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Revue

Littérama’ohi

Numéro 1
En partenariat avec
^citA ^ Zp ™6

Revue

Littérama’ohi

Kame^
dey Littérature/

Polyv\é4ter\r\>e/

Membres fondateurs

Patrick AMARU
Michou CHAZE
Flora DEVATINE
Danièle-Taoahere HELME
Marie-Claude TEISSIER-LANDGRAF
Jimmy LY
Chantal SPITZ

-TE HOTU MA’OHI-

1
LES AUTEURS DE LITTERAMA’OHI : N° 01

AMARU Patrick Araia


ARBELOT Hina-Marie
BREMOND Seta Hubert
CARTRON Nicolas
CAUCHOIS Mickaelle-Hinanui
CHAZE Michou
De CHAZEAUX Michèle
COULIN Patua dite Vaetua
DEVATINE Flora
FAREEA Hubert
GERARD Bertrand-F.
GOBRAIT Valérie
GRAND Simone
HELME Danièle-Taoahere
LY Jimmy
MAFARU
MAKE Rôti
MARCHAND Eriki
MARGUERON Daniel
MEUEL Mauarii
NOUVEAU Johanna
PELTZER Louise
PIETRI Raimond Vanaga
RIGO Bernard
SHELTON Maeva
SPTIZ Chantal T.
TARAUA
TEISSIER- LANDGRAF Marie-Claude
TETUANUI Namoiata
TOKAINIUA D.
UE VA Tane
VAITEA
VILLIERME Marie-Hélène
WALKER Taaria TEINAORE dite Pare
WHEELER Marie-Claire

2
Littérama'ohi

Ramées de Littérature Polynésienne


Te Hotu Ma'ohi

3
SOMMAIRE

PRESENTATION DE LA REVUE
Flora DEVATINE

INTRODUCTION
Bertrand-F. GERARD
Bernard RIGO

PAROLES DE JEUNES - ECRITURE DE JEUNES


MAFARU
Namoiata TETUANUI
J-D.TOKAINIUA D.
VAITEA D.
Mickaelle-Hinannui CAUCHOIS
s Nicolas CARTRON

NOTICES BIO/BIBLIOGRAPHIQUES DES AUTEURS - EXTRAITS


Taaria TEINAORE dite Pare WALKER
Seta Hubert BREMOND
Marie-Claire COLOMBANI-WHEELER
Maeva SHELTON
Johanna NOUVEAU
Rôti MAKE
Valérie GOBRAIT
Raymond Vanaga PIETRI
Patua COULIN dite AMARU Vaetua
Louise PELTZER
Patrick Araia AMARU
Hubert FAREEA
Eriki MARCHANQ
Ueva TANE
Mauarii MEUEL
Marie-Hélène VILLIERME
Michou CHAZE
Chantal T. SPITZ
Danièle-Taoahere HELME
Marie-Claude TEISSIER-LANDGRAF
Jimmy LY
Flora AURIMA-DEVATINE

ANALYSE - POINTS DE VUE - RESSENTIS


Simone GRAND
Daniel MARGUERON
Flora DEVATINE
Hina-Marie ARBELOT
Michèle de CHAZEAUX
TARAUA

HOMMAGE
Michou CHAZE

à René SHAN, poète et artiste peintre

4
Une revue littéraire polynésienne existe.
Son NOM est

Littérama'ohi

Ramées de Littérature Polynésienne

Te Hotu Ma'ohi

Elle a été fondée par un groupe apolitique d'écrivains


polynésiens associés librement.
Il s'agit de :

Patrick AMARU,
Michou CHAZE,
Flora DEVATINE,
Danièle HELME,
Marie-Claude LANDGRAF,
Jimmy LY,
Chantal SPITZ.

Le titre et les sous-titres de la revue traduisent la société


polynésienne d'aujourd'hui :

« Littérama'ohi »
pour l'entrée dans le monde
-

littéraire et pour l'affirmation de son identité,


« Ramées
-

de Littérature Polynésienne », par


référence aux feuillets, à la rame de papier et à celle de la pirogue,
à sa culture francophone,
« Te
-
Hotu Ma'ohi », signe la création féconde en
terre polynésienne,

Fécondité originelle renforcée par le ginseng des


caractères chinois à intercaler entre le titre en français et celui
en tahitien.

Les objectifs des fondateurs, à travers la revue

« Littérama'ohi
Ramées de Littérature Polynésienne
Te Hotu Ma'ohi »,

5
Sont :

« - écrivains originaires de la
de tisser des liens entre les
Polynésie française en leur offrant un espace de rencontre, de
partage, de découverte, de soutien, d'encouragement mutuels,

de faire qui écrivent, qui


connaître tous ceux

s'expriment (conteurs, romanciers, poètes, essayistes, auteurs de


pièces de théâtre.»
-

la-variété, la richesse et la spécificité


de faire connaître
des auteurs originaires de la Polynésie française,
-

les faire reconnaître dans leur identité, leur originalité,


dans leur diversité contemporaine,

de faire connaître les écrits des auteurs polynésiens,


-

de donner à chaque auteur l'occasion de prendre date


(son oeuvre continuant à lui appartenir en propre) et de devenir un
« auteur publié ».

Par ailleurs, c'est aussi de faire connaître les différentes


facettes l'écriture polynésienne à travers les modes
de
d'expression traditionnels et modernes de la culture polynésienne
d'aujourd'hui, que sont la peinture, la sculpture, la gravure, la
photographie, le tatouage, la musique, le chant, la danse,
Les travaux de chercheurs, des enseignants...

D'une façon générale, c'est initier une dynamique entre gens


de culture polynésienne, auteurs, créateurs, intellectuels qui sont
l'expression d'une conscience, d'une écriture, d'une littérature
polynésienne,

Dans le respect de l'expression de chacun, qu'elle se fasse en


langue polynésienne, chinoise, occidentale,
Avec l'ouverture d'esprit qui favorise l'écoute de l'autre, qui
facilite la compréhension de soi par l'autre, qui permet l'échange
avec l'autre,

Et pour en revenir aux premiers objectifs, c'est avant tout

Créer un mouvement entre écrivains polynésiens,

6
La Revue :

La revue a à cœur de présenter systématiquement :

En 4°
de couverture une œuvre d'art (une
page
gravure, une bijou d'art, une photographie d'art
sculpture, un ...

d'artistes polynésiens (peintres, sculpteurs, tatoueurs,


photographes en noir et blanc, la couleur étant d'un coût
...

excessif)
Et en 3° de couverture, le titre de l'œuvre d'art avec
-

une notice sur l'artiste.

La périodicité de parution de la revue est de 2 numéros par


an.

Le nombre de pages variera entre 30 et 40 pages, sauf imprévu,


comme un événement culturel important.

Le tirage se situe entre 200 et 250 exemplaires, selon les


moyens,

Exception faite du N° 1, tiré à 500 exemplaires,


Sa parution initialement prévue pour le mois de juin ayant
été avancée au mois de Mai 2002 en raison de l'événement de la
tenue les 16, 17 et 18 Mai 2002 du Premier SALON du LIVRE de
PAPEETE organisé par l'Association des Editeurs de Tahiti et des
Iles.

La Langue d'écriture des textes destinés à la parution :

en vue d'une publication dans la revue peuvent


Les textes
être écrits
français, en tahitien, ou n'importe quelle autre
en

langue occidentale (anglais, espagnol,.. ) ou polynésienne


(mangarévien, marquisien, pa'umotu, rapa, rurutu...), et en
chinois.

Toutefois, en ce qui concerne les textes en langues


étrangères comme pour ceux en reo ma'ohi, c'est à dire en l'une
ou l'autre des langues polynésiennes,
Il est recommandé de les présenter dans la mesure du
possible avec une traduction, ou une version de compréhension, en
langue française.

7
Les auteurs d'articles

Dans l'objectif de faire connaître les écrivains, comme les


artistes, polynésiens, chaque auteur dispose dans la revue de deux
à quatre pages pour présenter un écrit portant sur une ou plusieurs
de ses oeuvres.

Chaque écrit fourni, délimité par l'auteur dans les


et
conditions matérielles qui lui seront définies, est clos ou introduit
par une notice bio-bibliographique rédigée par l'auteur ou avec son
assentiment.

Le principe étant que les auteurs sont propriétaires de leurs


écrits, et les seuls à porter la responsabilité du contenu de ceux-ci
et des opinions émises .

En général tous les textes seront admis sous réserve qu'ils


respectent la dignité de la personne humaine.

Comité de lecture: Il n'est pas mis en place de Comité de


lecture chargé d'endosser la responsabilité de ce qui y est écrit et
publié,

Mais un Comité de direction composé des membres


fondateurs décide, à la majorité des membres fondateurs présents,
du contenu et du montage de chaque numéro de la revue .

Participation des auteurs :

Chacun des auteurs publiés dans un numéro contribue


financièrement à sa parution à hauteur de 2000Fcp,

Exception faite pour la parution du Numéro 1 pour


laquelle la contribution est d'au moins 2500 cfp.

surplus du coût étant couvert par des dons, du


Le
sponsoring.

Destinataires du N° 1 de la revue:

Universités : 3 ex.

Ecole normale et Iufm : 2 ex.

Presse : 5 ex.

8
Archives et bibliothèques : 5 ex.

Présidence, Ministère de la Culture, Service de la Culture,


Maison de la Culture, Fare Vanaa : 5 ex.

par membre fondateur: 5 ex. soit 35 ex. au total,


par auteur publié : 2 ex.

Pour le prochain numéro :

polynésiens, cette revue est la vôtre :


Ecrivains et artistes
tout article bio etbibliographique vous concernant, de réflexion sur
la littérature, sur l'écriture, sur la langue d'écriture, sur des
auteurs, sur l'édition, sur la traduction,... est attendu : n'oubliez
pas d'y ajouter des extraits de vos écrits,
-

Ecrivains vivant en Polynésie,

« Littérama'ohi

Ramées de Littérature Polynésienne


Te Hotu Ma'ohi »,

Vous accueille, vous ouvre ses pages !

Parailleurs, une page du courrier des lecteurs sera ouverte


dans le prochain numéro.

Regrets mais ce n'est que partie remise !

Nous sommes les premiers à regretter l'absence, dans ce premier


numéro, de noms d'auteurs polynésiens connus, alors qu'ils y étaient
prévus, y avaient leur place,
Mais nous ne sommes pas arrivés à entrer en contact avec eux.
Nous souhaitons vivement qu'ils se manifestent pour le second
numéro de décembre 2002.

Contenu du Numéro 1 :

Des « bouts d'écrits », notices biographiques, notes


bibliographiques, extraits d'écrits, écriture de voyage, poésies,
nouvelles, réflexions sur l'oralité, sur la littérature, sur les
différentes formes d'expression de la société polynésienne,...
déposés par les auteurs eux-mêmes,

9
Conteurs, poètes traditionnels, compositeurs de chants
traditionnels, chants lyriques, des artistes peintres,
de
photographe, des auteurs ayant déjà publié, des auteurs
ayant participé à des concours littéraires,(de l'Académie
Tahitienne, du Prix du Président, des Nouvelles, du Salon
d'Ouessant, de la Maison de la Culture...), des auteurs prêts
pour la publication, des chercheurs polynésiens jeunes et
moins jeunes, des étudiants,...et des amis invités à s'exprimer
dans ce premier numéro de

Littérama'ohi.

Quelle conscience polynésienne émerge de ces écrits de


Polynésiens ?
Quelle identité polynésienne s'exprime et se construit dans la
littérature polynésienne d'aujourd'hui ?
A suivre i

Et bonne lecture !

Adresse : B.P. 3813 Papeete


ou Contacter l'un des membres qui transmettra.

Les membres fondateurs

10
Ecrire à Tahiti.

Une nouvelle association vient de naître. Encore une, une de


plus.. ? Pas tout à fait, pas que cela, une singulière en ce qu'elle
rassemble nombre d'écrivains polynésiens.
Ayant laissé filer, ici en France, quelques éléments de cette
annonce, il m'en revint ceci : « dans quelle langue écrivent-ils,
pour quel public et plus simplement ils écrivent quoi ? »
Ces questions, il s'agit moins d'y répondre
que d'en
répondre. Répondre de ceci que l'écriture fut à Tahiti,
il y a près de
deux siècles une découverte intrusive imposant unnouvel ordre
politique et religieux et par-là mettant fin à l'ordre social régnant
alors. Sans doute le roi Pômare fut-il le premier écrivain polynésien
en ce qu'il permit que la Bible ne fut pas traduite en langue
tahitienne mais écrite en tahitien pour la culture polynésienne, ce
qu'une traduction juxtalinéaire n'aurait pu susciter. Il instaura ainsi
un mode de lecture et d'écriture à partir de la Bible dont les Eglises

Evangéliques en Polynésie ont maintenu la tradition.


Que l'écriture soit imposée dans l'après-coup du passage
se
au christianisme permet pas de soutenir, n'en déplaise à
ne

certains, l'idée d'une opposition radicale entre « oralité » et


« écriture dont ne subsiste d'opposition que leurs modalités celle
»

de l'expression orale ou écrite. Ce qu'a instauré le passage à l'écrit


est l'opposition encore perceptible entre l'écriture et l'oralité
scripturale, une oralité prise dans les effets de la lettre (école du
dimanche, scolarisation, administration et justice, puta tupuna,
correspondances).
La lettre est là qui depuis 1819 impose sa loi et engage des
effets pour ceux qui y ont recours et pour certains s'efforcent de
s'en tenir à l'écart. Noter, transcrire et faire archives tout cela se
transmet depuis plusieurs générations, mais l'écriture demeurait en
attente d'un nouveau franchissement, celui de l'émergence d'une

écriture d'auteurs.

L'auteurse définit pour le présent propos ainsi : un nom

comme signature d'un texte qui vient sub'vertir l'ordre alphabétique


et même celui de la ségrégation des langues telle qu'elle s'était

imposée des effets de la scolarité obligatoire limitée au seul usage


de la langue française.

Les Mémoires des reines Ari'i Taimai et Marau sont riches


d'informations sur le passé des Iles et de leurs institutions ou

11
usages, mais elles ne nous disent pratiquement rien de leurs
auteurs, l'expression subjective trouvant à s'y dissimuler, se
masquer, derrière un savoir ethnohistorique et des enjeux
statutaires ou Tati sont plus explicites, il y
fonciers. Les lettres de
exprime certaines inquiétudes, agacements ou satisfactions, mais
elles n'étaient pas destinées à être publiées et malgré leur
caractère privé demeurent sous l'emprise d'une grande pudeur
quant à l'expression des sentiments.
Ecrire, prendre le risque d'écrire en première personne fut-
elle dissimulée sous le nom d'un personnage de roman, les auteurs
polynésiens ne s'y aventurent que depuis peu de temps. Je me
souviens de l'hésitation de Henri Hiro lorsqu'il fut sollicité de
traduire du français en langue tahitienne la présentation d'une
conférence pour le bulletin de la MJC de Paofai, je lui enjoignis
alors de ne pas traduire mon texte mais d'exprimer par écrit, ce
qu'il ressentait de l'argument de cette conférence. Il fit les deux,
établit la traduction de cette présentation insipide et livra un texte
faisant état du désarroi profond qu'il en ressentit. Ce fut me
semble-t-il le premier texte qu'il publia. Un texte oublié... pas tout
à fait, je le donne à lire et à commenter à mes étudiants depuis
lors en quelque sorte comme antidote aux enseignements qu'ils
reçoivent par ailleurs. Certains d'entre eux en tirent la leçon qu'il
n'y a pas de réhabilitation possible du passé ; le passé s'élabore au
présent ce qui pour la littérature peut faire point d'appui.
Nous étions en 1974, quelques années plus tard, Charles
Manutahi publiait ses premiers poèmes, bientôt suivis d'autres
ouvrages dont la quatrième de couverture fait rappel de mon nom.
S'agit-il pour autant de moi ? On peut l'imaginer et qui
l'imaginerait ne pourrait que se tromper : le rappel de ce nom est
rappel d'autre chose. Il s'agit d'une discussion qui s'est tenue il y a
près de trente ans sur le retour de la Papenoo. Il y fut moins
question de ces anfractuosités des falaises susceptibles de receler
des objets du passé, que du désir d'écrire qui s'en imposait.

Ces deux évocations seulement pour poser ceci : le désir


d'écrire, longtemps confiné à un écrire pour soi précéda de bien
des années d'en adresser à d'autres ce qui s'en manifesta de
textes. La publication pour d'autres, c'est déjà le regard de l'Autre.
L'Autre, ainsi nomme-t-on souvent dans des écrits polynésiens les
Eglises, la parentèle, l'autorité universitaire telle qu'elle s'impose
encore du modèle métropolitain. Mais l'Autre dans une grande
diversité d'écrits c'est d'abord l'ordre alphabétique (rhétorique,
stylistique et conceptuel) tel qu'il s'impose du prêt-à-lire et à être

12
publié des lettres françaises. Le regard de l'Autre donc comme
désir de ce qu'il dégage d'autorité et dont l'effet fut de stériliser sur

plusieurs décennies ce désir d'écrire en français certes mais par-là


en langue tahitienne.
Sans doute cette association d'écrivains polynésiens aura-t-
elle la responsabilité de préserver cette fonction subversive de la
littérature à l'endroit de la norme universitaire quelle que soit la
langue convoquée par un auteur, la française, les langues
polynésiennes et le tout récent « franhitien » : la littérature fait
appel pour des écrivains et non à des clercs qu'ils soient popa'a ou
ma'ohi.

Cette subversion a eu lieu et ne fut pas sans conséquences


puisque cette association est née de ses effets. Sa fondation était
inscrite dans un recueil de textes intitulés « Tergiversation... »
signé de Flora Devatine. S'y trouve posée, non pas en bilingue
mais dans un français troué et parfois déchiré de mots et
d'expressions tahitiennes, la question du je qui écrit. Non du je(u)
de l'écrivain mais du « je » de l'écrivant confronté à l'acte d'écrire.
Cet acte engage quelque chose de plus qu'un savoir faire avec le
style, la grammaire et l'orthographe. La critique locale, écrite ou
parlée, a salué la sortie de cet ouvrage ou s'en est étonnée,
louange ou objection convergeant sur une même question : qu'en
faire ? S'agit-il de littérature ou de promesse de littérature ? à
quand le roman ?
D'où se dévoile la portée de l'acte, celle d'un engagement
subjectif dont on ne peut prévoir les effets, on en saura quelque
chose plus tard. Un plus tard qui porte sur bien d'autres noms les
uns déjà inscrits sur le registre de l'association et d'autres pas ou

pas encore : des noms qui signent des témoignages, des romans,
des poèmes, des prières, des pièces de théâtre et combien de
textes encore inédits ? Un plus-tard donc déjà en mouvement.

Que cette association se soit crée dans cette période décisive


où le Territoire prend le risque de ses langues et de ce qu'elles
recèlent de possibilités littéraires fait savoir qu'un pas décisif vient
d'être franchi, celui d'une invitation aux langues dans leurs
expressions orales et littérales.

Bon Vent pour cette nouvelle traversée, celle de la lettre !

Bertrand-F. Gérard

13
Lesphilosophes, bien souvent, écrivent mal. Littérairement
s'entend. Dès qu'ils écrivent bien, on ne les comprend plus. Lourde
clarté de Descartes ou de Kant. Fulgurances obscures d'Héraclite
ou de Nietzsche. Eloquence suspecte de Rousseau. Ceux-là mêmes

qui écrivent trop bien, n'accordent-ils pas trop à la forme pour être
autre chose que de piètres penseurs ? Le bon sens doit concéder,
toutefois, que, s'il suffisait d'écrire mal pour penser bien, le monde
tournerait différemment...

On peut formuler le problème autrement : la littérature est-


elle autre chose que le fard de l'écriture ? La belle forme arrange le
fond et le rend séduisant - et l'on sait qu'un penseur sérieux
commence par gratter la surface... Posée dans ces termes, la
littérature n'est que coquetterie et imposture.

Invité par l'Université Française du Pacifique pour recevoir le


titre de Docteur Honoris Causa, l'écrivain péruvien Mario Vargas
Llosa a profité de cette occasion pour tenir, dans le grand
amphithéâtre, un discours où l'art de l'écrivain était présenté, non
pas comme activité superflue, mais comme exigence aussi bien
démocratique qu'humaine.
Pour résumer son brillant, le romancier fait plus que
propos
de raconter des histoires ;
faisant cela, il préserve liberté
d'expression et liberté de penser. Par l'imaginaire, il peut refuser,
voire dénoncer le réel. Par la fiction, il se pose comme sujet libre.
Cette liberté de l'écrivain ne saurait se soumettre à aucune

étiquette, à aucun intégrisme, à aucun terrorisme intellectuel :


ouverte, par sa fonction même, l'écriture est par nature
indifférente frontières nationales, territoriales ou mentales. Le
aux

philosophe, lecteur de Kant, ajouterait qu'il n'est de pensée que


métissée : « Mais penserions-nous beaucoup, et penserions-nous
bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec
d'autres, qui nous font part de leurs pensées, et auxquels nous

14
communiquons les nôtres ? ».

En forçant avec éloquence un peu le trait, Mario Vargas Llosa


finissait quasiment par conclure que la liberté du romancier, l'art
de l'écriture arrachaient l'homme à l'animalité en lui ouvrant la
voie d'une pensée libre et libérée.
Disant cela, le grand romancier disait l'essentiel en occultant
ce qui faisait l'essentiel. L'art des artistes est toujours bien
supérieur à leur réflexion théorique : les peintures impressionnistes
et abstraites sont bien plus profondes, par exemple, que les
considérations théoriques de Monet ou de Kandisky. Excellent
critique d'art, Baudelaire n'est pas le mieux placé pour comprendre
ce que fait Baudelaire. L'écrivain, y compris Mario
Vargas Llosa, fait
bien plus et autre chose que ce qu'il croit faire.

On aurait pu faire deux objections majeures au conférencier


péruvien la première, c'est que les hommes n'ont pas attendu
:
l'écriture pour entrer dans l'humanité ; la seconde est que la
définition de la littérature comme liberté se trouve particulièrement
réduite dès qu'elle se formule dans une perspective ethnocentrique
qui fait du roman la forme littéraire universelle et universalisable...
Au demeurant, si liberté il y a, est-elle dans cette fameuse
imagination qui nous permettrait de nous évader du réel ? On peut
résumer l'histoire de Madame Bovary aux quelques lignes du fait
divers banal dont s'est inspiré Flaubert. Car raconter des histoires
n'est pas tout, c'est même la moindre des choses. Les enfants
passent leur temps à raconter... qui ne sont guère écrivains.

Légendes, épopées, mythes, sagas, récitations, chants,


fables, confidences, élucubrations, drames, confessions,
mélopées... il y a mille façons de dire une histoire, du récitant sacré
au romancier contemporain, en passant par le
griot africain ou le
ménestrel itinérant. Ceux-là n'écrivent pas forcément qui sont
pleinement humains. Le roman n'est qu'une forme d'expression
parmi d'autres, et ce n'est déjà pas si mal. La réflexion ne doit
donc pas porter sur telle ou telle forme d'écriture, mais sur l'idée
même de littérature. En dépit de l'étymologie, il ne suffit pas
d'aligner des lettres pour faire de la littérature et la créativité de la
pensée ne passe pas forcément par la lettre : elle passe par un
certain usage des mots - écrits ou parlés. L'écrivain dont la
prétention n'est pas celle de l'écrivant ni celle du philosophe ne
doit s'interroger en priorité ni sur ce qu'il dit, ni sur le sens des
mots. Il n'est ni historien, ni philosophe et des mots banals
suffisent à raconter l'histoire banale d'Emma Bovary. Car toute la

15
question est là, par quelle magie les personnages médiocres d'une
histoire médiocre peuvent-ils constituer le fond d'une grande
œuvre ? La réponse est simple : ils ne le peuvent pas. En quoi

consiste alors la grandeur du roman ? C'est peut-être aux


linguistes à nous mettre sur la voie.
L'illusion la plus commune consiste à penser que la valeur de
l'écriture consiste dans la valeur du message : c'est confondre
l'usage littéraire et la fonction référentielle utilisée par tout
locuteur. Le message m'informe sur l'état du monde, l'écriture
réaliste veut décrire le monde. Mouvement littéraire dans lequel on
classe l'auteur d'Emma Bovary et dans la filiation duquel se situe
Mario Vargas Llosa. Tentation naturaliste. Avec cette ambiguïté :
non seulement décrire le monde, mais aussi le dénoncer dans ses
noirceurs : l'écrivain devient celui qui décrit bien ou celui qui
critique bien ; sa valeur artistique est proportionnelle à l'exactitude
du message ou à la noblesse des idées. Réalisme et utopie
vertueuse. Où trouver, cependant, propos plus réalistes qu'au zinc
du café du Commerce où, quelques verres aidant, le monde est
verbalement refait plusieurs fois par jour ?

Seconde illusion, presque aussi commune, héritage de la


culture adolescente de celui qui aquitté les études en même temps
que le lycée : l'écriture consiste à s'exprimer, sa fonction est
émotive : je n'informe pas sur l'état du monde, mais sur mon
état : j'invite à partager mon univers intérieur. La valeur de
l'œuvre s'évalue alors à son degré d'épanchement, à son
coefficient pathétique, à sa capacité sympathique. Romantisme et
narcissisme. On notera que Flaubert est aussi l'auteur de
Salammbô, œuvre épique imprégnée de romantisme. Où trouver,
cependant, plus grand déballage affectif que dans la presse du
cœur et dans les messages passionnés d'amants guère
passionnants ?...
Ces deux illusions partagent la même erreur : elles veulent
évaluer la qualité littéraire en fonction du contenu du message : sa
capacité à décrire le monde ou soi-même, à s'indigner ou à se faire
aimer... On est si content d'être sûr de savoir ce que l'auteur « a
voulu dire », comme le répètent à l'envie les professeurs de lettres
qui traduisent, pour leurs élèves, du français en français, dans un
exercice souvent curieux de traduction monolingue. Comment
empêcher, dès lors, ces jeunes lecteurs de penser que les auteurs
auraient pu écrire plus simplement afin que Ton puisse voir le
message directement, sans maquillage. Cela fait plus joli, certes,
mais on comprend moins bien. Problématique circulaire. Il faudrait

16
pourtant enfin leur dire que, par exemple, Baudelaire n'est pas
forcément sympathique, que ses pensées sont souvent
réactionnaires et misogynes, et ajouter - car c'est bien là
l'essentiel - que ces considérations sont anecdotiques et hors
sujet : indépendamment de cela, Baudelaire reste l'un des plus
grands poètes modernes...
Il n'est de littérature que dans la fonction poétique, au sens
donné par Roman Jakobson. Ce qui compte, ce n'est pas ce qui est
dit, mais ce qui se dit. Le message n'est pas texte mais prétexte :
le fond n'est pas le vrai fond. Si Flaubert voulait seulement décrire
la vie d'Emma Bovary, il n'avait pas besoin de faire passer sa prose
à l'épreuve de son gueuloir : une phrase n'est acceptée que si,
gueulée par son auteur debout devant un pupitre, elle passe
l'épreuve de l'oreille et du souffle. Par quoi, on peut voir, en
passant, à quel point tout débat entre oralité et écriture est vide de
sens : la littérature existe dès que, orale ou écrite, la phrase,
n'étant plus simple instrument au service d'un message, devient la
matière même et la finalité de l'activité littéraire ; elle ne dénote
plus, elle s'impose en imposant sa réalité même. Elle ne veut rien
dire, elle se fait entendre en tant que telle. Par là, elle ne dit pas
rien, elle dit, enfin, autre chose parce qu'elle dit autrement. La
littérature des écrivains est cette capacité à dire autrement, tout le
reste est... littérature pour les écrivants qui distinguent fond et
forme, séparent le message des mots et, ce faisant, retirent aux
signifiants toute valeur. L'écrivain prend les mots au sérieux : sa
liberté souveraine, ce n'est pas de les instrumentaliser dans une
syntaxe commune, c'est de composer avec eux une syntaxe qui,
par elle-même, fasse sens. Sa priorité est comment dire. C'est bien
la raison pour laquelle Mario Vargas Llosa a, en même temps,
raison et tort : la littérature est la liberté même. Le roman n'est
qu'une de ses modalités particulière, historiquement datée et
géographiquement circonscrite. Contre l'étymologie, la littérature
ne se confond pas avec l'écriture : bien des écritures n'ont rien de

littéraire et bien des formes orales d'expression ont des qualités


littéraires. Dès que quelqu'un ne se satisfait pas de l'usage
commun des mots, dès qu'il cherche moins à dire quelque chose

que de faire en sorte que quelque chose se dise ; bref, dès qu'il
prend les mots au sérieux, il entre de plain pied dans la
littérature : il réussit ce tour de force, dans l'oralité, d'assurer une
permanence de la parole, par ses effets de résonances intérieures ;
dans l'écriture, d'assurer la présence d'un auteur absent, grâce à
un timbre unique.

17
Littérama'ohi, j'aime le mot comme j'aime tous les
néologismes, dès qu'ils disent quelque chose qui ne se disait pas
avant.

Pourprolonger un propos que j'ai déjà tenu ailleurs, les


intellectuels de la Polynésie n'ont rien à prouver en terme de
littérature et surtout pas à se situer, sur le mode de l'imitation ou
de l'opposition, par rapport à des modèles de production littéraire
existants - le roman, par exemple.

Toutes les formes sontlégitimes, celles qui existent déjà et


cellesqui n'existent pas encore,dès que quelque chose se dit. Pour
bien des raisons, je pense, précisément, que bien des choses ont à
se dire et vont sans doute, enfin, se dire. Si j'ai finalement accepté

d'écrire ces quelques lignes à la demande expresse et réitérée de


Flora Devatine, c'est, au-delà de l'amitié qui me rend difficile de lui
refuser
quelque chose, parce que cela me permet d'exprimer aux
membres de Littérama'ohi à la fois à quel point je les envie de
répondre, en quelque sorte, à une mise en demeure de littérature,
à une urgence du sens ; et à quel point je mesure, dans toutes
leurs rigueurs, les exigences que cela implique.

Le 6 avril 2002

Bernard RIGO

18
« Comment j'écris ? »

C'est fiu cette question ! C'est fiu cette façon scolaire de


penser qu'on nous impose depuis petit, depuis qu'on est en âge
d'aller à l'école, d'écrire,

Cette question posée comme s'il fallait qu'on soit tous dans le
même moule !

« Elève Un Tel, c'est encore trop juste !


Ta rédaction n'est pas rédigée correctement !
Introduction mal abordée !
Il n'y a pas d'effet d'entonnoir,
Ça ne va pas du plus large au plus petit ! »

Mais qu'est-ce qu'on s'en fout de cette règle !

« Le corps du devoir est disproportionné dans ses


différentes parties ! »

Ah là
là ! Qu'est-ce que cela m'agaçait aussi de faire un
devoir de français « à la mathématique » ! S'il y a 15 lignes dans la
première partie, il en faut aussi 15 dans la deuxième... N'importe
quoi ! ! !

«
Quasi absence d'ouverture dans la conclusion H!
Trop juste, trop juste !... Aucune méthodologie ! »

Mais qu'est-ce qu'on en a à faire ? On s'en fout de ces règles


de l'écriture ! ! !

C'est pas ça l'écriture pour moi ! L'écriture comme ça, quel


calvaire ! Y'a pas de joie dedans ! C'est formel, c'est un corps sans
ressenti ! Y'a pas de vie !

Je soupire de toute cette contrariété qui chaque année me


collait et me recollait à la peau.

Et on remue le couteau dans la plaie :

Si la méthodologie est respectée, vous assurez dix


«

points. Après, ce n'est que du remplissage C'est pas compliqué ...

pourtant U! »

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Ça m'est difficile de répondre à cette question, de constituer
un texte, d'écrire sur « Comment j'écris ? »,

Car
tout remonte, toutes les frustrations qui me sont
propres,plus celles que, chaque année, quasiment chacun de mes
profs, depuis la Sixième, a soigneusement confectionné,
simplement créé pour moi,

Mais celles-là sont


plus piquantes, plus blessantes, plus
empoisonnantes,
Moins aimantes, plus reprochantes, plus maltraitantes.

Ça y est, je me suis calmée ! Car j'ai pleuré pendant trente


minutes dans mon coin, d'abord dans le salon où j'ai commencé à
écrire, mais de façon discrète, car tout le monde (frère, sœurs,
amie du frère, mère) y est présent : une larme qui, à peine
essuyée de manière très discrète, comme si quelque chose vous
gênait dans l'œil, laissait place à une deuxième et ainsi de suite ...

Faisant mine d'avoir de faire pipi, je me dirige


envie
normalement vers où, fermée à double tour, les
la salle de bain
larmes coulent plus rapidement, la gorge se serre et la respiration
est saccadée.

Pourquoi je pleure ?

Car répondre à la question « Comment j'écris ? » fait


ressortir en moi toutes mes souffrances autour de l'expression,

Souffrances que j'ai refoulées et que je refoule toujours,


Souffrance qui est difficile à traverser !

Car
je m'aperçois que quand je la traverse et que je pense :
«
est ! J'ai réussi ! », et que je crois que j'ai dépassé le cap,
Ca y
je la retrouve, la même souffrance, sur mon chemin, plus tard, à
quelques mois.qui suivent, voire quelques années.

Souffrances autour de l'expression sur deux plans :

souffrance dans l'expression écrite,


-

souffrance dans l'expression orale,

Parce que je bégaye, parce que je n'arrive pas à parler sans


que ma gorge ne s'étouffe pas, sans ressentir un nœud en haut de

20
cette gorge, là où la parole sort, au bout du chemin du souffle qui
donne la parole.

Frustration sur deux plans qui m'empêchent de m'exprimer :

... sur le plan écrit,

Car la méthodologie semble plus importante que ce que l'on


a à dire, et l'on juge la personne davantage sur le corps de son
texte : la façon de relier les mots (un bon écrivain), la façon de
jouer avec les mots, de les agencer (pour cette dernière phrase, je
suis d'accord !)... prime sur le contenu plus que sur ce que l'être
veut exprimer, sur ce qu'il a besoin d'exprimer.

-... sur le plan oral,

Car ma gorge se bloque alors que ma pensée veut parler.

Ou encore, si la gorge laisse passer les mots, c'est comme si


elle trahissait pensée car n'exprimant pas correctement la
la
pensée, utilisant les mots les plus pauvres,
Ces mots plats qui font que, quand on parle, c'est banal, trop
banal.

Frustration aussi de parler ou d'écrire, et de n'être pas


comprise : « pensée floue »,

Ou encore, de ne pas être comprise parce que l'entourage


auquelon a affaire maîtrise bien les mots et te reprend sur le sens
des mots employés, sens qui ne correspond pas à ce que tu veux
dire,
Du coup, on ne se focalise pas sur l'idée, sur la pensée
exprimée, sur ce que tu viens de dire, mais seulement sur cette
sémantique qui, à son tour, vient parasiter, vient étouffer
l'expression.

Ainsi, à l'école, c'est la méthodologie qui étouffe l'expression.


A l'oral, c'est la gorge qui trahit, qui empêche l'expression en
retenant le souffle qui permet cette même expression,
En la retenant pour jouer avec, le temps de se ridiculiser
devant les autres, le temps que je bégaye et de honte m'arrête,

Cette gorge qui étouffe l'expression.

21
A l'oral, c'est cette gorge qui transforme la pensée et qui
l'étouffe encore.

Du coup, je ne parle pas et me tais. Je préfère écouter les


gens parler, et j'écoute, sans pour autant faire le moindre effort
pour... Une fuite ?

Oui ! Fuite de l'expression, fuite du monde, fuite, fuite, fuite.

... Cela me rappelle quand j'étais petite : si l'on pouvait faire


un vœu se réaliserait, je rêvais
qui de pouvoir dormir
Pendant cent ans, mille ans !

Ah ! Cent ans, mille ans ... Quel bonheur !

Pas pour que le Prince vienne un jour se pencher sur moi et


d'un baiser me réveiller, mais pour avoir la paix.

Ah ! Cette paix II! Dans le sommeil, on rêve. Le rêve, c'est


de l'expression, là où ni les profs, ni la gorge ne peuvent trahir
l'expression, la pensée.

Ah ! S'exprimer sans jugement des autres, sans bégayer ...

Quel bonheur ! ! !

Il m'arrivait de penser, ça
c'est vrai, que si un Prince, au
bout de cent ans, allait venir me réveiller, ce serait
mille ans,
quand le monde aura changé, mûri, quand il aura cessé de se
moquer ou de tuer l'expression par des formes, quelles qu'elles
soient à respecter !

Ou encore, que le Prince serait celui qui arriverait à me faire


enlever ces nœuds d'expression.

Mais ce n'est qu'un rêve !!! Le monde est ce qu'il est ! Je suis

ce queje suis !
Bref, jusqu'à présent, je n'ai pas répondu à la question :
c'est bien moi, ça aussi !

Comment j'écris ?

22
J'écris en bloquant « l'intellect ». Cet intellect qui me trahit,
qui est source de frustration.

En conclusion, j'aime écrire, mais que des lettres, lettres à


Papa et Maman, aux amis.
Quand j'écris, je ne pense plus, je laisse tomber la
méthodologie et je laisse mon stylo aller comme il veut.

Surprenant peut être, mais c'est comme ça que j'écris mes


lettres.

Mon stylo me guide et s'exprime car il est relié directement à


mon ventre,
Ce ventre, la source de tous mes ressentis.

C'est nul ce que j'ai écrit /II

... C'est moi ça aussi I

Mafaru.

(étudiante en Deug, psychologie, Paris)

23
L'écriture est une trace visible faite, laissée, donnée.
L'écriture est une transcription de signes, de lettres, de
chiffres, de symboles.
J'écris pour être lue, être comprise... J'écris pour produire,
reproduire... J'écris pour communiquer.
Mais qu'est-ce que j'écris ?
N'importe quoi, ce qui me vient à l'esprit, ce que j'ai envie
d'écrire, ce que je ne peux pas écrire à haute voix ou encore ce
que j'ai élaboré mentalement.

Comment j'écris ?
Avec une force motrice comme mes mains!
J'écris à l'encre, j'écris avec les touches d'un clavier, j'écris
avec de la peinture, j'écris avec une pression exercée dans le

sable, la farine, le sel.


Mais mes mains ne sont que le moyen pour écrire.
Elles sont guidées par mes émotions, mes états d'âme, mon
humeur, mon envie, mon devoir...
Je suis triste, alors j'écris des choses moins gaies.
Je suis heureuse, et j'ai envie d'écrire : le flot de mes pensées
coule comme une cascade et les mots jaillissent tels des poissons
volants.

J'écris parce que je veux exprimer ce qu'il y a en moi.


J'écris pour laisser une trace, pour exister.

L'héritage de l'homme se présente sous la forme de dessins


laissés dans les grottes, et l'écriture nous permet de laisser des
traces, et à l'être humain, de trouver des réponses à des questions
existentielles ou autres .

Ainsi j'écris en pensant que peut-être cela servira, un jour,


dans l'histoire, l'histoire de ma famille, mon histoire.
J'écris pour être lue par quelqu'un qui n'est pas près de moi.
J'écris pour prendre des nouvelles ou pour en donner. J'écris pour
être lue comme un journaliste qui écrit pour relater des faits et les
partager avec les hommes.

Namoiata TETUANUI
(étudiante en Licence d'Anglais, Besançon 01/04/2002)

24
Société à Tradition Orale ?
L'oralité ?

Qu'est-ce que c'est ?


Vague idée !
Ne serait-ce pas une invention,
Une invention étrangère ?

Qu'est-ce que la tradition orale ?


Une invention d'hommes venus de loin, désireux de découvrir des
sociétés « autres »,
Et de se démarquer de ces « demi-civilisés » ?
Pourquoi n'aurions-nous pas eu une forme d'écriture ?
Qui l'a décidé ? Pourquoi nous infliger cette honte, cette peur de
l'écriture ?
Pourquoi nous avoir privé d'écriture ?
Tatouage, impression sur tapa, hiéroglyphe, dessin sur le sable, ...

N'étaient-ce pas des formes d'écriture ?


Ecrire, n'est-ce pas imprimer sur, dessiner sur, graver dans ? ...

Et comment se transmettait le savoir ?

Certes,par voie orale !


Une forme « d'écriture » éphémère qui s'évanouit dans le bleu de
notre fenua,
A la dérive,
Mais qui « s'écrit » dans nos pensées,
Une écriture orale qui s'inscrit dans nos pensées, qu'il faut fixer
dans nos mémoires !

Alors ... l'écriture était-elle absente de notre société ?


Est-elle absente dePolynésie ?
Aujourd'hui ? Depuis toujours ?
Et le geste ? ... Forme d'écriture invisible mais très présente !
Une forme d'écriture différente de celle que nous
entendons, différente de celle des « tupuna scientifiques » .

Il y a une multitude de façons d'écrire, de penser l'écrit, de dire


l'écrit et d'écrire l'écrit.

25
D'ailleurs, parler, c'est écrire dans la pensée des gens qui nous
écoutent, c'est imprimer une parole dans la mémoire des gens.

L'écriture est a toujours été là !


là, elle
... Dans toutes les sociétés !
Elle n'existait tout simplement pas de la même façon qu'ailleurs et
n'était pas valorisée de la même façon.
Et aujourd'hui ?
Ecrire sous quelle forme ? Comment écrire ?
Pourquoi écrire ?
« Dis-moi comment tu écris, je te dirai qui tu es ! »
« - Peu importe ! Il importe trop !
Ecrivons !
Dis-moi que tu écris, je te dirai que tu es ! »
Ecrivons simplement, écrivons justement,
Ecrivons généreusement, écrivons passionnément !

J-D Tokainiua D.

(étudiant en licence d'ethnologie, Paris, 01/04/2002)

26
Existe-t-il une littérature polynésienne ?

Cette question a de quoi d'emblée vexer un Polynésien.


Pourquoi n'en existerait-il pas ?
La littérature n'est-elle pas liée à la culture ? La littérature ne
fait-elle pas partie intégrante de la culture ?

Autant demander s'il existe une culture polynésienne !


Pour un Polynésien,» ou pas, à partir du moment où
« demi
l'existence d'une polynésienne est reconnue, il paraît
culture
évident qu'une littérature polynésienne existe.

Mais alors, pourquoi cette question ? Quel est le sens de cette


question ? Quelle est la nécessité de poser cette question ?
Ne nous reconnaît-on pas de littérature propre ?
oui, il existe urte littérature polynésienne, bien sûr.
Et pourtant,
Des exemples ? Les 'orero, les chants, les prières, les généalogies
récitées les légendes toujours fantastiques...
,

Mais cette littérature n'est pas écrite.


La littérature polynésienne est essentiellement orale, et s'élève
dans les airs. Dès qu'elle est couchée sur du papier, elle semble
perdre une dimension, et même deux: celle de l'espace et celle du
temps.
La valeur esthétique des œuvres polynésiennes est déployée
grâce à la voix et grâce au cœur. Or la voix utilise l'espace et le
temps pour se propager. Le son s'envole et se déploie dans les
airs, et il s'installe dans la durée. Et la mémoire collective
polynésienne est toute entière éveillée par les émotions véhiculées
par ce son, et se présente à la conscience de ceux qui sont prêts à
la reconnaître.

Car la littérature polynésienne est la littérature des


Polynésiens, celle constituée, édifiée par les Polynésiens.
Elle est, à l'image des Polynésiens, métissée, le produit de
plusieurs brassages ethniques.
Mais la littérature polynésienne doit-elle être nécessairement
écrite ou énoncée en langue polynésienne ?
La littérature créée avec un esprit de Polynésien, avec un cœur

27
de Polynésien, avec une âme de Polynésien, mais pas en langue
polynésienne, est-ce de la littérature polynésienne ?
Polynésienne. L'adjectif porte en lui-même la pluralité.
La Polynésie a été explorée, et influencée, au cours des siècles
par des navigateurs espagnols, anglais, français...
( Et d'où viennent les Polynésiens ?)
Ces rencontres ont façonné les Polynésiens, qui les ont
parfaitement intégrées. Elles font partie de leur histoire. C'est leur
culture. C'est notre culture !

Les chocs culturels ont été nombreux au cours des siècles, et


certains subsistent encore.
En effet, n'est-ce pas un choc culturel que les membres d'une
société très liée à la société polynésienne demandent à l'heure
actuelle s'il existe une littérature polynésienne ?
Et qui doit reconnaître la valeur esthétique des œuvres
polynésiennes ?
Est-ce que ces œuvres doivent être reconnues par les membres
d'une société tierce ou par les pairs de ceux qui les ont
composées ?
La littérature polynésienne est plurielle. La littérature
polynésienne est multiple.
Et à présent, elle doit se diffuser, se faire connaître, apprivoiser
les esprits extérieurs.

Or pour se faire connaître, pour mieux se diffuser, la littérature


polynésienne doit passer par l'écriture. Car c'est l'écriture, plus que
la parole, qui témoigne de l'existence à l'extérieur de la Polynésie.
La littérature polynésienne doit accepter une perte d'intensité,
d'authenticité pour pouvoir s'enrichir dans un temps à venir.
Ainsi, les écrits polynésiens seront traduits dans d'autres
langues et la littérature polynésienne sera connue, et donc
reconnue.

Mais la qualité des œuvres polynésiennes n'est pas uniquement


leur valeuresthétique, c'est aussi leur valeur historique,
significative, cognitive, et leur potentiel de cohésion.
Polynésiens, qu'ils soient « demi » ou non, doivent prendre
Les
confiance en eux, et s'exprimer, témoigner de leur culture et de
leurs pensées. Ils ont à se présenter au monde, à mettre en
lumière leur identité, car c'est ça, la littérature polynésienne !

Vaitea D. (Prépa HEC. Paris, 31/03/2002).

28
/4 <%uoi rent'd ci écwie ?
L'écriture est avant tout fonctionnelle. Elle permet de trans-
mettre un langage qu'on peut orienter de multiples manières en

l'inscrivant de manière durable dans diverses formes de supports.


L'écriture peut aussi être essentielle comme n'importe quelle autre
forme d'expression. C'est celle que j'ai choisie sans opérer de choix
particulier. Nous nous sommes rencontrées au fil des années, par
apprentissage, par amusement puis par passion. Depuis qu'elle me
permet de parler sans me perdre dans les limbes de la comédie
humaine, j'ai du mal à m'en passer. A quoi sert-il d'écrire ? cette
question me plaît mais je suis incapable d'y répondre de manière
spontanée. Il me faudra pourtant tenter de trouver une réponse
pour justifier la présence de mon verbiage entre ces lignes.

Peut-être faut-il oublier la notion d'écriture pendant quelque


temps et souligner une chose essentielle : tout intermédiaire peut
être une bonne chose en soi pourvu qu'il permette à l'homme de
s'exprimer et de créer au sens le plus noble du terme. L'écriture
peut alors être vue comme un intermédiaire entre l'homme et sa
capacité de création qui reste toujours à démontrer parce qu'elle
est en perpétuel mouvement. Ecrire permet d'exprimer ce que l'on
a envie de dire de l'infiniment petit à l'infini.

Il y a pourtant des limites à ce vaste champ d'expériences


que peut constituer l'écriture. Comme le peintre et les quatre coins
de sa toile, comme le musicien et les quatre bords de sa partition,
comme n'importe quel artiste et son support de création privilégié,
l'écrivain est limité par les quatre côtés de sa feuille ou de l'écran
de son ordinateur. Pourtant, que l'on ne s'y méprenne pas,
l'écriture comme toute autre forme de création, ne se limite pas à
un monde en quatre dimensions. Les limites ne s'arrêtent pas tant

à l'espace d'une feuille, d'un écran, d'une partition qu'à la pensée


de l'artiste lui-même qui est le pire arbitre de sa propre censure.

C'est en partie pour ces raisons que l'écriture m'apparaît


parfois comme une porte vers la liberté ; écrire permet d'exprimer
des choses qu'on peut être incapable de dire à voix haute tout co-
mme elle oblige celui qui écrit à se dépasser en réveillant certaines

zones sensibles.

29
Je n'ai pas une définition précise de l'utilité de l'écriture. S'il
fallait en j'écrirais que comme tout mode d'expression
choisir une,
achevé ou non, le fait d'écrire peut donner le sentiment d'exister
pleinement. Je ne sais si on peut y voir un rapport direct avec la
liberté mais les deux notions ne semblent pas incompatibles.

Je m'amuse à écrire à travers mon métier d'archéologue


quand j'arrive à trouver le temps qui manque. Si l'archéologie aide
à comprendre le fonctionnement des sociétés anciennes, l'écriture
peut servir, entre autres, à décrire ce qui ne va pas dans le
fonctionnement des sociétés actuelles. La différence entre les deux
pratiques (écriture et archéologie) tient à un petit détail
fondamental : les personnages que l'on traite par l'écriture ont le
mérite d'être bavards contrairement à ceux que l'archéologie
permet à peine d'effleurer. Faire parler des gens imaginés en les
écrivant a quelque chose de moins effrayant que de faire parler des
morts dont on ne peut concevoir un dixième de l'univers matériel
et mental dans lequel ils ont vécu. C'est peut être pour cela que
j'écris un peu plus qu'avant, pour transcender la difficulté de
travailler en écrivant des choses sensées sur des sociétés dites
« sans écriture ». Il y a peut être quelque chose d'ironique dans le
fait d'exercer un métier où la réflexion et l'écriture tiennent une
place importante quand il s'agit d'étudier des sociétés qui n'ont pas
laissé de traces écrites. D'où l'utilité de l'écriture, parfois, pour
tenter de comprendre et d'expliquer avant de restituer des bribes
de mémoires envolées. D'où sa nécessité, quelquefois, pour fixer
l'histoire dans la trame du temps. D'où son urgence, de plus en
plus souvent, pour expliquer le devoir de protéger toutes ces
choses (l'histoire, la mémoire, le passé et j'en passe) sans les
cloisonner pour autant ni les utiliser comme prétexte à des idées
« obscurantistes »
(le rejet, le refus de l'autre, l'absence de
partage des opinions, des cultures et ainsi de suite).
On pourrait écrire des pages entières pour citer des
exemples de l'utilité de l'écriture mais déjà, je m'éloigne de ce que
j'étais en train de dire. Je suis censée me présenter mais les
civilités ont une fâcheuse tendance à me mettre mal à l'aise. Je
suis à mi-chemin entre la vingtaine et la trentaine d'années.
L'archéologie et l'écriture sont deux choses qui me passionnent. En
2000, j'ai écrit une nouvelle (« Lettre à ma Polynésie ») qui a été
publiée dans un recueil, « Nouvelle vague », paru chez Aux vent
des îles. Depuis cette expérience sympathique, j'ai écrit d'autres
nouvelles qui n'attendent qu'un peu de temps pour être mises en
forme. Parmi les nombreux sujets sur lesquels j'aimerais écrire, il y

30
en a qui me tiennent particulièrement à cœur : les systèmes
deux
agricoles anciens (période pré-européenne) et l'adoption en
Polynésie. Le premier est « en devenir » entre un mémoire de DEA
qui se termine et une thèse qui va bientôt commencer. Quant au
second, il est contenu dans un roman dont la conclusion a du mal à
s'écrire.

J'en ai déjà assez dit. Il reste tout de même une chose


importante à souligner. On ne peut que se réjouir de la naissance
d'un espaced'expression littéraire « collectif » en espérant qu'il
marquera le développement d'une littérature de plus en plus riche
et éloquente, à l'instar de nos cousins du Pacifique.

Extrait de « Lettre à ma Polynésie » :

« $ eet (Unix, que je Mie allé vene toi, en jaieant connue ci de


tien n'était, tout en
le ciel loneque je eentaie 6 onaqe
leqandant vécu
peindne à l honiqon. /I tnavene toi, j attendais quelqu un. & était une
déeeee, nounnie de ta mqtholoqie et née de mee antaqoniemee. /iu lendeq-
voue de la vie, voue êtee lee deux eeulee et mêrnee pieneonnee. cellee que
j 'ai le plue attenduee. 'll nte fallait afepnendne que
voue lencontnen powi
l humain et le epinituel piantaqent la même maieon, tout en jaieant
chambne à pant à centainee heunee. Qe ïêvaie d une déeeee. j ai riencontné
un êtne humain, et le choc
fpontal entne ma cultune d adopition et celle de
mon henceau.
£...] /t la lotenie de l ondne dee choeee, je euie devenu
milliandaine. Ç y ai yayné un fiaeeepiont poun explonen mon humanité done

toute ea contnadictiou. “Rencoatnaut ma déeeee, j ai jait connaieeance

avec une autne jiantie de moi-même.


Çe n étaie plue eeulement panieien,
j étaie citoyen du monde et je venaie de lahiti. Ç avaie beau le eavoin,
je ne l'ai jamaie tant neeeenti que {pice à cette jamitle tahitienne que je
connaieeaie à pleine.
Ç apipinenaie à connaltne cee yene en me cachant
denniène mon line, un dee plue beaux fiana-vente de la comédie humaine,
dlee pmemiene tempie, je me euie eenti tnoublé en xetnouvant cheq eux dee
tnaite de canactène que je piontaie en moi depuie mon fdue jeune âye et

que jamaie je n avaie xéueei à identijien, cheq mee camanadee d école.

31
@ était le début de l achèvement de mon puqqle. Çe n en connaiccaic pac
lec nèqlec et j ai eu au peu de tuai à lec appnendne. Ae chapitne de la
filiation a été panticuliènement dmicile à line. *11 était éenit avec une
qnammaine totalement di^éneute de celle que je connaiccaic. T^an la {pnce
dec évèuemeute. j ai dû névicen la valem de centaine venbec comme
« accepten » et comme « compnendne », entne lecquelc c ect dneccé un mm
quil m 'a {jollu abattne en abandonnant nombne de convictionc et de
pnéjuqéc. Çe fiencaic que ma déecce me coujfjflenait la néponce cm le
pounquoi de mon hictoine. maie elle m a nenvoyé au minoin de l existence
qui. lui. m a boucculé en me pnopocant le comment de la cuite dec
évènementc. Ae chapitne cm lec nappante au monde c ect avéné panjpic

névoltant. maie(pnee d y néjfiéchin, j 'ai appnic la tolénance. Ae


à

chapitne le filue émouvant ect celui de notne nencontne. "Depute dec annéec.
je monnaie d envie de te voin. Ç en avaic piem aucci. Ç avaic piem de
netounnen venc toi j 'allaic venc ma bleccune
ponce que je eavaie que

oniyinelle. Çe t avaic choyée donc mon imayinaine. maie en nencontnant


ma déecce. j ai compnic à quel point l idéalication dec êtnec et dec choeec

ect. au contact de la néalité. une ponteuce de cou^jpance. Ç 'étaic un fieu

moine nalj, qu à l époque de noc pnemienc leudep-voue litténainec et je

eavaie que j avaic intéqné ton mythe à ma {peon, enthouciacte et

ccfutifiue. »

Mickaelle-Hinanui CAUCHOIS.

32
Cartron Nicolas : né en 1979 à Vannes (Bretagne).
Brièvement français, en suivant mes parents j'ai rapidement adopté
une existence insulaire me promenant des Antilles à la Polynésie.
Actuellement étudiant à l'Université de Polynésie Française, c'est un
professeur motivé et motivant qui m'a jour mis en présence des
un
richesses de la littérature polynésienne. Depuis, je tente de mettre
à jour les multiples facettes de cette culture qui m'apporte
tellement de joie...j'espère ne jamais y arriver.

Littérature
polynésienne...comme l'idée est étrange, presque
amusante expression ne renfermait pas une réalité trop
si cette
longtemps oubliée.
Littérature polynésienne, rumeur sourde qui depuis trop
longtemps ne demandait qu'à éclater.

C'est en cherchant
jour /7/e des rêves écrasés de Chantal
un

Spitz que j'ai découvert le gouffred'ignorance dans lequel restait


oubliée la littérature polynésienne.
Certains en avaient vaguement
entendu parler, les plus chanceux l'avaient même eu entre les
mains...pendant un temps seulement. Rumeur perçue dans un
lointaininconscient. Parlez de littérature polynésienne, on vous
répond Loti, Segalen ou Reverzy. D'autres ont écrit Tahiti, d'autres
ont imposé leurs verbes sur une réalité qui n'était pas la leur,
imposant le masque de leur perception sur des hommes à l'oralité
impuissante.

J'ai finalement retrouvé L'Ile des rêves écrasés. Je l'ai lu. Je l'ai
relu.La dernière page accomplie, il ne restait en moi qu'une
immense confusion. Pourquoi ? Pourquoi ce livre reste-il oublié ?
Qui l'a écrit ? Quand, pourquoi ? Et surtout, y en avait-il d'autres ou
n'était ce là que l'éclair fugitif d'une plume qui ne faisait que passer
dans une culture que l'on m'affirmait orale ?
A ces questions on répondait généralement : « La culture
polynésienne est basée sur l'oralité, c'est pour cela que personne
n 'écrit... »

Assez ! La Polynésie écrit désormais depuis assez longtemps


pour qu'on accorde à sa littérature le droit d'être.

La littérature
polynésienne s'est un jour révélée à moi.
Jaillissement puissant d'un monde ignoré...d'un monde refusé.
Entre ceux qui la désavouent gt ceux qui voudraient la voir recluse
dans une expression exotique, la littérature polynésienne existe,
étouffée, aux aguets, elle existe bien.

33
Prisonnière de son dit, Tahiti n'avait pas le droit à son écrit.
L'écriture polynésienne jure avec cette image de lagons, plages de
sables blancs bordées de cocotiers. Oui Tahiti c'est ça, seulement si
on ne reste que sur la plage. Mais si d'aventure on décide de
regarder derrière les cocotiers, on découvre Tahiti dans son
essence.
Littérature polynésienne, refus du mythe. Le Tahitien écrit.

On ne peut plus ignorer cette facette du monde polynésien,


Tahiti inachevée sans ses écrivains. Refus de ceux qui traduisent.
La culture polynésienne dépasse de beaucoup carnaval et
Halloween. La littérature s'inscrit de plain dans cette culture, dans
cette recherche d'une identité, dans cette construction d’un avenir.
Oui, la culture polynésienne s'inscrit dans une tradition orale.
Mais pourquoi opposer le dit et l'écrit ? Pourquoi l'un exclurait-il
nécessairement l'autre ? Ecriture et oralité n'entrent-elles pas dans
ce même mouvement de communication, d'échange et de partage ?

L'écrit prolonge les paroles de l'orateur, leur crée cet écho qui les
pousse hors des limites du forum.
Il est temps de reprendre la parole...qu'elle que soit sa forme, il
est temps qu'elle rejaillisse des coeurs trop longtemps aliénés par le
mythe.

Littérama'ohi pour qu'enfin l'écriture tahitienne brise les


chaînes de son oralité.
Littérama'ohi pour que plus jamais il n'y ait que les autres qui
ne pensent, n'expriment ou ne rêvent Tahiti.
Cette revue porte avec elle ce souffle de vie, cette volonté de
dévoiler ce qui jusqu'alors restait dans des boîtes oubliées au fond
de placards poussiéreux. Ecrits de joie, écrits de peines, écrits de
colères, écrits de souffrances, écrits de souvenir, écrits de paix. La
Polynésie écrit depuis trop longtemps. Elle ne peut plus garder en
elle cette expression qui suinte par toutes les plumes de ses
enfants.
Voici la littérature
polynésienne dans toute sa diversité, dans
toute sa singularité. Cette revue comme reflet d'une expression
protéiforme, forum de tous ceux qui ont quelque chose à dire...ou à
écrire.

Littérature comme réflexion perpétuelle. Les mots jetés comme


ça, à même le papier, attendant une réaction, quelle qu'elle soit, un
étonnement, sourire, une fureur. Qu'importe, pourvu qu'elle
un
puisse amener à la réflexion, à la discussion. Dynamique du

34
langage, renouvellement perpétuel des idées. Création d'un espace
ouvert à tous ceux qui ont leurs mots à écrire.

La littérature polynésienne demande maintenant à être


reconnue ; reconnue non seulement par les autres, mais avant tout

reconnue par les siens. Mots oubliés sur des cahiers d’écolier jaunis

par la peur, le doute, la honte.


D'un souffle libérateur, l'écrivant polynésien doit aujourd'hui
balayer cette poussière trop longtemps amassée, exposer au grand
jour cette intense expression qui vous tord les tripes depuis si
longtemps. Il ne peut plus laisser d’autres le penser et l'écrire, lui
appliquer un masque qui ne lui ressemble tellement pas. Ecrivants
polynésiens désormais, la littérature polynésienne sera à votre
image, à l’image de vos vécus, de vos souhaits, de vos
incertitudes...de vos espoirs.

Punaauia, le 15/02/2002.

35
Biographie de Taaria TEINAORE dite PARE

Je suis née à Auti - Rurutu (îles Australes) le 11 octobre


1930 et mariée à Clet Walker le 25 février 1955. Nous sommes
huit filles et quatre garçons dans la famille, un total de douze
enfants frères et sœurs et deux frères adoptifs car c'est la coutume
à Rurutu d'adopter des enfants en plus des siens ; et nous mêmes,
nous avons des parents adoptifs qui, après avoir été nos parrains

nous considèrent comme leurs enfants.

Dès l'âge de six ans, les enfants sont inscrits à I 'école. A Auti
notre village, l'école n'a qu'une salle et les bancs sont disposés de
façon à séparer les enfants selon leur âge et leur capacité ou leur
instruction. Ces séparations s'appellent des divisions qui commen-
cent par le numéro trois les enfants nouvellement accueillis
pour
donc âgés de' six ans. Le numéro deux accueille ceux capables de
lire et compter et la troisième division garde les enfants jusqu'à
l'âge de treize ans : considérés comme atteints par la fin de scola-
rité. Ils sont alors classés comme adultes et rejoignent les groupes
des travailleurs selon leur sexe et leur capacité.

Je fréquentais l'école depuis déjà trois ans et j'étais en


troisième division depuis plusieurs ' mois, quand une grande
nouvelle se propagea dans tout le village : j'étais choisie avec une
camarade d'école, Voirin Pierrot, apte à obtenir une bourse pour
aller à l'école à Tahiti. C'était en 1939 et j'allais avoir neuf ans.

A l'école Centrale de Tipaerui, j'y ai vécue pensionnaire

pendant huit ans. En 1947, j'étais en troisième et inscrite pour


l'examen du BE (Brevet de France 3eme année). Après les résultats
et après avoir appris mon échec, nous recevons notre directeur
Monsieur Gillot le soir en salle d'études, venant féliciter les
lauréates parmi les filles pensionnaires. Lorsqu'il m'a embrassé les
deux joues, j'ai sauté de joie croyant avoir réussi aussi à mon
examen du B.E. Il me calma vite en me disant : « Même si tu avais
réussi ton examen, je ne te donnerais pas ton diplôme ; un an de
durée dans la classe de troisième pour un tahitien n'est pas
suffisant. Il devrait y séjourner au-moins deux ans pour parler
français impeccablement; car sans le français ou avec un français
minable, un tahitien est incapable d'avancer ». Je savais que pour
mes compatriotes Rurutu précédents, un échec à un examen leur a

valu la suppression de leur bourse. J'étais extrêmement triste


d'être obligée de quitter l'école sans bon résultat et avec honte.
J'avais perdu mon camarade et mon unique compatriote Voirin

36
Pierrot qui est décédé à la suite d'une tuberculose pulmonaire.
Monsieur Gillot, après m'avoir bien regardée et constaté ma
profonde désolation, déclara avec bonne humeur : « Ta bourse ne
sera pas supprimée car tu dois revenir faire une deuxième année

de B.E. pour parfaire votre français, il est obligatoire de doubler et


même de tripler la troisième. Cette décision date déjà de l'année
1937 et tous les échecs boursiers des îles ne sont jamais revenus.
En effet j'ai connu deux cas à Moerai - Rurutu ; ayant échoué à
leur B.E., ils ont quitté l'école, la pension. Par contre, ceux qui ont
réussi travaillent : instituteurs, infirmiers, capitaines de goélettes,
etc...

A ma deuxième année de B.E., naturellement j'ai passé haut


la main en 1948 fin d'année.
Quelques mois après, j'étais la seule
à passer le concours d'assistante sociale et tous les autres collé-
gués de niveau inférieur ont concouru pour l'école d'infirmières.
Malheureusement, il n'y a pas d'école d'assistantes sociales à
Tahiti. Le médecin Chef Perrin me présentant ma bourse pour aller
à l'école en se heurte à mon refus et a été très déçu car
France
c'est vraiment honneur pour une tahitienne d'avoir été admise à
un

l'école d'assistance sociale en France munie d'une bourse. Quand il


m'a longuement écoutée et me voir en pleurs devant toutes les
peines et malheurs que j'ai supportés en quittant mon île mes
parents pour venir à l'école à Tahiti et maintenant, il faut partir en
France ; j'avais très peur de perdre ma mère, car notre père nous
a quittés à la suite d'un accident de la goélette Manureva échouée

à Tupuai en venant me récupérer à Tahiti.

J'avais terminé mes deux années d'élève infirmière et j'étais


infirmière stagiaire quand une urgente lettre arrive de Rurutu infor-
mant le Médecin Chef que l'infirmier de I'Ve déjà borgne à la suite
d'un accident ancien à l'asile des fous, souffre horriblement du seul
bon œil qui lui reste, d'où nécessité d'un envoi immédiat de rem-
plaçant. Connaissant mon ardent désir de rejoindre mon île dès
obtention de mon diplôme d'infirmière et vue la rareté de volontai-
res pour les îles ; mon affectation pour Rurutu en remplacement de

Roomataaroa Tutara s'est décidée sans problème. Mon manque


d'expérience pour les accouchements m'a obligée; sur ordre du
Médecin-Chef à accomplir des permanences ininterrompues auprès
des sages-femmes chaque fois qu'une parturiente se présente.
Naturellement, mes déplacements et mes sorties sont signalées à
la maternité qui envoie l'ambulance me chercher. Le Médecin-Chef
craignant certainement une faute irréparable provoquée par mon
manque d'expérience me rassure en me disant : « Tu peux me

37
déranger pour des prunes à tout moment ». L'unique moyen de
communication consiste avec l'aide du télégraphiste à parler avec
son interlocuteur chacun son tour à tue tête de quoi ameuter tout
le voisinage. Le secret professionnel en milieu médical n 'existe
plus.
Depuis avril 1952 jusqu'en décembre 1959, j'étais l'unique
infirmière à Rurutu et je faisais le dentiste, la sage-femme, la
chirurgie, la cuisine pour les malades hospitalisés, etc... La méde-
cine traditionnelle, les propositions d'aide de toute bonne volonté
sont pour moi la bienvenue. Durant une épidémie de toxicose, j'ai
accepté avec joie l'aide du curé Père Alphonse qui cuisait l'eau de
riz et de l'eau de carottes pour alimenter tous ces enfants malades
complètement anémiés et maigres. Je n'avais aucune seringue
ni quinton pour les alimenter par voie veineuse. Naturellement
vomissement et diarrhées associées ont vite fait des ravages chez
les nouveaux-nés au bout de deux à trois jours. Les déplacements
et transports se font uniquement à cheval ou à pied, pas d'avion et
on a une goélette environ par mois ou tous les deux mois. Les ma-

ladies à déclaration obligatoire : typhoïde, coqueluche, tuberculose,


RAA, etc... obtiennent une réponse toujours trop tard, les médecins
de tournée n'ont pas de goélette à leur disposition et encore moins
pour les malades à évasanner.

Pour mon premier accouchement, ma collègue sage-femme,


Moumoutte, me conseille d'aller à Tahiti pour mon premier accou-
chement qui a été fait avec forceps. Les trois autres, j'ai accouchée
toute seule, selon la manière Rurutu, tout s'est très bien passé...

Moumoutte, charmée par Tïle de Rurutu, a fait une demande


d'affectation à Rurutu ; mais comme son mari était aussi infirmier,
il ’est interdit d'être deux infirmiers dans une île, le mari de Mou-
moutte, Mr POROI Edwin était obligé de se faire Météo pour réali-
ser leur désir et ils ont pu séjourner à Rurutu durant quelques,
années : Moumoutte, infirmière sage-femme et son mari télégra-
phiste météo. Aujourd'hui, nous avons beaucoup de personnels de
santé : un médecin, un dentiste, plusieurs infirmiers, voiture pour
les déplacements et les transports, des avions pour toutes les
urgences, aussi bien médicaments que évasan des malades graves,
téléphones, télévisions, radios etc... Malgré tous ces moyens
modernes et la profusion de personnels^ les accouchements sont
interdits à et les habitants sê plaignent de ne plus
Rurutu
appartenir à leur pays car natifs de Tahiti.
Revenue à Tahiti en décembre 1959, je revois à nouveau
mon infirmière-major, Mie FREBAULT Mathilde, qui m'a enseignée

38
durant toutes mes années d'élève et stagiaire infirmière. Avec mes
collègues, nous la considérons comme une SUPER WOMAN. Elle est
unique, de mémoire infaillible, d'une adresse incomparable dans
toute activité. En plus de notre formation
stricte, extrêmement
sévère, elle n'admet aucune excuse, aucune faiblesse. Elle exige de
nous une tenue
ipipeccable et la propreté, l'hygiène est de rigueur,
une conduite digne de respect. En somme, nous avions une
réputation de bonnes sœurs toujours prêtes à l'attaque et toujours
sur son trente et un.

A cause des exigences extrêmement sévères de notre


profession, sous l'autorité intransigeante de notre chef major,
l'idée d'écrire tout ce que j'entends et toutes les prescriptions
que
je vois ne m'a plus jamais quittée jusqu'à ce jour. Grâce à Mie
FREBAULT Mathilde, je suis devenue écrivain et cela m'a
beaucoup
aidé dans la vie partout où je me trouve. Avoir un carnet de
mémoire est un remède idéal pour le repos du cerveau, je ne cesse
pas de conseillera mon entourage de s'en munir.
A mon retour deRurutu, malgré neuf ans de vie dans une île
très en retard sur les moyens
modernes employés à l'hôpital de
Vaiami, Mie FREBAULT se précipite sur moi pour m'affecter au P.O.
(poste des POST-OPERES) qui est un service très dur et demande
beaucoup d'adresse et dynamisme, instruction et grande vitalité.
Ayant été ses élèves, elle nous connaît comme sa poche et
nous manipule avec confiance. Même avec mon retard de dix ans
par rapport à mes camarades elle sait que je ferais tout mon
possible pour mériter son estime.
Dix ans plus tard nous sommes transférées dans le nouvel
hôpital de Mamao et Mie FREBAULT continue à être major. Elle
ouvre l'école d'infirmières de Mamao pour être infirmier du cadre
d'Etat et plusieurs personnels infirmiers en sortent avec beaucoup
de succès. En 1973 une infirmière du Centre Médico-scolaire doit
partir à la retraite et le service de la Direction a besoin d'une
infirmière sachant parler le tahitien. J'ai été choisie pour ce poste
où je suis restée jusqu'à ma retraite en 1978. Deux ans après,
l'infirmière du service EDT (Electricité de Tahiti) tombe gravement
malade et son départ urgent en France pour une pose de pile au
cœur nécessite une remplaçante. Elle vient me supplier de la
remplacer pour trois mois, mais elle meurt peu de temps après et
au lieu de trois mois, je suis restée neuf ans à l'EDT car tous les

infirmiers que j'invitais à venir me remplacer ne donnaient pas


complète satisfaction au Directeur de l'EDT. Il voulait un infirmier

39
qui parle tahitien car, parmi les nombreux ouvriers de l'EDT, la
moitié au moins sont tahitiens.

Grâce à mes nombreux passages dans mon île de Rurutu et


mon vif désir d'y vivre, je suis arrivée à convaincre le directeur
d'accepter ma démission. Ma folie d'écrire tout m'a facilité mon
accès à tous les postes. J'avais établi un cahier répertoire pour
avoir toujours sous les yeux les trois cents ouvriers de l'EDT, pareil
pour la Brasserie de Tahiti où j'ai été appelée à maintes reprises à
remplacer son infirmière. On pouvait me demander des renseigne-
ments sur n'importe quel travailleur de l'établissement, mon cahier
dévoilait tout depuis sa naissance, sa paie, sa famille, ses mala-
dies, ses soins et j'établissais aussi leurs billets d'allocations
familiales, etc...
En même temps que je travaillais à l'EDT le matin, j'occupais
mes après-midi à faire du travail artisanal avec les « marnas »...
Invitée par Madame Micheli Rara, une grande dame, prési-
dente de 'l'unique maison d'artisanat à Tahiti, le FARE MAOHI, à
plusieurs « marnas » Rurutu, nous avons intégré le Fare Maohi sise
à Vaininiore. Déjà peuplée de nombreuses femmes Rurutu du quar-
tier, nous avons décidé de créer une deuxième maison artisanale,
ainsi est née l'Association artisanale TAMATEA présidée par Mme
Helme Pora, sise à Taunoa. Partout où je m'associais on me con-
fiait toujours le titre de secrétaire. Après Tamatea, nous avons
fondé TIARE POREA, la fédération TE RAMA NUI, TE HOE HOE
MAMU dont la présidente est Mme Ahnne Germaine.

Après le décès de mon époux en 1990 j'ai décidé de rentrer


chez moi à Rurutu où nous ne demeurons pas inactives. Nous
avons fondé l'Association artisanale TAURAMA, puis ATANOA pour

les jeunes sculpteurs et pour le folklore.

Aujourd'hui nous oeuvrons pour le TOOFIITU de Rurutu qui


date de 1996 (Conseil des sages) s'occupant de la culture, affaires
de terres et généalogies des Rurutu.

(La suite prochainement)

Taaria WALKER dite PARE


(08-04-02)

Auteur de Rurutu, mémoires d'avenir d'une île australe (Edit.


Flaere Po 1999)

40
BREMOND Seta Hubert

Né le 20 mars 1939 à Mahina (Tahiti), Fils du pasteur Henri


Bremond et de Taihara à MAIHOTA. Commence ses études à l'école
primaire de Mahina, puis à l'école Vienot à Papeete où il a obtenu
son certificat d'Etudes Primaires et a continué ses cours secondaires
dans le même établissement.
Parti en Nouvelle Calédonie en 1957 où il a travaillé dans une
société générale d'entreprise pour le barrage de Yaté en tant que
"magasinier industriel", puis chef comptable dans la société "le
Nickel" à Kouaoua.
Après avoir effectué deux ans de service militaire dans la
classe 59/2 à Nouméa, il a repris son travail à Kouaoua.
En 1966, il quitte la Nouvelle Calédonie et rentre directement
à l'Ecole Pastorale d’Hermon à Tahiti pour suivre des études
théologiques.
En 1969, il poursuivit trois mois d'Etudes Pédagogiques dans
l'Université du Sud Pacifique à Suva (Fidji) et puis a continué trois
ans d'études théologiques dans un collège œcuménique du
Pacifique à Suva "Theological Pacific College" où il a obtenu en 1971
son "Diploma of Theology". Il s'est marié cette même année avec
une fille Rotuma de confession adventiste : Merewai
SIMONA, avec
qui il a eu une fille qui s'appelle Joyce BREMOND. IL divorce dix ans
après.
Après avoir œuvré huit mois pour l'Eglise Evangélique sous la
direction du pasteur Koringo, mais n'arrivant pas à faire passer ses
idées libérales et de changement, il quitte l'église et repart en
Nouvelle Calédonie.
En 1972 il dirige une compagnie métallurgique de Sylvestre
TERIITEHAU à Nouméa.
En1973, professeur d'Anglais au Collège Catholique de
PAIATA et puis Directeur Fondateur de "BREMOND'S INSTITUTE OF
LANGUAGES" à Nouméa, où il a écrit un livre, une méthode
simplifié pour apprendre l'anglais, intitulé : Anglais en trois mois.
De 1974 à 1977, il a été nommé Président de la Fraternité
Universelle pour la renaissance de la foi, par la Fondation du Centre
de la Fraternité de Manille (Philippines), où il a écrit un petit livre
orange philosophique intitulé Fraternité universelle pour la
renaissance de la foi où il a accentué que "la vraie religion est le
cœur de chaque être humain".

41
Dans cette même période, il a fondé un journal pour les
Polynésiens de Nouvelle Calédonie : TAHITI TARATONI.
En 1978, retour sur le fenua, où il à été chargé, par la
direction de la Maison des Jeunes et de la Culture (MJMC) de
prendre la direction du "Département des Recueils de la Tradition
Orale" où ila pu sortir un recueil de mythes intitulé MAHINA.
Dans cette même période 1978 à 1980, il a écrit plusieurs
notes et poèmes sur la Polynésie, cinq de ces poèmes ont été
sélectionnés et publiés à Suva (Fidji) dans l'édition MANA. Les cinq
poèmes qui ont été sélectionnés et publiés sont :
Porinetia : l'arrivée des essais nucléaires en Polynésie qui
a bafoué la vie communautaire des Polynésiens.

Manahune : le système économique du pays a désorienté


le peuple Manahune.
Vaira o vau nei (Qui suis-je ?) : le Polynésien à la
recherche de son identité.
Papeete : le sens et la poésie du nom.
Te râ (le soleil) : le soleil brille pour tout le monde.
Toujours dans la même période, en 1978 exactement, il était,
avec l'équipe MATARAU de la MJMC et de la SEP France, le
réalisateur du film Le Pasteur et la vanille tourné à Fluahine dans le
village de Fitii, c'est une histoire authentique qui s'est passée en
1958, où, pour la première fois, les Maohi de Huahine ont pris en
main leur destinée en séchant eux-mêmes les vanilles, activité
précédemment aux mains des chinois.
Assistant réalisateur du film Le Château tourné à Moorea (La
délinquance en Polynésie).
Assistant réalisateur du film Le Rescapé de TIKEROA en 1980.
Ce film raconte l'histoire d'un gendarme français, oublié sur une île
qui veut imposer à la population, sa propre culture. Par le refus de
la population, un sage du village lui adresse un message : "Si tu es
venu ici, tu viens chez nous, nous savons comment t'accueillir ...

mais non, quand tu es venu ici, tu viens chez toi, alors nous ne
savons pas comment t'accueillir".

En 1983-1985 : Conseiller technique auprès de maire et


député Jean Juventin et en même temps animateur et journaliste
sur Radio Papeete auprès de Maco Tevane.

En 1986-1988 : Conseiller technique auprès du Président du


Gouvernement Territorial Alexandre Leontieff.
En 1988-1994 : Animateur, journaliste sur Radio Maohi de
Gaston Flosse.

42
Parti en retraite en 1995, il est actuellement gérant d'une
société touristique EURL ARIIURA TE MATA AIAI.
Les points forts de cette société :
-

Un camping écologiques.
-

Un jardin de plantes médicinales pour lequel un livre est


en cours de réalisation.
-

Un musée mythologique qui ouvrira ses portes dans peu


de temps : plusieurs notes et écrits pour les légendes polynésiennes
sont en cours et un livre en cours de préparation intitulé La
Renaissance de la religion Mamaia.

Mes parcours politiques :

En NouvelleCalédonie, j'étais co-fondateur du parti politique


indépendantiste Union Multiraciale de Nouvelle Calédonie.
De 1978-1983 : Membre actif du parti politique IA MANA TE
NUNAA.
De 1983-1986 Membre du comité directeur du parti HERE AI
:

A et président de la section communale de Mahina Here Aia et


Président de la section Est de Tahiti (Pirae-Tautira) Here Aia.
De 1986-1987 : Membre fondateur de TIARAMA d'Alexandre
Leontieff.
De 1995-2001 : Président TAVINI HUIRAA TIRA de Huahine
et de Parea et membre du Comité directeur de Iles Sous le Vent.

Hubert BREMOND

43
Marie-Claire WHEELER

COLOMBANI Marie-Claire, TEVAHINETEMATAMATAARII,


épouse WHEELER, née le 12 avril 1952 à Papeete, Tahiti, .

Mère de famille de 4 enfants : Mareva, Tefaaora, Maeva,


Teipoitemarama.
Entrée dans le service de l'Education en 1972. Psychologue
scolaire depuis 1988 ; formation universitaire à AIX en PROVENCE.
Grand intérêt pour la vie en société : participation au sein de
diverses associations :
-

la vai ma noa Bora-Bora (1994)


-

Te tama e te mau ruhiruhia (1995)


-

Marna to'u rama (1997)


-

Kiwanis tiare anei (1999)


-

A tauturu ia na (2001)
Auteur de très nombreux textes de chants :
-

Hinerimahere,
Purapura here, O vai Miri e...
-

Passionnée par la culture, participation au Heiva i Bora-Bora


(membre du jury, élaboration des thèmes, composition de chants
pour le groupe de danses et chants de Nunue).
Auteur de deux ouvrages (non publiés) :
-
Ua ture rua to tama no Matairea

Ouvrage présenté au Concours littéraire en Reo Ma'ohi, Prix du


Président, en novembre 2001 : Deuxième Prix.
Ouvrage entièrement traduit en français sous le titre de :
-

Arraché à l'oubli, Tefaaora, l'enfant de Matairea peut


enfin témoigner...
Résumé :

Après avoir mené une vie paisible sur son île natale, image
même de la beauté sublimée, Tefaaora suivra par amour Vérani,
celle qui deviendra sa femme pour l'éternité. Avec elle, Il vivra des
aventures extraordinaires en faisant des rencontres non inopinées
qui le ramèneront vers celle qui n'aura jamais cessé de l'attendre...
Matairea... son île souvent conquise mais jamais soumise.

44
Parti... libre, il y reviendra... libre. C'était écrit... Elle (son île)
le lui avait murmuré jadis...

Extraits :

« E tama ho'i au no te here no teie moana hauuriuri o tei


tahitohito i te mau hu'a mahana ».
« J'étais cet enfant du grand bleu qui se jouait de l'écume
des jours ».

« I ni'a i teie moana to'ahe'ahe, te 'ori'ori a te mau ramepa


no te ra'i mai. Te ha'amata ra te ru'i e te ao i te farerei ».

« Sur l'océanlégèrement ondulé, des lumières, tombées du


ciel, dansaient. Le jour et la nuit étaient en train de se croiser ».
« Mitamita a'era te tau, 'aore nei mûri, 'aore rei tua, 'aore rei
mua, 'oia te tau, te 'anotau ».
« Le
temps murmura : ni passé, ni présent, ni futur ; il est le
temps, le temps ».
« Te mave noa ra tona rouru pi'ipi'i i te mata'i mai te
hitapere o te hirere ra to ratou huru ».
« Ses cheveux frisés flottaient au vent et lui tombaient en

cascade sur son dos ».

Poèmes :

Mon amour d'enfance

Comme une palette de l'arc-en-ciel


Tu as ramené dans
ma vie les couleurs diaprées du bonheur,

Avectoi, je tresserai des mots d'amour,


Toi, mon aquarelle de douceur, mon premier rendez-vous de
tendresse,
Mon amour d'enfance !
Avec qui j'ai butiné tant de mots d'amour.
Pour toi, mes mains ont tremblé pour t'écrire cette mélodie
Dont chaque mot est une fleur du jardin de mon cœur,
Oui, pour toi, mon amour d'enfance.
Bel arc en ciel

Sur un nuage aux mille couleurs,


J'ai écrit ton nom,
Sur une étoile aux mille reflets,
J'ai déposé
un baiser,
Mon bel arc-en-ciel !

Te Ata Tu est ton nom

45
Aux notes d'amour à l'infini,
Ruban de mots ensoleillés.
toi, j'écrirai ce que je ne pourrai jamais te dire...
Pour
Par manque de temps.
Et, quant à mes rêves d'hier, d'aujourd'hui et de demain,
Je te les dédie... bel amant,
Car ils ont brisé les barreaux de mon cœur !
Je veux ainsi te dire merci
Pour tous ces printemps passés à tes côtés
Où je t'ai tant aimé.
Te ra’i aneane

E 'aere tiare to roto i to mafatu


O tei tahirihiri mai i to ratou no'ano'a mai te 'auto'erau
la 'ahehe mai te 'omuhumuhu o te vaimato 'ominomino
E ia 'anapanapa mai te mau anapape
E te mato ahoro rau mai te 'anatore mai
Nana a'era vau i te ra'i aneane, putapu a'era to'u a'au.
Immensité limpide
Dans mon coeur, un agréable parfum de fleurs se répand
Le doux murmure de l'eau de roche se fait entendre
Je lève alors mon regard vers cette immensité limpide
Et mon âme en est profondément touchée. (Traduction)
Teraihere, don du ciel
Durant ton long voyage parsemé de chansons
J'ai tant espéré ta venue dans ce monde
Et tu es là, tendre étoile-bonheur,
Soleil câlin demon jardin secret

Toi, Teraihere, mélodie sacrée


Qui réalise tant de rêves enfouis.
Dans mon coeur de mamie douceur
Mille poèmes ont fait tant de cabrioles
Et m'ont invité au voyage.
Ambassadrice du bonheur,
Je n'oublierai jamais ce merveilleux moment.

Bienvenue Teraihere !

J'apprendrai chaque jour, du fond de mon coeur, à


t'apprivoiser,
Et mes larmes de bonheur déposeront un voile de douceur
Sur notre tendre chanson remplie de saveurs,

46
Toi, ma belle histoire d'amour
Teraihere, ravissante déesse.
Pour toi, je rêverai d'espoir pour tes lendemains.

Source, miroir de mon âme


Mélodie de l'eau,
S'élevant pour courtiser le soleil,
L'auréolant d'un arc-en-ciel
Voile diaphane dans ce havre de paix
Où le ruissellement de l'eau
Devient alors confidente de mes rêves
Oh ! toi source aux notes de violon,
Miroir de âme,
mon
Témoin fidèle du passé, du présent et du futur,
Je te prêterai jamais mes joies et mes peines
Oh ! toi source aux douces caresses.

Dédicace et adresse :

Je dédie ces pages à ta mémoire de mon tendre et


regretté
père TEFAAORA, l'enfant de nie secrète qui a laissé dans mon
coeur de petite- fille un nuage de sensibilité inoubliable.

Grâce à tousces souvenirs parfumés, je


peux enfin lever
mon regard
vers cette immensité limpide et bleue et te remercier
toi l'homme de coeur de partage et de sagesse.
Maintenant, je suis persuadée que l'oubli n'habitera jamais
mon coeur.

Ces bouquets de mots vogueront vers les pensées des autres


pour voyager ensuite main dans la main vers d'autres contrées
lointaines.
L'essentiel réside dans l'azur de l'espérance.
Chacun possède en soi une étincelle de poète et pour toi, je
me suis assise sous l'arbre de la vie afin de
peindre les mots avec
les couleurs de mon coeur.

A travers cet écrit, j'ai retrouvé


certaine fraîcheur de
une
mon enfance qui ne m'avait jamais tout à fait quittée mais
seulement échappé à un certain moment de la vie car trop
impliquée dans les tourbillons de cette dernière.
C'est un émerveillement, un enchantement sans cesse
renouvelé, une véritable communion entre mes idées, mes
sentiments et ceux du lecteur.

47
C'est une charge d'affectivité que je souhaite communiquer à
/'Autre.

Je porte désormais un regard nouveau sur l'autre car


empreint d'une émotion vraie.
J'ai éprouvé une interaction, un écho entre mon vécu, la
réalité, la poésie, la musicalité et la résonance des mots libres.
Toi, l'enfant du fenua, saisis donc ta plume et bonne route
sur âme de poète !
la voie de l'Ecrit avec ton

Et toi, cher lecteur, pour mon premier envol dans ce monde


merveilleux et passionnant de l'Ecrit, j'ose espérer que tu
m'accorderas un accueil chaleureux.

Marie-Claire WHEELER
( 21-02-02)

48
Maeva SHELTON

Née à
Tahiti, d'origine polynésienne, américaine et
européenne, Maeva SHELTON part en 1967 pour suivre des
études supérieures, d'abord en France puis en Californie. Là, elle
fait la connaissance d'un jeune Colombien qu'elle épouse et dont
elle divorcera après avoir eu 2 enfants.

Elle vit 22 ans en Colombie, est kidnappée par des guérilleros


en 1996. Une fois relâchée, elle décide d'accompagner sa fille à
Paris, puis revient au fenua en 1999.

Elle termine, actuellement, la correction d'un manuscrit dans


lequel elle raconte son enlèvement.

Titres proposés:

1) et j'ai cueilli des orchidées


...

2) Les orchidées de la guérilla

Le livre est composé de 3 parties:

Le récit de mon enlèvement


-

L’histoire de la guérilla et des enlèvements en Colombie


depuis les années 1920
Quelques recettes de cuisine colombienne
-

Extrait :

« Le ton était péremptoire. Toute discussion s'avérait inutile.


Il valait mieux que j'obéisse. Ils étaient huit qui m'encerclaient,
tous l'air menaçant, tous armés de fusils pointés sur moi. De plus,
ils portaient des colliers de munitions en bandoulière. L'un d'eux
tenait également un pistolet, un autre me menaçait avec une
grenade. Ils étaient tous habillés de noir et leurs cheveux sortaient
de leur casquette contrairement aux soldats aux cheveux courts.
J'observais leurs pieds : ils portaient des bottes en caoutchouc...
Aucun doute, ils appartenaient à la guérilla ! C'est par leurs bottes

49
qu'ils se différenciaient des soldats qui, eux, portaient des bottes
en cuir. Les guérilleros, qui vivent cachés dans les montagnes,
traversent sans cesse des rivières et les bottes de cuir ne
pourraient leur permettre de marcher dans l'eau et la boue. Ils
portent donc des bottes imperméables en caoutchouc.
J'avais un peu perdu conscience de la gravité de ma situation
quant une nouvelle injonction me ramena à la réalité froide d’un
canon de fusil appuyé sur ma tempe. L'idée même de mourir ne
m'effrayait pas. J'aurais ainsi été libérée, de tous soucis alors
qu'eux seraient devenus des assassins. Je pensais alors à mes
enfants Manu et Maruia, je ne pouvais pas les abandonner, ils
avaient encore besoin de moi.
Bon ça va,je vais vous donner la clef, dis-je calmement, en
me dirigeant vers ma chambre où se trouvait mon trousseau de
clés. Je prenais soin de sortir uniquement la clef de la voiture pour
garder les autres clés avec moi. Chacun de mes gestes était
observé par mes ravisseurs. J'aurais peut être dû prendre le
revolver que je rangeais à la tête de mon lit, mais l'idée ne
m'effleura même pas. Cela n'aurait fait qu'empirer les choses. Le
chef barbu s'empara de la clef et me dit :
« - La petite vieille, vous venez avec nous !
-

Comment ? Pourquoi ? répliquais-je.


Je croyais jusqu'à ce moment-là qu'ils voulaient simplement
voler ma voiture :
-

Prenez la voiture et
partez avec. Il est hors de question que
je vous suive !
Il n'y a pas à discuter. Vous êtes Américaine, n'est ce pas ?
-

Non je ne suis pas Américaine, je suis Française, de Tahiti.


-

Je viens d'une petite île perdue dans le Pacifique


-

On vérifiera cela. »

comprenais qu'il s'agissait d'un enlèvement et mon cœur


Je
se mit à battre la chamade. Ce n'était pas possible,-j'étais si bien

dans mon lit, prête à m'endormir, et voilà que je vivais un véritable


cauchemar. Je me demandais où ils allaient m'emmener. Peut être
m'obligeraient-ils à marcher toute la nuit et toute la journée
comme d'autres personnes, victimes comme moi d'un enlèvement.
Je me mis alors à prier : « Mon Dieu, protégez moi, Maman, qui est
près de lui,- viens-moi en aide ! » Cette prière intérieure fut courte
car le chef s'impatientait :
«
-Allez, dépêchez-vous, prenez quelques affaires. Vous
resterez deux ou trois jours avec nous. Nous avons besoin de vous
pour envoyer des messages.
Pourquoi m'emmenez-vous si longtemps ? »
-

M. SHELTON

50
Ço/ituwti 'Houveau
Née le 5 juin 1942 à Pape'ete, je fais mes études à l'Ecole
des sœurs de St Joseph de Cluny, aujourd'hui, Collège A.M
Javouhey.
Entrée dans la vie active en tant qu'enseignante, dès les
années 70, j'initie mes élèves au texte libre et me prends au jeu en
écrivant des histoires et des poèmes qui ont servi de base à mon
enseignement.
Nommée conseillère
pédagogique, en 1980, avec pour
mission la mise place de l'enseignement de la langue tahitienne
en

dans les écoles catholiques, mon goût pour l'écriture m'amène à


produire encore et encore, tant en français qu'en tahitien, textes,
chants, poèmes, légendes, exercices grammaticaux afin de ...

répondre à la demande,
Et pour parfaire ma connaissance de cette langue,
je
participe aux travaux de l'Académie tahitienne.
En 1984, je présente, sous un pseudonyme, un ouvrage
intitulé, A nu'u noa ai te tau (Et passe le temps), au concours
littéraire lancé par cette institution.

J'ai aussi assuré la version tahitienne de quelques albums


pour enfants tels que Alfred, le dauphin blanc, Le petit nuage
rose... ( Ed. Mers australes
)
Et j'ai fait partie de l'équipe du CTRDP à qui l'on doit l'outil
pour l'enseignement de la langue tahitienne dans les classes
maternelles intitulé Aparau ana'e .

Après des études universitaires (licence de langues


polynésiennes et diplôme supérieur de pédagogie interculturelle
(1992), j'ai commencé une étude comparative de quelques langues
polynésiennes que sont le Marquisien, le Pascuan, le Mangarévien
et le Pa'umotu. Vaste entreprise mais si passionnante !
Membre de l'Association culturelle Te reo o te Tuamotu, je
préside la Commission des langues dont l'objectif premier est la
sauvegarde, par l'écriture, du parler des différentes aires
linguistiques de cet archipel.
En avril 2000, je suis nommée académicienne.

51
Issue d'une famille de musiciens, je suis co-auteur de
l'hymne territorial et de celui de la jeunesse,
Et auteur de plus d'une centaine de chansons de variété dont
certaines connaissent un franc succès, notamment Nouvelle
Calédonie, le Caillou et Soleil Couchant,
Et autant de textes pour enfants :

Chapi et Chapo
Qu'ils sont mignons
Ces p'tits jumeaux
Qui ont pour noms
Chapi et Chapo !
J'aime Chapi
Quand il sourit,
Et aussi Chapo
Quand il fait des sauts .

Le petit oiseau
Qu'il était beau, le petit oiseau
Qui, ce matin, près du ruisseau,
Ebouriffait son duvet fin,
Et qui soudain partit bien loin !
A-t-il senti une présence ?
S'est-il enfui par prudence ?
Je l'aurais bien pris dans la main
Et déposé un doux baiser
Sur cette petite boule de plumes.

Qu'y a-t-il de plus


Qu'y a t-il de plus beau qu'un enfant endormi
Sur le sein de sa mère ,
Et dont la bouche mi-close garde encore prisonnier
Le petit téton rose ?

L'immense mer

L'immense étendue d'eau ,

Qui entoure mon île,


A des reflets changeants
Du côté du couchant .

Cette masse mouvante

52
N'est pas une esseulée .

Elle a pour compagnons


Capitaines et moussaillons .

Nouvelle Calédonie

Nouvelle Calédonie, bercée par les alizés


Tu enchantes le voyageur
Qui, jusqu'à toi, est venu.
Ton grand lagon garde en ses eaux
Tant de merveilles.
Quelle féerie !
Les palétuviers du rivage
Ont l'air de marcher sur les flots.

Le soleil déclinant embrase l'horizon


De ses derniers rayons.
C'est l'instant solennel où il fait son plongeon
Dans la grande bleue.
Et le ciel, au couchant, abandonne ses voiles
De pourpre et de lumière
Pour ses habits de nuit tout pailletés d'étoiles
Et de croissant de lune.

Johanna NOUVEAU
(Pape'ete le 6 avril 200)

53
Roti MAKE

Les chemins de ma vie

Ma langue maternelle est le rapa et le tahitien.


J'ai appris à parier, à lire et à écrire le français à l'école vers
l'âge de 5 ans.
Ma grand'mère maternelle auprès de qui je vivais jusqu'à l'âge
de douze ans me pariait toujours en tahitien et en rapa.

Je suis née à Rapa selon un rituel ancien. Si je m'appelle Rôti


Make, c'est grâce à mon arrière-grand-père Tuouia MAKE qui a
déclaré ma naissance en me donnant son nom, par fierté d'avoir
une hina à la peau blanche et aux yeux bleus. Et ce nom devait se

transmettre à mes enfants. Car il pensait qu'il fallait saisir la


connaissance des blancs, puiser dans leur savoir, mais instruire
l'enfant dans la connaissance rapa. C'est pourquoi.il avait dit :
«
Fille, il faut faire un enfant avec ces gens-là pour régénérer
le sang et aussi pour capter leur savoir ! »

Ma mère rapa, Jane Hinette Make, est plus connue sous le nom
de Ine, et mon père, un aristocrate français, sous celui de Roland
Marie Joseph Picot Daligny Baron d'Assignies.
Leur liaison dura 2 ans.

Ma grand-mère et moi nous vivions à Papeete dans les


quartiers Broche, Vaininiore, Taroma, Faariipiti, auprès des
membres de la grande famille qui nous accueillaient,
Puis durant 4 ans à Tautira.

J'étais pension chez les soeurs Anne Marie Javouhey depuis


en

l'âge de huit jusqu'à douze ans.


ans,
A douze ans je suivis ma mère et mon beau-père, Monsieur
Paul Baumgartner, mes frères et ma sœur pour aller vivre en
Suisse pensant continuer ma scolarité en français pour faire des
études de médecine et devenir chirurgienne.
Je suis devenue couturière et peintre.

J'ai appris à parler l'allemand, le patois suisse, l'anglais,


l'italien.

J'aimais passer des heures dans une librairie ou dans une


bibliothèque. Un jour, je découvris un livre qui m'a ouvert sur une

54
dimension nouvelle de la lecture. Une sensation de transcendance
dans un monde tridimensionnel. Un monde parallèle.

J'avais déjà perçu cette sensation à 10 ans à l'école de la


mission, lorsque maîtresse, Madame Frogier, nous avait
la
demandés, en rédaction, de décrire la maison de nos rêves ; ma
rédaction avait reçu la meilleure note.
Quatre ans plus tard, en Suisse, j'écrivis une rédaction en
langue allemande pour décrire mes vacances à Tautira. Ma
rédaction fut transmise et lue dans toutes les classes de mon
école.
Je crois que c'est par cette action de mon professeur que j'ai
réalisé que l'écriture avait un sens réel de communication.
Ce jour là j'ai compris que l'écriture avait un pouvoir magique,
celui de saisir et de transcrire dans le présent le vécu par des mots
et de le transmettre aux autres avec qui partager ce vécu, ses
sensations et ses connaissances.

J'emploie la parole des mots, la peinture des mots, c'est à dire


je lis et je dis les mots, je m'exprime, je prononce les mots, et ces
mots, par le biais de la lecture, quand je lis la parole, la parole des
mots que je suis obligée de prononcer, donnent des images pour
instruire l'homme à mieux comprendre la complexité de sa propre
vie et de celle d'autrui.
On se communique, on essaie de comprendre l'autre, mais

pour cela il y a aussi des règles pour la compréhension de la


parole,
Car la parole est d'or et les écrits sont l'empreinte de la parole.

Ma grand'mère disait toujours en tahitien:


me
« Ecoute ce je te dis, écoute tes oreilles ».
que
Lorsqu'elle préparait la nourriture et la médecine traditionnelle,
elle insistait pour que je l'assiste en me disant :
«
Regarde bien, regarde. A hi'o maita'i »
Mais en français, ce n'est pas pareil. En français le mot oreille
qui traduit TARIA, n'a pas le sens de : « conduite de l'être vers la
source de l'esprit » .
Et HI'O veut dire « miroir ou prendre le cadeau ou siffler ».

Et lorsqu'elle faisait des massages pour guérir les malades, elle


prenait ma main et me guidait pour sentir les points de chaleur et
de froid du corps du malade. Les foulures et les membres cassés
n'avaient pas de secret pour elle. Elle me disait « touche et
ressens ». « Fafa ana », ce qui veut dire en français « touche
autrement » pour guérir. Et lorsque des personnes venaient la voir
parce qu'ils avaient perdu un bijou ou parce qu'elles croyaient avoir

55
reçu un sort, je devais l'assister toute la nuit à la méditation sur
son peue. Je l'entendais faire des incantations et des prières, elle
me disait « demande et apprends, Ha'api'i maita'i », ce qui veut
dire « offre-toi et appelle les esprits du bien pour qu'ils
t'enseignent et que tu voies la vie des hommes ».
Elle m'expliquait le sens de la parole et des actes.
La parole avait un pouvoir sur le destin de l'homme.
C'est ainsi que je fus initiée, et je reçus mon bagage spirituel à
Page de 10 ans de son cousin germain, mon grand oncle Papa Rei.
C'est auprès de ma grand'mère et de ma famille Rapa que ma
culture polynésienne a pris le sens d'appartenance à cette grande
famille du Pacifique.
C’est ce vécu que je souhaiterais transcrire et partager.
Je suis diplômée de l'Ecole Supérieure de Jeunes Filles de Bâle
en Suisse.
J'ai faitapprentissage en couture dans un atelier de Haute
un

Couture Maison Florine, tout en allant à l'école de la


dans la
chambre des métiers,
Puis je suis entrée à l'école des Beaux-Arts de Bâle, en suisse.

A 21 ans, je suis revenue à Tahiti vivre auprès de ma grand


'mère. J’avais atelier de couture à la maison et je continuais
mon

de peindre des tableaux tout en travaillant dans le tourisme pour


subvenir au quotidien.
J'ai fait ma première exposition à Tahiti en 1981 au Faré
Manihini.

Je m'intéresse à l'évolution sociale de ce pays parce que ma


grand-mère m'avait un jour dit «si tu veux appartenir à ce pays,
bats-toi pour lui et pour protéger ta famille ».
J'avais alors décidé que j'en faisais partie.

La politique m'a attiré pour aider à trouver des solutions pour


ledéveloppement de la société et pour contribuer à sa sécurité. J'ai
travaillé dans des partis politiques divers pour apprendre et
comprendre leur esprit, le fonctionnement, et surtout pour trouver
la réponse à cette phrase : où allons nous?

au contact de la culture wallisienne que je découvris les


C'est
racines ancestrales, la coutume et les traditions. J'ai compris que la
richesse d'un peuple était dans sa culture ancienne. Et que la force
était transmise par la parole. Que la modernité n'était que la
continuité de l'évolution et que cela passait par l'écriture.
En 1982, j'ai commencé à écrire vraiment : c'était à Wallis
dans une émission que je produisais pour les enfants : «Joyeux

56
Mercredi » sur les ondes de RFO. Dans cette émission, il y avait
une histoire lue et animée par les élèves d'une classe que je

choisissais, avec des chants pour enfants et un jeu qui s'intitulait


«
questions pour un champion ».
Mon fils qui n'avait que 5 ans fut ma première source
d’inspiration. Il avait une vénération pour ma voisine qui n'avait
pas eu d'enfant. Tous les jours, je les voyais ensemble et leur
entente avait une tendresse pieuse.
J'ai écrit le premier conte « La reine des animaux » pour
marquer ces images de tendresse partagée.
Puis chaque semaine d'autres contes firent la joie des enfants.

Je comprenais enfin l'enseignement de ma grand'mère. Elle fut


le fondement de ma pensée et de ma parole, et surtout elle a été

l'instigatrice de mon inspiration. C'est elle qui anime en moi la


reconnaissance de la vérité fondamentale. Elle me racontait les
anecdotes de sa depuis son enfance à Rapa, elle me parlait de
vie
notre généalogie, de ses grands-parents, des légendes et de la
médecine traditionnelle et du monde spirituel qui nous entoure.
Elle m'a fait connaître ma grande famille et m'a instruite dans le
respect de mes origines.
C'est ainsi que je sais d'où je viens, où je suis, où je vais.

Je peins et je couds depuis toujours.


C'est un besoin d'expression qui me donne l'énergie de faire

beaucoup de choses à la fois.


En 1999 notre association culturelle reçut l'autorisation, suite à
notre demande pour une fréquence Radio 100.5 FM, d'émettre
dans un rayon de 13 Kilomètres à la ronde.

Nous voudrions créer des émissions en reo ma'ohi pour aider

l'enseignement de la langue et de la culture polynésienne, et aussi


pour promouvoir les chansons polynésiennes.

Actuellement, de mes écrits, il y a :

En préparation :

*Un recueil de 5 nouvelles inédites de Rapa:


Rapa e,
-

Hommage à ma famille rapa


-

La grotte de Maii
-

Le clan des Kaianu.


-

Mon voyage initiatique.


*Un recueil sur ma grand'mère 44 pages :
Les enseignements de ma grand-mère.

57
*Un recueil de 2 nouvelles :
-

Rencontre avec Henri HIRO,


-

La dame de Faie.

*lln romand'amour polynésien, de 195 pages, intitulé:


pouvoir du Destin.
Le
*
Une thèse libre en reo tahiti qui s'intitule:
Etymologie du reo tahiti
Des textes prêts à l'impression :

*Cinq livrets de contes de Wallis et Futuna.


*Un recueil de poèmes en français et en tahitien illustré par
des tableaux.

Des écrits déià publiés :


*5 livrets de contes de Wallis et Futuna (Ed. Tahiti Way
Design) ; la publication a été parrainnée par RFO Wallis.
Rôti MAKE (le 15 avril 2002)

58
Valérie GOBRAIT

Valérie GOBRAIT est née le 25 janvier 1967 à Pape'ete.


Après scolarité à l'école primaire de Teahupoo, puis au collège
sa
et au lycée Pômare IV, elle part en 1984 en France, à Aix en
Provence, puis à Paris pour y poursuivre ses études.
En 1989, elle décroche une maîtrise d'Ethnologie après avoir
travaillé sur le Tuaro'i, rite protestant qui trouve son origine au
début du XIXème siècle avec l'arrivée des premiers missionnaires
de Londres. L'analyse de ce discours religieux et des joutes
oratoires polynésiennes l'incitent à une analyse plus poussée de la
notion de la parole en tahitien par le moyen de l'ethnolinguistique
dans son mémoire de
D.E.A soutenu à l'INALCO de Paris, en
prenant pour exemple le A'ora'a, type particulier de prise de parole
qu'est le sermon en milieu protestant.
À son retour en 1991, elle enseigne le tahitien .au lycée-
collège Pômare IV cela, pendant sept ans, puis s'inscrit au
concours de CAPES tahitien-français.
Elle collabore également au journal mensuel bilingue
protestant Te Ve'a Porotetani et est chargée d'enseignement à
l'Université de Polynésie française.
En en tahitien la biographie du célèbre
1997, elle traduit
député-sénateur tahitien et que les tahitiens avaient
nationaliste
surnommé le metua, le père, Pouvanaa a Oopa de Bruno SAURA.

En mars 2000, elle est lauréate du Prix Henri HIRO, concours


de poèmes en tahitien décerné par Te Fare Tauhiti Nui - Maison de
la Culture.

Elle présente une pièce de théâtre en tahitien à la Maison de


la Culture le 28 novembre 2000 intitulée Te 'a'ai nô Matari'i. la
Légende de Matari'i. Cette pièce fut jouée dans le cadre de l'année
des langues polynésiennes instaurée ainsi "Année du reo mà'ohi"
par le gouvernement de la Polynésie française et fut éditée par le
Ministère de la Culture, de la Recherche et de l'Enseignement
supérieur, chargé de la promotion des langues polynésiennes à
1000 exemplaires.

59
En novembre 2001, elle présente une nouvelle pièce de
théâtre en tahitien, Te vàhira'a fenua, le partage de terre, dans le
cadre de la grande fête annuelle des langues polynésiennes, le 28
novembre 2001 au petit théâtre de la Maison de la Culture. Et,
deux semaines durant, des représentations théâtrales ont été
assurées en matinée pour les établissements scolaires et en soirée
pour tout public.
Elle est actuellement chargée de mission auprès de Madame
Louise PELTZER, Ministre de la Culture, de la Recherche et de
l'Enseignement supérieur, chargé de la promotion des langues
polynésiennes.

La pièce de théâtre

Te 'a'ai no Mata ri 7 est un conte initiatique mettant en


avant deux frères jumeaux. L'histoire se passe à l'époque des
migrations où les hommes cherchent des terres nouvelles afin de
s'y installer. C'est l’histoire d'un peuple du grand océan.
Matari'i, dieu des constellations vient voir ses fils en songe.
L'un seprénomme Rautï-tama, fils de la déesse Hinanui-'ai'ai-i-te-
marama. L'autre est Rereatua, fils de la reine Haumanari'i. Tous
deux ne savent pas qu’ils sont jumeaux nés dans la nuit Hotu.

Sur l'ordre de Matari'i, ils partent conquérir le Mata'ura,


symbole de toute puissance pour l'un, marque de sagesse pour
l’autre...

L'intérêt de ce conte sur l'initiation de ces deux frères qui


arriveront à se retrouver et à se battre dans leur quête du
Mata'ura, était de mettre en exergue non pas le Mata'ura lui-
même, c'est-à-dire la résultante, la récompense ou bien la punition
mais plutôt l'expérience de la durée, l'épreuve du voyage, les
différentes rencontres, la réflexion ou le combat, en résumé
l'évolution de la quête.
La sanction, bien qu'importante n'est que secondaire. Seule
compte la manière d'atteindre cet objectif, lequel n'est pour finir
que du vent, du souffle, de l'air.
Le Mata'ura, comme l'expliquera le dieu Matari'i à la dernière
scène, se trouve dans les yeux de chacun.

60
Et tant que cette étincelle fera vibrer tes prunelles et tes
paupières, - déclame Matari'i, - mais de
non pas par convoitise
respect pour tout être et pour tout ce qui t'a fait, alors, tu seras
digne d'être appelé à ton tour "petit ancêtre" ou descendant de
Matari'i, Te u'i nô Matari'i.
L'idée d'écrire
un long poème en tahitien était avant tout de

mettre la langue
tahitienne et avec elle toutes les langues
polynésiennes à l'honneur. Il s'agissait de limiter les
anachronismes autant que possible ainsi que les comportements de
type moderne tant la mémoire des mots et la transmission des
savoirs avait été si peu préservée.
Il n'était cependant pas difficile de travailler la beauté et la
musique des mots dans leur polyphonie et dans leur polysémie,
dans les rapports entre des mots moins usités aujourd'hui et des
mots plus connus et les échos sonores qui en résultaient. À ce
stade, le Mata'ura prenait petit à petit le chemin de l'écriture.
En outre, en s'inspirant des mythes anciens, l'on pouvait
alors retenir quelques récurrences dans nos mythes et légendes
qu'il ne nous restait plus qu'à adapter à notre histoire et aux
personnages qui tissaient peu à peu eux-mêmes leur propre vie et
à l'écrit, et dans le jeu des rôles sur scène.

J'ai choisi de vous proposer un extrait du 'orero de la scène


IV. Lors des représentations, cette scène a été entièrement
déclamée et dansée magnifiquement par une jeune 'orero pleine de
talent et
originaire de Papeno'o, Maite Taraihau. De par sa
formation de danseuse, elle a su enrichir le 'orero par sa grâce, la
puissance de ses gestes et de sa voix.
Ce poème retrace le voyage de Rereatua et la métaphore et
l'initiation au mata en tahitien.

Valérie GOGRAIT
TE TERE O REREATUA

"E na e... Naue i te vai, e na e... i te vài mata... naue i te vai, o Rereatua
Tei nâ te mua vai, tei nà te 1 i ri fenua,
Tei nâ te one tahatai tô na tûtonura'a...
Tei nâ anavai, tei nâ muriavai, tei nà uta nâ tai tô na mata-noa-ra'a...
Tei nà te miti, tei nà te 'â'au Moana topa tarere tô na tiura'a...
o
Nànâ ia pato huero, fâriu ia patô mo 'o, a neva ia tu 'a manu, a moe ia
[fânau ta'ata...
'O te mata ana'e ra te ura mata mua ô te ora !

Te iti i te rahi a'e, o te mata.


Te ora raro i tei tau i te ra'i, o te mata.

E ia hi'o i te ta'ata, i parauhia ai ë, ua ara, nô te mata.


E ia hipa i te ata, i ta'o ai e, ua ora, nô te mata.
E a neva i te nûna'a pi 'ihia ai e ina'a, nô te mata.

Ua pato te huero, ua poiri te mata, e 1 ite rà tô na.


Ua fânau mai te feti'a, ua pô pori o ia, e 'anapa rà tô na.
Ua fânau i te tama, e mata pô o ia, e 'ite râ tô na.
Ua ti'a mai o Rereatua, aore â râ i 'ite...

... E Matari'i ë, e Matari'i ë, 'ei mata !


Ei mea hu'a, 'ei ha'iha'i roa, e mata !
Teu'imatari'i e... Teu'imatari‘i ë
la Rereatua !

E rere te mata... e rere â te mata, 'ei u 'i ara !


E 'ei mata ara, ia vai â te u'i, e ia vai, ia vai â !
E ia vai noa â te fétu tupuna ! Um !

Naue nâ e, naue i te vai...


Naue nà e... i te vai mata. Um ! "

Valérie COBRAIT- Novembre 2000

62
LE VOYAGE DE REREATUA

Ce poème chanté retrace le voyage initiatique de Rereatua


dans sa quête du Mata'ura, c'est-à-dire l'essence du Mata. Le
concept de Mata en tahitien, signifie de prime abord les yeux.
Cependant, au sens métaphorique, il signifie également la
connaissance et la conscience de ce savoir.

"Imbibe-toi, scande le chant, imbibe tout ton être du Mata


De par la source intérieure de ton existence, par-delà l'écorce de
[la terre,
Par-delà le sable égrenant les rivières, les embouchures
Et jusqu'aux entrailles du grand océan, imprègne-toi
Ô Rereatua, imprègne-toi du Mata,
Flamme incandescente originelle de tout être.

Inspire-toi de l'éclosion du Mo'o, l'être lézardé non initié,


De la larve chenillée ou de l'étoile naissante,
Du microcosme, sonde l'universel nuage
Des petits alevins qui devinrent ton peuple,
Et sache que toute obscurité recèle la clarté
De ton doux visage de petit ancêtre
Afin de t'élever en digne descendant de Matari'i
Et que de tes prunelles ne s'illuminent
Que les yeux étoilés de tes ancêtres.

Imbibe-toi, Rereatua, imbibe tout ton être


du Mata,
Mais cela, tu ne le sais toujours pas. Um."

Valérie GOBRAIT - Avril 2002

63
Raymond PIETRI

L'homme - Son parcours

Raymond Vanaga PIETRI, né dimanche 30 juin 1935 à


l'embouchure de la rivière Tehoro (côté Afaahiti, limitrophe avec
Pueu) : grand'mère Temou a Mapuhi a Tekuravehe de Takaroa, y
ayant épousé le gendarme Jean Pietri (né à Sartène, Cors) : grand-
père installé et décédé à Tautira de 1905 à 1925 (3 enfants :
Antoine 1899, Tukua 1901 et Anna 1903 sa mère tous trois nés à
Tikaroa), sa veuve Temou s'étant éteinte à Pape'ete en 1955.
A fréquenté l'Ecole des Sœurs de St Joseph de Cluny (sœur
François : années 1940-1941) et l'Ecole des Frères de la Mission de
Pape'ete (janv. 1942-déc. 1951 : BEPC) ; est boursier des EFO au
Lycée de Garçons Pierre de Fermat à Toulouse (oct.1952-
sept.1956 : échec au baccalauréat Math. 'Elém.).
De retour, navire «Résurgent » (via Marseille - Alger -
par
Canal de Panama ), à Pape'ete fin nov. 1956, est recruté mi-déc.
1956 à la Mairie de Pape'ete pour les opérations de recensement
de la population EFO/ Polynésie française ; devient fonctionnaire
territorial début mars 1957 au Service des Finances et de la
Comptabilité (étage du Trésor/Palais de la Reine) avec Service
militaire appelé à la Caserne CAICT (début oct. 1957/fin oct.
1958) ; Service des Affaires Economiques (mai 1959) ;
Circonscription des Iles-du-Vent (oct. 1967), Service du Commerce
Extérieur (de nov. 1972 jusqu'à sa retraite fin juin 1995).

A épousé France Maeva Raoulx le 2 juillet 1960 à Pape'ete


(une fille Herenui ).
Sportif comme footballeur à
l'A.S. Fe'i-Pi (1957 dont
Sélection de Tahiti à Nouméa) puis
C.A.M. (1958) ; victime d'un
au
genou dès 1959, oeuvre comme responsable (secrétaire-trésorier à
Fe'i-Pi 1961-1996) et en basket-ball Tahiti-FGSS (1962-1970).
Après cours du soir au Lycée Gauguin, obtient à 27 ans le
baccalauréat Philosophie (1962) puis, après trois années de cours
du soir par Martial Iorss à la CCI, le diplôme « Brevet de capacité
pour l'enseignement du dialecte tahitien » (1963, avec Maco
Tevane, Roland Sue et Tutea Tatarata).
Conseiller municipal de Pape'ete de mai 1968 à mai 1989.

64
Nommé membre de l'Académie Tahitienne à son installation
le 2juillet 1974. Elu membre du bureau directeur de la Société des
Etudes Océaniennes (trésorier puis secrétaire, de mars 1976 à juin
2001).
Souvenir de lycéen : son professeur de philosophie (1955 -
1956) à Toulouse l'avait complimenté pour son style d'écriture
avec un camarade (de nom corse aussi) pour sa richesse d'idées
sur un sujet de dissertation : le dit duo, combiné en
rédaction, eût
fait florès... ô présomptueuse réminiscence !

De caractère romantique, a été scolairement marqué


admirativement par la versification des poètes lyriques, dont des
extraits ont bercé ou agrémenté ( ?) les leçons au début des
humanités : François Villon (La ballade des pendus), Pierre de
Ronsard (sonnet à Hélène) ; Joachim du Bellay (Où sont les neiges
d'antan ?...) ; le guillotiné André Chénier (La jeune Tarentine) ;
surtout Alphonse de Lamartine (ah ! ce fameux « Lac ») ; José
Maria de Heredia (sonnet des conquistadors de Cipango...) ;
Charles Leconte de Lisle (« Le sable est comme une mer sans
limite »...) ; Paul Verlaine (Il pleut sur la ville comme il pleure dans
mon cœur... ; Mais quelle est cette langueur monotone
qui pénètre
mon cœur... ; «Jadis et naguère » ; etc...) et son fugueur Arthur
Rimbaud (« Le bateau ivre »... ; Charles Baudelaire (« Les fleurs
du mal », le sonnet « L'albatros ») et son précurseur Gérard de
Nerval, le faux-pendu lez Halles... ; le dandy Alfred de Musset avec
ses «Nuits»... ; le comte Alfred de
Vigny avec son inoubliable
poème « La mort du loup »... ; le vicomte François René de
Chateaubriand avec son immense prose romantique (« Les
mémoires d'outre-tombe »...) ; Albert Samain avec ses recueils
lyriques... ; l'incontournable et foisonnant Victor Hugo, avec
notamment son épopée en vers de « La légende des siècles »...

Cette énumération mnémonique, non exhaustive, d'illustres


poètes encourage tout modeste amateur écrivain à chercher
l'inspiration dans ces lectures poétiques, pour éviter d'écrivailler ou
rimailler, l'humilité aidant à freiner la grandiloquence sinon à
produire des écrits au moins pour son environnement restreint.
Ceci dit supra est manifestement sans rapport avec des réflexions
attendues sur la littérature polynésienne, l'auteur l'ayant
volontairement exprimé pour situer l'ambiance de son parcours et
les limitations intellectuelles de sa faculté à écrire.

65
Ses écrits

En janvier 1958, étant en manœuvres à Huahine, Porapora,


Ra'iatea, son contingent a été témoin à distance de la chute de
l'hydravion « Catalina » dans la passe de Uturoa. L'Armée a chargé
le présent marsouin à relater l'événement de ces manœuvres dans
le magazine trimestriel militaire de France « Soldat d'Outre-Mer » :
premier article journalistique ( à 23 ans ) de... trois pages.
Condamné par un genou distendu, dès 24 ans, à ne plus
pratiquer en sport collectif, dans cette frustration les années
administratives ont été l'occasion d'exercer une plume
rédactionnelle, hors service public, en articles sportifs sporadiques
dans la presse locale (« Le Journal de Tahiti », « Le Semeur »,
« Les Nouvelles de Tahiti », « La Dépêche de Tahiti ») : année
1967-68 en particulier, pour se payer un voyage-charter aux Jeux
Olympiques de Mexico 1968.
Ces écrits durant une période sportive de 1962 à 1996, au
temps de la FGSS comme dans sa participation à l'A.S. Fe'i-Pi, se
rassembleraient en deux livres ordinaires au moins (soit 300
pages).
l'instigation de Robert Koenig (devenu Président de la
A
S.E.O.), lui ayant insisté d'écrire environ quatre pages
commémoratives du centenaire de la ville de Pape'ete en 1990, il
s'est plongé dans une documentation diversifiée pour produire un
texte de 180 pages ( fin août 1990) :
«
Pape'ete de jadis et naguères » 1767-1990) en deux
-

volets :
*
l'abordage du village de Pape'ete » (95 pages)
« A
*
Au temps des maires des cent premières années
et «

de Pape'ete (1890-1990) »,

Parus au Bulletin de la S.E.O. en dix épisodes depuis 1990 (le


onzième pas encore paru de 15 pages : mandat du huitième maire
Jean Juventin alors en poste).
A cela, toujours à l'instigation de R. Koenig pour le B.S.E.O.,
il a rédigé :
-

de nécrologies en hommage à
22 pages : Paul Moortgat,
précédent Président de la S.E.O. (17.12.1989 : 6 pages en français
+ 1 en tahitien) :
* «
Adieu, Président Moortgat »,

66
*
«L'adieu de la S.E.O. », Pauro
« Moortgat » et
«
Après Moortgat » ;
-
« La danse et la poésie en deuil » (16 pages) :
*« Gilles Teri'i Hollande, prince de la danse tahitienne »
(18.29),

*« Madeleine Mou'a, reine de la danse polynésienne »


(16.11.1989)
*et « Henri Hiro : un poète n'est plus » ( 10.03.1990) ;
-

Madame Yvette Laguesse («L'adieu à Mme Henri


Jacquier», Président S.E.O. avant Moortgat: 2 pages,
03.02.1991) ;
-

Roland Coco Sue (ancien membre du bureau S.E.O. et de


l'Académie Tahitienne : 1 page,
18.01.2000)
et Ralph Gardner White (ancien correspondant-
collaborateur S.E.O. et de l'Académie Tahitienne : 2 pages,
17.11.1999).
Pour son mandat de trésorier et de secrétaire S.E.O.(pour
ses trois dernières années au bureau directeur), il a noirci
quelque
120 pages de comptes rendus dans un effort d'écriture...
Puis pour le livret spécial par les Editions Haere Po no Tahiti :
-
« 1797-1997 : Une vie polynésienne 5 mars/5 no Mati »
(E.E.P.F.),
A la demande de R. Koenig, il a contribué par une traduction
de 7 pages en tahitien (« I tera po'ipo'i »).
Enfin, à la demande d'un article sur la vie contemporaine à
Tahiti par l'archiviste de l'Association des Anciens Elèves du
Lycée
Pierre de Fermat de Toulouse, estimant n'avoir pas les
qualités
requises pour la chronique ethno - politico - économique
souhaitée/souhaitable, ila dédié à son Bahut
-

«Lettre-mémorandum» (29.10.1999) présentant ses


une
« Souvenirs du Lycée de Fermat (Toulouse, octobre 1952-
septembre 1956) » en un essai de 27 pages rimées en 258
strophes de 4 alexandrins calligraphiés à la plume de ronde, à la
satisfaction sentimentale là-bas de son ancien professeur de
mathématiques âgé de 98 années alertes...
Outre ce « rimaillage », il a, dans sa retraite, composé 6
sonnets d'anniversaires et quelques odelettes.
La somme comptable de ces efforts « littéraires » sus-
évoqués, à 66 ans, avoisine 670 pages... seulement.
En réflexions personnelles sur la littérature polynésienne, il
estime que la génération actuelle, bien que baignant dans un

67
contexte fortement occidentalisé, compte de nombreux
universitaires capés, licenciés en linguistique - philologie
océanienne comme en ethnographie - ethnologie - sociologie et
autres connaissances attachées au Fenua.

A remarquer que de nombreux anciens étudiants du pays,


aujourd'hui retraités et pourtant fort calés et doués d'un verbe
érudit sinon d'extrémités digitales éloquentes, ont peu laissé de
traces écrites pour la contribution à notre patrimoine écrit.
Les écrits restent, les paroles s'envolent...

Raymond PIETRI.
(Académicien, Notice, Pape'ete, 18 mars 2002).

68
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69
Patua COULIN dite Mama VAETUA

Patua COULIN, connue sous le nom de Vaetua AMARU


(Mama Vaetua) est née le 21 janvier 1921 à Afareaitu (Moorea) -
81 ans

Enseignante à Patio - Tahaa de 1946 à 1961, Parea - Huahine


de 1961 à 1971, Ecole de Pina'i - Tipaerui de 1971 à 1975.
Employée au Centre Territorial de Recherche et de
Documentation Pédagogiques (CTRDP) en 1975 avec pour
missions :

la mise en place des fiches d'enseignement du tahitien "Ta'u


puta reo tahiti"
la réalisation des émissions à l'intention des parents et des
-

élèves sur les ondes de Radio Tahiti,


les liaisons entre l'Académie tahitienne et le CTRDP
-

Retraitée depuis 1981, est élue en janvier 1983 au sein de


l'Académie Tahitienne - Fare Vana'a.

Elle a participé à la réalisation des émissions à la télé sur la


culture polynésienne.
Elle a écrit des contes, légendes et histoires en tahitien tout en
assumant des émissions sur les ondes de RFO Tahiti pour le
compte de l'Académie Tahitienne :
-

participant, depuis 1983 jusqu'à aujourd'hui, aux


travaux de la Commission de la Langue
avec Mgr Coppenrath
-

et à ceux de la Commission de la Diffusion de la langue


sur RFO Tahiti avec Nédo SALMON, John MARTIN et Jessie POROI:
préparation des émissions et commentaires des mots techniques
nouvellement créés par l'Académie.

Elle a participé aux Concours littéraires de l'Académie


Tahitienne .

70
Titres des ouvrages :

1976 Te 'a'amu a Mama ru'au


1977 Te tau i ma'iri
1978 Pa'apo
1979 Te tiare o Matavai
1981 Herehia
1982 Na 'otare e toru

Parmi ces ouvrages seul Te tau i ma'iri a été publié.

Ellea écrit et diffusé des contes de Noël en


langue tahitienne
pour le compte de RFO Tahiti : 25 contes par an (au mois de
décembre) pendant dix années, soit l'équivalent de 250 contes de
Noël.

Elle a également écrit des légendes à raison d'une par semaine


pendant une quinzaine d'années, soit environ 780 légendes.
En voici quelques titres :

Légendes recueillies :

Te a 'ai o te mereni
Te a'ai no te miti papa'a
Na vai mato e toru
Namihere no Patio
Na tohora no Ta'ara'a
Te a'ai o Moa raua o Miro
Hinaraurea e te he no Papeiha
Tamaiti fanau matapo
Tiare Apetahi
Te mo'o tu ara ha
Teri'itepina'i'ohe (raconté par Marna de Patio)
Te uru

Auahi
Te ana mo'e o Rurutu (raconté par Dégagé)

Tepua i te rau 'onini (raconté par Marna Rahi)


Na 'opu ari'i matameha'i no Tahiti (raconté par Mme
Cadousteau)
Tapuhute ma
Te ti'i no Ra'ivavae
Pipin' ma (Marna Rahi)
Tehaupua'ura Terororo'itepi'i (Marna Rahi)
Na Taputapuatea e piti (Marna Rahi)
Te tama'i i tu pu i Huahine ...

71
contexte fortement occidentalisé, compte de nombreux
universitaires capés, licenciés en linguistique - philologie
océanienne comme en ethnographie - ethnologie - sociologie et
autres connaissances attachées au Fenua.

A remarquer que de nombreux anciens étudiants du pays,


aujourd'hui retraités et pourtant fort calés et doués d'un verbe
érudit sinon d'extrémités digitales éloquentes, ont peu laissé de
traces écrites pour la contribution à notre patrimoine écrit.
Les écrits restent, les paroles s'envolent...

Raymond PIETRI.
(Académicien, Notice, Pape'ete, 18 mars 2002).

68
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69
Patua COULIN dite Mama VAETUA

Patua COULIN, connue sous le nom de Vaetua AMARU


(Mama Vaetua) est née le 21 janvier 1921 à Afareaitu (Moorea) -
81 ans

Enseignante à Patio - Tahaa de 1946 à 1961, Parea - Huahine


de 1961 à 1971, Ecole de Pina'i - Tipaerui de 1971 à 1975.
Employée au Centre Territorial de Recherche et de
Documentation Pédagogiques (CTRDP) en 1975 avec pour
missions :

la mise en place des fiches d'enseignement du tahitien "Ta'u


puta reo tahiti"
-

la réalisation des émissions à l'intention des parents et des


élèves sur les ondes de Radio Tahiti,
-

les liaisons entre l'Académie tahitienne et le CTRDP

Retraitée depuis 1981, est élue en janvier 1983 au sein de


l'Académie Tahitienne - Fare Vana'a.

Elle a participé à la réalisation des émissions à la télé sur la .

culture polynésienne.
Elle a écrit des contes, légendes et histoires en tahitien tout en
assumant des émissions sur les ondes de RFO Tahiti pour le
compte de l'Académie Tahitienne :
-

participant, depuis 1983 jusqu'à aujourd'hui, aux


travaux de la Commission de la Langue avec Mgr Coppenrath
-

et à ceux de la Commission de la Diffusion de la langue


sur RFO Tahiti avec Nédo SALMON, John MARTIN et Jessie POROI:
préparation des émissions et commentaires des mots techniques
nouvellement créés par l'Académie.

Elle a participé aux Concours littéraires de l'Académie


Tahitienne .

70
Titres des ouvrages :

1976 Te 'a'amu a Mama ru'au


1977 Te tau i ma'iri
1978 Pa'apo
1979 Te tiare o Matavai
1981 Herehia
1982 Na 'otare e toru

Parmi ces ouvrages seul Te tau i ma'iri a été publié.

Ellea écrit et diffusé des contes de Noël en langue tahitienne

pour le compte de RFO Tahiti : 25 contes par an (au mois de


décembre) pendant dix années, soit l'équivalent de 250 contes de
Noël.

Elle a également écrit des légendes à raison d'une par semaine


pendant une quinzaine d'années, soit environ 780 légendes.
En voici quelques titres :

Légendes recueillies :

Te a'ai o te mere ni

Te a'ai no te miti papa'a


Na vai mato e toru
Namihere no Patio
Na tohora no Ta'ara'a
Te a'ai o Moa raua o Miro
Hinaraurea e te he no Papeiha
Tamaiti fanau matapo
Tiare Apetahi
Te mo'o tuaraha
Teri'itepina'i'ohe (raconté par Marna de Patio)
Te uru

Auahi
Te ana mo'e o Rurutu (raconté par Dégagé)
Tepua i te rau 'onini (raconté par Marna Rahi)
Na 'opu ari'i matameha'i no Tahiti (raconté par Mme
Cadousteau)
Tapuhute ma
Te ti'i no Ra'ivavae
Pipiri ma (Marna Rahi)
Tehaupua'ura Terororo'itepi'i (Marna Rahi)
Na Taputapuatea e piti (Marna Rahi)
Te tama'i i tu pu i Hua hi ne ...

71
Traductions à partir de l'ouvrage de Teuira Henry
"
Tahiti aux temps anciens "

Te mo'o rahi no Fautaua


Marae Arahurahu
Huritemono'i
Hiro
Te va'a o Rata
Te pohe o Vatiie roa
Ari’ipaea Vahiné
Te pahua
Traductions personnelles :

Uri ta'ata maramarama


Hine tokata (Nouvelle-Zélande)
Hiti no Puna'auia
Te 'a'ai o Hema

Teiki a To'akare
Te anuanua
Te auahi
Te ha'ari
Te " troca " i Porinetia nei
Te taura o te pohe
Te niho
mau

Te ma'oa taratoni i Porinetia


Parau no te ho'e 'oire
Te mau 'animara 'e te mau ra'au i fa'ao hünahia i Porinetia
nei
Te pape o Paea
Mahina te pahi tupapau no Hao
Elle est auteur et compositeur des tarava, ru'au, 'ute pour le
compte de quelques groupes de danses ayant participé aux
différents Heiva i Tahiti.

Auteur de notes d'information sur la vie et sur des aspects de


la polynésienne qu'elle transmet
culture à des particuliers,
généralement à des étudiants de l'Université.

Titulaire des distinctions suivantes :

Chevalier des Palmes Académiques (décret du 12 juillet


1966)
-

Officier des Palmes Académiques (décret du 09 octobre


1981)

72
-

Chevalier de l'Ordre du Mérite National (décret du 16 mai


1992.)
-
Chevalier de l'Ordre de Tahiti Nui (08 mars 2002).

Extrait :

TE A'AI NOTE TIARE 'APETAHI

.
E rave rahi te mau tiare e vai nei, na te fenua a to'a ; 'are'a
i te mau motu no Ra'iatea, te vai ra te ho'e tiare 'o tei 'ore e tupu i
te mau vahi ato'a. E taua tiare ra, 'o te tiare 'apetahi ia.
Tei ni'a i te mou'a 'o Temehani te tupura'a 'o taua tiare
ra . E rave rahi te mau ta'ata o tei haere e pafa'i i te tiare 'apetahi,
no te mea, e'ere tona 'ua'a mai to te mau tiare ato'a : e mea 'uo'uo
'o ni'a iho, e mea matie raro a'e i te 'ua'a.
No te haere i Temehani, e fa'aru'e te ta'ata i to ratou
'utuafare i te po'i'po'i, 'e, 'e tae ratou i te ahiahi, no te atea te vahi
i tupuhia e taua tiare ra. E ta'oto te ta'ata i reira,'e ,'ia 'a'ahiata, e
ara ratou no te fa'aro'o i te po'o'a o te tiare i te taime e mahora ai

tona 'ua'a. 'la mahora maitai te tiare, e au tona huru i te rima


ta'ata. E tiare maere rahi te tiare 'apetahi. E teie te 'a'ai no taua
tiare ra.

I te ho'e tau i ma'iri, te parahi ra te ho'e ta'ata 'e tana


vahiné i ni'a i te mou'a . Taua mou'a ra, e mea ta'a'e roa 'ona i te
mau mou'a ato'a no Ra'iatea ; 'e tona i'oa ra, 'o Temehani 'ia.

Na ni'a i te mana o te mau atua i muta'aiho, 'ua tatuha'a


hia teie mou'a e piti tuha'a. Te vai ra o Temehani Iti i Tevaito'a, 'e
'o Temehani Rahi i 'Avera.

E orara'a 'oa'oa roa to taua na ta'ata ra i to raua parahira'a i


Temehani. Aita roa e pe'ape'a i tupu e tae roa a'e ra i te mahana i
fa'aru'e ai te ta ne i tana vahiné, no te ho'e tere i Tahiti. Hou 'oia 'a
reva ai, 'ua parau oia e :
-« E tau here iti, e parahi iho 'oe i 'o nei. Te reva nei au i
Tahiti, e'ita
e maoro, e farerei fa'ahou taua. »
Ua 'ite tatou i te huru no te feia e haere na te ara. E 'ite 'oia i te
mau 'ohipa 'apî 'e te fa'ahiahia 'o te fa'ataui i te mana'o ta'ata . Oia
ato'a teie tamaiti.'Ua mo'e tana vahiné ia na. Ua ti'ai noa te vahiné
i te mau mahana ato'a, 'e i te mau po'ipo'i atoa, 'ia ara mai 'oia, e
pafa'i 'ona i te ho'e 'ava'e, 'e matahiti atura, 'aita nei a tana tane i
ho'i mai.

73
Tae a'e rai te ho'e mahana, no te rahi o tona pe'ape'a
'a'au, 'ua ta'i 'oia i te reira mahana e po noa atura. 'Opua ihora
noa
taua vahiné ra, e ha'apohe iana. 'Ua pafa'i oia ite tiare pua, mai
tana i mataro, tamau a'era i ni'a i tona tari'a. 'Ua pafa'i te piti o te
tiare, haere atura i te ho'e vahi mato tarere, ma te tape'a maitai i
tana tiare, 'e 'ua 'ou'a atu i raro mai i taua mato ra. I te vahi i
topahia e ana, 'ua mo'e tona tino, 'are'a tona rima ra, te-rima i
tape'a i te tiare, 'aita ia i mo'e roa. I te vahi te reira tona rima, 'ua
tupu mai te ho'e ra'au iti rau'ere roroa, 'e i mûri a'e ra, 'ua 'ua'a
mai te tiare, e mea 'uo'uo 'o roto, e mea matie i rapae. ('oia ho'i, e
mea 'uo'uo '0 ni'a iho, e mea matie '0 raro a'e).

E te huru o taua tiare ra, e


hoho'a ia no te rima ta'ata, no
te mea, 'ua 'ua'a paeho'e noa 'oia. I topahia ai tona i'oa i te Tiare
'Apetahi : (hi'o pae ho'e, hi'o ta'ao'ao) .

Patua COULIN dite Mama VAETUA

74
Louise PELTZER

ETAT CIVIL :

Nom : PELTZER
Prénom : Louise
Mariée : 2 enfants
Date de naissance : 18 Février 1946
Lieu de naissance : FUIT, île de HUAFIINE, Polynésie
Française,

FORMATION :

Etudes primaires :

Ecoles de Parea et de Fla'apu, île de Huahine


Etudes secondaires :
Ecole des Soeurs de Saint Joseph de Cluny - Papeete Lycée
Paul Gauguin - Papeete
Etudes supérieures:
Université Paris X (Nanterre)
Institut National des langues et civilisations orientales
(INALCO)
Université de la Sorbonne Nouvelle (Paris III)

DIPLÔMES
Baccalauréat D (Sciences expérimentales),
Doctorat de linguistique,
Habilitation à diriger des recherches (H.D.R.)

FONCTIONS :

Universitaires :

Maître de
Conférences de Langues et Littérature
Polynésiennes à l'Université française du Pacifique (UFP),
Directeur du département Lettres, Langues et Sciences
humaines à l'UPF de 1995 à 1998,
Membre du Conseil National des Universités (CNU) 15eme
Section - Paris, (1995 - 1998),
Présidente de la Commission de Spécialistes de lettres de
l'Université de la Polynésie française (depuis octobre 2000) et de
l'Université de la Nouvelle-Calédonie (depuis novembre 2000).

75
Professeur des universités depuis 1998 à l'Université de la
Polynésie française, (UPF),
Professeur invité à l'Université de Hawaii at Manoa,
Professeur invité à l'Université de Waikato, Nouvelle-
Zélande,
Professeur invité à l'INALCO - Paris,
Membre des jurys des concours de CAPES Tahitien/Français
(1998),
Présidente des jurys des concours de CAPES
Tahitien/Français depuis 1999,

Politiques :

Ministre de la Culture, de l'Enseignement supérieur et de la


Vie associative de Juin 1998 à Juillet 1999,
Ministre de la Culture et de l'Enseignement supérieur, Chargé
de la Promotion des langues polynésiennes d'Août 1999 à Mai
2001,
Elue Conseiller à l'Assemblée de la Polynésie française le 6
mai 2001.
Ministre de la Culture et de l'Enseignement supérieur, Chargé
de la Promotion des langues polynésiennes depuis le 19 Mai 2001.

Culturelles :

Académicienne au Fare Vana'a - Académie tahitienne (depuis


1998),
Membre de la Société des Océanistes (Paris),
Membre du Haut Conseil des Langues régionales de France,
Membre du Conseil d'administration de la Société des Etudes
Océaniennes,
Membre du Collège d'Experts des Affaires foncières auprès
du Tribunal de
Pape'ete (1996-1998),
Membre de la Société de Linguistique Fonctionnelle de Paris,
Membre de la Société de Linguistique de Paris,
Présidente d'honneur du Salon littéraire d'Ouessant (Août
2000).

76
DISTINCTIONS HONORIFIQUES ET DÉCORATIONS

Chevalier dans l'Ordre National du Mérite (1998).

CONFERENCES, COMMUNICATIONS. ARTICLES et OUVRAGES :

Près d'une cinquantaine de conférences et de communications


parmi lesquelles :

La place de la langue dans la culture polynésienne, Musée de


l'Homme, Paris, 1982,
Colloque du Haut-Conseil de la Francophonie "Symphonie des
langues/La Pluralité des langues en Francophonie", Paris 1989
(publié),
Conférence : Développement et valeurs polynésiennes à
l'Université française du Pacifique, 1992,
Colloque International de Linguistique Fonctionnelle des 13
et 14 Juillet 1995, Liège, Belgique sur Les langues polynésiennes
en linguistique fonctionnelle, "La négation en tahitien", XXe
(publié),
Colloque International "La Notion" les 15 et 16 Décembre
1995, Paris (publié),
Participation au débat sur le thème "Ecriture c/77es"dans le
cadre de la semaine de la Francophonie, Paris, 1996,
Participation au débat sur le thème "Statut de la femme
ultra-marine" organisé par le Ministère dé TOutre-mer dans le
cadre du Salon du Livre, 1996,
Congrès International des Linguistes, Paris, « Situation des
langues vernaculaires en Polynésie française », 1997,
Symposium international sur les identités du Pacifique. Nou -
méa : "Identité et langue" (publié), 1999,
Colloque du STOUT Research Centre, Victoria University of
Wellington, Te whare wanaga o te Upoko o te Ika a Maui, Nouvelle-
Zélande, Les langues vernaculaires de Polynésie française et poésie
autochtone.
Colloque, Peuples premiers en Polynésie, Haut Conseil de la
Francophonie, 6 décembre 2000, Paris...

Articles :

Pape'ete au temps composé, Editions Pacifique, Paris sur le


thème "Acculturés et Missions ", 1989,
Predicates in Tahitian, 1991, Oceanic Linguistics, 30, 1-31,
en collaboration avecG. Lazard, Hawaii.

77
Représentation et Structuration de l'espace en tahitien,
publié dans le Bulletin de la Société de. Linguistique de Paris, XCI,
1996,
Phonologie du tahitien, publié dans La Linguistique, Vol. 33,
1997,
Langues régionales en Polynésie française, Etudes françaises,
Bureau de coopération linguistique, Université de Wuhan, Chine,
1995,
Identité protestante, Actes du colloque international
"Evangile et Mission en Polynésie, 1797 - 1997", Pape'ete, 1997,
Identité culturelle en Polynésie française, Colloque Université
de la Polynésie française 1998,
Negation in Tahitian and some other Polynesian languages -
Article en collaboration avec G. LAZARD. Department of Linguistics
of Oslo, Norvège, 1999,
Le tahitien, langue régionale de France ? l'Harmattan,
Logiques sociales, Paris 1999,
La langue tahitienne, Encyclopédie des Sciences du Langage,
Dictionnaire des langues, Paris, 2001,
Brève histoire de l'enseignement du Tahitien en Polynésie
française (Bulletin de la Société des Etudes Océaniennes - BSEO).

Ouvrages et Références :

Légendes tahitiennes, 1985, textes bilingues, Collection


Fleuve etFlamme, Conseil International de la langue française
(CILF), Paris,
Pehepehe - Te hia'ai-ao - tome 1 (1985) - Tutava -tome 2
(1993),
Hymnes à mon île, 1995, Recueil de poèmes,
Lettre à Poutaveri, 1995, Roman historique, tome 1,
Grammaire descriptive du tahitien, 1997,
Des Langues et des Hommes, 2000.
Structure de la langue tahitienne, ouvrage en collaboration
avec G. Lazard, 2001.

Chronologie des événements politiques, sociaux et culturels


de Tahiti et des archipels de la Polynésie française, 2002, Au vent
des îles, Pape'ete, 220 p.

78
Quelques extraits tirés des ouvrages cités

Lettre à Poutaveri : p. 94

Une même mer, un même


«
ciel, un même vent, deux
navires rentraient chez eux. Des
hommes, d'un bout à l'autre du
grand océan, avaient conçu des bateaux, chacun à leur image, à
l'image de leurs besoins. L'un rustique et rapide, l'autre confortable
et lent.
J'étais confiante, la mer était immense,
infinie, je savais
qu'elle porterait, sans se plaindre et avec fierté, toutes les pirogues
et tous les navires que l'imagination des hommes
pouvait
concevoir.
Pour nous, la mer est sacrée, dans son infinie
sagesse, elle
acceptait, d'avance, toutes les différences... »

Une Pirogue nommée Ma'ohï

« Chevauchant crêtes et vagues de l'océan infini,


Au soleil couchant, elle apparut la pirogue Ma'ohi.
Peuplant les îles, les hommes venus du fond des âges
S'installèrent partout sur les plages, les côtes sauvages.
De la pirogue abandonnée,
Un peuple était né.

De cet exploit merveilleux, toujours nous garderons la


mémoire... »

Tutava Peheoehe : Poème : Pure

79
Pure

E te Atua ë,
I ha’aparare ai ‘oe i to mâtou reo
No te fa’autu’a ia i tô mâtou ‘à’au te’ote’o,
Vai-oti ‘ore noa (a)tu ra o Papera,
‘Aore râ te Mno, të vai ruperupe noa nei ia
I rotopü ia matou.

E te Atua ë,
Note piipuni i to na ha’amâ ë, ‘Auë !
! haere ‘ë ai to tâvini, Ua ho’i â matou i roto i te moana hâuriuri,

I mata ‘ë ai to tâvini Ua mo’e a’e nei ia o Pâpera i roto i te pouri.


I to na mau taea’e. E te Atua ë,
A fano atu ra o ia i te ‘are’are. Tâhiti’a mai na ‘oe i ta mâtou pure !
‘Eiaha ‘oe e fa’aru’e ia mâtou
E a tau a’e ra, I roto i te ‘ati, i roto i te ‘ino mau !
E
hiti a’e ra,
a Të vai râ â ia te mahana
Teie mai nei a ia të tâvini E tâtarahapa ai tô tâvini
I mua i to aro I mua i tô aro na.

No te ha’apoupou i tô na reo, A toro mai ia tô rima,


E no te fa’a’ite i tô te ao ë : A toro mai ia i tô rima iti !
« - Tô ‘u ana’e te reo e hi’i i te ora, »
« E hi’i ia i te maita’i. »

Inaha, e te Atua ë,
Ua ha’aparare ‘oe i tô mâtou
reo iti,
Ua ha’a’una’una ‘oe i tô mâtou ‘iri i

Mai te ‘una’una o te anuanua ë.


Të hina’aro nei ‘oe
la puhi-hau-hia tô i’oa
Nâ roto i te mau reo ato’a.

E te Atua ë,
Tâhiti’a mai na ‘oe i tâ mâtou pure !

Të ani ha’eha’a atu nei ia mâtou ia ‘oe,


E tô mâtou Fatu ë,
la ‘ümere-â mâtou i tô ‘oe i’oa
Nà roto i tô mâtou reo; te reo mâ’ohi ra.
la fa’aro’o-â ‘oe i tâ mâtou pure :

« - E tô mâtou Metua ra i te ao... »

Louise PELTZER.

80
AMARU Patrick Araia

Je m'appelle Amaru Patrick Araia, j'ai 45 ans, marié, trois


enfants et je suis instituteur à l'école primaire de Papenoo et
déjà... une question m'interpelle :
«
Pourquoi écrire en français maintenant ? »
« Et pourquoi pas ! »

Je suis entré dans ce monde de l'écrit...


presque par
hasard... comme on entre... dans un «
peho » à la recherche, ...

d'un je ne sais quoi... trébuchant sur les rochers


glissants, d'un
ailleurs, si éloigné et pourtant si familier, à mon ressenti... à mes
sens... la quête d'un moi-même...
douloureux...
« Te iho » un poème de Turo a Raapoto, tels ces « 'aute »
rouges tranchant le vert de la vallée de Hapaianoo, indiquant alors
aux anciens le passage... m'a entraîné dans cette aventure....
aventure qui dure... maintenant... depuis plus de 18 ans.

J'ai commencé... naturellement... par écrire des poèmes...


parce que... peut être... tout est poésie dans le parler des
gens,
même les plus simples.... peut être... parce
que... la langue elle-
même... celle des « tupuna », du « pufenua », du
placenta... celle
qui chante, qui m'entoure, que j'avais reniée... un temps..., est
chargée de ce sel... amer, qui donne toute sa saveur aux plats... et
peut-être sûrement, grâce au plaisir que me procurait la lecture...
difficile.... parfois des poèmes de Turo a Raapoto et Henri Hi'ro.

« Te iho, te iho
Tei hea te iho... Turo a Raapoto »
« la 'u i tifenefene noa
I te muriavai o te tau... Henri Hiro »

Ensuite, je me suis essayé, pour combler ce manque, ce


vide.... cette ignorance de moi-même... à plusieurs choses :
-

Ecrire certain
bonheur, des paroles de chants.
avec un
« A noho mai » interprété
Patrick Noble, a été élu meilleur
par
chant de l'année 1992, prix de la SPACEM.
-

Ecrire des chants traditionnels pour me baigner de leur


structure si particulière (himene tarava, ru'au, nota,
aparima...).

81
Rédiger, mettre en place, diriger des spectacles
-

culturels, où toute l'importance de l'écrit... de la force de mes


mots... de la beauté de la langue tahitienne... me sont apparues...
violentes et excitantes à la fois...
-

Gagner avec Valérie Gobrait le premier prix de poésie


Henri Hiro en mars 2000, à la Maison de la Culture, première

reconnaissance officielle.
-

Remporter toujours en nombre 2000 le Prix du


Président du meilleur roman en reo ma'ohi : « Te oho no te tau
'auhunera'a ».

Invité à Paris au Théâtre Molière Maison de la Poésie,


avec Madame Flora Devatine, pour déclamer quelques uns de
mes poèmes dans le cadre de la semaine de la langue française et
de la francophonie et de l'année européenne des langues en mars
2001.

Participer à une soirée particulière de vernissage-


-

dédicace, où la littérature, à travers mes textes... allait à la


rencontre de la peinture des artistes-peintres Eriki Marchand,
Mauarii Meuel, Fareea Hubert et Ueva Tane en avril 2002 à la
Maison de la Culture. Ce fut là, une expérience des plus
enrichissantes, une idée à creuser, du moins, à débattre dans un
prochain numéro.
En novembre 2001, sortie en reo tahiti de mon premier livre
« Te oho no te tau auhuneraa » en mille exemplaires.
Je remercie le Ministère de la Culture, Madame Louise
Peltzer et l'Association culturelle Hitimano lira.

Les projets, pour les années à venir, sont :


-

La publication de ce livre en tahitien-français, la


traduction étant achevée.

La versionce même livre.


anglaise de
-

premier recueil de poèmes en tahitien-


La sortie d'un
français adressé aux élèves de l'école élémentaire, avec le
CTRDP.
-

La sortie d'un second recueil de poèmes, le prix Henri


Hiro adressé celui-ci aux adultes.
-

La sortie du deuxième livre que j'ai terminé d'écrire.

82
Extraits :

La traduction du poème en tahitien «


-

I vai noa na vau »


contenu dans le second recueil de poèmes.

J'étais là

J'étais là
A votre arrivée.
J'étais là
A l'ouverture de ce livre sacré.
J'étais là
Aux sons tentateurs de la langue qui brise.
J'étais là
Aux coups de fusil
J'étais là
Lorsque mes croyances se sont brisées
J'étais là
Lorsque le balancier de mon clan s'est brisé
J'étais là
A l'ombre de cette croix
Jésus,
Tes mains ont-elle été transpercées
Pour me sacrifier ?
Tes côtes ont-elles été transpercées
Pour que je me renie ?
Es-tu arrivé
Pour m'effacer ?
Es-tu arrivé
Pour me flétrir ?
Moi, le fruit ramassé.

-
Traduction d'un passage du livre primé écrit en tahitien
« Te oho no te tau ahuneraa » extrait de « Te ao api ».

Le nouveau monde

Il était « marara » poissant volant,

A la poursuite de la lumière...
Et comme le « marara »,
« Marara » sera sa fin...
Grillé !

AMARU Araia Patrick

83
Hubert FAREEA

Je suis né le 14 janvier 1965 à Papeete et issu d'une famille


de six enfants. Ma mère, bien que née à Arue le 20 avril 1941, est
d'origine chinoise. Mon père, un solide « pa'umotu » de Tikehau,
m'a quitté trop tôt le 23 février 1983, emporté par le cyclone
Orama. Quel choc terrible pour moi qui venais tout juste de fêter
mes dix-huit ans. En juin de cette même
année, j'obtiens mon
baccalauréat série Fl (électro-mécanique). Le 17 janvier 1984,
j'entre dans l'Education en tant que suppléant puis en août 1987,
je suis admis après concours, élève instituteur. Je décroche mon
certificat d'aptitude pédagogique en 1988 et deviens titulaire en
août 1993. Je suis père de deux enfants et j'enseigne actuellement
à l'école de Puurai élémentaire en qualité d'instituteur adjoint...

C'estau cours d'un stage de Reo Ma'ohi à l'Ecole Normale

que je fis la connaissance de Patrick AMARU. Je découvrais, au


travers de ses admirables poèmes, la foisonnante et riche
mythologie polynésienne. Je pris également conscience que ses
écrits représentaient un moyen de retenir le temps car
traditionnellement les légendes polynésiennes se transmettaient
oralement et qu'elles menaçaient de disparaître.

L'écriture me passionnait un moment, mais je réveillais


surtout quelque chose qui sommeillait longtemps en moi : le
dessin. J'exerçais le regard du dessinateur, la recherche
permanente du détail, la satisfaction du travail bien fait sur tout ce
que je voyais ou imaginais depuis l'âge de six ans. Pour apprivoiser
cet art et sans passer par une quelconque école, j'achetais quand
les moyens me le permettaient, des magazines (Strange, X-Men,
Conan, etc...) où je trouvais tous mes super-héros favoris. Je
m'achetais des petits carnets où je réinventais à ma façon, les
aventures de Namor le prince des mers, Daredevil le justicier
aveugle, etc... John BUSCEMA et John ROMITA remportaient pour
moi la palme des meilleurs dessinateurs de BD. Ils avaient le
coup
de crayon idéal, ma référence en la matière. Aussi, j'essayais tant
bien que mal de les imiter.

Je me tournais vers la peinture tout naturellement. Mais très


tard cependant. J'attendais de travailler pour pouvoir m'acheter de
l'acrylique. (En voyant le coût que représente l'achat de tels
médiums (huile acrylique, aquarelle, etc...), je comprenais

84
pourquoi beaucoup d'artistes en herbe ne se faisaient toujours pas
connaître).
L'occasion fut quand même belle lorsque Patrick AMARU me
demanda de bien vouloir illustrer ses poèmes. Je
pris donc des
cours d'arts plastiques chez Léon
TAEREA, mais celui-ci me parlait
plus de sa passion de la chasse aux cochons sauvages, de la
sauvegarde du plateau de la PUNARUU que de l'apprentissage des
effets de l'acrylique sur toile. Expert dans le
figuratif, il constatait
son impuissance devant quelqu'un
qui symbolisait des légendes
polynésiennes.
Qu'à cela tienne. Autodidacte, je me lançais dans l'achat
ne
d'écrits ou d'oeuvres d'artistes ayant peint la Polynésie.
J'enrichissais ma culture
livresque en achetant desïeuira HENRY,
« Tahiti aux temps anciens », « A la recherche de la
Polynésie
d'autrefois » de William ELLIS, « Les explorateurs dans le
Pacifique » de John DUNMORE, « Les Polynésiens » de Peter
BELLWOOD, «Les mémoires de Marau TAAROA», «Tahiti
autrefois » de Bengt DANIELSSON, « Les peintres inspirés
par
Tahiti », etc...

Une première exposition de groupe au Fare Manihini en juin


1992 me permit de montrer au public sept toiles. Mon constat de
l'époque fut accablant. Je peignais du Bobby HOLCOMB et surtout,
le grand public ne s'intéressait qu'à l'aspect graphique des tableaux
et ne comprenait donc pas mes illustrations. Je commettais une
erreur pédagogique, je n'avais pas accompagné mes tableaux
par
des textes explicatifs. Je réussis quand même à vendre trois toiles.
(Je remercie encore les personnes qui ont eu confiance en moi à
cette époque.) Je continuais cependant à entretenir une amitié qui
s'affirmait au fil du temps avec Patrick AMARU. Je lui peignais
quelques tableaux. Et puis en 2000, il remportait le premier prix du
Président pour son livre « Te oho no te tau auhuneraa ». Il me
contactait pour l'illustration de sa première nouvelle « Te tapu no
Mehiti » en trois tableaux : « Te tapu no te uru », « Mehiti vaa ino
taparahi taata » et « Ua mate te arii vahiné ». Une nouvelle
aventure commençait. Cette fois-ci je fis la connaissance de trois
autres comparses : UEVA Tane, Eriki MARCHAND et Mauarii
MEUEL. Le concept était intéressant Patrick AMARU écrivait
.

quatre nouvelles dans son livre récompensé et faisait appel à


quatre artistes locaux pour illustrer son livre. (Les années ont
passé et Patrick AMARU a pris de l'assurance, il a gagné plusieurs
concours dans le domaine de la chanson (hymne territorial), de la

poésie, etc... J'en suis d'autant plus heureux qu'il reste toujours

85
mon ami de longue date). La première rencontre de tout ce monde
se passait finalement très bien. Je m'attendais à d'éventuelles
susceptibilités des uns ou de la mauvaise humeur des autres mais
il n'en fut rien. Aucontraire, chacun prenait conscience de l'enjeu
de l'événement. Outre le heiva, le tatouage, la danse et la chanson
polynésienne, il ressortait du groupe la volonté de montrer qu'en
Polynésie, des artistes locaux étaient aussi capables d'organiser
une manifestation dans le domaine pictural.
Cette association inédite me fut enrichissante. Outre cette
amitié naissante, outre la découverte d'autres techniques
picturales (fusain, pierre noire, aquarelle, pastel, etc...), je savais
maintenant que la Polynésie avait une « âme » parce que chacun à
sa façon, grand et surtout petit, parlait, chantait, dansait, écrivait,
peignait son fenua et sa culture.

86
Eriki MARCHAND

E aroa 'api teie no te parau papa’i ia 'apiti hia 'oia i te


hoho'a huri parau.

E a ratal anei te hooh'a peni i te ta'ata la tomo i roto i


te parau papal ?

'Ua fa'auru te parau papal i te ta'ata peni 'ia puta te


hoho'a fa'ati'a 'a'amu i ni'a i te 'api peni. 'Ua huri te parau
papal 'ei hoho'a arata'i mana'o.

'Ua mana'o te ta'ata mata'ita'i e, e 'ua riro te hoho'a


peni 'ei parau papal.

'Ua papal anei te hoho'a i te parau peni ?

E piri anei teie ?

ERIKI

'0 vau Eriki, fanau hia i te matahiti pae ahuru ma hitu ra i te


fenua rehu ,ura no
A pa'ari noa ai au i Papeete, 'ua tupu i roto i to'u ferurira'a te
hina'aro, ,aore ra, te hia'aira'a no te penira'a hoho'a. Te
ha'amana'o nei au i te piha ha'api'ira'a a Rui Juventin tane i muri

noa mai i te mau piha ravera'a a te mau muto'i matete i te poro


'aui o te 'aua fare 'oire ra no Pape'ete.
Pinepine au i te ti'a noa i te pae ,-uputa o te piha penira'a a
Rui tane, no te mata'ita'i i te feia papa'i hoho'a e rave rahi.. No to'u
mamahu, 'aita roa atu vau i tomo noa atu i roto i tera ra piha. E
mea huru mata'u ato'a ho'i no te ho'e tamari'i 'api mai ia'u nei te

huru ia hi'o atu i te hoho'a mata o teie 'orometua tupu rorea e te


mata tea mimi.

I te mau mahana toru ato'a, i te hora ho'e e te afa, e taime


tia'i maoro hia teie e au nei. E ne'e maru noa atu vau i te pae
'opani 'a ma'i noa mai ai tera ra hau'a ta'a'e o te peni hinu. No to'u
tamau noa ra'a i te mata'ita'i i teie naho rahi, 'ua tarape mai ra 'o
Rui tane ia'u e te na'o ra'a mai e :

,,-E 'aiu, haere mai na 'oe i 'o nei !"

87
A haere ri'ari'a noa ai au i piha'i iho iana, te na'o mai ra o Rui
tane ia'u :

„ -Mai ! 'A parahi mai ra 'oe i 'onei ! »


Mai reira mai to'u ha'amatara'a i te ha'api'ira'a i te 'ohipa
peni hoho'a na mûri iho ia Rui tane.
Mea iti roa matou te mau tamari'i 'api ma'ohi i na mûri ia
Rui, te rahira'a 'e mau vahiné popa'a ia.
'Ua ha'api'ihia matou i te peni i te mau tiare huru rau, i te
mau hoho'a fenua huru rau, te miti, te fa'a, te pae tahatai, te mau
tumu ra'au huru rau, e rave rahi atu a tumu parau. Te ha'amana’o
nei au i to’u 'ana'anatae 'ore i teie mau tumu parau, e mea hau a'e
ia'u te peni i ni'a i te tumu parau no te 'a'ai ma'ohi, mai te 'a'ai no
te tumu uru, te 'a'ai o Pai 'e te mou'a puta, te 'a'ai no Hina 'e te
ari'i Puhi 'o tei riro 'ei tumu ha'ari.

'Ua 'ite mata roa penira'a i te 'a'ai no te


ia vau ia Rui i te
tumu maiore. 'Aue to'u mauruuru rahi 'e te fa'ahiahia i te mata'ita'i
ra'a atu i tera ra hoho'a peni hinu. Mai te reira mahana mai to'u
fafaura'a ia'u iho e ia riro mau a vau 'ei ta'ata peni hoho'a 'ia pa'ari
ana'e au.

I teie mahana, e mahâ ahuru ma pae matahihti to'u, rave


rahi'ohipa tei tupu i roto i to'u orara'a, rave rahi ha'api'ira'a tei
tamau hia mai, 'ua i roa te 'ete i te 'oto 'e i te 'oa'oa ato'a ho'i.

E 'oa'oa rahi to'u i teie mahana, e ! 'oia, e 'oa'oa iti rahi to'u !
Ha ! 'Oia mau !

'A hi'o na ! I roto I teie fa'a'ite'itera'a i fa'anaho hia e matou


to'opae ato'a, e 'ere anei i te ho'e 'oro'a fa'atarara'a i to taua hiro'a
ma'ohi here ?
'Oia, tera ihoa !
'Ua ara mai o tamari'i ma'ohi mai roto mai i te ho'e moe roa
hohonu. 'Omua hia mai i te reo papa'i a Arai'a, hiti mai nei te
mana'o 'ia puta te hoho'a (tapiri) arata'i ’a'amu no taua papa'i a
Araia ra, ti'a mai nei o Fareea 'e '0 (Eriki) vau iho nei, ma te
fa'atoro ato'a i te rima huti ia Ueva 'e ia Mauarii iti. To'otahi atura
matou i te ha'ara'a no te fa'ahanahanara'a i to taua parau, te
parau no to taua reo 'e te parau no to taua ti'ara'a 'ei ta'ata ti'ama
i ni'a i tona iho hiro'a. E na i teie nei, 'ua papa'i hia te parau, 'ua
parau atura te hoho'a papa'i, 'ua naho'a a'era te naho'a oro'a, na
hoa rahi tei tapapa 'oa'oa mai i taua oro'a ra, hotaratara hia a'e nei

88
matou no taua 'ohipa ra tei tupu maita'i. Mauruuru atura te 'a'au
fa'atau aroha i te iho tupu.

'Ua oti ia oro'a ! Ua oti ia 'ohipa ? Topa atura ia to hau.


Ahani, oti ia parau ?
Aita ! 'A hi'o mai ra, teie to'u mana'o :

Te vainei te ho'e muhu rahi i roto i te parau o te ta'ere


ma'ohi. Hou te 'orurera'a a te papa'a i ni'a i te orara'a ti'ama o te
ma'ohi, e mea oraora te parau no te mau ihi huru rau i ha'apa'o hia
e te mau tahu'a rave rahi.
Ruperupe maita'i te ao ma'ohi i roto i
tona orara'a, 'ua to'otahi 'oia i tona fenua, i te tai, i te
reva, i te
tau, i te ra'i teitei.
'Ua pu'e te 'ite, 'ua he'euri te natura, 'ua tipi te mau i'a i roto
i te moana, 'ua tini te mau manu i te ra'i, mea ora te ta'ata ma'ohi.
'Aue te oto 'e te mau'a rahi te parau no to taua iho tumu. Tei hea
roa te vaira'a to 'oe parau ? 'Ua maro ma'e'e anei ta 'oe ta'ere i

ni'a i te fata rau no to ananahi ?

A ti'a ! 'A ara ! Ha'ape'epe'e mai ! 'A tu ! 'A tu i te parurura'a


i to taua hiro'a. 'A ti'a noa atu 'ua fa'ahuru'e hia te terera'a o to
taua va'a i ni'a i te moana no te tau. 'A ha'amana'o, e nuna'a tumu
nui te hua'ai a Ta'aroa, o tei i i te Aroha faito 'ore. 'Ua 'ite hia to 'oe
'a'au maru i te fari'ira'a atu i te mau nuna'a 'e'e i ni'a i te tua o to
'ai'a nei.

'Ua ti'a te tau i teie


nei, 'ia aroha atu 'oe ia 'oe iho, te mo'e
nei to 'oe reo,
te atea nei ta 'oe hua'ai i te hahira'a e i to tau hiro'a
ra, omiomio nei te he'euri ra'a o to natura ra.

E aha ta taua parau ? E aha to taua ananahi ? Mai te peu e


tei roto 'oia i te arata'ira'aaroha 'ore a vera ma, 'ua tae tatou i te
taime e ti'a ai tatou no te arata'ira'a i te parau no to tatou hiro'a
ma te mu 'ore, ma te 'ohipa 'e te ti'aturi mutu 'ore. E reo pi'i teie ia
taua 'ia ha'a no te maita'i o to taua parau. 'la 'ite hia taua i ni'a I te
a roa o te manuiara'a.

'la fa'aturahia to taua ti'ara'a ma'ohi, 'ia reo to taua reo, 'ia
tupa'eta'eta maita'i to taua ro'o hanahana. 'la ora roa atu a te iho
ma'ohi. Teie te tumu te ora nei au, 'ia tupu to'u ora hono hia i te
Aroha Atua no te natira'a i ta taua hua'ai i ni'a i te tumu nui o te
Ta'ere ma'ohi.
E. MARCHAND

89
Ueva Tane

Le 26 novembre I960, naît Ueva Frédéric à Papeete-Tahiti.


Son père, Kwong Raymond, affecté dans les îles à cette époque-là,
le reconnaît dès son retour.
Quatre ans plus tard, le petit Kwong Frédéric part pour
L'archipel des Marquises où il passe son enfance dans le village
d'Atuona à Hiva Oa. A l'école, il est surpris par la dextérité de ses
copains dans le dessin. Il en est fasciné et en même temps
complexé car c'est le seu I de l'école à ne pas savoir dessiner ! IL
"pique" les dessins de ses copains pour tenter de les reproduire, en
vain !..Jusqu'au jour où il parvient à reproduire exactement le profil
d'un héros de B.D...et c'est le déclic !
Dès lors, de retour à Tahiti, il ne cesse d'exceller au Collège
dans le domaine graphique.
Sa recherche perpétuelle dans la perfection des traits lui
attire le
respect de son entourage.
Plus tard, il réalise diverses illustrations pour un Guide
Jeunes, des cartes de vœux, des affiches et même une bande
dessinée, en 1987, intitulée Bonjour la Vie et axée sur les méfaits
de la toxicomanie. La réalisation de cette B.D fut un travail de
collaboration avec le Service de l'Education pour la Santé et destiné
aux élèves du primaire.

En 1991, lors de son mariage, sa mère Ueava Meretivini, lui offre le


nom de Ueva Tane. Depuis il signe toutes ses réalisations de son
,

nom de mariage.

Ueva Tane est un artiste autodidacte discret qui a tout de


même réalisé des tableaux qui ne sont pas passés inaperçus, tel
que l'œuvre qui orne les chéquiers et la carte magnétique de la
Banque Socredo ou l'affiche de Marathon de Moorea.
Ueva Tane se qualifie plutôt de dessinateur ou de designer,
mais depuis qu'il s'est essayé à la peinture (craie pastelle, acrylique
et aquarelle), il y a trouvé un moyen d'exprimer à sa manière la
culture polynésienne qu'il affectionne particulièrement, comme le
thème du "Too Hitu" (le Conseil des sept Sages) qu'il a interprété
d'une manière toute personnelle et très originale.
Le public a en effet été attiré par son style nouveau,
limpide, empreint de couleurs et de courbes apaisantes qui, dans un
ravissement indescriptible, invitent à l'évasion et à la méditation.
Précis dans son trait et onirique dans sa représentation de
faits culturels, Ueva Tane nous transporte dans une vibrante re-
découverte de la Culture Polynésienne.
Son vœu : raviver, par l'art graphique et des messages
profonds, l'éclat affaibli de la richesse culturelle polynésienne.

90
Ueva Tane ou la Culture Polynésienne à la pointe du pinceau !
C'est en 1995 qu'il se décide enfin à se dévoiler en partie :
1. Il participe à un concours d'expression picturale à
l'issue duquel il n'obtient que le deuxième
prix mais
n'en est pas moins enchanté en
devançant des
artistes chevronnés et des professeurs d'arts
plastiques.
2. Son style est remarqué par la Banque Socredo qui lui
commande un tableau qui, depuis, orne ses
chéquiers et ses cartes magnétiques. Ce sera sa
discrète consécration.
3. Avec quatre copains, il participe à une exposition à la
mairie de Papeete où il ne présente qu'un seul
tableau (en relief). Son tableau est remarqué par une
galeriste qui s'empresse de vendre.
4. Cette même année, il lance sa propre marque de tee-
shirt Tuki.

Dans les année qui suivirent, des logos, des affiches et même
des décors scéniques lui sont commandés :
• La commémoration du Centenaire de la loi 1901-
2001.
• Le Tahiti Nui Marathon International de Moorea 2001
• Le Tahiti Nui Roller Marathon.
• Le dixième Championnat du monde de vitesse de Vaa
2002 à Bora Bora.

En l'an 2000, Patrick Araia Amaru, écrivain poète, auteur du


livre Te Oho o te Tau 'Auhuneraa, qui a reçu le Prix du Président cette
année-là, fait appel à quatre artistes, Eriki Marchand, Huberd Fareea,
Mauarii Meuel et Ueva Tane, pour illustrer les quatre nouvelles que
contient son livre.
C'est le début d'une association hautement folklorique mais
d'un respect mutuel véritable.
Plus tard, c'est toujours sous l'impulsion de Patrick Araia Amaru que
les quatre artistes se retrouvent pour une exposition de tableaux des
plus originaux.

L'attirance de Ueva Tane pour le côté mystique de la culture


Polynésienne lui vaut la précision des messages qu'il tente de
dégager dans ses oeuvres.

91
Mauarîi MEUEL

Flora Devatine : Bonjour Mauarii ! Tu as illustré le conte « Te Ao

Api» de Patrick Amaru. Peux-tu m'expliquer quelle a été ta


démarche ?

Meuel Mauarii : Bonjour Flora !... Lors de notre première


rencontre, Patrick avait déjà plus ou moins en tête les scènes qu'il
voulait que je représente. Il m'en a proposé trois : la scène du
suicide, la scène de la lampe, et celle de l'évanouissement.

F.D. : Avant de poursuivre, pourrais-tu nous résumer en quelques


mots ces scènes ?

M.M. : Oui !
En réalité, j'en ai retenu deux, celles du suicide et
celle de la lampe.
Te « Ao Api » est l'histoire de Teruake, jeune des Tuamotu,
qui, attiré par les lumières de la ville, décide de quitter son île pour
venir tenter sa chance sur Papeete. Hélas, tous ses rêves de
réussite s'effondrent face à la dure réalité de la vie en ville.
Teruake fait
voler, violer, maltraiter et finit par sombrer dans
se

l'alcool. Un jour, alors qu'il boit avec ses copains, d'énervement, il


jette une bouteille de bière contre un mur. L'éclat qui se produit
alors le ramène des années en arrière, à l'époque où sa mère
surprise la nouvelle de
par son départ avait lâché une lampe à
pétrole qu'elle tenait dans ses mains. Ce bruit de verre brisé,
constat d'une vie gâchée, provoque chez lui une envie de suicide. Il
s'attache une corde autour du cou et s'élance pour se pendre
lorsque soudain apparaît en face de lui l'image de son père. Pris
d'effroi, Teruake s'évanouit.
La particularité de ces deux scènes est qu'elles sont proches
l'une de l'autre.
La difficulté pour moi a été de pouvoir faire ressortir
l'essentiel sans tout dévoiler au spectateur. Je ne voulais pas
raconter les choses mais plutôt les suggérer.

Ainsi, j'ai réalisé trois portraits : celui de Teruake, de


Tuanake le père et celui de Hitianau la mère, à la pierre noire en
rehaussant les lumières avec du blanc.

F.D. : A la pierre noire ?

92
M.M. : Oui, la pierre noire est un crayon d'esquisse à mine noire.

F.D. : Pourquoi avoir réalisé des portraits ?

M.M. : J'ai voulu représenter le face à face entre


Teruake et son
père. J'ai essayé de retranscrire les expressions dramatiques des
visages.
Pour
Teruake, un visage perdu, absent, prêt au suicide. Pour
Tuanake, un visage sévère, froid, revenant du monde des morts.
Pour Hitianau, un visage triste au
regard marqué par la
nouvelle du départ.
Ce troisième portrait illustre la scène de la lampe. D'une
certaine manière, il s'est imposé, il. fallait que je le réalise pour
garder une continuité, une cohérence avec les autres.

F.D. : Lorsque l'on regarde ces portraits, on s'aperçoit qu'ils ont


tous été réalisés en noir et blanc. Pourquoi n'as-tu pas choisi de
travailler avec de la couleur ?

M.M. Je trouve que le noir et blanc dans ses effets permet de


:

retranscrire une certaine authenticité. Il est


pour moi ce qu'il y a
de mieux pour retraduire les émotions, les sentiments des
personnages. Lorsque l'on prend un cliché en noir et blanc, on lit
mieux les contrastes d'ombre et de lumière, de formes. Avec la
couleur, tout a tendance à s'atténuer.

F.D. : Je remarque que tu as utilisé pour chacun des portraits des


verres différents. Pourquoi ?

M.M. Chaque verre a une fonction précise.


:

Pour
Teruake, j'ai utilisé un verre fumé de quatre millimètres
d'épaisseur de manière à assombrir le dessin d'origine. L'effet
produit plonge Teruake dans l'obscurité.

Pour Tuanake, j'ai utilisé un verre sablé de quatre millimètres


d'épaisseur. L'effet recherché est de ne laisser apparaître le visage
que lorsque l'on se met en face. L'opacité du verre fait disparaître
les traits du visage de Tuanake au fur et à mesure que l'on se
déplace.
J'ai voulu avec ce procédé créer l'illusion d'un esprit venu de
l'au-delà.

93
Pour Hitianau, j'ai utilisé un verre teinté de couleur jaune
incrusté de motifs rappelant le verre brisé. Ce verre fait référence
à la lampe à pétrole que Hitianau laissa échapper de ses mains.

F.D. : Effectivement. Maintenant, après t'avoir entendu, je


comprends mieux tes intentions, les rapports que tu as tissés entre
les images, les matériaux utilisés et le texte. Est-ce que tu penses
que le public peut comprendre toutes ces subtilités sans un
minimum d'explications ?

M.M. : Honnêtement, je crois tout d'abord qu'ii est nécessaire de


connaître l'histoire, car cette démarche de création découle du
texte. Ces portraits sont ceux des personnages qui vivent par le
texte.
On
peut se poser toutes les questions que tu viens de me
poser : pourquoi avoir réalisé des portraits, avoir utilisé des verres
différents Sans le texte, elles restent sans réponse. Les
...

explications sur la démarche viennent ensuite pour appuyer la


production.

F.D. : Bien ! Ecoute, je te remercie pour cet échange, de m'avoir


éclairée sur ce que tu as voulu faire passer dans tes tableaux et te
souhaite une bonne continuation.

M.M. : Merci !

94
Marie-Hélène VILLIERME
Photographe

Après six années passées entre la France et la Belgique, aux


beaux-arts, puis dans une école de photographie, je reviens à Tahiti
en 1990.
En 1992, je participe au livre de photographies en noir et
blanc "Tata'u, tatouage polynésien" qui apporte un témoignage
visuel d'une réalité culturelle et sociale : le tatouage touche toutes
les couches. Revendication culturelle, appartenance sociale ou
démonstration esthétique, des portraits d'hommes, de femmes
(des pionnières), de Polynésiens, de "Demis", d'Européens (des
pionniers), de danseurs, de "notables", d'un incarcéré même, se
côtoient sans hiérarchie, afin d'exposer le phénomène du renouveau
du tatouage polynésien au début des années 90.
À la suite de cela, j'envisage de constituer une galerie de
portraits représenteraient les "Visages de Polynésie",
qui
mémoires vivantes de quatre générations, et décrivant chacun
une part du caractère polynésien, reflets d'une identité
polynésienne
contemporaine. Au travers du regard ou de l'expression de vieilles
personnes notamment, ces photographies rendent compte d'une
époque qui voit mourir les anciens et avec eux une forme de société
traditionnelle.
L'ouvrage "Visages de Polynésie" est paru à la fin de l'année
1996, accompagné d'une exposition du même nom. Celle-ci a été
présentée plusieurs fois en Europe durant ces cinq dernières années,
et notamment au musée de l'Homme de Paris, au musée de Lille,
de Dunkerque, de Berlin, de Chartres. Elle a également été montrée
à Lorient, en Autriche, à Honolulu.
En mai 2002, de nouvelles photographies seront présentées
à Lille, dans le cadre des Transphotographiques, événement culturel
regroupant plusieurs noms de la photographie.
"Du religieux enîles polynésiennes", titre de cette exposition ouvre
un champ de travail, de réflexion initiée il y a plusieurs années déjà,
nécessitant du temps, inévitablement, et la sélection qui sera
présentée en France en constitue le premier essai.

95
"du religieux en îles polynésiennes"

Dépouillées pour la majorité d'entre elles, les photographies


de cette série (dont deux sont reproduites ici) communient entre
elles par la ferveur qui s’en dégage.
La ferveur, c'est sans doute ce qui unit les êtres entre eux, lorsqu'ils
chantent, prient ou se retrouvent.
Dans les "Visages de Polynésie", je photographiais l'individu.
Ici, il s'agit plutôt de photographier ce qui relie les hommes entre
eux. Aussi, ne s'agit-il plus de photographier seulement les individus,
mais les espaces qui les relient

97
"Du religieux en îles polynésiennes"

Réflexions sur un chantier photographique en cours...

Pourquoi "du religieux..."?


Parler de religieux, c'est prendre le parti de se placer du côté du
cœur de l'homme. Non des religions et des différences.
C'est de l'ordre de être relié (religare, relier,
l'intime, du "manifesté",
religieux), être relié aux autres, relié à soi, au divin et au sacré.
Un auteur a dit "toute religion est syncrétique."

L'expression du sentiment religieux chez l'être polynésien est


d'autant plus syncrétique que l'Histoire y est inscrite avec des
encres indélébiles.
Célébrations chrétiennes, prières, louanges, et cérémonies
traditionnelles, voire "reconstituées", sont autant de manifestations
qui entretiennent aujourd'hui la communauté, ou ce qui reste d'une
communauté îlienne délaissant ses valeurs partagées autrefois
dans le travail collectif, la famille élargie, le fa'amu, et une notion
communautaire de la propriété.
Communion, communauté. L'expression d'un "corps commu-
nautaire" semble pouvoir résonner au cœur "du religieux..." (dans
un champ plus vaste que celui seul des rassemblements religieux.)
Photographier alors ce qui relie les êtres.
La ferveur, c'est sans doute ce qui unit les êtres entre eux, lorsqu'ils
chantent, prient ou se retrouvent en communiant à l'Un.
Ce qui relie les êtres ou les sépare, c'est aussi l'espace.
Photographier alors l'espace, l'espace liant, l'espace distant.
Images dépouillées. Le corps communautaire n'est pas
photographié sous ses représentations anecdotiques. Alors, le
dépouillement ne raconte pas, il mène à l'essence. Il ouvre à des
espaces d'expression.

98
Ecrire avec la lumière

Je travaille depuis 1990 le portrait noir et blanc de personnalités


-
souvent anonymes - dans leur environnement social et culturel
généralement, bien que certains portraits se distinguent par leur
dépouillement. Tous témoignent d’une identité polynésienne
contemporaine, à divers profils, marquant sa complexité et sa
richesse expressive.
Le regard que je pose sur mes sujets, souligne tantôt les
frontières d'un archipel identitaire, tantôt en révèle la source
commune. Mes photographies aspirent à partager une vision de
l’intérieur... Toutefois, elles sont le miroir d’une distance variable
avec l’Autre : l’Autre que
l’on reconnaît (l’Autre-Autobiographique),
l’Autre que l’on intègre (l’Autre-Biographique), ou encore l’Autre
que l’on évoque, avec distance et respect, par honnêteté d’avouer
que l’on appartient à deux mondes différents.
Écrire avec la lumière... du
étymologique de la photographie.
sens

Tous les sujets sont prétextes à saisir la lumière. Le sujet est exposé
aux expressions de la lumière, de l’impalpable. Ses manifestations
modèlent le sujet, le font tendre à la beauté.
L’émulsion se sensibilise à la rencontre de la lumière et de la
pénombre, du silence et de la réalité assourdissante.
Les photographies de "Visages de Polynésie" constatent il est
vrai un environnement socio-culturel ; mais elles existent également

par le travail qui consiste à sculpter sujet et lumière pour atteindre


le point d’expressivité souhaité. Le sujet ne se suffit pas à lui seul,
il n’en serait qu’anecdotique.
Ce fut peut-être là la difficile tâche de sélectionner les
quelque cent images de l’ouvrage de "Visages": ne pas se laisser
aveugler par la "fascination" qu’exerce parfois en nous le sujet,
voire son "étrangeté" qui éveille notre instinct de facilité, de

superficialité ...certaines images peuvent aussi nous


comme
décontenancer par leur beauté simple à nous en faire douter, par
habitude de complication, de tergiversation. On peut alors être
condamné à rester en périphérie, et à nous éloigner du cœur du sujet,
qui pour moi porte ces noms : réalité, beauté, dualité, altérité,
unité.

99
Michou CHAZE

Je suis née à Tahiti le 30 Mars 1950. Eh oui ! Et comme on


disait alors : « Je suis de Tahiti ». Métissée de sangs polynésien,
viking et gaulois, j'ai été élevée dans la simplicité de la vie
polynésienne, au cœur de tout ce qui est la beauté de notre
peuple, mais aussi de ce qui allait faire son drame : la pêche, la
mer, le soleil, le silence, les rivières, les montagnes, la douceur, la
musique, l'exode paumotu vers Papeete, l'explosion de la famille et
de la société, la naissance des bidon-villes, l'installation militaire et
nucléaire, la conscience de la pauvreté, etc...
J'ai vécu toute ma jeunesse aux Etats-Unis où je pars quelque
temps après le Bac passé à Gauguin.
Je reviens à Tahiti en 1980 où petit à petit, entre naissances et
décès, je m'adapte, rêve, chante, danse, lutte, pleure, hais, aime
mon pays et mon peuple.
Michou CHAZE

Publications :

VAI, (aux éditions TUPUNA),


-

TORIRI, (à compte d'auteur).


-

Quelques nouvelles publiées. (TAHITI Pacific) :


*
OU VONT LES OISEAUX LORSQU'IL PLEUT ?
*
LA BALLADE DE HAMBO

100
Textes : OU VONT LES OISEAUX LORSQU'IL PLEUT ?

A mon ami René Shan

par Michou CHAZE

Près de la plage, il y a une maison.


Dans cette maison, il y a un homme.
On dit qu'il
va mourir.
Derrière la porte vitrée, l'homme est assis dans un fauteuil face
à la mer.

Il regarde dehors.
Le temps s'est arrêté et s'étale, inerte et blanc, dans le ciel et
sur la mer.

Muette, une libellule voltige.


Ses ailes devenues grises s'agitent, presque invisibles.
Sur le récif, sans bruit, les vagues s'affaissent.
Une silhouette se détache, incolore, debout sur le corail, les
jambes jointes, les bras contre le ventre. La tête se penche vers
les bras comme une vierge en prière, et les bras s'éloignent du
corps. Ils balaient le ciel, se jettent vers la vague, s'immobilisent
un instant, puis reviennent lentement vers le ventre.

Assis derrière la porte vitrée, l'homme regarde. Il voit les


moucherons de la veille au soir, collés contre le ciel blanc. Il voit
ceux du matin circuler sans but précis, sur ce cimetière à la
verticale. Parfois l'un d'eux sursaute et vole sur place comme pris
d'effroi. Puis il se pose et continue sa route, sans dessein, au
hasard des dépouilles qu'il semble éviter.
L'homme derrière la vitre regarde. Il entend une mouche voler.
Bzz... Bzz... Il entend les oiseaux parler... ceux qui parlent de la.
pluie...
Il entend un coq chanter... un autre lui répond dans le lointain.
Un oiseau traverse le ciel en jacassant. Un enfant chante des mots
: « Na roto te moana uri uri e »... Sa voix s'éteint dans le silence où

naissent les bruits.

Un vieux tousse et tousse : une grosse quinte de taho qu'il ne


contrôle plus. Il s'affole un peu malgré l'habitude quotidienne et
matinale, et ses yeux en pleurent. Il tousse, se racle la gorge et
crache. Il crache encore afin d'être délivré jusqu'à la prochaine
quinte.
Non loin de là, dans un fare caché par des aito, un homme rit
et sa femme crie. L'homme rit et on entend un match de football à
la télé : des mots collés les uns aux autres, sans point et sans

101
virgule, sans souffle et sans expiration, des mots et des mots. Une
porte claque. Le silence à nouveau se fait.
L'homme derrière la vitre entend les oiseaux chanter. Il
s'étonne des bruits
qui ne sont plus, ceux qui semblent
n'appartenir qu'aux heures délayées de la nuit et favorables à la
pensée. La voix métallique de l'océan juste avant l'aube.
Le jour s'est installé. Mort. Étouffant. Inerte. Sans un souffle.
Sans joie et' sans sourire. Le jour s'est installé parce que c'est
l'heure du jour.
L'homme derrière la porte vitrée regarde et oublie qu'il veut
vivre. Le jour s'éternisera et les vagues s'affaisseront sans bruit.
L'homme regardera les moucherons contre le ciel blanc au-dessus
des vagues, puis il fermera les yeux. Ne plus voir le jour se figer
dans une blancheur sans soleil. Ne plus voir qu'il a oublié de vivre.
Il ferme les yeux et fait le mort. Puis il fait semblant de ronfler. Ce
n'est pas facile de faire le mort. Ronfler, c'est vivre ! C'est çà :
ronfler ! Dormir ! C'est çà ! Pourquoi pas ? Dormir un instant !
Dormir toujours ! Dormir et ne pas voir qu'on dort. Le temps d'un
rêve. Un rêve d'amour. Un rêve, de femme. Dans le rêve, le vent
se lève et on respire l'haleine de la terre. Dans le rêve, une rivière

s'écoule en chantant jusqu'à la vague qui s'affaisse sur la plage, et


on boit l'eau de la montagne. Dans le rêve, le soleil colore de mille

reflets le sable, les fleurs et les oiseaux, les palmes des cocotiers et
la peau du bébé contre le sein de sa mère.

Près de la plage, il y a une maison.


Dans cette maison, il y a un homme.
On dit qu'il
va mourir.
Assis derrière la porte vitrée, il subit la monotone sensation
des jours sans rêve. Des journées qui s'enroulent comme des
cloportes sur les murs humides. Des journées où les consciences se
réfugient, telles des limaces, vers les coins les plus sombres,
effrayées par ces cieux qui envahissent le monde.
L'homme se regarde avec dégoût. Il voit sa peau grisonnante
comme celle d'un lézard, ses ongles longs endeuillés, sa chair qui

pendouille tristement sous le pareu. Il a mal à son corps.


Il a mal à son âme.
Je regardais pendant longtemps cette maison et l'homme
derrière la porte vitrée. Il avait l'air de dormir. J'avais envie de le
réveiller, de lui parler.
Je voudrais lui montrer le jour qui surgit dans une brise jaune,
éparpiller le pollen et noircit les ombres. Je voudrais qu'il le voie
allumer pour lui la musique des palmes, dessiner des poissons
dans l'eau de jade et le tracé des coquillages sur le sable. Avec un

102
'otu'u, j'ai pris mon envol. En vol plané, j'ai suivi la frégate. Avec
elle, je flottais librement dans le temps et dans l'espace. Avec elle,
je me laissais tomber lourdement vers le poisson insouciant. Je le
saisissais au bec. Avec elle, je disparaissais dans un autre monde.
-« Où vont les oiseaux
lorsqu'il pleut ? »
-
« Dans un autre monde. »

Tout en haut d'un cocotier, je me suis


posée. J'ai entendu la
cascade éclater de rire avant de s'écraser sur les rêveurs hébétés
de pureté.
-« Où vont les oiseaux lorsqu'il pleut ? »
-
« Dans un autre monde. »

L'homme se desséchait du désir de vivre. Son regard se


promena jusqu'à l'horizon bruissant d'écume, épais de blancheur et
léger comme un vol de frégates.
Tout autour de lui, il y avait les angoisses de son corps, les
angoisses de son âme. Grimaçantes, elles s'affolaient en éclats
devant tant d'azur. Une vie est faite d'avenir et de points
d'exclamation. Elles y dessinaient le sursis en points de
suspension. Des souffles de joie tièdes et humides comme une
main qui a peur. Des espoirs éphémères qui se fanent comme une
fleur dès la tombée du jour.
Il a mal à son corps.
Il a mal à son âme.
Des espoirs allumés au bout d'une chandelle qui tremblote
dans le to'erau, où les cris restent sans échos et les prières
semblent sans réponse.
-« Où vont les oiseaux lorsqu'il pleut ? »
-

« Dans un autre monde. »

Un oiseau est venu.

L'homme assis derrière la vitre l'a regardé : dans son bec il


tenait une réponse.
Deses ailes il a chassé le doute, renvoyé dans le monde du pô

les angoisses et lissé le front de l'homme qui va mourir, assis


derrière la porte vitrée.

Les yeux de l'homme se sont mouillés de larmes. Des larmes


douces, des larmes chaudes, des larmes d'homme.
La pluie dans les yeux.
-« Où vont les oiseaux
lorsqu'il pleut ? »
-
« Dans un autre monde. »

Michou CHAZE

103
LA BALLADE DE HAMBO

pour ceux qui sont à la prison de Nuutania

par Michou CHAZE

Avant l'aube, le bruit, monstre sournois, insolent et sans


pudeur, envahit le monde du bidonville. Dans un torrent de
voitures, les habitants des montagnes et des districts descendent
vers Papeete, étouffant les chants des coqs, et mêlant leurs
fumées aux parfums de la nuit.

De ses pas destructeurs, le monstre efface les prières qui


s'élèvent. Les sourires ont disparu des visages fatigués par les
nuits sans répit. Et l'aisselle humide, on s'éveille, les lèvres
affaissées, le regard impassible, la gorge nouée de râles. Une lueur
de plaisir s'installe tout au fond du palais : celle du café au lait !
Sur le feu, on pose la bouilloire.' Pendant que l'eau chauffe, la
poussière tourbillonne sous les coups de balai ni'au.

On chevauche les corps allongés par terre sur les pe'ue dans le
salon, tels des momies enroulées de la tête aux pieds dans le
tifaifai. Les uns contre les autres, ils sont allongés devant la porte
grande ouverte au hupe de la nuit. Et l'on ignore les lits surchargés
de coussins colorés, dans les chambres propres aux murs de
parpaings chauffés de soleil.
L'un contre l'autre, on s'imprègne de chaleur humaine, et
l'enfant apprend l'odeur de sa mère près de son père.
Le vent, un instant, s'est levé. Dans un souffle de miri, il a
couché la flamme de la lampe à pétrole qui s'est éteinte. "Les
tupapau vont venir'' se dit l'enfant apeuré. Les yeux grands ouverts
dans la nuit, il observe pendant longtemps les silhouettes, ombres
silencieuses des adultes.
On chevauche les corps, et de part et d'autre s'éveillent les
voix, les radios, les coups de balai, les bruits de casseroles et de
l'eau qui coule, les parfums de café et les odeurs de voitures qui
s'échauffent, les tas de feu qui s'embrasent et les râteaux qui
raclent le sol.
Les chiens aboient et les enfants crient.
On chevauche les corps, et du magasin on ramène le pain
chaud. Assis autour de la table, on partage le pain que l'on trempe
beurré dans le café chaud.
Le père roule son tabac, puis sort de la maison et crache.

104
"C'est ici queje suis né !" dit Hambo.
Il pleuvait cejour là sur le bidonville. Une pluie chaude sous un
ciel ensoleillé. En remplissant les trous du chemin, elle ressemblait
à une rivière d'argent. Une mère et son enfant la remontaient sous
un parapluie noir.
Peu à peu le bidonville prend des allures de
négatif. La pluie
s'abat sur les tôles. Dans la maison rose et bleue, tous les yeux
sont rivés sur les cuisses de la femme. La sueur dégouline dans les

cheveux, sur les fronts et sous les bras, comme la pluie dans le
caniveau.
La femme est allongée sur un pareu posé par terre, sur le
linoléum. Les yeux vitreux, elle regarde la pluie venir jusqu'à ses
pieds par la porte de boid cassé.
Sous la pluie qui tombe sur le toit de tôles, tous les bruits
s'effacent : les cris, la télé, la radio, les gémissements. Seuls
demeurent la crainte, l'angoisse et les regards...

...Les regards posés sur le ventre de la femme. Entre ses


cuisses dégouline un sang encore rose. Le souffle haletant et muet,
elle ferme les yeux lorsque la délivrance déforme son ventre gonflé
de vie.
Sur ie feu, une marmite d'eau bout et rebout. Marna Puarai
s'affaire : elle prépare des
morceaux de tissu, du fil qui servira à
nouer le cordon ombilical et une’paire de ciseaux. Elle prend un
citron pour les yeux. La bassine pour baigner l'enfant qui va naître
est prête.
Personne n'entend le cri de l'enfant lorsqu'il sort du ventre de
sa mère, Personne ! En noir et blanc il est né, la bouche ouverte,
les poumons gonflés et les mots déjà piégés... La femme tourne les
yeux vers la pluie qui tombe.
On voudrait poser l'enfant, rien qu'un instant, sur son ventre,
avant de couper le lien qui les unit encore... mais le cordon
ombilical est trop court.
La femme tourne les yeux vers la pluie qui tombe.
Très vite on une eau presque brûlante. On
lave l'enfant dans
protège son ventre du froid avec les bandes de tissu. Enveloppé
dans des langes, on le met dans les bras de celle qui l'élèvera.
Dans la pluie battante, sous un parapluie noir, la femme s'en va,
l'enfant contre elle.

"C'est ainsi que je suis né !" dit Hambo.


"C'est ainsi que je suis né ! Dans une baraque aux tôles grises
et le vent hurlait, criant au monde le rejeté, le laissé-pour-compte,

105
le délinquant, le drogué, l'alcoolique, le batteur de femme, le
batteur d'enfant, le prisonnier..."
Il est né l'enfant de la colère, celui qui un jour s'assoira sur un
pont, à toute heure du jour, matin, midi, à la tombée du soir, la
tombée du noir... Il regardera la nuit noire et les lumières des
voitures qui passent, la tête entre ses mains, la tête vide, la tête
pleine de mots, des mots qui l'empêchent de rêver, qui
l'empêchent de parler, qui l'empêchent de pleurer.
"Peur ! Ils auront tous peur de moi ! Et le vent qui caressait les
plages, claquera les portes à clef ! bang ! à double tour ! bang !"
"Fessez-le !" ont-ils dit. "Fessez-le ! Il faut qu'il crie ! Il faut
qu'il hurle ! C'est ainsi qu'on vient au monde !"
Il est né dans une baraque aux tôles grises. Et le vent criait au
monde délaissé, le rejeté, le voyou, le voleur, le violeur,
le
l'indépendantiste, le tôlard, le prisonnier, le hambo...
Il est né l'enfant de la colère, qui s'assiéra sur un pont, vivant,
tremblotant, ridicule de poésie... Il regardera, hébété, le silence
pouffer de dérision.
"Ils me semblaient tous si sûrs d'eux derrière les vitres propres
de leur voiture, la séparation d'un bureau, l'impact d'un
uniforme..."

Il est mal barré ! : "Cas social !"


Ils donnaient l'impression de tout savoir, de tout connaître !
Comme s'ils percevaient jusqu'au mystère de la vie... jusqu'à mon
mystère. Ils me faisaient peur !"
"Taré !"
"Insolvable !"
Tous... ils répétaient tous, inlassablement, la même et sinistre
litanie :

"Il finira mal celui-là !"


"Un bon à rien qui se met toujours dans de sales histoires !"

106
Une sale histoire !... Je suis dans la vie comme dans une sale
histoire. Victime et coupable. Les deux en même temps.
J'ai contemplé les heures. Les oiseaux passaient dans le
ciel, et
j'étais là... là où pourriture rime avec vie. Là où les vies sont
garées comme dans un garage. Et l'on vit comme ces oiseaux qui
ont gardé la mémoire du ciel, et qui se heurtent mille fois
par jour
aux barreaux de leur cage.

Je ne savais pas quoi répondre à leurs questions qui


n'attendaient pas de réponse. Au mieux serais-je à moitié excusé !
La tare est là, définitive à leurs regards : déficience mentale ;
déclaré inepte à poursuivre ; a.été dirigé vers le Certificat d'études
; puis orienté vers la prison pour viol.
Je ne suis pas coupable.
Je me suis échappé de prison. C'est ma nuit de ballade... ma
dernière nuit de ballade. Demain, les miens me donneront à la
police, après avoir lâché les chiens contre moi.
Nous sommes assis tous les deux au bord de l'eau. Nous
contemplons dans le ciel les étoiles qui donnent à la rivière ses
reflets d'argent. Mon coeur s'est rempli de tes prières.

Le vent s'est levé et la lune inonde le monde de lumière.


Implore Le Créateur pour moi ! Implore ! Mon souffle contre
ton souffle, j'apprends à aimer ! Implore-le jusqu'à ce que,
ensemble, nous marchions sous Son souffle.
Implore la bonté de Dieu ! A quoi bon implorer la pitié d'un
monde sans clémence ! Demain, les menottes aux poignets, je
glisserai entre la boue et un ciel encore rose. Je fermerai les
paupières sur les regards d'une bête qu'on a traquée.
La vie est aux vainqueurs et je serai le vaincu.

Je me souviendrai de toi, et quelques instants encore, mon


cœur sera doux de tes prières ;
mon souffle contre ton souffle...

Michou CHAZE

107
Chantal T. Spitz - 1954 - Enfance naviguée entre Paofai Paea et
Mataiea ondoyée entre un cadre parental occidental riche d'Ailleurs
et une famille maternelle généreuse peine d'ici où le temps prenait
le temps de la vie s'accordant aux êtres quand la rencontre
communiée et la parole partagée fondaient notre monde.
Adolescence commotionnée par une modernité aveugle aveuglante
cinglée par le souffle nucléaire, étranges odeurs étranges valeurs
étranges bonheurs étranges douleurs.

La lecture-écriture comme permanence dans les dérives d'enfance


dans les déliresd'adolescence, compagne attentive attentionnée des
hurlements muets quand la parole parlée déclamée scandée chantée
se dérobe. L'écriture épouillage des
complexes parasites agglutinés
en mon âme par l'école coloniale la
religion culpabilisante les médias
réducteurs la littérature raciste la société névrosante. L'écriture aide
silencieuse du cheminement de ma réflexion quand les mots écrits
repensés corrigés précisés complétés permettent d'en tracer le
chaos pour épurer la pensée apurer les comptes et naître enfin à
mon humanité. Ecriture intime confidentielle acte de suprême
égoïsme quand le besoin s'assouvit dans l'acte lui-même et ne
nécessite aucun complément quand écrire se suffit se rassasie
s'achève. Ecriture aux multiples sources dont l'affligeante nullité
m'est apparue au fil d'échanges, écriture sans lecture sans
partage
sans écho, écriture inaudible invisible inconnue
puisque écriture sans
publication.

Et laquestion jusqu'alors consciencieusement éludée par manque de


courage lancine soudain ma pensée, Pourquoi écrire sans publier.
Réflexion grandie des intarissables flots de nos enthousiasmes
nourrie des insondables remous de mes désordres qui m'impose une
errance au bout de la lucidité et me contraint A l'essentiel.

Ainsi, après avoir tant disserté sur tous les pourquoi les comment de
mon écriture, ne subsiste au fond de mon être
qu'une évidence et
tous les essais d'acculer l'acte d'écrire dans des
explications
rationnelles raisonnées d'étioler l'acte d'écrire dans des normes
conventionnelles conventionnées me sont désormais vanité. Ecrire
ne s'origine dans aucune aurore ne s'enfante d'aucune décision

prévue préméditée. Je n'ai pas choisi d'écrire. Ecrire est une force
naturelle un instinct biologique. Ecrire est une fatalité une...

calamité. Demander pourquoi j'écris est comme demander pourquoi


un oiseau vole pourquoi un poisson nage pourquoi un homme
respire. Ce sont des actes indissociables de l'espèce comme je le
suis de mon écriture.
Cette fatalité absolue primant sur tout autre sens a occulté maintes
réalités dont la publication acte déterminé délibéré nt.

108
persévérance qui font défaut. Le cercle composé par la chaleur
me
et la rigueur deFlora tressaille ma léthargie anime mes
inconsistances et démêle émotions aspirations motivations. Ma
pensée dilate dorénavant l'évidence l'urgence la pertinence de
publier. Publier systématiquement les écrits qui hantent cahiers
carnets registres et saturent tiroirs étagères caisses. Publier posé
comme acte d'existence d'écrivant-pensant parce que d'un
peuple
vivant dans un pays où la plupart des sources écrites-publiées sont
aliénantes, issues de l'écriture-publication d'impérialismes
étrangers occidentaux. Publier pour prendre-dire parole d'une
histoire dérobée déformée défigurée par tous les autres d'hier et
d'aujourd'hui s'installant pensants disants de nous pour nous.
Publier pour mettre le doigt sur les plaies les purulences et ronger
avec le suprême outil la suffisance des mystificateurs qui nous
affirment que notre peuple est toujours enfant notre pays toujours
paradis notre ciel toujours bleu notre océan toujours vierge.
Publier pour revendiquer une originalité mutisée par ceux-là
arrogants nous croupissant dans leurs certitudes pour exiger une
intégrité récusée par ceux-là pontifiants nous racornissant sous
leurs vérités. Publier pour discorder le concert des idées balisées
des sentiments convenus des causes entendues et signifier notre
inaliénable droit de refuser les injustices les abus de pouvoir les
normalisations. Publier pour témoigner de notre différence et en
témoignant la garantir comme richesse pour l'humanité ouverture
à l'autre rencontre avec l'autre, comme manifeste contre les
intolérances les uniformisations les exclusions les racismes.

Publier sans attente de reconnaissance sans ambition sociale sans

appétence financière sérieusement sereinement sagement pour


que nos écrits publiés deviennent lueurs dans les mémoires
d'aujourd'hui de demain. Publier sans verbiage sans rabattage
sans tapage, l'originalité de notre pensée chatoyant notre écriture

l'intégrité de notre écriture légitimant nos publications la qualité de


nos publications déployant notre créativité. Publier pour éteindre
les restrictions des "la littérature polynésienne existe-t-elle"
autrement dit "les Polynésiens sont-ils capables d'écrire" pour taire
les "peut-on écrire dans une société de tradition orale" autrement
dit "les Polynésiens sont-ils assez civilisés pour accéder à la
culture de l'écrit". Publier pour sortir notre écriture de la
clandestinité où les irrespects occidentaux l'ont cloîtrée et
l'assumer pleinement publiquement avec dignité.
Publier pour enfin être acteurs-auteurs de notre histoire car
l'histoire n'est pas seulement affaire d'historien. L'écrivant y a
aussi ses mots à graver.

Tarafarero Motu Maeva février, 2002


109
Identité comment...

Identité recherche identitaire revendication identitaire identité


culturelle autant de mots pour différer distraire l'anxiété, diffuse
incapacité à se définir se déterminer s'authentifier se légitimer.
Chacun dans un souci d'existence de consistance de reconnaissance
tente une définition créant des polynésien de souche
ainsi
polynésien de cœur polynésien
d'adoption polynésien d'origine
chinoise ou asiatique demi demi-chinois français maohi ...

Drôle de pays où l'on se définit sans porter le nom du pays qui nous
porte. Drôle de pays où l'on s'origine dans un pays étranger. Drôle
de pays où l'on ne parle pas la langue du pays. Drôle de pays où l'on
folklorise son peuple. Drôle de pays où l'on exotise sa culture. Drôle
de pays, ce pays, le nôtre qui n'est même pas un pays.

On se ditPolynésien, donc habitant "de la Polynésie, partie de


l'Océanie qui est constituée par de très nombreuses îles (d'où son
nom) et qui est située à l'est de la Mélanésie, de la Micronésie et de
l'Australie" Bordas. Sont ainsi Polynésiens tous les habitants de
toutes les îles de la vaste Polynésie que nous nommons
communément triangle polynésien. Pourtant nous n'hésitons pas à
nous approprier une identité collective générique pour la transcrire

en identité individuelle spécifique. Que la puissance coloniale


française soucieuse de politiquement et humanistement correction
ait, après un rapide toilettage externe, transformé l’ancienne colonie
des établissements français de l'océanie en territoire de l'outre-mer
français nouvellement nommé Polynésie française, nous donne-t-il le
droit de nous adjuger l'identité jusqu'alors indivise? Si Polynésie
française nous sied, nous devrions nous préciser polynésiens
français ou polynésiens de Polynésie française, car en nous
spécifiant polynésiens seuls nous congédions un héritage ethnique
culturel langagier millénaire commun au peuple polynésien dans son
entier, souscrivant ainsi à la vaste supercherie d'un état colonial
nous démarquant du peuple originel en nous marquant français. En

nous affirmant nous-mêmes aujourd'hui haut et fort polynésiens


sous-entendant français, nous nous dissocions à notre tour de nos
frères en nous associant à l'antique combat contre la perfide Albion
modernisé en lutte pour la francophonie contre l'anglophonie.

Ô ces indépendantistes purs et durs se titrant polynésiens, ce faisant


épousant et défendant la cause de l'état colonisateur ...

110
On se dit
maohi, mot utilisé dans plusieurs îles du triangle
polynésien qualifier tant les êtres humains que les animaux et
pour
les plantes. A défaut d'une définition en langue tahitienne de ce
terme, intéressons-nous à la traduction qu'en fait l'Académie
tahitienne." Maohi, adj. 1°) ordinaire, indigène, qui n'est pas
étranger." Le dictionnaire de la langue française Bordas indique:
indigène, adjectif : qui est né dans le pays même, qui est
originaire du pays où il vit. NB : Ce mot ne s'emploie guère qu'en
parlant des habitants des pays lointains et primitifs, et il a souvent
une valeur un peu méprisante; c'est pourquoi on évite de
l'employer lorsqu'on parle d'une population indigène." "-indigène,
nom masculin ou féminin : personne qui habite le pays où elle est
née et où ses ancêtres sont nés et ont vécu, quand ce pays est un
pays lointain et primitif. NB : Ce mot s'employait notamment pour
désigner les habitants d'origine non européenne des territoires
coloniaux ou semi-coloniaux; il est considéré de nos jours comme
péjoratif et on évite son emploi."

Pourquoi avoir choisi de traduire maohi par indigène aux


connotations méprisante et péjorative quand existe autochtone
libre de tout arrière-pensée. Pour insister sur la désignation
réservée aux "habitants d'origine non européenne des territoires

coloniaux" l'identification du maohi étant alors très simple. Pour


avérer le mépris et le racisme de la patrie des droits de l'Homme
et nous en affranchir en la révélant. Par inadvertance, nous
considérant désormais nous-mêmes par le regard de l'Autre ...
"Maohi, adj. 2°) qui est originaire de la Polynésie française. Te reo
maohi : la langue parlée par les Polynésiens, le tahitien - n.c.
Polynésien (indigène de la Polynésie française)."

Voici définitivement scellé le destin de tous les indigènes de la


Polynésie française à qui l'on impose officiellement à travers cette
traduction une langue qui n'est pas forcément la leur qu'ils ne
parlent pas forcément qu'ils ne veulent pas forcément parler dans
laquelle ils ne se reconnaissent pas forcément. Si le tahitien est
certes parlé par les Nia et les Raro Matai -ne pinaillons pas sur les
variantes- elle n'est certainement pas celle des autres archipels
même si elle est devenue au fil du temps la langue qui relie les
habitants de Polynésie française. Dangereuse réduction, navrante
reproduction d'une situation sur laquelle nous avons copieusement
vomi quand la France a voulu homogénéiser les esprits et les
pensées en soumettant tous ses indigènes coloniaux à la langue
française.

111
Ainsi après la mainmise main-basse sur une identité commune
indivise, voici Tahiti colonisant "ses îles" Tuamotu Maareva Tuhaa
pae Henua Enana par la domination de la langue tahitienne.
Nouveau pouvoir auto-colonial qui singe l'organisation centralisatrice
parisienne et nie à chaque archipel le droit élémentaire à s'auto
déterminer tout en menaçant réclamant de l'état français ce droit
pour lui-même.

Ô tentation totalitaire dans une société bornée par la pensée unique

On se dit
demi, "fraction qui vaut la moitié de l’unité" ou "la moitié
d'un tout" Bordas qui indique entre autres "demi-dieu demi-gros
demi-groupe demi- mesure demi-monde demi-place demi-produit
demi-queue demi-sang demi-teinte". Demi. Mot-hymne à la gloire
du colon ancêtre blanc fondant jadis une caste supérieure aux
pouvoirs tentaculaires terrien social économique politique. Mot-
armoiries pour s'extirper de la fange populacière revendiquer son
blanchissement son occidentalisation et affirmer son accession à

l'humanité. Mot-cri de ralliement transgénérationnel de tous ceux


qui se pensent différents plus blancs plus instruits plus éduqués plus
riches plus puissants plus importants plus intelligents. Mot-drapeau
pour perpétuer un indicible non-sens, nouvelle identité pour de
nouveaux maîtres désireux de s'originer dans un pays en refusant

de s'ancrer dans son peuple dans sa langue.

Quelle identité possible quand on dit "ma moitié blanche méprise ma


moitié noire réconcilier mes deux moitiés". Quelle identité
...

possible quand on se fractionne délibérément pensant ainsi


s'augmenter. Quelle identité possible quand on se réclame de sa
moitié blanche avec le physique de sa moitié noire. Quelle identité
possible quand le colonial mépris de l'indigène s'est mué en dédain
néo-auto-colonial du "petit tahitien" et du "kaina".

Ainsi à défaut de pouvoir vouloir s'identifier français et se déniant


tahitien définit demi, vocable indéfini incomplet
on se inachevé sans
substance existence matérielle géographique.

Ô dérive des sentiments sur l'océan des ambiguïtés identitaires,


maraudage des esprits dans le chaos des confusions intimes ...

Depuis toujours nous nous originons dans la terre familiale dans le


village dans 111e. Aima terre natale dans laquelle nous nous
plantons. Aujourd'hui la nouvelle autorité politique tente de nous
imposer l'étrange conscience d'appartenir à un vaste ensemble
océanique alors que nous avons encore un peu de mal à nous
reconnaître d'un archipel. Je suis de Tahiti de Rapa de Fangatau de

112
Fatu-Hiva de Rikitea. Je ne puis être de partout et de nulle part. Il
nous faut désormais improviser une identité insolite déclinée sur
des modes occidentaux, patrie état nation, concepts extérieurs
pour lesquels nous n'avons pas de mot pas d'image. Il nous faut
nous concevoir dans une nébuleuse
logique nous équilibrer dans
une laborieuse instabilité nous construire dans une hasardeuse

énigme. Il nous faut nous nommer Polynésien identité usurpée


pour nous amputer de la Polynésie anglophone, Maohi identité
distinctive arbitrairement généralisée pour nous engager dans un
assemblage géographique à défaut d'être historique.

Comment se nommer dans un pays qui n'en est


pas un, territoire
multigame composé par une puissance coloniale venue du bout du
monde, mariage contre cohérence d'entités humaines distinctes les
unes des autres malgré leur communauté
originelle. Comment se
qualifier dans un pays qui n'en est pas un, territoire autonome
occupé se prenant pour un pays, Tahitinui hégémonique née de
Dieu, pirogue flottant dans les grimaces d'un drapeau convoyant
son omnipuissance dans les paroles de son hymne
voguant son
omnipotence sur les ondes télévisées de son satellite.

Drôle de pays où l'on se définit sans porter le nom du pays qui


nous porte. Drôle de pays où l'on s'origine dans un pays étranger.
Drôle de pays où l'on ne parle pas la langue du pays. Drôle de
pays où l'on folklorise son peuple. Drôle de pays où l'on exotise sa
culture. Drôle de pays, ce pays, le nôtre, qui n'est même pas un
pays.

Identité comment...

113
Rarahu iti e autre moi-même...

Définitivement je n'aime pas « le mariage de Loti » lu par tous ceux


qui veulent nous connaître avant de débarquer dans notre pays,
grâce auquel se perpétuent des siècles d'infâme hypocrisie grâce
auquel tous peuvent faire l'économie de nous voir.

Rarahu iti e autre moi-même ... Je ne veux pas être un mythe je


veuxjuste être un être humain à l'égal de tous les autres êtres
humains, ceux de la Déclaration de l'Homme et du Citoyen. Mais
comment quand depuis tout ce temps on m'a décrite dite parlée
imagée chantée fantasmée, Rarahu éternelle immuable à jamais
telle que dans l'imaginaire occidental européen français. Rarahu qui
me colle à la peau comme ces étiquettes qu'on a beau mouiller

frotter gratter écorcher qui restent pour toujours gluées à certains


flacons. Indélébiles. Rarahu tatouée à mon âme à mon identité à
mon humanité à ma différence, tu me précèdes comme ton roman

fige les gens de notre peuple de notre pays dans leur paresse leur
laideur leur incomplétude leur chosité. Rarahu iti e autre moi-même
...héroïne d'une banale histoire de marin, vulgaire fille à marins,
grâce à ton Loti nous ne sommes que différents sans possibilité
d'accéder à la civilisation à l'humanité, à jamais affligés affublés
affabulés d'un exotique mythe qui résiste à toutes les modernités -
Internet n'y pourra rien non plus- et qui ne veut voir en nous que
d'étranges étrangers dépaysants.

Non. Décidément je n'aime pas « le mariage de Loti », best-seller


fondateur du mythe, roman exotique par excellence, alibi de tous les
fantasmes toutes les hypocrisies intellectuelles tous les
paternalismes tous les racismes, qui excuse toutes les exactions
tous les mépris toutes les vexations tous les cynismes. Non.
Décidément je n'aime pas ce mythe qui n'en finit pas de ne pas
mourir puisqu'il arrange dédouane convient. Non. Décidément je
n'aime pas ce mythe.

Et je l'aime encore moins depuis que nous nous le sommes


appropriés et que nous nous efforçons consciencieusement de lui
correspondre.

Rarahu iti e autre moi-même ... Si tu n'avais pas existé j'aurais pu


être.

Tarafarero Motu Maeva, Janvier 2000

114
Je suis comme ces vieux bateaux
***

Je suis comme ces vieux bateaux


Eclatés sur le sable
Battus par les rouleaux
Inutiles...abandonnés

Je suis comme ces vieux bateaux


Crées d'amour et d'espoirs
Pour un glorieux avenir
Naufragés une nuit trop noire.

Je suis comme ces vieux bateaux


Usés d'avoir trop donné
Las d'avoir
trop navigué
Et qui patiemment se meurent.

Je suis comme ces vieux bateaux


Miroir dudésespoir
Qu'il faut éviter de voir
Pitoyable âgonie.

J'ai aimé trop fort


J'ai aimé trop loin
Insensible auxtempêtes de la vie
Qui pourtant m'ont brisée.

Je suis comme ces vieux bateaux


Eclatés sur le sable
Battus par les rouleaux
Inutiles...abandonnés...

Chantal T. SPITZ

115
Danièle-Taoahere HELME

Danièle-Taoahere HELME, née le 28 décembre 1951 à Toulon


(Var), fille de Alfred HELME et de Denise JUVENTIN, confiée aux
grands-parents maternels, Elie et Marguerite HOLOZET à l'âge de
un an.

Divorcée de TOROMONA Cyrille, de cette union sont nés quatre


enfants Hina, Hiro, Tania, Maruia. Remariée à Stanley BATHGATE
originaire de Nouvelle-Zélande en juillet 1997.

Retraitée de l'Office des Postes et Télécommunications avec une


nouvelle orientation en tant que relation d'Aide, Animatrice-
Conférencière.

L'écriture m'a permis de libérer tout ce qui était enfoui et de


l'exprimer pour cicatriser une blessure d'identité. Situation de
« l'enfant confié » ou « fa'aa'mu » dans le langage polynésien,

pas complètement dans une structure et pas vraiment dans l'autre.

Ma sensibilité va forcément se placer au cœur des problèmes


relationnels de la structure familiale. C'est donc la naissance de
« Guérir Par Les Mots », où se côtoient poésie libre, petites
histoires de prises de conscience, présentées à l'Académie
Francophone depuis 1997, date de départ du parcours d'écrivain.

Membre de l'Acâdémie Francophone :


1997 - Diplôme pour Créativité.
1998 - Encouragements pour Cristal et Scarabée.
1999 - Reconnaissance pour Merci à la Vie !
2000 - Reconnaissance Littéraire pour Guérir Les Mal-Aises.
2001 - Lauréate en poésie avec Magie Par Les Mots.

116
1997 Créativité, après la tempête, le réveil, le changement.

Créativité !

Au seuil de la détresse, un espoir naît,


Remplissant ce vide,
Qui n'a de sens que l'absence !
Les bruits s'agitent de l'intérieur,
se réalisent !
Les couleurs
Du chaos veut naître une plénitude,
Qui, comme une pousse qui s'annonce,
S'étale pour trouver sa lumière !
Il faut de cette pauvreté extraire l'immensité !
Mon âme s'ajuste comme un miroir,
Elle reçoit des effluves.
Aussi s'imprègnent les reflets,
D'une créativité qui s'émerveille.
Au fond de cette forme, que je voyais informe,
Je ressens tes gestes qui restent,
Tes regards qui parlent,
Ta présence qui donne un sens.
En respectant ta liberté,
J'ai ouvert le chemin à la vivacité,
D'une curiosité que tu espérais !

1998 - Cristal et Scarabée, l'échange inéluctable entre la raison


et la conscience à travers des faits quotidiens qui éclairent la prise
de conscience.

Ecoute petit Je », tu n'es pas seul, il faut que tu rapetisses


«

pour voir les choses grandir autour de toi. Lorsque tu les verras de
cette façon tu pourras être heureux !

1999 - Merci à la Vie ! Je ne le dirai jamais assez, je n'ai pas


toujours su reconnaître la vraie dimension des choses de ma vie.

Je crois que je ne le dirai jamais assez, car je n'ai pas toujours su


le reconnaître en chemin !
Merci pour toutes les joies et les espérances réalisées.

117
Merci pour chaque personne qui m'a enseignée les choses de la vie
pardes expériences vécues.
Merci pour chaque personne qui a encouragé et soutenu une étape
pour réussir.
Merci à mes enfants pour toutes les joies qui ont éclairé les
moments difficiles.
Merci à mes grands-parents pour l'amour du vrai et du bien.
Merci à toutes les personnes qui veulent bien manifester leur
« Merci à la Vie ! »

2000 - Guérir les Mai-Aises. Comment comprendre nos


situations à partir des films ou des chansons célèbres ?
Les raisins de la colère.
Le Pardon différé.
Tu rétréci et j'ai grandi.
as
Et toi; et toi, et toi...

2001 - La magie Par Les Mots.

Pourquoi les princesses sont-elles belles et sont-elles riches ?


Plus l'enfant prend son envol dans la vie avec les encouragements
nécessaires à son envol, plus il vole haut et de ses propres ailes.

Le Moment Présent !

Pourquoi se retourner sur ce qui est vécu,


Pour ne pas assumer ce qui peut être perçu !
Tant de retours en arrière ont arrêté l'ascension,
De pèlerins en quête d'absolu.
L'espoir se lève sur le moment présent,
Qui consent son lot de richesses à qui le pressent !
Demain viendra assez tôt vous révéler sa saveur,
Si vous avez su prendre en chemin le bonheur,
De l'instant qui vous attend sans leurre.
Maintenant me découvre que l'espace temps,
N'a de réalité que celle que l'on veut bien lui donner.
Vivre longtemps engourdi et sclérosé,
Donne-t-il vraiment ce que l'on espère !
L'instant fugitif a tellement besoin d'« être »,
Pour livrer sa subtilité à ceux qui la voient naître.
Espiègles et malicieux des magiciens du temps,

118
1997 Créativité, après la tempête, le réveil, le changement.

Créativité !

Au seuil de la détresse, un espoir naît,


Remplissant ce vide,
Qui n'a de sens que l'absence !
Les bruits s'agitent de l'intérieur,
se réalisent !
Les couleurs
Du chaos veut naître une plénitude,
Qui, comme une pousse qui s'annonce,
S'étale pour trouver sa lumière !
Il faut de cette pauvreté extraire l'immensité !
Mon âme s'ajuste comme un miroir,
Elle reçoit des effluves.
Aussi s'imprègnent les reflets,
D'une créativité qui s'émerveille.
Au fond de cette forme, que je voyais informe,
Je ressens tes gestes qui restent,
Tes regards qui parlent,
Ta présence qui donne un sens.
En respectant ta liberté,
J'ai ouvert le chemin à la vivacité,
D'une curiosité que tu espérais !

1998 - Cristal et Scarabée, l'échange inéluctable entre la raison


et la conscience à travers des faits quotidiens qui éclairent la prise
de conscience.

Ecoute « petit Je », tu n'es pas seul, il faut que tu rapetisses


pour voir les choses grandir autour de toi. Lorsque tu les verras de
cette façon tu pourras être heureux !

1999 - Merci à la Vie ! Je ne le dirai


jamais assez, je n'ai pas
toujours su reconnaître la vraie dimension des choses de ma vie.

Je crois que je ne le dirai jamais assez, car je n'ai pas toujours su


le reconnaître en chemin !
Merci pour toutes les joies et les espérances réalisées.

117
Merci pour chaque personne qui m'a enseignée les choses de la vie
pardes expériences vécues.
Merci pour chaque personne qui a encouragé et soutenu une étape
pour réussir.
Merci à mes enfants pour toutes les joies qui ont éclairé les
moments difficiles.
Merci à mes grands-parents pour l'amour du vrai et du bien.
Merci à toutes les personnes qui veulent bien manifester leur
« Merci à la Vie ! »

2000 - Guérir les Mal-Aises. Comment comprendre nos


situations à partir des films ou des chansons célèbres ?
Les raisins de la colère.
Le Pardon différé.
Tu as rétréci et j'ai grandi.
Et toi, et toi, et toi...

2001 - La magie Par Les Mots.

Pourquoi les princesses sont-elles belles et sont-elles riches ?


Plus l'enfant prend son envol dans la vie avec les encouragements
nécessaires à son envol, plus il vole haut et de ses propres ailes.

Le Moment Présent /

Pourquoi se retourner sur ce qui est vécu,


Pour ne pas assumer ce qui peut être perçu !
Tant de retours en arrière ont arrêté l'ascension,
De pèlerins en quête d'absolu.
L'espoir se lève sur le moment présent,
Qui consent son lot de richesses à qui le pressent !
Demain viendra assez tôt vous révéler sa saveur,
Si vous avez su prendre en chemin le bonheur,
De l'instant qui vous attend sans leurre.
Maintenant me découvre que l'espace temps,
N'a de réalité que celle que l'on veut bien lui donner.
Vivre longtemps engourdi et sclérosé,
Donne-t-il vraiment ce que l'on espère !
L'instant fugitif a tellement besoin d'« être »,
Pour livrer sa subtilité à ceux qui la voient naître.
Espiègles et malicieux des magiciens du temps,

118
Ont trouvé l'alchimie de calculs savants,
Pour récolter ce nectar
précieux,
Qui s'écoule doucement en découvrant,
La chaleur contenue dans un vase d'argent.
Contemplé pour n'en perdre aucune miette,
Extase prolongée de l'instant sublime !
Afin que l'empreinte du moment,
Laisse ses cicatrices de souvenirs
Profonds comme une marque indélébile,
De cette richesse qui aura fait une vie,
Dilatée à l'infini d'avoir été là,
Au moment présent !

La Polynésie f

Avant de parler de la littérature en Polynésie, je veux d'abord


saluer le berceau qui a accueilli mon enfance, Tahiti c'est la Mère
qui va délivrer l'authenticité, les expériences, l'éducation, les
croyances, les changements, les réalités de la vie.

Votre vœu !

La vie m'a déposée dans un coin privilégié,


Je n'ai point vu de paradis !
Voulez-vous du noir à la place du bleu ?
Qu'il en soit fait selon votre vœu !

La vie m'a rendu ce j'ai créé,


noir que
Je ne vois
plus ce coin de ciel bleu !
Faut-il persister dans cet espace peu glorieux ?
Qu'il en soit fait selon votre vœu !

119
La vie m'a donné des retournements,
Qui m'ont fait désirer un peu,
De ciei bleu dans un être fait de nœuds,
Qu'il en soit fait selon votre vœu !

La vie m'a restituée ses couleurs,


Que n'ai-je tant attendu cette harmonie,
Pour rendre hommage à ma Mère la Polynésie,
Qu'il en soit fait selon votre vœu !

La Polynésie fait partie des peuples qui transmettent la Tradition à


partir de l'expression orale et du ressenti. Il y a donc les fervents
défenseurs de cette tradition qui veulent transmettre de génération
en génération ce que l'âme ou l'identité veut perpétuer dans sa
mouvance et son orientation.

La culture a besoin d'authenticité pourperpétrer ses racines, sa


danse, sa sculpture, ses tatouages, ses courses de pirogues, sa
peinture, son artisanat. C'est la nature originelle de la Polynésie...

Beaucoup d'artistes ont d'ailleurs trouvé leur source d'inspiration


sur la Terre polynésienne, et nombreux sont les peintres qui ont
traduit à leur manière les paysages et les mythes, les états d'âme
perçus dans le cadre de notre "fenua" .

Dans cette mouvance, il y a les observateurs ou les sages qui


donnent l'interprétation de l'évolution. Les sages sont ceux qui
savent scruter l'horizon et les événements, cela faisait partie de
leur perception et de leur communication, bien avant que les
moyens techniques envahissent et dominent par le raisonnement.

120
Ces sages observent les maîtres dans leur spécificité de créateurs
dans le langage particulier à chacun dans son unicité.

Les créateurs donnent l'impulsion et l'orientation à un groupe ou


une structure parl'originalité de leur créativité, grâce
probablement à une personnalité retournée dans toutes ses
sensibilités pour en extraire une essence pure : l'éternelle
question que posait Gauguin à travers sa peinture : Qui suis-je ?
D'où venons-nous ? Où allons-nous, questions toujours actuelles,
questions d'identité, questions sur nos origines et sur la direction à
prendre !

Je m'incline toujours avec respect devant l'authentique qui admet


ses sensibilités pour les exprimer en impulsions dynamiques qui
s'infusent dans la réalité quotidienne.

Je suis par contre interrogative devant la réalité d'un système


qui a accéléré le processus de croissance de l'identité « Ma'ohi »
(« pousse propre »), en utilisant les hormones de croissance de
la puissance matérielle, sans avoir pressenti les conséquences
d'inadaptation de la population tahitienne transposée trop
brutalement dans un tourbillon d'évolution contraire à son rythme
naturel.

Devant cette évidence, il faut retrouver un équilibre entre les deux


courants, culture et société moderne, afin que le « ma'ohi »,
trouve les repères adéquats à ces concepts nouveaux.

Fare ou appartement, pirogue ou ferry, guitare ou chaîne stéréo,


comment concilier naturel et progrès, histoire et modernité, y a t-il
encore de la place pour les écrits ?

La littérature dans cette optique a toute sa trajectoire, conserver


les traditions pour les transmettre à une jeunesse consciente d'un
modernisme mais aussi en attente de retrouver ses racines à partir
de son histoire.

L'oralité garde sa dimension, et les écrits vont consacrer cette


mémoire pour redire les fondements de la nature du Polynésien
sous tous ses angles : familiaux, religieux, spirituels,
professionnels, sportifs, culturels, ses luttes et ses crises de
croissance.

Quelle maturité recherche la Polynésie ?

121
Il est important d'entendre les attentes réelles de la Polynésie à
travers le vécu de chacun et la perception des choses. C'est aller
vers un développement culturel et cultuel qui épouse les
transformations d'une réalité qui se cherche.

C'est là le rôle du penseur, de la quête, du questionnement, du


pourquoi et du comment.

Chaque écrivain peut librement se laisser aller avec sa plume et


ses convictions, qui conviennent et qui heurtent, qui plaisent et qui

déplaisent, mais il a le mérite d'oser son interprétation, interpellant


le lecteur par sa réflexion.

La littérature en Polynésie va donc proposer , sa tradition, ses


récits,ses contes, ses légendes, sa prise de conscience, son aspect
de vie...

Chaque plume a sa direction, et la diversité du style fait le


potentiel et la richesse de l'ensemble. Cela correspond aux
attentes différentes des lecteurs qui rejoignent l'écrivain dans une
même recherche.

C'est l'expression qui est internationale, mais l'adaptation sur un


sol polynésien qui permet de révéler la réalité, la connaissance,
les espoirs et les difficultés d'un peuple en recherche de sa
définition.

Pour ma part, c'est le relationnel, l'étude sociale avec ses


adaptations et ses inadaptations qui vont servir de support à ma
recherche, puisqu'elle est reliée à ma sensibilité de base
« fa'aa'mu ».

Sommes-nous « itehia » (« reconnu ») ou « fa'aa'mu »


(« adopté ») entre deux identités polynésienne et française, deux
générations, deux façons de vivre, deux rythmes, deux traditions ?

C'est encore la quête d'identité.

122
J'ai besoin de naître en Polynésie,
Veux-tu bien m'accueillir,
Je ressens ton consentement,
Et je m'invite chez toi,
Qu'est-ce que j'ai à te dire ?
Je te connais déjà dans un autre espace
temps,
Je n'ai pas pu être ton frère,
Je me présente comme ton enfant.
Je suis un secoué quand tu exprimes,
peu
La danse, mais c'est notre langage.
Nous Polynésiens pour grandir, il nous faut,
Soleil, nature et eau.
N'oublie pas de m'inonder d'amour,
Cela me fait grandir plus vite !
Je voudrais déjà te délivrer les messages,
Dédiés à notre culture, cela se découvre,
Pour n'en boire que la subtilité !
Ma grand-mère ou première mère,
Selon la tradition va ouvrir,
Ma réalisation et préparer le terrain.
Elle a les prémisses de la tendresse,
Et la dignité du peuple polynésien,
Qui veut retrouver sa nouvelle vision des choses !
Quand je tressaille, les rythmes du « fenua » s'ajustent,
Tu perçois mes mouvements,
Comme le langage familier des « to'ere ».
Je résonne plus loin que tu ne le croies,
Car je suis « Hotu no te fenua »,
Mon placenta est sacré comme mon prénom,
Il faut le déposer en terre selon la coutume,
Car comme cet arbre planté,
Je prendrai racine dans le sol,
Pour relever tous ceux qui auront revêtu,
La nouvelle expression de notre peuple ma'ohi.

Le lien avec les écrivains : Littérama'ohi.


Un groupe d'écrivains s'associent...
C'est la naissance de Littérama'ohi. Te Hotu Ma'ohi. Quelle
heureuse coïncidence poème qui vient d'être exprimé.
avec ce
Flora Devatine, Jimmy Ly,Chantal Spitz, Michou Chaze, Patrick
Amaru, Marie-Claude Landgraf, Danièle Helme....

123
Littérama'ohi, c'est la forme et le désir de faire vivre cette
littérature avec ce qui est vrai et propre à chacun. Je salue

l'initiative de Flora et je la remercie pour donner un dynamisme et


une structure à la Littérature qui existe déjà.

Je suis consciente que chaque spécificité demande à se révéler. Je


trouve extraordinaire ce travail de reconnaissance et de soutien qui
va dans le sens de révéler. Croire au potentiel d'un groupe cela
mérite d'être souligné !

Je reconnais que les encouragements stimulent la création et la


production, le lien va se faire par affinités et complémentarités.

Je me sens encore en terrain d'approche dans cette démarche et


pourtant j'apprécie déjà tellement de savoir où m'orienter pour
rejoindre une convergence de l'expression. C'est une naissance qui
a besoin de la maturité de chacun pour expérimenter et
encourager l'écriture.

Beaucoup de jeunes aussi attendent de pouvoir révéler, des choses


sisimples mais si vraies. Je suis toujours étonnée de rencontrer à
Nuku-Hiva des plumes d'enfants qui se laissent aller dans leur
créativité et je veux vous présenter un extrait :

Il était
une fois, un loir toujours noir,

Qui jouait de la guitare.


La famille Malet, adore le violet,
Pour sa beauté.
Le vieux ? Est toujours bleu ?
Oui, un peu.
Si tu es rond, dis la couleur marron,
Tu auras un bonbon.
Il faudrait passer un coup de Karcher à ce ver,
Il est tout vert.
On va sur ce banc, il y a un faon,

Dis, Monsieur Blanc !

de ^ezdn S/ei^deedu
é$ee est dadàe de âgd de -/O a/zà . ■
14 octobre 2001 - Taiohae (Nuku-Hiva)

124
Les enfants veulent exprimer librement leur façon de percevoir les
choses pour nous montrer que nous osons trop timidement. Le
contenu a besoin d'être délié pour que la littérature trouve sa
direction et sa dimension par la diffusion des écrits.

Les mots permettent de traduire ce qui est ressenti au plus profond


de notre être. C'est l'instant particulier pour refaire la relation à
partir de notre sensibilité ou de nos émotions.

La magie, c'est de pouvoir se déplacer sous tous les angles, dans


les registres qui conviennent à notre expression, et de donner vie à
une histoire, à une expérience, à un conte, à la Tradition.

Pourquoi ne pas risquer davantage ce cadeau merveilleux, qu'est


l'écriture,car cela ne demande que l'investissement du rêve et de
l'espace que l'on s'accorde. Et c'est tout simplement un pont dans
la relation pour arriver à un échange verbal plus vrai, plus
enrichissant, plus universel où tous les langages se confondent
dans la Littérature...

125
Marie Claude TEISSIER/LANDGRAF

Ma participation à Littérama'ohi se fait dans l'espoir de connaître


les auteurs polynésiens et de tisser des liens de sympathie, d'entre
aide, peut être même d'amitié entre nous tous. Vous ne me
connaissez pas ? Alors "je joue le jeu" de ce premier numéro.
Habituée à faire parler les autres, je change pour une fois de rôle.
Ce qui suit explique mon attachement profond au fenua et à la
région du Pacifique en général, ainsi que le choix de mes sujets
d'écriture.

Présentation personnelle
*
Je suis une des nombreuses descendantes de Léocadie
VAN BASTELAERE, passagère du bateau "Cintra", débarquée à
Papeete le 18 Novembre 1842.
*
Ancienne élève de l'école des Sœurs de Saint
Joseph de
Cluny, j'ai passé enfance et mon adolescence à Tahiti.
mon
*
Après un séjour de 9 ans en France (études + mariage),
je suis revenue au fenua en 1964 pour débuter ma carrière
d'assistante sociale. A cette époque tout était à faire en ce
domaine.
*
J'ai donc été amenée à créer au cours de mes dix sept

premières années de travail le territoire : le service social


sur
scolaire, puis le service social de l'hôpital de Mamao, puis le service
d'éducation pour la santé à la direction de la Santé Publique. J'ai
également œuvré au sein d'équipes médico-sociales pour que
l'Assemblée Territoriale adopte:
-

la mise en service généralisée des cantines


scolaires dans les écoles primaires,
-

la création d'un service


d'hygiène dentaire,
légalisation du Planning Familial,
-

la
un début de protection sociale pour les handicapés.
-

*
Puis, en 1980, j'ai occupé le poste d'éducatrice pour la
santé à la Commission du Pacifique Sud, basée à Nouméa. Durant
trois années j’ai exercé ce métier dans de nombreux territoires du
Pacifique. J'ai notamment organisé (à Papeete) la première
conférence régionale des femmes afin de susciter la création
d'organismes fédérateurs de promotion de la condition féminine à
la CPS et dans chaque pays du Pacifique.
*
J'ai vécu ensuite quatorze ans au Vanuatu.
*
Je suis revenue travailler de nouveau au fenua en 1997.
*
Depuis le milieu de l'année 2000 je profite de ma retraite
à Raiatea.

126
Travaux d'écriture

*
J'ai toujours aimé écrire mais, durant de nombreuses
années, je n'ai pu exercer cette activité que dans mon cadre
professionnel:
alors que les demandes d'assistance étaient
nombreuses face possibilités d'aides financières et sociales
aux

rarissimes- la rédaction des enquêtes sociales m'a appris à utiliser


les mots justes et le style qui devaient toucher les décideurs; celle
des rapports techniques m'a exercé à susciter l'intérêt du lecteur
jusqu'à la dernière ligne.
à la Commission du Pacifique Sud j'ai appris, entre
-

autres, à préparer et à illustrer des livrets de vulgarisation


médicale; j'y ai découvert-également le monde de la traduction et
celui de l’édition, ainsi que leurs disciplines auxquelles un auteur
doit se conformer !
-

au Vanuatu
j'ai participé à un vaste projet de l'UNICEF
qui consistait, dans plusieurs territoires du Pacifique Sud, à susciter
l'élaboration de manuels scolaires relatifs à l'éducation pour la
santé. Les classes concernées allaient de la maternelle jusqu'au
CM2, compris. Avec l'aide de spécialistes et d'enseignants locaux,
avec celle de conseillers pédagogiques
français et australiens, j'ai
assumé la responsabilité de la conception, de la rédaction (en
anglais et en français) et de l'illustration de ces livres qui traitaient
d'agriculture, de nutrition et de santé .

*
Puis est venu le temps où j'ai pu écrire pour mon plaisir:
J'ai commencé par participer à des concours de
-

nouvelles organisées par l'Alliance Française de Port Vila -


VANUATU -

"Rose et Marguerite". L'histoire, faite à partir du thème imposé


"l'échange", se les années 1960 à la léproserie
situe dans
d'Orofara. a été publiée dans la revue mensuelle "Tahiti
Elle
Pacifique" N°63/Juillet 1996. Puis dans la revue "Mana", Volume
N°12 /1997 édité par l'Institut des Etudes du Pacifique Sud - USP
-

Suva - FIJI .

"Vous avez dit


draguer ?". L'histoire faite à partir du thème
imposé "la rue", décritun des passe-temps favori d'un groupe
d'adolescentes du temps où l'on se déplaçait à bicyclettes à
Papeete. Elle a été publiée dans la revue "Tahiti Pacifique"
N°69/Janvier 1997.
J'ai continué avec la biographie du peintre Nicolaï
-

MICHOUTOUCHKINE, intitulée en français "Le Russe de Belfort


en Océanie", et en anglais "The Russian from Belfort in

127
Oceania". A travers sa vie, j'ai voulu rendre hommage à l'art
océanien. Ouvrages publiés par l'Institut des Etudes du Pacifique
Sud - USP - Suva, FIJI.
-

Je travaille actuellement sur des livres qui seront édités


A Tahiti - intitulé
Un roman

"Tahiti Racinement et Déchirements" ("Tahiti Herehia,


Tahiti Rahuia") retraçant les modes de pensées et de vies des
années 1945-1955.
A Fiji - Des recettes de cuisine (en langue anglaise et
française)
"Cuisine océanienne et Super forme" (pauvre en matières
grasses) présentées en cinq livrets: les Entrées, les Poissons et
fruits de mer, les Viandes, les Légumes, les Desserts.

Extrait de la nouvelle "Rose et Marguerite"


Ecrite par M.C TEISSIER/LANDGRAF

Louise, toute jeune assistante sociale, se dirige avec angoisse vers


le village des lépreux. Ses mains se crispent sur le volant crasseux
d'une vieille 2 C.V. qui grimpe en peinant sur la route étroite et
sinueuse, creusée grossièrement à flancs de montagne.
En cet endroit, les côtes s’étirent sur de nombreux kilomètres. Elle
sait par expérience que la voiture poussive et rétive s'arrête parfois
au beau milieu d'une montée. Elle appréhende toute manœuvre

intempestive car aucun garde-fou ne protège l'usager des à-pics


vertigineux qui descendent le long des falaises noires, fouettées
tout en bas par un océan déchaîné.
Sa première visite,
en ce lieu banni de tous, lui fait peur.
Jusqu'alors elle avait fait comme tout le monde : se signer
furtivement en passant bien vite devant la ceinture des murs
blancs qui cachent ce mai innommable.
Ses études lui ont donné une connaissance livresque du problème.
Mais tout à l'heure elle verra de près des faciès boursouflés aux
nez effondrés, des yeux sans sourcils, des paupières sans cils, des

mains aux doigts manquants. Et des moignons ! Comment dire


bonjour à des moignons tendus vers soi ? Mais le pire, ce qui lui
taraude l'esprit depuis la veille, est le souvenir de l'entretien qu'elle
a eu avec le médecin responsable du centre :

Je viens d'apprendre qu'une malade dénommée Rose vit avec sa


fille qui répond au doux prénom également fleuri de Marguerite.
Vous savez sans doute qu'il est formellement interdit aux lépreux
habitant ici, d'élever leurs enfants auprès d'eux. Elle la cache
durant la journée parmi ses compagnons d'infortune qui cultivent
des jardins dans la vallée située au fin fond du village. La petite

128
revient tous les soirs habiter chez sa mère qui est une forte tête et

qui abeaucoup d'ascendant sur les personnes de son entourage.


Cela fait trois ans qu'elle défie ainsi le règlement.
Je veux que vous retiriez la fillette de là et que vous la placiez très
loin d'ici - dans les îles par exemple - afin qu'on ne puisse plus
jamais la faire revenir !

Peut-être qu'il ne s'agit pas de défi, mais d'amour maternel et ...

Rose ne pense qu'à elle-même. Le vrai amour n'est pas égoïste;


sa fille risque, en vivant dans ces conditions actuelles, d'être
contaminée et lépreuse dès l'âge de dix ans. Elle sait tout cela, et
ruse sans arrêt avec les autorités.

Mais pourquoi envisager une solution si définitive? Je pourrai


organiser unplacement fout proche qui ...

Je connais déjà la suite et le peu de valeur de vos beaux


principes psychologiques dans le cas présent. La réalité est que l'on
a déjà procédé dans le passé de
façon douce, avec la possibilités
de visites. A chaque fois cela a tourné au drame pour tout le
monde. La situation actuelle ne peut durer ainsi. Maintenant que
vous connaissez les faits vous êtes
responsable, comme moi, de la
santé de cette enfant. Vous irez les surprendre un peu avant la
tombée de la nuit. Les malades, à cette heure là, ne nous
attendent plus et ils sont tous occupés à préparer leurs repas ou
leurs prières ; ils ne feront pas tout de suite attention à vous.

Mais c'est un travail de policier que vous me demandez là ! Mon


rôle n'est pas de faire des constats, mais d'aider les gens à travers
le dialogue. Comment voulez-vous que je le crée dans ces
conditions ?

Le policier du secteur est au courant de cette situation et il est


même complice de la mère. Il en est de même pour toute la
communauté qui a adopté Marguerite comme mascotte. Dialogue
ou pas, débrouillez-vous ! Il me faut le retrait de la gosse, et son

placement ! Je vous informe qu'en tant que simple agent du


service de la santé publique, vous me devez obéissance. J'attends
votrerapport et vos propositions après demain ( )
Elle (Louise) est arrivée. La porte et la fenêtre de la petite
maison sont ouvertes. Sur une natte gît un tronc informe : Rose a
été amputée récemment de sa deuxième jambe. Cependant elle
s'active
énergiquement à allumer un réchaud à pétrole. Marguerite
danse dans la pièce tel un feu-follet. Ses pas ponctuent le rythme
d'une chanson qui s'arrête net devant l'ombre portée de la
visiteuse. La mère sursaute :

Qui est là? Que me veux-tu ?


Je suis la nouvelle assistante sociale. Je viens te voir au sujet de


ta fille.

129

C'est le docteur qui t'envoie m'espionner ? Je la garderai. Tu ne


pourras l'arracher de ma poitrine. Il me reste encore des bras. Et
ils sont très forts ! Viens bébé, viens !
L'enfant court. Sa moue d'étonnement s’est transformée en
sanglots. Son petit corps se love entre’ des seins opulents et de
courts tronçons de cuisse. La scène à je ne sais quoi, de trop
théâtral, de trop travaillé et de répété. Cela agace Louise qui
...

préfère rester silencieuse. Elle entend des bruits feutrés dans son
dos : les voisins arrivent, silencieux eux aussi. Elle attend sans rien
dire. Une éternité. La femme change de ton.

Tu es maman ?
--

Oui. J'ai un bébé de six mois.


de te mettre à ma place. J'ai un corps qui se ronge


Alors essaye
morceaux par morceauxdepuis des années. La seule chose vivante
qui s'est mise à grandir, à bouger dans mon ventre, et à sortir telle
une merveille toute neuve et toute entière, c'est ma fille ( )
(fin de l'extrait)

Renseignements pratiques fournis par M.CI. TEISSIER/ LANDGRAF

Vous aimeriez être pubüé(e) à l'échelle régionale du Pacifique ?


Ce qui suit peut vous être utile.

L'Institut des Etudes du Pacifique basé à l'U.S.P de Suva à


FIJI
A été créé en 1976. Ses tâches essentielles sont le développement
des aptitudes des insulaires du Pacifique ainsi que la production et
la publication de leurs travaux de recherches utiles pour cette
région du globe. L'I.E.P favorise la recherche, l'écriture littéraire,
l'édition ; il peut participer à toutes ces activités grâce à ses
conseils d'experts et d'enseignants.
L'I.E.P concentre ses efforts auprès des douze pays membres de
l'Université du Pacifique Sud : les îles Cook, Fiji, Kiribati, les îles
Marshall, Nauru, Niue, les Samoa Occidentales, les îles Salomon,
Tokelau, Tonga, Tuvalu et Vanuatu. Néanmoins, ses projets et ses
publications concernent aussi les Samoa américaines, Guam, l'île
de Pâques, les états fédérés de Micronésie, la Polynésie Française,
Hawai'i, la Nouvelle Calédonie, la Nouvelle Zélande, l'île de Norfolk,
les îles Marianne du Nord, Palau, la Papouasie Nouvelle Guinée,
Pitcairn, Wallis et Futuna.
Plus de 2.000 insulaires du Pacifique ont publié leurs œuvres en
association avec l'I.E.P. L'Institut aide la Société des Arts Créatifs
du Pacifique Sud (publication de la revue "MANA"), l'Association
des Sciences Sociales du Pacifique Sud, ainsi que différents petits

130
éditeurs indépendants dans les îles. Leurs publications sont inclues
dans le catalogue publicitaire de l'I.E.P

En ce qui concerne la Polynésie française, ce catalogue propose :

"String figures of the Tuamotu" - par Kenneth P.EMORY -


1979
"Tahitian Poetry"- Revue "MANA" - par H.BREMOND,
H.EURO, Ch. MANUTAHI -poèmes publiés en tahitien,
français, anglais -1982
"Tahiti the other side" version anglaise de "Tahiti coté
montagne"-Travail collectif de leaders communautaires -
1983, 1985
"French Polynesia"- par Turo RAAPOTO et 20 autres
auteurs - 1988
"Le Russe de Belfort" et "The Russian from Belfort" -

Biographie M.C TEISSIER/LANDGRAF 1995


par
"Rose et
Marguerite" - Nouvelle par M.C
TEISSIER/LANDGRAF publiée dans "MANA" vol.12, 1997.

Vous êtes intéressé(e) ?

La directrice de
publication se nomme Ms. Linda CROWL
-

Vous pouvez
lui écrire en français car elle comprend cette langue,
mais, probablement, sa réponse sera rédigée en anglais.
L'adresse est la suivante : Institute of Pacific Studies
University of the South Pacific
Po Box 1168 - Suva - FIJI
Tel(679)212018
Fax (679) 301594
Email : ips@dsp.ac.fi
Détail pratique pour téléphoner : il y a 22 heures de décalage entre
Tahiti_et FIJI. Expl : si vous téléphonez un lundi à llh, à Fiji c'est
mardi à 9 heures.

Vous aimeriez faire traduire vos textes en langue anglaise?


Voici deux contacts en Nouvelle Zélande :

l)Translations Worldwide Ltd


Ms. Ann SEAY - Directrice
PO Box 1072 - Christurch 1
NEW ZEALAND
Tel (64) 3 355 4366

131
Fax (64) 3 355 2026
Email : twwchch@xtra.co.nz

2) Dr. Neil CARRUTHERS

27 Trovey Street
New Brighton
CHRISTCHURCH
Tel (64) 3 3884 926
Email : drneil@xtra. Co.nz
Dr. N.CARRUTHERS est professeur retraité de l'Université de
CHRISTURCH où il a enseigné la langue française.

Détails pratiques

Le coût de la traduction dépend du degré de difficulté du texte et


de longueur. Il est donc indispensable d'expédier un échantillon
sa

photocopié (2,3 pages) de votre oeuvre et d'indiquer le nombre


total de mots et de pages.
Le prix et la qualité variant d'un traducteur à l'autre, il est conseillé
de s'adresser à plusieurs d’entre eux. En principe, votre échantillon
devrait vous êtes retourné, traduit en anglais. Ceci facilite votre
choix : le traducteur a t-il compris votre pensée ? utilise t-il le
vocabulaire adéquat par rapport au style de votre œuvre et par
rapport à votre public ?

Autre texte :

"

Tupa iti e" - Histoire vraie contée par M.C


TEISSIER/LANDGRAF

«
Récemment, en descendant de l'avion qui s'était garé sur la
portion de piste de l'aéroport de Faaa réservée aux lignes inter-
insulaires, j'ai rencontré sur le bitume un tupa ! ...

Pinces relevées, yeux dressés hors de sa carapace, il obliquait de ci


de là sur ses pattes agiles, évitant ainsi les souliers à talons de
l'hôtesse d'accueil, les robustes chaussures d'un manutentionnaire,
les roues du chariot à bagages. A l'approche du groupe compact de
passagers, le crabe s'est immobilisé - bravant sa peur - comme
pour affirmer sa survivance face aux arrivants pressés, robotisés
dans ce monde bourré d'informatique de béton et de fer.

Petit tupa - toi qui évoque pour moi la sérénité des bords de
mer traditionnels ombragés de purau, rafraîchis par la brise légère

du large, bercés par le clapotis des vaguelettes - toi qui fait naître

132
en mon esprit association de mots tels que : peue, flânerie,
une
papotages, sieste que signifiaient notre rencontre ainsi que ta
-

présence anachronique au milieu de cette effervescence moderne?


Peut-être savais-tu, par cette étrange alchimie qui unit parfois les
humains aux bêtes et aux choses de ce pays, que j'étais chargée
d'écrire un texte pour
le premier numéro de Littérama'ohi et que
je tournais en rond dans le tourbillon de mes idées brouillonnes?
Peut-être voulais-tu symboliser par ton apparition, notre entreprise
naissante, bien petite, encore hésitante sur sa marche à suivre ?
Ton courage à exister face à d'autres êtres vivants bien organisés
et, d'une certaine façon, plus puissants que toi, était ta façon de
nous dire:

Ecrivains
originaires de la Polynésie française, tissez des liens
entre par - delà les distances marines, par - delà les
vous,
générations, par - delà les différences d'expression. Soyez de plus
en plus nombreux à faire connaître la spécificité, i'originalité, la

diversité de la littérature polynésienne. Soyez de plus en plus


nombreux à organiser un héritage pour vos tamari'i, vos mo'otua,
vos hina et continuez à l'enrichir ; pour eux, vous avez un devoir

de mémoire. Faites reconnaître les différentes facettes de la culture


polynésienne à travers vos écrits créés à partir d'une authenticité
vécue et ressentie avec vos 'a'au.
Je griffonnais donc ces quelques lignes. Puis, prise par le style de
vie européen de la capitale, je trouvais cette anecdote saugrenue :
ne me couvrirai je point de ridicule dès le premier numéro de
-

cette revue? Je connaissais d'avance le jugement des lettrés et des


écrivains qui conceptualisent leurs écrits avec raison et méthode.
Je fus alors tentée de me conformer aux normes occidentales :

développer quelques sentences sur l'écriture et les assortir d'une


ou deux pensées philosophiques. Ce dernier choix serait plus
confortable pour mol, mais ne serait-il pas aussi comme une sorte
de trahison? Je me sentais très divisée.
Quelques jours plus tard, avant d'embarquer sur un avion en
partance pour Raiatea, je devisais avec une amie dans la salle
d'attente de l'aéroport de Faaa. Je lui demandais son avis à ce
sujet.
Regarde, me dit-elle, tu as ta réponse.

Petit tupa s'avançait vers nous- Lentement. Comme épuisé. Il


s'arrêta en face de moi, emprisonné entre les barres métalliques
des sièges. Il avait perdu une de ses pinces; ses pattes étaient
emmêlées dans de longs cheveux et d'épaisses poussières. Il me
regardait et voici ce qu'il me dit :

Je reviens te voir car je sais que tu hésites à raconter notre


histoire avec des mots qui resteront fixés sur du papier et qui

133
risquent d'être tournés en dérision. Mais les personnes à qui je
m'adresse me prendront au sérieux.
Regarde-moi ! Regarde comme cette vie et l'indifférence totale
qu'elle engendre, broient celui qui témoigne seul contre l'oubli.
Regarde comme je suis amputé, comme je suis empoussiéré. Je
suis revenu aussi pour vous, écrivains du fenua ; pour vous dire
qu'il est grand temps de réagir face à l'évolution de cette époque.
Pour certains, osez franchir le pas de l'oralité pour entrer dans le
monde de récrit. Pour d'autres, osez écrire suivant la langue et le
style qui vous sont naturels et qui vous appartiennent. Mais comme
la tâche est difficile et périlleuse, assemblez-vous pour faire
connaître la littérature polynésienne dans le respect de
l'expression de chacun, qu'elle soit de langue polynésienne,
chinoise, européenne. "
Tupa iti e, je transmets donc ton message et j'espère qu'il sera
entendu.»

En pensant au prochain numéro de Littérama'ohi :

Cetterevue a pour but d'être un espace de rencontre, de partage,

de découverte, de soutien et d'encouragements mutuels. Nous


sommes donc tous et toutes, à la fois demandeurs et donateurs

d'informations.
Nous, qui nous sommes jetés à l'eau les premiers, nous aimerions
savoir :

Quelle seraient vos rubriques préférées ?


Si vous désirez connaître ou échanger des renseignements très

pratiques sur les problèmes de l'écriture, de l'édition, de la


diffusion des oeuvres littéraires ? ou sur d'autres difficultés.

Si vous désirez réfléchir sur certains sujets tels que la situation


des auteurs, la langue d'écriture, la littérature ma'ohi, etc. ou sur
d'autres thèmes ou idées qui vous tiennent à cœur.
Pour ceux et celles qui travaillent sur un ordinateur.
la disposition du texte dans cette revue est la suivante :
Format : feuilles A4 21/27 (disposées en deux demi - pages),
Présentation format italien à 2 colonnes
Police : Verdana n°9 et au choix de chaque auteur
Marge : 2 cm de chaque coté

A bientôt, au plaisir de vous lire.

Marie-Claude TEISSIER/LANDGRAF.

134
LITTERAMA’OHI, LITTERAMA’OHI, LITTERAMA’OHI

WEEK END AU VINGT ET UNIEME SIECLE

Par Jimmy LY

Je reviens d’une semaine passée à Los Angeles dans une froidure de printemps
inhabituelle pour la saison. LAX, un terme d’aéroport, une destination de tourisme,
synonyme d’une mégapole très familière aux Polynésiens qui s’y rendent pour leur
shopping, comme si c’était la porte à côté. Et en fait, pour le temps d’un week-end,
c’est la ville d’à côté. Celle qui fait le désespoir des commerçants locaux ou des
pensions de famille dans les îles, ne pouvant regarder que d’un air navré tout ce
pouvoir d’achat qui part dans les poches américaines déjà trop remplies.

Mais Los Angeles moi, c’est bien plus qu’une escale de soldes affriolants à
pour
Santa Monica ou une orgie de dépenses dans ces temples dédiés à la consommation
qui ont pour nom, Costco, Sam’s Club ou Wal Mart, les magasins discount aux prix
délirants, bien connus de tous les Polynésiens. De temps à autre, il est nécessaire de
se plonger dans ce que sera la civilisation de demain. loin des atermoiements et des

pesanteurs culturelles de la vieille Europe. Pays sans véritables traditions;


l'Amérique est toujours prête à épouser les dernières technologies sans complexe
aucune. Aussi, changer pour changer est presque une valeur incontournable de la vie

américaine et en Californie plus que partout ailleurs.

11 n'est pas étonnant que Los Angeles soit la ville de la réalité virtuelle par
excellence. Elle est la capitale de
l’image où se trouvent tous les plus grands studios
de cinéma, et aussi la Mecque de l’illusion qu'engendrent ces grands parcs
d'attraction comme Disneyland ou Universal Studios. Un miroir aux alouettes où se
trouvent réunie une population aussi cosmopolite qu’à New York et pour qui le rêve
américain est une préoccupation constante. Une ville qui n'en est pas une vraiment.

135
car contrairement grandes capitales européennes, Los Angeles n’est pas le cœur
aux

d’une nation. Mais à travers son gigantisme, sa démesure, sa


superficialité, elle
exprime bien toutes les exagérations, les boursouflures et les contradictions de
l’Amérique du troisième millénaire.

Troisième du monde par le trafic, l’aéroport de Los Angeles, renommé après le


premier maire noir de l’époque, Tom Bradley, et entièrement refait à l’occasion des
Jeux Olympiques de 1988, est construit autour d’un cercle dont le centre est cette
construction tout en arches élégantes et en courbes ellipsoïdales, qui m’avait si
frappé lors de ma première escale. C’était à l’occasion d’un des vols inauguraux en
Boeing vers la Polynésie par Air France et la défunte T.A.I. dont le nom résonnera
toujours comme la compagnie des retours de vacances des étudiants tahitiens. Dans
les années soixante, cette fine superstructure d’avant garde m’apparaissait comme
l’archétype de l’architecture futuriste de l’an 2000. Aujourd’hui, même avec la
Guerre des Etoiles, elle n’a pas vieilli autant que je ne le pensais. Elle accueille
toujours les passagers dans une première vision de l’Amérique qui vaut bien celle de
la statue de la Liberté à New York.

La première chose qui frappe de plein fouet le voyageur qui débarque vers la sortie,
c’est évidemment le trafic incessant et hallucinant des bus d’hôtel ou de locations de
voitures mélangés à la horde des taxis, tournant dans une sorte de delirium tremens
en suivant un ovale sans fin
rappelant les Six jours de Paris aux plus beaux temps du
Vel d’Hiv, (les aficionados de l’Aigle de Tolède se souviendront). Dans ce ballet
tourbillonnant à vous faire perdre la tête, si l’on n’y pas habitué, les voyageurs en
quête d’un moyen de transport vont et viennent, pressés à l’américaine c’est-à-dire
ordonnés comme dans une fourmilière, contrairement à Roissy, où. dans un charivari
typiquement français, demander un renseignement pour une correspondance ou se
battre pour un taxi relève d’un vrai parcours du combattant : mais n’est ce
pas ce qui
fait tout le charme gaélique de l’Hexagone.

Dans ce bruyant maelstrom, l’œil exercé des vétérans voyageurs remarque


bizarrement un certain ralentissement.
Imperceptible certes mais bien présent. Un
peu moins de bousculades, un peu moins de sérénité chez les agents de sécurité, un
peu plus de fouilles un rien tatillonnes, avec des contrôles au hasard qui, fort
heureusement, ne débouchent pas encore sur des délits de faciès. Pour ne pas
sombrer dans ce cliché qui commence à être éculé, le 11 septembre 2001 est
passé
par là. C’est une évidence que toute l’Amérique ne s’en pas encore remise de choc.
Et peut-être ne le sera-telle jamais ? Pour la première fois, elle doit
s’interroger sur la
finalité d’un style de vie anglo-saxon, fruit d’une idéologie
économique fondée sur la
libre accession à une prospérité à tous les prix, quitte à ce que d’autres
peuples,
d’autres ethnies, d’autres pays payent à leur place. Pour garantir cette liberté sur tout
le territoire, l’implantation des structures de surveillance nécessaires
pour assurer
une sécurité absolue est quasiment
impossible, sans parler de leur coût exorbitant : ce
qui explique peut-être cette nervosité.

136
LAX est aussi la ville où est inscrit
en.filigrane le futur de la Terre dans tous les
domaines. Une mégapole où la communication est roi. 1000 canaux de télévision,
pas tous occupés tant s’en faut, où on trouve de tout, le pire comme le meilleur. D’un
côté, la publicité omniprésente, agressive, vantant à la limite du mensonge, les
qualités d’un produit aussi futile qu’un nième régime amaigrissant du docteur X, que
l’on peut commander à la minute même, sans avoir à se
déplacer et surtout sans
aucune garantie. De l’autre, la vraie
information, sandwichée entre les publicités,
souvent en direct, mais aussi dramatisée à outrance. Si au début on se laisse

surprendre, à force de se répéter, le procédé perd de sa crédibilité et l’actualité avec.


A chaque instant, quel qu’en soit le domaine, l’événement filmé
sur-le-champ prend
un caractère urgentissime ou exceptionnel : témoin la course
poursuite sur
l’autoroute 405 du fameux footballeur noir américain, O.J. SIMPSON, meurtrier
acquitté de sa femme blanche après un procès fleuve, médiatisé à outrance, mettant
en scène un juge japonais
un peu dépassé par l’évènement, une armée d’avocats
blancs qui arrivés à démontrer techniquement et légalement sa culpabilité
ne sont pas
évidente pour la communauté blanche alors que les Noirs l’avaient en
majorité
absous du crime. Fracture manifeste d’une société communautariste, à la soudure
fragile malgré les apparences, à la merci du moindre incident racial.

C’est un des plus vieux lieux communs


que de dire : Los Angeles est une ville où
l’automobile est reine. Oui. mais aujourd’hui, et le changement est saisissant, ce
n’est pas n’importe quelle voiture. Le nombre de voitures de luxe, berlines, 4x4,
sportives, et surtout ces limousines gigantesques pour stars de cinéma ou de la
chanson, dépasse l’imagination. Et ne croyez pas qu’elles se trouvent seulement à
Beverly Hills : ce quartier où tous les riches, les vrais comme les faux se retrouvent
dans une glorification sans fausse honte et sans demi-mesure de l’opulence. Grâce au
Dow Jones ou au Nasdaq et autres stocks livrés en pâture à la frénésie spéculatrice,
l’Amérique est riche. Et sa richesse gagnée sans effort apparent se montre partout,
dans les rues des beaux quartiers aux magasins de marque de grand luxe, dans les
maisons hollywoodiennes à des prix stratosphériques insolents à l’image des gratte-
ciel qui osent encore monter comme un défi dans le firmament.

Cette frénésie de consommation qui va de pair avec la prospérité s’étale aussi dans
les méga shopping center, où prolifèrent les chaînes de magasin omniprésentes au
prix d’une uniformité un peu lassante. Rien n’est moins surprenant que de retrouver
les mêmes produits sur les mêmes rayons. Mais l'acheteur polynésien futé recherche
moins les marques que les démarques sur les articles, et pour cela, il connaît
pratiquement toutes les adresses idoines de L.A. : (prononcer el ai) pour dénicher
toutes les bonnes affaires à faire.

Pays natal du néfaste food sur fond vieillissant et un peu dépassé de hamburger
McDo. et diabétisant du Coke Classic, qui possède le vrai goût du Coca et non
l’horreur du Coca light, l’Amérique se diversifie vers les tamales et autres burritos
mexicains, voisinage oblige. Même la cuisine japonaise et chinoise se déguste dans
des gargotes aux noms de chaînes aussi exotiques que Koo Koo Roo (poulet en
japonais et non l’attribut mâle en tahitien). et autres Chin Chin et Panda Express, qui

137
n’a rien à voir avec le
mythique Orient Express de notre chère SNCF. Mais à travers
ses restaurants de luxe,
ses productions de vins californiens et autres, l’Amérique
veut se donner une autre image que celle d’un cow-boy rustre et paysan. Fi des

complexes d’infériorité vis-à-vis de l’Europe, elle se veut être raffinée et se pique de


mieux savoir manger et boire que toutes ces cultures rassises du Vieux Continent.
Elle veut montrer au monde qu’au fond la culture n’est qu’une apparence qui
s’achète et s’acquiert comme n’importe quelle marchandise. Et comme elle détient la
clé de toutes les richesses, rien ne lui est interdit, il suffit d’employer les grands
moyens.

Aujourd’hui toutes les connaissances et surtout les moyens d’accès appartiennent à


la technologie américaine, et qui plus est, ils sont démocratisés car informatisés et
disponibles à tout instant. Le savoir est supposé être accessible à tous. Mais en fait
tous ceux qui ne sauront pas se servir d'un clavier d’ordinateur seront perdus, car

largués d’un monde où toutes les informations nécessaires à leur survie ne seront
plus accessibles qu’à travers des messages préenregistrés, stockés dans des disques
durs avec sésame à la clé. Le savoir-faire, la réussite et ultimement le bonheur
dépendront donc de l’obtention d’un mot de code et de passe qui ne sera pas donné à
tout le monde.

Car la misère existe, bien cachée sous les rosaces de croisement des freeways
omniprésents. Loin des centres d’affaires où se traitent, se vendent et s’achètent les
richesses de la planète, des zones résidentielles aux jardins impeccablement
manucurés, des parcs d’amusement plus pour adultes que pour les enfants, elle
prolifère dans ces quartiers où pullule une population à caractère ethnique prononcé.
En prenant le temps de parcourir les artères encombrées et sordides du centre ville
qu’ils appellent ici downtown, subsiste toute une vie à l’européenne, pleine de
convivialité et de dynamisme. Ici régnent dans un coude à coude confraternel des
Mexicanos qui s’entendent curieusement très bien avec les Coréens, au point que
ceux-ci se sont mis à apprendre l’espagnol : commerce oblige. Par contre, sans qu’on
sache pourquoi, ces derniers n’ont aucun atome crochu avec la population noire
qu’ils détestent cordialement et les Blacks le leur rendent bien, allez savoir pourquoi,
car cette situation existait bien avant les émeutes raciales de 1993. Les Chinois
moins téméraires ou mieux
organisés et plus malins se regroupent bien serrés et en
force dans leur Chinatown quoiqu’ils aient déjà commencé à s’implanter déjà dans
des quartiers plus sûrs comme Monterey Park où ils sont majoritaires.

En déambulant dans ces artères pluriethniques, royaumes incontestés des


contrefaçons de marques françaises, pauvre Coco Chanel, si elle voyait les copies de
ses sacs si raffinés, je ne peux cependant
m’empêcher de ressentir devant ces
échoppes mexicaines ou coréennes qui rappellent celles du Sentier à Paris cette
énergie démentielle, caractéristique de cette envie de réussite qui ressemble
beaucoup à celle du désespoir. Depuis quelques années, il s’est créé autour du
« downtown » toute une industrie de confection,
dynamique à l’extrême, collant au
plus près aux exigences et dernières tendances de la mode. Très performante, elle
fournit tout un réseau de revendeurs californiens attirés par la rapidité de livraison et

138
la modération dans les prix.
Manquent malgré tout dans ce domaine exigeant de la
création de mode, le professionnalisme du savoir-faire,
l’exigence de qualité dans la
fabrication et surtout cette étincelle de génie dans le
style qui fait toujours la
supériorité des créateurs européens, français et italiens surtout. Facteur culturel ? Je
ne suis pas loin de le
penser.

Pendant temps-là, dans les beaux quartiers légendaires de Beverly Hills,


ce

Brentwood Pacific Palisades, comparables à nos


et
historiques et parisiens, Neuilly,
Auteuil et Passy, ma femme et moi avons voulu assister à la messe
pascale. Nous
avons jeté notre dévolu sur
l’église, The Good Shepherd, (Le Bon Berger), située
non loin des rues
mythiques de Rodéo Drive et de Wilshire Boulevard. En ce
dimanche, Pâques a amené la foule chic des grands jours, à tel point qu’il n’y avait
plus de places assises dans la grande église. Nous devons nous contenter d’une
messe dans la petite
chapelle attenante. L’accueil est assuré par un père débonnaire,
arborant sur son visage une foi souriante et dynamique. 11 va mener sa messe à
l’américaine, c’est-à-dire tambour battant, le tout dans un ton très familier et
pourtant
recueilli. L’assistance était festive, car en ce dimanche pascal,
par je ne sais quel
miracle, un rayon de soleil printanier et rédempteur a filtré derrière le smog
californien qui sévissait depuis plusieurs jours.

Et pourtant ce bel ordonnancement va être troublé


par le rappel des événements du
11 Septembre qui, comme un leitmotiv lancinant, reviennent hanter la cérémonie de
la messe. L’homélie du jour n’y échappe pas et
y fait référence. Sans doute le Christ
est ressuscité et a sauvé le monde par la rémission des péchés. Le doute
cependant
s’est installé dans le cœur des Américains, avec ce sentiment
pénible qu’ils se
trompent, que leur culture si pragmatique, qui fait la part belle à la seule réussite
matérielle n’aura pas apporté que du bien être et ne génère pas seulement
que le bien.
Qu’il existe de par le monde des gens pour qui ce style de vie à la richesse par trop
ostentatoire ne soit pas une panacée universelle. Qu’il existe une finalité dans la vie
qui pourrait être autre et différente selon les peuples, les ethnies et les civilisations.
Qu’il n’y a pas que la pauvreté, l’indigence ou l’ignorance qui puissent engendrer le
mal.

Les Américains anglo-saxons ont mal dans leur candeur de ne pas


comprendre
pourquoi la puissance, le confort et le bonheur découlant de leurs richesses qui
proviennent d’un système économique qui marche, arrivent à provoquer des
réactions aussi négatives, aussi absurdes et aussi finales que de jeter deux avions sur
les tours jumelles du .World.Trade Center. « Qu’avons-nous fait
pour susciter tant de
haine ? Nous montrons au monde entier la voie pour réussir dans la vie. Toute
l’humanité se bouscule à nos portes pour profiter de notre
système et de notre
réussite. Cherchez l'erreur » dit le Père. Il conclut en exhortant l’assistance à prier le
Christ pour que la paix et l’entente entre les peuples descendent sur terre afin que les
2830 morts de New York ne soient pas disparus pour rien. Isolé dans mon coin,
je
pensais aux plus de cent mille morts d’Hiroshima et de Nagasaki. Etaient-ils plus
coupables ou moins innocents que ceux du WTC ?

139
Mais il ne s ‘agit pas de faire le procès d’un pays, d’une culture qui, malgré tous ses
défauts, est la seule ayant les moyens comme l’Empire romain de faire régner une
Pax Americana dans le monde, ce dont ni l’Europe, ni la Russie ou le Japon et
encore moins la Chine ne peuvent assumer aujourd’hui et qui sont bien contents que
l'Amérique fasse le sale boulot de gendarme du bien à leur place. Loin de vouloir
mettre en doute la légitimité de la réaction américaine, il faut être aussi capable de

survoler les problèmes avec une vision interplanétaire sans faux-semblants, ni trop
manichéiste, car c’est la survie globale de la Terre qui est en jeu.

11 faut reconnaître qu’assurément, l’Amérique est capable de bien faire les choses. Il
estdes domaines, où depuis des lustres elle excelle à un niveau qu’aucun autre pays
n’est encore capable d’atteindre et notamment dans celui du sport. Dans les collèges
et universités, les activités sportives atteignent un niveau d’excellence mondiale,
même s’il a beaucoup baissé ces dernières années. J’ai eu la chance insigne de

pouvoir assister en direct aux deux finales de basket-ball universitaire, chez les
hommes et les femmes. Ce sont des évènements médiatiques nationaux couverts par
la télévision, qui mettent en effervescence l’Amérique tout entière. Et chaque fois, à
chaque finale, j’y ai retrouvé ce que le Nouveau Continent produit de meilleur.

Car cesjoutes finales sont comparables à de véritables tragédies antiques avec une
unité de lieu : la salle où se joue la finale, une unité de temps :celui que dure le

match, une unité d’action : la lutte entre le favori et l’outsider, dont les médias nous
auront gavés de pré-interviews, de conseils d’experts, de statistiques d’avant match
dont les supporters sont si friands. Le tournoi entre les quatre meilleures équipes
universitaires d’Amérique qui ont bataillé toute la saison pour arriver à ce stade
suprême afin de décider qui sera le champion de l’année est retransmis et suivi par
tout le pays en prime time : c’est-à-dire ces plages horaires où les spots publicitaires
sont les plus coûteux. C’est aussi pour les stars adulés de ces équipes, à la fois une
consécration nationale et un tremplin vers une future et lucrative carrière
professionnelle dans la fameuse National Basket-ball Association (NBA) où ne sont
choisis et ne survivent que les plus talentueux et les plus motivés.

Soutenues par des supporters passionnés sans être chauvins, volontaires et pourtant
bon enfant, les équipes viennent des quatre coins des Etats Unis après avoir disputé
des matchs éprouvants de qualification. Sur le plancher, se retrouvent par le système
d’élimination directe, les meilleurs joueurs non seulement par leurs qualités
physiques mais aussi morales. A cause de la pression impitoyable, les matches sont
souvent émaillés par une succession de paniers les plus fabuleux comme de ratés les
plus confondants de la part de ces jeunes stars qui ont à peine vingt ans.

Et j’ai toujours vu arriver à la fin, ce qui est à mes yeux lajustification de l’existence
des sports de compétition, ce moment fatidique, le plus dramatique, celui où,
confusément on sent que le match commence à être plié. Se lit alors sur le visage
pathétique des futurs vaincus, dans leurs yeux un peu fixes, légèrement hagards, le
début du désarroi. Celui de ceux qui savent au fond de leurs corps endoloris, aux
muscles tétanisés que le destin a déjà choisi l’équipe adverse.

140
Mais ce qui ajoute encore plus à la grandeur du drame qui se noue et qui se joue sous
nos yeux, c’est la résilience de l’entraîneur, qui essaie à lui seul, et cela, par devoir
souvent, par habitude peut-être, mais aussi par conviction et par orgueil parfois, et
trait bien américain, parce que c’est son boulot, de remotiver ses
joueurs jusqu’à la
dernière seconde réglementaire. On appelle cela du professionnalisme. Il faut qu’il
arrive à faire croire que rien n’est perdu, que tout peut encore arriver et peut encore
changer d’âme et c’est son travail. Mais qu’importe les motivations, avec ce genre de
caractère bien trempé, on apprend qu’il ne faut jamais abdiquer, ne jamais rien lâcher
et faire comme si la victoire était toujours possible. Finalement on
comprend que
c’est de ce bois que les exploits les plus fous sont faits et que les miracles
s’accomplissent.

Durant ces secondes stressantes et poignantes qui durent des minutes


qui se lisent sur
les visages angoissés, où tout semble définitivement perdu : le titre, les rêves de
gloire, les contrats, les protagonistes de cette tragédie trouvent quelquefois à travers
leur mental, dans leurs muscles qui n’en peuvent plus, cette énergie ultime qui
renverse les montagnes. C’est dans ces moments là,
que la caméra de télévision
capture le mieux en gros plans, sous les yeux d’un public chaviré, oscillant entre le
triomphe et le désespoir, que l'Amérique se retrouve et montre son vrai visage et ce
qu’elle possède de plus humain et donc de plus grand. Tout y est et tout y passe : la
joie délirante des vainqueurs inattendus, la détresse poignante dans les larmes des
vaincus qui n’arrivent pas à y croire et la digne poignée de mains des entraîneurs
enfin apaisés. Ce scénario qu’on pourrait croire si prévisible, aucun auteur, à moins
d’être devin, ne pourrait l’écrire à l’avance.

Tout est donc finijusqu’à l’année prochaine. Rideau. Pub. Demain la nouvelle saison
commence. Déjà tournoi, de golf celui-là, se profile à l’horizon : le Masters
un autre
d’Augusta avec le jeune Dieu de vingt six ans, des greens et des fairways, Tiger
Woods. Et il y en a qui n’aiment pas l’Amérique ?

Los Angeles le 3 Avril 2002

Né le 1er Janvier 1941, à Papeete, Jimmy LY, écrivain polynésien d’origine chinoise,
version Hakka. est l’auteur de trois livres, « HAKKA EN POLYNESIE » sur la
communauté chinoise à Polynésie, « BONBON SOEURETTE ET PAI COCO » sur
Tes souvenirs d’enfance et d’adolescence à Tahiti et en France, « DE SI KA PU EN

NOUVELLE CYTHERE », un livre de famille consacré à la vie du grand-père de


l’auteur.

141
« BONBON SOEURETTE ET PAI COCO » (Extrait)

« Le rock ‘n roll n’aura pas eu enPolynésie une influence aussi profonde ni durable,
dû au fait
qu’il y avait moins matière à révolte et à contestation de l’ordre établi. La
jeunesse était-elle trop heureuse en ce temps-là ? J’ai bien peur que l’accident mortel
d'un de mes camarades de classe (Ladislas Malinowski) au volant de sa belle
américaine à Tipaerui vers la fin des années 50 ne pourrait que me pousser à
répondre par l’affirmative.

Quant à la musique tahitienne, enfermée dans un cocon protecteur, loin encore des
bouleversements du monde, elle continuait son petit bonhomme de chemin
tradifionnel et imperturbable, avec ses mélodies joyeuses et nostalgiques. Eddie
Lund et son Quinn’s Tahitian Hut avec l’orchestre du Col Bleu sous la houlette du
sémillant Yves Roche tenaient vaille que vaille toujours le haut du pavé. Ce n’est
que plus tard, les jeunes Polynésiens s’essaieront à jouer du rock à leur façon, diluée
et affadie. Mais on ne retrouvera pas ni 1 ‘énergie de la révolte ni la joie animale de

la musique d’origine. 11 faudra attendre l’ouverture de l’aéroport de Faaa, pour


qu’apparaissent enfin, comme dans une génération spontanée, les premiers groupes
qui allaient bouleverser le paysage musical tahitien, comme les Barefoot Bovs dans
la formation avec Loma et plus tard ce sera Gabilou et l’orchestre de Petiot, ce
guitariste prodige, où débutait une chanteuse encore inconnue, Esther Tefana.

Ces groupes prenaient aussi des noms qui collaient à l’actualité : les Surfsiders du
Zizou Bar de Tony Chardo avec David Scott et son langoureux saxo, en contre-chant
dans «Quand le soleil dit bonjour aux montagnes... », le souvent oublié Tiare
Apetahi. jouant dans des baraques plus obscures, comme aussi ce compositeur et
chanteur méconnu, Coco Mamatui. crooner vedette de l’orchestre des Super Bovs
d’Alphonse. Mais les jeunes qui voulaient déjà flirter avec la mode yéyé et des
cheveux longs ne prenaient leur pied qu’avec les Savates Jaunes, à l’hôtel Taaone.
fief des frères Vemaudon. tandis que, signe précurseur des temps, apparaissait
également au firmament musical, un jeune chanteur d’origine chinoise, victime plus
tard d’un mauvais fait divers, Jules Chan.

Tout en s’écartant du répertoire traditionnel dominé par les incontournables chansons


d’Eddie Lund, et tendant une oreille plus attentive aux rythmes modernes qui
déferlaient sur la planète, tous ces orchestres allaient faire la gloire du Tiurai de
l’ancienne place Tarahoi, en rivalisant d’originalité, de fraîcheur inventive et
d’ambiance dans une vraie bataille musicale. Il n’avait pas une seule danse à
louper
dans dancings payants, où contre un ticket d’entrée valable pour un tour
ces

seulement, tout le monde pouvait s’encanailler, fox-troter, valser, twister, épaule


contre épaule, hanche contre hanche, sueur contre sueur, avec tout le monde, grand

ou petit, sans distinction de classe, de richesse ou de peau. Ne


comptaient que ces
trois trop courtes minutes de tendresse qu’on pouvait se payer sur des pistes archi-
bondées, car, ô! Bonheur des soupirants timides, on dansait collé serré sans avoir à
demander la permission à sa cavalière.

142
Et si par hasard, il vous arrivait d’avoir une envie pressante de vous soulager la
vessie un peu trop tendue par suite de nombreuses canettes fraîches de bière Hinano.
on le faisait à même sur la plage, pieds dans l’eau, sous la voûte étoilée, dans l’infini
de la nuit, bercé par le clapotis du lagon, et souvent à côté d’une
personne du sexe
opposé, saisie de la même urgence, mais à un étage plus bas, qui vous gratifiait
incontinent mais n'était-ce pas de circonstance, d’un large sourire de connivence
qu’on pourrait méprendre dans la chaleur du moment pour de la séduction. Cette
miction lagonaire. fraternelle et solidaire créait de fichtre liens pour la soirée
qui
venait à peine de commencer... »

« BONBON SOEURETTE ET PAI COCO »


(Extrait)

Une partie de mah-jong salvatrice

« De cette incompréhension et de cette indifférence était née en moi cette


interrogation en leitmotiv : qui étions-nous vraiment? Difficile à l’époque de nous
dire Polynésien car nous n’étions pas considérés comme tels. J’avais pu mesurer
aussi la distance culturelle qui me séparait de ces vrais Chinois du foyer. Quant à
nous sentir comme des Français il y avait
toujours hélas, quelque part, une autorité
tatillonne de préfecture, un surveillant général un peu grincheux, ou tout simplement
un
patron de bistrot mal embouché pour nous rappeler que nous étions toujours des
invités : en somme des Hakkas qui seraient des étrangers partout où ils mettraient
leurs pieds.

Aussi, il nous fallait réagir contre cette ambiance délétère et réductrice. Faire jaillir
une revendication et la mettre en forme dans un projet, et pourquoi pas, pensions-
nous, une association d’étudiants chinois de Tahiti. Nous étions trop isolés,
éparpillés aux quatre coins de la France. Pour survivre en tant que groupe, nous
devions nous réunir et nous rassembler autour d’un projet qui pourrait être la
recherche de notre propre identité, dont les plus anciens étudiants n’avaient gardé
qu’un souvenir incertain. Reconnaître qui nous sommes avec nos propres spécificités
et différences, faire jaillir de nous-mêmes la conscience d’une identité à naître et à

construire même de bric et de broc. Voilà de quoi rendre une vie d’étudiant plus
passionnante et plus motivante comme une épopée ou une croisade. Comme avec les
pèlerins et les croisés, il nous suffisait simplement d’avoir la foi.

Le miracle se produisit par une de ces soirées d’été de désœuvrement, d’une

morosité aussi déclinante que le jour qui n’en finissait pas de mourir, quand l’idée
géniale et conviviale de d’une table de mah-jong germa dans
nous retrouver autour
nos cœurs neurasthéniques. Que n’ayons pas sous la main un jeu de ces
nous
indispensables figurines en ivoire n’était pas un obstacle insurmontable, ni suffisant
pour contrecarrer notre premier culturel. Vaillamment découpées à la va comme je te

143
scie dans de fines lamelles decontreplaqué, les plaquettes poncées, puis vernies avec
un soin
d’archéologues sinologues à la Teilhard de Chardin, furent soigneusement
calligraphiées par notre seul étudiant spécialiste ayant fréquenté l’école chinoise à
Tahiti. Puis, cœur battant la chamade, nous les disposâmes en un ersatz de

parallélogramme irrégulier, empilées par paires et alignées en rangées réglementaires


sur la table carrée en feutrine.

Tout étant prêt et dans l’ordre des choses, cette fois-là enfin, l’heure du destin avait
sonné pour les quatre protagonistes positionnés aux quatre coins cardinaux,
inoubliables pionniers d’une aventure qui les emmènerait virtuellement jusqu’aux
confins des routes de la soie. Quand le plus ancien d’entre nous, assis côté Est, eut le
premier l’honneur de lancer les deux dés sur le centre de la table enfermant l’aire de
jeu, en s’écriant rituellement, « Le jeu est ouvert », il passa alors sur cette partie de
mah-jong d’une chambre de bonne du Quartier Latin, ce moment magique indicible
qui nous ramena vers cette Chine étemelle et immémoriale.

Tout prenant avec précaution un quarté de figurines pas encore démasquées, je


en

rêvais, le cœur et les yeux hilares, qu’au-dessus de cette table, je pouvais sentir
passer le souffle de ce vent des steppes septentrionales de Samarkand et de plus loin
encore, qui nous faisait remonter des siècles en arrière jusqu’à l’ère mythique de
l’Empereur Ts’in Che Houang Ti de la dynastie des Han. Avec les moyens du bord
et notreingéniosité légendaire, nous avions réussi la gageure de renverser le cours du
temps et du destin. Comme pour cette France qu’on dit cocardière c’était le soleil
d’Austerlizt, contrairement à Waterloo, nous n’attendions pas Grouchy mais ce ne
fut pas Blücher non plus. Sonnant la charge comme la cavalerie américaine dans la
« Chevauchée Fantastique » de John Ford, avec un « Kong Song Fa » belliqueux

présage d’un banco triomphant, les oriflammes impériaux annonçaient l’arrivée de


Ts’ao Ts’ao, l’invincible généralissime des Trois Royaumes.

Nous nous sentions de


nouveau en phase avec nous-mêmes, mais aussi avec tous

ceux qui avaient précédé sur cette terre de l’empire du Milieu, de ceux
nous
découverts par les voyages de Marco Polo ou embarqués sur les expéditions
maritimes de l’amiral Cheng Ho, de ceux de la diaspora et bien sûr de tous nos
parents et amis restés en terre polynésienne. Et quand le plus chanceux des quatre
joueurs gagna la première donne d’anthologie avec un « POLTNG » retentissant, nous
avions retrouvé nos racines oubliées et notre âme perdue, dispersée dans les
pérégrinations forcées.

Les partie de mah-jong pouvaient continuer et se succéder dans la nuit estivale.


L’excitation qui faisait trembler les doigts et les cœurs, et cette fièvre d’adrénaline
que tous les joueurs invétérés ou non connaissent si bien, qu’ils jouent dans
l’atmosphère malsaine d’un bouge de Macao d’une arrière-salle enfumée et
braillarde d’un restaurant de Canton ou sous les scintillants et vénéneux néons de
Las Vegas, au moment où le croupier fige leurs mises et leur destin avec un définitif
« Rien ne va plus », n’allaient désormais plus nous quitter... »

144
« HAKKA EN POLYNESIE » (Extrait)

« C’est au de leurs agapes hebdomadaires: où il faut savoir autant ouvrir


cours

l’oreille que la bouche, (Pascal ne disait-il pas'que nous sommes corps autant
qu’esprit), qu’ils (les membres de l’association Wen Fa) sont constamment à la
recherche de ces passerelles qui leur permettraient de relier des cultures aussi
dissemblables que celles qu’ils vivent au jour le jour. Ils espéraient ainsi secrètement
accomplir cette utopie maîtresse qui est de pouvoir marier la joie de vivre du pays,
avec la sérénité ancestrale sous
l’éclairage de la raison occidentale dans un raccourci
significatif bien que. j’en conviens, un peu trop rapide, sinon trop sommaire d’une
vision de la future société polynésienne.

Dans cette cuisine des idées, ils pensent à la passion culinaire, qu’elle soit chinoise,
française oupolynésienne, comme un des moyens pour arriver à la fusion de ces
affinités naturelles, complices et uniques dans une vivante illustration du mythe qui
voudrait qu’on ne se nourrit que de ce qu’il y a de meilleur chez les autres. Et à
force, ils en arrivent presque à s’identifier à leur plat favori, ce poisson cru dit « à la
chinoise », plat de polyglotte s’il en est un. souvent galvaudé par une mauvaise
préparation, mais plat mythique quand il est sublimement réussi.

La recette d’un esthétisme cartésien et rigoureux à. la fois est une savoureuse


juxtaposition de fines lamelles de thon frais à peine mariné de jus citron, sur un
émincé de carottes et navets frais parsemé de gingembre et de légumes chinois
confits aigre-doux, parfumé d’un délicat filet d’huile de sésame et saupoudré d’un
nuage odorant de cacahuètes finement écrasées : le tout enfoui sous une chape de
vermicelles chinois craquant de bonheur sous la dent. C’est comme une jubilation,
un bonheur de vivre et une
rédemption tout à la fois, où l’on rêve qu’on puisse faire
le bonheur de tout un pays en flattant le goût de trois palais avec un seul et même
plat qui devient le plus grand dénominateur trilingue.... »

145
Flora AURIMA épouse DEVATINE

( Va itiare)

Je suis née le 16 Octobre 1942 à Temoto'i, à l'entrée du Pari, côté


Tautira : de ce fait
je n'ai été scolarisée que dans ma neuvième année à
Papara, où je fus confiée à une tante qui habitait ce qui restait de la maison
coloniale de mon grand'père paternel né d'une mère anglaise d'origine
irlandaise et d'un père tahitien, fils de 'aito de Papara, 'iato'ai de Fa'a'a ; il
avait épousé sa petite cousine née d'un fils de chef de 111e de Rotuma et de
sa tante, « un mariage arrangé » imposé par le rotuman, pour une raison
de patrimoine à préserver, « 'eiaha te faufa'a ia haere i rapae ».

Cette période de ma vie au milieu des souvenirs, photos de grands


parents, d'arrières grands-parents, récits mythiques familiaux, récits
claniques des Teva et de Rotuma, assurément va laisser son empreinte en
la petite fille du Pari que j'étais, marquée par ailleurs par mon enfance dans
la liberté, la solitude et parfois dans la violence de la nature, des éléments
et de la vie au Fenua Aihere : terre, mer, eau, espace, pluies, bourrasques,
montagnes, lagon, chevaux, bétail, cabris, oursins, anguilles...et des
voyages en pirogues par tous les temps, des traversées du Pari, Tautira-
Teahupoo-Tautira dans la grande pirogue pour rendre visite à ma sœur
aînée, des pêches nocturnes sur les platiers, ou sur l'ilôt, des nuits dans la
grotte de Anaihe, et des légendes, des légendes....et le travail, le travail
sans répit des parents, pêche, récolte du coprah, cueillette du café,
entretien de la propriété, débroussaillage et plantation d'arbres fruitiers au
fa'a'apu ma'a, chasse aux cochons sauvages,....et des effluves d'autres
espaces, d'autres vies, lors des passages réguliers de gens divers arrivant
du village, de Papeete, de contrées plus lointaines : un lieu immense,
mythique, très fort, et cela, jusqu'à l'âge de 17 ans,
Des expériences de vie déterminantes pour la suite de mon parcours
et de mes centres d'intérêt..

1961, et après un court passage dans la vie active, je pars en


En
France y poursuivre mes études grâce à une bourse du Conseil des Eglises
protestantes.
Précocement sensibilisée à tout ce qui concerne et fait la société
polynésienne d'alors, attentive aux faits de la vie au quotidien, je prends
conscience, lors de vacances sur le fenua en 1965, de l'évolution et des
changements en cpurs dans les familles, dans la vie à Tahiti.
Dès mon retour définitif, en 1968, et sur un conseil de l'un de mes
professeurs de la Faculté de Lettres de Montpellier, je décide de ne « (me)
fourvoyer en espagnol » que pour vivre, et de « (m)'intéresser à (m)a
culture »,
Et je débute ma longue et isolée recherche sur divers aspects de la
culture de la société polynésienne, (terres, généalogies, famille, adoptions,
noms, discours, chants, jeux, pêche, lois indigènes, taille des pirogues...)
Me passionnant, dans la solitude, pour tout.

146
Par tradition familiale et par sens, un peu
désuet, du devoir social, je
m'initie à la poésie traditionnelle, à l'ancien
parlerauprès des orateurs
d'alors, composant à l'ancienne des chants-poèmes, en tahitien, à i'instar
des oncles et grands oncles, et écrivant en français des textes libres.
Jusqu'à ce jour, l'objectif de ma vie n'a pas varié : culture et société
polynésiennes, même lorsque les hasards et/ou les largesses de la vie
m'avaient conduite à m'investir dans des actions en faveur des
femmes, le
projet était avant tout, « femme et culture », « rôle de la femme dans la
transmission de la culture »,
Une ligne de conduite tenue et menée de front avec une vie familiale
nombreuse, (mon mari et moi avons six enfants et nous sommes grands
parents de quatre petites-filles), une ' vie professionnelle, para
professionnelle, sociale, non moins chargée, en tant que membre de
plusieurs associations I

Sur le plan linguistique, pendant séjour


mon en France, j'ai initié au
tahitien un étudiant allemand (1964) qui deviendra quelques années plus
tard, ethnologue, linguiste, professeur spécialiste des langues
polynésiennes à l'Université de Berlin, et j'ai travaillé sur le tahitien pour
deux de mes professeurs de faculté (1968). ,

Mais ma langue d'origine va s'enraciner plus profondément grâce à


la correspondance écrite exclusivement en tahitien à ma mère, sur sa
demande expresse, pendant les sept années de séjour en France, de 1961
à 1968,
Et je conserve précieusement toute celle que j'ai reçue d'elle de
façon régulière pendant cette même période..

En1972, j'ai été désignée, parmi les 20 premiers membres de


l'Académie Tahitienne, par un Comité des Sages de 10 personnalités
polynésiennes du Territoire, parmi lesquelles figure un des orateurs qui
m'avaient introduite dans la littérature orale en 1968-69 (il avait été
également l'un des informateurs de la reine Marau du vivant de celle-ci.)

A la recherche d'un mode d'expression, j'ai fréquenté un


temps
l'Atelier de peinture de Rui Juventin, de 1970 à 1974, avec lequel nous
avons créé le CAPPO ou Club des Artistes peintres de Polynésie en 1971,
Et en août 1972 j'y ai fait une exposition de peinture, sous le haut
patronage de Mme Pierre Angeli : des nature mortes, fruits et fleurs, des
bateaux, des pirogues et la mer, la mer, démontée..., « bateaux se
pressant au port au crépuscule», « a hoe, hoe, papape to tua e te mata'i »,
«
quand les nuages se transforment en fleurs », « la nuit, les fleurs nous
...

parlent », en étaient quelques titres.


Finalement, j'ai choisi l'écriture.

147
J'ai gagné ma vie en enseignant au Lycée-Collège Pômare IV,
l'espagnol (1968-1998), et le tahitien, (1977-1998), avec une coupure de
deux ans, 1983-85 où je suis allée enseigner l'Espagnol au Lycée français
La Fontaine de Niamey (Niger).
J'ai initié mes élèves de 4° et de 3° à la récitation poétique
traditionnelle, en organisant un Intermède poétique sur les textes poétiques
tahitiens (en mars 1972), de même qu'à la poésie espagnole, en les faisant
participer aux "Juegos poéticos", Concours de poésie espagnole à Tahiti
organisé par le Club d'Espagnol du CES du Ta'aone (otobre 1978).

J'ai été
chargée d'enseignement vacataire, (1986-95 ) pour les 1° et
2° année de Dulco (antenne de l'Inalco en Polynésie Française) au Centre
de la Promotion Universitaire du Territoire de la Polynésie française, puis
pour les 1 ° et 2° année de Deug de Tahitien à l'Université Française du
Pacifique, devenue l'Université de la Polynésie Française, à Outumaoro,
(Punaauia-Tahiti),
En tant que "personnalités choisies en raison de leur compétence
dans les domaines scientifique, culturel ou professionnel", pour enseigner
"dans les établissements publics à caractère scientifique et culturel" et
"dans les établissements publics d'enseignement supérieur relevant du
Ministère de l'éducation" national,
Pour y enseigner langue et poésie tahitiennes.

De 1977 à 1978, j'ai fait des interventions sur les ondes


radiophoniques à propos de la poésie tahitienne pendant lesquelles j'ai
restitué en partie le résultat de ma recherche,
Et en 198?, 1985, des interventions à la radio sur la poésie
tahitienne de langue française.
Avec M. Royol, des professeurs de français et des poètes, nous
avons créé l'Association Poètes en pareu en 1989, organisant des Concours
de Poésie interscolaire (1990, 1991).

Enfin, le 12 Janvier 1998, j'ai pris une retraite anticipée pour me


consacrer à mes projets d'écriture et de recherche.

J'ai écrit, de 1970 à 2002, de façon quasi régulière, en français, des


textes poétiques sur des faits de la vie au quotidien : propos à tout propos,
poèmes libres, textes d'intervention, notes personnelles,...
Et, en tahitien, des poèmes à l'ancienne: "pariparifenua", "fa'atara",
"fa'ateni", "pata'u", "rauti", '"ute",....chantés en "tarava", en "ru'au", en
'"ute".

Mais, j'ai peu publié, deux livres, en 1980 et en 1998 :

1) « Humeurs », Polytram, mai 1980, Papeete.


Un recueil de textes des années 1970, publié sous le pseudonyme de
Vaitiare, écrits par besoin d'écrire, et pour inciter les jeunes Polynésiens à
l'écriture.

148
Pahu
2)«Tergiversations et Rêveries de l'Ecriture Orale" - "Te
Hono'ura", (le tambour de Hono'ura), Au Vent des Iles, Editions
a

de Tahiti, Scoop, Octobre 1998, Papeete.


Un ensemble de textes sur la problématique de l'écriture en milieu
Polynésien, sur mes propres difficultés.

3) une série de plaquettes intitulée « Les Tablettes -Te Hiapo -


Tata'u sur Tapa de Vaitiare », reprenant des articles publiés et de petits
textes non parus.

4) des articles sur divers points de la culture, de la société, lorsque


je suis sollicitée pour
une intervention.
Certains de ces articles sont publiés dans les Actes des colloques et
séminaires ou dans les rapports, mais d'une façon générale, ces écrits et
menus travaux de recherche qui ont été menés jusqu'à présent ne sont
que
l'expression :
*
d'un intérêt pour des notions élémentaires de base, concer-
nant la culture, les gens du passé et du présent, ce qui a pu constituer leur
vie,
*
d'un grand besoin d'approfondir la connaissance de base du
milieu social, humain, culturel,
*
d'un grand
besoin de savoir, de comprendre le quotidien, pour
y asseoir une réflexion plus claire.

Articles publiés ou non publiés :

(Mars 1972: Pariparifenua de Fa'a'a: Heu d'origine familial (sous le


pseudonyme de Tetuaunurau a Fanautua)
26 Nov. 1972 : Journée Papeiha à Paea sur le thème, "Papelha et la
mer" ; composition du Fa'ateni de Papeiha, en vue de la Joute oratoire:
traduction et explications (non présenté)
9 Fév. 1974 : texte pour le Père O'Reilly sur la poésie et sur la
peinture...)

1) Mars 1972 : Intermède poétique sur les textes poétiques


tahitiens : réalisation et bilan (non publié ; objet d'une intervention à l'UFP,
rue Cook)
2) 7 Juillet 1975 : "La pêche aux thons à Papeariune pêche de
l'ancien temps, la pêche à l'appât vivant, publié dans la plaquette "Du Lycée
aux réalités", des Elèves de 2° Économique du Lycée Paul
Gauguin et du
Lycée Technique du Taaone, p. 70-73, 1975, Polytram
3) Mai-Juin 1976 : Arrivée de la grande pirogue double Hokulea,
Participation au Concours de chants organisé par l'Association Ta'inui
et la MJMC de Pa'ofa'i, sur le thème : "Hokulea et les migrations
polynésiennes"
Composition de Te Pehe o Hokule'a : (pseudonyme Vaitiare), un
ensemble de 4 poèmes en tahitien dont :
a) un Fa'atara de Hokulea,
b) un Pata'uta'u pour l'écope,

149
c) un Pata'uta'u pour la rame.
(le "fa'atara" fut chanté en "tarava tahiti" par un groupe de Papara,
remportant le 1° prix) ; publié dans Les Tablettes -Te Hiapo - Tata'u sur
Tapa de Vaitiare, (juin 2001).

4) 20-23 Mars 1977 : Tenue du Premier Café Cabaret de la Maison


des Jeunes de Tipaerui, lors de deux soirées co-présidées par Mme G.
Clark-Cadousteau et moi-même, en tant que membres de l'Académie
Tahitienne.
Composition d'un "Rauti" ou Poème d'exhortation: "Te Manava
Ihotupu" ou "La Conscience Polynésienne"; texte écrit en tahitien, traduit
en français, au retour de la lère Soirée du Café Théâtre de la MJMC ; texte

pensé "comme une réponse possible du dieu de la Culture, de la


Connaissance" "Ta'ere" aux invocations du poète Henri Hiro s'adressant à
"Oihanu", au travers de son poème du même titre ; il a été dit sur scène,
lors de la 2eme soirée ; texte inséré dans le rapport pour l'Unesco de Juin
1977, publié en Mars 1979 dans le bulletin n° 206 de la Société des Etudes
Océaniennes (SEO), p. 403-404) ; puis repris et publié par les responsables
de la MJMC, en 1980, dans un numéro de "Tauhiti".
5) Juin 1977 : Rapport sur "Les problèmes rencontrés en Polynésie
pour la conservation du patrimoine culturel et le développement des
cultures océaniennes : évaluation et propositions" ; rapport écrit à la
demande de l'Unesco, qui va déboucher sur la création du Département de
Recueil des Traditions orales à la MJMC (Maison des Jeunes, Maison de la
Culture de Polynésie Française) après la venue de Mme Yoriko AIKAWA et
une rencontre à trois avec Henri Hiro, portant sur le matériel et la prise en

charge de la formation des enquêteurs.


6) Mai 1980 : "Humeurs", Polytram, 1980, Papeete
recueil de textes des années 1970, publié sous le pseudonyme de
Vaitiare, écrits par besoin d'écrire et pour inciter les Polynésiens à l'écriture.
7) Juin 1980 : Rapport sur "Le Rôle de la Femme dans le dévelop-
pement de la région océanienne", mentionnant "le rôle culturel" de la
femme.
(Diffusion restreinte: Document: SP Conf. 20/WP. 12, 21 Août 1980)
(rapport rédigé sur la demande du Vice-Président du Conseil du
Gouvernement, Mr Francis SANFORD, devenu dans son intégralité,
"Document présenté par la Polynésie française" à la 20° Conférence du
Pacifique Sud (Port Moresby, Papouasie-Nouvelle-Guinée, 18-24 Octobre
1980).
8) Juillet 1981 : Intervention sur "Le rôle des Femmes dans la
Culture" au "Séminaire des Femmes du Pacifique Sud" (Papeete, Tahiti, 20-
24 Juillet 1981) ; (Document: SPC/Women/WP. 28, 12 Août 1981)
9) De la notion du Tapu et du Rahui : (intervention lors des
Premières Journées de la Recherche) ; paru dans 'Le Grand Sud' (2000)
10) 27 et 28 Octobre 1989 : Poème en tahitien d'exhortation à
l'adresse des participants, (Premiers Etats Généraux de la Charte de
l'Education: publié dans.Lettre Circulaire n° 8 du 1-12-1989 du Ministère de
l'Education et de la Fonction Publique.)

150
15)Mars
11) 8 Mars 1991 : "Rôle de l'homme et de la femme dans la société
pirogue" (Intervention lors de la Journée Internationale de la Femme sur le
thème de la Planification familiale, à l'Assemblée Territoriale : texte publié
dans "Les Interventions de la Journée Internationale des Femmes".

18)93
13) 17 Sept. 1991 : Fa'ateni des Missionnaires, des Anciens élèves
et Exhortation des jeunes élèves, lors de la Fête des 125 ans de
l'Enseignement Protestant en Polynésie Française 1866-1991; publié dans
le Pomarescope 1991-1992.
14) 13 et 14 Mars 1992 : La mémoire polynésienne, une création :
texte publié dans les Actes du Colloque organisé par l'Association Racines
sur La Mémoire Polynésienne - L'apport de /'Autre, Musée de Tahiti et des

Iles.
1992 : « Propos libres sur l'Apport de /'Autre dans la recherche
de la Mémoire Polynésienne » : inséré dans une Correspondance, "Logues"
(à paraître) ; publié dans Les Tablettes - Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de
Vaitiare, suivi de deux textes, Questionner /'Autre et Manger la mémoire, de
Bertrand-F. GERARD (Octobre 2001).
16) 4-7 Mail992: "Les Moyens pédagogiques pour l'enseignement
en langue polynésienne - Production de matériel
didactique"; intervention
au 2° Colloque des Langues Polynésiennes, "Te taura firi i te reo ma’ohi" :

texte mentionné dans le rapport du 2° Colloque des Langues


Polynésiennes).
17) Avril 1993 : "L'enfant polynésien", texte publié dans le rapport
final du Groupe de travail chargé de l'adaptation de la pédagogie de
l'espagnol au Territoire.
Te Mana'ona'o o na ruahine: poème en tahitien portant sur
l'échange de deux femmes d'âge mûr s'interrogeant sur le passage rapide
du temps et sur le changement de la société, des gens ; texte dit en public
dans une intervention en mai 1999 lors de la Fête du Vea Porotetani; publié
dans Les Tablettes - Te Hiapo Tata'u
Tapa de Vaitiare, (juin 2001).
- sur
19) 1-3 Juin 1993 : "Récit d'une communication
avec les esprit

HI'OHI'O sur deux pratiques magiques: La parole et l'écriture", publié dans


les Actes du Colloque International "Magie et Fantastique dans le Pacifique",
Laboratoire de Lettres et Sciences Humaines", direction, Mme S. ANDRE,
Professeur et Mme S. FAESSEL, Maître de Conférences à l'Université
Française du Pacifique.
20) (texte de 1993-94! : Identité : publié dans Les Tablettes - Te
Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (juin 2001)
21) 1994 : La peau de l'Ours : l'homme énigmatique ; publié dans
Les Tablettes -Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (juin 2001)
22) 1° Déc. 1994 : Chant d'exhortation aux élèves, lors de
l'inauguration du 2° étage du Collège Pômare IV, publié dans le Ve'a
Porotetani et dans Pomarescope n° 17 de 1994-1995.
23) Décembre 1994 : Article sur "Les Espagnols et Vehiatua à
"Fatutira i te ta'i pa'a'ina", publié dans la presse locale, (La Dépêche) en
vue du 220° Anniversaire de la Première Messe dite sur le sol de Tahiti,

célébrée à Tautira par les Pères Missionnaires Espagnols (1er Janv. 1775 -
1er Janv. 1995).

151
24) 1er Janvier 1995 : Exposition sur Tautira à l'arrivée des
Espagnols : texte de présentation de l'Exposition.
25) Mai 1996 Fa'atara no Tautia : poème en tahitien d'éloge de la
terre et du père ; publié dans Les Tablettes - Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de
Vaitiare, (juin 2001).
26) Septembre 1996 : "Y a - t - il une littérature ma’ohi?" : article
écrit à la demande du Ve'a porotetani, Mensuel Protestant, mais y est
publié partiellement : publication in extenso dans le bulletin de la Société
des Etudes Océaniennes N° 271: p.24-38 du mois de septembre 1996 ;
publié dans Les Tablettes - Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (octobre
2001).
27) 1996 : Postface du livre, "Lieux-dits ou le Malentendu culturel"
de Bernard RIGO, Au vent des Iles, Scoop, 1997) ; publié dans Les
Tablettes - Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (octobre 2001).
28) Décembre 1996 : "Dans quelle langue écrire"? : article écrit pour
la Revue annuelle N° 6, Dixit 1997, Revue économique, sociale et culturelle,
Créaprint ; publié dans Les Tablettes - Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de
Vaitiare, (janvier 2002).
29) 7 et 8 Mars 1997 : " Vivre sa foi au quotidien, ou l'adaptation de
la religion à la population" ; publié dans Les Actes du Colloque International
(Papeete Evangile et Mission en Polynésie: 1797-1997, Les Cahiers du Ve'a
Porotetani, Mensuel Protestant de Polynésie française ; publié dans Les
Tablettes - Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (octobre 2001).
30) Février 1998 : Oralité : L'histoire de Hina et de l'anguille ;
Rencontres Africaine et Polynésienne autour de la tradition orale, (10-13
Février 1998), à la maison de la Culture* et à propos des "Contes et
légendes d'hier et d'aujourd'hui" ; publié dans Les Tablettes - Te Hiapo -
Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (juin 2001) et dans 'Le Grand Sud' (2002).
31) 22 Mars 1998 : « Récit de mémoires mêlées: mémoire familiale,
mémoire sociale et mémoire historique »; sur les fondations de la Maison
des Missionnaires anglais à Papara, (4° Colloque des Langues
Polynésiennes, "Te Taura fi.ri o te reo ma'ohi") ; joint au rapport du
Colloque ; publié dans Les Tablettes - Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de
Vaitiare.
32) 17 Avril 1998 : Quelques "Noms" d'élèves et "La légende de
Heitarauri", interventions dans le cadre d’une série de Conférences mises
en place par l'AREN PF, (Association des Rééducateurs de l'Education
Nationale, section de Polynésie Française) en préparation du thème,
"L’Ecole au cœur des Cultures", au Congrès Nationale de l'AREN, du 19 au
22 Mai 1998 à Lille, et publié dans leur rapport.
« Mon Nom » : composition d'un texte sur le Nom que l'on s'est
donné (non publié).
33) 10 Juin 1998 : "Le Savoir du Nom" : intervention dans le cadre
d'une série de Conférences sur la thématique générale de "Communication
et transmission des savoirs, hier et aujourd'hui", mise en place par l'IUFM,
(Antenne de Polynésie française), du 20 Mai au 10 Juin 1998. (non publié).
34) 1998 : "Entre Mémoire et Histoire" : article (non publié).

152
35) Octobre 1998 : « Tergiversations et Rêveries de l'Ecriture Orale"
ou "Te Pahu a Hono'ura", ( Le tambour de Hono'ura), Au Vent des Iles,
Editions de Tahiti, Scoop, Papeete.

1998-1999 : Inscription en DEA IMAGO MUNDI.

36) en avril 1999 : La place de « La part d'ailleurs » dans « Notre


société polynésienne du 3° millénaire » texte d'une Intervention devant la
Commission chargée. de la culture, au Conseil Economique, Social et
Culturel (CESC) de Polynésie française ; publié dans Les Tablettes - Te
Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (juin 2001).
37) 3 mars 1999 : Les paradoxes de la Journée du 5 Mars (article
publié dans le quotidien « Les Nouvelles », 1999) et dans Les Tablettes -
Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (juin 2001).

38) Janvier 2000 : « La Traversée des Noms polynésiens »


soutenance du mémoire de DEA (non publié).

39) Février 2000 : Rarahu ou le Mariage de Loti /article publié dans


un numéro spécial du BSEO n° 285/286/287 p. 197-205. Avril-Septembre
2000, consacré à P. LOTI ; publié dans Les Tablettes -Te Hiapo - Tata'u sur
Tapa de Vaitiare, (octobre 2001).

40) Septembre 2000 : « Une histoire de portions de lagon, de pâtés


de coraux, de récifs, de passes, de poissons, de formes de pêche,...à
travers des poèmes tahitiens « pariparifenua », « éloge à la terre » :
intervention lors de la réunion du Comité national de ITFRECOR, Bora-Bora,
18-22 septembre 2000, sur la protection des récifs coralliens ; publié dans
Les Tablettes -Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (octobre 2001).

41) 24 mars 20001 : « La levée du tapu de l'écriture », (non publié)


Soirée consacrée à la Poésie Polynésienne au Théâtre Molière/ Maison de la
Poésie : prestation d'une demi-heure portant sur un ensemble poétique
intitulé, « La levée du tapu de l'écriture », composé d'extraits de trois
textes en français et en tahitien distribués dans l'ordre qui suit :

a) La Mémoire (extrait d'une partie d'un texte non publié intitulé


Entre Histoire et Mémoire exprimant les freins, les peurs, la.souffrance de la
mémoire,, (à reconnaître et accepter simplement)
b) Je dis Merci à mes Ancêtres (extraits d'un texte non paru Je
dis Merci à mes Ancêtres) (« les morts-vivants » qui doivent être reconnus
et remerciés par les descendants pour qu'ils puissent entrer plus librement
et plus légèrement dans l'histoire),
c) Exhortation à la jeunesse (extrait d'un poème d'exhortation
des jeunes à « grimper vers la grotte aux mille savoirs », à « enfiler des
cordes-diplômes », pour assurer leur entrée dans la modernité de l'histoire
présente.

153
42) Mai 2001
Te hura vai te hura o te ora : « Danse de l'eau, danse
:
de la vie » poème
tahitien pour un concours de « 'orero » ; publié dans
en
Les Tablettes -Te Hiapo - Tata'u sur Tapa de Vaitiare, (juin 2001).

articles à paraître:

article sur l'Oralité à paraître avant juin 2002


Octobre 2001 : un
dans « 101 comprendre l'histoire de la Polynésie française »
mots pour
(publication du GRHOC de l'Université française de Nouméa, Editions Iles de
lumière)
Octobre 2001 : un article sur
-

Le Corps » à paraître avant juin


«

2002 dans le Bulletin n°l de LARSH de Polynésie française (Laboratoire de


Recherche en Sciences Humaines de l'Enseignement Supérieur Catholique)
S ^

ouvrage prêt a la publication :

Logues : une Correspondance, prétexte à l'écriture, de 1995 - 1998

Extraits :

1°) « Tergiversations et Rêveries de l'Ecriture Orale - Te Pahu a


Hono'ura »

Et j'écris

M'emparant des mots,


Insufflant les mots,

Par petits sanglots spasmodiques,


Et par soupirs libérés !

Petites bulles hoquetantes


Remontant les eaux lacrymales

Des sources immémoriales

Pour éclater à la conscience !

Et j'écris

Pour abreuver les mots


De "tara", d'ananas

Et de fruits de la passion !

Pour fleurir bon les mots,


De vanille, de "tiare", de "anuhe"

Et de "maire rauri'i" !

Pour incruster les mots


De corail, de nacre, de "pitipiti'o" !

154
Et j'écris

Sur les mots


Pour étourdir le sens !

Et j'écris

Sur le senti
Pour exprimer l'essence !

Et j'écris

Sur l'écrire
Pour épuiser l'écrire !

Et j'écris

Pour hanter et entêter les mots,


Pour que naisse l'écriture !

Extraits de « Notes » (1998)

« Cette écriture naissante, balbutiante, « utéyante, faatarayante, pariparyante »


jusque-là, est aussi
bien celle d'un peuple accroché à sa tradition poétique, à sa poésie traditionnelle,
Mais un autre mouvement est donné, et il va se développer, s’amplifier avec la présence de
l'Université de Polynésie française.

En fait, on sait qu'il faut écrire et qu'il y a cette nécessité d'une écriture spécifiquement
polynésienne,
Mais entre le moment de la formulation de l'idée et le passage à l'acte, il peut s'écouler du temps!

Car, jusque-là, les gens voulaient bien écrire, mais n'osaient le faire,
Peu familiers de l'écriture, doutant d'eux-mêmes, ils tergiversaient,
Ne se sentant pas des qualités, des compétences, pour se lancer dans l’aventure de l'écriture.

Et chez ceux qui arrivent à dépasser leurs propres limites pour


répondre à leur désir d’écrire,
La pensée d'un public de lecteurs scrutant, décortiquant le texte et son auteur, souvent suffit à
les arrêter, à les bloquer !
Ce sont de téls freins humains, culturels, psychologiques, de comportements, de ressentis, réels
ou imaginés par celui
qui les vit en lui-même... qui y sont exprimés.

Aujourd'hui, de toutes les formes d'expression, intellectuelles, artistiques, esthétiques,


théâtrales,
Celle littéraire, celle par l'écriture, doit être encouragée, soutenue. »

F. Devatine
(Avril 2002)

155
Ecrire pour raconter

Ecrire pour raconter,


Raconter pour prendre la parole
Mais, ai-je droit à ma parole ?
Tout n'a-t-il pas été dit et écrit ?
Autrefois étaient les ténèbres,
autrefois était la nuit, te po
propice aux enfantements de la parole et de la vie
accueil des âmes lasses du jour te ao,
Jour des vivants, lieu d'expression de la parole des humains
Paroles en tresses fournies enlaçant et lançant les hommes et les
femmes au devant de tous les dangers, de tous les périls pour
explorer les limites du temps et de l'espace
Puis vint le temps des accapareurs du jour,
ils étaient malades et portaient la mort,
Expédiant toute une humanité saine et hardie
Dans les affres des souffrances des maladies nouvelles
Qui n'épargnaient que les voleurs du sacré des hommes des îles
océaniques.
Te po, séjour de repos des ancêtres, devint ténèbres sataniques
et les tupuna devinrent démons
Les survivants des hommes bruns,
d'hardis devinrent soumis, craignant la nuit et les esprits.
Ils renièrent leurs origines et taisant leurs souffrances
Ils acceptèrent d'être décrits et racontés par les autres.
Ils apprirent à se taire sur eux-mêmes.

Dans nos îles où l'administration est si importante, où les


papiers mobilisent tant de personnels pour répondre à la quête des
administrés, toute la journée il s'en écrit des choses. Ces choses
ont à voir avec la naissance, la mort, la maladie, le mariage, le
divorce, l'association, la rupture, la décision, l'indécision, la faute,
la chance, le succès, l'échec, le pouvoir et le subi, le rêve et la
réalité, la négociation et l'affrontement, les factures, les reçus, les
devis, les commandes et tout le reste... Les écrits commentent des
colonnes de chiffres, ils rappellent le passé, mobilisent le présent
et annoncent une certaine idée de l'avenir. On signe pour dire oui
ou pour dire non. Et comme la parole orale, si la parole écrite dit

parfois vrai, elle ment aussi, déguise la réalité ne serait-ce que par
le caractère partiel de son témoignage.

156
En fait, tout le monde écrit quelque chose sur sa vie et sur sa
mort, son passé, son présent et son futur comme sur ceux des
autres. Toute la journée se font des écritures
qui ne sont pas
l'Ecriture, qui ne sont pas littérature. Tous ces signes sont
témoignages mais, non reliés entre eux de manière harmonieuse,
ils ne sont pas récits, sinon exceptionnellement. La
majeure partie
du temps, le récit est implicite.

Et c'est l'implicite, qui


permet d'aborder cette quasi
nous
absence de parole libéréesoi, qu'elle soit orale ou écrite, à se
sur
demander même si elle est pensée, tant semble omniprésente la
contrainte de tenir un propos acceptable. Comme il semble difficile
de raconter une histoire qui peut commencer par : « Il était une
fois » « En ce temps là » « C'était par une nuit sans lune,... un
jour
ensoleillé..., un matin de mara'amu, un après-midi de to'erau ». ...

Pourtant une tradition de récits existe célébrant la geste de


héros mythiques, de lieux mémorables, de combats tragiques,
d'offrandes généreuses, d'histoires toutes simples. Il est étonnant
de constater que ces récits se sont arrêtés depuis le Contact avec
les Européens. A part quelques rares exceptions comme Marau
Taaroa, Tati Salmon dans ses lettres à Henry Adams, nul n'a
raconté de l'intérieur. Il n'existe quasiment pas de témoignage de
la vision indigène des événements qui se sont abattus sur une
population qui vit ses repères bouleversés, ses valeurs
disqualifiées, sa population balayée par « la sauvagerie de la mort
importée » (Olier), sa dimension sacrée diabolisée. Il n'existe pas
de nouveaux chants pehe, racontant les deuils et espoirs, la guerre
de 1843-1846, ni de himene, (hymn), autrement que pour chanter
l'amour, la séparation, la nostalgie, comme en s'excusant...
Plus
personne ou presque n'a rien raconté et ce, jusqu'à
Henri Hiro. Les chansons de variété transformées depuis
se sont

peu en célébrations de tupuna aux noms oubliés, d'une terre


ma'ohi dite sacrée en même temps quelle est systématiquement
profanée.
Certes, Ernest Salmon a écrit mais comme un Européen
aurait écrit sur la société dont il est
pourtant en partie
biologiquement issu. Mais culturellement, il est un magistrat
occidental. Il fait totalement sienne l'appréciation de Elley en 1827
qualifiant les Tutaeauri de « hors-la-loi indigènes ». Lui-même
précise qu'ils sont des « vagabonds » (p. 14). L'ennui et le désarroi
éprouvés par les jeunes Tahitiens devant les rituels austères et
pudibonds du « royaume missionnaire », (Doumenge) leur

157
nostalgie des temps où la culture polynésienne était légitime. Il ne
les comprenait pas.

En cela il se distingue nettement de son oncle Tati Salmon


qui, à la charnière entre deux mondes, constate la fin d'une culture
et d'une conception de l'univers. Il accepte « la religion
chrétienne » comme une réalité incontournable d'un temps
nouveau mais cette religion, « ne servait qu'à aider au meurtre de
ses ancêtres ». (p. 99)
donc, contrairement à ce que d'aucuns voudraient faire
Ainsi
croire encoreaujourd'hui, même en des lieux d'enseignement
supérieur, conçus pour être laïques, la conversion ne fut pas vécue
dans l'allégresse ni comme un simple changement de vêtements ou
de lieu de réunion. Pour Tati, il y a bien eu meurtre mais cela ne
semblait pas l'émouvoir outre mesure, car l'histoire des hommes, y
compris celle des ses ancêtres polynésiens en est jalonnée. C'est
ainsi que vivent et meurent bien souvent les hommes, dans la
violence. Qu'elle soit infligée au nom des dieux Tane, Taaroa, Oro
ou du Dieu Jéhovah, ne change pas grand chose à la réalité des

faits.

Comme partout ailleurs et de tous les temps, ce sont les


vainqueurs qui racontent l'Histoire. Or tout au long de ces 200 ans
depuis le Contact, l'histoire n'a pas été racontée, ni par les
vainqueurs, ni par les vaincus. Elle n'est pas enseignée dans les
écoles, les collèges et lycées. C'est comme si, de la part des
descendants des vainqueurs comme de ceux des vaincus, qui
parfois s'emmêlent en une seule et même personne, (les demis ou
métis de sang ou de culture) il y avait l'acceptation d'un consensus
glauque. C'est comme s'il y avait refus de regarder en face une
réalité violente passée,. Comme si d'aucuns niaient leur propre
sauvagerie humaine tant arc-boutés qu'ils sont dans le désir de
modifier les faits de l'influence mortifère des blancs porteurs de
lumière, la rejetant sur les etene pa'opa'o (païens arriérés) que
quelque part on est bien obligé de reconnaître victimes.
C'est sans doute qu'en regardant l'Histoire en face, et en en
proposant un récit, inévitablement le conteur entre en conflit de
loyauté avec l'une ou origines ou plutôt de ce que
l'autre de ses
d'aucuns tentent de lui faire croire de origines et de sa nouvelle
ses

affiliation. De l'affiliation acceptée par quelques générations


d'ancêtres depuis 1815, où les principaux marae furent saccagés,
depuis 1818 où Pômare se convertit au Dieu des Anglais. « Ce ne
sont pas des choses à dire », mais comme ça fait mal de continuer
à insulter les ancêtres à la peau brune qui croyaient au retour

158
cyclique de leurs morts, alors on se tait. On s'est pris de tendresse
pour ceux qui, portant la mort, croyaient dur comme fer apporter
la vie. Pour ne pas leur faire de la peine, on se tait. Ainsi, le silence
convenu est devenu traditionnel et
ça ne rend justice à personne.
Ne parler que de son indignation pour ce qui s'est
passé après le
reniement du sacré des origines, c'est fermer les yeux sur l'acte
fondateur de la reddition morale et
politique indigène. C'est
s'interdire la réconciliation avec les mots des générations
d'hommes et des femmes qui ont jalonné l'histoire depuis le début
des temps et au cours des temps successifs jusqu'à nous. En niant
les ennemis d'hier, on s'oblige à en inventer des actuels. S'en
offusquer est tout aussi inutile.
Nul ne peut changer
ce qui est passé.
Pour oser,
depuis quelque temps, rompre ce silence par de
courts écrits dans les journaux et magazines, interrogeant
autrement la réalité de notre société et de notre imaginaire, ce
présent article témoigne d'une expérience d'écriture non encore
totalement libérée des contraintes mentales qui pèsent sur tout
être issu de notre société insulaire.
Laparution dans Tahiti Pacifique, de mes premiers
tevtes impertinents » : « Vous avez dit histoire ? », « Tamahine
«

a Tatane » (Fille de Satan) a été attendue dans


l'angoisse. Les
réactions des lecteurs furent nombreuses, d'ici, de métropole et de
l'étranger et, à part deux lettres d'insultes, ce fut l'occasion pour la
majorité des personnes de parler de leur propre histoire. J'ai eu
l'impression d'ouvrir des robinets longtemps fermés. Certains se
mettaient à raconter leur histoire même dans ses recoins
douloureux ou, se rendaient compte que des silences ne cachaient
que des choses très banales.
Continuant depuis trois ans à oser offrir d'autres grilles de
lecture que celles communément offertes, deux remarques de
lecteurs et lectrices reviennent avec une étonnante constance : -
«
Quel courage tu as d'écrire ça !» - « Tu n'as donc pas peur de te
faire exiler ? »

Etonnée, je relis les articles à l'origine d'une telle admiration


et d'une si grande appréhension. En toute lucidité, ils ne sont
nullement révolutionnaires, ni contestataires, ni exceptionnels en
eux-mêmes. Il ne recèlent aucune apologie d'une quelconque
drogue, ni d'aucun comportement moralement condamnable. Ils
sont au contraire un encouragement à l'expression d'une pensée
personnelle et proposent une stratégie pour y arriver. Ils proposent
une identification du traumatisme initial ayant provoqué le

159
mutisme d'une population qui comprenait des poètes et des
orateurs, des humoristes et des auteurs de dits » paripari bien
«
souvent malicieux. Ils ambitionnent pour l'auteur et d'autres, la
sortie de la préhistoire qui, selon Ouaknin et Rotnemer, est une
attitude et non une époque. « L'homme préhistorique est l'homme
'des astres', 'l'homme désastre' de la destinalité préfabriquée, de
l'écoute non révoltée..., où il n'est qu'un anonyme, noyé dans la
masse d'un 'on' où il était parlé sans avoir jamais accès à lui-

même. » (pp. 16-17)

Or pour avoir accès à soi-même, il n'existe pas d'autre issue


que de commencer par décliner son identité, se repérer dans
l'histoire d'une famille, d'une communauté humaine située en un
lieu géographique précis et de raconter ce qui s'y est passé, ce que
l'on pense et ressent de manière singulière.

ne donnera pas forcément de la littérature. Mais


D'accord, ça
d'offrir à enfants des récits c'est participer à les humaniser.
ses

C'est les rendre plus forts, plus sûrs d'eux et plus libres face aux
tentatives diverses de capture par la drogue, les idéologies et les
sectes.

En prenant modèle et en s'imprégnant des techniques des


maîtres de la littérature orale tahitienne comme des maîtres
européens de la littérature écrite, nous finirons bien par arriver à
inventer parole
une libre et belle, orale ou écrite,
cinématographique ou théâtrale. En tous les cas, ça vaut le coup
d'essayer. John Mairai, Chantal Spitz et d'autres ont osé et ils ont
eu raison. Autorisons-nous le droit à la pensée, à la parole et à

l'écriture. Car tant qu'on a pas essayé, on ne peut pas dire qu'on
est bon ou mauvais. Au travail

Simone GRAND

BIBLIOGRAPHIE

DOUMENGE François (1966), L'homme dans le Pacifique Sud, Publications


de la Société des Océanistes, N° 19 Musée de l'Homme. 633 p.

GRAND Simone (2000) Les thérapeutiques traditionnelles à Tahiti en l'an


2000, un lieu d'expression et de vécu de l'altérité. Mémoire de DEA Imago
mundi Université de Polynésie française, 135p.

160
OLIER F. adjudant chef (1994), Le service de santé des armées en

Polynésie française (1844 - 1994) in Santé Taaone, Publication du Service


de Santé des Armées en Polynésie française N° 1 décembre 1994, 40 p.
OUAKNIN Marc-Alain et ROTNEMER Dory (1997), La bible de l'humour juif
tome 2, ouf ! Editions J'ai lu, 382 p.
SALMON Ernest (1964) Alexandre SALMON 1820-1866 et sa femme
Ariitaimai 1821- 1897 Deux figures de Tahiti à l'époque du Protectorat,
Publication de la Société des Océanistes, N°ll Musée de l'Homme Paris,
199 p.

SALMON Tati (1980) Lettres de Tahiti, Les éditions du Pacifique, 213 p.

Notice bio-biblioaraphiaue

Mes parents sont tous deux nés à Tahiti et je me définis


Tahitienne.

Ma mère est née en 1914 à


Faaa, de Maraetafaa de Tubuai,
déjà métissée biologiquement d'anglais et de français, ne parlant
que la langue tahitienne, chrétienne mormonne puis adventiste,
femme de ménage étudiant la bible de manière assidue. Pierre, son
père était clerc de notaire, protestant, fils de la famille des chefs de
Faaa et d'un Jurassien, notaire à Papeete.

Mon père est né


en 1907 à Pirae, de Cruz, Mexicaine de
Santa Rosalia et de Henri, commerçant, (tous deux catholiques) fils
de l'expert ostréicole, mandaté par le Collège de France pour
étudier les nacres perlières surexploitées par les plonges de
coquilles alors très prisées sur le marché international.
La génération de mes grands parents et celle de mes parents
étaient familiarisées avec la
épidémies meurtrières
mort. Les
frappaient surtout les familles polynésiennes, mais certaines ne
faisaient pas de distinction. Ceux qui ont entouré ma naissance
avaient dans les yeux, je l'ai compris après, la lueur particulière
aux survivants, faite de tristesse, d'étonnement et de volonté de

joie. Cruz est morte en couches en 1909 à 36 ans. Pierre fut


emporté par la grippe espagnole qui fit en deux mois 3000 morts
dans l'archipel de la Société. Il avait à peine une trentaine
d'années.

Je suis donc « demie », si l'on prend l'expression


communément admise, issue de l'anglais half blood, devenue afa
en tahitien et donc demi en français. Sachant que l'homonyme afa

161
en tahitien signifie « fêlure, division séparation, schisme »,... tout
un programme ! Je préfère le terme « métisse ».
Née
en 1943, à Pirae dans un « quartier » qui, bien qu'habité

de consanguins, faisait office d'une très grande famille pour les


non

enfants qui, surtout les garçons, étaient partout chez eux, du pont
de la Fautaua à celui de la Ha muta. Aucune de ces familles n'était
riche, aucune n'était pauvre. C'était une vie simple où la nature
était respectée car elle produisait ce que nous n'avions pas les
moyens d'acheter : anguilles et chevrettes dans les rivières,
poissons et coquillages dans le lagon et productions du jardin. La
nature offrait aussi la beauté de ses paysage, la fraîcheur des

rivières, l'espace des lagons. Il suffisait d'apprécier. Nul ne s'était


encore donné pour tâche de la saccager. Ces adultes étaient
industrieux, économes et généreux, de relations agréables,
chaleureux. Ils m'ont laissé un souvenir d'élégance de cœur et de
manières. Ceux qui étaient titulaires du certificat d'études
primaires étaient les plus instruits. Les hommes jouaient au tennis
ou au football. Les femmes cousaient, brodaient, ou se joignaient à

nos jeux de saut à la corde et de ballon prisonnier les après-midi

de vacances quand les travaux de la maison et du jardin étaient


faits.

enfants, dont j'étais la cadette, perdit son


Notre fratrie de 4
père. Il avait 47 ans. par la famille paternelle et par l'école
Rejetés
des sœurs, pour cause de divergence d'opinion religieuse, nous
avons fait bloc devant l'adversité, soutenant une mère Courage qui

aurait souhaité voir le rire prendre plus de place dans la vie et la


bonté influer davantage les censeurs nantis.

En 1957, il n'y avait pas encore de lycée et tous ceux qui


réussissaient au BEPC entraient dans le monde du travail. Il en fut
ainsi pour mon frère aîné qui vit se fermer tout autre issue à la
mort du père. Pour qui manquait d'argent, des bourses
permettaient à certains de poursuivre leurs études en Nouvelle-
Calédonie, ou en métropole. C'est ainsi qu'après un mois de
voyage, j'arrivais en Haute-Savoie au Collège adventiste, à 14 ans.
Il ne suffit pas toujours d'être bonne élève et douée, d'autres
facteurs interviennent. J'y obtins le 1er bac au bout de 3 ans. Le
collège Paul Gauguin devenant lycée je revins m'inscrire en
mathématiques élémentaires. Il n'y avait pas de professeurs
titulaires en mathématiques et en physique la lere année. J'ai mis 2
ans pour réussir ce bac. Je suivis des études en sciences naturelles

à Montpellier. Avec des interruptions, un mariage, deux enfants ;


une thèse sur les chevrettes oura de rivière de Tahiti et Moorea

162
termina ces études. Le professeur François Doumenge fut un
précieux mentor.
Après une tranche de vie dans un village du Gard, je décidais
de revenir au fenua avec mes trois enfants. En 1980, embauchée
au Service de la pêche, j'ai travaillé sur les poissons de lagons,
sillonnant les Tuamotu. Nommée chef du service de la mer et de
l'aquaculture 1985, j'eus le bonheur entre autre, de participer
en
au développement de la perliculture ; à la conception et à la mise
en œuvre du programme de pêche hauturière.

En 1992, après épisode


un obscur, j'ai été nommée
encore
déléguée à la recherche et
plus tard, aussi déléguée à
un an
l'environnement. En 1995 je fus nommée ministre de l'agriculture
et de la recherche pour, en 1996, me retrouver conseiller
spécial
du Président du gouvernement, puis pdg de la société
Environnement polynésien. En janvier 1998, je fus nommée
directrice du Centre polynésien des sciences humaines.

Depuis septembre 1999, je réalise une étude sur le langage


culturel de la maladie, pour le ministre de la Santé Patrick Howell,
qui souhaitait créer un dialogue entre les deux mondes de soins. La
nécessité d'évaluation me fit présenter la première étape du travail
sous forme de mémoire de DEA présenté à l'université de
Polynésie
française. Le rapport final, sous forme de thèse est prévu pour être
présenté début 2003.
Ce parcours m'a fait le tour de tous les domaines d'activité et
de tous les milieux : enseignement, recherche, femme au
foyer,
adjointe au maire, la mer, l'environnement, l'agriculture, la santé,
la traduction pour l'édition, la communication, l'ethnopsychiatrie, le
militantisme politique, celui associatif du secteur médico-socio-
éducatif. Membre du Tomite Too hitu de la Charte de l'Education,
j'ai participé aussi à la réflexion lors de la mise en place de
l'Université du Pacifique. Tout fut expérience, les réussites comme
les échecs. Rien ne m'a laissée indifférente, tout m'a interpellée et
après tout cela, participer à la réflexion sur la santé sociale,
mentale et physique a un sens.

Eléments bibliographiques :

Il s'agit en effet que d'éléments car les très nombreux


ne

rapports que j'ai pu rédiger le plus souvent seule ou en


collaboration, dans le cadre de mes différentes fonctions n'ont été
ni répertoriés, ni rassemblés. (Si cela était nécessaire, ils
pourraient l'être.) Ces notes et rapports traitaient de pêche,

163
perliculture, agriculture, environnement, réglementation, organisa-
tion de service, éducation, élevage, non seulement sous l'angle
technique mais aussi humain. Car c'est pour la société des
*

hommes que tous ces efforts à l'intérieur de différents services


publics étaient réalisés. Et je n'ai pas emporté avec moi mes
travaux.
Mais quelques notes et articles ont été publiés dans des
livres.
articles dans la presse, traitant des phénomènes
Quant aux
de pas toujours été conservés et la date exacte de
société, ils n'ont
parution est parfois oubliée. D'aucuns me recommandent d'en faire
un recueil. Pourquoi pas ?

Dans le secteur de la mer, il s'agit entre autre de :

(1984) Notions sur la pêche l'aquaculture et l'environnement en


Polynésie française, document EVAAM
-

(1985) Importance de la pêche récifo-lagonaire en Polynésie


française. 5eme Congrès international sur les récifs coralliens Vol. 5
-

(1986) Les chevrettes de rivière à Tahiti (pp ) Encyclopédie de


Polynésie, Edition Gleizal
(1988) La pêche - hauturière industrielle - hauturière artisanale-
-

côtière et lagonaire Atlas de Tahiti et de la Polynésie française, pp


52-53 les Editions du Pacifique
-

L'aquaculture- la conchyliculture, la perliculture, les


(1988)
autres élevages in Atlas de Tahiti et de la Polynésie française, pp
54-55 les Editions du Pacifique
(1992) L'aquaculture nacrière et perlière in Atlas de Polynésie
-

française Ed. ORSTOM


Culture ; entre autre

(1993) Les Paumotu face à de nouveaux équilibres engendrés par


-

perliculture (pp 8-11) in Actes des 3èmes journées de la


la
Recherche en Polynésie française
Miscellaneous papers (A) pp 495-5..)

En 1992-1993 Une série d'articles engagés pour la promotion du


développement touristique co-signés par le collectif A hi'o i to
mou'a
-

En 1993 quand j'étais uniquement déléguée à la Recherche : huit


numéros de La Lettre de la Recherche
-

En 1999 dans la Dépêche : Pourquoi couper la tête à Oro ?


-

Tahiti Pacific de septembre 2000 : Vous avez dit Histoire ?


-

Tahiti Pacific de novembre 2000 : Tamahine a Satané


-

Tahiti Pacific

164
°
au cours de l'année 2001 : A quand faut-il faire remonter la
tradition ? - Vous avez dit demi ? A quand faut-il faire remonter la
tradition ?
°
mars 2002 : langage juridique
-

La Dépêche
°
en mars 2001 : Crimes sexuels àu pays des amours et de
l'enfant roi
°
en décembre 2001 : la ora i te reo tahiti, o vai oe ?
°
en mars 2002 : Vous avez dit païen ?
-

Les Nouvelles République: Vive la


-

Octobre 2000 thérapeutiques traditionnelles à Tahiti en l'an


: Les
2000, un lieu d'expression et de vécu de l'altérité. DEA Imago
mundi Université de Polynésie française.
-

2001 BSEO Traduction de l'anglais en français de textes et


adaptation de l'un d'eux Mark Eddowes, ethnologue archéologue
-

A paraître dans différentes revues anthropologiques :


°
Le langage de la maladie à Tahiti, un voyage de médiation
entre deux mondes culturels
°
avec les guérisseurs
Dialogues
°
Pour chercheur natif, un métis, ou
un de l'intérieur étudiant
sa société et sa culture polynésiennes, des difficultés particulières
existent-elles ?
°
En quête du langage culturel de la maladie, un chercheur
métis découvre les idéologies successives qui ont construit sa
propre pensée. Eclairage possibles de dispositifs thérapeutiques.
-

Dixit 2001 Et si le chemin vers la littérature ressemblait à ceux

pris par la sculpture et la navigation sensorielle ?


-

A paraître dans le Dixit 2002 : Pourquoi Demi ?


0
A présenter au prochain congrès sur les médecines
traditionnelles : Traditional healing payment.

S. Grand

165
"

Ecrire, c'est se "

retïoials1
Il aurait été
avantageux d'associer à cette modeste
présentation littérature polynésienne francophone dite
de la
d'émergence, que la critique actuelle nomme littérature
postcoloniale, le cadre socio-culturel dans lequel elle s'inscrit.
Malheureusement la place nous manque pour effectuer cette
présentation.

L'imaginaire dans l'écriture

L'écriture, dès qu'elle a été prise en charge par les


Polynésiens a essentiellement exercé une fonction de sauvegarde
voire de refuge des "traditions". Les "puta tupuna ", les "Mémoires
de la reine Marau ", le récit du "Tahiti aux temps anciens" de
4
,

Teuira Henry ainsi des récits et legendes


que publies
régulièrement dans le BSEO , autant que les "Mémoires d'avenir
A 6
d'une île australe" de Taaria Walker tous ces ouvrages ont certes ,

cherché à établir une "doxa" -clanique ou familiale- sur l'histoire,


mais surtout à sauver, à figer et à valoriser un passé souvent
proche dans le temps, qui était en train de disparaître. C'est une
démarche assez pathétique que de confier à l'écriture la tâche de
résister au temps dévastateur et de témoigner de ce qui n'est plus.
De plus, en Polynésie la période missionnaire n'a vu apparaître ni
oeuvres littéraires créatrices, ni même des productions relevant du

prosélytisme chrétien.
Bien différentes sont les fonctions que l'écriture, associée à
la fiction -apparue depuis une vingtaine d'années en
Polynésie-
peut recouvrir. Elle constitue un "transfert" au double sens

psychanalytique et technologique du terme. En entrant dans une


forme d'expression jusqu'alors "étrangère", le Polynésien
s'approprie dans un premier temps cette technique, grâce à

Citation empruntée au philosophe français Gilles Deleuze (Dialogues, Flammarion 1977).


2

“Livre des ancêtres”


3
Société des Océanistes, Paris, 1971.
4

Société des Océanistes, Paris, 1968.


5
Bulletin de la Société des Études Océaniennes, société savante créée 1917 qui édité à
en a ce jour 287
numéros.
6
éditions Haere po no Tahiti, Papeete 1999.

166
laquelle il s'observe et prend conscience de lui-même et de la
société à partir d'un nouveau point de vue. Il peut ensuite opérer
une double ré-interprétation syncrétique de la culture tout en
maniant langage devenu universel : la société change par
un

l'écriture et l'écriture change à son tour la culture et la société.


Même si la littérature polynésienne cherche encore son public
(polynésien) et que les écrivains n'ont pas de reconnaissance
sociale immédiate, son apparition à la fin du XX° siècle atteste
d'évolutions culturelles profondes.

"
Le discours polynésien "

On a reconnu dans ce titre l'allusion explicite au "Discours

antillais" de l'écrivain Edouard Glissant. Cet emprunt suggère


également l'idée que les littératures francophones ou
postcoloniales des
constituent exemples, des démarches
intéressantes dans une perspective comparatiste de réflexion sur
l'écriture et de leurs liens avec les sociétés dans lesquelles elles se
développent. De quoi est-il donc fait ce discours polynésien ? Que
dit-il ? Comment le dit-il ? Que révèle-t-il et que cache-t-il ?
La littérature francophone polynésienne d’émergence n’en
est qu’à ses débuts ou peut-être ne sera-t-elle qu'une étape, datée
et provisoire, dans l'histoire culturelle de la Polynésie. Le corpus
est encore mince : une vingtaine de publications.
Ses particularités stylistiques et rhétoriques ont été
définies par deux chercheurs polynésiens, d'un côté par Winston
Pukoki qui la nomme "oraliture" qu’il décrit comme "toute forme
scripturalisée relevant de l’oral" et d'un autre par Flora Devatine
qui la qualifie "d'écriture orale" : c’est dire l’importance de
l’inspiration et de la prosodie traditionnelle tahitienne dans
l’écriture francophone qui renvoie également à la problématique
plus large du passage d'une oralité à l'écriture. La tradition
culturelle, même revisitée, nourrit les écrivains polynésiens.
Cette littérature forcément se cherche : elle raconte des
histoires, d’amour pluri-ethnique et de hombo avec Chantal Spitz,
d’enfance avec Michou Chaze ou Jimmy Ly, des histoires dans
l’histoire au moment des contacts interculturels avec Louise
Peltzer, des histoires du passé avec Charles Manutahi, des histoires
d’aujourd’hui, symboliques et allégoriques, sur un air d’autrefois
avec Jean-Marc Pambrun. Elle célèbre le fenua, c'est à dire les
lieux, les îles et les marae, cherche à faire revivre un passé dont
elle réécrit la geste.
L’évolution des mentalités vers une individualisation des
conduites, la quête identitaire qui en résulte, la nostalgie d'un

167
passé présenté comme glorieux, l'attachement à la terre, la
recherche d'une langue originale forment la toile de fond de cette
jeune littérature en devenir.
Cette littérature est le signe à la fois d'une appropriation,
celle de l'usage de l'écriture, d'une intégration culturelle dans la
modernité et paradoxalement parfois d'une révolte face à une
culture étrangère vécue comme envahissante puisqu'on ne peut y
échapper.

L'affirmation d'une continuité imaginaire

Les écrivains font tous référence à la culture polynésienne


traditionnelle, considérée "culture-racine ou une
comme une
culture-ressource". Il n'est pas
dans notre intention ici de
développer l'ambiguïté conceptuelle du terme de "culture
traditionnelle". Disons simplement qu'à la culture existant à la fin
du XVIII° siècle, a succédé une nouvelle tradition qui a elle-même
évolué et que la modernité est en train de faire éclater.
C'est Henri Hiro qui a ouvert la voix tahitienne : en
renouant avec une culture fondée sur la nature et le travail de la
terre, il a évité l'artificiel autant que l'intellectualisme ; sa parole
est issue de son vécu et ne fonctionne pas comme un repli
identitaire. Il ne plus son lecteur à rencontrer une
convie pas non
culture arrangée de circonstance. Issu du peuple, façonné par
ou
l'histoire du protestantisme polynésien qui a plutôt résisté à la
colonisation, Henri Hiro proclame à la fois un refus face à l'histoire,
une révolte face à la société et l'amour d'autrui lorsque celui-ci le

respecte et lui restitue sa dignité perdue. L'identité humaine passe


d'abord par la reconnaissance culturelle puis par la continuité
culturelle qu'il convient d'assurer. Mettant en adéquation ses actes
avec sa pensée, les engagements socio-politiques de Henri Hiro

n'ont pas forcément été compris, tant la société polynésienne était


déjà fracturée entre le coeur (le désir) et la raison (l'intérêt) et peu
préparée à placer le débat culturel au centre de la société. Henri
Hiro voulait reconstruire une conscience maohi. Henri Hiro n'était
pas un homme de la ville, ni de la culture devenue une esthétique
de la représentation -même s'il a monté de superbes spectacles à
l'OTAC ou à Papeari-, c'était un être de la communication attaché à

Henri Hiro, Message poétique. Tupuna Productions 1991. Ouvrage posthume. Le lien entre politique et
culture aété illustré par l’existence de Henri Hiro qui a d’abord participé à la création d’un mouvement
politique progressiste (1975) puis a choisi le combat politico-culturel à dominante indépendantiste (1982) et
pour finir a choisi l’expression culturelle associée au mode vie rural conforme à ses aspirations (1985).

168
sa terre et à une culture vécue. "Henri Hiro était mémoire et il était
projet", "verbe et lumière" a-t-on pu dire de lui. Il adoptait une
poésie au ton incantatoire, qui exprimait une quête à la fois sereine
et désespérée. Le travail créatif de Hiro doit être
appréhendé dans
sa totalité en y incluant le cinéma, le théâtre et le chant choral. Sa

mort en 1990 a brisé un élan et laissé un sentiment de vide et


d'inachèvement.
Flora Devatine exhorte
également dès les années soixante
dix peuple à prendre conscience de sa culture alors que le
son

marae est "déserté", que les enfants sont "sacrifiés" et


"orphelins"
; elle en appelle à une nouvelle naissance c'est le sens d'un recueil
poétique de formation intitulé "Humeurs". L'aventure individuelle et
intellectuelle dans la connaissance, le vécu d'une double culture, le
déracinement, la tentation du repli et du retour au passé où la
mémoire devient une "longue et lente création" sont les
problématiques qui alimentent son travail poétique. L'identité
commence par le nom propre, rappelle-t-elle, familialement
attribué, correctement prononcé et bien orthographié. Sa
méditation sur l'écriture signifie qu'un peuple doit utiliser toutes les
médiations culturelles pour se faire entendre et s'affirmer. C'est
pourquoi elle appelle les Polynésiens à écrire afin d'assurer un
continuum entre la "culture polynésienne" au sens large et la
nouvelle culture moderne.
8
Jean-Marc Pambrun privilégié egalement dans les récits
qu'il compose l'inspiration culturaliste. L'espace littéraire qu'il
déploie renoue avec la prosodie traditionnelle et la thématique des
légendes même lorsqu'elles sont "inédites". La notion "d'invention
d'une tradition" ou de "tradition recomposée" trouve chez Pambrun
une illustration parfaite. Il s'agit de retrouver une fierté ancienne
et de gommer une représentation des Polynésiens complices des
avatars de l'histoire coloniale. Il cherche également à purifier la
culture d'éléments exogènes et à fournir une vision plus homogène
du passé.
La culture vit encore pense J. M. Pambrun mais
disséminée ; il convient donc de relier les fils épars. L'appel à la
tradition constitue un réservoir imaginaire voire mythique fécond.
9
Charles Manutahi tire certaines deproductions
ses
actuelles de la possession de "puta tupuna" ou "livres des
ancêtres" qu'il restitue selon une perspective polynésienne.

L'allégorie de la natte, 1993 et La fondation du marae. 1998. Autoédition.


y /
Poèmes du temps passé 1979, Le don d’aimer 1984, Contes et légendes de la Polynésie 1982, La fleur
polynésienne dans Phistoire et la légende 1986, Les mystère de Vunivers maohi 1992, Phistoire de la vallée
de Papenoo (1997). Autoédition à Papeete.

169
Légendes collectives, légendes familiales fondatrices, histoires de
terres, poésies florales en l'honneur du tiare, îles et lieux où
soufflent la tradition et le lien entre la terre et la spiritualité. Il
omet toutefois d'observer les transformations que ces récits
familiaux ont subies compte tenu du décalage existant entre les
faits racontés et le temps de l'énonciation. Ces "ouvrages rêvés"
qui passent pour représenter le passé fidèle et authentique de la
Polynésie, sont en réalité des récits relevant d'un phénomène
syncrétique : celui de l'appropriation par certains Polynésiens de
l'écriture apprise par les Missionnaires protestants.
Pour Chantal Spitz enfin, la culture et les transformations
qu'elle subit et qu'elle imprime aux mentalités, tiennent une place
importante dans son roman "l'Ile des rêves écrasés", “mais
l'écrivain met la culture au service de la fiction littéraire et de son
écriture ; c'est en cela que Chantal Spitz est très moderne et
pourra dans l'avenir soit approfondir le lien culturel, soit le
dépasser et peut-être même s'en affranchir parce que sa démarche
est d'abord créatrice.

L'affirmation de l'individu

Flora Devatine10initie
Polynésie la réflexion sur l'acte
en

d'écrire. Elle laissel'écriture peut constituer un


entendre que
facteur de libération personnelle pour des Polynésiens, d'abord
parce qu'elle desserre l'imaginaire, ensuite parce qu'elle a toutes
les chances de provoquer une clarification, "un démêlement " en
matière culturelle. L'écriture devient ainsi le "métier à métisser "
où une nouvelle identité se forge et se noue, témoin d'une
modernité culturelle où la conscience individuelle, parfois atypique,
se réalise. La réflexion sur l'écriture de Flora Devatine est
innovante, reste à savoir si les questions qu'elle pose et se pose
serviront aux autres écrivains Polynésiens.
Le roman "Lettre à Poutaveri"
de Louise Peltzer exprime
une démarche très personnelle et volontariste : il s'agit de faire
entendre une voix polynésienne -quand bien même ce serait celle
d'un enfant- au moment où la découverte des îles par les

10
Tergiversations et rêveries de récriture orale^ Au vent des îles, Papeete 1998.
11
titre d’un essai daté de 1998 de l’écrivain haïtien René Depestre.
12
selon une expression de l’écrivain haïtien R. Depestre.
13
Poutaveri est le nom que les Polynésiens ont donné au navigateur français L. A. de Bougainville. Editions
Scoop, Papeete 1996.

170
Occidentaux puis l'évangélisation vont réduire à un rôle de
figuration exotique la culture traditionnelle, qui peu à peu se fige et
sera réduite au formalisme
puis à un certain silence. Est-ce parce
que le principal personnage est une petite fille qui, sur la durée du
roman -une quarantaine d'années- ne
grandit pas ou très peu, que
le lecteur ne sent pas la volonté de défendre la culture menacée ?
En effet, entre la culture de la guerre représentée
par son père qui
l'impressionne et la révolte, et la fréquentation des missionnaires,
elle choisit la deuxième relation : l'école, l'écriture, les
apprentissages nouveaux, les visites aux missionnaires notamment
auprès de Tavi (Davies) pour lequel elle éprouve une certaine
affection. La gamine n'attaque pas la puissance
missionnaire, elle
cherche à se la concilier et assurer sa propre transformation.
Dans un recueil de poèmes, Louise Peltzer
s'interroge sur
l'identité: "Est-ce le pareu qui fait le Tahitien ?" demande-t-elle,
soulignant ainsi une acculturation prononcée de l'homme ; ailleurs
à propos de la langue tahitienne "miraculeusement
préservée", elle
déclare préférer "qu'elle disparaisse plutôt que d'être dénaturée"
alors que, selon elle, la langue a un statut "sacré" Elle n'hésite .

pas également à nommer et qualifier l'île natale de Huahine des


appellations apportées par les étrangers : "Pourquoi au paradis
m'avoir fait naître ? écrit-elle, et pour décrire l'île, elle emploie les
termes "d'Eden" et de "Vénus". Ces textes authentifient l'idée
que
la culture s'est parfois construite en fonction du regard des
étrangers et qu'une politique d'assimilation a pu, un temps,
entraîner une substitution de personnalité.
Hubert Brémond qui vit à Huahine, dans une série de
poèmes datée du début des années quatre vingt, s'interroge lui
aussi sur son identité fracturée dans un pays qu'il ne reconnaît plus
et où la vie devient souffrance.
14 .
, ,

Michou Chaze idealise un passe ou la culture


polynésienne paraît à première vue plus authentique et la société
plus homogène ; en réalité cette époque "idyllique" à laquelle son
récit fragmenté renvoie, c'est celle de son enfance vécue à l'aube
des grands bouleversements introduits par le CEP C'est un .

univers de sensations qu'elle déploie, les mots sont des fictions,


une magie. Son livre constitue la prise de
parole d'une adulte qui
se penche sur son passé et en conjure les délices autant
que les
démons. La nostalgie est donc moins culturelle qu'affective. Michou

14
Vai. la rivière au ciel sans nuages. Cobalt/Tupuna, Papeete 1990.
15
Le Centre d’Expérimentation du Pacifique créé en 1963 comme structure permettant les essais nucléaires
français.

171
Chaze donne à lire l'exotisme d'un monde qui a brutalement
disparu entraînant avec lui un art de vivre insulaire privilégié pour
une classe sociale métisse. La conscience personnelle nostalgique
demeure seule pour assumer l'histoire.
Chantal Spitz effectue un parcours créatif original : elle
s'inspire de actuels que rencontre la société
problèmes
polynésienne et cherche en même temps une écriture personnelle
pour les énoncer. L'alibi culturel n'est, chez elle, pas le seul en jeu,
même si les dysfonctionnements dénoncés ont une origine socio-
culturelle. Chantai Spitz effectue un travail sur l'imaginaire autant
que sur la langue et le style. Sa démarche relève d'une
authentique vocation littéraire. Pour elle le français est sa langue
d'écriture, elle ne se perçoit ni comme écrivain francophone, ni
comme écrivain français. Elle se définit comme une Tahitienne qui

écrit en français, témoin particulier d'un effet de l'histoire. C'est


dire qu'elle conteste toute l'idéologie contenue dans la notion de
francophonie. Son roman "Llle des rêves écrasés" raconte une
histoire d'amour
et d'évolution culturelle étalée sur trois
générations, des personnages fortement individualisés. Les
avec
amours exotiques sont également pris en compte en tant
qu'expérience interindividuelle. Le premier roman de Chantal Spitz
fut bien accueilli. Il est urgent qu'elle continue à publier !

Rupture et révolte

Cette littérature noue aussi des liens avec les


traditionnelles problématiques de la rupture et de la révolte, qui
fondent une part importante de la littérature. L'acte décrire peut
déjà être perçu comme une rupture par rapport à une tradition
culturelle, quant au message produit, à travers ses procédés
narratifs et ses contenus, il peut également exprimer des ruptures
ainsi que la révolte individuelle sous des formes connues ou
spécifiques.
Il convient de rappeler que le discours généralement
entendu par rapport à la colonisation est ici très particulier. Les
partis autonomistes ont abandonné la critique du colonialisme,
seuls les partis indépendantistes utilisent ce terme. On entend
rarement des attaques frontales, peu de dénonciation politique du
colonialisme et de ses effets selon le principe en vigueur de la non-
contradiction lié peut-être au métissage si répandu. On obëerve
plutôt un transfert, un glissement du discours idéologique sur la

16
L?île des rêves écrasés. Les éditions de la plage, Papeete 1991.

172
culture. Ainsi le discours sur la culture constitue bien souvent une
mise en question de l'histoire coloniale, mais elle évite l'agression
politique et fait l'économie de la déconstruction du discours
colonial. Ce qui explique, sur un autre plan, l'engouement actuel
des élus pour l'architecture coloniale... Ce détour par la culture
s'explique par l'histoire politique du fenua depuis 1945 et
particulièrement par celle du leader Pouvana'a a O'opa. Le travail
actuel de Simone Grand qui aborde la question de la personnalité
métisse, personnalité double donc comme la sienne, et cherche à
la déconstruction des influences polynésiennes et popa'a qu'elle a
et vit intérieurement, est très intéressant et prometteur. La
littérature francophone n'est toutefois pas ouvertement une
littérature de libération, elle est plus ambiguë dans Sa démarche,
comme l'est globalement ce pays sur cette question.

Hiro a exprimé sa révolte par l'engagement politique et par


l'engagement anti nucléàire. Il a joué sur le registre de la
provocation par le port du pareu, mais il choisit finalement de se
retirer à Huahine, d'y revivre la tradition "la reprise d'une vie liée à
la conscience polynésienne" écrira-t-il. Certains de ses poèmes
dénoncent la société de l'exclusion, de l'échec scolaire et social qui
conduit à la prison. "Je suis un vagabond sans attache, ma
pauvreté me brûle -écrit-il dans un poème et dans un autre il
dénonce la contamination des sentiments vrais : "Maintenant,
l'amour est souillé d'argent"... On retrouve la révolte de l'homme
étranger sur son sol natal cher à l'écrivain Albert Memmi. C'est lui
le premier qui a exhorté les Polynésiens à écrire, pour qu'ils
s'expriment et retournent vers la source de la culture.
Flora Devatine affirme aussi qu'elle souhaite ne pas
toujours vivre sous le regard de l'autre : "laissez-nous dans
l'ombre" supplie-t-elle, comme si ce pays tant dit, tant raconté par
les autres en avait perdu son âme et avait besoin de se retrouver,
pour être.
On retrouve chez Chantal Spitz le rêve nostalgique d'un
peuple autrefois fier et libre, le retour au passé prépare la voie de
l'indépendance. C'est une manière de renouer avec l'histoire, de la
reprendre là où elle a été confisquée : "nous ne sommes plus
victimes, nous sommes désormais responsables de ce que nous
sommes" déclare-t-elle. La question du nucléaire est abordée dans
la perspective de la non communication entre Européens et
Polynésiens et comme une forme récente de politique coloniale,
imposée et brutale. Elle se révolte contre le mythe créé par les
Occidentaux qui a façonné une personnalité d'emprunt à son
peuple et l'empêche d'être et de vivre. Elle l'a exprimé avec force

173
numéro du Bulletin de la Société des Etudes
et conviction dans le
Océaniennes consacré à l'écrivain Pierre Loti, publié fin 2000.

Une (jeune) écriture de la souffrance

Un concours littéraire17organisé
par le quotidien "Les
Nouvelles de Tahiti" a permis découvrir l'imaginaire que
de
véhiculent certains jeunes Polynésiens, ceux du moins qui se sont
livrés en amateurs à cet exercice.
L'écriture sert moins à inventer une fiction qu'à témoigner
et à se raconter ; la tendance réaliste, souvent autobiographique
est donc forte. L'inspiration s'appuie sur du vécu ou s'élabore à
partir d'un réel immédiat observé ou raconté : trois récits évoquent
18
d'abominables viols incestueux , quatre histoires sont construites
à la suite d'une adoption (fa'a'amu) problématique. La question de
l'identité (te iho tumu) est récurrente : "qu'est-ce qui fait de‘moi
un Polynésien ?" s'interroge l'un des auteurs qui recherche et
énumère des critères d'appartenance. Le sang, la langue, le lien à
la terre ou la connaissance de la culture etc. ? L'identité se définit
également métisse lorsque des parents sont originaires d'archipels
différentset de religions chrétiennes concurrentes. Les récits
témoignent d'identités refoulées, ou en recherche, en tout cas
paradoxales. C'est dans cette souffrance qu'il faut trouver l'origine
de l'écriture libératrice de adolescents et jeunes adultes :
ces

pathétique, par le récit de cette narratrice qui


exemple, est
n'additionne pas ses identités, mais les exprime par une série de
négations : "je ne suis ni chinoise, ni tahitienne", "ni protestante"
ni "catholique". Elle se sent à peine exister et pour ainsi dire jamais
reconnue. Les thèmes comme la perte des traditions ou la pollution

sont quelquefois traitées, par contre le nucléaire, le rôle de


l'argent, le chômage, la délinquance, la pollution et le monde
politique sont absents des récits. Si la valorisation du fenua
apparaît lucide et légitime -il n'est plus guère question du mythe-
la nostalgie d'un passé heureux se révèle encore parfois.

Ecrire pour être...

17
Ce concours, intitulé "Ecris ta Polynésie’" a été ouvert entre le 3 avril et le 31 juillet 2000, aux classes
d’âge de 15 à 19 ans et de 20 à 28 ans; il a permis de recueillir 36 participations. La moitié des ‘‘nouvelles’'
reçues provenait d’auteurs considérés comme “polynésiens”.
18
un jeune garçon, né d’une rencontre entre une très jeune fille et un militaire énumère les conséquences

psychologiques du viol dont il a été victime de la part de son beau-père diacre : “soumission, impuissance,
infériorité".

174
Il serait inconvenant de vouloir suggérer à la littérature
polynésienne les voies qu'elle devrait emprunter, tout au plus peut-
on exprimer,en tant que lecteur, quelques attentes. J'en vois deux
ou trois.
D'abord, au-delà de ses liens naturels avec la culture qui
"l'inspire", on souhaite de cette littérature qu'elle développe
davantage son propre imaginaire, son espace fictionnel à partir des
lieux, de l'histoire et des hommes, car l'écriture référentielle de la
subjectivité et de la sensibilité ne sont pas totalement des
imaginaires ; qu'elle tâche d'être plus inventive et raconte des
histoires inédites, qu'elle innove en inscrivant aussi plus souvent
ses récits dans le temps présent. On attend également l'expérience
du vécu, l'élucidation et le dévoilement du réel insulaire,
l'expression des sentiments vrais. En fait, qu'une certaine fierté
altière et qu'un paraître avenant laissent la place au discours sur
soi (comme on le trouve chez Sia Figiel). Enfin toute littérature
étant d'abord langage, elle peut encore ou renouveler le sien, ou
en multiplier les manifestations, comme le souhaite Flora Devatine

ou comme l'expérimente Chantal Spitz. La


reprise de la rhétorique
ancienne ne peut être qu'un passage, qu'une étape de
réappropriation. On souhaite ainsi voir se développer des
expériences linguistiques, fécondes ou sans lendemain peu
importe, que des récits, par exemple, se saisissent de
"t'interlangue" pratiquée par certains jeunes Polynésiens en rupture
culturelle, pour exprimer de nouvelles réalités. L'écriture naît et vit
lorsqu'elle relève d'un travail de création.

Daniel Margueron
Tahiti, avril 2002

175
Qu'en est-il de la littérature sur « le Territoire »
de « la Polynésie » « française »?

« l'intérêt pour l'écriture et pour la littérature polynésienne, m'a


amenée très tôt, non seulement à écrire mais à suivre, de loin en loin, tous
ceux qui, en Polynésie, montraient, pointaient leur nez dans ce domaine, et
ceux qui, tout autour de moi, en parlaient, en écrivaient.

H.Hiro, durant sa trop brève vie, fut le seul, jusqu'à présent, à avoir
pu, avec talent et bonheur, toucher quasiment à toutes les formes
d'expression,
Qu’elles soient poétique, théâtrale, cinématographique, artistique...
Sa formation, sa position et son rôle à la direction de la Maison des
Jeunes, Maison de la Culture, l'avaient amené tout naturellement à
développer cesdifférentes formes d'expression,
Lui donnant, en même temps, l'opportunité, l'espace et les moyens
de réaliser ses rêves, d’exprimer ses talents d'orateur, de poète, d'acteur,
de cinématographe,
Pour l'enrichissement du patrimoine culturel polynésien.

« Phoenix de ces bois , il s'y était exprimé avec le génie qui lui a été
reconnu »

(F.D., Extrait de « Notes », 1998)

Un rapide dans un passé récent de l'évolution


retour
culturelle et linguistique dans la société polynésienne nous ramène
En 1968, date de notre retour de France où la question
polynésienne de l'identité, de la culture en général, de la littérature
en particulier, ne se posait pas,

Puis en 1972, date de la création de l'Institution culturelle


Académie Tahitienne, suivie en 1974, de l'installation de ses
membres chargés de la normalisation, de la fixation, de la
sauvegarde de la langue, et de la traduction en tahitien des mots
techniques nouveaux,
Lesquels membres durent s'atteler en premier lieu à la
rédaction de leurs statuts à faire adopter par l'Assemblée
Territoriale,
Avant de démarrer leurs travaux,
Et de publiquement sur le Territoire dès 1976 le
lancer
premier Concours littéraire en tahitien.

176
Un mouvement
qui va bénéficier du changement des
mentalités, la reconnaissance, au niveau mondial, des
avec
peuples minoritaires et de leurs langues,
Et qui va favoriser l'émergence d'une littérature
polynésienne
s'exprimant dans une mosaïque de langues :

dans des langues européennes, et plus particulièrement


en français,
ma'ohi, c'est à dire dans la langue polynésienne
en reo
-

de chacun des archipels qui composent la Polynésie, à savoir, le


pa'umotu, le marquisien, le rapa, le mangarévien, le tahitien,

Révélant là, du même coup, une originalité de la littérature


polynésienne, originalité qui signe |a leçon de tolérance culturelle
et sociale que donne à voir la Polynésie française, consciente de ce
que lui apporterait une grande ouverture d'esprit, dans le domaine
littéraire, en épanouissement et en enrichissement intellectuel,
humain, pour sa société et pour son patrimoine culturel.

En effet,
Concours littéraire Prix de l'Académie Tahitienne,
ce
renouvelé treize fois sur une période allant de 1976 à
1990, et
relayé en 2000, soit dix ans après, par celui Prix du Président
auquel va s'ajouter en 2001, celui Prix du Président pour la
Jeunesse, va faire apparaître

Un total de soixante (60) ouvrages qui ont été déposés


par trente six (36) auteurs parmi lesquels,

Terii PAE, un auteur prolixe, remporterait la palme, pour


avoir écrit régulièrement, 9 ouvrages, en neuf ans, de 1976 à
1986, suivi de près par

Vaetua TERIIAMA-COULIN, qui y participa durant six


ans, 6 ouvrages de 1976 à 1982, car élue membre de l'Académie,
elle ne pouvait concourir.

On peut également citer

Terii HEIMAU (1976-1979) ou Pani HEIMAU (1983-


1986) qui concourut pendant cinq ans, soit 5 ouvrages, sous deux
de ses noms,

Ainsi que deux auteurs présents à trois concours, donc 3


ouvrages, chacun :

177
Johnny TERII FAAHEE (1976, 1977 et 1986),
Louise PELTZER (1984, 1986, 1989).

Il y en eut quatre qui participèrent deux fois, soit 2


ouvrages :

Emile HIRO,
Iosua PENI,
TaariaWALKER,
Jacques IHORAI,

26 autres auteurs ne s'étant manifestés qu'une seule fois.


Cependant certains parmi ces derniers ayant accepté qu'on
apportât des corrections à leurs manuscrits, ont vu des extraits de
leurs ouvrages publiés dans les Heipuari'i, ce gui s'était fait avec
leur accord.

Trente six auteurs et soixante manuscrits,


Ce n'est pas à négliger!

C'est d'autant moins à


négliger que seuls quatre d'entre eux
vont passer de la publication, mais avec plus ou moins de
le cap
bonheur d'être connus, reconnus, grâce à la traduction :

Vaetua TERIIAMA-COULIN
Pani HEIMAU
Louise PELTZER
Taaria WALKER.

Quant au Concours littéraire Prix du Président lancé en 2000,


et repris en 2001, on dénombre déjà sur deux ans,

Un ensemble de vingt (20) ouvrages écrits par dix neuf


(19) auteurs !

Dont deux jeunes, et un auteur de Rapa qui y participa


pendant les deux années.

De ce survol, il ressort qu'en Polynésie française, l'avancée


de la littérature polynésienne se confirme,
Qu'elle n'est pas uniquement de langue française,
Qu'elle existe également ,/en langue polynésienne, et
notamment en tahitien,

178
Laquelle littérature tahitianophone est suivie de loin par des
écritsen langue pa'umotu, et
depuis peu, en langue rapa et en
marquisien.

A ce jour, il n'y a pas d'auteur mangarévien connu mais cela


ne saurait tarder étant donnés le
dynamisme de l'Association
culturelle mangarévienne, et sa politique d'éveil et d'enracinement
de la société dans sa langue,, dans sa culture,

Mais les ouvrages n'existent qu'en tant que manuscrits, non


publiés, et connus seulement de quelques membres de jury de
lecture !-

Ainsi, aux côtés de la littérature traditionnelle orale des


conteurs, des orateurs, des poètes, des auteurs de chants de
forme traditionnelle ou lyrique... des prédicateurs, des hommes
politiques, qui continuent d'exercer leurs talents dans l'oralité,

Se met peu à peu en place une littérature écrite en reo


ma'ohi, résurgence et renouvellement indéniable à un autre
niveau de l'oralité, attestant du passage à l'écriture des
Polynésiens.

Pour illustrer notre propos nous nous autorisons à reproduire


ce que nous avons noté, en Octobre 2001, lors du dernier Concours
littéraire Prix du Président,

« Sur les 12 ouvrages déposés et inscrits,

-10 s'inscrivaient au Concours littéraire Prix du Président,


-
2 au Concours littéraire Prix du Président pour la Jeunesse.

Pour ce qui est de la langue d'écriture des ouvrages,

-
1 était écrit en langue marquisienne,
-
1 en tangue paumotu,
-
1 en langue rapa,
Et
-
9 en tahitien.

De cet ensemble, 5 ouvrages malheureusement, pour n'avoir pas


respecté certains articles du règlement du concours n'ont pas été pris en
compte, mais ils ont été lus, car les membres du jury, ayant apprécié
l'effort de participation et surtout d'écriture en reo ma'ohi, avaient pris la
décision de tout lire, par respect pour les auteurs.

179
Les ouvrages qui avaient été retirés des Concours sont :

N° 2 : Te 'a'ai o Têtu Teuri

L'ouvrage comporte moins de 50 pages, présenté sous la forme d'un


cahier petit format, aux pages manuscrites, irrégulièrement pleines,
lesquelles dactylographiées n'en faisaient plus qu'une dizaine.

C'est le récit de la vie d'une grand-mère par un jeune.


C'est touchant mais il y a un réel problème de langue.
L'effort d'écriture en tahitien malgré les difficultés avait été
souligné !

N° 3 : Haneamotua (en langue marquisienne)

C'est un texte reproduit de l'un des Récits marquisiens publiés par H.


LAVONDES dans les cahiers de l'ORSTOM (1966), de ce fait, il ne pouvait
être retenu.

N° 5 : Aai (78 pages ?)

L'ouvrage se présente sous forme de plusieurs petits récits des îles


Tuamotu et des Marquises.
L'effort louable d'écriture est à retenir, mais il y a malheureusement
aussi des problèmes de langue, et un nombre insuffisant de pages.

N° 7 : Teie tuata kohaga no to tateu ia hagatupuna (manuscrit


en langue paumotu)

Ce sont des récits mythiques et des généalogies de Fakarava, du


héros Tikamamao, entre autres, aussi le manuscrit n'a t-il pas été retenu.

N° 9 : Aamu no te tama o Hira e tona ra reo (79 pages)

C'est manuscrit disposé sous forme d'écrits qui se


un texte
voudraient être de petits poèmes ».
«

Une démarche intéressante, mais les mini-textes écrits dans une


langue parlée ont besoin d'être revus, corrigés, et reconstruits, selon les
règles de la poétique.

Les ouvrages restés en lice, qui avaient respecté le nombre de


pages imposées, ( soit 50 pour les jeunes et 100 pour les moins jeunes), et
l'exhortation à écrire des récits de vie, une œuvre de création littéraire, un
récit de fiction, en prose ou dans un style poétique » sont :

a) Pour le Prix du Président pour la Jeunesse (jusqu'à 25 ans) :

N° 1 : Tetuaumere (50 pages)

180
Un récit d'une
Jeune racontant la vie de sa grand'mère : ses origines
familiales, la vie dans le district, le mariage arrangé, la fuite de l'emprise
sociale, familiale ...

b) Pour le Prix du Président, adultes :

N° 1 Parau mo’e o te ho'e tau (125 pages)

Le thème
en est l'évolution de la société polynésienne, à travers une

succession de
cinq histoires ( présentées sous forme de « 5 puta », 5
livrets) se déroulant dans l'espace, du district devenu par la suite commune
de Paea, et dans le temps,

*
Depuis les temps immémoriaux, celui des pehepehe ou
chants épiques anciens,
Te pehepehe o Manorua, O vai o Paea, Aito-Vahimoe
Te ha'aipoipora'a, te tautai,
*
L'histoire de deux jeunes,
Te tamahine no Maraa,

*
Aux temps des Arioi, celui des taurë'are'a,
Taneara'i,

*
L'époque moderne, celle de la drogue,
Te 'a va'a va ta'ero,
*
De nos jours, avec le temps des huma mero,
Te Parahira'a o Tetuari'i.

La
langue elle aussi évolue, depuis l'expression proche de celle des
textes de T. HENRY, passant par celle plus biblique avant d'en arriver peu à
peu à la langue d'aujourd'hui,

Avec ses innombrables fautes de frappe et ses erreurs de langue


(« pene ae », « hia ai e », « faateia », ... emploi abusif de « ei » pour
« i » ...)
Et des choses étonnantes culturellement comme l'homme et la
femme qui ne reçoivent plus le même nom de mariage !

Certes il y a eu un travail de recherche, qui est à relever et à


encourager mais cela reste trop inspiré de T. HENRY.

Il reste à écrire en créant quelque chose de nouveau à partir des


éléments anciens ou modernes, ingérés, au quotidien, et digérés, recréés
dans un récit du/au présent.

181
N° 2 : Ua turerua to tama ... no Matairea (101 pages)

Le texte est un première à la


récit de vie d'un seul tenant de la
dernière page, non chapitres, lesquels auraient pu aérer le
organisé par
texte, en alléger la lecture, faciliter la compréhension et le suivi de
l'histoire. Il s'agit de la vie d'un jeune polynésien Tefaaora originaire de
Matairea (Huahine) qui quitte son île natale et ses parents aimés (une
répétition inlassable, parfois excessive, d'expressions telles que « tau mau
metua i poihere mai tou apira'a », « mai to'u aruarura'a »...) pour suivre sa

jeune compagne en France... et qui finit par revenir au fenua, par réintégrer
son île.

On y décèle malgré tout plusieurs petits textes arrangés et présentés


sous la forme d'un écrit à chapitre unique, ce qui fait de l'ensemble un
«
puta para u pa'oti », un « pu ta tifaifai pu »,
Et également, un « puta parau 'o'oti » du fait qu'on y trouve
reproduits des extraits du livre « Tahiti aux temps anciens » de T. HENRY,
emprunts utilisés sans citation de leur auteur.
De même que l'on y lit, de façon quasi systématique, une multitude
de termes et leurs synonymes puisés abondamment dans le dictionnaire,
Fa'atoro parau, du Fare Vana'a, et pour lesquels on a parfois pris le risque
de l'emploi,
Aussi, pour en faciliter la lecture, est-il recommandé d'avoir son
dictionnaire du Fare Vana'a à sa portée.

Ceci étant dit, les observations relevées attestent par ailleurs des
qualités même du texte,
A savoir que son auteur a effectué un travail de recherche
indéniable, cherchant à faire revivre la langue, à s'immerger elle-même
dans la langue de ses tupuna.

Il en résulte un récit de vie écrit dans une langue riche, recherchée,


poétique, et en fait une œuvre « littéraire » qui donne également envie, sur
le plan pédagogique, d'utiliser l'ouvrage pour l'étude et la réappropriation
du vocabulaire.

N° 4 : E heepuanui te ra : Un beau coucher de soleil (100


pages)

C'est une narration de réflexions de fin de vie, dans une langue bien
écrite, riche, poétique, et dans un esprit positif, confiant en l'avenir.
On y trouve la même recherche et adaptation du vocabulaire ancien
polynésien dans l'écriture, avec l'effort remarquable, et très utile pour le
lecteur, de donner en bas de page la signification de termes spécifiques peu
usités.

Mais l'ensemble est peut-être, justement, trop « sage », trop


réservé : il y manque un zeste d'affirmation plus énergique de son esprit
créatif.

182
D'un autre point de vue, dans ce manuscrit, et sur le plan social,
quelque chose de l'ordre de la transmission d'une génération aînée à
l'autre s'écrit!
C'est aussi ce qui fait la valeur de cet ouvrage.

N° 6 : Aita te Atua i tau'a mai i to'u 'ino,

Ua fa'aora maira 'oia i ta'u vahiné (107 pages)

C'est un récit autobiographique bien écrit dans une langue claire,


fluide, coulant de source,
Ce qui en donne une lecture aisée, agréable, dans un style oral non
dénué de beauté.
Cependantd'aucuns pourrait lui reprocher d'être, dans son
expression, peu trop « politique » et un peu trop « purera'a », par
un
les nombreux commentaires bibliques et prières égrenés tout au long du
texte,
Bien que cela puisse être d'un grand enseignement sur tous les
plans, dont celui de la linguistique et de la rhétorique polynésienne.

N° 8 :... Mai, E faatiaparau e faatia aamu taua (127 pages)

Le récit s'étale sur 7 chapitres sous forme de plusieurs conversations


entre quelques personnages,
Avec des séquences de cours de tahitien.
C'est intéressant, il y a de la réflexion
Mais seules quelques 30 pages répondent au critère littéraire
attendu.

N ° 10 : Te 'anga moeke a Pa kakina

C'est un récit fictif intéressant, un peu sur le modèle des contes des
mille et une nuits, à travers une série de rêves, - des sauts -, voyages
éclairs (flash back) dans le passé,
Effectués, vécus par Pakakina, personnage du temps présent, d'une
grande curiosité et d'un vif intérêt pour les gens et pour les lieux de chaque
époque qu'il entrevoit et visite en rêve.

Il nous en fait
description détaillée, simple.
une

C'est ainsi que Pakakina, apprend du passé, à l'occasion de chacun


de ses Dream Time, comparant les lieux, (géographie physique, faune,
flore, terrestres, sous-marines ...), les personnes qu'il rencontre sans être
vu d'eux, leurs modes de vie, les traditions,

Ce qui permet au lecteur de suivre l'évolution de Rapa et de sa


société, depuis ses origines jusqu'à nos jours,
Et même de prévoir le futur, puisque Pakakina s'y projettera
également.

Le vocabulaire est simple, aussi la reprise continuelle de certains


mots et le recours (sans doute dans un but pédagogique) à l'énumération

183
d'éléments de l'environnement physique permettent-elles au locuteur
tahitien de lire l'ouvrage,

Mais celui-ci est alors confronté au problème de la structure de la


langue, notamment à la question de la syntaxe de la langue rapa.

A quand le dictionnaire et une grammaire de la langue rapa ? »

L'exposé de ces notes personnelles comme celui, gobai, des


premiers concours littéraires en reo ma'ohi, n'a d'autre intention
que celle de partager notre sentiment qu'en Polynésie française et
en terme de littérature,
Celle de ma'ohi, qui se révèle,
reo a sa place à côté de la
littérature polynésienne francophone.

Certes pour l'heure, cette littérature retrace encore la vie


quotidienne et les aspects plus anciens de la culture, de la société,
tout en parsemant les récits de réflexion sur le temps qui passe,
sur un constat des changements dans les façons d'être, de penser,

de vivre des Polynésiens d'aujourd'hui,


Soucieuse doute, dans un premier temps, de laisser des
sans

leçons de vie aux générations futures,


traces et des
Un désir de transmission qui va de pair avec celui de
l'engagement dans la modernité en empruntant donc la voie de,
l'écriture.

Cependant, pour ceux-là, il faudra préciser à nouveau qu'il


ne s'agit pas de recopier des puta tupuna, des généalogies et des
récits mythologiques, mais d'écrire « une œuvre de création
littéraire, un récit de fiction, en prose ou dans un style poétique »,

Ce qui par ailleurs mettrait certains d'entre les auteurs à


l'abri des sentiments de culpabilité et de trahison, pour les gestes
de dévoilement des généalogies, de ce quelque chose de l'ordre de
la transgression par rapport à son entourage familial et surtout par
rapport aux ancêtres, aux dieux.

Mais il s'agit là d'une passerelle que traverse l'écriture d'un


peuple de l'oralité abordant les rivages de la littérature, du moins
en Polynésie française.

Cela commence par la transcription, l'inscription de faits


événementiels, historiques concernant sa famille, ses ancêtres, sa

184
société, sa vie, avant de pouvoir entrer dans le monde de la fiction,
du récit, de l'imaginaire,

Et après que l'on ait publié poèmes, nouvelles, pour arriver


enfin aux romans.

Ainsi l'avancée de la littérature polynésienne, vue du côté


polynésien, tient compte de ces développements et passages
spécifiques, et ce, tel que nous le saisissons à partir de ce qui est
écrit depuis le siècle dernier :

Teuira HENRY, petite-fille de missionnaire anglais, qui a


laissé une œuvre monumentale sur la société polynésienne, ses
récits mythiques, ses chants, ses poèmes, ses généalogies, ses
traditions, sur les lieux, l'environnement physique, animal, végétal,
sur les sports, les dieux, les croyances, les lieux de culte, les
guerres, les cultures, les pêches,
Des textes écrits en anglais qui ont été traduits de l'anglais
en français.

Marau Taaroa SALMON, dernière reine de Tahiti par son


-

mariage avec le roi POMARE V, fille d'un anglais et d'une cheffesse,


et qui a écrit ses Mémoires en anglais, lesquelles ont été traduites
en français par sa fille Takau POMARE-VEDEL,

Sa mère Ariitaimai, grande cheffesse de Papara, qui a dicté


-

ses mémoires en tahitien à un Américain, Henry ADAMS, en fait à


ses enfants, dont Marau, Tati qui les ont traduites en anglais, avant
que ces textes ne soient retraduits en français.

Son frère Tati SALMON qui a maintenu une correspondance


-

avec Henry ADAMS, laquelle a été conservée fort heureusement, ce


qui nous permet de connaître la vie à Tahiti à la fin.du 19° siècle,
grâce à la traduction qui en a été faite en français,
-

Son fils Ernest SALMON qui, lui aussi, avait laissé des
écrits.

Ce qui fait de cette famille un cas exceptionnel,


d'auteurs s'étendant quasiment sur trois générations !

D'autres tahitiens, comme on disait alors, avaient publié des


récits, des poèmes, dans les bulletins de la SEO de Papeete.

185
Quant à Mai-Ari'i CADOUSTEAU, elle tenta d'aborder l'aspect
historique de la société tout en s'intéressant à la langue, publiant
grammaire, dictionnaire, manuel d'apprentissage de la langue
tahitienne, et autres livres sur les généalogies, sur les prénoms
tahitiens..

Puis peu à peu des recueils de poésies, des nouvelles font


leur apparition,
Enfin, des récits de vie, des romans vont émerger.

Dans l'énumération des auteurs qui précède, nous étions soit


dans les traductions langue française des premiers ouvrages
en

écrits en anglais par des Tahitiens, soit dans les ouvrages plus
récents écrits et/ou publiés en français !

Dans cet exposé, nous voulons signifier simplement ceci :


que la littérature polynésienne existe', et qu'elle existe également
en reo ma'ohi.

Cette littérature en reo ma'ohi, en dépit de la couture parfois


visible des morceaux mis bout à bout de ses « puta tifaifai pu » ou
«
puta 'ahu hu'ahu'a tapu »,
A sa place à côté de la littérature polynésienne francophone,

Elle y a d'autant plus sa place, qu'elle atteste d'une pensée


qui puise ses racines dans son passé mythique, qu'elle témoigne de
son temps de métissage, de son interculture,

C'est à dire de la réalité d'une terre de culture sur laquelle


s'étaye l'écriture de la littérature polynésienne d'aujourd'hui dans
ses nuances françaises et ma'ohiphone.

En fin de compte, le Polynésien écrit,


Il aime écrire, il écrit de plus en plus, et dans ses deux
langues !

Mais ilimporte alors que les auteurs d'écrits en reo ma'ohi ne


soient plus enfermés, contenus dans leur monde, dans leur société.

Ils doivent à
présent briser leur coquille, tout comme l'a fait
Ta'aroa l'ancien dieu créateur des Tahitiens, pour accéder à une
vision et à une saisie plus large du monde, à partir du lieu où ils
sont, à partir de leur monde.

186
Donc, pour conquérir et remporter de façon éclatante leurs
lettres ou titres de noblesse, et leur droit de cité dans le monde
littéraire polynésien, océanien, et/ou national, international,
aujourd'hui,

Les auteurs d'écrits ma'ohi doivent d'une part s'élever


en reo

au-dessus du
quotidien, taquinant l'esprit critique, aiguisant la
réflexion, pratiquant le questionnement sans fin,

Et d'autre part, utiliser le français, tout comme l'anglais, en


tant que langue de l'échange, point de passage obligé entre les
différentes cultures et expressions littéraires.

Une littérature bilingue ou multilingue?

Il semble en effet que


la littérature polynésienne naissante
s'affirme dans
premier temps sur deux fronts, en langues
un

polynésiennes et en langues européennes, plus précisément en


tahitien et en français.

Cette littérature bilingue, trilingue ou multilingue de la


Polynésie française qui ne demande qu'à se développer, pour être
entendue dans les voix qui sont les siennes, doit passer à/par la
traduction,

Par la traduction en français, en anglais.

La traduction est une donnée incontournable, fondamentale

pour le devenir de la littérature polynésienne tant francophone que


de reo ma'ohi,

C'est elle qui ouvre sur le monde extérieur et qui fait


connaître .

Tout comme le livre écrit en anglais par une jeune femme


tahitienne de Faaa vivant en Australie devrait être traduit en

français,
Tout comme les livres d'auteurs français devraient être
traduits en langues polynésiennes, comme cela se passe dans
d'autres pays,
Comme cela avait été initié ici, il y a plus de cent ans, dans
les journaux d'alors, avec les publications de textes sur Socrate ou
des fables de la Fontaine... dans les deux langues, française et
tahitienne.

187
Un exemple frappant de cette nécessité est le cas de
l'écrivain péruvien Mario Vargas LLOSA à qui l'Université de
Polynésie française a remis, en janvier 2002, le Diplôme de
Docteur Honoris Causa : il n'aurait jamais été l'écrivain
internationalement connu et apprécié qu'il est, ni devenu Docteur
de l'Université de Polynésie française, si ses œuvres n'avaient pas
été traduites dans plusieurs langues dont l'anglais et le français.

Les ma'ohi de la Polynésie française ne doivent plus


reo

rester des langues parlées ni des langues écrites uniquement dans


les puta tupuna, dans des manuscrits rangés au fond des tiroirs et
des cartons,

Elles doivent être visibles, en plus d'être écrites, c'est à dire


imprimées, diffusées,
Pour signifier qu'un peuple existe dans ses nuances, lequel
peuple est aussi riche par la langue, par la pensée, par ses écrits
que les autres peuples dans le monde.

En définitive, il existe déjà une production d'ouvrages


d'auteurs polynésiens, francophones, tahitianophones, mais du fait
de la non-publication des manuscrits, elle est inaccessible au
public, et à tous eux qui s'y intéressent.

Il y a peut-être là une place à créer et à prendre, une maison


d'édition de livres en tahitien à prévoir ou une structure d'accueil
des ouvrages en tahitien à l'intérieur des maisons d'édition
existantes,

Comme il y a du travail pour des traducteurs, dans la


traduction d'œuvres littéraires.

Ainsi s'impose, ailleurs, la nécessité d'une chaire de


par
traducteurs à créer à l'Université de Polynésie française, d'avoir un
Corps de traducteurs, de haut niveau, formés à la traduction
d'œuvres littéraires, un Corps de traducteurs composés notamment
de professeurs de langues, de reo ma'ohi, de français, d'anglais, de
japonais...

Jusqu'à présent, seules sont connues des œuvres écrites et


publiées en français, et celles en tahitien ou en une autre langue
polynésienne le sont peu.

188
C'est en cela que
la publication, par l'Association Hitimano
'Ura et Ministère de la Culture et de l'Enseignement
par le
supérieur, chargé de la promotion des langues polynésiennes, de
l'ouvrage, Te Oho no te tau 'auhunera'a, de Parick Araia
AMARU, 1° Prix du Concours littéraire Prix du Président 2000,

le risque pris par une maison d'édition de la place de


Et

publier le manuscrit, en version tahitienne, qui a gagné le


troisième prix au Concours littéraire Prix du Président 2001,
Méritent d'être relevés, applaudis et encouragés.

En fin de compte, des ouvrages en tahitien comme en


français existent, preuve qu'il y a une conscience qui s'exprime,
qu'il y a un imaginaire polynésien qui passe à l'écrit,
Mais la littérature polynésienne francophone et en reo ma'ohi
sont toutes deux confrontées à un problème commun qui est moins
un problème d'auteurs, d'écriture, (bien qu'il existe aussi) qu'un
problème économique, d'éditeurs, de traducteurs,
Et de correcteurs, de comité de lecture.

Ceci fait donc apparaître également la nécessité d'un Comité


de lecture
permanent chargé de lire les oeuvres, de faire la
correction des manuscrits, d'en faire la critique .

Il y a en Polynésie française un vivier d'auteurs dont il faut


parler, faire connaître,

Et il y a bien aujourd'hui une littérature polynésienne.

Elle existe,
Elle existe comme elle est,
Et elle est comme les auteurs polynésiens ont pensé qu'elle
est et disent qu'elle existe, aujourd'hui,
C'est à dire différente, variée, polynésienne, multilingue.

Elle ne doit pas rester bloquée à mi-parcours au milieu du


gué parce que/ou en tant que « littérature de manuscrits ».

Nous pensons que la littérature polynésienne telle qu'elle


existe dans la multitude de langues a besoin d'être aidée, en
ses

étant publiée et traduite, pour qu'elle devienne accessible à ceux


qui ne parlent pas le tahitien ni quelque autre langue polynésienne.

Et là, ce n'est pas du ressort des écrivains,

189
C'est celui d'autres personnes animées par la passion,
Parce qu'il y faut de la passion, passion de l'édition, passion
de la traduction, -plus difficile que l'écriture-,

Tout comme, il en faut, en matière d'écriture, de peinture, de


création poétique, littéraire, artistique, musicale, chorégraphique,...

Ce sont des
domaines, des mondes qui se croisent et
travaillent à un ensemble, et dans lesquels où l'on
moment
n'avance pas autrement qu'avec de la passion, de la foi, de
l'amour !

C'est la raison de l'existence de

Lïttérama'ohi,
Ramées de Littérature Polynésienne
Te Hotu Ma'ohi !

F. DEVATINE
(21-04-2002)

190
« Ecrire, c’est redire à l’infini l’élan des possibles. Comme
nous ne rendons grâce, au fil du temps, qu’à ceux qui nous ont
laissés des traces, puissent-elles sans cesse signifier. »

Hina-Marie ARBELOT

191
Conversation autour d'une tasse de café

« -
Michèle, lis cela ! Lis tout avant de réagir ! »
« - revue
... donne une existence, une réalité à la
Cette
littérature polynésienne qui enfin va appartenir à un monde
littéraire, du moins à un monde d'expression !...
Le titre Littérama'ohi est un mot noble qui englobe un tel
domaine d'expression de liberté, d'éloquence, de poésie.
C'est une inscription claire dans la littérature !
Enfin le mot prend son plein sens, c'est l'écrit !...

Je trouve que ça a mis du temps ! Ca arrive presque en


retard !... »

« Non ! C'est allé très vite, au contraire, vue l'histoire !


A mon sens, c'est le moment ! »
« Oui ! C'est encore le bon moment !
C'est le moment de lancer les « éveil leurs »* !...

Avec Ramée, en relation avec la rame, avec les feuilles,


Avec Te Hotu, le bel arbre qui symbolise la création !...
Enfin il y a une distinction entre la littérature polynésienne
comprise jusqu'à présent comme constituée des œuvres de gens
qui ont écrit sur la Polynésie,
Et cette littérature polynésienne qui a enfin une identité
d'écrivains polynésiens, de Polynésiens qui écrivent !...
Avec une variété immense, un monde de liberté ouvert dans le
groupe !...
un Cercle Polynésien, un Cénacle fondateur !
Ça doit rester
Vous devez rester entre vous, pour l'instant, pour lancer la
revue !... »

« - Il est vrai qu'il semble qu'il y en ait, sur le Territoire,


qui réclament leur reconnaissance en tant qu'auteurs
polynésiens. »
« Autrefois on donnait aux gens de passage, et davantage
-

aux hommes qu'aux femmes, un nom polynésien. Pour moi qui n'ai
pas reçu de nom tahitien, la remise de décoration devant la Presse
par le Président du Gouvernement a été un baptême, une
reconnaissance venant d'ici, de la Polynésie,

192
Ici où j'ai vécu, grâce à l'accueil des gens, à la télé, à la radio,
aux gens que j'ai rencontrés et qui m'ont fait confiance, quelque
chose de beau,
Ici où j'ai ressenti une humanité qui est universelle !
Donc il y en a qui recherchent cette reconnaissance,
Or la reconnaissance passe par le nom,

Le nom d'auteur !
Auteur polynésien !...
Il faut craindre la dilution qui est dans l'histoire et dans le
monde de l'édition,
Car dans tout ce qui paraît, il y a le ressenti occidental et une
pénétration dans la mémoire polynésienne : cela pourrait être une
ombre qui va vous éteindre ...

Puis viendront pour vous les questions :

Qu'est-ce que, pour chacun, la littérature polynésienne ?


Pourquoi n'a-t-on pas eu de littérature écrite ?
Cette écriture n'est-elle pas une réaction, une irritation devant
tout ce que disent, écriventles autres ?
On attend la réaction polynésienne !
Faire partager davantage joies, inquiétudes, peurs, dans la
forme que chacun a choisie et qui lui correspond !...
Bien entendu ce n'est pas un refus mais simplement l'envie
d'exprimer ce que l'on a sur le cœur !
On attend une révélation d'une manière d'être, de vivre !...
Il faut aller plus loin dans ce que l'on a envie d'apprendre à
l'autre pour être ce que l'on est !
Maintenant que vous vous y êtes engagés, il vous faut
avancer !...»

F.D.

(Extrait d'une « Conversation autour d'une tasse de café, », à propos


de la revue, au retour de l'U.PF, à Fa'a'a, 24-01-2002)

(*)terme emprunté à Hugo NEIRA de l'UFP faisant l'éloge de son ami


:
de 40 l'écrivain péruvien Mario Vargas LLOSA, « grand européen
ans

péruvien »*, lequel, dans la matinée de ce même jour, a reçu le diplôme de


Docteur Honoris Causa de l'Université de la Polynésie française, lors d'une
fabuleuse cérémonie, véritable « fête de la littérature, de la culture, de la
liberté créatrice ».

193
«

Identité marquée

Le dernier souffle

Je ne sais pas
qui remercier :
la terrequi nous accueille ou
nos ancêtres qui y ont bâti leur monde, le nôtre.

D'ailleurs, peut-on dissocier ces deux éléments ?


Se serait-on installé sur une terre stérile ?
Serait-on venu s'éteindre sur une terre nourricière ?

Lorsque je chante ma terre, je chante aussi mes ancêtres.


Lorsque je chante la terre de mes ancêtres, je chante aussi
les ancêtres de ma terre.
Lorsque je chante, je chante pour mon clan.

Lorsque je pleure mes ancêtres, je pleure aussi ma terre.


Lorsque je pleure les ancêtres de ma terre, je pleure aussi
la terre de mes ancêtres.
Lorsque je pleure, je me cache.

Mon cœur se serre. Qu'ont-ils fait de ma terre ?


Mon esprit se révolte. Qu'ont-ils fait
de la terre de mes enfants ?
Mes muscles se tendent. Qu'ont-ils laissé à mes enfants ?

194
Je ne sais plus qui blâmer :
mes ancêtres qui se sont dissociés de ma terre ou
moi-même qui porte un jugement sur ce que je ne connais pas ?
Moiqui ne maîtrise pas mon histoire,
Moi qui ne maîtrise pas mes ancêtres,
Moi qui ne maîtrise pas ma terre.

Lorsque je pleure mes ancêtres, je puise ma force


dans leur nom.

Lorsque je pleure les ancêtres de ma terre, je puise ma force


dans ma terre.
Lorsque je pleure mon clan, je m'isole dans mes rêves.

Lorsque je chante mes ancêtres, je reconstruis


ma terre.
Lorsque je chante les ancêtres de ma terre,
je me présente
à eux.

Lorsque je chante pour mon clan, je suis heureux.

Mes yeux se mouillent. Mon clan répond à mon chant.


J'ai la chair de poule. Ma terre répond au chant de mon clan.
Ma gorge se noue. J'imagine mes ancêtres à mes côtés.

Calés sur ma respiration, ces deux états se succèdent en moi.


J'expire mon souffle de vie, j'inspire la vie,
je poursuis mon voyage.

Mon dernier souffle, sur ma terre, sera pour mes enfants,-


moi l'ancêtre.

Taraua.

(Informaticien, France)

195
Notes

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Notes
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Littérama'ohi
Ramées de Littérature Polynésienne
Te Hotu Ma'ohi

Publication d'un groupe d'écrivains de Polynésie française.

Directrice de la publication :
Flora Devatine boîte postale 3813 Papeete
98 713 Tahiti
fax (689) 820 680
mel tahitile@mail.pf

Comité de direction :

Patrick AMARU
Michou CHAZE
Flora DEVATINE
Danièle-Taoahere HELME
Marie-Claude TEISSIER-LANDGRAF
Jimmy LY
Chantal SPITZ

Numéro 01 / mai 2002


Tirage : 500 exemplaires - Imprimerie Polytram
Maquette de couverture : Marc HELME

199
Attiré par des rêves de richesse
Il quitta son pays avec sa tresse
Qui a Tahiti se révéla l'objet
Et la cible de maints et maints quolibets
De vexation en vexation il s'en fut
Mais faire fortune, hélas ! il ne put
Son logis était un vrai capharnaüm
Mais heureusement il avait l'Opium
Qui lui ouvrit les portes d'un paradis
Peuplé des plus belles filles du Pays
Quand enfin à Canton il s'en retourna
En son honneur l'on tua le cochon gras.
A jeune il vendit son passeport
un

Qui a sa place débarqua sur le port


De Papeete trompant l'autorité
Voilà révélée toute la vérité
Sur certains prétendus mystères
De quelques chinois centenaires.

René SHAN
08/05/77

200
)
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René Shan

René Shan Sei Fan, né le 2 juillet 1944, à Papeete,


décédé à l'âge de 48 ans le 6 juin 1992, d'une longue
maladie.

"C'était un révolté" nous dit son frère, "qui dès


l'enfance avait du mal à rentrer dans le système". Très
cultivé, il baigne dès le plus jeune âge dans la littérature
au Collège La Mennais où il fait des études secondaires, où

on lui dit, à lui, "le nul en maths" qu'il doit être bon en

maths "parce qu'il est chinois".

René veut qu'on le laisse tranquille. Il se met à


peindre, écrit des poèmes, s'organise une expo, à l'issue
de laquelle, m'a-t-il dit, la communauté chinoise le classe
"artiste". Dès lors on n'essaie plus de faire de lui "l'homme
d'affaire" qu'il n'est pas, qu'il ne veut pas être.

En Australie, où il fait des études, il tombe amoureux


d'une princesse Thaïlandaise, devient plongeur d'abalone,
et écrit des lettres d'amour avec son sang.

À Tahiti, dans les années 80, il fonde avec Jimmy Lee,


le journal "Tsoung Pao".

Passionné d'objets culturels, il fouille les montagne et


les vallées. Il fait également des recherches sur les
premiers chinois arrivés en Polynésie. Mais René tourne
tout, désintéressé, jouisseur, détaché, artiste ! C'est ie
marginal par excellence.

qu'un révolté, René était surtout contre le


Plus
système, contre tout système.

Michou CHÂZE
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