Vous êtes sur la page 1sur 23

OPENEDITION SEARCH Tout OpenEdition

Éditions de
la
Sorbonne
Être Parisien | Claude Gauvard, Jean-Louis Robert

Les habitués des


tavernes parisiennes
à la fin du moyen âge
ou les plaisirs
partagés
Mireille Vincent-Cassy
p. 231-250

Texte intégral
1 Les tavernes étaient si nombreuses à Paris vers 1425 qu’un
contemporain a pu avancer le chiffre de 4 000 établissements1, ce
qui est invérifiable faute d’archives suffisantes. Il n’existe en effet
pas de documents notariés pour la capitale médiévale, pas de
registres fiscaux entre 1313 et 1421, pas de séries continues de
documents fonciers ou de sources comptables. En outre, les
Parisiens de la fin du Moyen Age n’emploient pas le mot taverne
mais disent hôtel en ajoutant le nom de l’enseigne ou du tavernier
car le mot taverne relève seulement du vocabulaire de la
répression. Il n’est mentionné que dans les sources religieuses ou
réglementaires produites par la royauté ou la prévôté qui,
stigmatisant la taverne comme le « lieu de tous les péchés »,
présentent tous ses clients comme des « vagabonds et gens de petit
état » aux goûts grossiers.
2 Après avoir expliqué les origines du topos de la taverne comme une
menace à l’ordre social, je proposerai une étude de ce commerce et
de ses clients à travers des sources variées, censiers, dépositions de
témoins devant les justices parisiennes, littérature de
divertissement, poésie ou théâtre profane qui utilisent la taverne
comme argument scénique. En décrivant l’intérieur des
établissements de la capitale, les services qu’y recherchaient les
clients, j’étudierai un exemple de conversation de taverne pour me
demander si les propos échangés en ces lieux ne représentaient pas
le plaisir majeur des habitués et la meilleure manière de se sentir
parisien.

LES PECHES DE LA TAVERNE


3 La législation royale et prévôtale, bien connue par les travaux de
Bronislaw Geremek, qui vise à empêcher les ouvriers parisiens de
fréquenter la taverne après 13512, tire son origine du discours
religieux sur « les péchés de la taverne » dont la première mention
écrite date de 12703. Cette dernière a servi aux clercs à localiser les
péchés de l’économie monétaire s’opposant aux valeurs du monde
rural, féodal et monastique qui avaient soutenu la christianisation
des campagnes d’Occident. Repris mot à mot dans La Somme le
Roi, œuvre parisienne de 1279, le motif de la taverne comme
« fontaine des péchés » ou « église du diable » devient auctoritas
et s’intègre à partir du xive siècle dans les manuels de confession,
dans les recueils d’exempla comme le lieu de nouveaux
comportements peccamineux qui procèdent du péché capital de la
gourmandise4. Ainsi Jean Gerson ou le curé de Saint-Pierre-aux-
Bœufs, curés parisiens des années 1400, s’en inspirent-ils
fidèlement dans leurs prédications au peuple5. La littérature s’est
emparée du thème dès le xiiie siècle, le plus souvent sur le mode de
la dérision mais les comportements imaginaires des ivrognes à la
taverne restent dépendants du schéma du Miroir du Monde au
point qu’on les trouve identiques de Rutebeuf à François Villon. La
taverne provoque l’avarice prise dans son sens large car c’est un
lieu où l’argent intervient dans toutes les activités qui s’y déroulent.
Les buveurs gaspillent leurs gains et y dépensent plus que leur
salaire. Accusés de s’adonner aux jeux de hasard pour boire à
nouveau, ils s’endettent toujours plus au point d’affamer femme et
enfants. Le tavernier diabolisé pousse à la consommation, exige un
paiement immédiat quitte à confisquer les vêtements des buveurs
qu’il jette nus à la rue, comme cela arriva aux « Trois dames de
Paris » du conte de Watriquet de Couvin (1321) qui s’étaient
enivrées à la taverne, ou encore aux amis de François Villon. Jean-
Michel Mehl a montré dans ses travaux que 34% des jeux qu’il a
étudiés se déroulaient à l’intérieur de la taverne6, et étaient des
jeux d’argent.
4 L’ivresse des piliers de taverne se manifeste de trois manières
répré-hensibles inlassablement répétées. L’une génère la gaieté et
des péchés de paroles qui vont des chansons et contes mensongers
pour flatter et faire rire aux propos obscènes qui provoquent
l’adultère et pas seulement avec les prostituées. L’ivresse coléreuse
ensuite fait sourdre les injures, blasphèmes, coups et les violences
jusqu’à l’homicide. Le vin enfin fait somnoler de nombreux buveurs
qui ne peuvent plus se mouvoir et interrompent leur travail. Or
l’oisiveté est coupable pour tous ceux qui sont nés dans l’ordre des
travailleurs car ils refusent alors leur condition et pèchent en
espérance contre Dieu. L’insistance de plus en plus soutenue des
praticiens de la catéchèse sur cette forme de l’ivrognerie au cours
du xive siècle prend évidemment appui sur la conjoncture
économique et le manque de main-d’œuvre généré par la Peste et
les crises qui s’enchaînent. Les discours religieux et politique
s’appuient les uns sur les autres. C’est pour le salut de leur âme que
saint Louis, en 1254, interdit aux Parisiens de s’asseoir à la taverne
pour la réserver aux seuls étrangers de passage7, c’est pour
satisfaire les seigneurs fonciers qui manquent de main d’œuvre que
Jean Le Bon émet l’ordonnance de 1351 et menace de prison les
« ouvriers oisifs trouvés à la taverne ». Avant de leur interdire
l’entrée les jours ouvrables8, l’ordonnance de Charles VI de 1398
empêche les ouvriers de fréquenter les tavernes la nuit et dénonce
pour la première fois dans un texte législatif la « paresse » des
travailleurs qui y stationnent9. Ce nouveau péché mortel, qui
criminalise l’oisiveté, a en effet remplacé en France l’acédie (sorte
de spleen) depuis 1380 dans la liste millénaire des sept péchés
capitaux10. En 1417, en pleine guerre civile, le curé de Saint-Pierre-
aux-Bœufs, paroisse de la Cité, accuse en chaire les ouvriers qui
vont à la taverne d’être responsables de l’abandon des cultures de
la banlieue de Paris. De manière concrète, il leur fait répondre à
l’accusation de paresse : « Nous n’avons pas besoin de travailler
pour vivre »11.
5 Toutes les mesures prises contre les vagabonds qui désignent la
taverne comme source du mal, intègrent dans la même réprobation
« les gens de métier et de petit état », c’est-à-dire tous les
travailleurs ainsi criminalisés parce qu’ils y consomment des
mauvais vins foncés de gouais, un cépage qui produit deux fois plus
de vin que le morillon et coûte deux fois moins cher. Ce vignoble
prolifique poussant dans les terres de vallées correspond à la
diffusion d’une viticulture populaire née après 1350. On accuse
alors les vignerons de produire ce « mauplant » néfaste à la santé,
« engraissé avec des boues », qualifié de « puant » et « gras »12. Il
provoque la violence, donne « la rage » et rend ses consommateurs
semblables à des animaux. C’est le « vin de lion » que cite Jean
Gerson. Un exemplum ajouté en 1479 par le traducteur français du
Livre des Échecs précise sur ces ouvriers des tavernes : « Quand ils
sont ivres, ils veulent occuper la place des autres, ne plus rendre
service et cherchent à nuire »13.
6 Depuis la révolte parisienne de 1306 en effet, les chroniqueurs,
poètes ou écrivains comme Jean Froissart, le Religieux de Saint-
Denys, le Bourgeois de Paris, Eustache Deschamps ou Christine de
Pizan accusent les participants des révoltes de 1381, 1382, 1413,
1418 de « gourmander » les vins14. Jean Froissart situe dès 1380 la
rencontre des émeutiers qui, sous l’emprise de la boisson,
conspirent leur assaut contre les riches. Ce dernier reproche
désigne les tavernes comme le point de fixation de tout ce qui
s’oppose au salut de la société et à l’autorité de ceux qui en ont la
responsabilité sur terre. On jette le même discrédit sur les tavernes
de Londres ou de Florence alors que la quasi-majorité des tavernes
sont des lieux paisibles et conviviaux. Le vin n’est-il pas un
breuvage divin qui favorise la vertu de charité ?

NECESSITE DE BOIRE A LA TAVERNE


7 Symbole eucharistique, le vin était considéré au Moyen Âge comme
un aliment essentiel à la vie et un reconstituant dont on ne se
privait même pas en temps de carême et de jeûne. 11 ne faut pas
boire sans manger. Médecins et moralistes recommandaient de
mettre de l’eau dans le vin, mais en réalité personne ne mouillait
son vin à Paris car l’eau y avait mauvais goût et était polluée. La
consommation de vin à Paris était tout à fait considérable, autour
de 200 litres par habitant et par an à la fin du xiiie siècle, quantité
semblable à celles qui ont été calculées pour Tours ou Florence
(270 litres)15 Les particuliers pouvant disposer d’un tonneau chez
eux étant rares, le vin était acheté par petites quantités au pot. C’est
donc dans les tavernes que la majorité des Parisiens et surtout les
Parisiennes se procuraient le vin consommé à la maison. Eux ou
leurs domestiques restaient à la porte pendant qu’on remplissait
leur broc16. Les tavernes pullulaient car certains de ces débits « à
pot et huis coupé » étaient temporaires ; les ordres religieux, les
collèges, les particuliers, etc. ne les tenaient que le temps d’écouler
leurs surplus. Il suffisait de suspendre un cerceau au-dessus de sa
porte et de faire annoncer par l’un des vingt-quatre crieurs de la
ville le vin mis en vente, sa qualité et son prix17.
8 La consommation est bien évidemment liée à la qualité du vin. En
1360, le vin de Bourgogne ou de Saint-Pourçain vaut deux fois plus
cher que le bon vin d’Ile de France. Au xve siècle l’écart peut être de
un à quatre entre le vin de Beaune ou les vins méditerranéens
(grenache ou malvaisie) et les plus mauvais des vins de plaine tels
ceux de Conflans, Fontenay-sous-Bagneux ou Montreuil-sous-
Bois18. Bronislaw Geremek a calculé qu’un ouvrier parisien pouvait
vers 1360 se procurer une pinte de vin local (93 cl)
quotidiennement s’il y consacrait un tiers de son salaire comme le
feront les ouvriers de la fin du xixe siècle. Cette estimation n’a bien
entendu rien de constant car si les salaires restent stables au xve
siècle, les prix du vin varient considérablement en liaison avec les
aléas climatiques, la guerre, les mutations monétaires19.
9 C’est à la taverne qu’est bu l’essentiel du vin déchargé sur le port de
Grève. L’exiguïté de la plupart des logements, l’inconfort des
maisons courantes qui n’ont pour la plupart ni cheminée ni cuisine,
l’existence des « grabas », derniers étages des maisons loués aux
simples salariés qui ne leur servaient semble-t-il qu’à dormir, la
pratique du couvre-feu, le prix élevé des chandelles, la solitude des
nombreux immigrés qui se pressent à Paris, contribuent à ce que la
taverne accueille dès le petit matin les proches voisins pour la
soupe de vin puis plusieurs fois dans la journée pour se désaltérer
ou se reposer. On sait aussi qu’au Moyen Âge les gens ne buvaient
jamais seuls : aucun moraliste ne leur en fait le reproche.

LES CLIENTS
10 Ceux qui boivent ensemble se disent compagnons - expression qui
désigne le partage - même s’il ne dure que le temps d’une chopine
(demi-pinte). Les membres d’un même métier se retrouvent à la
taverne20, on peut y recruter un valet ou le hotteur dont on a
immédiatement besoin. C’est à la taverne la plus proche, celle de la
rue, « selon l’usage », note le procureur de la nation allemande,
qu’il donne rendez-vous à son maçon ; c’est à l’hôtel de Jehan
Trottin que se conclut l’achat d’un cheval21. Tous les voisins s’y
côtoient. Les clercs de l’église des Blancs-Manteaux eux-mêmes
fréquentent l’Hôtel de « l’Omme Anne » tout proche où ils
retrouvent les serviteurs du duc de Bedford venus en voisins à 10
heures du soir. Il y a même un « chien là présent »22. Je n’ai pas
trouvé dans les sources mention de repas de noces, de funérailles
ou de fêtes calendaires organisés à la taverne, mais cela se
pratiquait régulièrement dans la banlieue de Paris23.
11 Les femmes, autres que les prostituées, sont absentes des sources,
comme les vieillards et les enfants. On sait que les travailleuses
urbaines s’y restauraient, s’y distrayaient comme leurs maris et
avec eux. Elles s’y arrêtaient quand elles étaient en pèlerinage mais
sous protection masculine. Gilles le Muisit qui a vu des épouses
fréquenter les tavernes de Tournai leur reproche, sans les qualifier
de prostituées, de ne pas s’occuper de leur maison. La jeune femme
qui fréquente seule la taverne est en général considérée comme une
fille de mauvaise vie parce qu’elle n’est pas protégée par un homme
de sa famille. Le Dit de Watriquet de Couvin (1321) racontant que
trois dames de la bourgeoisie parisienne vont manger et boire
seules à la taverne participe au comique du conte mais relève de
l’imaginaire24. Les riches bourgeoises en effet ne pouvaient pas
circuler librement dans l’espace public car le souci de la distinction
sociale imposait un enfermement toujours plus strict des filles et
épouses au fur et à mesure qu’on s’élevait dans la société, comme le
montre Le Livre des Trois Vertus de Christine de Pizan. C’est
pourquoi on doit penser que les femmes de la bourgeoisie se
réunissaient chez elles pour boire, comme s’en plaignent leurs
maris dans Le livre de Matheolus ou dans les Caquets de
l’accouchée.
12 Les bourgeois de Paris, comme les nobles, ne sont pas mentionnés
dans les sources judiciaires fréquentant les tavernes. Ils ne
demandent jamais à bénéficier d’une grâce royale pour des faits
commis en ces lieux25. Ils ont la réputation de boire chez eux et du
« meilleur » comme le dit Georges Chastellain26. Les riches
marchands qui dorment, mangent, boivent ou s’y distraient sont
des étrangers à la ville27.
13 La coutume veut que les domestiques urbains boivent du vin
comme leurs maîtres, à la différence des valets de ferme qui n’y ont
pas droit, même s’ils servent un « coq de village ». Les paysans sont
d’ailleurs réputés ne boire que de l’eau, comme le mentionnent
Froissart, Christine de Pizan, Chaucer ou encore Villon qui les
plaint : « Et boivent de l’eau tout au long de l’année ». Les
domestiques représentaient alors environ un tiers des travailleurs
parisiens28. Les servantes fréquentaient elles aussi les tavernes
selon Christine de Pizan qui, dans son mépris à leur égard, les
assimile à des femmes de mauvaise vie. Christine les accuse en
outre d’y colporter les secrets de leurs maîtres à l’image des valets
du roi qui, selon Philippe de Mézières, y divulguaient la vie privée
de Charles VI29.
14 Depuis le début de la guerre de Cent Ans, militaires, chevaliers à la
recherche de profits, mercenaires en quête d’une solde, avec leurs
nombreux valets fréquentent avec assiduité les tavernes
parisiennes30. Le mouvement s’accélère au moment de la guerre
civile et pendant l’occupation anglaise comme le révèlent les lettres
de rémission des rois anglais octroyées à Paris entre 1422 et 1435.
Les professionnels de la guerre rencontrent en ces lieux des clercs :
moines gyrovagues, pèlerins, quêteurs ou membres du clergé en
déplacement, y compris des frères mendiants qui, selon leurs
coutumes, ont le droit de s’y désaltérer.
15 Tous les conciles depuis le haut Moyen Âge interdisent pourtant
aux prêtres la fréquentation des tavernes. Si les clercs mentionnés
dans les sources judiciaires sont toujours des faux prêtres ou faux
lettrés qui utilisent mal leur science pour y forger des faux
documents31, le clergé fournit les clients les plus assidus des
tavernes avec les étudiants. Étrangers à la ville, les étudiants sont
accusés de passer chaque jour tellement de temps à la taverne
qu’ils semblent y avoir élu domicile. Parmi les poèmes latins qu’ils
ont laissés, le plus célèbre d’entre eux commençant par « Quand
nous sommes à la taverne »32 les montre, ouvrant grande leur
gueule gourmande (de gula qui donne goliard, mot qui sert à les
désigner au xiie siècle). En 1349 Alvarez Pais, grand pénitencier
d’Avignon accuse toujours les étudiants parisiens de déserter les
cours de leurs maîtres pour se retrouver à la taverne33. Le topos
accompagne toujours au xve siècle la mauvaise réputation des
« martinets », ces étudiants libres non inscrits à une Nation et
immortalisés par François Villon34. Il ne semble d’ailleurs pas que
les étudiants aient eu des tavernes spécifiques selon leur origine
géographique ou leur cursus universitaires si l’on en croit le
registre de la nation allemande de la faculté des Arts. Celui-ci
mentionne une soixantaine d’établissements fréquentés par ses
membres, où maîtres et étudiants ont organisé leurs beuveries et
banquets entre 1333 et 1466. L’étude pionnière d’Emile Châtelain
utilise le mot taverne pour désigner les lieux de ces agapes alors
qu’il n’apparaît pas dans la source35, Le mot est certes commode
pour les historiens mais il recouvre d’autres réalités qu’une étude
du vocabulaire permettra peut-être de résoudre36.

LES MOTS POUR DIRE : TAVERNES,


AUBERGES, CABARETS, HOTELS ET
ENSEIGNES
16 Le mot taverne ne figure pas dans les documents fonciers comme
les censiers et les registres d’ensaisinement où seuls sont notés les
noms des enseignes qui n’ont aucune pérennité puisque rue des
Juifs par exemple aucune maison n’y porte la même enseigne dans
la quinzaine de registres du Temple conservés entre 1358 et 1499.
Ainsi la même parcelle reçoit l’enseigne du « Chapeau Rouge » au
xive et celle de « Pomme de pin » au xve siècle alors que plusieurs
maisons portent celle du Plat d’étain37. Autre exemple, la taverne
de « l’Omme Armé », rue des Blancs-Manteaux, connue par une
lettre de rémission de 1432, ne figure jamais dans les censiers des
Billettes avant 1556. Le mot tavernier est rare dans ces documents
qui enregistraient de porte à porte, à la suite les uns des autres, les
noms et la profession des propriétaires qui devaient payer le cens à
leur seigneur. Comme dans les registres de la taille, il est
impossible de savoir si le tavernier exerce ses fonctions là où il paie
l’impôt ; il est aussi impossible de repérer les taverniers salariés
d’un seigneur ou locataires de leur taverne. Le silence des sources
sur ce commerce très particulier interpelle l’historien d’autant que
les rares mentions de cette activité s’accompagnent le plus souvent
de celle de marchand comme pour ces trois taverniers qui paient
leur cens rue des Bouchers entre 1478 et 149338.
17 Ce silence me semble venir, en amont du discours clérical vu
précédemment, de la connotation péjorative que l’antiquité
donnait déjà à la taberna ou caupona en l’opposant à l’hospitium,
l’hospitalité gratuite. Cette dernière reste le paradigme des
comportements monastiques et chevaleresques de la littérature. Je
pense que c’est l’une des raisons pour laquelle les contemporains
n’utilisent pas le mot taverne, ni François Villon39 ni le procureur
de la nation allemande de l’Université de Paris qui ne note dans
son livre de comptes que le nom de l’enseigne où ont lieu les
banquets et beuveries des maîtres et des étudiants alors qu’il note
la justification de ces agapes : fête du saint patron, élection d’un
nouveau maître, visite d’un nonce, etc.)40. Est-ce parce que le droit
canon interdisait l’entrée des tavernes aux clercs ?
18 Le Registre criminel du Châtelet offre le plus grand nombre des
occurrences du mot taverne mais il ne s’applique en général qu’à
des débits de boisson qui n’ont pas de nom. Ainsi ils « burent en
une taverne es halles », « buvent une chopine de vin en une
taverne » ou « il but dans une taverne près de Saint-Marcel »41.
L’expression « estant » qui accompagne ces témoignages désigne la
position debout, qualificatif qu’on trouvait déjà au xiiie siècle dans
le Jeu de Saint Nicolas, première pièce de théâtre profane
arageoise mettant en scène une taverne urbaine. Je suppose donc
que les contemporains prononcent le mot taverne pour désigner le
débit de boisson où l’on boit debout devant un comptoir ou un
buffet qui débordait sur la rue. Dans tous les autres cas, les
habitués de ces établissements (que j’appelle taverne par
commodité), utilisaient le nom de l’enseigne tout en qualifiant le
lieu d’hôtel ou de maison accompagné quelquefois du nom du
tavernier. Ainsi des témoins précisent : « Aller boire en l’ostel où
pend l’enseigne de l’Omme Anne »42, ou bien « à l’enseigne des
Maillez, l’ostel Jehan Daupin », « en l’ostel de Symon Poette,
demourant en la Truanderie à l’enseigne de l’Escu de France »43.
19 A Paris, certaines tavernes ont des chambres à l’étage et hébergent
des étrangers, fonction qui relève théoriquement de l’auberge. Il est
impossible de distinguer les deux types d’établissements qualifiés
l’un et l’autre d’hôtels, d’autant que les aubergistes servent aussi du
vin ou des repas qu’ils se procurent chez les professionnels de
l’alimentation. Il en est de même pour les habitants qui faisaient
chambre d’hôte, ils semblent avoir été très nombreux à Paris44.
L’écurie caractérise normalement l’auberge, or à Paris les
taverniers accueillent aussi les chevaux. Eustache Deschamps se
plaint des prix prohibitifs que pratiquent ces derniers pour loger et
soigner ses chevaux. Les serviteurs pouvaient aussi être hébergés à
« l’étable », terme qui à Paris désigne l’écurie45. Hôtels et tavernes
se confondent en outre avec le cabaret. Le mot formé de cambrete
(petite chambre) apparaît au xiiie siècle dans les textes littéraires46
et désigne l’établissement dans lequel on s’assoit pour manger
autour d’une table (l’assiette) garnie d’une nappe un repas préparé
sur place. Le mot « assiette » est mentionné dans les prescriptions
de la police parisienne après 1371, plus souvent lié à « boire à
assiette » qu’à « manger à assiette ». Les clients se distinguent
donc selon leur position, debout ou assis. Le système de
« l’assiette » est en effet essentiel car il permet aux clients de rester
longtemps à la taverne, d’y devenir des habitués. Cette posture
facilite la cohésion sociale, l’intégration des nouveaux qui
s’assoient à côté de clients qu’ils ne connaissaient pas auparavant.
S’il n’est pas certain que les clients aient partagé leur verre à deux
comme cela se pratiquait habituellement, les compagnons
partageaient le même pain (tranchoir) comme le rappelle
l’étymologie du mot (cum panatio). Les tables sont installées en
permanence à la taverne, offrant une sorte de « séjour », un service
qui n’existe nulle part ailleurs, dans aucune demeure, pas même à
la Cour, où les courtisans sont debout et ne s’assoient que quand
les tables sont dressées pour les repas. Les jeux de la taverne sont
essentiellement des « jeux de table »47. Assis sur des bancs ou des
tabourets, « attablés », les clients peuvent discuter, raconter des
blagues, écouter les ménestrels, regarder les jongleurs, et courtiser
les femmes qui s’y trouvent. Ces établissements remplissent une
fonction essentielle de la vie urbaine et c’est pourquoi, comme dit
Guillebert de Metz, il y en a tant à Paris.

GEOGRAPHIE DES TAVERNES, LEUR NOMBRE


20 On les reconnaissait au cerceau qui pendait au-dessus de la porte ;
cerceau de tonneau en bois ou cerceau fait de feuillage pour les
tavernes temporaires48. Véronique Terrasse a dressé une carte des
tavernes et auberges de Paris à partir du rôle de la taille de 1313 qui
mentionne la profession des contribuables qui ont payé l’impôt49. Il
manque donc les plus modestes de ces commerces ainsi que ceux
qui pour des raisons diverses furent dispensés de payer l’impôt Ce
document révèle 515 taverniers qui se situent le long des grands
axes de circulation (rue Saint-Denis, rue Saint-Jacques, rue Saint-
Martin, rue de la Harpe et à la Croisée de Paris (avec la rue Saint-
Antoine). Une concentration notable de tavernes et auberges se
remarque autour de la place de Grève, des halles de Champeaux,
dans l’île de la Cité où s’activent les officiers du Parlement, les
plaideurs, les avocats et tous ceux qui travaillent pour
l’administration royale ou prévôtale. Enfin le Quartier latin
concentre un grand nombre d’établissements. Un siècle après, le
rôle de la taille de 1421 ne mentionne plus que 58 taverniers parce
que l’assiette de l’impôt a changé. La topographie reste stable sauf
que le quartier à vocation textile de Saint-Marcel, au sud de la ville,
révèle désormais un plus grand nombre d’établissements que le
quartier latin. La carte des marchands de vin dressée par Jean
Favier à partir des comptes de celleriage de 1458 coïncide à peu
près avec la carte précédente50. Si à l’ouest de Paris, près du
château du Louvre, les taverniers font encore des affaires, à l’est,
près de l’ancienne résidence du roi à Saint-Paul, on ne note plus
aucun commerce de vin51. Là où résidaient les nobles courtisans et
les serviteurs du roi avant les massacres de la guerre civile de mai-
juin 1418 vivent désormais les officiers de l’administration royale52
qui ne vont pas à la taverne et ne se font pas livrer de vin. Sans
doute, comme tous les nobles de robe, boivent-ils celui de leurs
vignes, signe de distinction sociale et font-ils taverne temporaire
chez eux avec leurs surplus. Devant l’impossibilité d’une
quelconque comptabilité des tavernes parisiennes, que peut-on
penser des 4 000 établissements estimés par Guillebert de Metz ?
C’est sans doute trop pour les 120 000 habitants estimés pour les
années 1425 car cela donnerait une taverne pour 30 habitants ou
cinq feux en comptant les enfants. Quand on rapproche ces chiffres
à ceux d’Ypres53 où il était interdit d’ouvrir une taverne pour moins
de huit feux (40 habitants) hors des tavernes occasionnelles, on
peut penser que l’estimation avancée par Guillebert de Metz n’est
pas aussi irréaliste qu’on a pu le dire jusqu’à présent. Le nombre et
l’emplacement des tavernes sont en outre aussi mouvants que les
enseignes parce n’importe quelle maison semble convenir à cette
d’activité comme le prouve, rue des Blancs-Manteaux, le
changement d’activité d’un hôtel vendu par un tavernier à un
tisserand en 137754. On peut faire taverne partout.

DES ESPACES INTERIEURS DIFFERENTS


POUR DES CLIENTS SOCIALEMENT
DIFFERENTS
21 Comment l’espace intérieur était-il organisé ? On ne possède aucun
document foncier nous décrivant la structure de ces
établissements, aucune visite de maçon, aucun inventaire.
L’historien serait très démuni sans les renseignements apportés
par les archives judiciaires parisiennes. On a vu que le premier type
de taverne mentionné par le registre criminel du Châtelet est la
simple buvette ouverte sur la rue. C’est le « bouge » où l’on tire le
vin à la demande des clients55. Dès que l’espace s’agrandit, quand il
y a un cellier pour conserver les tonneaux, souvent en sous-sol, la
salle plus grande laisse l’espace aux clients assis56. Certains
établissements ont une chambre à l’étage57, avec fenêtre donnant
sur la rue58. Une querelle qui se déroule à l’hôtel de la Souche en
1424 décrit l’escalier à vis qu’il fallait emprunter59. Quand une
chambre basse est mentionnée, elle est sombre, insalubre, si
bruyante et enfumée qu’un chirurgien demande qu’on en retire un
malade qu’il visite60. Les puits sont très rares61. Certains hôtels
disposent d’une cour qui pouvait servir aux jeux de dehors - quilles,
boules - dont les mentions sont abondantes dans ces textes
d’origine judiciaires62. La taverne de la Pomme de Pin jouxtait un
terrain de jeu de paume en 1391.
22 Le mobilier cité dans les procès montre des clients à leur « escot »,
qui se lèvent et se rassoient, changent de tables, ce qui prouve qu’il
existe des grandes tavernes à plusieurs tables63. Ces dernières sont
garnies de nappes64.
23 La très grande variété des pièces de la vaisselle de table pour
lesquels les taverniers parisiens ont déposé des plaintes pour vol
(plus de 80 objets) devant la justice criminelle du Châtelet entre
1389 et 1392 suggère un traitement différent des clients selon
l’endroit où ils consommaient. A qui en effet servait l’abondante
vaisselle d’argent : hanaps, écuelles, gobelets, cuillères, couteau de
femme à virole d’argent ? et la vaisselle d’étain : plats, saucières,
salières ? Quand un tavernier dénonce le vol de sept saucières
d’étain65, on peut penser qu’il ne s’agit pas de la vaisselle de son
ménage privé mais bien de celle de son commerce. Cette vaisselle
coûteuse n’était-elle pas réservée aux clients des chambres hautes ?
Selon les lettres de rémission, les gens du peuple étaient servis
dans des godets et des pots de terre66. On imagine que quand les
envoyés du roi d’Angleterre se restauraient au « Château Fêtu »,
quand le duc de Bourgogne descendait à « l’hôtel de la Mule », ces
nobles clients ne se mélangeaient pas aux charretiers, ne buvaient
pas dans le même gobelet de terre qu’eux mais dans un hanap
d’argent avec ceux de leur milieu. Dans le fabliau qui se déroule à
Compiègne, les aveugles demandent une loge à l’étage, au « solier
où furent servis comme chevaliers »67. Le poème goliard « Quand je
suis à la taverne » laisse croire que clercs, étudiants, nobles,
bourgeois, valets, marins, pèlerins communiaient assis côte à côte
dans les mêmes plaisirs de la taverne. Cette vision relève d’un
imaginaire littéraire qui n’a pas pu exister. Les mentions de
chambres hautes, de vaisselles de différentes qualités, rappellent
que dans la société médiévale, outre la naissance, le statut imposait
un traitement différent des clients selon leur richesse. Qu’y a-t-il de
commun entre les clients d’une taverne parisienne ? N’y a-t-il pas
une culture du plaisir à la taverne qui transcenderait les groupes
sociaux ?

LES PLAISIRS
24 Quels services, quelles satisfactions, quels plaisirs en attendaient
les clients en passant la porte d’une taverne ? Y a-t-il des plaisirs
parisiens ?
25 La littérature de divertissement aide à répondre à cette question
tant à travers la poésie que le théâtre profane qui fleurit à la fin du
xve siècle. On sait que les tavernes ont abrité les premiers
tréteaux68. C’est donc tout naturellement que les auteurs qui
voulaient faire rire, comme les clercs de la Basoche, en ont fait un
espace scénique.
26 La taverne offre d’abord « l’aise du corps ». A la fois espace privé et
lieu public, bouge enfumé donnant sur la rue ou chambre haute à
l’abri des regards, les consommateurs y ressentaient une sorte
d’intimité, une protection corporelle et un bien-être qui varie selon
les saisons.
« A-t-on froid ? on s’i chauffera
Ou chault ? on s’y rafreschira »69.

27 Il semble qu’à Paris l’espérance d’un feu ait été considérée comme
un plaisir majeur70. Eustache Deschamps dans un texte dédié à une
société de buveurs de sa ville natale de Vertus décrit le feu de la
taverne qui chauffe le dos et « se fait sentir aux os »71. François
Villon montre le geste de celui qui se brûle la plante des pieds72.
Est-ce la flamme d’un feu de cheminée ? Les bûches conservées
dans le grenier de l’hôtel de la Limace73 le laisseraient supposer.
Les archives foncières révèlent peu de cheminées dans les maisons
courantes parisiennes mais le brasero était courant comme le
révèle cet ordre d’un tavernier : « Et fit du charbon au feu
mettre »74. Comme la coutume voulait qu’on mange toujours un
peu quand on buvait, les taverniers parisiens avaient le droit de
vendre du pain qu’ils offraient avec différents accompagnements
qui ressemblaient aux tapas espagnols actuels, sauf que le
tavernier devait aller chercher ces mets dans d’autres commerces
de sa rue. Le fromage est le plus souvent cité. Ainsi un témoin en
justice décrit un accusé consommant à la taverne du pain et du
fromage à la pointe de son couteau75 Le fromage est réputé être
aliment de paysan76 mais le hareng est le mets de taverne par
excellence qu’il soit fumé (sors) ou salé (caque). Il donne toujours
soif. Ainsi les « Trois dames de Paris » commandent-elles d’entrée
« trois harengs salez » et un pot du vin le plus fort.
28 La gourmandise est au Moyen Âge liée au cuit et au chaud. Vu le
faible équipement technique des maisons pour la cuisson, c’est à la
taverne que la plupart des Parisiens pouvaient satisfaire leurs
papilles. Le tavernier faisait crier son pain chaud, proposait du
fromage cuit ou des harengs chauds pour mieux attirer les
chalands. Souvent les clients apportaient leur nourriture de
l’extérieur, déjà cuite comme ces accusés du Parlement de 1328 qui
mentionnent le pain, le poisson, ou encore une oie cuite achetés
avant d’entrer à la taverne77. En concurrence avec les cuisiniers,
charcutiers et pâtissiers qui faisaient ces petits pâtés « escaudés »78
si recherches par les étudiants, les taverniers proposaient aussi des
plats chauds préparés sur la braise. Parmi ceux-ci les
« carbonnées » sont des grillades de « bacon ou autres bouchées de
viande », « bons morceaux » qui font le « déduit » de la taverne
selon Renart le Contrefait et que François Villon qualifie de
« savoureux, friants, ou chiers »79. Certains clients apportent des
aliments crus, à cuire au gril, mais aussi des denrées nécessitant
une longue cuisson comme ces lamproies que le voyageur
Hieronimus Münzer s’est procuré aux halles des Champeaux en
149580. Tout ceci suppose donc la présence à la taverne d’une
personne affectée à cette cuisson et au lavage de la vaisselle81. Ces
préparations grillées sur des braises donnaient aux tavernes une
atmosphère enfumée caractéristique qui participait des délices du
lieu comme les vante la « Devise aus lecheors » : « Bon mange /
andouilles salées / tripes enfumées »82. Les tripes sont au xive
siècle le plat le plus apprécié des habitués parisiens, au point que
selon Philippe Ménard, l’expression « aller à la tripe » désigne la
taverne du xive siècle. C’était au xiiie siècle le plat des portefaix de
la place de Grève selon le Roman de la Rose, celui des couvreurs du
« Renart le Contrefait » qui en mangeaient dès le matin, celui que
réclame la bourgeoise parisienne Tiphaine dans son ivresse
comateuse. A la fin du xive siècle, Eustache Deschamps écrit une
ballade contre les tripes qu’il n’aime pas, quoiqu’elles soient
devenues en son temps au goût de tout le monde : clercs, nobles,
princes et « petits compagnons », « chascun veut des tripes
manger ». Il s’agit selon sa description de tous les abats : tête de
veau, trotignons (pieds), rognons, gras double, etc. qui dégagent
une forte odeur en cuisant « s’elles flairent sur le rostier »83. Les
tripières les vendaient déjà cuites à l’eau dans des bassines selon
« La farce nouvelle de la tripière à trois personnages »84. Les
taverniers se chargeaient de les apprêter au gril.
29 Eustache Deschamps tenait ce plat pour méprisable parce qu’il y
voyait un aliment pour travailleurs, et non un plat pour nobles et
gens distingués. En effet, selon le schéma de la société tripartite, à
chaque catégorie sociale correspond une alimentation distincte.
Les nobles, et le haut de la société ne devaient consommer, selon
les « régimes de santé », que des aliments célestes comme les
oiseaux, des fruits qui poussent en haut des arbres et des vins
vermeils, clairs et transparents car leur plaisir alimentaire est
cérébral et lié à la vue. A l’opposé les travailleurs destinés par
nature aux tâches sales et terrestres n’appréciaient que les viandes
faites des ruminants, les légumes issus de la terre, les tripes et un
vin épais et foncé pour fortifier leur nature85. Le discours sur les
péchés de la taverne étudié plus haut n’envisageait d’ailleurs
l’ivresse que comme un vice des gens du peuple provoqué par les
vins locaux, lourds et bon marché comme si les travailleurs
n’avaient pu trouver leur plaisir dans les vins fins que buvaient les
princes et les riches bourgeois de Paris. Or les gens du peuple
connaissaient non seulement l’existence des vins de Saint-
Pourçain, de Beaune ou de la Méditerranée... qui étaient vendus
dans les tavernes parisiennes, mais ils savaient, à défaut de pouvoir
en consommer faute de moyens financiers suffisants, en parler,
comme un plaisir de la taverne qui distingue les habitués parisiens
de ces lieux des nouveaux immigrés.
30 En 1483, une lettre de rémission mentionne que trois compagnons
mécontents du mauvais vin que venait de leur servir un tavernier
parisien réclamèrent du vin de Beaune « fort et bon »86. Il ne s’agit
pas de la « bonté » du vin relativement aux humeurs comme le
mentionnent les traités d’œnologie, mais de la revendication d’un
plaisir gustatif qualifiable. Cette démarche est tout à fait nouvelle.
En effet pendant des siècles, d’Aristote à Thomas d’Aquin, le goût a
été considéré comme le plus terrestre des sens du corps parce que
lié au toucher87 (de la langue), forme la plus vile de la
concupiscence. Or la taverne a permis que se développe non
seulement un plaisir gustatif commun aux différents clients pour
des aliments comme les tripes ou les « vins fins », ce qui est à
proprement parler un scandale pour les moralistes, puisqu’il n’y a
plus de distinction sociale dans ce que les gens mangent ou
boivent, mais la taverne est devenue une école du goût où les
nouveaux immigrés à la capitale apprennent les sciences de la
dégustation et le vocabulaire correspondant. Pour le peuple
parisien, ces séances d’apprentissage ne pouvaient avoir lieu que
dans les tavernes, îlots de la gourmandise urbaine.
31 Quand le procureur de la nation allemande énumère les dépenses
faites dans les tavernes de la ville, il révèle que la recherche de la
qualité du vin propter bonitatem vint explique les changements
perpétuels d’établissements88. Les brèves mentions qualificatives
signalent l’importance du plaisir gustatif dans les démarches de
consommateurs quotidiennement sollicités dans leur gourmandise
par les crieurs de la ville qui annonçaient chaque arrivage de vin au
port de Grève. Seule la littérature permet d’appréhender cette
motivation du plaisir. Ainsi les scènes de taverne du théâtre
profane proposent des séances de dégustation pour reconnaître les
bons vins. Les clients imaginaires y sont de vrais œnologues qui
parlent du vin en faisant intervenir tous leurs sens corporels : la
vue, l’odorat mais aussi l’impression sur la langue. Dès le xiiie
siècle, Jean Bodel révélait la force des papilles en comparant la
sensation produite par le vin aux mouvements d’un écureuil sur la
langue. Un siècle plus tard, à Paris en 1321, l’une des Parisiennes
du conte de Watriquet de Couvin explique à sa compagne qu’il faut
garder longtemps le vin en bouche pour apprécier sa douceur et le
plaisir de la déglutition. Enfin dans une farce de 1480 qui se
déroule à la taverne, une chambrière propose du vin à un aveugle.
Elle lui suggère de commencer par le sentir puis, une fois qu’il
l’aura bien réchauffé en bouche, de respirer un grand coup avant
d’avaler pour en éprouver toutes les saveurs89.
***
32 Ces cours de dégustation du vin transcendent les catégories
sociales et montrent que les habitués étaient des consommateurs
avertis, de fins connaisseurs bien éloignés de la caricature des
piliers de taverne aux goûts grossiers que colportaient les
littératures de la morale et de la répression sociale. Le plaisir des
clients des tavernes n’est donc pas seulement de satisfaire une
gourmandise individuelle mais de partager des connaissances et
des valeurs communes - ici sur la qualité des vins mais on pourrait
étudier d’autres thèmes. C’est donc dans les tavernes que les
récents immigrés à Paris faisaient cet apprentissage parce la ville
était un grand centre de commerce où transitaient les vins venus de
loin. Si le théâtre profane a mis en avant des scènes de taverne où
l’on échange des propos sur le vin c’est parce qu’elles offraient des
situations où les spectateurs pouvaient reconnaître leur propre
vécu. On peut donc raisonnablement penser que le plaisir le plus
grand qu’offrait la taverne était la conversation. N’est-ce pas en
parlant, par les propos qu’on échange en mangeant, en buvant ou
en jouant qu’on est reconnu comme un habitué des tavernes et
qu’on devient parisien ?
Notes
1. « Description de la ville de Paris sous Charles VI par Guillebert de Metz »,
dans Paris et ses historiens aux xive et xve siècles, Le Roux de Lincy éd. cl dans
L. M. Tisserand, Histoire générale de Paris. 1867. p. 232. rep. Caen, 1992, p.
162 ; J. Favier. Paris au xve siècle, Paris 1974, p. 53-93 ; S. Roux, Paris au
Moyen Âge, La vie quotidienne, Paris, 2003.
2. B. Geremek, Les marginaux parisiens aux xive et xve siècles, Paris, 1976, p.
31. n. 125-151.
3. Le Miroir du Monde, F. Chabannes éd., Lausanne. 1845, p. 164-172 ; M.
Vincent-Cassy, « Between sin and pleasure : Drunkness in France in the Late
Middle Ages », dans The garden of Evil. The vices and culture in the Middle
Ages, R. Newhauser dir., Toronto, sous presse.
4. L’ivresse est en outre une forme de la gourmandise : E. Brayer, « Contenu,
structure et combinaisons du Miroir du Monde et de la Somme le Roi »,
Romania, t. 79, 1958, p. 1-38, 433-470 ; Bibl. nat. de Fr., Ms fr 944, fol. 72 v-73 ;
Pseudo Vincent de Beauvais Speculum morale, 3. 8. 4, dans Vincentii Burgundi
speculum quadruplex sive maius, Douai, 1624, repr. Graz, 1964, t. 3, p. 1362.
5. Jean Gerson, Œuvres complètes, P. Glorieux éd., Paris, 1968, t. 7 (2), p. 809,
Petrus Boves, Bibliothèque universitaire de la Sorbonne, Ms Sorb 757, fol. 126-
127.
6. J.-M. Mehl, Les jeux dans le Royaume de Fiance du xiiie siècle au début du
xvie siècle, Paris, 1990, p. 247.
7. N. de La Mare. Traité de police. Paris, 1722, t. 3, p. 722 : Fr.-A. Isambert,
Recueil général des anciennes lois françaises, t. 1, Paris, 1821, N 170, art. 36.
8. R. de Lespinasse, Les métiers et corporations de la ville de Paris, Paris, 1886,
t. 1, p. 2 : Ordonnances des rovs de France de la troisième race. Paris, 1723, t. 2,
p. 564.
9. N. de La Mare, Traité de police, op. cit., t. 3, p. 722.
10. Eustache Deschamps, Œuvres complètes, marquis Queux de Saint-Hilaire
éd., Paris, 1878-1904, t. I, ballade 163 ; M. Vincent-Cassy, « Quand les femmes
deviennent paresseuses », dans Femmes, mariages, lignages xiie-xve siècles,
Mélanges offerts à Georges Duhy, Bruxelles, t. 1, 1992, p. 430-447.
11. Salis habemus unde vivere, non est nobis necesse laborare. Bibliothèque
universitaire de la Sorbonne. Ms Sorb. 747, fol. 17.
12. R. DION, Histoire du vigne et du vin en France, Paris, 1959. p. 461-468 ;
Eustache Deschamps, Œuvres complètes, op. cit., t. 9, ballade 339 ; ordonnance
du duc de Bourgogne de 1395 reproduite par A. Gottoschal, Histoire de
l’alimentation el de la gastronomie, Paris, 1849, t. I, p. 393 ; M. Lachiver a
calculé, pour le xixe siècle, que le « gamais » ou « gouais » permettait ce
rendement de 50 hl à l’hectare contre 20 pour le « pinot » ou son appellation
parisienne de « morillon ».
13. Jacques de Cessoles, Le livre du jeu d’échecs, J.-M. Mehl éd. et trad., Paris,
1995, p. 109.
14. Par ex. : Jean Froissart, Chroniques, S. Luce et alii éd., 1. 10. Paris, 1970, p.
117 ; Michel Pintoin, Chronique du Religieux de Saint Denys contenant le règne
de Charles VI, L. Bellaguet éd. et trad., Paris, 1839-1852, repr. 1994. t. 1. p.
130. 142 ; Christine de Pizan, Le livre du Corps de Policie, R. H. Lucas éd.. p.
197.
15. G. Fourquin, Les campagnes de la région parisienne à la fin du Moyen Age,
Paris, 1964, p. 113, n. 277, cite une production de 460 0000 litres (pour 200 000
habitants) à la fin du xiiie siècle ; P. Thibaut, « Les Parisiens et le vin à la fin du
xve siècle », Paris et Ile-de-France, t. 35, 1984, p. 131-149.
16. Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, L. Douët D’arcq
éd., Paris. 1864, t. 2, pièce 117, p. 220.
17. N. de La Mare, Traité de police, op. cit.. t. 3, p. 760 : Ordonnances des rois
de France, op. cit.. t. 21, p. 26.
18. R. Dion, Histoire du vigne..., op. cit., p. 238-40 ; J. Lorenzi, « Le commerce
du vin à Paris au Moyen Âge », dans La Cité, Bulletin de la société historique du
IV arrondissement, 1938, p. 239-67.
19. Journal d’un bourgeois de Paris (1405-1449), Tuetey éd., rev. par C. Beaune,
1990 (index au mot vin) ; Journal de Jean de Roye. ou Chronique scandaleuse
(P. Mandrot éd., Paris, 1896, t. 2, p. 109) signale que la pinte de vin passe en
1481 de 4 à 12 deniers.
20. B. Geremek, Les marginaux, op. cit.. p. 312-313 ; C. Gauvard, « De grace es-
pecial ». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Age. Paris, 1991, p.
515-518.
21. Registre du Châle/et (1389). op. cit.. t. l, p. 128.
22. A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise (1420-1436), Paris, 1878,
p. 345.
23. R. Vaultier, Le folklore pendant la guerre de Cent ans d’après les lettres de
rémission, Paris, 1965, p. 20-25, 43-47. 77-88.
24. Ph. Ménard, Fabliaux français du Moyen Âge, t. 1, Genève, 1979.
25. C. Gauvard, « De grace especial », op. cit., p. 450.
26. Georges Chastellain. Le Miroir de mort, T. Van Hemerlyck. éd., Louvain-la-
Neuve, 1995, vers 305. p. 74.
27. C. Gauvard, « De grace especial », op. cit., p. 501.
28. B. Geremek, Les marginaux..., op. cit., p. 284.
29. M. Vincent-Cassy, « Dedans dehors, les domestiques à la fin du Moye Âge »,
dans Das Öffentliche and Private in der Vormodeme, G. Melville et P. Von Moos
dir., Cologne-Weimar-Vicnne, 1998, p. 499-525.
30. C. Gauvard, « De grace especial », op. cit., p. 528.
31. P. Champion. « Notes pour servir à l’histoire des elasses dangereuses en
France des origines à la fin du xve siècle », dans L. Sénéan. Les sources de
l’argot ancien, 1. 1. Paris. 1912, p. 3X3.
32. In taberna quando suinus. attribué à Pierre de Blois (1135-1212), C. Wollin
éd., dans Petri Blesensis carmina. Corpus Christianorum cont. Mediev., vol.
12X, Turnhout 1998, p. 564-561.
33. Alvaro Pais, Status et planctus Ecclesiae, M. Pinto de Meneses éd., vol. 5,
Lisbonne, 1995. p. 334-335.
34. François Villon, Poésies complètes, C. Thiry éd., Paris, 1991, rééd. 2001 ; P.
Champion. Villon, sa vie et son temps (1913). Paris. 1984, p. 67-82 ; .1. Favier,
François Villon, Paris, 19X4, p. 163-191.
35. É. Châtelain, « Notes sur quelques tavernes fréquentées par l’Université de
Paris aux xive et xve siècles », dans Bulletin de la Société de I Histoire de Paris,
Paris, 1898, p. 87-109.
36. H. C. Peyer, Von der Gastfreundschaft zum Gasthaus, Studien zur
Gastlichkeit im Mittelalter, Hanovre, 1987 ; G. Paoli. La taverne au Moyen Age
à Arras et dans l’espace picard, thèse de lettres, Université Paris IV- Sorbonne,
1986.
37. C. Gurvil, La rue des juifs, élude socio-topographique d’une rue parisienne
(XIVe-XVe s.), maîtrise d’histoire, Université Paris VII, 1999, p. 54.
38. Études de microtopographie parisienne faites dans le cadre de leurs
maîtrises par H. Couot, S. Berthou, B. Montaner en 1999-2000, Université Paris
VII.
39. J. Dufournet, Nouvelles recherches sur Villon, Paris, 1980.
40. Apud Barbant auream, ad Castrum, dans Corona, 2, 900. 21 ; ad Malletos,
1, 28. 26.
41. Registre du Châtelet. op. cit., t. 1, p. 455 ; p. 61.
42. A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, op. cit., p. 344.
43. Registre du Châtelet. op. cit., t. 1, p. 34-35 ; t. 2. p. 252.
44. Le temps d’un procès au Parlement, par exemple : Confessions et jugements
de criminels au Parlement de Paris (1319-1350). M. Langlois et Y. Lanhers éd.,
Paris, 1971. p. 52.
45. R. de Lespinasse, Les métiers et corporations..., op. cit., t. 1, p. 42 ; Eustache
Deschamps, Œuvres complètes, op. cit., ballades 1246 et 1291, t. 6, p. 256 et
298 ; ballade 1374, t. 7, p. 69.
46. « Dedans le cabaret », Li Romans de Baudoin de Sebourc (début xive siècle),
L. BOCA éd., Valenciennes, 1841,p. 209, vers215.
47. J.-M. Mehl, Les jeux..., op. cit., p. 140-151.
48. Ordonnance de Charles VII de février 1415 : « Nul ne peut vendre à détail
sans cerceau » ; N. de La Mare, Traité de police, op. cit., t. 3, p. 763.
49. V. Terrasse. « Le réseau géographique des lieux de sociabilité, xiiie-xve
siècle », Sources, travaux historiques, n° 28, 1991-1992, p. 22.
50. J. Favier, Les contribuables parisiens à la fin de la guerre de Cent ans des
rôles d’impôts de 1421, 1423 et 143S, Paris, 1970.
51. J. Favier, Paris au xv siècle, op. cit.. p. 309 ; P. Champion, « Liste des
tavernes de Paris d’après des documents du xve siècle », Bulletin de la société de
I •Histoire de Paris et de l’Ile de France. 1912, p. 259-267.
52. Selon les recherches faites sur les censiers médiévaux du Temple et des
Billettes par les étudiants de maîtrise de l’Université Paris VII (voir ci-dessus, n.
38).
53. J. Toussaert, Le sentiment religieux en Flandre à la fin du Moyen Age.
Paris. 1963, p. 388.
54. 12 décembre 1377, Arch. nat., MM 132, fol. 66 v.
55. Registre du Châtelet. op. cit.. t. I. p. 138 . 181. 557 ; t. 2, p. 424.
56. Les déchargeurs de vin sont payés 9 deniers au lieu de 6 s’il y a des
« degrez » en 1351 : R. de Lespinasse, Les métiers et corporations.... op. cit.. t. 1,
p. 12.
57. Registre du Châtelet. op. cit., t. 1, p. 128.
58. Confessions et jugements de criminels..., op. cit., p. 64.
59. A. Longnon, Paris pendant la domination anglaise, op. cit.. p. 139.
60. Registre du Châtelet, op. cit., t. 2, p. 112.
61. Ibid., t. 2, p. 496.
62. J.-M. Mehl, Les jeux..., op. cit., p. 246-271.
63. A. Longnon. Paris pendant la domination anglaise, op. cit., p. 2.
64. Registre du Châtelet, op. cit., t. 1, p. 38 ; t. 2. p. 257.
65. Ibid., t. 2, p. 253.
66. C. Gauvard, « De grâce especial », op. cit., p. 211.
67. Cortebarde, « Les trois aveugles de Compiègne », dans Fabliaux français du
Moyen Âge, Ph. Ménard éd., Genève, 1979, t. 1, p. 112.
68. G. Paoli, « Taverne et théâtre au Moyen Âge ». dans 115e Congrès des
Sociétés Savantes d’Avignon, Paris, 1991, p. 76-82.
69. « Monologue d’un clerc de taverne » dans Anciennes poésies françaises, M.
D. Méon éd., Paris, 1870, t. 11, p. 48.
70. « La devise aux lecheors », ibid., t. 1, p. 302.
71. Eustache Deschamps, Œuvres complètes, op. cit., t. 7. p. 328, vers 157-168.
72. Ibid, « Le lais XX », vers 157-160.
73. Registre du Châtelet, op. cit., t. 1, p. 39.
74. Cortebarde, « Les Trois aveugles de Compiègne », op. cit., p. 112, vers 103.
75. Registre du Châtelet. op. cit., t. 1, p. 559. 561.
76. Eustache Deschamps. Œuvres complètes, op. cit., t. 5. ballade 1009. p. 269.
77. Confessions et jugements de criminels..., op. cit., p. 74.
78. Les rues et les cris de Paris, au xiiie siècle, a. Franklin éd., Paris, 1874, p.
157 (La vie privée d’autrefois).
79. Testament, vers 1132.
80. Itinerarium et peregrinationes llieronymi Monetarii, E. P. Goldschmitt
éd., Humanisme et Renaissance, vol. 6, 1939, p. 62.
81. Registre du Châtelet, op. cit., t. 2, p. 497.
82. D. M. Méon, Nouveau Recueil de Fabliaux, op. cit., t. 1, p. 303.
83. Eustache Deschamps, Œuvres complètes, op. cit.. ballade 1272, t. 7, p. 11.
84. G. Cohen. Recueil des farces inédites du xve siècle, Cambridge (MA), 1949.
n° 52. p. 430.
85. Al. J. Griego, dans Histoire de l’alimentation, J.-L. Flandrin et M.
Montanari dir., Paris, 1996, p. 479-490.
86. J. Favier, François Villon, op. cit.. p. 184-185.
87. Thomas d’Aquin, Somme théologique, la Ilae quest ; 30, art. 3 ad 2.
88. É. Châtelain, « Notes sur quelques tavernes... »,opcit.,p. 107, 90.
89. Jean Bodel. A. Jeanroy éd., Paris, 1925, vers 662-665 et 657 ; Ph. Ménard
éd., op. cit., vers 130-137 ; « Faree du goguelu », vers 49-51, G. Cohen éd., dans
Recueil de farces inédiles du XVe, op. cit., p. 357.

Auteur

Mireille Vincent-Cassy
Du même auteur

La vue et les mangeurs : couleurs et


simulacres dans la cuisine
médiévale in Banquets et manières
de table au Moyen Âge, Presses
universitaires de Provence, 1996
Les hommes de guerre à la fin du
Moyen Âge : étrangers et/ou
hérétiques in Étrangers et sociétés,
Presses universitaires de Rennes,
2009
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont
sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par


reconnaissance optique de caractères.

Référence électronique du chapitre


VINCENT-CASSY, Mireille. Les habitués des tavernes parisiennes à la fin du
moyen âge ou les plaisirs partagés In : Être Parisien [en ligne]. Paris : Éditions
de la Sorbonne, 2004 (généré le 08 octobre 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/psorbonne/1431>. ISBN : 9782859448578.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.1431.

Référence électronique du livre


GAUVARD, Claude (dir.) ; ROBERT, Jean-Louis (dir.). Être Parisien. Nouvelle
édition [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 2004 (généré le 08 octobre
2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/psorbonne/1396>. ISBN : 9782859448578.
DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.1396.
Compatible avec Zotero

Être Parisien
Ce chapitre est cité par
(2015) Le Bourgeois de Paris au Moyen Âge. DOI:
10.3917/talla.favie.2015.01.0779

Vous aimerez peut-être aussi