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B.

CHABAT

INTRODUCTION
À L’ANALYSE COMPLEXE
(EN DEUX TOMES)

TOME 1

FONCTIONS D’UNE VARIABLE

EDITIONS MIR MOSCOU


Traduit du russe
par Djilali EMBAREK

Ha (fipamiyacKOM si3biKe

Imprimé en Union Soviétique

ISBN 5-03-001628-7, (T. 1) H3ffaTejibCTBO « Hayna ». rjiaBHan


peffaKU.HH $H3HKO-MaTeMaTH^eCKOH
ISBN 5-03-001627-9
jinTepaTypa, 1976; c H3MeHeHHHMH,
1985
traduction française, Editions Mir,
1990
TABLE DES MATIÈRES

A v a n t-p ro p o s......................................................................................................... 7
Avant-propos à la troisième édition r u s s e ................................................ 10

Chapitre premier. FONCTIONS HOLOMORPHES 11


§ 1. Plan c o m p le x e ........................................................................................ 11
i. Nombres complexes (11). 2. Topologie du plan complexe (16).
3. Chemins et courbes (19). 4. Domaines (22).
§ 2. Fonctions d’une variable complexe ................................................ 25
5. Notion de fonction (25). 6. Différentiabilité (30). 7. Significations
géométrique et hydrodynamique (38).
§ 3. Propriétés des fonctions hom ographiques............................................. 44
8. Fonctions homographiques (44). 9. Propriétés géométriques (48).
10. Isomorphismes et automorphismes homographiques (51). 11. Un mo­
dèle de géométrie de Lobatchevski (55).
§ 4. Fonctions élémentaires ............................................................................. 62
12. Quelques fonctions rationnelles (62). 13. Exponentielle (66). 14. Fonc­
tions trigonométriqucs (68).
Exercices ........................................................................................................ 72

Chapitre II. Propriétés des fonctions h o lom orp h es.................................... 76


§ 5. Intégrale .................................................................................................... 76
15. Notion d’intégrale (76). 16. Primitive (81). 17. Théorème de Cauchy
(88). 18. Cas particuliers (91). 19. Formule intégrale de Cauchy (96).
§ 6. Séries de Taylor .................................................................................... 101
20. Séries de Taylor (102). 21. Propriétés des fonctions holomorphes
(109). 22. Théorèmes d’unicité (112). 23. Théorème de Weierstrass et
de Runge (115).
§ 7. Séries de Laurent et points s in g u lie r s ................................................. 121
24. Séries de Laurent (121). 25. Points singuliers isolés (128). 26. Ré­
sidus (136).
E x e r c ic e s ............................................................................................................ 143

Chapitre III. PROLONGEMENTANALYTIQUE ............................... 145


§ 8. Notion de prolongementa n a ly tiq u e................................................... 145
27. Eléments et leurs prolongements (145). 28. Théorème de la mono­
dromie (153).
§ 9. Fonctions analytiques ........................................................................ 158
29. Notion de fonction analytique (158). 30. Fonctions élémentaires
(162). 31. Points singuliers (171).
6 TABLE DES MATIÈRES

§ 10. Notion de surface de R ie m a n n ........................................................ 177


32. Approche élémentaire (177). 33. Approche générale (181).
Exercices ........................................................................................................ 187
Chapitre IV. ÉLÉMENTS DE THÉORIEGÉOMÉTRIQUE 189
§ 11. Principes géométriques .................................................................... 189
34. Principe de l’argument (189). 35. Principe de conservation du do­
maine (193). 36. Notion de fonction algébrique (198). 37. Principe du
maximum du module et lemme de Schwarz (202).
§12. Théorème de Riemann .................................................................... 205
38. Isomorphismes et automorphismes conformes (205). 39. Principe de
compacité (208). 40. Théorème de Riemann (212).
§ 13. Correspondance des frontières et principe de sy m é tr ie ................ 217
41. Correspondance des frontières (217). 42. Principe de symétrie (222).
43. Notion de fonctions elliptiques (227). 44. Fonction modulaire et
théorème de Picard (231).
Exercices ......................................................................................................... 235
Chapitre V. MÉTHODES A N A L Y T IQ U E S................................................ 238
§ 14. Développements des fonctions entières et méromorphes . . . . 238
45. Théorème de Mittag-Leffler (238). 46. Théorème de Wcierstrass
(245).
§ 15. Croissance des fonctions entières .................................................... 252
47. Ordre et type d’une fonction entière (252). 48. Croissance et zéros.
Théorème d’Hadamard (255).
§ 16. Autres théorèmes faisant intervenir la cro issa n ce........................... 262
49. Principe de Phragmén — Lindelôf (262). 50. Théorème de Kotelnikov
(265).
§ 17. Estimations a sy m p to tiq u e s................................................................ 271
51. Développements asymptotiques (271). 52. Méthode de Laplace (275).
53. Méthode du col (280).
Exercices ................................................................................................ 284
Annexe. FONCTIONS HARMONIQUES ETSUBHARMONIQUES 287
1. Fonctions harmoniques (287). 2. Problème de Dirichlet (292). 3. Fonc­
tions subharmoniques (298).
E x e r c ic e s ............................................................................................................ 305
Index alphabétique des matières ................................................................ 307
A la mémoire de mon maître
Alexei Laurentieu

AVANT-PROPOS *)

L’analyse circonstanciée des propriétés des fonctions est inima­


ginable dans le seul cadre du réel. Un exemple simple : la fonction
/ (x) = est indéfiniment dérivable en tout point de l’axe
réel et pourtant sa série de Taylor
——-—
i+ X2—
-= 1A—x2T
-4- Æ4— .. .
cesse de converger pour | x | ^ 1. La cause en est incompréhensible
dans un domaine réel: en effet, les points x = ± 1 qui séparent les
domaines de convergence et de divergence de la série n’ont rien de
remarquable pour / (x). Mais le passage à un domaine complexe ex­
plique aussitôt cette situation : le cercle | x | = 1 contient les points
x = ± V = ï en lesquels la fonction / (z) devient infinie et la série
cesse de converger.
Le passage à l’étude des fonctions d’une variable complexe est
indispensable dans de nombreux problèmes. Il est aussi naturel que
le passage du corps des réels à celui algébriquement clos des comple­
xes. Et le plus étonnant c’est que pour les fonctions de nombres com­
plexes, lesquelles d’après le célèbre théorème de Frobénius (1878)
fournissent la seule extension possible du corps des nombres réels
avec préservation des opérations algébriques, on a réussi à élaborer
une analyse aussi complète et élégante que pour les fonctions d’une
variable réelle.
Le passage à l’analyse complexe nous permet d’étudier en pro­
fondeur les fonctions élémentaires et d’établir d’intéressantes rela­
tions entre elles. Ainsi les fonctions trigonométriques sont des com­
binaisons simples des fonctions exponentielles, par exemple cos x =
= (e*V-i + e)"*^"-1). Des relations remarquables et assez inat­
tendues sont mises en évidence entre les quantités réelles et « ima-
Y î
ginaires» telle par exemple ( ] / —-!) =e 2 (k = 0, ± 1 , . . .)•
*) Tiré de l ’avant-propos à la première édition russe de 1969.
8 AVANT-PROPOS

En analyse réelle une théorie élégante a été mise au point pour


les seules fonctions univalentes, les fonctions multivalentes étant
assez capricieuses. En analyse complexe on a réussi à éclaircir la
nature de la multivalence et à bâtir une théorie des fonctions multi­
valentes sans faille.
L’analyse complexe fournit des méthodes efficaces de calcul des
intégrales et d’estimations asymptotiques, des méthodes d’étude des
solutions d’équations différentielles, etc. : la liste des problèmes
solvables par les méthodes de l’analyse complexe peut être prolongée
à loisir. A signaler que les fonctions d’une variable complexe décri­
vent des champs de vecteurs plans et de plus qu’une attention parti­
culière est réservée aux fonctions auxquelles sont associés les champs
les plus intéressants pour les applications : les champs harmoniques,
i.e. à la fois lamellaires et solénoïdaux. Ceci explique les multiples
applications de l’analyse complexe dans divers domaines.
L’analyse complexe doit son attrait à son authentique universa­
lité. Elle combine des méthodes analytiques et géométriques classi­
ques et nouvelles, des problèmes appliqués concrets et des problèmes
abstraits généraux. Elle fait une large place aux diverses branches
des mathématiques et des sciences appliquées. Les notions d’analyse
complexe servent de modèle, de source et de point de départ à de
nombreuses recherches en analyse fonctionnelle, algèbre, topologie,
géométrie algébrique et différentielle, équations aux dérivées par­
tielles et autres branches des mathématiques.
Les idées liminaires de l’analyse complexe ont émergé à la deu­
xième moitié du XVIIIe siècle et sont principalement liées au nom
de Léonard Euler. Le corps de cette théorie s’est formé au XIXe siècle
grâce essentiellement aux travaux de Cauchy, Riemann et Weier-
strass. La théorie des fonctions d’une seule variable complexe, qui
est la partie la plus classique de l’analyse complexe, peut être consi­
dérée de nos jours comme une théorie achevée. Il n’empêche cepen­
dant qu’elle ne cesse de poser de nouveaux problèmes aussi bien
théoriques que pratiques. La partie la plus jeune — la théorie des
fonctions de plusieurs variables complexes — comporte encore beau­
coup de blancs. Mais cette branche qui se caractérise par la richesse
de ses liens avec de nombreuses disciplines scientifiques des mathé­
matiques modernes attire de plus en plus l’attention des mathéma­
ticiens.
Il est probablement venu le temps où ceux qui étudient l’analyse
complexe doivent s’initier aux bases de la théorie des fonctions non
seulement d’une mais de plusieurs variables complexes. Mais malgré
des propriétés communes (relativement élémentaires) ces deux par­
ties possèdent des traits qui les différencient fondamentalement l’une
de l’autre. Aussi, du moins au stade actuel du développement de la
science, est-il préférable de les étudier l’une après l’autre et non
simultanément. A l’Université de Moscou cet objectif est atteint
AVANT-PROPOS 9

par ]’institution d’un cours spécial pour les étudiants se spéciali­


sant en théorie des fonctions.
Il existe de nombreux ouvrages remarquables en théorie des
fonctions d’une variable complexe et des guides de théorie des fonc­
tions de plusieurs variables complexes. Mais il n’existe encore pas
d’exposé unique de ces deux parties et le nôtre nous semble être une
première dans ce genre. Cet ouvrage qui a son origine dans les cours
faits par l’auteur à l’Université de Moscou a été conçu de façon à
illustrer dans le cadre unidimensionnel (tome 1) les principes maîtres
de la théorie des fonctions de plusieurs variables complexes (to­
me 2).
L’idée d’écrire cet ouvrage m’a été suggérée par A. Guelfond qui
hélas nous a quittés avant sa parution. A. Gontchar a lu le manu­
scrit et fait de nombreuses remarques utiles. De nombreux conseils
judicieux m’ont été donnés par V. Vladimirov, B. Lévine et A. Mar-
kouchévitch; V. Zoritch m’a aidé dans le choix des exercices. A tous
ces collègues j’exprime ma profonde gratitude. Je dois beaucoup au
rédacteur E. Tchirka qui a attentivement lu le manuscrit et m’a
signalé de nombreuses imperfections.
Septembre 1968 5. Chabat
AYANT-PROPOS À LA TROISIEME ÉDITION RUSSE

Cette édition est publiée en deux tomes consacrés respective­


ment aux fonctions d’une seule et de plusieurs variables complexes.
Le tome 1 a fait l’objet d’un léger remaniement portant sur le pro­
longement analytique et la croissance des fonctions entières. Ont
été ajoutées des sections relatives à la notion de fonction algébrique,
aux propriétés élémentaires des fonctions elliptiques et au théorème
de Kotelnikov.
Le texte est complété d’exercices (marqués d’un $jc). Comme ils
sont de complexité différente, le lecteur ne doit pas se décourager de
ne pas trouver rapidement la solution. Pour sélectionner ces exercices
j ’ai utilisé la liste dressée par A. Vitouchkine pour le cours qu’il a
lu à l’Université de Moscou: qu’il trouve ici l’expression de ma pro­
fonde reconnaissance. Les exercices inclus en fin de chaque cha­
pitre ont pour but d’affermir les connaissances théoriques et ne
peuvent donc se substituer à un recueil d ’exercices.
La nouvelle édition du tome 1 comporte des informations histo­
riques sur l’émergence des notions fondamentales d’analyse comple­
xe. Pour les concocter je me suis largement inspiré du dernier ouvra­
ge de feu A. Markouchévitch Théorie des jonctions analytiques (cha­
pitre II du livre Mathématiques du X I X e siècle, M., Naouka, 1981).
Le tome 2 a subi un remaniement plus profond entraîné par l’in­
tense développement de l’analyse complexe multidimensionnelle des
dernières années et la modification des estimations des divers ré­
sultats de l’auteur. Bref, la nouvelle édition met l’accent sur l’as­
pect géométrique et sur les résultats qui ont trouvé application en
analyse et en physique théorique. L’analyse complexe multidimen­
sionnelle est encore à l’état de gestation, c’est pourquoi les infor­
mations historiques du tome 2 ne concernent que les résultats les
plus classiques.
En conclusion j ’exprime ma reconnaissance aux nombreux lec­
teurs qui m’ont communiqué leurs remarques critiques sur les di­
verses sections de cet ouvrage.
Mai 1984 B. Chabat
CHAPITRE PREMIER

FONCTIONS HOLOMORPHES

Commençons par la description des nombres complexes et des


opérations sur eux. Nous supposerons ces notions connues du lecteur,
aussi notre description, qui sera brève, n’insistera-t-elle que sur les
seuls éléments utiles pour notre exposé.

§ 1. Plan complexe
t. Nombres complexes. Considérons l’ensemble C des couples de
réels z = (x, y) ou, ce qui est équivalent, des points du plan carté­
sien xOy, ou encore les vecteurs (libres) du plan. Deux vecteurs
zi = Vi) et z 2 = (x 2 i #2) sont égaux et notés zx = z2 si et seule­
ment si xx = x 2 et yr = y2. Les vecteurs z = (x, y) et z = (,x, —y)
qui sont représentés par des points symétriques par rapport à l’axe x
sont dits conjugués. Identifions le vecteur (x, 0) au réel x ; désignons
par R l’ensemble de tous les réels (l’axe x). Les réels et eux seuls
sont tels que z = z.
Munissons l’ensemble C d’une structure de corps. Introduisons
l’addition et la multiplication par un scalaire X comme en analyse
vectorielle. Nous pouvons alors représenter tout élément z £ C sous
la forme cartésienne :
z = x*i + y-i = x + iy, (1)
où 1 = (1, 0) et i = (0, 1) désignent les vecteurs unitaires respectifs
des axes x et y (nous omettrons d’écrire le premier vecteur unitaire).
On introduit deux produits en analyse vectorielle : le produit
scalaire
(zlt z2) = x xx 2 + iJiVi, (2)
et le produit vectoriel
_______ Zi Az2 = *1^2 — X2yx *). (3)
*) Dans le cas général le produit vectoriel de deux vecteurs est un vecteur
perpendiculaire au plan tendu sur les deux vecteurs facteurs. Mais dans le cas
d’un champ vectoriel plan, qui sera le seul envisagé ici, tous les produits vecto­
riels sont colinéaires et donc définis par un scalaire (3).
12 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

Or on sait qu’aucun de ces produits ne satisfait aux axiomes d’un


corps. Il nous faut donc définir une autre multiplication sur C.
Plus exactement, posons par définition i-i = i2 = —1 et appelons
produit z1z2 le vecteur obtenu en multipliant x1 + iyl et x2 + iy2
comme des binômes. Autrement dit, posons par définition
zYz2 = xxx2 — yxy2 + i {x1y 2 + x 2yx) (4)
(on remarquera que i2 = —1 est un cas particulier de (4)). Il est
évident que ce produit s’exprime en fonction des produits scalaire
et vectoriel de la manière suivante:
= (Zx, Z2) + i (z1/\z 2)1 (5 )

où zx = x1 — iy1 est le conjugué de zx.


4c Quelles sont les failles des définitions suivantes du produit de
nombres complexes :
a) zxz2 = xxx 2 + iy1y2 ;
b) ZyZ2 = X XX 2 + î/ii/2 + 1 (X l V2 + Z 2 I/ 1 ) ? *
Nous admettrons connu le fait que ces opérations confèrent à
l’ensembre C une structure de corps, appelé corps des nombres com­
plexes dont les éléments — les vecteurs z = x + iy — s’appellent
nombres complexes. Donc un nombre complexe z = (;x, y) est un couple
de réels x et y appelés respectivement (par respect à la tradition)
partie réelle et partie imaginaire de z et notés
x = Re z, y = Im z. (6)
Les nombres z = (0, y) tels que Re z = 0 (toujours par respect à la
tradition) sont dits imaginaires purs.
La forme cartésienne (1) se prête bien à l’addition (et à la soustrac­
tion). Mais sur la formule (4) on voit que la multiplication (et la
division) donne lieu à des calculs assez volumineux. Pour ces derniè­
res opérations (ainsi que pour l’exponentiation et l’extraction d’une
racine) il est plus avantageux de représenter un nombre complexe
sous sa forme polaire
z = r (cos (p + i sin 9), (7)
qui découle de (2) par passage aux coordonnées polaires. Les coor­
données polaires de tout nombre complexe non nul z = x + iy sont
le rayon polaire r = Y x2 + y2 et l’angle polaire cp, i.e. l’angle de
l’axe positif x et du vecteur z. Ces coordonnées s’appellent respec­
tivement module et argument de z et se notent
r = \ z \, cp = arg z; (8)
§ 1] PLAN COMPLEXE 13

le module est défini de façon unique, l’argument, à 2kn près. Pour


simplifier l’écriture introduisons la notation condensée:
cos (p + i sin (p = ei(p (9)
(on së sert ici du fait que l’élévation à une puissance imaginaire n’est
pas définie *) et donc le symbole correspondant est libre); la for­
me polaire (7) devient alors
* = rei(P. (10)
En se servant de formules élémentaires de trigonométrie et'de la dé­
finition de la multiplication (4), on obtient la relation
r 1ei<Plr2ei<P2= r 1r 2e i((pi +(ï,2 ) (11)
qui met en évidence l’adéquation de la notation (9). La relation (11)
exprime que lorsqu’on multiplie des nombres complexes, leurs modu­
les se multiplient et leurs arguments s’ajoutent. La division des
nombres complexes mis sous la forme polaire est également simple:
rle — rl piCVi-Vo) (49)
r2ei(P* ^ '
(à condition bien sûr que r2 =/= 0).
Dans certaines questions il est plus commode de compactifier
l’ensemble des nombres complexes C. Cette procédure consiste à
lui ajouter le point à Vinfini z = oo. Contrairement aux points finis
(z # oo), le point à l’infini n’intervient pas dans les opérations
algébriques. Le plan compactifié (i.e. le plan C complété du point
à l’infini) sera appelé plan fermé et désigné par C. Le plan C sera
appelé ouvert pour marquer la différence.
Cette procédure de compactification peut être rendue plus sug­
gestive si les images des nombres complexes sont les points d’une
sphère. A cet effet rapportons l’espace euclidien à un système de
coordonnées rectangulaires |, r) et £ dont les axes g et r) sont con­
fondus respectivement avec les axes x et y, et considérons la sphère
unité
S : l 2 + T)2 + £2 = 1 (13)
(fig. 1). A chaque point z (,x, y) £ C associons le point Z (g, r), £)
d ’intersection de S avec le rayon qui joint le « pôle Nord » N (0, 0, 1)
de S au point z.
La correspondance z Z s’appelle projection stéréographique. En
portant l’équation g = tx, r\ = ty, g = 1 — t du rayon Nz dans
(13) on trouve que t (1 + | z |2) = 2 au point Z et les équations de
*) Au n° 13 on définira cette opération et on montrera que la formule (9)
dont, le second membre contient le nombre e (la base du logarithme népérien)
à une puissance imaginaire a bien lieu.
14 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

la projection stéréographique sont


t 2x 2y 1*1*—1
b 1+M 2 ’ 1 l+|z|2 91H- 1*1* *
' ^
2
De la dernière équation on déduit que 2 = 1 — Ç, et des
deux premières, les formules de l’application inverse:
a: = ■j T\
£• (^ )
On voit sur (14) et (15) que la projection stéréographique z - * Z
établit une correspondance biunivoque entre C et (il est évi­
dent que le point N n’est
l’image d’aucun point z). On
conviendra que N est l’image
du point à l’infini z = oo ; ce
faisant, on établit une corres­
pondance biunivoque entre C
et S. On identifiera générale-
ment C à S et on appellera S
sphère des nombres complexes
ou sphère de Riemann. On peut
identifier le plan ouvert C
à i.e. à la sphère S
privée du pôle Nord N .
$ Soient t la longitude et u la latitude d’un point Z £ S (fig. 1).
Montrer que Z est l’image par la projection stéréographique du point
z = seu, où s — tg (ji/4 + u/2). $c
Munissons l’ensemble C de deux métriques correspondant aux
deux procédés de représentation des nombres complexes. La pre­
mière est la métrique euclidienne ordinaire
|22- Z i l = + (!6)
La deuxième est la métrique sphérique, c’est-à-dire la distance eucli­
dienne des images sphériques des points z1 et z2. En se servant des
formules (14) on trouve par des calculs peu compliqués que la dis­
tance sphérique p (zx, z2) de deux points zx, z2 de C est
\z2—Zll (17)
P (^i» ^2):
V l+ |2 ll2 V i + M 2
On peut généraliser cette formule à l’ensemble C en posant *)
p(z, OO) = -y.-? ......................................... (18)
’ V \+ \z \2
*) On obtient la formule (18) à partir de la formule (17) en posant z* = z,
en divisant le numérateur et le dénominateur par z2 et en faisant tendre z2
vers 0 0 .
PLAN COMPLEXE 15

Il est évident que pour tout couple zl9 z2 Ç C on a p (zu z2) ^ 2. Il


est immédiat de vérifier que cette métrique munit l’ensemble C
d’une structure d'espace métrique, i.e. cette métrique satisfait aux
axiomes ordinaires de la distance. En particulier, l’axiome du tri­
angle prend ici la forme classique
l*i + *2 I < I *i I + I *2 I. (19)
Signalons enfin que les métriques euclidienne et sphérique sont
équivalentes sur des ensembles bornés M c C contenus dans un dis­
que fixe {| z | ^ R ), R < oo. En effet, si M a {| z | ^ R}, on
voit sur (17) que pour tout couple x1, x 2 £ M on a la double iné­
galité
2I1+ ^ 1' < P (* i. *2) < 2 |22—2j| (20)
(pour plus de détails voir le numéro suivant). C’est pourquoi la
métrique sphérique est généralement utilisée pour les ensembles non
bornés. En principe, on envisagera la métrique euclidienne sur C
et la métrique sphérique, sur C.
Concluons ce numéro par un bref historique. Les nombres com­
plexes en tant que racines de nombres négatifs sont mentionnés pour
la première fois dans l’œuvre de J. Cardan Ars magna (1545); Car­
dan estimait qu’en principe ces nombres pouvaient être introduits
mais, d’après lui, ceci n’avait pas de sens. Ce verdict allait rapide­
ment être cassé: en 1572 R. Bombelli expose dans son Algèbre les
opérations sur ces nombres et montre comment on peut s’en servir
pour résoudre des équations cubiques *). Pendant très longtemps les
nombres complexes furent considérés comme des êtres mystérieux.
G. Leibniz les considérait en 1702 comme un « remarquable et mer­
veilleux refuge de l’esprit humain, une sorte d’amphibie de l’être
et du non-être » ; le même Leibniz estimait que x4 + 1 ne pouvait
être décomposé en un produit de carrés (alors que ceci est élémen­
taire avec les nombres complexes).
Les nombres complexes sont mis à l’honneur en mathématiques
dans les travaux de L. Euler (cf. page 36) ; on lui doit en outre la
formule ei<p = cos <p + i sin <p (1748). La représentation géométri­
que des nombres complexes en tant que procédé de description des
vecteurs plans apparaît pour la première fois dans l’œuvre de l’ar­
penteur danois K. Vessel (1799), puis chez J. Argand (1806). Ces
travaux n’eurent pas un grand retentissement : même Cauchy qui est
l’auteur de résultats fondamentaux en analyse complexe (cf. pa­
ge 100) considérait à ses débuts les nombres complexes seulement
*) L’ouvrage de Bombelli renferme entre autres la relation
V 2 + y - i2t+y 2—y ^ æ = a.
• 16 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

comme des symboles commodes pour les calculs et les égalités com­
plexes, comme une forme conventionnelle d’écriture des égalités entre
deux quantités réelles.
La première description systématique des nombres complexes et
des opérations sur eux et leur interprétation géométrique furent
données en 1831 par C. Gauss dans son mémoire Théorie des résidus
bicarrés; c’est lui qui introduisit le terme de « nombre complexe ».
2. Topologie du plan complexe. Nous avons transformé les en­
sembles C et C en espaces métriques en les munissant de métriques.
Définissons maintenant sur ces ensembles les topologies associées à
ces métriques.
Soit e > 0 un nombre arbitraire ; par e-voisinage UlQ = U (z0, e)
d’un point z0 ÇC (pour la métrique euclidienne) on comprendra le
disque de rayon e centré en z0, i.e. l’ensemble des points z Ç C sa­
tisfaisant à l’inégalité
| z — z0 I < e. (1)
Par e-voisinage d’un point z0 £ C on comprendra l’ensemble des
points z £ C tels que
P (Z, Z0) < e. (2)
La formule (18) du n° 1 montre que l’inégalité p (z, oo) < e
équivaut à l’inégalité | z | > j / " — 1 ; donc à un e-voisinage du
point à l’infini est associé l’extérieur d’un disque centré en l’origine
des coordonnées (et complété par le point z = oo).
On dit qu’un ensemble Q de C (ou de C) est ouvert s’il contient un
voisinage de chacun de ses points.
Il est immédiat de vérifier que cette définition d’un ensemble
ouvert confère à C et à C une structure d’espace topologique.
Il est plus commode parfois de se servir des voisinages pointés,
i.e. des ensembles de points z de C et C satisfaisant respectivement
aux inégalités
0 < I z — z0 I < 8, 0 < p (z, z0) < e. (3)
Dans ce numéro nous définirons les principales notions topologi­
ques qui seront constamment utilisées dans la suite.
Définition 1. On dit qu’un point z0 Ç C (resp. C) est un point
d'accumulation d’un, ensemble M c C (resp. C) si tout voisinage
pointé de z0 pour la topologie de C (resp. C) contient au moins un
point de M. Un ensemble M est dit fermé s’il contient tous ses points
d’accumulation. On appelle adhérence de M et on note M l’ensemble
formé de M et de ses points d’accumulation.
§ 1] PLAN COMPLEXE 17

Exemple. L’ensemble M des entiers relatifs (0, ± 1 , ± 2 , . . .}


ne possède pas de points d’accumulation dans C (donc est fermé).
Dans C il possède un seul point d’accumulation, z = oo, qui ne lui
appartient pas (donc M n’est pas fermé dans C).
Dans C tout ensemble infini possède au moins un point d'accumula­
tion (principe de compacité).
Ce principe qui exprime que C est complet peut être déduit de
l’axiome de complétude des nombres réels; nous glisserons sur cette
démonstration. Le principe de compacité est mis en défaut dans C
(ceci ressort de l’exemple ci-dessus). Il est valable toutefois pour
les ensembles bornés infinis, i.e. pour les ensembles contenus dans
un disque {| z | < i?}, i? < oo. De tels ensembles seront dits com­
pacts.
De l’inégalité (20) du n° 1 il s’ensuit visiblement qu’un point
z0 =/=. oo est un point d’accumulation de M pour la topologie de C
si et seulement s’il l’est pour la topologie de C. En d’autres termes,
dans la définition des points d’accumulation finis on peut se servir
indifféremment de la métrique euclidienne comme de la métrique
sphérique. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre l’équivalence de
ces métriques.
Définition 2. On appellera suite {an} une application de l’ensem­
ble des entiers positifs dans C (ou C), autrement dit, une fonction
d’une variable entière positive à valeurs complexes. On dira qu’un
point a Ç C (resp. C) est un point d'accumulation d'une suite {<an} si
tout voisinage de a pour la topologie de C (resp. C) contient une infi­
nité de termes de cette suite. Une suite {an} possédant un seul point
d’accumulation dans C sera dite convergente vers a. On note
lim an = a. (4)
n -y o o

Remarque, Il existe une différence entre les notions de point d’ac­


cumulation d’une suite {<%n} et d’un ensemble de valeurs {an}.
Par exemple, la suite an = 1 (n = 0, 1, 2, . . .) possède le point
d’accumulation a = 1, tandis que l’ensemble {<an} qui est composé
du seul point an = 1 n’en possède aucun.
# Démontrer les propositions suivantes :
1) une suite {an} converge vers a si et seulement si pour tout
e > 0 il existe un rang N à partir duquel | an — a | < e (si a ^ oo)
ou p (an, a) < e (si a = oo) ;
2) un point a est un point d’accumulation d’une suite {an} si
et seulement s’il existe une suite partielle convergeant vers
a, $
2-0714
18 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

L’égalité complexe (4) équivaut généralement à deux égalités


réelles. Supposons que a =£ oo. Sans perdre en généralité on peut
alors admettre que an oo et poser an = a n + a = a + i$
(pour le point à l’infini, les notions de partie réelle et partie imagi­
naire n’ont pas de sens). On montre sans peine que (4) équivaut aux
égalités
lim a n = a, lim ji^ jJ * ). (5)
n-+oo n-*oo
Lorsque a =^= 0, a ^ oo, on peut admettre que an 0, an oo
et poser an = r neî<Pn, a = rei(ï); alors (4) a lieu si
lim rn = r, lim y n = (p, (6)
n->oo n->oo
et réciproquement, si (4) a lieu, alors les relations (6) ont lieu aussi,
la deuxième d’entre elles pour un choix convenable des valeurs
cpn **). Si a = 0 ou oo, la relation (4) équivaut à l’une des relations
lim rn = 0 ou lim r n = oo (le comportement de <pn importe peu
n-*-oo n-*oo
dans ce cas).
45 Prouver les propositions suivantes :
1) la suite {ein} diverge;
oo
2) si la série 2 an converge et | Arg an | ^ a, où a < n/2,
n= 1
alors elle converge absolument. 4?
On se servira parfois de la notion de distance entre des ensembles.
On appelle distance entre deux ensembles M et N la borne inférieure
des distances de tout couple de points z', z", z' £ M, z" £ N:
P (M, N )= inf p (z \ z"); (7)
2'ÊM
z"£N
au lieu de la métrique sphérique on peut de toute évidence envisa­
ger la métrique euclidienne.
Théorème 1. Si des ensembles fermés M et N de C ont une inter­
section vide (MÇ]N = 0 ), la distance qui les sépare est strictement
positive.
Supposons par absurde que p (Af, N) = 0. Par définition de
la borne inférieure, il existe des suites de points zn £ M et zn £ N
*) Il suffit de se servir de la relation
max ( |a n —a | , IPn — P I X l«n —«I =
= V/'(a n- a ) 2 + ( p n - p ) 2 < l a n - o l + I P n - P I .
**) Si les valeurs (pn sont arbitrairement choisies, la suite {<pn } peut ne
pas converger même si {an } converge.
§ 1] PLAN COMPLEXE 19

telles que lim p (z„, z"n) = 0. D’après le principe de compacité,


n-*oo
les suites {zn} et {z'n} possèdent des points d’accumulation res­
pectifs z' et z De plus, z' 6 M et z" Ç N, puisque M et N sont fer­
més. Quitte à passer aux suites partielles, on peut admettre que
zn z', z'n z". L’axiome du triangle pour la métrique sphérique
nous donne
p(z', z")< p(z', zn) + p{Zn, Zn) + p (a£, z").
Or le second membre tend vers 0 lorsque n - > o o ; donc à la limite
p (z', z") = 0. Par conséquent, z' = z", ce qui contredit le fait que
M n N = 0. ◄
3. Chemins et courbes. Définition 1. On appelle chemin y une
application continue d’un intervalle [a, p] de l’axe réel dans C
(ou C). Autrement dit, un chemin est une fonction z = y (t) d’une
variable réelle t à valeurs complexes, continue en tout point t 0 6
£ [a, p] au sens suivant : pour tout e > 0 il existe un voisinage
{t £ [a, pj : | t — t 0 | < 6} pour tous les points t duquel on a
I Y (*) — Y (*o) I < e (ou p (y (t), y (*o)) < e si y (h) = <*>)• Les
points a = y (a) et b — y (P) s’appellent extrémités du chemin (si
a < P , alors a est l’origine et b est l’extrémité); un chemin est dit
fermé si y (oc) = y (P)« On dira qu’un chemin y : pl C est
situé sur un ensemble M si y (t) 6 M pour tout t £ [a, p].
On aura intérêt à distinguer dans certaines questions les notions
de chemin et de courbe. Pour introduire cette dernière notion on
conviendra de dire que deux chemins
Yi'• [«n Pii C et y 2: [a2, P2J C
sont équivalents et on notera Yi ~ Y2 s’il existe une fonction continue
strictement croissante
sur
t : [ai, Pii [a2, P21 (1)
telle que Yi (0 = Y2 tT (Q1 pour fout t g [o^, PJ. Il est immédiat de
vérifier que cette relation est une relation d’équivalence, i.e. qu’elle
est réflexive (y ~y)> symétrique (Yi ~Y2 Y2 ~Yi) et transitive
(Yi ~Y2 et Y2 ~ Ï 3 =>■ Yi ^Ys)* On dira que le chemin Y2 se dé­
duit de Yi par le changement de paramètre (1).
Exemple. Considérons les chemins Yi (0 = t, t £ [0, 1] ; Y2 (0 =
= sin t, t Ç [0, n/2] ; Y3 (0 = cos t, t £ [0, ni2], Y4 (t) = sin t, t Ç
6 [0, Jt]. Dans tous ces cas l’ensemble des valeurs de Y; (0 est l’in­
tervalle [0, 1]. Mais seuls Yi et Y2 sont équivalents; les chemins Y3
et Y4 ne sont équivalents ni l’un à l’autre, ni à Yi et Y2: leur orien-
2*
20 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

tation est différente de celle des deux premiers (fig. 2). Par contre,
et 72 sont équivalents au chemin 73 déduit de 73 en inversant son
orientation (cf. n° 15).
3C Indiquer les chemins équivalents:
a) e2jti*, [0, 11; b) e4îti*, [0, 1];
c) e~2jti*, [0, 1]; d) e4îlisilU, [0, jt/6]. *
Définition 2. On appelle courbe une classe de chemins équivalents
au sens ci-dessus. Si aucune confusion n’est à craindre, on entendra
parfois par courbe un ensemble de points 7 cz C image de l’inter­
valle [a, p] par une application continue z = 7 (£).
Dans la suite nous aurons besoin d’imposer des contraintes
supplémentaires a,ux chemins et courbes envisagés. On dira qu’un
chemin 7: [a, p] C est un chemin de Jordan si l’application 7 est
continue et bijective. La définition d’un lacet
de Jordan est laissée au soin du lecteur.
0 °-— ^ o1 Un chemin 7: [a, p] C est dit continû­
71 >72 ment différentiable si 7 (t) admet une dérivée
00 ^ 0 1 7' (£) continue en tout point t £ [a, p] (par
73 dérivée de la fonction 7 (t) = x (t) + iy (t) en
Qo— »» -< = = p 1 un point t 0 £ la, p[ on entend x (t0) + iy' (t0) ;
*>4 aux bornes de cet intervalle, la même com­
Fig. 2 binaison des dérivées à gauche et à droite
aux bornes respectives). Un chemin conti­
nûment différentiable s’appelle différentiable
si 7' (t) =7^ 0 pour tout t Ç [a, p] : cette condition traduit l’absence
de points singuliers. Un chemin est différentiable par morceaux si la
fonction 7 (t) est continue sur [a, p] et si [a, p] peut être subdivisé
en un nombre fini d’intervalles (fermés) tels que la restriction de
7 (t) à chacun d’eux définisse un chemin différentiable. Un chemin
est rectifiable *) si 7 (t) admet presque partout sur [a, p] une dérivée
7' (t) absolument intégrable-Lebesgue (i.e. existe
P 3
J l Y ' ( 0 1 à t = J Vlx' (t)p + ly' (t)Pdt (2)
a a
qui est la longueur du chemin). Tout chemin différentiable par mor­
ceaux est rectifiable.
Dans la suite on se servira des termes en usage pour décrire la
différentiabilité des fonctions (et, en particulier, des chemins) : une
fonction sera dite de classe C° si elle est continue, de classe C1 si

*) On admettra que le lecteur connaît les notions respectives de la théorie


de fonctions d’une variable réelle. Dans le cas contraire il peut fort bien se
contenter de la classe des chemins différentiables par morceaux.
§ 1] PLAN COMPLEXE 21

elle est continûment différentiable et, d’une façon générale, de classe


Cn si elle est n fois continûment différentiable.
Exemple. Les chemins y±, y2 et y3 de l’exemple précédent sont
des chemins de Jordan, le chemin y4 ne l’est pas. Le cercle z = eu ,
t g [0, 2n\ est un lacet de Jordan (différentiable); la rose à quatre
branches z = cos 2£eif, t £ [0, 2n] (fig. 3, a) est un lacet (différen­
tiable); la parabole semi-cubique z = £2 (t + i), t g [—1, 1]
(fig. 3, b) est un chemin de Jordan (continûment différentiable, dif­
férentiable par morceaux). Le chemin z = t {i + i sin y J, t £

Fig. 3

Ç [—l/jt, l/jt] (fig. 3, c) est un chemin de Jordan non rectifiable


(donc non différentiable par morceaux).
On peut imposer les mêmes contraintes aux courbes. Une courbe
de Jordan est la classe des chemins équivalents à un chemin de Jor­
dan (les changements de paramètres (1) étant biunivoques, la pro­
priété d’un chemin d’être de Jordan entraîne celle de tous les che­
mins équivalents).
La définition d’une courbe différentiable implique quelques
précisions: nous devons définir cette notion de telle sorte qu’elle ne
soit pas violée lorsqu’on passe d’un représentant de cette courbe à
un autre, équivalent. Un changement de paramètres (1) continu et
strictement croissant étant susceptible de transformer un chemin
différentiable en un chemin non différentiable, la notion de diffé­
rentiabilité n’est pas invariante par de tels changements. Il nous
faut donc imposer des conditions supplémentaires à la transforma­
tion (1).
Plus exactement, on appellera courbe différentiable la classe des
chemins obtenus à partir d’un chemin différentiable par tous les
changements de paramètre (1), où r est une fonction continûment
dérivable dont la dérivée est > 0. On définira mutatis mutandis une
22 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

courbe différentiable par morceaux et une courbe rectifiable. .Dans


le premier cas on exigera que les changements de paramètres admis­
sibles soient continus et possèdent partout, à l’exception possible
d’un nombre fini de points, une dérivée continue e t > 0 (et des déri­
vées à gauche ou à droite aux points exceptionnels). Dans le deuxième
cas on exigera que les changements de paramètres soient réalisés par
des fonctions strictement croissantes et absolument continues *).
On se servira parfois d’une autre interprétation, géométrique,
de la notion de courbe et on comprendra alors par courbe de Jordan,
courbe différentiable, courbe différentiable par morceaux ou courbe
rectifiable des ensembles de points y c C qui sont les images d’un
segment [a, p] par des applications z = y (t) définissant respective­
ment un chemin de Jordan, un chemin différentiable, etc.
4. Domaines. Définition 1. Un domaine D est un ensemble de
points de C (ou C) possédant les deux propriétés suivantes:
a) pour tout point a 6 D il existe un voisinage de a contenu dans
D (ouverture) ;
b) deux points quelconques a, b Ç D peuvent être reliés par un
chemin d’extrémités a et fe, contenu dans D (connexité).
Les points de C qui n’appartiennent pas à D mais qui sont des
points d’accumulation de D (i.e. des points dont tout voisinage con­
tient des points de D et au moins un point n’appartenant pas à D)
s’appellent points frontières de D . L’ensemble des points frontières
de D s’appelle frontière ou bord de D et se note dD. Lajréunion de D
et de sa frontière dD s’appelle adhérence deD et se note D . Les points
de C non contenus dans D et qui ne sont pas des points frontières
de D (i.e. les points de l’ensemble C \D complémentaire de D)
s’appellent points extérieurs à D ; chacun de ces points possède un
voisinage ne contenant pas de points de D.
Théorème 1. La frontière dD de tout domaine D est un ensemble
fermé.
► Soit £0 un point d’accumulation de l’ensemble dD ; il faut
prouver que £0 6 dD. Considérons un voisinage pointé U de £0.
Le voisinage Ü contient un point £ de dD. Il existe donc un voisina­
ge F de £ tel que F c U. Le voisinage F, donc U, contient des points
qui appartiennent et des points qui n’appartiennent pas à D. Ce
qui exprime que £0 est un point frontière de D. ^
*) Nous supposons qu’il est connu qu’une condition nécessaire et suffi­
sante pour qu’un chemin soit rectifiable est que la fonction y(*) = x (t) +
+ iy (t ) soit à variation bornée (i.e. x (t) et y (t) soient à variation bornée) et
que la fonction composée y [t (t)], où y (t) est une fonction à variation bornée
et t (t), une fonction absolument continue, soit aussi une fonction à variation
bornée.
§ 1] PLAN COMPLEXE 23

Dans la suite nous imposerons parfois des conditions supplé­


mentaires aux frontières des domaines envisagés. Pour les formuler
il nous faut d’abord généraliser la notion de connexité introduite
plus haut.
Définition 2. On dira qu’un ensemble M est connexe si on ne peut
le diviser en deux parties non vides M x et M 2 telles que les inter­
sections M x f| M 2 et M x fl M 2 soient vides. En particulier, un
ensemble fermé est dit connexe si on ne peut le partager en deux
sous-ensembles disjoints fermés (et non vides). Un ensemble con­
nexe fermé est un continu.
La propriété d’un ensemble exprimée par la condition b) de la
définition 1 (la possibilité de relier deux points quelconques d’un
ensemble par un chemin contenu tout entier dans cet ensemble)
s’appelle connexité par arcs. On démontre que tout ensemble connexe
par arcs est connexe, mais la réciproque est généralement fausse.
Toutefois ces notions sont confondues dans le cas d’ensembles ou­
verts.
Soit M un ensemble non connexe. Les plus grandes parties con­
nexes de M (i.e. les parties qui ne sont strictement cont mues dans
aucune autre partie connexe de M) s’appellent composantes connexes
de M. Ôn démontre que tout ensemble est la réunion de ses compo­
santes connexes (en nombre fini ou infini) *).
On dit qu’un domaine D cz C est simplement connexe si son bord
dD est un ensemble connexe, et multiplement connexe dans le cas
contraire. S’il est fini, le nombre de composantes connexes de dD,
s’appelle ordre de connexité de D ; si ces composantes sont en nombre
infini, le domaine D est infiniment connexe.
Exemple. L’ensemble de la figure 4, a qui est l’intérieur d’une
lemniscate n’est pas un domaine, car il n’est pas connexe (mais son
adhérence est connexe). L’ensemble des points situés entre les cercles
tangents de la fig. 4, b est un domaine simplement connexe (sa fron­
tière est un ensemble connexe). La figure 4, c représente un domaine
quadruplement connexe (sa frontière est constituée de quatre com­
posantes connexes: un cercle, un cercle avec un segment et deux
points). Le domaine de la figure 4, d qui représente le carré (0 <
< Z x < Z l , 0 C y < i } privé des segments {x = l/2 n, 1/3 ^ y ^
^ 2/3}, n = 1, 2, . . . . est infiniment connexe.
On introduira parfois des conditions d’une autre nature. On dira
qu’un domaine D est de Jordan si sa frontière dD est constituée de
courbes de Jordan fermées (dans l’interprétation géométrique de
cette notion). Un domaine D est compact's’il est contenu dans un

*) Voir F. H a u s d o r f f Mengenlehre. Berlin-Leipzig, 1928.


"Il aurait mieux ualu dire ••borné" ou "relatiuement compact".
24 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

disque {| z | < i?, R <C oo}. On dira qu’un ensemble M appartient


proprement à un domaine D si son adhérence M (pour la topologie
de C, i.e. compte tenu non seulement des points finis mais aussi
d’un point d’accumulation infini de M s’il existe) appartient à D .

Fig. 4
Exem ple. Le rectangle G± = {| x | < 1, | i/ | C 1/2} appartient
proprement à la bande D = {| y | < 1} ; la bande deux fois plus
étroite G2 = {| y | < 1/2), appartient à D mais pas proprement.
L’appartenance propre sera désignée par le symbole (g (de sorte
que M (g D si M a D). Dire qu’un domaine D est compact revient
à dire que D <çz C.
Dans la suite on se servira souvent du
Théorème 2. Soient M a C un ensemble connexe et TV une partie
non vide de M . Si N est à la fois fermé et ouvert pour la topologie re­
lative *) de M , alors M = N.
► Supposons par absurde que l’ensemble N ' = M \ N n’est
pas vide. L’adhérence N pour la topologie de C est alors visiblement
composée des points de l’adhérence (N)M pour la topologie de M
et des points d’un ensemble (éventuellement vide) n’appartenant pas
à M. Donc N Ç) N ' = (N)M f) N ’ et puisque N est fermé pour la
topologie de M, alors (N)M = N et par suite TV f) N ' = N f] N'
est vide.
Mais puisque N est ouvert aussi pour la topologie de M, son
complémentaire TV' est fermé pour cette topologie (les points d’accu­
mulation de TV' ne peuvent pas appartenir à TV, car celui-ci est ouvert,
donc ils appartiennent à TV'). On peut par conséquent appliquer à
*) On appelle topologie relative d’un ensemble M a C une topologie pour
laquelle les voisinages des points sont les intersections avec M des voisinages
de ces mêmes points pour la topologie de C.
§ 2] FONCTIONS D’UNE VARIABLE COMPLEXE 25

Pintersection N ' Ç) N les mêmes raisonnements qu’à N fl donc


N' fl N est vide. Ce qui contredit la définition de la connexité
de M. «<

§ 2. Fonctions d’une variable complexe


5. Notion de fonction. Définition 1. On dit qu’une fonction f
est définie sur un ensemble M a C si est donnée une loi qui à cha­
que point z Ç M associe un nombre complexe w (fini ou infini) :
f: M -+ C ou w = f (z). (1)
D’après cette définition toute fonction est univoque (la notion
de fonction multivoque sera introduite au chap. III). On exigera
parfois que les fonctions soient biunivoques. On dit qu’une fonction
C est biunivoque ou injective si elle transforme des points
distincts de M en des points distincts de C, autrement dit, si, zx
et z2 étant des points de Af, l’égalité / (%) = / (z2) entraîne l’égali­
té Zj^ — Z 2*
La donnée de / : M C équivaut à celle de deux fonctions réelles
u = u (z), v = v (z), (2)
où u : M R et v : M R (on admet que z = x + iy et / (z) =
= u + iu). Si de plus / 0 et / =£ oo *), et si l’on admet que / (z) =
= pe^, on peut représenter cette fonction par les deux relations
suivantes :
p = p (z), x|) = x|) (z) + 2kn (k = 0, ± 1 , . . .)> (3)
(aux points où la fonction / est nulle ou infinie il en est de même de
p, quant à \j), elle n’est pas définie).
On se servira constamment de l’interprétation géométrique de la
notion de fonction. La donnée (2) nous suggère de représenter f
par deux surfaces gauches u = u (x, y) et v = v (x, y) ; mais ce
procédé présente l’inconvénient de ne pas illustrer le fait que le
couple (u, u) est un nombre complexe. On se bornera donc à interpré­
ter la fonction f : M - * C comme une application de M dans la sphè­
re C.
Pour rendre cette interprétation plus suggestive, on dessinera les
ensembles qui se correspondent par l’application envisagée. On
représentera le plus souvent les lignes de coordonnées (les systèmes
de coordonnées cartésien ou polaire) et leurs images dans les plans z
et w. En affectant des indices numériques à ces ensembles, on ob­
tiendra une assez bonne représentation géométrique de la fonction
étudiée dans les cas simples.
*) On adoptera cette écriture lorsque / (z) =É 0, / (z) oo pour tout z £ M.
26 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

Exem ple. Soit la fonction


w — z2 (4)
dans le demi-plan {Im z > 0}. Cette fonction est commode à repré­
senter dans un système de coordonnées polaires. En posant z =
= rei(P (0 < cp < rc) et w = pe^, on peut mettre l’égalité (4) sous
la forme des deux égalités suivantes:
p = r2, \p = 2cp (5)
(cf. règle de multiplication des nombres complexes en coordonnées
polaires, n° 1).
Sur (5) on voit que le demi-cercle {r = r0, 0 < <p < n} se
transforme par cette application en le cercle pointé {p = rj}, 0 <

Fig. 5

< 2n) et la demi-droite {0 < r < cx>, cp = (p0} en la demi-


droite {0 < p <C oo, = 2(p0} (fig. 5). Le demi-plan Re z > 0 se
transforme en le plan w privé du demi-axe positif. Il est commode de
représenter un demi-plan par une membrane élastique tendue sur
deux demi-axes (le positif et le négatif) articulés en l’origine des
coordonnées et sur lesquels elle peut coulisser librement. La trans­
formation (4) peut alors être interprétée comme une déformation de
la membrane lorsque les demi-axes viennent en coïncidence.
L’application (4) peut être représentée en coordonnées carté­
siennes par deux égalités:
u = x2 — y \ v = 2xy (6)
(on pose z = x-\~iy1 w = u-{-iv). En faisant y = y 0 dans (6), on obtient
la courbe u = x2 — yj, v = 2xy0 (x 6 R) image de la droite y = y0:
§ FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 27

1/
cette courbe est la parabole u = 7-5 — y\. L’image de la demi-droi-
te {x = x 0, 0 < y < oo} est l’arc de parabole
u = x\ — y2, v = 2x 0y (y g R+) *)
(fig. 6).
Remarque. Nous avons envisagé l’application (4) dans le demi-
plan supérieur (bien qu’elle soit définie partout sur C), car elle est

Fig. 6

injective dans ce domaine. L’application (4) n’est pas injective dans


le plan tout entier ou dans tout domaine D contenant au moins un
couple de points z0 et —z0 (z0 0) ayant la même image w0 = z\
et les représentations géométriques ne sont pas aussi suggestives.
On se sert parfois d’un autre procédé de représentation géométri­
que d’une fonction: le relief d’une fonction qui est la représentation
géométrique de la surface p = | / (z) | dans l’espace (x , y , p). Sur
ce relief on trace parfois les ensembles de niveau arg f = const. Dans
les cas simples ces ensembles sont des lignes qui, lorsqu’elles forment
un réseau assez dense, permettent de se faire une idée de la distri­
bution des valeurs de la fonction f en coordonnées polaires. La fi-
gure 7 représente le relief de la fonction w = ^ z2-
Passons maintenant à la notion fondamentale de limite d’une
fonction.
Définition 2. Soit / une fonction définie dans un voisinage pointé
d’un point a £ C; on dit qu’un nombre A Ç C est la limite de la
fonction f lorsque z tend vers a, et on note
lim f (z) = A, (7)
z-*-a

*) R + désigne l’ensemble des nombres positifs.


28 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

si pour tout voisinage UA du point A il existe un voisinage pointé


U'a de a tel que pour tout z £ U'a l ’on ait / (z) Ç UA. Autrement dit,
pour tout e > 0 on peut exhiber un ô > 0 tel que l’inégalité
0 < p (z, a) < 6 (8)
entraîne
P (/ (z). A) < e. (9)
Si a, A oo, on peut remplacer (8) et (9) par les inégalités
0 < | z — a | < ô et | f (z) — 4 | < e . Si a = oo, A ^ oo, on

peut mettre ces inégalités sous la forme ô < | z | < oo, | / (z) —
— A | < e. Les cas a =t= oo, A = oo eta = A = oo sont laissés
au soin du lecteur.
Pour A -t^oo posons / = u + iv, A = Aj + iA 2 et assurons-
nous immédiatement que l’égalité (7) équivaut aux égalités réelles
lim u (z) = Aj, lim v (z) = A 2. (10)
z~*a z-+a

En admettant de plus que A 0 et en choisissant convenable­


ment les valeurs de Arg f, on peut écrire (7) en coordonnées polaires:
lim | / (z) | = | A |, lim Arg / (z) = Arg A. (10')
z~*a z~+a

Vu que la définition de la limite d’une fonction est similaire au


cas réel et que les opérations algébriques sur les nombres complexes
obéissent aux mêmes lois que pour les réels, les théorèmes élémen-
§ 2] FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 29

taires sur les limites d’une fonction en un point (limite d’une somme,
etc.) s’étendent automatiquement aux nombres complexes et nous
glisserons donc sur les énoncés et démonstrations.
Dans certains cas on parlera de la limite d’une fonction par rap­
port à un ensemble. Soient donnés un ensemble M ayant un point
d’accumulation a et une fonction / dont l’ensemble de définition
contient M . On dira que / tend vers A lorsque z tend vers a par rap­
port à Af, et on écrira
lim f (z) = A, (11)
z-*a
zGM

si pour tout e > 0 il existe un 6 > 0 tel que pour tout z £ M tel
que 0 < p (z, a) < ô l’on ait p (/ (z), A) < e.
Définition 3. Soit / une fonction définie au voisinage d’un point
a g C ; on dira que / est continue au point a si existe
lim f (z) = f (a) ; (12)
z-*a

si / (a) oo, on parlera d’une C-continuité ; si / (a) = oo, d’une


C-continuité (ou d’une continuité généralisée).
Pour les raisons déjà invoquées, les théorèmes élémentaires rela­
tifs aux fonctions continues en un point (continuité d’une somme,
etc.) s’étendent ad litteram à l’analyse complexe, sous réserve que
la continuité soit une C-continuité.
On peut également parler de la continuité en un point a par rap­
port à un ensemble M si a est un point d’accumulation de M et la
limite du premier membre de (12) est une limite par rapport à un
ensemble. Une fonction continue en chaque point d’un ensemble M
est dite continue sur M . En particulier, si / est continue en chaque
point d’un domaine Z), elle est dite continue dans D (dans ce cas elle
est continue en chaque point de D au sens de la définition 3, car cha­
que point z est contenu dans D avec l’un de ses voisinages).
Signalons les propriétés des fonctions C-continues sur des en­
sembles C-fermés K a C.
1. Toute fonction / continue sur un ensemble K est bornée (i.e.
il existe une constante A telle que | f (z) | ^ A pour tout z £ K).
2. Toute fonction / continue sur un ensemble K atteint ses bornes
supérieure et inférieure sur K (i.e. il existe des points zx, z2 Ç K
tels que | / (z) | < | / (zx) |, | / (z) | > | / (z2) | pour tout z 6 K).
3. Toute fonction / continue sur un ensemble K est uniformé­
ment continue (i.e. pour tout e > 0 il existe un ô > 0 tel que
I / (zi) — / tz2) I < e pourvu que zx, z 2 £ K et p (zlf z 2) < ô).
Ces propriétés se prouvant exactement comme dans le cas réel,
on glissera sur leur démonstration.
30 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

6. Différentiabilité. Cette importante notion étant liée à la


linéarité, on commencera par les fonctions linéaires d’une variable
complexe.
Définition 1. Une fonction Z: C->C s’appelle R-linéaire ou respec­
tivement C-linéaire si
a) l (zi + z2) = Z (zj) + Z (z2) pour tous zx, z2 Ç C et si pour
tout z Ç C
b) Z (Àz) = XI (z) pour tout X Ç R ou respectivement
b') Z (hz) = XI (z) pour tout X £ C.
Donc les fonctions R-linéaires sont linéaires sur le corps R des
réels, et C-linéaires sur le corps C des complexes; la condition b')
étant plus forte que la condition b), les fonctions C-linéaires forment
un sous-ensemble des fonctions R-linéaires.
Etablissons la forme générale des fonctions R-linéaires. En po­
sant z = x + iy et en se servant des propriétés a) et b), on a pour
toute fonction Z R-linéaire: Z (z) = xl (1) + yl (i). Posons Z(1) =
1 i
= a , Z (Z) = p et remarquons que x = (z + z), y = — (z — z) ;
des transformations simples nous conduisent au
Théorème 1. Toute fonction R-linéaire est de la forme
l (z) = az + 6z, (1)
1 1
où a = -y(a — ZP) et b = y (a + Z|3) sont des constantes complexes.
De façon analogue, de l’égalité z = 1-z on déduit grâce à la
propriété b') le
Théorème 2. Toute fonction C-linéaire est de la forme
l (z) = az, (2)
où a = l (1) est une constante complexe.
Théorème 3. Pour qu'une fonction 'R-linéaire soit C-linéaire il est
nécessaire et suffisant que
l (iz) = il (z). (3)
► La condition nécessaire est évidente. D’après le théorème 1
on a Z (z) = az + fez, donc Z (iz) = i (az — bz) et il (z) = i (az +
+ bz); si (3) a lieu, alors 26z = 0, d’où 6 = 0, i.e. Zest une fonction
C-linéaire. ^
En posant a = aA + Za2, 6 = bx -f- Z&2, z = x + iy et w =
= u + iv et en séparant les parties réelles et imaginaires, on peut
mettre la fonction R-linéaire w = az + bz sous la forme
u = («i + 6j) x — (a2 — b2) y, v = (a2 + &2) x + (ax — 6^ y .
§ 2] FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 31

Donc, géométriquement une fonction R-linéaire se ramène à une


transformation affine du plan de jacobien
/ = a\ - b\ + a\ - b\ = | a |2 - | b |2. (4)
Cette transformation est régulière pour | a | | b | ; elle envoie
droites dans droites, droites parallèles dans droites parallèles et
carrés dans parallélogrammes (fig. 8). Elle conserve l’orientation
pour | a | > | b | et la modifie pour | a | < | b | *).
Les applications C-linéaires w — az ne peuvent modifier l’orien­
tation, car leurs jacobiens J — | a |2 ^ 0 ; elles sont régulières pour

a-7^=0. En posant a = | a | eia et en se souvenant de la signification


géométrique de la multiplication des nombres complexes, on voit
que l’application C-linéaire régulière
w = \a\Q iaz (5)
se ramène à une homothétie plane de rapport | a | suivie d’une rota­
tion plane d’angle a = Arg a, i.e. à une similitude de rapport a
et d’angle a = Arg a (fig. 9). De telles applications préservent les
angles et envoient carrés dans carrés.
Signalons que les applications C-linéaires préservent aussi les
angles. Plus exactement, on a le
Théorème 4. Si une application Tü-linéaire w = az + bz préserve
Vorientation et les angles de trois vecteurs non colinéaires eia°, eicCi et
eia2, elle est C-linéaire.
Sans nuire à la généralité on peut admettre que le vecteur
eia° et son image sont de même sens que l’axe positif (il suffit pour
cela de remplacer z par ze~i(Xo et d’en faire autant avec w). A z = l
correspond alors un nombre > 0, donc a + b > 0. Pour que l’angle
des vecteurs z = 1 et eicCi soit préservé, il faut que aeiai + 6e~iai =
= où hx > 0, et par suite a + 6e~2iai > 0 ; de façon ana­
logue, a + &e-2ia*> 0. Si b 0, on obtient, d’après la règle d’addi-

*) On dit qu’une transformation affine régulière conserve l ’orientation si


elle préserve le sens de parcours des sommets d’un triangle.
32 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

tion des vecteurs, trois vecteurs distincts (6, 6e"2i<Xi et be_2ia2) de


même longueur | b |, de même origine — l’extrémité du vecteur a — et
dont les extrémités sont situées sur l’axe réel. Ce qui est impossible,
donc b = 0. ^
4? a) Citer un exemple d’application R-linéaire mais non C-li-
néaire qui préserve l’angle de deux directions.
b) Prouver qu’une application R-linéaire qui conserve l’orien­
tation et envoie carré dans carré est C-linéaire. 4?
Passons à la notion de différentiabilité. Dire qu’une fonction est
différentiable revient à dire qu’il est possible de mettre en évidence
la partie linéaire principale de son accroissement, ou différentielle.
Les deux aspects de la linéarité d’une fonction nous conduisent à
deux notions de la différentiabilité.
Définition 2. Fixons un point z Ç C et son voisinage U ; on dit
qu’une fonction / : U -+ C est R-différentiable (resp. C-différentiable)
au point z si pour | Az | assez petit son accroissement en ce point se
représente sous la forme
Af = f ( z + A z ) - f (z) = Z (Az) + 0 (Az), (6)
où Z est une fonction R-linéaire (resp. C-linéaire) à z fixe, et 0 (Az)
un infiniment petit d’ordre supérieur par rapport à Az, i.e.
0 (Az)/Az-*~0 lorsque Az->0. La fonction Z s’appelle différentielle
de / en z et se note d/.
L’accroissement d’une fonction R-différentiable est donc de la
forme
A/ = aAz + bAz + 0 (Az). (7)
En posant Az = Ax (de sorte que Az = Ax), en divisant par Ax et
en faisant tendre Ax vers 0, on obtient
lim ^Az
-z = -^dxL = a + b.

De façon analogue, en posant Az = iAy (de sorte que Az = —iAy)


et en faisant tendre Ay vers 0, on obtient
— 1• —
àf ,
= a — b,
Ay-0 dy
d’où

Ces coefficients pour qui l’on a adopté les notations spéciales:


§ 2] FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 33

sont parfois appelés dérivées formelles de la fonction / en z. C’est


Riemann qui le premier les a mis en évidence en 1851 (cf. page 214).
# Montrer que
a) - £ = 0 , - ^ = 1;
dz dz

b ) dz
-f + = dz - J - = ér + / - ÿ - ; idem pour
dz dz dz dz

■JT' *
En se servant des relations évidentes dz = Az et dz = Az on
obtient pour la différentielle d’une fonction R-différentiable :

d-'=f^+fÆ <9>
Ainsi est R-différentiable en z toute fonction / = u + iv, où u
et v sont des fonctions des variables réelles x et y possédant des diffé­
rentielles ordinaires en ce point: cette notion n’apporte rien de fon­
damentalement nouveau en analyse. L’élément nouveau par contre
est la C-différentiabilité qui est à proprement parler le point de dé­
part de l’analyse complexe.
L’accroissement d’une fonction / C-différentiable est de la forme
A/ = aAz + o (Az) (10)
et sa différentielle est une fonction C-linéaire de Az (à z fixe). On
voit sur la formule (9) que les fonctions C-différentiables sont des
fonctions R-différentiables telles que
Ur = 0. ( 11)
dz

Si f = u-\-iv, la formule (8) nous donne +


dz Z \ ox dy }
-|—g- —f“~) » donc l ’égalité complexe (11) peut être écrite
sous forme de deux égalités réelles :
du du du du
(12)
dx dy ’ dy dx
La condition de C-différentiabilité d’une fonction est visiblement
plus restrictive: s’il est assez difficile de construire des fonctions
continues non R-différentiables (exemples de Weierstrass ou de Pea-
no), il est par contre aisé de trouver des fonctions élémentaires non
C-différentiables. Exemple, la fonction / (z) = x + 2iy n’est nulle
part C-différentiable: elle ne satisfait pas aux conditions (12), puis-
du a . du n
que j - = 1 et — = 2.
dy
3-0714
34 FONCTIONS HOLOMORPHES [CI-I. I

îfc 1. Montrer que les fonctions C-différentiables de la forme


u (x) + iv (y) sont nécessairement C-linéaires.
2. Montrer que si f = u + iv est une fonction C-différentiable
sur le plan tout entier et telle que u = v2, alors elle est constante. #
Etudions maintenant la notion de dérivée en commençant par la
dérivée dans une direction. Fixons un point z Ç C, son voisinage U
et considérons une fonction / : U -*■ C. En posant Az = | Az | eie,
on déduit des formules (7) et (9)
Af = -^~ |Az| e<9 -+- 1Az| e~ie + o (Az),
ÔZ dz
où o (Az) est un infiniment petit d’ordre supérieur par rapport à
Az. En divisant les deux membres par Az et en passant à la limite
pour Az - >0 et Arg Az = 0 =
Qf const, on obtient la dérivée de f en
z dans la direction 0 :
= lim - a r -/ 2iQ
dzQ Az-o Az dz dz
Arg Az=0
(13)
On voit sur cette formule que
si f et z sont fixes et si 0 varie
de 0 à 2jt, le point JÔZQ
L parcourt
deux fois *) un cercle de centre
-J - et de rayon df l ’hodo-
dz
graphe des dérivées dans des direc­
tions (fig. 10).
Donc si =t^=0, la dérivée -OJZQ
- dépend de la direction 0 et
dz
ce n’est que lorsque -^ - = 0, i.e. lorsque la fonction / est C-diffé-
dz
rentiable en un point 2, qu’elle est la même dans toutes les
directions.
Il est clair que la dérivée de / au point z n’existe que dans ce cas
et qu’elle est par définition égale à
f (z) = lim » (14)
Az-*0
où la limite est prise pour la topologie de C (c’est-à-dire que les
voisinages intervenant dans la définition de la limite sont des dis-
*) Il est évident que les dérivées dans les directions 0 et 0 + jc sont les
mêmes.
§ 2] FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 35

ques ordinaires et la limite est indépendante de la façon dont Az


fi i
tend vers 0). Il est clair aussi que si f (z) existe, elle est égale à — .
Enonçons et prouvons cette proposition en raison de son importance.
Théorème b. Il y a équivalence entre la C-différentiabilité d'une
fonction f en un point z et l'existence de sa dérivée f (z) en z.
► Si / est C-différentiable en z, la formule (10) dans laquelle
a = -d z- nous donne
A/ = -^-Az + o(Az) ;

puisque o(Az)/Az-*-0 avec Az, il existe lim - ^ - = f (z) .


A z -0 Az dZ
Réciproquement, si f (z) existe, par définition de la limite on a
4 f = / '( z ) + a(A Z),

où a (Az) 0 avec Az. Donc l’accroissement A/ = f (z) Az +


+ a (Az) Az est composé de deux parties dont la première est C-li-
néaire en Az et la deuxième, un infiniment petit, ce qui exprime que
/ est différentiable en z. ^
La dérivée d’une fonction d’une variable complexe se définit
comme en analyse réelle, quant aux opérations arithmétiques et
théorèmes sur les limites, ils se généralisent au cas complexe. Donc
les opérations élémentaires de dérivation (dérivées d’une somme,
d’un produit, d’un quotient, d’une fonction composée et réciproque)
se généralisent sans changement au cas complexe ; nous glisserons sur
leurs énoncés et leurs démonstrations.
Faisons une remarque utile pour les calculs. La dérivée (si elle
existe) de la fonction / = u + iv étant indépendante de la direc­
tion, on peut la calculer dans la direction de l ’axe x ; on obtient alors

= <«>
On constate donc que la notion de C-différentiabilité est natu­
relle. Mais on verra dans la suite que la C-différentiabilité en un
seul point ne suffit pas pour élaborer une théorie consistante. On
exigera donc la C-différentiabilité non pas en un seul point mais en
tous les points voisins et on conviendra de la définition suivante.
Définition 3. On dit qu’une fonction / est holomorphe (ou analy­
tique) en un point z Ç C si elle est C-différentiable dans un voisinage
de ce point.
3*
36 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

Exem ple. La fonction / (z) = \ z |2 = zz est visiblement R-dif-


f)f
férentiable en tout point de C. Or — = z est nulle seulement pour
dz
z = 0, donc la fonction / (z) n’est C-différentiable qu’au point z =
— 0. Elle ne peut donc être holomorphe en ce point.
L’ensemble des fonctions holomorphes en un point z (chacune de
ces fonctions est C-différentiable dans son propre voisinage de z) est
noté par 0 2. Cet ensemble est un anneau, puisqu’il est stable pour la
somme et le produit. Signalons que le quotient flg de deux fonctions
de 0 2 peut ne pas appartenir à 0 2 si g (z) = 0.
Les fonctions C-différentiables sur un ensemble ouvert D a C
seront visiblement holomorphes sur D . On dira que ces fonctions
sont holomorphes sur D et on désignera l’ensemble de ces fonctions
par 0 (D). L’ensemble 0 (D) est aussi un anneau. Par holomorphie
d’une fonction sur un ensemble M c C on comprendra la possibilité
de prolonger cette fonction en une fonction holomorphe sur un en­
semble ouvert D o M.
On dira enfin qu’une fonction / est holomorphe au point à Vin-
fini si la fonction g (z) = / (1Iz) l’est au point z = 0. Cette défini­
tion permet d’envisager des fonctions holomorphes sur des ensembles
de C. Remarquons que la définition de la dérivée à l’infini n’a pas
de sens.
L’analyse complexe repose sur la notion de C-différentiabilité.
Léonard Euler en qui Laplace voyait le maître de tous les mathéma­
ticiens de la deuxième moitié du XVIIIe siècle joua un rôle particu­
lier dans la génèse de cette discipline. Arrêtons-nous brièvement sur
sa vie et son œuvre.
Euler naquit en 1707 dans la famille d’un modeste pasteur suisse,
obtint le grade de maître des arts à l’Université de Bâle (1724),
commença à étudier la théologie et s’adonna ensuite aux mathéma­
tiques et à leurs applications. En 1727, à l’âge de vingt ans Euler
s’expatria à Saint-Pétersbourg où il occupa un poste vacant au dé­
partement de physiologie à l’Académie des sciences qui venait d’être
fondée. Mais c’est aux mathématiques qu’il se consacrera et avec
quelle ardeur ! Durant son premier séjour de 14 ans il publia plus
de 50 travaux tout en enseignant activement et en dirigeant des
travaux pratiques.
Euler s’installa à Berlin de 1741 à 1766 sans perdre contact avec
l’Académie de Pétersbourg dans les éditions de laquelle il publia
plus de 100 livres et articles. Il retournera ensuite à Saint-Péters­
bourg où il restera jusqu’à la fin de ses jours. En dépit d’une cécité
quasi totale il prépara près de 400 travaux.
Euler fut le premier à développer l’analyse mathématique dans
ces célèbres monographies Introduction à l'analyse des infiniment pe~
§ 2] FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 37

tits (2 tomes, 1748), Calcul différentiel (1755) et Calcul intégral (3 to­


mes, 1768-1770). Il créa le calcul variationnel, la théorie des équa­
tions aux dérivées partielles et la géométrie différentielle et obtint des
résultats saillants en théorie des nombres.
Parallèlement à ses recherches théoriques Euler mena d’intenses
activités pratiques: il participa notamment au tracé des cartes
géographiques de la Russie et à l’expertise d’un projet de pont à une
travée sur la Néva proposé par I. Koulibine. Il étudia le mouvement
des projectiles dans l’air, trouva la charge critique d’une colonne,
jeta les bases théoriques du gyroscope. Au nombre de ses travaux
La mécanique ou science du mouvement exposée analytiquement (2 to­
mes, 1736), La nouvelle théorie du calcul de V orbite lunaire (1772) et
même Spéculation complète sur la structure et la conduite des navires
à V usage des élèves navigants (1778).
Dans les monographies d’analyse mentionnées ci-dessus Euler
introduit les fonctions élémentaires fondamentales d’une variable
complexe, établit un lien entre elles (en particulier, la formule
ei<p = cos (p -(- i sin (p déjà signalée) et utilise systématiquement les
substitutions complexes dans le calcul des intégrales. Dans Les
principes généraux du mouvement d'un fluide (1755) Euler relie deux
expressions u dy — v dx et u dx + v dy aux composantes u et v
de la vitesse d’écoulement. Suivant d’Alembert, qui publia son tra­
vail trois ans plus tôt et qui partit aussi de considérations hydro­
dynamiques, Euler établit les conditions pour lesquelles ces expres­
sions sont des différentielles exactes:
du ____ du du du
H x ~ ~ d i' ^
et trouve la forme générale des solutions de ce système :
1 i
u — iv = -^(çl(x-Jriy) — - Y ^ ( x + iy),
1 i
u + iv = T (x “*iy) + T ^ (*— iy)'
où cp et \|) sont des fonctions arbitraires (au sens d’Euler). Les rela­
tions (16) sont en fait des conditions deC-différentiabilité de la fonc­
tion / = u — iv et possèdent une signification physique simple
(cf. n° suivant).
Euler a établit les conditions de C-différentiabilité ordinaires (12)
qui ne diffèrent de (16) que par leurs signes. En 1776 à l’âge de 69
ans il accomplit le travail Sur les très remarquables intégrations obte­
nues par le calcul des imaginaires dans lequel il indique que ces con­
ditions sont des conditions pour lesquelles l’expression (u + iv) X
X (dx + i dy) est une différentielle exacte ; en 1777 il publie les
applications de ces conditions à la construction des cartes géogra­
phiques (cf. numéro suivant).
38 FONCTIONS HOLOMORPHES [GH. I

C’est donc à Euler qu’on doit la première étude systématique


des fonctions d’une variable complexe et leurs applications dans les
problèmes d’analyse, d’hydrodynamique et de cartographie.
Mais Euler n’a pas clairement compris le rôle des conditions
de C-différentiabilité. Un pas décisif fut réalisé 70 ans plus tard dans
les travaux de Cauchy mais il faudra encore 30 ans pour qu’elles soient
pleinement appréhendées dans les travaux de Riemann (pour plus de
détails voir pp. 99 et 214). Les conditions de C-différentiabilité
df q ^ du du du ____ du
dz ~ dx dy ’ dy dx
s’appellent traditionnellement conditions de Cauchy — Riemann, mais
historiquement il serait plus juste de les appeler conditions de
d’Alembert — Euler.
7. Significations géométrique et hydrodynamique. La différen­
tielle d’une fonction / R-différentiable (resp. C-différentiable) en un
point 2 f C est de la forme
d/ = -^ -d z + -^-d7, (resp. d/ = /'(z)dz) (1)
(cf. numéro précédent). Le jacobien d’une application étant défini
par sa différentielle (i.e. par une transformation affine), d’après la
formule (4) du numéro précédent le jacobien d’une fonction / R-diffé­
rentiable (resp. C-différentiable) vaut en un point z
ÈL df |2
dz
(resp. J , ( z ) = \ f ( z ) |2). ( 2)
dz I ’
Etablissons directement la formule (2) pour le lecteur initié aux
formes différentielles *). Si dz = dx + i dy, alors dz = dx — i dy
et le produit extérieur dz / \ dz = —i d x /\ dy + i dy f \ dx =
= —2i d x /\ dy; de façon analogue, d/A df = —2i d u /\ dz; si
df = du + i dz;. Mais en vertu de la formule (1)

i t A i t = { & i z + %i-2 )A(-!-d5 +î!H

d’où l’on déduit (2), puisque du A dz; = Jf d x /\ dy.


Supposons que / est R-différentiable dans un voisinage de z et
que z n’est pas point critique de /, i.e. J f (z) 0. D’après lethéorè­
me des fonctions implicites d’analyse réelle, il s’ensuit de là que /

) Elles seront abordées plus en détail dans la seconde partie.


§ 2] FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 39

est un homéomorphisme local, i.e. il existe un voisinage U de z


qui est appliqué de façon biunivoque et bicontinue par / sur un voisi­
nage de / (z). On voit sur la formule (2) que si / est R-différentiable,
le jacobien Jf peut avoir n’importe quel signe, i.e. / peut aussi bien
conserver que changer l’orientation. Si / est C-différentiable, ses
points critiques sont confondus avec les points en lesquels sa dérivée
s’annule et en ses points non critiques elle conserve toujours l’orien­
tation : J f (z) = | /' (z) |2 > 0.
On dit qu’une application / R-différentiable en un point z Ç C
est conforme en z si la transformation associée à sa différentielle d/
en z est une similitude. Puisque d’après ce qui a été dit au numéro
précédent cette propriété caractérise les applications C-linéaires, on
est conduit à l’interprétation géométrique suivante de la C-diffé-
rentiabilité :
Il y a équivalence entre la C-différentiabilité d'une application f en
un point z tel que f (z) 0 et la conformité de f en ce point.
Une application f : D - * C conforme en chaque point z de D
s’appelle application conforme de D . Cette application est associée à
une fonction holomorphe dans D sans points critiques (/' (z) =^= 0
quel que soit z ÇD). En chaque point du domaine/) la tangente à une
telle application, i.e. sa différentielle, définit une similitude: en
particulier, elle conserve les angles. Ces applications font leur pre­
mière apparition en 1777 dans les travaux d’Euler relatifs à la com­
position des cartes géographiques de la Russie dont il fut chargé
par l’Académie des sciences de Pétersbourg. Euler a qualifié ces
applications d’« infinitésimalement semblables », quant au terme
d’« application conforme», il fut introduit en 1789 par l’académi­
cien pétersbourgeois S. Schubert qui comprenait par là une applica­
tion conservant les angles.
Remarque. Si la différentielle d’une application / R-différentia­
ble en un point non critique z envoie une figure dans une figure sem­
blable et d’orientation contraire, on dit alors que / est une applica­
tion conforme de deuxième espèce ou encore une application anti-con­
forme en z et la condition d’anti-conformité de / en un point non
af
critique s’écrit = 0. Une fonction / est dite anti-holomorphe en
un point z si elle est R-différentiable dans un voisinage de z et si
— = 0 en tout point de ce voisinage. Il est évident qu’une fonc­
tion f = u + iv est anti-holomorphe en un point z si et seulement si
la fonction f = u — iv est holomorphe en ce point.
Jusqu’ici nous avons étudié les différentielles d’applications.
Voyons maintenant comment la conformité d’une application influe
sur les propriétés de cette application. Supposons que / est conforme
40 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

dans un voisinage U de z et que la dérivée /' est continue dans U *).


Considérons un chemin différentiable y: I = [0, 1] U d’origine z
(i.e. y' (t) =7^= 0 et continue pour tout t £ / et y (0) = z). Son image
Y* = / o y : I / (U) est aussi un chemin différentiable, car d’a­
près la règle de différentiation d’une fonction composée
vi (*) = / ' Iv (*)] Y (*).*€ A (3)
et de plus la dérivée /' est par hypothèse continue et non nulle par­
tout dans U.
• •
Géométriquement y' (t) = x (t) iy (t) est le vecteur tangent à
Y en y (t) de plus I V/ (£) \ dt = V x2 -\- y2 dt = ds est la diffé­
rentielle de la longueur d’arc y en ce point; de façon analogue,

| y' (t) | dt = ds* est la différentielle de la longueur d’arc y# au


point y* (0- Donc, la relation (3) entraîne pour t = 0

r » i = i ! H i r = T “ >' <4>
i.e. le module de la dérivée /' (:z) représente le coefficient de dilata­
tion de la longueur d’arc au point z par l’application /.
Le premier membre ne dépend pas ici du choix de y si Y (0) =
donc dans ces conditions tous les arcs subissent la même dilatation
au point z. L’application conforme / jouit donc de la propriété cir­
culaire: elle envoie les petits cercles de centre z dans des courbes
*) Nous verrons au chap. II que la deuxième condition est automatiquement
réalisée: la continuité de /' résulte de son existence en tout point de U . Bien
plus, l ’existence de /' entraîne l ’existence et la continuité sur U des dérivées
de / de tout ordre!
**) On sait que pour les arcs différentiables ■■-?■*- = lim - p , où As est

la longueur d’arc y> As* la longueur d’arc y**


§ 2] FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 41

différant d’un cercle de centre / (z) d’une quantité infiniment petite


(fig. H).
De la relation (3) pour t = 0 il s’ensuit
Arg /' (z) = Arg y* (0) — Arg y' (0), (5>
i.e. l’argument de la dérivée f (z) représente l’angle de rotation
des tangentes aux arcs en z par l’application /.
Le premier membre ne dépend pas non plus du choix de y si
y (0) = z, i.e. de tels arcs pivotent d’un même angle. L’application
conforme / conserve donc les angles: l’angle de deux arcs *) en un
point z est égal à l’angle de leurs images au point / (z) (cf. fig. 11).
Remarque. Si une application / est holomorphe en un point criti­
que z (i.e. f (z) = 0), la propriété circulaire reste valable sous la
forme dégénérée : le coefficient de dilatation de tous les arcs est nul
en z. La propriété de conservation des angles est mise en défaut :
par exemple, l’angle des rayons Arg z = a x et Arg z = a 2 au point 0'
est doublé par l’application z - * z 2\ Bien plus, la différentiabilité-
des arcs peut être mise en défaut en un point critique : par exemple,
l’image de la courbe différentiable y (t) = t + i t2, t Ç [—1, 1] par
la même application z z2 est la courbe y* (t) = t 2 (1 — t 2) +
-f 2it 3 qui présente un point nodal pour t = 0 (on s’est servi des­
formules (6) du n° 5).
$£ Soient u et v des fonctions réelles de x et de y R-différen-
tiables, Vu==-“ ^--f-î — - et = leurs gradients respec­
tifs. Interpréter géométriquement les conditions
(Vu, Vu) = 0, | v u | = | Vu |
(les parenthèses représentent le produit scalaire) et établir leur lien
avec la condition de C-différentiabilité de la fonction f = u + iu
et la conformité de l’application associée à /. $
Voyons maintenant quelle est la signification hydrodynamique
de la C-différentiabilité et de la dérivée. Considérons un écoulement
plan permanent. Cela exprime que les vecteurs vitesses u de cet
écoulement ne dépendent pas du temps et sont les mêmes en tout
point de chaque perpendiculaire à un plan qui sera pris pour plan de
la variable complexe z = x + iy (fig. 12). Le champ de vitesses u
est donc un champ de vecteurs plan défini par la formule
V = v1 (x , y) + ivz (x , y). (6)'

Supposons que les fonctions et v 2 possèdent des dérivées par-

*) Par angle de deux arcs différentiables se coupant en un point z on com­


prend l ’angle des tangentes à ces arcs en z .
42 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

tielles continues dans un voisinage U d’un point z0. Supposons de


plus que dans ce voisinage le champ (6) est lamellaire (ou encore
irrotationnel), i.e.
du0
rot v dx (7)
et solénoïdal, i.e.
dui » du2
divi; dx dy
0 (8)

(les égalités (7) et (8) sont valables pour tout point de U).
De la condition (7) il s’ensuit que dans U la forme différentielle
v± dx + v2 dy est la différentielle exacte d’une fonction cp appelée
potentiel du champ. Dans U on a donc
dtp
dx <**>
ou, en écriture vectorielle, v = grad
! Jr* ''T i / De la condition (8) il s’ensuit que
la forme —v2 dx + v1 dy est la diffé­
rentielle exacte d’une fonction i|), de
sorte que dans U on a
_ dt|)
->>=■%■• dV (10)
Fig. 12
Sur toute ligne de niveau de la
fonction on a doj) = —v2 dx +
+ vx dy — 0, i.e. dy d’où il vient qu’une telle ligne est une
ligne de courant (une trajectoire des particules du fluide) du champ
v. La fonction o[) est pour cette raison appelée fonction de courant.
Construisons maintenant la fonction complexe
/ = q> + n|> (11)
qui s’appelle potentiel complexe du champ. En comparant les rela­
tions (9) et (10) on voit que dans U
d t p _ _ d \ M9\
dx dy ’ dy dx '
Ces conditions sont confondues avec les conditions de C-différentiabi-
lité (12) du n° 6, donc elles expriment que le potentiel complexe /
est une fonction holomorphe en z0.
Réciproquement, supposons que f = yJr ity est holomorphe dans
un voisinage U de z et que q) et ip possèdent dans U des dérivées

*) Pour un champ de vecteurs plan on peut admettre que rot u est scalaire ;
comparer avec la note de la page 11.
$ 2] FONCTIONS D ’UNE VARIABLE COMPLEXE 43

secondes continues *). Construisons le champ de vecteurs v —


= grad cp= i sur U. Ce champ est lamellaire sur £7,
puisque rot y = 0, et solénoïdal, puisque divi; =
dy dx
__ d2cp . d2cp d2i|) 02\j) 0 (on s’est servi des équations
d#2 ' dy2 dxdy dy dx
(12)). Le potentiel complexe de ce champ est manifestement la
fonction donnée /.
Donc, dire que la fonction f est holomorphe revient à dire que cette
fonction est le potentiel complexe d'un écoulement plan permanent
lamellaire et solénoïdal.
La signification hydrodynamique de la dérivée est immédiate:
de (9) et (10) il vient
dx (13)
i.e. la dérivée d'un potentiel complexe est le vecteur conjugué complexe
du vecteur vitesse de Vécoulement. Les points critiques de / sont les
points en lesquels la vitesse de l’écoulement est nulle.
Exemple. Trouver le potentiel complexe d’un écoulement de
profondeur infinie sur un lit plat, contournant un obstacle de hau­
teur h perpendiculaire au lit. Cet écoulement peut être assimilé à

un écoulement dans le demi-plan supérieur, contournant un segment


de longueur h qui, sans perte en généralité, peut être situé sur l’axe
imaginaire.
L’écoulement est donc envisagé dans un domaine D dont le bord
dD est composé de l’axe réel et du segment [0, ih] de l’axe imaginaire
(fig. 13). Ce bord doit être une ligne de courant; nous la prendrons
pour ligne i]) = 0 et admettrons que ij) > 0 sur D. Pour trouver le
potentiel complexe <p + il suffit par conséquent de trouver une
application conforme de D sur le demi-plan supérieur [i]) > 0}.
On peut obtenir de la manière suivante l’une des fonctions réali­
sant cette application. L’application z1 = z2 envoie le domaine D
* ) La deuxième condition résulte automatiquement de la première ; cf.
note de la page 40.
44 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

dans le plan muni de la coupure Re zx ^ —h2, Im zx = 0 (cf. exem­


ple du n° 5). L’application z2 = zx + h2 envoie cette coupure dans
l’axe positif Re z2 ^ 0, Im z2 = 0. L’image du plan z2 muni de la
coupure Re z2 ^ 0, Im z2 = 0 par l’application
w — 1/~z2= Y \ z2.\ ei(Arg z^ 2, 0 <C Arg z2< 2ji,
est le demi-plan supérieur. L’application cherchée est la composée*
w = ]/rz2+ ^2 (14)
de ces deux applications.
On obtient l’équation des lignes de courant de cet écoulement en
séparant les parties réelle et imaginaire de la relation (<p + ii)^)2 =
= (x + iy)2 + h2\ pour la ligne on aura

+ '*2 + ^2 (15>
(la correspondance entre les lignes de courant est représentée sur
la figure 13). La vitesse ii; | = 1 -^ -1 = —. ^ ... - de cet écoule-
6 j 1 ' I àz | y |Z2+ /l2|
ment est égale à 1 à l’infini ; le point z = 0 est un point critique de*
cet écoulement. On démontre que la solution générale de ce problè­
me est
f (z) = ^oo Y z2-{-h2, (16)
où Voo > 0 est la vitesse à l’infini. Pour plus de détails sur l’usage*
des applications conformes en dynamique des fluides cf. par exemple
les ouvrages de M. Lavrentiev et B. Chabat *).

§ 3. Propriétés des fonctions homographiques


Passons à l’étude de quelques classes élémentaires de fonctions
holomorphes d’une variable complexe.
8. Fonctions homographiques. Elles sont de la forme
w _ az+b ad — bc=jk0, (1)
cz-\-d ’ 7 v r
où a, b, c et d sont des nombres complexes fixes, z une variable
complexe ; la condition ad — bc ^ 0 exclut le cas constant (si
ad — bc = 0, le numérateur est proportionnel au dénominateur dans
(1)). Pour c = 0 on a nécessairement d =^= 0 et la fonction (1) de­
vient
w = -^-z + -^-= Az + B (2>
* ) M. L a v r e n t i e v , B. C h a b a t , Méthodes de la théorie des fonc~
tions d'une variable complexe, trad. française, Ed. Mir. 1977.
'§ 3] PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 45

•et s’appelle jonction affine entière. Pour ^ 4 = 0 cette fonction est


constante; pour A =^=0 elle réalise, ainsi qu’il ressort de la formule
w = A (z + B!A), le produit d’une translation z-+ z + B!A par
une similitude z -*■ Az, i.e. une application C-linéaire au sens du
:n° 6.
La fonction (1) est définie pour tout z =/= —clic, oo (à condition
que c =/= 0 ; pour c = 0 elle est définie pour tout z fini). Prolongeons-
la aux points exceptionnels en posant w = oo pour z = —dlc et
w = aie pour 2 = oo (pour c = 0 il suffit de poser w = oo pour
.z = oo). On a maintenant le
Théorème 1. Toute fonction homographique (1) réalise un homéo­
morphisme (i.e. une application bijective et continue) de C sur C.
► Supposons que c 0 (le cas où c = 0 est élémentaire). La
fonction (1) est définie (de façon unique) sur C; la résolution de
l ’équation (1) par rapport à z nous donne:
dw — b
a — cw ’ (3)
on voit qu’à chaque w aie, oo est associé un z bien défini et qu’aux
points w = aie et w = oo correspondent respectivement les points
.z = oo et z = —dlc d’après la convention ci-dessus. Donc la fonc­
tion (1) applique bijectivement C sur C. Reste à prouver la conti­
nuité. La continuité de la fonction (1) est partout évidente sauf
pour z = — dlc, oo, où elle résulte de ce que
az-\-b a
lim cz-\-d oo, lim az-\-b c • ◄
d Z —*-oo cz-\-d
z ~*~—
c
On se propose maintenant de démontrer que l’application (1)
conserve les angles en tout point de C. Pour tout point z ^ —dlc, oo
ceci résulte de l’existence de la dérivée
dw ad—bc , a
~~dz~ ( c z + d )2
en ce point (cf. n° 7). Pour établir cette propriété pour les points
exceptionnels (qui sont tous deux liés à l’infini: le premier étant
lui-même infini et le second ayant son image à l’infini), il faut intro­
duire la notion d’angle au point à l’infini.
Définition. Par angle au point z = oo de deux chemins y3 et y2
{passant par oo et tels que leurs représentations sphériques présen­
tent une tangente au pôle nord) on comprend l’angle de leurs images
V1 et r2 par l’application
z ~+Uz = Z (4)
au point Z = 0.
46 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

% Aux lecteurs qui ne sont pas satisfaits par cette définition


formelle (qui au demeurant est naturelle du point de vue de la théo­
rie des variétés complexes, cf. tome 2), on propose les exercices sui­
vants :
a) Montrer que la projection stéréographique C - ^ S (cf. n° 1)
conserve les angles, i.e. envoie un couple de droites concourantes
de C dans un couple de cercles de S se coupant sous un même angle.
b) Montrer que la projection stéréographique associe à la trans­
formation z -> Hz du plan C une rotation de la sphère S autour du
diamètre passant par les points z = ± 1 [ N o t a . Utiliser la for­
mule (17) du n° 1.1 #
Théorème 2. Vapplication homographique (1) est conforme *) en
tout point de C.
► Ce théorème a déjà été prouvé pour les points non exception­
nels. Soient y1 et y2 deux chemins passant par le point z = —dlc
et s’y coupant sous un angle a (on admet que ces chemins présentent
des tangentes en ce point). L’angle de leurs images y* et y* par l’ap­
plication (1) au point w = oo associé h z = — dlc est par définition
égal à l’angle des images T* et T* de y* et y* par l’application
W = ilw au point W = 0. Or
cz-\-d
W az+b ’
donc T* et T* peuvent être traités comme les images de yx et y2 par
cette application. L’angle de T* et T* au point W = 0 est égal à
a puisque la dérivée
dW _ bc — ad
dz ~ (az + b) 2

existe au point z = —dlc et est différente de 0. Le théorème est prou­


vé pour le point z = —dlc. Pour le prouver pour le point z = oo
il suffit de reprendre le même raisonnement pour la fonction (3)
inverse de (1).
On se propose de montrer maintenant que l’ensemble des appli­
cations homographiques, ensemble que l’on désignera par A, forme
un groupe. Soient données deux applications homographiques

Li : z ’ aidi ~ bici ^ ° ’

L2 : z -+

*) Par conformité à l ’infini on comprend la propriété de conserver les


angles à l ’infini.
§ 3] PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 47

Appelons produit de ces applications l’application composée


L : z — Lx o L 2 (z).
L’application L est visiblement homographique:
clz —J—b
L : w cz~\-d

(car la substitution d’une fonction homographique à z dans l’expres­


sion de Lx nous conduit de nouveau à une fonction homographique)
et de plus ad — bc 0 *) (puisque L envoie C sur C et ne dégénère
pas en une constante).
Vérifions les axiomes de groupe.
a) Associativité: pour tout triplet d’applications Ll7 L 2 et L s
de A on a
Lx o (L2 o L 3) = (Lj o L 2) o L3. (5)
En effet, les deux membres de (5) représentent l’application homo­
graphique L1 {L2 [Ls (z)]}.
b) Existence de Vunité. L’unité est visiblement l’application iden­
tique
E : z -> z. (6)

c) Existence de Vélément réciproque : pour tout L Ç A il existe


une application L -1 f A telle que
L -1 oL = L o L - 1 = E . (7)
En effet, l’élément réciproque de l’application (1) est l’applica­
tion (3).
On a ainsi prouvé le
Théorème 3. L'ensemble A des applications homographiques forme
un groupe pour la composition des applications.

*) Si l ’on introduit des coordonnées homogènes en posant z = z ±l z 2 et


w — wjw z, on peut mettre la transformation (1) sous la forme w x = a z 1 + b z 2,
w 2 = czx + dz2, ou, en écriture matricielle,
( wi ) _ / a b) ( Zl)
\w 2J \c d) \z 2) ‘
Pour l ’application composée L = Lx o L2, on a
ad — bc == (fljdj — ^1 ^1 ) (®2 ^ 2 — ^2 ^2 )»
ce qui prouve analytiquement la proposition.
On voit que les applications homographiques sont des transformations pro­
jectives de la droite projective complexe CP1 à laquelle on peut identifier le plan
complexe élargi C.
48 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

Remarque. Le groupe A n’est pas commutatif: supposons par


exemple que L1: z z + 1, L 2: z Hz ; alors Lx o L 2 : z 1/z +
+ 1 tandis que L 2 o L1: z-+ H(z + 1).
Les fonctions affines entières (2) telles que A =^= 0 forment un
sous-groupe A0 de A, le sous-groupe des applications de A laissant
fixe le point à l’infini.
9. Propriétés géométriques. Citons deux propriétés géométri­
ques élémentaires des applications homographiques. Pour énoncer
la première, on conviendra d’appeler cercle sur C tout cercle ou
toute droite sur le plan complexe (les images de l’un et de l’autre
par une projection stéréographique sont des cercles de la sphère de
Riemann) ; les cercles proprement dits seront appelés cercles sur C.
On a le
Théorème 1. Toute application homographique envoie cercle de C
sur cercle de C (propriété circulaire des applications homographiques).
► Cette assertion est évidente pour les applications linéaires
{c = 0), car elles se ramènent au produit d’une similitude par une
translation. Si c =^= 0, cette application peut être mise sous la forme
y* û ad bc a , B /a\
L : Z ~^~~C c(cz + d) = A + -Ï+ C ^
et être représentée donc par le produit des trois applications :
Lx : -f- Bz, L 2: z -+- H z, L 3: z -+- z + C
(L = Lx o L 2 o L3). Les applications (produit d’une similitude
et d’une translation) et L 3 (translation) conservent visiblement les
cercles sur C. Reste à établir cette propriété pour l’application
L 2: z -+ H z. (2)
Pour la prouver *) on remarquera que tout cercle sur C peut
être défini par une équation
E (*2 + 3,2) + EiX + p 2y + G = 0, (3)
où éventuellement E = 0 et réciproquement toute équation (3) dé­
finit un cercle sur C pouvant éventuellement être réduit à un point
ou à un ensemble vide **). En coordonnées complexes z = x + iy
— i — i —
et z = x — iy, i.e. si l’on pose x = y (z + z) et y = (z — z)

*) On peut la prouver géométriquement en utilisant le fait que la trans­


formation z —>■1/z est une rotation de la sphère de Riemann.
**) Nous excluons le cas E = F x = F 2 = G = 0.
§ 3] PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 49

dans (3), cette équation devient


Ezz + Fz + Fz + G = 0, (4)

où F = Y (Fi — iFn)’ F = Y (Fi + iF2)-


Pour trouver l’équation de l’image du cercle (4) par l’applica-
tion (2), il suffit de poser z = — dans (4); on obtient

E -J- Fw -p Fw -p Gww = 0, (5)


i.e. une équation de la même forme (4). Les cas de dégénérescence en
un point ou en l’ensemble vide sont exclus par la bijectivité des
applications homographiques; donc l’image envisagée est un cercle
sur C. ^
Nous avons vu plus haut que toute fonction holomorphe / trans­
forme, aux infiniment petits d’ordre supérieur près, des cercles
infiniment petits centrés en un point non critique z0 en cercles cen­
trés en / (z0). Le théorème 1 nous dit que les fonctions homographi­
ques transforment exactement tout cercle de C en un cercle. Il est
aisé de voir toutefois sur les exemples les plus élémentaires que les
centres des cercles ne se correspondent pas en général par ces trans­
formations.
Pour énoncer la deuxième propriété géométrique des applica­
tions homographiques, on aura besoin de la
Définition. On dira que des points z et z* sont symétriques par
rapport à un cercle T = {| z — z0 | = Fî} sur C si
a) ils sont situés sur un même rayon de sommet z0 de telle sorte
que le produit de leurs distances à z0 soit égal à R 2 (Arg ( z * — z 0 ) =
= Arg (z — z0) et | z — z0| | z* — z0 | = J?2), ou, ce qui est équi­
valent,
b) tout cercle y de C passant par ces points est orthogonal à T.
L’équivalence de ces deux définitions est visible sur la figure
14 : si z et z* sont symétriques par rapport à T au sens de la défini­
tion a) et y est un cercle passant par ces points, on sait que le carré
de la tangente menée à y à partir de z0 (la puissance du point z0 par
rapport à y) est égal au produit | z0 — z* | | z0 — z |, i.e. à R 2.
Cette tangente est donc un rayon de T et ces cercles sont orthogonaux
(si y est une droite, elle passe par z0 et donc est orthogonale à T).
Réciproquement, si un cercle y de C passant par z et z* est orthogo­
nal à T (et, en particulier, la droite zz*), alors, primo, les points z
et z* sont situés sur un rayon de sommet z 0 et, secundo, le produit
de leurs distances à z0 est égal à R 2; donc z et z* sont symétriques
par rapport à T.
4-0714
50 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

La propriété géométrique b) a l’avantage d’être valable pour les


cercles T de C: si T est une droite, on a affaire à une symétrie ordi­
naire. La définition a) nous conduit à une formule simple reliant
des points symétriques: les conditions
Arg (z* — z0) = Arg (z — z0) et | z — z0 \ | z* — z0 | = B 2
deviennent
2* — Z0 = ~ JL = r. (6)
z — z0

Le procédé de construction des points symétriques est évident


(cf. fig. 15) : si z est intérieur à T, il suffit de mener à partir de z
une perpendiculaire à z0z jusqu’à son intersection £ avec I\ et de £
une tangente à T jusqu’à son intersection z* avec z0z ; si z est exté­

rieur à I \ la construction doit être effectuée dans le sens contraire


(la démonstration résulte de la similitude des triangles rectangles
Zozl et zQlz *).
L’application z-> z* qui à tout point z de C associe le point z*
symétrique par rapport à T s’appelle symétrie par rapport à T ou
inversion.
Toute inversion par rapport à un cercle de C est, comme le mon­
tre (6), associée à une fonction conjuguée complexe d’une fonction
homographique. Il s’ensuit d’après le théorème 2 du numéro pré­
cédent que V inversion est une application anticonforme sur C.
(Cette assertion est évidente dans le cas d’une inversion par rap­
port à une droite : par une translation et une rotation on transforme
cette droite en l'axe réel et l’inversion se ramène alors à l’applica­
tion z ->• z.)
La propriété annoncée des applications homographiques s’ob­
tient maintenant de façon élémentaire :
§ 3] PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 51

Théorème 2. Toute application homographique L transforme des


points z et z* symétriques par rapport à un cercle T de C en des points
w et w* symétriques par rapport à V image L (T) de T (propriété de
conservation de la symétrie des points).
>> Considérons le faisceau {y} des cercles de C passant par les
points z et z* ; ces cercles sont orthogonaux à F. D’après le théorè­
me 1 leurs images L (y) sont aussi des cercles de C qui de plus sont
orthogonaux à L (r) puisque L est conforme. Il s’ensuit que les
points w et w* par lesquels passent les cercles L (y) sont symétriques
par rapport à L (T) *). ^
10. Isomorphismes et automorphismes homographiques. La for­
mule d’une application homographique
az —J—b
L : w= cz-\-d (i)

contient quatre coefficients complexes a, b, c et d. Mais en fait


cette application ne dépend que de trois paramètres, car le numéra­
teur et le dénominateur de cette fraction peuvent être divisés par
l’un des coefficients non nuis. Donc il est naturel qu’une application
homographique transforme trois points donnés en trois points. Plus
exactement, on a le
Théorème 1. Pour tout triplet de points zx, z2, z3 Ç C distincts et
tout triplet de points w1? w2, w3 £ C distincts, il existe une application
homographique L et une seule telle que L (zk) = wk, k = 1, 2, 3.
► L’existence de l’application L s’établit facilement: construi­
sons des applications homographiques L x et L 2 transformant les
points z1, z2, z3 et wx, w2, w3 respectivement en les points 0, oo, 1
du plan £:
Z— Zx z3 — z2 j Y W— Wi w3 — w2
w .i ------------ • ------------------ ,
Z— Z2 Z3 — ZX
jL/9 I L, -— ----------------
W— W2 2
( )
“ W3 — Wi ’

l ’application
L = L"1o L i (3)
qui se détermine comme une fonction w = w (z) à partir de la re­
lation
z — zx z3 — z2 ____ w — w3 — w 2
Z— z2 z3— Zi W— W2 w3— Wi 9 (4)
est l’application cherchée. En effet, elle est homographique et trans­
forme les points zh en les points wh (k = 1, 2, 3).
*) Remarquons que tout cercle passant par w et w* et orthogonal à L (r)
est l ’image d’un cercle du faisceau {y}.
4*
52 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

Prouvons T unicité de cette application. Soit X, X (zh) = co^,


(k = 1, 2, 3) une application homographique. Considérons l’ap­
plication = L 2 o X o L ï1, où Lx et L 2 sont définies à l’aide des
formules (2). Il est évident que |x est une application homographique
laissant les points 0, oo et 1 invariants. De la condition p, (oo) = oo
il s’ensuit que \i est une fonction affine entière: p, (t) = a£ + (î;
or P = 0 et a = 1, puisque respectivement p (0) = 0 et p (1) = 1.
Donc p (£) = £, i.e. L 2 ©X o L~\ = E , d’où, en vertu des opérations
de groupe, X = o L x ou, en vertu de (3), X = L. 4
Remarque. Chaque point zh et wh figure deux fois dans la relation
(4), une fois au numérateur, une fois au dénominateur. Le lecteur
peut s’assurer que cette relation reste en vigueur si un point zk ou/et
un point wh est à l’infini: il faut seulement remplacer par l’unité
le numérateur et le dénominateur de la fraction contenant ce point.
Par exemple, si zx = w3 = oo, cette formule devient
1 z n — Z2 ______ W — Wi 1
z —z 2 1 w —w 2 1

Le théorème 1 est donc valable pour les points d’une surface fermée.
Le théorème prouvé et la propriété circulaire (n° 9) nous permet­
tent d’affirmer que tout cercle T de C peut être transformé par une
application homographique en un cercle T* (il suffit de trouver les
images de trois points de T et de se servir de la propriété circulaire).
Topologiquement il est clair que le disque B limité par T se trans­
forme en l’un des deux disques limités par T* (pour déterminer ce
disque, il suffit de trouver l’image d’un point quelconque z0 Ç B).
D’où l’on déduit sans peine que tout disque B cz C peut être trans­
formé par une application homographique en un disque 5* de C.
Une application homographique d’un domaine D sur un domaine
Z)* sera appelée isomorphisme homographique et les domaines D
et Z)*, homographiquement isomorphes. L’assertion ci-dessus peut
s’énoncer comme suit:
Théorème 2. Tout couple de disques de C sont homographiquement
isomorphes.
Trouvons à titre d’exemple tous les isomorphismes homogra-
phiques du demi-plan supérieur {Im z > 0 } sur le disque unitaire
{| w | < 1}. L’application du théorème 1 nous conduisant à une
formule peu élégante, nous allons procéder d’une autre manière.
Fixons le point a, Im a > 0, qui se transforme en le centre w = 0
du disque. L’image du point a symétrique de a par rapport à l’axe
réel est, en vertu du théorème 2 du numéro précédent, le point w =
= oo symétrique de w = 0 par rapport au cercle {| w | = 1}.
Mais une fonction homographique est définie à un facteur constant
§ 3] PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 53

près par les points dont les images sont 0 et oo ; donc l’application
cherchée doit être de la forme w = k
2 —a
Pour z = x, on a | z — a | = \ z — a \ \ donc pour que l’axe x se
transforme en le cercle unitaire, il faut prendre | k | = 1, i.e. k =
= ei0. Les isomorphismes homographiques du demi-plan supérieur
{Im z > 0} sur le disque unitaire {| w | < 1} sont par conséquent
définis par la formule
w = ei0 , (5)
z —a
où a est un point arbitraire du demi-plan supérieur et 0 un nombre
réel quelconque.
Les applications (5) dépendent de trois paramètres réels : de 0 et
des deux coordonnées du point a, image réciproque du centre du

disque. La signification géométrique de 0 est claire: puisque l’image


du point z = oo par l’application (5) est le point w = eie, la varia­
tion de 0 se réduit à une rotation du disque. La figure 16 représente
un réseau de coordonnées cartésiennes dans le plan z et son image
par l’application (5).
Un isomorphisme homographique d’un domaine sur lui-même
s’appelle automorphisme homographique. Il est évident que les
automorphismes homographiques d’un domaine forment un groupe
qui est un sous-groupe du groupe A des applications homographi­
ques.
L’ensemble des automorphismes de C est visiblement
confondu avec le groupe A. Il est évident aussi que l’ensemble des
automorphismes de C~> C est confondu avec le sous-groupe A0 des
transformations affines entières z-+- az + b (a ^ 0). Déterminons
en conclusion le groupe des automorphismes du disque unité.
54 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

Fixons l’antécédent a, | a | <C 1, du centre w = 0 du disque.


L’image du point a* = 1ia symétrique du point a par rapport au
cercle {|z| = 1} doit être le point w = oo ; l’application cherchée
doit donc être de la forme

w — k-
z—1/a 1 —az

où k et /q sont des constantes. Puisque z = 1 se transforme en un


point du cercle unitaire, on doit avoir | kx | = = | kx | = 1„
1—a

Fig. 17

i.e. kx = eie, où 0 est un nombre réel. L’application cherchée est


donc de la forme

u; = eid ——— . (6)


1 — az

D’autre part, il est évident que toute fonction de la forme (6),


où | a | < 1 et 0 est un nombre réel, réalise une application homo-
graphique du disque unitaire { | z | < C l } sur le disque unitaire
{ | w | <C 1}. La figure 17 représente l’image réciproque du réseau
de coordonnées polaires du plan w. Ce réseau est composé de deux
familles: d’arcs de cercle passant par les points a et a* = 1la
(image réciproque des rayons) et de cercles par rapport auxquels ces
points sont symétriques (image réciproque des cercles).
Nous avons ainsi déterminé le groupe des automorphismes
homographiques du disque unitaire. Ce groupe dépend de trois para­
mètres réels: des deux coordonnées du point a et d’un nombre 0.
§ 3] PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 55

gs Montrer que le groupe des automorphismes homographiques


du demi-plan supérieur H = {Im z > 0} est composé des applica­
tions
az-\-b
w cz-{-d x
où a, b, c et d sont des réels tels que ad — bc > 0. $
11. Un modèle de géométrie de Lobatchevski. En 1882 H. Poin­
caré a proposé un modèle de géométrie de Lobatchevski basé sur les

Fig. 18

propriétés des applications homographiques *). Décrivons ce modèle


dans ses grandes lignes.
Appelons points de Lobatchevski ou, plus brièvement, A-points
les points du disque unitaire U = {| z | < 1}, et A-droites, les
arcs de cercle appartenant à P c C et orthogonaux à dU. Parfois
il sera plus commode d’envisager à la place de U le demi-plan supé­
rieur H = (Im z > 0} et les A-droites seront alors des arcs de cercle
orthogonaux à l’axe réel d H : le second modèle s’obtient à partir du
premier par une application homographique de U sur H (fig. 18).
On démontre de façon élémentaire que par deux A-points distincts
il passe une A-droite et une seule (il est plus avantageux d’utiliser
le modèle sur le demi-plan ; cf. fig. 18, b) et on vérifie sans peine les
autres axiomes de connexion. L’ensemble des A-droites est muni
naturellement d’un ordre total (cet ordre est confondu avec l’ordre
euclidien), il est justiciable de l’axiome de Pasch (toute droite ne
passant pas par un sommet d’un triangle et rencontrant un côté
rencontre nécessairement un autre côté): les axiomes d’ordre sont
donc confondus avec ceux de la géométrie euclidienne.
Cependant on voit immédiatement (cf. fig. 18, a) que l’axiome
euclidien de parallélisme est mis en défaut dans nos modèles: par
*) Poincaré fut décoré de la médaille de la société de physique et de
mathématiques de Kazan pour ce modèle en 1904.
56 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

un A-point z extérieur à une A-droite Z on peut mener une infinité


de A-droites ne rencontrant pas Z. De telles A-droites recouvrent
tout un secteur limité par les A-droites passant par z et tangentes
(au sens euclidien) aux points euclidiens de T intersection de Z
avec dU ou dH\ ces A-droites frontières s’appellent A-parallèles
à Z (elles sont représentées en pointillé sur la figure 18, a). Donc ces
modèles sont justiciables de l’axiome de parallélisme de Loba-
tchevski.
Sans nous attarder sur la vérification des axiomes des autres
groupes (ces axiomes sont tous confondus avec les axiomes euclidiens)
indiquons seulement que les mouvements dans nos modèles sont des
automorphismes homographiques respectivement du disque U ou
du demi-plan H . Les mouvements conservent les A-droites (pro­
priété circulaire des applications homographiques) ainsi que les
angles euclidiens qu’elles font. Ces angles seront par définition
pris pour angles de Lobatchevski.
Introduisons maintenant la métrique de Lobatchevski. Remar­
quons tout d’abord que le birapport des quatre points

est aussi invariant par les mouvements (ceci résulte de la formule (4)
du numéro précédent). Ce birapport est réel lorsque les quatre points
sont situés sur un même cercle euclidien (le birapport étant inva­
riant par toute application homographique, on peut traiter un cercle
comme une droite euclidienne, or, cette proposition est évidente pour
ce cas). En particulier, il est réel et même > 1 si a et P sont les
points d’intersection de la A-droite Z avec dU ou dH, et z,, z2, des
points situés sur Z dans l’ordre a, Zj, z2, (3. Puisque deux A-points
z1 et z2 distincts définissent la A-droite qui passe par eux, les points
a et p sont définis par le choix de z1 et z2 et l’on peut écrire
(z1; z2 ; a, p) = (Zj, z2}. (2)
Un calcul direct nous montre que si des A-points z11 z2 et z3 sont
situés sur une même A-droite dans l’ordre a, z1? z2, z3, p (a et P
représentent toujours les « extrémités » de la A-droite), alors
{zi, z2}-{z2, z3} = {zj, z3j et par suite
ln {zl9 z2} + ln {z2, z3} = ln {z1? z3). (3)
Il est donc naturel de prendre pour distance de Lobatchevski des
A-points Zj et z2 la quantité ln {z1? z2} qui est positive (puisque
{zi, z2} > 1) et invariante par les A-mouvements:
P (zi, z2) = ln {zi, z2}- (4>
Calculons cette quantité pour le modèle dans le disque U. Si
zx = 0 et z2 = r > 0, alors de toute évidence a = — 1, P = 1 et
§ 3] PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 57

d’apres la formule (1)


z2} == (Zj, î -1 , r+1 1+ r
r—1 # — 1 1— r ‘
Une rotation par rapport à z — 0 étant un A-mouvement, on a pour
tout z Ç £/\{0}
P ü(0, Z) = ln{0, z} = l n i ± £ j - . (5)
Le cas général de A-points zi et z2 distincts se ramène à celui-ci
par le A-mouvement z ->■ - z~~.Zl , donc
1—ZiZ
1+
zi ~ z2
1 —ziz2
Pu (zn z2) = ln Z1 — z 2
(6)
1-
1—Z^2
De façon analogue, pour le modèle dans le demi-plan supé­
rieur H on a
Z1 — z 2 '
1+
Z1 — z 2
PH (ZV z2) = ln Z 1 — Z2
(7)
1 —

Z1 — z 2

La distance de Lobatchevski satisfait aux axiomes ordinaires:


1) positivité: p (zx, z2) ^ 0 , l’égalité n’ayant lieu que pour
Z1 =
2) symétrie: p (zl9 z2) = p (z2, zx),
3) inégalité triangulaire: p (zl5 z2) + p (z2, z3)]> p (zlt zs). Les
deux premiers axiomes sont évidents, quant à f inégalité triangulaire
par exemple dans U, il suffit de la vérifier pour le cas où z1 = 0,
z2 = a > 0 et z3 = z est un point arbitraire (le cas général se ramè­
ne à celui-ci par un A-mouvement). On a alors
z —a
1—
1+ a , , 1— \ z \ , 1 — az
ln — L i n - -1 - f | z | >
1— a ^
ln- z —a
1+
1 —az
En chassant les logarithmes et en ajoutant 1 aux deux membres on
ramène par des transformations simples cette inégalité à la suivante :
| z | —a ^ I z —a
1 — a \z\ ^ 1 1 — az (8)
Pour | z |j ^ a, elle est triviale, car son premier membre est ^ 0.
Reste donc à envisager le cas où | z | > a. Le premier membre de (8)
prend la valeur constante K = sur le cercle = {£:| £ | =
58 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

= z), et puisque (8) se transforme en égalité pour tout z réel > a,


son second membre prend la même valeur X sur le cercle y2 =
= {£: | 1 t a n g e n t à y1 en £ = | z |. Le point z est
extérieur à y2, donc le second membre de (8) e s t ^ X en z et l’inéga­
lité (8) est prouvée.
Si l’un des points zl7 z2 est fixe et l’autre tend vers dU ou dH, on
voit alors sur les formules (6) et (7) que p (zx, z2)->- oo. Donc les
points de dU et dH peuvent être traités comme les points à l’infini
(les points impropres) du plan de Lobatchevski ; l’ensemble de ces
points, i.e. le cercle dU ou l’axe réel dH, s’appelle Y absolu.
En posant zx = z, en prenant z2 assez proche de z, i.e. z2 = z +
+ dz, et en mettant en évidence dans p (z1? z2) la partie ds linéaire
par rapport à | dz |, on obtient respectivement à partir des mêmes
formules (6) et (7)
d^ = T —fJ|2 ’ c,,9« = 4Im
^ Tz ’- (9)
On voit que les différentielles des longueurs d’arcs pour les métri­
ques de Lobatchevski et d’Euclide sont proportionnelles et ceci
entraîne, comme on le sait du cours de géométrie, l’identité des
angles pour ces métriques. C’est ainsi qu’on justifie la convention
adoptée plus haut sur les angles de Lobatchevski.
Citons deux faits de la géométrie élémentaire de Lobatchevski.
1. Aire d’un polygone. Considérons le modèle sur le demi-plan;
l ’aire A d’un polygone de Lobatchevski II est en vertu de la formu­
le (9) égale à

n ii
(on s’est servi du fait que d’après la règle de différentiation d ( ~ ) —
= — - f /\ dx = D’après la formule de Stokes, A =
p d3/
= \ — , où dû, la frontière du polygone, est composée de seg-
an
ments de A-droites, i.e. d’arcs de cercles (x — av)2 + y2 = r2v dont
les centres sont situés sur l’axe réel (v = 1, . . ., n). Sur le v-ième
côté on peut prendre 0V = Arg (z — av) pour paramètre et alors
x — av = rv cos 0, y = rv sin 0 et dx/y = — d0v. Donc
l ’intégrale étendue à ce côté est égale à — A0V (à l’accroisse­
ment sur ce côté du paramètre 0V, pris avec le signe contraire) et
l’aire A est égale à la somme des — A0V sur tous les côtés *). Or
*) Si le v-ième côté est un segment de droite, on a dx = 0 sur ce côté et
l ’on convient alors que A0V = 0.
§ 3] PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 59

A0V est égal à l’angle dont tourne la tangente lorsque le v-ième


côté de II est parcouru dans le sens positif; au sommet A v la tan­
gente tourne d’un angle pv = j i a v, où a v est l’angle en A v et la

tangente tourne au total de 2n lorsque dU est parcourue dans le sens


positif (fig. 19). Donc 2 A9V + 2 Pv = d’où l’aire
V=1 V— 1
cherchée
A= — 2 2 A 0V= (7 2 — 2 ) j i — 2 a., (10)
V=1
V=1 V=1
On voit qu’en géométrie de Lobatchevski l’aire d’un polygone
ne dépend pas de la longueur de ses côtés et n’est définie que par
les angles! En particulier, l’aire d’un
triangle de Lobatchevski est égale à
n — («i + a 2 + a 3) *).

2. Théorème de Pylhagore—Loba­
tchevski. Utilisons le modèle sur le dis­
que ; sans perdre en généralité on peut
admettre que le sommet de l’angle droit
du triangle se trouve en z = 0 et les
autres en z — a et z = i$, p > 0 (on se
ramène à ce cas par un mouvement de Fig. 19
Lobatchevski). D’après la formule (6)
les A-longueurs des côtés et de l’hypothénuse sont respectivement
égales à
i*P
1+ a 1+ 1—taft
ln 1—a c = ln-
6 = ‘" w 1— 1a——iP
-iap
D’où, en vertu d’une formule connue d’analyse pour les fonctions
hyperboliques (cf. aussi n° 14 plus bas),
a2 + p2
a = th , P=thA, l + a2p2 (11)

Utilisons maintenant l’expression de ch x en fonction de th (æ/ 2),


expression qui est identique à une formule classique de trigonométrie
1“h th.2
cil x = ------------- .

*) On sait que l ’assertion que la somme des angles d’un triangle est égale
à ji, si les autres axiomes sont satisfaits, est équivalente à l ’axiome de parallé­
lisme.
60 FONCTIONS HOLOMORPHES fCH. I

Compte tenu de (11), cette formule nous donne


(l + g2)(l + p«)
cli c = ( 1 - a 2) (1—p2) = ch a cli b
et l’on obtient la relation cherchée ch a ch b = ch c.
Signalons que ch x æ 1 + x2 pour les petits x , donc si les côtés
du A-triangle rectangle sont petits, alors (1 + a2) (1 + b2) « 1 + c \
d’où a2 + b2 æ c2 avec la même précision. Ceci traduit un fait
connu : la géométrie de Lobatchevski est localement identique à celle
d’Euclide.
Arrêtons-nous encore sur la classification des A-mouvements pour
le modèle sur le disque, i.e. sur les transformations de la forme
L: \a\ < 1. (12)
1 —a z
Cette classification est basée sur les points fixes de la transformation
(12) qui se déterminent à partir de l’équation L (z) = z, i.e.
az2+ 2i sin-^- • eia/2z —aeîa = 0 *) (13)
et qui pour a=£ 0 sont égaux à

Zi,2= -e -/ ( i s \a\2 — sin2 — ) . (14)

Le produit des modules des racines de l’équation (13) étant égal


à 1, trois cas peuvent se présenter:
I. Un point fixe, par exemple zx, est à l’intérieur de U, l’autre.
22, à l’extérieur (| a \ < sin — ). Puisque ici Arg zx = Arg z2 et
\ z1 \ • | z2 | = 1, les points zx et z 2 sont symétriques par rapport
à dU; soient zx = z0 et z 2 = z*. Dans le plan £ = z~ z
z°4 à la
transformation (12) est associée une transformation dont les points
fixes sont 0 et oo, i.e. une transformation de la forme k t,. Mais
puisque l’image de dU est un cercle centré en £ = 0, et que ce cercle
est invariant par le mouvement, on a k = ei(p et notre mouvement
est de la forme
w %- = e*>
w — zJ z — zJ (15)
Ce mouvement s’appelle A-rotation autour du A-point 20; les
trajectoires sont des A-cercles de A-centre z0. Ce sont aussi des cer­
cles pour la métrique de Lobatchevski centrés en z0 et des cercles pour

*) On s’est servi de la relation eî(X/2 —e îa/2 = 2i sin .


§ 3) PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOMOGRAPHIQUES 61

la métrique euclidienne par rapport auxquels z0 et z* sont symétriques


(cf. fi g. 20, a). On peut aussi inclure ici le cas a = 0 lorsque z = 0
et la A-rotation est une rotation euclidienne.
II. Deux points fixes distincts £lt2 = e*01’2 sont sur l ’absolu
(|£| > |sina/2|). Le mouvement est alors de la forme
£l _ y z— gt
(16)
w— t2 z— £2

et de plus la condition de conservation de l’absolu dU équivaut à la


condition h > 0 (une dilatation dans le plan £ = Ce
mouvement qui laisse invariante la A-droite qui coupe l’absolu
h

Fig. 20

aux points £j et £2 s’appelle A-translation le long de cette A-droite.


Les trajectoires de ce mouvement s’appellent équidistantes (lieux
géométriques des points équidistants, pour la métrique de Loba-
tchevski, de la A-droite le long de laquelle a lieu la translation).
Les équidistantes comme il est aisé de le voir sont des arcs de
cercles euclidiens passant par les points £j_ et £2 mais non orthogo­
naux à <9i7, donc ce ne sont pas des A-droites. On les appelle aussi
hypercycles (cf. fig. 20, b).
III. Un point fixe £0 = eie est sur l’absolu (| a | = [sin a/2 |).
En passant au plan £ = — p-, on s’assure que le mouvement est
2 bn
de la forme
1 (17)
Z— £0
a,
w— £0

où a est un nombre complexe dont l’argument est choisi de telle


sorte que l’absolu soit invariant (dans le plan £ à ce mouvement
est associé la translation euclidienne le long de la droite image de
l’absolu). On l’appelle translation limite de Lobatchevski. Ses trajec­
toires sont des horicycles, i.e. des cercles euclidiens dans U tangents
a l’absolu au point fixe £0 (cf. fig. 20, 6).
62 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

§ 4. Fonctions élémentaires
12. Quelques fonctions rationnelles. 1. Fonction puissance. La
fonction puissance
* = (1 )
où n est un entier naturel, est holomorphe dans le plan C tout entier.
Sa dérivée = nz71' 1, n > 1, est non nulle pour tout z =^= 0, donc
l’application (1) pour n > 1 est conforme pour tout z Ç C \{0}. En
représentant (1) en coordonnées polaires z = rei(p, w = pei(P, soit
p = rn, i p = # iq > , (2 )
on constate que la transformation associée à la fonction (1) augmente
de n fois les angles de sommet z = 0 et donc n’est pas conforme en
ce point (qui est critique).

Sur (2) on voit également que tout couple de points zx et z2 de


même module et d’arguments différant d’un multiple de 2nIn, i.e.
| Zi l =| z 2|, Arg Zj = Arg z2+ k (3)
(et ces points seulement) admettent la même image w par l’appli­
cation (1). Donc cette application n’est pas injective pour n > 1
dans C. Pour qu’elle le soit dans un domaine D a C, il faut et il
suffit que D ne contienne aucun couple de points zx, z2 distincts liés
par les relations (3) *).
Comme exemple de domaine dans lequel l’application (1) est
injective, citons le secteur D = {0 < Arg z < 2 n/n}. L’image de
ce secteur par une application homéomorphe est le domaine D* =
= {0 < Arg w < 2 ji), i.e. le plan w privé du demi-axe positif. La
*) Le domaine dans lequel l ’application (1) est injective pour n > 1 ne
peut contenir le point z = 0, car tout voisinage du point z = 0 contient des
points distincts liés par les relations (3).
§ 4] FONCTIONS ÉLÉMENTAIRES 63

figure 21 nous montre comment se transforment les coordonnées polai­


res par cette application.
Si l’on rapporte comme précédemment le plan z aux coordonnées
polaires z = reifp, et le plan w, aux coordonnées cartésiennes w =
= u + iv, l’application (1) se représente par les deux relations
suivantes :
u = r11 cos n <p, v = rn sin racp. (4)
La figure 22 représente l’image réciproque des coordonnées cartésien­
nes du plan w par cette application. Cette image est composée de

11
-a. I
TM n
a
.......... ** m w ,
VVa/ A v / /

| (w = Z5)

Fig. 22

courbes d’équations polaires r = n/ u 0/cos ncp (en pointillé), r =


= 7j/rv0/sin ncp (en traits pleins). Pour n = 2, on obtient des
hyperboles ordinaires x2 — y2 = u0 (en pointillé) et 2xy = v0 (en
traits pleins). L’application étant conforme, le réseau est orthogonal,
i.e. les courbes en pointillé sont orthogonales aux courbes en traits
pleins.
2. Fonction de Joukovski. C’est ainsi qu’on appelle la fonction
rationnelle.

w ==t
( z+ t ) ' (5)
holomorphe dans le domaine C \{ 0 }. Sa dérivée

est différente de 0 pour tout z =£ ± 1 de ce domaine. L’applica­


tion (5) est donc conforme en tout point fini z=£ 0, ± 1. L’image de
z = 0 est le point w = oo et la conformité en ce point résulte, en
64 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

vertu de la définition de T angle à l’infini adoptée au n° 6, du fait


que la dérivée
d / 1 \ 0 1 - z *
dZ \ W ) ( 1 — Z2)2

est =7^=0 pour z = 0. Aux termes de cette même définition, la con­


formité de l’application w = f (z) au point z = oo équivaut à celle
de l’application w = f (Hz) au point z = 0; mais dans le cas de la
fonction de Joukovski, / (z) = f (Hz) et l’application (5) est conforme
en z = oo d’après ce qui vient d’être prouvé. On verra plus bas que
l’application (5) n’est pas conforme aux points critiques z = ± 1.
Voyons maintenant sous quelles conditions la fonction de Joukov­
ski est injective dans un domaine D . Supposons qu’elle donne la
même image de points zx et z2. Alors

z‘+v_(Z2+^)=(Zi~Z2)(1 “ ^r) = 0
et zxz2 = 1 pour z1 =£ z2. Donc une condition nécessaire et suffisante
pour que la fonction de Joukovski soit injective dans un domaine D
est que D ne contienne aucun couple de points zL, z2 tels que *)
Z1Z2 = 1- (6)
Un exemple d’un tel domaine D est l’extérieur du disque unitaire*
i.e. le domaine D = {z 6 C :| z | > 1}. Pour représenter l’applica­
tion (5) de façon suggestive, posons z = rei<pf w = u + iv et met­
tons (5) sous la forme
u = — ( r + -^-) c o s <p, t?= 4 - ( r — 7 ") sincp. (7)

On voit sur ces relations que la fonction de Joukovski trans­


forme le cercle {| z | = r0}, r 0 > 1 en ellipses de demi-axes
flr» = y ( r° + ;r) et &r» = T ( r° — et de f°yers ± 1 (car
al0 — b$n = l pour tout r0). Ces ellipses sont représentées par des
lignes pleines sur la figure 23; lorsque rQ-+ 1, on a 6ro-> 1 et les
ellipses se transforment en le segment [— 1, l]cz R; pour rQgrand,
la différence aTo — bVo = l / r 0 est petite et les ellipses diffèrent
peu d’un cercle. Les images des rayons {<p = <Po> 1 < r < °°} sont
des portions d’hyperboles cQg2—---- sin2(p" = ^ ^e m®mes f°Yers
Hz 1 (les lignes en pointillé de la figure 23). L’application étant
conforme, la famille de ces hyperboles est orthogonale à la famille
d’ellipses décrite plus haut.

*) Le domaine dans lequel la fonction de Joukovski est injective ne peut


pas contenir les points ± 1, car tout voisinage de ces points renferme des points
distincts liés par la relation (6).
« 4] FONCTIONS ÉLÉMENTAIRES 65

La fonction de Joukovski réalise donc une application conforme


et injective de l’extérieur du disque unitaire (y compris le point
à l’infini) sur la partie de l’axe réel extérieure au segment [—1, 1].

( W= \ ( Z + - ) )

Fig. 23

L’application (5) n’est pas conforme aux points z = ± 1. Le


meilleur moyen pour s’en assurer est de la mettre sous la forme
W— 1 / z — 1 \2
w + 1 \ z + 1/ (8)
(on s’assure par un calcul simple de l’identité des formules (8) et (5)).
L’application (5) est donc la com­
posée des applications
z —1 1 + CD
L û>=£2,: W- i — CO
z+ 1

(9)
(la dernière application est la
réciproque de = co). La pre­
mière et la troisième application
(9) sont homographiques, donc
conformes sur C d’après ce qui a été démontré au n°8; l’application
co = double les angles aux points Ç = 0 et £ = oo auxquels sont
associés les points z = ± 1- Donc la fonction de Joukovski double
les angles en ces points.
En se servant de la décomposition (9) le lecteur peut s’assurer que
la fonction de Joukovski est une application injective conforme de
l’extérieur du cercle y représenté sur la figure 24 (ce cercle passe
par les points ± 1 et fait un angle a en ces points avec l’axe réel)
5-0714
66 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. 1

sur l’extérieur d’un arc de cercle d’extrémités ± 1 faisant au point


w = 1 un angle de 2a avec l’axe réel *).
On peut s’assurer également que les cercles tangents extérieure­
ment à 7 en l’un des points ± 1 se transforment par cette application
en courbes fermées présentant une pointe caractéristique rappelant
le profil d’une aile d’avion (cf. fig. 24). Cette remarque a permis
à N. Joukovski (1847-1921) d’élaborer la première méthode de calcul
aérodynamique des ailes.
13. Exponentielle. La fonction ez se définit par la même limite
qu’en analyse réelle:
ez = lim ( 1 + )n • (1)
71-+OC ' n >
Montrons que cette limite existe pour tout z Ç C ; à cet effet,
posons z = x + iy et remarquons que d’après les règles d’exponen­
tiation

i(i + T ) i = ( i + - + ^ i r .
Aie ( 1 + T r = n Arc ‘«T T ÏM **'
D’où l ’on voit qu’existent

IL” K1 +t)Î= ““ Al*( 1 +T)”“»■


donc la limite (1) qui s’écrit sous la forme polaire:
e x + i y _ e x (COs y I s [n y y (2 )

Donc
|e2| = e Rez, Argez —Im 2. (3)
En faisant x = 0 dans (2), on obtient la formule cTEuler
e'v = cos y + i sin y, (4)
dont on a fait fréquemment usage. Mais si jusqu’ici on s’est servi du
symbole ei2/ pour abréger la notation du second membre, dorénavant
on le comprendra comme la puissance imaginaire du nombre e.
Enumérons les principales propriétés de la fonction exponentielle.

*) Le cas a = jt/2 a déjà été traité plus haut par un autre procédé.
**) Pour n assez grand, le point 1 + — est situé dans le demi-plan de
n
droite et les valeurs de Arg 1 -|—— et Arc tg sont prises dans l’intervalle
]—ji/2, n/2[.
§ 4] FONCTIONS ÉLÉMENTAIRES 67

1° La fonction ez est holomorphe sur le plan C. En effet, en posant


e2 = u + iv, on déduit de (2) que u = ex cos y, v = ex sin y ; les
fonctions u et v sont R-différentiables sur C et les conditions de
C-différentiabilité
du dv du dv
dx dy
= e x cos y, dx
e* sin y
dy
sont satisfaites sur C.
Donc la fonction (1) est le prolongement holomorphe de la fonc­
tion exponentielle réelle e* de l’axe R1 au plan C tout entier. On
montrera plus bas (n° 22) que ce prolongement est unique.
2°. La fonction ez est justiciable de la formule ordinaire de dériva­
tion. En effet, la dérivée, si elle existe, peut être calculée suivant
l’axe x. Donc
(ez)' == — (ex cos y + iex sin y) = ez. (5)
La fonction exponentielle ne s’annule pas, car | ez | = e* > 0,
donc (ez)' ^ 0 et l’application w = ez est conforme en chaque
point de C.
3° La fonction ez est justiciable du théorème ordinaire d'addition
0Zi+z* = e*i. ez*. (6)
En effet, en posant zk = xh + iyk (k = 1, 2) et en se servant des
formules d’addition des fonctions trigonométriques et exponentielle
réelles, on obtient
e*i (cos z/4+ i sin z/4) ex*(cos y2+ i sin y2) =
= e*«+** {cos (yj + y2) + i sin (ÿ4+ y2)}.
Donc l’addition des nombres complexes zx et z2 se ramène à la
multiplication de leurs images ezi et eZ2. En d’autres termes, la
fonction exponentielle ez transforme le groupe additif du corps des
complexes en le groupe multiplicatif de ce même corps:
zi z2-*-ez'-ezz. (7)
4° La fonction ez est périodique de période principale imaginaire
2ni. En effet, puisque e2îti = cos 2ji + î sin 2n = 1, le théorème
d’addition nous donne pour tout z Ç C
0 Z + 2 jt i _ _ q Z #0 2 j ï i 0Z

Supposons par ailleurs que ez+T = ez; une multiplication des deux
membres par e~z nous donne eT = 1 d’où, en posant T = Tx +
+ i f 2x on obtient eT* (cos T2 + i sin T2) = 1. Mais alors e1 = 1,
i.e. Tx = 0 et cos T2 = 1, sin T2 = 0, i.e. T2 = 2nn, où n est un
entier naturel. Donc T = 2nni et 2ni est bien la période principale.
5*
68 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

Ce raisonnement nous montre aussi qu’une condition nécessaire


et suffisante pour que l’application w = ez soit injective dans un
domaine D est que celui-ci ne contienne aucun couple de points liés
par la relation
Zi — z2 = 2nni (n = ± 1, ± 2 , . . .). (8)
La bande {0 < Im z < 2ji) est un tel domaine. En posant z =
= x + iy et w = pe1^, on peut, compte tenu de (3), mettre l’appli­
cation w = ez sous la forme
p = e*, t|>= y. (9)
D’où l’on voit que cette application transforme les droites {y = y0}
en rayons = i/0} et les segments {x = x 0, 0 < y < 2jt} en

cercles pointés {p = exo, 0 <1 op <C 2xt} (fig. 25). La bande (0 <
< y < 2it} se transforme donc en le plan w privé de l’axe positif.
La bande deux fois plus étroite {0 < y < Jt} se transforme, elle,
en le demi-plan supérieur Im w > 0.
14. Fonctions trigonométriques. D’après la formule d’Euler
pour x réel eix = cos x + i sin x , e~ix = cos x — i sin x , d’où
Qix^Q-ix eix —e *x
cos x 2
sin x 2i
Ces formules peuvent être utilisées pour prolonger de façon liolo-
morphe cos z et sin z en posant par définition pour tout z Ç C
eiz + e-*z sin z
ei z —e~iz
cos z 2 2i (i)

(l’holomorphie des seconds membres pour tout z g C est évidente).


§ 4] FONCTIONS ÉLÉMENTAIRES 69

Toutes les propriétés de ces fonctions découlent de cette défini­


tion et des propriétés correspondantes de la fonction exponentielle.
Ces fonctions sont toutes deux périodiques, de période principa­
le 2jx (la fonction exponentielle est de période 2ju et les formules (1)
contiennent un facteur en z qui est égal à i), le cosinus est une
fonction paire, et le sinus, impaire. Ces deux fonctions sont justicia­
bles des formules ordinaires de dérivation
eiz —e-iz
(cos z) = i ----- 2------= —sin z î

de même (sin z)' = cos z. Sont également valables les formules


telles que
sin2z + cos2z = 1, cosz = sin (z + -rr ) ?
les théorèmes d’addition, etc. ; le lecteur les déduira sans peine des
formules (1).
Les fonctions trigonométriques d’une variable complexe sont
étroitement liées aux fonctions hyperboliques qui pour tout z £ C
sont définies par les formules ordinaires
! ez-f-e~z x ez—e~z /ox
ch 2 = ---- ^----- » sh z = ---- Ty---- . (2)

Ce lien s’exprime par les relations


ch z = cos iz, sh z = — i sin iz, ,o\
cos z = ch iz, sin z = — i sh iz, ' '
qui s’obtiennent à partir des formules (1) et (2).
Le théorème d’addition et les formules (3) nous donnent
cos (x + iy) = cos x ch y — i sin x sh y,
d’où
|cos z \ = y cos2 x sh2y (4)
(on s’est servi des identités sin2# = 1 — cos2 x et ch2 y — sh2 y = 1).
Ces formules permettent de construire le relief du cosinus (cf. fig. 26).
Etudions encore à titre d’exemple la transformation de la demi-
bande D = {— ji/2 < x < J t / 2 , y > 0} par la fonction w = sin z.
En représentant cette application comme la composée des applica­
tions

que l’on connaît déjà, on s’aperçoit alors que w = sin z est une
application injective (et conforme) de la demi-bande D sur le demi-
70 FONCTIONS IiOLOMORPHES [CH. I

plan supérieur. La figure 27 représente la correspondance des lignes


par cette application : les images des rayons {x = x 0, 0 < y < o o }
sont des portions d’hyperboles du demi-plan supérieur de foyers ± 1,
celles des segments {— jt/2 < x < ji/2, y = y 0}, des portions d’elli­

pses de mêmes foyers. On voit sur cette figure que le sinus prend des
valeurs réelles de module > 1 sur les bords verticaux de la demi-
bande.
La tangente et la cotangente se définissent à l’aide des formules
sin z cosz
t gz = cos z ’ cotg z = sin z (5)
et s’expriment rationnellement en fonction de l’exponentielle:
. eiz—e~iz . . eiz+e~iz
ciz+e. r r , c o tg z = t eiz_ e-u • (6)
Ces fonctions sont holomorpbes partout dans C à l’exception des
points en lesquels les dénominateurs des fractions (6) s’annulent (les
numérateurs sont différents de zéro en ces points). Déterminons ces
points par exemple pour cotg z. On a sin z = 0, i.e. eu = e“u;
FONCTIONS ÉLÉMENTAIRES 71

d’où en vertu de la condition (8) du n° 13 on trouve que 2iz = 2mjt,


z — 72jc (n = 0, ± 1 , . . .) *).
Dans le plan complexe la tangente et la cotangente sont périodi­
ques de période réelle jx et sont justiciables des formules usuelles de

dérivation et trigonométriques : toutes ces assertions s’obtiennent


sans peine à partir des formules (6).
La formule (4) et la formule identique du sinus nous donnent

<7 >

La figure 28 représente le relief de la tangente. Ce relief présente des


pics nettement prononcés au-dessus des points z = - + nn (n = 0,
dh 1, . . .) en lesquels l’holomorphie de la tangente est violée.
Les transformations associées aux fonctions w = tg z et w =
= cotg z sont les composées de transformations déjà connues.
Par exemple, w = tg z est la composée des applications :
zi = 2iz, zz — e*«, w= —i

*) Nous avons montré que le prolongement holomorphe du sinus dans le


plan complexe ne fait pas apparaître de nouveaux points en lesquels il s’annule.
72 FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I

Cette fonction est une application injective et conforme de la ban­


de {—n/A<Cx < j i / 4 } sur l’intérieur du disque unitaire. Elle trans­

it = tg z)

Fig. 29

forme les droites {x = x 0} en arcs de cercle passant par les points


± i et les segments {—jr/4 < x < j i / 4 , y = y 0) en arcs de cercle
par rapport auxquels ces points sont symétriques (fig. 29).

Exercices
1. Soit l’ensemble des vecteurs plans z = (x, y) muni de la
manière usuelle de l’addition et de la multiplication par un scalaire
(un nombre réel) ; en identifiant les nombres réels aux vecteurs de la
forme (x, 0), on peut alors représenter chaque vecteur sous la forme
z = x + iy , où par définition i = (0, 1). Définissons le produit de
deux vecteurs zx = xx + iyx et z2 = x 2 + iy2 autrement que pour
les nombres complexes, plus exactement, posons:
z1 * z2 = X x X 2 + î/iI/2 + i ( * 1 0 2 + * 2 */l)
(nous multiplions les binômes xx + iyx et x 2 + iy2 algébriquement
en remplaçant i2 par 1). Appelons un tel système système (H) des
nombres hyperboliques.
a) Montrer que (H) est une algèbre commutative à diviseurs de
zéro et trouver le lieu géométrique de ces diviseurs.
b) Soit z = x — iy ; il est alors naturel d’appeler module de z
le nombre || z || = Y \ z * z |. Trouver le lieu géométrique des
points z tels que \\z || = 1 . Montrer que lorsqu’on multiplie des nom­
bres complexes hyperboliques, leurs modules se multiplient. Montrer
que la condition || z || = 0 est nécessaire et suffisante pour que z
soit diviseur de 0.
* 4] FONCTIONS ÉLÉMENTAIRES 73

c) Pour z2 tel que z2 =^= 0 et tout z1 définissons le quotient par


la formule
* _ *1 * *2 .
^1 * ^2 —
Z<i *="“
Zo »
Montrer que (z1 * z2) * z2 = zl9
d) Soit w = f (z) = u + iv. On appellera dérivée hyperbolique
de la fonction f (z) la limite (si elle existe)
f (z) = lim Aw%Az.
Az-*- 0
Il Az || ¥= 0

Montrer qu’une condition nécessaire et suffisante d’existence de


cette dérivée pour les fonctions de classe C1 dans un domaine est que
du dv du __ du
dx d\j ’ dy dx

dans ce domaine.
e) Déterminer le relief des applications w = z * z et w = 1 * z
(une correspondance de réseaux de coordonnées convenablement
choisis).
f) Posons par définition e* = e* (ch y + i sh y) et sin^z =
= sin x cos y + i cos x sin y . Comparer ces fonctions à une fonction
exponentielle et à un sinus ordinaires et déterminer le relief des appli­
cations associées.
2. Montrer que
a) si des points ziy . . . , zh sont situés d’un même côté d’une
n
droite passant par z = 0, alors 2 zk ¥= 0 î
k=\
n
b) si 2 2 ^ = 0 , les points {zk} ne peuvent être situés d’un
k= i
même côté d’une droite passant par z — 0.
n
3. Etant donné un polynôme P (z) = j [ (z — ak)y montrer que
k=i
n
toutes les racines de la dérivée P' (z) = 2 II (z ~~aj) appartien-
h= 1j^h
nent à l ’enveloppe convexe des racines {ak} de P (z).
4. Montrer que l ’ensemble des points d’accumulation de la
n
suite an = JJ tz=1, 2, . . . , est un cercle.
h= 1
5. Montrer que pour toute série semi-convergente à termes com­
plexes il existe une droite l £ C telle que pour tout point s £ l il
existe une permutation de cette série convergeant vers s. (Générali-
74 FONCTIONS IIOLOMORPHES [CH. I

sation du théorème de Riemann sur les séries semi-convergentes


à termes réels.)
6. Soit P (z, z) = 2 cmnz V un polynôme dont un coeffi-
m ,n
cient cm, n au moins est non nul pour 1. Montrer que l’ensem­
ble des points de C-dérivabilité de P n’est nulle part dense dans C.
7. Soit / = u + iv une fonction admettant des dérivées partielles
continues au voisinage d’un point z0 £ C. Montrer que la condition de
C-dérivabilité de / en z0 peut être mise sous la forme suivante, plus
générale que (12) : pour un couple de directions s et n, où n se déduit
de s par une rotation de n/2 dans le sens direct, les dérivées en z0
suivant ces directions sont liées par les relations
du du du __ du
âs dn 9 dn âs
En particulier, en coordonnées polaires r et 0 les conditions de
C-dérivabilité s’écrivent
du __ 1 du 1 du __ du
dr r dQ ’ r d0 dr m

8. Le mouvement d’un point z est régi par la loi z = reu, où r


•est une constante et t le temps. Trouver la vitesse du point w =
= / (z), où la fonction / est holomorphe sur le cercle { | z | = r}.
(Réponse: iz f (z).)
9. Soit / une fonction holomorphe sur le disque {| z r} telle
que /' (z) =/= 0 sur le cercle y = {| z | = r}. Montrer que pour que
l’image / (y) soit convexe, il faut que Re +1^0. ^Indi­
cation: envisager la condition de convexité d’abord sous la
forme ^ ( y + <P + Arg f (re**)) > Oj.
10. Trouver la forme générale des applications homographiques
associées à une rotation de la sphère de Riemann par rapport à deux
points diamétralement opposés.
( Réponse : ).
' 1 -{-aw 1 -\-az I
11. Lesquelles des propositions suivantes de la géométrie eucli­
dienne sont valables pour la géométrie de Lobatchevski :
a) la bissectrice d’un angle est équidistante de ses côtés;
b) tout triangle est inscriptible ;
c) dans tout triangle on peut inscrire un cercle;
d) les trois hauteurs d’un triangle se rencontrent en un point;
e) les trois bissectrices d’un triangle se rencontrent en un point.
12. La distance entre deux hypercycles d’extrémités communes
est-elle constante? Même question pour deux horicycles tangents.
$ 4] FONCTIONS ÉLÉMENTAIRES 75

13. Soient données une A-droite Z0 et une A-droite Z parallèle


à Z0 et passant par un point z situé à une A-distance p de Z0; l’angle a
de Zet de la perpendiculaire à Z0 en z s’appelle angle de parallélisme.
Montrer que cotg a = sh p.
14. Montrer que la longueur d’un cercle et l’aire d’un disque de
rayon r en géométrie de Lobatchevski sont respectivement égales
à yn = 2n sh r et sit = 4ji sh2 (r/2).
15. Montrer qu’en géométrie de Lobatchevski les triangles qui ont
leurs trois angles homologues égaux sont égaux, et l’aire comprise
entre deux droites parallèles est finie.
CLZ—
J—})
16. Montrer que la transformation w = cz^.^ » ad — 6c = 1,
est associée à un mouvement de la sphère de Riemann si et seulement
si c = —6, d = a (la matrice des coefficients appartient à SU (2)).
CHAPITRE II

PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES

Dans ce chapitre on se penche sur les plus importantes méthodes


d’étude des fonctions holomorphes, méthodes qui sont basées sur la
représentation de ces fonctions par des intégrales spéciales (inté­
grales de Cauchy) ou par des sommes de séries (séries de Taylor et de
Laurent). Commençons par la notion d’intégrales d’une fonction de
variable complexe.

§ 5. Intégrale
15. Notion d’intégrale. Définition. Soit donné un chemin diffé­
rentiable par morceaux y:I->- C, où I = [a, p] est un segment de
l’axe réel et soit donnée sur l’image y (/) de ce chemin une fonction
complexe / telle que / ©y soit continue sur I. On appelle intégrale
de la fonction / le long du chemin y la quantité
fj
Ç / d z = ^ f ° y (t)-y' (t) d<, (i)
V a
où l’intégrale de la fonction complexe f oy (t)>yr (t) = gx (*) +
+ ig2 (0 de la variable réelle t est comprise comme dt +
fl
+ i ^ g2 (t)
a
Remarquons que dans les conditions adoptées les fonctions g1 et
g2 ne peuvent présenter qu’un nombre fini de discontinuités de
première espèce sur I (cf. définition d’un chemin différentiable par
morceaux à la page 22), de sorte que l’intégrale (1) existe au sens de
Riemann. Si l’on pose f = u + iv et dz = dx + i dy, l’intégrale (1)
peut être représentée sous la forme d’une intégrale curviligne par rap­
port aux coordonnées:
§ 5] INTÉGRALE 77

On aurait pu définir l’intégrale (1) aussi comme la limite de


sommes intégrales : subdiviser y (/) en un nombre fini de segments
par les points z0 = y (a), zt = y (f,), . . zn = y (P), a < <
<C . . . < P, choisir arbitrairement des points = y xk Ç
6 [f*, ffc+1], et poser
n- 1

où Azfe = zk+1 — zh (k = 0, . . w - 1) et ô = max | Azfe |. Mais


on ne se servira que de la première définition et on glissera sur la
démonstration de son équivalence aux deux autres.
Si le chemin y n’est que rectifiable, l’intégrale de Riemann est
insuffisante même pour les fonctions continues à cause de la présence
du facteur y' (t) au second membre de (1). Dans ce cas il faut se
servir de l’intégrale de Lebesgue (et considérer alors naturellement
que la fonction / est telle que f o y est sommable sur /).
Exem ples. 1. Soient y un cercle y (t) = a re1*, t £ [0, 2n] et
/ (z) = (z — a)n, où n = 0, ± 1 , . . . est un entier arbitraire. On
a y' (t) = irüu , f o y (t) = rneint et d’après la formule (1)
2jï
\ (z —a)n dz = rn+H [ e ^ + W d t.
V o
On distinguera deux cas: pour n —1 on a
f- J(n+ l)2:t *
J ( ^ - « ) n dz = r"+' n+ i =<>
V

puisque l’exponentielle est périodique; pour n = —1


2
dz
$ i ^ dt = 2ni.
z —a
o
Les puissances entières de z — a possèdent donc la propriété
d ’« orthogonalité »
pour n =£ — 1,
S<«-'»"d*-{ L
V
pour n — — 1 (4)

dont on se servira à maintes reprises.


2. Soient y : I - * C un chemin différentiable par morceaux et
n =7^= —1, un entier quelconque. Si n <Z 0, on admettra encore que
Y (t) =#= 0 sur /, i.e. que le chemin y ue passe pas par le point z = 0.
D’après la règle de dérivation d’une fonction composée, on a
78 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES ICH. II

— Yn+1 (t) — (n + 1 ) y n (t)y' (t), donc

$ *Bdz = $ yn (t) ÿ (t) dt = {vn+1 (P) - Yn+1 (a)}.(5)


V a

On voit que les intégrales de zn, n =^= —1, ne dépendent pas de la


forme du chemin, mais seulement de son origine et de son extrémité.
Elles sont milles le long de chemins fermés (ne passant pas par z = O
pour n <T 0).
Enumérons les propriétés fondamentales de l’intégrale de fonc­
tions complexes.
1° Linéarité. Si / et g sont des fonctions continues sur un chemin y
différentiable par morceaux, pour toutes constantes complexes a
et b on a
J (af + bg) dz = a ^ f dz + b ^ g dz. (6)
Y Y V

Ceci résulte directement de la définition.


2° Additivité. Soient donnés deux chemins y1 = [ax, P J - ^ C e t
y2:[px, P2]-^ C différentiables par morceaux et tels que y1 (Px) =
= Y2 (Pi)* On appelle réunion y = yx U Y 2 de ces chemins le che­
min y: [ax, P2]-*-C tel que
Yi (t) Si t e [«!, P,],
72 (0 si / 6 [Pi, p2].
Pour toute fonction / continue sur y = yx Uy2> H s’ensuit direc­
tement de la définition de l’intégrale que
J /dz=$/dz+$/dz. (7)
YiUYi Yi Y*

Remarque. On peut renoncer à la condition yx (Px) = y2 (Px)


dans la définition de la réunion y1 |J y2. Cette réunion ne sera alors
pas un chemin continu, mais la propriété (7) restera en vigueur.
3° Invariance. Théorème 1. Si un chemin yx = [ax, Pi)]->-C
s'obtient à partir d'un chemin différentiable par morceaux y: [a, p]->*
C par un changement de paramètre admissible, i.e. y = yx ° t ,
où %est une application différentiable par morceaux, strictement crois­
sante de [a, p] sur [ax, PJ, alors pour toute fonction f continue sur y
{donc sur yx) on a

J fd x = J fd z. ( 8)
Yi Y
§ 5] INTÉGRALE 79

^ Par définition de l’intégrale


Pt

S/ dz=J/
°Vi ('c)- ïi (tJdT,
Vi «i
et puisque Yi ° T (*) = Y (t) et y^ lT (*)] dx (0 = Y* (*) d£, le théo­
rème d’analyse réelle dechangement des variables nous donne
Pt P

J f° Yi(T)*Yi(T) dT= J (t)à t= J fd z . ◄


a* a v

Ce théorème nous permet de tirer l’importante conclusion sui­


vante: l’intégrale que nous avons définie pour un chemin a un sens-
pour une courbe (par courbe on entend une classe de chemins équiva­
lents; cf. n° 3). Plus exactement, l’intégrale d’une fonction continue
le long d’un chemin définissant une courbe différentiable par mor­
ceaux prend la même valeur le long de ce chemin.
D’après ce qui a été dit au n° 3, dans la suite on comprendra
souvent par courbe un ensemble de points du plan complexe, image*
d’un segment [a, (5] pour tout chemin définissant cette courbe. On
parlera alors d’intégrale sur cet ensemble, comprenant par là unG
intégrale le long de la courbe correspondante. Les formules (4)
peuvent par exemple être mises sous la forme suivante :

5 — = 2 ni, J (z— a)n dz = 0


{|z-a|=r} { \z-a \= r)

pour 7l £ Z \ { — 1}.
Remarque. Le théorème 1 reste valable pour les fonctions somma­
bles sur des chemins rectifiables si l’on considère qu’un changement
de paramètre monotone absolument continu est admissible (auquel
cas, en effet, on peut se servir du théorème de changement des varia­
bles dans l’intégrale de Lebesgue). Donc la notion d’intégrale le long
d’une courbe rectifiable a un sens.
4° Orientabilité. Désignons par Y" Ie chemin obtenu à partir
d’un chemin différentiable par morceaux y : [a, |3]-> C par le change­
ment de variable £-»- a + (i.e. le chemin y~ (*) = Y (a +
+ P — 0» * € PI) soit î une fonction continue sur y; alors

jj / dz = — ^ / dz. (9)
f V
Cette assertion se prouve comme le théorème 1.
On dira que le chemin y " se déduit de y par un changement
d’orientation.
80 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

5° Estimation d'une intégrale. Théorème 2. Pour toute fonction f


continue sur un chemin y: [a, |3]-^C différentiable par morceaux, on a

|$ / d z | < $ |/| |dY|, (10)


V V

où |dy | = | y' (t) | dt est la différentielle de la longueur et V intégrale


du second membre est une intégrale curviligne.
► Désignons par J la valeur de l’intégrale de / le long de y et
supposons que J = | J \ eie ; on a
P
| / | = $ e - « ° / d * = $ e - w / [ Y(f)lv'(0d*
Y a

(nous avons inclus le facteur constant e _ie sous le signe d’intégra­


tion). L’intégrale de droite étant un nombre réel, on a
P
| / | = J R e { e - " / [ y («)]?'(*)}d / <
a
P

< 5 i m w i l l Y' ( f ) | di =$ l/l |dY|. ◄


a Y
Corollaire. Si dans les conditions du théorème précédent \ f (z) | ^ M
partout sur y, où M est une constante, alors
| J / d T| < M | Y l (H)
Y
(| y | désigne la longueur du chemin y).
L’inégalité (1)) résulte de (10) si l’on majore l’intégrale du
second membre et l’on remarque que ^ |dy | = | y |.
Y

# Montrer que si une fonction / est R-dérivable au voisinage


d ’un point a Ç C, alors existe

lim -p- ( / (z) dz — 2ni 'M- (a).


e -0 e , J, dz
{ |z -a l= e }

[ I n d i c a t i o n : se servir de la formule

/ ( z ) ■ = / ( fl) 4 ” f i r ( « ) ( z — a ) + - ^ - ( a ) ( z — a ) + o ( | z — a | )

et de l ’exemple 2.] #
v 3] INTÉGRALE 81

16. Primitive. Définition 1. On appelle primitive d’une fonction/


dans un domaine D une fonction F holomorphe dans D et telle que
Fi' (z) = / (z) (1)
pour tout z £ D. Si F est une primitive de / dans D, il en est de
même de toute fonction F(z) + C, où C est une constante arbitraire.
Réciproquement, soient F1 et F 2 deux primitives de / dans un domai­
ne D et <£ = F, — F2. La fonction O est holomorphe dans Z),
donc — dz
== 0 dans D ; or ^dz = O ' = 1 — 2F' = 0 dans D, donc
= 0 dans Z). D’où il vient, grâce à un théorème d’analyse
(appliqué aux fonctions Re O et Im O), que O = C est constante
dans D . , On a établi le
Théorème 1. Si F est une primitive d'une fonction f dans un do­
maine D , l'ensemble de toutes les primitives de f est donné par la for­
mule
F (z) + C, (2)
ou C est une constante arbitraire.
Donc, si elle existe, la primitive d’une fonction f dans un domai­
ne D est définie à une constante additive près.
Passons maintenant au problème de l’existence de la primitive.
Etudions tout d’abord l’existence d’une primitive locale. Commen­
çons par un théorème exprimant dans une forme élémentaire le théo­
rème de Cauchy sur lequel repose toute la théorie d’intégration des
fonctions holomorphes.
Théorème 2 (Cauchy). Si une fonction / Ç 0 (Z?), i.e. est holo­
morphe dans un domaine D, l'intégrale de f le long du contour orienté *)
de tout triangle A (g= D est nulle :
$ /d z = 0. (3)
ÔA

► Supposons que le théorème est faux **) et qu’il existe un tri­


angle A (<= D tel que

$f dz
ôA
= M > 0.
(4)
Partageons A en quatre triangles à l’aide des lignes médianes
et supposons que les contours de A et de ces triangles sont orientés
*) On admet que le bord dA (qui est supposé être une courbe différentiable
par morceaux) est orienté de telle sorte que le triangle est toujours situé d’un
même côté du sens de parcours.
**) Cette démonstration a été proposée par E. Goursat et publiée en 1900.
C—0714
82 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

dans le sens direct (fig. 30). Il est évident que l’intégrale de / le


long de dA est égale à la somme des intégrales le long des contours
des petits triangles, car les intégrales le long des lignes médianes
(signalées par deux flèches sur la figure 30) sont prises deux fois dans
des sens contraires et donc se simplifient, quant aux autres parties
des contours, elles constituent dA. Il existe donc au moins un petit
triangle — que nous désignerons par A± (le triangle supérieur sur la
figure 30) — tel que

En partageant le triangle Ax en quatre triangles par les lignes


médianes et en reprenant les mêmes raisonnements, on trouve au
moins un triangle — que l’on désignera
par A2 — tel que

S' dz
dA,
^> -
42 •

En poursuivant cette procédure on obtient


une suite de triangles emboîtés tels que pour
l’intégrale prise sur le contour du /z-ième
triangle l’on a
M
f dz 4" (5)
dA n

Les triangles Àn (qui sont supposés fermés) possèdent un point


commun z0 qui appartient à A donc à Z). La fonction / étant holomor-
pbe au point z0, pour tout e > 0 on peut exhiber un ô > 0 tel que
dans la décomposition
/ (z) — / (z0) = / ' (z0) (z — z0) + a (z) (z — z0) (6)

l’on ait | a (z) | < e pour tout z pris dans le voisinage U =


= {| Z — z0 I < ô}.
Le voisinage U contient au moins un triangle de la suite construi­
te, le triangle An pour fixer les idées. En vertu de (6)

$ / dz = ^ / (z„) dz + ^ f- (z0) (z —z0) dz + ^ a (z) (z - z0) dz,


dA n ©An dA n dAn

mais les deux premières intégrales du second membre sont milles,


car les facteurs constants / (z0) et /' (z0) peuvent être sortis du signe
d’intégration, quant aux intégrales prises entre 1 et z — z0 le long
du chemin fermé dAn, elles sont nulles (cf. exemple 2 du numéro
INTÉGRALE 83

précédent). Donc ^ f dz = ^ a (z) (z — z0) dz où | a (z) | <


àAn dAn
<C e pour tout z £ dAn. Par ailleurs, pour tout z Ç d à n la quantité
| z — z0 | est inférieure au périmètre | d à n | du triangle An, donc,
d’après le théorème d’estimation d’une intégrale,

Sf Az
«An
= \ a(z)(z —z0)dz
dAn
8 |M nP.

Or, par construction, | dAn | = | dA |/2n, où | dA | est le péri­


mètre du triangle A, donc

Sf d z
dAn
; e|dA|2/4?1.

En tenant compte de (5), on trouve que M < 8 | dA |2, d’où,


puisque 8 est arbitraire, M = 0, ce qui contredit l’hypothèse (4). ^
On étudiera le théorème de Cauchy sous sa forme générale au
numéro suivant. Pour l’instant on se propose de déduire à partir du
théorème 2 un théorème local d’existence
d’une primitive.
Théorème 3. Si une fonction f £ O (.D), elle
admet une primitive
F (z)= \ /(£)d£ (7)
[<«,*]
dans tout disque U = (| z — a | <T r}c: D
(il'intégrale est prise le long d'un segment
\a, z ] a U).
► Fixons un point z £ U et admettons que | Az | est si petit
que le point z + Az Ç U (fig. 31). Le triangle A de sommets a, z et
z Az appartient alors proprement à D et d’après le théorème 2
J /d£+ $ / d£ + J / d£ = 0.
[a. z] [z, z+Az] [z+A z, a]

Le premier terme est égal h F (z), le second, à l’intégrale prise avec


le signe moins le long du segment [a, z + Az], i.e. à — F (z + Az),
donc
F (z + Az) —F (z) = J /(£) d£. ( 8)
[z, z+A z]
D’autre part,

[z, z+A z]
84 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

(nous avons sorti le facteur constant / (z) du signe d’intégration) et


compte tenu de (8) on peut écrire
F(z + Az) —F(z)
Az /(* ) = -£ - S { /« )-/(* )} * £ • (9)
[z, z+Az]

Utilisons maintenant la continuité de la fonction / : pour tout e > 0


on peut exhiber un ô > 0 tel que pour | Az | < ô l’on ait | / (£) —
—f(z)\<Z & pour tout £ £ [z, z+Az]. Ceci aidant, on déduit de (9)
que pour tout | Az | < ô

=£t

ce qui exprime l’existence de F ' (z) = / (z). ^


Remarque. En démontrant le théorème 3 nous n’avons utilisé que
deux propriétés de la fonction / : sa continuité dans le domaine D
et le fait que l’intégrale de / le long du contour orienté de tout trian­
gle A (g D est nulle. On peut donc affirmer que la fonction F définie
par la formule (7) sera une primitive locale de toute fonction / possé­
dant ces deux propriétés.
Le problème de l’existence d’une primitive globale sur Z) est plus
compliqué. Nous l’aborderons au numéro suivant. Pour l’instant
nous allons seulement montrer comment obtenir une primitive le
long d’un chemin donné en collant des primitives locales.
Définition 2. Soient donnés dans un domaine D une fonction / et
un chemin (continu) y : / = [a, pi— Z>. On dira qu’une fonction
<ï) : /->-C est une primitive de la fonction f le long du chemin y si : 1)
elle est continue sur / et 2) pour tout point t 0 £ / il existe un voisina­
ge Ucz D du point z0 = y (t0) dans lequel / possède une primiti­
ve Fv telle que
Fu o y (t) = O (t) (10)
pour tout t pris dans un voisinage utoa /.
Remarquons que si / possède une primitive F partout dans le
domaine D y la fonction F o y (t) peut servir de primitive le long
du chemin y. Mais dans la définition on n’exige pas que la primiti­
ve existe sur D, il suffit qu’elle existe localement, au voisinage de
chaque point z0 g y. Bien plus, si y (tr) = y (t") = z' pour t' =£
= t d e u x primitives de / correspondant l’une au voisinage ux>,
l’autre, au voisinage uv>ne sont pas censées être confondues: elles
peuvent différer d’une constante (on remarquera que ces primitives
agissent au voisinage d’un même point z' et d’après le théorème 1 leur
§ 5] INTÉGRALE 85

différence ne peut être que constante). Donc, étant une fonction


du paramètre t, la primitive le long de y peut ne pas être une fonction
du point z.
Théorème 4. Pour toute fonction f Ç O (D) et tout chemin (conti­
nu) y: la primitive de f le long de y existe et est définie à une
constante additive près.
► Subdivisons le segment / = [oc, fi] en n segments I k =
= t'k\ de telle sorte que deux segments voisins se recouvrent
partiellement (tk < tk+1 <C ti, tx = a, t'n = |3 ; fig. 32). La fonc­
tion y (t) étant uniformément continue, on peut choisir I k assez
petits pour que pour tout Zc = 1, . . n l’image y (Ik) soit con­
tenue dans un disque Uha D
dans lequel / admet une primi­
tive (en vertu du théorème 2).
Parmi les primitives définies
dans U1 (ces primitives diffèrent
entre elles d’une constante)
choisissons arbitrairement V une
d’elles et désignons-la par
Considérons une primitive définie
dans U2\ dans l’intersection ^2 I2 ^2 ^ 1 ^k+11ik-\-1
Ux f] Un elle ne peut différer de
Fx que d’une constante additive <* = 11 t1 tn
(puisque ce sont deux primitives fk h
d’une même fonction). Donc, Fig. 32
parmi les primitives définies
dans U2 il en existe une — que nous désignerons par F2 — qui est
confondue avec Fx dans l’intersection Ux f) U2.
Poursuivons cette procédure: choisissons dans chaque Uk une
primitive Fh telle que Fh = Fh_x dans l’intersection Uh_x f\ Uh
(k = 1, . . ?i). La fonction
Q> (t) = Fh o y (jt), t 6h (k = . . n)
sera une primitive de f le long du chemin y. En effet, elle est de
toute évidence continue sur l’intervalle / et pour tout point t 0 6 t
il existe un voisinage dans lequel O (t) = F v o y (t), où Fv est
une primitive de / définie au voisinage de y (t0).
Reste à prouver la deuxième partie du théorème. Soient et
<£2 deux primitives de / le long du chemin y. Dans un voisinage uto
de tout point t 0 Ç /, on a <S>1 = FM o y (t) et 0 2 = FM o y (t),
où FM et FM sont deux primitives de / définies dans un voisinage du
point y (t0). Ces primitives ne pouvant différer que d’une constante
additive, (p (t) = (t) — (t>2 (t) est constante dans u*0. Or, une
fonction localement constante en chaque point d’un ensemble con-
86 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

nexe est constante sur cet ensemble *). Donc 0)1 (t) —<[)2 (t) =const
pour /. 4
Si l’on connaît une primitive de / le long d’un chemin y, l’inté­
grale de / le long de y se calcule par la formule classique de Newton —
Leibniz :
Théorème 5. Si y: [a, p]->- C est un chemin différentiable par mor­
ceaux et f une fonction continue sur y et possédant une primitive O (t)
le long de y , alors
J /d z = cp(|J)-<D(a). (11)
V
► Supposons d’abord que le chemin y est différentiable et entiè­
rement situé dans un domaine où la fonction / admet une primitive F.
La fonction F o y, étant une primitive de / le long de y, diffère
de O d’une constante additive, i.e. <D (t) = F o y (t) + C. Le
chemin y étant différentiable et F' (z) = / (z), il existe pour tout
t Ç [a, pi une dérivée continue O' (t) = f o y (t)-y' (t). Mais, par
définition de l’intégrale,
ç g
^ / dz = jj f° y (t)- y1 (t) dt = ^ Oe(t) dt = O (P) —O (a),
V a a
ce qui prouve le théorème dans ce cas particulier.
Dans le cas général, on peut subdiviser y en un nombre fini de
chemins yv : [av, a v+1] C (a0 = a < a 3 < . . . < a n = P) de
telle sorte que chacun d’eux soit différentiable et contenu dans un
domaine où / admet une primitive. D’après ce qui vient d’être
démontré,
\ /d z = <D(av+1)-<I>(av)
Yv
et en ajoutant toutes ces égalités, on obtient (11). 4
Remarque 1. Si l’on envisage l ’intégrale de Lebesgue au lieu de
celle de Riemann, on peut démontrer le théorème 5 exactement de la
même façon pour les chemins rectifiables. Mais on peut aller plus
loin. Si / 6 0 (D), elle admet d’après le théorème 4 une primiti­
ve O le long d’un chemin continu y: I~ *D . En tenant compte du
théorème 5, on définit une intégrale de / le long d’un chemin conti-

*) En effet, soit E = {* £ / : <p (*) = <p (*<>)}• Cet ensemble n’est pas vide,
car il contient to• Il est ouvert, puisque cp est localement constante et tout point t
est contenu dans E avec un voisinage ut. Or, il est fermé, puisque <p est continue
car localement constante, donc les conditions cp (*n) = <p (*0) et tn t" entraî­
nent que cp (*") = <p (*„)• D ’après le théorème 2 du n° 4 on a E ^ I .
§ 5] INTÉGRALE 87

nu y c: D comme l’accroissement de sa primitive le long de y sur


l’intervalle [a, p] de variation du paramètre.
Il est évident que le second membre de (11) est invariant par
les changements admissibles du paramètre. On peut donc envisager
l’intégrale de fonctions holomorphes le long de toute courbe (con­
tinue).
Remarque 2. Le théorème 5 permet de s’assurer de la véracité de
la proposition énoncée au début de ce numéro, savoir que toute
fonction holomorphe ne possède pas nécessairement une primitive
dans un domaine multiplement connexe. Soient un domaine D =
= {0 < | z | < 2} et la fonction / (z) = l/z holomorphe dans D ;
cette fonction ne possède pas de primitive dans D. En effet, si /
admettait une primitive F dans Z), une primitive le long d’un chemin
y: [a, p]-^Z) contenu dans D serait F o y (t) et d’après le théo­
rème 5
J fd z = F ( b )-F (a ),
Y
où a = y (a) et b — y (P) sont les extrémités de y. En particulier,
l’intégrale de / le long de tout chemin fermé ycz D tel que b = a
serait nulle. Or nous savons (cf. exemple 1 du n° 15) que l’intégrale
de / le long du cercle unitaire vaut
—z —2ju.
lz|=l
Enonçons les résultats de ce paragraphe en termes de formes
différentielles. Une forme co = P dx + Q dy, où P et Q sont des
fonctions de classe C1 dans un domaine D , s’appelle fermée, si sa
différentielle d c o = dx/\d y = 0 sur Z), et exacte, s’il
existe dans D une fonction u telle que co = du (i.e. ~ = Q).
On peut, comme nous l’avons déjà fait plus haut, substituer à x et y
les variables z et z qui s’expriment linéairement en fonction de x et y
(à vrai dire avec un coefficient imaginaire). La forme devient alors
co = / àz + g dz et sa différentielle dco = ^ dz f\ dz.
En particulier, pour les formes co = / dz étudiées ici, on a dco =
= — ~ dz A dz, de sorte qu’elles sont fermées si et seulement si la
dz
fonction / est holomorphe. Une forme co = / dz sera exacte si et seule-
ment s’il existe une fonction F telle que sur D
dF j , dF j
88 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

i.e. — = 0 et = F' = /. Le théorème 3 peut par conséquent


dz
être formulé comme suit : toute forme co = / dz fermée dans un domai­
ne D est localement exacte. L’exemple co = dzlz de la dernière remar­
que montre qu’une forme fermée n’est pas globalement exacte dans
n’importe quel domaine; dans le numéro suivant on montrera que
les formes fermées sont globalement exactes dans les domaines sim­
plement connexes.
17. Théorème de Cauchy. Nous allons démontrer dans sa forme
générale le théorème de Cauchy qui est le théorème fondamental
de la théorie d’intégration des fonctions holomorphes (pour la forme
simple la démonstration a été faite au numéro précédent). Ce théo­
rème affirme que l’intégrale d’une fonction holomorphe dans un do­
maine ne varie pas si le chemin d’intégration se déforme continû­
ment à l’intérieur de ce domaine de telle sorte que ses extrémités
restent fixes ou que le chemin reste fermé. En passant aux énoncés
rigoureux, il nous faut définir tout d’abord ce qu’on entend par dé­
formation continue d’un chemin.
Par souci de simplicité on admettra que pour tous les chemins
considérés le paramètre t varie sur le même intervalle / = [0, 1].
Cette condition ne restreint en rien la généralité, car on peut tou­
jours y satisfaire par un changement admissible du paramètre* change­
ment qui nous permettra de passer à un chemin équivalent sans
modifier la valeur de l’intégrale.
Définition 1. On dit que deux chemins y0: I-*~D et yl : I - ^ D
d’extrémités communes y 0 (0) = yt (0) = a et y 0 (1) = yt -(l) = b
sont homotopes dans un domaineD s’il existe une application continue
y (s, t): I X /->- D (par I X I on désigne le produit de deux seg­
ments, i.e. le carré O ^ s ^ l , O ^ f ^ l ) telle que
ï(0 , f) = Yo(0> Y(*» *) ™ Yi (*) (*€/).
y (s, 0)==a, y {s, i) = b ($6 /).
Pour s = s0 £ I fixe, la fonction y (s0, t) : /->■ D définit un chemin
dans le domaine Z), et de plus de tels chemins varient continûment
lorsque s0 varie et leur famille « relie » les chemins y0 et yt dans D
(fig. 33). Donc, dire que deux chemins sont homotopes dans D re­
vient à dire qu’on peut les déformer continûment l’un en l’autre
à l’intérieur de Z).
De façon analogue, on dit que deux chemins fermés v0 : 1-+D et
yx : /- > D sont homotopes dans un domaine D s’il existe une applica­
tion continue y (s, t): I X /->■ D telle que
y (0, t) nmy0 (t), y (i, t) = yt (t) (16 I)
y (s, 0) = y (s, 1) (s 6 1). ( 2)
§ 51 INTÉGRALE 89

Sur la figure 34 les chemins y 0 et yx sont homotopes; quant au


chemin 7, il ne l’est à aucun d’eux.
Il est d’usage de désigner l’homotopie par le symbole ~ de sorte
que si y0 est homotope à 7^ on écrira y 0 ~ yx.

Fig. 33

Il est évident que l’homotopie satisfait aux axiomes ordinaires


d’une relation d’équivalence (réflexivité, symétrie et transitivité).
Donc dans un domaine donné, tous les chemins d’extrémités com­
munes ou tous les chemins fermés peuvent être divisés en classes regrou­
pant chacune tous les chemins homo­
topes; ces classes s’appellent classes
d'homotopie.
Parmi les classes de chemins fer­
més, il y a lieu de distinguer la classe
des chemins homotopes à zéro. On dit
qu’un chemin fermé y est homotope
à zéro dans un domaine D s’il existe
une application continue y (s, t) :
I x /->- D satisfaisant aux conditions
(2) telle que 7 ^ ) = const (ce qui
exprime que 7 est réduit à un point
par une déformation continue à l’in­ Fig. 34
térieur de D).
Dans un domaine simplement connexe, tout chemin fermé est
homotope à zéro, donc deux chemins quelconques d’extrémités
communes sont homotopes (cette propriété peut être prise pour
définition de la connexité simple). Par conséquent, dans les domaines
simplement connexes la décomposition en classes d’homotopie est
triviale.
90 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPIIES [CH. II

% Prouver l’équivalence des deux propositions suivantes: a) tout


chemin fermé est homotope à zéro dans un domaine D ; b) deux
chemins quelconques d’extrémités communes sont homotopes dans
un domaine D . îfc
L’homotopie de deux chemins se généralise aux courbes puisque
de toute évidence elle n’est pas violée par des changements admissi­
bles de paramètre. Plus exactement, deux courbes (fermées ou d’ex­
trémités communes) sont homotopes dans un domaine D s’il en est
de même des chemins yx et y 2 qui les représentent respectivement.
Au début de ce chapitre nous avons introduit la notion d’inté­
grale le long d’un chemin et avons vu que cette intégrale était
définie en fait non pas par un chemin mais par une courbe, i.e. par
une classe de chemins équivalents. Le théorème de Cauchy sous sa
forme générale affirme que dans le cas de fonctions holomorphes on
peut aller plus loin: l’intégrale est définie non pas par une courbe,
mais par la classe d’homotopie à laquelle
appartient cette courbe. En d’autres ter­
mes, on a le
Théorème (Cauchy). Si une fonction
f Ç 0 (D) et Yo et Yi sont deux chemins
homotopes dans D (soit qu'ils ont des extré­
mités communes, soit qu'ils sont fermés), alors

^ / dz = \ /dz. (3)
v„ Ti
Fig. 35 ► Soit y : I X /-> Z ) la fonction
définissant l’homotopie des chemins Yo
et Yi (cf. définition 1). Recouvrons le carré K = / X I par un
système de petits carrés K mn (m, n = 1, . . ., N) de telle sorte
que chaque K mn rencontre chaque carré voisin (fig. 35). La fonc­
tion y étant uniformément continue, les carrés K mn peuvent être
choisis assez petits pour que l’image y (Kmn) soit contenue dans un
disque Umncz D dans lequel la fonction / possède une primitive
Fmn (on s’est servi du fait que localement toute fonction holomorphe
possède une primitive). Fixons l’indice m et procédons comme dans
la démonstration du théorème 4 du numéro précédent. Choisissons
arbitrairement une primitive Fml définie dans Uml et une primitive
Fm2 définie dans Um2 et telle que Fml = Fm2 dans Uml fl Um2
(on se sert du fait que deux primitives de / ne peuvent différer que
d’une constante dans cette intersection). Choisissons de la même
façon les primitives Fm3, . . ., FmN (de sorte que Fmt n+1 —
= Fmn dans Um%n+1 f| Umn) et construisons la fonction
(s, t) = Fmn o y (s, t) pour (s, t) 6 K mn (n = 1, . . N). (4)
* 51 INTÉGRALE 91

La fonction O m est visiblement continue dans le rectangle


N
Km = U K mn et définie à une constante additive près. Choisissons
77 = 1

Oj arbitrairement et 0 2 de telle sorte que Oj = ®2 dans l’inter­


section Kx f| ^2 *)• Choisissons de la même façon les fonctions
<D3, . . ., 0>N (de sorte que <Dm = <Dm+1 dans K m f| K m+i) et
construisons la fonction
® (s, t) = ®m (s, t) pour (s, t) £ K m (m = 1, . . ., N). (5)
Pour s Ç I fixe, la fonction O (s, t) est visiblement une primitive
le long du chemin ys (t) = y (s, t), donc d’après la formule de New­
ton — Leibniz
J / d z = 0 (« , l)-0 > (« , 0). (6)

Traitons séparément deux cas:


a) Supposons que yt et y2 possèdent des extrémités communes.
Par définition de l’homotopie, pour tout s Ç / on a alors y (s, 0) = a
et y (s, 1) = b. Les fonctions O (s, 0) et O (s, 1) sont donc locale­
ment constantes en chaque point de J, donc sur J. Par conséquent,
d> (0, 0) = O (1, 0), O (0, 1) = O (1, 1) et la formule (6) entraîne
la formule (3).
b) Supposons que yt et y 2 sont fermés. Puisque y (s, 0) = y (s, 1)
pour tout 5 Ç /, il s’ensuit que O (5, 1) —-<ï> (s, 0) est localement cons­
tante en chaque point de /, donc sur /. Par conséquent, (6) entraîne
de nouveau (3).
% Montrer que si une fonction / est holomorphe dans une couron­
ne V = (r < | z — a | < R}, son intégrale ^ / (z) dz prend
{|z -a |= p }
la même valeur pour tout p, r < p < R. îfc
18. Cas particuliers. On étudie quelques cas particuliers du théo­
rème général de Cauchy qui, vu leur importance, méritent d’être
énoncés séparément.
Théorème 1. Si une fonction f Ç O (.D), son intégrale le long de tout
chemin fermé y: / - > D , homotope à zéro dans D , est nulle:
^ / dz = 0 si y-vO. (1)
v
► Le chemin y étant homotope à 0, on peut le déformer en un
point a Ç D et par suite en un cercle y e = {|z — a | = e} de rayon e
*) Ceci est possible puisque la fonction <P2 — est constante, car locale­
ment constante, donc continue sur l ’ensemble connexe Kx fl # 2 -
92 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. Il

aussi petit que l’on veut. D’après le théorème général de Cauchy,


^ / dz = ^ / dz,
y y8
et puisque la fonction / est bornée dans un voisinage du point a
(pour fixer les idées | / | ^ M), l’intégrale du second membre tend
vers 0 avec e (cette intégrale est majorée par M-2ne). Le premier
membre est nul, puisqu’il ne dépend pas de e. <4
Le théorème de Cauchy prend une forme particulièrement sim­
ple — sa forme classique — dans un domaine simplement connexe,
car dans un tel domaine tout chemin fermé est homotope à zéro.
Théorème 2. Si une fonction f est holomorphe dans un domaine
simplement connexe D a C, son intégrale le long de tout chemin fer­
mé y : /- > D est nulle.
En raison de l’importance de ce théorème nous allons en produire
encore une démonstration élémentaire sous les deux conditions sup­
plémentaires suivantes : 1) la dérivée f est continue *) dans D et
2) y est un chemin de Jordan différentiable par morceaux.
De la deuxième condition il résulte que y est le bord d’un domai­
ne G a D, puisque D est simplement connexe. La première condi­
tion permet d’appliquer la formule de Riemann — Green
S f d z + Ç d ,, = $ S ( - g — f l j d z d j , , (2)
dG G

formule dont la démonstration implique la continuité dans G des


dérivées partielles des fonctions P et Q (dG désigne le bord de G
parcouru dans le sens direct). En appliquant cette formule aux
parties réelle et imaginaire de l’intégrale
^ / dz = J udx — udy + i ^ v dx -f u dy,
dG dG dG

on obtient

î'MHHïHr+'Æ--g-)}**»-
dG G
Q
Utilisons le symbole de la dérivée formelle — (cf. n° 6) pour mettre
dz
la dernière relation sous la forme
J f àz — 2i ^ -4=- dx dy, (3)
dG G Z

*) On verra bientôt que cette condition est automatiquement réalisée pour


les fonctions holomorphes.
§ 5] INTÉGRALE 93

qui peut être traitée comme la forme complexe de la formule de


Riemann — Green.
Puisque - 4 = 0 en raison de l’holomorphie, le théorème de
dz
Cauchy (sous les conditions supplémentaires posées) résulte directe­
ment de cette formule.
Remarquons que l’application des formes différentielles et du
théorème de Stokes conduit directement à la formule (3) :
i ' M S d ( ' d2> - s S i f a ; A dz, (4)
dG

or, nous avons vu plus haut que d z /\ dz = 2i d x /\ dy.


Le théorème de Cauchy nous permet d’établir immédiatement un
théorème global d’existence
de la primitive dans un do­
maine simplement connexe.
Théorème 3. Toute fonc­
tion f holomorphe dans un do­
maine D simplement connexe
admet une primitive dans D .
► Montrons que dans D
l’intégrale de / le long d’un
chemin non fermé ne dépend
pas de ce chemin, mais de son
origine et de son extrémité.
En effet, soient yx et y 2 deux
chemins de D joignant des
points a et b (fig. 36). Sans perdre en généralité on peut admettre
que pour y± le paramètre varie sur un segment [a, px] et pour y2
sur un segment [p,, p] (a < px < P). Désignons par y la réunion des
chemins yx et y 2; cette réunion est un chemin fermé contenu dans D .
D’après les propriétés des intégrales,

S f i z ~ \ / dz= J / dz-
Vi V2 V
or, d’après le théorème 2, l’intégrale de / le long de tout chemin
fermé y a D est nulle, d’où notre proposition *).
Fixons maintenant un point a 6 D et supposons qu’il est l’origi­
ne d’un chemin contenu dans D , dont l’extrémité z sera supposée

*) On peut déduire cette proposition directement du théorème général de


Cauchy si Ton se sert du fait que dans un domaine simplement connexe deux che­
mins quelconques d’extrémités communes sont homotopes.
94 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

arbitraire. L’intégrale de / le long de ce chemin (que nous désignerons


par az) est une fonction du point z:
F ( z ) = $ f ( 0 dÇ. (5)
az

En reprenant ad litteram les raisonnements qui nous ont servi


à établir le théorème 3 du n° 16, on s’assure que F est holomorphe
dans D et que Fr (z) = / (z) en tout point z £D , autrement dit, F
est une primitive de / sur D. A
L’exemple de la fonction / = 1/z dans le domaine 0 < | z | < 2
(cf. remarque 2 du n° 16) montre que la condition de simple connexi­
té du domaine est essentielle dans ce théorème : le théorème global
d’existence de la primitive est généralement mis en défaut dans
les domaines multiplement connexes.
Le même exemple montre que dans un domaine multiplement
connexe l’intégrale d’une fonction holomorphe le long d’un chemin
fermé n’est pas nécessairement nulle, i.e. le théorème de Cauchy dans
sa forme classique (théorème 2) ne se généralise pas aux domaines
multiplement connexes. Mais on peut l’énoncer sous une forme
autorisant une telle généralisation.
Le bord dD d’un domaine simplement connexe D (s’il n’est pas
trop mauvais) est une courbe fermée homotope à zéro dans l’adhéren­
ce D. Dans le cas général on ne peut appliquer le théorème 1 à dD,
car la fonction / est définie uniquement sur D et peut ne pas être
prolongée à dD. Si l’on exige accessoirement que / Ç © (.D), i.e. si /
se prolonge à un domaine Gzd D (cf. n° 6), le théorème 1 sera valable.
Nous obtenons le théorème de Cauchy sous la forme suivante:
Théorème 4. Si une fonction f est holomorphe dans Vadhérence D
d'un domaine simplement connexe D , limité par une courbe continue,
l'intégrale de f le long de cette courbe est nulle.
# Dans certains cas on peut affaiblir la condition du théorème 4
en exigeant que la fonction / ne soit prolongeable que par continuité
à D. Supposons par exemple que le domaine D est étoilé par rapport
au point z = 0, i.e. sa frontière dD se représente par une équation
polaire r = r (q>), 0 ^ cp^ 2ji, où r (cp) est une fonction uniforme;
supposons encore que la fonction r (cp) est différentiable par mor­
ceaux. Montrer que dans ces conditions le théorème 4 est valable pour
des fonctions / holomorphes dans D et continues dans D. %
Le théorème 4 se généralise également aux domaines multiple­
ment connexes si l’on introduit la
§ 5] INTÉGRALE 95

Définition. Supposons que la frontière d’un domaine D com­


pact *) est constituée d’un nombre fini de courbes fermées yv (v =
= 0, . . n). Admettons que la frontière extérieure y0, i.e. la courbe
séparant les points de D du point à l’infini, est orientée dans le sens
direct, et les autres courbes frontières yv (v = 1, . . ., n), dans le sens
rétrograde (autrement dit, les courbes sont orientées de telle sorte
que le domaine reste toujours à
gauche du sens de parcours ; fig. 37).
La frontière du domaine D munie
d’une telle orientation sera appelée
frontière orientée et désignée par le
symbole dD **).
Le théorème de Cauchy pour des
domaines multiplement connexes
peut désormais être formulé comme
suit :
Théorème 5. Supposons quun
domaine compact D est limité par
un nombre fini de courbes continues et que f est une fonction holomor-
phe dans Vadhérence D. Alors Vintégrale de f le long de la frontière
orientée dD est nulle:
n
J / d z = f / d z + 2 ^ /d z = 0. (6)
dD YO v=l Yv
(►Relions les composantes de la frontière de D par un nombre
fini de coupures (pour la suggestion ces coupures sont représentées
par deux lèvres sur la figure 38). Il est évident que la courbe fer­
mée T qui est composée de la frontière orientée dD et des ensembles
A+ = m * et A“ = UÀv est homotope à zéro dans un domaine
G z d D ***) dans lequel / se prolonge en une fonction holomorphe par
hypothèse. D’après le théorème 1, l’intégrale de / le long de T est
nulle, et d’après les propriétés des intégrales,

^ / dz = ^ / d z + ^ f Az+ \ / d z = $ / dz>
r dD A+ A- dD

car les intégrales de / le long de A+ et A - s’annulent. A

*) On rappelle qu’un domaine D est compact si son adhérence dans C ne


contient pas le point à l ’infini (D (c: C).
**) On se sert ici des représentations géométriques de la frontière orientée.
***) On peut le prouver par récurrence sur le nombre de composantes de dD.
Remarquons toutefois que la démonstration formelle de cette construction est
assez laborieuse.
96 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Exemple. Soient D — {r < | z — a | < i?} une couronne circu­


laire et / Ç 0 (D), c’est-à-dire que / est holomorphe dans une cou­
ronne plus vaste dont la frontière est représentée en pointillé sur la
figure 39. La frontière orientée dD est composée du cercle y0 =
= { | z — a | = i?} orienté dans le sens direct et du cercle yï =
— {| z — a | = r} orienté dans le sens rétrograde (de telle sorte que

la couronne reste à gauche du sens de parcours de dD). D’après le


théorème 5,
J /d z = J /dz + ^ / d z = 0 ou ^ / d z = J / d z
dD 7o vT Vo Yi

(le dernier résultat découle du théorème de Cauchy sur l’homotopie).


19. Formule intégrale de Cauchy. On se propose de représenter
ici les fonctions holomorphes dans un domaine compact à l’aide
d ’une intégrale le long de la frontière de ce domaine. Nous verrons
que cette représentation possède d’importantes applications dans les
problèmes aussi bien théoriques que pratiques.
Théorème 1. Soit f une fonction holomorphe dans Vadhérence D
d'un domaine compact D limité par un nombre fini de courbes (conti­
nues). Alors pour tout z £D la fonction f se représente sous la forme

ÔD
où dD est la frontière orientée de D (cf. page 95).
Le second membre de cette formule s’appelle intégrale de Cauchy.
^ Choisissons p > 0 tel que le disque U9 = {z : | z' — z | <
< p } g D et posons D p = D \ U P (fig. 40). La fonction g (Ç) =
= est holomorphe dans Dp en tant que rapport de deux fonc-
§ 5] INTÉGRALE 97

tions holomorphes dont le dénominateur e s t# 0 . La frontière orientée


dDp est constituée de dD et du cercle 3E/P = {Ç:| £ — z | = p}
orienté dans le sens rétrograde. Donc, d’après les propriétés des
intégrales,
1 /(C) d£ 1 [ /(C) dÇ
2jt i \ C—z 2jié J £—z

Or, la fonction g est holomorphe dans D9 (nous avons éliminé la


singularité en z), donc est valable le théorème de Cauchy pour
les domaines multiplement connexes en
vertu duquel l’intégrale de g le long de
dDp est nulle.
Par conséquent,
i r / (/(Ode
0«. i ç /(OdC
2iu J £—z 22jiî
jiî J £—z (2)
an ai
dD

où le nombre p > 0 peut être supposé


aussi petit que l’on veut. La fonction
f étant continue au point z, pour tout e > 0 on peut choisir un
nombre ô > 0 assez petit pour que pour p < ô l’on ait
I / (C) — / (z) I < 6 pour tout £ Ç dUp.
Donc la différence *)
i r /(Ode 1
/(*) 2jiî J
dun
£ —z 2jit S (3)
1
est < ^ 8-2ji = e en valeur absolue et par suite tend vers 0 avec p.
Mais on voit sur (2) que le premier membre de (3) est indépendant
de p, donc il est nul pour p assez petit, i.e.
/(QdÇ
W -S T z S
ai/
Ceci et la formule (2) entraînent (1). A
Remarque. Si dans les conditions du théorème 1 le point z est
extérieur à P , on a
1 f /(Q dÇ
2jiî J £—z (4 )
dD

*) On s ’est servi du fait que -g-— ^ = 1 (cf. exemple 1 du n° 15)

et que le facteur constant f (z) peut être entré sous le signe d’intégration.
7-0714
98 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Cette assertion résulte directement du théorème de Cauchy, car la


f (£) —
fonction g (£) = 1—^- est holomorphe dans D.
b Z
La formule intégrale de Cauchy traduit un fait très intéressant :
les valeurs d’une fonction holomorphe dans un domain G sont
entièrement définies par ses valeurs sur la frontière dG. (En effet,
si les valeurs de / sur dG sont connues, il en est de même du second
membre de la formule (1), c’est-à-dire qu’on connaît la valeur de / en
tout point z £ G). Ce fait distingue fondamentalement les fonctions
holomorphes des fonctions R-différentiables.
4: Soit / une fonction holomorphe dans l’adhérence d’un domai­
ne D contenant le point à l’infini et supposons que la frontière dD
est orientée de telle sorte que le domaine reste à gauche du sens de
parcours. Montrer que pour tout point z £ D

dD

Le théorème 1 entraîne aussitôt le


Théorème 2 (de la moyenne). La valeur d'une fonction / 6 (9 (D)
en chaque point fini z £ Z) est égale à la moyenne arithmétique de ses
valeurs sur tout cercle assez petit centré en z :
2ji
fW = -è r \f (z+ peii) d<- (5)
0
^ Considérons un disque Up = (z' :| z' — z | < p) tel que
Up (g D et prenons-le pour le domaine G du théorème 1. La formule
intégrale de Cauchy nous donne

et puisque sur dUQ on a £ — z = pei#, t £ [0, 2jt], d£ = piendtr


la formule (6) se ramène à (5). A
Le théorème de la moyenne montre que les fonctions holomorphes
sont correctement construites et que leurs valeurs sont étroitement
liées aux valeurs voisines. Ceci explique que ces fonctions possèdent
de nombreuses propriétés spécifiques que n’ont pas les fonctions
R-différentiables. Une grande partie de ces propriétés seront étu­
diées dans la suite.
Exhibons en conclusion la formule de représentation intégrale
des fonctions R-différentiables qui généralise la formule intégrale de
Cauchy.
§ 5] INTÉGRALE 99

Théorème 3. Soit f une fonction de classe C1 dans Vadhérence D


d'un domaine compact D limité par un nombre fini de courbes différen­
tiables par morceaux. En tout point z on a alors
/(S)d£
/(* )= —2ni J[ Z~z (7)
du
On appellera la formule (7) formule de Cauchy —Green ; si / Ç0 (Z>),
l’intégrale double disparaît de la formule (7) et l’on obtient la for­
mule de Cauchy.
Eliminons du domaine Z) un petit disque Up = {£:| £ —
^ p} et appliquons la formule de Riemann — Green dans sa forme
complexe (cf. formule (3) n° 18) à la fonction g (£) = -^ -d e classe C1
_ b Z
dans le domaine D 9 = Z ) \ f / p:
df dj dt) *).
dD dU p D0
d\ i - *

La fonction / étant continue en z, on a / (£) = / (z) + O (p) pour


£ £ £7P, où O (p)-> 0 avec p. Donc

s
ÔU,
/(D
£—z d £ = /(*) S
ai/,
£—2
^ - d Ç = 2 n i / ( z ) + 0(p),

et la dernière formule nous donne (7) **) lorsque p-> 0. 4


Maintenant que nous avons décrit les principaux faits se rap­
portant à l’intégration complexe, arrêtons-nous brièvement sur son
historique. Le principal mérite revient à l’éminent mathématicien
français A. Cauchy.
Augustin Louis Cauchy naquit en 1789 dans une famille aristo­
cratique. En 1807 il acheva l’Ecole polytechnique de Paris, établis­
sement qui fut fondé pendant la Révolution française avec pour
vocation la formation d’ingénieurs de haut rang. Pendant deux ans
dg _ df 1 1
On a car la fonction dépend holomorphi-
dZ dt Z—z Z— z
quement de £ et sa dérivée par rapport à £ est nulle.
**) Notre raisonnement prouve l ’existence de
df d£ dî]
lim
p-*0 SS dl ’
mais puisque / Ç6*1 (/>), l ’intégrale double de (7) existe (on peut s’en assurer
en passant à des coordonnées polaires d’origine z) et cette limite est confon­
due avec elle.
7*
100 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

ses élèves suivaient une préparation poussée en mathématiques, en


mécanique et en dessin, puis étaient envoyés pendant deux ans
encore dans l’une des quatre écoles d’ingénieurs. Cauchy opta pour
l’Institut des ponts et chaussées qu’il acheva en 1810 et commença
sa carrière d’ingénieur à Cherbourg.
Les activités de Cauchy couvraient de nombreux domaines:
théorie de l’élasticité, optique, mécanique céleste, géométrie,algèbre,
théorie des nombres. Mais son domaine de prédilection fut l’ana­
lyse mathématique, dont la refonte est liée à son nom. En 1816 le
gouvernement le nomma membre de l’Académie des sciences de Paris
et professeur à l’Ecole polytechnique. C’est ici qu’il fit ses remarqua­
bles leçons d’analyse qui furent publiées en trois volumes (1821-
1828).
Le baron de Cauchy était un ardent partisan de la monarchie et
de la religion. Cette période de son activité coïncide avec la restaura­
tion des Bourbons. Après la révolution de juillet 1830 Cauchy émirge
en Italie avec la famille royale. Il revient en France en 1938, ensei­
gne les mathématiques au collège des J ésuites et devient professeur
à la Sorbonne en 1848 (sans pour autant prêter serment au gouver­
nement).
Cauchy obtint ses permiers résultats sur l’intégration complexe
dans le Mémoire sur la théorie des intégrales définies qui fut présenté
à l’Académie de Paris en 1814 et publié en 1825. De même qu’Euler,
Cauchy fut conduit à ces résultats en étudiant des problèmes de dyna­
mique des fluides. Il part de la relation (connue d’Euler)
x y y x
$ dx ^ / ( x, y) dy = J dy ^ / ( x, y) dx (8)
X0 V0 2/0 *0

et envisage deux fonctions réelles S et V regroupées en une seule


fonction complexe : F = S + iV. En portant / = dans (8),
Cauchy obtient une formule reliant les intégrales de ces fonctions:
A' Y
J [V (x, Y ) - V ( x , i/0)] dx = J [S(X, y) — S( x0, y)]dy.
*0 yo

ôS dV
Il obtient une formule analogue en substituant / = — = — et
ce n’est qu’en 1822 qu’il lui vient à l’idée de les regrouper en
une seule formule complexe qu’il ajoute sous forme de note dans
son mémoire de 1825. Ceci n’est autre que le théorème de Cauchy
pour un contour rectangulaire ; à noter que cette égalité est donnée
sans sa signification géométrique.
Signalons que ce travail diffère très peu de celui qu’Euler pré­
sente en 1777 à l’Académie de Pétersbourg et dans lequel il cite la
§ 6] SÉRIES DE TAYLOR 101

formule
^ (u -J- iv) (dz + i dy) = ^ u dx —v dy + i J v dx + u dy

et quelques-unes de ses applications. La même année 1825 Cauchy


publie dans un brochure son Mémoire sur les intégrales définies prises
entre des limites imaginaires, où il envisage une intégrale complexe
comme la limite de sommes intégrales et remarque que pour préciser
son sens il faut se donner encore des fonctions x = <p (t), y = %(£),
monotones et continues pour T et telles que cp (t0) = x0,
X (£0) = */o> <P (T) = X, X (T) = Y . Il semble qu’il ne connaissait
pas encore F interprétation géométrique de l’intégrale en tant
qu'intégrale le long d’un chemin du plan complexe ni même l’in­
terprétation géométrique des nombres complexes.
Son théorème fondamental, il l’énonce maintenant sous la forme
suivante : « si F (x + y Y —1) est finie et continue pour x 0^ x ^ . X
et i/o^ y ^ Yj la valeur de l’intégrale est indépendante de la nature
des fonctions (p (t) et X (t) » . Il prouve ce théorème en faisant varier
les fonctions cp et X et en montrant que la variation de l’intégrale est
nulle. Signalons qu’une notion assez rigoureuse d’intégrale de fonc­
tions d’une variable complexe en tant qu’intégrale le long d’un
chemin du plan complexe et un théorème relatif à l’indépendance
d’une intégrale par rapport au chemin d’intégration sont mentionnés
pour la première fois par C. Gauss en 1811 dans une lettre à Bessel.
Cauchy prouva sa formule intégrale en 1831 dans un mémoire
consacré à la mécanique céleste. Cauchy l’établit pour un cercle,
ce qui suffit à justifier le développement des fonctions en séries
entières (cf. paragraphe suivant). Nous parlerons plus bas des
résultats de Cauchy à mesure de leur exposition.

§ 6. Séries de Taylor
Dans ce paragraphe on se propose, en partant de la formule
intégrale de Cauchy, de représenter les fonctions holomorphes par
des sommes de séries entières (séries de Taylor).
Rappelons les notions élémentaires d’analyse relatives aux
oo
séries. On dit qu’une série (de nombres complexes) 2 an est
71=0
77

convergente si la suite de ses sommes partielles sn = 2 ak


k=0
possède une limite finie s appelée somme de cette série.
oo
On dit qu’une série de fonctions 2 fn (z) définies sur un
_ 77=0

ensèmble M cz C.est uniformément convergente sur M si elle converge


102 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

en tout point z de M et si pour tout e > 0 il existe un rang


oo
N = N (e) tel que pour tout N les restes | 2j f k (z) I < e
k= n+1
pour tout z de M.
On démontre exactement comme en analyse réelle qu’une série
oo
23 fn (z) converge uniformément sur un ensemble M si converge
71=0

la série à termes positifs 23 II fn II, où || f n || = sup | f n (z) |


n=o z6M
(la dernière condition exprime que la série envisagée est majorée
sur M par une série numérique convergente). On démontre de même
que la somme d’une série uniformément convergente de fonctions
continues sur un ensemble M est continue sur
cet ensemble et qu’une série de fonctions con­
tinues convergeant uniformément sur une
courbe (de classe C1 ou rectifiable) peut être
intégrée terme à terme le long de cette courbe.

20. Séries de Taylor. Le théorème suivant


est fondamental en théorie des fonctions d’une
variable complexe.
Fig. 41 Théorème 1. Une fonction f holomorphe
dans un domaine D est développable pour tout
z0 £ D en série entière de z — z0 dans tout disque U = [\ z — z0 | <
</?}<= D :
f {z) = 2j cn (z ~~ zo) • (1)
n=0

^ Soit z un point arbitraire de U ; choisissons un nombre r tel


que | z — z0 | <C r < R et désignons par y r le cercle {£ : | £ — z0 | =
= r} (fig. 41). La formule intégrale de Cauchy nous donne

Vr
Pour représenter / par une série entière, développons le « noyau »
de cette formule en une progression géométrique de z — z0 :
« (z-z0)n ( 2)
S (C-**)"
n=0
1
multiplions les deux membres par / (£) et intégrons terme à
terme sur yr. La progression (2) converge uniformément et abso-
§ 6] SÉRIES DE TAYLOR 103

lument en £ sur Yr, puisque*}-^—— = —— 1 pour tout


Ib Z0 \ r
££Yr* L’uniformité de la convergence n’est pas violée par la
multiplication par la fonction / (£) continue, donc bornée sur
y T. L’intégration terme à terme est donc licite et l ’on obtient

fW=~êü\ S d-l0P~ (z ~ z°)n = 2


Yr n=0 n=0
c„(Z- Zo)"f

c" = - 2 S T $ - F ^ F - (» = 0 , 1 , . ..)*). ◄ (3)

Définition. La série entière (1) dont les coefficients sont définis


par les formules (3) s’appelle série de Taylor de la fonction / au
voisinage de z0 ou de centre zQ.
Le théorème de Cauchy sur l’homotopie (n° 17) nous dit que les
coefficients cn de la série de Taylor, définis par la formule (3), ne
dépendent pas du rayon r du cercle y T (0 < r < R).
4? 1. Trouver le rayon du plus grand disque dans lequel la
fonction z/sin z se développe en série de Taylor au voisinage de
z0 = 0.
2. Soit / une fonction holomorphe sur C. Montrer que a) la fonc­
tion / est paire si et seulement si sa série de Taylor au voisinage de
z0 = 0 ne contient que des puissances paires de z; b) réelle sur l’axe
réel si et seulement si / (z) = / (z) pour tout z. #
Signalons des corollaires simples du théorème 1.
Inégalités de Cauchy. Soit f une fonction holomorphe dans un disque
fermé U = {| z — z0 } |^ r } et dont le module est inférieur à une
constante M sur le cercle y T = dU. Les coefficients de la série de Taylor
de / au voisinage de z0 satisfont aux inégalités
\c n | < M / r ” (n = 0, 1, . . .). (4)
>> Puisque | / (£) M sur y r, les formules (3) nous donnent
. ,^ 1M 0 M .
Ie n | ^ gjx ^71+1 2 jir rn •^

*) Cauchy communiqua ce théorème en 1831 à l’Académie de Turin. Sa


démonstration apparut d’abord sous forme lithographique en Italie et fut pu­
bliée en 1841 en France. Cauchy ne justifia pas la possibilité d’une intégration
terme à terme de la série, ce qui entraîna la remarque de P. Tchébychev qui en
1844 signala dans un travail que cette intégration était possible « seulement
dans des cas particuliers ».
104 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

gc Soit P (z) un polynôme de z de degré n. Montrer que si


| P (z) | <1 M pour | z | = 1, on a | P (z) | ^ M \ z \n pour tout z%
\z | > 1. *
Les inégalités de Cauchy entraînent l’intéressant
Théorème 2 (Liouville *)). Si une fonction f est holomorphe et
bornée sur C, elle est constante.
^ D’après le théorème 1, dans tout disque feripé U = {\z R },
R < oo, la fonction / se représente par la sérié de Taylor

/ (2) = S C„2"
n= 0

dont les coefficients sont indépendants de R. La fonction / étant bor­


née sur C (pour fixer les idéps | f (z) M), les inégalités de Cauchy
entraînent | cn | ^ M/ Rn pour tout n = 0, 1, . . . On peut prendre R
aussi grand que l’on veut, donc pour n = 1, 2, . . . le second mem­
bre tend vers 0 lorsque i?->- oo. Or le premier membre est indépendant
de i?, donc cn = 0 pour n = 1, 2, . . . et f (z) = c0. A
Donc les deux propriétés — être holomorphes sur C et être bor­
nées—ne peuvent coexister que pour les fonctions triviales (constan­
tes).
sic Démontrer les propriétés suivantes des fonctions f holomorphes
sur C:
1) Soit M (r) = max | / (z) | ; si M ( r ) ^ A rN + B , où
Iz\= r
r > 0 est un nombre quelconque, A, B et N des constantes, alors f
est une fonction polynôme de degré inférieur à N.
2) Si les valeurs de / sont toutes situées dans le demi-plan de
droite, alors / = const.
3) Si lim f {z) = oo, l’ensemble {z £ C: / (z) = 0} n’est
Z -+ OO
pas vide. $
Le théorème de Liouville s’énonce encore comme suit:
Théorème 2'. Si une fonction f est holomorphe sur C, elle est cons­
tante.
^ La fonction f est holomorphe à l’infini (cf. fin du n° 6), donc
lim f (z) existe et est finie. D’où il s’ensuit que f est bornée
2 —►OO
dans un voisinage {] z | > i?} du point à l’infini. Dans le reste du

*) Joseph Liouville (1809-1882), mathématicien français. En fait ce théorè­


me fut prouvé par Cauchy en 1844, quant à Liouville, il en publia un cas parti­
culier la même année. Ce détournement de paternité est l ’œuvre d’un élève
de Liouville qui prit connaissance de ce théorème aux cours lus par ce dernier.
§ 6] SÉRIES DE TAYLOR 105

plan { | z | ^ R } elle est bornée en tant que fonction continue sur


un ensemble borné formé. D onc/est bornée dans C et puisqu’elle est
holomorphe, elle est constante d’après le théorème 2. A
# Montrer que toute fonction / holomorphe en z = 0 et satisfai­
sant identiquement à la condition f (z) = f (2z) est constante,
Le théorème 1 affirme que toute fonction holomorphe dans un
disque se représente dans ce disque par la somme d’une série entière
convergente. On se propose de prouver la réciproque, à savoir que la
somme de toute série entière convergente
est une fonction holomorphe. Rappelons
à cet effet quelques propriétés des séries
entières qui sont connues du cours d’ana­
lyse réelle.
Lemme. Si les termes d'une série
entière
S cn (z — a)n (5)
71=0
sont bornés en un point z0 Ç C, i.e.
I cn (z0 — a)n | < M Fig. 42
(6)
(n = 0, 1, . . .),
cette série converge dans un disque U = {z : | z — a | < | z0 — a | }
et converge absolument et uniformément sur tout sous-ensemble compact
K <g U.
^ On peut admettre que z0 ^ a, i.e. | z0 — a \ = p >• 0, sinon
l’ensemble U serait vide. Supposons que K (g U. Alors pour tout
z£K
| z — a |/p < q < 1

(fig. 42). Donc pour tout point z Z K et tout re = 0, 1, . . . , on a


I c„ ( î - « ) " | < | c„ Ip Y 1-
Or | cn | pn^ .M par hypothèse (cf. (6)), donc pour tout z £ K la
série (5) est majorée par la progression géométrique convergente
co

M 2 ?” et Par suite converge uniformément sur K.


71=0
Nous avons prouvé la deuxième proposition du lemme, quant
à la première, elle résulte de la deuxième, car tout point z' Ç U est
contenu dans un disque {| z — a \ < p'}, | z' — a \ <. p' < p,
appartenant proprement à TJ. ◄
106 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Théorème 3 (Abel *)). Si une série entière (5) converge en un point


z0 g C, elle converge dans le disque U = {z : | z — a | < | z0 — a \}
et converge absolument et uniformément sur tout sous-ensemble compact
dans U.
^ La série (5) étant convergente en z0, le terme général cn (z0— a)n
de la série numérique correspondante tend vers 0. Or toute série
convergente est bornée, donc la condition du lemme est remplie. Ce
lemme entraîne les deux propositions du théorème. <<
Formule de Cauchy — Hadamard**). Soit donnée une série entiè­
re (5) telle que
ïïm sup V\77 i =
Tl-voo
411
- » (7)
où 0 ^ i ? ^ oo (on convient que 1 /0 = oo et l/o o = 0 ). Alors la
série (5) converge à Vintérieur du disque (| z — a \ <L R} et diverge
à Vextérieur.
^ On appelle limite supérieure d’une suite de réels a n un
nombre A tel que 1) il existe une suite partielle A, 2) pour
tout e > 0, il existe un entier N tel que a n < A + e pour tout
N. Signalons que les cas A = ± oo ne sont pas exclus : pour
A = + o o la condition 2) n’a plus de sens; pour A = - oo, le nombre
A + e est remplacé dans cette condition par un nombre arbitraire
(dans ce cas la condition 1) est automatiquement réalisée
et lim a n = — oo). On démontre en analyse que toute suite
n-*oc
<xn Ç R possède une seule limite supérieure (finie ou infinie).
Soit 0 < R < oo ; pour tout e > 0 on peut exhiber un entier N
------- |
tel que pour n ^ N l’on ait / | | < - ^ + e et par suite

k „ ( z — a)n \ < { ( 4 ‘+ e ) \ z ~ a i}"- (8)


Si \ z —~a |< Æ , on peut choisir e assez petit pour que e) X
X |z —a | = g < l ; on voit alors sur la formule (8) que pour n ^ N
les termes de la série (5) sont majorés par les termes de la progression
géométrique qn et par suite cette série converge pour | z — a \ < R.
En vertu de la condition 1) de la définition de la limite
supérieure, pour tout e > 0 il existe une suite nk oo telle que

*) Ce théorème a été publié en 1826 par le mathématicien norvégien Nils


Abel (1802-1829).
**) Cette formule est apparue en 1821 dans un travail de Cauchy; Cauchy
n’a naturellement pas introduit la notion de limite supérieure, mais il a parlé
de la « plus grande limite du nombre n y/rCjiy>• Cette formule a été prouvée par
J. Hadamard en 1892 dans sa thèse de doctorat.
§ 6) SÉRIES DE TAYLOR 107

’V I °nk I > -Jf —e. donc

| c„ft(2 —a)nh | > { ( 4 — e ) I z —a l} h• (9)


Si | z — a | > R, on peut choisir e assez petit pour que
— e) | z —a | > 1 ; on voit alors sur (9) que | cUk (z — a)nk | > 1,
donc le terme général de la série (5) ne tend pas vers 0, i.e.
cette série diverge pour | z —a | > R.
Les cas R = 0 et R = oo sont laissés au soin du lecteur. M
Définition. On appelle domaine de convergence de la série entiè-
o
re (5) le noyau ouvert (i.e. l’ensemble des points intérieurs) E de
l’ensemble E des points z £ C en lesquels converge cette série.
Théorème 4. Le domaine de convergence de la série entière (5) est le
disque (| z — a | < R}, où R est un nombre défini à partir de la
formule de Cauchy-Hadamard (7).
De la proposition précédente il s’ensuit que l’ensemble E des
points de convergence de la série (5) est le disque (| z — a | <C R}
auquel il faut ajouter un ensemble (éventuellement vide) de points
o
du cercle (| z — a | = R}. Donc le noyau ouvert E est le disque
{\z-a ◄
Le disque (ouvert) dont l’existence vient d’être prouvée s’appelle
disque de convergence de la série entière (5) et le nombre R , rayon de
convergence.
Exem ples. 1. D’après la formule de Cauchy — Hadamard, les
rayons de convergence des séries

a) 2 (z/n)n, b) 2 c) 2 (nz)n (10)


n= 1 n=1 n= 1
sont respectivement R = oo, 1 et 0. Donc les disques de convergence
respectifs sont le plan C, le disque unitaire { | z | < 1} et l’ensem­
ble vide.
2. D’après la même formule, le disque de convergence des séries
oo oo oo

a) 2 b) 2 zn/n, c) 2 z"/n2 (11)


n= 1 n= 1 7i=l

est le disque unitaire { | z | < 1). Mais les ensembles des points de
convergence de ces trois séries sont différents.La série a) diverge sur
le cercle { | z \ = 1}, car son terme général ne tend par vers 0 pour
s = l. La série b) converge en certains points du cercle { | z | =
108 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES ICH. II

= 1} (par exemple en z = — 1). La série c) converge sur ce cercle,


puisque pour tout z tel que | z | = 1 elle est majorée par la série
oo
numérique convergente 2 l/^ 2-
n= 1
Prouvons maintenant que la somme d’une série entière est une
fonction holomorphe.
Théorème 5. La somme de la série entière

/(* )= 2 cn (z — a)n (12)


71=0
est holomorphe dans le disque de convergence de cette série.
► Nous admettrons que le rayon de convergence R > 0, sinon
il n’y a rien à démontrer. Considérons la série formelle

S ncn (z —a)"'1= <p(z) ; (13)


71=1
oo
cette série converge ou diverge avec la série 2 ncn (2 — a)?\ et
___ ______ ___ ____ 71=1
puisque lim n/ n \cn \ = lim Y \ cn I» Ie rayon de convergence de
71-voo 71-►oo
la série (13) est aussi égal à R. La série (13) converge uniformément
sur des sous-ensembles compacts du disque U = { \ z — a | < Æ},
donc la fonction q> est continue dans U.
La série (13) peut être pour la même raison intégrée terme à ter­
me sur la frontière de tout triangle A (g U:
oo
^ < p d z = 2 ncn J (n — a)n~1dz = 0
dA 71=1 dA

(d’après le théorème de Cauchy toutes les intégrales du second mem­


bre sont nulles, donc il en est de même de celle du premier membre).
Par conséquent, on peut appliquer le théorème 3 du n° 16 et la re­
marque qui le suit et en vertu de laquelle la fonction
oo oo
5 <P(0d£ = 2 $ (£ —a)n-1d ^ = 2 cn(z ~ û)n
[a, 2] 71=1 [a, 2] 71=1
(on se sert de nouveau de la convergence uniforme) admet en tout
point z £ U une dérivée égale à <p (z). Mais alors la fonction
/(z) = c0+
Ç <p(Ê)d|
[<*;*]
admet aussi en tout point z Ç U une dérivée /' (z) = <p (z).^
§ 6] SÉRIES DE TAYLOR 109

21. Propriétés des fonctions holomorphes. Signalons quelques


corollaires du théorème d’holomorphie de la somme d’une série en­
tière.
Théorème 1. La dérivée de toute fonction f Ç 0 (D) est holomorphe
dans D.
► Pour tout point z0 Ç D construisons un disque U = { | z —
— z0 | < R }c= D. D’après le théorème 1 du n° 20 la fonction /
se représente dans U par la somme d’une série entière. D’après le
théorème 5 du n° 20 la dérivée /' = <p se représente par une série
convergente dans le même disque U. Donc on peut de nouveau appli­
quer le théorème 5 à q> et par suite <p est C-différentiable dans U. ^
Ce théorème entraîne immédiatement la condition nécessaire
d’existence de la primitive, évoquée au n° 16:
Corollaire. Si une fonction continue f possède une primitive F
dans un domaine D, elle est holomorphe dans D .
En appliquant encore le théorème 1 on obtient le
Théorème 1'. Toute fonction f holomorphe dans D possède des dé­
rivées de tout ordre qui sont aussi holomorphes dans D.
Le théorème suivant affirme l’unicité du développement d’une
fonction en série entière au voisinage d’un point donné.
Théorème 2. Si une fonction f se représente dans un disque { | z —
— z0 | < B } par la somme à! une série entière

/(*) = S cn (z — z0)n, (1)


. 1=0

les coefficients de cette série sont définis de façon unique par les formu­
les
cn = J^ sL (n — 0, 1 , . . . ) . (2)
► En posant z = z0 dans (1), on trouve / (z0) = c0. En déri­
vant (1) terme à terme, soit
/' (z) = ci + 2 c 2 (z — zo) + 3c3 (z — z0Y + . . .,
et en posant z = z0i on obtient /' (z0) = cx. La dérivation de (1)
n fois:
/(n) (z) = n \cn + c[ (z —z0) + c'2(z — z0)2+ . . .
(on omet d’écrire les expressions des coefficients) et la substitution
z = z0 nous donnent n!cn = /<n) (z0) .^
Le théorème 2 est parfois formulé sous la forme suivante : toute
série entière convergente est la série de Taylor de sa somme.
110 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

# Montrer que l’équation différentielle dw/dz = P (z, w), où


P est un polynôme des variables z et w, possède au voisinage d’un
point a Ç C au plus une solution / holomorphe satisfaisant à la condi­
tion / (a) = 6, où b est donné.
La formule (2) permet de représenter les fonctions élémentaires
par des séries entières. Par exemple,

e*—1 + z + "2T + + T T + -"’


A Z2 | z4
(3)
cosz = 1—2! + 4! •• s in Z= 2- TT + T r-
ces développements sont valables sur C (leur rayon de convergence
est R = oo).
En comparant les valeurs de cn calculées avec la formule (2) à
celles calculées avec la formule (3) du n° 20, on obtient les expres­
sions suivantes pour les dérivées des fonctions holomorphes:

) = ~2nf S (/— ( »=1, 2, ...) . (4)

Si / est une fonction holomorphe dans un domaine D et G (g Z),


un domaine limité par un nombre fini de courbes continues et tel
que Zq £ G, on peut, en se servant de l’invariance de l’intégrale par
une déformation homotope du contour, remplacer y r par le contour
orienté dG dans la dernière formule. On obtient les formules de Cau-
chy pour les dérivées des fonctions holomorphes:

<5 >
dG

(on écrit z au lieu de z0 et on admet que z £ G).


Ces formules s’obtiennent à partir de la formule intégrale de Cau­
chy

dG

par une dérivation par rapport au paramètre z sous le signe d’inté­


gration. Ce raisonnement indirect nous évite de démontrer la légi­
timité de cette dérivation.
Théorème 3 (Moréra *)). Si une fonction f est continue dans un do­
maine D et son intégrale le long du contour dA de tout triangle A €= D
est nulle, alors f Ç O (D).

*) Jacinto Moréra, mathématicien italien (1856-1909). A prouvé ce théorè­


me en 1889.
SflRIES DE TAYLOR 114

>> Pour tout point a £ D construisons le disque U = { | z — a | <


0 } c = D. La fonction F (z) = \ / (£) d£ est holomorphe dans U
[a,z]
et F' (z) = f (z) en tout point z Ç U (cf. remarque suivant le théorè­
me 3 du n° 16). D’après le théorème 1 il s’ensuit que / est holomorphe
dans U. Ce qui prouve que/ est holomorphe en chaque point a
Remarque. Le théorème de Moréra est réciproque du théorème de
Cauchy dans la formulation du n° 16, à savoir que l’intégrale d’une
fonction holomorphe dans un domaine D le long du contour d’un
triangle quelconque A g i ) est nulle. Mais le théorème de Moréra
contient une condition supplémentaire de continuité de la fonction
/. Cette condition est essentielle : par exemple, l’intégrale d’une fonc­
tion partout nulle dans C sauf en un point où elle est égale à 1, pri­
se le long du contour d’un triangle quelconque est nulle, et pourtant
cette fonction n’est pas holomorphe, car elle n’est même pas conti­
nue.
Le théorème de Moréra n’impose aucune condition de dérivabili-
té : les fonctions qui remplissent les conditions de ce théorème peu­
vent être appelées solutions généralisées du système de Cauchy —
Riemann. Le théorème affirme que toute solution généralisée de ce
système est une solution classique, i.e. possède des dérivées partiel­
les continues satisfaisant à ce système.
4: Soit / une fonction continue dans le disque U = { | z | < 1}
et holomorphe partout dans U sauf sur le diamètre ] — 1, 1[: mon
trer que / 6 & (U). $
Enumérons en conclusion les résultats relatifs à l’équivalence des
diverses définitions de l’holomorphie d’une fonction en un point:
Théorème 4. Les trois propositions suivantes sont équivalentes:
(R) la fonction f est C-différentiable dans un voisinage U d'un
point a\
(C) la fonction f est continue dans un voisinage U d'un point a et
son intégrale le long de la frontière dA de tout triangle A (g U est nul­
le;
(W) la fonction f se développe en une série entière convergente dans
un voisinage U d'un point a.
Ces trois propositions traduisent trois conceptions dans l’élabo­
ration de la théorie des fonctions holomorphes. En général, une fonc­
tion est appelée respectivement Riemann-holomorphe, Cauchy-
holomorphe ou Weierstrass-holomorphe *) selon qu’elle satisfait à
la condition (R), (C) ou (W).

*) Ces dénominations expriment en gros le cours réel des faits (cf. page 106
et plus bas pages 150 et 215).
112 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

L’implication (R)=>- (C) a été prouvée dans le théorème de Cau­


chy (n° 16), l’implication (C) =>- (W), dans le théorème de Taylor,
et l’implication (W) => (R), dans le théorème d’holomorphie de la
somme d’une série entière.
Faisons enfin une
Remarque. On a vu qu’une condition nécessaire et suffisante pour
qu’une fonction / sont holomorphe dans un disque { | z — a | < R }
est qu’elle se développe en une série entière convergente dans ce dis­
que. Mais la convergence de cette série aux points frontières du dis­
que de convergence n’est pas liée à l’holomorphie de la somme de
cette série en ces points. On peut s’en assurer sur des exemples sim­
ples.
En effet, la série
oo
t = t = 2 2” <«>
7i=0

converge dans le disque { | z | < 1}. Elle diverge sur le cercle


{ | z | = 1 }, car son terme général ne tend pas vers 0. Or la somme
de cette série est holomorphe en tous les points du cercle sauf en
2 = 1. D’autre part, la série

2
71= 1
£ = /(* ) (7)

converge en tous les points du cercle du disque de convergence


{ | z | = 1}, car elle est majorée par la série numérique convergente
2 —2• Or sa somme / ne peut être holomorphe au point z = 1, car la
oo
dérivée f' (z) = 2j - j p - croît indéfiniment lorsque z tend vers 1 le
î
long de l’axe réel.
22. Théorème d’unicité. Définition 1. On appelle zéro d’une
fonction / tout point a Ç C en lequel cette fonction s’annule, i.e.
toute racine de l’équation / (z) = 0.
En analyse réelle, les zéros d’une fonction dérivable peuvent pos­
séder des points d’accumulation en lesquels cette fonction reste dé­
rivable (c’est le cas par exemple du point x = 0 pour la fonction
f (x) = x2 sin (llx)). En analyse complexe, la situation se présente
d’une manière différente: les zéros d’une fonction holomorphe sont
nécessairement isolés, ils ne peuvent posséder des points d’accumula-
§ 6] SÉRIES DE TAYLOR 113

tion que sur la frontière du domaine dans lequel cette fonction est
holomorphe *). Ce fait est traduit par le
Théorème 1. Si un point a est un zéro d'une fonction f holomorphe
en a et non identiquement nulle dans aucun voisinage de a, il existe un
entier naturel n tel que
f(z) = ( * - a ) n q>(*), (1)
ou la fonction cp est holomorphe en a et non nulle dans un voisinage de a.
► En effet, la fonction / se développe en série entière dans un voi­
sinage de a. Le terme constant de cette série est nul puisque / (a) =
= 0, mais les autres coefficients ne peuvent être tous nuis, car on au­
rait / = 0 dans un voisinage de a. Il existe donc un coefficient non
nul de rang inférieur, rang que l’on désignera par n pour fixer les
idées, et le développement s’écrit
f(z) = cn (z — a)n + cn+i(z — a)n+1+ . . . . cn =^0. (2)
Soit
<p(z) = cn + cn+i (z — a ) + . . .
Cette série étant convergente dans un voisinage de a, sa somme <p (z)
est une fonction holomorphe dans ce voisinage. Puisque cp (a) =
=cn =7^=0 on a cp=7^ 0 dans un voisinage de a en vertu de la continuité
de cp. <
Théorème 2 (d’unicité **)). Si deux fonctions / 4, / 2 G 0 (D) sont
confondues sur un ensemble E possédant au moins un point d'accu­
mulation a £ D, alors f x = / 2 partout dans D .
► La fonction / = fx — / 2 Ç 0 (Z)); il faut montrer que f =
— 0 dans Z), i.e. que l’ensemble F = {z £D : f (z) = 0}zd E
est confondu avec D . Le point d’accumulation a est un zéro de /
(en vertu de la continuité de cette dernière). D’après le théorème 1
la fonction f = 0 dans un voisinage de a, sinon ce point ne serait
pas un point d’accumulation O
de l’ensemble des zéros de /.
Donc le noyau ouvert F de l’ensemble F (i.e. l’ensemble de ses
points intérieurs) n’est pas vide : il contient le point a. Par construc-
o
tion F est ouvert, mais il est aussi fermé (pour la topologie relati­
ve du domaine Z)). En effet, si b Ç D est un point d’accumulation de
F, la fonction / = 0 dans un voisinage du point b en vertu du théorè-
o
me 1, autrement dit, b Ç F. Le domaine D étant connexe par défi-
o
nition, le théorème 2 du n° 4 nous dit que F = D. <4
*) Signalons que la fonction / (z) = z2 sin (1/z) n’est plus holomorphe en
2 = 0 , car lorsque z-+ 0 suivant une direction (par exemple, suivant l ’axe
imaginaire), sin (Hz) tend vers l ’infini plus vite que toute puissance de Hz.
**) Ce théorème remonte à B. Riemann (1851), cf. plus bas page 215.
8—0714
114 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [C H . I I

Ce théorème met aussi l’accent sur la différence fondamentale


qui existe entre la notion d’holomorphie d’une fonction et la notion
de R-différentiabilité. En effet, deux fonctions d’une variable réel­
le, même indéfiniment dérivables, peuvent être confondues sur une
partie du domaine de définition sans être identiquement confondues.
Mais le théorème prouvé nous dit que deux fonctions holomorphes
confondues sur un ensemble quelconque possédant un point d’accu­
mulation appartenant au domaine où elles sont holomorphes (par
exemple, sur un petit disque ou un arc appartenant à ce domaine)
sont identiquement confondues sur ce domaine.
% Montrer que si / est holomorphe dans un voisinage de z = 0,
il existe un entier naturel n tel que / (1In) =£ (—1)n/n3. %
Remarquons encore que le théorème d’unicité nous permet de
simplifier légèrement l’énoncé du théorème 1. Plus exactement, la
condition que la fonction / n’est identiquement nulle dans aucun
voisinage du point a peut être remplacée par la condition qu’elle
n’est nulle part identiquement nulle (ces deux conditions sont con­
fondues d’après le théorème d’unicité).
Le théorème 1 nous apprend que les fonctions holomorphes s’an­
nulent comme les puissances entières de (z — a).
Définition 2. On appelle ordre ou multiplicité d'un zéro a Ç C
d’une fonction / holomorphe en a l’ordre de la première dérivée
(a) non nulle. En d’autres termes, un point a est un zéro d’ordre
n de / si
/(* ) = . . . = r - 1* (a) = 0, /<"> (a) ^=0 (72> 1). (3)
Sur la formule des coefficients ch = ^ du développement de Taylor
on voit que l’ordre du zéro a est égal au rang du premier coeffi­
cient non nul du développement taylorien de cette fonction au point
a, c’est-à-dire au nombre n qui intervient dans le théorème 1. Le
théorème d’unicité indique que les fonctions holomorphes non iden­
tiquement railles ne peuvent présenter de zéro d’ordre infini.
De même que pour les polynômes on peut définir l’ordre d’un
zéro à l’aide de la divisibilité. Plus exactement, on a le
Théorème 3. Vordre d'un zéro a f C d'une fonction holomorphe f
est égal à la plus grande puissance (z —a)h par laquelle f est « divisible »
f (z\
en ce sens que le quotient ^ —a)k (prolongépar continuité au point a)
est une fonction holomorphe en a.
► Désignons par n l’ordre du zéro a et par N, la plus grande puis­
sance du binôme (z — a) par laquelle est divisible /. On voit sur
la formule (1) que / est divisible par toute puissance k ^ . n de
§ 6] SÉRIES DE TAYLOR 115

(z — a):
/(z) :{z — a)"-ft(p(z),
(z —a)h
donc N ^ n . Supposons que / est divisible par (z — a)N, î.e.
que le quotient
f(z)
(z — a) N
est une fonction holomorphe en a. En développant en série entière
de (z — a), on trouve que le développement taylorien de / au voisi­
nage de a commence par une puissance ^ N . Donc N et en com­
binant avec l’inégalité ci-dessus on obtient N = n. ^
Exemple. La fonction f (z) = sin z — z présente un zéro d’ordre
trois en 2 = 0. En effet, / (0) = /' (0) = /" (0) = 0, / ' " (0) ^
=^= 0. Ceci ressort aussi du développement
/ (z) = sin z - z = — - |j~ t—f r + • • •
Remarque. Soit / une fonction holomorphe et nulle au point à
l’infini. Il est naturel d’appeler ordre de ce zéro l’ordre du zéro de la
fonction cp (z) = / (Hz) au point 2 = 0. Le théorème prouvé reste
en vigueur pour le point a = oo si la division par (z — a)h est rem­
placée par la multiplication par zk (h = 1, 2, . . .).
La notion d’ordre d’un zéro peut être généralisée aux -points
d’une fonction holomorphe. On appelle A-point d’une fonction /
un point a Ç C tel que / (a) = A. On appelle ordre d’un A -point a
d’une fonction / holomorphe en a l’ordre du zéro a de la fonction
/ (z) - A.
23. Théorème de Weierstrass et de Runge. On sait qu’en analyse
réelle la dérivation terme à terme d’une série implique la convergen­
ce de cette série en un point quelconque et la convergence uniforme
de la série des dérivées. En analyse complexe la situation est plus
simple. On a le
Théorème 1 (Weierstrass *)). Si une série

m = S7 1/=»0 ( * ) a)
de fonctions holomorphes dans un domaine D converge uniformément
sur tout sous-ensemble compact de D , alors
1) la somme f de cette série est holomorphe dans D ;
2) la série f est dérivable terme à terme en tout point de D autant
de fois qu on le veut.
*) Ce théorème a été prouvé par C. Weierstrass en 1841 dans un cahier de
Munich (cf. plus bas page 121), mais n’a été publié qu’en 1894.
8*
116 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

► Soit a £ D un point arbitraire et soit U = { | z — a | <


< r ) (Ti D. La série (1) étant par hypothèse convergente uniformé­
ment sur U et ses termes continus dans £/, sa somme / est continue
dans U. Désignons par y le bord orienté d’un triangle A c £7. La
série (1) étant uniformément convergente sur y , on peut l’intégrer
terme à terme sur y:
oo

\ f iz= 2 $ fn dz.
V n=0 V
Les fonctions f n étant holomorphes dans £/, les intégrales du se­
cond membre sont toutes milles d’après le théorème de Cauchy. Donc
l’intégrale de / sur y est nulle aussi. Le théorème de Moréra nous dit
que / est holomorphe dans U. Ce qui prouve la proposition 1).
Pour prouver 2) prenons un point arbitraire a construisons
un disque U — { \ z — a | < r} (g D et désignons par y r = dU
le cercle { | z — a | = r}. La formule de Cauchy pour les dérivées
nous donne
= ( 2)
Vr
La série
oo
/(z ) _ K* fn (z) /o\
(z— a)&+1 ^ (z—a)&+1 ' '
71=0
étant uniformément convergente sur yT (elle diffère de (1) d’un
î_
facteur dont le module est égal à r ft+1 sur yr), on peut la por­
ter dans l ’intégrale (2). L’application de la formule (2) aux fonc­
tions f n nous donne

/<,>( - ) = i 4 l r S ^ = S C ( a ) .
71=0 Vr 71=0
Ce qui prouve 2). ^
oo

^ Expliquer pourquoi la série 2 ~ r " n ’est pas dérivable


71=1
terme à terme, «g:
Les séries formées avec les polynômes jouent un rôle particulier
en analyse. Le théorème de Weierstrass nous permet d’affirmer que
si une série de polynômes

/ ( * ) =71=0
2 Pn{*) (4)
§ 6] SÉRIES DE TAYLOR 117

converge uniformément sur chaque sous-ensemble compact d’un


domaine D, sa somme / est holomorphe dans Z).
En pratique c’est le problème inverse qui est important, c’est-
à-dire le problème qui consiste à approcher une fonction arbitraire,
holomorphe dans un domaine D par une suite de polynômes, cette
approximation devant en général être uniforme sur tout sous-ensem­
ble compact de D . Voici la position exacte de ce problème.
Soient donnés un domaine D a C et une fonction / 6 0 (Z)),
On demande de construire pour tout ensemble K (c= D et tout e > 0
un polynôme P (z) tel que
Il / —P \\k = sup \ f (z) — P (z) | < e. (5)
zEK
oo

Ce problème revient à construire une série de polynômes 2 Pn


71=0
qui converge uniformément vers / sur tout sous-ensemble com­
pact du domaine D . En effet, les sommes partielles de rang assez éle­
vé satisfont visiblement aux condi­
tions du problème. Pour prouver la
réciproque on se servira du lemme
d’exhaustion compacte:
Lemme. Pour tout domaine D œ. C
on peut construire une exhaustion com­
pacte, i.e. une suite d'ensembles K n
fermés {pour la topologie de C) tels que
K1ci K 2cz . . .c i K n a . . ., (6)
de plus tous les K n a D et tout point z
de D appartient à tous les K n à partir d'un certain n (D = \J K n)%
72= 1

► Pour K n on peut prendre les ensembles


K n = { z e D : |s | < n , p (s, 1/n},
où p (z, dD) est la distance de z à la frontière du domaine D et
n = 1, 2, . . . (fig. 43). <4
Remarque. Fixons un point z0 fZ) et désignons par Gn la compo-
o
santé connexe du noyau K n, contenant z0 (ces composantes ne sont
pas vides à partir d’un certain n = n0). On obtient alors une exhaus­
tion compacte de D par les domaines
G1(ç î G2<
ç: . . . g e BÊ (7)
118 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

La fonction p(z, dD) satisfaisant à la condition de Lipschitz, i.e.


| p (z\ dD) - p (z", dD) | < | z' - z" | , Vz', z ' t D ,
les contours des domaines Gn sont constitués par un nombre fini de
courbes rectifiables. Bien plus, en recouvrant Gn par un nombre fini
de cercles de rayons assez petits, on peut construire une suite de do­
maines G'n de bords différentiables par morceaux qui forme aussi
une exhaustion compacte de D .
Remarquons enfin que si le domaine D est simplement connexe,
les domaines Gn de son exhaustion compacte peuvent être considérés
comme simplement connexes.
Revenons maintenant à nos raisonnements. En se servant du lem-
me on démontre sans peine que si le problème d’approximation
uniforme par des polynômes est soluble dans un domaine Z), on
peut représenter dans D toute fonction / Ç 0 (D) par une série de
polynômes uniformément convergente sur chaque K (g D, En effet,
oo
considérons une exhaustion compacte de D {D = U K n) et comme
71=1
dans le lemme construisons une suite de polynômes P n tels que
W f - P n IIkw< 1 / 2 b (n = 1 , 2 , . . . ) . (8)
La série

* ! ( * ) + S [ P n+l ( z ) - P n {z)] (9)


n= 1
est la série cherchée. En effet, sa n-ième somme partielle est égale à
P n, donc elle converge uniformément vers / sur chaque K (£. D
en vertu de (8) (tout K (çz D appartient à tous les K n à partir d’un
certain rang et par suite || f — P n \\K < e pour tout e > 0 si
n est assez grand).
Si le domaine D est un disque U = { | z — a | < i?}, la solution
du problème posé est donnée par des polynômes de Taylor de la fonc­
tion / au voisinage du point a:
P„ (z) = / (a) + /' (a) (z - a) + . . . + (z - a)". (10)
En effet, on sait que / se représente dans U par une série entière qui
de plus converge uniformément sur des sous-ensembles compacts de
U.
Mais les séries entières ne convergent que dans des disques, donc
les polynômes de Taylor ne conviennent pas pour l’approximation des
fonctions dans des domaines de forme plus générale. La solution de
l’approximation des fonctions dans des domaines simplement con­
nexes est donnée par le
§ 6] SÉRIES DE TAYLOR 119

Théorème 2 (Runge *)). Soient f une fonction holomorphe dans un


domaine simplement connexe D £ C et K un sous-ensemble compact de
D. Alors pour tout e > 0 il existe un polynôme P tel que
\\f-P\\K < e. (11)
► Construisons un domaine G simplement connexe à bord
dG = y différentiable par morceaux, tel que K (c= G (œ D (cf. remar­
que suivant le lemme). Pour tout point z £ K, la formule intégrale
de Cauchy nous donne

v
Montrons tout d’abord que / peut être approchée sur K par des fonc­
tions rationnelles. A cet effet subdivisons y à l’aide des points
£v (y = 1, . . N) pris dans l’ordre de parcours de y, désignons par
yv la portion comprise entre £v et £v+1, posons A£v = £v+i —
— £v (on admet que £N+1 = £t) et considérons la fonction ration­
nelle

v= 1
On a de toute évidence

/w -îW -È rÊ <14>
v = l Vv
/ (O
La fonction des variables complexes z et £ est uniformément
continue sur l’ensemble compact K X y de l’espace à quatre dimen­
sions (z, £)**), car continue sur cet ensemble. On peut donc pour tout
f P) f (L ) I
I^ J< e pour tout
£ 6 yv et tout z Ç K. En portant cette majoration dans (14), on ob­
tient

où | y | est la longueur de y. Ce qui prouve la possibilité d’une


approximation de / par des fonctions rationnelles de la forme (13).
Reste à prouver que toute fonction de la forme (13) peut être
uniformément approchée sur K par des polynômes. Il suffit pour cela

*) Ce théorème a été prouvé en 1885 par le mathématicien allemand Cari


Runge (1856-1927).
**) Par A x B on désigne le produit des ensembles A et B , i.e. l ’ensemble
de tous les couples (a, b), où a Ç A et b 6 B.
120 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

de montrer que toute fonction l/(£v — z), où £v Ç dG est un point


arbitraire, est uniformément approchable par des polynômes sur K.
On se propose de démontrer plus: soit G' un domaine tel que
K (g G' (g G et supposons que le complémentaire A = C e s t con­
nexe *); alors l’ensemble
E =
I
= {a 6 A : — - s ’approxime uniformément sur K par des polynômes }
est confondu avec A.
L’ensemble E n’est pas vide, car il contient l’extérieur du disque
{ | z | C jR} qui renferme K . En effet, pour tout a, | a | > R, la
fonction 1/(a — z) est holomorphe dans { | z R}, donc elle s’ap-
proxime uniformément dans ce disque (donc sur K) par ses polynô­
mes de Taylor au voisinage de z = 0. L’ensemble E est fermé (pour
la topologie de A), car si une suite de points an £ E converge vers
un point a £ A, la suite de fonctions i/(an — z) converge uniformé­
ment sur K vers 1/(a — z) (pour a = oo il faut remplacer cette suite
par 0), et puisque les 1/(an — z) s’approximent tous uniformément
sur K par des polynômes, il en est de même de il (a — z). Mais E
est aussi ouvert : soient a0 Ç E et a un point quelconque du disque
|| a —a0II < iQf I0O~~z I ’»on a
ztK

1
--------------1
1
----------------•
1 ■■ .N? —a)n
(flQ-
CL— Z CLq— Z ^ CLq— CL (®0—ZY
a0— z 71=0

de plus cette série converge uniformément sur K. Puisque î/(a0 —z),


donc 1/(a0 — z), s’approximent sur K par des polynômes,
il en est de même des sommes partielles de cette série, i.e. a Ç E.
Donc E n’est pas vide et est un sous-ensemble à la fois ouvert et
fermé de l’ensemble connexe A; d’après le théorème 2 du n°4, on a
E = A.«j
Remarque. On démontre par la même méthode que toute fonction
/ holomorphe sur un ensemble Q ouvert (pas nécessairement connexe)
à complémentaire connexe s’approxime uniformément par des poly­
nômes sur chaque K (g Q, (La deuxième partie de la démonstration
ne subit aucun changement ; dans la première partie il faut construi­
re un ensemble ouvert G, K (g G (g Q, de bord y = dG formé d’un
nombre fini de courbes différentiables par morceaux et remarquer que
la formule (12) se généralise à ce cas.)

*) On peut construire un tel domaine G' en s’appuyant sur le lemme prouvé


et la simple connexité du domaine G.
§ 7] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 121

Par ailleurs, les fonctions holomorphes ne s’approximent pas en


général par des polynômes dans des domaines multiplement con­
nexes. La cause de ce fait sera élucidée plus bas (cf. n° 36).
Montrer que la fonction / (z) = z ne peut être uniformément
approchée par des polynômes sur le cercle { | z | = 1}. #

§ 7. Séries de Laurent et points singuliers


Les séries de Taylor sont favorables à la représentation en séries
entières des fonctions holomorphes dans un disque. Nous envisageons
ici des séries plus générales de puissances positives et négatives de
(:z — a). Ces séries représentent des fonctions holomorphes dans des
couronnes circulaires
V = { z £ C : r < C \ z — a \ <C R}, 0, i? ^ o o .
Les développements sont particulièrement importants dans les
couronnes dont les cercles intérieurs sont de rayons nuis, i.e. dans
les voisinages pointés. Ces développements permettent d’étudier les
fonctions holomorphes au voisinage des points où l’holomorphie est
violée (les points singuiliers).
24. Séries de Laurent. Théorème 1 (Laurent *)). Toute fonction f
holomorphe dans une couronne V = {r < | z — a | < i? } peut être
représentée dans V par la somme d'une série entière

f (z) — f
71=-oo
cn (z — a)n, (1).

dont les coefficients se définissent à Vaide des formules


Cn==~2ïïr $ (Z,— a)n+1 (^ = 0, ± 1, ± 2, . . . ), (2)-
{|z —a|=p)
où r < p < R.
► Fixons un point arbitraire z £ V et construisons une couronne'
V' = {£ : r' < | £ - a | < R '} telle que z g V'<g V (fig. 44).
La formule intégrale de Cauchy nous donne
= J _ f f(QdÇ_ 1 f /( Q d t___ 1_ Ç /(£) d£
1 K' 2ni J l —z 2ni J z 2ni ) l — z (3>
av' r' y
où les cercles T' = {|£— a\ == R'} et = —a\ = r'} sont orientés,
dans le sens direct.

*) Ce théorème a été prouvé par Weierstrass dans ses cahiers de Munich


(1841) qui n’ont été publiés qu’en 1894. Il a été publié auparavant par l ’ingé­
nieur militaire et mathématicien français Pierre Alphonse Laurent (1813-1854).
1 22 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Pour tout on a £—z = q<Z 1, donc la progression


géométrique

v <z~
t-z Zj (<t —
s -r
& a) ( 1 ) n=0

converge absolument et uniformément en £ sur F'. En la multipliant


par la fonction bornée -t^ / (£) (ce qui ne viole pas la convergence
uniforme) et en intégrant terme à terme sur
T \ on obtient
1 f / (Ç) de _
2ni J l — z = 2 cn (z — a)n, (4)
T' 71=0

i r / ( O dt
(« = 0, 1, . . . ) . (5)
2ni J (£ —a)n-1
P'
La deuxième intégrale de la formule (3)
doit être décomposée d’une autre manière.
Pour tout £ 6 Y » on a = qx < 1, donc on obtient une pro­
gression géométrique absolument et uniformément convergente sur
y ' en procédant comme suit :
1 _______ 1________= y (t-a )71-1
t>—z /. t —a \ ^ (z—à)n

En multipliant de nouveau par la fonction bornée - ^ r f (£) et en


intégrant terme à terme le long de y \ on trouve
oo
1 f /(QdÇ _ y dn
2ni J £—z Zj (z —ayi » ( 6)
V' 71=1
OU

(» = 1’ 2’ •••)• (7)

Dans les formules (6) et (7) remplaçons maintenant l’indice n


qui prend les valeurs 1, 2, . . . par l’indice —n qui prend les va-
'S 7J SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 123

leurs —1, —2, . . . (ceci ne change rien) et posons *)


cn - d _ n = ^ - \ n i ) { l - a ) - ^ A l (n= — 1, —2, ...) , (8)
Y'
Je développement (6) devient alors

2 « » ('-« > "• <6')


Y' n= - 1

Portons maintenant (4) et (6') dans (3); on obtient le dévelop-


oo

pement (1) annoncé: / (z) = S cn (z — a)n, où cette série est la


7 1 = - oo
réunion des séries (4) et (6'). Reste à remarquer que d’après le théorè­
me de Cauchy sur l’homotopie (n° 17), on peut remplacer dans les
formules (5) et (8) les cercles T' et y' par n’importe quel cercle
( | £ — a | = p}, où r <1 p <C R et ces formules prennent alors la
forme (2). <4
Définition. La série (1) dont les coefficients sont définis par les
formules (2) s’appelle série de Laurent de la fonction / dans la cou­
ronne V. L’ensemble des puissances positives s’appelle partie régu­
lière de cette série, celui des puissances négatives, partie principale
(l’adéquation de ces dénominations apparaîtra au numéro suivant)
de la série.
Considérons les propriétés fondamentales des séries entières de
z — a. Comme plus haut définissons une telle série

2
7 1 = -O O
cn ( z - a ) n (9)
comme la réunion des séries
(2,): Z c n ( z - a ) n et (2*): 2 en { s - a ) \ (10)
71=0 71= —1
La série (2X) est une série entière ordinaire ; son domaine de con­
vergence est le disque { | z — a \ <C R}, où le nombre R est défini
par la formule de Cauchy — Hadamard
4 - = 71i -*i oo^ r K i . (ii)
La série (22) est une série entière de Z = H(z — a):
oo

(22) : 2 c_nZ”. (12)


71=1

*) Signalons que nous n’avons pas encore fait usage des coefficients cn
à indices négatifs.
124 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I3F

Donc, son domaine de convergence est l’extérieur du disque*


(|z —a\ > r } , où
r = lim y |c_„| (13>
n->oo

en vertu de la formule de Cauchy — Hadamard appliquée à la série*


(12). Le nombre R n’est pas nécessairement plus grand que r, donc
le domaine de convergence de la série (9) peut être vide. Mais si
r < iî, le domaine de convergence de la série (9) sera la couronne*
V = {r < | z — a | < i?}. Remarquons que l’ensemble des points
de convergence de la série (9) peut différer de V d’un ensemble de
points appartenant à dV.
D’après le théorème d’Abel la série (9) converge uniformément
sur tout sous-ensemble compact de V, donc sa somme est holomor-
phe dans V en vertu du théorème de Weierstrass.
De ces deux remarques il s’ensuit immédiatement le théo­
rème d’unicité du développement d’une fonction en série de puissan­
ces positives et négatives dans V :
Théorème 2. Si une fonction f se représente par une série (1) dans•
la couronne V = (r < | z — a | < i?}, les coefficients de cette série'
sont définis par les formules (2).
► Considérons le cercle y = { | z — a \ = p}, r <. p < R. La
série

S ch {z— o)ft = /(z)


 = -o o

converge uniformément sur y et cette propriété est préservée par la


multiplication des deux membres par une puissance quelconque*
( z - a ) - " - 1 (* = 0, ± 1, ± 2, . . . ) :

2 (z a)li~n~1 = •
h = — oo

L’intégration terme à terme de cette série sur y nous donne*


oo

s
h = - oo 7
s
7

En se servant du fait que, d’après la propriété d’orthogonalité des


puissances (n° 15), toutes les intégrales du premier membre sont
milles à l’exception d’une seule, celle pour laquelle k = ny qui est
•§ 7] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 125

égale à 2m, on obtient

2nicn = jj -(7 ■ (» = 0, ± 1 , ...)»


Y

ce qui est confondu avec (2). <4


Le théorème 2 peut s’énoncer de la manière suivante: toute sé­
rie convergente de puissances positives et négatives de z — a est
la série de Laurent de sa somme.
Les formules (2) des coefficients de la série de Laurent sont d’un
usage peu fréquent en pratique, car elles impliquent un calcul d’in­
tégrales. D’après le théorème d’unicité prouvé, on peut se servir de
tout procédé licite pour obtenir des développements de Laurent:
«de tels procédés conduisent au résultat escompté.
Exem ple. La fonction / (z) = ■ 2) est holomorphe dans
les couronnes Vi = { 0 < \z\ < 1}, F2 = { l < | z | < 2 } et F3= { 2 <
< |z |< o o } . Pour développer cette fonction en séries de Laurent,
1 1
mettons-la sous la forme / (z) = ^-----JU J • Dans la couronne
Wi ces termes se représentent par les progressions géométriques

1 _

2— 2 — Y 2 ( t ) ” (converge Pour |z |< 2)-


71=0
(14)
7Z T = T = T = 2 z” (converge pour | z | < l ) .
71=0
La fonction se représente donc dans Vi par la série

/(* )= s ( i - - s M * ”
71=0
qui ne contient que des puissances positives (série de Taylor).
Dans la couronne F2, le premier développement (14) continue de
converger, quant au second, il faut le remplacer par le développement
{convergent pour | z ! > 1)

1 _ 1 1
z—1 - S *"•
z 71=- 1
126 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Dans cette couronne la fonction / se représente donc par la série de


Laurent

/< *> --2 n= -1 n= 0


MT- (15)
Dans la couronne V3 la série (15) continue de converger, quant à
la première série (14), il faut la remplacer par la série (convergente
pour | z | > 2)
1 _ 1 1 1 v / z \n
T “
T ^ 2 ~ 2~~T ^ \T / *
l~ T “= - ‘
Donc dans V3
—oo

f(z)= S ( w - 1 ) 2"*
n= - 1

Signalons que les coefficients de la série de Laurent sont défi­


nis par les formules (2), qui pour n ^ O sont confondues avec les for­
mules intégrales des coefficients de la série de Taylor *). En repre­
nant ad litteram les raisonnements qui nous ont servi dans le n° 20
à établir les inégalités de Cauchy pour les coefficients de la série de
Taylor, on obtient les
Inégalités de Cauchy (pour les coefficients de la série de Laurent).
Soit f une fonction holomorphe dans une couronne V = { r < |z —a |<C
< R ) et dont le module est inférieur à une constante M sur un cercle
YP = { | z — a | = p}, r < p <; i?. Alors les coefficients de la série
de Laurent de la fonction f satisfont dans V aux inégalités
\c n K M/pn (n = 0, ± 1 , ± 2 , . . . ) . (16)

Signalons en conclusion le lien existant entre les séries de Laurent


et celles de Fourier. On appelle série de Fourier d’une fonction cp
intégrale sur l’intervalle [0, 2jt]ci R la série
oo

-J -4 - 2 «nCOsre* + &„sinn*, (17)


71=1

*) Mais les coefficients de la série de Laurent ne peuvent être représentés


par la formule différentielle cn = f(n)(a)/n\ ne serait-ce que parce que / n’est
généralement pas définie pour z = a.
§ 7] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 12 7


2Jt

^ (p (£) cosra£ d£,


dn
0
2ît (18)
bn = -^- J <p(£)sinrc£d£ (n = 0, 1, ...)
o
(on admet que b0= 0). Cette série peut être écrite sous forme
complexe. Utilisons à cet effet les formules d’Euler cos nt =
Gin t _|_ e- i n t Q Î n t ___ Q - i n t

2
sin nt 2i
. En les portant dans (17), on
trouve

^ ün ^ >n Qint | an~\ribn ç - i n t ^ ___ ^ ^ ^%nt


n= 1
OU
2 ji
an—it>n _ 1 J (p (^ e int d£ (n = 0, 1, . ..),
2 2j i
2Jt
<Z-n+ ^-n 1
2 — 2ji ^ <p(£) e”ini d£ (r a = —1, —2, . . . ) .
La série

S c„efinf (19)
de coefficients
2ji
Cn==~èr S «p(*)®“iB<d< (20)
0
est la forme complexe de la série de Fourier de la fonction cp.
Posons maintenant eu = z et cp (t) = / (e1*) = f (z) ; la série (19)
devient alors

2 C „zn ( 21)

et ses coefficients sont


2n
( 22)
0 |z |= l
*128 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Donc la forme complexe de la série de Fourier de la fonction


•cp (t), i Ç [0, 2ji] est la série de Laurent de la fonction f (z) = cp (t), ou
z = elt, m r Ze cercZe unité { | z | = 1}.
Il est évident que, réciproquement, la série de Laurent d’une fonc­
tion f (z) sur le cercle unité est la série de Fourier de la fonction
/ (eif) = cp (t) sur l’intervalle [0, 2jx].
Signalons que d’une façon générale, même si la série de Fourier
converge vers la fonction cp en chaque point de l’intervalle [0, 2n],
il se peut que R = r = 1 pour la série de Laurent correspondante, de
sorte que le domaine de convergence de cette série est vide. Ce domai­
ne de convergence n’est pas vide sous des conditions très restricti­
ves sur la fonction cp.
Exemple. Soit (p(t)= (I« I< 1 )- Posons eu = z
♦et trouvons la fonction correspondante :
1
/(z) 1 —az
2i{Z2 _ ( a+ J . ) z + l}

cette fonction est holomorphe dans la couronne { | a | < | z | <


< 1/ | a | }. Comme dans l’exemple précédent, développons-la en
série de Laurent dans cette couronne:

/ ( * ) = 4 - 2 a” (zn )•
71=1

En remplaçant de nouveau z = eu , on obtient la série de Fourier


de la fonction cp :
oo
(p (f) = 2 a" sin nt•
71= 1

25, Points singuliers isolés. Etudions les points en lesquels est


violée l’holomorphie des fonctions. Commençons par les plus élé­
mentaires de ces points.
Définition 1. On dit qu’un point a g C est un point singulier iso­
lé d’une fonction / s’il existe un voisinage pointé de a (i.e. un ensem­
ble (0 < | z — a | < r} si a est fini ou un ensemble {i? < | z \ < o o }
si a = oo) dans lequel f est holomorphe.
On distingue trois types de points singuliers selon le comporte­
ment de / lorsque z tend vers un tel point.
Définition 2. On dit qu’un point singulier a d’une fonction / est
(I) artificiel ou éliminable si lim / (z) = A <C oo ;
Z -+ G L

(II) un pôle si lim / (z) = oo ;


Z -+ C L
=> ") SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 129

(III) essentiel si / ne possède ni une limite finie, ni une limite infi­


nie lorsque z - ^ a .
Exemples.
1. Les trois types de points singuliers existent.
Pour les fonctions z et (sin z)lz, le point z = 0 est un point singu­
lier éliminable (pour la deuxième fonction ceci découle du fait que
pour 2 ^ 0 on a le développement suivant :
sinz 4 z2 , z4
~ * 3! ‘"5!

d ’où il s’ensuit que lim slTiz = 1 ) .


z-+0 z 1
Les fonctions 1lz1\ où n > 0 est un entier, présentent un pôle au
point 2 = 0.
Le point z = 0 est un point singulier essentiel de la fonction
e1/2, car lorsque, par exemple, z — x tend vers 0 suivant l’axe réel,
les limites à droite et à gauche sont distinctes (la limite à droite est
égale à l’infini, la limite à gauche, à 0) ; la fonction e1/2 = co s-----
—isin y n’admet pas de limite lorsque z= iy tend vers 0 suivant l’axe
imaginaire.
Il peut de toute évidence exister des points singuliers non isolés.
Par exemple, la fonction 1/sin (n/z) présente des pôles en z = 1In
(n = ± 1 , ± 2 , . . .), donc z = 0 est un point singulier non isolé
qui est un point d’accumulation des pôles.
2. La fonction

/ ( z ) = S 22n = l + Z 2+ z H -Z 8+ . . . (1)
n=0

présente des points singuliers de nature plus compliquée. D’après


la formule de Cauchy — Hadamard, la série (1) converge dans le dis­
que { | z | < 1} et par suite la fonction / est holomorphe dans ce
disque. Elle tend vers l’infini *) lorsque z tend vers 1 suivant l’axe
réel, donc le point z = 1 est un point singulier de /. Or
/ (Z * ) = 1 + Z4 + Z* + . . . = / (Z) - Z \

*) Cette proposition ne résulte pas de la divergence de (1) pour z = 1


(qu’on se rappelle la remarque de la fin du n° 21) et doit être spécialement dé-
£ 9n
montrée: pour z = x, 0 < x < 1, on a / (x) > 2j x » où N est un entier
71=0
naturel arbitraire ; lorsque 1, la somme du second membre tend vers N + 1,
donc on peut exhiber un ô > 0 tel que / (x) > N pour 1 — ô < i < 1 et par
suite lim f (x) = oo.
3C-> 1 - 0

9-0714
130 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

donc / (z) = z2 -f / (z2) tend aussi vers l’infini lorsque z tend vers
—1 suivant un rayon du disque. De façon analogue, / (z) = z2 +
+ z4 + / (z4), donc / ->- oo lorsque z -> suivant un rayon du dis­
que. D’une façon générale,
f ( z ) = z 2 + . . . + z 2n + f ( z 2n)
pour tout n naturel, donc / ->■ oo lorsque z tend suivant un rayon vers
tout point « dyadique » z = eh-2 m/2 n (fc = 0,1 , . . ., 2n- 1) du cer­
cle. L’ensemble des points « dyadiques » étant partout dense sur le
cercle { | z | = 1}, tout point de ce dernier est un point singulier
de /. Donc / possède toute une ligne composée de points singuliers non
isolés (une ligne singulière.)
La nature d’un point singulier isolé z = a est étroitement liée à
celle de la série de Laurent de la fonction dans un voisinage pointé
de a (nous dirons plus brièvement série de Laurent au voisinage de
a). Pour les points finis a ce lien est exprimé par les trois théorèmes
suivants.
Théorème 1. Un point singulier isolé a 6 C d'une fonction f est
éliminable si et seulement si la série de Laurent de f au voisinage de a
ne contient pas la partie principale:

/ ( *) “ S cn ( z - a y \ (2)
71=0
^ Nécessité. Soit a un point singulier éliminable ; alors
lim f (z) = A < oo et par suite / est bornée (pour fixer les idées,
z~*a
| / | ^ M) dans un voisinage pointé {0 < | z — a | < /?} du
point a. Prenons un p, 0 <C p < R y et utilisons les inégalités de
Cauchy
| cn | < M / p ” (n = 0, ± 1 , . . .).
Si n < 0, le second membre tend vers 0 lorsque p -v 0, le pre­
mier membre étant indépendant de p. Donc cn = 0 pour n < 0 et la
partie principale de la série de Laurent fait défaut.
Suffisance. Supposons que la fonction f se représente par une sé­
rie de Laurent (2) sans partie principale dans un voisinage pointé
de a. Cette série est une série de Taylor, donc
lim / (z) = c0 < oo.
Z -+ C L

Le point a est donc un point singulier éliminable.^


Remarque. En produisant les mêmes raisonnements on prouve le
Théorème 1'. Un point singulier isolé a d'une fonction f est élimi­
nable si et seulement si f est bornée dans un voisinage pointé de a.
SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 131

En prolongeant / par continuité au point a, i.e. en posant / (a) =


= lim / (z), on obtient une fonction holomorphe en a (c’est-à-dire
z-*-a
on élimine la singularité en a). Ceci justifie le terme de « point éli-
minable ». Nous conviendrons dans la suite que ces points sont ré­
guliers et non pas singuliers pour la fonction étudiée.
# Montrer que si / est une fonction holomorphe dans un voisi­
nage pointé d’un point a et que Re / > 0 partout dans ce voisinage,
alors a est un point singulier éliminable de /. %
Théorème 2. Un point singulier isolé a 6 C d'une fonction f est
un pôle si et seulement si la partie principale de la série de f dans un
voisinage pointé de a ne contient qu'un nombre fini de termes non nuis:

f(z )= S cn ( z - a ) n, N > 0. (3)


n—-N

Nécessité. Soit a un pôle; puisque lim f (z) = oo, il existe un


z-*-a
voisinage pointé du point a dans lequel la fonction f est holomorphe
et non nulle. Dans ce voisinage est holomorphe aussi la fonction
<p (z) = 1// (z) et de plus lim <p {z) = 0. Donc a est un point singu-
Z -+ C I

lier éliminable de la fonction <p et dans notre voisinage on a le dé­


veloppement
cp (z) — b ( z a)N + bN+1 (z — a)N+x + . . . (bN =£ 0).
Dans ces conditions on a dans le même voisinage
1 1 _______ 1________
/(z) <p(z) ( z — a)N &N + àN+1 ( z— a ) + . . . (4)
et de plus le second facteur est une fonction holomorphe en a, qui est
donc justiciable du développement taylorien
________1________
àN + &n+i (z —a)+ ... N + C-N+1 ( z “ ° ) + . . •

En portant ce développement dans (4), on obtient


C -N
/(z) ( z —a)N
c-N + i

(■ * -« )N ~ l
• •• + 2 cn (z — a)n.
72=0

On reconnaît ici la série de Laurent de / dans un voisinage pointé de


a et l’on voit que sa partie principale contient un nombre fini de
termes.
9*
132 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Suffisance. Supposons que / se représente dans un voisinage poin­


té de a par une série de Laurent (3) dont la partie principale contient
un nombre fini de termes et supposons encore que 0. Les fonc­
tions / et cp (z) = (z — a)Nf (z) sont alors holomorphes dans ce voi­
sinage. La fonction cp (z) se représente dans notre voisinage par la
série
cp (z) = c_N + c_N+1 (z — a) + . . .,
sur laquelle on voit que a est un point singulier éliminable et que
lim cp (z) = c_N 0. Donc la fonction f (z) = cp (z)I(z — a)N
z-+ a
tend vers l’infini lorsque z tend vers a, i.e. a est un pôle de f.A
Signalons encore un fait simple relatif au lien entre les pôles et
les zéros.
Théorème 2'. Un point a est un pôle d'une fonction f si et seule­
ment si la fonction cp = 1//, cp =£ 0, est holomorphe dans un voisinage
de z et cp (a) = 0.
^ La condition nécessaire est celle du théorème 2. Montrons la
condition suffisante. Si cp 0 est holomorphe en a et cp (a) = 0,
d’après le théorème d’unicité (n° 22) il existe un voisinage pointé de
a dans lequel cp =£ 0. La fonction f = 1/cp est holomorphe dans ce
voisinage, donc a est un point singulier isolé de /. Or lim / (z) = oo,
z->a
donc a est un pôle de f.M
Ce lien nous amène à formuler la
Définition 3. On appelle ordre d'un pôle a d’une fonction / l’or­
dre de ce point traité comme un zéro de la fonction cp = 1//.
On voit sur la démonstration du théorème 2 que l’ordre d’un pô­
le est confondu avec l’indice N du terme supérieur de la partie prin­
cipale du développement de Laurent de la fonction dans un voisina­
ge pointé de ce pôle.
Théorème 3. Un point singulier isolé a d'une fonction f est essentiel
si et seulement si la partie principale de la série de Laurent de f dans un
voisinage pointé de a contient une infinité de termes non nuis.
^ Ce théorème est en fait déjà contenu dans les théorèmes 1 et
2 (si la partie principale contient une infinité de termes, le point a
ne peut être ni éliminable, ni un pôle ; si a est un point singulier es­
sentiel, la partie principale ne peut ni pas exister, ni contenir un
nombre fini de termes). ^
# Montrer que si a est un point singulier essentiel d’une fonc­
tion /, alors pk max | / (z) | oo lorsque p - > 0 pour tout k
{| z - a | =p}
naturel, ü!
§ 7] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 133

Le comportement d’une fonction au voisinage d’un point singu­


lier essentiel est régi par l’intéressant théorème suivant:
Théorème 3' (Yu. Sohotsky *)). Si a est un point singulier essen­
tiel d'une fonction /, pour tout nombre A £ C on peut trouver une suite
de points zn —>■a telle que
lim f (zn) = A. (5)

Soit A = oo. Puisque d’après le théorème 1' la fonction /


ne peut être bornée dans le voisinage pointé {0 < | z — a | < r},
il existe dans ce voisinage un point zx tel que | / (%) | > 1. Pour la
même raison il existe dans {0 < | z — a | < | z1 — a | < 2} un
point z2 tel que | f (z2) \ > 2. En poursuivant cette procédure on
trouve dans le voisinage {0 < | z — a \ <Z \ z x — a \ ln) un point
zn tel que | / (zn) | > n. Il est évident que zn ~+ a et lim f (zn) =
n~*oo
= OO.

Supposons maintenant que A =^= oo. Ou bien les .4-points de la


fonction / admettent a pour point d’accumulation et alors on peut
en extraire une suite zn -+- a telle que / (zn) = A, ou bien il existe
un voisinage pointé {0 < \ z — a | <C r'} dans lequel f (z) A.
La fonction (p (z) = 1/ (/ (z) — A) pour laquelle a est un point sin-
gulier essentiel (puisque / (z) = A H— r-r et si (p tendait vers une
limite finie ou infinie lorsque z a, il en serait de même de /)
est holomorphe dans ce voisinage. D’après le théorème 3' il existe
une suite zn -+- a telle que (p (zn) oo; or
1
lim / (zn) = A + lim A. 4
n-+oo ?i-M» (P(Z 7l)

L’ensemble des limites de la fonction / sur les suites de points


zn ~> a s’appelle ensemble d'indétermination de la fonction / au point
a. Si a est un point singulier éliminable ou un pôle de la fonction
/, son ensemble d’indétermination au point a est composé d’un seul
point (fini ou infini). Le théorème de Sohotsky affirme que pour un
point singulier essentiel on a un autre cas extrême: l’ensemble d’in­
détermination en un tel point recouvre C tout entier.
1. Montrer que le théorème de Sohotsky est valable pour le
point d’accumulation des pôles.

*) Ce théorème a été démontré en 1868 par le mathématicien russe Y u 1 i a n


S o h o t s k y (1842-1927) dans sa thèse Théorie des résidus intégraux
soutenue à T Université de Pétersbourg. La même année le mathématicien italien
F. Casorati et huit ans plus tard C. Weierstrass publient une démonstration.
Ce théorème porte leurs noms.
134 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

2. Soit a un point singulier essentiel d’une fonction/. Déterminer


la nature de la singularité de la fonction 1// en a. ( R é p o n s e :
a est le point d’accumulation des pôles ou un point singulier essen­
tiel.) #
Quelques mots sur les points singuliers isolés à l’infini. La classi­
fication et les théorèmes 1' à 3' se généralisent automatiquement au
cas a = oo. Mais les théorèmes 1 à 3 relatifs à la nature des dévelop­
pements en série de Laurent doivent être modifiés. En effet, la na­
ture d’un point singulier fini est définie par la partie principale du
développement en série de Laurent, partie qui contient des puissan­
ces négatives de z — a présentant une singularité en un tel point
(d’où le terme de « partie principale »). A l’infini, par contre, les
puissances négatives sont régulières et la singularité est définie par
l’ensemble des puissances positives. Il est donc naturel d’appeller
partie principale du développement d’une fonction en série de Lau­
rent dans un voisinage pointé du point à l’inifini l’ensemble des puis­
sances positives. Ainsi modifiés, les théorèmes 1 à 3 seront valables
aussi pour le cas où a = oo.
On obtient immédiatement ce résultat en faisant le changement
de variable z = 1Iw si l’on pose / (z) = f (1/w) = qp (iw), on a de tou­
te évidence
lim / (z) = lim cp (w),
Z -* o o 10- > 0

donc cp présente en w = 0 la même singularité que / en z = oo.


Dans le cas d’un pôle la fonction cp admet le développement suivant
dans {0 < | w | < r} :
oo

<P(^)=-^
W + ---+-VW- + 2 b n wU (k-w^O);
n=0

en faisant le changement w = Hz, on obtient le développement de /


dans la couronne {R < | z | < oo}, R = 1/r:
oo

f (z) = 2 c nzUJr C0 -\-cxz + • . . -{-CNZNf


71=- 1
où cn = 6_n, cN =7^=0. La partie principale de ce développement con­
tient un nombre fini de termes. On traite de façon analogue les cas
d’un point singulier éliminable et essentiel.
Voici en conclusion une classification des fonctions holomorphes
d’après leurs points singuliers. En vertu du théorème de Liouville,
les fonctions qui ne présentent aucune singularité (i.e. qui sont holo­
morphes sur C) sont constantes. La classe suivante par ordre de sim­
plicité est la classe des fonctions entières.
§ ’] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 135

Définition 4. On appelle fonction entière une fonction holomorphe


sur C, i.e. une fonction ne possédant pas de point singulier fini.
Le point a = oo est par conséquent un point singulier isolé de
/. Si c’est un point singulier éliminable, alors / = const. Si c’est
un pôle, la partie principale du développement de / en série de Lau­
rent au voisinage du point à l’infini est un polynôme g (z) — cx (z) +
+ . . . + c n z n . En soustrayant de / sa partie principale on obtient
aussi une fonction entière / — g mais dont le point à l’infini est un
point singulier éliminable. C’est une constante, donc une fonction
entière présentant un pôle à V infini est nécessairement un polynôme.
Les fonctions entières présentant un point singulier essentiel à
l’infini s’appellent fonctions entières transcendantes (telles sont par
exemple les fonctions ez, sin z, cos z).
3|e 1. Montrer qu’une fonction entière / telle que | f (z)^? | z | N
pour tous les z assez grands est un polynôme.
2. Déduire le théorème de Sohotsky pour les fonctions entières
et a = oo du théorème de Liouville. H?
Définition 5. On dit qu’une fonction est méromorphe dans C si
les seules singularités qu’elle présente sont des pôles.
Les fonctions entières forment une sous-classe de la classe des
fonctions méromorphes (elles ne possèdent pas de singularités dans
C). Chaque pôle étant un point singulier isolé, une fonction méromor­
phe ne peut présenter dans C qu’un nombre au plus dénombrable de
pôles. En effet, chaque disque { | z | < n}, n = 1, 2, . . . ne peut
contenir qu’un nombre fini de pôles (sinon il existerait un point
d’accumulation fini qui serait un point singulier non isolé et non un
pôle) et ces pôles peuvent être dénombrés. Les fonctions tg z et cotg z
sont des exemples de fonctions méromorphes présentant une infi­
nité de pôles.
Théorème 4. Si une fonction méromorphe f présente à l'infini un
point singulier éliminable ou un pôle (i.e. si dans C ses seules singulari­
tés sont des pôles), elle est rationnelle.
>> Les pôles de la fonction f sont en nombre fini, car dans le cas
contraire ils admettraient, en raison de la compacité de C, un point
d’accumulation qui serait un point singulier non isolé et non un pô­
le. Désignons par av (v = 1, . . ., n) les pôles finis de / et par
c(v)
C- N„
Sv (z) / \NV ( 6)
(z—av) v
la partie principale du développement de / en série de Laurent au voi­
sinage de av. Désignons encore par
g ( z ) = Clz + . . . + cNz* (7)
136 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

la partie principale du développement de / en série de Laurent au voi­


sinage de a = oo ; posons g = 0 si a = oo est un point singulier
éliminable.
Considérons la fonction
9 (z) = / (z) - g (z) — S ëv (z) ;
V=1
tout point z £ C est un point régulier de cp (2), d’où q) (z) = c0
d’après le théorème de Liouville. Donc
00
f (z) = c0+ g (z) + s gy(z), (8)
V—1
i.e. / est une fonction rationnelle.^
Remarque. La formule (8) est la décomposition d’une fonction
rationnelle / en une partie entière et en fractions élémentaires. Le
raisonnement produit est une démonstration simple de Y existence
d’une telle décomposition.
On se servira parfois du terme de « fonction méromorphe » dans
une acception plus large. Plus exactement, on dira qu’une fonction
/ est méromorphe dans un domaine D si ses seules singularités dans D
sont des pôles. Une telle fonction ne peut présenter qu’un nombre au
plus dénombrable de pôles. En effet, en construisant l’exhaustion
compacte {Gn} de D (cf. lemme du n° 23), on constate que dans cha­
que Gn la fonction / ne peut présenter qu’un nombre fini de pôles.
Si l’ensemble des pôles de la fonction / méromorphe dans D est infi­
ni, ses points d’accumulation sont situés sur la frontière dD.
Le théorème 4 prouvé plus haut peut désormais s’énoncer comme
suit : toute fonction méromorphe sur C est rationnelle.
26. Résidus. Cela semble paradoxal, mais les éléments d’étude
les plus intéressants d’une fonction holomorphe sont les points où
elle cesse d’être holomorphe, i.e. ses points singuliers. Dans la suite
on verra sur la base de nombreux faits que la principale information
sur les fonctions holomorphes est fournie par les points singuliers et
les parties principales des développements en série de Laurent au voi­
sinage de ces points *).
Nous allons illustrer cette assertion par le calcul d’intégrales de
fonctions holomorphes. Soit / une fonction holomorphe partout dans
un domaine D sauf en un ensemble de points singuliers isolés, donc en
*) Cette assertion admet une interprétation physique. Si une fonction
holomorphe est traitée comme le potentiel complexe d’un champ de vecteurs,
pour fixer les idées le champ de vitesses d’écoulement d’un fluide (cf. n° 7),
les points singuliers sont des sources, des puits, des tourbillons et autres élé­
ments de ce champ. Cf. M. L a v r e n t i e v et B. C h a b a t, Méthodes de la
théorie des jonctions d'une variable complexe, trad. française, Ed. Mir, 1977.
§ 7] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 137

un ensemble au plus dénombrable. Soit un domaine G (c= D dont la


frontière dG est constituée d’un nombre fini de courbes continues
sans points singuiliers; désignons par ax, . . an les points singu­
liers (en nombre fini) contenus dans G. Construisons des cercles
Yv = { I z — av | = r) de rayon r assez petit pour que les disques
Uv qu’ils limitent soient disjoints et contenus dans G. Supposons que*
yv sont orientés dans le sens direct (fig. 45). Désignons le domaine
G \ (J C/v par Gr ; la fonction/ est holomorphe dansGr donc, d’après
v=l
le théorème intégral de Cauchy pour les
domaines multiplement connexes on a
J /d* = 0. (1)
*Gr
Or la frontière orientée dGr est constituée
de 5G et des cercles Yv (v = = 1, . . ., n)
orientés dans le sens rétrograde et d’après
les propriétés des intégrales on a
n
$/dz= 2 J/dz. (2)
dG v = l Vv
Le calcul de l’intégrale d’une fonction
holomorphe sur la frontière d’un domaine
se ramène donc à celui d’intégrales sur des cercles aussi petits qu’on
veut ayant pour centres les points singuliers de cette fonction.
Définition 1. L’intégrale d’une fonction / le long d’un cercle
Y r= { | 2 — a | = r}, de rayon r assez petit et de centre un point
singulier isolé a g C de /, divisée par 2ju, s’appelle résidu de / au
point a et se note
™ f = - é r i f Az - <3>
Vr
D’après le théorème d’invariance de l’intégrale par une défor­
mation homotope du contour, le résidu est indépendant de r (pour
r assez petit) et est défini par le comportement local de f en a.
La formule (2) établie plus haut traduit le théorème des résidus
de Cauchy *) :
*) A. Cauchy est arrivé à la notion de résidu dans ses mémoires de 1814
et 1825 en étudiant la différence entre les intégrales le long de deux chemins
de mêmes extrémités, entourant un pôle de la fonction. Ceci explique l ’origine
du terme « résidu », qui est apparu pour la première fois en 1826 dans l ’article
Sur un nouveau genre de calcul identique au calcul des infiniment petits. Cauchy
a publié dans la foulée de nombreux travaux consacrés à l ’application des rési­
dus au calcul d’intégrales développées en séries, des solutions d’équations
différentielles, etc.
1 38 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Théorème 1. Si une fonction f est holomorphe partout dans un domai­


ne D sauf en un ensemble de points singuliers isolés, G(çîD et dG ne
contient pas de points singuliers, alors
^ / dz = 2ni 2 res /, (4)
dG (G) °v
où la sommation est étendue à tous les points singuliers av Ç G de la
fonction /.
Ce théorème est d’une grande portée, car il ramène le calcul de
la quantité globale qu’est l’intégrale d’une fonction holomorphe le
long de la frontière d’un domaine à celui de quantités locales que
sont les résidus de cette fonction en ses points singuliers.
Nous allons voir que les résidus d’une fonction en ses points sin­
guliers sont entièrement définis par les parties principales des déve­
loppements en série de Laurent aux voisinages de ces points, ce qui
montrera que pour calculer les intégrales d’une fonction holomorphe,
il suffit d’être renseigné uniquement sur ses points singuliers et les
parties principales en ces points.
Théorème 2. Le résidu d'une fonction f en un point singulier isolé
a £ C est égal au coefficient c d e la puissance (z — a) ~1 de la série de
Laurent au voisinage de a :
res / = c-1. (5)
a

^ Au voisinage du point a, la fonction / se représente par la sé­


rie de Laurent

/( z ) = 2 cn (z — a)n
n — —oo

qui est uniformément convergente sur le cercle y r — { | z — a | =


= r} pour r assez petit. En intégrant cette série terme à terme le
long de Yr et en se servant de l’orthogonalité des puissances (cf. n°15),,
on trouve que ^ f dz = c - ^ ln i. En se rappelant de la définition du
Yr
résidu, on obtient (5). ^
Corollaire. Le résidu d'une fonction est nul en un point singulier
éliminable a Ç C.
Exhibons les formules de calcul du résidu d’une fonction en un
pôle. Supposons tout d’abord que a est un pôle simple (i.e. d’ordre
un). Au voisinage de a la série de Laurent de / est*
c-1 ** { z - a ) n.
/ 00 =
71=0
S 7] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 139

D’où la formule du résidu en un pôle simple :


c_t = lim (z— a)f (z). (6)
z~+a

Cette formule est particulièrement commode pour les calculs si elle


est légèrement modifiée. Supposons qu’au voisinage de a
<P(z)
/(*) *(*) ’
où <p et i|) sont des fonctions holomorphes en a, <p (a) =/= 0, i|; (a) = 0»
■jj/ (a) 0 (d’où il résulte que a est un pôle simple de /). La formule
(6) nous donne alors
c_t = lim =lim <P(g)
1 z- a ^ (Z> *!>(*)—^ (g)

i.e.
r <P(*)
-1 V (a) ’
Supposons maintenant que a est un pôle d’ordre n de /. Au voisi­
nage de a, on a alors
oo

Â=0

Multiplions les deux membres de ce développement par (z — a)n


pour éliminer les puissances négatives du second membre, dérivons
n — 1 fois (pour mettre en évidence et faisons tendre z vers a.
Nous obtenons la formule suivante du résidu en un pôle d’ordre n :
C-1 = ffl)n/(z)}. (7)
Il n’existe pas de formules identiques pour le calcul des résidus
on un point singulier essentiel et il faut donc déterminer les parties
principales des séries de Laurent.
Quelques mots sur le résidu d’une fonction à l’infini.
Définition 2. Soit / une fonction dont le point à l’infini est un
point singulier isolé. On appelle résidu de f à Vinfini la quantité

T / = ^ " S / dz’ (8)


YR

où y-fi est un cercle de rayon R assez grand parcouru dans le sens ré­
trograde.
1 40 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

Le cercle yâ est orienté de telle sorte que le voisinage du point à


l’infini {Æ < | z | < o o ) reste à gauche du sens de parcours. Déve­
loppons la fonction / en série de Laurent au voisinage du point à
l’infini :
/(* ) = S cnzn.
7 1 = - OO

En intégrant cette série terme à terme le long de yjï et en se servant


de l’orthogonalité des puissances, on trouve
res / = —c_r (9)
OO
Les puissances négatives figurent dans la partie régulière mais
pas dans la partie principale du développement de Laurent à l’infini.
Donc, contrairement aux points singuliers finis, le résidu à l’infini
peut ne pas être nul même si z = oo est un point régulier.
Citons encore un théorème élémentaire relatif à la somme totale
des résidus.
Théorème 3. Si une fonction f est holomorphe partout dans C sauf
en un nombre fini de points av (v = 1, . . ., n), la somme de ces rési­
dus en tous les points singuliers finis et à V infini est nulle :
oo

2 res/ + re s/ = 0. (10)
V=1 rtv oo

^ Construisons un cercle yR = { \ z \ = R} de rayon assez


grand pour qu’il contienne tous les points singuliers finis av et
orientons-le dans le sens direct. D’après le théorème des résidus,
oo

-é r S rf / ;
VR v=l v

d’après le théorème de Cauchy du n° 17, la quantité du premier


membre ne change pas lorsque R croît, donc elle est égale au résidu
de / à l’infini pris avec le signe moins (compte tenu du sens de par­
cours). La dernière égalité est par conséquent équivalente à (10). ^
Exem ple. Pour calculer l’intégrale 1 = ^ ^ ^ ^ 2 il n’est pas
Iz|=2 ^
nécessaire de calculer les résidus de l’intégrant en ses huit pôles
d’ordre deux contenus dans le cercle { | z | = 2}. Cette fonction est
justiciable du théorème de la somme totale des résidus en vertu du­
quel
002

2 ^ + + r£ S (Z» + 1)2 = 0 ‘
v= 1 v
§ 7] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 141

Mais cette fonction présente à l’infini un zéro d’ordre 16, donc son
développement en série de Laurent au voisinage de z = oo ne con­
tient que des puissances négatives dont la première est z~16. Par
conséquent, son résidu à l’infini est nul. Idem pour la somme des
résidus aux points singuliers finis. Autrement dit, I = 0.
Voyons en conclusion un exemple d’application du théorème des
résidus au calcul des intégrales impropres de fonctions d’une varia­
ble réelle. Soit à calculer l’intégrale

9 (0 = J i f 11)

où t est un nombre réel (cette intégrale converge absolument, car


elle est majorée par l’intégrale convergente de la fonction 1/(1 + x2)).
La méthode d’application des résidus
est la suivante. On prolonge l’intégrant
au plan complexe en la fonction
p itz
/ « “ Tfir*
puis on choisit un contour fermé de telle
sorte qu’il contienne un intervalle [—R ,
R] de la droite d’intégration et un
arc de cercle reliant les extrémités de ce
segment. On applique le théorème des
résidus à ce contour fermé, puis on passe
à la limite en faisant tendre R vers l’infini.
On obtient la solution du problème si l’on arrive à calculer la
limite de l’intégrale le long de l’arc.
Soit z = x + iy. Puisque | eizt | = e~yt, on distinguera deux
cas: 0 et t < 0. Dans le premier cas on bouclera le segment
{ — i?, i?J avec le demi-cercle supérieur yb parcouru dans le sens di­
rect (fig. 46). Pour R > 1 l’intérieur de ce contour contient un seul
pôle simple de / en z = j, pôle en lequel le résidu se calcule facile­
ment par la formule (6'):
eiU e- t
( 12)
rf S l + z *

D’après le théorème des résidus, on a donc


xi
J / (z) dz = ne-(. ( 12')

~R Vr
Puisque pour 0 on a | eitz | = 1 et | z2 + 1 | ^
R z — 1 sur yr, P intégrale sur Yr admet la majoration
142 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. I l

suivante :
f e**z nR
dz <C iîa—1 * (13)
) 1+ z2
Vr
sur laquelle on voit que cette intégrale tend vers 0 lorsque R tend
vers l’infini. Donc en faisant tendre R vers oo dans (12'), on obtient
oo

^ f ( x ) à x = ne~t. (14')
—oo
Pour t <C 0 la majoration (13) n’est pas valable, puisque
| eizt | = e~yt croît fortement lorsque y-*~ + oo. Il faut donc rem­
placer le demi-cercle supérieur Yb par le demi-cercle inférieur Yb (fig-
46). Supposons que Yb est parcouru dans le sens rétrograde. Pour
R >» 1 on a alors d’après le théorème des résidus
b

^ /(x)da:-|-^ f ( z ) d z = —2ni res/ = ne*. (12")


Vfl “*
Puisque pour K 0 on a | eizt | = e 'y(^ 1 et | z2 + 1 1^5*
^ R 2 — 1 sur yb. l’intégrale de / sur Yb tend aussi vers 0 lorsque
R oo et l’on déduit de (12"):
oo

J f (x) dx = net. (14")

En combinant les formules (14') et (14"), on obtient en définitive :


00
<P(*)= J - ^ ^ - d a f = jïe-|*i. (15)
—00
Dans la suite on se servira souvent des résidus pour le calcul des
intégrales. Enonçons en conclusion un lemme utile dans ces calculs.
Lemme (Jordan *)). Soit f une fonction holomorphe partout dans
{Im z ^ O } sauf en un ensemble de points singuliers isolés, et suppo­
sons que M (R) = max | f (z) | sur le demi-cercle yR = { | z | = R,
Im z ^ 0} tend vers 0 lorsque R 00 (ou suivant une suite R n 00
telle que yRn ne contienne pas de points singuliers de /). Alors pour
tout X > 0 V intégrale
J /(z)e**d* (16)
VR
tend vers 0 lorsque R —>■00 (ou suivant la suite R n -»■ 00).
*) Ce lemme est apparu en 1894 dans le manuel d’analyse du mathématicien
français Camille Jordan (1838-1922).
§ 7] SÉRIES DE LAURENT ET POINTS SINGULIERS 14$

(Ce lemme traduit le fait suivant : M (R) peut tendre vers 0


aussi lentement qu’on veut, de sorte que l’intégrale de / le long de
yR ne tend pas nécessairement vers 0. La multiplication par Texpo­
nentielle eiXz, X > 0, accélère la tendance vers 0.)
► Désignons par yk = {z = Rei(f>: O^qp^Ji/2} la moitié de
droite de yR. La fonction sinus étant convexe pour qp£[0, ji/2],
2
on a sin cp^— (p, donc |eiXz| = e-kRs\n<t>^e- 2 %Rq>/n sur y'R. Par
conséquent,
Jt/2
. J / (z) eiXz d z e “ a V * Æ &y = M —e - * K )
yR' o
et l’intégrale sur yR tend vers 0 lorsque iî- ^ o o . L’intégrale sur
Yr = ï r \ Y r se majore de façon analogue. ◄
On voit sur la démonstration que l’homomorphie de / n’est pas
essentielle dans ce théorème.

Exercices
1. On appelle intégrale de type Cauchy une intégrale de la forme

' « - - i r S W *
y

où y est une courbe différentiable (ou rectifiable), / une fonction


continue (ou sommable) sur y. Montrer que F est une fonction holo-
morphe dans C \ y et nulle à l’infini.
2. Soient y une courbe de Jordan fermée différentiable, D un do­
maine tel que y = dD et / 6 C1 (y). Montrer qu’à la traversée de y
une intégrale de type Cauchy subit un saut égal à la valeur de /
au point de traversée. Plus exactement : si Ç0 6 Y z £o en res"
tant respectivement à l’intérieur et à l’extérieur de D, alors F (z)
prend les valeurs limites F+ (Ç0) et F ' (£0) et de plus
F+ (EJ - F“ (Co) = / (Co)
(formule de Yu. Sohotsky). [N o t a: représenter F {z) sous la forme

Y Y

3. Montrer sous les hypothèses de l’exercice précédent que cha­


cune des conditions suivantes est nécessaire et suffisante pour qu’une
144 PROPRIÉTÉS DES FONCTIONS HOLOMORPHES [CH. II

intégrale de type Cauchy soit une intégrale de Cauchy:


a) ^ = 0 pour tout z £ C \ D ,
v
b) ^ ^ / ( Od Ç pour tout n = 0, 1, 2, . . .
y

4. Supposons que / est holomorphe dans un disque


R > 1 ; montrer que la valeur moyenne du carré de son module sur
le cercle { | z | = 1} est égale à la somme des carrés des modules des
«coefficients de la série de Taylor au voisinage de z = 0.
oo

n*x2+ i
71=0
converge pour tout x réel ne peut être développée en série de Taylor
au voisinage de z = 0.
6. Montrer que toute fonction entière / vérifiant identiquement
les relations / (z + 1) = / (z) et / (z + i) = / (z) est constante.
î
7. Montrer que la fonction / (z)= ^ sin^ d£ est entière.
o
oo 8910

8. Soient / (z) = 2 Ænz" une fonction holomorphe dans le dis


__ 71=0
que fermé £/ = { |z |^ i? } et a0^= 0. Montrer que /=t^ 0 dans le dis-
^ue {lz l < |a0g| + V } où
9. Montrer que la série entière d’une fonction / ne peut absolu­
ment converger en aucun point frontière du disque de convergence
de / si celui-ci contient au moins un pôle de /.
10. Montrer qu’une fonction holomorphe à l’extérieur de deux
ensembles compacts disjoints peut être représentée sous forme d’une
somme de deux fonctions dont l’une est holomorphe à l’extérieur de
l’un, et l’autre, à l’extérieur de l’autre ensemble.
CHAPITRE III

PROLONGEMENT ANALYTIQUE

Dans ce chapitre on se propose d’étudier la notion de prolonge­


ment analytique, qui est l’une des plus fondamentales en analyse
complexe. Elle nous permettra d’introduire en particulier les fonc­
tions analytiques multivalentes.
Les problèmes les plus simples nous amènent à envisager des so­
lutions multivalentes. Par exemple, l’équation z = w2 admet pour
tout z -7^=0 deux solutions opposées. L’ensemble de ces solutions,
que l’on désignera par Vz , ne peut être traité comme une fonction
de z, puisque par définition une fonction est univalente. Le renonce­
ment à la condition d’univalence nous conduirait à des difficultés
inextricables. En effet, comment comprendre la somme V z + V z * )
si chaque terme prend deux valeurs ? Les opérations d’analyse les
plus simples sur de telles « fonctions multivalentes » soulèveraient
de notables difficultés. La notion de prolongement analytique per­
met d’y obvier.

§ 8. Notion de prolongement analytigue


27. Eléments et leurs prolongements. Commençons par l’étude
de la notion de prolongement analytique eh restant dans le cadre de
la théorie des fonctions univalentes (holomorphes). Par prolonge­
ment analytique d’une fonction/ 0 définie initialement sur un ensem­
ble Mcz C on comprendra une fonction / définie sur un domaine
D zd M tel que / soit holomorphe dans D et sa restriction à M, con­
fondue avec / 0:
/ I M — / 0*

*) En ajoutant V z + V z , on obtient une somme trivalente (2wly — 2


et 0, où wj est l ’une des deux valeurs de j/z). Faut-il additionner seulement les
valeurs de « même signe » ? Mais ceci est tout à fait saugrenu en analyse com­
plexe: soient V zi — ± (1 + 0 et V zz = ± (1 — i). Quels sont les termes de
<<même signe » dans ce cas ?
10-0714
146 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [GH. III

On peut résoudre ce problème de plusieurs façons. Dans le pre­


mier chapitre, par exemple, nous avons prolongé analytiquement
les fonctions e*, sin x et autres définies sur R au plan complexe C.
La fonction ^2_?est définie dans le domaine C \ {0} ; son développe­
ment en série de z
sin z __A z2 t z4
z — 1 ~~ 3 7 ' 5T —
nous permet de la prolonger au plan C tout entier (par continuité
au point z = 0).
Au contraire, la somme de la série
/o (Z) = 1 + Z + S* + . . .
n’est définie (et holomorphe) que dans le disque { | z | <C 1}, car la
série diverge pour | z 1. Or en sommant cette progression géo-
métrique, on trouve que f 0 (z) = r----et
l —z
cette formule nous donne le
prolongement analytique de f 0 au domaine C \{1 ).
CO
NI 1
# Montrer que la série 2 j zn ^ r n' converge pour | z | < l et
71=0
| z | > l vers des fonctions holomorplies distinctes (Weierstrass,
1880). *
Considérons un exemple moins trivial. La fonction gamma est
définie pour Re z > 0 par l’intégrale
oo

r (z) = J e-'f2' 1d*, (1)


0
où par tz~iy t^> 0, on comprend e^-1) 111*. Les fonctions
oo

Fn (2) = ^ e^f2"1d£ (re = 1, 2, . . . )


71
sont entières, car l’intégrale peut être dérivée par rapport au paramè­
tre en tout point du plan. D’après le théorème de Weierstrass la fonc­
tion gamma est holomorphe dans le demi-plan de droite, puisque
la suite {7^ } converge uniformément en z vers T (z) sur tout sous-
ensemble compact de ce demi-plan.
Si x = Re 0, l’intégrale (1) cesse de converger, car l’inté­
grant croît trop vite lorsque t -*■ 0 (on a | t2-1 | = e1^ - 1)111* = t*-1
et e~* 1 lorsque t 0). Pour t = 0 on améliore la convergence en
déduisant de e~f les premiers termes de son développement en série
§ 8] NOTION DE PROLONGEMENT ANALYTIQUE 147

de Taylor au voisinage de 0 et l’on obtient ainsi un facteur qui


tend vers 0 avec t. Pour Re z > 0 on obtient par la même procédure
n
y (—i)ft ,k
r (*) = S ( e"‘ - 2 i -b k f-* "
0 h=0

+2
h=0
k !
^ tk+z~l d<+ ^ e -'f- 1 dt
0
ou, en calculant les intégrales élémentaires,
(~ O ft
r(*)-2 kl
A=--0

2 - H f f - ik ) f ~ l d t + S e~ ^ " ‘ dt- ( 2)
h= 0 * 1
La deuxième intégrale du second membre est une fonction entière
(cf. plus haut), la première intégrale converge uniformément en z
sur tout sous-ensemble compact du demi-plan {Re 2 > - (n + 1)}
(car
,_ y th__ y (-*)* th
e Zja-! 1 ~ Zj a! 1
h= 0 h= n+ 1
tend vers 0 lorsque t 0 à la même vitesse que J71*1), donc c’est
une fonction holomorphe dans ce demi-plan.
L’égalité (2) nous permet par conséquent de prolonger analyti-
n
quement la différence (z) — 2 ^~rr~
r
k!
— T~r dans le demi-plan
z K
h=0
{ Re z > — (n + 1)}, quant à la fonction T (z), elle se trouve pro­
longée à une fonction méromorphe dans ce demi-plan. Vu que pour
n on peut prendre n’importe quel entier naturel, on obtient le pro­
longement méromorphe de la fonction gamma au plan tout entier.
On voit également que ce prolongement présente des pôles simples en
0 et aux points entiers négatifs, et de plus le résidu au pôle z =
= — & est égal à ( —1)h!k\ (k = 0, 1, 2, ...). La figure 47 repré­
sente le relief de la fonction gamma. Les lignes portées sur ce relief
sont les lignes de mêmes module et argument.
La méthode d’amélioration de la convergence développée plus
haut s’appelle méthode de Cauchy, nous l’utiliserons encore au cha­
pitre V (n° 45). A noter qu’on peut prolonger méromorphement la
fonction gamma dans le demi-plan de gauche à l ’aide de l’équation
10 *
148 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [GH. III

fonctionnelle T (z + 1 ) = zT (z) qui est satisfaite par cette fonc­


tion pour Re z > 0. En effet, pour Re z > 0 on peut écrire T (z) =
et remar(îuer ensuite que le second membre de cette équa­
tion est défini pour Re z > — 1, z 0. En répétant cette procédu­
re, on prolonge la fonction gamma à tout point z =^ 0, —1, —2, . . .

Fig. 47

Certes il n’est toujours pas possible de prolonger analytiquement


une fonction. A preuve l’exemple du n° 25: la fonction

n=0
est holomorphe dans le disque unité U = { | z | < 1}, mais le
cercle { | z | = 1} est sa ligne singulière, donc il est impossible de
la prolonger analytiquement à un domaine contenant strictement U.
$ Montrer que si une fonction / est holomorphe dans un disque
fermé £/, elle se prolonge holomorphement à un disque Ur ^ U. #
Si une fonction / est holomorphe dans un domaine D et ne se
prolonge analytiquement à aucun domaine contenant strictement Z),
alors on dira que D est le domaine d'holomorphie de /. Au n° 46 on
montrera que tout domaine Dcz C est un domaine d’holomorphie
d’une fonction.
Nous allons voir maintenant un exemple qui nous incitera à élar­
gir la notion de prolongement analytique. Faisons d’abord quelques
remarques simples sur la racine carrée d’un nombre complexe. Si
z == rei<p, alors Y z = Y ^ ei<p/2 plus Pour tout z ¥* 0 la valeur
§ S] NOTION DE PROLONGEMENT ANALYTIQUE 149

(p = arg z est définie à 2kn près. Si (p subit un accroissement de 2n,


on aura ] /r ei(<p+2jl)/2 = — ]/Y ei(p/2, i.e. à chaque accroissement de
2n, la racine ]/ z change de signe. Donc pour z ^ 0 la racine ]/ z
est bivalente et par suite n’est pas une fonction. Pour obtenir une
fonction dans un domaine D à partir des valeurs de Y z
faut poser des conditions supplémentaires assurant un choix uni­
que des valeurs de (p = arg z pour tout z g D. Si une telle fonction
est continue dans D , on l’appelle détermination de la racine dans ce
domaine.
Soit par exemple le disque U0 = { | z — 1 | < 1}. Considérons
dans U0 la détermination

w — f0(z)= Y z ei(P/2, —jx/2 < (p < ji/2. (3)


Puisque la fonction inverse z = w2 est univoque, /0 est biunivoque
(injective) dans U0 et nous pouvons utiliser la règle de dérivation
des fonctions inverses*), en vertu de laquelle la dérivée /'(z) =
= —;—1 1 1 existe en chaque point zÇ_UQ,
dw
Donc la fonction / 0 est holomorphe dans U0 (f 0 =^= 0 dans U0).
Prolongeons maintenant analytiquement la fonction f 0 en élargis­
sant le domaine de variation de (p = Arg z et en veillant à ce que
(p soit univoque (la fonction restera alors holomorphe). Si l’on élar­
git ce domaine dans le sens de croissance de (p, dans le disque U =
= { \ z + i | < 1) par exemple, on obtient une fonction / définie
par les conditions
f (z)= Y t ei(p/2, ni2 C (p < 3jx/2 (4)
(fig. 48). Dans le sens de décroissance de (p (en pointillé sur la figure
48), on obtient dans le même disque la fonction
g (z) = ] / r ei(p/2, —3 jt/ 2 < < — jx/ 2 . (5)

*) En effet, l ’application z-+ w étant injective pour Az ^ 0, on a Au? # 0


et par suite
Aw 1
Az Az/Au? * (*)
Puisque cette application est continue, Aw tend vers 0 avec Az et si
Ar
lim -r— = z' (w) =éz 0, en faisant tendre Az vers 0 dans (*) on trouve que
Aw-0
Aw
lim (z)= l/z' (w).
Az- 0 az
150 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. IIT

En un même point z Ç U la deuxième valeur de cp = Arg z sera infé­


rieure de 2jt à la première, donc les valeurs de / (z) et g (z) seront op­
posées (au point z = — 1 par exemple, dans le premier procédé de
prolongement cp = jt, donc / ( — 1) = eiJt/2 = L dans le second pro­
cédé <p = — n et g (—1) = e-iJt/2 = — i). On obtient des fonctions
/ et g distinctes selon que l’on choisit l’un ou l’autre de ces procédés
de prolongement de / 0.
La nature de ce phénomène a été clairement comprise vers le mi­
lieu du X IX e siècle grâce aux éminents mathématiciens allemands.
K. Weierstrass et B. Riemann. Arrêtons-
nous brièvement sur la biographie du
premier cité (celle du second sera abordée
à la page 215).
\\u -1 / i . ")i j Karl Théodor Weierstrass est né en
JM 1815 dans la famille d’un fonctionnaire.
Sur les instances de son père il s’inscrit
Fig. 48 en 1834 à la faculté de droit de l’Univer­
sité de Bonn. Il néglige les cours et les
examens au profit d’un travail personnel en mathématiques. En
1839 il passe à l’Académie de Münster qui préparait des professeurs
de mathématiques. Il est seul à suivre le cours du professeur Guder-
man et en 1841-1842 réalise ses quatre premiers travaux scientifiques
dans lesquels il démontre, en particulier, la représentation des fonc­
tions holomorphes dans une couronne par des séries de puissances
positives et négatives. Mais ces cahiers de Münster n’ont été publiés
qu’en 1894.
Après un an de stage à Münster Weierstrass est affecté à un poste
d’enseignant dans des gymnases provinciaux où il enseigne la bota­
nique, la géographie, la calligraphie et même la gymnastique. Mal­
gré un horaire très chargé, jusqu’à 30 heures par semaine, il s’adonne
sérieusement aux mathématiques et publie quelques articles. En
1854 la fortune lui sourit : ses résultats sont reconnus et il obtient le
grade de docteur sans soutenir de thèse et un congé sabatique.
En 1856 Weierstrass est nommé professeur à l’Institut profession­
nel de Berlin, puis, en 1864, à l’Université de cette ville. Les cours
qu’il a dispensés à cette université durant 30 ans à part quelques
interruptions pour cause de maladie, et ses activités scientifiques
l’ont rendu universellement célèbre et lui ont attiré de nombreux élè­
ves. En 1864 il est élu membre correspondant de l’Académie des
sciences de Pétersbourg, entre 1870 et 1874 il donne des cours parti­
culiers à Sophie Kovalevskaïa *) qu’il a honorée de son amitié tout
au long de sa vie. En 1895 il est élu membre de l’Académie des scien­
ces de Berlin.
*) Le conseil de l ’Université de Berlin interdisait aux femmes d’assister
ux cours.
■§ 8] NOTION DE PROLONGEMENT ANALYTIQUE 151

Rigueur et esprit de suite, tels sont les traits majeurs de l’œu­


vre de Weierstrass. Il n’a pas publié beaucoup de travaux, mais il a
obtenu des résultats fondamentaux en analyse réelle et complexe, en
théorie des équations différentielles, en calcul des variations et en
géométrie.
Weierstrass a commencé en 1861 à s’occuper des problèmes de
prolongement analytique. Pour lever les indéterminations introdui­
tes par les fonctions multivalentes, il a posé à la base de sa théorie
un système de séries entières spécialement liées entre elles. Plus exac­
tement, Weierstrass a envisagé dans un disque Ua de centre a une
fonction holomorphe / (z) définie par son développement taylorien

/ ( * ) = 2 cn ( z - a ) \ (6)
71=0
«t les représentations de cette série par des séries de z — b, où
b eu :

/*(*) = 2 (7)
71=0
La série (7) converge dans un disque Ub de centre b et f b = f dans
l’intersection U (] Ub.
Le disque Ub atteint visiblement la frontière de U et dans cer­
tains cas la coupe (fig. 49) : la fonction f b sera alors le prolongement
analytique de / au disque Ub*). En répétant cette
procédure de prolongement analytique, on peut
(comme dans l’exemple envisagé plus haut) aboutir
à un disque V qui rencontre le disque initial U
(ou même est confondu avec lui), mais aux points
communs à U et V obtenir une fonction distincte
de /. Pour ne pas avoir affaire aux fonctions multi­
valentes, il faut suivant Weierstrass veiller non
seulement aux fonctions mais aussi aux disques dans Fig- 49
lesquels elles sont définies.
Une dizaine d’années auparavant Riemann esquisse une appro­
che géométrique d’étude des fonctions multivalentes. Il propose d’as­
socier les nouvelles valeurs des prolongements analytiques des fonc­
tions (disons les valeurs dans le disque V si l’on conserve les nota­
tions introduites plus haut) non pas aux anciens points z mais à des
points situés au-dessus d’eux (supposer par exemple que le disque V

*) Si par exemple on développe la progression géométrique 1 + z + z2 +


+ . . . qui converge dans le disque {| z | < 1} vers la fonction 1/(1 — z), en
une série entière de z + 1/2, on obtient une série convergente dans le disque
{| z + 1/2 | < 3/2} dont le rayon est égal à la distance du centre a = —1/2
au point z = 1 où la fonction perd son holomorphie.
152 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

est situé au-dessus de U). On obtient ainsi une surface à plusieurs


feuillets située au-dessus du plan complexe et le nombre de feuillets
au-dessus de chaque point z de ce plan est égal à la valeur prise en
z par la fonction multivalente. Sur cette surface (appelée maintenant
surface de Riemann) la fonction multivalente devient une véritable
fonction univalente. Nous reviendrons sur cette question plus bas
avec plus de détails.
Ainsi, l’idée maîtresse de la construction des fonctions multiva­
lentes, avancée par Riemann et Weierstrass, consiste à envisager à
la place de fonctions un nouvel être — un couple composé d’une
fonction (univalente) et du domaine dans lequel elle est définie. De
tels couples donneront par prolongement analytique probablement
des fonctions analytiques multivalentes. Passons aux définitions
rigoureuses.
Définition 1. On appellera élément canonique ou, plus brièvement,
élément un couple F = (U, f) composé d’un disque U = { \ z — a | <C
< i?} et d’une fonction /, le disque U étant le plus grand disque de
centre a à l’intérieur duquel la fonction / est holomorphe. Le point
a s’appelle centre de l’élément F, le disque U, disque de F. La va­
leur f (z) en z Ç U s’appelle valeur de l’élément F en z.
Si a 6 C, la fonction / se représente par une série de Taylor (5)
dont U est le disque de convergence. Si a = oo, ce développement
est de la forme
oo

/(*) = 2 ^ , (8)
71=0
et le disque U = { | z | > i?} (cf. n° 25).
On a parfois intérêt à envisager un couple F = (£/, /), où /
est une fonction holomorphe dans un disque U de centre a qui n’est
pas le disque maximal d’holomorphie de centre a. Un tel couple
s’appelle tout simplement élément ou, pour éviter toute ambiguïté,
élément non canonique.
Définition 2. On dit que deux éléments F = (£/, /) et G =
= (F, g) sont consécutifs ou adjacents ou encore le prolongement ana­
lytique l'un de Vautre si U f| F n’est pas vide et / = g dans U {\V.
Si le centre b de l’élément G est contenu dans C/, la fonction g
s’exprime au moyen de f par la formule (7), i.e. la série de g n’est
autre que la série de f suivant les puissances de (z — b). Mais géné­
ralement b peut ne pas appartenir à U. Toutefois si U, f et F sont
donnés, la fonction g est définie de façon unique car elle est confon­
due avec / sur U f) V (théorème d’unicité du n° 22).
§ 8] NOTION DE PROLONGEMENT ANALYTIQUE 153

Définition 3. On dit que des éléments Fv = (Z7V, / v), v = 1, . . .


. . ., Z, sont enchaînés si F v+1 est consécutif à F v (v = 1, . . .
. • I - 1) («g. 50).
Définition 4. On dit qu’un élément G = (F, g) est un prolonge-
ment analytique de F = (Z7, /) s’il existe une suite finie d’éléments
enchaînés F v = (Z7V, / v), v = 1, . . ., Z avec Ut = V, f t = g.
Exem ple. Les éléments F 0 = (Z70, / 0), où Z70 = { | z 1 | < 1}
et / 0 est la détermination de Y z définie dans (3), et F = (Z7, f) où
U = { | z + 1 | < 1} et / est la détermination de Y z définie dans

(4), sont tous deux canoniques, car leurs frontières contiennent le


point z = 0 auquel / et f 0 ne sont pas prolongeâmes (les dérivées
f'0 {z) = y / 0 (z) et /' (z) croissent indéfiniment lorsque z->-0). Ils
ne sont pas consécutifs, car leurs disques ne se rencontrent même pas.
Mais l’élément Fx = (U^ / x), où U1 = { | z — i | < 1} et
fi (z)= ] / r e i(p/2, 0 < q ) < 3t (9)
est visiblement consécutif aussi bien à F0 qu’à F, donc F 0 et F sont
enchaînés.
De façon analogue, l’élément _F_X= (Z7_x, /_x), où Z7_x =
= { | z + i | < 1} et /-i (z) = ] / r ei(P/2, — n < <p < 0 (fig. 51)
est consécutif à F 0 et à l’élément G défini dans (5). Donc l’existence
de la suite d’éléments enchaînés F , Fx, foi F_x, G exprime que F
et G sont le prolongement analytique l’un de l’autre; leurs disques
sont confondus, mais leurs fonctions diffèrent par leur signe.
28. Théorème de la monodromie. Nous aurons encore besoin de la
notion de prolongement analytique le long d’un chemin. On sup­
posera sans nuire à la généralité que le paramètre varie sur l’inter­
valle J = [0, 1] pour tous les chemins envisagés ici.
154 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

Définition 1. On dit qu’un élément canonique F0 = (U0, / 0)


peut être prolongé le long d'un chemin y : I C partant de son centre
a = y (0) s’il existe une famille d’éléments
Ft = ( u t , f t ), t e /, (i)
de centres at = y (t) et de rayons non nuis vérifiant la condition sui­
vante: si u (t0)cz I est un voisinage connexe d’un point t0 £ I tel
que y (t) £ Uto pour tout t £ u (t0) (ce voisinage existe, puisque le
chemin est continu), alors
pour tout t £ u (t0) l’élé­
ment Ft est consécutif à Fio
(fig. 52).
Dans cette définition
il est essentiel que Ft soit
consécutif à Fto pour les
seuls t proches de £0; si le
disque Uto contient un point
éloigné de t 0, l’élément cor­
respondant ne jouit pas
nécessairement de cette pro­
priété, bien que son disque
rencontre f/*0.
Si un élément F0 peut être prolongé le long de y, on dit que l’élé­
ment Fx de la famille (1) (de centre l’extrémité b = y (1) de y) pro­
vient de F0 par prolongement analytique le long de y.
Commençons par prouver l’unicité du prolongement le long d’un
chemin. Pour cela on conviendra que deux éléments canoniques
F = (£7, f) et G = (F, g) sont égaux (F = G) si U = F et / = g
dans ce disque.
Théorème 1. Le prolongement analytique d'un élément canonique
F0 le long d'un chemin y est un élément bien défini ne dépendant pas
du choix de la famille réalisant ce prolongement.
^ Soient Fx et des éléments provenant du prolongement de
F q le long de y: le premier à l’aide d’une famille d’éléments Ft,
le second, d’une famille Gt (F0 = G0, t £ I). Considérons l’ensemble
E = {t £ I : Ft = Gt }. Cet ensemble n’est pas vide, puisqu’il con­
tient le point t = 0.
Cet ensemble est ouvert (pour la topologie de I). En effet, soit
Ç £ \ i.e. Fto = Gto. Le chemin y étant continu, il existe un voisina­
ge u (t0)cz I tel que pour tout t Ç u (t0) le point y (t) appartient au
disque commun de convergence des éléments Fto et Gto. D’après la
définition 1, les éléments Ft et Gt sont pour tout t £ u (t0) consécutifs
aux éléments égaux Fio = Gto et par suite sont confondus (leurs fonc­
tions s’obtiennent en développant f to en série entière de z — y (t),
cf. formule (7) du numéro précédent). Donc u (t)cz E .
§ 8] NOTION DE PROLONGEMENT ANALYTIQUE 155

Mais E est à la fois fermé. En effet, soient t 0 £ I un point d’accu­


mulation de E et u (t0) un voisinage tel que pour tout t £ u (t 0)
les points y (t) appartiennent au plus petit des disques de convergen­
ce des éléments Fio et Gto (désignons-le par W). Dans u (t0) il existe
un point tx g E tel que Ftl = Gtl. Puisque y (tf) Ç W , il s’ensuit
que F to et Gto sont consécutifs aux éléments égaux Ftl et Donc
fi0= gto dans l’intersection de W avec le disque de convergence de
Ftl et G*t. D’après le théorème d’unicité du n° 22 on a alors f to =
= gt0 partout dans W et par conséquent Fto = G*0, i.e. t0 £ E.
Ainsi l’ensemble non vide E ci I est à la fois ouvert et fermé.
D’où il suit (n° 4) que E = I et en particulier que Fx = Gx. ^
On se propose de prouver maintenant que le prolongement le
long d’un chemin peut toujours être réalisé en un nombre fini d’opé­
rations, i.e. comme un prolongement analytique au sens du numéro
précédent.
Lemme. Le rayon R (t) de Vélément canonique F1 de la famille (1)
réalisant le prolongement analytique le long de y est une fonction conti­
nue de t sur I ou est identiquement égal
à Vinfini.
► Si R (t0) = oo pour un t 0 Ç /, la
fonction correspondante f io est entière et
d’après le théorème d’unicité toutes les
fonctions f t sont entières, i.e. R (t) = oo.
Pour prouver le lemme dans le cas con­
traire, on remarquera que les disques des
deux éléments canoniques Fto et F t qui sont
consécutifs ne peuvent appartenir propre­
ment l’un à l’autre. En effet, si par exemple
U t (cî Z7<9, alors f t est holomorphe dans un
disque de centre y (t) plus grand que Ut, à la rigueur dans un
disque de môme centre tangent intérieurement à d ü to. Donc les
cercles dUto et dUt doivent avoir au moins un point commun, et
du triangle représenté sur la figure 53 (triangle qui dégénère en
segment si Ut est tangent intérieurement à dUio) on déduit que
\ R ( t ) - R ( t 0) \ < \ y ( t ) - y ( h ) \ - (2)
Par définition du prolongement le long d’un chemin, les éléments
Ft sont consécutifs à Fto si t g u (t0), où u (t0) est le voisinage mention­
né dans la définition. Donc (2) a lieu pour tout t 0 Ç I et tout
t Ç u (t0). Reste à utiliser la continuité de la fonction y sur /. A
Théorème 2. Si un élément G provient de F par un prolongement
analytique le long d'un chemin y, il est le prolongement analytique de
F au sens du n° 27.
156 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

>> Soit Fu une famille d’éléments réalisant le prolonge­


ment le long de y. Si R (t) = oo, la proposition est triviale, sinon
le lemme nous dit que le rayon R (t) de l’élément est continu sur
/. Il existe donc un 8 > 0 tel que R ( t ) ^ e pour tout t £ /. La
fonction y étant uniformément continue sur /, on peut choisir un
nombre fini de points t v : t 0 = 0 < tx < . . . < tn = 1 tels que
pour tout couple t ' , t " Ç [£v-i> J j , v = 1, . . rc, l’on ait | y (t') —
— y (O | < e. De la définition du prolongement le long d’un che­
min il s’ensuit alors que l’élément F (v) = est consécutif à
= (V = l ,
Mais F{0) = F et F = G, donc G est le prolongement analytique de
F. ◄
Prouvons en conclusion le théorème d’invariance du prolonge­
ment analytique le long d’un chemin par toute déformation homoto-
pe de ce chemin.
Théorème 3. Soient y0 et yx des chemins homo topes en tant que che­
mins ayant des extrémités communes et supposons quun élément F
peut être prolongé le long de tout chemin ys (s Ç I) réalisant Vhomo-
topie Y0 ~ Yi- Alors les prolongements de F le long des chemins y0 ety1
sont confondus.
^ Soit y :I X /->» C une fonction réalisant l’homotopie Yo ~
~ Yi (cf. n° 17), de sorte que y s (t) = y (s, t)-
Désignons par G* la famille des éléments réalisant le prolonge­
ment analytique de F le long de ys, et par Gs = G® ce prolongement.
Démontrons que sous les hypothèses du théorème le prolongement Gs
ne varie pas par une variation assez petite de s : la connexité du seg­
ment I entraîne l’indépendance de G8 par rapport à s, i.e. G0 = G1.
Ce qu’on voulait.
La fonction y étant uniformément continue sur / X / , les rayons
de tous les éléments G* sont supérieurs à un e > 0. Pour la même
raison, quel que soit s0 Ç I il existe un voisinage u (s0)cz I tel que
pour tout s £ u (s0) et tout t Ç / l’on a
| V (S, t) — y (s0,t) I < e/2. (3)
Comme dans le théorème 2, cherchons des points tv Ç I (v = 0, . . .
. . ., n) tels que pour tous t ', t" Ç Uv_i, £V1 tout s 6 u (so) ï’on
ait
| y (s, t') — y (s, t") | < e/2 (4)
et posons Zv = y (so> iv)’ zv —v(s> £v) (fig- 54). Posons encore pour
simplifier Gtv = Gsv et G(“ = Gsv°.
$ 8] NOTION DE PROLONGEMENT ANALYTIQUE 157

Il est évident que Gst° et Gf sont consécutifs: en vertu de (4)


on a \z\ — a | < e /2 et \z{ — a | < e / 2, de sorte que ces deux éléments
proviennent de F par le redéveloppement des séries mentionné
au numéro précédent. Raisonnons par récurrence et supposons que Gv°_ î
et Gv-i sont des éléments consécutifs; alors puisque |zv_4—Z v - i | < e /2
en vertu de (3), l’élément G^-i provient de Gv-i par redéveloppe­
ment de la série. Les éléments Gsv* et Gsv sont par construction
consécutifs respectivement à Gv_i et Gv-i* Or en vertu de (3) et
(4) on a |4 —4 - il < s /2 et |zv — | | z v —z%\ + | 4 “ 4 - i l < 8,
donc Gv et Gsv proviennent de Gv_i par redéveloppement de la série

70

et par suite sont cosécutifs. Donc par récurrence les éléments G^>
et Gt (v= 1, . . . , n) sont consécutifs et puisque G% et Gsn ont
le même centre (le point 6), ils sont égaux. ^
Remarque. Si un élément F ne peut être prolongé au moins le
long d’un des chemins ys réalisant l’homotopie y0~ Yi> ses prolon­
gements le long de y0 et yx peuvent être différents. En effet, soient
Yo Yi les demi-cercles supérieur et inférieur de { | z | = 1}. Ils
sont visiblement homotopes et leur homotopie peut être réalisée par
les arcs de cercle y8, 1 passant par les points ± 1 (fig.. 55).
Supposons pour fixer les idées que yx/2 est le segment [1, —1].
L’élement F 0 = (Z70, f Q) de l’exemple du n° 27, où U0 = { \ z —
— 1 | < 1} et / 0 est la détermination de V z définie par la condition
— jt/2 < Arg z < jx/2, est prolongeable analytiquement le long de
tout chemin ys, 1/2 (pour un tel prolongement il suffit, comme
déjà signalé plus haut, de faire varier continûment Arg z le long d’un
arc). Le prolongement le long du segment y1/2 est impossible, car
celui-ci contient le point z = 0 (cf. page 153). Le théorème 3 ne passe
pas pour cette cause,, quant aux prolongements le long de y 0 et yx,
158 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

ils sont différents: ces prolongements sont les éléments F et G


dans les notations de l ’exemple de la page 153. En effet, on obtient
F le long des chemins ys tels que 0 ^ s < 1/2 et G le long des chemins
y$ tels que 1/2 < 5^ 1.
Les chemins d’extrémités communes sont homotopes dans un
domaine D simplement connexe. Du théorème 3 on déduit en parti­
culier le
Théorème 4. Si un élément F 0 peut être prolongé analytiquement le
long d'un chemin quelconque dans un domaine simplement connexe D
(partant du centre de F 0), son prolongement ne dépend pas du chemin sui­
vi, il est défini de façon unique par les extrémités de ce chemin.
Ce théorème s’appelle généralement théorème de la monodromie
(en grec ôpô|io£, i.e. lieu de course). On pourrait l ’appeler théorè­
me étroit de la monodromie, réservant la dénomination ordinaire
pour le théorème 3 qui est plus général.

§ 9. Fonctions analytiques
La théorie du prolongement analytique décrite dans le paragra­
phe précédent permet d’introduire le concept de fonction multiva­
lente décantée des ambiguïtés et des inconvénients signalés plus
haut. Cette théorie est basée sur la notion de fonction analytique,
une notion qui, vue sous un angle moderne, n ’est pas très heureuse
dans la mesure où elle décrit non pas une fonction, mais un tout autre
être — un ensemble d’éléments liés l’un à l’autre par un prolonge­
ment analytique.
29. Notion de fonction analytique. Ainsi, par convention
Définition 1. Une fonction analytique est un ensemble .F d’élé­
ments canoniques provenant d’un élément F = (f/, /) par des pro­
longements analytiques le long de tous les chemins partant du centre
a de F .
Cette notion ne dépend visiblement pas du choix de l’élément de
départ F. En effet, soit G = (F, g) un élément quelconque de la fonc­
tion analytique jF. Cet élément provient alors de F par prolonge­
ment le long d’un chemin y. Mais F provient aussi de G par prolonge­
ment le long du chemin y~ et tout autre élément H , prolongement de
F le long d’un chemin À, peut être obtenu en prolongeant G le long
du chemin y~ U ^ (pour la définition de la réunion des chemins
voir le n°15).
On voit donc qu’on peut définir une fonction analytique par la
simple donnée de ses éléments : JF = {Fa }aeA> où A est un ensem­
ble arbitraire d’indices. On appelle parfois l’être de la définition 1
fonction analytique complète réservant le terme de fonction analytique
§ 9] FONCTIONS ANALYTIQUES 159

à tout sous-ensemble d’éléments de jF, connexe en ce sens que deux


quelconques de ses éléments sont enchaînés.
Définition 2. Deux fonctions analytiques sont égales si elles pos­
sèdent au moins un élément commun. (Les autres éléments correspon­
dants seront alors égaux d’après le théorème d’unicité du prolonge­
ment le long d’un chemin.)
Le réunion D = (J U a des disques des éléments de la fonction-
a 6A
analytique $ est un domaine. En effet, il est évident que D est ou­
vert, quant à sa connexité, elle résulte du fait que deux points quel­
conques z , z" Ç D peuvent être reliés par une ligne polygonale con­
tenue dans la réunion des disques des éléments de la chaîne et réali­
sant en vertu du théorème 2 du n° 28 le prolongement analytique
des éléments Fa>et Fa» (tels que z et z *' appartiennent à leurs disques
respectifs).
Si le domaine D est simplement connexe et qu’un élément quel­
conque F 0 = (C/0, / 0) de disque U a D peut être analytiquement
prolongé le long de tous les chemins dans D , la fonction analytique
jF qui est composée de tous les prolongements de F 0 le long des che­
mins de D sera, d’après le théorème de la monodromie du numéro
prcécédent, une fonction holomorphe dans D : en tout point z £ D
les éléments F Ç ,F dont les disques contiennent z prennent la mê­
me valeur. Il en va autrement dans le cas général lorsque les condi­
tions du théorème de la monodromie ne sont pas remplies: les élé­
ments de la fonction analytique JF peuvent prendre des valeurs dif­
férentes en un même point (exemple: la fonction / z qui a été citée
à plusieurs reprises dans les numéros précédents). On dit alors que
jF est une fonction analytique multivalente dans D .
Mais même si .F est multivalente dans D, il peut exister des sous-
domaines GczD tels que les prolongements des éléments de jF le
long des chemins uniquement de G donnent une fonction univalente,
donc holomorphe dans G*). Ces fonctions s’appellent déterminations
de la fonction analytique jF. Par exemple, les déterminations de jF
peuvent être mises en évidence à l’aide du théorème de la monodro­
mie dans tout sous-domaine simplement connexe GczD s’il existe
des éléments F Ç jF prolongeâmes le long de tous les chemins dans G
(en particulier, on peut définir une détermination dans tout disque
d’un élément (£/, /) Ç jF, c’est tout simplement la fonction /).
Si une fonction analytique est multivalente, les disques de ses
éléments contiennent des points en lesquels ces éléments prennent
des valeurs différentes. La question se pose de savoir combien de va-

*) Remarquons que les prolongements le long de chemins quittant le sous-


domaine G peuvent conduire à des éléments prenant des valeurs différentes en
voir des exemples dans le numéro précédent.
160 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

leurs peut prendre une fonction analytique en un point fixé. La ré­


ponse est fournie par le
Théorème 1 (Poincaré — Volterra *)). Une fonction analytique
peut posséder un nombre au plus dénombrable d'éléments centrés en un
point donné.
^ Supposons qu’une fonction analytique est définie par un élé­
ment initial F 0 de centre a et soit z un point arbitraire du domaine D
formé par les disques des éléments obtenus en prolongeant F0.
D’après le théorème 2 du n° 28, tout élément F de centre z peut être
obtenu par une chaîne finie d’éléments consécutifs de centres a,
%ii • • •» 2n— z.
Saris nuire à la généralité on peut admettre que les points zv
(v = 1, . . n — 1) sont rationnels (i.e. Re zv et Im zv sont des
nombres rationnels). En effet, supposons tout d’abord que les cen­
tres z'v des éléments F'v (v = 1, . . ., n — 1) sont arbitraires. Dans
un voisinage arbitrairement petit de chaque point z'v prenons un
point Rationnel zv et remplaçons F'v par son élément consécutif
F v de centre zv. Il est clair (cf. démonstration du théorème 3 du
n° 28) que pour \ zrv — zv \ assez petits, le prolongement obtenu
avec la nouvelle chaîne sera confondu avec l’ancien.
Reste à remarquer que l’ensemble des éléments consécutifs pos­
sibles de F1 de centres rationnels est dénombrable, de même d’ail­
leurs que les ensembles des éléments F 2, . . ., F n_x. Puisque la don­
née de F n et du point z définit de façon unique l’élément F (bien
que des éléments F n_x distincts puissent conduire à de mêmes F), l’en­
semble des éléments possibles de F est au plus dénombrable. ^
Dans le numéro suivant on citera un exemple de fonction analy­
tique associant aux points d’un domaine D un ensemble infini (dé­
nombrable) de valeurs.
La généralisation de la notion d’élément est utile dans l’étude
des fonctions analytiques. Plus exactement, par élément d’une fonc­
tion analytique FF on peut comprendre tout couple F = (D, /), où
D cz C est un domaine arbitraire et / une détermination de ,F, holo-
morphe dans ce domaine (on admet bien sûr qu’une telle détermina­
tion holomorphe existe dans D). Tout couple (D , /), où / Ç O (D),
s’appelle tout simplement élément analytique. On dit que deux tels
éléments (D, /) et (G, g) sont consécutifs si l’intersection D (] G
n ’est pas vide et si dans l’une au moins des composantes connexes
de cette intersection on a f = g (les fonctions / et g ne sont pas né­
cessairement confondues dans les autres composantes si elles exis­
tent; cf. fig. 56).

*) Ce théorème a été publié en 1888 séparément par H. Poincaré et le


mathématicien italien Vito Volterra (1860-1940).
§• P] ' FONCTIONS ANALYTIQUES 161

Le prolongement analytique se définit comme dans le cas où D


est un disque (cf. définition 3 du n° 27).
Cependant il est utile d’introduire une notion qui nous dispense
du choix d’un domaine concret. Ceci nous conduit à la
Définition 3. On dit que deux éléments (D, /) et (G, g) dont les
domaines contiennent un point a Ç C sont équivalents en a s’il existe
un voisinage de a en lequel / = g *). L’ensemble des éléments équi­
valents en a £ D à (D, /) s’appelle germe de
la fonction analytique en a et se note fa.
La notion de germe est une localisation de
la notion d’éléments : en considérant à la place
d’un élément fixé la classe de tous les élé­
ments qui sont équivalents (y compris les
éléments dont les domaines sont arbitrairement
petits), on met en évidence ce que les élé­
ments équivalents ont en commun. Donc le
germe caractérise les propriétés d’une fonction
au point envisagé. Il est évident que le germe
îa peut être identifié à une collection de nom­
bres complexes (a), caractérisant les coefficients du développe­
ment de la fonction / en série de Taylor au point a.
Une fonction analytique est entièrement restituée par son germe
îa : il suffit de prendre un élément quelconque (D, f) représentant fa
et de construire tous ses prolongements analytiques possibles. Ré­
ciproquement, à toute fonction analytique en un point z de la réunion
des domaines de ses éléments, on peut associer un ensemble de germes
î 2, classes d’équivalence de ces éléments en z (cet ensemble est au
plus dénombrable d’apres le théorème 2). On peut donc traiter une
fonction analytique comme l’ensemble de ses germes (voir la fin du
chapitre pour plus de détails).
Les germes des fonctions analytiques en un point fixé z £ C sont
justiciables des opérations ordinaires de l ’analyse. Ainsi, par déri­
vée fz du germe î z on comprend la classe des éléments équivalents
à(D, /'), où (.D , /) est un représentant de la classe fz (il est évident
que fz ne dépend pas du choix du représentant). On définit de façon
analogue la somme î z + gz et le produit fz*gz (par exemple, îz -f
-f gz est la classe des éléments équivalents à (U, / + g), où (.D, /) et
(G. g) sont des représentants de fz et gz tels que D [} G contient un
voisinage U de z). Le quotient fz/gz n’est pas toujours défini : il ne
l’est pas pour les germes gz qui sont nuis au point z.
Donc, l ’ensemble des germes des fonctions analytiques en un point
fixé z est muni d’une structure d’anneau. On le désignera par le

*) Il est évident que cette relation est une relation d’équivalence.


11-0714
162 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

même symbole O z que l’anneau des fonctions holomorphes en z


(cf. n° 6): en fait il s’agit d’un même être.
Les opérations sur les fonctions analytiques (et non pas sur leurs
germes) ne sont pas toujours définies; considérons à titre d’exemple
l ’addition de deux fonctions analytiques. Il faut d’abord pouvoir
choisir des éléments de ces fonctions définis sur un même domaine.
Soient (D, /) et (D, g) de tels éléments. Les fonctions holomorphes /
et g de ces éléments sont des déterminations des fonctions analytiques
envisagées dans le domaine D : on peut les additionner et former
l’élément (Z), / + g)• L’ensemble des éléments obtenus à partir de
P , / -f- g) par tous les prolongements analytiques possibles forme
une nouvelle fonction analytique qui est naturellement considérée
comme la somme de / et n. Mais une telle définition doit être cohé­
rente, i.e. ne pas dépendre du choix des éléments initiaux, or cette
condition n ’est pas toujours remplie.
Par exemple, la fonction Y~z étudiée plus haut possède, en vertu
du théorème de la monodromie, deux déterminations / x et / 2 dans
tout domaine simplement connexe D c C ne contenant pas le point
z — 0 et ces déterminations sont opposées. La somme V z + ]f z
nous conduit donc aux éléments (D , 2/j), (Z), 2/ 2) et (Z), 0). Si les deux
premiers éléments nous conduisent par prolongement à une même
fonction analytique désignée par 2]/ z, le troisième nous donne une
fonction identiquement nulle. Donc l’addition Y z -\~Y z n ’est pas
cohérente.
Signalons que la condition de cohérence est visiblement remplie
si les fonctions analytiques sont ajoutées à des fonctions holomorphes
ou multipliées par elles. Sont également cohérentes les compositions
de fonctions holomorphes et de fonctions analytiques : par exemple,
les fonctions analytiques telles que e ^ z ou cos Y z 0 a dernière est
même holomorphe).
30. Fondions élémentaires. Noüs étudions ici les plus importants
exemples de fonctions analytiques multivalentes.1
1. Racine. Par racine rc-ième (n est un entier naturel) de z on
comprend la fonction analytique
w — 'Y z, (1)
définie comme suit. Dans le plan C privé du demi-axe négatif R-,
i.e. D 0 = C \ R - considérons la fonction
__ i?
( 2)
fo (z) =: v r e n, —Jt < (p < jt
(nous admettons que z = rei<p). Cette fonction est continue dans Z>a
et applique bijectivement D% sur le secteur Z)J = {— ztln < q) <C
§ 9] FONCTIONS ANALYTIQUES 163

< n/n} du plan de la variable complexe w = pe^ (fig. 57). Puisque


wn = z, la règle de dérivation de la fonction réciproque pour tout
z Ç D 0 nous dit que
(Z> = n {/0 ( * ) ) «

(cf. note de la page 149). Donc le couple = (D0, / 0) est un élé­


ment analytique. La fonction analytique provenant du prolongement
analytique de cet élément s’appelle racine n-ieme de z.

• Z

Do
aT 7
(z)

On peut décrire ce prolongement par exemple de la manière suivan­


te. Considérons un domaine D a = {— j t + a < 9 < J t + o c } et
dans ce domaine la fonction holomorphe
fa (z) = nfr& vln, —ji + a < c p < J i + a. (4)
Il est évident que les éléments F a = (Da , / a), a Ç R, sont le prolon­
gement analytique de l’élément (Z)0, / 0) (pour | a | < jr ces éléments
sont consécutifs). L ’ensemble de ces éléments F a décrit précisément
la fonction voulue.
La réunion D = \JDa des domaines de ces éléments est visi-
_ «en
blement le plan C privé des points z = 0 et z = oo .(ce sont les seuls
points de C à appartenir aux frontières de tous les D a et à n ’apparte­
nir à aucun D a).
Cette fonction peut être également définie à l ’aide des éléments
canoniques. Prenons pour élément initial par exemple l’élément G0
de centre z = 1 composé du disque U — {\ z — 1 | < l } e t d e l a
fonction holomorphe dans TJ
*.<*)={ i + ( * - i ) ) ,» =

'ii- K H - lv - H f ) ) .- ! ) 1 (5>
fc=0
11*
164 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CIÎ. III

(remarquant que g0 (x) = n/ x pour z = x > 0, nous nous sommes


servis du développement binomial de cette fonction réelle et avons
prolongé ce développement du segment [0, 2] au disque U).
L ’élément G0~ F 0, car pour z = x 6 [0, 2] on a r = x, <p == 0 et
par suite / 0 (z) = g0 (x) = n/ x. Les fonctions / 0 et g0 étant holomor-
phes dans £7, le théorème d’unicité nous dit que f 0 (z) = gQ(z) pour
tout x e U . Les fonctions analytiques définies par les éléments F0
et G0 sont confondues d’après la définition 2 du numéro précédent.
La fonction analytique w = n/ z associe à tout point z0Ç D exacte­
ment n valeurs distinctes. En effet, les valeurs de toutes les fonctions

holomorphes des éléments F a (les déterminations de la fonction


analytique envisagée) sont définies par la formule
<P0 + 2 / t J t

w = nf r 0& ” , (6)
où r0 = | z0 I, <p0 est l’une des valeurs possibles de Arg z0 et k. un
_ .f£o
entier arbitraire. En posant w0 = n/ r 0e 71, on voit que toutes les
i— k
autres valeurs de w diffèrent de w0 par les facteurs e 71 , et ces fac­
teurs (les racines n-ièmes de 1) proviennent du vecteur 1 par des
2jt
rotations d’angle multiple de — , i.e. prennent n valeurs distinctes.
Donc parmi les valeurs (6) il en existe seulement n qui sont distinctes,
il s’agit des valeurs w0, . . ., w;r l obtenues à partir de (6) pour
& = 0, 1, . . n — 1. Ces valeurs sont les sommets d’un polygone
régulier à n côtés de centre w = 0 (cf. fig. 58).
Quelques mots en conclusion sur les déterminations de la fonc­
tion analytique n/ z, i.e. sur les fonctions holomorphes de ses éléments
(pas nécessairement des éléments de F 0)-
D’après le théorème de la monodromie (n° 28) on peut définir
une détermination de n/ z dans tout domaine simplement connexe G ne
contenant pas les points z = 0 et z = oo. Comme exemple d’un tel
FONCTIONS ANALYTIQUES 165

domaine citons le plan muni d’une coupure reliant ces points (la
frontière du domaine doit être connexe). La figure 58 représente un
tel domaine G et son image par l’application réalisée par l’une des
déterminations de Y z\ les deux autres déterminations transforment
2Jti \n i
G respectivement en les domaines e 3 G* et e 3 G*, images de
G* par des rotations d’angles et
D’une façon générale, on peut définir une détermination de n/ z
dans tout domaine ne contenant aucun chemin fermé entourant le point
z = 0. En effet, Arg z varie d’un multiple entier de 2jt en parcou­
rant ces chemins et lux seuls, donc le prolongement analytique de
tout élément le long de ces chemins peut nous conduire à un autre élé­
ment. Dans les domaines remplissant cette condition on peut définir
n déterminations distinctes de n/ z . Chacune de ces déterminations
diffère des autres par les facteurs ei2îl hJn et est entièrement carac­
térisée par la donnée de son domaine de définition et sa valeur en un
point de ce domaine. (Par exemple, on peut parler de la détermina­
tion de Y z qui est définie dans le plan C muni d’une coupure le long
du demi-axe négatif R- et est égale à 1 pour z = 1 ; les deux autres
2ni
déterminations prennent respectivement les valeurs e 3 et
‘l H l 2J t i
e 3 = e 3 .)
Les racines sont justiciables des opérations signalées à la fin du
numéro précédent. En particulier, la dérivée
l n/—
1g
( V ï) ' n ( y z)n_1 nz 9 (7)

qui est aussi une fonction analytique, est définie de façon cohérente.
$ 1. Montrer que ] / (1 — z2) (1 — k2z2), où 0 < k < 1, possède
des déterminations dans C \ [ — 1/fe, 1/fe]. Considérons la détermina­
tion qui prend des valeurs > 0 pour z = x > 1/fe; quelles valeurs
prend-elle sur les lèvres inférieure et supérieure de la coupure
[— 1/fe, 1/fe] et sur l’axe 1—oo, —l/fe[?
2. Préciser la relation de Bombelli citée en note de la page 15.
2. Logarithme. Le logarithme de la variable complexe z
w = lu z (8)
peut être défini par le prolongement analytique d’un élément initial
composé du domaine D {] = {—n < cp < n ) et de la fonction défi-
166 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

nie dans D
w = ln z = ln r - f icp, — jt < cp < jt , (9)
qui s’appelle détermination principale du logarithme (on admet com­
me plus haut que z = rei(v). La fonction (9) applique homéomorphi-
quement D% sur la bande D 0 = {w:— jt < lm w <. n ) (fig. 59)
et comme les propriétés de la fonction exponentielle (n° 13) nous
disent que ew = elnr •el<ï) = z, i.e. que la fonction (9) est inverse

de l’exponentielle, on en déduit en vertu de la règle de dérivation


des fonctions inverses en tout point z0 Ç D 0 que

Donc l’élément F 0 = (D0, Ln z) est analytique.


On peut comme plus haut définir un prolongement analytique de
F o à l ’aide d’une famille d’éléments F a (a £ R) composés des domai­
nes D a = (—jt + a < ( p < K + a } et des fonctions f a (z) =
= ln r + icp, —jc + a < ( p < : n - l - a , holomorphes dans D a. La
réunion des domaines de ces éléments est le plan C privé des points
z = 0 et z = oo.
On peut définir ln z également à l’aide des éléments canoniques.
Pour élément initial on peut prendre le disque U = {| z — 1 | < 1}
et la fonction holomorplie dans U

L n z |u = 2 ( - (11)
71=t
(cette fonction provient du prolongement analytique de la fonction
réelle
oo

ln z = ln{1 + {x — 1)} = 2 ( - l ) " - i (* ~ 1)n


TL— 1
§ nj FONCTIONS ANALYTIQUES 167

du diamètre [0, 2] au disque U). Les éléments (D0, Ln z) et


(t/, Ln z 1^) sont équivalents.
La fonction analytique ln z associe à tout point z0 Ç D = \) D a
un ensemble dénombrable de valeurs définies par la formule
w = ln r0 + i ((p0 + 2k jt), (12)
où r0 = | z0 K (Po est l’une des valeurs possibles de arg z0, k un entier
arbitraire. Toutes ces valeurs sont distinctes et situées sur la droite
verticale Re w = ln r0 à une distance de 2kn Tune de l’autre
(fig. 50). Toutes ces valeurs sont les logarithmes du nombre z0;
donc tout nombre complexe fin i, hormis z = 0, possédé une infinité
de logarithmes.
On peut définir les déterminations de la fonction analytique ln z
dans tout domaine G ne renfermant aucun chemin fermé englobant
le point z = 0. En effet, le prolongement le long uniquement d’un
tel chemin peut donner d’un élément canonique un autre élément
de même centre non égal au premier. Dans tout domaine G remplis­
sant la condition indiquée, on peut définir une infinité de détermina­
tions de ln z différant l’une de l’autre d’une constante additive
égale à un multiple entier de 2ju. Donc les déterminations sont,
comme celles de nf z, définies de façon unique par la donnée du
domaine de définition et une valeur en un point de ce domaine *).
On peut effectuer sur les logarithmes les opérations mentionnées
au n° 29. En particulier, la dérivée du logarithme
(lnz)' = l/z (13)
est une fonction holomorphe dans D (toutes les déterminations du
logarithme ont la meme dérivée). Est holomorphe aussi la fonction
elnz = z. (14)
En ce sens on peut dire par abus de langage que le logarithme est la
fonction inverse de l’exponentielle **).
Montrer que toute fonction entière ne présentant pas de
zéros peut être représentée sous la forme / = e8, où g est une fonc­
tion entière. %

*) Ceci n’est pas valable pour toutes les fonctions analytiques. Par exemple,
la fonction analytique possède en z0 = —ji2 deux déterminations distinctes
correspondant aux valeurs Y z 0 = ±Jti, mais les valeurs e±ÎU de ces détermi­
nations en z,> sont confondues.
**) Plus exactement, le second membre de (14) est la restriction de la
fonction au domaine D , car le premier membre n’est pas défini pour z = 0 et
Z= OO.
168 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

La situation n’est pas aussi favorable pour les opérations algébri­


ques sur les logarithmes. Par exemple, l’égalité « naturelle »
ln z -f- ln z = 2 ln z
est incorrecte! En effet, le premier membre de cette égalité n ’est
pas défini (cf. n° 29).
Nous allons fermer cette section consacrée au logarithme par le
rappel d’un débat sur les logarithmes des nombres négatifs qui
opposa par correspondance en 1712-1713 deux des plus grands mathé­
maticiens de leur temps Jean Bernoulli et G. Leibniz. Bernoulli affir­
ma qu’ils étaient réels et que ln (—x) = ln x . Il étaya cette affir­
mation par le raisonnement suivant : l ’égalité (—x)2 = x2 entraîne
2 ln (—x) = 2 ln x. Leibniz pour sa part affirma que les logarithmes
des nombres négatifs étaient imaginaires et que l ’identité ln (—x) =
= In x n ’a pas de sens et, en particulier, ln (—1) =^= 0. Leibniz
appuya son affirmation par le raisonnement suivant: si l’on pose
x = —2 dans le développement
ln(l + *) = * - 4 + 4 - . . . ,
on obtient l ’égalité

w - i ) = - i 4 4 - -
dans laquelle tous les termes du second membre sont négatifs et donc
ln ( - 1 ) ^ 0.
L. Euler se mêla du débat en 1749. Il publia un article dans lequel
il, renvoyait dos à dos les deux « plaideurs ». Il réfuta notamment
l’argument de Bernoulli de la manière suivante. En suivant le raison­
nement de Bernoulli on déduirait de l ’égalité (xY —l)4 = x4 que
ln x + ln ]/"—1 = ln x, i.e. ln Y —1 = 0. Mais Bernoulli en
personne établit que = —, une égalité qui est irréfutable,
puisque, nota Euler, « cette découverte est basée sur les méthodes
les plus fiables de l’analyse ». Euler débouta Leibniz en citant
l’exemple suivant : si dans le développement
+ *» + . . .

on pose x = —3 puis x = 1 et qu’on ajoute les résultats obtenues,


on trouve que 0 = 2 + 2 + 10 + 2 6 + - - - î line égalité dont le
premier membre est 0 bien que, comme le nota Euler, «le second
membre soit différent de 0 ».
Dans l ’article cité Euler proposa la solution correcte : les logari­
thmes des nombres complexes négatifs (ainsi que des autres nombres
§ 9] FONCTIONS ANALYTIQUES

complexes) prennent une infinité de valeurs. Son argumentation


n’est pas dénuée d’intérêt. La valeur de y = ln x se définit à partir
de l’équation z = e y = ^ l - f - y ) ’ où i est un « nombre infiniment
grand » (le terme et la notation sont d’Euler). D’où il s’ensuit que.
y — i (x1/i — 1) et le nombre x1/i — « une racine d’exposant infini­
ment grand » — prend une infinité de valeurs, généralement com­
plexes.
Il est intéressant de noter qu’en 1761 d’Alembert prit le parti de-
Bernoulli contre Leibniz et Euler.
3. Fonctions (rigonomctriques inverses. Ces fonctions s’expriment
simplement au moyen des racines et des logarithmes. Voyons par
exemple la fonction arc cos. La résolution de l’équation cos w = z Y
ou 4“ (eiw + o~iw) = z, ou enfin
e2jw —2zeiw-\-1 = 0
traitée comme un trinôme du second degré en eîU\ nous donne
eiu' = z + 1 / 5 ^ 1
(nous n’écrivons pas le signe habituel ± , puisque par définition la
racine carrée prend deux valeurs). Reste à remarquer que la dernière
égalité nous donne
w —arc cos z = Un (z+ Y z2 — l) (15)
(nous faisons précéder le logarithme de i et non pas de 1/i, car
en vertu de la relation------ ,1 = z - V rz---------
2- 1 le changement
du signe du logarithme reviendrait à changer le signe placé devant
la racine, or cette dernière prend deux valeurs).
On a des expressions similaires pour les autres fonctions trigo-
nométriques, notamment
arc sin z = — i ln (iz + Y 1 —z2),
1+ iz (16>
arc tg z 2i ln 7=17 •
Les formules (15) et (16) rappellent les formules classiques des fonc­
tions hyperboliques inverses, ce qui n ’a rien d’étonnant, car en
analyse complexe les fonctions trigonométriques sont simplement
liées avec les fonctions hyperboliques (cf. n° 14).
Les fonctions trigonométriques inverses sont des fonctions analy­
tiques et dans les formules (15) et (16) il faut comprendre les opéra­
tions comme dans le cas des déterminations. Ces opérations sont
correctement définies.
170 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CII. III

4. Fonction puissance générale w = za. Cette fonction où a est


un nombre complexe arbitraire, est définie par la relation
w —zn = ea ln z (17)
et est analytique. Pour les exposants a réels on distinguera trois cas:
a) a est entier. La fonction (17) est alors univalente : la multiva­
lence du logarithme est compensée par la périodicité de la fonction
exponentielle. Elle est holomorphe dans C pour a > 0 (le point
z = 0 est éliminable) et dans C \ {0} pour a < 0 (z = oo est élimi-
nable).
b) a = p/q est un nombre rationnel (on admet que la fraction est
irréductible). La multivalence du logarithme est partiellement com­
pensée ici par la périodicité de la fonction exponentielle, et la fonc­
tion (17) associe à tout z =^= 0, =^=oo q valeurs distinctes. Elle est
confondue avec la fonction analytique w = qf zv.
c) a est irrationnel. Aux valeurs de a ln 2 distinctes Tune de
l ’autre d’un multiple entier de 2ani correspondent des valeurs distinc­
tes de e°ln z. Les compensations signalées dans les cas précédents
n ’ont plus lieu et la fonction (17) associe atout z^=0, 7^00 un ensem­
ble dénombrable de valeurs.
Supposons maintenant que a = a H- i$, P =7^=0. Un calcul simple
Z il = e ( a + i & ) [ l n r+ i(<P +2fcJi)] = 9a l n r - p ( < P + 2 /tJt) 0 i [ P ] n r + a ( < p + 2 A J i) ]

(où 2 = rei(f> et k est un entier quelconque) montre qu’à chaque nom­


bre complexe 2 =/=0, =7^=00 la fonction (17) associe un ensemble dénom­
brable de valeurs dont les modules rae"P<pe“2ftjtP _ poe-2fejtp
forment une progression géométrique infinie dans les deux sens de
raison q = e“2jtP et les arguments pin r - f a<p + 2fcrta = i|)0 +
+ 2fcjta une progression arithmétique infinie dans les deux sens de
raison d = 2jta si a =7^ 0. Pour a = 0 les arguments sont égaux.
Par exemple *)
i »0 ~ + 2 k n i) -(£ +2hn)
i* = ellnt = e v 2 7 = e V2 7f fc= 0, ± 1 , . . . (18)
5. Fonction exponentielle générale w = az. Cette fonction dans
laquelle a =7^ 0, =7^00 est un nombre complexe est définie par la
relation
w = az ~ e zln a. (19)
Ce terme qui est parfois utilisé est illégitime. En effet, (19) n ’est pas
une fonction au sens habituel de ce terme, car ln a = ln | a | +
+ i Arg a -f 2kni (k = 0, ± 1 , . . .)
*) Cet exemple a de quoi rendre perplexe tout lecteur peu initié: on élève
un nombre imaginaire i = Y — l à une puissance imaginaire j / —1 et on obtient
une infinité de valeurs et de surcroît réelles!
$ 91 FONCTIONS ANALYTIQUES 171

prend une infinité de valeurs et par suite az (pour z non entier) est
multivalente. Ce n ’est pas non plus une fonction analytique, car
certains de ses éléments obtenus en attribuant au logarithme l’une
quelconque de ses valeurs ne sont pas consécutifs.
Donc a1 doit être traitée comme un ensemble de fonctions (en­
tières) distinctes
e z In|a| + i A rg a e 2 k n ii (fc = 0, ± 1 , . .

îfc Montrer que la fonction / (x) = xx, x > 0, peut être prolon­
gée holomorphiquement au plan C privé de l’axe ]—oo, 0[. Calculer
f (i) et / (— i). *
31. Points singuliers. Au n° 25 nous avons étudié les points
singuliers isolés des fonctions holomorphes (ces points sont encore
appelés points singuliers à caractère univoque). Mais par exemple le
point 2 = 0 qui est singulier pour la fonction analytique w = z
n ’entre pas dans la classification du n° 25. On se propose donc de
généraliser cette classification en introduisant la notion de point sin­
gulier d’une fonction analytique. Comme au n° 25 on se bornera au
cas simple des points singuliers isolés.
Définition 1. On dit qu’un point a £ C est un point singulier isolé
d’une fonction analytique s’il existe un voisinage pointé F ' du
point a tel qu’un élément F = (U, /) de cette fonction puisse être
prolongé analytiquement le long de tout chemin y ci F '.
C’est le cas par exemple des points z — 0 et z = oo pour les fonc­
tions analytiques nf z et ln z (pour voisinage F ' de ces deux points
on peut prendre la couronne {0 < | z | < oo)). Les points singu-
liers de la fonction ^ y - son^ ^es P°ints z = 0 et q = oo qui sont
déjà des points singuliers de Y z et le point z = 1 en lequel l’une des
déterminations de la fonction (celle pour laquelle ]/z est égale à —1
pour z = l) présente un pôle (la détermination pour laquelle Y z = i
pour z = 1 est régulière en z = 1).
Les points singuliers isolés des fonctions analytiques seront
classés en fonction du comportement de leurs éléments par un pro­
longement le long d’un chemin fermé y ci F '.
Lemme. Soient a un point singulier isolé d'une fonction analyti­
que /F, et V' un voisinage pointé tel que celui de la définition 1. Si un
élément F 0 £ , f ne change pas *) lorsqu'on parcourt un chemin fer-

*) Ou bien est remplacé par un élément équivalent à l ’élément initial


{au cas où les éléments envisagés ne seraient pas canoniques).
172 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [c i i . in:

mé Yo ^ V', tout élément F provenant de F 0 par prolongement à F A


ne change pas par prolongement le long de tout chemin y homotope à
y 0 dans F'.
^ Soient X un chemin de F ' conduisant de F 0 à F et y = X” |J
U YoU ^ (Ie parcours a lieu dans l’ordre X”, y 0, cf. n° 15).
Par une déformation continue à l’intérieur de F ', déformation
qui consiste à rogner l’extrémité de X et l’origine de X” (les bouts
rognés sont noircis sur la figure 60), on peut transformer y en Yo*
i.e. y ~ Yo (les chemins fermés y et Yo sont homotopes dans F').
Par hypothèse. y ~ Toi donc y ~ Y* Supposons que y Y ont des
extrémités communes (qui sont confon­
dues, car ces chemins sont tous deux fermés),
et que l’élément F est prolongeable le long
de tout chemin dans F '. Le théorème géné­
ral de la monodromie (théorème 3 du.n0 28}
nous dit alors que les prolongements de F
r**/

le long de y et de y sent confondus. M.


De ce lemme il s’ensuit que le prolon­
gement le long de chemins fermés homoto­
pes à 0 dans F ' ne modifie pas les éléments
(car de tels chemins se transforment en
chemins contenus dans le disque d’un élé­
ment quelconque, or Je prolongement le long des derniers chemins
ne modifie visiblement pas les éléments). Donc ne présentent do
l ’intérêt pour nous que les prolongements le long de chemins non
homotopes à 0 dans F'.
Définition 2. Soient a un point singulier isolé d’une fonction
analytique, F ' un voisinage pointé de a tel que celui de la définition 1,
et y ^ a F ' un chemin de Jordan fermé entourant le point a. On
distinguera deux cas:
(I) a s’appelle point singulier à caractère univoque si le parcours
de Yo ne modifie pas l’élément initial de la fonction ;
(II) a s’appelle point singulier à caractère multivoque ou point de
branchement si le parcours de Yo conduit à un élément distinct de
l’élément initial.
Dans le cas (I) le prolongement de l’élément initial le long de
tout chemin Xcz F ' conduisant à un point fixé z 6 F ' nous donne le
même élément. En effet, s’il existait deux chemins Xx et X2 condui­
sant à des éléments différents, le chemin fermé Y = X” U X2cz F'
modifierait l’élément initial. Or le chemin y est ou bien homotope
à 0 et alors il ne peut modifier l’élément initial d’après la remarque
ci-dessus, ou bien est homotope au chemin Yo parcouru plusieurs
FONCTIONS ANALYTIQUES 173

fois (dans le sens positif ou négatif) et d’après le lemme il ne modifie


pas non plus l’élément initial. Cette contradiction prouve notre
assertion.
De cette assertion il s’ensuit que dans la cas (I) le prolongement de
l’élément initial le long de chemins dans V' nous donne une fonction /
univalente, i.e. liolomorphe dans V ' , qui est une détermination de la
fonction analytique envisagée *). Le point a est un point singulier
isolé de la fonction / au sens du n° 25. Ce point peut être éliminable,
un pôle ou essentiel selon le comportement de / à son voisinage.
(Si du reste l’élément initial est canonique, le point singulier ne
peut être éliminable, car dans ce cas le disque de convergence de
l’élément, contiendrait le point a.)
Dans le cas (II) la fonction analytique obtenue par prolongement
de l’élément initial le long de chemins dans V' ne possède pas de
déterminations dans V' **). On divisera le cas (II) en deux sous-
classes.
(lia) Il existe un entier 2 tel que le ra-uple parcours de y0
dans un sens nous conduise à l’élément initial. Dans ce cas a est un
point de branchement d'ordre fin i, et le plus petit des nombres n
jouissant de cette propriété s’appelle ordre de branchement.
Il est aisé de voir que l’ordre de branchement ne change pas si
l’on remplace Yo Par tout chemin y homotope à Yo dans V'. En effet,
désignons par ky le chemin obtenu par un /c-uple parcours de y dans
un sens (le même que celui de y si k > 0 et contraire si k < 0) ; si
y ~ Y<n alors k y ~ ky0 et d’après le lemme prouvé plus haut les con­
tours ky et ky0 tous deux changent ou ne changent pas l’élément ini­
tial. On laisse au lecteur le soin de prouver que si un chemin fermé
Yc: V' ne change pas l’élément initial, il est homotope à un multiple
entier (positif, négatif ou nul) du chemin ny0, où n est l’ordre de
branchement du point a.
(Ilb) L’entier n du cas (Ha) n ’existe pas, i.e. les parcours de Yo
dans un sens conduisent à de nouveaux éléments. Dans ce cas le
point a s’appelle point de branchement d'ordre infini ou point de
branchement logarithmique.

*) Le prolongement de l ’élément initial le long de chemins en dehors de V'


risque de donner un autre élément de même centre, de sorte que la fonction
analytique envisagée peut être multivalente. Ainsi, le prolongement d’un
élément arbitraire de la fonction analytique 1/(1 + z) le long de chemins de
V' = {0 < | z — 1 | < 1} nous conduit à une fonction univalente (l’une des
deux déterminations de 1/(1 + 1/z)), mais le prolongement le long d’un chemin
fermé entourant z — 0 associe à un élément d’une détermination un élément de
l ’autre détermination.
**) Bien que dans V' il puisse exister une détermination de la fonction
envisagée^ qui provient de l’élément initial par prolongement le long de che­
mins extérieurs à V' (cf. plus bas exemple 5).
174 PROLONGEMENT ANALYTIQUE (CH. III

Exemples
1. La fonction n/ z présente en z = 0 et z = oo des points de
branchement d’ordre n, la fonction in z, des points de branchement
logarithmiques.
2. La fonction s^n Y z présente en z — 0 un point singulier
yz
éliminable et en z — oo un point singulier essentiel. C’est une
fonction entière (ceci ressort du développement
sin Y z 1 , 1 2
Vz T T Z+ T T Z ■
qui est valable dans la couronne V' — {0 < | z | < o o }).
3. La fonction ]fez2 + 1 présente en tous les zéros de l’équa­
tion ez2 + 1 = 0, i.e. en zk = Y ln (— 1) = ± Vjm + 2kni, des
points de branchement d’ordre deux ; le point z = oo est un point
singulier non isolé.
4. La fonction 1/ln z possède des points de branchement logarith­
miques en z = 0 et z = oo ; pour z = 1 l’une de ses déterminations
(la principale) possède dans la couronne {0 < | z — 1 | <; o o } un
pôle du premier ordre, les autres déterminations sont holoraorphes
en ce point.
5. Etudions en détail le cas de la fonction analytique

w = * V i + Vz.
Le point z = 0 est un point de branchement d’ordre deux du radical
intérieur Y z. Dans le disque U = (| z — 1/2 | < 1/2} intérieur au
voisinage U' = (0 < | z \ < 1} on peut mettre en évidence quatre
déterminations / v de la fonction w compte tenu des signes des deux
radicaux. Soit f x l’une de ces déterminations; l’élément F hl = (U, / x)
se prolonge le long du cercle y Q: z = 0 ^ t ^ 2jt, en l ’élé­
ment F2 = (£/, / 2), où / 2 est une autre détermination, car le radical
intérieur change de signe avec un tel parcours. Le parcours itéré de y0
nous conduit encore à l’élément Fx, car les parcours de y0 lie changent
pas les déterminations du radical extérieur dont z = 1 est un point
de branchement. La situation est la même pour les deux autres
déterminations : / 3 = — et /4 = — / 2. La fonction w présente donc
en z = 0 deux points de branchement distincts d’ordre deux.
Etudions maintenant le point z = 1 en lequel le radicande de w
s’annule pour l’une des valeurs de Y z. Soient V' = {0 < | z — 1 |<
< 1), V = (| z — 1/2 | < 1/2} et gv les quatre déterminations de w
dans V. Soient gx et g2 (g2 = — gj) les déterminations pour lesquelles
le radical intérieur est égal à — 1 pour z = 1. Le parcours du cercle
§ 9] FONCTIONS ANALYTIQUES 175

vr- ^ = 1 + y e^, 0 ^ 2jt, ne change pas les déterminations du


radical intérieur, mais par contre il modifie le signe du radical ex­
térieur (lorsque z parcourt le cercle y1, le point l = 1 + / z , en
lequel est étudiée la détermination du radical intérieur choisie,
décrit dans le plan £ un chemin de Jordan ferme-entourant le point
£ = 0), donc l’élément (F, gj) se prolonge en l’élément (F, g2). Le
deuxième parcours de y1 change encore le signe du radical extérieur
et nous conduit de nouveau à l ’élément (F, gt). Les deux autres déter­
minations g3 et g4 (g4= — g3) pour lesquelles le radical intérieur est
égal à 1 pour z = 1 ne changent
pas par le parcours de (le point
£ = 1 + Y z de la détermination
choisie décrit un chemin de Jor­ 1
g
dan fermé entourant le point
£ = 2 mais pas le point £ = 0), Fig. 61
donc ce parcours transforme
chaque élément (F, g3) et (F, g4) en lui-même Donc en z = 1 la
fonction w possède un point de branchement d’ordre deux et deux
éléments réguliers *).
Pour étudier la fonction w en z = oo il faut considérer le voisina-
ge pointé W' = {1 < z | < o o ) et dans TF', par exemple, le dis-
que W = {| z — 2 < 1}. Soit (TF, fej) l’un quelconque des quatre
éléments de la fonction w dans le disque TF. Le parcours du cercle
y.3:z = 2e1*, 0 ^ 2n modifie le signe du radical intérieur, donc
il conduit à un autre élément, (TF, k 2). Le deuxième parcours de y 3
nous donne le troisième élément, (TF, k 3), le troisième parcours, le
quatrième élément, (TF, fe4) et seul le quatrième parcours nous con­
duit à l’élémenl initial (TF, hj). Ceci est clair si l’on remarque que
pour les grands | z | l’unité du radicande est négligeable et w æ
« ) / z. Donc la fonction w présente en z = oo un point de branche­
ment d’ordre quatre.
Les autres points de C sont réguliers pour cette fonction analytique.
Les résultats de notre analyse sont schématiquement représentés
sur la figure 61.
Appesantissons-nous sur les points de branchement d’ordre fini.
Montrons qu’au voisinage d’un tel point a Ç C une fonction analy­
tique peut être développée en une série de puissances fractionnaires
de z — a qui est une série de Laurent généralisée appelée série de
Puiseux **).
*) Les éléments (C/, g3) et (£/, g4) ne sont pas canoniques, car leur disque­
tte convergence est plus grand que U.
**) Victor Puiseux^ (1820-1883), mathématicien français. Publia en 1850
ses travaux sur les séries.
176 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

Théorème. Toute fonction analytique *) peut être représentée dans


un voisinage pointé V' = {0 < | z — a \ <i R ) d'un point de branche­
ment d'ordre n fini par une série de la forme
oo

u>= s Ch (z - a ) k/ n. (I)
ft—-oo

^ Posons z — a = £n. Le point £ décrit alors dans le plan £


un cercle assez petit X: £ = peix, 0 ^ 2n, le point correspon­
dant z = a + £n décrit ra fois le cercle y0: z = a + pne^, 0 ^
2n. Puisque l’élément initial de la fonction analytique w envisagée
ne change pas par ce parcours, l’élément correspondant de la meme
fonction w, traitée comme une fonction de la variable £, ne change
pas par un simple parcours de X.
On en déduit que £ = 0 est un point singulier à caractère univo­
que de la fonction w, qui par conséquent se représente dans un voisi­
nage pointé de £ = 0 par la série de Laurent

W— f e =2— oo (2)

En substituant £ = nf z —a — {z — a)iin dans (2), on obtient le déve­


loppement (1). «4
Ce théorème est valable aussi pour a = oo pourvu que Vf =
= { i ? < | z | < o o } e t a = 0 dans la formule (1).
Exem ple. Le développement binomial nous permet d’écrire sans
peine la série de Puiseux de la fonction analytique étudiée dans
l ’exemple 5. Dans la couronne Vr = (0 < | z | < 1} on a
Vt+ +
dans la couronne W r = {1 < \z \ < oo}

et dans la couronne Vf = {0 < | z — 1 | < 1}


Y 1 -j- y ] / ! + {! + ( z —1)}1/2 =

± V 2 { i+ 4 - ( z - l ) + . . . } .

*) Plus exactement, l ’ensemble des éléments de cette fonction provenant


de l ’un d’eux par un prolongement le long de tous les chemins possibles y c z V \
% 10] NOTION DE SURFACE DE RIEM ANN 177

Lorsque z->- a, les déterminations d’une fonction analytique


ont un comportement qui dépend de la « partie principale » du
développement de Puiseux. Pour a £ C, si le développement (1)
ne comporte pas de puissances négatives, ces déterminations sont
connues en a (comme Y z ou e^z au point z = 0) ; si ces puissances
sont en nombre fini, les déterminations tendent vers l’infini (comme
ü Y z lorsque z -> 0 ) ; si ces puissances sont en nombre infini, les
déterminations ne tendent vers aucune limite lorsque z ->■ a (com­
me e1^ 2 ou sin lorsque z 0). Pour a = oo le comportement
yz
des déterminations dépend de la présence des puissances positives.
Les points de branchement d’ordre fini au voisinage desquels les
déterminations d’une fonction analytique tendent vers une limite
finie ou infinie s’appellent points singuliers algébriques de cette
fonction. A ces points il est commode de rapporter les pôles des
déterminations de la fonction envisagée. Les autres points singuliers
isolés des fonctions analytiques (i.e. les points de branchement d’or­
dre infini, les points de branchement d’ordre fini au voisinage des­
quels le comportement des déterminations est indéterminé et les
points singuliers essentiels) sont dits transcendants. (Exemple : pour
la fonction e1/(^r2+1), les points z = 0 et z = oo sont des points
singuliers algébriques, le point z = 1, un point singulier transcendant
pour la détermination telle que ] /7 = — 1).
$ 1. La fonction Y f (z) possède-t-elle un point de branchement
en chaque zéro de la fonction holomorphe /?
2. Trouver tous les points singuliers de la fonction analytique
qV'zsin z ei indiquer ceux qui sont algébriques. 4e

§ 10. Notion de surface de Riemann


Une fonction analytique peut associer aux points d’un domaine
du plan plusieurs (voire même un ensemble dénombrable) de va­
leurs. Dans ce paragraphe nous considérons à la place des domaines
plans des surfaces à plusieurs feuillets que l’on pourrait s’imaginer
situées au-dessus de chaque point z du plan avec un nombre de feuillets
égal à la valeur prise par la fonction en ce point. C’est pourquoi
les fonctions analytiques peuvent être traitées sur ces surfaces comme
des fonctions ordinaires (i.e. univalentes).
32. Approche élémentaire. Commençons par un exemple élémen­
taire. Considérons dans un domaine D figuré par le plan C muni d’une
coupure le long du demi-axe négatif les deux déterminations f x et
/ 2 de la fonction analytique
w = Y z- (1)
12—07 14
178 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

Supposons que f x est caractérisée par la condition fl (1) = 1 et / 2 par


la condition / 2 (1) = — 1. 11 est évident que / 2 (z) = — f l (z) pour
tout z 6 D. Ces déterminations sont univalentes et sont associées
à une application conforme du domaine D respectivement sur les
demi-plans de droite et de gauche du plan w qui seront désignés
par D \ et D\.
Prenons deux exemplaires du domaine D et disposons-les l’un
au-dessus de l’autre comme sur la figure 62, a. La figure 62 indique
aussi la correspondance entre les lèvres des coupures dans D et les
portions d’axe imaginaire du plan w: les portions correspondantes
sont représentées par les mêmes dessins.
Collons la lèvre supérieure de la coupure du premier exemplaire
de D avec la lèvre inférieure de la coupure du second exemplaire et

Fig. 62

par voie de conséquence D* avec D * le long du demi-axe supérieur


(ces portions sont signalées par le dessin — Collons ensuite
les autres lèvres libres des coupures de D qui sont représentées par le
dessin —1|—1|— (dans un espace à trois dimensions le second collage
fait apparaître des self-intersections, mais on conviendra de ne pas
identifier les points de l’axe le long duquel a lieu la self-intersection
de la surface, points qui sont représentés par des dessins différents).
La surface à deux feuillets obtenue (cf. fig. 62, c) s’appelle surface
de Riemann de la fonction analytique V z. Cette racine peut être traitée
comme une fonction ordinaire, car les deux valeurs que cette racine
associe à tout point z0 =^= 0, =£ oo, seront rapportées à deux points
distincts situés chacun sur un feuillet de la surface au-dessus de z0.
Les points du demi-axe négatif R- = ] —oo, 0 [ ne font pas exception
car au-dessus de chacun d’eux sont situés aussi deux points de la
surface (on a en effet convenu de ne pas identifier les points de la
ligne de self-intersection de la surface appartenant à des feuillets
différents). Aux points z = 0 et z = oo uniquement est associée
une seule valeur, donc on admettra qu’au-dessus d’eux est situé un
seul point de la surface. Les feuillets de la surface se joignent en ces
points qui sont appelés points de branchement de la surface.
La surface de Riemann de la fonction analytique
w = n/~z ( 2)
§ 10] NOTION DE SURFACE DE RIEMANN 179

présente une structure analogue. Elle a n feuillets. Au-dessus de cha­


que point z =^= 0, =/= oo sont situés n points distincts de la surface
(appelés points ordinaires de cette surface) et au-dessus de chacun des
points z = 0 et z = oo, on a un seul point de branchement. La figu­
re 63, a et &, représente respectivement les portions de surface situées
au-dessus du voisinage d’un point régulier et du point singulier de
la fonction z. Les points du demi-axe négatif ne font pas exception ;
la portion de surface située au-dessus du voisinage d’un tel point est

Fig. 63

représentée sur la figure 63, c. Puisque nous ne tenons pas compte


de la self-intersection de la surface, ce dessin ne se distingue pas topo-
logiquement de celui de la figure 63, a : la portion considérée est cons­
tituée de trois disques indépendants l’un de l’autre.
La surface de Riemann du logarithme
w = ln z (3)
est à une infinité de feuillets. Elle est représentée sur la figure 64.
Prenons encore pour domaine D le plan C privé du demi-axe négatif
et considérons dans D la détermination principale du logarithme
w = f 0 (z) = ln | z | + i Arg z (— jt < Arg z < n).
Cette fonction est univalente et réalise une application conforme du
domaine D sur la bande
D*0 = {— jt < Im w < n] ;
la corresondance entre les lèvres de la coupure et les frontières est
représentée sur la figure 64.
Le logarithme possède dans le domaine D une infinité de déter­
minations
W = fk (z) = /o (z) + 2kni (k = 0, ± 1, . . .)
qui appliquent D sur des bandes D% qui se déduisent de D* par des
translations successives de vecteur 2 ni. En conséquence, on prend
12*
180 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. I I I

un ensemble dénombrable d’exemplaires du domaine D et on colle


les lèvres supérieure et inférieure de la coupure de l’exemplaire zéro
respectivement à la lèvre inférieure de celle de l’exemplaire 1 et
à la lèvre supérieure de celle de l’exemplaire — 1 (fig. 64). On
colle ensuite les autres lèvres libres respectivement à la lèvre infé­
rieure de la coupure de l’exemplaire 2 et à la lèvre supérieure de celle
de l’exemplaire — 2 et ainsi de suite.
Au-dessus de chaque point z =j£= 0, o o est située une portion de
surface composée d’un ensemble dénombrable de disques distincts;
à chaque disque est associée une détermination du logarithme de

Fig. 64

numéro approprié agissant dans ce voisinage (les points du demi-


axe négatif ne font pas exception). Donc le logarithme peut être
traité sur la surface de Riemann construite comme une fonction ordi­
naire. Le logarithme n’est pas défini en z = 0 et z = oo, donc on
conviendra que sa surface de Riemann ne possède pas de points
au-dessus de z = 0 et z = oo.
Considérons maintenant l’exemple plus compliqué de la surface
de Riemann de l’arc sinus
w = arc sin z. (4)
Au n° 14 on a vu que la fonction z = sin w est univalente et réalise
une application conforme de la demi-bande {— ni 2 < Re w < n/2,
l m u ; > 0} sur le demi-plan supérieur z \ il est évident que la bande
Jt/2 < Re w < n/2} s’applique sur le plan z privé des axes
] — oo, 11 et [1, oo [.
Désignons ce domaine par G et soit w = g0 (z) la détermination de
arc sin z qui applique G sur la bande G* = {— n/2 < Re w <. n/2}
(cette détermination peut encore être caractérisée par la condition
g 0 (0) = 0)* Puisque la fonction arc sin z possède une infinité dénom­
brable de déterminations, nous devons envisager une infinité dénom­
brable de domaines G pour construire sa surface de Riemann. Au
/c-ième exemplaire (k = 0, ± 1, . . .) nous associons les valeurs de la
ft-ième détermination w = gh (z) qui applique G sur la bande Gft =
JC JC ^
{ — Y + fat<Re y + foij (cette détermination peut être
définie aussi par la condition gh (0) = kn).
$ 10] NOTION DE SURFACE DE RIEMANN 181

Reste à coller les divers exemplaires du domaine en fonction du


collage de leurs images La figure 65 explique cette opération.
On obtient en définitive une surface de Riemann à une infinité
de feuillets, qui présente au-dessus de z = ± 1 une infinité dénom­
brable de points de branchement. En z = oo elle possède deux

points de branchement logarithmiques. On arriverait aux mêmes


conclusions en étudiant la fonction arcsin z au moyen du logarithme
arc sin 2 = — iln ( *)/1 —2 2 + iz).
33. Approche générale. On introduit ici une notion générale de la
surface de Riemann, plus exactement, on la traite comme un espace
topologique séparé abstrait *).
Considérons un ensemble dont les points sont les couples
A= fa (z,)}, (1)
où a£C et la fonction

S C„(z —a)n, si a e C,
n=0
fa (z) = (2)
S Cn si a= 00
z» ’
71=0

est holomorphe dans un disque Ua de centre a ; pour fixer les idées


on admettra que Ua est le disque de convergence de la série corres­
pondante (2). Munissons d’une topologie de la manière suivante:
/V
par z-voisinage U (A) d’un point A 6 9fï on comprendra l’ensemble
des points B = {6, f b (2)} tels que: 1) b soit contenu dans un e-

*) Un esjpace topologique X est séparé (ou de Hausdorff) s’il vérifie l ’axiome


suivant de séparation (axiome de Hausdorff) : pour tout couple a, b de points
de X il existe un voisinage de a et un voisinage de b sants points communs.
182 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

voisinage du point a (i.e. { | z — a | < e} si a 6 C et {| z | > 1/e}


si a = oo); 2) l’élément (U0, f 0) est consécutif à l’élément (Ua, f a).
On peut s’imaginer un point A comme un point de la surface de
Riemann (au sens élémentaire décrit au n°32) situé au-dessus d’un
point a Ç C. La donnée de la fonction f a (z) équivaut à indiquer le
feuillet auquel appartient le point A . Le voisinage U (4) est composé
de points B du même feuillet se projetant sur un voisinage de a
(fig. 66) ; les points des autres feuillets qui se projettent sur ce voi­
sinage de a (tel le point B' de la figure 66) ne sont pas considérés ap­
partenir à U (A).
Il est immédiat de voir que la topologie décrite munit 9ï d’une
structure d’espace séparé. Assurons-nous que les axiomes de sépara­

tion sont bien vérifiés : si A B, on a soit a =^= 6, soit a = b, mais


/V /V
f a¥=f b• Pour construire des voisinages disjoints U (A) et U (B),
il suffit dans le premier cas de choisir des voisinages disjoints des
points a, b Ç C et dans le second, de prendre e assez petit pour que
le 8-voisinage soit contenu dans les disques de convergence des séries
de f a et f b et d’inclure dans U (^4) tous les points (c, / c), où (£/c, / c)
est un élément consécutif à (Ua, f a), et dans U (B), tous les points
(c, / c), où (t/c, f c) est un élément consécutif à (Uh, f b) (les voisinages
U (^4) et U (B) sont disjoints, sinon l’élément (Ub, f b) serait con­
fondu avec (Ua) f a)).
On peut définir la projection de l’espace sur C comme l’appli­
cation
n:{a, f a (z)}-* a. (3)
Globalement cette application n’est pas bijective, car il existe
sur 8Î une infinité de points se projetant en un même point. Mais
localement elle l’est. En effet, si un point b appartient au disque de
convergence de la série / G, l’élément (Ubl f b) consécutif à (Ua, f a)
§ 10] NOTION DE SURFACE DE RIEMANN 183

est complètement défini et par suite dans un voisinage assez petit


U (^4) il n’existe qu’un seul point se projetant en b. Il est évident
aussi que l’application (3) et sa réciproque sont continues, donc la
projection est un homéomorphisme local.
La projection transforme U (4) en un disque du plan C; en réali­
sant une transformation homographique de ce disque sur le disque
unité {| £ | < 1} on peut considérer que sur U (A) est défini l’homéo­
morphisme
TV : U ( A ) ^ {| H < 1 } - (4)
Chaque point B £ U (4) est défini univoquement par sa projec­
tion fc, donc par le point t>= T u (B) du disque unité. Par conséquent
on peut traiter £ comme un paramètre local sur le voisinage U (.A ).
Si deux voisinages U, V c= $R se rencontrent, il apparaît une appli­
cation de l’une sur l’autre des parties des disques paramétriques
correspondant à cette intersection:
& = ^c/v ff) = ^ v ° Tu (£) ; (5)
cette application s’appelle relation de voisinage (fig. 67). Etant la
composée de transformations homographiques, la relation de voisina­
ge est aussi homographique, i.e. conforme.
Définition 1. On dit qu’un espace séparé est une variété complexe
(de dimension un) s’il peut être recouvert par un système de voisinages
homéomorphes à des disques de telle sorte que toutes les relations
de voisinage engendrées par ces homéomorphismes soient des appli­
cations conformes.
On a ainsi prouvé le
Théorème 1. L'espace 3ï est une variété complexe de dimension un.
On étudiera les variétés complexes de dimension supérieure
dans le tome 2.
Il est évident que l’espace 3î n’est pas connexe. Mais tout sous-
ensemble de points \a, f a (2)}, où f a sont les déterminations
d’une même fonction analytique, est connexe. En effet, si des points
A = {a, / a, (2)} et B = {&, f b (2)) appartiennent à 9ï0, les éléments
(Ua, f a) et (Ubl f b) proviennent l’un de l’autre par un prolongement
3e long d’un chemin y:[a, |5]-^ C. Mais alors les points A t =
= {at, fat (2)} appartiennent aussi à 9î0 pour tout t £ [a, |3]. Ceci
définit une application continue de [a, |3] sur 9î0, i.e. un chemin de
9Ï0 reliant les points A et B . Donc 5R0 est même connexe par arcs
(cf. n° 4). Par ailleurs, il contient avec chaque point A un voisina­
ge U (4), i.e. est un ouvert. Donc 9R0 est un domaine de l’espace $R.
Nous avons prouvé qu’à toute fonction analytique correspond un
domaine de l’espace Il est évident que la réciproque est vraie,
484 PROLONGEMENT ANALYTIQUE (GH. III

i.e. à tout domaine de est associée line fonction analytique * ).


On a ainsi établi le
Théorème 2. Les fonctions analytiqes et les domaines de Vespace iK
sont en correspondance biunivoque.
Définition 2. Un domaine 5R0 de l’espace 9î, caractérisé par le
fait que les fonctions holomorphes f a appartenant à ses points A =
= {a, f a (z)} sont les déterminations d’une fonction analytique,
s’appelle surface de Riemann de cette fonction.
Nous sommes ainsi arrivés à la notion générale de surface de
Riemann. Cette notion consiste à traiter chaque fonction analytique
comme une fonction ordinaire (i.e. univalente) sur sa surface de
Riemann. En effet, par construction la surface de Riemann possède
autant de points A se projetant en a qu’il n’existe d’éléments distincts
{ U f a) de centre a de la fonction analytique, i.e. autant de valeurs
prises par cette fonction au point a.
Donc, une fonction analytique AF est une fonction de point sur sa
mrface de Riemann :
F :A = {a, f a (z)}~+fa (a) (G)
(et non pas une fonction du point a sur le plan).
Sur la variété complexe qu’est la surface de Riemann on
peut introduire la notion de fonction holomorphe et on constate alors
qu’une fonction analytique est holomorphe sur sa surface de Rie­
mann (cf. § 5, tome 2).
Les surfaces de Riemann au sens élémentaire, étudiées dans le
numéro précédent, peuvent être traitées comme des modèles de sur­
faces de Riemann générales. La théorie des fonctions étudie d’autres
modèles aussi. On peut par exemple partir non pas de fonctions
multivalentes mais de fonctions univalentes et construire les surfaces
de Riemann de telle sorte que ces fonctions soient des Injections et
alors les fonctions réciproques (multivalentes) appliqueront (uni­
voquement) les domaines du plan sur les surfaces construites.
Construisons par exemple une surface sur laquelle la fonction
exponentielles = e2 est une bijection. Nous savons qu’elle donne
la même image des points distants d’un multiple entier de 2jxi et
d’eux seuls (n° 13). Donc, pour obtenir ce qu’on veut il est naturel
d’identifier les points a + 2kni, où k = 0, ± 1, . . . est un entier
arbitraire.
En d’autres termes, soit G l’ensemble des translations du plan C
de vecteurs 2kni, k = 0, ± 1 , . . . :
S : z-+- z + 2kni (k = 0, ± 1 , . . .). (7)
*) Dans cette démonstration on se sert du fait que tout domaine de est
un ensemble connexe par arcs (prouvez-le!).
§ 10] NOTION DE SURFACE DE RIEM ANN 185

Il est évident que G est un groupe (pour la composition des transfor­


mations) qui est un sous-groupe du groupe À, des transformations
homographiques (cf. n° 8). Désignons par [a]Gla classe d’équivalence
d’un point a Ç C modulo G, i.e. l’ensemble de tous les points S (a),
où S ÇG (autrement dit, l’ensemble de tous les points a + 2knir
i* = 0, d= 1, . . .)• Désignons par ClG l’ensemble de ces classes d’équi­
valence; on peut considérer que les éléments de cet ensemble sont
identifiés aux points a + 2kni (k = 0, ± 1 , . . .).
Munissons maintenant l’ensemble C/G d’une topologie. Par
voisinage d’un point [a]G on comprendra un ensemble de points

Fig. 68

[s]rr où s £ C est un point arbitraire d’un voisinage (pour la topologie


de C) d’un représentant quelconque a de la classe d’équivalence [a]G.
Donc C/G est muni d’une structure d’espace topologique.
On peut représenter cet espace de la manière suggestive suivante.
On choisira les représentants des classes d’équivalence [z]G de telle
sorte qu’ils soient situés dans la bande { 0 ^ Im z < 2jc}. Un voisi­
nage assez petit d’un point z0 tel que 0 < Im z0 < 2ji sera alors
représenté par un disque de centre z0, et un voisinage d’un point z1
tel que Im zx = 0, par un ensemble de deux demi-disques (fig. 68).
Si l’on colle cette bande de façon à obtenir le cylindre de la figure 68,
les voisinages de tous les points seront des voisinages naturels sur
le cylindre.
Donc l’espace topologique C/G est un cylindre dans l’espace. Ce
cylindre peut être traité comme la surface de Riemann de la fonction
exponentielle (le logarithme applique bijectivement le plan C privé
de l’origine des coordonnées sur cette surface).
Considérons encore un exemple. Au n° 43 on introduira le sinus
elliptique w = sn z qui est une fonction méromorphe possédant deux
périodes: une réelle ce*! et une imaginaire i(ù2\ cette fonction est
univalente dans le rectangle {0 ^ Re z < (Oj, 0 ^ Im z < co2}.
Pour construire sa surface de Riemann, il suffit donc d’identifier les
points a -j- kx(Oj + k2co2, où k^ et k2 sont des nombres entiers. En
d’autres termes, il faut envisager le groupe T des mouvements
z-*- z + feiCù! + ik2co2 et l’espace Cl T dont les points sont les classes
d’équivalence [a]T des points a £ C modulo T . La topologie de cet
espace est la même que dans l’exemple précédent : par voisinage d’un
point [a\T on comprend l’ensemble des classes d’équivalence [z]T,
où z Ç C est un point arbitraire d’un voisinage (pour la topologie
186 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. III

de C) d’un représentant de la classe [a\T. Cette topologie transforme


l’espace CI T en un tore (fig. 69) qui peut être considéré comme la
surface de Riemann du sinus elliptique.
On se propose de clore ce chapitre en donnant une autre interpré­
tation de l’espace 9i. Remarquons préalablement que dans la défini­
tion des points de 9Ï comme des couples {a, f a (z)}, où f a est une
fonction holomorphe dans un voisinage de a £ C, le choix du voisina­
ge n’est pas essentiel. On peut donc admettre que les points de 9î
sont les germes fa de fonctions analytiques. Nous avons désigné

l’ensemble de tous les germes en un point donné a par Oa. L’ensem­


ble 5R peut donc être traité comme la réunion disjonctive des ensem­
bles Oa sur tous les a Ç C :
ïïi = U
«ec
On munit ensuite l’ensemble 9î d’une topologie à l’aide de voisi­
nages que l’on pourrait décrire de la manière suivante en termes de
germes: le voisinage U d’un germe fa est composé de tous les germes
t b, où b appartient à un voisinage Ua et il existe une fonction /
holomorphe dans Ua telle que l’élément (Ua,f) est un représentant
des deux germes fa et f&. Nous avons vu que cette topologie trans­
forme 9S en espace séparé. L’application
jt : C
qui à tout germe fa associe un point a est un homéomorphisme local
pour cette topologie.
Le couple (Sf{, jx) s’appelle faisceau de germes de fonctions analy­
tiques. Cette notion reflète une approche locale. Il existe aussi une
approche globale. En effet, considérons un domaine D a C et une
fonction f holomorphe dans D . Cette fonction f : D~+y t associe
à tout point z Ç D le germe î z engendré par elle en z. La fonction /
est visiblement continue pour la topologie de 9ï et la composition
n o f est une application identique dans D .
L’application / s’appelle section du faisceau au-dessus du domai­
ne D. L’ensemble de toutes les sections de 9ï au-dessus du domai­
ne D est un anneau sur lequel les opérations algébriques sont com­
patibles avec les opérations sur les germes en tout point z £ D .
§ 101 NOTION DE SURFACE DE RIEMANN 187

On se bornera ici à cette description. La définition générale de


la notion de faisceau sera donnée au tome 2 (cf. n° 28).
Exercices
1. Montrer que si une fonction f se représente dans le disque unité
par une série de Taylor 2cnzn à coefficients positifs de rayon de
convergence 1, le point z = 1 est un point singulier de / (théorème
de Pringsheim).
00 9n
2. Montrer que la fonction / (z) = 2 j est continue dans le
n=0
disque unité fermé mais n’est pas prolongeable analytiquement
en dehors de ce disque.
00
3. Montrer que la série 2 — — > où {a nj est l ’ensemble
n=i z - e îa”
de tous les nombres rationnels de l ’intervalle [0, 2jc] et an des
00
nombres complexes tels que 2 lan l < °°7 converge pour | z| <Cl
71=1
et |jz |> 1 respectivement vers des fonctions holomorphes f t et /2
qui ne sont pas le prolongement analytique l ’une de l ’autre.
4. Construire un exemple de fonction / holomorphe dans le disque
U = {| z | <C 1}, continue dans U et telle qu’elle se prolonge
holomorphement en une fonction présentant un point singulier essen­
tiel sur le cercle {| z | = 1}. Réponse :f (z) = (z — lje1/*2”1*.
5. Soit D un domaine limité par une courbe de Jordan différen­
tiable y. Etablir des conditions sous lesquelles une fonction / définie
sur la frontière y se prolonge holomorphement à D. [ N o t a :
comparer avec l’exercice 3 du chapitre II].
6. Soit D un domaine traversé par l’axe réel R. Montrer que si
une fonction / est holomorphe et bornée dans D \ R et que
I / (z) — / (z) |-^ 0 lorsque z-*- D f) alors / se prolonge holomor-
phemeiit dans D .
7. Montrer que sin z est une fonction (univalente) de Ç =
= z (n — z).
8. Montrer que la fonction za(1 — zp, où a et P sont des nombres
réels, possède des déterminations holomorphes dans CxJO, t] si
a + p est entier.
9. Calculer les résidus des déterminations de la fonction eU(^V"z)
au point z = 1.
10. Soit / une fonction holomorphe à l’extérieur de la coupure
R+ = [0, oo[, prolongeable par continuité aux lèvres de cette
coupure et dont les valeurs limites satisfont à la relation
/ (x + i0) —/ (x — iO) = g (x), x Ç R +, où g est une fonction entière,
188 PROLONGEMENT ANALYTIQUE [CH. i i r

g (0) = 0. Montrer que f (z) = — Ln z + h (z), où Lu est la


détermination du logarithme holomorphe dans C \ R + et h est une-
fonction entière.
11. Soit / une fonction holomorphe dans l’adhérence d’un domaine
multiplement connexe D tel que celui du théorème 5 du n° 18.
Montrer que les intégrales de / le long de deux chemins de D d’extré­
mités communes ne peuvent différer que de la quantité ^]mvr vv
où mv sont des nombres entiers et
r v= J f àz (v = l, . . ri).

12. Montrer qu’une fonction jF analytique dans l’adhérence d’un


domaine D tel que celui de l’exercice 11 possède une partie réelle
univalente si et seulement si a) la dérivée JF' (z) est holomorphe dans
D et b) les intégrales ^ jF ' (z) dz sont toutes imaginaires.
?v
13. Montrer que toute fonction y analytique dans la couronne
{r < | z | < iî} de module univalent est de la forme .F (z) =
= zaf (z), où / est une fonction holomorphe dans cette couronne
et a une constante réelle.
14. Soit / une fonction holomorphe et non nulle dans un domaine
simplement connexe D. Montrer que pour tout entier n > 0, il
existe une fonction g holomorphe dans D telle que gn = / sur D ;
citer un exemple mettant en défaut cette assertion pour des domai­
nes multiplement connexes.
15. Décrire les points singuliers et la surface de Riemann de la
fonction w = arc tg z inverse de w = tg z. [ N o t a : trouver son
expression en fonction du logarithme.]
16. Construire une application conforme du tore
x = (R + r cos ij)) cos (p, y = (R + r cos \j)) sin cp, z = r sin
sur un rectangle dont les côtés opposés sont identifiés *). [ N o t a :
la différentielle d’arc sur le tore est
ds = Ÿ (i? + r cos (p)2 dcp2+ r2 daj;2 ;
Oj)
en posant £=cp, r)= ^ ~R '+ r cos't ’ 0n °k ^ en^ ds = (/?+ r cos “ip) X
o
X ]/dg2+ dr)2. Donc (cp, (£, îi ) est l ’application cherchée.!
*) On verra au chapitre suivant qu’un tel rectangle peut être appliqué de
façon conforme sur une surface à deux feuillets situee au-dessus du plan (cf.
exercice 18 chapitre IV) et on s’assurera par le même que le tore s’applique
de façon conforme sur une surface de Riemann au sens élémentaire.
CHAPITRE IV

ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE

Avec ce chapitre nous entrons dans le domaine de la théorie


géométrique des fonctions d’une variable complexe. On étudiera
les problèmes fondamentaux de la théorie des applications conformes
ainsi que les principes géométriques touchant aux propriétés les
plus générales des fonctions holomorphes.

§ 11. Principes géométriques


34. Principe de l’argument. Soit / une fonction holomorphe et
non nulle dans un voisinage pointé {Ô < | z — a | < r} d’un point
a Ç C. On appellera résidu logarithmique de la fonction / en a le résidu
de la dérivée logarithmique

- 7 T S - = i ln ' (z> (1>


de / en a.
En plus des points singuliers isolés (à caractère univoque) la fonc­
tion / peut présenter un résidu logarithmique non nul en ses zéros.
Soit a f C un zéro d’ordre n d’une fonction / holomorphe en a;
dans un voisinage Ua on a alors / (z) = (z — a)n<p (z), où <p est une
fonction holomorphe et non nulle dans Ua. Donc dans Ua
f ( z ) _ n( z — a)n- 'y( z) + (z—a)ny'(z) _ 1 n<p (z) + ( z - a ) <p' (z)
f(z) ~ ( z - a ) nq>(z) cp (z)
où le second facteur est holomorphe donc développable en une série
de Taylor dont le terme libre est égal à a (à la valeur de ce facteur
pour z = a). Dans Ua on a donc

fJ W = ^ = ï {n + Cl (Z- « ) + = 2( 2 - a)2+ •*•} =


— ' Y — a ' ^ ~ C 1“t~C2 (2 —^ )+ • • -, (2)
d’où il résulte qu’en un zéro d’ordre n la dérivée logarithmique d’une
fonction holomorphe présente un pôle simple de résidu n : le résidu
logarithmique en un zéro est égal à Vordre de ce zéro.
190 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

Si a est un pôle d’ordre p d’une fonction /, alors 1// possède en ce-


point un zéro d’ordre p et puisque
VM 1
/« /W ’
on déduit, compte tenu de (2), qu’en un pôle d’ordre p la dérivée
logarithmique d’une fonction présente un pôle d’ordre un de rési­
du — p : le résidu logarithmique en un pôle est égal à l'ordre de ce pôle
pris avec le signe opposé.
Ces remarques nous permettent de suggérer une méthode de calcul
du nombre de zéros et de pôles des fonctions méromorphes. Dans la
suite on conviendra de compter chaque zéro et chaque pôle un nom­
bre de fois égal à son ordre. On a le

Théorème 1. Soient f une fonction méromorphe*) dans un domaine


D a C, G (çz D un domaine dont le bord dG est une courbe continue ne
contenant aucun zéro et aucun pôle de f. Si N et P désignent respective­
ment les nombres de zéros et de pôles de f dans le domaine G, alors

dG

où dG est orientée.
^ Puisque G (c= Z), la fonction / ne possède dans G qu’un nombre
fini de zéros al9 . . az et de pôles bm. Par ailleurs, dG
ne contenant ni zéros ni pôles de /, la fonction g = /'// est holomor-
phe au voisinage de dG. En appliquant le théorème des résidus à cette
fonction, on obtient
l m

2ÏÏT \ J dz==2 r e s g + 2 Tesg. (4)


dG v = l °v v=l bv

Mais d’après la remarque ci-dessus


re s g = /?v, res g =
°v bv

où tiv et p v sont les ordres respectifs du zéro av et du pôle 6V; en


portant ceci dans (4) et en tenant compte de la convention relative au
calcul des zéros et des pôles (et en vertu de laquelle N =
P = ^Pv) on obtient (3). M
# Soit / une fonction satisfaisant aux conditions du théorème 1
dans un domaine G et soit g une fonction holomorphe dans G. Mon-

*) On dit qu’une fonction / est méromorphe dans un domaine D si elle est


holomorphe partout sur D sauf éventuellement aux pôles.
§ li] PRINCIPES GÉOMÉTRIQUES 191

trer que
l m
2sr$ *(2)-7 5 r dz=2 (5)
dG k= l k= \

où la première somme est étendue à tous les zéros et la seconde à tou&


les pôles de la fonction / dans le domaine G. Ceci généralise le théo­
rème 1 : la relation (5) entraîne (3) pour g = 1 (chaque zéro et
chaque pôle est compté un nombre de fois égal à son ordre), %
Ce théorème peut être énoncé sous une forme géométrique. Sup­
posons que dG est un chemin z = z (t), a ^ t ^ fi et désignons par
O (t) une primitive de la fontion f'/f le long de ce chemin ; la formule
de Newton — Leibniz nous donne
§ -L d z = cp(p) —<D(a). (6)
dG

Mais il est évident que O (t) = Ln / [z (£)], où Ln désigne une déter­


mination quelconque du logarithme, variant continûment le long^
du chemin dG. Puisque ln | / | = Ln | / | + i arg / et que la fonc­
tion Ln | f (z) | est univalente, pour définir cette détermination il
suffit de définir une détermination de arg / variant continûment
le long de dG. L’accroissement de Ln | / | le long du chemin fermé
dG est nul, donc
O (p) — O (a) = i (Arg / [z (p)] — Arg / [z (a)]}.

Le second membre est le produit par i de l’accroissement de la


détermination retenue. En désignant cet accroissement par
AdG Arg /, on peut mettre (6) sous la forme
jj -y dz = iAdGArg /.
Gd

Le théorème 1 peut donc s’énoncer sous la forme suivante:


Théorème 2 (principe de l’argument). Dans les conditions du
théorème 1, la différence entre le nombre N de zéros et le nombre P de
pôles d'une fonction f dans D est égale à l'accroissement de l'argument
de f le long de la frontière orientée dG divisé par 2n :
i V - P = — AaGA rg/. (?)

Il est évident que le second membre de (7) est le nombre total de


rotations effectuées par le vecteur w — f (z) autour du point w = O
lorsque z parcourt le chemin dG. Soit dG* l’image du chemin dG par
l’application /, i.e. le chemin w = / [z (i)], P; ce nombre
192 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [G H . I V

sera alors égal au nombre de rotation du vecteur w lorsque z par­


court le chemin dG* (fig. 70). Ce nombre s’appelle indice du chemin
<5G* par rapport au point w = 0 et se désigne par ind0 dG*. Le prin­
cipe de l’argument devient maintenant:
N —P = Aac* Arg w = ind0 dG*. (8)

Remarque 1. Au lieu des zéros de la fonction / on peut envisager


ses a-points, i.e. les racines de l’équation f (z) = a; il suffit pour
cela de remplacer dans nos raisonnements la fonction / par la fonc­
tion / (z) —a. Si dG ne contient pas de a-points (et pas de pôles com­
me précédemment) de la fonction /, alors
N, 2ni J m -a dz= i Ad™Arg {/ (z) - a}, (9)
dG

où N a est le nombre total de a-points de / dans D. En se plaçant dans


le plan w = / (z) et en introduisant la notion d’indice du chemin
dG* par rapport au point a, on peut mettre (9) sous la forme
N a~ P = ^ Aôg* Arg (w - a) = ind0 dG*. (i 0)
Remarque 2. La seconde partie de la formule (7) — l’accroisse­
ment de l’argument de la fonction le long d’un chemin — a un sens
pour des fonctions continues /,
non milles le long de ce chemin
(même si sa première définition
à l’aide d’une intégrale est
subordonnée à l’existence de
la dérivée /', i.e. implique
dG* l’holomorphie de /). Cette
quantité, égale à l’indice de
l’image dG* du chemin, est
de nature topologique : elle
est invariante par toute trans­
formation topologique des
plans z et w. Il se trouve qu’on peut introduire les défini­
tions de l’ordre des zéros et des pôles qui sont invariantes par
les transformations topologiques (des définitions qui ne sont pas
liées aux dérivées ou aux développements en séries). Le principe de
l’argument revêt alors un caractère topologique : il sera valable
pour toutes les fonctions topologiquement équivalentes à des fonc­
tions méromorphes (i.e. provenant de fonctions méromorphes par des
transformations topologiques sur les variables). Le lecteur intéres­
sé par ces questions pourra trouver un exposé détaillé dans l’ouvrage
de S. Stoïlow.
Citons un exemple d’application du principe de l’argument.
s> 11] PRINCIPES GÉOMÉTRIQUES 193

Théorème 3 (Rouché *)). Soient f et g deux fonctions holomorphes


dans un domaine fermé G de frontière dG continue, et soit
| f (z) | > | g (z) | pour tout z £ dG. (11)
Alors les fonctions f et f + g possèdent le même nombre de zéros dans D.
^ On voit sur (11) que / et / + g ne s’annulent pas sur dG**),
on peut donc leur appliquer le principe de l’argument. Puisque
f =£ 0 sur dG, on a f + g = f (1 + glf) et donc un choix convenable
des valeurs des arguments nous donne
Asa Arg (/ -f g) = Aac Arg / + AflGArg ( 1-T -j- ). (12)

Mais puisque < 1 sur dG, le point œ = £ reste à l’intérieur du


f
disque { | œ | < 1} lorsque z parcourt dG. Donc le vecteur w =
= 1 + 0) n’effectue aucune rotation autour de w = 0 et le second
terme de (12) est nul. Par conséquent AdG Arg (/ + g) = à dG Arg /
et le principe de l’argument nous conduit à l’assertion du théorè­
me. ◄!
Le théorème de Rouché est utile pour le calcul du nombre de zéros
des fonctions holomorphes. Il permet, en particulier, de déduire
aisément la propriété fondamentale des polynômes :
Théorème 4. Tout polynôme P n de degré n possède exactement n zé­
ros dans C.
^ Puisque P n possède un pôle à l’infini, tous ses zéros sont
situés dans un disque {| z | < Æ}. Soit P n = f + g, où / =
= a0zn (a0 += 0) et g = apz71-1 + . . . + an ; quitte à augmenter R,
on peut admettre que sur le cercle {| z | = R] on a | / | > | g |,
puisque | f | = | a0 | R n et g est un polynôme de degré ^ n — 1.
D’après le théorème de Rouché P n possède dans le disque {| z | <
<. R} autant de zéros que / = a0zn, i.e. exactement n. ^
île 1. Trouver le nombre de zéros du polynôme z4 + lOz + 1
dans la couronne {1 < | z [ < 2).
2. Montrer que tout polynôme à coefficients réels se décompose
en un produit de polynômes du premier et du second degré à coeffi­
cients réels. #
35. Principe de conservation du domaine. C’est ainsi qu’on
appelle l’important théorème suivant:

*) Eugène Rouché (1832-1910), mathématicien français.


**) En effet, | / | > | g \ > 0 et | / + g | > | / | - | g | > 0 sur dG.
i —0714
194 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

Théorème 1 *). Si une jonction f est holomorphe et non identique­


ment constante dans un domaine D, Vimage Z)* = f (D) est aussi
un domaine.
^ Il faut prouver que l’ensemble Z)* est connexe et ouverL
Soient w1 et w2 deux points quelconques de Z)* ; zx et z2 des antécé­
dents respectifs de w1 et w2 dans D. L’ensemble D étant connexe (par
arcs), il existe un chemin y : [a, (3]—>- D joignant zx et z2. La fonction
/ étant continue, l’image 7* = f 0 y sera un chemin reliant w1 et w2
et ce chemin est visiblement composé de points de Z)*. Donc l’ensem­
ble Z)* est connexe.
Soient w0 un point de Z)* et z 0 un des ses antécédents dans D. Le
domaine D étant ouvert, il existe un disque {| z — z0 | < r} (œ D.
Quitte à diminuer r, on peut admettre que le disque fermé {| z —
— z0 | r} ne contient aucun i/;0-point autre que z 0 (puisque / =^=const,
le théorème d’unicité du n° 22 nous dit que les ztf0-points de / sont
isolés dans D). Soit 7 = {| z — z0 | = rj et soit
min |/(z) — ir0|. (1)
zGV

Il est évident que p > 0 , puisque la fonction continue / (z) — wc


atteint sur 7 son minimum en valeur absolue (p ne peut pas être
nul, car la fonction / présenterait un i/;0-point sur 7, ce qui est contrai­
re à la construction du disque).
Montrons maintenant que {| w — w0 | < p}c: Z5 *. Soit w\
un point de ce disque, i.e. | w1 — w0 | < p. On a
/ (z) — «’i = / (z) — tv0 + (w0 — Wi), (2)
et de plus | f (z) — w 0 \ ^ p sur 7 en vertu de (1 ). Puisque | w0 —
—1^11 < p, le théorème de Rouché nous dit que la fonction / (z) — u\
possède à l ’intérieur de 7 autant de zéros que la fonction / (z) — w0y
i.e. au moins un (le point z 0 peut être un zéro multiple). Ainsi la
fonction / prend la valeur wt à l’intérieur de 7, i. e w1 £ Z)*. Or w1
est un point arbitraire du disque {| w — w 0 | < p}, donc le disque
tout entier appartient à Z)*. Ce qui prouve que Z)* est ouvert. ^
Remarque. On vient de voir que la démonstration de la connexité
de l’ensemble D* n’impliquait que la continuité de /, alors que pour
prouver que Z)* était ouvert on s’est servi du théorème d’unicité et
du théorème de Rouché, établis plus haut pour les fonctions holo-
morphes. Le fait que l’image Z)* est un ouvert est mis en défaut si /
est une fonction continue arbitraire. On peut s’en assurer sur l’exem­
ple suivant: soit f = x 2 + iy et D = {| z | < 1 } ; alors Z)* =
= / (D) n ’est pas un ensemble ouvert, car les images des points du
diamètre vertical de D (les points intérieurs à ce disque) sont des
points frontières de Z)*.
*) Ce théorème est dû à B. Riemann (1851).
§ 11] PRINCIPES GÉOMÉTRIQUES 195

On peut néanmoins prouver que le principe de conservation du


domaine (de même que le théorème d’unicité et le théorème de Rouché
sur lesquels repose ce prinipe) est de nature topologique, i.e. est
valable pour toutes les fonctions topologiquement équivalentes à des
fonctions holomorphes.
1. Résoudre l’exercice 2) de la page 34 sans faire de calculs.
2. Soit / une fonction holomorphe dans {Im z ^ O } , réelle sur
l’axe réel et bornée; montrer que / = const. 3?
Un examen identique mais plus détaillé nous conduit au problè­
me de l’inversion locale des fonctions holomorphes. La position de
ce problème est la suivante :
Etant donnée une fonction w = f (z) holomorphe en un point z0,
trouver une fonction z = g (w) analytique au point w0 = / (z0) et
telle que g (w0) = z0 et / o g (w) = w dans un voisinage de w0.
On distinguera deux cas:
I. Le point z0 n ’est pas critique: /' (z0) =£ 0. Choisissons comme
dans la démonstration du principe de conservation du domaine un
disque (| z — z 0 | r) ne contenant pas de u;0-points autres que le
centre et définissons p, > 0 à l’aide de la formule (1). Soit w1 un
point quelconque du disque (| w — w0 | < p,}; le même raisonne­
ment (moyennant la formule (2) et le théorème de Rouché) montre
que la fonction / prend dans le disque {| z — z0 | < r) la valeur wx
autant de fois que la valeur w0. Or la valeur w0 n ’est prise dans ce
disque qu’au point z0 et ce une seule fois en vertu de la condition
/ (zo) =7^ 0.
Donc la fonction / prend dans le disque {| z — z0 | < r} toute
valeur du disque {\ w — w0 | < p} et ce une seule fois. En d’autres
termes, la fonction / est localement univalente au point z0.
Ceci définit dans le disque (| w — w0 \ < p,} une fonction z =
= g (w) telle que g (w0) = z0 et / o g (w) = w. L’univalence de /
entraîne que Aw 0 pour Az 0, d’où il s’ensuit de toute évidence
qu’existe en tout point du disque {| w — w0 | < \i] la dérivée

g' (u,)==t W ’ (3)


i.e. la fonction g est holomorphe dans ce disque *).
IL Le point z0 est critique: /' (z0) = . . . = /(p_1) (z0) = 0,
/ (P) (zo) ¥= 0 ( p ^ 2). Reprenons les mêmes raisonnements en veillant
maintenant à ce que le disque {| z — z0 r} ne contienne ni de
u;0-points autres que le centre, ni de zéros de la dérivée /' (utilisons

*) On voit sur (3) que pour que la dérivée g' existe, il faut encore que
/' =5^ 0. La fonction/' étant continue et puisque /' (z0) ^ 0, on peut admettre que
le disque {\ z — z | < r } n e contient pas de points critiques, quitte à diminu­
er r.
13*
1 96 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

encore le théorème d’unicité). Comme précédemment, définissons


fi > 0, prenons un point quelconque w1 du disque {| w — w0 | < fi}
et assurons-nous que la fonction f prend dans le disque {| z 0 — z 0 | <
< r) le même nombre de fois la valeur w1 et la valeur w0. Des condi­
tions du cas envisagé il s’ensuit que la valeur w0 est prise p fois au
point z0. Puisque f (z) =^= 0 pour 0 ^ | z — z0 | < r, toute valeur
0 < | w1 — w0 | < fi, est prise par la fonction / en p points distincts
du disque {| z — z0 | < r}. Donc la fonction f est p-valente dans le
disque { | z — z 0 | < r}.
Déterminons maintenant la nature de la solution du problème
d ’inversion locale dans ce cas. Dans un voisinage du point z0, on a
w = f (z) = w0 + (z — z0)p<p (z), (4)
où cp est une fonction holomorplie non nule. D’où
V <P(*) (*—*o) = (w ~ w o)i/p, (5)
où v/cp représente une détermination quelconque holomorphe dans
le voisinage considéré. Cette détermination se développe en une série
de Taylor de centre z0 et de terme constant non nul, donc pouri]) (z) =
= pf<$(z) (z — z0) on a o|/ (z0) =^= 0. En posant (w — w0)1/p = (o
on peut mettre (5) sous la forme (z) = co. De là on peut en utilisant
le cas I, déterminer z comme une fonction holomorphe de w:z =
oo
= 2 dn(Dn. En portant ensuite co = (w — w0)1/p dans le der-
71=0
nier développement, on obtient la série de Puiseux de la fonction
inverse de / :
oo

*= £ (« 0 = 2 d n ( w — W 0) n ' p . (6)
71=0
On voit que g est une fonction analytique dans le disque {| w —
—Wq | < fi} et que w0 est un point de branchement d’ordre p de g
<cf. n° 31).
De cette analyse il s’ensuit en particulier le
Théorème 2. Une condition nécessaire et suffisante pour qu'une
fonction f holomorphe soit localement injective en un point z0 est que
f (2 o) 0«

Remarque 1. La suffisance résulte du théorème général des fonc­


tions implicites (le jacobien / / (z) = | /' (z) |2 de l’application (x, y)~+
(u, v) est différent de 0 au point envisagé). Mais la condition
J f (z) =jé=0 n ’est pas une condition nécessaire d’injectivité pour les
applications R-différentiables. Ceci est visible sur l ’exemple de
l ’application / = x3 + iy qui est injective bien que son jacobien soit
nul au point z = 0.
§ il] PRINCIPES GÉOMÉTRIQUES 197

Remarque 2. La condition d’injectivité locale f (z) =^= 0 pour tout


2 Ç D n ’est pas une condition suffisante d’injectivité globale de /
pour tout z Ç D. On le voit sur l’exemple de la fonction / (z) = ez
qui est localement injective en tout point de C, mais n ’est injective
en aucun domaine contenant au moins un couple de points z 1 et z2
tels que zx — z2 = 2kni, où Je =£ 0 est un entier.
Nous avons développé plus haut un procédé qualitatif de résolu­
tion du problème d’inversion locale. Signalons en conclusion que les
méthodes de la théorie des fonctions analytiques nous permettent de
résoudre efficacement ce problème. Etudions par souci de simplicité
le cas où f (z0) 0.
Construisons comme plus haut les disques {| z — z0 | ^ r} et
{| w — w0 | < [x} et considérons la fonction h (£) =
pour tout w fixe contenu dans le second disque. Cette fonction est
holomorphe partout dans le premier disque sauf au point z = g (w),
où g est l’inverse de /, et de plus le résidu de h en ce point (qui est
un pôle simple) est égal à z. Donc, d’après le théorème des résidus
1 r s n o . dc 7)
2ni ) /(Ç )-w ^ V*
y
où y = {| l — z0 I = r}.
L’intégrale du second membre dépend de w. On a ainsi obtenu la
représentation intégrale de la fonction inverse g (w). De même qu’on
a déduit le développement de Taylor à partir de l’intégrale de
Cauchy, de même on peut obtenir le développement de g en série
entière à partir de cette représentation intégrale. On a1

1 1 1 v (w— wQ)n
A w -w 0 — Zj l f ( Q ~ w 0} ™

/(E>-"0 71=0
et ce développement converge uniformément en £ sur le cercle y (on
a | / (£) — w0 O |x sur y et | w — w0 | < jjl). En multipliant ce
développement par et en intégrant terme à terme le long de y,
on trouve
oo

z = g (w )= S dn (w — w0)n, (8)
71=0

r =j_ p w (pds (n = 0, 1, . . . ) .
n 2ni ) [ /( Ç ) - ^ 0r +1
198 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

On a de toute évidence d0 = z0 et pour n ^ 1 on peut transformer


l ’expression obtenue par une intégration par parties:
d _ 1 f dÇ
" 2nin ) [ f ( Q - w 0\“ -
y
L’intégrant présente à l’intérieur de y un pôle d’ordre n en z0. En
calculant son résidu à l ’aide de la formule classique du n° 26 on
obtient l’expression définitive des coefficients :
d n-1 ( z — z0 \n
d» —z0, dn —r lim 72= 1, 2, (9)
dz7*"1 \ f(z) — w0 ) ’

La série (8) de coefficients (9) s’appelle série de Bürman —Lagrange*).


On peut l’appliquer à l ’inversion des fonctions holomorphes.
Exem ple. Soit / (z) = ze~az. Trouver l’inverse de cette fonction
au point w0 = 0 associé à z0 = 0. La formule (9) nous donne pour
1.
d71”1 ( z \ n (.a n )n- 1
dji 1——i-lim /i ! ’
11 1 z~+ 0

et la série de Bürman—Lagrange s’écrit


oo

* = ■ £ (« 0 = 2 (a'n! 1 W"- (1°)


n=l
On peut indiquer aussi une généralisation de la série de Bürman —
Lagrange au cas où /' (z0) = . . . = = f(p-x) (z0) = 0, /<p>(z0) ¥= 0,
2, mais on glissera là-dessus.
36. Notion de fonction algébrique. Cette notion joue un rôle
important en analyse et ses applications. On exhibera ici deux
définitions d’une fonction algébrique et on montrera qu’elles sont
équivalentes. Pour formuler la première rappelons que les points
singuliers algébriques d’une fonction analytique sont par définition
les points de branchement d’ordre fini au voisinage desquels les
déterminations de cette fonction tendent vers des limites finies ou
infinies, ainsi que les pôles de ces déterminations (n° 31).j
Définition 1. On appelle fonction algébrique une fonction finiva-
lente **) analytique dans C dont l’ensemble A = {ax, . . ., a{\ des

*) Cette série figure dans les travaux de Largange (1770) et de Bürman


(1779). Ces deux savants l ’ont obtenue sans se servir de la représentation in­
tégrale (7) et des résidus.
**) Remarquons que la finivalence d’une fonction ne découle pas des autres
conditions de la définition: au-dessus d’un nombre fini de points aj on peut
avoir une infinité de points de branchement d’ordre fini.
PRINCIPES GÉOMÉTRIQUES 199

points singuliers est un ensemble fini composé uniquement de points


singuliers algébriques.
Une fonction analytique présente le même nombre d’éléments en
tout point de En effet, on peut relier deux points quelconques
z', z" de C \ A par un chemin y ne rencontrant pas A , donc chaque
élément de la fonction envisagée se prolonge analytiquement le long
de y. Supposons que cette fonction possède au-dessus des points z' et
z" respectivement n et n" éléments. Le prolongement le long de y
transforme chaque élément au-dessus de z' en un élément au-dessus
de z", et de plus des éléments distincts ne peuvent se transformer en
un même élément en vertu du théorème d’unicité. Donc n " ^ n r.
Les points zr et z" sont arbitraires et en les intervertissant on obtient
r i ^ n " . Donc n = n". Ce nombre commun s’appelle ordre de la
fonction algébrique. Géométriquement, c’est le nombre de feuillets
de la surface de Riemann de cette fonction (cf. n° 32).
Théorème 1. Les valeurs d'une fonction algébrique d'ordre n véri­
fient l'équation algébrique
Po (z) w;” + Pl(z) w1l~l + ■■■+ Pn (z) = 0, (1)
où pj sont des polynômes ne possédant pas dans leur ensemble de fac­
teur commun différent d'une constante.
^ Pour n = 1 la fonction est univalente et ses singularités
ne sont que des pôles en nombre fini ; elle est alors rationnelle (théorè­
me 4 du n° 25) et par suite est le rapport de deux polynômes : w =
= — Pi (ZVP2 (z) (ceci équivaut à (1)). Pour n > 1 fixons un point
z £ C \,4 et désignons par fx (z), . . ., / n (z) les valeurs prises par la
fonction en ce point. Les fonctions fj sont holomorphes au voisinage
de z et se prolongent analytiquement le long de tout chemin ne pas­
sant pas par les points ak £ A.
Lorsqu’on parcourt un chemin fermé entourant les points ah, les
valeurs fj peuvent changer, mais ce changement ne peut consister
qu’en un passage de la valeur fj (z) à une autre valeur / 7- (z) prise
par la fonction en ce même point (n’oublions pas que cette fonction
prend n valeurs / x (z), . . ., f n (z) en z). Donc les principales fonctions
symétriques
a l — fi + • • • + fm <*2— / 1/2 + • • • + /«-1 fn> • • • î ° n —fl ••• fn
ne changent pas lorsqu’on parcourt un chemin fermé entourant ah.
Les fonctions cr7*sont donc univalentes et holomorphes en dehors de
l ’ensemble A ; aux points de A elles ne présentent que des pôles.
D’après le théorème ci-dessus elles sont donc toutes rationnelles.
2 00 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

On sait du cours d’algèbre que les valeurs /2 (z), . . ., f n (z) sont


les racines de l ’équation
wn — Oi (z) wn'i + . .. + ( —1)nan (z) = 0.
Reste à représenter Gj par des rapports de polynômes, à multiplier
les deux membres de la dernière équation par le PPCM de tous les
dénominateurs de Oj et à simplifier par les facteurs communs (non
constants) de tous les numérateurs, si ces facteurs existent. On
obtient une équation de la forme (1). ^
Remarque. Le polynôme P (z, w) du premier membre de l’équa­
tion (1) est indécomposable, i.e. qu’il ne peut être représenté par le
produit de deux polynômes en z et w; non constants. En effet, soit
P = P iP 2; alors au voisinage d’un point z0 g A la détermination
/ de la fonction algébrique envisagée satisfait à l’équation
P x (z,f (z))P2 (z, / (z)) = 0. L ’unau moins de ces facteurs, P1 pour
fixer les idées, s’annule une infinité de fois dans ce voisinage, donc
Px (z, / (z)) = 0 dans ce voisinage. Mais il existe un chemin fermé dans
C\^4 transformant / (z0) en une autre valeur fj (z0) de notre fonction.
Le théorème d’unicité du prolongement analytique nous dit alors que
P i (z, fj (z)) = 0 dans ce voisinage. Cette identité est valable pour
toutes les déterminations de notre fonction, i.e. le polynôme Pl (z, w)
possède n racines en w et est de degré n en w. Donc le polynôme P2
est de degré zéro en w, i.e. ne dépend que de z, or, s’il n ’est pas cons­
tant, ceci contredit le fait que les coefficients de l’équation (1) ne
possèdent pas de facteurs communs non constants.
Cette remarque nous permet de prouver la réciproque du théo­
rème 1.
Théorème 2. Les racines (en w) du polynôme algébrique indécom­
posable
P (z, w) = p 0 (z) wn + . . . + p n (z)
sont les valeurs d'une fonction algébrique.
^ Marquons les zéros du polynôme p 0 (z) en lesquels l ’équation
p (z, w) = 0 possède des racines infinies ainsi que les zéros du
discriminant D (z) du polynôme P en lesquels cette équation possède
des racines multiples. Le polynôme P étant indécomposable, son
discriminant D =£ 0 *) et par suite l’ensemble A = {<a1? . . ., at}
des points marqués est fini.
Fixons un point z0 £ A et désignons par w0 l’un des zéros du poly­
nôme P (z0, w) ; alors P (z0, w0) = 0 et la dérivée P'w (z0, wQ) 0.
*) Cf. A. K o s t r i k i n e, I n t r o d u c t i o n à l ' a l g è b r e , trad. française, E d .
Mir, 1986, ainsi que le tome 2 de cet ouvrage.
§ lij PRINCIPES GÉOMÉTRIQUES 20f

Choisissons un voisinage V = {| w — w0 | ^ r} ne contenant pas


d’autres zéros de P (z0, w) et soit p = min | P (z0, w) |,
w£dV
p > 0. Le polynôme P étant continu en l’ensemble des variables, il
existe un voisinage U = {| z — z0 | ^ ô} tel que | P (z, w) —
— P (z0, w) | < p pour (z, w) Ç U X V. En posant
P (z, w) = P (z0, w) + (P (z, w) — P (z0, w)),
on déduit en vertu du théorème de Rouché que la fonction P (z, w)
possède un seul zéro w = / (z) dans V pour tout z Ç V fixe, et d’après
la formule (7) du n° 35
/(*)
1
2ni P(z, Cd)s
(ùP'w (*, fù)
dco. (3>

Puisque le dénominateur P (z, <o) =^= 0 pour z £ U et co Ç dFr


l’intégrant, donc la fonction /, sont holomorphes dans U. L’élément
(17, /) se prolonge analytiquement le long de tout chemin y ne
passant pas par les points aj et les valeurs de la fonction obtenues
par ce prolongement sont racines de l’équation P (z, w) — 0 en vertu
du théorème d’unicité. Donc la fonction analytique obtenue par ce
prolongement est finivalente et ses points singuliers ne peuvent être
que les points dji ces points sont isolés ou tout au plus des points de
branchement d’ordre fini.
Soit a un de ces points; montrons que toute détermination / de
notre fonction tend vers une limite finie ou infinie lorsque z—>• a.
Posons g = (z — a)m/, où m est un entier positif que l ’on se propose
de déterminer. La fonction g satisfait de toute évidence à l’équation
g- + (z _ a)m + • • • + (2 - a)mn -|2- = 0,
P0 P0

et si l’on choisit m de telle sorte que les coefficients


(z — a)mi pj (z)/p0 (z)-> 0 lorsque z -> a (ceci est possible, puisque p 0.
est un polynôme), toutes les racines de cette équation (y compris
les valeurs de la fonction g) tendront vers 0 lorsque z->- a *). Mais
alors / = gl (z — a)m tend vers une limite finie ou infinie lorsque
z— a, i.e. a est un point singulier algébrique.
Donc la fonction analytique construite avec les valeurs des
zéros du polynôme (2) est une fonction algébrique. Reste à prouver
que cette fonction épuise tous les zéros du polynôme, i.e. est rc-valen-
te. S’il n ’en était pas ainsi, le polynôme Q (z, w) construit à l’aide
*) En effet, considérons l ’équation u>n + c1u>n“1+ . . . + ^n = 0 et posons
| a | + . . . + | c n | . Si la racine w de cette équation est < 1 en module,
alors | w | 71 ^ | c 1w n ’~1 + . . . + c n | ^ s et si | w | > 1, alors | w | n^ ( | cx| + . . .
♦• • + I c n | ) l^ l71-1. Dans tous les cas | w | ^ m a x ? /!, s ) , donc tend vers O
lorsque
202 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

de cette fonction d’après le théorème 1 serait de degré inférieur à n


et puisque pour 2 fixe tous les zéros de Q sont zéros de P , on en
déduit que P est divisible par Q, ce qui contredit l’indécomposabi-
lité de P. A
Les théorèmes 1 et 2 montrent que les fonctions algébriques peu­
vent être définies comme les solutions d’équations de la forme (1).
Ceci explique du reste leur vaste champ d’application.
37. Principe du maximum du module et lemme de Schwarz. Ce
principe est exprimé par le théorème suivant :
Théorème 1. Si une fonction f est holomorphe dans un domaine D
et son module | / | atteint un maximum {local) en un point z0 £D,
alors f est constante.
^ Utilisons le principe de conservation du domaine. Si f const,
elle transforme z0 en un point w0 du domaine D *. Il existe un disque
{| w — w0 | < pt}cz: D* et dans ce disque un point tel que
I wi I > I wo I* La fonction / prend la valeur w1 dans un voisinage
du point 2 0 , or ceci contredit le fait que | / | atteint son maximum en
ce point. A
En tenant compte des propriétés des fonctions continues sur des
ensembles fermés, on peut énoncer le principe du maximum de la
manière suivante :
Théorème 2. Si une fonction f est holomorphe dans un domaine D
et continue dans D , alors | / | atteint son maximum sur dD.
► Si / = const (dans D , donc dans D en vertu de la continuité),
cette assertion est triviale. Si / =£=const, | / | ne peut atteindre son
maximum dans D , et puisque ce maximum est réalisé dans D , il
le sera sur dD. A
îfc 1. Soit P (z) un polynôme de degré n en 2 et soit
M (r) = max | P (2) | ; montrer que M {r)!rn est une fonction
\z\= r
str ict emen t décro issante.
2. Enoncer et prouver le principe du maximum pour la partie
réelle d’une fonction holomorphe.
Cette proposition est généralement mise en défaut pour le mini­
mum du module. Ceci ressort de l’exemple de la fonction / (2) = 2
dans le disque { | 2 | < 1} (| / | atteint son minimum au point 2 = 0).
Cependant on a le
Théorème 3. Si une fonction f est holomorphe et non nulle dans un
domaine D , son module | f | peut atteindre un minimum {local) à l'in­
térieur de D si seulement f = const.
§ 11] PRINCIPES GÉOMÉTRIQUES 203

Pour démontrer ce théorème il suffit d’appliquer le théorème 1


à la fonction g = 1// qui est holomorphe dans D , puisque /=7^ 0.
Les résultats obtenus montrent que la surface du module d’une
fonction holomorphe, i.e. la surface d’équation p = | f (z) | dans
l’espace (x, y , p) (cf. n° 5), présente des particularités structurelles.
Plus exactement, les seuls éventuels maximums et minimums locaux
qu’elle risque de posséder se trouvent sur le niveau p = 0 (les points
a et b sur la figure 71). Sont horizontaux les plans tangents aux points
stationnaires de la surface et en eux seuls, i.e. les points où s’annu­
lent les deux dérivées et -J p i ou, ce qui est équivalent, les deux
d l/l ^ d\f\ V
dérivées dz
et Un calcul simple nous montre que *)
dz

d|/ I / d \ f \ f
dz 2 1/1*'/' M, dz ~ 2 | / | -/'
' (*), ^
d ’où il résulte que les points stationnaires de la fonction / peuvent
être soit ses zéros (les minimums de | / | sur le niveau p = 0 tels le
point c de la figure 71), soit les zéros
de sa dérivée /' (les points selles tels P = l/(z)l
le point d de la figure 71).
Le principe du maximum du
module possède d’importantes ap­
plications en théorie des fonctions.
Il permet par exemple d’expliquer
facilement pourquoi le théorème de
Runge (n° 23) n’est pas valable
pour les domaines multiplement
connexes. En effet, dans un domaine
multiplement connexe D il existe
une courbe de Jordan fermée qui
contient en son intérieur au moins
un point z0 g D . Si une fonction
est approximée uniformément sur
tout compact K (cz D par des poly­
nômes, il existe une suite de poly­
nômes P n convergeant uniformément vers / sur y. D’après le critère
de Cauchy, pour tout e > 0 o n peut exhiber un entier N tel que
pour tous m, N l’on ait
| P m (z) — P n (z) | < e pour tout z g y.
*) Les formules (1) se déduisent par une dérivation formelle de la fonction
| / | Y f j par rapport à z et z ; la légitimité de cette opération résulte des
ionmilos évidentes
01/1 u u x + vux d | / U U y ~ f - VU y

dx I/ ày m
2 04 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

Le principe du maximum du module nous dit que ces inégalités sont


valables en tout point du domaine G limité par la courbe -y, ce qui
entraîne en vertu du même critère la convergence uniforme de la sui­
te P n dans G. D’après le théorème de Weierstrass (n° 23) lim P n
n — oo
est une fonction holomorphe dans G. Mais sur G [)D cette limite
est confondue avec /, donc / se prolonge holomorphement à G et en
particulier au point z0. Puisque toute fonction de 0 (D) ne possède
pas cette propriété |exemple: la fonction j , toute fonction de
0 (D) ne peut être uniformément approximée par des polynômes
contrairement à ce qu’affirme le théorème de Runge.
3? 1. Montrer qu’une fonction / holomorphe dans U = {| z | <
< 1} et continue dans U est constante si elle ne possède pas de
zéros et si | / (z) | = 1 pour | z | = 1.
2. Soient / et g des fonctions holomorphes dans U et continues
dans U ; montrer que | / (z) | + | g (z) | atteint son maximum sur
{| z | = 1). [ N o t a : considérer la fonction h — eiaf + e^g avec
des constantes a et fi convenablement choisies. 1
Une conséquence simple du principe du maximum du module est
le
Lemme de Schwarz *). Soit f une fonction holomorphe dans le disque
U = {| 2 | <; 1} telle que | / (z) | ^ 1 pour tout z £ U et f (0) = 0.
Alors pour tout z Ç U
l / « | < \Z | (2)
et de plus, si Végalité est réalisée au moins en un point z =£ 0, elle le
sera partout dans U et dans ce cas f (z) = eiaz, ou a est une constante
réelle.
^ Considérons la fonction cp (z) = / (z)/z ; cette fonction est
holomorphe dans U, puisque / (0) = 0. Considérons un disque
Ur = {| r | < r}, r < 1 ; d’après le théorème 2 la fonction | (p |
atteint son maximum sur la frontière y r = { | z \ = r} **). Mais
sur yr, on a | cp | ^ 1/r, car par hypothèse | / 1, donc pour tout
zeuT
! fp (2) I< 1/r. (3)
Fixons z et faisons tendre r vers 1 ; de l’inégalité (3) on déduit alors
que | cp (z) 1, i.e. | / (z) | ^ \ z \ pour tout z Ç UT. Ceci prouve

*) Hermann Schwarz (1843-1921), mathématicien allemand, élève de


Weierstrass. Cet important lemme figure dans ses travaux de 1869-1870.
**) Ce raisonnement n’est pas directement valable sur le disque U, car f..
donc cp, ne sont généralement pas définies sur sa frontière.
§ 12] THÉORÈME DE RIEMANN 205

l ’inégalité (2), puisque tout point z £ t/ peut être compris dans un


disque t / r, r < l .
Si dans (2) l’égalité est réalisée en un point quelconque z0 6 U,
alors | cp | atteint son maximum 1 en ce point. La fonction cp est alors
une constante de module visi­
blement égal à 1, i.e. cp (z) — eia
•et / (z) = eiaz. ◄
Du lemme de Schwarz il
s'ensuit que l’application
holomorphe / d’un disque
{| z | < 1} dans un disque
{| w | < 1} envoyant centre
dans centre, donne de tout
cercle |{ z | = r} un cercle
compris à l’intérieur du disque {| w | < r} (fig. 72). Ceci étant,
l ’image de {| z | = r) ne peut posséder des points communs avec
le cercle {| w | = r} que dans le cas où / se ramène à une rotation
autour du point z = 0.
1. Montrer que dans les conditions du lemme de Schwarz
! /' (0) | < 1 et l’égalité n’est réalisée que dans le cas où f (z) = eiaz.
2. Soient / 6 © (U), f:U-+ U et f (0) = . . . = / ^ (0) = 0;
montrer que | / (z) | ^ | z |/l pour tout z g <7. #

§ 12. Théorème de Riemann


Toute fonction / holomorphe et univalente dans un domaine D
définit une application conforme de ce domaine, car comme prouvé
au n° 35, son univalence exprime que D ne contient pas de points
critiques. Nous avons à plusieurs reprises étudié les transformations
réalisées par des fonctions données. Nous étudions ici le problème
inverse qui est plus compliqué et plus important pour la pratique :
Etant donnés deux domaines Dx et D 2, on demande de trouver une
application conforme (univalente) f :D1-^ D 2.
38. Isomorphismes et automorphismes conformes. Définition.
Une application conforme (univalente) / de Dx sur D 2 sera encore
appelée isomorphisme (conformé) et les domaines et Z)2, isomorphes.
L’isomorphisme d’un domaine sur lui-même s’appelle automorphi­
sme (conformé).
Il est aisé de voir que l’ensemble des automorphismes cp : D,
où D est un domaine quelconque, forme un groupe appelé groupe des
automorphismes de D et noté Aut D . L’opération de groupe est la
composition c p 2 ° q>x , l ’unité, l’application identique e :z-* z, et
l’inverse de c p , l’application z = c p - 1 (w) inverse de w = cp (z).
2 06 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

La richesse du groupe des automorphismes Aut D permet de ju­


ger de celle des applications conformes d’un autre domaine sur D .
Ceci est exprimé par le
Théorème 1. Si f 0: D1-+ D 2 est un isomorphisme fixé, Vensemble
de tous les isomorphismes de Dx sur D 2 est donné par la formule
/ = q>° /«» (!)
où cp Ç Aut D 2 est un automorphisme arbitraire de D 2.
^ Pour tout cp £ Aut D 2, la composition cp o f 0 sera visiblement
une application conforme de Dx sur D 2. Soit d’autre p&cïf \D 1-+ D 2
un isomorphisme arbitraire ; alors cp = / ©Z"*1 sera une application
conforme de D 2 sur D 2, i.e. un automorphisme de D 2, et cette for­
mule entraîne (1). ◄
Dans la suite on se limitera aux domaines D simplement connexes.
Distinguons trois d’entre eux que nous appellerons canoniques: le
plan fermé C, le plan ouvert C et le disque unité U = {| z | < 1}.
Au n° 10 nous avons déterminé les groupes des automorphismes
homographiques de ces domaines. Cependant on a le
Théorème 2. Tout automorphisme conforme d'un domaine canoni­
que est homographique.
^ Soit cp un automorphisme de C ; il existe un point unique z0 Ç
Ç C associé au point à l’infini, donc la fonction cp est holomorphe
partout dans C sauf en z0 où elle présente un pôle. La fonction cp
n ’est pas univalente au voisinage d’un pôle d’ordre n ^ 2, donc elle
présente un pôle simple en z0. Le théorème 4 du n° 25 nous permet de
conclure que cp est de la forme cp (z) = -------
Z Zq
f- B pour z0 =£ oo ou
cp (z) = Az + B pour z0 = oo (.A et B sont des constantes). La
fonction cp est donc homographique. Les raisonnements sont identi­
ques si l’on se place dans le plan ouvert C.
Soit cp un automorphisme du disque unité U ; posons cp (0) =
et construisons l’automorphisme homographique

1—wnu?
du disque U qui envoie w0 dans 0. La composition / = X ©(p est
aussi un automorphisme de U et de plus / (0) = 0. Puisque par
ailleurs | / (z) | < 1 pour tout z Ç U, la fonction / est justiciable du
lemme de Schwarz qui dit que
| / (z) | ^ | z | pour tout z 6 U.
L’application inverse z = f~x (w) satisfait aussi aux conditions
de ce lemme, donc | Z”1 (w) | ^ | w \ pour tout w Ç £7, d’où en po-
Ç 12] THÉORÈME DE RIEMANN 207

sant w = f (z), on déduit que


I 2 | ^ | / (z) | pour tout z £ U.
On a donc | / (z) | = | z | pour tout z Ç U et le lemme de Schwarz
nous permet de conclure que f (z) = eiaz. Mais alors (p = X"1 o / =
= (eiaz) est une application homographique. M
En tenant compte des résultats du n° 10, on obtient la description
complète de tous les automorphismes (conformes) des domaines cano­
niques. _
(I) Le plan fermé C:
Aul C = ad — bc=£ O}. (2>
(II) Le plan ouvert C:
Aut C = (z->- az + fc, a =7^= 0). (3)
(III) Le disque unité U:
Aut£/ = (z->e*“ | a | < 1, aç.r } . (4)
t 1 —az * y

Il est aisé de voir que ces domaines canoniques ne sont pas iso­
morphes entre eux. En effet, le plan fermé (la sphère) C n ’est même
pas homéomorphe à C et £7, donc il ne peut être appliqué de façon
conforme sur ces domaines. Les domaines C et U sont homéomorphes,
mais il n’existe pas d’application conforme, par exemple, de C sur f/,
car cette application doit être réalisée par une fonction entière f
telle que | / (z) | < 1 pour tout z, et d’après le théorème de Liouville
/ = const.
Un domaine dont la frontière est un ensemble vide est confondu
avec C. Les domaines dont les frontières sont composées d’un seul
point sont le plan C privé d’un point; ces domaines sont de toute
évidence isomorphes (voire même homographiquement) à C. Le
principal résultat de ce paragraphe — le théorème de Riemann —
dit que tout domaine simplement connexe D dont la frontière est
composée de plus d’un point (et donc d’une infinité, puisqu’il est
connexe) est isomorphe au disque unité U.
Nous prouverons ce théorème d’existence plus loin. Pour l ’instant
nous allons démontrer le théorème d’unicité des applications con­
formes.
Théorème 3. Si un domaine D est isomorphe au disque unité U,
Vensemble de toutes les applications conformes de D sur U dépend de*
trois paramétres réels. Il existe en particulier une seule application
208 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

conforme f de D sur U normée par les conditions


f (*0) = 0, Arg f (z0) = 0, (5)
-ou Zq est un point arbitraire de D, et 0 un nombre réel arbitraire.
^ La première proposition résulte du théorème 1, car le groupe
Aut U dépend de trois paramètres réels: les deux coordonnées du
point a et le nombre a de la formule (4).
Pour prouver la deuxième proposition supposons qu’il existe deux
applications f x et / 2 de D sur U normées par les conditions (5). Alors
<P = fi ° /21 sera uu automorphisme de t/, et de plus cp (0) = 0 et
Arg c p ' (0) = 0. De la formule (4) on déduit alors que a — 0 et
a = 0, i.e. cp (z) = z ou / x (z) = f 2 (z). ^
Montrer qu’il existe au plus une application conforme d’un
domaine D sur le disque unité U, continue dans D et normée par
l ’une des conditions suivantes: a) la donnée des images d’un point
intérieur et d’un point frontière de D ; b) la donnée des images de
trois points frontières de D. #
La démonstration du théorème de Riemann implique l’élabora­
tion d’un appareil utile pour les autres questions d’analyse complexe.
39. Principe de compacité. Définition 1. On dit qu’une famille
{/} de fonctions définies dans un domaine D est localement unifor­
mément bornée si pour tout ensemble K (g D il existe une constante
M = M (K) telle que
| / (2) | ^ M pour tout z g K et tout / g {/}. (1)
La famille {/} est dite localement équicontinue si pour tout s > 0
♦et tout ensemble K (ci D il existe un 8 = 6 (e, K) tel que
I / (z') - / (z") I < 8 (2)
pour tous z , z" Ç K tels que \ z' — 2" | < fi et tout / Ç {/}.
Théorème 1. Si une famille {/} de fonctions holomorphes dans un
domaine est localement uniformément bornée, elle est localement équi­
continue.
^ Soit K (ç: D ; désignons par 2p la distance entre les ensembles
fermés disjoints 1(.\ et dD, i.e. inf | z — £ | *) et par
26 K
&dD
Æ(p)= u { z : \ z - z0|< p }
z .e k

*) La quantité p est > 0 et finie dans tous les cas, sauf pour D = C ou C,
4)ù le théorème est trivial.
4 12] THÉORÈME DE RIEMANN 209

le p-éclatemeni de l’ensemble K . Puisque i£(p) ( c i D, il existe une


constante M telle que | / (z) | ^ M pour tout z Ç /f(p) et tout / 6 {/}•
Soient z , z" des points arbitraires de K tels que | z — z" | < p.
Puisque f/p == (| z — z | < p} c= Æ(p\ on a | / (z) — f (z) | ^ 2 M
pour tout z £ U. L’application £ = — (z— z') transforme f/p en
un disque {| £ | < 1} et la fonction g (£) = {/ (z + £p) —
— f (z')} satisfait aux conditions du lemme de Schwarz.
D’après ce lemme | g (£) | ^ | £ | pour tout £, I £ I < 1, ou
I / (z) —/ (z') | \z — z'\ pour tout z ÇUp.(3)

Pour e > 0 , posons 6 —min ^p, . De (3) on déduit alors


que \ f (z')—f (z") \ <.& pour tout /£{/} pourvu que | z' — z" | <
<P- ◄
Définition 2. On dit qu’une famille de fonctions {/} définies dans
un domaine D est normale ou relativement compacte *) dans D si de
toute suite (f n) de fonctions de cette famille on peut extraire une
suite partielle (f nk) convergeant uniformément sur tout K (çz D.
Théorème 2. (Montel **)). Si une famille de fonctions {/} holo-
morphes dans un domaine D est localement uniformément bornée, elle
est normale dans D.
> a) Montrons tout d’abord que si une suite (fn) a {f} converge
en tout point d’un ensemble E a D partout dense dans D, elle con­
verge uniformément sur tout K (cï D. Fixons un e > 0 et un en­
semble K (c= D ; utilisons l’équicontinuité de la famille {/} pour
subdiviser D en carrés de côtés parallèles aux axes de coordonnées du
plan z et assez petits pour que pour tout couple de points z , z" £ K
contenus dans un carré et tout / Ç {/} l’on ait
| / (z') - / (z") I < 8/3. (4)
L’ensemble K est recouvert par un nombre fini de carrés qv (p =
= 1, . . P); puisque E est partout dense dans Z), chaque carré
r/p contient un point zv Ç E . La suite (fn) étant convergente sur E ,
il existe un nombre N tel que
I fm izv) fn (z p) I s/3 (5)
pour tous m, n > N et tout zp, p = 1, . . ., P .
*) On traitera les fonctions définies dans le domaine D comme les points
d’un espace A (Z)). Munissons cet espace d’une topologie en appelant convergente
toute suite (fn) convergeant uniformément sur tout compact K(ç=zD. La compacité
relative de la famille {/} se ramène alors à la compacité de l ’ensemble de
points correspondant dans A (R). Cette remarque justifie le choix de ce terme.
**) Paul Montel (1876-1937), mathématicien français.
14-0714
210 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

Soit z un point arbitraire de K ; il existe un point zp contenu dans


le même carré que z et pour m, n > N on aura en vertu des inéga­
lités (4) et (5)
I fm (z) — fn (z) |< | fm(*) ~ fm CZP) I + I fm ( Z p ) “
— I fn ( Z p ) | + I fn ( Z p ) —fn (z) | < C*
II s’ensuit d’après le critère de Cauchy que la suite {fn (z)} converge
pour tout z £ K et ce uniformément sur K .
b) Montrons maintenant que de toute suite (/n) c= {/} on peut
extraire une suite partielle convergeant en tout point d’un ensemble
E a D partout dense dans D . Pour E choisissons un ensemble de
points z = x + iy Ç D dont les deux coordonnées x et y sont ration­
nelles; cet ensemble est visiblement dénombrable et partout dense
dans D ; soit E = {zv}~=1.
La suite numérique (f n (%)) est bornée, on peut donc en extraire
une suite partielle convergente (fkl) = (fnh) (k = 1, 2, . . .). La
suite numérique (fnl (z2)) est bornée aussi, donc on peut en extraire
une suite partielle convergente (/&2) = (jnh\) (k = 1, 2, . . .) ; la
suite de fonctions (fn2) converge par conséquent au moins en deux
points : zx et z2. Extrayons de la suite (/n2 (z3)) une suite partielle con­
vergente (fh3) = (/nft2) (k = 1 , 2 , . . . ) telle que (fn3) converge au
moins en trois points zl9 z2 et z3. Cette opération peut être poursuivie
indéfiniment. Reste à choisir la suite diagonale
/ i l ’ /2 2 ’ • • •’ / n n ’ • • •
Cette suite converge en tout point zv g E, car par construction
tous ses termes à partir du p-ième sont extraits de la suite (}np)
convergente en zp.
En combinant ce qui a été démontré dans b) et a), on obtient la
proposition du théorème.
Le théorème de Montel est souvent appelé principe de compacité.
# Montrer que de toute suite (/n) de fonctions holomorphes
dans un domaine D telles que Re f n ^ 0 partout dans Z), on peut
extraire une suite partielle localement uniformément convergente
vers une fonction holomorphe ou vers oo.
Définition 3. On appelle fonctionnelle sur une famille de fonctions
{/} définies dans un domaine D une application / : {/} C (ceci
exprime qu’est donnée une loi associant à toute fonction / Ç {/} un
nombre complexe J (/)). On dit qu’une fonctionnelle J sur {/} est
continue si pour toute suite (/n) 6 {/} uniformément convergente
vers / 0 6 {/} sur tout K (g D on a
l i m / ( / n) = / ( / 0).
n-*- oo
§ 12] THÉORÈME DE RIEM ANN 211

Exem ple. Soient O (D) la famille des fonctions / holomorphes


dans un domaine Z) et a un point quelconque de D . Considérons le
p-ième coefficient du développement de Taylor de / en a:
M /> = - ^ .
Ce coefficient est une fonctionnelle sur la famille 0 (D) ; mon­
trons qu’il est continu. Si f n f 0 uniformément sur tout K D, en
prenant pour K le cercle y = {| z — a | = r} œ D, on peut trouver
pour tout e > 0 un N tel que | f n (z) — f 0 (z) | < e pour tout n > N
et tout z £ y. Les inégalités de Cauchy nous donnent alors
I Cj, (/„) — Cp (/„) I < e/rp
pour tout n > N, ce qui exprime que la fonctionnelle cp (f) est
continue.
Définition 4. On dit qu’une famille normale de fonctions {/} est
compacte si la limite de toute suite (f n) Ç {/} uniformément conver­
gente sur tout K (£= D appartient à {/}.
Théorème 3. Toute fonctionnelle J continue sur une famille com­
pacte en soi {/} est bornée et atteint sa borne supérieure, i.e. il existe
une fonction f 0 Ç {/} telle que pour tout f £ {/}
I J (/o) I > \ J (f) |.
► Posons A = sup | / (/) |. A est un nombre éventuelle-
/£{/}
ment infini. Par définition de la borne supérieure il existe une suite
(fn) 6 {/} telle que | J (f n) | A. La famille {/} étant compacte,
il existe une suite partielle (/nft) convergeant uniformément sur tout
K (g D vers une fonction f 0 Ç {/}. La continuité de la fonctionnelle
J implique
I J (/o) I = lim | / (fn) \ = A \
n -> o o

d’où il s’ensuit, primo, que A < oo, secundo que | J (f0) | ^ | / (/) |
pour tout / 6 {/}. ^
Dans la suite nous étudierons les familles de fonctions univalentes
dans un domaine D . Le théorème suivant est utile pour démontrer la
compacité de telles familles.
Théorème 4 (Hurwitz *)). Supposons qu'une suite de fonctions
(fn) holomorphes dans un domaine D converge uniformément sur tout

*) Adolf Hurwitz (1859-1919), mathématicien allemand, élève de Weier-


strass.
14*
212 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

K (cï D vers une fonction f const. Si f (z0) = 0, toutes les fonctions


f n à partir d'un certain n s annulent aussi dans tout disque (| z — z0 | <
< r} c D.
^ Le théorème de Weierstrass nous dit que / est holomorphe
dans D . D’après le théorème d’unicité il existe un ensemble
{0 < | z — z0 | ^ p} (cï sur lequel / =^= 0 (on peut admettre que
p < r). Soient y = (| z — z0 | = p} et \i = min | f (z) |. On a
z6v
jx > 0. Puisque (/n) converge uniformément sur y , il existe un N
tel que
I fn 00 — f 00 | <
pour tout z £ y et tout n > N. Pour un tel n le théorème de Rouché
nous dit que la fonction f n. = / -f (f n — f) possède à l’intérieur de y
autant de zéros que la fonction /, i.e. au moins un. M
Corollaire. Si une suite de fonctions (f n) holomorphes et univalentes
dans un domaine D converge uniformément sur tout K (c= D, la limite
f de cette suite est une fonction soit univalente, soit constante.
^ Supposons que / (%) = / (z2), zx z2 (z11 z2 Ç D) et que
f const. Considérons une suite de fonctions gn (z) = f n (z) —
— fn (z2) et un disque {| z — zx \ C r), où r ^ | z1 — z2 | ; la
fonction limite g (z) = f (z) — f (z2) s’annule en z1, donc, d’après
le théorème de Hurwitz, à partir d’un certain n toutes les fonctions
g n (z) s’annuleront dans ce disque, ce qui contredit l’univalence des
fonctions f n. ^
40. Théorème de Riemann. Tout domaine simplement connexe D
dont la frontière est composée d'au moins un point est isomorphe au
disque unité U.
L’idée de la démonstration est la suivante. On considère une fa­
mille S de fonctions / holomorphes et univalentes dans D telles que
| / ! ^ 1 (i.e. réalisant une application conforme de D dans le dis­
que unité U). On fixe un point a Ç D et on cherche une fonction de
cette famille pour laquelle la dilatation | /' (a) | est maximale en a.
On considère une partie S 1 a S compacte et en se servant de la
continuité de la fonctionnelle / (/) = | f (a) | on peut affirmer qu’il
existe une fonction / 0 dont la dilatation est maximale en a. On
s’assure enfin que / 0 réalise une application de D sur le disque U
(et pas seulement dans U comme les autres fonctions de la famille).
En analyse on utilise souvent de telles méthodes variationnelles
pour trouver une fonction possédant telle ou telle propriété extré-
male.
a) Montrons que dans D il existe au moins une fonction lio-
lomorphe et univalente de module ^ 1 . La frontière dD contient par
§ 12] THÉORÈME DE RIEMANN 213

hypothèse deux points distincts a et P ; la racine carrée


se prolonge analytiquement le long de tout chemin dans D et puisque
D est simplement connexe, le théorème de la monodromie (n° 29)
nous dit que cette racine admet dans D deux déterminations uni­
valentes cpj et cp2 opposées.
Chacune de ces déterminations est univalente dans D , car l’éga­
lité cpv (Zj) = cpv (z2) (v = 1 ou 2) entraîne
z j —a z2— a
(i)

d’où il s’ensuit que z1 = z2, puisque la fonction homographique est


univalente. Ces déterminations appliquent D respectivement sur
les domaines D* = cpx (D) et D * = (p2 (D) qui sont disjoints, sinon
il existerait des points zx, z2 £ D tels que (zx) = cp2 (z2), égalité qui
entraînerait de nouveau (1). De là il s’ensuivrait que zx = z2l i.e.
que cpj (Zj) = —cp2 (z2); ce qui est contradictoire puisque (pv =7^ 0
dans D.
Le domaine D* contient un disque (| w — w0 | < p}, donc cpx
ne prend pas dans D des valeurs de ce disque et la fonction

= (2)
qui est visiblement holomorphe et univalente dans D est bornée :
I /1 (z) I ^ 1 pour fout z 6 D-
b) Désignons par S la famille des fonctions holomorphes et uni­
valentes dansD de module^ 1 . Cette famille n’est pas vide, car elle
contient la fonction f 1 et d’après le théorème de Montel elle est nor­
male. La partie S ± de S composée des fonctions / Ç S telles que
\ r (a) \ > \ f[ (a) | > 0 (3)
en un point fixé a £D , est compacte en soi. En effet, d’après le
corollaire du théorème 4 du numéro précédent, la limite d’une suite
de fonctions (/n) £ S1 convergente sur tout K (çî D ne peut être
qu’une fonction univalente (et appartenir alors à Sj) ou une cons­
tante, cas qui est exclu par l’inégalité (3).
Considérons la fonctionnelle J (f) = | f (a) | sur S 1. D’après le
numéro précédent, elle est continue et par suite il existe une fonc­
tion / 0 £ S 1 qui en réalise le maximum, i.e. une fonction telle que
I f (a) I < I /; (a) | (4)
pour tout / Ç S v
c) La fonction / 0 réalise une application conforme du domaine
D dans le disque unité t/, puisqu’elle appartient à S v Montrons que
2 14 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

f 0 (a) = 0: dans le cas contraire il existerait dans une fonction


a (z \ =- /o ( * ) - /o (<0
HoW/oM
pour laquelle | g' (a) | = f r | ' / | ,(fl)|2 I f0 (a) I > I f'o (a) h contraire­
ment à la propriété extrémale (4) de / 0.
Montrons enfin que / 0 applique D dans le disque U. En effet,
supposons que / 0 ne prend pas dans D de valeur b Ç U ; &^ 0.
puisque / 0 (a) = 0. La fonction f0 ne prend pas la valeur &* = —
b
dans D (car | &* I > 1) donc, d’après le théorème de la monodromie
on peut définir dans D une détermination de la racine

*t(z) = y r fo% ~ b , (5)


V 1 — &/o (*)
appartenant à £ (l’univalence de cette détermination s’établit exac­
tement comme dans a), quant à l’inégalité | (z) | ^ 1, elle est
évidente). Mais alors S contient aussi la fonction
h l z ) = ^ - f c ^ (a)

telle que | h’ (a)\ = - ^ = f \ f ' (a)\. Or 1 + | 6 | > 2 V T M , car


2y i o i
| b | < 1, i.e. h£ S t et | h' (a) | > | /' (a) | contrairement à la pro­
priété extrémale de la fonction /0. <4
Du théorème de Riemann il résulte que des domaines Dx et D2
simplement connexes dont les frontières sont composées de plus d'un
point sont isomorphes. En effet, d’après ce qui a été démontré, il
existe des isomorphismes conformes fj : Dj->- U (/ = 1, 2) de ces
domaines sur le disque unité, et / = / o f x sera un isomorphisme
de Dx sur D 2. Le théorème 3 du n° 38 nous dit que cet isomorphis­
me f : D 1- + D 2 est défini de façon unique par les conditions de nor­
malisation
/ (Zo) = u>0, Arg f (z0) = 0, (6)
où z0 £ D1, w0 Ç D 2 et 0 est un réel.
Nous fermerons ce paragraphe par une rapide biographie de Bern-
hard Riemann, le fondateur de la théorie géométrique des fonctions
d’une variable complexe. Comme Euler, il naît dans la famille d’un
pasteur de province. Il commence très tôt à s’intéresser aux mathé­
matiques, mais à l’âge de 20 ans sur les instances de son père il
étudie la philosophie et la théologie à l’Université de Gôttingen et
suit simultanément des cours de mathématiques. Sa passion pour les
mathématiques prend le dessus et au printemps suivant de 1847 il
§ 12] THÉORÈME DE RIEMANN 215

passe à l’Université de Berlin qui dispensait plus de cours. En 1849


il retourne à Gôttingen et pendant trois semestres il assiste à des
cours de sciences naturelles et de philosophie et participe au sé­
minaire de physique et de mathématiques de Weber.
En 1851 Riemann présente à la faculté de philosophie de Gôttin­
gen sa thèse de doctorat Bases de la théorie générale des fonctions d'une
variable complexe qui constitue le premier jalon dans le développe­
ment de cette science. Il décrit tout d’abord le rapport des diffé­
rentielles des variables w = u + iv et z = x + iy sous la forme
d u ;__ 1 r / du | dv \ | / dv du \ . ~] ,
dz 2 Ll àx ' dy ) ' \ dx dy ) 1 J ‘

où dz = e ei(P, et énonce rigoureusement la définition fondamentale :


« Une variable complexe w s’appelle fonction d’une autre variable
complexe z si elle varie avec elle de telle sorte que la valeur du rap­
port différentiel dw/dz ne dépende pas des valeurs de la différentielle
dz ». C’est donc dans les travaux de Riemann qu’apparaissent pour
la première fois les dérivées formelles d//dz et dfldz et que s’éclaircit
le rôle des conditions de différentiabilité complexe (conditions de
Cauchy—-Riemann ; cf. n° 6).
Riemann propose ensuite dans sa thèse de traiter les fonctions
d’une variable complexe comme les applications d’un domaine plan
sur un autre et note que de telles fonctions transforment « les parties
infinitésimales du plan en parties semblables » (il n’utilise pas les
« applications conformes »). A ce propos il cite de nombreuses pro­
priétés géométriques des fonctions d’une variable complexe et no­
tamment que ces fonctions transforment un domaine en un domaine
et ne peuvent prendre des valeurs constantes sur des courbes. On
voit ainsi apparaître pour la première fois le principe de conservation
du domaine, le principe du maximum du module et le théorème
d’unicité, principes et théorèmes qui seront énoncés avec plus de
rigueur et démontrés ultérieurement.
Dans sa thèse il décrit géométriquement le processus de prolonge­
ment analytique et pour étudier les fonctions multivalentes, il in­
troduit les surfaces à plusieurs feuillets qui seront appelées par la
suite surfaces de Riemann (cf. chapitre précédent). Pour les étudier
Riemann introduit pour la première fois toute une série de notions
topologiques telles l’ordre de connexité, ce qui le fait considérer
comme l’un des fondateurs d’une science alors à l’état embryonnaire :
la topologie.
Le théorème de ce paragraphe constitue un important jalon dans
le développement de la théorie géométrique des fonctions d’une va­
riable complexe. Dans la thèse de Riemann ce théorème s’énonce
216 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

comme suit : Deux surfaces planes simplement connexes peuvent tou­


jours être mises en correspondance de telle sorte quà chaque point de
Vune est associé un seul point de Vautre, variant continûment avec lui,
et leurs parties correspondantes sont infinitésimalement semblables;
ceci étant, on peut pour un point intérieur et un point frontière choisir
arbitrairement les points correspondants ; cette. relation sera alors dé­
finie pour tous les points.
Pour démontrer ce théorème Riemann fait appel à des raisonne­
ments liés à des notions physiques: le potentiel et l’énergie. Il éta­
blit l’existence de la fonction réalisant cette application à partir
d’un fait physique évident : l’existence de l’état d’équilibre réalisant
le minimum de l’énergie. Ces raisonnements furent critiqués eu
1870 par Weierstrass qui indiqua qu’une fonctionnelle minorée n’at­
teint pas toujours son minimum dans la classe des fonctions admis­
sibles. (Il n’existe pas par exemple de chemin différentiable de
longueur minimale passant par trois points a, b et c non alignés: le
minimum de la longueur est réalisé par la ligne brisée abc.) La dé­
monstration rigoureuse produite plus haut a été donnée par Hilbert
en 1901: cette démonstration relève aussi d’un principe variation­
nel et de ce point de vue réhabilite l’approche de Riemann.
La thèse de 1851 qui créa une très forte impression sur les futu­
res générations de mathématiciens n’eut aucun effet sur la situation
de Riemann : il reste assistant dans le séminaire de Weber. Il obtint
le grade de chargé de cours en 1854 après l’apparition de sa deuxième
thèse : Sur la représentation des fonctions par une série trigonométrique
et la lecture d’un cours expérimental Sur les hypothèses reposant à la
base de la géométrie. Cette thèse stimula le développement de la
théorie des fonctions d’une variable réelle ; dans cette thèse Riemann
prouve, en particulier, l’existence de l’intégrale qui porte aujourd’hui
son nom. Son cours comporte les notions fondamentales de la géo­
métrie riemannienne et l’idée d’un espace à plusieurs dimensions.
Le texte de ce cours qui fut publié après sa mort en 1868 joua un
très grand rôle dans le développement de la géométrie différentielle
et la théorie de la relativité.
Les idées contenues dans les travaux de Riemann frappent d’au­
tant plus l’imagination par leur profondeur et leur diversité qu’elles
sont le fruit d’une activité scientifique qui couvre une période d’à
peine dix ans. Le calcul du nombre de fonctions méromorphes indé­
pendantes sur des surfaces de Riemann compactes le conduit à un
résultat qui, sous une forme plus perfectionnée, est entré dans l’ana­
lyse moderne et l’algèbre sous le nom de théorème de Riemann—
Roch. Riemann fut le premier à remarquer la différence entre l’équi­
valence topologique et l’équivalence analytique des surfaces de
Riemann de fonctions algébriques, différence qui est étudiée encore
aujourd’hui sous le nom de problème des modules. Riemann est
l’auteur de résultats fondamentaux en théorie des fonctions ellipti-
§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 21 7

ques (cf. plus bas n° 43), en théorie des équations différentielles. La


fonction dzêta de Riemann est encore étudiée en théorie des nom­
bres.
Les recherches de Riemann n’eurent pas de son vivant le reten­
tissement qu’elles méritaient. En 1854 il écrivit avec fierté à son
père qu’il y avait beaucoup de monde — 8 personnes (!) — à ses
cours et que le cours de théorie des fonctions était suivi par 3 per­
sonnes. Il fut nommé professeur seulement en 1859. Trois ans plus
tard il tomba sérieusement malade et mourut en 1866 sans avoir at­
teint quarante ans.

§ 13. Correspondance des frontières et principe


de symétrie
41. Correspondance des frontières. Formulons sans le prouver le
principe de correspondance des frontières :
Théorème (Carathéodory *)). Soient D et D* des domaines limités
par des courbes de Jordan OD et dD* ; toute application conforme
f :D D* peut être prolongée à dD en un homéomorphisme des adhé~
rences D et D *.
Ce théorème n’est évidemment pas valable pour tout homéo­
morphisme. Par exemple, l’application du disque unité U sur lui-
même, définie en coordonnées polaires z = reifC w = pe4^ par les
équations
p = r, ^ = 9 + -f^ r, (1>

est manifestement un homéomorphisme, mais elle ne se prolonge pas


par continuité à dU.
Ce théorème est également mis en défaut pour les applications
conformes sur des domaines dont les frontières ne sont pas des cour­
bes de Jordan. Considérons par exemple l’application conforme /
du disque U sur le domaine D de la figure 73 dont la frontière est
composée d’une portion de la courbez; = sin — et du segment limite
y = {u;: u = 0, —1 ^ v ^ 1}. On démontre que les images récipro­
ques par cette application des arcs yn découpant dans D des domaines
°° _ ^

D n tels que fl D n est confondue avec y sont les arcs ~ du plan z


7i=l Vn
00 _
découpant dans U des domaines Un tels que f| Un est confondue
71=1
avec un point frontière ei(v (fig. 73). Dans ce sens, l’image du point

*) Constantin Carathéodory (1873-1950), mathématicien allemand d'origine


grecque.
218 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

par ; est tout un segment y , de sorte que / ne peut être prolongée


par continuité au disque fermé U.
Carathéodory a introduit les éléments frontières d’un domaine en
les définissant comme des classes de sections de ce domaine équiva­
lentes dans un certain sens. L’adjonction à un domaine de ses élé­
ments frontières s’appelle compactification au sens de Carathéodory.
Ce dernier a prouvé qu’une application conforme d’un domaine sur
un autre établit une correspondance biunivoque et dans un certain
sens continue entre les éléments frontières de ces domaines. Donc le
théorème formulé ci-dessus
est valable pour des domaines
qui ne sont pas de Jordan si
l’on utilise un compactifié au
sens de Carathéodory à la
place d’une adhérence ordi­
naire.
Citons sans les prouver
aussi quelques résultats plus
exacts sur le comportement
frontière des applications con­
formes de domaines limités par des courbes de Jordan avec des
conditions subsidiaires sur ces courbes. Soient f :D- *~D* une appli­
cation, dD et dD* les frontières de Z) et Z)*.
I (F. Riesz, M. Riesz, I. Privalov *)). Si dD et dD * sont des
courbes de Jordan rectifiables, l’application / est prolongeable à dD
en tant que fonction absolument continue de la longueur d’arc. La
dérivée /' prend en presque chaque point £ g dD (pour une mesure
linéaire) une valeur frontière angulaire **) /' (£) finie et non nulle,
et pour tout ensemble de points e cz dD la mesure de l’image e* =
= / (e) est égale à
mes e* = ^ \f' (z)\ | d£ | ; (2)
e
en particulier, les images des ensembles e cz dD de mesure nulle
sont des ensembles e* a dD* de mesure nulle.
II (Lindelôf). Si dD et dD* sont des courbes de Jordan différen­
tiables, Arg /' (z) se prolonge en une fonction continue dans Z), et de
plus pour tout t £ dD
_______________ Arg/'(£) = e*- e, (3)
*) Ivan Privalov (1891-1941), éminent mathématicien soviétique, spécia­
liste de la théorie des fonctions d’une variable complexe. Ce théorème figure
dans sa thèse V intégrale de Cauchy publiée en 1919 ; le travail des frères Riesz est
antérieur d’une année, mais à l’époque il était inconnu en Russie.
**) On appelle valeur frontière angulaire d’une fonction <p en un point
Z 6 àD où dD possède une tangente la valeur limite commune de <p le long de
tous les chemins ycz D non tangents à dD d’extrémités £.
§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIERES ET PRINCIPE DE SYMETRIE 219

•où 0 et 0* sont les pentes des tangentes aux courbes dD et dD* aux
points £ et £* = / (£)•
III (Kellog). Si dans les conditions et notations du théorème
précédent, les angles 0 et 0* traités de plus comme des fonctions de
longueur d’arc s et s* respectivement sur dD et <5D* vérifient la
condition de Lipschitz
I 0(«l) —0(«2) I < k | Si — s2 |“,
10* ( s î ) - e * ( s | ) \ < k \ s ï - s t \ “,
où k et a, 0 <C a ^ 1, sont des constantes, alors la dérivée /' se pro­
longe en une fonction continue et non nulle dans D (l’application est
conforme » sur la frontière).
IV (Schwarz). Si dD et dD* sont des courbes de Jordan analyti­
ques *), / se prolonge en une fonction holomorphe dans D . Nous
prouverons la proposition IV au numéro suivant. Enonçons seule­
ment un principe réciproque plus simple de correspondance des
frontières :
Théorème. Soient D (çî C et Z?* (g C des domaines limités par des
courbes de Jordan y et y*. Si une fonction f holomorphe dans D et con­
tinue dans D établit une correspondance biunivoque entre y et y*, elle
£n fait de même entre D et Z?* (autrement dit, / est un isomorphisme
conforme).
^ Soit w0 un point arbitraire de Z)* ; puisque / prend sur y
uniquement des valeurs de y*, on a / w0 sur y et, en vertu de la
continuité, / =7^= w0 dans une bande limitrophe G du domaine D. La
quantité
n = -%r Av Are {/ (z)— «’o} (4)
(où Arg désigne une détermination quelconque continue le long de y
et Av est l’accroissement de cette détermination le long de y), varie
de toute évidence de façon continue par une déformation homotope
du chemin dans la bande G. Mais puisque la quantité (4) ne peut
prendre que des valeurs entières, elle reste constante par une telle
déformation.

*) On dit qu’un arc y est analytique s’il peut être défini par une équation
z= Y * £ [a, PL où y est une fonction analytique de la variable réelle t
sur [a, P] (i.e. une fonction développable en série de t — tç) au voisinage de tout
point t0 £ [a, p], et de plus y' (*) =jA 0 sur [a, p]. Le théorème de Heine-Borel
nous dit que la fonction y se prolonge en une fonction holomorphe d’une varia­
ble complexe t dans un voisinage de [a, p]. Donc un arc analytique est l’image
holomorphe d’un segment. On appelle courbe analytique fermée l ’image holomor­
phe du cercle {| t \ = 1} telle que y' (t) =£ 0 pour | t | = 1 ; si en outre l’appli­
cation z = y (t) est bijectivo, y est appelée courbe de Jordan analytique.
220 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

L’application est par hypothèse homéomorphe, donc


N = ^ér Av*Arg (w — w,o) = 'i -
car si y est parcouru une fois, le vecteur w — w0 tourne de 2n
(fig. 74). De ce qui précède il s’ensuit que pour tout chemin y homo-
tope à y dans la bande G, on a
^ A ~ A r g { /( z ) - u ;0} = l.
Au domaine D (g= D limité par la courbe y, appliquons le principe
de l’argument (n° 34) qui dit que l’équation / (z) = w0 possède dans
D (donc dans D , puisque la bande
G ne contient pas de appoints)
exactement une racine.
On démontre de la même
façon que pour tout point
w1 $ D * le nombre
iV, = — Ay* A tg (w — w j
de zéros de la fonction / (z) — iTj
dans D est nul, car le vecteur
w — w1 ne fait aucun tour complet lorsqu’on parcourt y* (fig. 74).
Du principe de conservation du domaine (n° 35) il s’ensuit par ail­
leurs que / ne peut prendre dans D des valeurs de y*, car elle devrait
alors prendre des valeurs du complémentaire de D*.
Donc / prend une fois et une seule dans D toute valeur w0 de D*
et n’en prend pas d’autres, autrement dit, / applique bijectivement
D sur Z)*. ^
Remarque. Dans le théorème prouvé, D peut être un domaine
arbitraire de C (avec une frontière de Jordan), mais D* doit être
nécessairement compact dans C, car la fonction / doit être C-con-
tinuedans D . La dernière condition est essentielle: en effet, la fonc­
tion / (z) — z3 est holomorphe dans le demi-plan supérieur D =
= {Im z > 0} et applique bijectivement dD (l’axe x) sur l’axe u,
i.e. la frontière du demi-plan supérieur Z)* -- (Im w > 0}, mais /
n’est pas bijective dans le domaine D .
Exem ple. Etudions l’application du demi-plan supérieur D =
= {Im z > 0) réalisée par l’intégrale elliptique de première espèce *)
z

F (z, k) = [ / dz ------ , (5)

*) Cette intégrale a été introduite en 1829 par Cari Jacobi (1804-1851),


mathématicien allemand, membre honoris causa de l’Académie des sciences de
Pétersbourg.
§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 221

où /c, 0 < k < 1, est un paramètre et où Ton considère la détermina­


tion de la racine liolomorphe dans D qui prend des valeurs > 0 sur
le segment I = [0, 1] de Taxe x. _
La fonction F (z ; k) se prolonge par continuité à D et nous al­
lons voir comment elle transforme la frontière dD, i.e. l’axe x . Lors­
que z = x parcourt le segment I = [0, 1] de gauche à droite, l’inté­
grale (5)

prend des valeurs > 0 (en vertu du choix de la détermination) qu


croissent de 0 à la valeur
y
d# D
]/(! —z2) (1—k*x*) ’ nr ir r i r.\ 11 111
(6 ) - 1 / ïc - ï 0 1 1 1k

Le. F est un homéomorphisme iU


K -r i K'
du segment [0, 1] de l’axe x - K + i K' III' ! 111
sut Je segment [0, K] de j
l’axe u. ir II
A la traversée du point i' i 1 _
3 = 1, l’un des quatre fac- k 6 k
leurs du radicande, plus exac­
tement 1 — x, change de Fig. 75
signe. Puisque nous considé­
rons une détermination qui est holomorphe dans le demi-plan su­
périeur D, cette traversée doit avoir lieu le long d’un petit demi-
cercle y a D (représenté en pointillé sur la figure 75). Arg (1 — z)
varie de 0 à —n par ce contournement, quant aux autres facteurs,
ils restent invariants. Donc sur le segment II = [1, l/k] de l’axe x,
l’argument de la racine est égal à —jt/2 et celui de l’intégrant de (5)
à ni2 ; les valeurs de F sur le segment II peuvent donc être mises sous
la forme
d# dx
*)=$
/ ( 1 —I 2) (1 — J Y (1—£2) (l_fc2Æ2)

dx
V(x* — i) (1 — A**»)

où la racine de la dernière intégrale prend encore des valeurs > 0 .


Lorsque x parcourt le segment II = [1, l/k] de l’axe x de gauche à
droite, le point F (x , k) décrit de bas en haut le segment [K, K +
222 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

+ iK'] du plan w, où
dx
K' =
\1 (7)

Au passage par le point z = 1Ik le facteur (1 — kx) du radicande


change aussi de signe. On s’assure comme plus haut que la détermi­
nation considérée sur l’intervalle III = [1/fc, oo[ de l’axe x doit avoir
un argument —n, i.e. prendre des valeurs < 0 . Les valeurs prises par
F sur cet intervalle peuvent donc être mises sous la forme
1 i/ k X

F(x, &)=(•+- [ da = =

5C

= K+ iK '-[ dx —
} / ( i a- l ) (fc2X2- l ) *
où la racine de la dernière intégrale prend des valeurs > 0 . Le chan-
gement de variables x = ^ nous montre que
oo 1
f ______dx________f _______d|______ _
}/h (**—1) 1) J 1/(1 -A*E*) (1-6*)

donc la fonction F applique (homéomorphiquement) l’intervalle


[—l//c, oo[ sur le segment [K + i K \ iK'] du plan w (cf. fig. 75).
On s’assure de la même façon que la fonction F réalise un homéo­
morphisme de l’axe négatif x sur la moitié gauche du contour du rec­
tangle représenté sur la figure 75 (les segments I', II' et III').
En appliquant le principe de correspondance des frontières, on
peut affirmer que V intégrale elliptique de première espèce F (z, k)
réalise une application conforme du demi-plan supérieur D sur le rec­
tangle de sommets ± K , ± K + i K' , ou K et K ' s'expriment en fonc­
tion du paramètre k à l'aide des formules (6) et (7).
îfc Quelle application est réalisée par (5) lorsque k —>-0?
42. Principe de symétrie. Nous étudions ici un cas spécial de
prolongement analytique se rapportant aux applications conformes.
Prouvons préalablement le lemme de prolongement continu.
Lemme. Soient D1et D 2 des domaines ne possédant en commun qu'u­
ne portion de frontière rectiligne y *), f t et f 2 des fonctions respecti­
vement holomorphes dans D1 e t D 2 et continues sur les ensembles Dx U Y

♦) On admet que y est un intervalle ouvert.


§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 22$

et D 2 U V (fig- 76). Si
fi (z) = fl (z) pour tout z 6 7, (1>
la fonction
fMz) pour tout zÇi Di U 7,
(2)
' ' 1/2 (2) pour tout z £ D 2
est holomorphe dans le domaine Dx U y U D 2 = D.
^ La fonction / est continue dans D par hypothèse ; pour prouver
qu’elle est holomorphe il suffit, en vertu du théorème de Morera
(n°21), de vérifier que l’intégrale de / le long du périmètre de tout
triangle A <çî D est nulle. Ceci
résulte du théorème de Cauchy si
A (c Dj ou A g D 2. Reste à traiter
le cas où A fl 7 ¥= 0.
Supposons que y partage A en
deux parties Ax et A2; d’après les
propriétés des intégrales,
$ / dz = ^ / d z + ^ fdz, (3)
dA dAi dA i

et il suffit de montrer que chacune


des intégrales du second membre
est nulle. Considérons l’une quel­
conque des parties A1 et A2 et dé-
signons-la pour simplifier par A. Soit Th le trapèze découpé sur A
par la droite parallèle à y et située à une distance h de y, et soit A^ =
= A\ T h (cf. fig. 76). Sans nuire à la généralité on peut admettre
que y est parallèle à l’axe réel.
Le théorème de Cauchy nous dit que l’intégrale de / le long de
dAh est nulle, donc
[ f dz = ^ / dz + ^ f d z = ^ j dz. (4>
dA QT% ÔA. ÔTh

Soient y' et y" les bases du trapèze T h (on admet qu’elles sont
orientées dans le même sens et que y' < y"). Puisque les côtés laté­
raux de T h et la différence y" — y' tendent vers 0 lorsque h - ^ 0 et
que la fonction / est bornée dans A, on a
$ / d z = J / ( z ) d z - J j ( z - i h ) d z + 0(h) =
ÔT h 7' V'

= $ {/(z) —/ ( z — ih)}dz + 0(h). (5)


v'
224 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [GH. IV

La fonction / étant uniformément continue dans A, l’intégrant de (5)


tend uniformément vers 0, donc il en est de même de l’intégrale de
/ le long de dTh lorsque h 0. Or on voit sur (4) que cette intégrale
ne dépend pas de h, donc elle est nulle et il en est de même de l’in­
tégrale de / le long de dA.
Il est évident que la démonstration est plus simple si A n ’a qu’un
sommet ou un côté en commun avec y.
4? Soit / une fonction holomorphe dans un disque {| z | < 1},
prolongeable par continuité à un arc y du cercle {| z | = 1} et nulle
sur cet arc ; montrer que / = 0. #
La fonction / définie par la formule (2) dans le domaine D peut
être traitée comme le prolongement analytique de chacune des fonc­
tions /i et f 2 *). Le lemme du prolon­
gement continu peut de ce fait s’énon­
cer comme suit : si deux domaines
Dv possèdent une portion rectiligne
commune de frontière y et si des fonc­
tions / v holomorphes dans D sont le
prolongement continu l’une de l’autre
au-delà de y, elles sont le prolonge­
ment analytique l’une de l’autre. Cette
proposition n ’est pas valable pour les
fonctions différentiables d’une variable
réelle (par exemple: D1 et D 2 sont les intervalles 1—1, 0[ et ]0, 1]
et / (x) = | x |).
Passons à la démonstration du principe de symétrie.
Théorème 1 (Riemann — Schwarz **)). Soient Dt etD\ des do­
maines limités par des courbes de Jordan dDt et dD\ telles que dDx
soit composée d'un segment de droite ou d'un arc de cercle y et dD\ ,
aussi d'un segment de droite ou d'un arc de cercle y*. Soient encore D 2
un domaine symétrique de Dx par rapport à y, D \ un domaine symétri­
que de D* par rapport à y* et D± Ç] D 2 = D* f| D* = 0 - Si une
fonction f ± est une application conforme de Dx sur D * telle que f t (y) =
= y*, elle se prolonge analytiquement à D 2 et ce prolongement appli­
que de façon conforme le domaine D1 \] y D 2 sur Z)* (J y* [) D*
(fig. 77).
^ a) Considérons d’abord le cas particulier où y et y* sont des
segments des axes réels. Définissons la fonction
m *)= m5 6
( )
dans le domaine D 2 symétrique de Dx par rapport à y.
*) Plus exactement: l ’élément (D, f) est consécutif à (D^ /x) et à (.D2, /«)•
**) Ce principe a fait son apparition dans la thèse de Riemann en 1851 et
dans une forme plus exacte, dans les travaux de Schwarz en 1869-1870.
§ 131 CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 225

Puisque z Çi D1 si z £ D 2 et que la fonction f1 est holomorphe dans


Z?!, il s’ensuit que la fonction f 2 (z) = (z) est antiholomorphe dans
D 2 (cf. n° 7) et par suite / 2 (z) est holomorphe dans D 2. D’après le
principe de correspondance des frontières, f x est continue dans D x
et de plus / x prend par hypothèse sur y des valeurs réelles (appartenant
à y*). Donc lorsque le point z £ Z)2 tend vers un point x Ç y, alors
z — x et f 2 (z) ->■ A (x) = /i (z). Donc f 1 (x) = f 2 (x) pour tout a; g y
et puisque par hypothèse Z?! Ç) D 2 = 0 , les fonctions et / 2 sa­
tisfont aux conditions du lemme de prolongement continu. D’après
ce lemme la fonction
. . j/i (z) dans Di[}y,
Z l fz (z) dans D2
est holomorphe dans le domaine D±(J y U Z)2. La fonction / est par
définition une application conforme de ce domaine sur D* |J y* !J
U D\. Ce qui prouve le théorème pour le cas particulier où y et y*
sont des segments de R.
b) Le cas général se ramène au cas particulier a) par des trans­
formations homographiques. En effet, soient X et X% des transforma­
tions homographiques respectivement de y et y* dans des segments
des axes réels (ces transformations existent d’après le n° 10). D’a­
près ce qui a été prouvé dans a) la fonction g1 = X% o f 1 o X-1 se pro­
longe analytiquement en une fonction g2 au domaine X (D2) symétri­
que de X (Dx) par rapport au segment X (y) et cette fonction g2 appli­
que X (D2) sur X% (Z)*) (on se sert du fait que les transformations ho­
mographiques laissent les points symétriques invariants, cf. n° 9).
Mais dans ces conditions la fonction f 2 = X"1 o g2 o X est le prolon­
gement analytique de la fonction / x au domaine D 2 et applique D 2
sur D\. <4
Remarque. Dans le théorème prouvé le segment y* peut contenir
le point à l’infini; le prolongement de / sera alors méromorphe:
la fonction / sera alors holomorphe partout dans D sauf au point
z0 6 y correspondant au point à l ’infini, où elle présente un pôle.
Ce pôle est nécessairement simple, car / est univalente dans le do­
maine D (/ est multivalente au voisinage d’un pôle multiple, cf.
n° 25).
Remarquons encore que si toutes les conditions du principe de
symétrie sont satisfaites à l’exception de Dx fl D 2 = D \ f| D * = 0 ,
la construction décrite dans sa démonstration nous conduit à une
fonction analytique (éventuellement multivalente) définissant une
application conforme de domaines sur des surfaces de Riemann.
A titre d’exemple d’application du principe de symétrie, produi­
sons la démonstration du théorème du prolongement qui entraîne la
proposition IV du numéro précédent.
15-0714
226 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IY

Théorème 2 (Schwarz). Si la frontière d'un domaine D contient un


arc analytique y, toute application conforme f de ce domaine sur le
disque unité peut être analytiquement prolongée à travers y.
◄ Pour tout t0 Ç [a, |3] il existe un voisinage U = {t £C :
\t— t0 I < r ) auquel y (t) peut être prolongée en tant que fonction
holomorphe d’une variable complexe, et de plus, puisque y' (t0) =5*=
=#= 0 (cf. définition d’un arc analytique dans la note de la page 219),
on peut admettre que y est univalente dans U. La fonction y appli­
que le diamètre 6 cz U composé de points de l’axe réel t sur un
arc y0 c 7; désignons par U+ celui des demi-disques de £ /\ô que 7
applique dans D . La fonction g = f 0 y vérifie dans U+ les condi­
tions du principe de symétrie (elle transforme ô en un arc du cercle
unité) et par suite peut être analytique­
ment prolongée à U. Il s’ensuit de là que
/ (z) se prolonge analytiquement à travers
l’arc y0. ◄
Le principe de symétrie est utile pour
la construction d’une application con­
forme de domaines jouissant de la pro­
priété de symétrie.
/2 0 v2 M Exemple. Soit D un domaine composé
de l’extérieur de la réunion des segments
Fig. 78
[—1, 1] et [—L i], et soit D1 sa moitié
supérieure (fig. 78). La fonction w1 = z2
est univalente dans (et pas dans D)
et applique Dx sur le plan privé de l’axe —1 ^ Re wx ^ 00. Donc la
détermination convenable de la fonction co = ]/z 2 + 1 applique D1
sur le demi-plan D*. Le segment 7 qui relie les points -f l et —1 en
passant par le point à l’infini se transforme en un segment 7* qui
relie + 1/2 et — 1/2 par le point à l’infini. Donc la fonction (0 est
justiciable du principe de symétrie en vertu duquel elle se prolonge
analytiquement *) à un domaine D 2 symétrique de Di par rapport à
7 en une fonction (que l ’on désignera par le même symbole) co =
= l/z 2 -f 1 qui applique D sur l’extérieur D * du segment [— 1/2,
1/2]. Il est maintenant aisé d’appliquer l ’extérieur de ce segment
sur un domaine canonique (par exemple, on applique D* sur l’ex­
térieur du segment [—1, 1] à l’aide d’une fonction linéaire, puis, en
envisageant une détermination de la fonction inverse de la fonction
de Joukovski du n° 12, on obtient une application sur l’intérieur ou
l’extérieur du disque unité).

*) Plus exactement, méromorphement, car au point à l’infini de D cette


fonction présente un pôle (simple).
§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 227

1 / ^\
$ 1. La fonction de Joukovski w = y ( z + — ) applique le
demi-plan supérieur privé du demi-disque {| z | ^ 1, l m z > 0} sur
le demi-plan supérieur (cf. n° 12). Prolonger cette application au
demi-plan {Im z > 0} tout entier; quelle est l’image de ce demi-
plan ?
2. Montrer que tout isomorphisme conforme d’un rectangle sur
un autre qui envoie sommets dans sommets est linéaire. #
43. Notion de fonctions elliptiques. Commençons par un exemple.
Au n° 41 on a vu que l ’intégrale elliptique de première espèce

dw
1/(1 —u;*) (1—fc2u>2) d)

où k, 0 <C k <i 1, est un paramètre et où l’on envisage une détermi­


nation de la racine dans le demi-plan supérieur {Im w > 0}, appli­
que de façon conforme ce demi-plan
sur le rectangle R 0 de sommets ---------- * ----------
, fll
± K , H-K + iK '. Désignons par -< ,z2 1

w sn (z, k) (2)
2K' + z 'i f l , '
ou plus brièvement par w = sn z, T*

l’inverse de l ’intégrale (1). La — -o £■


*0 z 1 z 2 " fl2
___i -
+ 9
fonction (2) qui s’appelle sinus
-AK-
elliptique est une fonction holomor-
phe dans le rectangle R 0 qu’elle sn z
applique de façon conforme sur le y
demi-plan supérieur {Im w > 0}. ^ V k ^T"~0 î ï7/T~*~
Puisque la fonction sn applique —t —
le segment [K, K + iK '] sur le snz
segment [1, 1/fc], elle est justiciable Fig. 79
du principe de symétrie en ver­
tu duquel elle se prolonge analytiquement à un rectangle R 1 symé­
trique de R 0 par rapport à [K , K + iK'] en une fonction (que l’on
désignera encore par sn) qui applique R 1 sur le demi-plan inférieur
{Im w < 0} (fig. 79). Le prolongement sn satisfait aussi au principe
de symétrie en vertu duquel il se prolonge analytiquement à un
rectangle i?2 symétrique de par rapport au segment [2K, 2K +
+ iK']. Le rectangle R 2 s’applique lui aussi sur le demi-plan supé­
rieur et de plus par construction
sn (z + 4K) = sn z (3)
pour tout z Ç i?0 (cf. fig. 79; le point zx symétrique du point z par
rapport au segment [K , K + iK ' ] se transforme en le point sn z,
15*
228 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

et le point z2 = z + 4A symétrique de zx par rapport à [2K, 2K +


+ iK'], en le point sn z).
On prolonge exactement de la même façon la fonction sn au rec­
tangle R[ symétrique de R 0 par rapport au segment [—K + iK ',
K + i Kf], cependant ce prolongement sera méromorphe: la fonc­
tion sn présente un pôle simple au point iK ' signalé par un asté­
risque sur la figure 79 (cf. remarque suivant le principe de symétrie).
Le prolongement sn applique R[ sur le demi-plan inférieur et d’après
le même principe de symétrie se prolonge analytiquement au rectan­
gle i?' symétrique de R[ par rapport au segment l—K + 2iK \
K + 2iK'] et applique ce rectangle de nouveau sur le demi-plan
supérieur. Comme plus haut, on trouve que
sn (z + 2iK') = sn z (4)
pour tout z £ R 0 (cf. fig. 79).
En raisonnant ainsi on peut prolonger sn au plan C tout entier.
Le prolongement sera une fonction méromorphe: cette fonction
présente des pôles simples aux points iK ' + 4Km + 2iK'n, où m,
n = 0, ± 1 , . . » sont des nombres entiers (ces points sont signalés
par des astéristiques sur la figure 79) et est holomorphe en tous les
autres points de C. Cette fonction possède une intéressante propriété :
elle est bipériodique. On voit sur les relations (3) et (4) et sur celles
qui leur sont analogues qu’elle admet deux périodes indépendantes
T1 = 4K et T 2 = 2iK ' : pour tous entiers m, n = ± 1 , ± 2 , . . .
on a la relation
sn (z + AKm + 2iK'n) = sn z. (5)
Au n° 33 on a parlé de la surface de Riemann du sinus elliptique.
Le sinus elliptique fait partie d’une importante classe de fonc­
tions méromorphes bipériodiques appelées fonctions elliptiques. La
théorie de ces fonctions qui interviennent dans une foule de problè­
mes d’analyse et dans les applications a été minutieusement élabo­
rée dans les travaux classiques des mathématiciens du XIXe siècle:
Gauss, Abel, Jacobi, Liouville, Weierstrass, Riemann et autres.
Nous nous attarderons ici seulement sur les propriétés les plus élé­
mentaires des fonctions de cette classe.
Montrons tout d’abord qu’il n’existe pas de fonctions méromor­
phes possédant plus de deux périodes.
Lemme. L'ensemble T — {%} de toutes les périodes d'une fonction
méromorphe non constante f est un sous-groupe discret du corps C des
complexes traité comme un groupe additif.
^ Pour prouver que T est un sous-groupe de C, il suffit d’éta­
blir deux propriétés : 1° t 1? t 2 6 T =>■Ti + r 2 Ç T ; 2° %Ç T =>•
§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 229

=> — t 6 T. Ceci découle immédiatement de la périodicité de


/ : / (z + Tl + t 2) = / (z + Tj) = / (z) et / (z—t ) = / (z — t +
+ t ) = f(z).
Dire que T est discret revient à dire qu’il n ’admet pas de points
d’accumulation finis. Si un tel point t 0 existait, on pourrait exhiber
une suite de périodes xn t 0. Alors xn = x n — t 0 serait une suite
de périodes convergeant vers 0 et pour tout point z au voisinage du­
quel / est holomorphe on aurait f (z + %'n) = f (z), ce qui est impos­
sible d’après le théorème d’unicité, puisque / =^= const. ^
Théorème 1. Une fonction méromorphe f const ne peut avoir
plus de deux périodes indépendantes.
^ Deux cas seulement peuvent se présenter: a) l ’ensemble T de
toutes les périodes de / est situé sur une droite l (passant par l’ori­
gine, puisque T ^ 0) ; b) une telle droite n ’existe pas. Dans le cas a),
puisque T est discret, il existe une
période x0 £ r \ { 0 } de module minimal
et toute période %£ T est alors un mul­
tiple de t 0. En effet, dans le cas contraire,
il existerait une période %= (n -{- '&) t 0,
où n est entier et 0 < < 1, et alors
t — nr0 serait une période de module
inférieur à | t 0 | ce qui contredit le choix
de t 0. La fonction / est donc périodique
avec une seule période principale t 0.
Dans le cas b), puisque T est discret, il existe un triangle non
dégénéré de sommets 0, t 0, t ' £ T , dont l’intérieur et les côtés ne
contiennent pas de périodes. Le parallélogramme de sommets 0,
t 0 + t ', t ' ne contient pas non plus de périodes en son intérieur et
sur ses côtés (s’il contenait une telle période t , alors t = t 0 + \ —
— t se trouverait à l ’intérieur ou sur les côtés du triangle O t 0t ' ;
fig. 80). Comme dans le cas a), on démontre maintenant sans peine
que toute période %Ç T est de la forme t = nx0 + n t ' , o ù n et n
sont des entiers. En effet, dans le cas contraire il existerait une pé­
riode % = {n + $ ) t 0 + ( n + ô / ) t ' avec n et n entiers et d ,
£ [0, 1], l’un au moins des nombres et étant strictement inté­
rieur à [0, 1[, et alors Ù'Tq + d'i;' serait une période contenue à
l’intérieur ou sur les côtés du parallélogramme de la figure 80 con­
trairement à la construction de ce dernier. Donc dans le cas b) la
fonction est bipériodique et ses principales périodes dites encore gé­
nérateur du groupe T sont t 0 et t ' . ^
Il est évident que la somme, le produit et le quotient de deux
fonctions elliptiques de mêmes générateurs t et % seront des fonc­
tions méromorphes de mêmes générateurs, donc ces fonctions en-
230 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

gendrent un corps. Puisque la périodicité


f (z + mr + n%') = / (z) (m, n Ç Z) (6)
n ’est pas violée par une dérivation par rapport à z et que la dérivée
d’une fonction méromorphe est aussi méromorphe, ce corps est stable
par la dérivation.
La propriété de périodicité (6) nous suggère d’étudier une fonction
elliptique de générateurs t et t ' dans le parallélogramme de sommets
0, t, t + t ' et t ', appelé parallélogramme fondamental de /. Les va­
leurs de / sur le plan C tout entier ne font que répéter celles déjà
prises sur ce parallélogramme.
Théorème 2. Toute fonction elliptique entière est constante.
^ Une telle fonction est bornée dans le parallélogramme fonda­
mental, donc partout sur C. Le théorème de Liouville *) nous dit
alors qu’elle est constante. ^
Ainsi une fonction elliptique non constante doit présenter au
moins un pôle (donc une infinité). Le nombre de pôles d’une fonc­
tion elliptique contenu dans le parallélogramme fondamental et
comptés avec leurs multiplicités s’appelle
ordre de cette fonction. Le sinus elliptique
est d’ordre deux, car il possède deux pôles
simples dans le rectangle fondamental.
Théorème 3. La somme des résidus d'une
fonction elliptique f en tous les pôles contenus
dans son parallélogramme fondamental est
nulle.
^ Supposons que la frontière 511 du
parallélogramme fondamental ne contient
pas de pôles; si elle en contient un, on peut déplacer légèrement
Il par translation de manière à satisfaire à cette condition (fig. 81).
Puisque la fonction prend les mêmes valeurs aux points corres­
pondants des côtés parallèles de n et que ces côtés sont parcourus
dans des sens opposés, l’intégrale de / le long de ces côtés est
nulle, donc il en est de même de l ’intégrale
/ dz —2ni 2 res /
aen a
(on a appliqué le théorème des résidus.) <4
On en déduit qu’il n ’existe pas de fonctions elliptiques du pre­
mier ordre : une telle fonction devrait présenter dans II un pôle
simple avec un résidu nul.
*) En fait, Liouville a démontré le théorème 2, quant au théorème général
du n° 20 qu’on lui attribue, il l ’a été par Cauchy.
§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 231

Théorème 4. Une fonction elliptique f prend dans son parallélo­


gramme fondamental n toute valeur a Ç C un nombre de fois égal à
son ordre.
^ Supposons que la frontière du parallélogramme fondamental
ne contient pas de pôles. D’après le principe de l’argument, le nom­
bre de a-points de / diminué du nombre de pôles de / dans II est

an
L ’intégrale du second membre est nulle, puisque l ’intégrant a les
mêmes périodes que / (cf. démonstration du théorème précédent).
Le nombre P est par définition égal à l’ordre de /. M
Deux fonctions elliptiques f et g ayant les mêmes générateurs t
et x' sont reliées par une équation polynomiale
P (f (z). g (z)) = 0. (7)
Sans nous arrêter sur le détail de la démonstration de cette pro­
position, signalons les arguments plaidant en sa faveur . L’ensem­
ble des points du parallélogramme fondamental II en lesquels l ’une
au moins des fonctions / et g présente un pôle est fini, quant à la
fonction F (z) = Q (/ (z), g (z)), où Q (z, w) est un polynôme arbitrai­
re, elle est elliptique avec les mêmes périodes x et x' et ne présente
des pôles qu’aux points de cet ensemble. En admettant que le degré
de Q est assez grand, on peut choisir ses coefficients de telle sorte que
ses parties principales s’annulent en tous ses pôles contenus dans II :
la fonction F sera alors une fonction elliptique entière et par suite
égale à une constante c (en vertu du théorème 1). Reste ensuite à
poser P = Q — c.
L’existence de la relation polynomiale (7) explique les liens des
fonctions elliptiques avec l’algèbre. Puisque la dérivée /' d’une
fonction elliptique est une fonction elliptique de même période, on
trouve en particulier (en posant g = /') qu’une telle fonction est
liée par une relation polynomiale avec sa dérivée, i.e. vérifie l’équa­
tion différentielle polynomiale
P (w, w') = 0. (8)
Ceci explique le lien des fonctions elliptiques avec les équations
différentielles et les innombrables problèmes d’application.
# Former l’équation différentielle vérifiée par la fonction
w = sn (z, k). îfc
44. Fonction modulaire et théorème de Picard. Considérons le
triangle circulaire T0 = ABC formé par des arcs de cercles orthogo-
232 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

naux au cercle unité (fig. 82). D’après le théorème de Riemann, il


existe une seule application conforme w = p (z) de ce triangle sur
le demi-plan supérieur associant aux sommets A, B et C respecti­
vement les points w = 0, 1 et oo. D’après le principe de symétrie
la fonction p peut être prolongée analytiquement aux triangles
k = 1, 2, 3 symétriques de T 0 par rapport à ses côtés. Les
points symétriques des sommets de T 0 par rapport aux côtés opposés
à ces sommets sont aussi situés sur le cercle unité. (En effet, une in­
version, par exemple par rapport à l’arc BC, transforme l’arc du
cercle {| z | = 1} portant le point A en l’arc complémentaire de ce
cercle et l’image A x du point A sera située sur cet arc complémen­
taire.) D’après les propriétés
C
de l ’inversion (n° 9) les
côtés des triangles TW
seront encore des arcs de
cercles orthogonaux au
cercle unité.
Le prolongement de la
fonction p définit une ap­
plication conforme de cha­
que T W sur le demi-plan
inférieur telle que les côtés
se transforment en l ’un des
segments [0, 11, [1, oo],
[—oo, 01. On peut donc
appliquer de nouveau le
principe de symétrie à la
fonction p et par consé­
quent p se prolonge analyti­
quement aux triangles TW
images de TW par une symétrie par rapport à leurs côtés (les tri­
angles T W sont hachurés sur la' figure 82).
En poursuivant indéfiniment cette procédure de prolongement
analytique, on construit une fonction p holomorphe dans le disque
unité U appelée fonction modulaire. La fonction modulaire n ’est pas
prolongeante analytiquement à l ’extérieur de £7, autrement dit U
est son domaine d’holomorphie. En effet, les ensembles de points
images de chaque sommet du triangle T 0 par des symétries sont par­
tout denses sur le cercle unité dU = (| z \ = 1}; lorsque z tend le long
du triangle correspondant vers le point A n image par symétries du
sommet A , alors p (z) 0, et lorsque z tend aussi vers B n ou Cn
(images de B et C par symétries), p (z) tend vers 1 ou oo. Ainsi p
ne peut être prolongée à U même par continuité.
On voit sur cette construction que la fonction modulaire p ne
prend pas dans U les trois valeurs 0, 1 et oo. On se servira plus loin de
cette propriété.
§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 233

Remarquons ensuite qu’un nombre pair de symétries par rapport


aux arcs de cercles (d’inversions) équivaut à une transformation ho-
mographique. Les transformations homographiques obtenues par un
nombre pair de symétries décrites dans la définition de la fonction
modulaire envoient le cercle dU dans lui-même, i.e. sont des auto­
morphismes de U. Elles forment visiblement un groupe A0 qui est
un sous-groupe du groupe des automorphismes de U.
Il est aisé de voir que la fonction modulaire est invariante par les
transformations du groupe A0 (i.e. est une fonction automorphe). En
effet, soit X Ç A0 une transformation quelconque et soit z £ U un
point arbitraire; le point z appartient à un des triangles T décrit
plus haut (plus exactement, à son adhérence dans U) et la fonction
p, définit une application conforme de T sur le demi-plan supérieur
ou inférieur qui associe aux sommets de T les points 0, 1 et oo.
Par construction la fonction fx applique le triangle % (T) sur le
même demi-plan, les points homologues ayant de nouveau pour
images les points 0, 1 et oo. Donc fx et \i o X définissent une appli­
cation conforme de T sur l’un des demi-plans avec la même corres­
pondance des trois points frontières et par conséquent
n (z) = o x (z) (1)
(cf. n° 38).
La fonction modulaire s’apparente par cette propriété aux fonc­
tions elliptiques. En effet, une fonction elliptique de générateurs
x et t ' est invariante par le groupe T des mouvements du plan C,
i.e. par les transformations de la forme
z z + mx + nx' (m , n Ç Z). (2)
Le sous-groupe T c: Aut C est discret, i.e. pour tout point z £ C
l’orbite { g ( z ) : g g r } ne possède pas de points d’accumulation
dans C. De façon analogue, le groupe A0 c: Aut U correspondant à
la fonction modulaire est discret dans le disque unité (pour tout
point z £ U l’orbite {X (z): X £ A0} possède des points d’accumula­
tion uniquement sur le cercle dU).
Les fonctions méromorphes dans un domaine qui sont invarian­
tes par un groupe discret de transformations homographiques de ce
domaine s’appellent fonctions automorphes. Les fonctions elliptiques
et la fonction modulaire sont des fonctions automorphes. Les bases
de l’élégante théorie de ces fonctions furent jetées par H. Poincaré
dans ses travaux de 1880 à 1884. Comme le note Poincaré, ces tra­
vaux lui ont été inspirés par le désir de construire une théorie analo­
gue à celle des fonctions elliptiques en envisageant à la place des
mouvements du plan euclidien C (laissant les fonctions elliptiques
invariantes) des mouvements dans le plan de Lobatchevski (cf.
n° 11). La fonction modulaire [x décrite plus haut a été introduite
par Schwarz en 1873.
234 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

# Remplacer le triangle circulaire T 0 de la figure 82 par un


triangle équilatéral ordinaire, considérer l’application conforme de
ce triangle sur le demi-plan supérieur qui associe aux sommets les
points 0, 1 et 00 et construire l’analogue euclidien de la fonction
modulaire. Montrer que cette application est prolongeable en une
fonction g méromorphe dans C qui est le cube d’une autre fonction
méromorphe dans C, soit g = h3, %
Décrivons la fonction analytique inverse de la fonction modulai­
re. Pour construire cette fonction considérons sa détermination
z = p"1 (w) holomorphe dans le demi-plan supérieur et appliquant
ce demi-plan sur le triangle T0. D’après le principe de symétrie,
cette détermination se prolonge analytiquement au demi-plan infé­
rieur à travers chacun des intervalles (ouverts) ]0, 1[, ]1, oo[ et
]—00, 0[. Chaque prolongement peut à son tour être prolongé au
demi-plan supérieur à travers n ’importe lequel de ces intervalles.
Ceci étant, si le deuxième prolongement se fait à travers un inter­
valle différent du premier, la détermination obtenue est différente
de la détermination de départ (elle applique le demi-plan supérieur
sur l’un des triangles Tty). Ce processus qui peut se poursuivre indé­
finiment définit la fonction analytique inverse de la fonction mo­
dulaire.
Il est aisé de voir que la fonction analytique inverse de la fonction
modulaire est infinivalente ; que les points 0, 1 et 00 sont des points de
branchement logarithmiques ; et enfin que toutes ses valeurs sont situées
dans le disque unité U.
L’existence de l’inverse de la fonction modulaire suggère une
démonstration simple du théorème suivant qui est une profonde
généralisation de la propriété fondamentale des polynômes.
Théorème 1 (Picard*)). Toute fonction entière non constante prend
toutes les valeurs complexes (finies) sauf peut-être une.
^ Supposons qu’une fonction entière / ne prend pas deux valeurs
distinctes a, b £ C. La fonction

est aussi une fonction entière et ne prend pas les valeurs 0 et 1. Au


voisinage d’un point arbitraire z0 £ C la fonction holomorphe (p =
= ft”1 0 ëi où p,"1 est une détermination quelconque de l’inverse de
la fonction modulaire, est holomorphe au voisinage du point w0 =
= g (z0). Puisque la fonction g ne prend pas les valeurs 0, 1 et 00
qui sont singulières pour la fonction analytique p ”1, la fonction (p

*) Emile Picard (1856—1941), mathématicien français; il a démontré les


théorèmes cités en 1879.
§ 13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 235

est prolongeable le long de tout chemin y c C. Puisque C est sim­


plement connexe, le théorème de la monodromie (n° 28) nous dit que
la fonction cpest univalente et holomorphe dans C, i.e. est une fonc­
tion entière. Or toutes les valeurs prises par [x_1 appartiennent au
disque unité, donc cp est bornée et d’après le théorème de Liouville
(n° 20), constante. Donc il en est de même de g et, partant, de /. <4
Une fonction entière est une fonction méromorphe (dans C) ne pre­
nant pas la valeur o o . Le théorème de Picard se généralise à des
fonctions méromorphes arbitraires:
Théorème 2 (Picard). Toute fonction méromorphe dans C et non
constante prend toutes les valeurs de C sauf peut-être deux.
^ Soit / une fonction méromorphe ne prenant pas trois valeurs
distinctes a, 6, c Ç C. On peut considérer que ces valeurs sont finies,
car si l’une d’elles était infinie, la fonction / serait une fonction
entière ne prenant pas deux valeurs distinctes, i.e. une fonction
constante d’après le théorème 1. Considérons la fonction

8 ^ = f(z)— c ’
cette fonction est visiblement entière (car / =^= c) et ne prend pas les
1
valeurs a—c et tb— . D’après le théorème 1 elle est constante,
donc / aussi. A
Remarque. La fonction entière ez ne prend pas la valeur 0 et la
fonction méromorphe tg z, les valeurs ±*\ donc les théorèmes de
Picard ne peuvent être renforcés quant aux nombres de valeurs non
prises (de telles valeurs sont dites exceptionnelles).
On démontre que la propriété des fonctions méromorphes de pren­
dre toutes les valeurs sauf peut-être deux est en fait une propriété
locale de leur comportement à l’infini. On a le grand théorème de
Picard qui dit que toute fonction prend dans un voisinage aussi
petit que l’on veut du point d’accumulation de ses pôles toutes les
valeurs sauf peut-être deux. De façon analogue, dans tout voisinage
d’un point singulier essentiel, toute fonction prend toutes les va­
leurs finies sauf peut-être une. Sous cette forme le grand théorème de
Picard renforce considérablement le théorème de Sohotsky.
Exercices
1. Trouver le nombre de racines de l’équation z6 -f 6z -f 10 = 0
contenues dans chaque quadrant du plan C.
2. Soit / (2) une fonction méromorphe dans le disque unité U
et continue au voisinage de dU. Montrer que pour tout nombre A
2 36 ÉLÉMENTS DE THÉORIE GÉOMÉTRIQUE [CH. IV

tel que | A | >> max /, le nombre de ^4-points dans le disque U est


égal au nombre dU de pôles.
3. a) Trouver le rayon de convergence de la série (10) de la fonc­
tion inverse de la fonction entière w = ze~az au voisinage du point
w = 0 de l ’exemple du n° 35.
b) Expliquer pourquoi cette série possède un rayon de conver­
gence fini.
c) Déduire de b) la formule asymptotique de n\
4. Soit / une fonction holomorphe dans le disque U = {| z | <C
< 1} et s’annulant aux points ax, . . ., an de U et en eux seuls.
fl Z— ak
Montrer que si | f (z) | ^ M dans £/, alors \ f (z)\ ^. M || -— ~ L
k=i 1 ~ a hZ i
5. Soient /l9 . . ., f n des fonctions holomorphes dans un do­
maine fermé D. Montrer que la fonction q> (z) = | f 1 (z) | + . . .
. . . + | f n (z) | atteint son maximum sur dD.
6. a) Soit / une fonction holomorphe dans le disque unité U*
continue dans U et telle que | / (z) | ^ M x sur le demi-cercle supé­
rieur Yi = {| z | = 1, Im z > 0} et j / (z) | ^ M 2 sur le demi-cercle
inférieur, M x et M 2 étant des constantes. Montrer que | / (0) | ^
< 1/ My M2. [N O t a : envisager la fonction g (2) = / (z) f (—2).]
b) Soit / une fonction holomorphe dans le carré Q = {—1 <C x <
< 1 , —l < y < l ) et continue dans Q et telle que | / (z) | ^
^ Mj (y = l, . . ., 4) respectivement sur les quatre côtés de Q.
Montrer que | / (0) | ^ 4/ M 1M 2M 3M4.
7. Démontrer l’analogue suivant du lemme de Schwarz pour la
bande D = {| Re z | < jt/4} : si / 6 0 (.D), / (0) = 0 et | / (z) | ^
^ 1 dans D , alors | f {z) | ^ | tg z | et de plus si l’égalité est réali­
sée en un point quelconque z-7^= 0, elle l ’est partout dans D .
8. Soit f (z) une fonction holomorphe dans le disque unité U
telle que / (0) = 1 et | / (z) | <C M dans £/. Montrer que
\ f (z | — 1 | ^ M | 2 | dans le disque {| 2 | ^ l/M}.
9. Montrer que toute application holomorphe d’un disque fermé
U sur lui-même possède un point fixe. Citer un exemple d’applica­
tion dont tous les points fixes sont sutués sur la frontière du disque U.
10. Montrer que si / est une fonction holomorphe dans le dis­
que unité £/, continue dans U et telle que | / (z) | = 1 pour tout
2 Ç dU, alors / est une fonction rationnelle.
11. Soit / une fonction holomorphe dans le disque unité U, con­
tinue dans U et dont les valeurs frontières sont en même temps va­
leurs frontières d’une fonction antiholomorphe dans £/. Montrer que
/ est une fonction rationnelle.
12. (N. Tchébotarev.) Soit f (2) une fonction holomorphe dans le
demi-plan supérieur V = {Im z > 0} ; continue dans V f] C et telle
13] CORRESPONDANCE DES FRONTIÈRES ET PRINCIPE DE SYMÉTRIE 237

que f (V) cz V et f (R) ci R. Montrer que / est une fonction linéaire.


IN o t a: / est entière en vertu du principe de symétrie; montrer
qu’elle est strictement croissante sur l’axe a;, puis envisager la fonc-
/ (z)
tion g(z) = z_ x où x 0 est le seul zéro de / et montrer que g =
= const.]
13. Supposons qu’une ligne de niveau y = {|/(z)| = c} est une
courbe de Jordan différentiable et soit / une fonction holomorphe
dans l’adhérence D du domaine D limité par y. Montrer que a)
Arg / varie de façon monotone lorsqu’on parcourt y ; b) le nombre de
zéros de / contenus dans D est supérieur de 1 à celui des zéros de la
dérivée /' (compte tenu de la multiplicité). [ N o t a : se servir de
l’exercice 7 du chapitre I et du principe de l’argument.]
14. Soient / v des fonctions holomorphes, non milles et de modu­
les ^ 1 dans le disque U. Montrer que si / v (0) 0, alors / v (z) ->■ 0
uniformément dans tout disque inclus dans U.
15. Montrer que la couronne circulaire {rx < I z I < r2} peut
être appliquée de façon conforme uniquement sur une couronne sem­
blable {pi < | w | < p2) [ N o t a : appliquer le principe de symé­
trie.]
16. Citer un exemple d’application holomorphe (mais évidem­
ment non univalente) d’une couronne circulaire sur un cercle et un
exemple d’une application analogue d’un disque sur une couronne.
17. Montrer que si une suite (fn) de fonctions holomorphes dans
un domaine D est localement uniformément bornée dans D et con­
verge sur un ensemble E ayant un point d’accumulation dans Z),
elle est localement uniformément convergente dans D .
18. Vérifier que la fonction w = sn (z, h) définit une application
bijective conforme du rectangle {—2K < R e z < 2K, —K ' <<
C Im z < K ' } dont les côtés opposés sont identifiés sur la surface
obtenue en prenant deux exemplaires du plan w munis des coupures
l —l/fc, —1], [1, 1Ik] et en collant en croix les lèvres de ces coupures.
19. Montrer que l’identité e^(z) + e^2(z) = 1 , où / x et / 2 sont
des fonctions entières, est impossible si ces fonctions ne sont pas cons­
tantes.
20. Montrer que si trois fonctions entières fj, 7 = 1, 2, 3, vé­
rifient l’identité e^i + e / 2 -f e^ = 0, l’une au moins des diffé­
rences fj — / ft, / =7^= k , est constante. (Cette proposition qui est
connue sous le nom de théorème de Borel est vraie pour tout nom­
bre / de fonctions entières.)
21. Montrer que la fonction entière / (z) = zez ne possède pas
de valeurs exceptionnelles.
CHAPITRE V

MÉTHODES ANALYTIQUES

Dans ce dernier chapitre nous développons les principales no­


tions et méthodes utilisées en analyse et dans les applications pour
étudier les propriétés des fonctions et les calculer approximative­
ment.
§14. Développements des fonctions entières
et méromorphes
45. Théorème de Mittag-Leffler. Au n° 25 on a montré que toute
fonction rationnelle se décompose en une somme d’un polynôme
(qui est la partie principale de cette fonction à l’infini) et de parties
principales aux points singuliers finis. On se propose ici de trouver
un développement analogue pour les fonctions méromorphes. Par
an (n = 1 ,2 , . . .) on désignera les pôles *) d’une fonction méro-
morphe / et par
An)
S n (*) = 2 (i)
(z an)x
v=l
la partie principale du développement de Laurent de / au pôle an.
Si une fonction méromorphe / ne possède qu’un nombre fini de
pôles, en soustrayant de cette fonction / la somme de ses parties
principales en ces pôles, on obtient de toute évidence une fonction
entière h. Dans ce cas le problème posé se résout de façon triviale :
la fonction / se décompose en une somme d’une fonction entière h et
des parties principales de /. Donc seul le cas d’un nombre infini de
pôles est intéressant. Au lieu d’une somme finie on a alors affaire
à une série de parties principales dont il faut discuter la convergen­
ce. D’une façon générale, cette série diverge, donc pour obtenir
une série convergente vers les parties principales, il faut introduire

*) On rappelle que l ’ensemble des pôles d’une fonction méromorphe ne peut


être qu’au plus dénombrable: chaque disque {| z | < N }, N = 1, 2, . . ., ne
peut contenir qu’un nombre fini de pôles, sinon il existerait un point d’accumula­
tion fini qui serait un point singulier non isolé et non un pôle.
§ 14] DÉVELOPPEMENTS DES FONCTIONS ENTIÈRES ET MÉROMORPHES 239

des corrections qui, nous le verrons, peuvent être prises sous forme
de polynômes, plus exactement, des tranches des développements de
Taylor des parties principales.
Avant de passer aux énoncés et démonstrations convenons de
ce qu’on entendra par convergence d’une série de fonctions méro-
morphes susceptibles de prendre une valeur infinie en certains points.
Définition. On dit qu’une série de fonctions méromorphes est
convergente (resp. uniformément convergente) sur un ensemble M si
seul un nombre fini de ses termes possèdent des pôles dans M et si
la série obtenue en supprimant ces termes est convergente (resp.
uniformément convergente) sur M.
La réponse au problème de développement est fournie par le
théorème suivant d’existence d’une fonction méromorphe dont les
pôles et les parties principales sont donnés.
Théorème 1 (Mittag-Leffler *)). Pour toute suite de points an Ç C
tels que lim an = oo et toute suite de fonctions gn de la forme (1),
7 l-> o o
il existe une fonction méromorphe f dont les points an et eux seuls sont
des pôles et dont la partie principale est confondue avec gn en chaque
pôle an.
^ Sans nuire à la généralité on peut admettre que an 0 (car
au lieu de / on peut alors envisager la fonction / — g0, où g0 est la
partie principale de / en z = 0) et que les points an sont classés dans
l’ordre de croissance de leurs modules: | an | ^ | an+1 \ (n =
= 1, 2, . . .). Fixons un nombre g, 0 < q *< 1, et soit K n = {z:
I 2 | < g | a n |}. Puisque la fonction gn est holomorphe dans le
disque U = {| z | < | an |) et que K n (£= U, on peut approcher gn
uniformément sur K n par un polynôme de Taylor
aW (0)
Pn(z) = 2 ^ w 1 ^i ; <2>
fc=0

choisissons le degré mn de telle sorte que pour tout z Ç K n l’on ait


I ën{z) — Pn{z) I <-^T (re = 1, 2, ...) . (3)
oo

Avec un tel choix de P n la série 2 (gn — Pn) = / converge uni-


71=1
formément sur tout compact K de C au sens de la définition 1. En
effet, pour tout K il existe un entier N tel que K ci K n pour tout
*) Gôsta Mittag-Leffler (1846-1927), mathématicien suédois, élève de
Weierstrass et ami de S. Kovalevskaya. Il fut élu membre correspondant de
l ’Académie des sciences de Pétersbourg en 1896 et membre honoraire de l ’Acadé­
mie des sciences d’U.R.S.S. en 1925. Il publia ce théorème en 1877.
240 MÉTHODES ANALYTIQUES [GH. V

n ^ N ; les termes de la série

În — 2 { ên — P n) (4)
n=N

sont holomorphes sur K et en vertu de (3) cette série est majorée sur
K par une progression géométrique convergente. Donc la série (4)
converge uniformément sur K et sa somme f N est holomorphe dans
K n en vertu du théorème de Weierstrass (n° 23).
La fonction / diffère de f N de la fonction rationnelle
N- 1
2 ( Sn — P n ) de pôles an et de parties principales
n= 1
g n (n = 1,. . TV — 1) et présente dans K les pôles et parties prin­
cipales donnés. Puisque K est un compact arbitraire, / est méro-
morphe et possède dans C les pôles et parties principales donnés. A
Corollaire. Toute fonction méromorphe f peut être développée en
une série

f— 2 {ën —P n) (5)
71=1

uniformément convergente sur tout compact, où h est une fonction en­


tière, gn, les parties principales de f, et P n, des polynômes.
^ Rangeons les pôles de / dans l’ordre de croissance de leurs
modules (on peut considérer le point z = 0 comme un point régu­
lier si au lieu de / on envisage la fonction / — g0, où g0 est la partie
principale de / en ce point) et en vertu du théorème 1 construisons la
série

/« = S
71=1
(gn-Pn)
uniformément convergente sur tout compact. La fonction / — f 0 = h
est visiblement entière. A
E xem ples.
1. La fonction méromorphe 1/sin2 z présente des pôles d’ordre
deux aux points an = nn (n = 0, ± 1 , . . .) et sa partie principale
au pôle an est égale à gn = ^z_ nnÿi- L* série de parties principales
oo

fo(Z) S
71 = -o o

converge uniformément sur tout compact (au sens de la défini­


tio n !), car elle est majorée dans tout disque {| z | < R] par la série
<0 14] DÉVELOPPEMENTS DES FONCTIONS ENTIÈRES ET MÉROMORPHES 241

convergente 2 • Donc les polynômes correcteurs P n sont


superflus dans le développement (5) et il reste à trouver la fonction
entière
oo
^ (2) — gjn2z 2 (z_ nJl)2 *
n=- oo
Cette fonction est périodique et de période J t , il suffit donc de l’étu­
dier dans la bande {0 < Re z ^ n}. Dans cette bande | z — nn | ^
(n — 1) pour n = 1, 2 , . .
jt donc
m

2 j (z—nn)* 2 ( » _ ! ) * n2
n=-m n=m+l
tend vers 0 lorsque z - > o o dans cette bande. Puisque | sin2 z | =
= sin2 x + sh2 y -*■ oo lorsque z - ^ - o o , la fonction h (z) 0 lors­
que z oo dans cette bande. Donc h (z) est bornée dans cette bande
et par suite dans C, car périodique; d’après le théorème de Liouville
elle est constante et donc nulle. Le développement de Mittag-Leffler
s'écrit alors
oo
1 TT\ 1
sin2 z ^-î (z—wji)2 (6)

2. La fonction méromorphe cotg z présente des pôles simples aux


points an = nn (n = 0, ± 1 , . . .) et les parties principales gn =
= 1l(z — nn). La série des parties principales diverge, mais il est
aisé de voir qu’on peut prendre des polynômes correcteurs de degré
^éro : la série
z
s ’ ( (z— nn) nn

(l’accent « prime » signifie que la sommation est omise pour n = 0)


converge uniformément sur tout compact. Reste à trouver la fonc­
tion entière h du développement (5). Ce qu’on fait comme dans
l’exemple précédent. On s’assure que h = 0.
1 1
Cependant il est plus simple d’intégrer ^ 1® l°ng de
tout chemin reliant les points z = 0 et z et ne passant pas par les
pôles an = 0. En se servant de la formule (6), on obtient le dévelop­
pement cherché de Mittag-Leffler

(7)
n—- oo

1 6 - 0 7 1 4
242 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

(l’intégration terme à terme de (6) est licite en raison de la conver­


gence uniforme).
Le théorème de Mittag-Leffler et son corollaire sont des théorè­
mes d’existence et ne fournissent aucune indication sur la façon
dont il faut choisir les polynômes P n et la fonction entière h. Le
théorème suivant qui est moins général mais plus constructif et
dont la démonstration fait appel à la méthode de Cauchy d’amélio­
ration de la convergence est plus utile pour les besoins pratiques.
Théorème 2. Si sur une famille de cercles y n = (| z | = r n},
rx < r2 <C . . rn —>- oo, une foncion méromorphe f croît moins vite
que zm, i.e. existe une constante A telle que pour tout z £ y n, n = 1,
2, . .
\ f ( z ) \ ^ A \ z \ m, (8)
dans le développement (5) on peut prendre pour P n et h des polynômes
de degré ^ m.
^ Fixons un point z £ C distinct des pôles de f et supposons que
fit)
z est contenu à l’intérieur de y N. La fonction F (£) = f-2 - est ho-
^ z
lomorphe partout à l’intérieur de y N sauf en £ = z et aux pôles de
la fonction /. Son résidu en z est égal à f (z). Désignons par s la som­
me des résidus de / aux pôles compris à l’intérieur de y N.
Pour calculer s on remarquera qu’en chacun de ces pôles le ré­
sidu de F sera confondu avec celui de F A Q = <Pn (£)/(£ — *). où
y N (Q = S gn (£) désigne la somme de toutes les parties princi-
('yN>
pales de / aux pôles intérieurs à y N. La fonction F N est rationnelle
et en plus des pôles indiqués, elle en possède un au point £ = z et
son résidu y est égal à q>N (2). Au point à l’infini son résidu est nul,
car elle y présente un zéro d’ordre ^ 2 *). D’après le théorème de la
somme totale des résidus (n° 26), la somme des résidus de FN est
nulle, i.e. s + <Pn (z) = 0» d’où s = — (z) = —S gn (z)-
(vN)
En appliquant le théorème des résidus à F, on trouve

T Î r î - É £ « - / e > - 2 * . M . (9>
yN (vN)
Si l’intégrale du premier membre tendait vers 0 lorsque N 00,
la série des parties principales de f convergerait et les polynômes
correcteurs seraient superflus. Mais ceci n’est pas le cas en général
et pour obtenir une intégrale convergeant vers 0, il faut sous le signe

*) Si, évidemment, yN contient au moins un pôle de / en son intérieur.


§ 14] DÉVELOPPEMENTS DES FONCTIONS ENTIÈRES ET MÊROMORPHES 243

d’intégration soustraire de 1/(£ — z) les premiers termes de son


développement de Laurent à l’infini, i.e. la somme des termes de la
forme zh/£,k+1. Conduisons cette opération de la manière suivante:
posons 2 = 0 dans l’égalité (9) et dans celles qui s’en déduisent par
dérivation successive par rapport à z (on admet que z = 0 est un
point régulier de /) ; nous obtenons
1 f /« ) /W(0) V (Jc= 0, 1, . . . , m).
2n i ) À:! A *1
Vjv (T*)
Multiplions cette égalité par zh et soustrayons la somme des égalités
obtenues de (9) :
m
£SYjV”( t ^ - 2 £■ )/< »«-
Q=h
= f ( z ) - h ( z ) - ' Z {gn ( z ) - P n (z)}, (10)
(Tjv)
m m .
où h(z) = 2 zh, P n (z) = 2 On obtient ce qu’on
fc=0 k= 0

voulait; en effet, estimons le second membre de (10), i.e. la quan­


tité
D /.X * m +1 f /(O «
(2)” ’2ïïT J

(nous avons sommé la progression géométrique sous le signe d’inté­


gration). En utilisant les inégalités (8), nous obtenons la majoration
A\z\m+1
I R n (z) I ^ , d’où il s’ensuit que R N (z) -+• 0 lorsque
N oo et. ce de façon uniforme sur tout compact. ^
Exemple. 11 est aisé de voir que cotg z est bornée sur les cercles
II 2 | = n + y ) j , n = 0, 1, . . ., donc on peut appliquer le
théorème 2 (dans lequel on peut poser m = 0) à la fonction / (2) =
= cotg 2 = -j. Nous obtenons de nouveau le développement (7).
En conclusion, généralisons le théorème de Mittag-Leffler au cas
d’un domaine arbitraire D a C. Sans perdre en généralité on admet­
tra que D contient le point à l’infini (on peut toujours réaliser ceci
par une transformation homographique) et que dD =£ 0 , i.e. que
D C (dans ce cas le théorème est trivial).
ifi*
244 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

Théorème 3. Pour toute suite de points an Ç Z) ne possédant pas de


points d'accumulation dans D et toute suite de jonctions gn de la for­
me (1), il existe une fonction f méromorphe dans D dont les points an et
eux seuls sont des pôles et dont la partie principale en chaque pôle an
est confondue avec gn.
^ Le théorème est trivial dans le cas d’un nombre fini de points
an, donc la suite (an) doit être infinie. Pour chaque an trouvons le
point a n de dD le plus proche de an (ce point existe, car la fonction
continue p (£) = | £ — an | atteint son minimum sur le compact
dD) : il est évident que rn = | an — a n | 0 lorsque n oo. Pour
tout z Ç {| z — a n | > r n} la quantité (z — art)"1 peut être déve­
loppée en une progression géométrique convergente
oo
1 1___ y (an—<*n)k
z — an z — a n — (an -~ an) A (z~-an)*+1 ’
k=o
d’où il s’ensuit que pour | z — a n | 2rn la fonction (z — an)" \
donc la fonction gn (z), peuvent être approchées avec n’importe
quelle précision par un polynôme de la variable (z — art)"1. Choisis­
sons les polynômes P n (\ —-—)z—a n /
= Qn (z) de telle sorte que pour
z — a„ | > 2r n l’on ait
\gn(z)-Qn(z)\<-~, fl= 1, 2, . . . (11)
(Qn sont des fonctions rationnelles holomorphes dans D).
Pour ce choix de Qn la série

/ = S (gn-Qn) (12)
n=l
converge uniformément (au sens de la définition 1) sur chaque K (g
(gî D, En effet, pour chacun de ces K il existe un nombre N tel que
| z — a n | ^ 2rn pour tout et tout z £ K, La série de fonc­
tions holomorphes sur K

În ~ S (gn —Qn)
n=N

est majorée sur K par une progression géométrique convergente, donc


la fonction f N est holomorphe sur K . La fonction / diffère de / lV
N - \

de la fonction rationnelle 2 (gn — Qn) dont les seuls pôles


71=1
dans D sont an et les parties principales, gn (n = 1, . . N — 1) *).
*) Les points a n en lesquels cette fonction rationnelle présente aussi des
pôles n’appartiennent pas à D.
§ 14] DÉVELOPPEMENTS DES FONCTIONS ENTIÈRES ET MÉROMORPHES 24 5

La fonction / satisfait aux conditions du théorème, puisque K est


un compact arbitraire de D. ^
Remarque. Soient données une suite de points an £ C et une suite
de fonctions correspondantes gn de la forme (1) (si un a n = oo, la
fonction correspondante gn est un polynôme en z sans terme cons­
tant). Soit E l’ensemble des points d’accumulation de la suite
(ian) (il est aisé de voir que E est fermé). Si dans la démonstration du
théorème 3 on choisit pour a n le point de E le plus proche de a n,
la série (12) définit une fonction / méromorphe dans le complémen­
taire de E (qui est un ensemble ouvert et par conséquent est composé
d’un ensemble de domaines au plus dénombrable).
46. Théorème de Weierstrass. De même que pour les polynômes
on se propose ici de développer les fonctions entières en facteurs cor­
respondant à leurs zéros, soit
i i
i>(z) = < « "]] { z - *n) = Azm n ( l — £ ) (1)
71= 1 71=1

(par an on désigne les racines non nulles, chacune d’elles étant comp­
tée un nombre de fois égal à sa multiplicité; par m, la multiplicité
de la racine z = 0).
Les fonctions entières possèdent en général un ensemble infini
(dénombrable) de zéros, donc au lieu du produit fini (1), il faudra
envisager des produits infinis. Rappelons les définitions et faits
élémentaires relatifs à ces produits. On dit qu’un produit infini â
termes complexes

11 (1 + c n) ( 2)
n = 1

est convergent si ses facteurs sont tous non nuis et les produits
n

partiels IIn = ]J (l-|-C/t) possèdent des limites II = lim n„ non


h ~ 1 7 l-+ o o

nulles aussi*) ; le nombre U s’appelle valeur du produit (2).


Puisque 1 + cn = , la condition cn-+ 0 est nécessaire à la
lln-l
convergence du produit (1) ; elle n’est visiblement pas suffisante :
oo
exemple JJ ( 1 -f — j . Pour que le produit (2) converge, il est
71=1

*) La condition n ^ 0 est introduite pour préserver la propriété des pro­


duits de s’annuler dans le cas seulement où l ’un des facteurs est nul.
246 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

nécessaire et suffisant que converge la série

S l n ( l + cB), (3)
71=1

où les valeurs des logarithmes sont convenablement choisies. En


effet, supposons que la série (3) converge, i.e. que les sommes par­
ti
tielles 2 n = 2 ln (1 + ck) tendent vers une limite finie 2 ; les
k= i
produits partiels ÏIn = e2n tendent alors vers la limite II =
= es 0, i.e. le produit (2) converge. Supposons que (2) converge,
i.e. lim IIn = Il =^= 0; choisissons les valeurs des logarithmes
n-*oo
ln telles que ln n n ln II, et posons ln (1 + cx) = ln 1^ ;
choisissons la valeur de ln (1 + c2) telle que ln (1 + c±) + ln (1 +
+ c2) = ln n2, et ainsi de suite (en supposant que les valeurs de
ln (1 + ck), k = 1 , . . ., n — 1 , ont déjà été choisies, prenons
n
ln (1 + cn) que 2 ln (1 + ch) = ln IIn). Pour un tel choix
h=1
des valeurs des logarithmes on a 2 n = ln ü 7l ->■ ln II, i.e. la sé­
rie (3) converge.
Enfin, on dira qu’un produit infini de fonctions holomorphes
sur un ensemble M est convergent sur M si après suppression d’un
nombre fini de fonctions nulles sur M ce produit converge sur M .
Le théorème suivant d’existence de fonctions entières à zéros
donnés est fondamental pour la suite.
Théorème 1 (Weierstrass *)). Pour toute suite de points an £ C
telle que lim an = oo, il existe une fonction entière f qui pré-
TI-+00
sente des zéros en tous les points an et en eux seuls, V ordre du zéro de f
en an étant égal au nombre de termes de la suite égaux à an.
^ Sans perdre en généralité on peut admettre que an 0 (car
f(z)
au lieu de / on peut envisager la fonction entière ^ où m est l’or­1
dre du zéro de / en z = 0) et que les points an sont rangés dans l’or­
dre de croissance de leurs modules.
La convergence du produit infini de facteurs ( 1 ---- —) est, com-
\ an /
me nous l’avons vu, équivalente à celle de la série des logarithmes
de ces facteurs :

*) Ce théorème a été publié en 1876, un an avant celui de Mittag-Leffler.


$ 14] DÉVELOPPEMENTS DES FONCTIONS ENTIÈRES ET MÉROMORPHES 247

Or cette série diverge dans le cas général, car an 0 pas assez vite ;
pour assurer la convergence, il faut de toute évidence essayer de
supprimer les premiers termes du développement dans lesquels 1!an
figure avec des puissances petites. En d’autres termes, au lieu de
in ( 1 ---- —) il faut envisager les fonctions
' an /
ln *,(!) = In ( l - - | - ) + ^ + - l - ( i ) 2+ . . . + ï l - ( ^ r )p* =

— s - H - f . m
h=Pn + i

•où p n sont des entiers naturels convenablement choisis.


Matérialisons cette idée générale. Pour cela fixons un nombre g,
0 < q < 1, et soit K n == {| z | ^ q | an |}. Pour z £ K n est définie
une détermination de ln ( l — (on supposera que c’est la déter­
mination principale* i.e. celle pour laquelle ln 1 = 0), donc la
fonction ln gn dans la formule (4). Pour de tels z on a la majoration

|P n + l 1 z
I lu gn (z) |< |
Pft+fc+l 1—? *n (5 )
fc=0

(on s’est servi des inégalités évidentes p k + k + 1 ^ 1 et on a


sommé la progression géométrique).
Choisissons maintenant les nombres naturels p n tels que la série

s a r ‘ <»
n= 1

converge absolument et uniformément dans tout disque (| z | ^ R} :


pour cela il suffit de poser par exemple p n + 1 == n (qu’on se sou­
vienne du critère de Cauchy et du fait que an ->■ oo). Pour tout
compact fixe K on peut trouver un entier N tel que K a K n pour
oo
tout N. Alors on voit sur (5) que la série 2 ln ën (z) converge
n=N
uniformément et absolument sur K , donc il en est de même du pro­
duit

n *.w=n i1- - ) = /«• (z)-


248 MÉTHODES ANALYTIQUES [C H . V

S ln ga
Il est évident que la fonction fN = en==N est holomorphe et
non nulle dans K . Donc le produit infini

'M -n (*-*) (7)


7 1 = 1

qui diffère de f N d’un nombre fini de facteurs, converge sur K et la


fonction f est holomorphe dans K et ne s’annule qu’aux points an
appartenant à K et en eux seuls.
Puisque K est un compact arbitraire, la fonction f est entière et
ses zéros sont les points an. <4
Corollaire. Toute fonction entière f peut être développée en un pro­
duit infini correspondant à ses zéros:
00 — + +— (— Ÿ n
/(z) = * W > n ( l - — )e°* *** , (8)
71=1
où m est Vordre du zéro de f au point z = 0, g une fonction entière et
les nombres p n sont choisis de telle sorte que la série (6) converge abso­
lument et uniformément sur tout compact.
^ Admettons que m = 0 (pour cela il suffit d’envisager à la
place de f la fonction / (;z)lzm) et rangeons les zéros de f dans l’ordre
de croissance de leurs modules en écrivant chaque zéro un nombre de
fois égal à sa multiplicité. Utilisons ces zéros pour construire, grâ­
ce au théorème 1, la fonction entière

/.M -n ( * - i)
Le rapport f/f0 est visiblement une fonction entière sans zéros, donc
la fonction g (z) = ln m peut être indéfiniment prolongée dans
/oW
C et d’après le théorème de la monodromie (n° 28) est une fonction
entière. Donc f = e8f 0. ◄
E xem ples.
1. La fonction entière possède des zéros simples aux points
an = mi (n = ± 1 , ± 2 , . . . ). La série 2 (z/n)2 étant uniformément
convergente sur tout compact, on peut poser tous les p n = 1 et le
développement de Weierstrass s’écrit
§ 14] DÉVELOPPEMENTS DES FONCTIONS ENTIÈRES ET MÉROMORPHES 243

où g est une fonction entière (l’accent « prime » signifie qu’il faut


omettre l’indice n = 0). Il reste à trouver g. Pour cela le mieux est
\
d’intégrer le développement de cotg z ----- obtenu dans le numéro
précédent. On trouve alors g = 0 et le développement s’écrit en dé-
finitive *)

— = O)
7 1 = - oo 71=1

(dans la deuxième forme d’écriture du développement on a regroupé


les facteurs d’indice n et —n, ce qui est licite en vertu de la con­
vergence absolue de la série correspondante).
2. La fonction entière -s m} - Z possède des zéros simples aux
yz
points an = n2n2 (n = 1, 2, . . .). Il est évident qu’on peut poser
tous les p n = 0 et le développement de Weierstrass devient

( ,°>
V 71=1

La fonction entière g = 0; on s’en assure le plus aisément en subs­


tituant y z & z dans le deuxième développement (9).
Généralisons maintenant le théorème de Weierstrass au cas d’un
domaine quelconque D . On peut sans nuire à la généralité admettre
que D contient le point à l’infini et que dD =^= 0 .
Théorème 2. Pour toute suite de points an £D ne possédant pas de
points d'accumulation dans D , il existe une fonction f holomorphe dans
D qui présente des zéros en tous les points an et en eux seuls **).
^ Supposons que la suite (an) est infinie. Pour chaque point a^
trouvons le point a n Ç dD le plus proche de an ; la quantité rn —
= | an — a n | 0 lorsque n oo. Pour tout z g {| z — a n | >
> rn} on a le développement

ln-^—^ - = ln \( 1 - ^z —a
- ^n )I = - ^2
z —a n k(z — a n)k
h= 1

qui converge uniformément en z pour | z — a n | > 2rn.

*) Ce développement a été obtenu par Euler en 1734-1735 sous la forme


sin nz = nz (1 — zil) (1 + z/1) (1 — zf 2) (1 + zl2)...
*♦) L’ordre du zéro de / en an est égal au nombre de termes de cette suit©
égaux à an.
250 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. Y

Donc pour J z — a n | > 2rn on peut choisir un entier naturel


p n tel que l’on ait

g — gn (an —an)fe
ln (n = l, 2, •). n i)
2—^71 k ( z — a n )k

Pour un tel choix de p n le produit infini

e fc=l fe(z-an)ft ( 12)


/ w = n (tts

converge sur chaque K (çz D. En effet, pour un tel K il existe un


entier N tel que \ z — a n | > 2rn pour tout n ^ N et tout z £ Zv.
La série de fonctions holomorphes sur K

< r» (* )= S (in ^+ S -^ 5 ^ -)
n=N h= 1
converge uniformément sur en vertu de (11), donc g N est holomor-
phe sur K et le produit
oo V {an~an^h
fs(z)= n (——)«*-* Hz'an)h=*Sn(Z)
est holomorphe et non nul sur K . Donc la fonction f définie par le
produit (12) est holomorphe sur K et ne s’y annule qu’aux points
a n £ K. La fonction / satisfait aux conditions du théorème, puisque
K est un compact arbitraire. A
Remarque. Si l’on admet que le domaine D contient le point
z = 0 qui n’est pas un zéro de la fonction / cherchée, on peut écrire
la formule (12) sous une forme différente. Remplaçons dans le se-
1 1 1
cond membre de (12) z par —, z
an par —an
et a n par a—n ; nous obte-
no ns
k

î— 1-.
/(*>= n \ <xk (
(13)

En particulier, si D = C, il faut poser tous les a n = oo et alors (13)


se transforme en la formule de Weierstrass (7).
Fermons ce paragraphe par deux importants corollaires du théo­
rème de Weierstrass. Le premier traduit le lien existant entre fonc-
$ 14] DÉVELOPPEMENTS DES FONCTIONS ENTIÈRES ET MÉROMORPHES 251

lions méromorphes et fonctions holomorphes. Plus exactement,


une fonction / méromorphe dans un domaine D se représente au voi­
sinage de tout point a £ D par le rapport de deux fonctions holomor-
phes dans ce voisinage: f (z) = ~ ^ (au voisinage d’un point
régulier on peut prendre (z) = 1 et au voisinage d’un pôle
(z) = (z — a)p, où p est l’ordre de ce pôle). Il se trouvé qu’on
peut construire une représentation globale de cette nature qui est
valable dans le domaine D tout entier.
Théorème 3. Toute fonction f méromorphe dans un domaine D
peut être représentée par le rapport de deux fonctions holomorphes dans
D (en particulier, si D = C, par le rapport de deux fonctions entières).
L’ensemble des pôles d’une fonction méromorphe dans un do­
maine D ne peut posséder de points d’accumulation dans ce domaine
(il s’ensuit de là qu’il est au plus dénombrable). Soit (an) la suite
des pôles de / dans D, chaque terme de cette suite étant répété un
nombre de fois égal à la multiplicité du pôle. Construisons à l’aide
du théorème 2 une fonction holomorphe dans D et présentant des
zéros en tous les points an et en eux seuls. Le produit f-\p = cp est
visiblement holomorphe dans D (chaque pôle est compensé par le
zéro de -if> de la série correspondante), donc / = ^ est la représenta­
tion cherchée. M
Remarque. Il est évident que, réciproquement, le rapport de
deux fonctions holomorphes dans Z) est une fonction méromorphe dans
D. Donc les deux définitions suivantes sont équivalentes:
1) une fonction est dite méromorphe dans D si elle ne possède
pas dans D de points singuliers autres que des pôles ;
2) une fonction est dite méromorphe dans D si elle se représente
par le rapport de deux fonctions holomorphes dans D.
Le deuxième corollaire du théorème 2 exprime le résultat annon­
cé au n° 27. Dans ce numéro nous avons appelé domaine d'holomor-
phie de / un domaine D dans lequel / était holomorphe et à l’extérieur
duquel elle n’était prolongeable analytiquement à travers aucun
point de dD.
Théorème 4. Tout domaine D d C est le domaine d1holomorphie
d'une fonction.
^ Construisons une suite de points an Ç D ne possédant pas de
points d’accumulation dans Z) et telle que tout point de dD soit
point d’accumulation de cette suite *). Formons en vertu du théorème 2

*) La démonstration de l ’existence d’une telle suite est laissée au soin du


lecteur.
252 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

une fonction / holomorphe dans D dont les zéros sont les points an
et eux seuls (cette fonction ne sera donc pas identiquement nulle).
La fonction / ne peut être prolongée à travers aucun point de dZ),
car si elle l’était à travers un point a de dD, celui-ci serait un point
intérieur du domaine d’holomorphie de / et comme a est un point
d’accumulation des zéros de /, on aurait / = 0 d’après le théorème
d’unicité. M

§15. Croissance des fonctions entières


47. Ordre et type d’une fonction entière. Soit donnée une fonc­
tion entière /; posons
M f (r) = max | f (z) |. d)

D’après le principe du maximum, M f (r) est aussi le maximum de


| / (z) | dans le disque {| z | ^ r}, donc M f (r) est une fonction
strictement croissante. Si la quantité Mf (r) ne croît pas plus vite
qu’une puissance de r sur la suite rk -* oo, disons M f (rh) ^ Ar™,
où A = const et m est un entier ^ 1 , alors f est un polynôme de degré
Ceci résulte des inégalités de Cauchy pour les coefficients du dé­
veloppement f (z) = 2 CnzU\ on a

d’où l’on déduit en faisant k oo que cn — 0 pour n > m.


Si l’on élimine ce cas comme étant trivial, pour estimer la vites­
se de croissance de Mf (r) il faut prendre des fonctions croissant
plus vite que toute puissance de r. La notion d’ordre apparaît lors
de la comparaison de AIf (r) et des fonctions er*\
Définition 1. On dira que Tordre d’une fonction entière / est
inférieur à p (ord p) s’il existe des constantes Cj et C2 telles que
M f { r )^ C fic*p
pour tout r ^ 0. Appelons ordre de / la borne inférieure de ces nom­
bres p :
ord / = inf {p : ord / < p}- ( 2)

S’il n’existe pas de tels p, on dira que f est d "ordre infini.


$ Montrer que la dérivée d’une fonction entière est du même
ordre que cette fonction. [N o t a: utiliser la formule intégrale de
Cauchy pour une dérivée. 1 $
'j> 15] CROISSANCE DES FONCTIONS ENTIÈRES 253

Théorème 1. Vordre d'une fonction entière f est donné par la


formule
ord / --=lim sup *n . (3)

^ Désignons le second membre de ( 3 ) par p . Par définition de


la limite supérieure, pour tout s > 0 il existe un r0 tel que
ln ln Mj (r) ^ ( p + e) ln r pour r > r0, d’où Mf (r) ^ erP+e. Puis­
que Mj (r) est strictement croissante, en posant C=max (Mf (r0), 1),
on trouve que M f (r) ^ CerP+s pour tout r ^ 0, i.e. ord / ^
^ p + £• De là on déduit, puisque e est arbitraire, que ord / ^ p .
Si ord / < p, il existerait un e > 0 tel que ord / ^ p — e, i.e.
M f (r) <^ C-fic^r9~z pour tout r et des constantes Cx et C2. Pour tout
r on aurait alors
ln ln Mf (r) ^ ln (ln C x+ C2rp- £)
ln r ^ ln r ’

et le second membre tendrait vers p — e lorsque r oo (le calcul


s'effectue sans peine avec la règle de l’Hôpital), or ceci contredit le
fait que la limite supérieure du premier membre est égale à p. Donc
ord / p. A
Exemple. La formule (3) permet de calculer l’ordre des fonctions
pour lesquelles Mf (r) se détermine facilement. Ainsi, d’après cette
formule e2", sin z, cos Y z et eeI sont respectivement d’ordre n,
1, 1/2 et oo.
Dans Jes cas plus compliqués les ordres des fonctions entières se
calculent à l’aide des coefficients de leurs développements de Taylor

/ (z) = Z I cnZn • (4)


71=0

Remarquons que d’après la formule de Cauchy—Hadamard (n° 20)


la fonction / est entière si et seulement si l i m n^ | c n | = 0 (on
71—► OO
peut remplacer la limite supérieure par une limite ordinaire, puisque
n/ \ cn 1^0). La vitesse à laquelle nf | cn | tend vers 0 définit
précisément l’ordre de la fonction.
Théorème 2. L'ordre d'une fonction entière est ^ p si et seule­
ment si les coefficients du développement (4) vérifient pour tout
7? = 1, 2, . . . la condition

(5)
>oii c est une constante.
2 54 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

► a) Si ord p, il existe des constantes Ci et C2 telles que


M f (r)^ C ieC*rP et alors, d’après les inégalités de Cauchy, | cn | ^
d fOÙ

« 1/p V W w \ ! ne ,:^~'nr+i Inn.


Cette inégalité est valable pour tout 0 et son second membre
est indépendant de r, donc on peut calculer le minimum du second
membre par rapport à r. Ce second membre présente un seul point
stationnaire pour r = r0, où rg = nl(C2p), et croît indéfiniment lors­
que r ^ - 0 et r —►
- oo, donc il présente un minimum en r0. En portant
r = r0 dans le second membre, on obtient
1+ln C2p
tt1/pV K I < C Î /ne p ,
d’où l’on déduit de toute évidence (5).
b) Si (5) a lieu, alors af \cn [->0 et la fonction / définie par
(4) est entière. De (5) il s’ensuit que | c7l |^ C r7/i“n/p et en portant
ceci dans (4), on trouve que pour tout r ^ O fixe
oo OO
ln 2c r - — lnn
**/(»■)< ko JL V («■)" ko I + 2 2n e
n
p (6)
n= 1
nn/p n= 1
Désignons l’exposant de l’exponentielle (en remplaçant n par x) par
cp (x) = x ln 2cr —~ ln x . La dérivée (p' (x) est nulle uniquement
pour x = x 0 = (2cr)p/e; la fonction cp (x) tend vers 0 et —oo lorsque
0 et oo respectivement. Donc le maximum de cp sur l’axe
positif est égal à <p (.r0) = x 0/p = C2rQ, où C2 = (2c)P/e. En rempla­
çant l’exposant de l’exponentielle dans (6) par cette valeur, on ne
fait que renforcer l’inégalité
oo

M f (r) < ko I + ec‘rP 2 = ko I + pC’rP-


n=1
Reste à poser C1 = | c0 | + 1 pour obtenir la majoration voulue
M f (r) ^ pour tout 0. ^
E xem ples. Le théorème prouvé permet de construire des exemples
de fonctions entières de tout ordre p donné, 0 <Ç p < oo: il suffit
dans (4) de prendre cn = n~n/p (alors V I cn | — 0 et par suite /
est une fonction entière). Le même théorème nous dit qu’une fonc­
tion est d’ordre nul si ses coefficients de Taylor cn = e~n2, et
d’ordre infini si cn = (ln n)“n.
Si l’ordre est donné, la notion de type nous donne une caracté­
ristique plus fine de la croissance d’une fonction.
§ 15] CROISSANCE DES FONCTIONS ENTIÈRES 255

Définition 2. On dit que le type d’une fonction entière / d’ordre


p, 0 < p < oo, est inférieur à a et on note typ / ^ a s’il existe une
constante C telle que
M t (r)^C e°r
pour tout 0. La borne inférieure des nombres a s’appelle type
de la fonction /:
t y p / = inf ( c : t y p / < a}. (7>
Si les nombres a n’existent pas, on dit que / est de type maximal (ou
infini) ; si typ / = 0, / est de type minimal (ou nul) ; si 0 < typ / <C
<C oo, / est de type moyen.
Le type d’une fonction entière / d’ordre p, 0 < p < oo, se calcule
à l’aide de la formule
typ / = lim sup , (8)
r-+oo rw
qui se prouve comme le théorème 1. Nous glisserons sur le calcul du
type d’une fonction à l’aide des coefficients de son développement
de Taylor.
Exem ples. La fonction cos az est du premier ordre et de type
a; la fonction s in ] /z /] /z (vérifier qu’elle est entière!) est d’ordre
1/2 et de type 1.
Hc Montrer qu’une fonction est entière, d’ordre or et de type
maximal si les coefficients de son développement de Taylor sont
cn = d’ordre P et de tyPe minimal si cn — 7
d’ordre p et de type cr si cn = (eap/n)n/p. sfc
La notion d’ordre d’une fonction entière a été introduite par
IL Poincaré en 1883 sous la dénomination suivante : une fonction / est
de genre k si ln Mf (r) = O (rk+1) lorsque r oo. La définition usu­
elle citée plus haut a été donnée par Borel *) en 1897.
48. Croissance et zéros. Téorème d ’Hadamard. On peut exhiber
des exemples de fonctions entières sans zéros croissant aussi vite
que l’on veut (ez, ee2, etc.) D’autre part, il existe une foule de pro­
positions montrant que si une fonction entière non identiquement
nulle s’annule très souvent, sa croissance sera très rapide. En d’au­
tres termes, on peut majorer le nombre des zéros d’une fonction en-

*) Emile Borel (1871-1956), mathématicien français, membre de la Résis­


tance Française pendant la Seconde Guerre mondiale.
256 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

tière à l’aide de son ordre. Exhibons quelques-unes de ces majora­


tions.
Théorème 1 (inégalité de Jensen *)). Si f est une fonction entière
telle que | j (0) | = 1**), nf (r), le nombre de ses zéros dans le disque
{ | z | < r}, chaque zéro étant compté un nombre de fois égal à sa multi­
plicité, et M f (r) — max | / (z) | , alors
|2|=r

$ ( 1)
0
^ Posons n = nf (r) et soient aly . . ., an les zéros de / contenus
dans le disque { | z | < r} et rangés dans l’ordre croissant de leurs
modules (chaque zéro est pris un nombre de fois égal à sa multipli­
cité). Eliminons ces zéros sans modifier le module de / sur le cercle
{ | z | = r} ; à cet effet, divisons / par le produit des fonctions ho-
mographiques fc = 1, . . n, qui sont nulles pour z =
r*~-akz
= an et égales à 1 en module sur le cercle { | z | = r}. D’après le
principe du maximum du module, pour { | z | < r} on a
/(z)
n

n r ( z —ah)
r2—âkz
n
En faisant z = 0, on obtient l ’inégalité rn/T f \ak \^LMf (r) que
k=i
l ’on peut encore écrire sous la forme
I Ci3 | 2 1 rn
CL\ | I I ajl f
I an-l I

*) J. Jensen (1859-1925), mathématicien danois; l'inégalité (1) résulte


de la relation qu’il a établie en 1899 pour les fonctions méromorphes
2jt
l n | /(°) I = 2 J J I d<p- 2 ln dk + 2 ln bk
l a n |<r | b fel<r

où la sommation est étendue à tous les zéros ak et aux pôles bk de la fonction /


dans le disque {| z \ < r), et z = 0 n’est ni un zéro ni un pôle.
**) Cette hypothèse ne restreint pas la généralité, car au lieu d’une fonction
entière / présentant un zéro de mu ltiplicite m à l ’origine on peut envisager la
f (z) m\
fonction zmpm) (Q) qui est aussi entière, possède le même ordre que / et les
mêmes zéros distincts de z = 0.
§ 15] CROISSANCE DES FONCTIONS ENTIÈRES 257

En prenant le logarithme de cette inégalité, on peut représenter le


premier membre par l’intégrale
ln h - + 2 1 n ^ 1) l n ‘ + rcln-
a7l-l
l«nl
(n—1) df n d£
-t
Iai 1* + IT
a* I ¥ + - + |an-
i 1I
=5 t
0
(on a tenu compte du fait que rif (t) = k sur l’intervalle J | ah |,
| ah+1 | [ et que rif (t) = 0 sur l’intervalle ]0, | a1 | [. Ceci nous
conduit à (1). A
Corollaire 1. Si f est une fonction entière telle que | / (0) | = 1,
dans les notations du théorème 1 on a pour tout r
nf ( r K l n M ^ e r ) . (2)
^ D’après l’inégalité de Jensen,
er
J d ^ l n A/,(er);
0
puisque ft / (Z)^0, le premier membre ne peut que diminuer lors­
qu’on remplace l’intervalle d’intégration (0, er) par (r, er) et
er er
$ àt^srif (r) j - y - = W/(r),
r r
puisque nf (t) ^ nf (r) en raison de la croissance de la fonction sur
l’intervalle ] r, er[. ^
Corollaire 2. Si f est une fonction entière d'ordre ^ p, 0 < p < oo,
teZZe / (0) = 1, Ze nombre de ses zéros contenus dans le disque
{ | z | <C r) croît moins vite que rp : il existe une constante C telle
que pour tout r ^ 0
nf (r ) < CrP. (3)
^ En vertu de (2), pour tout r ^ 0 on a nf (r) ^ ln Mf (er), mais
par définition de l’ordre on peut exhiber une constante C2 telle que
Mf ( r ) ^ eC2rP (on peut prendre C1 = 1, car / (0) = 1, cf. page 253).
D’où ln Mf (e r)^ C2 (er)p et en portant ceci dans la première iné­
galité, on obtient (3) avec une constante C = C2ep. M
Les corollaires 1 et 2 traduisent la propriété des fonctions entiè­
res signalée plus haut: si le nombre nf (r) des zéros d’une fonction
17-0714
258 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

entière / croît rapidement, il en est de même de M f (r). Le théorème


suivant estime la vitesse de convergence de la série des inverses des
modules des zéros d’une fonction entière au moyen de l’ordre de
croissance de cette fonction :
Théorème 2 (Hadamard *)). Si /, / (0) 0, est une fonction entiè­
re (Tordre fini p et {an} sont ses zéros, la série
1
2 P+e (4)
71—1 I «71 I
converge pour tout e >> 0.
^ On peut sans nuire à la généralité admettre que / (0) = 1.
La convergence d’une série à termes strictement positifs ne dépen­
dant pas de l’ordre des termes, la série (4) qui peut éventuellement
être divergente peut être mise sous la forme

P+e
IP+e 2 { 2 , V+e) ’
71=1 I a„ | k=0 lan6Ab 1 n 1 J
où la première somme est étendue à tous les zéros de / contenus dans
le disque U = { | z | < 1} et les termes de la deuxième somme, aux
zéros contenus dans la couronne Ah= {2h ^ | z 2A+1} ; certaines
de ces sommes peuvent manquer. Puisque la première somme est
bornée, le module de chaque zéro est ^ 2k dans An et le nombre
de zéros e s t ^ nf (2ft+x), on déduit de (5) que
1 Ylj (2ft+1)
2 2 2ft(p+e) *
71=1 I «fc !P+E fc=0
Mais pour les fonctions d’ordre p en vertu de (3) on a nf (2k+1) ^
^ C2<a+1)p, donc la série du second membre est majorée par une
série de termes C2{'h+1)v2lh^+z) = C2^l2hz, i.e. par une progression
géométrique de raison 1/28 < 1 et par suite est convergente. Donc
la série (4) converge aussi pour tout e > 0 . ^
Ce théorème est d’une grande importance pour les développe­
ments de Weierstrass. Au n° 46 on a montré que dans le développe­
ment de Weierstrass d’une fonction entière

oo z 1 / 2\P
/(z) = zme®<2> JJ ( 1 —-jp ) e“" + " ’+ ï^Tl“nJ " (6)
71=1
*) Jacques Hadamard (1865-1963), mathématicien français; il a démontré
ce théorème et le suivant en 1893 (sous une forme différente, car la notion d’ordre
était à l ’époque assez floue).
§ 15] CROISSANCE DES FONCTIONS ENTIÈRES 259

les nombres entiers p n pouvaient être choisis de telle sorte que la


série

2
71=1
(z/an)P"+1 (7)
converge absolument et uniformément dans tout disque { | z | ^
^ R}. Le théorème 2 permet de concrétiser cette proposition pour
les fonctions d’ordre fini.
Corollaire. Les degrés des polynômes

P - U - Z + ■ • ■ + £ ( £ ) ’’ <«>
du développement de Weierstrass (6) d'une fonction entière d'ordre
p <C oo peuvent être choisis égaux à la partie entière de p: p n = [p]
pour tout n.
^ La série (7) dans laquelle p n = [p] est majorée dans tout dis­
que { | z | < R } par la série
1
71= 1
I an I [p] + l

qui est convergente d’après le théorème 2, puisque [pi + 1 > p .^


Le théorème suivant particularise le choix de la fonction g dans
le développement (6) :
Théorème 3 (Hadamard). Dans le développement de Weierstrass
(6) d'une fonction entière d'ordre p, la fonction g est un polynôme de
degrés [p].
^ Sans nuire à la généralité on peut admettre que / (0) = 1 et
que les zéros de / sont rangés dans l’ordre croissant de leurs modules.
Fixons R > 0 et désignons par N = N (R) l’entier naturel tel que
| an .R pour tout n ^ N et \ aN+1 | > R. Mettons le dévelop­
pement (6) sous la forme f (z) = Q n (z) f n (2)> où QN (z) est le pro­
duit des facteurs de (6) dont les zéros sont contenus dans le disque
{ | z | < R}, soit

(9)
71=1

et fN (z) le reste de (6), soit


260 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

D’après le corollaire du théorème 2 on admet que les degrés de tous


les polynômes P n sont égaux à [p],
La fonction f N est 0 dans le disque { | z | < R}, donc le théo­
rème de la monodromie affirme l’existence d’une détermination ho-
lomorphe
SiV(2) = ln fN (z) =
N 00

= ^ (2 )+ 2 ^ n (2 )+ S {ln(l-^)+ PnW }. (10)


n=l n=N+l

Il nous faut prouver que g est un polynôme de degré ^ [p], i.e. que
les coefficients ck du développement de Taylor de cette fonction en
z = 0 sont nuis pour k > [p]. D’après ce qui a été prouvé au n° 46,
la série de (10) converge uniformément dans tout disque, donc d’a­
près le théorème de Weierstrass du n° 23 on peut la dériver terme à
terme et pour k > [p] l’on obtient
1
*h(N) = I an \h
n=N+h
|o n a tenu compte du fait que deg P n = [pl et que le coefficient
de zh dans le développement de ln ( 1 — est égal à k \ ~â^\T ) «
D’après le théorème 2, la série composée des -y^—j^-, &>[p], est
convergente, donc la somme du second membre tend vers 0 lorsque
N oo. Or les coefficients ch ne dépendent pas de N, donc pour
prouver que ch = 0 lorsque Æ>[p], il suffit de prouver que
cft(iV)->0 lorsque N o o à k fixe.
Il faut à cet effet se servir de la contrainte imposée à la
croissance de la fonction / par la condition ord / = p. Signalons
que pour \ z \ = 2 R et n ^ N , on a 11-—I ^ - ■2R -T ^ 1. En
I an I Ian —1 I
vertu de (9) on a alors | Qn (z) 1 ^ 1 sur Ie cercle {| z \ = 27?}. Donc
/(«) <A 7y (27?)
I Î n (z ) I —
Qn (z)
sur le cercle { | z \ = 27?}. D’après le principe du maximum du mo­
dule, l’inégalité | f N (z) | ^ M f (2r) est valable pour | z | <C 27?
et dans le domaine { | z 7?} de définition de la fonction gN =
= ln / N on a Re gN {z) ^ ln Mj (27?). Par définition de l’ordre
d ’une fonction il s’ensuit de là que pour | z |^ 7 ?
Re gN (z)< ln Cx + C2 (27?)p, ( 11)

où Cj et C2 sont des constantes.


§ 15] CROISSANCE DES FONCTIONS ENTIÈRES 261

Nous sommes contraints de nous servir ici d’inégalités analogues à


celles de Cauchy pour les coefficients du développement taylorien
et dans lesquelles le maximum du module de la fonction est remplacé
par le maximum de sa partie réelle :

I (iV) K - J r max Re {gN (z) —gN (0)}.


n I z|
Ces inégalités seront prouvées en Annexe (cf. (14), page 297). En
tenant compte de (11) et du fait que gN (0) = ln f N (0) = 0, on en
déduit que
I ^ W I < - ^ { l n C 1+ C2(2iî)p}.

Lorsque i? -> oo il en est de même de N = N (R)y donc ch (N) -> 0


lorsque N oo pour tout k > p. ^

Les théorèmes d’Hadamard contiennent une importante informa­


tion sur les développements de Weierstrass des fonctions entières
d’ordre fini. Le deuxième théorème est particulièrement important:
en effet, on ne sait pas comment déterminer la fonction entière g
du développement (6) (on n’a démontré que son existence) et si cette
fonction est d’ordre fini p, le théorème nous dit que ses coefficients de
Taylor ne sont pas en nombre infini mais en nombre fini inférieur
à p.
Exemple. L’ordre de la fonction entière étant égal à 1, tous
les polynômes P n et la fonction g sont linéaires, donc son développe­
ment de Weierstrass est de la forme

iiîî-L = eaz+b n ' ( l - i )


n=-oo
et il reste à déterminer les seules constantes a et b. En faisant tendre
z vers 0, on trouve que b = 0 ; en se servant de la parité de la fonc­
tion et en remplaçant z par —z, on obtient a = 0. Nous retrou­
vons donc le développement connu (cf. formule (9), n° 46)

sinz = z n ( 1 - ^ r ) eZ/(nn) = z 5 f 1 — 5 Ê r ) -
71=-oo 71=1

# Montrer que les fonctions entières d’ordre p < oo fractionnai­


re possèdent une infinité de zéros.
262 MÉTHODES ANALYTIQUES ICH. V

§ 16. Autres théorèmes faisant intervenir


la croissance
49. Principe de Phragmén — Lindelof. Si une fonction / est
holomorphe dans un domaine D et continue dans D, le principe du
maximum (n° 37) nous dit que si \ f (z) M sur dD, il en sera de
même sur D tout entier. Cependant cette inégalité est mise en dé­
faut si la continuité est violée en un point au moins de dD. Considérons
par exemple le disque D = {x2 + y2 < x} et la fonction J (z) =
= e1/2 holomorphe dans D. Cette fonction est continue dans Z)\{0},
1 X

elle a un module | e z | = ex2+î/2= e partout


sur dÆX^O} et prend des valeurs aussi
grandes que l’on veut à l’intérieur de D.
Pourtant l’inégalité ci-dessus reste en
vigueur si l’on exige que la fonction / ne
croisse pas trop vite lorsque z se rapproche
d’un point exceptionnel de la frontière.
Cette proposition s’appelle principe de
Phragmén — Lindelof et possède d’impor­
tantes applications en analyse ; énonçons-le
avec plus de rigueur et prouvons-le pour
certains types de domaines.
Considérons tout d’abord un angle.
Sans perdre en généralité on peut admettre
à l’origine z = 0 et qu’il est symétrique par
rapport à l’axe x , i.e. est de la forme
Sa = {zÇC: | Argz | < } (1)
(fig. 83).
On admettra que le point à l’infini est un point exceptionnel de
la frontière dSa et on conviendra de caractériser la croissance de /
au voisinage de ce point par V ordre angulaire p et le type angulaire
a : si M f (r) = max | f (z) | sur l’arc yr = { | z | = r , z ( : S a},
alors
p = lim supIn— , a = lim s u p i^ 2 . (2)
y>—
vOO ^ ** r->OO r
Théorème 1 (Phragmén — Lindelof *)). Soit f une fonction holo­
morphe dans Vangle S a, prolongeable par continuité aux points finis de
dSa et telle que | f (z) M sur dSa. Si en outre l'ordre angulaire
p de f est < a, alors | f (z) | ^ M partout dans *Sa.
*) Lars Edward Phragmén et Ernst Lindelof, mathématiciens suédois, ont
prouvé ce théorème en 1908.
§ 16] AUTRES THÉORÈMES FAISANT INTERVENIR LA CROISSANCE 263

^ Prenons des nombres e > 0 et p \ p < p ' < a et soit la


fonction fz (z) = / (z) e“ezP\ où la détermination de e_8zP est définie
par la condition | A r g z | < - ^ - . Si l ’on pose z = rei(v, alors

\ f e(z) 1= 1/(z)

donc sur dSa, où <p= ± -j£ - et | p'cp | , on a | /e (z) \ ^ M


et par définition de l ’ordre angulaire, pour tout r de l’arc yr on a
| f B(z) |
où p " < p' et r0. Puisque sur cet arc cos p'<p^ cos > 0
et p < p', le second membre tend vers 0 lorsque r->- oo pour tout
e > 0, donc pour r assez grand | / e (z) M sur y T. En appliquant
le principe du maximum au secteur limité par d S a et par de tels arcs,
on trouve que | f e (z) M en tout point z Ç S a. Vu que e > 0
est arbitraire, en le faisant tendre vers 0 on trouve que | f (z) | ^ M
en tout point z Ç S a.M
Remarque. Plus l’angle est petit (i.e. plus oc est grand), plus le
principe du maximum est valable pour les fonctions à croissance ra­
pide. L’estimation p < oc est exacte dans le théorème: le principe
n’est plus valable pour p = cc. On le voit sur l’exemple de la fonction
/ ( 2 ) = e205 holomorphe dans S a (on envisage la détermination pour
laquelle | Argz | < ^zcc/
) ; sur dSa on a | f (z) | = eracosa<p| c p =*- = 1
et / n’est pas bornée sur S a.
On peut néanmoins préciser ce théorème : le principe du maximum
reste valable pour les fonctions d’ordre angulaire cc, pourvu que l’on
tienne compte du type angulaire.
Théorème 2. Soit f une fonction holomorphe dans un angle S a,
d'ordre angulaire cc et de type angulaire a. Si en outre f est prolongea-
ble par continuité aux points finis de dSa et | f (z) M sur dSa,
alors pour tout z Ç rei(p Ç S a
| f(z) |< M e aracosa(P. (3)
► Fixons e > 0 et considérons la fonction /e (z) = / (z) e-(a+e>z°S
où la détermination de za est définie par la condition A r g z <
Sur les côtés de l ’angle on a | /e (z) (cf. démonstration du
théorème précédent) et sur l ’axe réel, | f z (x) | ^ C e a'*a“(a+8>xa, où
g' > et C est une constante. En choisissant or' < a + e, on trouve
g

que /e est bornée sur l ’axe réel; supposons que \ f G( x ) \ ^ M e.


2 64 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

En appliquant le théorème 1 à chacun des angles


Sa = { 0 < A r g z < - ^ - } et S'â = { — Arg z < ûj
(ce qui est possible puisque les angles S'a et S'a sont deux fois plus
petits que S a), on trouve que | / e (z) | (dans S'a et Sa, donc dans
S a) est inférieur à max (M, M &). Donc / e est bornée sur S a et
puisque \ f e (z)^. M sur dSa, le théorème 1 nous dit que | / e (z) ^ M
partout dans S a. Mais alors | f (z) M | e(a+e)z061 = Me(a+8)racosa(p.
En faisant tendre e vers 0, on obtient (3).
Corollaire 1. Si dans les conditions du théorème le type angulaire
est minimal (a = 0), alors | f (z) M pour tout z Ç S a.
► Ceci résulte de (3) pour a = 0 .^
Corollaire 2. Si une fonction entière f d'ordre p = 1 et de type infé­
rieur à a est bornée sur Vaxe réel, pour fixer les idées f ( a ) ^ M, alors
en tout point z = x iy £ C on a
| f(z) |<ATe°lvi. (4)
► Si z = rei<p appartient au demi-plan de droite, alors g (2) =
= / (iz) satisfait aux conditions du théorème 2 avec a = 1, donc
| / (iz) | <M e°r cos q> ( —jr/2 < cp< ji /2) .
En remplaçant z par —iz (et <p par q) —ni2), ontrouve que
|/(2 ) | ^ M e 0rsin,P= Me°y dans le demi-plan supérieur. De façon
analogue, 1/(2) \ dans le demi-plan inférieur. <4
Corollaire 3, Soit f une fonction entière d'ordre inférieur à \ ou
d'ordre 1 mais de type minimal. Si f est bornée sur une droite quelconque,
alors f = const.
► La fonction / est bornée dans chacun des demi-plans en les­
quels cette droite partage C: si l’ordre p < 1, d’après le théorème
1, et si p = 1 mais a = 0, d’après le corollaire 1. Donc / est bornée
dans C et constante d’après le théorème de Liouville.^
11 est curieux de remarquer que la fonction sinus est bornée sur
l’axe réel à la limite : si la fonction entière sin 2 était d’ordre C 1
ou d’ordre égal à 1 mais de type minimal, elle ne pourrait plus être
bornée (puisque pas constante) sur aucune droite!
Dans la démonstration des théorèmes 1 et 2 le fait que la fonction
eza est bornée sur dSa et non bornée dans S a a joué un rôle fondamen­
tal. Cette propriété provient du fait que 2-^2® applique S a sur le
demi-plan de droite (la fonction ez est bornée dans le demi-plan de
droite). Cette remarque permet de généraliser le principe de Phrag-
mén — Lindelôf à un domaine simplement connexe D à frontière dif­
férentiable par morceaux.
§ 16] AUTRES THÉORÈMES FAISANT INTERVENIR LA CROISSANCE 265.

Puisque la croissance des fonctions n’est importante qu’au voi­


sinage du point marqué £o 6 dD, il suffit de construire une fonction
c p , cp ( £ 0) = oo appliquant de façon conforme une partie de D adhé­
rant à £o sur une partie adhérant au point à l’infini du secteur
| | Arg z | < 2(1+ e)} vo^s^n du demi-plan de droite (e > 0),
et le reste de D , sur un domaine borné. La fonction e^ qui, traitée
comme une fonction de la variable q), est du premier ordre sera bor­
née en tous les points frontières finis du domaine q) (.D). En lui ap­
pliquant le théorème 1 dans lequel p = l , a = l + e e t l e domaine
est confondu avec S a dans un voisinage du point à l’infini, on obtient
le principe de Phragmén — Lindelôf sous la forme suivante :
Théorème 3. Soit f une fonction holomorphe dans un domaine D
à frontière dD différentiable par morceaux, continue partout dans D
sauf en un point £0 £ dD au voisinage duquel | f (z) | ^ eRe<p(z), où
cp est Vapplication conforme construite plus haut. Si | f (z) M pour
tout z Ç <9Z)\{£0}, alors | / (z) | ^ M pour tout z g Z).
Par exemple, pour la demi-bande Ta = {Re z > 0, | Im z | <
C a} on peut prendre q) (z) = enz/(2a'\ où a ' > a. On constate que
si / est holomorphe dans Ta, continue aux points finis et | f (z)
^ M en tous ces points et si de plus | / (x + iy I < eenx^ 2a/>>pour
tout x^? x 0 et | y \ < a, alors \ f (z)^Z M partout dans T a. On
voit donc de nouveau que plus la bande est étroite, plus le principe
du maximum est valable pour les fonctions à croissance rapide.

50. Théorème de Kotelnikov *). Pour illustrer la théorie dévelop­


pée ci-dessus considérons un problème qui trouve des applications
pratiques dans la construction des filtres à fréquence. Rappelons
qu’une fonction / se représente par une intégrale de Fourier de la
forme
oo

f(x ) = -— J f (©) eiax d©, (1)


—oo

où f s’appelle fonction spectrale: ceci est l’analogue continu de la


représentation d’une fonction périodique par une série de Fourier.
Le lien entre cette représentation et les fonctions entières est expri­
mé par le

Théorème 1. Si une fonction f non nulle uniquement sur un inter­


valle] — a, [c: R est de classe L2 ] — a, a[, i.e. est absolument inté­
g

*) Vladimir Kotelnikov (né en 1908), célèbre savant soviétique, vice-


président de l ’Académie des sciences d’U.R.S.S.
266 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

grable sur cet intervalle, sa transformée de Fourier

m “7 s S d“ ( 2)

est une fonction entière d'ordre 1 et pour p = 1 de type^L a.


^ L’holomorphie de / dans le plan tout entier résulte de la pos­
sibilité de dériver sous le signe d’intégration (ou, sinon, du théorè­
me de Morera du n° 21). Sur l’inégalité
G G
I 1 ^ f (<a) ei<Mdco 4 r S l / ( ® ) | e la," z' dco<
J V^n -a -G

J |/(œ)|dffl (3)
* -G

un voit que ord /< ! 1, et pour ord / = 1 que typ /< ! a. ^


Remarque. On voit sur (3) que dans les conditions du théorème
précédent la fonction / est bornée sur l’axe réel lorsque t-*- 0.
Attardons-nous maintenant sur un problème d’interpolation.
Soient données une suite de points {an}cz C convergeant à l’infini et
une suite arbitraire de nombres complexes {bn} ; on demande de trou­
ver une fonction entière / telle que / (an) = bn pour tout n = 1, 2,...
Donnons tout d’abord une solution formelle de ce problème en
.supposant pour simplifier que les points an sont tous distincts. D’a­
près le théorème de Weierstrass du n° 46, il existe des polynômes P n
tels que le produit infini

<4>
71=1

^converge. Ce produit est une fonction entière présentant des zéros sim­
ples en tous les points an, donc pour n fixe la fonction ^
♦qui est aussi une fonction entière, tend vers 1 lorsque z an et est
nulle en tous les autres points am (m ^ n). La solution du problè­
me posé est donnée par la série

<5 >
71=1

csous réserve bien sûr qu’elle converge uniformément sur tout compact
-de C.
<§ 16] AUTRES THEOREMES FAISANT INTERVENIR LA CROISSANCE 267

% Montrer que si an = raô, où ô est un nombre quelconque > 0


«et | bn c/ni+z, où c et e sont des constantes > 0, la série (5)
•converge pour tout z vers une fonction entière.
La solution de ce problème n’est pas unique : si f 0 est une solution,
/ = / 0 + fecp, où h est une fonction entière arbitraire, en sera une
.aussi (en effet, cp = 0 en tous les points an). Il est aisé de voir que
/toute solution / de ce problème est de cette forme : la différence
./ — / o doit présenter des zéros du premier ordre au moins en tous
les points an et par suite le rapport (/ — / 0)/cp = h est une fonction
♦entière.
Le problème d’interpolation envisagé se pose sous une forme dif­
férente. On se donne les nœuds d’interpolation et on établit les con­
ditions sous lesquelles une fonction est définie de façon unique par
ses valeurs en ces nœuds.
Théorème 2 (V. Kotelnikov). Soient donnés un nombre fixe a >
> 0 et des nœuds d'interpolation an = nul a (n = 0, ± 1, . . .).
Une fonction entière f d ordre 1 et de type r < a, bornée sur Vaxe réel,
:se restitue de façon unique par ses valeurs en ces nœuds à Vaide de la
formule

/(« > - S t K ) ’Z (1 7 , T • <6>


7 1 = -O O

Avant de prouver ce théorème, on remarquera que la fonction


t(4) construite au moyen des nœuds an = nn/o est de la forme

7 l= -0 0

t(cf. (9), n° 46). Puisque cp' (an) = cos nn = ( — l)n et


sin o (z — an) = ( — l)n sin crz, on a
cp ( z ) sin oz _sin o ( z — a n )
cp' (an) (z—an ) g ( — l ) n (z — a n ) g (z—an ) ’
•donc la série (6) est un cas particulier de la formule d’interpolation
générale (5) pour les nœuds donnés. Reste à prouver que cette série
converge vers / (dont l’existence est supposée) et que cette fonction
♦est restituée de façon unique par ses valeurs aux nœuds.
Pour les besoins de la démonstration nous devons établir une pro­
priété de la fonction sinus.
Lemme. Le sinus est séparé du zéro sur les cercles y n = { | z \ =
/ i \
“ *'e* ^ existe une constante m > 0 telle que pour
-z = x + iy £ y n (n = 0, 1,2, . . .) Von a
(7)
268 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

^ D’après une formule identique à la formule (4) du n° 14 on a


sin z = Y sin2# + sh2 y, et puisque nous avons affaire à une fonc­
tion paire en y, il suffit de la minorer pour y ^ 0. Choisissons un
nombre y 0, 0 <C y 0 < ni4 et remarquons que pour y ^ y0 nous avons-
| sin z | -^(ey — e^0) ^ tfi1ey, où m1 > 0 est une constante. Pour
0< i/o sur fous les cercles y n on a | sin z | | sin x | ^ c, où
c > 0 est une constante (pour y ^ y 0 la valeur de x diffère peu de
± (n + y ) n sur y n et le sinus est égal à ± 1 en ces points). On
peut donc admettre qu’en ces points | sin z | ^ m 2 ey<» ^ m2ey, où
m2 > 0 est une constante. En prenant m = min m2), on obtient
(?).◄
Penchons-nous maintenant sur la démonstration du théorème 2..
^ a) Convergence. Fixons N et désignons yN = j | z | ==•
= ( ^ + y ) n/,<T} et

f "<2> = 2 5 S l ï ï S f î ^ T - ®

D’après le théorème des résidus, pour tout z intérieur à y N on a


^ ( ^ - ü î L + 2 - ^ --------î _ =
** v ' sinaz 1 o cos oan an - z
(V^)
= /(*) y ( l)n / (fln) (9Î
sinaz ^ a(z—an) ’ ' ^
(Vjv)
où la sommation est étendue à tous les nœuds a n intérieurs à y K
La fonction / satisfaisant aux conditions du corollaire 2 du numéro'
précédent (le type a est remplacé par x), on a sur y N

| f ( Q |< M e * i lm&i = ilfet' > |sin<l, (10)

où r N = (-W+ y ) Jt/cr est le rayon de yN, t = Arg£ et M , une


constante. D’après le lemme on a sur yN
| sina£ |> /» e arw|sin<l. (11)

Pour tout point z Ç C choisissons N tel que r N^ 2 \ z \ ; pour


£>£ y N on aura alors | £ — z | > r Nl2 et | d£ | = r Ndt. En esti­
mant P intégrale de (8) à l’aide des inégalités (10) et (ll) r on trouve*
$ 16] AUTRES THÉORÈMES FAISANT INTERVENIR LA CROISSANCE 269

2jï Jt/2
Ii Fw
n \(zy
) i\ \< —n m j[ e-(<J-T)rJv|sint| di = —
jtm J[ e~i0- x)rNsint àt
o o
{on s’est servi de la symétrie de | sin t | ). La fonction sinus étant
convexe sur ] 0, jt/2[, on a sin t ^ 2t/n, donc
jt/2 2 r N ( a - x ) t
ÎT ‘dt-- 2M
(1 _ e"(<T"T>r^) (12)
m (a—t) rN

«et tend vers 0 lorsque iV-> oo. De (9) on déduit alors en faisant
tendre N oo
oo
^ /(fln) ( —l)n sinaz
Î{Z)~ ^ 51Î=S^) ’

vet puisque ( — l)n sin gz = sin a (z — a n), ceci est confondu avec
< 6 ).
b) Unicité. Supposons qu’à part / il existe une fonction entière
g d’ordre 1 de type ^ t prenant les valeurs / (an) en an. D’après ce
•qui a été prouvé plus haut, il existe alors une fonction entière h
telle que / (z) — g (z) = h (z) sin gz pour tout z. Pour z fixe choisis­
sons le cercle y N tel que son rayon rN = - jn /a > 2 | z | et
'écrivons la formule intégrale de Cauchy

fe(z) * C /(D-*<D *
' ' J
2n i sma£ £ —z
ViV
La fonction / — g satisfait aux conditions du corollaire 2 du
n° 49, donc pour h on peut répéter intégralement l’estimation effectuée
•dans a) pour F N et qui nous a conduits à (12). Mais la fonction h
ne dépend plus de N , donc en faisant tendre N vers l’infini dans cette
•estimation, on trouve que h = 0, i.e. / =
Attardons-nous un peu sur l’interprétation du théorème 2. En
radiotechnique et en téléphonie pour transmettre un signal / on se
sert de la méthode de modulation des impulsions qui consiste à trans­
mettre non pas toutes les valeurs de ce signal, mais seulement celles
•qui sont prises à certaines dates x = tzô, où ô > 0 est un intervalle
fixé (ici et dans la suite la variable x est assimilée au temps). Il se
pose tout naturellement la question de savoir s’il est possible de res­
tituer de façon unique le signal transmis par ces valeurs. De la dis­
cussion du problème d’interpolation il ressort clairement que ceci
<est impossible dans le cas général même si / est une fonction entière.
270 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V"

Mais en pratique les signaux transmis passent à travers des fil­


tres qui éliminent les hautes fréquences de leurs spectres. D’autre-
part, seule une bande étroite de fréquences, présente un intérêt prati­
que : ainsi l’oreille humaine est capable de distinguer des fréquences
allant jusqu’à 15 kilohertz ; pour reproduire la parole humaine il suf­
fit d’une bande de 4 à 5 kilohertz, etc. On voit donc que pour les be­
soins pratiques on peut se limiter à une certaine bande de fréquences
et supposer par exemple que le spectre appartient à un intervalle
[ — cr, cr], où g > 0 est un nombre fixe.
La décomposition du signal / en un spectre continu suivant les
fréquences co est traduite mathématiquement par l ’intégrale de Fou-
rier (1), quant au théorème 1, il affirme que si le spectre des fré­
quences appartient strictement à l’intervalle [— a, a], le signal f
est une fonction entière d’ordre 1 et de type x < o, bornée sur Taxe
réel. D’après le théorème 2, ces signaux sont restitués de façon uni­
que par leurs valeurs aux instants x = nnlo (n = 0, ± 1, . . .)-
Par ailleurs, l’impulsion appliquée à un instant a est exprimée par
la fonction de Dirac ô (x — a). Son intégrale de Fourier est de la
forme
oo
ô (x — a) = —-| =- J e ^ * '^ dco

et si l ’on limite la bande des fréquences à l ’intervalle [ —cr, <t]7


1 [ e i ( ù( x- a) = const sin ,go (^x —.fl' .
j/2ît J a)

On reconnaît ici les termes de la somme (6) aux facteurs près expri­
mant l’intensité des impulsions.
Remarque. La série (6) n ’est pas nécessairement absolument con­
vergente et sa somme doit être comprise comme suit
N
sin a (z —an)
lim 2 /K ) a (z — an)
N-+<X>
n = -N
La restitution univoque des signaux à spectre des fréquences con­
tenu dans la bande [ — a, a] sur le vu des valeurs de ces signaux à
des intervalles de temps discrets an = nn/o revêt une signification
fondamentale dans la théorie et la pratique de la transmission des
communications. Ce fait ainsi que la formule (6) de restitution d’un
signal au vu des données transmises ont été mis en évidence par
V. Kotelnikov *) en 1933.
*) Signalons que Kotelnikov ne s’est pas servi de la théorie des fonctions
entières et a établi la formule (6) à partir de considérations physiques. Par ail­
leurs, le problème d’interpolation de fonctions entières a été envisagé antérieu­
rement en mathématiques, mais pas dans la perspective d’applications prati­
ques.
§ 17] ESTIMATIONS ASYMPTOTIQUES 27Î

§ 17. Estimations asymptotiques


On étudie des méthodes élémentaires de déduction d’expressions
approchées d’intégrales dépendant d’un paramètre pour de grandes
valeurs de ce dernier. Ces méthodes sont très importantes pour les
applications pratiques.
51. Développements asymptotiques. Commençons par la descrip­
tion d’une méthode originale utilisée en 1754 par Euler pour le
calcul de l’intégrale

o
Cette intégrale ne s’intégrant pas par des fonctions élémentairesy
oo
Euler décomposa 'z^ t en la progression géométrique 2 (—l)n- ^ r
n=0
et bien que celle-ci ne converge uniformément qu’à l ’intérieur de
l ’intervalle ] — \ z \ , | z | [, il l’intégra terme à terme sur [0, oo)

71=0 0 71=0

(pour 0 entiers les intégrales du second membre se calculent fa­


cilement par parties; on peut se rappeler aussi que T (n -f 1) = n\
cf. n° 27).
Ce procédé est certes illicite et la violation des règles de l’analyse
ne resta pas impunie : la série du troisième membre de (2) diverge
pour tout z. Et pourtant le procédé d’Euler a un sens. En effet, la
différence entre la valeur de l’intégrale et la somme partielle de la
série (2) est

/ w - s ^ = u v s
k=Q 0 h—tl 0
et puisque \ z Jr t \ ' ^ \ z \ pour {R ez> 0} et 0, on a

fc=0 . 0

pour tout z tel que {Re 2 > 0 } .


Pour tout n fixe et | z \ grand, cette différence est un infini­
ment petit d’ordre supérieur par rapport aux termes de la somme par-
1 ■].
tielle (le dernier d’entre eux est d’ordre - -n \ Donc les sommes par­
tielles de la série (2) approchent bien les intégrales dans le demi-plan
272 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

{Re z > 0} pour | z | grands, bien que cette série soit divergente.
Cet exemple est le premier exemple de développement asymptoti­
que.
Définition. Soient M c C un ensemble pour lequel le point à
l’infini est un point d’accumulation, et / une fonction complexe dé-
oo
finie sur M . La série 2 qui est éventuellement divergente s’ap-
n=0
pelle développement asymptotique de la fonction / sur l’ensemble M .
On note ceci

(3)
71=0
si pour tout n ^ O
n

lim * » { / ( * ) - 2 -£ } = 0. (4)
Ï?M *=°
Le sens de cette définition est le suivant: pour tout n fixe, les
sommes partielles de la série approchent / sur M lorsque z -*■ oo avec
une erreur qui est un infiniment petit d’ordre supérieur par rapport
au dernier terme de la somme partielle.
Théorème. Si une fonction f admet un développement asymptoti­
que sur M , les coefficients de ce développement sont définis de façon uni­
que par les formules
co= lim / (z),
ci = lim z {/ (z) —c0},
............................................... (5)
n- 1
cn = lim zn {/ (z) — 2 -jjr} »
h=0

où les limites sont prises pour z oo, z Ç M .


>> Les formules (5) résultent directement de (4). ^
La réciproque est visiblement fausse : les développements asymp­
totiques ne définissent pas des fonctions. (Par exemple, les fonctions
e”2 et / (z) = 0 ont sur l’axe positif les mêmes développements asymp­
totiques, des développements avec des coefficients nuis.)
S 17J ESTIMATIONS ASYMPTOTIQUES 273

On démontre sans peine que les développements asymptotiques


peuvent être additionnés et multipliés terme à terme : si / (z) ~
oo oo
~ 2 et e (z) ~ 2 , alors
n —0 n=0

/(z)gfr> ~ 2 Codn+-;,;+Cndo .
n=0 n=0
Supposons que g (z) 0 sur M ; en généralisant (3) on écrira

/ 00 ~ e (z) 2 - r ( 6)
71=0

/(*)
g (z) ‘2
i—i -ïh
z{ s™ M.
n= 0
Exemple. En théorie des probabilités on rencontre l’intégrale
oo
2
Erf x- U Ç e - '8df.
v n J
Pour obtenir son développement asymptotique intégrons par parties

S d‘ " - T S T d («*•-) “ - ê r ~ T l *■ -" 4 r


X X X

en répétant cette opération, on obtient

[ e x*-taàt = —------- — (- a - ( _ i ) n- i .1,3 ••• (2n~ 3) _[_


} L 2x T-x3 ‘ L> 2nxin~1 '

Il est aisé de voir que le dernier terme est d’ordre inférieur à celui
de i/x21\ Donc le développement asymptotique cherché est de la
forme suivante sur l’axe positif x :
Erf a; _A _e- x 2 / J _____L . + J J - - J ± L +
yn l 2x ~ 22z5 2W ^

Signalons que les développements asymptotiques sont parfois


compris dans un sens encore plus large : au lieu des puissances né­
gatives de z on prend un système arbitraire de fonctions q)n (z)
tendant vers 0 lorsque z->- oo sur M et telles que cpn+1 = o (<pn)
1S-0714
274 MÉTHODES ANALYTIQUES [C H . V

pour tout n et on écrit


/ (z) - 2 Cn<pn (Z) (7)
n=i
n
si f (z)— 2 ch(Ph (2) = o (cpn (z)) pour tout n lorsque z->-oo, z ^ M .
h=\

Exem ple. L ’équation différentielle pour la fonction de Bessel


d’ordre zéro est de la forme
( 8)

La substitution y = u lY x nous conduit à l’équation


1 W.
u '+ u = 4a:2
En admettant que le second membre est connu, on peut se servir de
la formule de Cauchy du cours d’équations différentielles qui dit que
oc
u = a cos (x — a) — ~ ^ sin (x —t) - d£,
oc0
où a et a sont des constantes arbitraires. On voit sur cette for­
mule que la fonction u reste bornée lorsque x oo le n effet, si

M (x) = max |w(£)|, alors M (x)^. |a| + X -M {x) , d’où


te]x0, x[ 4 xo
M (x )^ i----—— Donc on peut prendre :re = oo et

oo

u (x) = a cos {x —a) + ^ sin (x —/) ~ p - dL (9)


X

Puisque u (x) est bornée, l’intégrale de (9) tend vers 0 lorsque


x + oo. En posant u (x) = a cos {x — a) + Wj (z), on trouve
que ux (a:) = o (1) et pour ux on aura l’équation
oo oo

u ,( x ) = - |- ^ sin (x — t) cos (t— a) —1"X S s*n (x ~ t)(^ )


X X

En faisant la substitution
sin (x — t) cos (t —<x) = -7j- [sin (a: —a) -f sin (x— 2 f+ a)],
§ 17] ESTIMATIONS ASYMPTOTIQUES 275

on met en évidence une intégrale élémentaire et on remarque que les


deux autres intégrales sont d’ordre o (llx) ; donc

ui (x) = -g—sin (x —oc) + u2 (x),

où w2 (x) — 0 (1/æ). En portant ceci dans (10), on trouve par analo­


gie
u2(x) = —-J^-co s(;r —oc) + o(l/;r2).

En poursuivant cette procédure on obtiendra des approximations de


plus en plus précises.
En revenant à la variable y = u /Y x , on trouve le développement
asymptotique des solutions de l’équation de Bessel (8):

+ (il)

Pour a = Y 21n et oc = jt/4 on obtient, en particulier, le développe­


ment asymptotique de la solution standard de l’équation (8):
la fonction de Bessel J 0 (x).
52. Méthode de Laplace *). Cette méthode s’applique aux fonc­
tions d’une variable réelle et donne une estimation asymptotique
des intégrales de la forme
b
F (X) = J cp (t) df, (1)
a

[fl, 6]cz R, pour de grandes valeurs positives du paramètre X. Le


principe de cette méthode est élémentaire: si une fonction / pré­
sente un maximum absolu en un point t0 de [a, 6], ce maximum sera
plus prononcé pour les grandes valeurs de X. Donc pour de grands X
la principale contribution à la valeur de l’intégrale provient du voi­
sinage du point £0, la partie restante de l’intervalle d’intégration
élant insignifiante **).
Cette méthode repose sur un lemme dans lequel la fonction /
est de la forme spéciale / (t) = — ta et le maximum est réalisé à
la borne de l’intervalle d’intégration, au point t = 0.

*) Pierre Simon Laplace (1749-1827), mathématicien français.


**) Ceci explique le succès du procédé d’Euler signalé dans le numéro
précédent.
18*
276 MÉTHODES ANALYTIQUES [GH. V

Lemme. Soit
a
F ( l) = \ <p(t)e-ua dt, (2)
J
0
où 0 < a < oo, a > 0, et supposons que la fonction cp se représente
sur un intervalle { | t | <C 26} par une série entière

<p(t) = 2 cJ n (3)
n= 0

et que Vintégrale converge absolument pour un X = X0. Alors sur Vaxe


positif
00 , . ê n+l
F W -S -^ r(^ ± i)r a > (4)
n= 0
oo

où r (x) = ^ e"^*"1d£ est la fonction gamma.


o
P* Pour X > À0 on a
a a

IJ <p(*)e-M*dt|<e-»-*o>«* J |cp (£) | e4 »1” d i = <9 (e~K6a)


6 ô
lorsque X -> + 00 ; donc cette partie de l’intégrale n ’est pas impor­
tante pour le développement asymptotique.
Pour calculer l ’intégrale sur l ’intervalle [0, ô] on peut se servir
de la série uniformément convergente (3) et par conséquent
S 71 _ fe+l ft+1 / n+l \
\ cp(i) e - ^ a à t= 2 -^-A, 06 Vt « e - 'd t + oiPi “ j (5)
0 k=0 0

(on a fait la substitution Xta = x). Mais pour tout p > 0 et tout
P > 0 fixe
oo oo

^ fBe-< d£ = e-tl ij (T +ji)pe- 'c d x ^


m ô
oo

(2pi)e e - ^ d x + J (2x)Be - ' dx}<e-+ ,4nP + £) = o (e-n/2)


0 H

(nous avons fait la substitution t = pi + x, puis nous avons rempla­


cé les deux intégrales par des intégrales entre 0 etoo, de sorte que
il et B ne dépendent pas de p). Donc dans (5) on peut avec la préci­
§ 17J ESTIMATIONS ASYMPTOTIQUES 277

sion adoptée remplacer l’intervalle d’intégration [0, Àôa] par [0, oo]
et les intégrales du second membre seront égales à
En combinant nos observations, on trouve le résultat cherché:
pour À + oo
a n fe+1 / n-1v
F(k) = J«p(0 e - wad i = 2 r(-5 ± i-)r“ + o(x"” ). ◄
0 k=0
Passons au cas général de l ’estimation de l ’intégrale (1) en sup­
posant accessoirement que sont satisfaites les conditions suivantes:
1° l’intégrale (1) converge absolument pour un X = X0;
2° la fonction / atteint son maximum en un point t0 Ç [a, 61 et en
outre il existe un h > 0 tel que / (t0) — f ( t h à l ’extérieur d’un
voisinage de t0, i.e. sur l’ensemble {t £ [a, 6] : | t — t0 l > ô } ;
3° au voisinage { | t — | <1 Ô} les fonctions / et cp se repré­
sentent par des séries de Taylor uniformément convergentes de cen­
tre t0.
Montrons tout d’abord que d’après le principe général énoncé plus
haut le comportement des fonctions / et cp en dehors du voisinage de
t0 n’influe pas sur le développement asymptotique de l’intégrale.
Soit t0 > a + ô ; en posant / (t0) = / o pour abréger, on obtient pour
X > X0
to-à i«-ô
^ cpe-^o-/) d* --0-^o/o ^ (peWe-U'-koX/o-/)

*o-ô
e-^o/oe-(^-^o)/» |cp| e^o^ d£

(on s’est servi de la condition 2°), et puisque l’intégrale de droite


existe en vertu de la condition 1°, il vient

J (p e-« /o -« d t = o (e -^ ). (6)
a

L’intégrale étendue à l’intervalle U0 -f- 6] est du même ordre si


< 6 — ô.
Poursuivons la procédure d’estimation de manière différente dans
deux cas en nous limitant dans chacun d’eux à une situation élé­
mentaire.
Cas I. Le point t0 en lequel / présente un maximum est intérieur
à l’intervalle d’intégration et f" (t0) =^= 0. Le développement de Tay­
lor de / au voisinage de t 0 (développement qui existe d’après la con-
278 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

dition 3°) est de la forme


f(t) = fo + c2(t — t0)2+ . . . , c2 = ---^°- < 0.

Puisque f 0 — / ( t ) ^ 0 dans un voisinage de t0, en posant / 0 — f (t) =


= t 2, on obtient
oo

x = (t— t0) V — C2— C3 (t — tD) — . .. = S <x-n {t — t0)n,


71=1

«1 = 1 / “ " ^ - (7)
Cette série peut être localement inversée, puisque a x =7^ 0 (par exem­
ple, à l’aide des formules de Bürman — Lagrange du n° 35) et l’on
obtient une série en t qui représente la fonction t = t ( t ) inverse de
(7); il est évident que t (0) = t0 et t' (0) = 1!ax = Y — 2//" (£0).
L ’intégrale (1) devient
ô"
F (X) = e*A> (j (p (t) e-M/o-/(0) di,
a

et en outre, en vertu de la relation (6) et de la relation analogue à


(6) envisagée sur l’intervalle [t0 + ô, 6], le calcul du développement
asymptotique peut être limité à un voisinage (£0 — ô, £0 + ô) aussi
petit que l’on veut. En faisant le changement / 0 — f (t) = t 2 dans
ce voisinage, on obtient
6"
F (X) « elfo J 9 o t (t) • t’ (t) e - « d-t, (8)
-ô'
où t (t) est l’inverse de la fonction (7), et ô' > 0, ô" > 0, des nom­
bres petits que l’on peut poser égaux à ô sans modifier les développe­
ments asymptotiques. Soient
oo _______
\J)(î) = i p o i ( T ) . i ' ( T ) = 2 a / , a 0 = (P ( fo) V ~ ~ T J t J
71=0
(on s’est de nouveau servi de la condition 3°) ; au lieu de (8) on a
alors
6 ô
F (À) æ e^o j (t) e-U2 d t = exh> (j [\p (t) -f. ^ ( —t)] e- ^ 2 dt.
-ô o
Reste à utiliser le lemme dans lequel il faudra poser a = 2, cn =
= 2a2n et l’on aura démontré le
$ 17] ESTIMATIONS ASYMPTOTIQUES 279

Théorème 1. Si les conditions 1°, 2° et 3° sont remplies et la fonc­


tion f présente un maximum en un point £0£], a, b [, et de plus f" (t0) <
< 0, alors
b oo /
j (p(i) o^(')dT ~ eWo) 2 atnT (n + \ ~ yn 2 (10)
a n=0
avec des coefficients tirés de la série (9)
Remarque. On sait que

r ( T ) = I f r d' “ 2 f e" !dT“ 1/i;;


0 0
quant au coefficient a0, il a été calculé plus haut. Le terme princi­
pal du développement (10) est donc de la forme
b _______
(* /“ OjrpX/Uo)
J 9 (t) ex'<‘>d*« 9 (to) V ~ 1y r • (H)
a

Remarquons encore qu’en vertu des propriétés de la fonction gamma

ri " + i H » - T ) ( - i ) - 4 r(ï)=
= *3 v*.
Exemple. Formule asymptotique de Stirling pour la fonction
gamma. On a

r(A, + l ) = [ A -* d * = A,x+1 ^ txe~u d t= X x+l j e-W‘- lni) d t


0 o o
(on a posé x = Xt). Ici cp (t) = 1, / (t) = ln t — t, le maximum est
réalisé au point t0 = 1 et /" (t0) = — 1. Le théorème 1 est
applicable et d’après la formule (11)

r(M -l)» / 2 i  ( - ) \ (12)

En poussant les calculs, on trouve que a2 = Ÿ~2/6 et le terme suivant


du développement asymptotique est:
r(*+i)« + (13)
En principe, le théorème 1 nous donne tous les termes du développe­
ment asymptotique.
280 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

Cas II. Le point t0 en lequel / présente un maximum est confondu


avec une borne de l ’intervalle d’intégration et f (t0) =#= 0. Suppo^
sons que t0 = a. Posons f (a) — / (t) = %. Au lieu de (7) on aura
t = — cx (t — a) — c2 (t — a)2 — . .
q = r (a) ^ 0, (14)
d’où l ’on déduit la fonction t (t) par inversion de la série. Si l’on
pose
oo
t j , ( T ) = ( p o f ( T ) . f ' ( T ) = 2 bnTn, £ > „ = — (15)
?i=0

en raisonnant comme dans le cas I, on trouve


6
F (X) æ ex^a> j ij) (t) e-*x dx.
o
Nous sommes de nouveau conduits au lemme dans lequel cette
fois-ci a = l, donc r ( - n^~* j = T (rc+ 1) = n ! On a ainsi prouvé le
Théorème 2. Si les conditions 1°, 2° et 3° sont remplies, la fonction
f présente un maximum à la borne a de Vintervalle d'intégration et
f (a) =^= 0, alors
b oc
j <p(t) eW<« d t ~ eW<«> 2 -jïïrr (16)
a n=0

avec des coefficients tirés de la série (15). Le terme principal du déve­


loppement asymptotique est de la forme

(17)
a

Signalons en conclusion que la méthode de Laplace passe dans


le cas aussi où toutes les dérivées de f d’o rd re ^ m sont nulles au
point t o où f présente un maximum et / (7n)(^o) =7*= 0* Le changement
f (*0) — f (t) = %m nous conduit encore au lemme dans lequel i
faut poser a = m. Le cas m >> 2 n’apporte que des complications
d’ordre technique.
53. Méthode du col. Cette méthode qui est la variante complexe de
la méthode de Laplace donne le développement asymptotique,
pour de grandes valeurs positives du paramètre À, des intégrales de
§ 17] ESTIMATIONS ASYMPTOTIQUES 281

la forme
F (À) = j <p(z) e W dz, (1)
V

où le chemin d’intégration 7 est situé à l’intérieur du domaine d’ho-


lomorphie des fonctions / et (p.
Le théorème de Cauchy nous permet de déformer de façon homo-
tope le chemin 7 dans le domaine d’holomorphie afin de choisir le?
meilleur chemin d’intégration. Le module du facteur de l ’inté­
grant contenant le paramètre est
|e^/(z)| = e* Re *<*>, (2)
et pour obtenir la plus grande précision pour de grands il faut
prendre pour 7 la ligne le long de laquelle Re / présente le maximum*
le plus prononcé, i.e. Re / varie le plus rapide­
ment.
Aux points non critiques de / la direction de
la plus rapide variation de Re / est perpendi­
culaire à la ligne Re / = const et par consé­
quent est confondue avec celle de la ligne de
niveau Im /. Ceci vaut également pour les points
critiques, i.e. pour les zéros de la dérivée /'.
En effet, sans perdre en généralité on peut admet­
tre que le point critique z 0 est confondu avec
l’origine 0 et qu’au voisinage de z 0 = 0 on a
/ (z) = zm + 0 (zm), où est un entier (on
réalise ceci par une transformation linéaire sur z).
En posant z = rei<p, on trouve Re / =
= rmcosrncp + 0 ( r m ) , d’où l’on voit que le niveau F ig . 8 4
critique Re / = 0 est composé localement de m
courbes différentiables tangentes au point z 0 = 0 à des droites
sur lesquelles cos mcp = 0. Ces courbes divisent le voisina­
ge de z 0 en 2m secteurs dans lesquels Re / prend alternativement
des valeurs positives et des valeurs négatives (cf. fig. 84, qui repré­
sente la surface u = Re / au voisinage d’un point critique avec
m — 3 ; cette surface s’appelle selle du singe , elle présente trois
creux : deux pour les pattes et un pour la queue). Les directions de
la plus rapide variation de Re / sont données par les bissectrices
de ces secteurs, elles sont définies par l’équation sin /mp = 0 et sont
confondues avec la direction de la ligne de niveau Im / = 0 (en
pointillé sur la figure 84).
Par un heureux concours de circonstances le choix en qualité
de 7 de la ligne de niveau Im / = const simplifie essentiellement
l ’estimation asymptotique de l’intégrale (1). En effet, le facteur
gixim/ esi constant par ce choix et on peut le sortir du signe d’inté-
232 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

gration :
F (z) = ei%Im ^ cp (z) Re dz.
v
Si z — z (t), t Ç [a, 6], est l’équation de 7, le problème se ramène à
l ’estimation asymptotique de l’intégrale
b
f q>o z(f).* '(i)e* R«>•*<*>df, (3)
a
par la méthode de Laplace (le fait que le facteur par lequel est mul­
tiplié e^Re^ est complexe ne nuit pas à l’applicabilité de la métho­
de).
Suivant la méthode de Laplace il faut prendre pour des lignes
•de niveau Im / = const sur lesquelles sont situés les points de ma­
ximums de Re /. En un point de maximum de Re / sur y on doit avoir
Re / o z (t) | to = 0 et puisque ^ Im / o s (t) = 0, on a en ce
point de maximum
-J f / 0 2 (t) I<0 = /' (zo) 2' (*o) = (4)
Si z' (t0) =£ 0 (ce que nous supposerons), alors / ' (z0) = 0, i.e. le
point de la ligne Im / = const en lequel Re / présente un maximum
est confondu avec un point critique de /.
Nous sommes conduits donc à la
règle suivante de choix du contour y
pour l ’estimation asymptotique de l ’in­
tégrale (1) : le contour doit passer par les
points critiques de la fonction / et au
voisinage de chaque point z0 suivre les
directions de ces portions de la ligne de
niveau Im / = const sur lesquelles R e/
présente un maximum en z0. Chaque
Fig. 85 point critique z0 apporte sa contribution
à la représentation asymptotique de
l ’intégrale, et en outre la principale contribution provient visi­
blement de celui en lequel Re / prend la plus grande valeur
(si ces points sont plusieurs, il faut prendre chacun d’eux).
Etudions en détail le cas d’un point critique z0 pour lequel
m = 2. Ce point est un col pour la surface u = Re /, d’où le nom
de cette méthode *). La ligne Im / = const est constituée de deux
*) Au voisinage d’un tel point la surface u = Re / a la forme d’une selle
<et on l ’appelle parfois méthode du point selle. Cette méthode (ou sa légère
modification) porte parfois le nom de méthode de phase stationnaire (cette déno­
mination provient du fait que naguère l ’argument d’un nombre complexe était
appelé phase).
Ç 17] ESTIMATIONS ASYMPTOTIQUES 283

branches sur Tune desquelles Re / présente un maximum en z0


et sur l’autre un minimum, de sorte que le choix de la direction
7 est unique: c’est la ligne de plus grande pente (fig. 85). Désignons
la direction choisie par eie.
Calculons le terme principal de la contribution de ce point à
la représentation asymptotique de l ’intégrale (1). D’après la for­
mule (11) du numéro précédent dans laquelle en vertu de (3) il faut
remplacer cp (t) par (poz (t)-z (t) et f (t) par Re foz (t), on obtient
2jt Re /(z0)
fP (zo) « (t0) d2 Re / o z (t) (5)
Yl
d*2 ko
Puisque Im / = const sur 7, on a -^ d2-R e / o z (t) = d2 / o z (t) =
= /" (z) (z' (t))2+ f (z) z" (£) sur 7, et au point critique /' (zQ) = 0,
donc
^ R e / o Z( 0| <#= - | / " ( z 0)| |z' ( g | 2,
car ce nombre doit être réel et strictement négatif. Par ailleurs,
z' (*o) = I z' (h) I eie, de sorte que l’expression (5) devient
2jx Re /(zo)
<pW ei0 y r IfW l
En se rappelant la formule (2), on obtient finalement le
Théorème. Si Re / atteint son maximum en un point critique
£0 de f qui est un col (/" (z0) =^= 0), le terme principal du développe­
ment asymptotique de Vintégrale (1) est donné par la formule

| cp(z) d z » cp(z0) eie •e ^ z») ^ » (6)


V
oïl ei0 est la direction de plus grande pente.
Exemple. La fonction de Bessel d'ordre n est définie par l’inté­
grale

/ » w ” ‘é r j <7>
|zl = l
Ici / (2) = 1 Iz
/ — —J
1 \ et les points critiques sont z = ± i ; le

niveau Re / prend la même valeur 0 en ces points, donc il faut te­


nir compte des deux directions. La ligne de niveau critique
Re / = 0 est composée du cercle { | z | = 1} et de l’axe imaginaire,
les directions de plus grande pente sont 0 = — jt/4 e n z = i et 0 =
284 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

= jt/4 en z = — i (fig. 86). La formule (6) nous donna


/ in in

Jn W 2ni \ nni
pki
/ t - .V |J =
\e 2

= V - k c°s ( * - n T - T ) <s>

(pour n = 0 comparer avec la formule


(11) du n° 51).

Exercices
1. (Théorème d’Hadamard des trois
Fig. 86
cercles.) Montrer que si / est liolomorphe
dans ^ > 2}et M j (r) = max \f (z) | ,
I z I =r
alors ln M f (r) est une fonction convexe de p = In r, i.e. pour tout
r 6 K , r2[ on a
ln M f, U
(r)<
^ P 2p~
- Ppll ln M ,J \(r2) + -p2~
2J ~ pa— Ppj ln M fJ \(r,).
V
[ N o t a : choisir a tel que r*Mf fo) = r*Mf (r2), et appliquer le
principe du maximum à la fonction multivalente za f (z) dont le
module est univalent.
2. Soient / une fonction entière et a£]0, 1[ un nombre fixe.
M f (ar)
Montrer que lim ■„, . . est égal à 0 si f est transcendante et à
4 r-oo MS(r) * 1
an si / est un polynôme de degré n.
3. Soient r et r' deux points non alignés avec z = 0. Montrer
que la série — f- 2 { (zl t)2------p-} . où T = {t = mx-\~nr \ m
<er\{0}
et n sont des entiers}, converge au sens du n° 45 sur le plan tout
entier vers une fonction méromorphe (qui est elliptique et s’appelle
^-fonction de Weierstrass).
oo
4. Montrer que le produit infini ( l- f z 2n) converge vers
71=1
(1 —z)"1 pour | z | < l .
5. Trouver une fonction holomorphe dans le disque { | z | <C 1}
présentant des zéros aux points 1 ----— (n = 1, 2, . . .) et en eux
seuls.
6. Soient X =£ 0 un nombre complexe et p (z) =*k 0 uu polynô­
me ; montrer que la fonction entière eKz — p (z) admet une infinité
$ 17] ESTIMATIONS ASYMPTOTIQUES 28 5

de zéros. [N o t a : dans le cas contraire e%z — p (z) = eaz+bQ (z),


où Q est un polynôme; alors a = X et l’identité est impossible.]
7. Montrer que l’équation sin z = z possède une infinité de ra­
cines.
8. Résoudre le problème 21 du chapitre IV à l ’aide du théorè­
me d’Hadamard du n° 48.
9. Soit donnée une suite arbitraire de points an Ç C convergeant
vers le point à l ’infini. Montrer que pour toute suite de nombres
bn £ C on peut trouver une fonction entière / telle que / (an) =
= bn pour tout n = 1,2, . . .
10. Soient D un domaine de C et une suite de points an Ç C ne
possédant pas de points d’accumulation à l’intérieur de D. Montrer
que pour toute suite de nombres complexes bn et toute suite de
nombres kn > 0 il existe une fonction / holomorphe dans D telle
que pour tout n la fonction / (z) — bn présente un zéro d’ordre
Kn en (in.
11. Soit / une fonction holomorphe et bornée dans le demi-plan
de droite. Montrer que si elle tend vers 0 sur l’axe réel lorsque
oo, alors / (z) 0 et | Arg z | < jt/2 — ô lorsque z ->■ oo,
pour tout ô > 0 (théorème de Lindelôf).
12. Montrer que si une fonction / est holomorphe et bornée dans
le demi-plan de droite et / (n) = 0 pour n = 1 ,2 , . . ., alors
f — 0.
13. a) Montrer que

} ( 1 - t ) ** l A t = 8 ( 2 - 1 ) . . . (z + n) •
0
IN o t a : effectuer la substitution t = nx et intégrer par parties.]
b) Montrer que 0<le“*— ^ 1 ----pour et en
déduire que les intégrales de a) convergent vers la fonction T(z)
dans le demi-plan (Re z > 0} lorsque n oo.
c) Montrer que

-r W = “ v- I I ( ‘ + T ) e" ' ”
71=1

où 7 = 11111 ( l + - y + . . . + - — lnre) est la constante d’Euler (il


n -* -o o \ * n /

suit de là que 1/r (z) est une fonction entière et l’expression ci-dessus
est son développement de Weierstrass).
d) Prouver l’identité T (z) T (1 — z) = jt/sin jtz.
14. a) Montrer que la fonction de Bessel J n (À) définie par la
formule (7) du n° 53 est entière pour tout n ^ 0.
286 MÉTHODES ANALYTIQUES [CH. V

b) Vérifier que pour n — 0 cette fonction satisfait l’équation


(8) du n° 51.
15. Soit g une fonction holomorphe et bornée dans un domaine
oo
contenant l’axe x et soit g (z) = 2 cnzh son développement de
71=0
Taylor au voisinage de l ’origine. Montrer que sur l’axe positif
X on a le développement asymptotique

J g(*)e-w v2dt ~ - j / - ^ 2 1,3 ••• .


-o© n=0
16. Etablir la formule asymptotique pour de grands X > 0
de l’intégrale
7t
/ (X) = ^ eu cos <cos21 At.
0
ANNEXE

FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES

Nous décrivons ici deux classes de fonctions réelles étroitement


liées aux fonctions holomorphes. La théorie développée plus bas
sera utilisée dans le tome 2.
1. Fonctions harmoniques. Définition. On dit qu’une fonction
réelle u de classe C2 est harmonique dans un domaine D c: C si par­
tout dans D elle vérifie l’équation de Laplace
d2u . d2u _q
(i)

L’opérateur différentiel du premier membre de (1) s’appelle


opérateur de Laplace ou laplacien et se note A; il est aisé de voir
que
d d2
( 2)
dU dz dz

Le lien entre les fonctions harmoniques et holomorphes est


exprimé par les deux théorèmes suivants.
Théorème 1. Les parties réelle et imaginaire de toute fonction f ho-
lomorphe dans un domaine D sont harmoniques dans D.
► On a
U= R e/ = - ! ( / + / ) , Im / = — ( / —7),

d’où u, v ^C 2. D’autre part, = 0 ( —L = 0 puis-


dz dz * o* dz ' dz

que / est holomorphe; quant à la fonction -M~ , elle est antilio-


dz
lomorphej et de façon analogue d*v = 0 . ◄
dz dz

Théorème 2. Pour toute fonction u harmonique dans un domaine D ,


on peut construire localement, au voisinage de chaque point z0
288 ANNEXE

une jonction f holomorphe dans ce voisinage pour laquelle u est la


partie réelle (ou imaginaire).
► Soit U = {\z — z0\ < r } cz D; en vertu de (1) la forme co=
= —- | ^ d £ + — -dy est exacte dans U (cf. n° 16), donc l ’intégrale
<de o) dans U est indépendante du chemin d’intégration et la fonc­
tion

I’ <2> - 5 - l F d x + l F d!' <3>


*0
est définie dans U. Par une méthode usuelle en analyse réelle on dé­
montre que v est différentiable dans U (au sens de R2) èt que ses
-dérivées partielles sont respectivement égales à
dv du dv du ,,,
dx dy ’ dy dx ' '

On reconnaît ici les conditions de différentiabilité complexe de la


fonction / = u + iv et u = Re /. La fonction if = — v + iu Ç
£ O (D) admet u pour partie imaginaire. M
Remarque. Si le domaine D est simplement connexe, on démontre
par le même raisonnement l’existence d’une fonction / Ç O (D) pour
laquelle u = Re / globalement, dans le domaine D tout entier. Ce
théorème n ’est pas valable pour les domaines multiplement conne­
xes.
Exem ple: dans le domaine D = { 0 < | z | < l } la fonction
1 —
u = In | z | = ln zz est harmonique, mais les conditions (4) avec
cette fonction u ne sont satisfaites que par la fonction v = arg z
qui n ’est définie que localement dans D (v n ’est pas définie dans
D tout entier, car elle est multivalente).
Le lien établi permet d’étendre aux fonctions harmoniques cer­
taines propriétés des fonctions holomorphes.
1. Dérivabilité infinie. Toute fonction u (x, y) harmonique dans
un domaine D possède en chaque point des dérivées partielles de tout
ordre qui sont aussi harmoniques dans D.
^ D’après le théorème 2 construisons au voisinage U de z =
= x + iy une fonction / telle que u = Re / et remarquons que
~ = Re / ' (.z), | - = — Im / ' (z). Ces dérivées partielles sont har­
moniques dans U d’après le théorème 1. En leur appliquant ce qui
a été déjà prouvé, on établit l ’existence et l’harmonicité des déri­
vées partielles secondes, et ainsi de suite. «4
FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 289

2. Théorème de la moyenne. Si une fonction u est harmonique


dans un disque U = {£ : | £ — z | < i?}, pour tout r < R la valeur
prise par u au centre du disque U est égale à la moyenne de ses valeurs sur
le cercle { | £ — z | = r} :
2n
u ^ = ~êr ü u ( z + reii) â t' (5 )
0
On établit ce théorème en séparant les parties réelles dans la
formule
2jï
f ^ =a~êr S / ( z + rei<) d**>
0
qui traduit le théorème de la moyenne pour les fonctions holomor-
phes.
Remarquons que dans ce théorème au lieu de la moyenne sur
le cercle, on peut prendre la moyenne sur le disque U :

u ^ = l i r J { u (0 da> (6)
U

où do = rdr dt est l ’élément d’aire. Pour établir cette formule,


il suffit de multiplier les deux parties de (5) par r et d’intégrer par
rapport à r entre 0 et R.
3. Théorème d’unicitc. Si deux fonctions ux et u2 harmoniques
dans un domaine D sont confondues sur un ensemble Ecz D possédant
au moins un point intérieur, alors Uj = u2 dans D.
^ Posons u = i/j — i/o et considérons l ’ensemble F = {z Ç D :
O
u (z) = 0). Le noyau ouvert F n ’est pas vide par hypothèse;
il est fermé dans D , car si z0 Ç D est un point d’accumulation de
o o
F, il existe une suite zn Ç F telle que lim zn = z0 et la fonction
71->oo
/ = u -f- iv, qui est holomorphe au voisinage de z0, est une cous-
o
tante imaginaire *), i.e. u = 0 dans ce voisinage et z0 Ç F . Donc
F = D.<
On remarque que pour les fonctions harmoniques le théorème
d’unicité s’énonce sous une forme plus faible que pour les fonc­
tions holomorphes: on exige que l ’ensemble E possède non pas un
o
*) Dans le voisinage U envisagé il existe un point zn £ F au voisinage
V ci U duquel u = 0; d’après les équations de Cauchy — Riemann dans V on
a ré r r ilt
= 0,1 i.c. v = c = const; alors /J = ic sur U.

1 /2 19-0714
290 ANNEXE

point d’accumulation mais un point intérieur dans D. Le théorème


est faux dans la forme plus forte : en effet, la fonction u = x harmo­
nique dans C est nulle sur l’axe imaginaire sans être identiquement
nulle.
4. Principe d’extrémum. Si une fonction u harmonique dans un
domaine D atteint son maximum ou son minimum (locaux) en un
point z0 £D , eMe est constante dans D .
^ Soit / une fonction holomorphe dans un voisinage U de z0
telle que u = Re / ; si u atteint son maximum en z0, il en sera de
même du module de la fonction ef holomorphe dans U ( | e/ | =
= cw); donc / et par conséquent u sont constantes dans U. D’après
le théorème d’unicité, u est constante dans D aussi. Le cas du mi­
nimum se ramène à celui du maximum par la substitution de —u
à u.<4
5. Théorème de Liouville. Si une fonction u est harmonique dans
C et bornée au moins d'un côté, par exemple u (z) < M pour tout
z £ C, alors u = const.
^ Puisque C est simplement connexe, il existe une fonction
entière / telle que u = Re / dans C. Toutes les valeurs de / sont si­
tuées par hypothèse dans le demi-plan {Re / < M }. Soit % une
transformation homographique de ce demi-plan sur le disque unité.
Alors %of est une fonction entière bornée, i.e. une constante. D’où
il suit que / et donc u = const. A
6. Invariance par les applications conformes. Si u est une fonc­
tion harmonique dans un domaine D et z = z (£), une application
conforme de D* sur D , la fonction composée u<>z (£) est harmonique
dans D*.
>> Considérons un point arbitraire £ et son image z0 =
= z (£0). Construisons au voisinage de z0 une fonction holomorphe
/ telle que u = Re /. Alors uoz (£) = Re foz (£) et puisque la fonc­
tion foz (£) est holomorphe au voisinage de £0, 1* fonction compo­
sée uoz (£) est harmonique dans ce voisinage.
Au numéro suivant on montrera que le théorème de la moyenne
caractérise les fonctions harmoniques, i.e. on a le
Théorème 3. Si une fonction u finie dans un domaine D et locale­
ment intégrable sur une surface en chaque point z g D pour tout
^ r0 (z), ou r0 (z) est la distance de z à dD, est confondue avec sa moyen­
ne sur le disque {£ : | £ — z | < r} :
“ (z) = ^ r (j »(QdÇ (7)
{IS- 2 |<r>
alors elle est harmonique dans D.
FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 291

Nous allons appliquer ce théorème à la démonstration d’une


proposition sur la limite d’une suite de fonctions harmoniques,
qui nous sera utile dans la suite de l’exposé.
Théorème 4 (Harnack *)). La limite d'une suite strictement dé­
croissante de fonctions uk (k = 1, 2, . . .) harmoniques dans un do­
maine D soit est une fonction harmonique dans D> soit est égale à — oo.
^ Supposons tout d’abord que u est partout finie dans D ; d’a­
près le théorème de la moyenne pour les fonctions harmoniques, en
tout point z £ D
1
uh (z) -- Jir2 «fe (D do ( 8)
il
(IC-iKr)
pour tout r < r0 (z), où r0 (z) est la distance de z à dD. La suite uk
étant strictement monotone, on peut faire tendre k — oo dans (8).
On obtient
»(*)=-^r JJ u(£)da,
(IC-zKr)
la fonction u étant localement intégrable sur une surface. D’après
le théorème 3 il suit de là que la fonction u est harmonique dans D.
Supposons maintenant que u = — oo en un point z0 ÇZ). Soit
E = {z -Ç.D: u (z) = — oo}. Cet ensemble n’est pas vide, puis­
qu’il contient le point z0. Il est ouvert : soit zx £ E et supposons que
la distance de z1 à dD est égale à 2p. On a

~ n u (Q d<r --- u (Zj) = — oo.

Donc, pour tout z£ ( |z —Zj|

“ ^ “ npï- SS » ( Ç ) d a = —oo,

car le disque { | £ —■z | < p} contient le disque j | £ — z± | < —j ;


par conséquent, { | z — z1 | < p/2} cz E. On démontre de la
même façon que E est fermé (pour la topologie de D). Donc E =
= D , i.e. u = — oo dans D.<4
Signalons en conclusion de ce numéro que la notion d’harmoni-
cité se généralise aux fonctions d’un nombre quelconque de varia­
bles réelles. Soit D un domaine dans un espace euclidien Rn à n
dimensions. On dit qu’une fonction u : D R de classe C2 est
*) Ce théorème a été démontré en 1887 par le mathématicien allemand
Karl Harnack (1851-1888).
19*
292 ANNEXE

harmonique dans D si en chaque point x — (.x . . ., x n) Ç D elle


satisfait à l’équation de Laplace

(»)
v=l
Ces fonctions sont justiciables des propriétés 1 à 5 des fonctions
harmoniques de deux variables. Ces propriétés impliquent des dé­
monstrations spéciales (car celles déjà produites sont basées sur
les propriétés des fonctions holomorphes) sur lesquelles nous glisse­
rons.
2. Problème de Dirichlet *). Le prolongement harmonique des
fonctions se pose dans de nombreux problèmes d’analyse. Etudions-
le dans une position élémentaire.
Problème de Dirichlet. E ta n t donné un dom aine sim plem ent
connexe D a C de fron tière de Jordan dD et une fonction continue u
défin ie sur dD, on dem ande de prolonger harmoniquem ent la fonction
u au dom aine D , i.e. de construire une fonction continue dans D, harmo­
nique dan s D et confondue avec u sur dD.
a) U n icité. Montrons que le problème de Dirichlet ne peut avoir
deux solutions distinctes. Supposons qu’il existe deux solutions
ux et u 2. Leur différence v = ux — u 2 est harmonique dans Z), conti­
nue dans D et nulle sur dD. Si v atteint son maximum ou son mini­
mum en un point de D , alors v = const dans D en vertu du principe
de l’extrémum, et dans D , par continuité. Puisque v = 0 sur dD,
on aurait v = 0 dans Si ces deux quantités étaient atteintes
sur dD, elles seraient nulles et on aurait encore v = 0 dans D.
b) R édu ction à un disque . Supposons que le problème de Dirichlet
admet une solution sur le disque unité t / = { | z | < l } et mon­
trons qu’il en admet une sur tout domaine D simplement connexe à
frontière de Jordan dD. En effet, d’après le théorème de Riemann
il existe une application conforme / : D U prolongeable par
continuité dans D d’après le principe de correspondance des frontiè­
res (n° 41). Soit u une fonction continue sur dD ; donnons-nous les
valeurs de v = uof~l sur dU et désignons par v le prolongement har­
monique de ces valeurs dans U (ce prolongement existe par hypo­
thèse). La fonction u = vof sera alors harmonique dans D d’après
la propriété 6 du numéro précédent. Cette fonction est continue
dans Z) et égale à uof-xof = u sur dD, i.e. est la solution du problè­
me de Dirichlet dans D.
c) S olu tion dans un disque U = { | z | < R}. Commençons par
des raisonnements euristiques. Supposons que le problème de Di-
*) Peter Gustav Lejeune Dirichlet, mathématicien allemand (1805-1859).
PONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 293

cichlet admet une solution dans le disque U. Construisons une fonc­


tion / holomorphe dans U et possédant cette solution pour partie
réelle. Supposons encore que / est prolongeable par continuité dans
U *). En tout point z £ U on a alors d’après la formule de Cauchy
2Jt

(nous avons posé t — Relt ; alors d£ = Transformons le se­


cond membre de (1) de telle sorte que sa partie réelle contienne seu­
lement les valeurs connues de Re / = u sur dU. A cet effet prenons
R2
le point z* = — symétrique de z par rapport à dUy utilisons le
théorème de Cauchy qui dit que

• 4 Î T T * <2 >
o £ ~
z
et soustrayons (2) de (1). En tenant compte du fait que
_ J ________ £ _ = _ I ___ I * _ R2- \ z \ 2
l-z Ç z-R 2 l£-z|2 ’
on aura
2n
/ « - ■ B - J / « ■ » * •
0
On a ainsi obtenu ce qu’on voulait: en mettant en évidence les par­
ties réelles, on obtient la formule de Poisson **)
2jï
“ <z>= T 5 r J “ ® - T î 4 F - d<- <3>
0
Passons à la résolution exacte.
Le second membre de la formule de Poisson est connu si les va­
leurs de u sur dU sont données. Montrons que la fonction u définie
dans U par cette formule est solution du problème de Dirichlet
clans le disque.
Remarquons tout d’abord que le noyau de l’intégrale de Poisson
peut ctre mis sous la forme

hi
■■= —
|£ — z \2 2n
Re p £^ —z
- = P (£,w z). ' (4)v9

*) Cette proposition concerne Im /, puisque Re / est solution du problème


de Dirichlet, donc est continue dans U.
**) Denis Poisson (1781-1840), mathématicien français.
2 94 ANNEXE

Donc la fonction u définie par l’intégrale de Poisson est la partie


réelle dans U de la fonction
2ji
j ± r * “ (5 >
0
holomorphe dans U*) et par suite est harmonique dans U. Reste à
montrer que lorsque z tend de l’intérieur de U vers un point
£0 6 dU, la valeur de u (z) tend vers u (£0).
Pour prouver ceci on remarquera que pour tout point z Ç U
2n
( P(C, z ) A t = i . (6)
J
o

Ceci résulte de ce qui a été démontré plus haut : la fonction u = 1


est l’unique solution du problème de Dirichlet prenant la valeur
frontière u = 1 et elle satisfait aux conditions sous lesquelles a
été établie la formule de Poisson. D’autre part,
lim P (£, z) = 0 pour z£ U , (7)

et de plus la convergence est uniforme en £ sur tout disque ycz


a dU ne contenant aucun voisinage du point £0, ce qui est visible
sur la formule (4).
En vertu de (6) la différence entre la valeur de u et sa limite pré­
sumée lorsque z ->■ £0 = Reil« est égale à
2n 2n

A= \* z)dt —u(to)= j {u(t) —u{Q}P(Z, z)dt.


o o

Fixons e > 0 et en se servant de la continuité de u (£) au point


£0 choisissons 6 > 0 tel que pour | t — t 0 26 l’on ait

IMS)-»(îo) l< « ; (9)


soient yt = { £ Ç dU : | t — t 0 1 ^ 26} et y2 = d U \ y v Décompo­
sons l’intégrale (8) en intégrales le long des arcs y1 et y2- Pour la
*) On démontre que la fonction (5) est holomorphe par une dérivation sous
le signe d’intégration: pour tout z £ U , on a
2n 2n
/(z + Az)—/(z) 1 f £df Azf £w(£)d* ___
Az n ) (5 -z )1 il J (C -s )* (C -* -A z ) ’
0 0
d’où il vient que le premier membre tend vers 0 avec Az, i.e. f (z) existe.
FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 295

première d’entre elles, en vertu de (9) on a pour tout z Ç U

| \ {u ( £ ,) — u (^j)} P (£, z) d* | < e P (£, z) d£ <

2n
<e z)d* = e (10)
0
(on s’est servi du fait que le noyau P > 0 et de l’égalité (6)),
Posons maintenant z = rei<p et supposons que | (p —- t 0 | < ô;
en vertu de (7) il existe un p, 0 < p < i?, tel que
P (Cf *) < e
pour tout £ £ y2 et tout z que \ y — t0 \ <Z R — p < r < i?
(on s’est servi du fait que la convergence est uniforme dans (7)).
Donc pour tout z du domaine hachuré sur la figure 87 on a

(WJZMC, z ) à t \ < m J i>(Ç, z)d i< 2 M e.2 jt, (11)

où M = max | u (£) | . En combinant (10) et (11), on trouve que


X£àU
| A | <C (1 + M) e pour tout z £ G, ce
qu’on voulait.
On a prouvé le
Théorème 1. Toute fonction u continue
sur la frontière dD d'un domaine de Jordan
simplement connexe D peut être prolongée
harmoniquement de façon unique dans D .
En particulier, la solution de ce problème
dans un disque U = { | z | < jR } est V inté­
grale de Poisson (3).
A titre d’exemple d’application du
prolongement harmonique effectuons la Fig. 87
démonstration du théorème 3 du numéro
précédent. Supposons qu’une fonction u finie *) dans un domaine
D est confondue en chaque point z de D avec ses moyennes sur les
disques de rayons r < r0 (z) :

“ ( z ) = l~ r [{ u(£)dcr (12)
{\Z-z\<r}
*) Il est entendu que la fonction u est supposée localement intégrable sur
une surface.
296 ANNEXE

(r0 (z) désigne toujours la distance de z à dD). De là il s’ensuit tout


d’abord que u est continue en chaque point z0 £Z), car pour les
z — z0 infiniment petits la différence u (z) — u (z0) se représente
par une intégrale (d’une fonction intégrable) sur un domaine d’aire
infiniment petite, donc cette différence est infiniment petite.
Considérons un point arbitraire z0 Ç D et un disque U = { | z —
— z0 | <C jR} ê D ; construisons d’après le théorème 1 une fonc­
tion h harmonique dans £/, continue dans U et égale à u sur dU. 11
nous suffit de montrer que u = h dans U. Puisque h satisfait aussi
à la relation (12) pour tout z £ U d’après le théorème de la moyenne
et { | £ — z | < r} c= U, il en est de même de la fonction v = u — h.
Il suit de là que si v atteint un maximum ou un minimum locaux
en un point zx £ {/, elle sera constante dans un voisinage de zx. Prou­
vons cette proposition pour le maximum (la démonstration est la
même pour le minimum). Supposons le contraire, i.e. v (z )^ v (Zj)
dans le disque V — { | z — z1 | < r}, V a C/, et de plus il existe un
point z2 6 V tel que v (z2) < v (z2). En vertu de (12)

mais puisque v est continue il existe un voisinage du point z2 dans


lequel v < v (z^ — e pour e > 0 assez petit, et comme v (zj)
partout dans P, le second membre de la dernière égalité est stricte­
ment inférieur à la quantité

v
Cette contradiction prouve la proposition annoncée.
La fonction continue v atteint dans U son maximum M et son mi­
nimum m. Si ces deux extrémums sont atteints sur dU, où v = 0,
alors M = m = 0 et u = 0 dans {/, ce qui prouve le théorème.
Supposons que l’un des extrémums, disons le maximum est atteint
dans U\ alors l’ensemble E = {z £ U:v (z) = M} n’est pas vide.
D’après ce qu’on a prouvé, il est vide, et comme v est continue dans
U, il est fermé aussi (pour la topologie de U). Il s’ensuit de là que
E = Uj i.e. v = M dans U\ de la continuité on déduit que v = M
dans U et puisque v = 0 sur dU, on a de nouveau u = 0 dans U,
ce qui achève la démonstration du théorème.
L’intégrale du second membre de (5) s’appelle intégrale de
Schwarz. Le théorème 1 nous dit qu’elle est solution du problème
suivant : trouver une fonction / holomorphe dans le disque unité
U dont la partie réelle est continue dans U et prend des valeurs
données u (£) sur dU. La solution de ce problème qui est visible­
ment définie à une constante additive imaginaire près est de la
FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 297

f W ^ - ê r l w ( £ ) ! ± 7 d* + ^ , (i3)
0
où C est une constante réelle (égale à Im / (0), car pour z — 0 le pre­
mier terme du second membre est égal à u (0) = Re / (0) d’après
le théorème de la moyenne).
A titre d’exemple d’application de l’intégrale de Schwarz, éta­
blissons la modification des inégalités de Cauchy utilisées au n° 48.
Soit / = u + iu une fonction holomorphe dans un disque { | Z I <
<L R '} et sur un cercle { | z | = R}, R < R ', et telle que sa par­
tie réelle A. D’après la formule (13) pour | z | < R et | £ | = R
2n \ «
/ (z) = - ^ r S u ( 0 ----- f~ d t+ iv (°) = 2 «»*“.
0 1 g" n=0
et puisque pour \z\ <C |£|

(i + t ) ( i ~ f ) ' - ( * + f ) ( i + f + -"

. • ■ + ^ - + w + - - - ) = 1+ S - f «*.
n=i
en portant ceci dans la formule précédente et en intégrant terme à
terme, on obtient
2n
cn = ^ - jij ^ - d t ( « > 1).
0
Mais de toute évidence pour n*^ 1 entier
2ji

0
et en soustrayant de cette égalité la précédente,, on aura
2n
4 —u(Q dt.
— = sn
0
En passant aux modules en tenant compte du fait que par hypothè­
se A — u (Q ^ 0 pour tout £, | £ | = J?, on obtient les inégalités
annoncées
298 ANNEXE

(on s’est encore servi du théorème de la moyenne pour la fonction


harmonique u).
Signalons en conclusion que le problème de Dirichlet admet une
solution dans un domaine gauche moyennant certaines conditions
sur sa frontière. En particulier, pour une boule à n dimensions
B = {x g R71: | x | < R } la solution de ce problème est donnée
par l’intégrale de Poisson

»(*)=-— J u (y)-
71 d B
Rn~* (R* — \x \2)
\ y — x \n
dcr, (15)

où an —— ;--------—i?n 1 est l’aire de la sphère à n dimensions


r (T +‘)
dB et da est l’aire élémentaire de dB en y (r (2) = 1, donc a 0 =
= 2nR et pour n = 2 cette formule est confondue avec (3) si l’on
remplace do par R dt). La formule (15) se déduit de la formule de
Green *).
3. Fonctions subharmoniques. Le logarithme du module d’une
fonction holomorphe f est une fonction harmonique au voisinage seu­
lement des points où / =7^= 0 ; aux zéros de Im | / | il devient infini
et perd son harmonicité. On se propose maintenant d’introduire une
classe plus générale de fonctions subharmoniques qui, en particu­
lier, contiendra aussi les logarithmes des modules des fonctions
holomorphes.
Les analogues unidimensionnels des fonctions harmoniques sont
les fonctions affines h (x) = kx + b telles que = 0. Les fonctions
affines permettent de définir les fonctions convexes de la manière
suivante : une fonction u (x) est dite convexe (vers le bas) si pour
tout intervalle [a, p] pris dans son domaine de définition et toute
fonction affine h (x) les inégalités h ( a ) ^ u ( a ) et h ( $ ) ^ u ( P)
entraînent l’inégalité h ( x ) ^ u (x) pour tout x £ [a, |3].
Les fonctions subharmoniques sont les analogues bidimensionnels
des fonctions convexes. Elles ne sont pas nécessairement partout con­
tinues — on peut se contenter de leur semi-continuité.
Définition 1. Une fonction réelle u, — o o ^ i £ < o o , définie
au voisinage d’un point z0 est dite semi-continue supérieurement
en ce point si pour tout e > 0 il existe un ô > 0 tel que
( u (2) — U (z0) < £ si u (2o) ^ 00 y
j u (2) < — — si U ( Z Q) = — OO, (1 )

*) Cf. V. V 1 a d i m i r 0 v, Méthodes de la théorie des jonctions de plusieurs


variables complexes (M., « Naouka », 1964).
FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 299

ou, ce qui est équivalent,


lim sup u ( z ) ^ u (zQ). (2)
Z-+Z0

Si D est un domaine, une fonction u : D [ — oo, oo[ semi-


continue supérieurement en chaque point z £ D est dite semi-continue
supérieurement dans D. Il est aisé de voir que pour qu’une fonction u
soit semi-continue supérieurement dans un domaine D , il est né­
cessaire et suffisant que pour tout a £ ] — oo, oo [ l’ensemble
{z £ D : u (z) < a} soit ouvert.
On définit de façon usuelle la semi-continuité d’une fonction
sur un ensemble et on démontre qu’une fonction semi-continue su­
périeurement sur un compact K est bornée supérieurement et at­
teint son maximum sur K .
Définition 2. Une fonction u : / ) - > [ — oo, oo[ s’appelle sub­
harmonique dans D si 1° elle est semi-continue supérieurement dans
D et 2° pour tout disque U assez petit et toute fonction h harmoni­
que dans U et continue dans U
u sur dU => u dans U. (3)
Une telle fonction h sera appelée majorant harmonique de la fonc­
tion u dans le disque U.
Signalons quelques propriétés élémentaires des fonctions subhar­
moniques qui mettent en évidence leurs analogues avec les fonc­
tions convexes.
Théorème 1. Si une fonction u subharmonique dans un domaine D
atteint un maximum local en un point z0 Ç D, elle est constante dans
un voisinage de z0.
^ Supposons que u n’est constante dans aucun voisinage de
z0. Il existe alors unjiisque U en D assez petit tel que u (z )^
^ u (z0) pour tout z Ç U et en un point du cercle dU = y on a
l’inégalité stricte u (£*) < u (z0). La fonction u étant semi-conti­
nue supérieurement, pour tout e > 0 assez petit il existe un arc
y' a y sur lequel u (£) < u (z0) — e.
Prenons un arc y" (g y' et construisons une fonction h (Q conti­
nue sur y, égale à u (z0) — e sur y", à u (z0) sur y \ y ' et dépendant
linéairement de Arg (£ — z0) = t sur ÿ \ y ”. Sur y on aura alors
u ^ . h et par définition de la subharmonicité
u ( z 0X h (* o ) =
J h (£) dj, (4)
V
où h (z) est le prolongement harmonique de h (Ç) dans U (cf. numéro
précédent). Mais le second membre de (4) est strictement inférieur
à u (z0). Cette contradiction prouve le théorème. A
20 *
3 00 ANNEXE

Le théorème suivant montre que la propriété locale de subhar-


monicité exprimée par la définition 2 entraîne la propriété globale
correspondante.
Théorème 2. Si une fonction u est subharmonique dans un domaine
D et G D, alors pour toute fonction h harmonique dans G et continue
dans G

h ^ u sur dG => h ^ u dans G. (5)

^ Posons v = u — h', cette fonction atteint son maximum M


dans G, puisqu’elle y est semi-continue supérieurement. On demande
de prouver que M ^ 0. Soit E = {z £ G:u(z) = M }. Cet ensem­
ble est ouvert d’après le théorème 1 et fermé en vertu de la semi-
continuité de v. S’il est vide, M est atteint sur dG où 0, donc
M ^ 0. Si E n’est pas vide, alors E = G et u = M dans G, donc
dans G en vertu de la semi-continuité. On a encore 0,; car
0 sur dG. ^
Toute fonction h satisfaisant à la condition (5) sera appelée
majorant harmonique de la fonction u dans le domaine G.
Théorème 3. Si une fonction u subharmonique dans un domaine D
est confondue en un point z0 d'un domaine G (c D avec un majorant
harmonique h dans G, alors u = h dans G.
>> La fonction v — u — h est subharmonique et ^ 0 dans G.
Elle atteint donc un maximum local en chaque point z Ç G où v =
= 0. L’ensemble E = {z £G : v (z) = 0} n’est pas vide (il con­
tient z0), il est ouvert d’après le théorème 1 et fermé en vertu de la
semi-continuité de v. Donc E = G. «4
Théorème 4. Soit {ua}, où a parcourt un ensemble A , une famille
de fonctions subharmoniques dans un domaine D. Si l'enveloppe su­
périeure u (z) = sup ua (z) est semi-continue supérieurement *),
a GA
elle est subharmonique dans D .
^ Il faut vérifier la seule condition 2° de la définition d’une
fonction subharmonique. Soient un disque G (cî D et h une fonc­
tion harmonique dans G, continue dans U et ^ u sur dU. Alors
ua sur dU pour tout a £ A, et puisque ua sont subharmoniques,/X/
on a ua dans U aussi pour tout a g A. Il suit de là que h ^ u
dans G. ◄

*) Si l ’ensemble A est fini, cette condition est automatiquement remplie.


FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 301

Au numéro précédent on a montré que les fonctions harmoniques


étaient caractérisées par le fait que leur valeur en chaque point était
égale à la valeur moyenne sur un cercle (ou un disque) centré en
ce point. Indiquons une propriété analogue pour les fonctions sub­
harmoniques en changeant bien sûr l’égalité par l’inégalité corres­
pondante.
Théorème 5 (critère de subharmonicité). Pour qu une fonction u
semi-continue supérieurement dans un domaine D soit subharmonique
dans D, il est nécessaire et suffisant qu il existe pour chaque point z
un nombre r0 (z) > 0 tel que pour tout r < r0
2jï
“ ^ ■~ êr $ u (z + rei() d t■(6)
0
>> a) Nécessité. Soient u une fonction subharmonique dans D ,
z un point arbitraire de D et r0 la distance de z h dD. La fonction u
étant semi-continue supérieurement, pour tout r < r0 il existe une
suite strictement décroissante de fonctions uk *) continues sur le
cercle y = {£: | Ç — z | = r), convergeant vers u sur y. Désignons
par hk le prolongement harmonique de uk dans le disque U =
= {£: | £ — 2 | < r). Puisque uh+1 (£ )< uk (£) sur OU = y le
principe du maximum nous dit que cette inégalité a lieu également
pour les fonctions harmoniques hh dans U, i.e. la suite hk est stricte­
ment décroissante dans U. Donc dans U est définie la fonction
h ( z ) = l i m h k (z), (7)
h -* -o o

fonction qui aux termes du théorème de Harnack (n°l, Annexe)


est soit harmonique dans £/, soit = — oo.
D’après le théorème de la moyenne pour les fonctions harmoni­
ques,
2n
K (2) = -Jj- Wft (Z + rei() dt ;
0
en passant à la limite sous le signe d’intégration (ce qui est licite
en raison de la monotonie), on trouve que
2Jt
= S w(z + rei<) ^ .
0
*) Pour u on peut prendre par exemple les fonctions
= *=1, 2, ...;
£'€v
on laisse au lecteur le soin de prouver que u& sont continues sur y et que
uk ->■ u en décroissant strictement.
302 ANNEXE

Si h = — oo dans £7, alors u = — oo dans U, i.e. (6) est réalisée


de façon triviale. Dans le cas contraire, la subharmonicité de u
et les inégalités u ^ h k sur dU impliquent que u (z h k (z) pour
tout k = 1, 2, . . . et en faisant k oo on obtient
2jï
u ( z ) ^ h {z) = w(z + r e u) d£.
b
Ce qui prouve la nécessité.
b) Suffisance. Soit w une fonction semi-continue supérieurement
dans D et vérifiant la condition (6). Soit h une fonction harmonique
dans un disque U (çz D, continue dans U et telle que u sur dU.
La fonction v = u — h est semi-continue supérieurement dans £/,
et de plus d’après la condition (6) et le théorème de la moyenne pour
les fonctions harmoniques, on a pour tout z Ç U et r assez petit
2n
u(z) — h(z) \ {u(z + reii) — h(z~\-reii)}dt,

u (z^ ~ ê r Jb v (z + reif)dt.
La semi-continuité et cette propriété suffisent pour que u soit justi­
ciable du théorème 1 dans le disque U. Donc si M est le maximum
de u dans U, l’ensemble E = {z g U: v {z) = M) est ouvert;
il est fermé dans U en raison de la semi-continuité de v. La suite de
la démonstration est la même que pour le théorème 2 : si E est vide,
M est atteint sur dU, donc 0; si E n ’est pas vide, E = U
et 0. ◄
Une fonction h définie dans le disque U par la formule (7) s’appelle
meilleur majorant harmonique de la fonction u dans U. On démontre
maintenant sans peine la proposition énoncée au début de ce numé­
ro.
Corollaire. Si une fonction f est holomorphe dans un domaine D ,
la fonction u = ln | f | est subharmonique dans ce domaine.
^ La semi-continuité de la fonction u coule de source. Si z0 Ç D
n’est pas un zéro de /, alors ln / possède une détermination holo­
morphe dans un voisinage de z0 ; la fonction u = ln | / | est la
partie réelle de cette détermination et par suite est harmonique dans
ce voisinage. Le critère (6) est alors réalisé au point z0 (avec le
signe d’égalité) d’après le théorème de la moyenne. Si / (z0) = 0,
alors u (z0) = — oo et le critère (6) est trivial au point z0. ◄(
FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 303

Dans le tome 2 nous aurons besoin du


Théorème 6 . Si une fonction u est subharmonique et ^k — o o dans
un domaine D, l'ensemble E = {z £ D :u (z) = — oo} ne possède pas
de points intérieurs.
^ Supposons que l’ensemble E possède un point intérieur, de sor-
o
te que le noyau ouvert E =^= 0 . Soit a Ç D un point d’accumulation
de E \ il existe alors un disque U = { | z — a |^ r } tel qu’un arc
o
de y = dU appartient à E . Comme dans la démonstration du théo­
rème précédent, construisons une suite de fonctions hk continues
dans U, harmoniques dans U, tendant sur y vers u en décroissant
strictement. Pour tout z Ç ?7on a u ( z ) ^ hk (;z) et lim hk (a) = — oo,
k -> o o
car u = — o o sur y tout entier. D’après le théorème de Harnack
(n° 1, Annexe), lim hk (z) = — o o pour tout z Ç £7, donc u (z) ==
h~+oo o o

= — o o dans U, i.e. a £ E. Par conséquent, E est un sous-ensem-


o
ble non vide ouvert et fermédeD, i.e. E = D et u (z) = — o o dans
D, <
Ce théorème nous permet de démontrer le théorème suivant d’éli­
mination des singularités de fonctions subharmoniques continues.
Théorème 7. Soient v une fonction subharmonique et ^k — o o
dans un domaine D , et E = {z £D :v(z) = — o o ) . Si une fonction
u est continue dans D et subharmonique dans D \ E , elle est subharmoni­
que dans D .
Il_sviffit de démontrer que v est subharmonique dans tout
disque U = { \ z — a r}<zz D. Puisque v est bornée supérieure­
ment sur les sous-ensembles compacts de Z), en remplaçant u par
v — c, on peut admettre que 0 dans U.
Soit h un majorant harmonique de u dans U. Pour tout e > 0 on a
u + z u ^ h sur y = dU, et puisque u + est subharmonique
dans U (dans elle l’est par hypothèse, et dans U [}E, d’après
le critère ( 6 ) , car elle y est égale à — o o ) , il s’ensuit que u zv^. h
partout dans U. En faisant tendre e vers 0, on en déduit que u (z) ^
^ h (z) pourz Ç Mais puisque l’ensemble U "\E est dense dans
U d’après le théorème 6 et que les fonctions u et h sont toutes deux
continues dans U, l’inégalité u ^ . h est réalisée partout dans U. M
Corollaire. Soit E l'ensemble du théorème 7. Si h est une fonction
continue dans D et harmonique d a n sD \E , elle est harmonique dans D .
► Il suffit d’appliquer le théorème 7 aux fonctions h et —h. A
304 ANNEXE

Prouvons en conclusion un théorème sur la limite supérieure d’une


suite de fonctions subharmoniques, qui nous sera utile dans le tome
2 et qui exprime que la convergence est uniforme sous réserve que
la suite de fonctions soit uniformément bornée.
Théorème 8 (Hartogs). Si des fonctions uk sont subharmoniques
dans un domaine D , uniformément bornées sur tout sous-ensemble
compact de D et
lim sup uh (z) ^ A (8)
n-*-oo

en tout point z Ç D , alors pour tout sous-ensemble K (gî D et tout e > 0


il existe un entier k 0 tel que
uk ( z ) ^ A + t (9)
pour tout z £ K et tout k ^ k 0.
Sans perdre en généralité on peut admettre que les fonctions
sont uniformément bornées dans D , car K peut être plongé dans
un domaine D' (g D sur lequel uh sont uniformément bornées par
hypothèse. On peut aussi admettre que uh^ 0 dans D , car au lieu
de uh on peut envisager les fonctions uh — M, où M est la borne
supérieure de tous les uh dans D .
Soit K (g D un sous-ensemble dont la distance à dD est égale à
3r. En tout point z0 Ç K on a en vertu du critère de subharmonici-
té de uh
Jir2uft(z0) < \\ «*(£) dor •). (10)

Servons-nous maintenant du lemme de Fatou **) qui dit


que pour toute suite bornée de fonctions uh mesurables sur
E ( — oo ^ . u h ^ oo)
lim sup \ \ uh d a ^ \ \ lim supuft da.
h-*oo O J J J ft—
►oo
E E

D’après ce lemme, on a en vertu de (8) lim sup \ \ wft(£ )d o ^


... J J h -*-oo
(It-zoKr)
^Ærcr2 ; donc pour tout e > 0 il existe un k0 tel que pour tout
k^k0

^ Wft(S) d o < ( ^ + y ) nrZ- (H)


{l£-zol<r>

*) Pour établir cette inégalité il suffit de multiplier les deux membres de


(6) par r dr et d’intégrer sur r de 0 à r0 (cf. n° 1, Annexe).
**) Cf. par exemple l ’ouvrage de V. Vladimirov cité à la page 298.
FONCTIONS HARMONIQUES ET SUBHARMONIQUES 305

Soit maintenant z un point arbitraire du disque { | z — z0 | <


< ô}, où ô < r. Puisque le disque { | £ — z | < r + 0} (g i ) t
la propriété de subharmonicité nous donne
Jt (r + ô)2uk (z)< j J uh(£) dcr,
<lt-z|<r+ô>
et puisqu’il contient le disque { | £ — z0 | < r) et que uk 0V
on a en vertu de (11)
n (r + ô)2uft(z)< j jj uh ( t ) d o ^ n r z ( A + y ) •
<lï-z0W>
En choisissant ô (pour A, r et e fixes) assez petit, on trouve que
z Ç { | z — z0 | <C ô} et uk (z)^. A + e pour tout k 0. Le lem-
me de Heine — Borel nous donne la proposition du théorème. M
Remarquons enfin qu’avec les fonctions subharmoniques, on étu­
die les fonctions superharmoniques qui sont les analogues des fonc­
tions bidimensionnelles convexes vers le haut. Une fonction superhar­
monique est une fonction u : D ] — oo, oo] semi-continue infé­
rieurement *) dans D telle que, pour tout disque U (g: D et toute
fonction h harmonique dans U et continue dans £7, l’inégalité u ^
^ h sur dU entraîne la même inégalité dans £7. L’étude des fonc­
tions superharmoniques se ramène à celle des fonctions subharmo­
niques, car pour qu’une fonction u soit superharmonique il est né­
cessaire et suffisant que la fonction —u soit subharmonique.
Si l’on remplace partout les fonctions harmoniques de deux va­
riables (réelles) par des fonctions de même nature de n variables*
on peut envisager des fonctions subharmoniques et superharmoni­
ques dans des domaines de l’espace R71.

Exercices
1. Citer un exemple de fonction (pjiarmonique dans un disque
£7= {x2 + y2 < x), continue dans £7\{0}, partout nulle sur
d£7\{0} et non identiquement nulle. (Cet exemple montre que si
un seul point frontière n’est pas assujetti aux conditions, la solution
du problème de Dirichlet est susceptible de ne pas être unique.)
(Réponse : cp = 1 — Re Hz).
2. Si y est une courbe différentiable et p une fonction continue
sur 7, la fonction réelle
q>(*)=Jli(t)ln|Ç-z| |d£|
V

*) On dit qu’une fonction u est semi-continue inférieurement en un point z0


si —u est continue supérieurement en z0.
306 ANNEXE

s’appelle potentiel logarithmique de densité p. Montrer que


a) cpest harmonique à l’extérieur de 7 ; b) si 7 est le cercle { | z | = r}
^t p = 1, alors (p est constante dans le disque { | z | < r}.
3. Soit cp une fonction harmonique dans le demi-plan supérieur
(Im z > 0} et partout nulle sur l’axe x. Montrer que cp = ay, où a
•est une constante positive (comparer avec l’exercice 12 du cliap.
IV).
4. Soit u une fonction harmonique dans un domaine D, symé­
trique par rapport à l’axe réel R. Montrer que si u = 0 sur Z? H R,
alors u (z) — — u (z).
5. Soient / (z) et zf (z) des fonctions complexes harmoniques
(i.e. des fonctions à valeurs complexes satisfaisant à l’équation de
Laplace). Montrer que / est une fonction holomorphe.
6. Montrer que si une série 2<Pv de fonctions harmoniques stric­
tement positives dans un domaine D converge au moins en un
pointa Ç D, elle convergera uniformément sur tout compact de D.
7. Soit cp une fonction réelle, harmonique dans un domaine fer­
mé D à l’exception d’un nombre fini de points de D en lesquels elle
est égale à — 00. Montrer que sup cp = sup cp.
D dD
8. Montrer qu’une condition nécessaire et suffisante pour qu’une
fonction cp Ç C2 soit subharmonique est que

^ = 5 - + -5 L> « -
9. Soient cp une fonction subharmonique et u une fonction con­
vexe sur R1. Montrer que la fonction composée a o c p est subharmo­
nique.
10. Montrer que la limite d’une suite strictement décroissante
de fonctions subharmoniques est une fonction subharmonique.
11. Soit / une fonction complexe harmonique dans un domaine
D. Montrer que si | / | = const dans Z), alors / = const.
INDEX ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES

Adhérence 16, 22 Domaine 22


Aire d’un polygone 58 — compact 23, 95
Application 39 — de convergence 107
— anti-conforme 39, 50 — d’holomorphie 148
— conforme 30 — homographiquement isomor­
— homographique 46, 51 phe 52
Approche élémentaire 177 — infiniment connexe 23
— générale 181 — de Jordan 23
Automorphisme arbitraire 206 — multiplement connexe 23
— conforme 205 — simplement connexe 23, 214
— homographique 53
Elément(s) 152, 160
Chemin(s) 19 — analytique 160
— continûment différentiable 20 — canonique 152
— différentiable par morceaux 20 — enchaînés 153
— équivalents 19 — frontières 218
— fermé 19 — non canonique 152
— homotope 88, 89 Ensemble fermé 16
— de Jordan 20 — d’indétermination 133
— rectifiable 20 — ouvert 16
Champ lamellaire 42 Espace métrique 15
— irrotationnel 42 Extrémité d’un chemin 19
— solénoïdal 42
Classe d’homotopie 89
Composante connexe 23 Famille (de fonctions) localement équi-
Conditions de Cauchy — Riemann 38 continue 208
Connexité par arcs 23 — — — uniformément bornée
Convergence 268 208
Courbe 20 — — normale 209
— différentiable par morceaux 22 — — relativement compacte 209
— de Jordan 21, 203, 217, 219 Faisceau de germes de fonctions ana­
— rectifiable 22 lytiques 186
Fonctions) affine entière 45
— algébriques 198
Dérivée formelle 33 — analytique 35, 158
Détermination 159, 162, 165 — — complète 158
— principale 166 — anti-holomorphe 39
Développement asymptotique 272 — automorphe 233
Distance de deux ensembles 18 — biunivoque 25
— de Lobatchevski 56 — continue 29
308 IN D EX

Fonctions Ligne de courant 45


— de courant 42 — singulière 130
— C-différentiable 32 Longueur d’un chemin 20
— C-linéaire 30, 32
— différentielle 35
— élémentaires 162 Méthode de Gauchy 147
— exponentielle générale 170 — du col 280
— gamma 146 — de Laplace 275
— harmonique 286 — variationnelle 212
— holomorphe 35, 36 Métrique euclidienne 14
— homographique 45, 206 — de Lobatchevski 56
— injective 25 — sphérique 14
— méromorphe 135, 228 Modèle de géométrie de Lobatcheuskü
— modulaire 232 55
— puissance 62 Multiplicité d’un zéro 114
générale 170
— R-différentiable 32
— R-linéaire 32 Ordre de branchement 173
— semi-continue supérieurement — d’une fonction 230, 252
233 , angulaire 262
— spectrale 265 — d’un pôle 132
— subharmonique 30 — d’un zéro 114
— superharmonique 35
— trigonométriques 68 Parallélogramme fondamental 23G>
— — inverses 169 Plan fermé 13
— d’une variable complexe 25 — ouvert 13
Fonctionnelle 210 Point(s) d’accumulation 16
Forme cartésienne d’un nombre com­ — de branchement 172, 178
plexe 11 — — logarithmique 172, 17&
Formule de Cauchy — Green 99 — — d’ordre infini 173
— de Cauchy — Hadamard 106 — à caractère multivoque 172
— intégrale de Cauchy 96 — — univoque 172
— de Poisson 293 — critique 38
Frontière orientée 95 — frontière 22
—- à l ’infini 13
— isolés 128
Germe d’une fonction analytique 161 — singuliers 121, 171
Polynôme indécomposable 200
Potentiel d’un champ 42
— —, complexe 42
Homéomorphisme 45 Primitive 84
— local 183, 186 Principe de l ’argument 189
— de compacité 208, 210
— de Lindelôf — Phragmén 218r
Indice 192 262
Inégalités de Cauchy 103, 126 Propriété circulaire d’une application
Intégrale de Cauchy 96 40
— de Poisson 295 Problème de Dirichlet 292
— de Schwarz 296 Produit 11, 47
Inversion 50 — convergent 245, 246
Isomorphisme homographique 51, 52 — infini 245
— scalaire 11
— vectoriel 11
Lemme de Fatou 304 Projection stéréographique 13
— de Jordan 142 Prolongement analytique 145, 153r
— de Schwarz 204 154
INDEX 309

Racine 162 Théorème


Relation de voisinage 183 — de Liouville 104, 207
Résidu 137, 138 — de Mittag-Leffler 239
— à l ’infini 139 — de monodromie 153
— logarithmique 189 — de Montel 209
— de Morera 110
— de Picard 231, 234, 235
Série(s) de Bürman — Lagrange 198 — de Poincaré — Volterra 160
— convergente 101, 239 — de Privalou 218
— de Laurent 123 — de Pythagore — Lobatcheuski
— de Puiseaux 175 59
— de Taylor 101, 103, 109 — de Riemann 178, 194, 205,
— uniformément convergente 101 212, 224
239 — de Riesz F. 218
Sinus elliptique 227 — de Riesz M. 218
Sphère des nombres complexes 14 — de Rouché 193, 201
— de Riemann 14 — de Runge 119, 212
Surface de Riemann 178, 184 — de Schwarz 219, 224
— de Sohotsky 233
— de Weierstrasse 115, 246
Théorème d'Abel 106 Topologie du plan complexe 16
— de Bernoulli 168 Type (d’une fonction) 255
— de Borel 255 — angulaire 262
— de Carathéodory 217 — maximal 255
— de Cauchy 81, 88, 90, 136 — minimal 255
— à'Hadamard 255, 258, 259 — moyen 255
— de Harnack 291
— de Hurwitz 211
— de Kotelnikov 265, 267 Variété complexe 183
— de Kellog 219 Voisinage pointé 16
Théorème
— de Laurent 121
— de Lindelôf — Phragmén 218,
262 Zéro d une fonction 112

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