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CHAP I ORGANISATION DE LA RESTAURATION

1.DEFINITION ET CONCEPTE
ensemble des moyens engagés dans les restaurants (gestion, cuisine,
etc.)  


La restauration est aussi le métier de restaurateur et des
établissements qui permettent de prendre des repas.

Table du restaurant Le Neptune à Collioure.

Le mot restaurant provient du verbe « restaurer » qui signifie au XIIe siècle


« remettre en état », « remettre debout ».

Dès le début du XVIe siècle, le terme de « restaurant », revêt une acception


alimentaire pour désigner un « aliment reconstituant ». Au milieu du
XVIIe siècle, le terme désigne plus spécifiquement un « bouillon restaurant fait
de jus de viande concentré » puis, à partir du milieu du XVIIIe siècle, le lieu qui
en assure la vente.

« Restaurant » désigne aussi un pain de 400 g dans certaines boulangeries du sud


de la France.

Intérieur du Café Procope (Paris), ouvert en 1686.

Un restaurant est un établissement de commerce où l'on sert des plats préparés


et des boissons à consommer sur place, en échange d'un paiement.

La nourriture y est généralement préparée par un chef cuisinier. Le terme couvre


une multiplicité de lieux et une grande diversité des types de cuisines, tant
locales qu'étrangères. Les restaurants sont parfois le dispositif réservé au service
des repas au sein d'une plus grande entité (hôtel, université, aéroport...), on parle
alors de restaurant collectif par opposition au site de cuisine. Ils peuvent aussi
être associés à une activité de traiteur ou d'épicerie. Le restaurant offre des
conditions de confort plus ou moins importante, et la restauration est dite
« rapide » quand le client peut commander et manger en quelques minutes ou
dizaines de minutes, éventuellement debout

2.EVOLUTION HISTORIQUE

1
Auberge, maison et café

L'activité de restauration a existé bien avant l'utilisation du terme « restaurant »


en des lieux où l'on servait à manger à boire aux voyageurs, leur offrant parfois
aussi le repos et un service pour leurs attelages.

Hormis le statut de voyageur et sur le plan urbain, le concept de manger devant


des inconnus, seul ou en famille, hors de son logis et en dehors des moments de
fêtes, est pratiquement impensable avant les Temps modernes : ce point est
fondamental sur le plan anthropologique, et pas seulement en Occident[1].

Hōshi Ryokan, ouverte en 717 au Japon, est la plus ancienne auberge du monde
encore en activité. Le Stiftskeller St. Peter à Salzbourg aurait été citée pour la
première fois d'après un document d'Alcuin datant de 803[2]. Si cette citation est
avérée, il est probablement le plus ancien restaurant du monde encore en
activité ; initialement monastère puis auberge, elle n'a néanmoins plus d'activité
hôtelière. En France, La Couronne, auberge normande située à Rouen ouvre en
1345 ; l'hostellerie de la Croix d'Or (Provins), encore en activité, ouvre en tant
qu'auberge en 1575[3].

Selon l'historienne Carolin C. Young, intervenante à l'Université d'Oxford de


2007 à 2010, quelques cafés sont ouverts vers les années 1450 en Turquie et en
Égypte. Ce type d'établissement se répand lentement dans les villes d'Europe,
d'abord Venise, puis Vienne, jusque dans les années 1650 où leur
développement s'accélère (Marseille, Lyon, Paris, Oxford…). Le Café Procope,
créé en 1686 à Paris, est le premier « restaurant », dans l'acception moderne,
initialement importateur de produit exotiques à consommer sur place, tant sucrés
(glace italienne, gâteaux) que salés, et bien entendu du café[4]. À la Petite Chaise
situé 36 rue de Grenelle à Paris remonte à l'année 1700 et était à l'origine une
cave à vins et une épicerie (jambons, saucissons), devenue cabaretier sous la
Régence[5].

La Casa Botin, auberge créée en 1725 à Madrid, dont les fondations de


l'immeuble remontent à la fin du XVIe siècle, prétend que la conversion de son
activité d'aubergiste en restaurant[réf. nécessaire] est plus ancienne que celle du Café
Procope, les deux étant des évolutions lentes qui ne sont pas datées précisément.
Néanmoins le Café Procope n'a jamais eu d'activité hôtelière, mais uniquement
alimentaire.

2.Histoire du restaurant
2

Depuis Legrand d’Aussy[6], la vulgate[7] veut que le premier « restaurant », dans


l'acception moderne, ait été ouvert à Paris, rue des Poulies ou rue Bailleul, en
1765 par un marchand de bouillon, nommé Boulanger (dit « Champ d'Oiseaux »
ou « Chantoiseau »)[8]. Il sert des « restaurants » ou « bouillons restaurants »,
c'est-à-dire des consommés à base de viande censés restaurer les forces[9]. Ces
bouillons, qui existent depuis le Moyen Âge, sont composés de viande, mais
aussi, selon les recettes, de racines, d'oignons, d'herbes, d'épices, de sucre, de
pain, voire de pétales de rose, de raisins ou d'ambre[10].

Boulanger, qui fut appelé « restaurateur », avait mis sur sa porte la devise Venite
ad me, omnes qui stomacho laboratis, et ego restaurabo vos (« Venez tous à
moi, vous dont l’estomac crie misère, et je vous restaurerai »). Il inventa le nom
de « restaurant » dans son sens actuel car on trouvait à manger chez lui quand on
voulait de la nourriture servie sur table à prix fixé à l'avance et à toute heure
proposée sur une carte, mais n’étant pas traiteur, il ne pouvait servir de ragoûts.
Il donnait des volailles au gros sel avec des œufs frais, et tout cela était servi
proprement, sur de petites tables de marbre. Il préparait aussi des pieds de
mouton à la sauce blanche, ce qui portait atteinte au monopole des traiteurs.
Ceux-ci lui intentèrent un procès qu'ils perdirent[10].

L’Almanach du Dauphin de 1777 évoque non pas Boulanger comme l'inventeur


de restaurant moderne en 1765 mais Messieurs Roze (ou Roze de Chantoiseau)
et Pontaillé en 1766, locataires d'une partie de l’Hôtel d'Aligre rue Saint-Honoré.
Il semble que le premier établissement rue des Poulies n'étant pas situé dans un
emplacement avantageux, il ait été transféré rue Saint-Honoré. Le nom complet
de Monsieur Roze de Chantoiseau et le surnom de Boulanger, désignant
probablement la même personne, sont à l'origine de la confusion de ces
sources[11]. Rebecca Spang, arguant du fait qu'il ne subsiste aucune trace du
prétendu procès des traiteurs contre Boulanger et estimant que leur corporation,
très diversifiée, était tolérante vis-à-vis de cette nouveauté[12], considère Roze
comme le véritable « inventeur » du restaurant, dont l'innovation aurait consisté
en une prévenance marquée pour le client qui aurait engendré « une nouvelle
logique de sociabilité et de respectabilité »[13],[14].

À son imitation, s’établirent bientôt d’autres restaurateurs, dont les maisons


s’appelèrent, du nom du bouillon conseillé par Palissy, des restaurants. Le
service imite le changement qui s’opère à cette époque dans l’aristocratie :
déclin du service à la française remplacé par le service à la russe dans lequel le
convive – assis à une table individuelle – est servi par les ustensiles et le
personnel dédiés individuellement.

3
Le service rendu se différencie des :

 taverniers qui ne délivrent que le « vin à pot » ;


 auberges, où un seul plat est proposé par le cuisinier[9] et où les tables
sont communes ;
 cabaretiers qui vendent du « vin à assiette » avec une nappe et quelques
plats ;
 traiteurs qui sont autorisés à vendre des sauces et ragoûts, ainsi que des
pièces entières ; certains d'entre eux vont jusqu'à proposer une formule
table d'hôtes (repas à heure fixe, à l'instar des auberges).

Boulanger brise ce monopole et cuisine ce qui plaît à sa clientèle. Il baisse les


prix et affiche la carte devant le restaurant afin que les clients sachent quelle sera
la composition et le coût de leur repas[9]. Les traiteurs intentèrent à Boulanger un
procès, qu'ils perdirent. À la suite de ce procès, d'autres restaurateurs
s'installèrent.

Un certain engouement se crée pour l'établissement de Boulanger parmi


l'aristocratie et les intellectuels[15].

L’assassinat du conventionnel Lepeletier de Saint-Fargeau par Pâris chez


Février, restaurateur au Palais-Royal, pour avoir voté la mort du roi.

En 1782, Antoine Beauvilliers, cuisinier du prince de Condé et officier de


bouche du comte de Provence, reprend la formule de Boulanger et ouvre, dans
un cadre raffiné, la Grande Taverne de Londres, au 26 rue de Richelieu à
Paris[16]. Il propose aux clients de manger comme à Versailles. Le service des
vins est fait en bouteille, comme à Londres, à la mode à cette époque[9]. C'est là
le premier véritable grand restaurant de Paris, qui restera pendant plus de vingt
ans sans rival.

Mais c'est à partir de la Révolution française que le phénomène prend de


l'ampleur. En effet, d'une part, l'émigration des aristocrates laisse leur personnel
de service, dont leurs cuisiniers, sans emploi et, d'autre part, de nombreux
provinciaux arrivent à Paris, où ils ne comptent pas de famille qui puisse les
nourrir. Dès lors de plus en plus de cuisiniers, formés à la préparation de cuisine
de qualité, vont devenir restaurateurs, et l'on compte dès 1789 à Paris une
centaine de restaurants fréquentés par la bonne société, regroupés autour du
Palais-Royal. Trente ans après la Révolution, on en dénombrera 3 000.

4
Les restaurants se sont rapidement multipliés à travers le monde, le premier
restaurant ouvrant aux États-Unis dès 1794, à Boston. Le type de service restera
longtemps fondé sur le principe du « service à la française » où les plats étaient
posés à table, les convives se servant eux-mêmes. Cependant, ce service rendait
la facturation difficile pour les restaurateurs. La forme actuelle de service, où le
convive reçoit un repas dressé sur assiette, appelé « service à la russe », fut
introduit en France par le prince russe Kourakine dans les années 1810 d'où il se
répandit progressivement.]

Auberge à la ferme[

Une « auberge à la ferme » propose de déguster les produits du terroir et les


spécialités régionales issus des productions de la ferme ou des fermes voisines ;
en France elles peuvent être appelées « Ferme-Auberge » ou « Auberge
d'Accueil Paysan ».

Brasserie et bistro[modifier | modifier le code]

Établissements où sont servis à toute heure de la journée en principe le plus


grand choix de boissons chaudes et fraîches. On peut aussi y trouver un choix
plus ou moins restreint de plats cuisinés assez simples ou de vente à emporter,
on parle alors de snack-bar. Bien souvent le midi, un buffet d'entrée est proposé
au sein d'une « formule du midi ». Ce type d'établissement est généralement
implanté dans le centre de chaque agglomération, quelle que soit sa taille.

Ce type d'établissement trouve le plus souvent sa clientèle auprès d'habitants du


quartier, voire d'employés des bureaux habitués des lieux surtout lors des repas
de mi-journée.

Restaurant gastronomique

Un restaurant dit « gastronomique » est un restaurant qui cherche à mettre la


gastronomie à l'honneur : plats de qualité, cave honorable, accueil attentif,
service soigné et cadre agréable. Il propose en général des menus variant selon
la complexité et ou la valeur des plats proposés. Ce genre de restaurant met en
général à son menu viande et poisson. Un restaurant gastronomique ne dispose
pas forcément d'étoiles ou de récompenses.

Pizzeria

La pizzeria est un restaurant spécialisé dans la vente ou le service de pizzas et


autres spécialités italiennes. La pizza reste toutefois leur produit principal, les
restaurants italiens servant plutôt des pâtes étant désignés du nom d’osteria.

5
Des dérivés tels que des stands à pizzas (généralement montés sur le châssis
d'un véhicule à moteur…) ont vu le jour en France dans les années 1980 et
rencontrent toujours le succès à l'heure actuelle, leur implantation étant de ce fait
mobile. D'autres produits tels que les sandwiches ou des gâteaux peuvent être
proposés en sus.

Cette formule permet la fabrication et la vente des pizzas d'un lieu à l'autre
suivant des périodes fixes établies à l'avance, afin d'être connues par la
population.

Le cuisinier qui confectionne et réalise la cuisson artisanale des pizzas est


nommé couramment pizzaïolo.

Relais routier

 Article détaillé : Aire de repos et de service autoroutière.

Restaurant de bord de route implanté en rase campagne ou à l'entrée d'une zone


urbanisée, mais plus rarement sur l'autoroute.

En France, ils ont été spécialement créés à l'intention des professionnels de la


route (conducteurs routiers et V.R.P.…) à partir de 1934 à la suite de l'édition
d'un guide pratique spécialement consacré à ce groupe d'usagers.

Le modèle s'est rapidement exporté à travers les autres pays d'Europe


notamment au Royaume-Uni (sous le nom commun de Truck Stop…)[réf. nécessaire]
et en Espagne où leur implantation semble de nos jours plus dense qu'en France,
ceci proviendrait du fait que la règlementation concernant la circulation des
poids-lourds sur route nationale est moins stricte dans ces pays.

Ce type d'établissement est caractérisé par une décoration intérieure assez


personnalisée ainsi que par une cuisine entièrement conçue à demeure, dans le
but de créer une ambiance plus cordiale et de rompre avec le phénomène de
solitude connu de ces professionnels de la route. Un parking suffisamment vaste
est aménagé pour y faire stationner de nombreux camions (dont la circulation à
l'intérieur peut être régie par la présence d'un membre du personnel…), ainsi que
de douches et parfois de chambres pour ceux qui ne désirent pas (ou ne peuvent
pas…) dormir à bord de leur véhicule. Ces chambres étaient dans le passé,
souvent utilisées par les conducteurs de poids-lourds afin d'y prendre quelques
heures de repos après une trop longue période de conduite (les temps d'activité
étaient auparavant mal contrôlés…). Il était également possible de se faire
réveiller sur simple demande par un des employés de l'établissement, à un
moment convenu.

6
Les relais routiers sont considérés comme le lieu idéal des retrouvailles entre
conducteurs même si cette image tend à s'estomper de nos jours, en raison de
leurs propres impératifs de délais ou rendez-vous pris auprès de leurs clientèle.
De plus en plus de conducteurs préfèrent en effet prendre les repas (composés
sur place ou emportés…) à bord de leur véhicule, tant par volonté de solitude
que pour des raisons pratiques.

Dès l'introduction d'un arrêté interdisant la circulation dominicale de certains


poids-lourds de plus de 7,5 tonnes, les établissements ont dû adapter leurs
horaires et jours d'ouverture à la clientèle. La règlementation des transports
devenue plus rigide et les contrôles routiers sévères, peu de conducteurs désirent
prendre le risque de conduire au-delà des temps autorisés ce qui fit perdre
l'intérêt d'une ouverture 24 heures sur 24 de ces restaurants ainsi que le maintien
d'un service en fin de semaine. Les conséquences peuvent se mesurer de nos
jours par le transfert de cette catégorie de clientèle vers les aires de service
autoroutières, généralement ouvertes en permanence. Il est à noter que ces
horaires devenus inadaptés aux besoins des conducteurs (en particulier ceux
étant contraints d'effectuer leur coupure hebdomadaire hors de leur domicile…)
font souvent l'objet de débats au sein de la profession des transports routiers de
marchandises.

Un établissement digne de ce nom propose en théorie des menus à des prix


accessibles à des conducteurs routiers et un service suffisamment rapide, afin
que le temps de coupure ne s'en trouve pas indûment prolongé.

Depuis plusieurs années, les établissements implantés en bordure des routes


nationales disparaissent progressivement et ce, suivant divers motifs :

 reprise potentielle de la clientèle par les restoroutes implantés sur les


autoroutes et certaines voies rapides tracées à proximité ;
 l'établissement se trouve sur une route nationale dont l'accès aux
véhicules lourds se voit nouvellement interdit, bien que parfois subsiste
par la suite la clientèle géographiquement proche qui est habituée des
lieux (représentants, artisans du bâtiment, livreurs…) ;
 autre motif plus alarmant pour l'avenir de ce type d'établissement — les
poids lourds sont de mieux en mieux équipés pour que les chauffeurs
confectionnent leur nourriture seuls. Un constructeur de poids lourds
européen a mis au point un prototype avec douche, lit, micro onde,
réfrigérateur et plaque de cuisson et télévision lcd. Les chauffeurs
n'auront plus aucun besoin de stopper dans les restaurants routiers car
ils auront tout le confort à bord. Ce véhicule n'a pas encore vu le jour,
pour un problème d'homologation dû à la longueur du tracteur avec

7
remorque combinés qui sont, à ce jour, hors normes selon la législation
européenne[17].

Face à ce constat, un nouveau genre d'établissement a vu le jour en France sous


le nom d'Arcotel. Cette enseigne abrite un centre routier à part entière, le plus
souvent implanté près d'un échangeur autoroutier ou d'une zone industrielle
importante.

Restaurant rapide[.

Restaurant à service rapide où l'on peut consommer le plus souvent des frites,
des hamburgers, des glaces et des boissons gazeuses. Toute commande
s'effectue au comptoir où on retire son plateau-repas avant de se mettre à table.
Des cadeaux de bienvenue sont offerts à l'intention des plus jeunes
consommateurs. Mc Donald's et Quick sont les enseignes les plus connues en
France dans ce secteur.

Chapitre premier. Historiographie de la restauration et de l’alimentation

p. 17-52
Texte Notes
Texte intégral

 1 La France est aujourd’hui le pays le mieux doté au monde en matière


de cantines et ses deux princip (...)

1Plutôt que de refaire l’histoire générale de la cuisine ou de l’alimentation en


France, son historiographie permet d’appréhender comment se sont construites
l’image prestigieuse des restaurants et l’image dépréciée des cantines, en dépit
des nombreuses similitudes des deux activités professionnelles. Ce travail
s’appuie sur les recherches d’historiens qui ne se sont pas toujours intéressés
directement à la restauration collective ou populaire. Il rapporte de très
nombreux éléments sur une histoire méconnue de la profession et montre en
quoi le récit historique sur la restauration et la gastronomie en France, tel qu’il a
été formulé puis véhiculé notamment dans les écoles hôtelières, a pu enrichir le
mythe d’un passé professionnel exclusivement prestigieux pour les cuisiniers
des restaurants. Parallèlement, la construction progressive d’un savoir-faire
nouveau en restauration collective a été occultée en France, alors qu’elle a
également acquis, plus récemment, une renommée mondiale.1

Histoire de la cuisine : un savoir-faire d’origine domestique

8
Antiquité et Haut Moyen Âge : une profession dénigrée et contrôlée

2À son origine, l’hôtellerie, symbole concret de l’hospitalité, était un acte


gratuit. En Grèce Antique comme à Rome, elle était une véritable organisation
des citoyens, dont les insuffisances étaient punies par les divinités, puis par les
Tribuns à Rome.

 2 DESPORTES F., 1996 (RÉÉD. OCTOBRE 1997), « LES MÉTIERS DE


L’ALIMENTATION », IN FLANDRIN J.-L. ET MO (...)

3Mais en Grèce comme à Rome, en raison de la mauvaise réputation des


aubergistes et de leur caractère indispensable, le droit romain imposait une
réglementation très stricte. Leur contrôle par les autorités locales visait à éviter
les fraudes telles que la pratique d’aromatisation des vins et bières tournés, pour
s’assurer que les nourritures et boissons qu’ils mettaient en vente étaient
« dignes d’entrer en corps humain2 ». À l’instar des esclaves, des gladiateurs et
des proxénètes, les aubergistes faisaient même l’objet d’une discrimination
professionnelle :

 3 PEYER H. C., 1996, « LES DÉBUTS DE L’HÔTELLERIE EN EUROPE », IN FLANDRIN J.-


L. ET MONTANARI M., OP. (...)

« Il était ainsi interdit aux sénateurs d’épouser une aubergiste ou une fille
d’aubergiste […]. Pour des raisons de contrôle, les aubergistes étaient tenus de
s’affilier à des associations de type corporatif, et les auberges, foyers de
criminalité et d’agitation, étaient surveillées de près. D’où les mises en garde
de l’Église chrétienne primitive, qui allait jusqu’à interdire la fréquentation des
tavernes aux membres du clergé. Ce fut du reste l’une des raisons de la
création d’une hôtellerie ecclésiastique et monastique ouverte aux voyageurs
chrétiens, aux pèlerins et, surtout, aux pauvres3. »

4Parce qu’ils étaient surtout fréquentés par les classes inférieures, tavernes et
hôtels avaient la réputation de coupe-gorge et de maisons de prostitution.

5C’est ainsi que coexistaient, dès à la fin de l’Antiquité, les formes primitives
d’hospitalisation réservées aux classes supérieures, l’hébergement obligatoire
des représentants du pouvoir, les hôtelleries de l’État et de l’Église, les
logements destinés aux marchands et, enfin, le vaste univers, méprisé mais
indispensable, des tavernes payantes.

 4 NEIRINCK E., POULAIN J.-P., 1992 (2E ÉD.), HISTOIRE DE LA CUISINE ET DES
CUISINIERS : TECHNIQUES CU (...)

9
6En matière de cuisine, le plus ancien traité de cuisine est celui d’Apicius qui
donne des indications sur les préparations culinaires romaines pouvant dater du
er
I siècle de notre ère4. Nous savons par exemple que ce cuisinier se faisait aider
de beaucoup de personnel et créait des recettes témoignant d’une bonne
technique et d’un raffinement, comme les truies aux figues sèches servies avec
du vin miellé.

Le Moyen Âge : les cours royales, lieu d’apprentissage de la cuisine


La cuisine des seigneurs

 5 NEIRINCK E., POULAIN J.-P., 1992, IBID., P. 10 ET 16.

7Dans l’histoire de la cuisine, le Moyen Âge est décrit comme le règne de


Guillaume Tirel dit « Taillevent », cuisinier de Charles VI (XIVe siècle) et auteur
du Viandier (un ouvrage culinaire qui porte sur l’art d’accommoder les viandes).
Ce premier « grand chef », codificateur de la cuisine, offre ses services tantôt à
la cour, tantôt aux soldats en campagne. Pour la cour, le repas était déjà organisé
en trois services mais sans couverts, les brigades de cuisines étaient importantes
et pratiquaient un nombre de techniques de cuisson limité. Celles-ci se limitaient
au rôtissage, au pochage (c’est-à -dire cuisson à grande eau), à la friture et au
braisage. Une étonnante pratique consistait même à faire bouillir la viande avant
de la rôtir5.

 6 GERBOD P., 2000, LA RESTAURATION HORS FOYER EN EUROPE : DU MOYEN ÂGE À


NOS JOURS, PARIS, ÉD. H. CHA (...)

8L’ouvrage d’histoire de la cuisine sur lequel s’appuient ces connaissances


représente une première avancée importante dans un domaine longtemps vierge.
Néanmoins, bien qu’étant intitulé Histoire de la cuisine et des cuisiniers, il se
limite, comme beaucoup, à l’histoire de la « grande cuisine », ce qui contribue à
occulter notre passé culinaire en tant que pratique d’alimentation du plus grand
nombre. Un ouvrage complémentaire confirme certaines hypothèses, et
notamment celle de la naissance conjointe des deux formes de restauration
commerciale et collective, dès le Moyen Âge6.

L’alimentation des voyageurs

9Dès le début du Moyen Âge, l’hospitalité se développe pour les voyageurs sous
forme d’attribution quotidienne de pain, de piquette et d’un toit. Celle-ci était
traditionnellement assurée par les gargotes ou les tavernes, mais face à leurs
insuffisances, l’Église prit le relais. Couvents, monastères et châtelains
hébergèrent pèlerins et voyageurs. Cette hospitalité n’était pas totalement

10
désintéressée : ils en attendaient une contrepartie en informations et en
connaissances, un apport culturel.

 7 PEYER H. C., 1996, art. cit., p. 455-458.

10Puis, aux XIe et XIIe siècle, les formes commerciales de l’hébergement se


développèrent pour répondre à une véritable crise de l’hospitalité. Les hôtels
proposaient divers services, dont la distribution de vin et de bière. Les pouvoirs
publics, qui en tiraient d’importants profits grâce aux impôts sur les boissons,
définissaient et contrôlaient les prix et les qualités du vin ou de la bière mis en
vente, ainsi que le volume débité7. Mais les tavernes et hôtelleries qui
permettaient de se restaurer se limitaient aux aliments de première nécessité,
auxquels s’ajoutait du fourrage pour les chevaux.

11La confection de repas plus importants est attestée à la fin du XIVe siècle,
même dans les gargotes rudimentaires : le client emportait alors ses vivres et sa
vaisselle, ou achetait le nécessaire au marché le plus proche, pour faire ensuite
préparer son repas par ses gens, dans la cuisine du restaurant.

Prémices d’une restauration pour les plus défavorisés

12Un Moyen Âge caritatif. Dès l’époque mérovingienne et carolingienne, la


chrétienté occidentale met en place un réseau de plus en plus dense d’institutions
et d’établissements au service des pauvres, des malades et des pèlerins. Pour
accueillir les malades, léproseries, hospices et hôpitaux se multiplient même
dans les bourgades moyennes. L’hôpital vit de dons (souvent en nature), des
revenus de ses propriétés foncières comme des productions agricoles, de ses
fermes et même de ses propres élevages ou jardinages. Les cuisines disposent
d’un personnel de valets de four, de valets de cuisine et d’un queux. La
nourriture, bien qu’en quantités insuffisantes, arrive à représenter jusqu’à la
moitié des dépenses hospitalières.

13Des problèmes spécifiques pour l’alimentation de l’armée. L’armée des


problèmes d’intendance plus complexes, dès la Première Croisade vers la Terre
Sainte, en 1096. Pèlerins, chevaliers et hommes d’armes représentent plusieurs
dizaines de milliers de personnes qui partent, accompagnés de chariots chargés
de provisions, traverser l’Europe centrale et les Balkans. Réduits à la famine, ces
Croisés font quelques achats ou pillent les villages pour s’emparer par la force
des bœufs, moutons ou céréales.

14Ce n’est qu’à la Quatrième Croisade, en 1201, qu’est envisagé de manière


moins improvisée le problème des subsistances : un accord conclu avec le doge
de Venise prévoit la fourniture aux Croisés de moyens de subsistance par la mer

11
(pour 35 000 hommes et 4 500 chevaux) et la constitution de réserves de vivres
pour neuf mois.

15Entre le XIVe et le XVe siècle, au cours de la guerre dite « de Cent Ans », le
problème des subsistances se gère davantage au travers d’achats et de
réquisitions par lesquelles villes et abbayes se voient imposer par le pouvoir
royal la livraison aux armées en campagne d’un certain volume de vivres.

 8 GERBOD P., 2000, op. cit., p. 12-15

16En temps de paix, les garnisons royales (de « gens d’armes ») perçoivent une
solde mais ne disposent pas de casernes. Installées dans les hôtelleries ou
tavernes, souvent logées chez l’habitant, elles achètent leurs vivres sur les
marchés et dans les foires de la localité où elles se trouvent, avec interdiction de
recourir à des réquisitions forcées8.

17Internats scolaires et universitaires. À partir du XIIe siècle, dans la mouvance


caritative, se fondent à travers l’Europe les universités. Il s’agit d’établissements
chargés d’accueillir au départ des étudiants pauvres, de les loger et de les nourrir
pour faciliter le cours de leurs études.

18Au XIVe siècle, ces établissements sont au nombre d’une trentaine. Ils
accueillent à la fois des « caméristes » entretenus par leurs familles, qui peuvent
se louer une chambre ou un appartement et se faire servir leurs repas sur leurs
lieux de location, et des étudiants pauvres qui se muent en domestiques au
service des premiers.

Naissance du savoir-faire culinaire

19Les maisons seigneuriales représentent le lieu de constitution du savoir-faire


des grands cuisiniers :

 9 VANHOUTTE J.-M., SEPTEMBRE 1989, « LE CUISINIER : NOUVEL ANIMATEUR DE LA


VIE URBAINE », IN « NOURRI (...)

« La cuisine élaborée, en tant que métier spécifique, se rangeait parmi les
produits rares et somptuaires au Moyen Âge, tels ceux fabriqués par les
drapiers, les couturiers et les orfèvres. Les produits confectionnés étaient
appropriés par une classe. Leur consommation relevait d’un privilège. D’abord,
parce que les plats avaient pour origine des ingrédients hors de portée d’un
grand nombre de bourses […]. Ensuite, bon nombre d’entre eux étaient
interdits à la vente, tels les gibiers relevant du droit de chasse seigneurial9 ».

12
20La présence d’un cuisinier et la qualité de son savoir-faire dans les familles
nobles était alors un signe de distinction sociale. Les services du maître-queux et
de son équipe pouvaient également être loués en certaines occasions par le
seigneur à des bourgeois. Certains de ces professionnels s’enrichissaient et
trouvaient les moyens de s’équiper pour ouvrir un étal, mais la plupart étaient
misérables.

De la Renaissance au XVIIe siècle :« grande hôtellerie » puis « grande cuisine »

21Dans l’histoire de l’hôtellerie-restauration, la Renaissance est décrite comme


la période où est apparue la Grande Hôtellerie, pouvant répondre à nos attentes
actuelles en matières d’hospitalité. Là encore, on imagine à quel point l’histoire
d’une profession a pu se réduire à son expression socialement « classante ».

22En cuisine, cette période représente le moment de l’apparition de la fourchette


et de produits du nouveau monde (on cultive des artichauts venus de Sicile, des
cardes venus d’Espagne, du maïs du Pérou, des topinambours, des tomates, des
haricots, des pommes de terre…), les guerres d’Italie et l’arrivée de Catherine de
Médicis suscitent le développement des sucreries, glaces et sorbets. Cela facilite
l’apparition, au XVIIe siècle, de la « grande cuisine », même si la cour de Louis
XIV se distingue essentiellement dans des manières de table fortement ritualisées
et fait preuve d’excès notoires en consommations alimentaires.

 10 NEIRINCK E., POULAIN J.-P., 1992, OP. CIT., P. 26 ET 30.

23La désignation sous ce terme des évolutions de la profession s’appuie sur le


constat d’une baisse de la consommation des épices, sur la naissance des ragoûts
(technique de rôtissage des viandes avant cuisson dans un bouillon), sur la
multiplication des sauces et l’apparition de deux nouvelles liaisons : le roux (à
base de farine) et la réduction. Celles-ci ont permis l’obtention d’un
épaississement distinct du mode traditionnel consistant à utiliser du pain
trempé10.

 11 VANHOUTTE J.-M., SEPTEMBRE 1989, ART. CIT., P. 249.

24Les jeunes cuisiniers entraient tôt en apprentissage. Leur formation


commençait par les principales corvées telles que l’épluchage des légumes, pour
apprendre ensuite différentes techniques relevant des spécialités des chefs de
« parties » (rôtisseur, poissonnier, saucier, entremetier, potagier, pâtissier,
glacier, etc.). Puis, ils changeaient de partie jusqu’à accéder à la responsabilité la
plus délicate : les sauces. Les apprentis subissaient généralement les humeurs du
« Gros Bonnet » (appellation qui désignait le chef de cuisine), en tant que rite
initiatique11.

13
 12 GIRODIN P., AVRIL 1995, RESTAURANTS ET RESTAURATION EN FRANCE, PARIS,
PUF, COLS. « QUE SAIS-JE ? », (...)
 13 ARON J.-P., 1973 (RÉÉD. 1989), LE MANGEUR DU XIXE SIÈCLE, PARIS, ÉDITIONS
PAYOT, P. 221.

25Le XVIIe siècle annonce les prémices de certaines pratiques alimentaires de la


cuisine moderne et, pour la première fois, la cuisine bourgeoise peut se
distinguer de la cuisine noble, non plus tant sur un critère de richesse ou de
rareté des produits, mais par la maîtrise de techniques complexes chez ses
cuisiniers12. Pour mieux imiter les pratiques seigneuriales, la bourgeoisie
s’appliquera même à codifier la « gastronomie » au XIXe siècle, longtemps
abandonnée au hasard ou à la confusion13. Elle conservera aussi des éléments
de décor et un rituel conduisant à soumettre fortement ses domestiques (par
exemple, en imposant un service efficace mais discret pour ne pas perturber les
conversations).

 14 VANHOUTTE J.-M., SEPTEMBRE 1989, ART. CIT., P. 133.

26Si on connaît peu la cuisine ou les modes d’alimentation domestiques de cette


période, on sait toutefois qu’il y a eu coexistence de deux formes de
restauration, dont l’une annonçait la naissance des « restaurants ». À la
fréquentation populaire des tavernes s’opposaient les cafés, réservés au « monde
élégant ». Par ailleurs, des « guinguettes », installées en dehors des barrières de
Paris (pour ne pas payer les taxes intra-muros), recevaient une clientèle plus
diversifiée14.

 15 NEIRINCK E., POULAIN J.-P., 1992, OP. CIT., P. 53.

27L’appellation de « restaurant » fut utilisée dès 1765, pour désigner des


« bouillons restaurants », servis par le chef dénommé Boulanger dans son
estaminet afin de « restaurer » ceux qui le buvaient. Mais il fallut attendre 1776
et l’abolition des corporations, qui réglementaient les activités professionnelles
et considéraient ces lieux comme « injustes et funestes », pour assister au
développement des restaurants. Le premier restaurant prestigieux date de 1782.
Il a été ouvert à Paris, galerie de Valois, par Antoine Beauvilliers qui se
présentait comme « l’ancien officier de bouche de Monsieur le Comte de
Provence » (devenu « Louis XVIII » après la Révolution15).

Naissance des restaurants à la Révolution

14
Les grands chefs ouvrent des restaurants

28Nés en 1789, les restaurateurs représentent une profession issue d’une


« externalisation » de la restauration domestique avec la chute de l’aristocratie.
De nombreux restaurants ont été créés à la Révolution, lorsque les grands
cuisiniers, jadis au service de la noblesse, se sont trouvés dans l’obligation de
suivre leurs maîtres en exil ou de louer leurs services dans des maisons
bourgeoises.

29Le développement de la restauration s’explique aussi par l’ascension d’une


bourgeoisie et la libération du travailleur domestique, désormais en mesure de
vendre son savoir-faire hors des grands hôtels aristocratiques. Il a été favorisé
par une littérature gourmande naissante et par l’aspiration des milieux
intellectuels et politiques à imiter les classes dominantes, d’où la multiplication
progressive des formes de restauration.

Restaurants bourgeois et alimentation populaire au XVIIIe siècle

 16 GIRODIN P., 1996, OP. CIT., P. 9.

30Après la Révolution, les restaurants se développent : il n’existait pas plus de


cent restaurants à Paris, alors qu’ils sont cinq à six fois plus quelques années
après, concentrés particulièrement au Palais-Royal pour servir les députés des
États généraux et l’Assemblée constituante16.

 17 ARON J.-P., 1975, op. cit., p. 296-297.

31Même les restaurants dits « populaires », servant des bouillons, n’étaient pas
accessibles à la majorité des Parisiens. Mais à côté de ces types
d’établissements, on trouvait le commerce des « regrats », restes des repas des
grandes maisons et restaurants de luxe qui, après une désinfection sommaire,
repassaient dans un second circuit commercial destiné à l’alimentation
populaire. Ces aliments qualifiés aussi de « débris » étaient vendus dans les
marchés ou les échoppes spécialisées de manière légale, après avoir fait l’objet
d’une vérification officielle. Leurs prix variaient selon l’état des victuailles, leur
qualité d’origine et l’apparence des plateaux. Ensuite se vendaient les restes des
restes… sans véritable limite. La vente des regrats permettait aux plus démunis,
non indigents, de goûter à certains produits rares. Elle approvisionnait aussi
certains restaurants17.

Prémices d’une restauration collective à la Révolution

 18 GRIGNON C., 1993 (RÉÉD. 1994), « LA RÈGLE, LA MODE ET LE TRAVAIL : LA


GENÈSE SOCIALE DU MODÈLE DES (...)
15
32Avec le rétablissement durable de la République, le repas standard bourgeois est un
symbole qui cesse d’être considéré exclusivement comme un privilège distinctif
réservé à l’élite, pour devenir le modèle universel qu’il convient de donner en exemple
à tous. La volonté de populariser les pratiques dominantes, leur « nationalisation »,
vont de pair avec le triomphe intellectuel et politique de l’idéal universaliste hérité des
Lumières et de la Révolution, transmis par les saint-simoniens et les philanthropes. La
volonté d’intégration sociale et d’assimilation l’emporte sur l’attitude ségrégationniste
(qui vise à maintenir la paysannerie et le petit peuple des villes à leur place, en tant que
« classes dangereuses »). À ce titre, le développement d’un système scolaire
d’inspiration « méritocratique » est l’instrument essentiel de la politique d’éducation
populaire inspirée par cette conception de la société, même si on retrouve également la
trace de celle-ci dans d’autres institutions destinées au « Peuple », comme l’hôpital, la
prison ou la caserne18. Nous aborderons cet aspect communautaire de la restauration
collective pour ces différentes organisations dans la partie qui suit.
Restauration et alimentation Aux XIXe et XXe siècles
Le XIXe siècle, « âge d’or de la gastronomie française »
Suprématie d’un art culinaire français

 19 NEIRINCK E., POULAIN J.-P., 1992, OP. CIT., P. 63 ET 135.


 20 POULAIN J.-P., 1985, ANTHROPOSOCIOLOGIE DE LA CUISINE ET DES MANIÈRES DE
TABLES, THÈSE DE DOCTORAT (...)

33« L’âge d’or de la gastronomie française », ou l’apogée de l’histoire de la


cuisine, renvoie généralement à la période 1782-1880 durant laquelle le « maître
d’hôtel » jouait un rôle pédagogique central pour apprendre à la bourgeoisie l’art
de vivre aristocratique19, après l’émergence d’un discours culinaire dans la
continuité du discours philosophique20. Mais les cuisiniers n’ont jamais été
véritablement dominés par le personnel de service. Même l’histoire tristement
célèbre de François Vatel apparaît moins comme le récit de la vie et des
responsabilités d’un maître d’hôtel que comme celui d’un « responsable de la
restauration ». Lorsqu’il s’est suicidé pour ne pas avoir rempli les tâches qui
fondaient sa réputation, c’est parce qu’il n’avait pas pu assurer un
approvisionnement satisfaisant de la cuisine, ni une gestion de la production
dans les délais. Néanmoins, les « maîtres d’hôtel » ont pu jouer essentiellement
un rôle de valorisation discursive des productions culinaires, sans disposer des
moyens pour les faire évoluer.

 21 ROBERT P., 1993, LE NOUVEAU PETIT ROBERT  : DICTIONNAIRE DE LA LANGUE


FRANÇAISE, PARIS, P. 1002.
 22 FLANDRIN J.-L., 1996 (RÉÉD. 1997), « DE LA DIÉTÉTIQUE À LA GASTRONOMIE, OU
LA LIBÉRATION DE LA GOUR (...)

16
34Aujourd’hui, la « gastronomie » est définie comme « l’art de la bonne chère
(cuisine, vins, ordonnance des repas, etc.21 ) ». Issue de la « grande cuisine » du
e
XVII siècle, elle se développe dans un esprit très classique. Elle est acceptée au
nom du « bon goût », en tant qu’aptitude à distinguer le beau et le laid, en
référence aux œuvres d’art, alors que la gourmandise aurait été un pêché capital.
De ce fait, elle parvient à écarter pendant trois siècles22 le souci d’une
alimentation « diététique », c’est-à -dire en rapport avec des préoccupations
médicales ou des croyances particulièrement anciennes.

 23 BRILLAT-SAVARIN J.-A., 1824, PHYSIOLOGIE DU GOÛT. LECTURE DE R. BARTHES,


PARIS, ÉD. HERMANN, 1975, (...)
 24 DUMAS A., 1872 (RÉÉD. 1994), PETIT DICTIONNAIRE DE CUISINE, PARIS, PAYOT,
COUVERTURE.

35Son théoricien, Jean-Anthelme Brillat-Savarin, veut fonder la gastronomie


comme une science, comme s’il importait de faire intérioriser davantage encore
la légitimité de l’arbitraire culinaire par un lectorat essentiellement bourgeois.
Le terme « gastronomie » apparaît dès 1802 lorsqu’il fonde l’Almanach des
gourmands, auquel Alexandre Dumas collabora, avec pour ambition d’inculquer
nos pratiques culinaires « dans tous les pays où l’on mange mal ou dans ceux où
l’on ne mange pas du tout».

 25 ORY P., 1998, LE DISCOURS GASTRONOMIQUE FRANÇAIS : DES ORIGINES À NOS


JOURS, PARIS, GALLIMARD, 160 (...)

36Il faudra attendre la fin du XXe siècle pour oser affirmer, au risque de choquer
de nombreux professionnels, que les « gastronomes » ne sont pas ceux qui en
savent le plus sur la cuisine, mais ceux qui savent le mieux en parler. Rien ne
prouve, en effet, que notre culture culinaire ait été un jour en mesure de
s’imposer à d’autres cultures.

 26 PIAULT F., SEPTEMBRE 1989, « IDENTITÉ CULTURELLE ET CUISINE INTERNATIONALE,


ENTRETIEN AVEC JACK GOO (...)

37Après les discours philosophiques du XVIIIe siècle qui nous ont laissé espérer
avoir le goût le plus raffiné du monde, les Français risquent de faire preuve
d’ethnocentrisme. L’anthropologue Jack Goody26 incite à la prudence, en
apportant des éléments culturels comparatifs : la « grande cuisine » actuelle est
une création de la bourgeoisie qui a favorisé le développement de cultures
alimentaires différentes avec l’apparition des restaurants, alors qu’au Moyen
Âge de larges régions partageaient une alimentation somme toute assez proche
(par exemple, une étude sur la cuisine provençale au XIVe siècle a montré très
peu de différences entre les cuisines populaire et aristocratique). Mais en Asie,

17
et en particulier en Chine, une tradition très ancienne des restaurants a donné des
bases solides à des cultures culinaires nombreuses et diversifiées, alors qu’en
Europe les restaurants se sont développés beaucoup plus tardivement.

 27 LEVENSTEIN H. A., 1996 (RÉÉD. OCTOBRE 1997), « DIÉTÉTIQUE CONTRE


GASTRONOMIE : TRADITIONS CULINAIRE (...)

38De même, Harvey A. Levenstein rappelle que, dans les années soixante, le
peuple américain a, lui aussi, été convaincu, tant par les éducateurs, les médias,
les producteurs et les industriels de l’alimentation, qu’il était « le peuple le
mieux nourri du monde ». Il est vrai que les saveurs alimentaires avaient cessé
d’être un signe de distinction sociale et que la « commodité » régnait aux dépens
du goût ou même de la santé27. Ces constats imposent donc un relativisme
culturel.

39Si le terme « gastronomie » est bien né en France, sa pratique s’accompagne


surtout d’un discours particulièrement créatif dont l’objectif est de s’imposer
comme pratique ou comme jugement marquant une différence. Le
« gastronome » est largement décrit comme un gastrophore dont l’obésité est le
blason. Par contre, quand au milieu du XIXe siècle, la population a pu manger à
sa faim sans trop de problèmes, il a dû trouver d’autres moyens de se distinguer,
qui passent même aujourd’hui par la préoccupation inverse consistant à « garder
la ligne ».

40Dans l’univers des recettes et des classifications hiérarchisantes, le


« gastronome » essaye de conjuguer ses goûts culinaires modelés par les
pratiques culturelles de son groupe social d’appartenance avec son besoin de
l’écrit. Ses jugements mimétiques lui permettent d’exprimer symboliquement sa
mobilité sociale. Tout ce qui est traditionnel possède alors un rendement
symbolique maximal, avec toujours le risque de s’enraciner dans un passé
mythologiquement traditionnel, puisque l’un des principes du XIXe siècle,
valorisé notamment par Auguste Escoffier, consistait à décrire par avance toute
innovation comme la perversion d’une perfection première.

 28 FISCHLER C., 1993, L’HOMNIVORE, PARIS, POINTS SEUIL, ODILE JACOB, P. 253-
254.

41C’est ce que confirme Claude Fischler28, lorsqu’en analysant l’évolution de


la restauration répertoriée dans le Guide Michelin depuis sa création en 1926, il
n’observe pas d’évolution significative dans l’offre alimentaire en restauration,
ni même dans les termes employés pour désigner les plats, jusqu’en 1975.

 29 NEIRINCK E., POULAIN J.-P., 1992, OP. CIT., P. 105-115.

18
42Après l’apparition de la « nouvelle cuisine » dans les années 1970 et 1980
(avec des chefs comme Paul Bocuse, prônant le développement d’une cuisine du
marché, Michel Guérard réputé pour sa « cuisine minceur » ou Joël Robuchon),
la tendance serait à la « nouvelle cuisine du terroir », qui allie produits de nos
campagnes (ou produits susceptibles de paraître traditionnels) et raffinement
(avec notamment Roger Vergé, André Daguin, Lucien Vanel Bras)29.

 30 CSERGO J., MARS 1995, « NOSTALGIES DU TERROIR », IN « MILLE ET UNE


BOUCHES : CUISINES ET IDENTITÉS (...)

43Le succès de cette cuisine témoigne toutefois d’une nouvelle forme


d’attachement à ses racines. Un attachement qui prend non seulement la forme
d’un retour à certaines traditions, mais aussi, à une forme de régionalisme, en
réaction aux craintes suscitées par l’internationalisation de nos échanges et de
nos pratiques. C’est ce que confirme l’analyse de Julie Csergo30:

« C’est cette mémoire fabuleuse et mythique du terroir ainsi recréé qui avive et
garantit le sentiment d’appartenance et de pérennité d’une population urbaine
qu’elle rend à ses racines et à son identité. Dans cette ré-appropriation et cette
revalorisation des cuisines traditionnelles et des savoir-faire locaux, le discours
contribue à l’élaboration de stéréotypes culinaires où la ruralité se voit
désormais intimement associée à une “qualité” apte à symboliser l’excellence
de la France dans toutes ses composantes, dans son sol comme dans ses
hommes. »

 31 BENSOUSSAN M., 1ER SEMESTRE 1999, LE KETCHUP ET LE GRATIN. HISTOIRE(S)


PARALLÈLE(S) DES HABITUDES A (...)

44Faut-il rappeler que la cuisine du « terroir » a toujours été elle-même très


évolutive, face à l’apparition d’un nombre croissant de produits et face au
développement des techniques de cuisson ou de conservation des aliments ? Par
contre, la revendication « gastronomique » peut être à l’origine d’un malaise
ressenti par la majorité des cuisiniers selon lesquels « la cuisine se porte mal
aujourd’hui31 ». Les cuisiniers français se sentent en effet investis d’un devoir
particulier de transmission du savoir-faire culinaire et d’un art exclusif du « bien
manger ».

La gastronomie : arme face au développement des chaînes ?

45L’absence de définition officielle de ce qui peut relever de cet art facilite


l’auto-proclamation de « gastronome » par les cuisiniers. Elle rappelle aussi que
la cuisine reste une activité à forte dimension culturelle qui rend impossible une

19
telle cotation. De même, le ministère de la Culture refuse de donner une
définition figée à la « culture », pour éviter d’exclure les créations
contemporaines.

 32 GIRODIN P., 1995, op. cit., p. 22-23.


 33 COROLLER C., JUILLET 1999, « L’ÉTAT INVENTE UN NOUVEAU CLASSEMENT DES
RESTAURANTS : LA RÉFORME DU M (...)
 34 BOUTBOUL B., LACOURTIADE A. (COLLAB.), AVRIL 1999, « ÉTUDE CHAÎNES
1998 », PARIS, GIRA-SIC CONSEIL, (...)

46Depuis 1965, le commissariat au Tourisme dispose cependant d’une grille de


classification lui permettant d’homologuer les restaurants entre une et quatre
étoiles luxe. En s’appuyant sur des critères proches de ceux de l’hôtellerie, c’est-
à -dire essentiellement sur des notions d’équipements et de surfaces, d’hygiène,
de qualification et d’importance du personnel, cette classification se révèle
totalement inadaptée aux attentes des consommateurs32. Il existe un projet de
révision de cette norme, par lequel les inspecteurs de l’État ne s’aventuraient
plus dans la critique gastronomique mais laisseraient la profession effectuer son
propre classement33. Les syndicats professionnels postulants sont l’Association
des restaurateurs de métier des provinces françaises et l’Union des métiers et des
industries de l’hôtellerie (UMIH). Leurs objectifs se rejoignent dans une volonté
de lutter contre le développement des chaînes. Il est vrai qu’avec 2,5 %
seulement des établissements, les chaînes réalisent actuellement 20 % du chiffre
d’affaires de la restauration commerciale34.

 35 BALFET M., 1981, GESTION ET PERFORMANCE D’EXPLOITATION : LE CAS DES


CHAÎNES HÔTELIÈRES INTÉGRÉES, T (...)
 36 Le self-service serait né aux États-Unis en 1918, lorsque, par réaction
à un mouvement de grève du (...)

47En effet, depuis le début des années 1960, une part croissante des services de
restauration est assurée par les chaînes de restaurants ou par les sociétés de
restauration collective. Le Groupe Jacques Borel, ancêtre du groupe Accor, a
rationalisé l’organisation du travail de ses restaurants en s’inspirant des modes
de gestion industriels observés aux États-Unis, notamment dans les fast-foods et
dans la restauration collective naissante, pour définir un système de gestion
budgétaire et des objectifs de rentabilités chiffrés sur chaque exploitation35. Son
fondateur, un ancien élève de l’école des Hautes études commerciales (HEC) de
Paris, a créé son premier self-service dans la même ville en 1957, qui lui valut la
résistance d’une clientèle non habituée à une dépersonnalisation du service
alimentaire. Il signa ensuite son premier contrat de restauration collective en
1959, qui devint le premier client de la société Générale de Restauration
(rebaptisée Avenance, suite à sa fusion avec Orly Restauration)36. Plusieurs
20
années après, Jacques Borel était encore exposé à de nombreuses parodies,
comme le film L’Aile ou la cuisse de Claude Zidi en 1976 qui stigmatise un
industriel dénommé Jean Tricatel exposé à une confrontation publique, face à
Louis de Funès jouant le rôle d’un critique gastronomique du nom de Charles
Duchemin (pour évoquer le Guide Michelin).

 37 ARIÈS P., 1997, LES FILS DE MCDO. LA MCDONALISATION DU MONDE, PARIS,


L’HARMATTAN, 224 P.

48Certaines chaînes de restauration d’origine américaine comme McDonald’s


ont même dû pénétrer le marché français en deux temps, suite à des résistances
culturelles de la clientèle (selon la justification la plus fréquente), ou face au
refus de supprimer totalement le recours à des cuisiniers (d’où un conflit avec le
premier franchisé, à Créteil, en 1972)37.

49Les chaînes ont toutefois remporté un succès croissant grâce à leurs prix
modérés, à la constance de leur offre et au gain de temps que permettait leur
prestation, mais aussi, grâce à certaines adaptations à notre culture (par exemple,
McDonald’s a modulé ses menus). Ce développement d’une restauration
fortement rationalisée a également été favorisé par la diffusion d’innovations en
matière de technologies culinaires, comme le développement des produits semi-
élaborés (conservés sous-vide, congelés, lyophilisés ou appertisés) qu’il suffisait
d’assembler. Aujourd’hui, ces produits permettent aux chaînes de décliner tout
type d’offre alimentaire, excepté la « véritable » gastronomie, c’est-à -dire la
restauration traditionnelle à vocation artistique, exclusivement artisanale.

50Cette restauration, dont la vocation est moins fonctionnelle qu’artistique,


correspond essentiellement à l’offre alimentaire des restaurants étoilés des
guides les plus réputés (comme Gault-et-Millau ou le Guide Rouge, Michelin).
Elle s’appuie exclusivement sur des produits bruts, sans nécessairement mettre
en œuvre des techniques complexes ou des produits nobles mais en faisant
preuve de recherche et de créativité.

Démocratisation des pratiques alimentaires aux XIXe et XXe siècles


Développement des restaurants populaires et invention des chaînes au XIXe siècle

51Dès le début du XIXe siècle, le mode de consommation alimentaire, calqué sur


les habitudes aristocratiques, et qui se déroulait dans un décor luxueux où les
glaces abondaient, ne constitua plus qu’une partie du marché que se partageaient
les restaurants.

 38 GIRODIN P., 1995, op. cit., p. 11.

21
52Une étude sur les restaurants de Paul de Kock en 1834 donne une idée des
diverses formules à la mode dans Paris, certaines ayant été adoptées en province.
Les gargotiers servaient principalement des maçons, tailleurs de pierres ou
manœuvres ; les traiteurs à prix fixe offraient des repas complets ; les tables
d’hôtes atteignaient parfois une addition élevée quand elles étaient fréquentées
par des femmes galantes et des chevaliers d’industrie ; les pensions bourgeoises
servaient principalement les étudiants en droit ou en médecine ; chez certains
marchands de vins-traiteurs étaient commandés dîners de corps, banquets
patriotiques et repas de noce ; enfin, restaurants de haute propriété et traiteurs de
renom accueillaient la clientèle aisée nationale et internationale38.

 39 ARON J.-P., 1973, op. cit., p. 293

53À Paris, dès 1846, un restaurant particulier baptisé « La Californie » assurait
même le service de près de 6 500 couverts par jour à des prix défiant toute
concurrence39, ce qui correspond à plus de deux fois le nombre de repas servis
actuellement par le restaurant interentreprises de la Tour Maine Montparnasse,
qui figure parmi les cantines les plus importantes.

 40 TURGAN, 1882, Les Grandes Usines  : études industrielles en Frances et


à l’étranger, Paris, Calmann- (...)

54Bien que cette histoire soit inconnue des écoles hôtelières, les archives sur la
profession témoignent du fait que, les principales innovations en restauration
sont dues à Alexandre Duval, le célèbre fondateur des « Bouillons Duval » À
partir de 1854, il invente la carte fixe qui annonce clairement les tarifs
pratiqués, il parvient à pratiquer des prix abordables grâce à une échelle
industrielle de production, il crée une boulangerie centralisée desservant les
différents restaurants, et il organise la première chaîne de restauration
(dénommée « Compagnie anonyme des établissements Duval »)40.

55Ces innovations apparaissent dans un contexte où, entre 1830 et 1860 en


particulier, il fallait souvent consommer trois plats de viande pour pouvoir
satisfaire sa faim, tant les portions avaient été réduites. Dans les foyers comme
en dehors, il existait même des niveaux de médiocrité alimentaire difficiles à
décrire, tant les ménages n’ont laissé que des témoignages fragmentaires sur leur
nourriture. Ceux-ci éclairent cependant sur le contraste existant avec la société
dominante, composée de la grande et moyenne bourgeoisie, voire la petite
bourgeoisie.

 41 ARON J.-P., 1973, op. cit., p. 249-293.

56Entre 1870 et 1871, sous la Commune, Paris est même gangrené par une
tragique misère. Plus de la moitié des habitants est susceptible de recevoir des
22
secours publics extraordinaires en tant que « malaisés41 ». Mais, pour les
propriétaires, la misère est un signe du destin sur laquelle il est inutile de
s’apitoyer. La société dominante utilise alors la cuisine comme armoirie dont
l’aliment est l’anecdote, érigeant l’art, le style et le superflu en philosophie. Il
est vrai qu’à cette époque, la morale catholique apprenait fort heureusement à ne
pas regarder ce qu’il y avait dans l’assiette du voisin !

L’évolution des pratiques alimentaires, menace de perte identitaire ?

 42 KAUFMANN J.-C., 1997, LE CŒUR À L’OUVRAGE  : THÉORIE DE L’ACTION


MÉNAGÈRE, NATHAN, COLL. « ESSAIS ET (...)

57Au début du XXe siècle, avec la fin des domestiques à demeure et le recours
aux « petites jeunes filles » sans formation et issues d’un milieu modeste42, puis
avec l’instauration des congés payés en 1936, la restauration connaît un succès
croissant. Mais son élaboration est de plus en plus transférée aux industries
agroalimentaires.

 43 FISCHLER C., 1996 (RÉÉD. 1997), « LA “MACDONALISATION” DES MŒURS », IN


FLANDRIN J.-L. ET MONTANARI (...)

58Aujourd’hui, l’ensemble de la restauration a recours à ces « nouveaux


produits » et les cantines n’en utilisent pas davantage que la restauration
commerciale43. Ce constat s’oppose à la représentation courante du grand
public selon laquelle il y aurait d’une part des restaurants indépendants dont les
pratiques professionnelles sont « traditionnelles » et, de l’autre, des chaînes ou
sociétés de restauration dont les pratiques sont « industrielles ». Or, les
consommateurs refusent l’industrialisation de la sphère alimentaire :

 44 POULAIN J.-P., 1992, IBID., P.

« [Le client de restaurant] n’aime pas le produit industriel, ou plus précisément,


il en a peur… en même temps qu’il ne sait pas toujours faire la différence […].
Le client ne disposant pas, par ailleurs, de culture technique, a tendance à sur-
valoriser les étapes finales d’un cycle de production. C’est ainsi que dans les
briocheries, par exemple, il identifie comme produit traditionnel des croissants
qu’il a vu badigeonner de dorure ou sortir du four44 ».

59La crainte que manifeste ce type de rejet correspond à la crainte d’une perte
identitaire ou d’une perte de repères culturels ou familiaux (avec le mythe d’un
terroir d’origine ou d’un savoir-faire domestique inégalé). Or il n’existe pas
d’identité « pure », puisque même la cuisine méditerranéenne, par exemple,
représente déjà une combinaison d’influences diverses (les pâtes sont apparues
23
avec les Arabes, de nombreux fruits et légumes sont venus d’Asie et la tomate
d’Amérique…).

 45 FLANDRIN J.-L. ET MONTANARI M. (DIR.), 1996 (RÉÉD. 1997), OP. CIT., P. 881-
887.

60Ce rejet de l’offre des nouveaux produits alimentaires ou des nouvelles


formes de restauration se traduit essentiellement par la négation d’une forme de
démocratisation de leur accès. L’industrie alimentaire a offert à tous la
possibilité de consommer de tout et d’annuler, tendanciellement, les différences
régionales. Mais cela a déchaîné en réaction une recherche haletante et souvent
désordonnée de traditions locales. L’éloge de la différence et la préservation de
l’identité culturelle n’appartiennent donc pas à une thématique passéiste et
rétrograde45.

61Les goûts alimentaires restent un signe de distinction sociale, exactement


comme à la fin du XIXe siècle. Cela rejoint le sentiment d’un professeur de
cuisine de lycée hôtelier, qui considère le recours à la « valeur travail » du
cuisinier comme un élément de prestige :

 46 Interview réalisée en mai 1999.

« Les grands chefs ne se servent de la cuisine de terroir que pour diversifier leur
inspiration, mais la cuisine reste un “snobisme”. Le plaisir des bourgeois, c’est
de détruire en 5 minutes une œuvre faite en 25 heures. Nous, les cuisiniers, on
est payé par des riches pour faire des choses éphémères46 ».

62Il est clair que, de ce point de vue, les repas des cantines ne permettent pas de
tenter une démarcation sociale par des goûts particulièrement subtils, puisqu’ils
visent à satisfaire le plus grand nombre au plus bas prix.

Alimentation et distinction culturelle

 47 Anomie : désorganisation liée à une perte de norme ou de valeurs.


 48 FLANDRIN J.-L. ET MONTANARI M. (DIR.), 1996, OP. CIT., P. 884.

63D’après les analyses sociologiques récentes, l’anomie47 des comportements


alimentaires se répand moins en Europe qu’en Amérique. En Europe, la fonction
sociale du repas reste importante : on continue à ne pas manger seulement pour
se nourrir, mais aussi pour voir ses parents ou ses amis et prendre avec eux un
plaisir partagé. Ce plaisir convivial nécessite des emplois du temps communs et
ne va pas sans un minimum de cérémonie48.

24
64La normalisation de nos comportements alimentaires n’a donc pas encore
atteint un point de non-retour, d’autant qu’une homogénéité plus grande des
comportements peut engendrer, par réaction, un fort attachement à notre identité
propre.

 49 ARIÈS P., 1999, PETIT MANUEL ANTI-MCDO, VILLEURBANNE, GOLIAS, P. 92.

65Contrairement aux idées reçues, au cours du XXe siècle et en particulier suite


au développement des voyages à l’étranger depuis les années 1960 et 1970, le
tourisme a même contribué à relever les critères gastronomiques en créant une
clientèle plus avisée et plus audacieuse en matière culinaire. On sait, en effet,
que si la texture des aliments s’est appauvrie (avec davantage de produits mous),
nos goûts se sont maintenus, voire affinés. Si nous focalisons notre attaque
contre les hamburgers de crainte de subir une mondialisation des goûts, c’est au
risque de voir surgir des formes d’ultra-nationalisme au nom de la sauvegarde
du saucisson-Beaujolais49. Claude Fischler, qui observe que la pizza est moins
vivement critiquée que le hamburger, effectue des préconisations pour l’avenir :

 50 FISCHLER C., AVRIL 1999, « INVASION PIZZA », LIBÉRATION, SAMEDI 17 ET


DIMANCHE 18, P. 47.

« Derrière nos jugements nutritionnels, il y a des jugements culinaires, et


derrière ceux-ci des jugements moraux. Nutrition, gastronomie, morale,
politique : chacune à sa place, et les papilles seront bien gardées. Tout
programme sérieux pour le IIIe millénaire devrait comporter un double point
fondamental : l’amélioration de la race hamburger et la préservation de la pizza
napolitaine50 ».
Désacralisation du métier de cuisinier

 51 ARON, J.-P., 1973, op. cit., p. 325.

66Jusqu’au XIXe siècle, la forme dominante de l’emploi de cuisinier, en tant que


professionnel, restait celle de la maison bourgeoise dans laquelle se pratiquait un
véritable apprentissage. Dans les autres cas, la « bonne à tout faire » pouvait se
charger de la préparation des repas de ses maîtres. Par contre, les femmes
n’avaient toujours aucune chance d’accéder au véritable savoir-faire culinaire en
travaillant dans des grandes maisons ou dans des restaurants : elles n’avaient pas
accès au culte du repas ni même à sa préparation, au nom de la fatigue que celui-
ci pouvait engendrer et du fait qu’il nécessitait « plus de connaissances » que ce
qu’elles avaient51. Ces arguments sont encore véhiculés au sein de la profession
et même du système éducatif, à l’heure actuelle.

25
 52 VANHOUTTE J.-M., 1982, op. cit., p. 307-308.

67Les cuisiniers des maisons bourgeoises du XIXe siècle nourrissaient


l’ensemble des travailleurs sollicités (avec des restes ou un régime de soupe et
de bouillie), de même que les laboureurs hébergeaient et nourrissaient une partie
de leurs employés et les artisans prenaient en charge leurs apprentis et
compagnons52.

 53 ARON J.-P., 1973, OP. CIT., P. 170 ET P. 118-119.

68Depuis la Révolution, les cuisiniers, nés de la chute des nobles, jouissaient


d’un prestige incomparable. Dans la mythologie parisienne, ils jouaient un rôle
éminent : ils réglaient la vie mondaine, les amours, les affaires, ils prêtaient leurs
cadres à l’imagination… Mais progressivement, vers 1890-1900, avec la
démocratisation de l’accès aux nouveaux équipements culinaires et à l’électricité
ou au gaz, la multiplicité et le nivellement des tables ont entraîné leur
désacralisation. Le cuisinier du XIXe siècle est de moins en moins perçu comme
un « magicien » capable, par exemple, de « galvaniser » un navet. Des artistes
authentiques, que les marchands du XIXe siècle avaient traités en notables,
connaissent alors des conditions de vie difficiles…, voire retournent à la
domesticité53.

69Pour un cuisinier aujourd’hui, le passage de la restauration commerciale à la


restauration collective, généralement non choisi, peut s’apparenter à ce
basculement. Face à des difficultés économiques ressenties dans l’artisanat
indépendant, l’acceptation d’une situation de salariat dans un contexte davantage
« domestique » reste présenté comme une nécessité passagère… qui n’anéantit
jamais totalement l’espoir d’un retour à l’artisanat et d’une véritable
reconnaissance professionnelle. La restauration collective apparaît alors comme
une alternative économique au prestige social, toujours recherché mais
temporairement exclu.

Naissance de la restauration collective autogérée à XIXe siècle

 54 ARON J.-P., 1973, IBID.

70Excepté dans l’ouvrage de Jean-Paul Aron54, l’histoire de la restauration


collective, en tant que forme collective de prise des repas, n’est jamais abordée
pour ses différents segments d’activité. La reconstitution opérée ici, pour le
secteur hospitalier, l’armée, les écoles et les entreprises, reste donc partielle, à
défaut de sources bibliographiques plus complètes. Elle permet néanmoins
d’observer le fondement de quatre innovations dont profite aujourd’hui
l’ensemble du secteur de la restauration : la définition de règles d’hygiène, les

26
innovations technologiques et logistiques, la définition de principes
nutritionnels et l’expérimentation de la sous-traitance.

 55 CHACHIGNON M., 1993, BON APPÉTIT LES ENFANTS ! HISTOIRE DE LA


RESTAURATION SCOLAIRE DES ORIGINES À (...)

71Le terme « cantine » apparaît au XVIIe siècle pour désigner une réserve55. Les
dictionnaires s’accordent à lui donner pour origine le terme italien cantina
(cellier, petite cave), lui-même dérivé de canto (angle ou coin retiré). La
définition exacte de ce que l’on entendait autrefois par cantine le confirmait :
« coffret divisé en compartiments où l’on place des bouteilles et des fioles ». Par
extension, on aurait donc donné le nom de la cantine à l’endroit où se trouvait ce
coffret.

 56 GRIGNON C., 1993 (rééd. 1994), art. cit., in AYMARD M. et al. (dir.), op.
cit., note p. 301.

72Le « réfectoire », présent dans l’imagerie véhiculée par la thématique de la


répression comme élément-clé de surveillance des classes populaires au XIXe
siècle, est absent des casernes jusqu’en 1880 et manque souvent dans les
prisons, alors qu’il est réservé, dans les hôpitaux, aux religieuses et au personnel
soignant : les hommes de troupe mangent dans les chambres, les malades au
pied du lit, la plupart des prisonniers en cellule. L’internat constitue un luxe
matériel et moral inaccessible aux soldats, aux malades ou aux détenus, pour qui
la nourriture est perçue par l’administration, davantage en termes de rations et
de budget que de moralisation. C’est seulement à la fin du XIXe siècle qu’il y a
convergence entre des modèles disciplinaires dérivant d’un principe unique
visant à l’intégration et à l’assimilation des classes populaires, et que l’hôpital,
la caserne et la prison s’organisent en pratique sur le modèle conventuel de
l’internat56.

 57 LHUISSIER A., DÉCEMBRE 1999, « ALEXIS DE TOCQUEVILLE ET L’ÉCONOMIE


SOCIALE CHRÉTIENNE : SOCIÉTÉS AL (...)

73Les réfectoires importants se développent en particulier en 1848, à Grenoble.


Ainsi, Alexis de Tocqueville crée la première association alimentaire d’origine
para-municipale respectant la « morale évangélique », mais s’éloignant du
registre classique d’action des œuvres congréganistes. Pour la première fois, des
repas consistants se substituent aux « soupes » et sont destinés à des ouvriers
solvables, membres sociétaires de l’organisation. S’éloignant ainsi de l’aumône,
cette association alimentaire vend des portions à prix très faibles, fonctionne à
perte, et subsiste par les ressources de la bienfaisance privée57.

27
 58 MARTAYAN E., 1990, « L’ÉPHÉMÈRE DANS LA VILLE. PARIS ET LES EXPOSITIONS
UNIVERSELLES », PARIS, REVU (...)

74Plus tard, un restaurant coopératif fut créé lors de l’exposition universelle de


1900. Le gouvernement lui mit à disposition un local et il pratiqua des tarifs
particulièrement bas, qui lui valurent des plaintes de la part des « mastroquets »
voisins. Dans cette cantine temporaire installée près du quai d’Orsay à Paris,
pour la première fois, des femmes assuraient seules le service. Le bilan du
moment témoigne de la critique à laquelle elles s’exposaient : « Les aliments
étaient bien sûr d’excellente qualité et, bien que le service eût été accompli par
des femmes, il n’en résulta ni désordre, ni incident fâcheux58. »

 59 PÉRIER C., 1864, SOCIÉTÉS DE COOPÉRATION : LA CONSOMMATION, LE CRÉDIT, LA


PRODUCTION, L’AMÉLIORATIO (...)
 60 LAROULANDIE F., 1962, LES OUVRIERS DE PARIS AU XIXE SIÈCLE, PARIS, ÉDITIONS
CHRISTIAN, 231 P., P. 1 (...)

75L’essor des coopératives de consommation, nées du même type d’associations


alimentaires, contribue aussi à l’amélioration des repas des ouvriers59. Les
cantines prennent même progressivement la forme d’un mouvement coopératif
ouvrier préalable à la constitution des syndicats60.

Le secteur hospitalier : à l’origine des règles d’hygiène de la profession

 61 CARON M., SEPTEMBRE 1986, LA RESTAURATION COLLECTIVE, PARIS, CAHIER


IFOREP, N° 49, 85 P.

76L’histoire de la restauration hospitalière est très rarement abordée et n’est pas


mentionnée dans un ouvrage spécial consacré aux différents aspects de la
profession61 Nous faisons l’hypothèse qu’il y a là un manque d’intérêt évident
pour cette forme de restauration longtemps sommaire.

 62 GERBOD P., 2000, op. cit., p. 32-37.


 63 ARON J.-P., 1973, op. cit., p. 256.

77Depuis le Moyen Âge, l’action caritative envers les exclus s’étend aux
orphelins, aux « femmes en couches » et aux militaires. Parallèlement se
développe une stratégie d’enfermement dans les hôpitaux généraux des pauvres,
mendiants et vagabonds, considérés comme dangereux pour l’ordre public. Ce
sont donc plusieurs milliers d’individus que le gouvernement ou les communes
logent et nourrissent progressivement à leurs frais, conjuguant inclusion et
exclusion en imposant des formes de restauration collective de qualité très
inégale62Cette histoire des cantines hospitalières, très différente de celle de la

28
restauration seigneuriale, témoigne d’un héritage d’images particulièrement
négatives, liées à la fois au faible prestige de la population servie et aux faibles
qualités de la prestation. L’Hôpital et l’hospice symbolisaient la démission, la
tutelle consentie. Même si les besoins vitaux des pensionnaires étaient satisfaits
et si une diététicienne veillait déjà sur les rations administrées, les éventuels
Règlements sur le régime alimentaire des pensionnaires étaient peu fiables et la
« tambouille » consistait généralement en des légumes cuits à l’eau, des
fromages desséchés, des pruneaux coriaces et un peu de lait63

 64 Cuisine Collective (La), décembre 1997, « Cuisines hospitalières, une


sacré évolution », p. 11.
 65 BABEL A., DARMAN F., 1977, L’HÔPITAL, USINE À SANTÉ, PARIS, ÉD. SYROS,
COLS. « HISTOIRE ET THÉORIE  (...)

78Le recueil des « doléances des malades concernant la nourriture » n’a été
préconisé qu’en 194864. Et dans la loi du 31 décembre 1970 (réforme
hospitalière), un souci d’humanisation des hôpitaux les conduit enfin à
s’éloigner d’une fonction strictement médicale pour s’efforcer d’adopter un
aspect plus convivial, moins troublant65.

79Une innovation technologique importante est née dans le secteur hospitalier.


Face à la complexité de l’organisation que demandait la nécessité d’assurer une
production culinaire continue, y compris les week-ends et jours fériés, le
personnel des cantines hospitalières a pris l’initiative d’effectuer des
préparations à l’avance pour les stocker et les servir, à sa convenance, en
fonction des besoins. Or la cuisson à l’avance et le stockage à température
ambiante des produits pouvaient mettre en danger la santé des consommateurs.
Les pouvoirs publics ont alors adopté l’arrêté du 26 juin 1974, véritable texte
fondateur sur l’hygiène en restauration collective, autorisant mais réglementant
le service des plats produits en différé : la « liaison chaude » (entre la cuisine et
le consommateur) devait s’effectuer à plus de 65° C et ne devait pas dépasser un
délai de deux heures entre la fin de la cuisson et le moment de la
consommation ; la « liaison froide » (qui représente la livraison de plats
cuisinés à l’avance) devait s’effectuer par un refroidissement rapide des produits
(de plus de 65° C à cœur à moins de 10° C en moins de deux heures) et un
stockage ou un transport à moins de 3° C, puis une remise en température
effectuée au moment du service, en moins d’une heure.

 66 Hazard Analysis Critical Control Point (HACCP) ou « Analyse des


risques et maîtrise des points de c (...)

80Cette réglementation professionnelle a légèrement évolué avec l’arrêté du 29


septembre 1997, adopté suite à la directive européenne du 14 juin 1993 et fixant

29
les conditions d’hygiène applicables dans le « secteur de la restauration
collective à caractère social ». Cet arrêté a permis de réviser la norme des + 65°
C à + 63° C. Par contre, il définit les obligations minimales en matière
d’hygiène alimentaire (comme l’adoption de plans de nettoyage et de
désinfection de l’ensemble des locaux qui mentionnent des modes opératoires
précis). Il vise à responsabiliser les établissements concernés en préconisant de
se référer au Guide des bonnes pratiques d’hygiène et l’adoption des principes
d’autocontrôles de la méthode HACCP66.

L’armée : mise en place d’innovations technologiques et logistiques

81Développement de l’institution. La reconstitution d’un historique de l’armée


est rendue difficile par l’autonomisation de ses trois branches – Air, Terre,
Marine – dont les évolutions temporelles ont été très distinctes et, surtout, par la
faiblesse des écrits sur la cantine dans ces organisations où une histoire de
l’armement est plus aisée à restituer.

82Après le Moyen Âge, les armées françaises et étrangères en campagne pillent


les villages ou opèrent des réquisitions, comme par le passé. Mais vers 1550,
sous le règne d’Henri II, s’esquisse un service chargé de pourvoir à
l’alimentation des troupes, par lequel des commissaires aux vivres font appel à
des entrepreneurs privés appelés « munitionnaires », pour obtenir les
approvisionnements nécessaires et définis par contrat. Le premier marché est
conclu en 1575 pour les troupes du général de Montpensier. Ce système
fonctionnait de manière médiocre et fut rapidement abandonné pour évoluer vers
un système de magasin interne. Parallèlement aux approvisionnement à la
charge de l’administration des vivres, on voit s’esquisser au XVIIIe siècle la
fonction de « vivandier », à la fois pourvoyeur de vivres complémentaires et
cuisinier, éventuellement.

83Dans la marine, entre le XVIIe et le XVIIIe siècles, se mettent en place, sur les
flottes de guerre françaises et étrangères, des services de subsistance. Pour la
France, ce sont des commis assistés des maîtres-coq, de valets, d’un boulanger
et d’un tonnelier. Il faut en effet veiller à embarquer et à conserver
d’importantes réserves de vivres, et même toute une basse-cour et du gros bétail
sur pied, lorsqu’il s’agit de campagnes en mer.

 67 GERBOD P., 2000, op. cit., p. 45-49

84En 1792 est créée, sous l’autorité du ministère de la Guerre, une direction
centrale des approvisionnements pour les armées de Terre et la Marine, ainsi que
pour le ministère de l’Intérieur. Mais en dépit de fortes « contributions de
guerre » qu’impose notamment Bonaparte aux villes conquises, il est nécessaire

30
de procéder à des achats massifs de blé et, criant famine, les soldats n’échappent
pas aux pillages des contrées qu’ils traversent67.

85L’armée de Terre, puis la Marine, se développent en effet sous Napoléon. Le


10 mars 1818, une ordonnance de Louis XVIII établit le service militaire que ni
la Révolution, ni l’Empire n’avaient osé fixer dans les institutions. Mais il
l’assortit de dispositifs qui en restreignent la portée (avec des exceptions pour
soutien de famille ou études ecclésiastiques, ou pour défaut de taille, maladie et
infirmités). Un deuxième tri établi par ordre de convocation et fonction des
places disponibles engendre rapidement un commerce, en défaveur des plus
démunis.

 68 ARON J.-P., 1973, op. cit., p. 257-261.

86En 1905, le service universel et obligatoire est instauré avec un brassage des
catégories économiques pouvant exaucer l’idéal égalitaire des paysans. Mais les
incorporés, en majorité originaires des campagnes, agriculteurs ou artisans des
bourgades, souffrent de sous-nutrition68.

87La défense aérienne ne se déploie qu’en 1914, sous l’appellation


d’« Aéronautique militaire » (pour n’être qualifiée d’« armée de l’Air » qu’en
1933). Les effectifs connaissent ensuite une progression particulièrement
marquée par les principaux conflits tels que les guerres coloniales, mais ces
données sont difficiles d’accès.

88Pendant la Première Guerre mondiale, on sait que le « cuistot », ou « homme


de corvée », doit transporter chaque jour jusqu’aux combattants placés en
première ligne, à travers le labyrinthe des tranchées et cheminements plus ou
moins bien protégés, les chapelets de boules de pain et un bouteillon de
« soupe », des pâtes ou du riz, des « fayots » ou des « patates ».

89En 1996, l’armée comptabilise son effectif maximum avec près de 500 000
personnes (300 000 dans l’armée de Terre et 90 000 environ pour les armées de
l’Air et de la Marine). Cet effectif est représenté au tiers par des appelés. Au
total, les armées produisent environ 154 millions de repas par an (en 1997), ce
qui les rend comparables à l’une des trois premières sociétés de restauration
collective. Elles emploient 5 000 personnes dont des engagés (aux postes
d’encadrement), environ 1 000 appelés (qui travaillent presque exclusivement
dans les restaurants d’appelés) et des civils.

90Aujourd’hui, la fréquentation des casernes chute de manière constante depuis


la loi du 28 octobre 1997 mettant fin à l’obligation du service militaire.

31
91Alimentation des casernes. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, les hommes de troupe
sont soumis à un régime alimentaire à part, qui n’a rien de commun avec
l’alimentation bourgeoise réservée aux gradés :

 69 GRIGNON C., 1993 (rééd. 1994), art. cit., in AYMARD M. et al. (dir.), op.
cit., p. 298- 299.

« L’obligation de vivre à l’ordinaire est d’autant plus stricte qu’on descend dans
la hiérarchie. Le caractère hiérarchique de l’alimentation est encore accentué
par l’opposition entre ceux qui servent et ceux qui sont servis, opposition qui
symbolise, à l’époque, le clivage entre la bourgeoisie et les classes dominées, et
que l’alimentation contribue à renforcer : servir comme soldat, c’est aussi
servir comme domestique, que ce soit auprès des officiers ou pour la cantine
des sous-officiers ; ce sont les hommes de troupe qui font le ménage et la
cuisine, qui servent à table, etc.69 »

92Comme c’est le cas pour les prisonniers, les « repas » des soldats ne sont ni
des déjeuners ni des dîners, mais des « soupes ». Les hommes de troupe
mangent dans des gamelles collectives (pour sept ou huit) jusqu’au milieu du
XIXe siècle, puisque le ministre n’autorisa l’usage de la gamelle individuelle
qu’en 1833, pour l’étendre en 1852.

 70 ARON J.-P., 1973, op. cit., p. 300.

93À partir de 1880, les préoccupations de médecins militaires soucieux d’une


alimentation rationnelle qui éviterait le gaspillage et l’alcoolisme pensent à
introduire « une certaine diversité » dans le choix des aliments du soldat. La
soupe grasse bi-journalière commence à être remplacée une ou plusieurs fois par
semaine par la « ratatouille » ou « rata », qui est en principe du ragoût de bœuf
ou de mouton cuit avec des légumes, mais dont la préparation et la composition
sont très variables70.

94Le prestige des repas de l’armée n’a donc pas été longtemps supérieur à celui
des hôpitaux, deux secteurs qui représentent actuellement une part essentielle
des repas servis en restauration collective.

95Innovations suscitées par l’armée. Dès le début du XIXe siècle, Napoléon se


préoccupe des problèmes d’intendance militaire et maritime,
l’approvisionnement des armées et des flottes posant des problèmes
particulièrement complexes. Il favorise le développement de la recherche en
matière alimentaire.

32
96L’approvisionnement alimentaire de ce secteur put être facilité et amélioré au
plan qualitatif suite à l’invention, par Nicolas Appert, de l’appertisation (ou
stérilisation), un nouveau procédé de conservation des aliments :

 71 NEIRINCK E., POULAIN J.-P., 1992, op. cit., p. 84.

« En 1782, Nicolas Appert [fils d’hôtelier devenu confiseur] s’installe à Paris, rue
des Lombards, dans le quartier des Halles. Dans son laboratoire, il commence
ses premières recherches sur la conservation en bouteilles, exploitant des
travaux dont il a eu connaissance. Le gouvernement, soucieux d’une meilleure
alimentation de ses troupes en campagne, promet une prime de 12 000 francs
[ou 1 830 euros] à l’inventeur qui mettra au point un procédé pour la
conservation à long terme et sans altération des aliments. Alors Appert
redouble ses efforts ; il s’agrandit et s’installe en banlieue, d’abord à Ivry, puis à
Massy. Proche des lieux de production, il progresse rapidement et, en 1804, il
commence la commercialisation de ses produits71. »

97La conserve apparaît comme une véritable révolution par rapport aux
techniques médiévales de conservation des aliments (salage, fumage, alcool,
vinaigre…).

 72 BENSOUSSAN M., 1999, op. cit., p. 159.

98Ce procédé de conservation, le plus ancien en restauration, est donc l’héritage


d’une demande d’innovation face aux contraintes d’alimentation de l’armée. Et
dès la Première Guerre mondiale, les conserves permettent effectivement aux
militaires de bénéficier d’approvisionnements divers malgré les restrictions,
lorsque leurs familles leur envoient des boîtes de sardines ou des confitures72.

 73 NEIRINCK E., POULAIN J.-P., 1992, op. cit., p. 83

99La plupart des découvertes réalisées durant le XIXe siècle avaient été suscitées
par des besoins militaires73: invention de la conserve puis amélioration de la
marmite par la mise au point de l’autoclave (cuiseur vapeur sous pression), mise
au point de la margarine ou du procédé de fabrication industrielle du sucre de
betterave, potages en poudre, etc.

100Aujourd’hui encore, les contraintes « logistiques » des armées, toujours


préoccupantes, engendrent quelques innovations technologiques ou a minima,
des innovations organisationnelles. Par exemple, l’invention des produits longue
conservation, dont le process de la stérilisation à « ultra haute température »
assure un bon maintien des saveurs. Les produits sont cuits, stérilisés et

33
consommés dans le même emballage, et l’adjonction de conservateurs naturels,
tels que les vitamines C et E qui sont des anti-oxydants, renforce leurs
possibilités de conservation. Ou encore, il existe des systèmes de cuisson ou de
réfrigération mobiles, des équipements d’approvisionnement en eau ou de
compactage des déchets… et, bien sûr, des solutions logistiques de plus en plus
performantes.

 74 LISTON Ph., novembre 1998, in « Feeding Frontline Forces : Weighing


up Means of Food Supply for Mil (...)

101Une étude menée par l’armée américaine sur l’alimentation des troupes au
front rappelle en effet que les soldats peuvent être davantage épuisés et
démoralisés par l’absence de nourriture (et d’eau) que par n’importe quelle autre
privation, excepté le sommeil. La disponibilité de nourriture est en quelque sorte
un baromètre à travers lequel un soldat juge l’état de l’organisation de son unité.
Un manque d’alimentation signifie pour eux une désorganisation des moyens
logistiques, qui suppose le chaos74.

Le secteur scolaire : définition de principes nutritionnels

 75 La « nutrition » représente l’ensemble des processus d’assimilation et


de désassimilation qui ont l (...)
 76 DEFRANCE A., 1994, IN CAHIERS DE L’OBSERVATOIRE CIDIL DE L’HARMONIE
ALIMENTAIRE (OCHA), N° 4, 130 P

102Le terme « nutrition » nous paraît approprié pour décrire une évolution
fondamentale de la profession, même si la profession a généralement recours à
celui de « diététique »75. En effet, si l’évolution des connaissances
« nutritionnelles » est liée à l’évolution de la recherche médicale, celle de la
« diététique » est davantage liée à des effets sociétaux de rapports de l’homme à
son alimentation ou à son corps. L’évolution normative des discours en matière
de diététique a été analysée au travers de quatre grandes étapes du discours, nous
conduisant à vouloir maigrir à tout prix avant de revenir à une recherche
d’harmonie : il fallait « manger moins » dans les années 1970, « manger vite »
au début des années 1980, « manger sans » à la fin des années 1980, et il faut
« manger juste » dans les années 199076. pourquoi, seules l’évolution des
connaissances scientifiques et médicales et leurs applications en matière
d’alimentation nous paraissent susceptibles d’être analysées comme des
innovations.

 77 GERBOD P., 2000, op. cit., p. 37-41.

34
103La satisfaction des besoins nutritionnels des jeunes est rapidement devenue
une préoccupation majeure pour les établissements scolaires. Dès le XVIe siècle,
les collèges, qui ne dépendent plus des universités mais le plus souvent de
congrégations religieuses, se développent et instituent une forme de restauration
collective avec des tables immenses (16 à 25 places), pour lesquelles un
religieux veille au silence77. Dans l’instruction primaire, le couvert apparaît au
XVIIIe siècle, avec la congrégation des Frères des Écoles chrétiennes, fondée en
1720 par Jean-Baptiste de la Salle.

 78 ARON J.-P., 1973, op. cit., p. 261-268.

104Les collèges. Encore au XIXe siècle, les collèges restent réservés à la


bourgeoisie. Auparavant et pendant des siècles, l’Église avait dispensé
l’instruction en France, et l’enseignement secondaire comme les facultés (de
médecine et de droit) devaient permettre de « sauvegarder la santé et le
patrimoine des familles ». Convertie en service d’État, l’école a progressivement
consenti à assouplir progressivement sa rigueur, à la fin du XIXe siècle78.
internes des cantines sont loin d’être comblés, et si l’administration s’applique à
justifier toutes les sommes reçues, nul n’est dupe à l’époque. Face à des
économes qui surveillent leurs dépenses, les familles doivent même se soucier
de combler d’insupportables carences par un approvisionnement
complémentaire pour leurs enfants (en charcuteries, biscuits, chocolat ou
confitures).

105Il existait toutefois des exceptions, avec de bonnes rations alimentaires dans
les grandes écoles comme Polytechnique.

106Les écoles. Les lois Jules Ferry poussent à la fréquentation des écoles et à la
multiplication des cantines. Les soupes et aliments chauds, dont le ministre de
l’Instruction publique Victor Duruy demande, en 1869, qu’ils soient distribués
aux enfants des salles d’asile, représentent la forme initiale du repas.

 79 VION-BROUSSAILLES J., SEPTEMBRE 1986, « À TABLE LES ENFANTS ! », IN « LA


RESTAURATION COLLECTIVE », (...)

107Ainsi, la cantine a progressivement remplacé la gamelle que les enfants les


plus éloignés de l’école apportaient de leur domicile et que leur maître faisait
réchauffer sur le poêle de la classe. Les Caisses des écoles, qui se sont largement
développées après la loi Jules Ferry de 1881 remplissaient alors un objectif
social qui consistait à distribuer gratuitement ou à petit prix des aliments chauds,
l’hiver, aux plus démunis. Petit à petit, la fonction de ces organismes est
devenue celle d’un véritable service public revêtant une grande importance
politique pour les mairies79.

35
108Certaines résistances enseignantes auraient pu déstabiliser l’édifice, mais le
repas pris à la cantine est plutôt devenu le repas le plus consistant de la journée,
pour de nombreux enfants. Le problème actuel de l’alimentation infantile est
moins celui d’une sous-alimentation qu’un souci d’apprentissage d’un bon
équilibre nutritionnel.

 80 GERBOD P., 2000, op. cit., p. 100-101.

109La gestion des cantines a longtemps été confiée aux concierges des écoles,
en régie directe, même si les municipalités pouvaient avoir recours à des
« cantiniers ». Dans les collèges communaux et les institutions privées laïques,
cette responsabilité incombait au chef d’établissement, le principal ou le chef
d’institution ou de pension. En pratique, la femme de ce « chef de maison » se
chargeait fréquemment de la préparation des repas80. pourrait expliquer la
féminisation ultérieure de l’emploi de cuisinier dans les cantines scolaires,
comme s’il s’apparentait à une restauration domestique, davantage que la
restauration hospitalière ou d’entreprises.

 81 AUBERT P., NOVEMBRE 1998, DOSSIER « OFFRES ET PROPOSITION : LA


RESPONSABILITÉ DES SOCIÉTÉS DE RESTA (...)

110Définition des règles nutritionnelles de l’écolier. La circulaire du 9 juin 1971


a défini les règles de nutrition de l’écolier. Elle a réglementé l’alimentation des
enfants des écoles en rappelant les principes élémentaires de composition des
menus à travers une succession de conseils nutritionnels. Le repas pris « à la
cantine » à midi devait représenter 40 % de la ration journalière. Pour garantir
un apport minimum de protéines d’origine animale et de calcium, il devait
comporter un plat protidique principal accompagné un jour sur deux de légumes
verts, puis de féculents, ainsi qu’une crudité et un produit laitier. Mais son
imprécision et sa non-actualisation ont rendu ces recommandations peu
pertinentes, d’autant qu’il existe une évolution des préoccupations diététiques.
Actuellement, les nutritionnistes préconisent plutôt une diminution de la
consommation des protéines et une augmentation de celle des glucides chez les
enfants, compte tenu de l’évolution des connaissances sur l’équilibre
alimentaire81.

 82 GPEM/DA, avril 1999, Projet de recommandation relative à la


nutrition, Paris, ministère de l’Économ (...)
 83 VUILLERME J.-F., JUIN 1999, « RECOMMANDATIONS NUTRITIONNELLES : LE GUIDE
OFFICIEL EST ADOPTÉ », NÉO (...)
 84 Departement For Education and Employment (DFEE), 1996, « For
Policy Makers in Local Education Autho (...)

36
111Il existe cependant une avancée récente importante en la matière, puisqu’un
guide des recommandations nutritionnelles a été élaboré en avril 1999 par le
Groupe permanent d’étude des marchés de denrées alimentaires (GPEM/DA)82.
Il a été approuvé le 6 mai 1999 par la Commission centrale des marchés de la
Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie83. Les collectivités
publiques peuvent donc intégrer ces recommandations dans leurs cahiers des
charges des marchés de fournitures de repas et de délégation de service public
de restauration. Ces recommandations fixent des objectifs de qualité
nutritionnelle des repas, les moyens d’atteindre ces objectifs et les contrôles
aptes à vérifier que ces moyens sont bien mis en œuvre. Elles ont vocation à
devenir une référence incontournable pour tous les acheteurs publics. Alors
qu’en Grande-Bretagne ou aux États-Unis, l’ensemble de la profession est
soumis aux mêmes contraintes84, le secteur public français reste actuellement
libre d’appliquer ces règles, qu’il est en droit d’imposer au secteur privé après
l’avoir sollicité dans leur élaboration. Seule une association professionnelle
municipale incite ses adhérents à respecter ces règles, pour ne pas se distancier
du niveau de professionnalisme des sociétés de restauration collective.

112Le rapport du GPEM/DA est d’une grande complexité. Il préconise, par


exemple, d’augmenter les apports calciques, en fer, en fibres et en vitamines des
repas servis en collectivités, de spécifier la taille des portions selon l’âge des
élèves (en précisant les variations de poids acceptables pour chaque composante
du repas). Il s’appuie sur une classification préalable des produits (par exemple,
pour les produits laitiers, l’emmenthal et les fromages à pâtes pressées cuites
apportent plus de 30 mg de calcium par portion de 30 g) et sur une spécification
de certaines exigences (par exemple, pour le poisson, les matières premières
devront comporter 95 % de poisson au minimum, éventuellement reconstitué).

En entreprises : expérimentations ouvrières puis recours à la sous-traitance

 85 AUBERT P., NOVEMBRE 1998, ART. CIT., P. 3.

113La cantine de la Banque de France, présentée par les représentants des


cantines autogérées comme étant la plus ancienne cantine d’entreprise, a été
créée en 1866 alors qu’aucune disposition légale ne l’imposait. Elle représente
aussi la première cantine sous-traitée à une entreprise privée et les sociétés de
restauration collective y voient le fondement de leur branche, en 191385.

114Mais la véritable référence en matière de cantine d’entreprise date de l’entre-


deux guerres :

 86 BESSIÈRES A., 1986, « DE LA GAMELLE AU RESTAURANT D’ENTREPRISE », CAHIER


IFOREP, N° 49, P. 6-13

37
« Il faut remonter aux années 1939-1940 pour assister à la création des
premières cantines pour le personnel des sociétés privées qui assuraient alors
la production, le transport et la distribution du gaz et de l’électricité en France.
Elles se développèrent entre 1939 et 1945, période de restriction, notamment
alimentaire. À partir de 1946, avec la nationalisation de ces sociétés privées, les
représentants élus des salariés prennent la responsabilité des activités sociales
dont la cantine86. »

 87 Liaisons Sociales, juillet 1992, « Création du comité d’entreprise,


fonctionnement du comité d’entr (...)
 88 Depuis le 1eroctobre 1987, à défaut de comité d’entreprise, les
délégués du personnel peuvent s’y s (...)

115Avec l’ordonnance du 22 février 1945 instituant les comités d’entreprise, les


cantines d’entreprises se sont développées d’autant plus que cette mesure
enregistrait, simultanément, le maintien d’une exonération fiscale décidée en
1942 (cf. chapitre suivant). En effet, les cantines d’entreprise constituent une
œuvre sociale dont le comité d’entreprise est en droit de revendiquer la gestion
ou la création87. Il peut en assurer la gestion directe, la confier à un de ses
membres, à un gérant salarié du comité, ou à une entreprise spécialisée, ou la
remettre à l’employeur qui, dans ce cas, agit dans le cadre d’un mandat du
comité d’entreprise et sous son contrôle88.

116Les institutions sociales constituées sous la forme d’organismes dotés de la


personnalité civile (associations ou sociétés) sont gérées par les conseils ou
directions de ces organismes, conformément au droit commun. Mais ces conseils
sont toujours composés pour moitié de représentants des comités d’entreprise ou
d’établissement concernés, pour une gestion en « participation ».

Définition des obligations de l’employeur en matière de restauration des


salariés
Les « réfectoires, cantines et restaurants », qui font partie des œuvres en gestion
directe pour les comités d’entreprises, sont définis de la manière suivante :
Depuis un décret du 10 juillet 1913, l’employeur a obligation de mettre un
« réfectoire » à la disposition du personnel (équipé d’un robinet d’eau potable
fraîche pour la boisson), dans les établissements où le nombre des salariés
désirant prendre leur repas sur les lieux de travail est au moins égal à 25.
Cette réglementation a très peu évolué. Depuis 1945, l’avis du comité
d’entreprise doit être pris. Le décret du 30 juin 1977 précise que ce local doit
être muni d’une installation de réchauffage des plats1.
Depuis le 1er octobre 1988, lorsque les conditions ne sont pas réunies pour
imposer la mise en place d’un réfectoire (parce que moins de 25 salariés sont

38
demandeurs), l’employeur doit mettre à disposition du personnel un
emplacement permettant de se restaurer dans de bonnes conditions d’hygiène et
de sécurité. L’employeur peut aussi, en accord avec les intéressés, substituer une
formule de participation aux frais de restaurant des salariés sous forme de titres
restaurant. Depuis une décision de l’Administration en 1965, cet avantage en
nature est exonéré de cotisations sociales y compris pour les entreprises de
moins de 25 salariés, et l’ordonnance du 27 septembre 1967, qui réglemente leur
usage, définit des montants limites pour l’exonération de la participation de
l’employeur
1. Liaisons Sociales, avril 1979, « Restauration d’entreprise », Paris, n° spécial,
100 p., p. 6.

117Après la loi sur les comités d’entreprise, les cantines connurent trois stades
de développement.

118La naissance des premiers restaurants, sous égide ouvrière s’appuyait sur le
bénévolat :

 89 BOUVIER P., TRAVAIL ET EXPRESSION OUVRIÈRE, 1980, PARIS, ÉD. GALILÉE, P.


105, CITÉ PAR VANHOUTTE J. (...)

« En 1950, le comité d’entreprise des usines Renault était gestionnaire des
cantines et le bilan était loin d’être satisfaisant. La préparation et le service de
20 000 repas par jour est une tâche écrasante. Les élus n’ont pas de
connaissances spécifiques en la matière. Ce sont souvent des travailleurs de
l’usine qui font fonction de cuisiniers et d’employés. De ce fait, la prestation se
réduit souvent à une cuisine de régiment qui mécontente tous les
rationnaires89. »

119Si l’investissement de la CGT dans les comités d’entreprise n’a été que
progressif, pour ne pas cautionner la gestion des rapports sociaux de l’entreprise
par sa présence dans cette institution paritaire, à l’inverse, elle s’est engagée plus
facilement dans le service de la restauration. En effet, les travailleurs y
trouvaient des satisfactions immédiates susceptibles d’améliorer les conditions
de travail des ouvriers, et la possibilité de réunions dans le cadre de la prise en
commun des repas.

 90 VANHOUTTE J.-M., 1982, op. cit., p. 523.

120Dans les expériences autogestionnaires du début des comités d’entreprise,


des contradictions sont rapidement apparues : la mission était plus importante
qu’elle ne paraissait puisque, conformément aux discours tenus par les cuisiniers
professionnels, il s’agissait véritablement de « nourrir son prochain ». La non-
39
spécialisation du personnel recherchée au départ ne pouvait être maintenue :
« Le militantisme et la qualité de la nourriture ne se conciliaient pas90. » Les
comités d’entreprises firent donc progressivement appel à du personnel
spécialisé qu’ils employèrent.

121Les syndicats de salariés, dont la CGT, devenus employeurs, furent


rapidement confrontés à des revendications salariales dans un contexte de lutte
des classes, ce qui les obligea à se comporter comme tels et à concilier les
exigences des travailleurs-consommateurs à celles des travailleurs-employés
(puisque tout avantage accordé à l’une des parties se faisait au détriment de
l’autre). En effet, le patronat, déchargé de la gestion de cette activité, n’avait
plus à financer de dépassements budgétaires, même dus à une amélioration de la
qualité des prestations ou à une amélioration des rémunérations du personnel de
la cantine.

122Face à la complexité des rapports sociaux entre les travailleurs, les comités
d’entreprises se sont alors progressivement déchargés de la gestion de la cantine
qu’ils avaient pourtant revendiquée, en la confiant à des sociétés spécialisées :
les sociétés de restauration collective.

123Elles peuvent alors être perçues comme ayant « récupéré » une situation
conflictuelle, en tirant parti de leur statut externe et de leur spécialisation
professionnelle pour s’imposer en tant qu’arbitre. Les cantines d’entreprises, en
tant que segment de marché de la restauration collective, ont été en effet le
premier secteur faisant appel à la sous-traitance. Elles sont largement sous-
traitées et la profession considère avoir atteint un seuil difficilement
franchissable, dans la mesure où certaines collectivités conservent leur
autonomie de gestion pour des raisons syndicales (la fonction publique) ou de
sécurité (l’armée, par exemple).

124Aujourd’hui, l’activité des cantines d’entreprises devrait connaître un


ralentissement important avec la mise en application des lois Robien de 1997 et
Aubry de 1998 sur l’aménagement du temps de travail et l’adoption des 35
heures hebdomadaires. L’activité de ce secteur des cantines pourrait chuter d’un
cinquième dans toutes les entreprises où une demi-journée hebdomadaire sera
libérée.

Naissance des sociétés de restauration collective au milieu du XXe siècle

125La première entreprise assimilable à une société de restauration collective


existe toujours. Il s’agit de Sogeres, créée en 1934. Puis, Générale de
Restauration (aujourd’hui rebaptisée Avenance) est née du groupe Jacques Borel
en 1959, avec un premier contrat de gestion en restauration d’entreprise. Mais la
véritable naissance de cette branche revient plutôt à la « Société hôtelière et de
40
restauration » (SHR, aujourd’hui absorbée par Compass Group) ou à Sodexho
(ou « Sodexho Alliance »), deux entreprises fondées à Marseille respectivement
en 1963 et 1966 (avec quelques écarts selon les sources d’information, puisque
chaque société revendique sa primauté). Dans la lignée de Jacques Borel
(diplômé d’HEC Paris en 1950), Pierre Bellon et Yves Artufel ont suivi le même
enseignement et sont issus respectivement des promotions de 1954 et de 1960.
Ces deux Marseillais d’origine s’engagent dans le même secteur d’activité que
leur prédécesseur, mais par une voie différente. Alors que Jacques Borel s’est
attiré les reproches d’associations de consommateurs parce qu’il envisageait de
réformer la restauration sans être reconnu spécialiste du domaine, ses
successeurs ont développé des sociétés de restauration collective nées d’un
savoir-faire logistique, qui leur a permis d’acquérir un rayonnement mondial.

126Sodexho (créée par Pierre Bellon) était initialement spécialisée dans


l’hôtellerie maritime à bord de paquebots de ligne et de croisières, de propriété
familiale, alors que le groupe auquel appartenait SHR opérait dans
l’avitaillement maritime (activité d’approvisionnement des navires) et disposait
d’une filiale épicière, Cofrapex (rachetée par le groupe Aldis au début des
années 1990). Dès le milieu des années 1960 et à la demande de clients tels que
le groupe Elf, ces deux groupes ont progressivement élargi leurs activités à la
gestion de « bases vie » : il s’agissait non seulement d’approvisionner des sites
isolés tels que les plates-formes pétrolières de la Mer du Nord (en alimentation,
consommables, équipements divers, etc.), mais aussi d’assurer l’organisation de
services tels que la gestion de supérettes, la désalinisation de l’eau ou la sécurité
des sites… Parmi ces prestations figurait la prise en charge de la confection des
repas des habitants, en dépit des aléas de livraisons.

127Cette activité remporta un vif succès auprès des centrales nucléaires d’EDF,
qui présentaient, par leur relatif isolement géographique, des contraintes
similaires à celles des bases-vies. Les premiers contrats de ces sociétés de
restauration collective ont alors été les centrales de Cadarache et de Pierrelatte,
avant que s’ouvrent les marchés des autres cantines d’entreprises, des écoles
privées ou des cliniques.

128De même, la plupart des sociétés de restauration importantes sont nées à la


fin des années 1960 et au début des années 1970. Entreprises de restauration ou
traiteurs d’une part, spécialistes de la logistique de l’autre, ont convergé vers une
activité commune : la gestion de services de restauration. Cette activité a élevé
progressivement son niveau de qualification, face à l’accroissement des
contraintes qualitatives, d’hygiène et de gestion.

129L’atout que présentaient ces prestataires de la restauration collective devint


rapidement celui de disposer à tout moment, telle une agence d’intérim, d’un
fichier de cuisiniers prêts à se mobiliser pour assurer la continuité du service en
41
cas d’absentéisme. Cet atout était d’autant plus apprécié que les cuisiniers
avaient la réputation d’être particulièrement indépendant et instables, en période
de plein emploi. Ainsi, sans être nécessairement gérées par d’anciens cuisiniers,
ces sociétés de restauration ont trouvé leur légitimité en s’appuyant sur les
professionnels de la cuisine.

 91 GOLAN G., AVRIL 1999, « ACCÉLÉRATION DE LA CROISSANCE ET


CONCENTRATION », IN « DOSSIER EXCLUSIF SOC (...)

130Mais contrairement à l’histoire de la restauration collective « autogérée » où


le développement a porté d’abord sur les segments hospitaliers et scolaires (ou
sur les populations les plus « assistées »), les sociétés de restauration collective
sont nées de la restauration d’entreprises (qui accordaient parfois un budget
élevé à cette activité). En entreprises, le personnel était souvent moins
« protégé » par un statut que dans le secteur scolaire ou hospitalier, et cette
activité a pu être fortement sous-traitée. À l’inverse, les segments scolaires et
hospitaliers du secteur public ont pu être considérés comme davantage
« fermés », face à certaines résistances syndicales ou à des obstacles juridiques
(en présence de personnels ayant des statuts de droit public parfois
incompatibles avec le Code du travail qui s’applique aux entreprises privées). Le
volume d’activité que représentent les différents segments de marché de la
restauration collective est estimé à 40 % pour les entreprises, 34 % pour le
segment scolaire et 26 % pour la santé91.

 92 VUILLERME J.-F., 1ER TRIMESTRE 1998, « LA RESTAURATION COLLECTIVE : UNE


TROMPEUSE STABILITÉ », GRAN (...)

131Pour un taux moyen pondéré de pénétration des marchés de 25 à 30 %


seulement (compte tenu du faible poids relatif des repas d’entreprises), le taux
de sous-traitance des différents segments de marché est le suivant92 : 15 % pour
le secteur hospitalier et l’armée ; 26 % pour le secteur scolaire (sous la
responsabilité des mairies pour les maternelles et le primaire, des conseils
généraux pour les collèges, et des conseils régionaux pour les lycées, tandis que
l’enseignement universitaire reste encore le monopole des Centres régionaux des
œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ; 68 % pour la restauration
d’entreprises (ce que les sociétés de restauration collective considèrent comme
un marché « saturé », tant elles auront des difficultés à pénétrer davantage les
activités restant autogérées).

132La progression des sociétés de restauration collective dans le marché de


l’autogestion aurait été fortement ralentie ou stoppée si elle n’avait pas adopté
des formes nouvelles ces dernières années. En effet, depuis 1988, avec la
première construction de cuisine centrale réalisée par Générale de Restauration

42
(rebaptisée Avenance), certaines sociétés de restauration collective ont pris une
orientation qui s’est révélée décisive sur leur croissance. Aujourd’hui, celles qui
ne l’ont pas prise n’en ont plus la possibilité, faute de savoir-faire et de
références, sur un marché devenu complexe et exigeant.

133Pour pénétrer de nouveaux marchés tels que les collectivités locales, les
sociétés de restauration collective ont d’abord transformé la définition première
de leur métier, en devenant parfois prestataires de services et investisseurs.
Alors qu’auparavant, elles n’investissaient même pas dans le matériel de cuisine
puisque celui-ci leur était confié, elles réalisent aujourd’hui des emprunts de
long terme pour se substituer àdes collectivités àfaibles ressources.

134Elles ont ensuite imaginé de nouvelles formes de collaboration avec ces


collectivités, en acceptant, selon le cas, le détachement temporaire ou la reprise
de personnel, voire une intervention d’assistance technique sur des domaines
variables (encadrement d’exploitation, formation, gestion des achats…).

135Ainsi, la conquête des marchés s’est faite par une adaptation à un ensemble
d’exigences, rendant chaque situation spécifique. Il est donc difficile d’établir
des moyennes, à partir des situations dans lesquelles des sociétés de restauration
collective ont construit des cuisines centrales, sur la part du personnel qu’elles
ont repris ou sur la part des détachements temporaires qui y ont été effectués. Il
apparaît par contre que les collectivités qui sollicitent ces nouveaux exploitants
restent les véritables décideurs des transferts d’activité qui s’opèrent. Les
emplois de ré-affectation qu’elles proposent aux individus refusant un
détachement chez les nouveaux prestataires présentent en effet un intérêt
variable qui oriente fortement les choix individuels des personnes concernées.
Parmi les plus fréquents, nous avons relevé les tâches administratives, le
gardiennage de parkings et le ramassage des ordures ménagères.

136Aujourd’hui, le développement des sociétés de restauration collective


s’effectue principalement sur les segments de marché les plus faiblement sous-
traités, c’est-à-dire sur le segment scolaire et celui de la santé. Le tableau qui
suit donne un aperçu des caractéristiques propres à chacun des sous-secteurs de
la restauration collective et de la manière dont la sous-traitance devrait ou non
progresser à moyen ou à long terme.

Les marchés de la restauration collective et leurs opérateurs

Mode de pénétration des sociétés de


Secteurs d’activité
restauration collective
Secteur du travail Certains ministères sont attachés à une gestion par
– Administrations leurs associations du personnel ou en direct, et les

43
sociétés de restauration collective ne progressent
plus.
Parmi les entreprises publiques, La Poste et
France Télécom avaient obtenu un statut
particulier qui excluait toute possibilité de sous-
– Entreprise publiques et
traitance. Mais il a été remis en cause, et cette
privées
activité a été sous traitée en juin 1999, comme
l’essentiel du marché de la restauration des
entreprises.
Les difficultés financières des municipalités et
l’injonction des services d’hygiène à la rénovation
Secteur scolaire
des cuisines conduit à la sollicitation de
– Écoles maternelles et
partenaires privés pour la construction de cuisines
primaires (gestion
centrales. Statutairement, le personnel municipal
municipale)
de la fonction publique territoriale peut être
détaché dans les entreprises privées.
Obstacle juridique : impossibilité de détachement
des fonctionnaires d’État dans le secteur privé. Le
– Enseignement secondaire personnel des cantines de collèges et de lycées est
(Conseils Généraux pour les employé sous ce statut, excepté dans certains
collèges, Conseils Régionaux établissements scolaires construits récemment (où
pour les lycées) l’Éducation nationale s’est adressée directement à
des sociétés de restauration collective pour
réaliser ce service).
Les CROUS, établissements publics à caractère
administratif, ont le monopole de cette activité
(avec un personnel essentiellement contractuel de
– Enseignement supérieur droit public), mais certains snacks des campus
sont gérés de manière autonome par des sociétés
de restauration collective, contre versement d’une
redevance.
À l’exception des établissements créés
récemment, les sociétés de restauration collective
Secteur de la santé y interviennent au maximum au niveau
– Établissements publics d’assistances techniques. Dans la majorité des cas,
le personnel des cantines hospitalières appartient à
la fonction publique hospitalière.
La sous-traitance des services de restauration se
développe et s’accompagne parfois de la sous-
– Établissements privés traitance d’ensemble des services hôteliers (avec
le nettoyage des chambres, par exemple), ou
même d’autres services annexes.

44
Secteur social
Les sociétés de restauration collective
– Centres d’aide par le travail
développent leurs interventions ou diversifient
(CAT), centres de loisirs,
ainsi leur clientèle, notamment lorsqu’elles
maisons de retraite,
disposent d’une cuisine centrale scolaire à
livraisons à domicile pour
proximité.
personnes âgées…
L’armée développe et sollicite davantage les
sociétés de restauration collective pour des
assistances techniques, mais considère stratégique
Secteur pénal et de la le maintien de son autonomie de gestion. Depuis
Défense la loi du 28 octobre 1997 mettant fin à
– Armée l’obligation du service militaire pour les hommes
par sa transformation en simples journées d’appel
mixtes, les effectifs de l’armée et la fréquentation
des cantines se réduisent de manière continue.
Le secteur pénitentiaire s’est ouvert aux sociétés
de restauration suite à l’adoption du « Programme
13 000 », en 1987. Ainsi, la privatisation partielle
des prisons a été décrétée pour favoriser
– Prisons l’ouverture, en treize ans, de 13 000 places
supplémentaires, tout en reportant sur le secteur
privé la question du respect des contraintes
budgétaires. Aujourd’hui, le « Programme 4 000 »
est venu compléter ce dispositif.

***

 93 ARON J.-P., 1973, op. cit., p. 173.

137L’histoire de la restauration donne des éléments explicatifs importants sur


l’identité des cuisiniers. Dès le XVIIe siècle, la cuisine bourgeoise s’inspire des
pratiques aristocratiques et se différencie des pratiques populaires non seulement
par la rareté ou la valeur des produits, mais aussi par la technique ou la
« science » du cuisinier. Cette technique s’appuie largement sur les sauces et
exclut toute simplification des pratiques professionnelles : « La manière dont le
cuisinier peut valoriser sa fonction et élargir son domaine d’intervention avec
des développements sans fin, c’est au travers de sauces, qu’il utilise d’autant
plus qu’il escamote le matériau de base93. »

138Ce savoir-faire, particulièrement valorisé à l’époque, autorise le chef de


cuisine à exprimer ses humeurs. Il fait aussi de la cuisine une activité non
accessible aux femmes, excepté dans les maisons peu prestigieuses où elle est
banalisée et combinée à des activités ménagères. Mais dès la fin du XIXe siècle,
45
la démocratisation du savoir-faire et des produits auxquels ont recours les
cuisiniers engendre une désacralisation du métier. Par réaction, elle engendre
aussi un ancrage particulièrement fort des cuisiniers sur un passé révolu.

 94 FISCHLER C., 1996, OP. CIT., P. 78.


 95 Ce contrat s’oppose à l’analyse de Sophie Bessis, qui considère que les
cuisines ne connaissent pas (...)

139Le conservatisme du métier est néanmoins favorisé par les consommateurs


eux-mêmes. La cuisine, perçue comme cadre de notre propre socialisation,
appréciée pour sa « vertu fondamentalement identificatrice », est à l’origine de
notre réaction première de rejet de l’altérité ou de toute intervention perçue
comme « industrielle94 ». Or malgré ces velléités d’enracinement culturel dans
des traditions ancestrales, les cuisines connaissent des évolutions constantes et
effectuent des emprunts dont elles oublient les origines95. L’enracinement
unique dans le passé prestigieux d’une élite sociale a donc représenté un
obstacle à l’évolution de la gastronomie française.

140Pour les cuisiniers de la restauration collective, cet ancrage identitaire dans


un idéal professionnel traditionnel et prestigieux est particulièrement difficile à
opérer au quotidien. Ils cumulent les handicaps de l’image d’une branche peu
professionnalisée (initialement fondée sur le bénévolat) et marquée par des
contraintes de « budget » et de « rations », lorsque les chefs des restaurants
valorisent davantage leur technicité, leur inventivité ou même leur générosité.

141L’histoire montre pourtant que la restauration commerciale n’est pas plus


ancienne, donc pas plus « traditionnelle » que la restauration plus populaire,
servie par les cantines. Aujourd’hui, la restauration collective, dans ses
différentes déclinaisons (hospitalière, armée, scolaire, entreprise) est même à
l’origine d’innovations majeures pour la profession, tant sur le plan de
l’hygiène, des technologies et de la gestion logistique, que de la définition de
principes nutritionnels de base ou d’accords de partenariat (dans le cadre de la
sous-traitance).

 96 MCCOOL A.C., et al., 1994, Dimensions of Noncommercial Foodservice


Management, New York, Van Nostra (...)

142Ces avancées n’ont jamais été définies comme telles. Au contraire,


l’enseignement hôtelier et les plus traditionnels de la profession les décrivent
parfois comme des contraintes venant gêner la liberté d’expression des
cuisiniers, donc leur créativité. Elles sont pourtant largement valorisées et
présentées comme des défis dans un pays comme les États-Unis96 où le rapport
à l’alimentation est plus fonctionnel.

46
3 .ORGANISATION DE LENTREPRISE DE RESTAURATION

Afin d'en savoir plus sur les missions et tâches des différents métiers dans la
restauration, nous vous proposons ci-dessous une sélection de fiches de
postes que vous pouvez consulter et imprimer si besoin :

En Cuisine :
 Chef de Cuisine
poste du Chef de cuisine

Véritable Chef d'Orchestre de la cuisine, le chef de cuisine coordonne, dirige et


supervise l'ensemble de l'activité de la cuisine.

Activités principales

 Organisation de l’approvisionnement et du travail


 Production culinaire
 Analyse du coût des recettes
 Management (planning délégation, évaluation des compétences…)
 Contrôle du respect des règles d’hygiène 

Compétences principales

 Élaborer une cuisine créative tenant compte de l’évolution des goûts, des
tendances, des nouvelles technologies culinaire
 Fidéliser la clientèle existante et attirer de nouveaux clients
 Assurer la cohésion de l’équipe et sa motivation
 Transmettre son savoir-faire à l’équipe 

Certification principales

Second de cuisine/Seconde de cuisine

Le second de cuisine assiste le chef de cuisine dans toutes ses missions.


Véritable bras droit du chef en cuisine, le second est capable de remplacer tout
membre de l’équipe.

Activités principales

47
 Management, animation d’équipe (en lien avec le Chef de Cuisine)
 Gestion des budgets et des stocks
 Production culinaire

Compétences principales

 Animer les équipes et maintenir la motivation


 Transmettre des informations BTSet en obtenir
 Ajuster la planification des activités en fonction des aléas
 Décliner une organisation générale en organisation par poste 
 CERTIFICATION
 CAP/BEP CUIISINE
 BAC PRO/TECHNO
 BTS HOTELLRIE ART CULLINAIRE

PATISSIER

Chef de partie pâtissier / chef de partie pâtissière

Le chef de partie pâtissier est un commis pâtissier confirmé, spécialisé dans une
discipline donnée et qui a donc une responsabilité précise au sein d'une cuisine.
Il prépare et confectionne des produits de pâtisserie, confiserie, chocolaterie et
glacerie selon les règles d'hygiène et de sécurité alimentaire.

Activités principales

 Création et réalisation de desserts, entremets salés ou sucrés


 Préparation des commandes, dressage des préparations et distribution
 Contrôle de la qualité
 Application stricte des normes d’hygiène et de sécurité alimentaires

Compétences principales

 Faire preuve de créativité


 S’adapter au rythme des différents services
 Etre à l’écoute des évolutions des goûts et attentes de la clientèle

Certification principales

 CAP
 « Pâtissier ».

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 CAP «
 Certification principales
 CAP/BEP cuisine
 BAC pro / BAC techno
 Cuisinier/cuisinière

du Cuisinier / Cuisinière

Le cuisinier traditionnel est un salarié qui assure la préparation des repas pour
une clientèle de restaurant, à la table ou parfois en buffet, en vue d'un service
direct. Il peut travailler en restauration privée ou collective.

Activités principales

 Approvisionnement/stockage (réception et vérification des livraisons,


réalisation d’inventaires…)
 Organisation du travail et de la production (planification des tâches…)
 Production culinaire
 Dressage et envoi des préparations
 Application et contrôle des normes d’hygiène et de sécurité

Compétences principales

 S’adapter aux rythmes différents des services


 Organiser son travail en fonction du personnel présent
 Utiliser ses savoir-faire en fonction des commandes
 Appliquer et faire appliquer les règles d’hygiène et de sécurité
 Elaborer des fiches techniques nouvelles

Certification principales

 CAP “Cuisine”
 CQP “Cuisine”
 Titre professionnel du Ministère du Travail : “Cuisinier”


Commis de cuisine / Commise de cuisine

Le poste de commis de cuisine est le premier pallier en cuisine. Il rassemble les


ingrédients nécessaires à la préparation des plats. Il prépare à l'avance tout ce qui

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peut l'être : il épluche et émince les légumes. Il réalise des plats simples comme
des hors-d’œuvre, potages, légumes, desserts.

Activités principales

 Réalisation des préparations préliminaires (épluchage des légumes, fonds,


courts bouillons…)
 Réalisation de mets simples
 Organisation du poste de travail
 Dressage, distribution
 Entretien de la cuisine et des locaux annexes

Compétences principales

 Faire preuve de curiosité par rapport à l’ensemble de l’activité en cuisine,


avoir le sens de l’observation
 Prendre en compte l’enchaînement logique des tâches
 Réaliser des activités dans les temps impartis et aux moments opportuns
 S’adapter à la variété des tâches et des rythmes de travail
 S’intégrer dans une équipe hiérarchisée
l'Aide de cuisine

L’aide de cuisine exécute des tâches simples préalables à la préparation des mets
(épluchage des légumes, écaillage et nettoyage des poissons...), procède au
nettoyage, à l'entretien et au rangement de la vaisselle, du matériel et des
ustensiles de cuisine, des équipements et des locaux.

Activités principales

 Production culinaire
 Préparations préliminaires
 Dressage distribution
 Dressage, distribution
 Entretien de la cuisine et des locaux annexes

Compétences principales

 Comprendre le sens des différentes activités et le rôle de chacun dans une


équipe
 Organiser son poste de travail en appliquant des consignes
 Faire preuve de curiosité par rapport à l’ensemble de l’activité en cuisine
 Se mettre à la disposition des autres acteurs de la cuisine

50
Certification principales

 Pas de certifications requises.



 Plongeur/plongeuse

Plongeur/Plongeuse
Le plongeur assure le nettoyage de vaisselle (hormis la verrerie), le nettoyage
des ustensiles de cuisine (plonge batterie), la propreté de la cuisine et l'entretien
des locaux.

Activités principales

 Approvisionnement en produits lessiviels


 Lavage à la main, utilisation du lave-vaisselle
 Tri de la vaisselle avant et après lavage, utilisation de la sécheuse
 Application stricte des normes d’hygiène et de sécurité
 Vérification de la propreté et tri en sortie

Compétences principales

 Adapter son rythme de travail aux exigences du service


 Appliquer des modes opératoires prescrits
 Entretenir des relations efficaces avec l’ensemble du personnel
 Détecter et signaler tout dysfonctionnement
>

l'employé / Employée polyvalent

L'employé polyvalent de restauration est le relais entre la cuisine et la salle de


restaurant. Il peut endosser une partie ou la totalité du rôle de serveur, de chef de
rang, voire aide de cuisine.

Activités principales

 Application des principes fondamentaux du nettoyage


 Application des consignes de production (fiches recettes, grammage, bons
de production,...)
 Application des consignes de vente 

Compétences principales
51
 Comprendre et appliquer un process de production
 Organiser son environnement de travail
 Accueillir les convives en fonction des procédures de l’entreprise
 Analyser, en temps réel, les signes de satisfaction ou d’insatisfaction des
convives

Rémunération

La rémunération tient compte de la taille de l’entreprise, du nombre de couverts


servis et de la localisation de l’établissement.
Fourchette de salaire : 1550€ - 1700€ brut/mois + avantages– Salaire moyen
1600€
Par rapport à la grille conventionnelle – minimum Niveau II Echelon 1
 

Certification principales

 CQP « Employé(e) technique de restauration »


 CQP « Employé(e) qualifié(e) de restauration »

Accès

 L’accès est possible aux personnes n’ayant pas encore d’expérience


professionnelle.
 Capacité à s’adapter à la diversité des entreprises, des clientèles et aux
variations des flux d’activité.

Parcours professionnels

Plusieurs types d’évolution sont envisageables :

 En continuant d’exercer le même métier : la diversité des entreprises du


secteur (taille, catégorie, localisation géographique,…) offre de très
nombreuses possibilités aussi bien en France qu’à l’étranger.
 En exerçant le même métier mais dans un contexte différent :
restauration de collectivité ou restauration commerciale.
 Au sein du secteur en se dirigeant vers un autre métier : cuisinier ou
serveur par exemple.

Restauration

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Fiche de poste de l'employé / Employée polyvalent

L'employé polyvalent de restauration est le relais entre la cuisine et la salle de


restaurant. Il peut endosser une partie ou la totalité du rôle de serveur, de chef de
rang, voire aide de cuisine.

Activités principales

 Application des principes fondamentaux du nettoyage


 Application des consignes de production (fiches recettes, grammage, bons
de production,...)
 Application des consignes de vente 

Compétences principales

 Comprendre et appliquer un process de production


 Organiser son environnement de travail
 Accueillir les convives en fonction des procédures de l’entreprise
 Analyser, en temps réel, les signes de satisfaction ou d’insatisfaction des
convives

Rémunération

La rémunération tient compte de la taille de l’entreprise, du nombre de couverts


servis et de la localisation de l’établissement.
Fourchette de salaire : 1550€ - 1700€ brut/mois + avantages– Salaire moyen
1600€
Par rapport à la grille conventionnelle – minimum Niveau II Echelon 1
 

Certification principales

 CQP « Employé(e) technique de restauration »


 CQP « Employé(e) qualifié(e) de restauration »

du traiteur - Organisateur de réception

Le cuisinier traiteur organisateur de réception a la lourde tâche d'organiser des


événements de type mariages, baptêmes, anniversaires, colloques, congrès,
galas, événements culturels, etc... Il doit faire preuve de beaucoup d'imagination,
être organisé et très disponible.

53
Activités principales

 Conseiller et concevoir l’évènement réception


 Planifier l’organisation dans le temps et dans l’espace.
 Prévoir les moyens à mettre en œuvre
 Transporter des matériels et des produits de gastronomie
 Installer et organiser sur place

Compétences principales

 Savoir s’adapter à la diversité des clients et à la multitude d’événements à


concevoir.
 Faire preuve de créativité dans la conception des évènements
 Garantir la qualité de la production culinaire et le respect de la
réglementation en matière d’hygiène
 Manager des équipes de taille et de composition variables

 Maître d'hôtel
du maître d'hôtel

Véritable chef d’orchestre de la salle de restaurant, le maître d’hôtel est


responsable de l’accueil du client. Il représente la première image que le client
aura de l’établissement. Il place le client à sa table, présente la carte et les
menus, émet des suggestions notamment sur les accords mets vins.

Activités principales

 Répartition des tâches et activités en salle


 Contrôle du déroulement des opérations pendant le service
 Accueil du client
 Conseils, promotion commerciale de certains produits
 Management des équipes de salle

Compétences principales

 Faciliter et réguler les relations de travail entre les personnels de salle et


ceux de la cuisine
 Garantir un accueil conforme à l’image et à la culture de l’établissement
 Remplacer au pied levé tout membre du personnel de salle
 Faire preuve d’autorité et de rigueur

Certification principales

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Il n’existe aucune certification conduisant directement à ce métier, toutefois, une
excellente connaissance des métiers de salle étant nécessaire, un bac
professionnel ou bac technologique voir un BTS option B serait fortement
conseillé, formation initiale complétée obligatoirement

 Chef de rang

du chef de rang

Le chef de rang est responsable d’un certain nombre de tables, qui composent un
rang. Il est sous la responsabilité du maitre d’hôtel ou du directeur de restaurant
et peut lui-même superviser et coordonner l’action de commis positionné sur son
rang.

Activités principales

 Relations avec la clientèle


 Mise en place
 Accueil et accompagnement du client
 Prise de commande et service

Compétences principales

 Analyser rapidement le besoin du client et le conseiller dans ses choix


 Gérer les réclamations et les remarques négatives
 Adopter les gestes et postures permettant de travailler en toute sécurité
 Placer le client au centre de son activité et de sa mission

Certifications principales

 CAP et/ou BEP “Restaurant”


 CQP “Serveur(se) de restaurant”
 Titre professionnel du Ministère du Travail : “Serveur(se) de restaurant”


du serveur / Serveuse de restaurant

Le serveur de restaurant a pour fonction d’accueillir et servir les clients de


l'établissement. Il devra également être garant de la propreté de la salle de

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restaurant. Il est garant du déroulé du service pour les tables dont il a la charge
et donc de la satisfaction client.

Activités principales

 Mise en place de la salle


 Accueil, conseil et service du client
 Réalisation et vérification des opérations d’encaissement

Compétences principales

 Adopter une attitude accueillante avec la clientèle


 Développer une bonne mémoire visuelle et auditive
 Faire preuve d’adresse physique et de prudence lors du service
 Savoir travailler en équipe avec le personnel du bar et de la cuisine pour la
fluidité du service

Certification principales

 CAP et/ou BEP “Restaurant”


 CQP “Serveur(se) de restaurant”
 Titre professionnel du Ministère du Travail : “Serveur(se) de restaurant”

sommelier / Sommelière

Le sommelier est le spécialiste des vins, des alcools, des liqueurs et des
champagnes dans les restaurants traditionnels, gastronomiques et les grands
hôtels.

Activités principales

 Choix des boissons et préparation des commandes


 Conception de la carte des vins après analyse des ventes
 Conseil à la clientèle
 Prise de commande et service des boissons

Compétences principales

 Utiliser ses sens, notamment la vue, le goût et l’odorat et maîtriser les


combinaisons de saveurs
 Avoir acquis une solide culture en œnologie

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 Intervenir au bon moment dans l’enchaînement des activités de service en
salle

Rémunération

La rémunération tient compte de la taille de l’entreprise, du nombre de couverts


servis et de la localisation de l’établissement.
Fourchette de salaire : 1550€ - 1900€ brut/mois  + avantages– Salaire moyen
1700€
Par rapport à la grille conventionnelle – minimum Niveau III Echelon 1  

Certification principales

 Brevet professionnel “Restauration”


 Mention complémentaire “Sommellerie”
X
 Barman/barmaid
barman/Barmaid

Le Barman assure le service des consommations aux clients et gère les stocks de
boissons dans un bar ou un restaurant. Il est en capacité de proposer des
cocktails élaborés à la clientèle de l’établissement.

Activités principales

 Service et vente
 Réalisation de cocktails et boissons diverses à la demande
 Accueil du client et suivi du client
 Approvisionnement et mise en place

Compétences principales

 Adapter le rythme de son activité à la variabilité des flux


 Appliquer les réglementations en vigueur sur la consommation d’alcool
 Assurer la fluidité du service
 Accueillir en personnalisant la relation clients

 Certification principales

 Brevet professionnel « Barman ».


 Mention complémentaire « Barman ».

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EN SUPPORT

l'agent de maintenance

L’agent de maintenance a pour fonction d’effectuer la maintenance préventive et


curative et l’entretien des espaces verts d’un établissement selon les règles de
sécurité.

Activités principales

 Réparation et entretien
 Diagnostiquer une panne sur une installation
 Entretien et réparation sur différents supports d’agrément
 Entretien des espaces verts

Compétences principales

 Compétences relationnelles et comportementales


 Anticiper les réparations par de l’entretien
 Etre force de proposition
 Compétences techniques et fonctionnelles
 Connaitre les bases des différents corps d’état : plomberie, électricité du
bâtiment, sanitaire, chauffage, plâtrerie, menuiserie, serrurerie, peinture,
carrelage.
 Connaitre et appliquer les règles de sécurité

Certification principales

 CAP/BEP dans des spécialités du bâtiment second œuvre (peinture,


plomberie, électricité)
 CAP agent de maintenance

Community manager
La mission principale est la prise en charge de contenu éditorial ainsi que la
mise à jour de sites web afin d’augmenter la fréquentation du site internet, la
notoriété et donc la fréquentation de l’établissement, gestion des réseaux
sociaux.

Activités principales

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 Développer la notoriété de la marque
 Animer la communauté et renforcer sa cohésion
 Réalisation opérationnelle
 Mises à jour, suivi, anamyse, veille,...

Compétences principales

 Compétences techniques et fonctionnelles


 Bonne connaissance des secteurs de l’hôtellerie et de la restauration.
 Maitrise des supports médias, des outils de navigation et de l’outil
informatique.
 Compétences relationnelles et comportementale

Certification principales

 Ecole Supérieur du Tourisme


 Ecole de Commerce
 Ecole de Communication ou de journalisme

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