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Kadidja MEITE

Le numérique au musée

Table des matières

Le numérique au musée
Table des matières
Extrait du rapport d’activité du Louvre 2018
Les expositions de Louvre en 2018
Delacroix (1798-1853)
Un rêve d’Italie La collection du marquis Campana [titre 3]
La France vue du Grand Siècle Dessins d’Israël Silvestre (1621-1691)
Pastels du musée du Louvre
La Gravure en clair-obscur Cranach, Raphaël, Rubens…
Petite Galerie 3 Théâtre du pouvoir
Petite Galerie 4 L’Archéologie en bulles
Les ressources documentaires et éditoriales du musée du Louvre en 2018 [titre
2]
Les images
Les traductions
Les bibliothèques
Les bases de données
Les productions numériques et audiovisuelles du Louvre : près de 19 millions de
visiteurs sur Louvre.fr en 2018
louvre.fr et musee-delacroix.fr
Les outils mobiles au service de la visite
Chiffres clefs
La communication numérique : le Louvre, musée français le plus présent sur Fa-
cebook, Instagram et Twitter
Recueil de textes
Extrait de l’article « Médiation et pratiques informationnelles des community
managers dans les musées »
Introduction
Socialisation numérique dans les musées
Méthodologie de recherche
Discussion et conclusion
La prescription au cœur des médiations numériques muséales
Introduction
Médiations muséales : usages et relations
Les tables multitouch
Les applications mobiles
Les applications mobiles à l’extérieur des musées
L’Internet et le participatif
Diffusion et prescription
Pour conclure : innover la prescription numérique
Extrait du rapport d’activité du Louvre 2018
Les expositions de Louvre en 2018

Delacroix (1798-1853)
Par son ampleur et son ambition, l’exposition a relevé un défi inédit depuis l’exposi-
tion parisienne qui commémorait en 1963 le centenaire de la mort de l’artiste. Il
reste encore beaucoup à comprendre sur la carrière de Delacroix : elle se déroule sur
un peu plus de quarante années (de 1821 à 1863), or les peintures qui font la
célébrité de l’artiste ont pour la plupart été produites durant la première décennie.
Souvent cité comme ancêtre des coloristes modernes, Delacroix décrit en réalité un
parcours parfois peu compatible avec la seule lecture formaliste de l’histoire de l’art
du 19e siècle. L’exposition a proposé une vision des motivations susceptibles d’avoir
inspiré et dirigé son activité picturale au fil de sa longue carrière, déclinée en trois
grandes périodes. La première décennie a été placée sous le signe de la rupture avec
le système néoclassique, au profit d’un recentrement sur les possibilités expressives
et narratives du médium pictural dans un contexte de crise de la peinture d’histoire
traditionnelle ; la seconde partie a cherché à évaluer l’impact du grand décor public,
principale activité de Delacroix dans les années 1835-1855, dans sa peinture de che-
valet où s’observe une tension entre le monumental et
le décoratif; enfin, les dernières années semblent domi-
nées par une forte attraction pour le paysage, tem-
pérée par un effort de synthèse personnelle rétrospec-
tive. Ces clefs interprétatives ont permis de proposer
une classification renouvelée qui dépasse le simple re-
groupement par genres ou bien le clivage romantique-
classique, et ménagent des effets de contrastes. Elles
permettent enfin de placer la production picturale de
Delacroix en résonance avec les grands phénomènes
artistiques de son temps: le romantisme certes, mais
aussi le réalisme, les historicismes, l’éclectisme. Ces
propositions ont stimulé de nouveaux débats au cours
de journées d’étude accompagnant l’exposition. Un catalogue et un album, tous deux
intitulés Delacroix et respectivement tirés à 16 500 et 33 000 exemplaires, ont ac-
compagné cette exposition.

l’interview débute ci-dessous

INTERVIEW DE MESSIEURS SÉBASTIEN ALLARD, ET CÔME FABRE, CO-COMMISSAIRES DE


L’EXPOSITION «DELACROIX», RESPECTIVEMENT CONSERVATEUR GÉNÉRAL, DIRECTEUR
DU DÉPARTEMENT DES PEINTURES, ET CONSERVATEUR AU DÉPARTEMENT DES
PEINTURES.

Pourquoi avoir choisi de rétrospective à Eugène De- En France, il n’y avait pas
consacrer une grande lacroix ? eu de grande exposition re-
traçant la carrière complète ne sont représentatifs que position, le parcours se
de cet artiste depuis 1963, des dix premières années concluait avec l’importance
date du centenaire de sa de création. Pourquoi accrue du paysage qui
mort. 55 ans plus tard, abandonne-t-il les sujets baigne les compositions
alors que les recherches d’actualité après 1830 au tardives, et le rôle créateur
des historiens ont fait profit de sujets classiques que le peintre assignait à la
émerger une énorme ou décoratifs ? Quelle mémoire. Il y avait aussi un
quantité de sources nou- forme de modernité visait-il espace central dédié à
velles, il apparaissait utile dans les années 1850, alors l’écriture, complément in-
de décanter cette masse que sa peinture paraît si dispensable de la création
d’informations et de s’ef- dissociée de celles de chez Delacroix.
forcer d’en offrir une syn- l’avant-garde réaliste ?
thèse cohérente. Par Telles étaient les questions
ailleurs, cette envie rencon- qu’il fallait poser pour inté- Quelles sont selon vous
trait celle du Metropolitan resser le public non pas les raisons du vif succès
Museum of Art de New seulement au Delacroix de que l’exposition a rencon-
York pour qui une telle ex- 30 ans, mais aussi à celui tré auprès du public ?
position était encore néces- qui peint jusqu’à son der-
saire puisqu’il s’agissait de nier souffle, à plus de 60
faire découvrir pour la pre- ans. Le parcours de l’expo- Pour le public français et
mière fois au public sition et le catalogue qui européen, Delacroix fait
l’œuvre de l’artiste dans l’accompagne sont articulés partie de ces grandes fi-
toute sa diversité et sur en fonction de ces ques- gures familières dont on a
toute sa carrière. tions, ce qui a conduit à plaisir à se laisser sur-
une sélection et à un accro- prendre alors qu’on croyait
Quel nouvel éclairage
chage nécessairement sub- le fréquenter depuis long-
avez-vous souhaité porter
jectifs, mais qui avaient la temps. Utiliser La Liberté
sur l’artiste et son œuvre
vertu de surprendre et de guidant le peuple pour
avec cette exposition?
renouveler le regard sur cet l’affiche et le catalogue
L’enjeu n’était pas d’être artiste. Nous avons par était un signal de ralliement
exhaustif – impossible avec exemple choisi de mener le très efficace ; les visiteurs la
Delacroix, auteur de plus spectateur d’emblée et redécouvraient, sur un fond
de 700 peintures et 6 000 d’un seul coup aux grands bleu nuit, dès l’entrée de
dessins, d’une centaine formats des Salons de 1822 l’exposition. Notre souhait
d’estampes et de milliers à 1834 pour rendre sen- était que cette accroche
de pages écrites! – mais de sible la rapidité fou- rende le public plus dispo-
proposer une lecture nou- droyante avec laquelle De- nible pour découvrir en-
velle d’une carrière et lacroix trouve une place et suite ce qu’il connaît moins
d’une œuvre complexes: une voix singulière sur la ou pas du tout: les lithogra-
pour le grand public, sa scène artistique parisienne, phies noires, les études de
production se résume trop en réformant la peinture en nu brutales et sensuelles,
souvent à quelques chefs profondeur par les sujets et les énormes gerbes de
d’œuvre «romantiques» de par la technique picturale. fleurs, les déplorations aus-
grand format, alors qu’ils À l’autre extrémité de l’ex- tères et pathétiques inspi-
rées de la Passion du Christ,
les paysages flottants, éme-
raude et turquoise des der-
nières années, sans oublier
les pages magnifiques du
Journal ou des lettres. L’im-
pression conjointe d’abon-
dance, de diversité et de
cohérence a sans doute
contribué à rendre la visite
agréable et surprenante ;
s’y ajoutait la muséogra-
phie élégante et fluide si-
gnée par Victoria Gerten-
bach. Le peintre étant très
soucieux de la qualité
d’exécution et de l’intégrité
de ses peintures après lui,
ses œuvres brillent encore
aujourd’hui d’un éclat par-
ticulier, rehaussé par un
éclairage très soigné réalisé
par les équipes du Louvre.
L’exposition offrait un bain
de couleurs contrasté, servi
par un peintre qui ne se
laisse toutefois jamais dé-
border par une matière
qu’il maîtrise avec génie.
L’interview se termine ci-dessus

Un rêve d’Italie La collection du marquis Campana [titre 3]

Cette exposition a été organisée par le musée du


Louvre, Paris, en partenariat avec le musée de l’Ermi-
tage, Saint-Pétersbourg. Cette exposition a eu pour
ambition de présenter, pour la première fois depuis sa
dispersion dans les années 1850-1860, celle qui fut la
plus importante collection privée de l’époque en mon-
trant le rôle majeur joué par Giampietro Campana dans
la prise de conscience de l’existence d’un patrimoine
culturel italien dans le contexte de l’émergence de la nation italienne au cours du 19e siècle.
Giampietro Campana a rassemblé la plus grande collection privée du 19e siècle, qui engloba
aussi bien des objets archéologiques que des peintures, des sculptures et des objets d’art
modernes; cette collection se caractérise à la fois par sa quantité et par sa qualité, puis-
qu’elle inclut de nombreux chefs-d’œuvre, du Sarcophage des Époux à la Bataille de Paolo
Uccello. Ce souci d’exhaustivité témoigne de la volonté qu’avait Campana de donner une
image du patrimoine culturel italien : à ce titre, la collection constitue un moment fondateur
de l’affirmation de la culture italienne, dans le contexte de l’émergence de la nation italienne
au cours du 19e siècle. La fortune de la collection auprès des visiteurs étrangers de passage à
Rome et l’émotion suscitée en Italie par le sort de la collection témoignent de l’importance
de cette collection dans la conscience culturelle italienne et européenne. La collection
constituée à grands frais par Campana entre les années 1830 et 1850 a été vendue par les
États pontificaux après le procès pour malversation intenté à Campana, alors directeur du
Mont-de-Piété. À la suite d’une rivalité entre les principaux musées européens, une partie
importante de la collection a été achetée pour enrichir les collections du musée de l’Ermi-
tage ; le reste de la collection a été acheté par Napoléon III et a été transféré au Louvre et,
pour partie, dans les musées de province. L’exposition s’est attachée à montrer la place oc-
cupée par Campana dans la Rome et l’Europe de son temps ; à illustrer la constitution et l’or-
ganisation encyclopédique de sa collection d’antiques ; à présenter les œuvres majeures et
les spécificités de sa collection d’art de la Renaissance (peintures, majoliques et sculptures);
enfin, à retracer les enjeux et les conséquences de la dispersion de la collection et la fortune
de cette dernière dans la création artisanale et artistique de la fin du 19e siècle. Un cata-
logue et un album, tous deux intitulés Un rêve d’Italie, la collection du marquis Campana et
respectivement tirés à 5 500 et 6 700 exemplaires, ont accompagné cette exposition.

La France vue du Grand Siècle Dessins d’Israël Silvestre (1621-1691)


Formé à la gravure dans le milieu de Jacques Callot, Israël Silvestre s’est très tôt consacré à la
représentation des paysages urbains. Ses premières « vues », pittoresques et de petit for-
mat, illustrent aussi bien Nancy, où il est né, que les villes traversées de Paris à Rome, où il
effectua plusieurs voyages. Les œuvres de la maturité offrent au contraire de vastes panora-
mas, montrant la capitale, avec ses fêtes royales et ses transformations, ou le profil des villes
conquises par Louis XIV en Lorraine et dans les Ardennes. Enfin, ses vues en série des beaux
châteaux d’Île-de-France (Vaux-leVicomte, Meudon, Montmorency, Versailles) renouvellent
le regard sur l’architecture et les jardins. Si les gravures de Silvestre ont été largement diffu-
sées, ses dessins demeurent méconnus. Le musée du Louvre en conserve un ensemble ex-
ceptionnel qui a été présenté au public pour la première fois. Un catalogue, Israël Silvestre,
tiré à 2 200 exemplaires, a accompagné cette exposition.

Pastels du musée du Louvre


Avec le château de Versailles, le musée du Louvre a la chance de conserver la collection de
référence nationale de pastels européens des 17e et 18e siècles. Pour l’essentiel peintes au
siècle d’or du pastel (18e siècle), ces œuvres, d’une extrême fragilité puisque créées à l’aide
d’une poudre colorée que l’on a souvent comparée à celle couvrant les ailes de papillon, per-
mettent de mesurer tout le génie des artistes qui les ont exécutées. Représentés par d’ex-
ceptionnels ensembles, Maurice Quentin de La Tour, Jean-Baptiste Perronneau et Jean-Bap-
tiste Siméon Chardin s’imposent aujourd’hui parmi les artistes les plus renommés. Il convient
de leur adjoindre Jean-Marc Nattier, François Boucher, Louis Vigée, Adelaïde LabilleGuiard,
Marie-Suzanne Giroust, Joseph Boze ou bien encore Élisabeth-Louise Vigée Le Brun qui, tous,
sont illustrés par des œuvres importantes dans la collection. Leurs créations ont été exé-
cutées non pas comme des études préparatoires rehaussées de pastel, mais comme des
œuvres en elles-mêmes. Grâce au mécénat des American Friends of the Louvre, en particu-
lier celui de Joan et Mike Kahn, la collection réunissant plus de 150 œuvres a été systémati-
quement restaurée et remontée afin d’être protégée de la poussière. Ce chantier a permis
d’étudier à nouveau la collection et de livrer le fruit de cette recherche dans un inventaire
raisonné dont la publication en français et en anglais a été rendue possible grâce au mécénat
du Joan Kahn Family Trust. L’exposition a invité à revoir certains chefsd’œuvre comme le
Portrait de la marquise de Pompadour par Maurice Quentin de La Tour (la restauration de
cette œuvre a bénéficié du mécénat de Canson®), ainsi que de nouvelles acquisitions, à
l’exemple de l’effigie de l’acteur Lekain par Simon Bernard Lenoir. Elle a donné aussi l’occa-
sion de comparer ces créations françaises à celles d’autres maîtres étrangers, comme
Rosalba Carriera à Venise, Jean-Étienne Liotard à Genève ou John Russell à Londres. Un
catalogue en français et sa version anglaise, tous deux intitulés Pastels et respectivement ti-
rés à 3 000 et 1 500 exemplaires, ont accompagné cette exposition.

La Gravure en clair-obscur Cranach, Raphaël, Rubens…


Réunissant de manière inédite près de 120 estampes conservées dans les collections pari-
siennes les plus importantes (collection Edmond de Rothschild, musée du Louvre ; Biblio-
thèque nationale de France ; Fondation Custodia et Beaux-Arts de Paris), ainsi que des prêts
emblématiques de musées français et étrangers, l’exposition a retracé à la fois une tech-
nique et une esthétique particulières de l’estampe : la gravure en clair-obscur, dite aussi en
couleurs. Elle en a proposé un panorama chronologique et géographique à travers les chef-
sd’œuvre gravés par ou d’après les plus grands maîtres de la Renaissance et du maniérisme
européen, tels que Cranach, Raphaël, Pierre Paul Rubens, Parmigianino, Domenico
Beccafumi ou Hans Baldung Grien. L’exposition s’est appuyée sur un projet de recherche
scientifique, financé par la Fondation Patrima, portant sur l’analyse des pigments et colo-
rants d’une quarantaine de gravures en clair-obscur et faisant collaborer le musée du
Louvre, la BnF et le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)
[https://c2rmf.fr/]. Un catalogue, La Gravure en clair-obscur, tiré à 2 200 exemplaires, a ac-
compagné cette exposition.

Petite Galerie 3 Théâtre du pouvoir


L’art et le pouvoir politique ont toujours noué des liens étroits, comme le révèle cette expo-
sition de la Petite Galerie. Pour sa troisième saison, l’espace dédié à l’éducation artistique et
culturelle du Louvre s’est ainsi intéressé aux codes de représentation du pouvoir politique,
depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours. Mettant en scène des œuvres du Louvre et celles de
grandes institutions culturelles françaises, l’exposition a aussi bien présenté des figures du
prince « guerrier », «bâtisseur » ou «héroïsé », en référence aux modèles antiques, que des
objets symbolisant la puissance. Le parcours montrait comment les images sont utilisées
pour légitimer le pouvoir, notamment à travers la figure d’Henri IV qui a fait l’objet d’une
étude particulière, ou quelques célèbres portraits de monarques et d’empereurs comme
Louis XVI ou Napoléon. Des objets emblématiques de la monarchie, tels que les regalia, ob-
jets du sacre des rois de France, ont également été mis en avant. La dernière partie mettait
enfin en lumière les ruptures historiques et iconographiques nées avec la Révolution
française. Un catalogue, Théâtre du Pouvoir, tiré à 5000 exemplaires, a accompagné cette
exposition.

Petite Galerie 4 L’Archéologie en bulles

Pour sa 4e saison, l’exposition de la Petite Galerie a fait


dialoguer l’archéologie et la bande dessinée. Le public a
pu, d’un côté, s’approprier la démarche de l’archéologue
et, de l’autre, comprendre comment, à leur tour, les au-
teurs de bande dessinée s’emparent du vaste champ
d’étude qu’est l’archéologie. Se glisser dans les pas des
curieux, amateurs et archéologues épris d’Antiquité ; dé-
couvrir fortuitement des « trésors » ; exhumer des objets
enfouis à différentes époques, les classer puis essayer de
les interpréter. Autant d’étapes qui ont été l’occasion de
montrer comment le 9e art s’approprie, entre réel et fic-
tion, les découvertes archéologiques à l’origine des col-
lections du Louvre. Un catalogue, Petite Galerie: ar-
chéologie en bulles, tiré à 5000 exemplaires, a accompa-
gné cette exposition.

Intégrez ici le tableau avec les chiffres des expositions


Exposition Lieu Date Commissariat Nombre de Nombre Nombre Fréquentation
prêteurs d’exemplaires
d’œuvres
du catalogue

Musée du 29 mars au 23 Keith


65 190 16 500 540 000
Delacroix LOUVRE, hall juillet 2018 Christians et
(1798-1853) Napoléon Asher Miller

Musée du 7 novembre Anna Trofi-


58 557 5 500 540 000
Un rêve d’Italie 2018 au 18
La collection du
LOUVRE, hall mova et
Napoléon février 2019
marquis Campana Laurent
Haumesser

Musée du
Louvre,
7 juin au
10
Xavier 1 121 1 500 NC
Pastels du Salmon
musée du
rotonde septem-
Louvre Sully sud bre

Musée du 15 mars Béné-


Louvre, au 25 juin dicte 8 81 2 200 NC
La France vue du
Grand Siècle Dessins rotonde Sully 2018. Gady et
d’Israël Silvestre nord
(1621-1691)
Juliette
Trey
Musée du
Louvre,
18 octo- Séver-
bre 2018
9 117 2 200 NC
La Gravure en clair-
obscur Cranach,
rotonde Sully
au 14 jan-
ine Lep-
nord et sud,
Raphaël, Rubens…
vier 2019 ape
Musée du 27 septem- 390 000
Louvre, aile bre 2017
Paul
Miron-
12 49 5000
Petite Galerie 3
Théâtre du pou-
Richelieu au 2 juillet neauet
2018
voir JeanLuc
Martinez,
assistés
de Flo-
rence
Dinet
Musée du 130 000
24
Louvre, aile septem-
Fabrice
Douar, 37 274 5000
Petite Galerie 4
L’Archéologie en Richelieu bre 2018 JeanLuc
Martinez,
bulles au 1er
assistés de
juillet
Florence
2019. Dinet.
Les ressources documentaires et éditoriales du musée du Louvre
en 2018 [titre 2]

Les images
Les iconographes du Louvre ont assuré en 2018 les recherches iconographiques pour une di-
zaine d’ouvrages et articles scientifiques, pour la médiation numérique et signalétique dans
les salles (Olympie, Parthénon, sculptures, Palais de Darius, espace didactique des arts gra-
phiques) et pour le catalogue, la médiation et la communication de six expositions dont
celles sur Delacroix et Campana. L’exposition «L’Archéologie en bulles» à la Petite Galerie a
constitué un enjeu inédit pour le musée en matière d’images, puisqu’il s’est agi de négocier
les droits de reproduction et représentation de 120 planches de bandes dessinées par 70 au-
teurs français et étrangers. 12 000 clichés réalisés en 2018 témoignent de la vie du musée :
montage d’expositions, chantier des salles Rouges et de l’accueil des groupes, restauration
du tombeau de Philippe Pot, chantiers des collections… Un important chantier de prises de
vue a permis de réaliser 1105 clichés en très haute définition de tapisseries issues de la
récupération artistique (œuvres MNR), qui seront diffusés sur la base ministérielle. L’alimen-
tation de la photothèque numérique interne a repris en 2018, à raison de 13000 clichés
d’œuvres intégrés, portant le total à plus de 233000 images. Enfin, le musée du Louvre a lan-
cé mi-2018 une réflexion active sur les conditions juridiques et opérationnelles de l’ouver-
ture des images de ses collections, en lien avec ses interlocuteurs ministériels et la Réunion
des musées nationaux-Grand Palais (RMN-GP).

Les traductions
Le volume de textes traduits en 2018 pour les besoins de médiation, communication, conser-
vation, information des publics, augmente de 46% par rapport à 2017, soit 2 182 feuillets de
1 500 signes, répartis entre 12 langues cibles. Cette hausse exceptionnelle est liée à la tra-
duction en cours des contenus du nouvel audioguide prévu pour 2020, au développement
des traductions d’articles scientifiques écrits par les chercheurs du Louvre, ainsi qu’à la géné-
ralisation de l’emploi du chinois dans la signalétique d’information, en plus de l’anglais et de
l’espagnol, accompagnant la hausse de la fréquentation par les visiteurs sinophones. La tra-
duction des cartels et panneaux de salles en anglais et espagnol se poursuit sur un rythme
identique à 2017 (1 200 cartels et 40 panneaux, notamment pour les sculptures françaises et
les antiquités grecques).

Les bibliothèques
Le projet de migration des catalogues des dix bibliothèques du musée du Louvre et du mu-
sée Delacroix dans un nouvel outil, lancé mi-2017, a abouti avec succès en juillet 2018: les
notices bibliographiques de quelque 200000 ouvrages conservés au Louvre sont désormais
consultables en ligne dans le catalogue collectif du Réseau des bibliothèques des musées na-
tionaux (RBMN), http://auroch.culture.fr, donnant une visibilité inédite à ces fonds spéciali-
sés en lien avec les domaines scientifiques du musée et contribuant à positionner le musée
en tant que lieu de production de la recherche et de mise à disposition de ressources scienti-
fiques. Les bibliothécaires du Louvre disposent aussi d’un nouvel outil de gestion pour les
opérations de catalogage, récolement, prêt, en remplacement de l’ancien logiciel tombé en
obsolescence. Le musée a mis en place des formations complètes à cet outil et a piloté pour
le réseau la rédaction d’un référentiel de catalogage.

Les bases de données

Le Louvre a déployé en avril 2018 l’outil Intranet Collections en ligne, permettant aux agents
de consulter 215 000 notices d’œuvres issues de la base de gestion et de documentation.
Cette première étape décisive dans la diffusion numérique des collections a été suivie en
septembre par le lancement du projet Portail des Collections, dont l’objectif est la mise en
ligne des collections sur Internet fin 2019, dans une interface adaptée aux chercheurs
comme aux visiteurs. L’outil de gestion et de documentation des collections a connu en 2018
deux évolutions majeures: implémentation de l’inventaire unique informatisé, avec numéros
d’inventaire normés; conception de l’interface de traçabilité des œuvres par codes-barres,
en vue du déménagement et de l’installation des réserves au futur Centre de conservation
du Louvre à Liévin. L’intégration des données du musée Delacroix sera finalisée en 2019.

Les productions numériques et audiovisuelles du Louvre : près de


19 millions de visiteurs sur Louvre.fr en 2018
En 2018, l’environnement numérique et audiovisuel du musée du Louvre s’est enrichi de
nouvelles productions à destination des visiteurs et des publics connectés autour des exposi-
tions temporaires, des collections permanentes et des activités du musée. En parallèle de
ces productions numériques un vaste chantier d’audit et de refonte des dispositifs en ligne a
démarré pour se poursuivre en 2019 avec pour objectif de mieux répondre aux usages des
publics.

louvre.fr et musee-delacroix.fr
Face à la hausse de la fréquentation, louvre.fr [https://www.louvre.fr/] a continué d’évoluer
pour faciliter notamment l’accès à des informations pratiques et à la billetterie en ligne. Par
ailleurs, le site s’est également enrichi de nouveaux contenus à destination de différents pu-
blics : un documentaire sonore dédié aux époux Dieulafoy, des vidéos du MOOC «La sculp-
ture grecque d’Alexandre à Cléopâtre » avec les conservateurs du musée et en partenariat
avec l’École pratique des hautes études, un mini-site dédié au 14e Congrès international des
études nubiennes ou encore des médias dossiers pédagogiques. En mars 2018, le musée De-
lacroix a mis en ligne son nouveau site internet [https://www.musee-delacroix.fr/fr/] afin de
présenter le lieu, ses collections, son actualité et ses activités. Ce site, qui s’adapte à tous les
écrans, permet aux visiteurs de mieux préparer leur visite et favorise la découverte du lieu et
du peintre Eugène Delacroix grâce à une ergonomie et un graphisme repensés.

Les outils mobiles au service de la visite

Les applications mobiles et l’audioguide du musée accompagnent les publics dans leur visite
des expositions temporaires et des collections permanentes. Avec les différents guides
édités, les outils papier mis à disposition des visiteurs et les dispositifs numériques in situ, ils
complètent la large palette de l’offre du musée. L’application de l’exposition dédiée à Eu-
gène Delacroix a ainsi permis de proposer des contenus sonores autour des chefsd’œuvre
présentés. Par ailleurs, l’application «L’Archéologie en bulles » conçue pour la 4e édition de
la Petite Galerie accompagne les visiteurs en situation de handicap dans leur déambulation.
L’audioguide du musée donne pour chaque grande exposition des clefs de compréhension
aux visiteurs grâce à des interviews des commissaires. Ainsi pour les expositions consacrées
à Eugène Delacroix et au marquis de Campana, les visiteurs ont pu se laisser guider à travers
les chefs-d’œuvre présentés. Les productions audiovisuelles Le musée a développé depuis de
nombreuses années une production audiovisuelle, qu’elle soit destinée aux outils de média-
tion in situ, à l’antenne ou aux réseaux sociaux et à la chaîne YouTube du Louvre
[https://www.youtube.com/c/museelouvre] . En 2018, le musée du Louvre a coproduit un
nouveau documentaire de 52 minutes dédié à l’artiste Eugène Delacroix autour de l’exposi-
tion. Ce documentaire a été diffusé sur France 5, projeté à l’École du Louvre et à l’auditorium
du musée et édité en DVD. La production de courts documentaires autour des techniques et
des métiers d’art s’est également poursuivie afin de faire découvrir au public les coulisses du
musée et les secrets des œuvres.

Chiffres clefs
Pour éléments suivants, faire une liste à puces
• louvre.fr: 18 907 184 visites (+4,3 % par rapport à 2017)
• musee-delacroix.fr: 726029 visites (+13,9% par rapport à 2017)
• applications du musée : +295 000 téléchargements
• 1 documentaire de 52 minutes sur Eugène Delacroix – 25 productions de courts documen-
taires

La communication numérique : le Louvre, musée français le plus pré-


sent sur Facebook, Instagram et Twitter
Dans le monde, le Louvre est l’un des musées les plus suivis sur Facebook avec environ 2,75
millions de fans et le musée le plus géolocalisé sur Instagram. En France, le Louvre est le mu-
sée le plus suivi sur Facebook, Instagram, Twitter et YouTube. Le Louvre compte désormais
plus de 7 millions de fans et followers sur les réseaux sociaux avec lesquels il s’efforce de pri-
vilégier des interactions de qualité grâce à des publications régulières et diversifiées.
Le Louvre est présent sur les comptes suivants: Facebook Louvre, Facebook Auditorium, Fa-
cebook Musée Eugène-Delacroix, Facebook Grande Galerie, Twitter, LinkedIn, Google Plus,
Instagram Louvre, Instagram Musée Eugène-Delacroix, Pinterest, YouTube, Dailymotion,
Weibo, Wechat (application), Soundcloud et Periscope.
En 2018, Instagram Louvre a la plus forte croissance, reflet d’une tendance générale actuelle
et d’un fort engouement pour ce réseau social. Weibo et WeChat (réseaux sociaux chinois),
YouTube et Instagram Musée Delacroix restent des comptes prometteurs. Le compte Linke-
dIn, créé en décembre 2018, permettra au musée de toucher des cibles interprofession-
nelles. 4 600 publications ont été réalisées en 2018 sur les comptes officiels du domaine du
Louvre. Près de 160 000 messages privés, commentaires et avis de la part des internautes
ont été reçus et traités, parmi lesquels plus de 11 000 ont fait l’objet d’une réponse.
Après le vif succès rencontré en 2017 avec la playlist YouTube «Le Louvre invite les YouTu-
beurs », le musée a collaboré en 2018 avec deux vidéastes qui ont porté un regard différent
sur le palais, ses collections, son histoire et son imaginaire. L’objectif de ces rendez-vous est
d’intéresser un public curieux, novice ou amateur d’histoire de l’art. Pour les éléments sui-
vants, faire une liste à puces
• NaRt, l’art en 3 coups de pinceau: Le pouvoir… Au féminin! S’il vous plaît… dessine-moi un
roi! ART et POUVOIR au LOUVRE
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Recueil de textes
Extrait de l’article « Médiation et pratiques informationnelles des
community managers dans les musées »

Madjid Ihadjadene, Anna Lezon Rivière et Afaf Taibi

Introduction
L’introduction de la communication constitue un changement important dans le monde des
musées. Elle se matérialise par l’importance prise par les expositions dans la programmation
muséale. Pour Daniel Jacobi (1997, p. 10), le passage d’un paradigme « de la collection et du
conservateur, à celui du media exposition, n’est pas une évolution quelconque, mais une
rupture ». Les modèles de communication muséale se trouvent par ailleurs bouleversés par
l’émergence des réseaux socionumériques. En effet, depuis les années 2000, les musées
doivent faire face au développement du Web social qui s’impose désormais comme un nou-
veau média. Ses propriétés nouvelles révolutionnent tant la production que la réception de
l’information culturelle permettant aux musées de multiplier leurs champs d’action (Dufrêne
et Ihadjadene, 2013). Dépassant leur statut de simples récepteurs, les usagers jouent désor-
mais un rôle actif dans l’évaluation de l’information participant ainsi à la production de la ré-
putation numérique des organisations culturelles. Face à la présence massive d’outils
comme Google ou Facebook, la communication des institutions culturelles s’est adaptée en
recourant notamment à une nouvelle catégorie d’infomédiaires que sont les Community
Managers. L’intégration de ces acteurs dans les stratégies de médiation numérique constitue
une évolution majeure de la communication des institutions culturelles.
Le métier de Community Manager (CM) est en lien avec la fonction de médiation puisque
l’on peut considérer le community management comme un mode de régulation numérique
entre les musées et les internautes (Bonafé-Schmitt, 1997) qui permet d’établir un climat de
confiance entre les usagers et l’institution culturelle. Aujourd’hui le métier de Community
Manager devient prépondérant, dans la mesure où la promotion d’évènements culturels,
l’attractivité des musées et la gestion de leur notoriété se jouent en partie sur les réseaux so-
cionumériques (RSN).
Dans cet article, nous présentons les résultats exploratoires de notre étude de terrain por-
tant sur les pratiques informationnelles des Community Managers en cherchant à mieux
comprendre comment ce groupe d’acteurs mobilise un ensemble de dispositifs numériques,
de sources informationnelles, de compétences cognitives dans différentes situations et acti-
vités professionnelles, ainsi que celles impliquées dans la médiation numérique.

Socialisation numérique dans les musées


L’introduction des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans les mu-
sées depuis la fin des années quatre-vingts, a eu deux grandes conséquences : d’une part, le
développement des dispositifs numériques mobiles ou fixes dans le parcours d’exposition, et
d’autre part, l’investissement par l’institution muséale du Web 2.0, devenu un espace
d’échanges entre le public et cette institution (Sandri, 2016). Ce changement a amené Serge
Chaumier (2008, p. 1) à s’interroger à propos des effets des TIC sur l’évolution des usages et
des projets des établissements, sur la transformation de la composition des publics, mais
aussi sur la modification des compétences requises, et donc des types de postes mobilisés
par ces établissements, dans leurs rapports avec le public.
Le choix d’intégrer les publics aux actions des musées et à la définition même de leurs pro-
jets trouve ses origines dans les Nouvelles Muséologies, initiées à la fin des années 1960 en
France par le muséologue Georges-Henri Rivière. Celui-ci a mis en place de véritables opéra-
tions de communication communautaire et sociale « mettant l’homme, la société et son dé-
veloppement, plutôt que l’objet, exclusivement, au centre des préoccupations de la disci-
pline muséologique » (Meunier, 2008, p. 56). En France, le concours des publics dans des ac-
tions muséales a pris une forme numérique à travers la participation en ligne de ces derniers
à partir des années 2000. Nous pouvons désormais observer que les réseaux socionumé-
riques sont passés d’un simple rôle complémentaire pour certains membres du personnel
œuvrant dans le numérique, à des postes occupés par des personnes dédiées travaillant spé-
cifiquement dans ce domaine (community managers, gestionnaires de réseaux socionumé-
riques etc.). Ils sont finalement devenus une source d’activité qui participe à la transforma-
tion de la pratique muséale dans son ensemble (conservation, crowdsourcing, production de
contenu, visite, promotion, communication, etc.) (Andreacola, 2014 ; Fletcher et Lee, 2012).
Les réseaux socionumériques jouent un rôle très important dans le dialogue qu’ils per-
mettent d’instaurer entre les visiteurs et les musées (Couillard, 2017). Aussi, certains établis-
sements et institutions culturels francophones y mènent des actions de médiation culturelle
en s’appuyant sur les échanges avec leurs abonnés ainsi que sur ceux qui naissent, en ligne,
entre ces publics (Magro, 2015).
La médiation ne se réalise pas exclusivement sur les RSN et ces derniers ont réciproquement
d’autres usages que la médiation. Prendre en considération des commentaires des publics
en ligne offre l’opportunité pour les musées d’installer avec ces visiteurs une collaboration
dans l’élaboration du discours entourant les œuvres et la programmation. Cela s’inscrit dans
le prolongement des missions de médiation et diffusion du savoir qui sont celles des musées
(Magro, 2015). Le responsable ou l’animateur de réseaux sociaux ainsi que l’animateur de
communauté web, dénommé Community Manager, effectue un travail de médiation (Sten-
ger et Coutant, 2011). Son action est considérée comme celle des professionnels de la mé-
diation des savoirs (Galibert, 2014). Sébastien Magro estime qu’il est pratiqué par trois types
de professionnels, à savoir les CM, les médiateurs et « d’autres agents, dont les fonctions ne
sont pas toujours reliées aux publics et […] qui, par leurs actions sur leurs comptes person-
nels, participent à l’animation de la communauté des fans du musée, parfois aux plus hauts
niveaux de la hiérarchie » (Magro, 2015, p. 40).
Les Community Managers sont responsables de la gestion de la marque d’une organisation
culturelle et de sa présence sur les différentes plateformes de médias sociaux. Ils sont en
charge de la gestion de la réputation numérique des musées, en animant des communautés
en ligne sur les réseaux sociaux et en créant du contenu numérique correspondant aux dis-
cours des organisations. Les CM agissent sur les réseaux socionumériques afin de provoquer
des modifications dans le comportement des publics. Pour cela, ils identifient les influen-
ceurs des réseaux socionumériques avec lesquels ils collaborent et traitent les questions des
clients-visiteurs (Jacobson, 2017). Couillard (2017, p. 199) montre également que les CM « se
positionnent comme acteurs et actrices de la démocratisation culturelle » par la mise en
œuvre de trois types de médiations, à savoir une médiation institutionnelle, culturelle et
technique.
Les réseaux socionumériques (RSN) n’ont pas remplacé les médiateurs, mais ils ont modifié
les modes et dispositifs d’interactions avec les publics et ont permis de poursuivre l’interac-
tion et le dialogue avec ces derniers en élargissant leur champ d’intervention au-delà des
murs de l’institution. Cette médiation passe par des vecteurs techniques ou humains qui se
chargent de porter le contenu au gré d’une relation de communication (Chaumier, 2008).

Méthodologie de recherche
Notre étude empirique qualitative vise à examiner les caractéristiques du travail des CM,
l’hétérogénéité des opérations qu’ils accomplissent et leurs savoirs et savoir-faire pour
mieux comprendre leurs pratiques informationnelles et l’intégration de dispositifs de type
Web 2.0 dans leurs répertoires d’actions professionnelles. Pour ce faire, nous avons réalisé
dix-neuf entretiens dans le domaine muséal et culturel en France. Ces entretiens ont été ef-
fectués sur une période de deux ans, entre le 22/02/2016 et le 15/02/2018. Ils ont tous été
enregistrés et retranscris afin d’illustrer nos propos lors de la présentation de nos résultats.
Étant donné que la compréhension qu’ont les acteurs d’une situation, de son contexte et de
sa résolution s’appuie notamment sur leurs connaissances, leurs expériences et leurs valeurs
(Maurel, 2010), nous avons fait appel à la sense-making methodology (SMM) de B. Dervin
(Dervin, 2008), à savoir, la méthodologie communicationnelle de conduite d’entretien par
construction de sens. Nous avons choisi de compléter notre méthodologie de recherche par
le récit de vie des acteurs. En effet, on parle d’approche biographique ou de récit de vie pour
désigner des techniques d’entretien narratif au cours duquel un chercheur demande à son
locuteur de lui raconter tout ou partie de son expérience vécue. Selon Rob Evans, le récit
biographique met en évidence les ressources que l’individu mobilise pour faire face aux évé-
nements de sa vie (Evans, 2008), ce qui permet d’étudier ses représentations et d’en déga-
ger des modèles mentaux intégrateurs de savoirs et orientés vers l’action (Filion et Akizawa,
2012). Les deux méthodologies partagent « le regard d’un présent sur un passé (après-coup),
une mémoire qui produit du sens » (Paganelli, 2018, p. 108).
[…]

Discussion et conclusion
Le musée n’est plus un lieu de seule conservation d’objets culturels et de leur présentation
devant le public. Outre l’exposition, assurant seule cette fonction auparavant, les institutions
muséales se sont vues contraintes, avec la généralisation des TIC, de diversifier leurs formes
d’animations et de médiation en leur sein permettant ainsi de redéfinir selon Andreacola
(2014, p. 5) « les relations entre le musée et son public » qui « semblent pouvoir se redessi-
ner dans une temporalité étendue à l’avant et l’après visite ». De l’apparition des premières
bornes interactives jusqu’à la mise en œuvre de solutions issues du web sémantique, les mu-
sées ont continuellement favorisé l’interactivité avec les publics. Cette interactivité fait éga-
lement appel aux réseaux socionumériques considérés comme des supports de communica-
tion. Ils deviennent alors des outils de médiation (Degenne, 2011). Désormais, le musée est
en contact permanent avec son public via les médiateurs humains que sont les Community
Managers. Ces derniers, dans une démarche de médiation, animent les réseaux sociaux des
institutions muséales dans le but de fidéliser leur public et de toucher une nouvelle clientèle.
Notre étude montre que les représentations du métier de Community Managers sont
hétérogènes. Elles appartiennent à une catégorie d’activité dans laquelle le travail n’est pas
stabilisé (Aubouin et al., 2010). Il est ainsi possible de se poser la question de l’appartenance
de cette activité à ce que certains sociologues appellent les métiers flous, puisque les acteurs
ont de grandes marges de manœuvre pour définir leur métier au quotidien (Boussard et al.,
2010). La précision même des termes employés pour désigner l’activité de ces nouveaux ac-
teurs constitue un enjeu de légitimité de leur profession. L’hybridité des pratiques des Com-
munity Managers explique sans doute cette activité de monitoring pour mesurer l’impact de
leurs actions et légitimer leurs emplois (Ancieux, et al., 2018). Notons que le processus de
professionnalisation des acteurs de la communication n’est pas nouveau. Walter (1993) a
montré, dans le cas des directeurs de communication, comment le travail de mise en visibili-
té contraste avec l’hétérogénéité des membres de la profession.
L’analyse de toutes les situations issues des entretiens nous a permis d’identifier une typolo-
gie d’actions assurées par les Community Managers au sein des institutions muséales (straté-
gie de communication numérique, community management, éditorialisation des ressources,
formation et conseil, contrôle et monitoring, veille et médiation). De façon générale, elles
correspondent à celles proposées par les auteurs comme (Moretti et Tuan, 2015) ou (Ertz-
scheid et al., 2010). Les acteurs du projet européen Mu.SA ont proposé les profils de métiers
émergents dans les musées en vue de faciliter leurs certifications (Silvaggi, 2016). Les com-
pétences nécessaires aux Community Managers que proposent les acteurs du projet Mu.Sa
sont réduites par rapport aux activités listées dans notre étude ou celles de Couillard (2017),
notamment, quant à l’intérêt porté à la médiation par les Community Managers français.
Nous pouvons noter, qu’en-dehors du champ culturel, la catégorie d’activité « médiation »
ne semble pas être répertoriée comme distinctive des autres rôles/activités.
Dans notre étude, nous tentons également d’appréhender les contours de la médiation nu-
mérique dans les musées en lien avec les réseaux socionumériques en étudiant les processus
informationnels à l’œuvre dans les activités professionnelles des Community Managers. Au
sein de notre groupe d’acteurs, certains Community Managers se sont clairement identifiés
comme étant des médiateurs. Le Community Manager gère les interactions, les réactions et
les commentaires des publics sur la vie de l’institution muséale, tout en relayant cette parole
auprès des instances de décision de l’établissement (Magro, 2015). Les Community Mana-
gers interviewés ont évoqué la médiation numérique comme démarche de captation de
l’attention des publics afin d’entretenir un lien permanent et très ouvert avec celui-ci. Dans
d’autres situations, elle a été vue comme un rapport avec le public et qualifiée de multi-mé-
diation, dans la mesure où elle permet aux visiteurs de dialoguer, de s’entretenir et de ré-
agir. Cette médiation peut prendre plusieurs formes, ce qui corrobore les études de Jacob -
son (2017) et de Couillard (2017). En dehors de la catégorie d’activité désignée comme « mé-
diation », les autres activités participent implicitement à la médiation numérique muséale
des CM (community management, éditorialisation, formation et conseil).
Pour exercer l’ensemble de ces activités professionnelles, les CM se tournent vers la matière
première qu’ils travaillent : l’information. L’étude des sources informationnelles des commu-
nity managers montre le caractère interactif des pratiques informationnelles. Ces dernières
constituent une partie intégrante des activités professionnelles de ce groupe d’acteurs. En
conclusion, nous pouvons avancer que les théories en matière de pratiques information-
nelles pourraient contribuer à la description des pratiques professionnelles des Community
Managers, dont la médiation, ainsi qu’à celle de leur identité et légitimité professionnelles.

La prescription au cœur des médiations numériques muséales

Introduction
La médiation culturelle, fonction essentielle dans les musées, pour accueillir et impliquer les
publics, en dépassant l’accès mais servant la transmission des savoirs (Bordeaux et Caillet,
2013), est au cœur des dispositifs numériques, mobiles ou fixes, qui visent des rencontres
entre publics et contenus scientifiques et patrimoniaux, tout en soutenant le sensible en re-
lation avec des connaissances et des expériences culturelles (Eidelman et al., 2013). Ces dis-
positifs se sont déployés dans les musées dès les années 1980 avec les bornes multimédia,
qualifiées dans les années 1990 d’interactives. Le thème de l’interactivité (Papilloud, 2010) a
longtemps accompagné le développement numérique, jusqu’à l’expression « expérience uti-
lisateur », à partir des années 2000. C’est à cette période que les sites web de musées se
multiplient, suivis des premières expérimentations participatives dites 2.0. Dans l’enceinte
des musées, les interfaces multitouches et mobiles sont plébiscitées dans les années 2010.
Dès lors s’intensifient les médiations qui visent la participation dans les expositions et à dis-
tance sur l’Internet muséal.
Dans ce contexte d’usages numériques, nous faisons l’hypothèse que la mission de diffusion
des musées et les savoir-faire en matière de médiation numérique conduisent à faire évoluer
et maintenir la prescription.
La prescription numérique fait en effet l’objet d’une acceptabilité pour bénéficier de la per-
sonnalisation et de la rapidité des traitements de données. Pour ce faire, les usages sont tra-
cés et exploités selon des stratégies de captation de l’attention des usagers. Ces stratégies
servent des missions de valorisation des ressources et institutions, ainsi que leur position sur
les réseaux numériques, en prenant également appui sur la recommandation. La prescrip-
tion désigne justement la capacité d’exercer une influence pour faire agir, en livrant des in-
formations et des recommandations qui vont combler une incertitude ou confirmer un avis à
conforter dans des communautés d’intérêts. Sur l’Internet, la prescription s’appuie sur des
stratégies fondées sur des algorithmes, qui vont « définir la valeur à attribuer à un bien : le
consommateur se disqualifie lui-même comme acteur de ses propres choix en faisant appel
à un tiers "prescripteur" » (Benghozi et Paris, 2003). Des échanges et critiques vont circuler,
générant des données qui ont une valeur économique sur un marché de la prescription re-
liée à une délégation du processus de prise de décision, notamment par les community ma-
nagers, les influenceurs et les algorithmes.
Pour vérifier notre hypothèse, nous mettons en perspective six études d’usages, menées
entre 2011 et 2017, de médiations numériques dans l’enceinte des musées : tables interac-
tives, dispositif multi-écrans et applications mobiles, et des applications mobiles à distance
1
. Parallèlement, nous considérons les usages du web participatif et le développement du
web des données culturelles2.

Ces usages sont produits par plus de 150 usagers, dans la mesure où, dans l’enceinte des
musées, nous adoptons des suivis de visites 3 , fréquemment en famille ou entre amis, ponc-

1 Le corpus de données d’usages numériques recouvre : dans l’enceinte de musées : deux applications (au Petit Palais et au Palais Galliera)
développées par Paris Musées, et trois tables interactives développées : une par Paris Musées (musée Cernuschi), une par Erasme-Lyon et
musée des Confluences, une par la Cité des sciences et de l’industrie. À distance : onze applications mobiles en relation avec des musées et
autres données patrimoniales. Voir les références des rapports d’études en bibliographie.]
2 [insérez ici la note de fin suivante : Le web des données recoupe la diffusion des ressources selon une interopérabilité des systèmes d’infor-
mation qui supportent les bases de données structurées. Voir (Bermès, 2011) et http://www.cidoc-crm.org
3 Nos suivis de visites ne sont pas appareillés. Une technique appareillée de suivi de visite de musée est présentée dans
(Schmitt et Meyer-Chemenska, 2014). Il s’agit d’une « mini-caméra » portée par des visiteurs durant leur visite, suivie d’un en-
tretien, filmé, réalisé en « re-situ subjectif » : après leur visite ils décrivent leur expérience de visite en visualisant le film de
leur parcours.]
tuées d’usages numériques (53 visites pour le musée des Confluences hors les murs au mu-
sée Gallo-Romain de Fourvière-Lyon ; 12 visites pour le musée Galliera, 15 visites pour le Pe-
tit Palais, 20 visiteurs au musée Cernuschi), ou menons des études de tests comme ceux de
la Cité des sciences et de l’industrie (29 visiteurs). A distance, 27 usagers d’applications ont
été rencontrés à l’extérieur des musées. Dès lors nous observons les usages dans leur
contexte, en saisissant les interactions de pratiques de musées et de pratiques numériques,
puis menons des entretiens semi-directifs 4 . Il importe de dépasser l’évaluation des utilisa-
tions fonctionnelles, néanmoins essentielles, pour saisir les usages dans le cadre de l’en-
semble des pratiques culturelles, communicationnelles et numériques, y compris sur les ré-
seaux.
Cette mise en perspective d’études d’usages permet de cerner non seulement l’évolution et
le maintien de la prescription numérique, mais également un enjeu épistémologique relatif à
la recherche sur les usages des médiations muséales numériques dans le contexte d’une
hyperconnectivité (Carré et Vidal, 2018) conduisant à une certaine confusion entre les pra-
tiques culturelles et numériques (Vidal et Panico, 2018). Une première partie expose l’ana-
lyse d’usages de médiations numériques muséales, dans l’enceinte et à l’extérieur des mu-
sées, pour saisir les enjeux de communication, de mise en relation entre les publics et les
musées. Ensuite, nous abordons la diffusion des ressources patrimoniales par voie numé-
rique, pour examiner la prescription culturelle contemporaine.

Médiations muséales : usages et relations


L’expérience, entendue comme acquisition « des schèmes et des habitus qui facilitent notre
adaptation à l’évolution du milieu sociotechnique dans lequel nous vivons » (Schiele, 2015,
p. 7), avec les médiations numériques dans l’enceinte des musées, tels les dispositifs6 audio-
guide, borne, écran multitouch, en mobilité, réalité augmentée et 3D, des visiteurs équipés
de smartphone ou tablette et connectés sur l’Internet muséal, témoigne de l’ambivalence
des usages numériques professionnels entre rapprochement et mise à distance des publics.
Avec ce qui a été nommé jusqu’à présent le web 2.0, les musées ont en effet expérimenté
une communication en ligne avec les publics à distance, mais cherchent à la maîtriser et à
diffuser de façon structurée les ressources patrimoniales et scientifiques via le web des don-
nées culturelles.
La politique de structuration et de sémantisation de ces données, nécessitant des partena-
riats avec des experts informatiques et réseaux, montre la voie dans laquelle sont engagées,
avec le web sémantique 5les institutions patrimoniales, privilégiant un nouveau type de pres-
cription numérique.

4 Les études qualitatives par observations et entretiens prévoient la relève des variables suivantes : ergonomie
des fonctionnalités, ergonomie cognitive, rythmes, position par rapport aux dispositifs, difficultés, besoin d’un
mode d’emploi, éventuels contournements d’usages, rapport aux contenus, usages par procuration, interactions
entre visiteurs, significations d’usages.]
5 Le développement du web sémantique avec le modèle RDF pour l’échange de données fondé sur leur significa-
tion, et renvoyant à des domaines de connaissances qui prend appui sur des ontologies pour relier des
concepts.]
L’évolution des sites web des musées se poursuit ainsi que celle de leurs publications sur les
réseaux sociaux numériques, permettant de saisir les enjeux d’information, de communica-
tion, de mise en contact et de la participation en ligne. Actuellement, le paradigme des ré-
seaux pervasifs qui relient réseaux locaux et objets augmentés avec divers contenus numé-
riques, dont ceux du secteur patrimonial, autrement dit l’Internet des objets pour un réseau
de ressources sur des territoires, s’étend également dans les musées en s’appuyant sur des
pratiques en mobilité.
Dans l’enceinte des musées, les visiteurs équipés de leurs terminaux connectés à Internet ac-
cueillent des propositions innovantes comme les tables multitouch et les applications mo-
biles. Dès le début des années 2000, les musées pensent la visite augmentée par des disposi-
tifs numériques mis à disposition dans les expositions, avec la possibilité de retrouver sa
photographie en ligne10 ou son parcours de visite. Les années 2010 témoignent d’un autre
tournant de la médiation numérique, dans laquelle les visiteurs interviennent, avec des don-
nées durant la visite qui entrent et sortent via l’Internet11 grâce à l’initiative des visiteurs
équipés de leur smartphone ou tablette. C’est la décennie du déploiement dans les musées
des tables interactives multitouch ; le musée des Confluences avec Erasme à Lyon, la Cité des
sciences et de l’industrie, et Paris Musées au musée Cernuschi proposent cette médiation
numérique.

Les tables multitouch


En 2011, relier deux dispositifs peu courants, une table multitouch intitulée Muséotouch et
une tablette IPad grâce à une carte RFID, a permis de proposer un jeu et une approche inno-
vante pour accéder à des connaissances sur le fonds du musée, alors fermé. Les visiteurs ont
été agréablement surpris, se sont sentis valorisés et en capacité de s’emparer, parfois avec
difficultés, de ces technologies. En mobilité, les visiteurs ont éprouvé un engouement certain
à jouer au jeu de piste proposé sur l’IPad. Du reste, ils s’écartent assez peu des prescriptions,
des fonctionnalités et du scénario, bien qu’ils évitent souvent les vidéos estimées un peu
longues, également quand parfois ils ressentent un décalage entre les contenus et les objets,
ou quand ils ne mobilisent pas le plan pour se repérer de façon à favoriser une approche in-
tuitive. L’intuitif est souvent apprécié des visiteurs-usagers, de façon ambivalente, car ils dé-
sirent dans le même temps disposer de repères. Les tâtonnements n’ont pas empêché les
plaisirs de jouer afin de découvrir la collection et les innovations numériques. Les interac-
tions au sein des groupes constitués permettent le partage d’émotions, mais aussi un sou-
tien mutuel face aux difficultés rencontrées, notamment avec la double approche chronolo-
gique et spatiale, ou face à une multitude d’images ouvertes sur la table multitouch. Une
confusion importante entre la collection du musée et le patrimoine culturel numérisé est
ressentie, en lien avec la dimension de la table qui impressionne et renvoie à une représen-
tation de puissance de traitement de données fournissant l’accès à l’ensemble du patri-
moine. Néanmoins, les publics se sentent partenaires de l’institution, qui déploie une image
d’avant-garde avec le numérique, et qui donne aux publics l’occasion de participer à l’expéri-
mentation des innovations culturelles.
En 2012, de la même manière, des publics impliqués dans la dynamique d’innovation de la
Cité des sciences et de l’industrie ont apprécié participer à des tests d’un dispositif multi-
écrans et d’une table interactive, sur le thème de l’économie, avant leur implantation dans
une exposition. Nous avons pu évaluer l’ergonomie tactile, visuelle, sonore et cognitive, ainsi
que les interactions entre les testeurs pour l’entraide et le jeu. Mais l’expérience de jeux vi-
déo et des applications est telle que plusieurs testeurs ont ressenti un décalage entre les
technologies déployées et la proposition ludique. En effet, selon les témoignages recueillis,
le scénario semble en-deçà des enjeux tant pour saisir la complexité du thème, la bourse en
particulier, que pour tenir compte de la culture relative au gameplay, autrement dit l’expé-
rience multisensorielle du jeu et ses règles. Cela a eu pour conséquence une confirmation
des connaissances préalables des usagers, mais non pas l’acquisition de nouvelles, alors que
les testeurs attendaient de la Cité des sciences et de l’industrie des explications et une mise
en débat de l’économie. En somme, ils ont critiqué la prescription by design.
Cinq ans plus tard, en 2017, les tables multitouch sont plus répandues dans les musées. Au
musée Cernuschi, une table multitouch, placée dans l’entrée avant les salles d’exposition,
attire un large public. Mais il s’agit de très courtes consultations (moyenne de 5 minutes) en-
trainant une concurrence d’usages (due au multitouch), mais qui permettent néanmoins
d’établir le lien avec la visite, grâce à des recherches d’œuvres avant ou après la visite. Ces
usages ont donc du sens pour les visiteurs, malgré leurs critiques (des bugs, de la difficulté à
télécharger le parcours de consultation depuis la table, des parcours « prédéfinis »). Certains
visiteurs, n’ayant aucun objectif d’usage, ont quant à eux exploré par hasard les contenus de
la table avec plaisir grâce à des usages intuitifs, en l’absence d’un mode d’emploi qu’ils ont
pourtant recherché.

Les applications mobiles


Outre les tables interactives, les musées proposent des applications mobiles pour offrir une
modalité de visite en réalité augmentée et des jeux. Connaissant l’appropriation des smart-
phones et des applications, les musées prescrivent le téléchargement de leurs applications
de visite sur l’équipement personnel de leurs publics. Ainsi, les visiteurs équipés de l’applica-
tion s’en emparent rapidement durant la visite et font le lien entre l’intérieur et l’extérieur
du musée, grâce à leur connexion Internet. Cette situation tend à renouveler la médiation en
termes d’accès ouvert sur le flux de contenus, mais aussi en termes de relations avec les mu-
sées en prise avec des innovations technologiques.
Excepté en cas d’abandon, l’application devient un compagnon de visite, autour de laquelle
des interactions vont se déployer, pour un partage d’émotions entre amis ou dans le cadre
d’une visite familiale. Les membres du groupe de visite lisent ensemble des textes ou
écoutent les commentaires permettant d’éviter la lecture. Fin 2017, les visiteurs des exposi-
tions du Petit Palais et du Palais Galliera, d’ores et déjà usagers d’applications et internautes,
s’emparent aisément des applications proposées, et associent plusieurs usages pour aug-
menter davantage les contenus exposés et présentés dans l’application. Ces recherches de
données complémentaires stimulent les usages qui font sens au fil de la visite conviale. Les
usages sont souvent reliés à d’autres pratiques culturelles, voire à des centres d’intérêt rela-
tifs à la sensibilité professionnelle des visiteurs. Plusieurs visiteurs déclarent par ailleurs que
ces dispositifs correspondent à leurs attentes comparativement aux audioguides, pourtant
appréciés mais menacés de substitution, notamment parce que les visiteurs peuvent consul-
ter les contenus après visite, en retenant qu’il s’agit d’une intention déclarée.

Néanmoins les visiteurs critiquent l’application quand ils n’obtiennent pas les contenus aug-
mentés désirés, que la plupart vont chercher sur Internet. En fait, ils critiquent l’application
quand celle-ci leur apparait prescriptive dans la mesure où elle privilégie les œuvres sélec-
tionnées. De façon ambivalente, les visiteurs revendiquent une visite sans prescription, et
dans le même temps cherchent des repères sans se référer au plan fourni dans l’application.
Nonobstant ces appréciations et critiques, les applications font l’objet de significations
d’usages qui conduisent les visiteurs à adopter une posture réflexive fondée sur l’expérience
culturelle et numérique. Aussi, proposent-ils une évolution des applications permettant le
partage de leur visite et facilitant la recherche de données, dans une dynamique qui fait
communiquer l’intérieur et l’extérieur des musées. D’ailleurs, de nombreux visiteurs-usagers
cherchent la géolocalisation, rejoignant la revendication d’une correspondance entre le par-
cours de visite et l’augmentation des données d’exposition, selon un fil narratif reliant les
contenus à renforcer et évitant leur redondance. Penser le hors les murs tout en visitant les
musées, telle est la situation à prendre en compte avec les usages numériques. Les applica-
tions mobiles constituent les actuelles médiations permettant ce lien entre l’enceinte et l’ex-
térieur des musées.

Les applications mobiles à l’extérieur des musées


Les évaluations de dispositifs numériques dans l’enceinte des sites patrimoniaux sont nom-
breuses, mais les usages des applications outdoor, autrement dit en-dehors des musées, en
relation avec des contenus muséaux, parfois conçues pour la visite et la consultation à dis-
tance, sont moins étudiés. Nous avons alors rencontré en 2015-2016 des usagers d’applica-
tions mobiles, y compris des professionnels de musées et des prestataires qui se présentent
comme des « prescripteurs d’usages », en-dehors des musées. Nous avons constaté qu’ils les
avaient téléchargées sur des sites commerciaux (à très bas prix) ou sur des sites institution-
nels (gratuits). Nous avons recueilli les plaintes des usagers qui rencontrent des soucis de
consultation dus aux applications dévoreuses d’énergie (contenus à télécharger) ou trop
lourdes (contenus intégrés), correspondant néanmoins aux standards actuels de contenus
courts et ludiques. Les jeunes publics rencontrés, friands de jeux vidéos, sont pourtant cri-
tiques ; ils désirent des scénarios, des histoires, des jeux et des ergonomies similaires à ceux
d’autres applications non reliées aux contenus patrimoniaux. Tous les usagers veulent de
l’intuitif, même si plusieurs cherchent une aide ou un mode d’emploi. Du reste, la rapidité de
traitements des commandes est attendue tout comme la prise en compte du contexte
d’usages et des points de vue, autrement dit la géolocalisation. D’autres critiques
concernent les voix, le gameplay afin de dépasser la consultation du catalogue numérique,
associée à une prescription d’usages selon les usagers rencontrés, qui attendent des niveaux
différenciés de jeux pour considérer les différentes expériences. Ils souhaitent en outre que
les musées pensent le multi-usages des terminaux mobiles personnels, notamment afin de
permettre de revenir là où l’application a été interrompue, quand l’usager a répondu à un
appel téléphonique, envoyé un sms, s’est connecté à Internet. Ils préféreraient des plans in-
teractifs des sites patrimoniaux et expositions, pour estimer les usagers non-visiteurs et non
pas seulement les visiteurs devant se souvenir de leur visite. Autrement dit, les musées et
leurs prestataires devraient, selon les usagers rencontrés, proposer des cartographies inter-
actives qui font sens même hors musée. En fait, utiliser des applications, c’est pour les usa-
gers penser les réseaux et le partage de données, même si cela pose la question des droits
de diffusion des contenus, par exemple en facilitant des échanges entre amateurs à propos
de sujets traités dans l’application. Ces sociabilités numériques, stimulées par les médiations
numériques des musées, pourraient instaurer de nouveaux rapports aux musées. Les usa-
gers visiteurs envisagent d’ailleurs l’application à distance comme devant offrir une nouvelle
expérience, un prolongement et une extension et non pas seulement une façon à distance
de retrouver leur visite.

Comme nous le constatons, les musées composent désormais avec la culture numérique de
leurs publics, visiteurs ou non, afin de concevoir et réaliser leurs médiations numériques in
situ et hors les murs. Les prescriptions sont au cœur des médiations et sont accueillies par
des publics qui expriment leurs critiques dans le cadre de l’ambivalence de leurs usages, y
compris en ligne.

L’Internet et le participatif
Depuis une bonne dizaine d’années, l’Internet muséal propose d’impliquer les publics à dis-
tance avec le participatif numérique. Dans l’enceinte des musées également, les médiations
favorisent la participation des publics, qui correspond à un récent engagement de profes-
sionnels de musées pour l’innovation ouverte. Tout en assurant une fonction de communica-
tion, les appels à photographies, dessins, témoignages, voire contributions, jusqu’à parfois
envisager la co-conception d’exposition6 se développent. Les sciences participatives rem-
portent un franc succès auprès de publics amateurs de sciences. Ce type de médiations fait
circuler différentes représentations du musée en rupture dans une certaine mesure avec
celle du musée centré sur la diffusion des connaissances, qui se poursuit néanmoins avec la
structuration des données patrimoniales en réseau. Dans ce contexte d’innovation perma-
nente, l’exposition reste une figure majeure de la médiation muséale, mais depuis deux dé-
cennies, l’Internet peut apparaître comme un vecteur de communication pour expérimenter
de nouvelles relations avec les publics, fondées sur la rigueur scientifique au service de la
qualité des contenus.

6 Le Brooklyn Museum expérimente la co-conception d’expositions avec ses publics depuis plusieurs années [En
ligne]. http://www.brooklynmuseum.org/community/. Le Rijksmuseum d’Amsterdam ouvre ses données et son
studio vise à développer la créativité de ses publics : voir l’interview de Martijn Pronk, responsable du site web
du Rijksmuseum, réalisé par Clic France en 2015.[En ligne]. http://www.club-innovation-culture.fr/martijn-
pronk-rijksmuseum-le-rijksstudio-a-attire-quelques-15-millions-de-visites-pour-200-000-comptes-personnels-
crees/. L’événement Museomix expérimente la co-conception avec des acteurs diversifiés des médiations numé-
riques. [En ligne]. http://www.museomix.com/.],
Du reste, les sites web des musées permettent de poursuivre la circulation de l’information
pour présenter l’offre des activités, telles les expositions, conférences, animations, publica-
tions, mais également la mise à disposition d’archives, de dossiers thématiques. Les objectifs
des musées sur l’Internet visent une mise en contact et la fréquentation, mais l’accès ne
suffit pas quand les internautes attendent des scénarios ludiques, tout en se référant aux
technologies 3D, à la réalité virtuelle ou à l’intelligence artificielle16. Les images et vidéos
jouent un rôle prépondérant dans la production d’expériences sensibles qui renvoient à l’ob-
jet original. Les textes jouent encore un rôle non négligeable, mais leur communication s’ap-
puie sur une écriture adaptée à la lecture écran, avec des textes courts, qui visent la vulgari-
sation des connaissances scientifiques en lien avec la collection et les activités des musées
en ligne. Avec images et textes courts, les internautes peuvent alors se laisser guider sans in-
tervenir dans la médiation pilotée par l’institution, n’empêchant pas l’expression d’inter-
nautes sur des thèmes reliés aux activités du musée ou aux fonds patrimoniaux sur des sites
exogènes notamment les réseaux sociaux numériques. Sur les blogs de musées, une ten-
dance à l’invitation de professionnels-amateurs, dits pro-am, qui peuvent par ailleurs être
des youtubeurs17 passionnés d’histoire, de sciences, ou amateurs éclairés, permet d’appor-
ter des contributions dépassant les expressions rapides sur les plateformes. Le musée ré-
pond ainsi de plus en plus aux attentes de délectation en ligne, d’accès aux connaissances,
de jeux, de participatif, dans le cadre de la fonction de prescription, notamment quand cer-
tains musées proposent des parcours par profils de publics ou de parcours.
À l’issue de cette analyse d’études d’usages numériques menées entre 2011 et 2017 dans et
hors musées, confirmant l’engagement du secteur pour le participatif et des usages ambiva-
lents entre prescription et autonomisation (recoupant la notion d’empowerment18), nous
poursuivons l’analyse de la situation des musées après quatre décennies d’expérience multi-
média, qui maintiennent leur mission de diffusion du patrimoine et des connaissances, en
ligne et dans l’enceinte des musées.

Diffusion et prescription
La mission de diffusion des musées est au cœur de la loi 200219. Sur l’Internet, les musées
ont ces dernières décennies fait preuve d’une appropriation professionnelle (Vidal, 2018, p.
17-40) pour diffuser des contenus patrimoniaux, assurer leur valorisation et communiquer
avec les internautes, avec l’enjeu de les transformer en visiteurs. Ce faisant, de nouvelles re-
lations avec des publics visiteurs ou non via l’Internet sont instaurées. Une mise en ligne
maîtrisée des contenus, quelques aperçus des coulisses et une participation contenue des in-
ternautes sont des situations de communication sur l’Internet muséal. La médiation en ligne
est prioritairement mise en œuvre pour une mise en contact et un rayonnement de la
culture muséale, selon un modèle de diffusion renouvelé (Vidal, 2018, p. 169-184).
Les études d’usages numériques menées permettent de cerner l’expérience numérique, les
relations publics-musées, les usages des réseaux sociaux numériques, mais aussi la circula-
tion des critiques. Les habiletés ergo-cognitives des publics qui éprouvent le plaisir d’agir
avec les technologies numériques permettent d’intervenir dans le processus de médiation.
En effet, les usagers du numérique muséal veulent être pris en compte de façon personnali-
sée et se sentir maîtres de la situation de communication numérique en mobilisant leur équi-
pement personnel pour faire circuler des contenus, en composant avec les prescriptions nu-
mériques. Ainsi, la rencontre entre publics et musées est au cœur de la prescription cultu-
relle numérique pilotée en ligne, mais aussi in situ.
Dans les musées, les usages de dispositifs multimédias au cours des visites font l’objet,
comme nous l’avons abordé, d’une expression critique qui stimule les usages et renvoient à
leurs significations. En effet, les usages numériques des visiteurs instaurent le dialogue avec
le musée dans le cadre d’une rencontre ponctuée de prescriptions avec les dispositifs de mé-
diation numérique. Néanmoins, il ne convient pas de considérer l’« expérience de visite »
comme « réception et fréquentation » (Falk, 2012, p. 6-8), car les publics souhaitent être ac-
teurs de leur visite, même s’il y a prescription. Au fil de leur visite, ils mobilisent les tables in-
teractives et les applications mobiles, rencontrent des médiations suscitant des postures
émotionnelles et critiques, tant du point de vue des contenus que de l’ergonomie. Les pu-
blics de musée contestent la complexité ergonomique et attendent une mise en débat sur le
fond suscité par les multimédias. Avec les médiations innovantes, les visiteurs disent recher-
cher l’« intuitif », des histoires en se référant au storytelling, des propositions ludiques, des
reconstitutions 3D. Sans efforts, ils veulent saisir ce qui leur procure du plaisir, avec les tech-
nologies et les contenus muséaux. Ils refusent les prescriptions associées aux contraintes et
veulent se repérer sans être guidés. Cette ambivalence marque l’évolution de la place de la
prescription et des formes qu’elle revêt, dans un contexte de culture numérique prônant li-
berté, facilité et aisance de consultation et communication. Ce faisant, ils inventent le sens
de leurs usages durant la visite, en puisant dans leurs connaissances préalables et leur sensi-
bilité. Ils souhaitent également partager leur expérience de visite dans leurs réseaux sociaux
vers l’extérieur avec leurs dispositifs personnels connectés à l’Internet, par envoi de photo-
graphies, de messages sur des plateformes 2.0, de sms ou mails. Ils complètent ou précisent
des contenus grâce à leurs recherches sur Internet depuis le musée.

Pour conclure : innover la prescription numérique


La prescription culturelle (Chapelain et Ducas, 2018) évolue dans le cadre de la mission de
diffusion parallèlement au participatif numérique et aux relations avec les publics également
usagers des technologies numériques. Les visiteurs ou internautes à distance sont capables
de diffuser des contenus, de publier des analyses et critiques, de faire preuve de tactiques
pour éviter, contourner, résoudre ou tirer profit des configurations prescriptives. Ces activi-
tés numériques valorisent l’empowerment, cette nouvelle figure de l’activité des publics
(Landry et Schiele, 2013), dressée au rang de pouvoir dans les discours promotionnels.
Ainsi, les institutions muséales poursuivent le développement des médiations et une poli-
tique de structuration et sémantisation de leurs données. Elles engagent nécessairement des
partenariats stratégiques en faveur d’un web des données culturelles. Elles poursuivent leur
mission de diffusion, en confirmant une prescription fondée sur leur expertise, dont les usa-
gers ont besoin, dans un contexte où l’économie numérique prend le contrôle sur les repré-
sentations de la société (Berry, 2015, cité par Mounier, 2018, p. 154) et a besoin de tracer les
consultations et contenus, afin de faciliter et accélérer l’accès dit personnalisé, aux données
et services en ligne, dont ceux du secteur patrimonial.

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