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YAN N I CK MARCO UX
ROMAN
ROMANICHELS
L’île sans pont
du même auteur
Imprimé au Canada
www.editionsxyz.com
À ceux et celles
qui ont trouvé refuge en nous.
Et à tous les parents du monde
(à commencer par les miens).
On parle toujours de la violence du fleuve,
jamais de celle des rives qui l’enserrent.
Bertolt Brecht
Prologue
La tempête du siècle
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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prologue
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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premiers pas lunaires
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l’île sans pont
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premiers pas lunaires
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l’île sans pont
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premiers pas lunaires
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l’île sans pont
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premiers pas lunaires
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les cicatrices
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l’île sans pont
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les cicatrices
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il faut imaginer sisyphe heureux
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l’île sans pont
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il faut imaginer sisyphe heureux
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le clin d’œil
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l’île sans pont
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le clin d’œil
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le fruit défendu
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l’île sans pont
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le fruit défendu
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l’île sans pont
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le fruit défendu
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l’enfance
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l’île sans pont
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l’enfance
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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alea jacta est
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l’île sans pont
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alea jacta est
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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mémoire palimpseste
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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la saignée
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le premier jour
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l’île sans pont
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le premier jour
Elle nous colle deux beaux becs sur les joues, de son
être franc sans être sec, glissant une main sur ma nuque.
Elle sent les épices et son accueil me fait du bien, même si
sa façon d’oblitérer les questions qu’ont habituellement
les adultes m’étonne. À cet instant, elle s’agite, affecte
une bonhomie désintéressée, mais les années suivantes
m’apprendraient que c’était sa façon de gérer les émo-
tions qui bouillaient en elle. Plutôt que de s’attarder à
celles-ci, dans les situations émouvantes, elle flottait au-
dessus, larguant son trouble en s’activant le plus possible.
J’imagine qu’une fois seule, toute la poussière que son
agitation avait soulevée lui retombait dessus. En atten-
dant, pour la première de nombreuses fois, après être
restée avec nous un instant dans l’entrée, elle se défile.
De la cuisine, en sourdine, j’entends les bruits de la vais-
selle qui s’entrechoque, tandis que mon grand-père nous
parle de sa voix enjouée.
— Vous devinerez pas ce que ma chère Jeanne a fait
cette nuit. Elle t’avait une de ces envies irrépressibles
de faire pipi. Elle se tortillait dans le lit, me donnait des
coups de pied, et alors, elle s’est levée d’une traite, plus
capable de se retenir. Dans la noirceur, je l’ai pas vue par-
tir, et d’ailleurs elle non plus a pas vu grand-chose, parce
qu’aussitôt après, je t’ai entendu un de ces Pow ! Y’a un
frisson qui m’est passé dans la colonne. Elle a rien dit,
elle devait avoir trop envie. Quand elle est revenue, on
s’est mis à rire sans pouvoir s’arrêter, mais aujourd’hui,
elle va vous montrer ça, elle t’a une de ces prunes dans le
front.
Il mord dans chaque mot, prend plaisir à laisser les
syllabes flotter dans l’air. Ses p s’envolent de lui comme
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l’île sans pont
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le premier jour
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l’île sans pont
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le premier jour
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l’île sans pont
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le premier jour
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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les grands remous
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le tour de l’île
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l’île sans pont
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le tour de l’île
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l’île sans pont
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les crêpes
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mise en abyme
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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l’entre-deux-guerres
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la dernière carte
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l’île sans pont
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la dernière carte
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l’île sans pont
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la dernière carte
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l’île sans pont
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la dernière carte
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le dernier souffle
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l’île sans pont
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le dernier souffle
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l’intransgressible limite
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l’île sans pont
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l’intransgressible limite
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l’île sans pont
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l’intransgressible limite
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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l’orbe défroqué
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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douce dérive
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les retrouvailles
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l’île sans pont
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les retrouvailles
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l’île sans pont
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les retrouvailles
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l’île sans pont
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les retrouvailles
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l’île sans pont
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les retrouvailles
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le camp de base
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l’île sans pont
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le camp de base
Félix,
Je suis heureuse d’écrire ton nom. Félix. Ça faisait
longtemps. Quelques jours, c’est déjà trop long. Ce matin,
le ciel est clair au-dessus de la maison et j’ai réussi à attra-
per quelques barres de connexion pour t’écrire, enfin.
Quand même, disons-le, je n’ai pas vu le temps pas-
ser depuis mon départ. Les nombreux vols, les longues
escales… Je regrette de m’être compliqué la vie pour sau-
ver un peu d’argent. Heureusement, ma bedaine ne laisse
planer aucun doute, et j’ai eu droit aux meilleurs égards
des gens en général.
Je suis arrivée fourbue. J’étais anxieuse de retrouver
mes amies, de revenir sur cette terre qui m’a vue naître,
mais je ne m’attendais pas à ce que j’y ai d’abord trouvé.
J’aurais dû, pourtant. Ce n’est qu’en apercevant le modeste
aéroport d’Akulivik que ça m’a frappée.
Ma mère n’avait pas encore la trentaine quand elle a
quitté Montréal pour venir ici, et quand la porte de son
avion s’est ouverte sur le tarmac, c’est la main sur son
ventre qu’elle y a fait ses premiers pas. Bêtement, c’est là
que j’ai réalisé que je suivais ses traces, au moment où, à
mon tour, je suis enceinte. J’ai tenté de me projeter dans la
fébrilité qui devait l’animer, le doute et, peut-être, l’excita-
tion. Ça fait longtemps que je n’avais pas ainsi perçu ma
mère : courageuse, forte et vulnérable, tout à la fois.
Je me tenais droite devant la structure de bois fraî-
chement repeinte de l’aéroport, qui fait office à la fois de
tour de contrôle, de centre d’enregistrement et de dépôt
des bagages, et je regrettais chaque fois où j’ai pu haus-
ser la voix à son endroit, où j’ai pu être impatiente ou
condescendante. Je lui dois tout. Je lui dois la vie, cette
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l’île sans pont
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le camp de base
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la maison de la veuve
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l’île sans pont
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la maison de la veuve
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pas à pas
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l’île sans pont
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pas à pas
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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le vieux rival
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l’île sans pont
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le vieux rival
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l’île sans pont
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le vieux rival
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la toute petite ourse
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l’île sans pont
C’est peut-être parce qu’il n’y a pas une once de vent que
je ne me suis douté de rien. La vie est absolument paisible
autour, même si les corbeaux rôdent et se tiennent sur
une patte alerte. Le fleuve ne dessine aucun relief, son
bleu se mêle à celui du ciel, et il est impossible de tracer
une ligne de démarcation, si bien qu’au loin, un bateau
donne l’impression de flotter dans le vide. Comme le
temps.
Je pensais bien que la vie était au beau fixe aujourd’hui,
mais les nuages se sont empilés et lentement, la lumière
s’est atténuée jusqu’à devenir gris foncé. En lieu et place
de son insondable ouverture, un ciel opaque étouffe l’Île,
accompagné d’un grondement qui annonce sa décharge
imminente. Une tempête. Au moins, j’aurai une nouvelle
excuse pour justifier mon apathie. Pourvu que Racine
ne vienne pas constater la stagnation des travaux. Déjà,
au loin, un éclair rompt l’unité du ciel de son sabre. Au
même moment, je reçois un nouveau courriel de Sarah.
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l’île sans pont
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la sueur du ciel sur tes lèvres
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la sueur du ciel sur tes lèvres
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la sueur du ciel sur tes lèvres
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la sueur du ciel sur tes lèvres
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l’oracle
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l’île sans pont
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l’oracle
Ma belle enneigée,
Je te remercie pour ton message immersif, qui m’invi-
tait à déambuler avec toi. Je comprends ton ambivalence
par rapport à ta situation chez Meeko. Après tout, tu
retournais là-bas pour revoir tes amies, mais aussi pour
replonger dans ce territoire qui te manquait. Peut-être
est-ce une bonne idée de passer les derniers jours de ton
séjour dans le recueillement d’une chambre bien à toi ?
Pense d’abord à te faire plaisir !
Malgré la belle invitation de tes mots, il est étrange
pour moi de me projeter dans ton univers blanc, ces jours-
ci. Depuis quatre jours, il n’y a plus ici que de la pluie.
L’averse ininterrompue a fait fondre ce qui restait de
neige, et l’eau s’accumule dehors. Rien de problématique
pour l’instant, mais qu’il m’est difficile de perdre mes pen-
sées dans cet horizon dont je m’ennuyais tant.
Pour tout dire, je me suis égaré, replié sur moi-même
dans un décor enchanteur que je ne sais plus voir. Je tra-
verse les jours entassé dans l’étroitesse de mon corps et,
tandis que j’en cherche l’issue, il me semble que tout m’y
ramène, comme s’il y avait une force en dormance qui
me gardait à quai et qu’il me fallait trouver pour larguer
définitivement les amarres. Je fais du surplace, errant dans
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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les choses
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les choses
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les choses
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l’île sans pont
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les choses
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les choses
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la dernière partie
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l’île sans pont
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la dernière partie
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l’île sans pont
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l’île sans pont
Cher Félix,
Me voici de retour chez nous. Tu as fait un ménage
avant de partir, le lit est bien fait et l’espace est propre
et accueillant. Merci. J’étais complètement exténuée en
arrivant, mais de trouver notre chez-nous dans un état
aussi douillet m’a apaisée. J’aime notre nid. Il ne manque
que toi.
J’aurai finalement eu l’occasion de faire la paix avec
tout le monde. Meeko a organisé un grand repas et toutes
mes amies de jadis étaient là : Sakari, Shipiss, Michelle,
Barbara, Uapikun… L’atmosphère était détendue et je
leur ai expliqué comment je m’étais sentie à mon départ,
raison pour laquelle j’avais été gênée, ensuite, de garder le
contact. On m’a fait promettre de ne plus jamais douter de
notre amitié et de mon appartenance à leur communauté.
Elles aimeraient beaucoup te rencontrer.
On m’a posé beaucoup de questions sur ma mère. Les
gens là-bas l’espéraient bien, et au fil des discussions, les
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le plomb dans l’aile
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l’île sans pont
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le plomb dans l’aile
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l’île sans pont
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le plomb dans l’aile
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l’île sans pont
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le plomb dans l’aile
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l’île sans pont
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l’île sans pont
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tout flotte à la dérive
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la chambre vide
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la réconciliation
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l’île sans pont
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épilogue
Cher amour,
C’est encore moi. Je t’ai écrit il y a quelques heures à
peine. Entre-temps, j’ai ressassé le passage sur ma mère
et, finalement, j’ai décidé de lui écrire. Je me suis rendu
compte très rapidement que peu importe les mots que je
choisissais, ça sonnait toujours plus grave que ce que je
désirais, alors je me suis résignée à l’appeler.
Sa voix n’avait pas changé. Ça faisait drôle de l’entendre.
C’était à la fois si familier et si lointain. Elle non plus n’en
revenait pas que je sois au bout du fil, et elle m’a répété plu-
sieurs fois combien elle était heureuse de me parler. Ça m’a
décrispée et je me suis sentie bien, dans sa voix. On a discuté
un peu. Je lui ai dit que j’étais enceinte. On a convenu de
nous voir dès demain, pour que l’attente ne nous fasse pas
changer d’idée. Je suis nerveuse, mais mon sentiment est bon.
Je trouvais ça important de te le dire. J’espère que ça
ira bien.
Je t’aime
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l’île sans pont
Je le vois d’ici
l’empan de tes bras
large d’un village entier
prêt à accueillir la vie
j’ai hâte d’établir maison
petit éden de coin de rue
de retrouver les airs de ton piano
et de découvrir notre fils
du haut de ses quelques livres de chair et d’os
et de ses tonnes d’amour
il ne tient pas à bout de bras
pas encore
ce n’est pas un miracle de tous les jours
un trophée du quotidien
mais il donne des coups
là
dans le creux de notre histoire
don de ta chair
promesse d’amour
il est le mystère d’une vie
notre avenir
et cette nuit je dormirai avec toi
en cuiller avec les rêves
de nos lendemains.
À tout de suite,
Félix
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épilogue
223
l’île sans pont
Il est midi.
Longtemps je me suis ennuyé de la brume sur le
fleuve. Une brume épaisse, basse, qui sculptait les mon-
tagnes autour et effaçait le plus gros de l’Île, derrière.
Mille fois j’ai repensé à ce souvenir où, le regard balayant
l’espace de mes pieds à l’horizon bloqué, les yeux plissés
pour me protéger de la bruine, les mains gelées entre mes
genoux, je quittais mon nid. C’était hier.
Ma mère, incapable de se retourner, ne regardait pas
au même endroit que moi et, plutôt, m’offrait l’amour
de ses bras, trouvant la force de dire les mots qui font du
bien, qui rassurent.
— Je t’aime.
Je croyais que la paix se trouvait là, dans les retrou-
vailles avec un souvenir. Mais aujourd’hui, la brume
s’est estompée. Le soleil reluit sur le fleuve et les vagues
font onduler l’eau, scintillante. En amont, pêle-mêle,
s’imposent les montagnes à travers desquelles le fleuve
se glisse, tandis qu’en aval, il déferle de toute sa largeur,
majestueux, acclamé par les nuées d’oiseaux qui viennent
lui rendre hommage.
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épilogue
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Remerciements
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l’île sans pont
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