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Valorisation durable

des formations sèches


de l’océan indien

Éditeurs scientifiques
Dominique Hervé, Josoa R. Randriamalala, Herizo Randriambanona,
Samuel Razanaka, Vonjison Rakotoarimanana, Rado Elysé Ranaivoson,
Verohanitra Rafidison, Stéphanie M. Carrière

Actes du séminaire de synthèse du projet VALSE (UE/COI-Biodiversity)


« Valorisation durable des formations sèches côtières »
Toliara, 17-19 septembre 2018

Antananarivo, Septembre 2022


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Article
Comportement alimentaire des caprins dans les
pâturages arbustifs en zone semi-aride
Goat nutritious behaviour in semi-arid shrubs of
south-western Madagascar

Josoa Ramarolanonana RANDRIAMALALA1


Haja RANDRIAMALALA2
Rado RABENIALA3
Julien H. ANDRIANARISOA3

(1) Département des Eaux et Forêts, École Supérieure des Sciences Agronomiques, BP 175, Ankatso, Antananarivo
101, Madagascar (rramarolanonana@yahoo.fr)
(2) Ministère de l’Agriculture de l’Elevage et de la Pêche, Direction de l’Elevage, Ampandrianomby, Rue Farafaty,
Antananarivo, Madagascar (hajarandriamalala@gmail.com)
(3) Diagnostic Environnemental et Recherches Appliquées pour le Développement en Milieu Rural (DERAD), Lot
AKT II A 105, Ambohitsaratelo,Vontovorona-Antananarivo 102, BP 60115, Madagascar (rradobaninanjakar@gmail.com ;
andrianarisoajulien@yahoo.fr)

Résumé
Cette étude a pour objectif de décrire et d’expliquer le comportement alimentaire des caprins dans le
Sud-Ouest malagasy. Les facteurs qui affectent le régime alimentaire des caprins sont déterminés par
un suivi de 32 caprins dans leurs parcours naturels, selon les types de parcours (sur plateau calcaire en
saison des pluies (janvier et février 2013) et en zone littorale en saison sèche (août 2013)), en saison
des pluies (janvier et février 2013) et en saison sèche (août 2013). Le système d’élevage dans le site
d’étude est de type extensif, dépendant entièrement des fourrages naturels. La durée du parcours
journalier varie de 10 h, en saison sèche, à 12 h en saison des pluies. Le régime alimentaire des caprins
sur le plateau calcaire est formé essentiellement de feuilles, brindilles et jeunes pousses d’arbustes
tandis qu’il est dominé par les feuilles des espèces herbacées dans la plaine littorale. La diversité et la
composition du régime alimentaire ne varient pas beaucoup avec les saisons. Le type de pâturage, et
non la saison, est le principal facteur qui affecte le régime alimentaire des caprins ans le site d’étude.
Mots clés : Madagascar, parcours naturel, pastoralisme, pâturage, régime alimentaire, sud-ouest.

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Comportement alimentaire des caprins

Abstract
This study describes the feeding behaviour of goats in shrubby pastureland in south western Madagascar.
The following research questions are addressed : What is the goats’ diet? What are the main factors
driving feeding behaviour ? Direct observations of 32 goats in their natural pastureland (calcareous
plateau and coastal plain) were undertaken in the rainy season (January-February 2013) and the dry
season (August 2013). Goats spent 12 and 10 hours in pasturelands, in the rainy and dry seasons,
respectively. The diets of goats grazing on calcareous plateau are formed by shrubby fodder leaves,
twigs and shoots, while those of goats grazing in coastal plain are dominated by herbaceous fodder.
The diversity of the goats’diet did not vary significantly by season. The type of pastureland is the main
driver of goat diets in the study site.
Key words : Diet, Madagascar, pastoralism, pastureland, grazing, south-west.

Introduction

L’élevage de petits ruminants, surtout les caprins, est la principale source de revenu, devant la pêche
et l’agriculture, pour les populations qui vivent dans les zones littorales semi-arides du sud-ouest
malagasy (Raoliarivelo et al., 2010). L’élevage caprin, le plus important en terme d’effectif (Rabeniala
et al., 2009), est de type extensif, dépendant d’un pâturage naturel arbustif, composé de fourrés
xérophiles (FX) (Randriamalala et al., 2016). De plus, cet élevage caprin est une alternative réaliste
à la production de charbon de bois et à l’agriculture sur brûlis qui sont les principales causes de la
déforestation dans le sud-ouest malagasy (Masezamana et al., 2013 ; Randriamalala et al., 2019). C’est
donc une activité importante dans le sud de Madagascar qui peut servir de levier pour lutter contre
la faim, l’insécurité alimentaire et la pauvreté qui y prévalent, d’où l’intérêt de sa promotion et le dé-
veloppement de techniques de conduite d’élevage assurant la pérennité du cheptel et une augmenta-
tion conséquente du revenu par la vente d’animaux. Cependant, le développement de l’élevage caprin
doit également passer par une maîtrise de la disponibilité fourragère qui nécessite une connaissance
poussée de l’interaction caprin/pâturage, alors que cet aspect est peu connu à Madagascar. Les rares
études sur le thème se focalisent surtout sur le pâturage (Rabeniala et al., 2009 ; Randriamalala et
al., 2016) et fournissent peu d’informations sur les façons dont les caprins les exploitent. Deux ques-
tions sont abordées : quel est le régime alimentaire de l’espèce caprine ? Quels sont les facteurs qui
l’affectent ? Une meilleure connaissance des comportements alimentaires des caprins permettrait
d’exploiter plus efficacement et de façon durable les FX qui leur servent de pâturage, et également de
mieux analyser les effets de ces petits ruminants sur le fonctionnement des écosystèmes de fourrés
xérophiles. C’est également une manière d’enrichir le débat sur le caractère nocif ou non des caprins,
par rapport aux forêts sèches. En effet, les caprins sont réputés être des facteurs de dégradation des
formations végétales en milieu semi-aride en réduisant le recouvrement végétal (Severson et Debano,
1991 ; Mellado et al., 2003), en détruisant la régénération naturelle des espèces fourragères (Mo-
ser-Norgaard et Denich, 2011 ; Säumel et al., 2011) et en réduisant la richesse spécifique (Arevalo et
al., 2007).

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Chapitre IV : Usages
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Article
Méthodes

SITE D’ÉTUDE

Le site d’étude est la commune rurale de Soalara Sud, dans le District de Toliara II, dans la Région Atsi-
mo Andrefana (figure 1). Le climat est de type semi-aride avec une précipitation annuelle de 418 mm
(Randriamalala et al., 2016). La végétation naturelle est un fourré à Didieraceae et à Euphorbiaceae
(Cornet et Guillaumet, 1976). Les populations locales vivent de l’agriculture, de l’élevage de petits
ruminants (PR), de la fabrication de charbon de bois et de la pêche (Raoliarivelo et al., 2010). Le maïs,
le manioc et la patate douce sont les principales cultures pratiquées (Rabeniala et al., 2009).

L’élevage de petits ruminants (caprins, Capra hircus et ovins, Ovis aries) est la principale source de
revenu (Raoliarivelo et al., 2010). La densité de petits ruminants dans le site d’étude est d’environ
une tête par hectare et chaque ménage possède en moyenne 60 têtes (2-180 ; Rabeniala et al., 2009).
L’espèce caprine y forme plus de 85 % du cheptel de petits ruminants (Rabeniala et al., 2009), c’est
pourquoi elle a été la seule considérée.

Figure 1 : Localisation de la commune de Soalara dans le district Toliara II

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Comportement alimentaire des caprins

CHOIX DES ANIMAUX

Des troupeaux pâturant dans les 2 principaux types de pâturages du site d’étude, le plateau calcaire
(PC) et la plaine littorale (PL), ont été choisis (tableau 1). Pour ce faire, les troupeaux de 2 éleveurs
dans le village d’Antsirafaly, commune de Soalara Sud, ont été choisis pour l’observation des compor-
tements alimentaires des caprins. La grande taille des troupeaux de ces éleveurs (>100 têtes) facilite
le choix des individus à suivre. La coopération volontaire de ces éleveurs et les lieux de pâturage de
leurs troupeaux, dans les 2 principaux types de pâturage existants, ont également orienté le choix. Les
suivis ont été faits en saison de pluie (janvier-février 2013) et en début saison sèche (août 2013). Les
individus observés en saison de pluie et en saison sèche ont été les mêmes.

Tableau 1 : Plan d’échantillonnage des observations des caprins

Traitements Saison Type de pâturages Sexe Effectif observé


Tt1 Saison des pluies Plateau calcaire Femelle 7
Tt2 Saison des pluies Plateau calcaire Mâle 7
Tt3 Saison des pluies Plaine littorale Femelle 7
Tt4 Saison des pluies Plaine littorale Mâle 11
Tt5 Saison sèche Plateau calcaire Femelle 7
Tt6 Saison sèche Plaine littorale ** Mâle 7
Tt7 Saison sèche Plaine littorale Femelle 7
Tt8 Saison sèche Plaine littorale Mâle 11

** les individus sont observés sur le PC en saison de pluie et sur la PL en saison sèche

SUIVI DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE

La journée d’observation commence, depuis la sortie des animaux de la bergerie (« kalo »), le matin
vers 7-8 h, et se termine à leur rentrée vers 18 h. Les types d’activités observées sont enregistrés
toutes les 15 mn. Les activités en question sont :
- Marcher : action de se déplacer d’un endroit à un autre en parcourant une certaine distance ;
- Se nourrir : opération de prise de nourriture pour satisfaire les besoins (d’entretien et de pro-
duction) de l’animal ;
- Marcher – se nourrir : combinaison des activités « Marcher » et « Se nourrir ». L’animal broute
l’herbe ou mange des feuilles tout en marchant ;
- S’abreuver : boire de l’eau aux points d’eau ;
- Ruminer et se reposer : relâchement, relaxation ou répit pendant lesquels l’animal reste immo-
bile généralement en position assise. Cette activité coïncide généralement au moment de la sieste
pendant lequel l’animal s’assoupit et se repose à l’ombre.

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Chapitre IV : Usages
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Article
Les durées de ces activités ont été chronométrées. L’alimentation des caprins a été observée et classée
en matière vivante (arbuste ou herbe) et morte (feuilles et fruits par terre). Les parties appétées par
les animaux sur les arbustes fourragers ont été enregistrées ; elles peuvent être (i) des feuilles vertes,
(ii) de brindilles faiblement lignifiée, (iii) des fruits et (iv) de jeunes pousses qui se trouvent générale-
ment dans la partie supérieure de l’arbuste. Les parties appétées sur les herbes sont essentiellement
leurs feuilles.

Des relevés GPS toutes les 30 mn ont permis de cartographier les parcours des troupeaux auxquels
appartiennent les individus suivis. Les données issues des levées GPS ont été projetées sur une image
Google Earth en utilisant les logiciels Arc GIS 9.0 et le système de projection « Laborde ». Les distances
entre 2 points successifs ont été calculées (Arc GIS 9.0) et la longueur du parcours journalier est la
somme de ces distances de la sortie au retour à l’enclos.

Résultats

PRATIQUES PASTORALES

Les caprins sont parqués dans des enclos pendant la nuit. Assez rudimentaires, les enclos sont
construits dans le village ou un peu plus loin (2-3 km). Ces enclos protègent les animaux des chiens
errants ou des bêtes sauvages de la forêt surtout pendant la nuit. La conduite des troupeaux de ca-
prins dans le site d’étude est basée essentiellement sur le gardiennage. Le chevrier, d’habitude l’enfant
aîné du propriétaire ou un salarié, conduit les caprins aux aires de pâturage. Les animaux sortent de
l’enclos et partent au pâturage le matin vers 7 h et rentrent vers 17 h 30 mn. Le troupeau est orienté
le matin vers une direction et les animaux continuent seuls leur parcours jusqu’au retour à l’enclos.

Les pâturages se divisent en deux types bien distincts : le plateau calcaire (PC) qui est limité par une
dénivellation d’environ 30 m et se trouve à l’est des villages et la plaine littorale (PL), plus proche des
villages. Les troupeaux caprins, guidés par le chevrier, exploitent les ressources alimentaires générées
par les parcours de pâturages naturels. Le choix du parcours étant effectué par le chevrier et ceci se-
lon la disponibilité des ressources alimentaires naturelles offertes par le parcours. Cette disponibilité
des ressources fourragères est faible durant les neuf mois de saison sèche, et relativement élevée
durant la courte saison des pluies. L’alimentation des caprins dépend exclusivement du pâturage na-
turel. Amenés aux parcours de pâturage, ils se nourrissent des végétaux qu’elles jugent nutritifs sans
aucun autre apport supplémentaire d’aliments. Les chèvres boivent de l’eau quotidiennement soit
avant d’aller au pâturage soit après le retour du pâturage.

DURÉE DES PARCOURS

La durée moyenne du parcours est respectivement de 12 h en saison des pluies et de 10 h en saison


sèche (figure 2). De même, la durée de pâturage des individus exploitant le PC est plus longue que
celle de ceux qui paissent dans les PL et ceci pour les deux saisons (figure 2).

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Comportement alimentaire des caprins

Figure 2 : Durée moyenne d’une journée de pâturage

L’activité « se nourrir » prend plus de la moitié de la durée du parcours pour les 2 saisons (figure 3).
Un caprin dépense en moyenne 7 h en saison de pluie contre 6,5 h en saison sèche pour se nourrir. Le
fait de se nourrir se combine rarement avec la marche pendant la saison de pluie (environ 45 min/
jour). L’activité de « rumination-repos » se place en seconde position, soit plus de 2 h en moyenne. La
durée moyenne de l’activité de « repos et rumination » est plus longue en saison de pluie (2,5 h) qu’en
saison sèche (1,75 h).

La durée de l’activité « s’abreuver » est insignifiante surtout en saison de pluie (figure 3). Le temps dis-
pensé pour s’abreuver est respectivement de 15 min en saison de pluie et de 20 min en saison sèche.
Le temps consacré à la marche est plus court en saison de pluie (<1 h contre 1,33 h en saison sèche ;
figure 3). L’ordre de ces activités, en termes de durée, ne varie pas selon les types de pâturage.

Figure 3 : Moyenne en % des durées de chaque activité dans une journée de pâturage

Tt1 : saison de pluie, plateau calcaire et femelle, Tt5 : saison sèche, plateau calcaire et femelle,
Tt2 : saison de pluie, plateau calcaire, mâle, Tt6 : saison sèche, plaine littorale et mâle,
Tt3 : saison de pluie, plaine littorale et femelle, Tt7 : saison sèche, plaine littorale et femelle,
Tt4 : saison de pluie, plaine littorale et mâle, Tt8 : saison sèche, plaine littorale et mâle.

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Chapitre IV : Usages
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Article
RÉGIMES ALIMENTAIRES

L’alimentation de base des chèvres est constituée de matières vivantes notamment des arbustes four-
ragers (figure 4). Le reste est constitué de matières mortes telles que les feuilles et graines sèches et
des latex d’arbustes. Cette proportion est légèrement supérieure en saison sèche et varie de 10-12 %.
L’importance de matières mortes dans l’alimentation des caprins est plus élevée dans la plaine litto-
rale que dans le plateau calcaire (figure 4).

Figure 4 : Proportion des matières mortes et vivantes visitées et ingérées par les animaux

Tt1 : saison de pluie, plateau calcaire et femelle, Tt5 : saison sèche, plateau calcaire et femelle,
Tt2 : saison de pluie, plateau calcaire, mâle, Tt6 : saison sèche, plaine littorale et mâle,
Tt3 : saison de pluie, plaine littorale et femelle, Tt7 : saison sèche, plaine littorale et femelle,
Tt4 : saison de pluie, plaine littorale et mâle, Tt8 : saison sèche, plaine littorale et mâle.

Le nombre total d’espèces appétées est de 85 dont 75 en saison de pluie et 37 en saison sèche. Les
espèces arbustives sont les plus nombreuses dans le régime alimentaire des caprins, et ce quels que
soient les saisons et les types de pâturage. Les espèces herbacées et lianescentes appétées par les
caprins sont peu diversifiées (figure 5).

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Comportement alimentaire des caprins

Figure 5 : Répartition des espèces appétées par traitements

A : arbuste ; H : herbe ; L : liane, Tt4 : saison de pluie, plaine littorale et mâle,


PC : plateau calcaire, PL : plaine littorale, Tt5 : saison sèche, plateau calcaire et femelle,
Tt1 : saison de pluie, plateau calcaire et femelle, Tt6 : saison sèche, plaine littorale et mâle,
Tt2 : saison de pluie, plateau calcaire, mâle, Tt7 : saison sèche, plaine littorale et femelle,
Tt3 : saison de pluie, plaine littorale et femelle, Tt8 : saison sèche, plaine littorale et mâle

Les espèces arbustives sont les plus appétées dans le plateau calcaire (PC) et ce pour les 2 saisons
(figure 6). Par contre, les herbes tiennent une place importante dans le régime alimentaire des caprins
qui pâturent dans la plaine littorale (PL, figure 6) Cette importance des espèces herbacées est plus
marquée en saison des pluies (figure 6).

Les espèces arbustives les plus appétées sur le PC en saison de pluie sont : Commiphora sp. (taraby ;
Burceraceae), Rhigozum madagascariense Drake (hazonta ; Bignoniaceae), Talinella boiviniana Baillon
(tsirora ; Talinaceae), Dicoma incana (Baker) O. Hoffm. (vongo ; Asteraceae), Diospyros latispathulata
H. Perrier (Sasimotsa ; Ebenaceae) et Mimosa sp. (Roy ; Fabaceae). Les espèces les plus appétées en
saison sèche sont : Solanum bumeliaefolium Dunal (hazonosy ; Solanaceae), Chadsia flammea Bojer
(sangonakoholahy ; Fabaceae) et Zygophyllum sp. (Zygophyllaceae ; filataombohitra). Les espèces ar-
bustives les plus appétées dans la plaine littorale en saison sèche et de pluie sont : R. madagascariense,
S. bumeliaefolium, T. boiviniana, Mimosa sp.

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Chapitre IV : Usages
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Figure 6 : Moyenne des fréquences de visites par jour par forme biologique

A : arbuste, H : herbe, L : liane, Tt4 : saison de pluie, plaine littorale et mâle,


PC : plateau calcaire, PL : plaine littorale, Tt5 : saison sèche, plateau calcaire et femelle,
Tt1 : saison de pluie, plateau calcaire et femelle, Tt6 : saison sèche, plaine littorale et mâle,
Tt2 : saison de pluie, plateau calcaire; mâle, Tt7 : saison sèche, plaine littorale et femelle,
Tt3 : saison de pluie, plaine littorale et femelle, Tt8 : saison sèche, plaine littorale et mâle

Les caprins s’intéressent essentiellement aux feuilles vertes, aux brindilles et aux jeunes pousses (fi-
gure 7). À cela s’ajoutent les fruits qui ne sont disponibles que pendant la saison des pluies (figure 7).

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Comportement alimentaire des caprins

Figure 7 : Fréquences de prises des différentes parties de la plante

BR : brindille, FRUI : fruit, Tt4 : saison de pluie, plaine littorale et mâle,


FV : feuille verte, JP : jeune pousse, Tt5 : saison sèche, plateau calcaire et femelle,
PC : plateau calcaire, PL : plaine littorale, Tt6 : saison sèche, plaine littorale et mâle,
Tt1 : saison de pluie, plateau calcaire et femelle, Tt7 : saison sèche, plaine littorale et femelle,
Tt2 : saison de pluie, plateau calcaire, mâle, Tt8 : saison sèche, plaine littorale et mâle
Tt3 : saison de pluie, plaine littorale et femelle,

DISTANCES PARCOURUES

Les distances moyennes parcourues par les caprins varient de 7,16-11,86 km. Les distances parcou-
rues dans la PL augmentent pendant la saison sèche tandis qu’elles semblent diminuer pour les trou-
peaux sur le PC (tableau 5). Les pâturages des troupeaux caprins s’étendent généralement sur un
rayon de moins de 6 km autour de l’enclos (tableau 2 ; figure 8 et 9).

Tableau 2 : Moyennes des distances parcourues dans le parcours naturel±écart-type

Saison Pâturage Moyennes des distances


parcourues (km)
Pluie Plateau Calcaire 11±3,92
Plaine Littorale 7,16±1,39
Sèche Plateau Calcaire 8,42*
Plaine Littorale 11,86±2,06

*Observation unique

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Chapitre IV : Usages
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Article
Figure 8 : Trajets des troupeaux caprins en saison de pluie

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Comportement alimentaire des caprins

Figure 9 : Trajets des troupeaux caprins en saison sèche

Discussion

LONGUE DURÉE DE PARCOURS

La durée journalière moyenne du parcours est de 12 h en saison de pluie et 10 h en saison sèche. Cette
durée est comparable à celle trouvée par Rabeniala et al. (2009) dans le site d’étude et celle de Kharrat
(2010) dans la région de Bekke au Liban. Par contre cette durée est plus longue que celle de Schlecht
et al. (2006), de 7-9 h, dans la partie ouest du Niger (P=360 mm.an-1). De même, ces durées de par-
cours sont plus longues que celles enregistrées par Schlecht et al (2009), 8-10 h, dans la partie nord
de l’Oman (P<400 mm.an-1) et également plus longue celle observée par Cissé et al. (2002), environ
9 h, au Sénégal (P=400-600 mm.an-1). L’usage de supplémentation alimentaire peut expliquer que la
durée de parcours soit plus courte au Sénégal et à Oman : les caprins rentrent plutôt à l’enclos pour re-
cevoir des suppléments alimentaires provenant des résidus de récoltes. A Soalara Sud, la longueur de
la durée du parcours surtout en saison des pluies est due à une disponibilité fourragère plus grande,
de plus les caprins ne rentrent aux enclos qu’après le coucher du soleil.

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Chapitre IV : Usages
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Article
Les caprins passent beaucoup plus de temps au pâturage pendant la saison des pluies que pendant
la saison sèche. En effet, pendant la saison des pluies, période d’abondance et d’une plus grande di-
versité de fourrages (figure 5), les caprins mettent beaucoup plus de temps à choisir les fourrages
disponibles. De plus ils passent d’une plante à l’autre pour ne manger que les parties tendres et non
lignifiées (figures 5 et 6). Ce comportement les qualifie de trieuses d’aliments. La durée du pâturage
augmente avec la disponibilité fourragère en termes d’abondance et de diversité.

La durée de pâturage sur le PC est plus longue que celle dans la PL et ce indépendamment de la sai-
son. En effet, le fourrage sur le PC est plus abondant et plus diversifié que celui dans la PL. De plus, la
végétation dans la PL, plus proche des villages, est plus dégradée car elle a fait l’objet de prélèvement
de bois de feu et de production de charbon de bois dans les années 1990 (Rabeniala et al., 2009). Ces
activités, combinées avec le pâturage des petits ruminants, ont contribué à réduire la diversité floris-
tique et à réduire la densité arbustive dans la PL (Raoliarivelo et al., 2010).

ACTIVITÉS DOMINÉES PAR LE FAIT DE « SE NOURRIR »

« Se nourrir » est l’activité principale des caprins dans le parcours naturel et elle prend plus de la moi-
tié de la durée de parcours et ceci pour les deux saisons (figure 2). L’activité de repos et rumination
tient la seconde place en terme de durée puis l’activité de la marche et enfin l’activité de s’abreuver.
Ces ordres de durées d’activités coïncident avec celles de Sharma et al. (1998) et de Kharrat (2010).
De même, la prédominance de l’activité « se nourrir » a été confirmée par Cissé et al. (2002) au Séné-
gal, par Schlecht et al. (2006) au Niger et par Rouaissi et Majdoub (1988) en Tunisie.

Au repos les animaux restent en position debout ou couchée, les caprins dépensent moins de temps
au repos en saison sèche qu’en saison de pluie (figure 2). Ce résultat a été confirmé par Sharma et al.
(1998) à Mathura en Inde. En effet, pendant la saison humide, la disponibilité fourragère est élevée
tant en quantité qu’en qualité. De plus, à midi, la chaleur en saison de pluie (Janvier-Février) est plus
intense par rapport à celle de la saison sèche (Août), ce qui pousse les caprins à allonger le temps de
repos sous l’ombre des arbustes.

La durée consacrée à l’activité « s’abreuver » est la plus courte. Les caprins s’abreuvent le matin juste
avant de continuer le pâturage ou l’après midi avant de rentrer au village pour un long repos de midi.
Ce résultat va à l’encontre de ceux de Cissé et al. (2002) qui ont montré que le fait de s’abreuver tient
la seconde position, derrière le fait de se nourrir, en termes de durée au Sénégal. A Soalara Sud, les ca-
prins ne s’abreuvent qu’une seule fois par jour. Mais dans les autres pays, les caprins peuvent s’abreu-
ver 2 ou 3 fois par jour (Sharma et al. 1998), ce qui allonge le temps d’abreuvement

Les durées de la « marche » et celle de sa combinaison avec le fait de se nourrir sont plus longues en
saison sèche. En effet, la faible disponibilité fourragère qui prévaut pendant cette saison oblige les
caprins à marcher plus longtemps et à aller plus loin pour satisfaire leurs besoins alimentaires (cartes
2 et 3 figure 2). Sharma et al. (1998) ont trouvé les mêmes résultats.

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Comportement alimentaire des caprins

PRÉDOMINANCE DES FOURRAGES ARBUSTIFS DANS LE RÉGIME ALIMENTAIRE DES


CAPRINS

Le régime alimentaire des caprins est constitué en grande partie par des matières vivantes provenant
essentiellement d’arbustes fourragers. L’hypothèse sur le caractère sélectif des caprins et la diversité
de leur régime alimentaire a donc été vérifiée. La contrainte majeure est la faible précipitation qui
limite la disponibilité fourragère surtout en saison sèche. Cependant, le type de pâturage affecte le
régime alimentaire des caprins : la prédominance des fourrages arbustifs a été constatée sur le PC
alors que les fourrages herbacés sont les plus visités dans la PL et ce indépendamment des saisons (fi-
gures 3, 4 et 5). Le caractère sableux des sols dans la PL et la dégradation des fourrés xérophiles qui la
couvrent, suite à la production de charbon de bois (Raoliarivelo et al., 2010), favorisent le développe-
ment de couvert herbacé. En effet, le recul de la forêt favorise le développement des couverts herbacés
(Jauregui et al., 2008). Le régime alimentaire des caprins varie donc peu par rapport à la saison. Par
contre, il varie essentiellement par rapport aux types de pâturage : les arbustes fourragers dominent
le régime alimentaire sur le PC alors que les espèces herbacées sont les plus fréquentées dans la PL.

PRÉFÉRENCES ALIMENTAIRES : LES ARBUSTES

Les caprins ont des préférences alimentaires qui se traduisent par des visites fréquentes de quelques
espèces arbustives. Il s’agit, en saison de pluie, de Commiphora sp., R. madagascariense, T. boiviniana,
D. incana, D. latispathulata et Mimosa spp. Les espèces fourragères arbustives les plus appétées en
saison sèche sont S. bumeliaefolium, C. flammea et Zygophyllum sp. (figures 5 et 6). Les parties appé-
tées des fourrages arbustifs sont les feuilles, les brindilles et les jeunes pousses. Des variations saison-
nières de la composition du régime alimentaire des caprins ont également été constatées (figure 5).
Les caprins préfèrent les fourrages à forte valeur nutritive et ne mangent que la partie la plus tendre
de la plante (Cissé et al. 2002). Parfois, ils peuvent choisir des espèces fourragères à faible valeur nu-
tritive pour des raisons pharmacologiques (Cissé et al. 2002) comme Sclerocarya birrea Hochstetter
(Handimboitra ; Anacaridaceae) qui tue les vers parasites, selon les éleveurs.

DISTANCES MOYENNES PARCOURUES PAR LE CAPRINS LORS D’UNE JOURNÉE DE


PÂTURAGE

Les distances moyennes parcourues par les caprins varient de 7-12 km.jour-1. Ces distances sont com-
parables à celles mesurées par Schlecht et al. (2006) dans la partie Ouest du Niger (P<400 mm.an-1 ;
7-11 km.jour-1). Ces distances sont, par contre, légèrement inférieures à celles trouvées par Schlecht
et al. (2009) dans le désert d’Oman, (100<P<340 mm.an-1), qui est de 11-19 Km. Cette différence de
résultat peut être due à la méthode utilisée. Schlecht et al. (2009) ont utilisé des GPS fixés sur les cous
des caprins et qui enregistrent leurs positions toutes les 3 minutes. Aussi, les distances mesurées par
Schlecht et al. (2009) sont-elles plus précises car c’est le caprin lui-même qui porte le GPS sur son
cou, alors que pour notre étude, le GPS est tenu par une personne et qui enregistre toutes les 30 mn
l’endroit où se trouvaient les troupeaux caprins. Mais des causes structurelles peuvent également être
invoquées pour expliquer cette différence : les pâturages à Oman sont surexploités (surpâturage),
ce qui réduit considérablement la disponibilité fourragère et oblige les caprins à parcourir une plus
grande distance pour satisfaire leur besoin nutritionnel.

336
Chapitre IV : Usages
25

Article
Conclusion

La durée du parcours naturel dans le site d’étude est longue : les caprins dépendent entièrement de
la disponibilité fourragère des espaces pastoraux existants pour leur alimentation. Les caprins sont
sélectifs et ont un régime alimentaire diversifié. Leur régime alimentaire varie avec les types de pâtu-
rage mais pas avec la saison : dominé par les arbustes fourragers sur le PC et par des fourrages herba-
cés dans la PL. Les parties appétées sur les arbustes sont celles qui sont non ou faiblement lignifiées
(feuille, jeune pousse, brindille). L’élevage caprin dans le site d’étude est encore sous développé et un
effort important doit être fourni pour augmenter sa production. Des méthodes simples de maîtrise de
la reproduction couplées avec des conduites d’élevage pratiques, en vue d’augmenter la production
de l’élevage caprin existent et ont été testées avec succès (supplémentation alimentaire et conduite
d’élevage en lots ; Andrianarisoa, 2013). Cependant, une meilleure connaissance des limites des pâ-
turages existants (valeur pastorale et capacité de charge) est nécessaire pour assurer la durabilité de
l’exploitation des fourrés xérophiles par l’élevage caprin.

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