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« 20 ans de désintensification »
100 euros/ha/an en bois-bûche. Les rémanent sont laissés en tas
Certains le nomment réensauvagement agricole. Concept encore à à 10-20 m du bord de haie pour servir d’habitat à la microfaune et
définir qui vise à restaurer les processus écologiques naturels tout aux oiseaux. »
en poursuivant une activité agricole. Il s’applique à des systèmes
d’élevage herbagers où l’action anthropique est délaissée au profit Passez à la fauche tardive sur certaines prairies
de l’animal devenu ingénieur de son territoire. Dans ces fermes, il
ne s’agit pas tant de produire du lait ou de la viande, on passe le Jean-François Glinec a contractualisé une mesure agro-environne-
cap d’être « éleveurs de biodiversités » ! mentale « fauche tardive » à 230 euros/ha sur une partie de son
parcellaire et notamment sur les zones humides. « La productivité
Avant de passer ce cap, Jean-François et son frère Olivier, se sont de ces prairies est d’environ 3 tMS/ha/an environ contre une pro-
progressivement « désintensifiés ». Installé en 1996 à Trévarn (Fi- ductivité moyenne des prairies de 5 tMS/ha/an. En 2022, la pro-
nistère) en bovin lait conventionnel, plusieurs étapes cruciales ont ductivité a été mauvaise car l’été fut très sec mais habituellement
marqué cette transition : réduction progressive des intrants, pas- une petite pluie en juillet permet d’avoir une repousse verte ».
sage à un système tout herbe en 2010 et conversion à l’agriculture
biologique en 2019. « Le pas pour aller vers la bio n’a pas été diffi- Du côté de la biodiversité, ça dit quoi ? Zoom sur le tarier des prés.
cile, on aurait pu passer plus tôt mais on a mis le temps car on se « Migrateur transsaharien, le tarier des prés arrive sous nos lati-
disait qu’il fallait que ça marche aussi en système conventionnel tudes au printemps pour se reproduire. Cette espèce niche au sol
et nous avions peu de fréquentations en bio. » En parallèle, les dans les prairies de fauche semi-humides ainsi que dans les pâ-
deux associés ont cherché à accueillir de nouvelles personnes sur tures exploitées de manière extensive. La garantie de l’émancipa-
la ferme avec l’intégration d’une maraîchère en 2013, d’un bras- tion des jeunes étant tributaire d’une fauche tardive des prairies,
seur en 2015 et d’un fromager en 2020 pour partager les terres et l’espèce connaît un déclin très rapide depuis la fin des années 80. »
bâtiments. Ils sont maintenant cinq à vivre sur cette espace. « En explique la LPO dans sa fiche sur les prairies fauchées et pâturées.
20 ans, nous avons divisé notre quantité de lait livré par deux ! » Ce dernier n’est qu’un exemple parmi d’autres !
explique Jean-François Glinec.
Un bilan économique favorable renforçant son en-
Vers un système promouvant la biodiversité gagement
Aujourd’hui, le GAEC de Trévarn a un troupeau de 70 vaches lai- Jean-François le partage volontiers, la biodiversité ne le met par
tières croisées géré en vêlage groupé pour une production de 250 sur la paille ! Avec un bilan positif de + 20 000 euros d’autofinan-
000 L/an et une moyenne de carrière de 9 ans. Autour des bâ-
timents d’élevage : de l’herbe, des espaces semi-naturels et un
bocage qu’ils préservent. La surface agricole utile est composée
de prairies permanentes dont certaines en zones humides sur 72
ha et trois sites différents.
Ce constat, c’est la démonstration que Frédéric Signoret, natura- Retardement de la date de pâture de certaines parcelles
liste et ancien objecteur de conscience à la LPO, voulut faire en pour maintenir une diversité végétale et fournir différents
s’installant en tant qu’éleveur de bovins allaitant à Notre Dame de habitats (notamment pendant les périodes de floraison et
Monts (Vendée) en créant le GAEC La Barge. « J’ai voulu montrer de nidification des oiseaux ; Plus la date de fauche est tardive
qu’on pouvait bien mener sa vie en agriculture tout en favorisant plus la flore à le temps d’atteindre le stade de fructification né-
la biodiversité, c’était en 2003. Ma démarche : Comment utiliser la cessaire à sa reproduction. Elle peut alors se renouveler par
PAC pour construire une réserve naturelle ? » L’éleveur s’est instal- égrainage naturel. Certaines espèces d’insectes sont spéci-
lé sur 90 ha dont 70 ha de prairies permanentes et de nombreuses fiques d’une espèce floristique comme le papillon le paon du
zones humides. Le cheptel de race maraîchine avec un chargement jour qui ne pond que sur les orties !
moyen de 0.5 UGB/ha. Les broutards sont valorisés à l’âge de 6-8
mois en vente directe. « A un moment, l’EBE de la ferme était à 90 Adaptation du calendrier de pâturage global en consi-
000 euros à deux et sans emprunt. C’était bien au-dessus de mes dérant (i) les dates de floraison et de nidification et en
besoins. Aujourd’hui, la PAC représente 60-70% du chiffre d’affaire. maintenant des hauteurs d’herbe importantes dans cer-
En parallèle de cette activité agricole, des espèces rares se sont taines parcelles pour respectivement augmenter la diversité
installées. » des pollinisateurs et favoriser la nidification et (ii) le temps de
régénération du couvert herbacé afin de préserver les banques
Se tourner vers un mouvement social promouvant la de graines, l’avifaune et le macrofaune
biodiversité : Paysan de nature
Choix de l’espèce pâturant en l’adaptant aux caractéris-
« La démonstration était faite. Je me suis dit qu’une fois que cela tiques des prairies (par exemple, les stratégies d'alimen-
serait prouvé, les agriculteurs suivraient. On m’a reproché "de tation différentes des ovins et bovins influencent diffé-
ne pas faire vraiment de l’agriculture”. Pour beaucoup d’agricul- remment la diversité des prairies), mais aussi de la race,
teurs, il y a d’autres motivations, celles de produire et de pro- avec des races locales ou rustiques adaptées à la qualité et à
duire beaucoup avec du matériel, des vaches productives etc. Il la quantité d'herbe disponible. Un pâturage mixte peut se pra-
y a un contexte social favorable à travers les comices agricoles, tiquer.
les SPACE, les syndicats etc. Je suis donc allé vers un mouvement
social pour promouvoir la biodiversité dans les campagnes : PAY- Diminution de la fertilisation à moins de 30 kgN/ha, ce qui
SANS DE NATURE. » implique une adaptation du chargement. Une fertilisation
azotée modérée voire nulle permet d’améliorer la diver-
« L’association Paysans de nature a pour objet de favoriser la dé- sité floristique des parcelles en permettant le développement
fense et la production de biodiversité sauvage en mettant les es- d’espèces rares et menacées.
paces et espèces sauvages au cœur des préoccupations des pay-
sannes, paysans, autres habitantes et habitants des territoires » Adapter ses pratiques de fauches en favoriser une fauche
se présente l’association sur son site internet paysansdenature.fr. centrifuge en partant du centre de la parcelle pour aller
C’est aujourd’hui une marque déposée à l’INPI en 2017. C’est un vers la périphérie pour permettre aux animaux présents
réseau qui met en relation paysans, naturalistes, et autres citoyens sur la parcelle de s’échapper.
pour favoriser l’émergence de nouvelles fermes favorables à la
biodiversité. « L’outil que l’on met en place pour promouvoir cette Laisser des bandes non fauchées de 5-6 m pour permettre
mixité se base sur l’installation d’un dialogue avec un agriculteur à la flore de fructifier et à la faune de s’y réfugier. Cette
voisin, des citoyens, des naturalistes etc. Il s’agit du dialogue per- zone pourra être fauchée à partir de fin août. Lorsqu’il
manent pour la nature. » explique Frédéric Signoret. « Un projet « s’agit du pâturage, il est possible de réaliser des exclos en
Paysans de nature » est par ailleurs en train de se consolider en clôturant une zone de la parcelle rendu inaccessible au pâtu-
Bretagne. La FRAB et les GAB bretons en font partie. » rage entre mi-avril et fin juillet. Il est intéressant dans ce cas de
faire varier cette zone chaque année.
Favoriser la biodiversité dans les systèmes d’élevage, c’est du ga-
gnant-gagnant ! De nombreux témoignages existent et montrent D’autres précautions sont à prendre en compte, telles que
que cet objectif n’est pas contraire à de bonnes performances éco- limiter la vitesse du tracteur (<12 km/h)
nomiques sur la ferme.