M

Odile Purue-fllfonsi

Auteure d’écrits mangaréviens-français, elle est née à Rikitea, archi-


pel des Gambier. «J’écris pour laisser des traces, pour témoigner,
pour éclairer,... Une vision de mon passé fait renaître des souvenirs
qui ne se décolorent, ni ne s'effacentjamais. C’est une mémoire de
mon enfance demeurée dans le temps. »

Apopo, tamau te Apopo me totai te Apopo !

Te utu Apopo ! ena atu me ena ka tota’i a !

E toromiki ana noti au, kua


rogo te’ito au ki toku kui : « E Riga ! Te tukuga-
retera ko to koe ao ka puta mai, ka akatoa ki te akatu u marie ki ta koe tukuga,
koia ko to koe Apopo ! « Ma te kore roa e oatu te keretoraga manava ki a iota-
kao verega nui nei, « veio ta aga atu au ki ana ka tatatata ! ».

I te tikita’i a
paega o te oraga, mei te toromikiraga ki te taigoregore, e maka-
rakara te ae ki Apopo. I mua roa ki ana noti : Mei te toromikiraga tae-
ta aga me

roaki te tagata motua raga, te pakepakega takao me te oraga mautai kua


akaveke kia tatou ki ruga i te utu uiga me ui koia koe me te utu akatiaraga ko
ta koe me oatu mo te taena ki te utu ragairaga mo koe noti, pera oki ki te utu
akapaega aga mo... Apopo !
Meara, kakore kouroa te utu apopo e tuea ana !... Mea kë to nena’i ki to a
ra nei ! Mea kë ua bki to apopo ki to a ra nei !

akatu ki to tatou noti oraga... Auere ra !


I te mau ’ano ua, ko tatou te taura
te arai anake ki ta tatou utu moemoea, ki ta tatou utu mateeiruga ; koia ia ! Ko
tatou noti ! Tatou me to tatou utu ve’iga, to tatou kereto kore raga kia tatou, to
tatou kobkobrua, to tatou ipuipuraga, kore anei ?
Dossier

Meara ’oki, ko a moemoea ara noti, ko a atuiraga ara noti... Me peea au ki


toku oraga !... Kia vai !... Pe tona mamaru ki ana noti me te akapaega aga !
E ta’i a
tiaga makara kore ’ia : i mûri ib i te matega o te a ana, ve me tokorua,
ea ta ana a moemoea ara, a atuiraga ara : Me peea au ki toku oraga kakore te
tokorua ! e akano’o akaou au ki te ta’i tokorua ké ? Koreara e kore roa ?

I amenei ra, i mua roa, e makara ae koia ki te mamaru ki ana noti, me na


ruga
i te
nanaraga ki te anauga, ki te ta i atu ü !

Pera, ea ta aga mai a tumu manava : a uiga otiga kore ae.

A koroio nei, I te koputi o te aranui, I te ano


koutu’uga tutumari e, ea a moe-
moea, a atuiraga ara noti : “ E gara ana au me mamaru ki aku, me tika e kore au
e riro ei peka mo taku anauga, no ameara toku oraga tumu me toku aotumu,
ko taku mau akatiaraga kota’i, me maukikia mari e au ”.
Koia noti, e ta’uri ana te Ao, e tere koia ana ki mua, me papu kore bki...
Apopo, e ’akateima’a ’ia anei te Ao na te utu takao takiakia ? Na te utu kopae-
paeraga ku’a me te arainenearaga pe te utu ’ava’ava tekeo,te tinaiga, te agakore,
te ragi ’urike, te
tao’iga’akatoa, te utu mate akapu’apua, rau te mate... !
Nei korereka, e Ao kë ka tu mai, i reira te ü e tu pakaora mai me te kereto
e « e
porotu me aka’uri ’aka’ou te ao ». Ka tatake ratou kia ratou me te varaka
ki te utu kiraga mo te kato e ta’i a ao i tao’i ’ia ki ruga i te va iraga tano o te utu

tikaga i reira ratou kouroa e tu mai ei ü arimatanui e kore ra ei ü kai ta’aga me te


’orikai ?

Ko au noti, e ui manava ana au me peea Apopo ! Toku apopo ! E koaniraga


otiga kore ae !

Meara kotou nei ? Etagi ana kotou me kite te ’aga moru no Apopo ?
Apopo ! Kakore anei ko te ta’i ta iaairaga i ta ’ia ki roto i te ta’i taviriviriraga otiga
kore ?
LittéRama'oHi « 24

Odile Purue-fllfonsi

Demain, toujours Demain et encore Demain !

Des Demain ! Il y en a eu et il y en aura encore !

Enfant, j’entendais déjà ma mère : « Aiu ! Eécole est ton avenir, il faut bien
car c’est ton Demain ! » Sans vraiment être consciente de la
travailler à l’école,

portée de cette phrase, « je la laissais braire ! »

A chaque étape d’une vie, de la petite enfance à la vieillesse, on pense inlas-


sablement et toujours à Demain. D’abord pour soi-même : De l’enfance jusqu’à
l’âge adulte, l’éducation et la société nous ont bien entrainés sur des questions
qu’il faut se poser et des moyens qu’il faut se donner pour atteindre les objectifs
personnels voire professionnels pour... Demain !
Or tous les lendemains ne se ressemblent pas !
Celui d’hier est différent de
celui d’aujourd’hui ! Et celui de demain ne sera pas celui d’aujourd’hui !

âge, nous sommes entrepreneurs de notre propre vie... Hélas ! Le


A tout
seul obstacle à nos rêves, à nos ambitions ; eh bien ! C’est nous-mêmes ! Avec
nos doutes, notre manque de confiance, nos incertitudes, nos scrupules, n’est-
ce
pas ?
Et pourtant c’est le même rêve, le même raisonnement... Que faire de sa
vie ! Avec qui !... Comme par exemple : Sa sécurité personnelle et profes-
sionnelle !

après le départ d’un compagnon de vie, toujours le même


Un cas imprévu :

rêve, le même raisonnement qui ressurgit : Que faire de ma vie sans l’autre !
Vais-je la partager encore avec un autre partenaire ? Ou pas du tout ?
En fait, de prime abord, on pense toujours à sa sécurité personnelle et en

rapport avec les enfants et les autres !


53

Dossier

Ainsi le même refrain mental réapparait : toujours le perpétuel questionne-


ment.

Maintenant, au bout du chemin, à un âge certain, atteint par la sagesse, tou-


jours le même rêve, le même raisonnement qui apparaît : «Je songe à ma sécu-
rité, j espère ne pas être un fardeau pour ma famille, car mon autonomie et mon
indépendance sont mes priorités et j’y tiens ! »
Oui ! Le Monde change, il évolue, il est incertain... Demain, le Monde
sera-t-il encore abruti par
de mauvaises nouvelles ? De désordres pessimistes
et catastrophiques tels la
drogue, le terrorisme, le chômage, les dérèglements
climatiques, les violences, les épidémies et maladies... !
Ou alors le Monde sera-t-il un Monde différent, ou des gens deviendront
plus responsables et croiront que « tout est encore possible pour changer ».
Ils se mobiliseront et trouveront des solutions pour construire un monde axé
sur le
partage équitable des pouvoirs ou tous sont acteurs, participants et non
des consommateurs passifs et assistés ?

Moi-même je m’interroge sur ce que sera Demain ! Mon demain ! C’est


l’éternelle rengaine ? Et vous ? Voulez-vous connaître le mystère de Demain ?
Demain ! N’est-ce pas un interminable tourment inscrit dans une spirale
sans fin ?

demain
t
LittéRama'OHi # 2»

Clothilde Grand

Mariée à Simon Grand depuis 1974. Elle est mère de trois enfants :
Moeava 34 ans, Vaitea 29 ans, Heinarii 24 ans et grand-mère de
deux petites-filles : Moehei 11ans et Teavai 4 ans.
"Des mots pour prévenir les maux", voilà son message comme un
écho à "Des mots pour soigner les maux" de son très cher ami
Patrick Amaru.

Et demain...

Etdemain, que deviendront nos amours tuées par la routine ? Suffoquées


par l’habitude ?

demain, que deviendront les promesses d’espoir éphémère ? Ces men-


Et

songes préférables, ces illusions nécessaires pour dormir sereins, la conscience


morte.

Et demain, que deviendra la terre de nos enfants, vidée, bâtie, souillée par
une élite ? Que
deviendra ce sol inégal où l’or s’est transformé en purins ? Où
certains crèvent de faim et où d’autres se gavent ?

Et demain, que deviendra notre intelligence ? Sera-t-elle LA. ? Intelligence


artificielle, améliorée, assainie ? Ou sera-t-elle I.V ? Intelligence volée, violente,
vénale ?

Et demain, aurons-nous résolu les mots ? Aurons-nous choisi s’ils s’équiva-


lent ou s’ils
distinguent ? S’ils divisent ou s’ils rassemblent, quand pour dire ils
se
multiplient ? Noirs, blancs. Hommes. Chrétiens, Musulmans. II. Elle. On.
Toi. Moi. Nous. Quelle différence ?
55

Dossier

Et demain ? Où fuirons-nous nos incohérences ? Sous terre ? Où il y aura


encore la place
? Ou plus loin, plus haut ? Sous d’autres orbites en espérant rêver
sous d autres étoiles ? Et
nos larmes, là-bas, couleront-elles
pures ? Et nos
mémoires, là-bas, seront-elles vierges ?

Demain à combien s’achètera l'oubli ? À combien s’achètera la vie ? Demain


à combien s’achètera l’avenir ?

Aujourd’hui, demain m’interroge. Parfois même il me hante. Et souvent, il


alerte. En l’entendant, je sais, on le sait tous,
il appelle ces héros. Il appelle des
guerriers, guerrières aux yeux forts, des cœurs au sang âcre et rouge. Des cœurs
à la sueur inondée d’amour. Pour se battre et sauver. Pour panser nos plaies
suintantes et nos aspirations malades.

Demain, comme hier, aura besoin de nous.

demain
t
LittéRama'OHi s 2M

fTlirose Paia

Originaire de Tahaa, elle est enseignant-chercheur à l'Université de


Polynésie française. Ses préoccupations sont l'usage et la portée
symbolique de la langue polynésienne dans des domaines variés,
l'enseignement, la littérature, les familles, la société.

E ananahi mau ?

I tô matou tau,
E’ita be e ’ite i te tamari’i ia pàhonohono i tô ràtou metua,
Fârerei be ta be i mua i te ta’ata, e’ere i te ha’amà nei !
Ananahi,
Nâ te tamari’i e haamâmü i te metua, ’ia bre,
Fârerei te mau metua i te fa aru’ehia.

I tô matou tau,
Aita tà te tamari’i e
parau, ’aita i ’ite i te ha’apa’ora’a,
Te fa’aro’o noa tà te tamari’i, tiràrà atu ai.
Ananahi,
Aita ta te metua e
parau, b vai ho’i be ?
Te mâmü noa ta te metua, ’ei aha nà ’oe ’ia parau mai !

I tô matou tau,
Aita e ta’oto maorora’a,
E péte mata, e màu’a te ao.
Ananahi,
Ta’oto i te ao, ara noa i te pô,
E pë te vaha i te ao noa, e màu’a te pô.
57

Dossier

I tô mâtou tau,
Pa’ari te tua i nia i te mahana, pau i te naonao,
Te pütë pühà i nia i te tua, te maihoa ’ia maraa
Ananahi,
Paari te tua i te pàrahi noa, pau i te rao,
Te tino iho të horo, e’ita e maraa fa’ahou.

I tô matou tau,
Hô e tâpü faraoa, auë ïa ma a fa ahiahia !
la bre anae, rao’ere tâporo noa ihoâ ïa.
Ananahi,
Faraoa ? E amuhia tenâ mea ?
E pa’ia noa vau i te rao’ere.

I tô mâtou tau,
E ao te pô i tai i te aau, ’aita e ta’ira’a,
Aita i màuruuru ra, a au noa ïa è uta roa.
Ananahi,
E pô te ao i te overe noa ra’a,
Nâ uta i te au ma’au noa atu i te aau, e ta ata fa’ahiahia roa ïa be.

I tô matou tau,
Va’u matahiti, e ama tâ be auahi, tâ be mâ’a,
E ma te aua, te au’a, te ahu, te ohure piripou
Ananahi,
Maa ta’a noa, pata atu ’ama mai
Aita â i repo ua ma aena.

I tô matou tau,
EIôe ’ahu, e toru ïa mahana ë a pua atu,
Toru noa ahu ë ohu noa ai ë marau roa atu.
Ananahi,
Hôe ’ahu i te hora, mea roa roa ïa,
Mea fa’aru’e roa ïa ahu ’ia oti i te ’omo. demain
t
LittéRama'oHi » 2m

fTlirose Paia

I tô matou tau,
E ha’uti, e ata, e ta i, e moemoeâ na matou nâ roto i te reo tupuna
Vevovevo te uru meia, te pô ana mâpé, te âhua i te reo pâteitei
Ananahi,
Tôpapaa, tômaohi, tôtaitai, tôorooro tô terâ e tô terà reo
lavevovevo noa ai te rorouira i te reo tupuna, te reira a’era.

E’ita e bre ë,
Tô ananahi ra,
Të tupu ra i teie mahana,
E aha ïa te huru
Ananahi mau...
Mokorea

Malissa Itchner
LittéRama'OHi » 2M

Patrick 'flmaru

E aha atu ra pal ia to ù nei parau, te metua tare. ..note tama

hol i metuahia ai tatou... Patrick Araia Amaru, te ôminomino


noa nei à o ia, inaha, aore àtanae parau, aore ôtanae taà,

aore à ta na vaianu no te tâmarü i to na mamae.

Tàpeà Hü e Âmene Noa


(Atae hoie !)

Te nunaa e te Manahune
E âai iti teie i
tupu na i te tau a âuiui mai,
I te tahi motu i te atea, atea roa
I te hiti poto, potopoto o te moana a Vàhi...
E motu iti heeuri mau teie motu.

Ua api ino roa to na mau faa i te mau maitai mai te ià hinuhinu ra.
E ua tara to na mouà teitei roa aè mai te tara o te ià ra te Tatihi.
I mairi-atoà-hia ai o ia i te iôa ra o Tatihi.

Te faatià-atoà-hia nei,
E potii huiarii, aore ra e tuna teie motu i tahito ra,
E pàinu mai, na te hitiraa o te Râ...
ua

Te parau ia a te tahi mau tahuà.

Ua àuhune te hau e te ôaôa i reira,


Inaha, te mau maitai e nunahia o ia, e âmuihia o ia.
61

Voici une histoire, rien qu’une petite histoire


Une histoire insignifiante qui s'est passée
U y a très longtemps, dans un motu, une île loin,
Très loin, aux confins de l'océan Vâhi...
Ce motu, cette île était luxuriante !

Les vallées étaient emplies de richesses, de nourriture comme un poisson bien gras.
La montagne la plus élevée s’érigeait comme la nageoire de ce poisson, le Tatïhi.
Et c'est ainsi que cette îlefut appelée Tatihi.

On raconte aussi,

Que cette île était, autrefois, une jeunefille de haute noblesse

autochnes
Ou une anguille qui avait dérivé du côté où Râ, le soleil,se lève...
C’est ce que racontaient les tahuà, les spécialistes.

La paix et la joie y abondaient car tous les bienfaits,


Toutes les richesses étaient nuna, mélangés et âmui, réunis.

THréations
LittéRama'oHi it 24

Patrick 'Hmaru

Pupu mai teie ta na,


Pupu mai tena ta na,
A nuna ai, a âmui ai,

Ariroaieiài, eiâai,
Ei àmu, ei âamu,
Ei màa, ei tâmâaraa na te taatoà
I topa ai ràtou i to râtou iôa Nunaa.

Aita atu ai râ ta te Nunaa e titau nei,


E hiaai nei, e àtuàtu nei, e pàruru nei
Maoti ra, o te tahi ia purotu,
O te tahi marania hau aè to na nehenehe i te Râ
la târava o ia i to na rouru i te tua o te moana,
Hau aè to na noànoà i te motoi tei tauhia e te ùupa,
Hau aè to na marü i te mata o te ruahine o te pô,
Hau aè to na faufaa, to na iho, to na mana
I te mau mea atoà ta te mata taata e ite nei...

E teie hine o Manahune ia to na iôa,


Inaha, to na mana, no roto mai o ia i te hune.
Te hune o te ùru ia, te ùru o te upoo ia o Rua Taata.
Rua Taata o te tupuna ia o tei pupu i to na ora,
I riro ai to na tino ei tumu ùru matamua roa,
la ora hoi ta na tamahine, ia ora hoi te Nunaa i te ôè.

No reira, ua taamu, ua here o te Nunaa i teie purotu o Manahune.


Mai to na iho aho ora.
63

Celui-là offaitce qu'il possédait,


Celui-ci ce qu'il avait
Et tout cela était mina, âmui, mélangé, réuni, mis en commun
Et devenait ài, une nourriture, un âai, des mots, une histoire qui nourrit,
Un àmu,un manger, un âamu, des connaissances à avaler,
Un repas pour tout le monde
Et c'est ainsi que
les habitants s'attribuèrent le nom de Nunaa.
(Aujourd'hui, Nunaa n'est confiné qu'au sens de Peuple.)

Mais Nunaa n’aspirait qu’à...


N'avaitfaim que de... ne désirait protéger qu'un seul objet
Et cet objet de toutes ses attentions n'était qu’une jeunefille,
Une beauté dont la splendeur dépassait de loin Râ, le soleil
Lorsqu'il étale sa chevelure sur le dos de l’océan,
Son odeur atténuait la fragrance du motoi, leylangylang
Où se pose le Uupa, le pigeon vert,
Sa douceur surpassait le regard de la déesse de la nuit, la lune,
Son utilité, son énergie, sa personnalité, sa force,
Son pouvoir allaient au-delà de tout ce qu’un homme pouvait connaître.

Et cettefille avait pour nom Manahune.


Son Mana, saforce, son pouvoir, son énergie était issu du Hune.
Le Hune était le noyau du ùru, lefruit de l’arbre à pain
Et le ùru était,
selon la légende la tête de Rua Taata.
Rua Taata était le tupuna, celui qui a poussé, l’ancêtre qui s'était sacrifié
En transformant son corps en tumu ùru, en arbre à pain,
Le premier tumu ùru pour sauver de lafamine sa fille et Nunaa.

Nunaa tenait à cette attache, à ce


comme à son propre souffle.
here, à ce lien qui l’unissait à la belle Manahune

(Manahune est à ce jour traduit par peuple, populace, plèbe ou...


nahoraa Manahune!)
démocratie,faa-
autochnes
réations
LittéRama'oHi # zn

Patrick 'Hmaru

E ia faaoti o te Nunaa i te tahi ôpuara faufaa mau


No te tere-maiteraa o te vaamataèinaa,
Te fanoraa i te tahi motu ânei,
Te rahuiraa ânei,
Te tiàraa ânei e tano i te tahi taata ia amo,
E âmui, e nunahia te mau manaô...
E fâfà-atoà-hia te manaô o Manahune hau te faaotiraa.

No reira, i teie motu, e hape ôhie te manaô.


No te mea, aita e tàpaô,
Aita e maro ùra, aita e faaùnaùna,
Aita e aorai, aita e parahiraa hanahana,
Aita e teuteu, aita e piôraa,
Aita e haavarevareraa, aita e faanahoraa taaè,
I faataahia no te taata e tiàraa teitei. Aita !

Te tahi hiôraa, o teie ia taata e tautai nei i te maruao.


Te tià nei o ia e ta na matau i te rima i to na tiàraa taata tautai.

la tae râ i te taime, e mau o ia i ta na ômore,


E tià o ia i to na tiàraa toa e aratai i te nuu tamai,
Au te faaotiraa Manahune a te Nunaa.

la hau râ te tamai, tei tua o ia i te ava e moemoe ai i te ià.

te Nunaa e o Manahune
No reira, ua âpiri, ua âpiti o
Mai te maire piri a mato i te peho
I tümahorahora ai te Hau i te tua o teie motu.
65

Et lorsque Nunaa devaitprendre une décision


Concernant le vaa-mataèinaa, la pirogue-société,
Un périple vers une autre île,
L'instauration d'un Rahui, un interdit alimentaire temporaire,
Le choix d'une personne à mefonction importante...
étaient nuna, âmui, réunis, mis en commun, mélangés
Les points de vue
Et Nunaa tenait compte de l'avis de Manahune avant toute décision.

Par conséquent, dans cette île,


On pouvait être induitfacilement en erreur.
Aucun signe,
Aucun maro ùra, aucune ceinture royale, aucune décoration,
Aucun palais, aucun trône,
Aucun serviteur, aucune courbette,
Aucun fait-semblant, aucune organisation particulière
Etaient réservés aux personnages importants.

Un exemple, cet homme qui pêche à l’aube.


Il se tient là, un hammeçon à la main dans safonction de pêcheur.
Il est pêcheur !
Mais lorsqu’il se saisira de sa lance,
H se tiendra alors dans safonction de guerrier à la tête de ses troupes
Comme décidé d'un façon Manahune, démocratique, par le Nunaa, le peuple.
Mais lorsque la guerre sera terminée,
Il sera au large, à lapasse, à guetter les poissons.

Nunaa, peuple et Manahune, démocratie nefaisaient qu'un

autochnes
Comme lefougère accolée à la parois rocheuse des vallons.
Et la Paix se développa magestueusement dans cette île.

TSréations
UttéRama'oHi » 2H

Patrick 'Hmaru

Te hièraa i te ao

E faahôhoàraa maere mau atoà ta te Nunaa


E faahôhoà nei i te ao e faaàti nei ia na.
Inaha, i to na mata,
Aita e ôtià e faataa te tahi mea i te tahi atu mea.
Te mau ôtià, na te manaô taata noa o ia e faatià nei.

Te tahi hiôraa.
E faaroo-pinepinehia te metua paari i teie motu, ia parau e :
Auë, ua hotu mai o Tane !
la hiôhia atu râ, eere i te taata,
Eere o Tane, e tumu ùru râ !

Teie râ, i te manava o teie metua,


Teie tumu ùru o to na atoà ia mootua o Tane.
No te mea, i nià i te pü fenua o teie tamaiti,
Ua tanu o ia i teie tumu ùru.
E i teienei, te tàrere nei te mâa !

Aita e taaèraa te tumu ùru e te taata !

Te tumu ùru e te taata, hoê à o ia.


Hoê à iho a rau noa ai te huru.

E ia pohe teie tama,


E tanuhia o ia i te fenua, mai te tumu raau e fanM-atoà-hia.
No reira, i roto i te feruriraa,
E tààmuraa to te mau mea atoà au te manaô :

Tei te taatoà te taatoà


67

Nunaa voyait le monde qui l'entourait d'une manière particulière.


A ses yeux, aucunefrontière ne délimitait une chose d’une autre.
Lesfrontières ne sont que des réalisations de la pensée humaine.

Un exemple.
On pouvait entendre souvent dans cette île,un ancien s'exclamer :
Aué, Tâne (Tâne est un prénom U!) a donné beaucoup defruits !
En regardant de plus près, personne,
Pas de Tâne, (aucun être humain U!) mais un tumu ùru, un pied d’arbre à pain !

Cependant, dans la conscience de ce parent,


Ce tumu ùru, cet arbre à pain est aussi son petit-fils.
Sur lepüfenua, le placenta de cet enfant,
U a planté ce tumu ùru, cet arbe à pain.
Et maintenant, cet arbre croule sous sesfruits.

U nefait aucune différence entre cet arbre à pain et l’humain.


Ce tumu ùru, cet arbre à pain et l’homme, l’humain, c'est la même chose.
La même identité, le même essence sous plusieurs aspects différents.

Et quand cet enfant mourra,


U sera tanu, il sera planté,comme on plante un arbre.
Dans le raisonnement de cet ancien,
Toutes les choses étaient liées selon le concept :
Tei te taatoà te taatoà. Tout est dans le tout !

autochnes
réations
LittéRama'OHi # 2H

Patrick 'Hmaru

E na teie noa nei â manaô papa


E aratai, e faanaho i te oraraa o te Nunaa.
No teie atoà nei manaô faahiahia mau,
Eita te Nunaa e tapihoo i te fenua.

Inaha, te fenua, o te tupuna ia.


Te fenua, o te metua vahiné ia
I faarii na i te pü fenua o te tama.

I tupu ai te manaônaôraa i roto i te Nunaa :


E hoohia ânei te tupuna ?
E hoohia ânei te metua vahiné ?
E hoohia ânei te pü fenua ?
Aita !

Parau faaararaa
E âai iti hoàta noa teie lapeà Hü e Amene Noa... eere i te âi tumu!
o

No reira, iaâputa mai i roto ia outou, te hôhoà ânei o te tahi taata, aore ra, o te
tahi pupu taata, te parau ânei o te tahi ôhipa o tei tupu na, o te tupu nei, a faa-
riro te reira ei hapetanoraa...

Teie na tuhaa mâtamua o teie âai :

Te nunaa e te Manahune.
Te hiôraa i te ao.
69

Et ce conceptfondateur
A guidé, aorganisé la vie de Nunaa.
Et ceconcept de base a aussi incité Nunaa
A ne pas marchander la terre.

Car, la terre est le tupuna, celui qui apousé, l'ancêtre.


La terre, est metua vahiné,
La mère qui a accueilli lepüfenua, leplacenta de l'enfant.

Nunaa avait ainsi certaines réticences:


Est-ce qu’on vend les ancêtres ?
Est-ce qu'on vend la mère ?
Est-ce qu'on vend le placenta ?
Non !

Ceci n'est qu'une petite histoire amusante ...ce n’est pas une vérité!
Toutes ressemblances avec des personnes, des groupes depersonnes, desfaits ne sont
que pures coincidences.

Voici les deux premiers chapitres :


Te nunaa e teManahune. (intraduisible...)
Te hioraa i te ao. Une vision du monde.

autochnes
réations
LittéRama'OHi » zm

Loïc Li

Elèveen 1re scientifique au lycée Samuel Raapoto. H aimejouer aux


échecs, lire et écrire des poèmes. Dans le cadre d'une séquence sur
la poésie (Les Fleurs du mal de Baudelaire à présenter au bac de
français en juin 2018), Loïc et les élèves de sa classe ont eu à étudier
un corpus de poèmes de Tahiti. Ils ont découvert la poésie autoch-

tone. Loïc a alors décidé de montrer à sa professeure ses poèmes.

Derniers mots

Dans sa douce démence, l’homme sème


Le trépas et le chaos bien mieux qu’il ne s’aime
Les deux brûlés, il nous pleut des gouttes de plombs.
La Faucheuse est reine des deux nations

Peuple ne faisant que haïr, maudire et médire


Mains maculées du sang de ses frères,
Le Destin dans sa colère vient vous punir,
Et d’une main de fer, vous plonge dans l’enfer.
Que ma plume saigne et qu’hurle ma lyre,
Je me délecterais de ce monde embrasé,
Je joue de mes doigts, vous jouez au déclin,

Belle humanité comblée d’atrocités,


Achevons nos folies, il nous faut périr,
Rien ne survivra plus, la vie n’est plus rien.
71

Admiration secrète

Connais-tu mon amour, ô toi, ma belle muse ?


Enfant des océans et de la Terre,

Symbiose parfaite du ciel et de la mer,


Mon cœur
perdu ne trouve guère plus d’excuses.
Es-tu humaine ou une créature divine

Toi, ma précieuse à failure qui fascine ?


Venue me porter une chaude lueur,
Tu es là, tu combles mon être de bonheur.

Moi, démuni face à l’hiver de cette vie,


Je te supplie. Envole-moi des bas ici,
Vers ces deux, cet été que je ne connais point.

Et que seule l’éternité soit pour témoin


De la sombre douleur engendrée en secret
Par cet amour que je n’ai su te révéler.

autochnes
BTréations
LittéRama'OHi a zh

Loïc Li

La course

Ne cesseras-tu jamais de me fuir ?


Ou ton regard est si aveugle et tes oreilles
Si sourdes que rien en toi je n’éveille,
A tel point que d’amour je ne peux que
languir ?
Merveille venue hanter mes jours et mes nuits,
O toi ma belle innocente ignorante,
Un jour m’aimeras-tu, cœur-azur qui s’enfuit,
Rejoindre l’océan, lointain horizon.
Suzeraine éclatante de mille couleurs,
Peux-tu me prêter ton désiré cœur
Inondé de tant de vertus et de lumières.

Douloureuse vie qui me désespère

Espérais-je, entrer dans le cours de ta vie


Suivre ces flots qui au loin sont partis.
73

Hokunui Clouer

C'est un être vibran tet chaleureux qui parvient toujours à créer


de belles choses, et à aider et faire sourire qui l'entourent
ceux

lorsque les temps sont durs. Son amour de l'art et sa motivation


font d'elle un être à part.

Te reva ra vau

Tenevaravaue
ua motu te ori

te fa’aro’o nei au tona reo

e aho b na roto i to’u tari a


tona ta’a bre
tona ati

e tona mauiui

te taui ra te ori

te fa’aro’o ra vau ona


mai te va a

b tau tupuna
tei haere i ni’a i te to a
te mauiui ra te va’a
te mauiui ra te to’a
Te neva, te neva ra vau e
te mana i te peu matamua
mai te ’avae i te rima
te heva nei au i te ori
tei mo’e atu i te ’irita’i

autochnes
mai te va a o to’u metua tane
ta’u i vaihohia
atu e
painu mai te tai i tuo i mûri i te a’au rau
Aue! E te maemae e

te

te
neva rau e

neva ra te ori e réations


LittéRama'OHi « 24

Hokonui Closer

Rouge
Qui est donc ce rouge qui t’importait tellement ?
Est-il joie?
Est il peine?

Rouge. Ô combien tu l’aimais ton rouge !


Quoi qu’il pouvait t’arriver dans la vie,
tu trouvaistoujours un moyen d’être rouge...
Rouge de l’amour, de la passion, du désir, du plaisir, du jouir.
Rouge du démon, de la trahison, de la derision, du sang.
Rouge qui vogue vers le bon, qui vogue vers l’heure
Rouge qui vogue vers le bonheur.
Rouge qui change pour démon.
Rouge qui change au grès du vent.
Rouge, ô rouge !
Qui es tu donc?
Rouge d’amour
Rouge de toujours
Rouge d’accueil
Rouge de deuil
Rouge... comme ton cercueil
Mais qui es tu ? Rouge.
75

I Danièle-Taoahere Helme
Je ne sais pas dire. Pour guérir les mots, je me façonne avec la

glaise de la Poésie. Je me sens libre de tresser mes rêves, de me


«mettre au monde». J'aime le fenua où que je sois, je l'ai en moi.
Je guette la «naît-sens» de la gestation actuelle.

Kia Ora au fenua

Il y avait un ciel et des lunes depuis que j’avais glissé la pirogue de ma vie
vers le rivage de Ao Te AroaJ avais mis dans ma valise, une bobine de souvenirs
enroulée dans des images du passé. Les photos de mes enfants dans mon cœur,
les ramées d’expériences avec ses plongées et remontées. J’avais acheté chez un
marchand d’espoir la carte de mon ciel pour conforter que la “Bonne Aventure”

pouvait prendre son cap, mon oracle intérieur disait de lâcher les amarres, c’était
le 22 septembre 2004.
Le voyage avait permis de déposer ce que je n’avais pas su dissoudre et qui
revenait tâche d’encre refaire surface avec des questions qui n’alimentent que
en

le mental dans sa recherche de “méninges-ites”. Ainsi, le vent avait soufflé ma voile


vers la Nouvelle-Zélande. Ce nuage me donnait l’ouate de douceur et l’espace
nécessaire à déployer ce que j’avais vécu en turbulence dans un espace de vie.

J’avais suivi les racines de Kea, dans la région de Wellington et Kapiti avait
ouvert les bras de Paraparaumu pour tenter l’aller simple.
Sur “Kapiti road” la grande voie qui conduit vers la plage, j’avais trouvé un
t/3
“Unit”, logement jumelé, deux chambres, avec des contrastes dans les propor- tu
fl
tions, cela faisait l’affaire. Une grande chambre comme je les aime avec cette O

sensation d’amplitude et une chambre exigüe dont la surface contrastait avec 1


la première.La cuisine avait la même amplitude et le salon avait sa miniature. 2
a
Cependant élevée sur une butte cette maison donnait une impression de hau- t/3
teur, qui permettait de sentir un brin de liberté de cet environnement marin. fl
o
Je pouvais à pied rejoindre la plage pour respirer l’air du large, scruter l’horizon
qui avait rangé mes questions. J’avais tout d’abord opté pour la location, façon { -tu
*“<
de convertir le court séjour en atterrissage prolongé. m
LittéRama'oHi tt 2H

Danièle-Taoahere Helme

Kea avait
apporté au jardin la touche artistique colorée, c’était sa façon
d’écrire à la terre
ce
que nos plumes disent au papier, sa vision du monde. Il
m’avait permis de croire à ma remontée pour ne pas rester en apnée du passé.
L’état de santé avait été le déclencheur et un résiduel de mal vécu, venait en

bagage accompagné dans cette nouvelle aventure. Kea a un immense espoir à


la vie ce qui est probablement le facteur de ses prolongations au vu de son passif
médical. Je ne pouvais que sortir d’une espèce de léthargie émotionnelle.
Si ce climat avec ses différentes saisons me faisait respirer le changement

que j’espérais, j’aimais moins ces voitures, elles semblaient rouler en contre-cou-
rant, cependant j’allais être vite projetée dans ce contresens. Je pensais différer
cette étape mais les navettes vers l’hôpital étaient bien vite venues bousculer

mes hésitations. Ce
qui est élémentaire pour certains trouve sa complexité
lorsque l’orientation et vous ça fait une équation à plusieurs inconnues et je
n’avais pas à ce moment-là le fameux GPS !

Paraparaumu j’habite dans ton giron, tu m’as donné le temps de trouver


mon
rivage, lorsque tu es là, que la pensée met plus de temps à poser son
bagage parce quelle voyage en première classe pour tenter de relier les clivages
d’ici et de là-bas. Lorsque tu parles anglais tandis que ton cœur cherche le fenua.

Lorsque l’image des amis s’estompe, que ton regard s’amuse avec les res-
semblances, que tu frémis intérieurement parce que sur un front tu mets une
étiquette avec un prénom familier à des inconnus qui traversent le “mail” ou
ton quotidien, simplement pour avoir l’impression d’avoir mis ton monde dans

la valise !
Et puis vient l’accent quand tu prononces ton anglais, persuadée que tu as
épousé leur langage et qu’invariablement, la question vient démolir ta théorie :
D’où as-tu ton accent ?

Les premiers pas d’une nouvelle naît-sens, ce balbutiement pour affermir


mes lendemains, une marche après l’autre, réaliser que je pose mon bagage, là
où ma
grand-mère - mère - adoptive, avait tenté son rêve d’une maison dans
un
style Andalou à Auckland.... son rêve ne s’est pas posé là, avec son désir ina-
chevé je nous déposais à Paraparaumu...
77

n Je me prends pour la lune,


Qui se saisit de sa plume,
Sur un quatrain en refrain,
Saupoudre les rêves des humains,
Qui de jour déchirent leurs pensées,
Affrontent leurs propres fantômes,
En faisant couler l’encre de la révolte,
Récoltent pour séparer,

L’irréparable qu’ils fusillent « juste »,


Puis contemplent indifférents,
Le désastre des débâcles,

Je me prends pour la lune,


Qui de nuit lâche sa plume,
Vers les
quatre cardinaux,
Saupoudre le refrain,
D’un nouveau jour à l’horizon,
Taire les fantômes,
Guérir toute révolte,
Récolte pour essuyer les pleurs,

Réparer juste pour sauver,


Contempler sans différence,
La nouvelle conjonction des Astres,
J’aimerai comme la lune,
Saupoudrer un peu de fleurs,

autochnes
Déposer du baume,
Calmer la douleur humaine,
Dans sa blessure identitaire.

Créations
LittéRama'oHi « zm

Danièle-Taoahere Helme

J aimerai allumer un feu,


Réchauffant tous les délogés de la vie,
Chacun pourrait partager un pain,
Parler le langage du cœur,
Dans la rue se donner la main,
Pour dénouer le filet
De l’incompréhension humaine,

Qui déverse une bizarre gestation,

Dans un monde en
déportation,
Pourquoi des hautes tours
Dans un cercle monétaire,

Qui regarde de si haut,


Ne peut plus voir ce qui est si bas,
Ce qui est si loin,
Celui qui ne loge plus que dans sa bulle,
Et invente sa planète,
Pour réfugier ses espoirs,
J’aimerai allumer un feu,
Où brûleraient les misères,
Ce feu qui ferait naître les solutions,
Pacifierait les nations,

Pour que le germe du monde meilleur,


Révèle sa nouvelle pousse !
79

j Ryan Li
Elève en Terminal S à Raapoto, il aime les sciences et les mathé-

matiques. Après son bac, il compte faire une Prépa maths en Mé-
tropole. Si les maths et les sciences sont une part importante dans
sa vie, Ryan pense pourtant que la poésie a toute sa place dans le

monde. Il aime lire et écrire.

Ma muse

Dans son tendre jardin où la verveine pousse,


Elle va et vient tantôt blonde tantôt rousse.
Telle une have lune en l'air placide et déviant,
Elle attend le retour de son défunt amant.

prunelles rubis ont des charmes secrets


Ses

Que la plupart craignent mais qu’ils sont indiscrets !


Rien au monde n’est plus distingué que Mégère
En sa folie et sa délétère colère.

Elle inspire et détruit mes désirs et mes rêves


Dans sa calme fureur se brisant sur les grèves

Pourtant, j’aspire tant à atteindre son cœur.


Bien que dévorante, je cherche sa chaleur.
Quand ils vilipendent l’ancolie à son cou,
Ils me méprisent aussi et crient “Mais qu’il est fou !”
Qu’importe, je suis fidèle à ma filandière

autochnes
Envoûté de par son œillade meurtrière.
Les nippes et souliers éculés de la belle
Font sa pieuse splendeur. Diable ! Elle m’ensorcelle !
Qui est-ce ? Une ondine ou une âme de Dana ?
Non, il s’agit là d’une fille de Dagda ! réations
LittéRama'oHi » 24

Ryan Li

Maria

Dans l’ennui de la nuit, je te vis arriver,


Une ange abandonnée à la robe d’ébène.
Tes yeux azur ne semblaient jamais s’éprouver
Face à ces suborneurs de ta beauté hellène.

La pluie avait cessé au-dehors, le temps


Que tu pénétrasses dans ton église envieuse.
Tu la décoras par ton étrange printemps
Et remplis ses murs d une beauté odieuse.
Ton regard dédaigneux m’ensorcela soudain,
Toi que mon âme adore ! Ô gracieuse Pandore !
Qu’ai-je fait pour souffrir ton charme si mondain
Et tes âcres douceurs que la lumière dore ?

Quand moi, un hiérodule aux pauvres habits


Face à ton chiton travaillé à la calandre

Je n’étais qu’un misérable, un de ces maudits


Que tu haïssais, tu brillais chère misandre !

Au diable les psaumes et chants de l’higoumène !


Je ne songeais plus qu’au souvenir de tes yeux.
Charmé par les teintes de ta robe d’ébène
Je me détournai peu à peu du roi des deux.

Entendais-tu païens criant en vain les gloires


ces

D’un Dieu dont ils n’ont que de fabuleux récits ?


Or moi j’avais bien plus que de simples histoires

Je voyais mon idole entre tous ces esprits.

Ils louaient l’empyrée alors que leur plancher


Portait la déesse à la tiare d’hellébore.
Un son se fit entendre au sommet du clocher

Lorsque tu disparus dans la neige incolore.


81

Soir du 13 août

Au dîner, j’avais encore un menu frugal


Un fade pot-au-feuchauffé à la chaumine.
Mon corps était accoutumé à ce régal
Mais mon âme inextinguible criait famine

J’ai longtemps rêvé de grandeur et de puissance


Dans l’immense océan de grâce et de prestance
Loin de l’ascète sot et du simplet badin.

Je voulais être riche à en être radin.

Je voulais devenir l’un des leurs et seoir à leur table,


Brûler mes soirs aux jeux, loin du peuple qui dort.
Je voulais revêtir un habit convenable,
Supérieur aux haillons des gens vivant dehors.

autochnes
Blréations
Malissa Itchner
83

flicolas Hurtovitch

Calédonien de vieille souche par sa famille maternelle, Yougo-


slave par la branche paternelle de sa généalogie, il naît à Nou-
méa en 1955. Après une scolarité calédonienne, il voyage,
s'imprègne de ce Pacifique dont il souhaite habiter pleinement
la diversité. Homme de lieux : des lieux qui bruissent de la
parole des hommes.

Les invisibles

La terre est le lieu


la terre est le sol
lieu sans surface

poussières aux lèvres

le sol porte les hommes d'ici


en
grains parmi la multitude
roulés au cœur de la dune de sable
une
vague irrésistible poursuit sa course
j entends à peine leurs voix
seuls leurs souffles sur mon visage
disent une présence

mais dans chaque arbre heurté


il y a totems dressés contre l’histoire

lorsqu’au trait de l’écorce

invutetérss
reposent leurs visages

K
LittéRama'oHi tt 24

flicolas Kurtouitch

la rive porte des piliers par centaines


nus ou vêtus de noir et de pâles coquilles
ils tiennent un pont surgi d’une volonté nouvelle
soldats intrépides invincibles foules effrontées
au fond des yeux sans paupières
surla peau de corps immobiles
dans le silence de lèvres asséchées

gisent forêts et prairies hivers et étés


femmes et enfants disparus un à un

colonnes de fumées bûchers et sacrifices


sentiers enfouis rêves muets
où êtes-vous invisibles rouges-habitants de lAmérique
sous nos
pieds
sous nos
pas
les pas des invisibles traversent le temps
aux côtés des bottes des roues ils
tracent les chemins devenus poussières

par la salive et le chant par le vent


les pas des invisibles portent nos pas

je m’éveillerai et entrerai dans le rêve


je vous verrai marcher je vous entendrai
dans l’impossible silence nommer ceci jour
ceci nuit l’avant et le présent l’empreinte
du maelstrom des pas sur vos chemins
le sol bouge

grondent sous le sol


pierres et rivières souterraines
ce
qui se déplace ne se voit pas
ceux
qui chantent on ne les entend pas
seul nous parvient le chaos de leur absence
85

ils ont beau gesticuler pleurer prier

parcourir les terrains par les anciennes pistes


ils interpellent les bêtes sauvages
dieux démons

qua leur côté ils se révoltent


ou
piétinent à la nuit les routes droites
barrières et palissades
dressées travers la montagne
rien n’y fait
rien
invisibles ils demeurent

par la vapeur d’eau


la brume de ce matin
se dessinent sur les piliers du port
leurs visages

par milliers nous donnent rendez-vous


les corps aux interstices des bois
lézardes failles et faiblesses branches tordues
résistent aux marées

une ombre
se
glisse à l’aplomb du gratte-ciel
une voix s’affranchit

déploie son chant de mort


alentour la chapelle Saint Paul
Manhattan

je marche entre pierres tombales


et mémoires

les âmes des anciens de la ville

invtés
se tiennent au cœur

les cris des contemporains se perdent s’échappent


à leur tours indistincts
acier sur ciment chairs ou eaux noires après la digue
fluteurs
LittéRama'OHi » 2m

flicolas Hurtouitch

les âmes des morts d’aujourd’hui se tiennent au cœur de la ville


les oiseaux aux noms inconnus
se
posent sur les pierres tombales
je devine à leurs cris la nuit guidera nos corps
radeaux aux défis des torrents jadis maitres de Manhattan

J’ai rêvé la nuit dernière


de forêts et de collines d’ours et de renards
de sentiers tout juste tracés
de formidables vagues sur les côtes rocheuses
j’ai dans ce rêve entendu
les multiples chants de multiples oiseaux
et l’appel du chasseur invisible
à l’âme de son gibier
invisible

je l’ai entendu

au bord de l’étang tables avec joueurs


de cartes
d’étranges larmes trouvent un surprenant chemin jusque mes yeux
dans Central Park bouquets sauvages de fleurs jaunes et mauves
réunies
ces couleurs à leur tour provoquent des pleurs surprenants
de ces peintres je me sens proche eux aussi sont invisibles
deux barques à peine glissent sur l’eau froide
la rivière aux rives sèches n’accepte pas leurs présences
les pêcheurs le savent
sous le tablier du pont monstrueux ils choisissent de disparaître

pas une seule fois leurs visages n’ont été visibles


ni leurs voix n’ont été audibles aux travers du train

tambours et piétinements je les


devine au heu de les entendre
rien ils sont des
disparus à jamais absents de ces routes
du Nord-Est bouché aux arbres rabougris à la terre grise
87

odeurs du lac de pneus usagés rouilles et


abandons
alentours passent sous les branchesdes eaux limpides
sur
lesquelles naviguent ombres de canoés ou reflets de trahisons
entre souches et tas de cailloux l’allure du train

Southbend-Chicago
elle convient au voyage de retour dormir puis contempler
un
paysage de bois et de fermes l’allure du train sera
comme une marche en Montagne Froide pourquoi pas

si la pluietombant sur ces pierres carrées


alignées comme soldats avant l’assaut
ne réveille
pas les morts ne relève pas l’herbe écrasée
sous
pas de fantassins et roues cerclées d’acier
si cette pluie ne pénètre pas le cœur de la ville
ils seront définitivement rochers et souches grises
et seuls leurs enfants parmi la multitude entendront
leurs chants posés aux murmures du soir quand
la certitude de la nuit vient réjouir les évadés.

ingjvyutteérss
LittéRama'OHi u 2*4

Hu'ualoha Ho'omanauanui

Enseignante, poète, artiste et défenseur de la culture


hawaiienne résidant à Wailua Homesteads, Kaua'i. Elle est pro-
fesseur de langue hawaiienne et de littérature du Pacifique à
l'université de Hawai'i à Manoa.

Matavai wedding

a
midnight wedding
onMatavai bay

young love, celebration


under a young moon
the night ofHua in the month ofWelehu
life blossoms, time turns

The sound ofto ere drums onfire

light up the sky


magnificentflashes ofreds, greens, and golds
boom boom boom
the cannon resounds
b kü '0 fcfl
the waves crash in unison
Matari'i twinkles above
Its heavenly eye peers down to taata cousins
the young couple
theirfamilies andfriends
Matavai bay united in celebration
boom boom boom
the cannon sounds
‘0 kü '0 kà

spoutingfire
like to'ere drums ofthe gods
89

Toa

You stand alone in line behind me


Tahiti Nui Airflight 8 to Paris
Tall, lanky, a milo-toned sapling
Stretching up to the sun
But just aboy still

Shell lei heaped upon your strong shoulders


A small tokenofaffection
From family andfriends left behind
Yourfamily behind the ropes, teary eyed
Butyou stand tall, resolute

You casuallypretend to ignore them


But every time y our brother calls your name, e Toa
You turn, listen intently to what he says
Nod your head at theflow ofTahitian words

Spillingforthfrom his lips

You could be my son

Young, strong, takingflight into the world


I imaginefor a momentyou are off to college
You will make yourfamilyproud
But then your brother calls your name once more

E Toa, and again you turn, smiling


And when he makes a shooting motion with his hands
Tahitian words flowingfrom his lips
You nod and laugh
But I know
LittéRama'oHi » zm

Hu'ualoha Ho'omanamanui

And another Oceanic son goesforth


Todefend the colonizer; the occupier, the oppressor
While our own homelands remain imprisoned
Our languages, our cultures, our bodies broken
E Toa, I pray to the ancestorsfor your safe return
91

Nà pua purau o Vaimâ

Nâ pua purau o Vaimâ The hau blossoms of Vaimâ


e lanaau i ka ‘ili wai float serenely on the water
kou mau alo lahilahi your delicatefaces
ipoliahu'iaikalàë caressed by the sun

Me he mea là ka wanaao You are like the sunrise


nà waihoolu u o ke ànuenue the colors ofthe rainbow
kou lihilihi làlahi e môhala ë your delicatepedals unfurled
e
apo i ke kukuna a ka là to embrace the rays ofthe sun

Ua kaapuni ‘ia ka moku We toured around the island


‘O Tahiti nui, b Tahiti iti big Tahitilittle Tahiti
E ho ola i ka pôhâhâ wai puna revived by the bubbling spring
Kou puna wai olu makamaka welcomed by your cool, refreshingwaters

Mamake mâkou e nanea a le a We desired to relax awhile


kahi manawale a e launa pü nô at thisdelightful place ofhospitality
e màlana i ka wai hülalilali buoyed by the sparklingwater
e kowali pôniu i ka ‘ili wai twirling with delight across its surface

E hâli alia mau ana You will always befondly remembered


nâ pua purau o Vaimâ oh hau blossoms of Vaimâ
e hui pü nâ hoa mamaka e nanea friendly companions gathered together
i ka lailua o ka auinalâ in the tranquility ofthe day

Puana ‘ia i ku‘u mele Thus ends my song


no kahi aina aloha küpuna ë fora beloved ancestralplace where

invtés
nà pua purau o Vaimâ the hau blossoms of Vaimâ
e lanaau i ka ‘ili wai float serenely on the water

Buteurs
LittéRama'OHi » 2M

Rrnaud Chollet-Leakava

Slameur de la Section Autochtone du Pacifique. Texte lu au


Centre Culturel Tjibaou le 7 octobre 2016, à l'occasion du Salon
International du Livre Océanien.

Le cri du Tapa

Lorsque la racine du kava rencontre le bitume


ça donne un mélange de Kava qui s’échappe de nos plumes
Nos tatouages sont nos cicatrices
D’Océaniens urbanisés dans cette ville destructrice

Presque brûlés à vif avec nos vies d’écorchés vifs...


Avant nos anciens en
pirogue ont traversé les mers
Aujourd’hui, regardez les descendants finissent en logement
social avec ce goût amer
Et surtout nosyeux très très loin de la mer
On utilise les verbes pour essayer de sortir du noir
Et demander pourquoi, mais pourquoi ?
A la France : Tu nous as fait Mururoa, Mururoa ?...
Digne fils de Tagaloa
Lève-toi et dénonce
En Papouasie le génocide (perpétré par l’état indonésien)
du West Papua, West Papua...
Avec des mots dirs et redits
Pour le Peuple Maori
Victime du Traité de Waitangi ? Waitangi...
En ce
qui me concerne j’ai choisi mon parti
Et j’ai rejoint le : “ E tonu tanatou tagi ” (leur combat est juste)
Tamatou Kui (Nos grands-parents, nos Ancêtres)
Ne ornai (sont venus)
I kumi mauli (chercher la vie)
I te kele aeni (sur cette terre)

Uvea, Futuna (Uvea, Futuna)


Faka apa apa atu (mes respects)
Uvea, Futuna
Tui mai kiau (Crois-moi)

Uvea, Futuna mo Kanaky... (Uvea, Futuna avec Kanaky)

Et on écrit ces quelques lignes pour essayer de boucher les trous


Où ? Sur l’île de Nauru...
Et dire aux multinationales maintenant vous êtes où ??
Comme pour les îles Tuvalu et Tokelau
Les premiers réfugiés climatiques
se trouvent Où ?
Dans nos îles du Pacifique
Ecrire ces
quelques lignes pour essayer de protéger nos zones exclusives éco-
nomiques
Du jeu d’échec que représente “ la géopolitique...”
Les insulaires doivent contrôler toutes les ressources halieutiques
Et que les
Océaniens soient critiques
Face pilleurs de ressources
aux

Pour garder intacts nos retours aux sources

Océaniens deviens maître de tes terres


Et maître de tes mers
Pour être demain, maître de ton destin
Pourquoi ? regarde en Australie ce qui nous gêne
C’est ce que sont devenus nos frères aborigènes, aborigènes...
LittéRama'OHi a 2M

Peter Sipeli

Depuis plus de 20 ans, il mène son combat au travers de l'ex-


pression artistique. Il a débuté l'écriture dès l'adolescence et ses
textes explorent les thèmes de l'identité sexuelle et de la vie
urbaine insulaire. Activiste gay et poète SLAM renommé, il sou-
tient ardemment le renouveau du mouvement littéraire à Fiji et
propose des espaces d'expression aux poètes émergeants et
nouveaux artistes, offrant ainsi un tremplin aux voix locales
authentiques.

Burn the Trees

Burn the trees


The gods ofthe land have left
And blacken the sky
Silence the birds
And steal their song
Swallow the colors oftheflowers
And take the greenfrom the leaves
Turn the wind west
And change the tides
Seize the magic in
the moon
And capture the warmthfrom the sun

We are inmourning!!
My eyes cannot weep enough tears
My hands cannot carry enough hurt
My arms are heavy, my heart is heavy
I have no words when I think ofthe rape and murder
And violence and pain
I have no wordsfor there are no words to truly respond
To that atrocity
95

Brûlent les arbres

Brûlent les arbres


Les dieux de la terre sont partis
Ont noirci le ciel
Condamné les oiseaux au silence
Et volé leur chant
Avalé les couleurs des fleurs
Et pris le vert des feuilles
Ont fait souffler le vent vers l’ouest
Et changé les marées
Ont extrait de la lune sa magie
Et capturé la chaleur du soleil

Nous sommes en deuil !!


Mes yeux n’en peuvent plus de pleurer
Mes mains ne peuvent supporter une telle douleur
Mes bras sont lourds, mon coeur est lourd

Je n’ai pas de mots quand je pense au viol et au meurtre

invtés
A la violence et à la douleur

Je n’ai pas de mots car il n’existe pas de mots pour répondre


Aune telle atrocité

tueurs
LittéRama'OHi # 2M

Peter Sipeli

All I have is an anger churning in my belly


And in my heart

Crashing against the walls of my stomach and rising


To the back of my throat
All I have is anger...

When I think ofthepeople of West Papua,


I take myheart out of my chest and l place it in my mouth,
Because must be quiet, we must be silentfor a moment.
we

We must say a small prayer to farewell the lost spirits back into the light

When I think ofthe children in West Papua,


I take my heart out of my chest and 1 place it in my hand,
So I can throw it at the soldiers
To remind them these are children
To remind them that these are people

When I think of West Papua,


I see such sadness and tragedy and pain,
So much pain...
I don't know where it put it,
I don't know where to file it.
I don’t know how to use it, but
I bundle it up in small words andphrases
And bring it to this space to process it,
To throw it into the room andfeel it...

Ifthefeeling comes back to me I know


I am speakingfrom thatplace between my heart and myfist...
I know there is magic in poetry,
There is mana in words that allow my heart to speak to yours
97

Tout ce que j'ai n’est que colère, dans mon ventre


Et dans mon coeur
Percutant les parois de mon estomac et remontant
Jusqu’au fond de ma gorge
Tout ce que j’ai n’est que colère...

Quand je pense au peuple de Papouasie occidentale,


Je retire mon cœur de la poitrine et je le place dans ma bouche,
Car nous devons rester calmes, nous devons rester silencieux, un moment.
Nous devons faire une courte prière afin de dire adieu aux esprits perdus et
retournés dans la lumière

Quand je pense aux enfants de Papouasie occidentale,


Je retire mon cœur de la poitrine et je le place dans ma main,
Je peux ainsi le jeter aux soldats
Et leur rappeler que ce sont des enfants
Leur rappeler que ce sont des personnes

Quand je pense à la Papouasie occidentale,


Je vois une telle tristesse, une telle tragédie, une telle douleur,
Tellement de douleur...
Je ne sais où la mettre,
Je ne sais où la laisser.
Je ne sais qu’en faire, cependant
J’en fais de petits mots, de petites phrases
Et l’amène ici pour en parler,
Pour la jeter dans cet espace et la ressentir...
Si mes sentiments me reviennent en pleine face alors je sais
Je parle de cet endroit à mi-chemin entre mon cœur et mon poing...
Je sais qu’il y a de la magie dans la poésie,
Les mots renferment le mana qui permet à mon cœur de parler au vôtre
LittéRama'oHi s zh

Peter Sipeli

When I think ofthe elders of West Papua,


I think ofthe weight oftheir sadness, bearing
Down on them like an angry god that rides on the back ofits peoplefor sport.
Sadness like a physical thing that sits inside your chest and disallows you
From drawing deep breath...
The elders must live infear,
afraid oflosing all that is theirs.
As they wade into the calm waters ofold age,
The greatest tragedy must be to bear witness to
What is death oftheir people and the subjugation of their culture

God must be dead,


He is not here... how can this be?
How can so much pain pass through our screens and spill on the ground,
And yet, nothing is done
Nothing.
Everyone is quiet.

Where is the church?


Where are the religious people?

Stop prayingfor the next life, cause this one is bad asfuck and we,
We gotta stick together!!
All we got is each other,
God is not here
It is only us!!!!
Quand je pense aux anciens de Papouasie occidentale,
Je pense au poids de la tristesse,
S’abattant sur eux comme un dieu en colère chevauchant son peuple pour le
plaisir.
Cette tristesse physique qui se niche dans votre poitrine et vous interdit
De respirer profondément...
Les aînés doivent vivre dans la peur, effrayés de perdre tout ce
qui leur appartient.
Alors qu’ils traversent les eaux calmesde la vieillesse,
Leur plus grande tragédie doit être de témoigner
De la mort de leur peuple et de l’assujettissement de leur culture.

Dieu doit être mort,


Il n’est pas ici... comment pourrait-il en être autrement ?
Comment tant de douleur peut-elle traverser nos écrans et se répandre sur le sol,
Et pourtant, jusqu’à présent, rien n’est fait
Rien.
Le monde se tait.

Où est l’Eglise ?
Où sont les religieux ?
Arrêtez de prier pour cette vie à venir, car celle que nous vivons est mauvaise,
et nous,

Nous devons rester ensemble !!


Tout ce
que nous avons, c’est ce lien envers l’autre,
Dieu n’est pas ici
Il n’y a que nous !!!
Q’artiste

Malissa Itchner

Touche à tout, lesprit ouvert et l’œil constamment à la


recherche du beau, Mataa’ia’i Itchner exprime son amour
de la vie et son attachement à File de Huahine au travers

de la photographie et de la peinture, avec une prédilection

pour l’aquarelle et l’acrylique.

Hotu vahiné
D'un numéro à l’autre, la revue continue d'explorer la société
contemporaine de la Polynésie française au travers de thèmes,
qui accompagnent les réflexions de ses citoyens. L'association est
particulièrement heureuse d'accueillir dans ce numéro le texte de
deux élèves du lycée Samuel Ra'apoto. Une place est offerte comme
d'habitude aux auteurs invités qui nous font l'honneur de partager
leurs écrits d'au-delà de l'océan.

Patrick Amaru - Arnaud Chollet-Leakava (Hanaky-flouvelle-


Calédonie) - Hokunui Clover-iïlontaron - Clothilde Grand - Simone
Grand - Danièle Helme - Hu'ualoha Ho'omanavanui (Hawai'i) -

flicolas Hurtovitch CHanaky-flouuelle Calédonie) - Loïc Li - Ryan


Li - Leila Lissant-Ercoli - Orama fligou - Ta'ura Opu'u - Lazare
Paia - Dirose Paia - Odile Purue - Goenda Reea - Steeve Reea -

Peter Sipeli (Fidji) - Chantal T. Spitz - Harine Taea

2 000 Fcfp
ISBN 978-2-9164.11-10-0
Et pour en revenir aux premiers
objectifs, c’est avant tout de créer un mou-
vement entre écrivains polynésiens.
Les textes peuvent être écrits en français, en tahitien, ou dans n’importe
quelle autre langue occidentale (anglais, espagnol,... ) ou polynésienne (man-
garévien, marquisien, pa’umotu, rapa, rurutu... ), et en chinois.
Toutefois, en ce qui concerne les textes en langues étrangères comme pour
ceux en reo ma’ohi, il est recommandé de les
présenter dans la mesure du pos-
sible avec une traduction, ou une version de compréhension, ou un extrait en

langue française.

Les auteurs sont seuls responsables


de leurs écrits et des opinions émises.
En général tous les textes seront admis sous réserve qu’ils respectent la
dignité de la personne humaine.

Invitation au
prochain numéro :
Ecrivains et artistes polynésiens,
cette revue est la vôtre : tout article bio et
biblio-graphique vous concernant,
de réflexion sur la littérature, l’écriture, sur la langue d’écriture, sur des
sur

auteurs, sur l’édition, sur la traduction, sur l’art, la danse,... ou sur tout autre
sujet concernant la société, la culture, est attendu.

Les membres fondateurs

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