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Détection automatisée par deep learning de la viabilité

lymphocytaire en microscopie sans lentille


Anne-Sophie Montcuquet

To cite this version:


Anne-Sophie Montcuquet. Détection automatisée par deep learning de la viabilité lymphocytaire en
microscopie sans lentille. Médecine humaine et pathologie. 2022. �dumas-03795030�

HAL Id: dumas-03795030


https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03795030
Submitted on 3 Oct 2022

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par l’intermédiaire de l’archive ouverte DUMAS (Dépôt
Universitaire de Mémoires Après Soutenance).

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vous invitons à consulter en ligne les annuaires de
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femmes.

Contact à la Bibliothèque universitaire de Médecine


Pharmacie de Grenoble :

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UNIVERSITÉ GRENOBLE ALPES

UFR DE MÉDECINE DE GRENOBLE

Année : 2022

DÉTECTION AUTOMATISÉE PAR DEEP LEARNING DE LA VIABILITÉ


LYMPHOCYTAIRE EN MICROSCOPIE SANS LENTILLE
THÈSE

POUR LE DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE

SPÉCIALITÉ : NÉPHROLOGIE

Par Mme Anne-Sophie MONTCUQUET

[Données à caractère personnel]

THÈSE SOUTENUE PUBLIQUEMENT À LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE GRENOBLE

Le 22/09/2022

DEVANT LE JURY COMPOSÉ DE :

Président du jury :

Mr le Pr Lionel ROSTAING

Membres :

Mme le Dr Dominique MASSON

Mr le Dr Johan NOBLE (Directeur de thèse)

Mr le Dr Paolo MALVEZZI

Mr le Dr Thomas JOUVE

L’UFR de Médecine de Grenoble n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
les thèses ; ces opinions sont considérées comme propres à leurs auteurs.
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Remerciements
Merci Pr Rostaing pour votre encadrement durant tout mon (long) internat.
Merci Johan d’avoir accepté de travailler sur ce sujet et de m’avoir fait confiance, merci pour tous les
bons moments passés hors de l’hôpital, merci pour ton œuf musical, et merci à l’avance pour tous les
dîners sur ta terrasse.
Merci Dr Masson d’avoir accepté de faire partie de ce jury, merci pour votre accueil et vos
remarques.
Merci Thomas, qui a été successivement mon premier assistant et mon premier catsitter. Et merci
d’avoir cessé de faire tomber mon vélo.
Merci Paolo pour le partage de tes connaissances, et le partage de tes bonnes adresses en Italie. Et
merci d’avoir investi dans cette trancheuse à charcuterie et de nous en faire profiter.

Merci Cédric d’avoir participé à l’initiation de ce travail, et pour ton aide précieuse tout au long de
celui-ci. Merci de m’avoir offert le repas à H1 lors de mes journées au CEA. Merci à Guillaume de
nous avoir rejoints en cours de route.
Merci Sylvette et Sophie de m’avoir donné de votre temps lors de toutes ces journées
d’expérimentation.

Merci Valentine pour ta bienveillance et ton sourire, et merci pour ces cinés/pad thaï passés et tous
ceux à venir. Merci d’avoir adopté Eloi. Par contre tu n’oublieras pas de me rendre mon stéthoscope.
Merci Eloi d’avoir débarqué dans notre équipe, merci pour tes blagues jamais fines et merci d’avoir
gardé mes enfants sans qu’ils ne se blessent. Et enfin merci d’envisager ma candidature pour faire
partie de votre bureau.
Merci Dorothée d’être là, merci pour ton oreille attentive. Merci d’avoir adopté Eloi. Et désolé Antho
pour l’entraînement de ce soir.
Merci Florian pour ton regard malicieux dès que tu fais un calembour. Merci pour le champagne,
aujourd’hui et toutes les autres fois. Merci de nous amener Julie de temps en temps en soirée.
Merci Hamza pour tes tapes amicales, en prenant toujours soin de ne pas nous déboiter l’épaule.
Merci Yann pour ton calme et ton exemple d’humanité auprès des patients.
Merci Rachel pour ta supervision et ta bienveillance lors de mes premiers pas en néphrologie.
Merci Bénédicte pour ton aide dès mon arrivée dans l’équipe.
Merci Marc de ta gentillesse constante, et de toujours faire honneur à nos buffets.

Merci à tous mes cointernes, tous semestres confondus, qui m’ont supportée dans tous les sens du
terme.
Merci Morgane qui a été mon premier modèle d’interne, merci Antoine pour ton rire à gorge
déployée, merci à Catherine pour ton humour décalé et surtout pour tes gaufres, merci Eve-Anne
pour cet unique semestre à tes côtés. Merci à toutes les promotions d’internes qui nous rejoignent
chaque année : Carla et Jules (et merci d’avoir passé votre thèse avant moi pour me conseiller
ensuite), Alexandra et Reda, Louise et Lara, Antoine et Bastien (oui, les néphrologues se déplacent
toujours par deux).
Merci Lénaïk pour ces deux fois à peine où on est allé courir, et pour me proposer régulièrement de
garder non-gracieusement mes enfants. Merci Sia pour ces conversations en coup de vent dans un
couloir du CHU.

Merci à toutes les secrétaires de néphrologie pour leur aide précieuse au quotidien, merci Audrey de
renouveler régulièrement ton bronzage pour me narguer, merci Laetitia pour ton rire dans la salle

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des archives qui efface en quelques secondes la pile de dossiers jaunes.

Merci aux infirmières, AS et infirmiers au 3e comme au 14e, votre énergie et votre gentillesse allègent
les week ends passés au CHU. Merci Gaëlle pour tes petits messages messenger, pour ces repas
barquettes partagés dans la salle de repos, tu es la bouffée d’air frais malgré l’absence de fenêtre.
Merci Séverine de parler toute seule, et d’avoir régulièrement fait des heures sup pour me tenir
compagnie. Merci Florence et Meryll de supporter Gaëlle et Séverine. Merci Quentin pour ton
imagination sans limite, merci Tom pour ta voix rassurante, merci Lucas pour ton énergie, merci
Mounia pour ta bonne humeur en permanence, merci Sonia pour ton franc parler, merci Soufia pour
ton franc parler aussi, merci Catherine pour ta douceur et tes séances d’hypnose, merci Etienne pour
ton calme, merci Hugo d’avoir ne serait-ce qu’envisagé de revenir nous voir au 3e. Et merci à tous
ceux qui ont bien voulu au moins une fois piquer un bilan que j’avais oublié de prescrire.

Merci aux services de Diabétologie, Anatomopathologie, Réanimation de Chambéry, Médecine


interne de la Mut, et de maladies infectieuses et tropicales de m’avoir accueillie.

Merci Camille d’avoir fait la passerelle malgré mes mises en garde, et d’avoir passé la 6e année avec
moi, ça aide de voir tous les jours une amie qui dort moins que soi (emoji trou noir). Merci Manon
d’avoir été la meilleure cointerne qu’on puisse rêver d’avoir (sauf quand tu m’as abandonnée 15
jours pour partir en vacances dans des îles paradisiaques en plein hiver), il n’y a pas grand monde
avec qui je partagerais mon chocolat fleur de sel. Par contre toutes les deux, merci d’arrêter de me
harceler pour que je vous suive à la Bastille. Ca n’arrivera pas. Merci au reste de l’équipe de choc des
Ecrins, Eléa et Ramzi.

Merci à mes camarades de prépa, qui ont été les premiers à m’apprendre que des études difficiles
passent mieux quand on est bien entourée. Merci à mes copines d’école d’ingé, Lorette, Asdis et
Virginie. Et à tous les copains de l’époque que je ne vois plus assez à mon goût. Merci à ma Coco,
témoin en or, quelle chance de t’avoir rencontrée ! Heureusement qu’on s’a, et fais attention quand
même. Merci à Isa pour continuer à me garder dans ta vie même si j’oublie de rappeler une fois sur
deux.
Merci à mes bisontines préférées, Julie, Uso, Camille et Clémence. Vous vous êtes abstenues à
l’époque de m’alerter sur quelques errances capillaires et stylistiques, je ne vous remercie pas pour
ça. Mais vous avez participé à faire de moi qui je suis aujourd’hui.
Merci Anne-Claudine, de me sortir un peu et me faire découvrir de bons restos, et de partager avec
moi tes passions artistiques et immobilières.

Merci à tous mes anciens collègues du CEA pour ne pas m’avoir reniée après mon changement de
voie. Merci de proposer un peu plus souvent des apéros retrouvailles par contre. Et j’espère encore
vous connaître quand vous serez tous devenus millionnaires après avoir vendu vos boîtes.
Merci à Jérôme, mon directeur de thèse originel, et à Lionel mon premier encadrant de thèse.

Merci à toute ma famille, oncles et tantes, grand parents, neveux et nièces pour leur amour toutes
ces années, pour leur soutien. Merci à ma belle-famille de m’avoir accueillie, et de penser aux
apéricubes à chaque fois.
Merci à mes frère et sœurs, Aurélie, Christel et Nic, et mes cousine et cousins pour tous ces moments
depuis ma tendre enfance que je n’oublierai jamais.
Merci à mes parents de me suivre dans toutes mes reconversions (passées, et à venir ?), de m’avoir
soutenue sans sourciller, de vous occuper de mes petits et de les laisser vous battre aux échecs ou au
Skyjo.

Et enfin merci à ma petite famille. Je n’aurais jamais assez de place pour vous dire à quel point je
vous adore. Max, tu as assisté à une première soutenance de thèse 11 ans en arrière, et tu es

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toujours là. Je n’aurais pas pu aller au bout de ces années sans toi. Tu es sans hésitation le meilleur
mari, ami, père, et compagnon de Bo-bûn ou pizza Francesco dont on puisse rêver.
Calixte, si j’avais pu j’aurais choisi un thème Harry Potter pour ma soutenance, mais ça aurait été au
risque de me faire invalider ma thèse. Et comme tu l’as si subtilement souligné l’autre jour en me
disant « tu feras quoi si on te donne pas ta thèse, tu referas neuf ans d’études ? », je n’aurai
effectivement pas le courage d’être étudiante plus longtemps. J’espère que tu viendras encore
quelques années sur mes genoux, entre le fromage et le dessert. Ma petite Mahaut, j’espère que tu
ne vas pas éclater de rire au milieu de ma soutenance, tout autant que je souhaite en réalité que ça
se produise. Je ne me lasserai jamais de te voir sourire. Ninon enfin, mon bébé sérieux, je suis sûre
que tu auras cerné sans aucune difficulté la problématique du deep learning. Tu as bien fait de venir
agrandir cette famille, tu vas voir on va bien s’amuser.
Merci d’avoir accepté de me voir travailler si souvent au lieu de jouer avec vous, je continuerai de
faire de vous ma priorité c’est promis. J’ai hâte de continuer à vous voir grandir. Je vous aime plus
fort que le roquefort.

A tous ceux que j’ai pu oublier et qui estiment m’avoir aidée durant ces années, je m’excuse et je
vous propose de vous composer vous-même des remerciements à votre hauteur : ..........................
…..………………………………………………………………………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………………………………………………………………………

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I. Table des matières
RÉSUMÉ ................................................................................................................................................. 12
ABSTRACT.............................................................................................................................................. 13
I. INTRODUCTION ............................................................................................................................. 14
II. RAPPELS D’IMMUNOLOGIE et CROSSMATCH ............................................................................... 15
A. Rappels d’immunologie : système HLA ..................................................................................... 15
1. Immunités innée et adaptative ............................................................................................. 15
2. Immunité et transplantation d’organe.................................................................................. 16
3. Complexe Majeur d’Histocompatibilité / Système HLA ........................................................ 16
4. Immunisation anti-HLA et patients hyperimmunisés............................................................ 18
B. Cross-match : état de l’art ......................................................................................................... 19
1. Crossmatch par lymphocytotoxicité, dépendant du complément (Complement-dependent
cytotoxic (CDC) crossmatch).......................................................................................................... 21
2. Cytométrie en flux ................................................................................................................. 23
3. Crossmatch par lympohocytotxicité au laboratoire HLA de l’EFS de Grenoble ................... 25
C. Utilisation d’un nouveau type de microscope : microscopie sans lentille ................................ 28
1. Microscope Lensless .............................................................................................................. 28
2. Application au crossmatch .................................................................................................... 36
III. MATÉRIELS ET MÉTHODES ........................................................................................................ 37
A. Matériels.................................................................................................................................... 37
1. Microscope sans lentille Iprasense®...................................................................................... 37
2. Microscope à Fluorescence ................................................................................................... 38
3. Contenants ............................................................................................................................ 38
B. Acquisitions ............................................................................................................................... 40
1. Illumination ........................................................................................................................... 40
2. Durée d’acquisition ............................................................................................................... 41
3. Concentration cellulaire ........................................................................................................ 41
4. Milieu optique ....................................................................................................................... 42
C. Detection de lymphocytes......................................................................................................... 43
1. Échantillons analysés ............................................................................................................. 44
2. Acquisitions d’hologrammes obtenues ................................................................................. 45
D. Détection de la viabilité lymphocytaire en temps réel ............................................................. 46
1. Analyse de viabilité selon le profil en z ................................................................................. 46
2. Recours à l’intelligence artificielle : deep learning et réseau de neurones .......................... 47

10
IV. RÉSULTATS ................................................................................................................................. 51
A. Entrainement du réseau de neurones....................................................................................... 51
1. Expérimentation mise en place ............................................................................................. 51
B. Mise en pratique : différenciation de cellules vivantes ou mortes par le réseau de neurones 56
1. Sérum positif ......................................................................................................................... 56
2. Sérum négatif ........................................................................................................................ 61
V. DISCUSSION ................................................................................................................................... 63
A. Résultats constructifs ................................................................................................................ 63
B. Limites et biais potentiels.......................................................................................................... 67
1. Distinction des lymphocytes.................................................................................................. 67
2. Entraînement du réseau de neurones sur données erronées .............................................. 69
3. Chauffe des capteurs ............................................................................................................. 69
4. Site de la réaction de lymphocytotoxicité ............................................................................. 70
5. Différence de survie selon le contenant (lames Leja ou puits) ............................................. 71
6. Variabilité d’interprétation entre biologistes........................................................................ 72
C. Perspectives de travail............................................................................................................... 73
1. Amélioration des résultats existants ..................................................................................... 73
2. Test sur patients distincts ...................................................................................................... 76
3. Tests sur lymphocytes issus de la rate ou de ganglions ........................................................ 76
4. Analyse de viabilité sur une technologie différente.............................................................. 77
5. Application aux patients immunisés ..................................................................................... 78
VI. CONCLUSION ............................................................................................................................. 81
BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................................................... 83

11
RÉSUMÉ
Introduction : En transplantation rénale, le test de crossmatch permet de prédire les réponses allo-
immunes médiées par les anticorps anti-HLA présents avant la greffe et ainsi prévenir l'apparition de
rejet. Actuellement en routine en laboratoire, le résultat de crossmatch est non automatisé et
nécessite une lecture du résultat par un technicien sur un microscope à fluorescence. Il requiert
également l'utilisation de réactifs potentiellement toxiques. Enfin les résultats sont analysés après un
temps de 60 minutes, sans lecture intermédiaire de la mortalité cellulaire. Nous avons testé dans ces
travaux l'utilisation de la microscopie sans lentille combinée à une analyse par intelligence artificielle
dans la réalisation du crossmatch par lymphocytotoxicité dans le but d'obtenir une cinétique de la
viabilité des lymphocytes au cours du temps, sans utilisation de marqueur de viabilité
supplémentaire et de façon automatisée.

Matériels et méthodes : nous avons utilisé un microscope sans lentille Iprasense® qui réalise des
mesures sous forme d'hologrammes. Un algorithme basé sur le deep learning, méthode
d'intelligence artificielle, a été utilisé pour nous assister dans la distinction des lymphocytes lysés et
des lymphocytes intacts. La méthode se base sur l'entraînement d'un réseau de neurones à
distinguer des lymphocytes lysés ou intacts. Pour cela, un protocole a été mis au point afin d'acquérir
des hologrammes de lymphocytes lysés ou non dans des conditions standards de crossmatch.

Résultats : nous avons pu obtenir sur le microscope sans lentille les images de lymphocytes, ce qui
n'avait jusqu'alors pas été réalisé pour des cellules de cette taille. Les expérimentations mises en
place ont permis l'acquisition de jeux de données d'hologrammes de lymphocytes lysés et intacts,
obtenus à partir de témoins positifs ou négatifs lors d'un test de crossmatch par lymphocytotoxicité
en laboratoire. Les acquisitions obtenues ont été utilisées pour l'entraînement du réseau de
neurones. Un test de validation a été réalisé sur des lymphocytes de patient dans les conditions les
plus proches possibles du crossmatch par lymphocytotoxicité réalisé en routine au laboratoire. Les
résultats obtenus permettent une détection automatisée par l'algorithme de deep learning des
lymphocytes lysés au cours du temps. En effet, lors de la réalisation d'une expérimentation
confrontant des lymphocytes de patient avec un sérum positif (qui contient de nombreux anticorps
anti-HLA dans le but d'assurer la réalisation d'une réaction de lymphocytotoxicité), nous obtenons du
réseau de neurones une courbe de mortalité croissante cohérente avec les résultats obtenus en
parallèle en microscopie à fluorescence classiquement utilisée en laboratoire. La même
expérimentation réalisée avec un sérum négatif (sérum ou pool de sérums humains sans anticorps
anti-HLA) met en évidence une viabilité stable et proche de celle observée en miscroscopie à
fluorescence au cours du temps.

12
ABSTRACT
Introduction: In renal transplantation, the crossmatch test is used to predict alloimmune responses
mediated by anti-HLA antibodies present before transplantation and thus prevent the onset of
rejection. Currently used routinely in the laboratory, the crossmatch result is not automated and
requires a technician to read the result on a fluorescence microscope. It also requires the use of
potentially toxic reagents. Finally, the results are analyzed after a time of 60 minutes, without
intermediate reading of the cell death. In this work, we tested the use of lens-free microscopy
combined with artificial intelligence analysis in the realization of lymphocytotoxicity crossmatch in
order to obtain kinetics of lymphocyte viability over time, without the use of additional viability
markers and in an automated way.

Materials and methods: we used an Iprasense® lensless microscope that performs measurements as
holograms. An algorithm based on deep learning, an artificial intelligence method, was used to assist
us in distinguishing lysed and intact lymphocytes. The method is based on training a neural network
to distinguish between lysed and intact lymphocytes. For this purpose, a protocol was developed to
acquire holograms of lysed or not lysed lymphocytes under standard crossmatch conditions.

Results: We were able to obtain on the lens-free microscope images of lymphocytes, which had not
been done before for cells of this size. The experiments set up allowed the acquisition of data sets of
holograms of lysed and intact lymphocytes, obtained from positive or negative controls during a
crossmatch test by lymphocytotoxicity in the laboratory. The obtained acquisitions were used for
training the neural network. A validation test was performed on patient lymphocytes under
conditions as close as possible to the lymphocytotoxicity crossmatch performed in the laboratory.
The results obtained allow an automated detection by the deep learning algorithm of lysed
lymphocytes over time. Indeed, during the realization of an experiment confronting patient
lymphocytes with a positive serum (which contains many anti-HLA antibodies in order to ensure the
realization of a lymphocytotoxicity reaction), we obtain from the neural network a curve of
increasing mortality coherent with the results obtained in parallel in fluorescence microscopy
classically used in laboratory. The same experiment carried out with a negative serum (serum or pool
of human sera without anti-HLA antibodies) shows a stable viability close to the one observed in
fluorescence microscopy over time.

13
I. INTRODUCTION

C’est en 1958 que Jean Dausset décrit le premier antigène du complexe majeur d’histocompatibilité
humain (le système HLA, de l'anglais Human Leukocyte Antigen), et en démontre par la suite
l'importance en transplantation d'organe ou en greffe de moelle osseuse.

La transplantation d’organes se faisant majoritairement entre des individus génétiquement


différents, le greffon est reconnu comme étranger principalement en raison des différences entre les
molécules du système HLA du donneur et du receveur. La compréhension de ces mécanismes et
l’identification des antigènes HLA a révolutionné le devenir des patients greffés d’organes solides. Un
test d’histocompatibilité, ou test de crossmatch, a été mis au point afin de prédire les réponses allo-
immunes médiées par les anticorps anti-HLA présents avant la greffe et ainsi prévenir l’apparition de
rejet hyper-aigu.

La cellule porteuse d'antigènes HLA la plus évidente et la plus accessible pour la réalisation de ces
tests est le lymphocyte. Dans les années 1960, Paul Terasaki a miniaturisé un test
d’histocompatibilité basé sur l’observation de lyse des lymphocytes en présence d’anticorps anti-
HLA, le rendant ainsi réalisable dans tous les laboratoires : c’est la naissance du crossmatch par
microlymphocytotoxicité. Ces tests sont désormais utilisés en routine dans les laboratoires, avant la
transplantation d’organe solide et notamment avant la transplantation de rein.

Le crossmatch actuel présente quelques limites. En effet, l’interprétation du test nécessite une
analyse visuelle humaine non automatisée, ne permet pas une analyse de la cinétique de la mortalité
lymphocytaire, présente un coût non négligeable lié au microscope à fluorescence utilisé en routine
et finalement nécessite l’utilisation de réactifs potentiellement toxiques.

En collaboration avec le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) de


Grenoble, nous avons souhaité tester une technologie récente de microscopie sans lentille et sans
marquage combinée à une analyse par intelligence artificielle (Deep learning) sur la problématique
du crossmatch.

L’objectif de ce travail a été de mettre en place un protocole d’utilisation du microscope sans lentille
afin de visualiser des cellules aussi petites que les lymphocytes, et d’analyser leur viabilité au cours
du temps sans utilisation de réactif supplémentaire. Puis nous avons comparé les résultats de
viabilité obtenus par microscopie sans lentille à la méthode de référence par
microlymphocytotoxicité.

14
II. RAPPELS D’IMMUNOLOGIE et CROSSMATCH

A. Rappels d’immunologie : système HLA

Afin de mieux cerner les problématiques de réponse immunitaire et l’implication de ce qu’on appelle

le système HLA lors d’une transplantation d’organe, nous reprenons ici de façon succincte quelques

principes d’immunologie (Travis 2009). Le système immunitaire a pour objectif premier de protéger

son hôte de divers agents infectieux de l’environnement. Globalement, nous pouvons séparer le

système immunitaire en deux composantes : l’immunité innée, et l’immunité adaptative.

1. Immunités innée et adaptative

L’immunité innée est une réponse non spécifique, qui implique le recrutement de divers acteurs du

système immunitaire comme les macrophages (Wyburn et al. 2005), les polynucléaires neutrophiles,

les cellules NK (Natural Killer) (Paust et al. 2010; Paust and Andrian 2011; Vivier et al. 2011), les

cytokines, le complément (Cedzyński et al. 2019), les récepteurs Toll-like (Beutler 2009; Blasius and

Beutler 2010) et des peptides antimicrobiens (Medzhitov 2007).

L'immunité adaptative est activée à la suite de la reconnaissance d'agents infectieux par le système

immunitaire inné ; elle implique la reconnaissance d’antigènes spécifiques. Les acteurs principaux

sont les lymphocytes B (acteurs de l’immunité adaptative à médiation humorale, par production

d’anticorps) et les lymphocytes T (acteurs de l’immunité adaptative à médiation cellulaire).

Le système immunitaire adaptatif permet d'amplifier la réponse immunitaire initiée par l’immunité

innée, et confère à la fois une réponse plus spécifique à un antigène, et une réponse mémoire mise

en jeu si l'organisme est de nouveau confronté à cet antigène.

A noter cependant qu’il s’agit ici d’une vision simplifiée, les mécanismes de l’immunité innée et

adaptative étant intimement intriquées. Par exemple l’activation des cellules T entraîne la production

15
de cytokines qui vont à leur tour recruter des cellules de l’immunité innée, comme les cellules NK ou

les macrophages.

2. Immunité et transplantation d’organe

En transplantation d’organe solide, un rejet est la conséquence de la mise en place de ces

mécanismes de l’immunité innée et adaptative (Le Moine et al. 2002; Mauiyyedi et al. 2002). Il existe

une grande variété d’antigènes impliqués dans les mécanismes de rejet en transplantation, parmi

lesquels les molécules de ce que l’on nomme le Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH) (Vella

et al. 1999) et les antigènes ABO du donneur, auxquels nous nous intéressons en transplantation

rénale.

L’immunité adaptative est considérée comme la réponse principale mise en place contre le greffon,

puisque les cibles principales identifiées sont les molécules du CMH (cf. §3) exprimées à la surface

des cellules du donneur. Ce sont notamment les travaux de recherche du français Jean Dausset qui

ont abouti à ces connaissances, travaux récompensés par un prix Nobel de médecine en 1980 (dès

1958, il a décrit le premier antigène leucocytaire, MAC, qui est devenu par la suite l’antigène HLA-

A2).

3. Complexe Majeur d’Histocompatibilité / Système HLA

Le patrimoine génétique humain est constitué par vingt-trois paires de chromosomes portant

plusieurs milliers de gènes. Nous parlons de locus pour définir l’emplacement de ces gènes sur un

chromosome donné.

Chaque gène code pour de multiples allèles, ou formes différentes d’un gène. Le produit alors issu de

ce gène sera variable d’un individu à l’autre. Un tel gène est dit polymorphe.

16
En transplantation d’organes, les antigènes principaux impliqués dans les rejets d’organe sont codés

par une série de gènes regroupés dans le Complexe Majeur d’Histocompatibilité chez le mammifère.

Chez l’être humain, ce système prend l’appellation de système HLA (Human Leucocyte Antigen).

Le système HLA est porté par le petit bras de la sixième paire de chromosomes (6 p 21.3), et

comporte plusieurs gènes polymorphes de fonctions diverses, qui codent pour trois types de

protéines, dites de classes I, II et III, en fonction de leur localisation, structure et fonction (Klein and

Sato 2000) (Cf. Figure 1). L’ensemble des allèles HLA sur les deux chromosomes constitue le

phénotype HLA, qui constitue la « carte d’identité génétique » d’un individu.

Les gènes des classes I et II codent pour des antigènes HLA à la surface de cellules, tandis que les

gènes de classe III codent pour plusieurs composants du complément.

Figure 1. Le système HLA est porté par le chromosome 6 et plusieurs gènes codent pour trois classes de protéines

Classe I

Les gènes des loci A, B et C produisent des protéines de classe I dites ubiquitaires, présentes à la

surface de la quasi-totalité des cellules nucléées.

Il existe également des molécules supplémentaires, codées par les loci HLA-E, -F, -G ou - H dont la

fonction n’est pas encore complétement comprise, et qui ne sont pas à ce jour prises en compte en

pratique courante en transplantation rénale.

17
Classe II

Codées par les gènes DR, DP et DQ, ces protéines de classe II sont seulement présentes à la surface

de certains types cellulaires : les cellules présentatrices d’antigène, les lymphocytes B (et une

minorité de lymphocytes T activés), ainsi que sur les macrophages, les monocytes, les cellules de

Langerhans, les cellules dendritiques, les cellules épithéliales et de l’endothélium.

4. Immunisation anti-HLA et patients hyperimmunisés

Nous laissons ici de côté la problématique de transplantation ABO compatible ou incompatible pour

nous concentrer sur les transplantations HLA compatibles ou non compatibles (Opelz and Döhler

2007).

Un patient peut avoir développé des anticorps anti-HLA, à la suite d’évènements « immunisants »

que sont les grossesses, les transfusions répétées ou les transplantations d’organes antérieures. Les

anticorps anti-HLA dirigés contre les antigènes du donneur sont plus spécifiquement nommés Donor

Specific Antibody (DSA)(Zhang 2018).

Afin d’estimer la capacité d’un patient immunisé à accéder à la transplantation rénale, le terme Taux

de Greffons Incompatibles (TGI) a été défini en France. Il s’agit de calculer le nombre de donneurs

potentiels français pour un patient donné parmi tous les greffons attribués sur les 5 dernières

années, sans restriction sur le nombre d’incompatibilités HLA. Le TGI est le pourcentage de greffons

non compatibles parmi les donneurs potentiels. En greffe d’organe solide, l’agence de la

Biomédecine définit un patient comme « hyperimmunisé » dès lors que le TGI historique est ≥ 85%

ou ≥ 70% le jour de la transplantation.

18
B. Cross-match : état de l’art

Tester la compatibilité HLA entre un donneur et un receveur dans la greffe d’organe solide est

primordial. Dès lors qu’une transplantation d’organe a lieu entre deux individus génétiquement

différents, le greffon est reconnu comme étranger principalement du fait des différences dans le

système HLA entre donneur et receveur. La réponse immune qui s’en suit met en jeu deux principaux

mécanismes : une réponse médiée par les cellules T, et une réponse humorale, c’est-à-dire médiée

par anticorps.

La présence d’un ou plusieurs DSA pré-greffe expose à un risque élevé de rejet hyperaigu en post-

transplantation avec perte de fonction du greffon dans les jours qui suivent la greffe. Il est ainsi

réalisé avant toute transplantation d’organe solide un test de compatibilité donneur/receveur sur le

plan HLA appelé crossmatch. Dans leur article fondateur publié en 1969 (Patel and Terasaki 1969),

Patel et Terasaki ont démontré que les patients possédant des DSA préformés et dont le test de

compatibilité croisée par lymphocytotoxicité, dépendant du complément (qui prendra plus tard le

nom de crossmatch par lymphocytotoxicité) était positif présentaient des taux plus élevés de rejet

hyperaigu et de non-fonctionnement primaire du greffon. Cette constatation a conduit à l'adoption

du test de compatibilité croisée contre les cellules T du donneur comme condition préalable

universelle, un résultat positif constituant une contre-indication absolue à la transplantation. Depuis

lors, d'autres tests de crossmatch plus sensibles ont été développés. Bien que les résultats positifs de

ces tests n'empêchent pas nécessairement de procéder à la transplantation, ils soulignent la

présence d'un risque immunologique accru de lésion du greffon.

Le but du crossmatch est ainsi d’identifier de possibles anticorps anti-HLA dirigés contre le greffon

(DSA) qui seraient présents dans le sérum du patient receveur avant de réaliser la transplantation

(Gebel et al. 2003).

19
Plusieurs méthodes de crossmatch ont été mises au point, notamment par lymphocytotoxicité

comme dans les travaux initiaux de Patel et Terasaki, ou cytométrie en flux, qui offrent chacune leurs

avantages et inconvénients, et des sensibilités et spécificités variables (Ho et al. 2008). Ces

techniques sont décrites dans les paragraphes suivants.

20
1. Crossmatch par lymphocytotoxicité, dépendant du

complément (Complement-dependent cytotoxic (CDC) crossmatch)

A l’interface entre le greffon et la circulation sanguine du receveur, les cellules de l’endothélium

vasculaire, qui expriment les antigènes HLA de classes I et II, constituent la cible privilégiée des DSA.

La pathogénicité des DSA implique différents mécanismes : fixation et activation de cellules

mononuucléées (ADCC pour antibody-dependant cell-mediated cytotoxicity), une toxicité directe de

l’anticorps sur la cellule cible et l’activation de la voie classique du complément, initiée par la fixation

du C1q au fragment Fc des DSA. L’activation du complément résulte en la formation du complexe

d’attaque membranaire qui sera responsable d’une lyse de la cellule endothéliale.

Le test de lyse des lymphocytes ou lymphocytotoxicité consiste à mettre en contact le sérum du

receveur avec les cellules d’un donneur d’organes (ganglion, rate, voire sang périphérique). Après

incubation, du complément (en général du complément de lapin) est ajouté.

Si des DSA sont présents dans le sérum du receveur, la cascade du complément sera activée,

aboutissant à la formation du complexe d’attaque membranaire et à la lyse des cellules du donneur.

La lyse cellulaire est ensuite mise en évidence grâce à un colorant vital ou fluorophore au microscope

optique et la mortalité cellulaire (soit le pourcentage de cellules lysées) est déterminée par

comptage.

L'intensité de la réaction est appréciée à l'aide d'un score international établi par l'American Society

of Histocompatibility and Immunogenetics (ASHI) allant de 1 (< 10 % des cellules du puits sont

mortes) à 8 (> 80 % des cellules sont mortes) et comprenant les niveaux intermédiaires 2, 4 et 6

(respectivement 10 à 20 %, 20 à 50 % et 50 à 80 % de cellules mortes). Si une lyse cellulaire est

observée sur au minimum 20% des cellules, le crossmatch est rendu positif, et la transplantation peut

être contre-indiquée si le risque de rejet hyperaigu est trop important (notamment si la lyse

concerne les lymphocytes T).

21
Pour rappel, les lymphocytes T sont porteurs exclusivement d’antigène HLA de classe I, tandis que les

lymphocytes B sont porteurs d’antigènes HLA de classes I et II. Afin de déterminer la cible des DSA,

on peut également, lors d’un crossmatch par lymphocytotoxicité, au préalable choisir de séparer les

lymphocytes B et T (notamment si on cherche à détecter les anticorps anti-HLA de classe II qui

pourraient passer inaperçus en raison du pourcentage parfois faible des lymphocytes B parmi les

lymphocytes totaux). Le principe du crossmatch par lymphocytotoxicité dépendant du complément

est schématisé sur la Figure 2.

Figure 2 - Crossmatch par microlymphocytotoxicité (tiré de "Anticorps anti-HLA : méthodes cellulaires et crossmatch",
publié dans Le Courrier de la Transplantation, n°3-4, déc 2018)

22
Le principal inconvénient du crossmatch par microlymphocytotoxicité réside dans son manque de

sensibilité. En effet, via cette méthode ne sont identifiés que les anticorps cytotoxiques par la voie du

complément, et non pas les autres isotypes d'anticorps dont les mécanismes physiopathologiques

responsables de rejet aigu et/ou chronique sont différents. Le crossmatch par cytométrie en flux

permet notamment de détecter ces autres isotypes d’anticorps ; nous décrivons cette méthode dans

le paragraphe suivant.

2. Cytométrie en flux

La technique de crossmatch par cytométrie en flux détecte dans le sérum du receveur la présence

d’éventuels anticorps qui se fixeront à la surface des lymphocytes du donneur. Pour cela, les

lymphocytes (et monocytes) du donneur sont incubés avec le sérum du receveur. Après une étape de

lavage, l’ensemble lymphocytes/sérum du receveur est incubé avec des anticorps anti-IgG humaines

couplées à un fluorochrome. En parallèle, des manipulations similaires sont réalisées entre les

lymphocytes du donneur et des sérums « test », c’est-à-dire un sérum dit positif (sérum ou pool de

sérums humains qui contient de multiples anticorps anti-HLA), ainsi qu’un sérum négatif (sérum ou

pool de sérums humains de groupe sanguin AB sans anticorps anti-HLA).

L’intensité de fluorescence est ensuite détectée, et comparée au sérum témoin négatif:

l’augmentation de la fluorescence traduit la présence dans le sérum du receveur d’anticorps

d’isotype IgG dirigés contre des molécules par les lymphocytes du donneur.

En comparaison avec le crossmatch par réaction de lymphocytotoxicité, le crossmatch en cytométrie

en flux est beaucoup plus sensible et permet d’identifier des anticorps de titre faible ou non

cytotoxiques par la voie du complément. Cela peut toutefois présenter l’inconvénient de dépister des

anticorps qui ne seraient pas nécessairement à l’origine d’un rejet (Aubert et al. 2009; Adebiyi et al.

2016).

23
Mais malgré une spécificité et une sensibilité élevées, une des principales limites à l'utilisation du

crossmatch en cytométrie en flux comme examen ultime de compatibilité est sa technicité qui rend

difficile son utilisation en pratique quotidienne, notamment en urgence.

Le principe du crossmatch par cytométrie en flux est décrit sur la Figure 3.

Les deux méthodes, de lymphocytotoxicité et de cytométrie en flux, peuvent être en pratique

complémentaires.

Figure 3 - Crossmatch par cytométrie en flux. (tiré de "Anticorps anti-HLA : méthodes cellulaires et crossmatch", publié
dans Le Courrier de la Transplantation, n°3-4, déc 2018)

24
3. Crossmatch par lympohocytotxicité au laboratoire HLA de
l’EFS de Grenoble

Nous avons collaboré avec le laboratoire HLA de l’EFS de Grenoble pour nos recherches, qui nous a

donné accès à leurs échantillons biologiques, réactifs et matériels.

Nous détaillons les différents réactifs et matériels de l’EFS utilisés dans cette partie, et reprenons

sommairement le protocole de crossmatch par lymphocytotoxicité qu’il réalise en pratique.

a) Réactifs

Les réactifs utilisés peuvent varier d’un laboratoire à l’autre. Nous avons indiqué dans le tableau

suivant les réactifs classiquement utilisés à l’EFS de Grenoble.

En général le témoin négatif est réalisé à l’aide d’un sérum dont on sait qu’il ne contient pas

d’anticorps anti-HLA. A l’inverse, le témoin positif est en général composé d’un ou plusieurs sérums

humains, qui contiennent soit un anticorps anti-HLA qui cible un antigène souvent présent dans le

pool des patients (ex : anticorps anti-A2) ou plusieurs anticorps anti-HLA, permettant d’assurer une

réaction de lymphocytotoxicité positive à la mise en contact du sérum avec les lymphocytes du

donneur. Pour la suite, nous parlerons de « sérum négatif » et de « sérum positif » pour ces réactifs.

Image 1 - Exemple de réactifs utilisés dans les crossmatches à l'EFS de Grenoble

25
b) Numération des suspensions

Les cellules B et T du patient donneur sont systématiquement comptées sur un appareil Pentra.

Le volume final est calculé de façon à avoir des suspensions entre 2 à 3 millions/mL ou 2 à 3 x

103/mm3.

c) Crossmatch

i) Réalisation

Pour la réalisation du crossmatch, hormis la mise en contact des cellules B et T du donneur avec le

sérum du receveur et du complément, il est systématiquement réalisé en parallèle un témoin positif

et un témoin négatif afin de s’assurer de la fonctionnalité des composants utilisés (complément,

fluoroquench) et de la technique (réaction de lymphocytotoxicité détectée s’il doit en exister une).

Le sérum du patient et les témoins sont disposés sur plaque Terasaki, à hauteur de 1µL par puits. Puis

nous distribuons 1µL de suspension cellulaire B et T (mélangés) du donneur par puits. Les mélanges

sont alors laissés en incubation à température ambiante pendant 30 minutes.

A la fin de ce temps d’incubation, on ajoute le complément : 5µL de complément de lapin

reconstitué, dans chaque puits.

Un nouveau temps d’incubation de 45 à 90 minutes (en moyenne 60 minutes) est respecté.

Enfin 2µL de Fluoroquench sont ajoutés. Ce réactif contient du bromure d’éthidium qui colore en

rouge les cellules mortes et de l’Acridine Orange qui colore en vert les cellules vivantes. A noter que

le Fluoroquench contient également de l’EDTA qui bloque l’action du complément. A partir du

moment où le colorant est ainsi ajouté, la réaction de lymphocytotoxicité est figée.

26
Le résultat pourra être interprété après quelques minutes (temps de sédimentation des cellules sur

les bords du puits).

ii) Lecture et interprétation

La lecture du résultat est réalisée par des techniciennes expérimentées, sur un microscope à

fluorescence inversée. La positivité de la réaction par puits s’évalue par le pourcentage de cellules

lysées (rouges ou oranges) parmi l’ensemble des cellules vivantes marquées en vert.

Un sérum est dit « positif » lorsque la mortalité des cellules B et T est supérieure de 20% à celle

observée avec le témoin négatif. En pratique, une échelle standard de lecture internationale est

utilisée pour la cotation du score (Figure 4) :

Figure 4 - Echelle standard de lecture ASHI pour le crossmatch

Les résultats du crossmatch sont toujours à interpréter en fonction des témoins positifs et négatifs

réalisés en parallèle. On considère qu’un témoin positif pourra être pris en compte si la mortalité est

supérieure à 80%. Si le résultat est inférieur à 80%, cela témoigne d’un problème de réalisation et le

témoin est à refaire. Le témoin négatif devra lui avoir dans l’idéal une mortalité inférieure à 20%. Le

témoin négatif est un témoin de la bonne qualité de la suspension cellulaire B et T utilisée, et sert de

référence pour évaluer la mortalité cellulaire. Si la mortalité du témoin négatif s’avère être >50%, le

test est ininterprétable et doit être refait.

Un exemple de résultat de témoins négatif et positif est proposé sur l’Image 2.

27
Image 2 - Exemple de résultats de témoins. a) témoin négatif, b) témoin positif

C. Utilisation d’un nouveau type de microscope : microscopie sans

lentille

Nous nous sommes intéressés aux travaux d’ingénieurs-chercheurs du CEA à Grenoble, qui travaillent

sur des systèmes de microscopie sans lentille. Le dispositif a notamment été testé dans des travaux

de distinction de viabilité cellulaire (Allier et al. 2018), sans recours à un marqueur de viabilité tel que

les fluorochromes classiquement utilisés (coloration au bleu Trypan dans ce cas) (cf. II.C.1.b)).

D’autres travaux se sont intéressés au dépistage rapide de méningite à l’aide d’un dispositif sans

lentille (Delacroix et al. 2017). A partir de ces résultats, il a paru intéressant de tester la microscopie

sans lentille sur l’analyse de viabilité cellulaire des lymphocytes dans les crossmatches en pré-

transplantation rénale.

1. Microscope Lensless

Un microscope sans lentille est un microscope qui réalise des mesures sous forme d’hologrammes en

ligne, et non pas sous forme d’image de l’objet observé comme nous avons l’habitude de le voir. A

28
partir de ces données holographiques, il est possible de reconstruire une image de l’objet, à l’aide

d’un algorithme et d’un ordinateur suffisamment puissant et muni d’une carte graphique

appropriée : il est alors possible de reconstruire une image de 29,4 mm2 – qui peut comporter

jusqu’à 20.000 cellules – en quelques secondes. L’avantage de ce type de microscope est qu’il se

passe des optiques classiquement utilisées, le rendant plus simple à construire, et plus abordable

également (cf. Image 3).

Image 3 - Microscope sans lentille, prototype réalisé au CEA de Grenoble

Un autre avantage du microscope réside dans sa capacité à observer en une seule image un champ

de la taille du capteur, c’est-à-dire de 29.4 mm2.

Le microscope sans lentille que nous utiliserons est un microscope IPRASENSE®, basé sur la

technologie décrite par Ozcan et al. (Su et al. 2009).

Le microscope se compose ainsi d’un capteur CMOS, capteur que l’on trouve notamment maintenant

dans la plupart des téléphones portables, d’une source lumineuse d’illumination LED RGB (diffusant

possiblement dans les longueurs d’onde rouge, bleu ou verte), d’un orifice (pinhole) de 50 µm

permettant d’obtenir une cohérence spatiale suffisante et d’un diffuseur entre la LED et l’orifice afin

29
de ne pas projeter l’image de la LED sur le capteur. L’échantillon à analyser est placé au-dessus du

capteur CMOS (la distance LED-échantillon est de 5 cm, la distance échantillon-capteur est de l’ordre

de 1.5 mm) et propage la lumière d’excitation selon le principe de Huygens-Fresnel : chaque partie

de l’échantillon illuminé émet des ondes secondaires qui interfèrent dans le plan du capteur (cf.

Figure 55). Ce dernier enregistre alors l’intensité mesurée. On obtient ainsi des images

holographiques, pour chaque objet de l’échantillon illuminé, comme présenté sur les Figure 56 et

Figure 67 (exemples d’acquisitions obtenues à partir d’analyse de cellules humaines A549, de

carcinome pulmonaire, Sigma Aldrich).

Figure 5 - le capteur CMOS récupère les données de phases et intensité créées par l’illumination de l’échantillon
biologique (tiré de (Allier et al. 2018))

30
Figure 6 - Principe du microscope sans lentille : un objet 2D est illuminé par une lumière partiellement cohérente.
L'intensité de la figure d'interférence générée sur le capteur à distance Z de l'échantillon est enregistrée (image tirée de
[Hervé et al.])

Figure 7 - Images holographiques obtenues par microscopie sans lentille ; ici acquisition sur cellules humaines de
carcinome pulmonaire A549 Sigma Aldrich (image donnée par C. Allier, CEA Leti)

Les images holographiques permettront ainsi – via un algorithme de reconstruction - de remonter à

l’image des cellules présentes dans l’échantillon illuminé (selon le principe établi par Dennis Gabor,

inventeur de l'holographie, invention pour laquelle il a reçu le prix Nobel de physique en 1971).

31
a) Reconstruction des images

Nous reprenons dans les lignes suivantes – de façon extrêmement simplifiée – les principes

physiques utilisés dans les algorithmes permettant d’obtenir l’image reconstruite des cellules, à

partir des images holographiques capturées avec le microscope sans lentille.

Lorsque l’objet présent dans le microscope est illuminé, nous obtenons un hologramme de cet objet,

qui peut être défini par son module m, associé à l’absorption de la cellule, et sa phase ∆ϕ, associée

au ralentissement de la lumière lorsqu’elle traverse l’échantillon. Ce ralentissement est une mesure

très faible de l’ordre de 10-16 secondes mais qu’il est tout de même possible de mesurer finement, et

d’exploiter afin de remonter à la viabilité cellulaire. La phase ∆ϕ dépend notamment de l’épaisseur e

de l’objet, ici la cellule, et du paramètre ∆n.

Chaque objet ou milieu est défini par un indice optique (pour exemple, l’indice optique de l’eau est

égal à 1,33, celui d’une cellule est de l’ordre de 1,35, et peut varier selon le type de cellule).

∆n est la différence d’indice optique entre l’indice du milieu dans lequel sont présentes les cellules et

l’indice de la cellule elle-même : ∆n = n0 – n milieu

En connaissant l’objet (la cellule), ses caractéristiques (par exemple le module et la phase) et les lois

de propagation de la lumière, on peut mettre au point un algorithme de reconstruction : l’algorithme

pourra, à partir d’un modèle de cellule donné, prédire l’hologramme qui sera obtenu si cette cellule

est illuminée avec les caractéristiques connues de notre microscope et des milieux traversés.

La forme et les caractéristiques de l’hologramme dépendent principalement de l’information spatiale

de phase ∆ϕ, et dans une moindre mesure de l’information d’absorption du module m.

32
L’algorithme sera construit à partir de modèles de cellules, basés sur leurs caractéristiques optiques

et physiques sus-citées. Nous partons donc des objets, les cellules, et de leurs caractéristiques pour

définir une description mathématiques des mesures, c’est-à-dire leur hologramme obtenu via le

microscope sans lentille. Une fois la modélisation ainsi mise au point, nous pourrons nous appliquer à

résoudre le problème inverse, c’est-à-dire partir d’une image d’hologramme capturée par le système

de microscopie sans lentille, et obtenir l’image de l’objet analysé après reconstruction, comme

illustré sur la Figure 8 - Principe de l'algorithme de reconstruction. Obtention d'une reconstruction de

l'image d'une cellule à partir de l'hologramme acquis via le microscope sans lentille.

Figure 8 - Principe de l'algorithme de reconstruction. Obtention d'une reconstruction de l'image d'une cellule à partir de
l'hologramme acquis via le microscope sans lentille (images d’acquisitions données par C. Allier, CEA Leti)

En plus de l’image 2D rendue (cf. Figure 8), l’algorithme de reconstruction permet également

d’obtenir ce qu’on appelle le « profil en z » de l’objet analysé, obtenu à partir de l’hologramme

mesuré. Le module d’une cellule est reconstruit à partir de son hologramme, et en fonction de la

33
profondeur z. Nous pouvons voir le profil en z comme une signature optique en 2D le long de l’axe

optique qui va de la LED au capteur en passant par la cellule, qui tient compte de son indice, de son

rayon et d’autres caractéristiques morphologiques (taille du noyau, rugosité de la membrane, etc).

Nous allons voir par la suite que le profil moyen des profils en z ainsi obtenu peut être utilisé pour

distinguer une cellule morte d’une cellule vivante (cf. b)

Cet algorithme de reconstruction a été mis au point par l’équipe du CEA avec laquelle nous avons

collaboré (Hervé et al. 2020).

b) Détection de la viabilité cellulaire en microscopie sans lentille

Une des applications explorée par l’équipe du CEA a été l’application de la microscopie sans lentille à

la détection automatique de la viabilité cellulaire (Allier et al. 2018). Sans l’utilisation de marqueur de

viabilité (ou fluorophore), il a été possible de discriminer des cellules vivantes ou mortes, par

l’analyse de leurs signatures optiques (leurs profils en z tels que décrits paragraphe a)). Ces résultats

ont pu être validés en comparant les résultats obtenus à une méthode de référence (marquage au

bleu tryptan).

Les cellules qui ont été utilisées pour ce projet sont des cellules CHO (cellules issues d’ovaires de

hamster de Chine, couramment utilisées en recherche, et dont la taille varie entre 14 et 15 µm).

En reprenant les caractéristiques d’une image holographique et des profils en z reconstruits (tels

qu’ils ont été décrits dans le paragraphe II.C.1.a), il est possible de déterminer si une cellule est

toujours vivante ou non. De façon simplifiée, lorsque la cellule meurt, son indice optique n0 et son

épaisseur e se modifient. Via la modification de ces paramètres, l’hologramme et par voie de

conséquence le profil en z de la cellule après reconstructions seront différents selon si la cellule est

morte ou vivante. Ce résultat est illustré sur la Figure 9 :

34
Figure 9 - Illustration des différences observées sur les profils en z reconstruits à partir des hologrammes acquis sur le
microscope sans lentille, selon la viabilité de la cellule observée

Ainsi il a été mis en place une méthode robuste d’analyse de viabilité de cellules ; le microscope et

l’algorithme développés ont abouti à la commercialisation d’outils utilisés dans diverses applications

de suivi de bioprocédé ou de tests cellulaires (cf. les applications sur www.iprasense.com).

35
c) Application à la détection de la viabilité cellulaire des lymphocytes

En partant des résultats obtenus dans la détection de la mort cellulaire en microscopie sans lentille,

nous avons souhaité tester les algorithmes développés dans le domaine du crossmatch. L’idée est de

tester la détection de la mort cellulaire après réaction de lymphocytotoxicité comme décrit

précédemment, dans des conditions similaires à celles des crossmatches réalisés en pré-

transplantation rénale.

2. Application au crossmatch

Avec la technologie sans lentille que nous venons de décrire, il est venu l’idée d’observer une

réaction de crossmatch. Le crossmatch classique réalisé en laboratoire (en l’occurrence à l’EFS de

Grenoble au laboratoire HLA) met en pratique en contact le sérum du receveur avec les lymphocytes

du donneur (provenant de la rate ou de ganglions dans le cas de donneurs décédés, ou du sang dans

le cas de donneur vivant), et le complément. A la fin de la réaction, un marqueur de vitalité est

ajouté : il permet de marquer les cellules détruites et de distinguer les cellules soit vivantes soit

mortes du donneur.

Nous avons pensé qu’il pourrait être intéressant de tester le microscope sans lentille pour la

détection de lymphocytes, ce qui n’avait pas encore été réalisé jusqu’à présent. Et si la détection de

lymphocytes était réalisable avec un tel dispositif, nous avions l’idée d’observer quasiment en temps

réel la mortalité des lymphocytes dans une réaction de crossmatch.

Nous proposons dans les paragraphes suivants la présentation des premiers résultats obtenus à

l’aide du microscope sans lentille dans l’observation de lymphocytes, et de l’analyse de leur viabilité.

36
III. MATÉRIELS ET MÉTHODES

A. Matériels

1. Microscope sans lentille Iprasense®

La technologie de microscopie sans lentille a été présentée dans le paragraphe II.C.1. Pour nos

expérimentations, et la réalisation de crossmatch avec analyse de la viabilité cellulaire en temps réel

sans marquage, nous avons utilisé le modèle de microscope CYTONOTE 6W, commercialisé chez

Iprasense® (cf. Image 4). Il n’y a pas d’ajustement de focus à réaliser ; un réglage de la luminosité est

à réaliser avec le choix du temps d’exposition (qui est de l’ordre de 200 ms, pour qu’il n’y ait pas

d’images floues, par exemple celles de cellules flottantes qui peuvent translater dans la lame).

Image 4 - Microscope CYTONOTE 6W de Iprasense (photographie tirée de www.iprasense.com)

Le microscope utilisé comporte 6 capteurs d'une surface de près de 30 mm2 dont 5 sont utilisables

simultanément avec les lames Leja choisies (cf.III.A.2). La taille du pixel du capteur est de 1.67 µm, et

la résolution spatiale est d’environ 3 µm. La fréquence d’acquisition est de 3 secondes, et la

reconstruction prends environ 3 minutes par image.

37
Les caractéristiques principales du microscope sont reprises dans le Tableau 1:

Tableau 1- caractéristiques du microscope sans lentille CYTONOTE 6W (tiré de www.iprasense.com)

2. Microscope à Fluorescence

Le microscope à fluorescence classiquement utilisé à l’EFS de Grenoble pour l’analyse des

crossmatches notamment, est un microscope de la marque LEITZ DIAVERT.

3. Contenants

Plusieurs contenants pour accueillir les échantillons biologiques ont été testés.

- plaque à puits : Nous avons initialement voulu réaliser des acquisitions en plaçant les échantillons à

analyser dans les contenants utilisés à l’EFS dans le but de nous rapprocher des conditions

expérimentales de routine pour les crossmatches réalisés dans l’établissement. Il s’agit de plaques de

puits telles que celle mise en illustration sur l’Image 5. Cependant la forme des plaques, et

principalement la forme du puits et leur profondeur, ne permettait pas l’acquisition de données

38
exploitables sur le microscope sans lentille. Il était obtenu un amas de cellules à diverses profondeurs

ne permettant pas une acquisition d’hologrammes distincts qui puisse être ensuite

automatiquement analysés.

Image 5 - Plaque à puits classiquement utilisée à l'EFS.

- lame-lamelle : Des premiers essais où l’échantillon a été déposé entre lame et lamelle a rapidement

montré ses limites, avec une évaporation au cours du temps du milieu liquide, aboutissant à des

artefacts majeurs, comme mis en évidence sur l’Image 6. Sur cette image, il s’agit d’un même

échantillon disposé entre lame et lamelle sur un des capteurs du microscope sans lentille. Les trois

images sont acquises à quelques minutes d’intervalles (les images les plus à droite sont acquises

après plus de temps). Nous remarquons l’évaporation du milieu liquide dans le coin en bas à droite

de l’image résultant en une image artéfactée de l’échantillon analysé. Au-delà d’une image avec

artéfacts, la viabilité des cellules est très probablement affectée par le changement de composition

du milieu. Les images ne peuvent ainsi pas être utilisées.

Image 6 - Evaporation du milieu liquide d'un échantillon au cours du temps, pour un échantillon disposé entre lame et
lamelle

39
- Lames Leja : nous avons finalement utilisé pour l’analyse des échantillons des lames Leja de 3 et 6µL

de contenance (cf. Image 7). Ces lames présentent l’intérêt d’avoir une profondeur fixe, et facilitent

la standardisation des analyses.

Image 7 - Lame Leja qui accueille les échantillons analysés au microscope sans lentille (www.leja.nl)

B. Acquisitions

Une fois le matériel sélectionné au mieux, il a fallu calibrer les acquisitions afin d’obtenir des images

exploitables de lymphocytes.

1. Illumination

Comme décrit précédemment, afin d’obtenir les hologrammes des cellules analysées, ces cellules

sont illuminées ici à l’aide d’une source lumineuse à une longueur d’onde donnée. Sur le microscope

sans lentille, trois longueurs d’onde sont disponibles, dans les longueurs d’onde rouge, vert et bleu.

L’utilisation des trois longueurs d’onde concomitantes permettrait d’obtenir trois fois plus

d’informations différentes sur les images obtenues. Pour une même cellule, les trois illuminations

donneront trois hologrammes différents, et permettraient une meilleure reconstruction des images,

au plus proche de la réalité. Mais la triple illumination est également responsable d’une excitation

lumineuse trois fois plus importante. Nous avons vu dans le paragraphe précédent que nous nous

étions heurtés à des problèmes d’évaporation de l’échantillon. Par ailleurs nous ne savons pas à ce

jour si l’illumination aurait potentiellement un effet sur la viabilité des cellules au cours du temps.

40
Aussi nous avons fait le choix de nous limiter à une seule source d’illumination, et avons finalement

sélectionné la longueur d’onde bleue. Le choix s’est porté sur cette longueur d’onde la plus courte

qui semble de façon empirique présenter une meilleure résolution, notamment lorsque le

microscope avait été utilisé dans l’analyse de viabilité des cellules CHO (comme décrit dans le §

II.C.1.b).

2. Durée d’acquisition

De la même façon que nous nous sommes interrogés sur l’impact de l’illumination des cellules

disposées dans les lames, le choix de la fréquence d’acquisition s’est posé. Nous avons en vue sur ce

projet d’introduire une analyse dynamique du crossmatch, en réalisant des acquisitions dès le début

de la potentielle réaction de lymphocytotoxicité, après mise en contact des cellules du donneur avec

le sérum du receveur et enfin le complément, éléments indispensables à la réaction de

lymphocytotoxicité si elle doit avoir lieu. Dans ce but, nous avons la possibilité avec le microscope

sans lentille d’obtenir des acquisitions à intervalles réguliers, de l’ordre de la minute au minimum. Ce

choix a également été fait pour ne pas illuminer en continu l’échantillon au risque d’endommager les

cellules en augmentant la chauffe des capteurs. Nous détaillerons sur les résultats obtenus

l’intervalle qui a été sélectionné.

3. Concentration cellulaire

Les premières expérimentations se sont appliquées à détecter des lymphocytes, cellules dont la taille

autour de 7 µm n’avait encore jamais été détectée sur le microscope sans lentille. Dans le but de les

visualiser au mieux, nous avions initialement réalisé des acquisitions d’hologrammes sur des

échantillons comprenant un nombre important de cellules, au-delà des concentrations

habituellement utilisées lors des crossmatch en routine.

Lors de cette première étape nous avons pu nous assurer de la détection possible des lymphocytes

par le microscope (pour rappel, les cellules visualisées jusqu’alors n’étaient pas aussi petites que des

41
lymphocytes).

Nous avons pu par la suite réaliser l’acquisition d’images d’hologrammes de lymphocytes à partir de

concentrations proches de celles utilisées par le laboratoire lors de la réalisation des crossmatches.

Ainsi les premières images d’hologrammes de lymphocytes que nous avons obtenues étaient issues

d’échantillons comprenant environ 40 x 103/mm3 cellules (lymphocytes, monocytes et granulocytes).

Les dernières acquisitions après calibrage nous permettent d’analyser des échantillons comprenant

initialement environ 3 x 103/mm3 cellules (lymphocytes, monocytes et granulocytes), proche de la

concentration de cellules habituellement utilisée par l’EFS.

La concentration cellulaire initiale de 3 x 103/mm3 est ensuite diminuée par l’ajout du sérum du

receveur (volume à volume, soit pour 1 µL de cellules de donneur, ajout d’1 µL de sérum du

receveur) puis l’ajout du complément (pour 2 µL du mélange cellules du donneur/sérum du receveur,

ajout de 5 µL de complément). Donc au final la concentration de cellules analysées est la

concentration initiale divisée par 7.

Les lames Leja utilisées comprennent soit 3µL, soit 6µL et ont une profondeur de 20µm. La surface du

détecteur de microscope est de 29,44 mm2, ce qui représente donc un volume de 0,588 mm3 de la

lame observé via chaque capteur. Pour une concentration initiale d’environ 3 x 103/mm3 cellules du

donneur, après ajout du sérum du receveur et le complément, la concentration de cellules à analyser

est d’environ 0,42/ mm3. Donc au total le nombre moyen de cellules observé simultanément sur les

acquisitions pour chaque capteur est de 243 cellules.

4. Milieu optique

Il est primordial pour assurer une bonne reproductibilité des résultats et une comparaison entre

différentes acquisitions d’avoir un protocole d’expérimentation dans lequel les paramètres

d’acquisition ne varient pas ou peu, dans la mesure du possible. Dans le paragraphe précédent, nous

42
avons discuté de la concentration cellulaire, et nous avons choisi dans nos expérimentations des

échantillons dont les concentrations cellulaires étaient celles classiquement utilisées en pratique.

Un autre paramètre à prendre en compte est celui de l’indice optique de l’échantillon biologique

analysé. L’indice de réfraction ou indice optique est une grandeur sans dimension caractéristique

d'un milieu, qui décrit le comportement de la lumière dans le milieu ; il dépend de la longueur d'onde

de mesure mais aussi des caractéristiques de l'environnement (comme par exemple la pression ou la

température). L’indice de réfraction des objets présents dans le milieu aura également son

importante, c’est-à-dire dans notre cas l’indice des cellules analysées.

Cela signifie qu’en pratique, nous pourrons comparer des échantillons que s’ils contiennent les

mêmes composants, et dans des quantités comparables (concentrations cellulaires proches,

présence de sérum, présence de complément).

Par exemple, des acquisitions obtenues sur du sérum de receveur mis en contact avec les

lymphocytes d’un donneur ne pourra pas être comparé de façon fiable à un échantillon qui

contiendrait des lymphocytes, du sérum mais également du complément : l’ajout de complément

modifiera la concentration cellulaire mais possiblement également l’indice optique du milieu.

C. Detection de lymphocytes

Comme décrit précédemment (cf. II.C.1), les images obtenues par la microscopie sans lentille sont

des images holographiques : il ne s’agit pas de la représentation de l’objet lui-même observé comme

en microscopie classique. Les images de cellules sont ensuite reconstruites à partir de l’hologramme

acquis initialement.

Avant de travailler sur ce projet, la microscopie sans lentille avait permis d’obtenir des images

holographiques puis reconstruites de cellules « CHO », cellules issues d’ovaires de hamster de Chine,

couramment utilisées en recherche, et dont la taille varie entre 14 et 15 µm.

43
Sur ce projet, il s’agissait de détecter des cellules de taille bien inférieure comme les lymphocytes,

dont la taille est d’environ 7 µm.

1. Échantillons analysés

Les réactions de crossmatch mettent en contact les lymphocytes du donneur, porteurs des antigènes

HLA du donneur, avec le sérum du receveur (et les potentiels anticorps anti-HLA de ce receveur).

Enfin l’ajout de complément permet de mimer la réaction de lymphocytotoxicité qui pourrait avoir

lieu in vivo dans le cas de la transplantation rénale. En pratique, les lymphocytes du donneur

proviennent soit de ganglions ou de la rate du donneur dans le cas d’un organe provenant d’un

donneur décédé, soit du sérum du donneur dans le cadre des transplantations à partir de donneurs

vivants.

Nous avons pu tester les acquisitions sur microscope sans lentille à partir de ces différents types

d’échantillons biologiques ; nous verrons dans le paragraphe IV.A.1 que les dernières

expérimentations que nous avons réalisées ont été effectuées à partir d’échantillons issus du sang,

qui nous ont permis d’obtenir des images moins parasitées (exemple sur l’Image 8).

Image 8 - exemple d'images obtenues au microscope sans lentille d'hologrammes, sur des leucocytes issus de rate, de
ganglions ou de sang

Un exemple de répartition cellulaire (formule sanguine) dans un échantillon sanguin est présenté sur

l’Image 9.

44
Image 9 - Exemple de répartition cellulaire au sein d'un échantillon de sang

A partir des prélèvements issus du sang, les leucocytes sont ensuite isolés habituellement sur

gradient de Ficoll par centrifugation. Le surnageant obtenu et recueilli contient les leucocytes isolés

des hématies.

Les antigènes HLA de classe I sont ubiquitaires donc seront présents sur tout type de cellules ; ceux

de classe II sont présents uniquement sur les cellules présentatrices comme décrit dans le

paragraphe II.A.3.

Lors de nos expérimentations ultérieures, nous observerons les leucocytes dans leur globalité, c’est-

à-dire les lymphocytes (B et T mélangés) mais également les monocytes et granulocytes présents

dans les échantillons. Les cellules marquées au fluorochrome pourront être distinguées à l’œil par les

techniciennes expérimentées sous microscope selon leur taille, et dans les algorithmes que nous

allons utiliser sur les acquisitions obtenues au microscope sans lentille, nous nous intéresserons à

trier les lymphocytes des autres globules blancs sur des critères de taille principalement.

2. Acquisitions d’hologrammes obtenues

Au total, après les mises au point matérielles et d’acquisition, nous obtenons des images

d’hologrammes optimisées, prêtes à être analysées. L’Image 10 illustre l’amélioration obtenue entre

45
nos images initiales (deux images de gauche), et les images les plus récemment acquises où les

hologrammes sont mieux visualisés.

Nous avons ainsi obtenu des acquisitions d’hologrammes de lymphocytes, ce qui n’avait pas été

réalisé jusqu’à présent en microscopie sans lentille pour des cellules de taille aussi petite, ce qui

représente une première étape importante dans ces travaux.

Image 10 - Optimisation des acquisitions selon les contenants utilisés, et les paramètres d'acquisition du microscope sans
lentille

D. Détection de la viabilité lymphocytaire en temps réel

1. Analyse de viabilité selon le profil en z

Le travail initialement testé sur cellules CHO permettait de distinguer des cellules vivantes et mortes

en analysant notamment leurs profils en z (cf II.C.1.b).

Si une telle méthode a montré son efficacité dans l’analyse de viabilité des cellules CHO, dont la taille

est de l’ordre de 14-15 µm, elle n’est plus assez performante dans l’analyse de cellules de plus petite

taille comme les lymphocytes que nous souhaitons analyser. En effet, les lymphocytes morts ou

vivants ne montrent pas de différence évidente dans leurs profils en z. Pour progresser dans nos

travaux et espérer obtenir une analyse de viabilité, nous avons alors eu recours à des techniques

d’apprentissage supervisé (deep learning). Nous en décrivons les principes dans les paragraphes

suivants.

46
2. Recours à l’intelligence artificielle : deep learning et réseau de
neurones

Ces dernières années, l’intelligence artificielle s’est invitée dans de nombreux domaines, y compris

dans celui de la santé.

Parmi les domaines de l’intelligence artificielle, le machine learning ou deep learning se base sur

l’apprentissage par une machine de motifs dans des données qui lui sont fournies. En s’entraînant à

reconnaître ces données, le but de la machine sera par la suite d’effectuer une tâche de manière

autonome, ou de réaliser des prédictions. Le deep learning s’appuie sur un algorithme appelé réseau

de neurones artificiels, qui s’inspire directement des réseaux de neurones du cerveau humain. On

peut imaginer ce réseau de neurones comme plusieurs étages successifs de neurones, chaque étage

recevant et interprétant les informations de l’étage précédent.

L’unité de base est le neurone, dont le fonctionnement est inspiré des neurones biologiques.

Chaque neurone du réseau reçoit de l’information, et en émet en retour :

47
Nous décrivons de façon extrêmement simplifiée le principe d’un réseau de neurones, dans le cas où

l’information est unidirectionnelle.

L’idée du réseau de neurones va être de se restreindre à l’information transmise la plus élémentaire

qui soit, c’est-à-dire une intensité (0, le neurone restera silencieux, ou un chiffre plus ou moins

important, le neurone sera activé).

La première couche de neurones est particulière : les neurones qui composent la première couche

reçoivent quant à eux une donnée brute, comme par exemple les pixels d’une image. Puis ils

transmettent une information de type « activation » ou « inhibition » aux neurones de la seconde

couche, via ce qu’on pourra appeler des synapses, toujours par analogie avec les neurones

biologiques. Un neurone sera d’autant plus activé que l’intensité du signal reçu sera importante, et

que la synapse le transmettant sera très activatrice. Le neurone va sommer les signaux activateurs et

inhibiteurs qu’il recevra, et y ajouter un biais qui lui est propre. Il va appliquer à ce résultat une

certaine fonction d’activation. Et selon les contributions reçues, il pourra être activé ou inhibé, et

transmettre ce résultat à la couche suivante de neurones.

48
Nous pouvons considérer que l’intensité du signal transmis est i, et que chaque synapse a un poids w

(négatif si la synapse est inhibitrice, ou positif si la synapse est activatrice), les différentes

contributions provenant de couches précédentes reçues par un neurone peut s’écrire :

i1w1 + i2w2 + i3w3 + ……………… + inwn + biais. A ces contributions, le neurone applique une certaine

fonction d’activation f. L’activation du neurone pourra alors s’écrire :

f (i1w1 + i2w2 + i3w3 + ……………… + inwn + biais)

Ainsi chaque neurone collecte des signaux entrants, pondérés par les propriétés des synapses via

lesquelles passent ces signaux, puis le neurone applique une fonction d’activation, et décide de

s’activer ou non.

Au total l’ensemble des neurones, ou réseau de neurones, peut être représenté comme une

fonction mathématique, ou une machine à calculer.

Le modèle de réseaux de neurones décrit ci-dessus a été ensuite amélioré (1988) en réseaux de

neurones convolutifs. Ce type de réseau de neurones est particulièrement adapté à l’analyse

d’images soit de données en deux dimensions.

49
Dans notre étude de la viabilité des lymphocytes, pour pallier aux difficultés de distinction de

lymphocytes morts ou vivants avec l’analyse des profils en z qui avait été utilisée dans des travaux

précédents, nous avons pensé qu’une approche basée sur l’apprentissage supervisé utilisant des

réseaux de neurones convolutifs pourrait être évaluée.

Ainsi, après que le réseau ait été entraîné à reconnaître des cellules vivantes ou mortes, nous lui

présenterons des données qu’il n’a jamais vues auparavant. La première couche de neurones recevra

comme information les images d’hologrammes acquises sur le microscope sans lentille. Puis le

réseau pourra décider s’il classe l’image reçue comme l’hologramme d’un lymphocyte vivant ou mort

(cf. Figure 10).

Figure 10 - Exemple de fonctionnement schématisé d'un réseau de neurones: un hologramme de cellule est donné
entrée, le réseau déterminera s'il le classe en mort ou vivant

Nous présentons ici un fonctionnement extrêmement simplifié du deep learning et des réseaux de

neurones comme une introduction à ces notions ; de nombreuses variantes existent, et leur

fonctionnement est en réalité bien plus complexe, avec des subtilités que nous n’avons pas abordées

ici. La programmation du réseau de neurones convolutifs a été mise au point par l’équipe du CEA

avec laquelle nous avons travaillé.

50
IV. RÉSULTATS

A. Entrainement du réseau de neurones

Comme expliqué dans le paragraphe II.C.1.c), le deep learning s’appuie sur un algorithme appelé

réseau de neurones artificiels qui nécessite d’être entraîné à reconnaitre des informations pour

ensuite les distinguer de façon autonome. Dans notre cas, nous allons entraîner notre réseau de

neurones à distinguer des lymphocytes vivants et des lymphocytes « morts » (ayant subi une lyse

cellulaire via le mécanisme de lymphocytotoxicité).

Pour cela, nous avons eu besoin d’acquérir sur notre microscope sans lentille les images de

lymphocytes viables en quantité importante ainsi que celles de lymphocytes lysés. Nous décrivons

dans les paragraphes suivants les protocoles expérimentaux mis en place dans ce but.

1. Expérimentation mise en place

Nous avons travaillé sur le site de l’EFS de Grenoble dans le laboratoire HLA. Les lymphocytes utilisés

lors de nos différentes expérimentations provenaient de plusieurs types d’échantillons biologiques

(sang, rate, ganglions).

Pour l’expérimentation finale permettant de valider notre système d’acquisition et l’algorithme de

distinction de la viabilité des lymphocytes, nous nous sommes placés dans les meilleures conditions

pour obtenir des signaux peu parasités. Nous avons ainsi travaillé préférentiellement sur des cellules

issues du sang.

51
a) Acquisition d’hologrammes de lymphocytes vivants

Afin de fournir au réseau de neurones des modèles d’hologrammes de lymphocytes vivants, nous

avons imaginé le protocole d’expérimentation suivant. Nous nous sommes placés dans les conditions

biologiques et optiques les plus proches possibles d’un crossmatch classiquement réalisé au

laboratoire.

Nous avons mis en incubation pour trente minutes des globules blancs (lymphocytes B et T,

monocytes et granulocytes) issus du sang d’un donneur (échantillons à « l’état frais » dans le

contexte d’un don d’organe), avec un sérum négatif. Nous entendons par sérum négatif un sérum

d’un patient non immunisé sur le plan HLA, et qui ne contient donc pas d’anticorps anti-HLA. Nous

nous assurons ainsi de l’absence de réaction de lymphocytotoxicité.

Les globules blancs sont analysés mélangés, les lymphocytes peuvent se différencier de par leur taille

des autres globules blancs. Après les trente minutes d’incubation, comme réalisé en pratique lors

d’un crossmatch par microlymphocytotoxicité à l’EFS, il est ajouté du complément. Dès lors que le

complément est ajouté, nous injectons les échantillons (sérum négatif, globules blancs et

complément) dans les lames Leja et disposons cinq lames sur les cinq capteurs du microscope sans

lentille. Nous débutons dès lors l’acquisition d’une image d’hologrammes, toutes les deux minutes,

pour chacun des cinq capteurs.

En parallèle, nous contrôlerons la viabilité des lymphocytes sur le microscope de fluorescence de

l’EFS après ajout de fluorochrome. Pour cela, les échantillons à analyser sont disposés sur une plaque

à puits, et la viabilité en pourcentage est rendue toutes les dix minutes par un biologiste

expérimenté, et ce jusqu’à soixante minutes après l’ajout du complément.

L’expérimentation est représentée sur la Figure 11.

52
Figure 11 - Description de l'expérimentation réalisée pour l'acquisition de données permettant d'entraîner le réseau de
neurones

Le contrôle en parallèle des échantillons sur le microscope de l’EFS permet de nous mettre dans les

conditions classiques de lecture de tests de crossmatches, avec une lecture non automatisée, à l’œil,

par un technicien expérimenté. Le fluorochrome ajouté aux échantillons. Sur l’expérimentation

réalisée avec du sérum négatif, le contrôle des échantillons présents dans la plaque à puits met en

évidence une viabilité des lymphocytes stable dans le temps (jusqu’au contrôle le lendemain), et de

l’ordre de 95%.

Nous pourrons ainsi utiliser les acquisitions d’hologrammes des lymphocytes dès les premières

minutes comme modèle de lymphocytes vivants pour l’entraînement du réseau de neurones.

53
b) Acquisition d’hologrammes de lymphocytes morts

Dans le but d’acquérir des images de lymphocytes non viables, nous réalisons la même

expérimentation que celle décrite dans le paragraphe précédent (cf.Figure 11), mais en ajoutant aux

lymphocytes du donneur un sérum positif, c’est-à-dire un sérum qui contient de nombreux anticorps

anti-HLA (il s’agit en pratique d’un mélange de plusieurs sérums de patients immunisés contre des

antigènes HLA). Cela permet de provoquer à l’ajout du complément une réaction de

lymphocytotoxicité comme présenté dans les paragraphes précédents (cf.§

54
Crossmatch par lymphocytotoxicité, dépendant du complément (Complement-dependent cytotoxic

(CDC) crossmatch)).

Sur l’expérimentation ainsi réalisée, le contrôle des échantillons présents dans la plaque à puits au

microscope à fluorescence de l’EFS met en évidence les viabilités suivantes en fonction du temps (cf.

Image 11 - Contrôles au microscope à fluorescence des échantillons et détermination de la

viabilitéImage 11):

t1 t1+10’ t1+20’

Viabilité (%) 99% 75% 30%

55
Image

microscope

EFS

t1+30’ t1+40’ t1+50’ t1+60’

5% 2% 1% 1%

Image 11 - Contrôles au microscope à fluorescence des échantillons et détermination de la viabilité

Pour l’entraînement du réseau de neurones, nous utiliserons les dernières images acquises sur le

microscope sans lentille, où la mortalité dépasse les 90%.

B. Mise en pratique : différenciation de cellules vivantes ou mortes par le


réseau de neurones

1. Sérum positif

Grâces aux acquisitions de cellules mortes et vivantes réalisées selon le protocole d’expérimentation

présenté dans le paragraphe précédent (cf. Figure 11), nous avons pu entraîner le réseau de

neurones à reconnaître des cellules mortes ou vivantes. Afin de tester ses capacités, nous l’avons

entraîné sur des images de cellules acquises sur 4 des 5 capteurs du microscope sans lentille, et

l’avons testé sur les images acquises sur le 3e capteur, qu’il n’avait alors jamais vues auparavant.

56
Nous avons réalisé ce premier test sur les acquisitions obtenues d’après le protocole décrit Figure 11,

qui réalise une réaction de lymphocytotoxicité après ajout de sérum positif. L’expérimentation est

décrite dans la Figure 12.

Figure 12 - Test de l'algorithme d'intelligence artificielle. Entrainement sur quatre capteurs, et test sur le cinquième
capteur

Nous avons testé alternativement les acquisitions obtenues sur un capteur, en aveugle, quand le

réseau de neurones avait été entraîné sur les quatre autres capteurs. Ainsi le réseau de neurones

était testé sur des images d’hologrammes qu’il n’avait jamais vues auparavant. Nous avons pu tester

ainsi chaque capteur, en aveugle, après entraînement du réseau sur les quatre autres, et ce pour

chaque combinaison possible. Nous présentons ici les résultats obtenus sur un seul capteur (résultats

similaires obtenus sur chaque capteur testé ; ici test en aveugle sur le capteur 1, entraînement sur les

capteurs 2, 3, 4 et 5).

57
Les résultats visuels obtenus sont présentés sur l’Image 12 avec d’un côté les photographies des puits

observés sur le microscope de l’EFS toutes les 10 minutes, et de l’autre les images obtenues sur le

microscope sans lentille sur lesquelles les lymphocytes classés comme morts ont été marqués

informatiquement en rouge, tandis que les cellules classées vivantes sont en vert.

58
Image 12 - Colonne de gauche : photographies des images de fluorescence ; colonne de droite : viabilité obtenue par le
réseau de neurones sur les acquisitions du microscope sans lentille

59
La lecture en parallèle des puits et des acquisitions n’est pas nécessairement parfaitement

réalisable : la manipulation des lames, l’ajout de fluorochrome, ou encore l’attente pour que les

cellules sédimentent dans les puits avant lecture au microscope n’assurent pas une comparaison

optimale des cinétiques de mort cellulaire. Mais les images retrouvées montrent une dynamique

semblable.

Nous avons également comparé les résultats de viabilité en pourcentage : d’une part le pourcentage

de cellules marquées en vert en microscopie de fluorescence, avec un résultat rendu par un

technicien expérimenté après une lecture non automatisée, à l’œil, et d’autre part le résultat

automatisé obtenu par l’algorithme sur les acquisitions du microscope sans lentille.

Les résultats de viabilité avec les deux techniques, qui correspondent aux images présentées dans

l’Image 129, sont présentés dans la Figure 13:

Figure 13- Comparaison de la viabilité moyenne obtenue par le réseau de neurones, en comparaison à la lecture des puits
au microscope de fluorescence par une technicienne de l'EFS

60
Nous obtenons avec le microscope sans lentille une viabilité qui diminue au cours du temps, et donc

une augmentation de la mortalité en cohérence avec l’expérimentation menée. Pour chaque temps t

(en pratique, nous avons une acquisition toutes les deux minutes), le réseau de neurones détecte ce

qu’il considérera comme un lymphocyte dans l’image (via la taille de l’objet et son intensité), puis le

classe en vivant ou mort. Ceci est réalisé pour chaque objet de l’image analysée (soit environ 250

hologrammes de cellules présents sur chaque acquisition), et de façon indépendante à chaque temps

t, c’est-à-dire sans tenir compte des résultats obtenus précédemment. L’obtention d’une courbe de

viabilité en décroissance au cours du temps est un résultat encourageant. Nous n’obtenons pas de

correspondance exacte avec la viabilité rendue par les biologistes sur le microscope de l’EFS. Nous

discuterons ces écarts dans la partie 0.

2. Sérum négatif

Nous avons pu également tester notre réseau de neurones dans le cadre d’acquisitions obtenues

toujours avec le même protocole décrit Figure 11, avec ajout de sérum négatif. Dans ce cas de figure

là, les cellules ne meurent pas après mise en contact avec le complément. Sur la lecture au

microscope à fluorescence de l’EFS, la viabilité était rendue à 95%, et ne variait pas sur l’heure

pendant laquelle l’expérimentation était conduite.

61
Les résultats des acquisitions obtenues sur le microscope sans lentille, le réseau de neurones (qui a

été entrainé sur 4 capteurs, puis testé sur un 5e capteur en aveugle) est présenté dans la Figure 14:

Figure 14 - Viabilité des lymphocytes rendue par le réseau de neurones et les techniciennes du laboratoire, stable au
cours du temps comme attendu

La viabilité est stable au cours du temps, comme attendu (taux entre 90 et 95%) ce qui correspond

aux résultats analysés en parallèle sur le microscope de l’EFS.

62
V. DISCUSSION

A. Résultats constructifs

Nous présentons dans ce paragraphe les points forts qui peuvent être mis en avant suite à nos

premières expérimentations de mesure automatisée de viabilité cellulaire sur le microscope sans

lentille.

a) Validation par rapport au protocole de l’EFS

La réalisation en pratique des crossmatches par lymphocytotoxicité à l’EFS de Grenoble a été décrite

précédemment (cf. II.B.3). Après incubation des cellules du donneur avec le sérum du receveur

pendant trente minutes, le complément est ajouté, et le résultat est en général lu après soixante

minutes, sans lecture à un temps intermédiaire. Lors de nos expérimentations, nous avons réalisé un

contrôle au microscope à fluorescence de l’EFS dès l’ajout du complément, toutes les dix minutes

environ, pour rendre compte de la cinétique de mortalité cellulaire. Lors de nos différentes

expérimentations, nous avons toujours pu valider qu’à soixante minutes après ajout du complément,

la viabilité dans les puits lue au microscope à fluorescence ne variait quasiment plus. Généralement

le taux ne varie plus dès trente minutes, et le temps de crossmatch est allongé pour ne pas négliger

des anticorps à des taux faibles

b) Distinction de lymphocytes en microscopie sans lentille

Bien qu’il ait fallu plusieurs expérimentations avant d’obtenir des hologrammes de lymphocytes de

qualité satisfaisante, nous avons finalement pu obtenir des acquisitions sur lesquelles distinguer les

lymphocytes, ce qui n’avait pas été à ce jour réalisé sur le microscope sans lentille utilisé. Les

analyses de viabilité cellulaire déjà validées concernaient des cellules d’une taille plus importante,

telles que les cellules CHO (taille de 14-15µm, versus autour de 7µm pour un lymphocyte). Ces

63
premiers résultats ouvrent des possibilités de travail dans des applications diverses et l’analyse des

lymphocytes en dehors du crossmatch.

c) Résultats de viabilité sans marquage

Sur les résultats encourageants de viabilité obtenus sur le microscope sans lentille avec l’aide de

l’interprétation d’un réseau de neurones, la viabilité est déterminée après l’analyse seule de

l’hologramme acquis sur le microscope. Il n’y a pas d’image de fluorescence, et par là même aucun

ajout de marqueur de viabilité. Pour rappel, le fluorochrome utilisé à l’EFS de Grenoble est du

Fluoroquench. Ce réactif contient du bromure d’éthidium qui colore en rouge les cellules mortes et

de l’Acridine Orange qui colore en vert les cellules vivantes.

1. Toxicité éventuelle

a. Bromure d’éthidium

Il n'y a pas de donnée publiée concernant des effets toxiques, aigus ou chroniques, liés au bromure

d'éthidium chez l'homme. En particulier, aucun trouble neurologique traduisant une démyélinisation

n'est rapporté. Par analogie à certains autres composés voisins, il est indiqué que le produit est

moyennement irritant pour la peau et l'œil (cf. https://www.inrs.fr/).

Du fait de son activité mutagène expérimentale, la possibilité d'un effet cancérogène et de troubles

de la reproduction est posée. Un article suggère que le travail en laboratoire de biologie moléculaire

peut être à l'origine d'une augmentation du risque d'apparition de certains cancers (os, lymphomes

non hodgkiniens). Il s’agit pour ces cas de sujets qui sont généralement polyexposés, au bromure

d'éthidium mais également à d’autres molécules potentiellement cancérogènes (acrylamide,

méthylnitrosoguanidine, méthanesulfonate de méthyle) et substances radioactivesi.

64
b. Acridine orange

L'acridine est un irritant de la peau. Les autres toxicités rapportées sont des toxicités aigües après

ingestion orale, peu à risque en pratique dans les laboratoires.

2. Risque environnemental

Il n’a pas été rapporté jusqu’à présent de risque environnemental pour l’acridine orange comme

pour le bromure d’éthidium. En pratique, nous trouvons peu d’information sur le sujet chez les

différents fabricants, ou certains risques (processus de dégradabilité, potentiel de bioaccumulation

par exemple) n’ont pas été examinés, et il n’existe pas de donnée disponible. De façon locale, les

déchets sont éliminés selon les protocoles dictés par le laboratoire. A noter que les quantités

utilisées sont minimes, de l’ordre de 40µL par test de crossmatch.

3. Simplification des protocoles

Hormis les éventuels risques toxicologiques, et les enjeux écologiques, l’absence d’utilisation d’un

marqueur représente également une étape de manipulation en moins dans les protocoles.

65
d) Coût

Comme nous l’avions précisé précédemment dans la présentation du matériel, le microscope sans

lentille est un microscope dont le coût de fabrication est considérablement réduit en comparaison

aux microscopes classiquement utilisés en crossmatch, comme le microscope à fluorescence utilisé à

l’EFS de Grenoble.

S’ajoute au faible coût du microscope sans lentille, sa portabilité facilitée comparée à celle d’un

microscope à fluorescence classiquement utilisé. Par l’absence de lentille et la simplicité du montage,

son utilisation est très aisée, de même que le logiciel d’acquisition. Cela permettrait d’exporter

facilement et à faible coût un tel dispositif, notamment dans certains pays où la technologie du

crossmatch n’est pas encore mise en place de façon courante.

e) Résultats automatisés, en temps réel

La lecture des résultats de crossmatch au microscope à fluorescence de l’EFS demande l’expertise

d’un technicien pour rendre un résultat de mortalité. Le biologiste rendra un pourcentage de

mortalité sans comptage, en examinant les puits après marquage des cellules au fluoroquench,

comme présenté sur l’Image 2.

La lecture sur les puits au microscope à fluorescence pourrait déjà être automatisée, avec détection

et comptage des cellules marquées soit en rouge soit en vert, via une analyse de l’image, ce qui n’est

actuellement pas réalisé. L’algorithme que nous avons utilisé sur les acquisitions du microscope sans

lentille permet une détection automatique des cellules mortes et vivantes. Par ailleurs, l’algorithme

une fois mis au point, les résultats de viabilités pourraient être rendus en temps réel. Les résultats

rendus en pourcentages pourraient être ainsi rendus plus comparables d’une équipe à l’autre, et

d’une étude à l’autre.

66
f) Analyse de cinétique

Comme précisé précédemment, les acquisitions automatiques sur le microscope sans lentille

permettent une analyse de la viabilité des lymphocytes en temps réel. Le crossmatch classique

n’offre pour le moment pas cette possibilité, le résultat étant observé en général une heure après

l’ajout de complément, pour rendre un résultat final.

Bien que nous n’ayons pour le moment pu réaliser que quelques expérimentations, nous pensons

que l’analyse de la cinétique de mortalité pourrait être intéressante à observer : peut-être pourrions-

nous noter des différences de cinétique de mortalité des lymphocytes selon le niveau

d’immunisation des patients en attente de greffe rénale, ou encore selon la population de

lymphocytes, B ou T. Notamment nous pourrions imaginer observer d’éventuelles différences de

cinétique de mortalité selon l’immunisation des patients ; elle pourrait par exemple être plus abrupte

pour certains patients, imaginons en cas de DSA préexistant historique ou faible par exemple, et qui

n’aurait pas pour autant contre-indiqué la transplantation rénale. L’analyse de cinétique pourrait

nous permettre de définir des marqueurs prédictifs du risque de rejet dans certains cas. Cela

permettra de stratifier le risque des receveurs ayant un DSA historique pré greffe ou présent le jour

de la greffe à un titre faible.

B. Limites et biais potentiels

Nous en sommes à des travaux encore très préliminaires sur l’analyse de viabilité des lymphocytes

via la microscopie sans lentille. C’est donc sans surprise que nous pouvons identifier de multiples

limites et biais aux expérimentations menées et à la méthode d’analyse.

1. Distinction des lymphocytes

Bien que la distinction de lymphocytes au microscope sans lentille représente un résultat très

encourageant dans nos expérimentations, il n’en reste pas moins que de par leur taille de 7 µm en

67
moyenne, les lymphocytes sont parfois difficilement distingués d’éventuels débris cellulaires,

éventuelles poussières présentes sur les lames, ou encore d’autres types cellulaires. Dans

l’algorithme utilisé, nous sélectionnons les objets dans l’image qui seront considérés comme des

lymphocytes de par leur taille ainsi que par l’intensité en niveaux de gris de l’objet. Enfin nous

imposons de détecter dans l’image une certaine quantité de lymphocytes, qui correspond à la

concentration globalement attendue dans notre lame, comme décrit dans le paragraphe III.B.3.

Cette limite est illustrée sur l’Image 13, qui est un exemple d’acquisition du microscope sans lentille

sur laquelle nous avons fait tourner l’algorithme. Ainsi les lymphocytes ont été automatiquement

détectés dans l’image selon les critères décrits précédemment (encerclés en rouge et en vert), mais

certains lymphocytes ne sont possiblement pas détectés via cette méthode. A l’inverse, certains

débris ou artefacts peuvent être considérés à tort comme des lymphocytes.

Image 13- exemple d'acquisition sur laquelle les lymphocytes ont été automatiquement détectés (encerclés de vert et de
rouge). Certains lymphocytes ne sont possiblement pas détectés via cette méthode.

La détection des lymphocytes dans l’image pourrait être améliorée, en ajoutant des critères de

détection et de discrimination. Cependant, nous serons probablement tôt ou tard limités par la

68
résolution de l’image, ce dont nous pourrons discuter dans les perspectives de travail, paragraphe

C.4.

2. Entraînement du réseau de neurones sur données erronées

Nous avons décrit précédemment notre protocole d’entraînement du réseau de neurones dans la

partie IV.A.1. Pour l’obtention d’hologrammes de lymphocytes morts, nous avons eu recours à

l’utilisation d’un sérum positif, qui contient de nombreux anticorps anti-HLA, dans le but d’assurer la

réalisation d’une réaction de lymphocytotoxicité. Même lorsque la réaction a lieu, le taux de

mortalité que nous avons observé n’est jamais à 100%. Cela signifie que lors de l’entraînement du

réseau de neurones, le réseau de neurones enregistre comme image type de lymphocyte mort, un

certain nombre d’image de lymphocytes vivants.

De la même façon les hologrammes de lymphocytes vivants se basent sur des acquisitions obtenues

sur des cellules qui ne subissent pas de réaction de lymphocytotoxicité (utilisation du sérum négatif)

mais le taux de viabilité de départ n’est jamais de 100%.

Cela signifie qu’il y aura nécessairement un biais de classement puisque le réseau de neurones

possède des erreurs parmi ses références de lymphocytes vivants ou morts. Cela peut également

expliquer partiellement les différences de résultat de viabilité obtenues entre le réseau de neurones,

et le contrôle au microscope à fluorescence (cf. Figure 13).

3. Chauffe des capteurs

Une des questions que nous avons rapidement soulevée dès le début de nos expérimentations est

celle de l’influence éventuelle des capteurs et de la chauffe engendrée par ceux-ci sur la viabilité des

lymphocytes dans les lames Leja.

69
Lors de travaux précédents des équipes du CEA, il avait été démontré que la chauffe engendrée par

les capteurs du microscope sans lentille n’avait pas eu d’influence sur la viabilité des cellules alors

étudiées (cellules CHO).

Nous n’avons pas à ce jour pu déterminer de protocole permettant d’analyser au microscope à

fluorescence les lymphocytes dans les lames Leja, après passage au microscope sans lentille. Nous

nous sommes appuyés sur les études précédentes des équipes du CEA pour supposer que l’influence

de la chauffe des capteurs était négligeable lorsque nous réalisons une acquisition de 3 secondes

toutes les deux minutes, et également sur les résultats obtenus sur les échantillons avec sérum

négatif dans lesquels les cellules sont classées comme vivantes tout au long de l’expérimentation sur

les quatre-vingt-dix minutes malgré la chauffe des capteurs et les acquisitions répétées toutes les

deux minutes.

4. Site de la réaction de lymphocytotoxicité

Nous avons eu l’occasion lors des différentes expérimentations menées de tester plusieurs

contenants comme décrits précédemment. Nous avons eu la chance de pouvoir comparer les

résultats obtenus au microscope de fluorescence. Nous avons ainsi mis en évidence de façon fortuite

que les résultats de viabilité au microscope à fluorescence variaient pour un même protocole selon le

contenant utilisé pour l’incubation (tube à essais versus plaque à puits). De façon classique, les trente

minutes d’incubation des lymphocytes du donneur avec le sérum du receveur dans le protocole de

crossmatch de l’EFS sont réalisées directement dans les plaques à puits. Lors d’une de nos

expérimentations, nous avions réalisé la réaction d’incubation en tube à essai, puis distribué

l’échantillon dans des plaques à puits au moment de l’ajout de complément et du fluorochrome. Les

résultats obtenus n’étaient pas ceux attendus en termes de viabilité cellulaire. Aussi nous avons pu

sur une expérimentation ultérieure comparer les résultats de viabilité, au microscope à fluorescence,

selon le site initial de mise en contact des cellules du donneur et du receveur.

70
L’expérimentation qui a mis en évidence ce résultat utilisait des lymphocytes issus du sang, du sérum

positif tel que défini dans les paragraphes précédents, incubés ensemble pour trente minutes, soit

dans un tube, soit dans une plaque à puits, puis le complément et le fluorochrome étaient ajoutés,

dans la plaque à puits, comme décrit sur la Figure 15 :

Figure 15 - Différence de viabilité à 60' après ajout du complément, selon le site d'incubation: tube versus plaque à puits.
En haut: résultat obtenu avec l'incubation en tube; en bas: résultat obtenu avec l'incubation sur plaque

La viabilité rendue par le biologiste soixante minutes après l’ajout de complément est de 35% quand

l’incubation a été réalisée en tube, contre 10% lorsque l’incubation a été réalisée sur plaque.

Nous avions par la suite réalisé l’incubation sur plaque pour l’expérimentation décrite paragraphe

IV.B afin de nous placer dans les conditions les plus proches possibles des protocoles réalisés en

routine à l’EFS.

5. Différence de survie selon le contenant (lames Leja ou puits)

Bien que nous ayons tenté de nous approcher au maximum du protocole réalisé en routine à l’EFS,

via la concentration cellulaire, les temps d’incubation et de lecture, nous ne pouvons pas nous placer

dans des conditions tout à fait similaires. En effet, la lecture de crossmatch est réalisée en pratique à

l’EFS sur des puits, comme illustré sur les photographies de l’Image 2.

71
Dans le paragraphe précédent, nous avions remarqué lors de nos expérimentations des différences

de résultats de viabilité selon le contenant dans lequel l’incubation avait été réalisée. Nous n’avons

pas pu réaliser d’expérimentation permettant d’étudier une éventuelle différence de viabilité après

l’étape d’incubation, selon que les échantillons analysés (c’est-à-dire des lymphocytes du donneur

incubés avec le sérum du receveur, et ajout de complément) aient été analysés dans des puits sur

des plaques standard sur le microscope à fluorescence de l’EFS (cf. Image 5, contenant classiquement

utilisé pour les crossmatches de l’EFS) ou dans les lames Leja sur le microscope sans lentille (cf. Image

7).

Nous avons obtenu sur les résultats avec sérum négatif, une viabilité qui restait constante au cours

du temps, comme attendu, ce qui suggère tout de même que le contenant n’est pas à l’origine d’une

mort cellulaire en dehors de celle provoquée par la réaction de lymphocytotoxicité quand elle a lieu.

Cependant, la cinétique de mort cellulaire pourrait varier selon le contenant, et nous n’avons pas pu

à ce jour explorer cette possibilité.

6. Variabilité d’interprétation entre biologistes

La lecture de viabilité lors d’un crossmatch est réalisée « à l’œil », sur le microscope à fluorescence,

en observant les lymphocytes marqués au fluoroquench. La viabilité est rendue en pourcentage par

un biologiste ou un technicien aguerri. Nous avons pu observer les lymphocytes au microscope à

fluorescence, en parallèle de nos acquisitions sur le microscope sans lentille, et avons bénéficié de

l’aide de deux techniciennes. Nous avons pu expérimenter une perception qui pouvait varier selon la

personne qui lisait le résultat sur puits, avec un résultat qui pouvait varier de quelques pourcents. Il

serait intéressant pour examiner ce biais potentiel, de réaliser une double lecture systématique des

mêmes lames, ce que nous n’avons pas pu réaliser sur ces premières expérimentations.

72
C. Perspectives de travail

Nous avons pu détecter des lymphocytes en microscopie sans lentille, et avons obtenu des premiers

résultats encourageants d’analyse de viabilité assistés par intelligence artificielle. Les axes

d’amélioration de la technique sont nombreux, et les applications imaginables dans de futurs travaux

sont variées.

1. Amélioration des résultats existants

Nous avons passé en revue plusieurs biais ou limites des travaux que nous avons réalisés jusqu’à

présent, et nombre d’entre eux peuvent être améliorés. La phase d’optimisation des acquisitions par

laquelle nous sommes passés était indispensable, et nous pouvons maintenant imaginer plusieurs

expérimentations futures pour affiner ces premiers résultats.

a) Test de nouvelles longueurs d’onde d’excitation

Nous avons utilisé la longueur d’onde la plus courte disponible, de 450 nm (longueur d’onde

d’excitation bleu) de façon empirique, que nous n’avons pas modifiée pour ne pas faire varier dans

un premier temps trop de paramètres d’acquisition à chaque nouvelle expérimentation. Il serait

intéressant de réaliser de nouvelles acquisitions en faisant varier la longueur d’onde utilisée : il se

pourrait que selon la source d’illumination utilisée, la différence entre les hologrammes de

lymphocytes vivants et morts puisse être plus marquée.

b) Poursuite de l’entraînement du réseau de neurones

i) Augmentation du nombre de données de référence

Il faut imaginer que le réseau de neurones, pour pouvoir distinguer un lymphocyte vivant d’un

lymphocyte mort, doit en avoir « vu » auparavant un certain nombre. En augmentant le nombre de

références sur lesquelles l’entraîner, le réseau de neurones pourra être plus confiant sur la

73
classification. Il serait toujours intéressant d’obtenir de nouvelles acquisitions d’hologrammes de

lymphocytes uniquement vivants, et sur d’autres expérimentations uniquement de lymphocytes

morts.

ii) Hologrammes de lymphocytes morts et vivants

Nous avons vu dans le paragraphe 0 que nous avons entraîné le réseau de neurones sur des données

partiellement fausses. En effet, nous n’avons jamais obtenu lors de nos expérimentations des

acquisitions avec des lymphocytes morts à 100%. Ainsi, parmi les images de lymphocytes que le

réseau de neurones considère comme morts, il y a un certain pourcentage de lymphocytes qui sont

en réalité vivants : cela implique nécessairement un biais dans les résultats obtenus lorsque le réseau

est testé en aveugle.

De nouvelles expérimentations avec un sérum positif contenant un panel d’anticorps anti-HLA plus

large (SAL ou OKT3) serait intéressant ainsi que de poursuivre les acquisitions sur un temps plus long

afin d’approcher un taux de viabilité de 0% sur les données obtenues.

De façon similaire, pour le taux de viabilité obtenu lors de nos expérimentations avec du sérum

négatif, il existe toujours un faible pourcentage de cellules mortes parmi les acquisitions. Les cellules

provenant de prélèvements « frais » et qui n’ont pas été précédemment congelées présentaient un

pourcentage de viabilité plus important. Mais même parmi les prélèvements les plus récents, il existe

toujours un pourcentage de cellules mortes. Il sera difficile dans ce cas d’obtenir de meilleurs

résultats, et il faudra probablement tolérer ce biais.

Nous pouvons imaginer avoir la possibilité sur de prochaines expérimentations, d’avoir un contrôle

en parallèle de la viabilité par fluorescence sur un même échantillon de lymphocytes, nous

permettant d’éliminer au fur et à mesure de nos données d’entraînement les hologrammes de

cellules non viables.

74
c) Description d’un état intermédiaire de viabilité

En observant la moyenne de la viabilité des lymphocytes observés, lorsque ceux-ci ont été mis en

contact avec un sérum positif et le complément, nous trouvons une décroissance de la viabilité

comme attendue.

Nous avons également remarqué, en suivant certains lymphocytes dans l’image, que le réseau de

neurones « hésitait » parfois dans le classement mort/vivant, et pouvait parfois revenir sur ses choix.

Ce phénomène est illustré sur l’Image 14, où nous pouvons suivre un lymphocyte en particulier

(cerclé en blanc), qui est alternativement au cours du temps classé comme mort ou vivant à plusieurs

reprises. Le réseau de neurones finira par le classer comme mort.

Il est possible que l’hésitation du réseau de neurones provienne de la difficulté à reconnaître un

lymphocyte mort ou vivant tel qu’il l’a appris. Nous pourrions émettre l’hypothèse que le lymphocyte

en question se trouve dans un état intermédiaire, d’où les difficultés à le faire appartenir à un des

deux seuls états connus du réseau de neurones.

Image 14 - Exemple d'hésitation du réseau de neurones dans le classement d'un lymphocyte comme mort (couleur
rouge) ou vivant (couleur verte)

Nous pourrions imaginer décrire un état supplémentaire, de lyse de la cellule. Cependant nous

n’avons à ce jour pas de possibilité d’examiner un tel état intermédiaire : les images obtenues au

microscope de fluorescence offrent seulement un choix binaire, avec un marquage vert de la cellule

vivante, et rouge lorsqu’elle est lysée sans état intermédiaire.

75
Si dans le futur nous avons la possibilité de réaliser des images de viabilité des lymphocytes sur des

microscopes dont la résolution spatiale est améliorée, nous aurions alors peut-être la possibilité

d’observer cet état intermédiaire en microscopie classique et microscopie sans lentille en parallèle.

Nous pourrions alors imaginer apprendre au réseau de neurones à reconnaître cet état intermédiaire

pour affiner les courbes de viabilité.

2. Test sur patients distincts

Sur les expérimentations réalisées (décrites paragraphe IV.B), nous avons pu entraîner et tester le

réseau de neurones sur des données issues d’un même échantillon biologique avec les lymphocytes

d’un donneur particulier, et avec un même sérum négatif et un même sérum positif.

Il serait intéressant pour valider la méthode de pouvoir entraîner le réseau de neurones sur

différents échantillons, avec des lymphocytes de plusieurs donneurs distincts, et des sérums positifs

ou négatifs de plusieurs patients distincts également.

Cela permettrait d’une part de renforcer l’entraînement du réseau de neurones, et d’autre part de

valider que la méthode fonctionnera également pour des patients distincts : ce critère de validité

externe de la méthode sans lentille permettra sa généralisation.

3. Tests sur lymphocytes issus de la rate ou de ganglions

Nous avons réalisé nos dernières expérimentations en utilisant des lymphocytes qui provenaient du

sang d’un donneur. Ce choix avait été fait afin d’obtenir des images moins parasitées au microscope

sans lentille, comme décrit paragraphe III.C. En pratique courante, dans les transplantations d’organe

solide de donneurs décédés, il est plus courant d’analyser en crossmatch les lymphocytes issus de la

rate ou de ganglions du donneur. Nous avons pu progresser sur la qualité des acquisitions obtenues

au microscope sans lentille au cours des expérimentations menées pour ce travail de thèse. Il

pourrait être maintenant intéressant de tester notre méthode sur ce type de prélèvement.

76
4. Analyse de viabilité sur une technologie différente

Dans les paragraphes précédents nous avons mis en avant les limites de notre travail actuel, avec

notamment les difficultés de comparaison entre la microscopie de fluorescence et les acquisitions sur

le microscope sans lentille. Nos collègues du CEA travaillent sur l’installation d’un banc de

microscopie qui pourrait allier de la microscopie holographique avec en parallèle un microscope à

fluorescence et un microscope avec lentille, dit défocalisé (Mandula et al. 2020). Le microscope

défocalisé est présenté sur l’Image 15.

Image 15 - Schéma du microscope défocalisé avec lentille : résolution spatiale améliorée d'un facteur 4 par rapport au
microscope sans lentille (image fournie par C. Allier, CEA Leti)

Ce microscope pourrait permettre un contrôle en parallèle des images observées au microscope sans

lentille mais avec une meilleure résolution, améliorée d’un facteur 4 par rapport au microscope sans

lentille. Cela pourrait permettre de rendre plus robuste l’algorithme de détection automatique de

77
viabilité cellulaire d’ores et déjà mis en place. Nous pourrions ainsi nous assurer que les

hologrammes automatiquement détectés et analysés correspondent bien à ceux de lymphocytes.

A noter qu’un des inconvénients de ce type de microscope est la taille du champ analysé, qui est d’1

mm2, lorsque le microscope sans lentille offre un champ de 30 mm2.

Par ailleurs, l’analyse de viabilité cellulaire n’a encore jamais été testée sur ce type de microscope

défocalisé ; nous pourrions imaginer réaliser des expérimentations similaires à celles que nous avons

menées sur le microscope sans lentille, pour pallier notamment aux difficultés de distinction des

lymphocytes que nous avons décrites dans les paragraphes précédents, ce microscope défocalisé

présentant une meilleure résolution spatiale.

5. Application aux patients immunisés

a) DSA historiques

Comme nous l’avons introduit au début de ce manuscrit (cf.II.A.4), un patient immunisé est un

patient qui a développé des anticorps anti-HLA au cours d’évènements immunisants. Si ces anticorps

sont dirigés contre les antigènes HLA des cellules d’un futur donneur, ou d’un futur greffon, nous

parlons de DSA.

Certains patients immunisés peuvent bénéficier d’une transplantation rénale pour laquelle le

crossmatch est négatif le jour de greffe, mais et présentent un DSA historique, c’est-à-dire un

anticorps anti-HLA dirigé contre leur greffon, mais non dosé dans leur sang au moment de la

transplantation. En effet, l'absence de DSA avant la transplantation n'implique pas nécessairement

l'absence de sensibilisation antérieure, car le crossmatch ne reflète que les niveaux d'anticorps

présents dans l'échantillon de sérum testé à un instant t. Un examen des résultats des tests de

compatibilité croisée antérieurs peut révéler la présence d'un DSA historique et donc d'une mémoire

immunologique contre l'antigène du donneur.

78
Il serait intéressant d’analyser les réactions de lymphocytotoxicité chez les patients qui possèdent

des DSA historiques : l’analyse de la cinétique de mortalité pourrait peut-être nous aider à stratifier

le risque de rejet, selon le pourcentage de viabilité obtenu, ou encore la rapidité de mortalité des

lymphocytes.

b) DSA tolérés le jour de la transplantation

Dans certains cas, bien que des DSA soient identifiés, un patient peut bénéficier d’une

transplantation rénale. Cela est parfois le cas lorsqu’un DSA est retrouvé à un taux de MFI faible (MFI

pour Mean Fluorescence Intensity, lorsque l’anticorps est recherché via la cytométrie en flux ou

Luminex). Le taux de MFI peut fournir des indications sur la quantité et la force du DSA présent, mais

les seuils du MFI au-dessus desquels un anticorps est considéré comme "positif" et pourrait être à

l’origine d’un rejet ne sont pas normalisés. Il est courant de tolérer des DSA le jour de la

transplantation dont la MFI est par exemple inférieure à 3000. Outre le taux de MFI, certains DSA de

classe II (anti-DP ou anti-Cw) sont parfois tolérés le jour de la transplantation. Ces anticorps ont une

expression de surface cellulaire de 13 à 18 fois inférieure à celle des antigènes des autres loci (Apps

et al. 2013; Kaur et al. 2017). Ainsi, une charge plus élevée d'HLA-Cw/DP est nécessaire pour obtenir

une compatibilité croisée positive(Hönger et al. 2015; Simmons et al. 2016).

Les anti-DP ou anti-Cw sont bien reconnus comme des cibles antigéniques susceptibles d'induire des

réponses humorales, même si nous ne savons pas encore si les anticorps dirigés contre ces molécules

ont un impact similaire sur le résultat de la transplantation par rapport à ceux qui ciblent les

antigènes HLA-A, -B, -DQ ou -DR. Certains case reports ont cependant identifié leur capacité à

provoquer un rejet aigu humoral (Bachelet et al. 2016).

Comme pour les patients porteurs de DSA historiques, il serait intéressant d’analyser les courbes de

cinétique de la mortalité des lymphocytes chez ces patients.

79
c) Patients hyperimmunisés

Enfin nous pourrions nous intéresser aux courbes de viabilité des lymphocytes pour les patients

hyperimmunisés (cf. définition §II.A.4). Dans le service de transplantation rénale du CHU de

Grenoble, des protocoles de désimmunisation sont proposés pour ces patient hyperimmunisés, dans

le but d’éliminer les DSA les empêchant d’accéder à la transplantation rénale (Noble et al. 2021). Au

cours des protocoles de désimmunisation, les taux de MFI de ces patients sont suivis jusqu’à

atteindre un certain seuil de MFI en dessous duquel les DSA seront considérés comme anticorps

permis, et une transplantation pourra avoir lieu malgré la détection des DSA. Ce seuil est

arbitrairement choisi, à ce jour il est fixé à 3000 de MFI pour les anticorps anti HLA-A, -B, -DQ ou –DR.

Afin d’affiner la valeur du seuil si cela est possible, il serait intéressant de comparer chez les patients

hyperimmunisés en cours de désimmunisation, l’amélioration de la pente de mortalité du

crossmatch en microscopie sans lentille en fonction du taux d’anticorps persistants au fur et à

mesure de la désimmunisation.

80
VI. CONCLUSION

Nous nous sommes intéressés dans ce travail de thèse à la réalisation d’un test de crossmatch via
une technologie de microscopie récente sans lentille.

Après mise en place d’un protocole d’expérimentation autour du microscope sans lentille, et
optimisation du matériel utilisé pour le recueil des échantillons à analyser, nous avons pu obtenir
avec l’équipe du CEA les images de lymphocytes, ce qui n’avait jusqu’alors pas été réalisé dans leurs
précédents travaux pour des cellules de cette taille. Nous avons également eu recours au deep
learning, méthode d’intelligence artificielle, pour nous assister dans la distinction des lymphocytes
lysés et des lymphocytes intacts.

Cette technique de microscopie présente également l’avantage de pouvoir acquérir


automatiquement des images des lymphocytes tout au long de la réaction de lymphocytotoxicité et
d’accéder à une cinétique de la mortalité cellulaire non utilisée jusqu’ici en crossmatch.

Sur les expérimentations réalisées, nous avons obtenu des résultats automatisés d’analyse de la
cinétique de mortalité des lymphocytes sans avoir eu recours à des marqueurs fluorescents
supplémentaires ce qui permet de s’affranchir de l’utilisation de produits potentiellement toxiques
pour les biologistes ou pour notre environnement.

Nos futurs travaux s’intéresseront à rendre l’algorithme existant plus robuste, en réalisant des
expérimentations dans les conditions similaires à celles mises en place afin d’élargir le jeu de
données actuel pour l’entraînement du réseau de neurones, mais aussi sur des prélèvements de
nature différente (notamment sur des lymphocytes issus de prélèvements de rates ou ganglions).

Enfin nous tenterons d’exploiter de façon plus approfondie la cinétique de mortalité sur des profils
de patients particuliers, comme les patients immunisés ou hyperimmunisés : un profil différent de la
mortalité des lymphocytes pourrait se dessiner selon le degré d’immunisation, ou encore selon la
classe d’anticorps concernée. Ces expérimentations pourraient également permettre de fixer de
façon plus précise qu’actuellement un seuil du taux d’anticorps anti-HLA en dessous duquel la
transplantation pourrait être réalisée sans risque de rejet chez les patients qui bénéficient d’une
désimmunisation pré-transplantation rénale.

81
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