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Valorisation durable

des formations sèches


de l’océan indien

Éditeurs scientifiques
Dominique Hervé, Josoa R. Randriamalala, Herizo Randriambanona,
Samuel Razanaka, Vonjison Rakotoarimanana, Rado Elysé Ranaivoson,
Verohanitra Rafidison, Stéphanie M. Carrière

Actes du séminaire de synthèse du projet VALSE (UE/COI-Biodiversity)


« Valorisation durable des formations sèches côtières »
Toliara, 17-19 septembre 2018

Antananarivo, Septembre 2022


26

Article
Amélioration des performances de
reproduction des caprins en zone semi-aride par
supplémentation alimentaire (flushing)
Improved reproductive performance of goats
in semi-arid areas by food supplementation
(flushing)

Rado RABENIALA1
Julien H. ANDRIANARISOA1
Josoa Ramarolanonana RANDRIAMALALA1,2

(1) Diagnostic Environnemental et Recherches Appliquées pour le Développement en Milieu Rural (DERAD),
Lot AKT II A 105, Ambohitsaratelo,Vontovorona-Antananarivo 102, BP 60115, Madagascar
(rradobarinnjakar@gmail.com ; andrianarisoajulien@yahoo.fr)
(2) Département des Eaux et Forêts, École Supérieure des Sciences Agronomiques, BP 175, Ankatso, Antananarivo
101, Madagascar (rramarolanonana@yahoo.fr)

Résumé
Le Sud-Ouest malagasy est une zone semi-aride et pauvre. L’élevage caprin y est la principale source
de revenu des ménages. Cet élevage est extensif et de faible productivité (une naissance par an et une
forte mortalité des chevreaux). Des méthodes d’amélioration des performances de la reproduction
de cet élevage caprin existent : insémination artificielle, traitements hormonaux, effets mâle et flushing.
Le flushing, une méthode simple à mettre oeuvre et n’impliquant pas une modification importante des
pratiques pastorales, est le plus adapté aux conditions de ce site semi-aride. Durant deux mois en
saison sèche dans le Sud-Ouest malagasy, deux lots d’animaux ont été formés et déparasités : un lot
de 250 femelles supplémentées avec un aliment énergétique (« flushing »), le manioc sec à raison de
500 g.jour-1, et un lot « témoin » non supplémenté de 231 chèvres. Des paramètres de reproduction ont
été enregistrés : taux de fertilité, taux de fécondité, taux de prolificité et taux de survie après 30 jours de
naissance. Le bénéfice de la pratique a été calculé en comparant le coût de revient et le chiffre d’affaire
correspondant à la vente d’animaux adultes permise par la survie des chevreaux. Des améliorations
significatives de la fertilité (67 % vs 40 %) et de la fécondité (82 % vs 43 %) ont été observées chez les
femelles traitées. La prolificité moyenne du lot traité (119 %) a été légèrement supérieure à celle lot
témoin (108 %), avec une différence non significative. Après 20 jours de naissance, aucune différence
significative entre les taux de survie des deux lots n’a été observée même si celui des lots traités est

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Amélioration des performances de reproduction des caprins

plus grand que celui des lots témoins (98 % vs 96 %). La méthode du flushing améliore les paramètres
de reproduction des caprins autochtones ainsi que la productivité numérique de l’élevage caprin du
site d’étude. La pratique du flushing est rentable et peut fournir en 6 mois un bénéfice d’environ
29 000 Ariary/tête de chèvre à l’éleveur, ce qui correspond à une augmentation de 46 % de ses revenus.
Mots clés : Élevage, fertilité, fécondité, prolificité, Madagascar.

Abstract
Southwest Madagascar is a very poor and a semi-arid zone. Goats breeding is the main source of
income for people living there. This form of livestock farming extensive and associated with weak
productivity (one birth a year and high kid’mortality). Techniques to improve the reproductive perfor-
mance of goats exist (artificial insemination, hormonal treatment, male effect and flushing).The flushing
technique is the most adapted to the Malagasy context because it is the simplest and does not involve
an important modification of local breeding practices. During the dry season, two goat herds were
formed and dewormed : (i) 250 goats were treated with 500 g day-1 dry cassava over 40 days and (ii)
231 goats served as a control sample, without suplementary food. Reproductive parameters such as (i)
fertility rate, (ii) fecunditiy rate, (iii) prolificitiy rate and (iv) survival rate after 30 days, were calculated
for the two herds. The net profit from flushing was estimated by comparing total costs to revenue ge-
nerated by the sale of animals enabled by the survival of kids. expense to value of cattle sale. Significant
improvement of fertility (67 % vs 40 %) and fecundity (82 % vs 43 %) were observed in the treated
herd. However, the improvements of prolificacy (119 % vs 108 %) and the survival rate (98 % vs 96 %)
enabled by the flushing technique were not significant. The flushing technique is profitable because it
can increase the income of breeders practicing it by 46 % (29 000 Ariary per head).
Key words : Breeding, fertility, fecundity, prolificacy, Madagascar.

Introduction

L’élevage de petits ruminants de races locales (caprins, Capra hircus et ovins, Ovis aries) est essentiel-
lement pratiqué dans l’extrême Sud et le Sud-Ouest malagasy (Régions Atsimo Andrefana et Androy)
où se concentrent 86 % du cheptel national (Ministère de l’élevage, 2012). En particulier, l’élevage
caprin est la principale source de revenu pour les populations vivant dans les zones côtières du Sud-
Ouest malagasy, les plus arides de l’île (Rabeniala et al., 2009 ; Raoliarivelo et al., 2010). Les raisons
suivantes peuvent expliquer ce fait : (1) la zone est globalement peu propice à l’agriculture car trop
aride, (2) les caprins s’adaptent bien aux ressources fourragères disponibles en climat semi-aride, et
(3) le cheptel constitue une source importante de revenus des ménages et est considéré comme un
signe extérieur de richesse (Raoliarivelo et al., 2010). Les caprins sont également des animaux proli-
fiques car une femelle peut donner naissance à 1-3 individus par portée (Molle et al., 1997 ; Kusina et
al., 2001 ; Emsen et Yaprak, 2006). De plus, l’élevage caprin peut être considéré comme une activité
alternative à la fabrication de charbon de bois qui est la principale source de dégradation des four-
rés xérophiles du Sud-Ouest de Madagascar (Masezamana et al., 2013 ; Randriamalala et al., 2016 et
2017). En effet, les deux activités (élevage et charbon) exploitent les mêmes ressources que sont les

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Chapitre IV : Usages
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Article
fourrés xérophiles qui servent de pâturage aux caprins et de sources de bois à carboniser.

L’élevage caprin peut donc servir de levier pour lutter contre l’insécurité alimentaire et la pauvreté,
phénomènes qui prévalent dans le grand Sud malagasy. Mais les conduites actuelles de l’élevage ca-
prin dans cette région ne permettent pas d’obtenir plus qu’une naissance par an, et limitent sa pro-
duction pendant la courte saison des pluies (Andrianarisoa, 2013). En effet, les naissances ont lieu
pendant les mois de juin-juillet en saison sèche (Andrianarisoa, 2013) au cours de laquelle une faible
disponibilité fourragère prévaut dans les pâturages (Rabeniala et al., 2009). Des voies d’amélioration
sont l’induction des chaleurs des femelles hors de la saison de reproduction naturelle, l’augmenta-
tion du nombre de naissances et l’amélioration en générale des performances de reproduction. Cette
induction des chaleurs pendant la période qui suit la mise-bas, aboutit, en saison normale, à un grou-
page des naissances avant la saison des pluies (contre saison).

Deux moyens sont accessibles pour induire et grouper les chaleurs en contre saison. Le premier
consiste en l’usage de produits hormonaux (Greyling et Nest, 2000; Motlomelo et al., 2002; Lehloenya,
et al., 2008) combiné avec l’insémination artificielle (Lehloenya et al., 2005 et 2008) ou avec la monte
naturelle (Chemineau, 1989 ; Kausar et al., 2009). Le second consiste en l’usage de moyens zootech-
niques (photopériodisme, effet mâle et flushing) combiné avec la monte naturelle (Acero-Camelo et al.,
2008). L’application des moyens hormonaux et l’insémination artificielle sont coûteux et requièrent
une maîtrise de technologies assez complexes (stockage et administration des produits hormonaux
et des semences) qui n’est pas à la portée des éleveurs du grand Sud malagasy. D’où la nécessité de
trouver des techniques plus simples et plus pratiques pour grouper les chaleurs en contre saison. La
supplémentation alimentaire ou flushing est l’un des moyens zootechniques qui peut être envisagé
(Molle et al., 1995 et 1997 ; Kusina et al., 2001). Ce travail teste avec des éleveurs pilotes l’efficacité
de cette technique pour induire les chaleurs de caprins dans le Sud-Ouest malagasy et améliorer les
performances de reproduction (fertilité, fécondité et prolificité).

Méthodes

SITE D’ÉTUDE

Le site d’étude est la commune rurale de Soalara Sud, dans le District de Toliara II, dans la Région
Atsimo Andrefana (figure 1). Le climat est de type semi-aride avec une précipitation annuelle de
418 mm, moyenne des 30 dernières années (Randriamalala et al., 2016). Les sols sont de nature
dunaire et sableux peu évolués et de nature calcaire sur affleurements de grès calcaires. La végétation
naturelle est un fourré à Didieraceae et à Euphorbiaceae (Cornet et Guillaumet, 1976). Les populations
locales vivent de l’agriculture, de l’élevage de petits ruminants, de la fabrication de charbon de bois
et de la pêche (Raoliarivelo et al., 2010). Le maïs, le manioc et la patate douce sont les principales
cultures pratiquées (Rabeniala et al., 2009).

L’élevage de petits ruminants (caprins, Capra hircus et ovins, Ovis aries) est leur principale source de
revenu (Raoliarivelo et al., 2010). L’objectif est de posséder le plus de têtes de ruminants possible. La
densité de petits ruminants dans le site d’étude est d’environ une tête par hectare et chaque ménage

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Amélioration des performances de reproduction des caprins

possède en moyenne 60 têtes (2-180 ; Rabeniala et al., 2009). 85 % des petits ruminants sont des
caprins (Rabeniala et al., 2009), c’est pourquoi la seule espèce caprine est considérée dans ce travail.
L’élevage caprin est essentiellement orienté vers la production de viande et accessoirement vers la
production de lait. L’alimentation des caprins dans le site d’étude est constituée des feuilles et des
brindilles d’arbustes des espèces suivantes : Commiphora sp., Rhigozum madagascariense Drake, Tali-
nella boiviniana Baillon, Dicoma incana (Baker) O. Hoffm, Diospyros latispathulata H. Perrier, Solanum
bumeliaefolium Dunal et Chadsia flammea Bojer (Randriamalala, 2014). Les chevriers sortent les trou-
peaux caprins de leurs enclos vers 6-7 h du matin et les conduisent aux points d’eau les plus proches
(<30 mn de marche) avant de les conduire aux pâturages où ils sont laissés pendant la journée. Les
chevriers retournent aux pâturages pour ramener les troupeaux à l’enclos vers 15-16 h. Ainsi la durée
du parcours journalier est de 10-12 h (Randriamalala, 2014).

Figure 1 : Localisation du site d’étude

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Chapitre IV : Usages
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Article
PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL ET TRAITEMENT DES DONNÉES

Dix sept éleveurs pilotes ont été choisis, soit un total de 481 chèvres dont 250 traitées et 231 témoins
(tableau 1). Les critères de choix de ces éleveurs ont été leur volonté de collaboration, la disponibilité
d’un troupeau contenant au moins 20 femelles reproductrices en pleine carrière et la disponibilité
d’au moins un mâle pour 15 femelles, pour assurer les montes. Une supplémentation alimentaire a été
donnée durant la saison sèche (Juillet-Août 2017) pendant laquelle prévaut une faible disponibilité
fourragère. La délivrance de la gestation a eu lieu durant la saison de pluie, ce qui accentue l’amaigris-
sement des femelles allaitantes. Le manioc a été utilisé pour nourrir les femelles traitées car c’est un
aliment énergétique cultivé et disponible localement et son prix est abordable par rapport aux autres
aliments énergétiques (maïs, manioc, soja, etc.). Le flushing a été obtenu par un apport de manioc sec
concassé de 500 g par tête par jour pendant 40 jours. L’apport du manioc se fait après abreuvement
afin d’éviter d’éventuelles intoxications. Les comportements alimentaires journaliers des animaux,
les parcours naturels ainsi que les modes de conduite du troupeau n’ont pas été modifiés durant le
traitement. Une nouvelle chèvrerie a été construite par chaque éleveur pour isoler les femelles trai-
tées pendant l’alimentation qui ne dure pas plus d’une heure par jour. Des déparasitages interne et
externe ont été effectués 7 jours avant le début du flushing. Un rappel de déparasitage interne a été
réalisé 3 jours après le début du flushing. Tous les individus, traités et témoins, ont été déparasités au
Tremazole 10 %, un produit à large spectre à base d’Ivermectine. Les produits de traitement sont ad-
ministrés par voie orale. Pour le déparasitage externe, le Prochedip a été utilisé en respectant la dose
recommandée de 15 ml pour 17 l d’eau.

Les performances de reproduction des femelles considérées ont été mesurées par les paramètres sui-
vants :
- Le taux de fertilité, qui est le rapport entre le nombre de femelles mettant bas et le nombre de
femelles mises en reproduction ;
- Le taux de fécondité, qui est le nombre de chevreaux nés rapporté au nombre de femelles mises
en reproduction ;
- Le taux de prolificité, défini comme le nombre de chevreaux nés, ramené au nombre de mises bas ;
- Le taux de survie à un mois de la naissance qui est le rapport entre le nombre de chevreaux sur-
vivants 30 jours après naissance et le nombre de femelles mises en reproduction.

Des tests de comparaison de moyennes pour échantillons appariés (Xlstat 6.03 ; Addinsoft, 1995-
2008) ont été appliqués pour analyser les effets du traitement sur les valeurs moyennes des para-
mètres de reproduction (taux de fertilité, de fécondité, de prolificité et de survie des troupeaux traités
et témoins).

Le surplus de rentabilité de la pratique du flushing comme moyen de groupage de chaleur a été calculé
en comparant le coût de revient au chiffre d’affaire. Le coût de revient provient de l’achat du manioc
sec et des produits de déparasitage. Les autres charges (entretien des enclos et gardiennage) sont
identiques pour les deux conduites d’élevage. Le chiffre d’affaire provient des ventes d’animaux. Si
l’on suppose que l’éleveur vend un nombre d’individus équivalent à celui des chevreaux nés, dont la
survie est assurée, alors le chiffre d’affaire (CA) par femelle peut se calculer selon l’équation (1) :
CA = Taux de fécondité x Taux de survie à 20 jours x Prix d’un animal adulte (Ariary)

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Amélioration des performances de reproduction des caprins

Résultats

PERFORMANCE DE REPRODUCTION

Les taux de fertilité des femelles traitées sont globalement plus élevés que ceux des témoins (tableau
1 ; figure 2) et la différence de leurs moyennes est significative (67 % vs 40 % ; p=0,002 ; ddl=32 ;
t=3,428). De même, les taux de fécondité des femelles traitées sont globalement plus élevés que ceux
des témoins (tableau 1 ; figure 2) et la différence de leurs moyennes est également significative (82 %
vs 43 % ; p=0,001 ; ddl=32 ; t=3,694).

Les taux de prolificité des femelles traitées sont globalement plus élevés que ceux des femelles té-
moins (tableau 1 ; figure 2) mais l’écart entre leur moyenne n’est cependant pas significatif (119 %
vs 108 % ; p=0,074 ; ddl=32 ; t=1,848). De même, l’effet du flushing sur le taux de survie à 30 jours
de la naissance n’est pas significatif (tableau 1 ; figure 2 ; 98 % vs 96 % ; p=0,476 ; ddl=32 ; t=0,721).

Tableau 1 : Résultats des essais sur la reproduction

N Femelles Taux de fertilité Taux de fecondité Taux de prolificité Taux de survie


20 jours
Éleveurs Traitées Témoins Traitées Témoins Traitées Témoins Traitées Témoins Traitées Témoins

E1 15 15 73 53 93 60 127 113 100 100


E3 15 14 87 36 87 36 100 100 100 100
E4 15 15 93 13 140 20 150 150 100 100
E5 15 15 40 53 47 53 117 100 100 100
E6 15 15 80 73 107 87 133 118 94 100
E8 15 13 80 31 100 46 125 150 100 100
E9 14 11 71 9 71 9 100 100 90 100
E10 15 12 60 25 67 25 111 100 100 67
E11 15 15 47 27 47 27 100 100 100 100
E12 15 15 93 80 100 80 107 100 93 100
E13 15 15 87 67 87 67 100 100 100 100
E14 11 7 100 71 155 71 155 100 100 100
E15 15 15 80 53 113 60 142 113 100 89
E17 16 16 19 13 25 13 133 100 100 100
E18 15 12 40 25 47 25 117 100 100 100
E19 14 11 50 27 57 27 114 100 100 100
E21 15 15 47 27 47 27 100 100 86 75
TOTAL 250 231

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Chapitre IV : Usages
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Article
Figure 2 : Effets globaux des traitements sur les paramètres de reproduction
Barre verticale : Erreur standard à un niveau de confiance de 95 %

RENTABILITÉ ÉCONOMIQUE

Le coût du manioc sec est d’environ 10 000 Ariary par tête et celui des produits de déparasitage est
d’environ 500 Ariary par tête. Le prix d’une chèvre adulte sur le marché est d’environ 50 000 Ariary.
En appliquant l’équation (1), le chiffre d’affaire associé à une chèvre adulte traitée pendant une saison
sèche est de 29 433,52 Ariary tandis que celui associé à une chèvre témoin est de 20 154,47 Ariary. Le
flushing peut donc augmenter de 46 % le revenu des éleveurs. Cet écart peut être considérable si le
nombre de têtes d’animaux considérés augmente (tableau 2).

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Amélioration des performances de reproduction des caprins

Tableau 2 : Rentabilité de la pratique combinée du flushing et de la conduite d’élevage en lots

Bénéfice (Ariary) / 6 mois


Nombre Femelles
Témoin Traitée Écart
10 201 544,66 294 335,20 92 790,54
20 403 089,31 588 670,40 185 581,09
50 1 007 723,28 1 471 675,99 463 952,72
60 1 209 267,93 1 766 011,19 556 743,26
200 4 030 893,11 5 886 703,97 1 855 810,86

Discussion

LIMITE ET AVANTAGE DE L’APPROCHE ADOPTÉE

L’amélioration de la reproduction est restée centrée sur le flushing, auprès d’éleveurs autochtones (on
farm). D’autres facteurs de la reproduction n’ont pas été maîtrisés : les moments de l’ovulation, du rut
et éventuellement de l’accouplement. Dans la plupart des études sur la synchronisation de l’œstrus
chez les chèvres réalisées dans des sites d’expérimentation, les paramètres de reproduction tels que
les moments d’ovulation, de chaleur, d’accouplement, de gestation et de mises bas sont maîtrisés (Re-
gueiro et al., 1999 ; Motlomelo et al., 2002 ; Lehloenya et Greyling, 2010). Par contre, les résultats de
cette étude ont l’avantage d’être plus réalistes et seront plus faciles à vulgariser car ils nont été ob-
tenus dans les conditions réelles au niveau des éleveurs. De plus, les naissances des chevreaux issus
de la reproduction en contre saison par le flushing (en janvier) coïncident avec le début de la saison
de pluie, qui est une période d’abondance de fourrages, ce qui laisse présager une baisse du taux de
mortalité lié à l’insuffisance alimentaire. En effet, la reproduction normale des chèvres dans le site
d’étude a lieu en cette période (janvier-fevrier) et les naissances correspondantes se produisent en
mai-juillet, pendant la saison sèche au cours de laquelle prévaut une faible disponibilité fourragère, ce
qui contribue à un taux élevé de mortalité chez les nouveaux nés selon les éleveurs.

MÉTHODE EFFICACE, RENTABLE ET APPLICABLE DANS LE CONTEXTE DU SUD


MALAGASY

L’application du flushing a globalement amélioré les paramètres de reproduction des individus traités
(tableau 1 ; figure 2) et peut augmenter de 46 % le bénéfice des éleveurs la pratiquant (tableau 2).
Elle a permis de pratiquement doubler les taux de fécondité. Les méthodes utilisées sont relativement
simples et modifient peu les pratiques pastorales existantes. Le flushing permet donc d’augmenter le
nombre de naissances (au moins 3 tous les 2 ans) et/ou de déplacer les naissances, qui ont lieu en sai-
son sèche, en saison des pluies et assurer ainsi un taux de survie nettement élevé des chevreaux. Dans
tous les cas une augmentation significative de la production de l’élevage caprin résultera de l’adoption

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Chapitre IV : Usages
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Article
de cette technique par les éleveurs, ce qui risque de conduire à un surpâturage si les surplus d’ani-
maux produits ne sont pas cédés. La maîtrise de la reproduction par l’intermédiaire du flushing peut
rentrer dans le cadre de conduite d’élevage en lots qui consiste à produire périodiquement des lots
d’animaux d’âges voisins par le groupage des chaleurs. Les animaux obtenus assureront la pérennité
du cheptel par le renouvellement des reproducteurs. La vente du surplus d’animaux, ceux dans les
classes d’âge supérieure, permet (1) de maintenir la taille du troupeau et (2) d’utiliser durablement
les ressources naturelles (pâturages et espèces fourragères) par le contrôle de la charge et (3) de
générer des revenus supplémentaires pour l’éleveur. Les débouchés pour absorber ces surplus d’ani-
maux ne devraient pas poser de problème. En effet, l’effectif des zébus à Madagascar a connu une
baisse durant les 40 dernières années (12 million en 1970 et 10 million en 2004; Ministère de l’Ele-
vage, 2012) alors que leur viande constitue la première source de protéines animales dans le pays. La
(i) hausse de la demande liée à la croissance démographique, (ii) l’exportation, (iii) la raréfaction des
reproducteurs suite au vol de zébus dans les zones naisseuses et (iv) les problèmes sanitaires sont les
principales causes de cette baisse de l’effectif bovin. Par conséquent, l’offre en viande rouge régresse
avec cette baisse de l’effectif alors que la demande augmente avec la croissance de la population, no-
tamment urbaine. Pour atténuer ce déséquilibre, les petits ruminants, dont les caprins, sont appelés
à devenir une source alternative en viande rouge à Madagascar. De plus, la demande en viandes de
petits ruminants, de la part (i) de pays musulmans tels que les Comores et les pays du Golfe Persique
comme l’Arabie Saoudite et (ii) d’autres pays comme la Chine, n’arrive pas à être satisfaite pour le
moment, faute d’une production suffisante et d’une organisation efficace de la filière petits ruminants
(Obs. pers.).

Par ailleurs, une attention particulière doit être portée aux éventuels effets néfastes du pâturage
des caprins sur la régénération des fourrés xérophiles comme c’est le cas dans certaines formations
sèches dans le monde (Moser-Norgaard et Denich, 2011; Saumel et al., 2011). Une évaluation plus
précise des capacités de charge des pâturages existants et des simulations de l’effet de l’adoption de la
supplémentation alimentaire sur les tailles des cheptels caprins doivent être faites. En effet, les effets
négatifs du pâturage des caprins sur les végétations des zones semi-arides proviennent essentielle-
ment de charges animales élevées (Rosa Garcia et al., 2012 ; Randriamalala et al., 2016). Ce problème
peut être résolu en partie par la pratique de la conduite d’élevage en lots qui augmente les revenus des
éleveurs tout en maintenant constante la taille du cheptel par la vente régulière d’animaux. De plus,
la pratique d’une gestion appropriée de pâturage comme la rotation de pâturage peut diminuer la
pression des caprins sur le pâturage tout en étant bénéfique à la conservation de la biodiversité dans
le site d’étude (Randriamalala et al., 2016).

Conclusion

Le flushing est une méthode simple et efficace pour grouper les chaleurs des caprins du Sud-Ouest
malagasy en vue de concentrer les naissances en saison de pluie pour augmenter le taux de survie
des chevreaux et/ou en vue d’augmenter le nombre de naissances (3 mises bas ou plus tous les 2
ans). La vente des surplus d’animaux provenant de l’adoption de cette technique de maîtrise de la
reproduction peut être une source importante de revenu pour les éleveurs surtout si elle rentre dans
le cadre d’une conduite d’élevage en lots qui modifie peu les pratiques pastorales et résulte plus facile
à vulgariser.

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Amélioration des performances de reproduction des caprins

Références bibliographiques

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