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Droit des communications numériques –

Cours préparé par M. Bruno M. KEM CHEKEM, Dr. Ph.D. en droit privé, Chargé de Cours, FSJP-UDs

CHAPITRE II : LE RÉGIME SPÉCIFIQUE APPLICABLE AUX JEUX


DE HASARD EN LIGNE

La réglementation des jeux en ligne découle la loi n° 2015/012 du 16 juillet 2015


fixant le régime des jeux de divertissement, d’argent et de hasard, ainsi que du décret
no 019/2300 du 18 juillet 2019 précisant ses modalités d’application. Ces textes
rangent dans cette catégorie aussi bien les paris que les pokers en ligne. Ils
organisent les conditions non seulement d’accès (Section 1) mais aussi d’exploitation
de cette activité (Section 2).

Section 1. L’accès à l’activité des jeux en ligne


Il ressort de l’art. 3 (1) de la loi no 2010/021 du 21 déc. 2010 régissant le commerce
électronique au Cameroun que l’exerce du commerce électronique est libre à l’exclusion
« des jeux d’argent, des paris et des loteries légalement autorisés ». Ainsi, l’exercice de
l’activité des jeux en ligne relève du régime de l’autorisation. Cette autorisation est accordée
par le Ministre chargé des jeux, après avis de l’Agence de Régulation des Jeux et de la
structure en charge de l’homologation des équipements et de la certification électroniques,
pour une durée de 5 ans renouvelable.
Le promoteur d’un jeu en ligne qui sollicite une autorisation doit :
- justifier de l'identité et de l’adresse du propriétaire ou, s'il s'agit d'une personne morale, de
son siège social, de sa filiale au Cameroun (pour une société dont le siège social est à
l’étranger), de sa structure juridique, de l'identité et de l'adresse de ses dirigeants ;
- justifier des moyens humains et matériels et communiquer l'ensemble des informations
comptables et financières de nature à attester sa solidité financière et sa capacité à assumer
les investissements nécessaires au respect de ses obligations légales et réglementaires ;
- justifier d’une garantie (sûreté, assurance, compte sous séquestre) capable d’assurer à tout
moment le reversement de la totalité des avoirs exigibles des joueurs ;
- présenter la nature, les caractéristiques et les modalités d’exploitation, d’organisation, et des
opérations de jeu et de pari en ligne qu’il entend proposer au public, ainsi que les
caractéristiques des plates-formes et des logiciels de jeux et de traitement des paris qu’il
compte utiliser ;
- préciser les modalités d’accès et d'inscription à son site de tout joueur et les moyens lui
permettant de s'assurer de l’identité de chaque nouveau joueur, de son âge, de son adresse et
de l'identification du compte de paiement sur lequel sont reversés ses avoirs ;
- préciser les modalités d'encaissement et de paiement, à partir de son site, des mises et des
gains ;
- justifier de la disposition d'un compte ouvert dans un établissement de crédit établi au
Cameroun ;
- justifier de sa capacité à assumer ses obligations en matière de lutte contre les activités
frauduleuses ou criminelles, en particulier le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme ;

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- décrire les moyens qu'il met en œuvre pour protéger les données à caractère personnel et la
vie privée des joueurs. II doit en outre présenter la procédure de réclamation gratuite mise à
leur disposition ;
- disposer d'un site internet accessible exclusivement par un nom de premier niveau
comportant la terminaison « .cm ».
Le dossier à soumettre en vue de l’obtention de l’autorisation d’exploitation des jeux
en ligne doit comprendre :
- une demande timbrée précisant les nom(s) et prénom(s) du promoteur ou sa raison sociale
lorsqu'il s’agit d’une personne morale ; la résidence du promoteur ; la nature du ou des jeu (x)
en ligne à exploiter ; l'œuvre de bienfaisance, l'activité sportive ou le domaine artistique à
promouvoir ou à encourager, et le numéro d'identification du demandeur ;
- une attestation de cautionnement bancaire d'un montant de deux cent millions (200.000.000)
de francs délivrée par une banque de premier ordre agréée par l'Autorité monétaire ;
- un cahier des charges précisant notamment les engagements souscrits par le promoteur,
ainsi que les conditions de transparence et de sécurité des jeux ;
- un règlement du jeu authentifié par un huissier de justice et précisant les modalités
techniques d’exploitation ;
- une copie certifiée conforme de la Carte Nationale d’identité ou du permis de séjour en
cours de validité lorsque le promoteur est de nationalité étrangère ou les statuts de la société
lorsque celui-ci est une personne morale ;
- un extrait du casier judiciaire (bulletin n° 3) datant de moins de trois (03) mois.
L’autorisation sollicitée peut être refusée ou accordée. Tout refus d’autorisation doit
être motivé et notifié au demandeur. La décision qui accorde l’autorisation indique les
caractéristiques de l'offre de jeux ou de paris en ligne autorisée ainsi que, le cas échéant, les
obligations particulières imposées au promoteur, compte tenu des spécificités de son offre de
jeux ou paris et de son organisation, pour permettre l’exercice du contrôle de son activité par
l'Agence de Régulation des Jeux. La délivrance de l’autorisation est soumise au paiement
d’une contrepartie financière appelée « droit d’entrée ».

Section 2. L’exploitation de l’activité des jeux en ligne


Avant de commencer effectivement leurs opérations, les promoteurs des jeux en ligne
sont tenus d’adresser, une déclaration d’activité au Ministre chargé des jeux et à la structure
chargée des investigations financières comprenant la justification de l’origine des fonds
nécessaires.
L’accès aux jeux en ligne passe par un compte ouvert à l’initiative et après la
demande expresse du joueur, appelé compte de joueur en ligne. Celui s’entend comme un
compte attribué à chaque joueur par un opérateur de jeux ou de paris en ligne pour un ou
plusieurs jeux. II retrace les mises et les gains liés aux jeux et paris, les mouvements
financiers qui leur sont liés ainsi que le solde des avoirs du joueur auprès de l'opérateur. Lors
de l’ouverture de ce compte, et même de toute session de jeu, l’opérateur doit s’assurer que le

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joueur est une personne physique, en requérant l'entrée d'un code permettant d’empêcher les
inscriptions et l'accès de robots informatiques.
Le compte de joueur en ligne ne peut être crédité que par son titulaire au titre des
approvisionnements qu'il réalise qu’au moyen d'instruments de paiement mis à disposition
par un prestataire de services de paiement, ou par le promoteur autorisé qui détient le compte
soit au titre des gains réalisés par le joueur, soit à titre d'offre promotionnelle.
Le compte de joueur en ligne peut être clôturé par le promoteur, sur la demande du
joueur ou dans les autres cas prévus par les textes. En cas de clôture du compte présentant un
solde créditeur et s’il ne peut procéder au reversement, notamment parce qu'il n'est pas en
mesure de vérifier les références du compte de paiement, l’opérateur met en réserve, sans
délai, la somme correspondante pour une durée de trois (03) ans à compter de cette clôture.
Durant cette période, le joueur peut obtenir le reversement de cette somme en communiquant
à l’opérateur, qui les vérifie, les éléments d’identification nécessaires. Si à l’issue du délai de
trois (03) années, cette somme n'a pas été reversée au joueur, elle est acquise à l'État. Trois
mois avant l'expiration de ce délai, l'opérateur utilise tout moyen à sa disposition pour
informer le joueur des conditions dans lesquelles il peut obtenir le reversement de cette
somme et, à défaut, de l'acquisition de celle-ci a l'Etat.
Les promoteurs des jeux en ligne sont assujettis au paiement d’une redevance des
jeux annuelle de 2% sur leur chiffre d’affaires hors taxes, recouvrée par l'Agence de
Régulation des Jeux.
Afin de lutter contre le jeu excessif ou pathologique en favorisant le jeu responsable,
plusieurs obligations sont imposées aux promoteurs des jeux en ligne. Ils ont ainsi
l’obligation de :
- veiller à ce que les personnes interdites de jeu en vertu de la réglementation en vigueur 1 ou
exclues de jeu à leur demande ne participent pas aux activités de jeu ou de pari qu’ils
proposent. Ils consultent à cette fin, par l'intermédiaire de l'Agence de Régulation des Jeux,
les fichiers des interdits de jeu tenus par les services du Ministère en charge des jeux. Ils
doivent clôturer tout compte joueur dont le titulaire viendrait à être touché par une
interdiction ou une exclusion.
- prévenir les comportements de jeu excessif ou pathologique par la mise en place de
mécanismes d'auto-exclusion et de modération, ainsi que des dispositifs d'autolimitation des
dépôts et des mises. Cette prévention passe aussi par la communication permanente à tout
joueur fréquentant leur site du solde instantané de son compte. Elle passe également par
l’information des joueurs sur les risques liés au jeu excessif ou pathologique par le biais
d'un message de mise en garde. Un arrêté du Ministre chargé de la santé précise le contenu
de ce message de mise en garde. Dans un rapport annuel transmis à l’Agence de régulation
des jeux, les promoteurs des jeux en ligne doivent rendre compte des actions qu’ils ont
menées et des moyens qu’ils ont consacrés pour promouvoir le jeu responsable et lutter
contre le jeu excessif et pathologique.
- s’abstenir de favoriser le jeu à crédit : en proscrivant le jeu à crédit, la loi interdit à tout

1
En raison de leur santé, de leur vulnérabilité ou pour des nécessités de préservation de l’ordre public.
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promoteur de jeux de hasard, à tout dirigeant ou employé de consentir des prêts d'argent aux
joueurs ou de mettre en place directement ou indirectement des dispositifs permettant aux
joueurs de s'accorder des prêts entre eux. En plus, le site d'un promoteur de jeux en ligne ne
doit contenir aucune publicité en faveur d'une entreprise susceptible de consentir des prêts
d'argent aux joueurs ou de permettre le prêt entre joueurs, ni aucun lien vers le site d'une
telle entreprise.
Le non-respect de toutes ces obligations expose le promoteur des jeux en ligne à des
sanctions à la fois administratives, civiles et même pénales (v. les textes visés à
l’introduction de ce chapitre).

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TITRE III : LA RESPONSABILITÉ DES ACTEURS DU


NUMÉRIQUE

La responsabilité est l’obligation de répondre de ses propres faits et même parfois des
faits commis par d’autres personnes ou des choses, en subissant les sanctions prononcées par
certaines autorités en vertu de la loi.
Ainsi, lorsqu’un contrat a été conclu entre les acteurs du numérique et que l’une des
parties au contrat manque à ses obligations (soit en ne les exécutant pas, soit en les exécutant
mal ou de manière tardive), l’autre est en droit d’engager sa responsabilité : on parle dans ce
cas de la responsabilité contractuelle qui est celle qui résulte de l’inexécution ou de la
mauvaise exécution d’un contrat. Il s’agit d’une responsabilité essentiellement civile, ce qui
signifie qu’elle vise à réparer le dommage (préjudice) subi par le cocontractant. Cette
réparation consiste en général en une somme d’argent que le partenaire fautif en principe est
condamné par le juge à payer à sa victime 2. Ce type de responsabilité ne pose pas de
difficultés particulières en matière numérique, ce qui explique de ne pas s’y attarder.
De même, tous ceux qui, par des moyens techniques, portent atteinte à l’intégrité des
réseaux de communications électroniques ou d’un système d’information, peuvent voir leur
responsabilité pénale engagée sur le fondement des infractions prévues par la loi no 2010/012
du 21 déc. 2010 relative à la cyber-sécurité et à la cybercriminalité. Il s’agit par exemple du
fait de s’introduire dans un réseau de communications électroniques ou un système
d’information, soit pour provoquer une perturbation grave ou une interruption de
fonctionnement (art. 67 et 68), soit en vue d’obtenir des informations ou des données (art.
69), soit en vue de supprimer ou de modifier les données qui y sont contenues (art. 71). Il
peut s’agir aussi du fait d’accéder, de prendre connaissance frauduleusement, de retarder
l’accès ou supprimer les communications électroniques adressées à autrui (art. 84-1) ; du fait
d’intercepter sans autorisation, de détourner, d’utiliser ou divulguer les communications
électroniques émises ou reçues, ou de procéder à l’installation des appareils conçus pour
réaliser de telles interceptions (art. 84-2). Cette responsabilité elle aussi ne retiendra pas notre
attention.

En revanche, lorsque sur des plates-formes numériques, sont publiés des informations
ou des messages de nature à causer du tort à une personne en particulier ou à la société en
général, la responsabilité susceptible d’être engagée est une responsabilité extracontractuelle
ou délictuelle. Celle-ci est à la fois de nature civile et pénale : c’est dire que la personne qui a
souffert du fait de ces publications peut demander réparation du préjudice subi (responsabilité
civile). Mais en même temps, dans leur très grande majorité, ces publications préjudiciables
constituent des infractions à la loi pénale qui exposent, en principe les auteurs, à des peines 3

2
Cette somme d’argent est appelée « les dommages et intérêts ».
3
Les différentes peines sont prévues par les articles 22 à 45 du Code pénal. Il s’agit des peines principales
(amende, emprisonnement et peine de mort), auxquelles s’ajoutent des peines accessoires (déchéance,
publication du jugement, fermeture de l’établissement, confiscation du corpus delicti).

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(responsabilité pénale). C’est cette responsabilité extracontractuelle découlant de la nature de


certaines publications numériques qui sera traitée ici, et ce pour deux raisons. La première
raison tient dans le fait qu’elle est la plus susceptible d’être engagée non seulement parce
qu’elle concerne tout le monde, mais aussi parce que le monde du numérique est inondée
chaque jour de situations de nature à la provoquer. La deuxième raison a trait à la complexité
de son régime car s’il est relativement aisé de déterminer ce qui peut provoquer son
déclenchement (Section 1), les choses ne sont évidentes lorsqu’il faut déterminer les
personnes responsables (Section 2), et même la mettre en œuvre (Section 3).

Section 1. L’élément générateur de la responsabilité du fait des contenus


publiés : le caractère illicite de ces contenus
Un message diffusé sur une plateforme numérique ne peut engendrer une
responsabilité que s’il a un caractère illicite, c’est-à-dire contraire à la loi et même aux
bonnes mœurs. La loi no 2010/012 du 21 déc. 2010 relative à la cyber-sécurité et à la
cybercriminalité donne quelques indications sur les types de messages ou de contenus dont il
est question. En effet, il s’agit des contenus qui portent atteinte à la dignité humaine, à
l’honneur et à la vie privée ou à la défense nationale (art. 43), notamment :
- des messages à caractère diffamatoire ;
- des messages à caractère injurieux ;
- des messages portant atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui (diffusion de données
électroniques ayant un caractère privé ou confidentiel, ou des images portant atteinte à
l’intégrité corporelle d’autrui, sans le consentement de l’intéressé) ;
- des messages portant outrage à l’encontre d’une race ou d’une religion ;
- des messages incitant à la haine ou au mépris entre les citoyens ;
- des messages à caractère pornographique enfantine ;
- des messages présentant des actes de pédophilie sur un mineur ;
- des messages portant atteinte aux droits d’auteur d’autrui (messages contrefaisants) ;
- des messages par lesquels une personne fait des propositions sexuelles à une autre personne
de son sexe ;
- des messages faisant l’apologie du terrorisme, des crimes contre l’humanité ;
- des messages attentant à la pudeur sur un mineur de moins de 15 ans ;
- etc …
Il importe de souligner que la responsabilité peut être engagée même si l’on n’est pas
le créateur de ces contenus et que l’on s’est contenté de les relayer ou de les partager. Il
convient tout de même de nuancer cette affirmation car il faut tenir compte des diverses
modalités techniques de partage. Il existe en effet plusieurs manières de relayer des contenus
à savoir la création d’un lien hypertexte, l’utilisation d’une fonction de republication sur un
réseau social et l’utilisation d’un bouton visant à donner un « sentiment » sur un contenu.
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- la création d’un lien hypertexte : le lien hypertexte est un élément interactif permettant, en
un clic, de diriger ses lecteurs vers d’autres contenus figurant n’importe où sur internet et
dont on n’est pas l’auteur4. Au cas où le contenu auquel renvoie le lien est illicite, l’auteur du
lien peut-il être traité comme s’il l’avait publié lui-même ? La position des juges dans leur
grande majorité est qu’il ne saurait en être ainsi, dans la mesure où « les hyperliens
s’apparentent à des notes de bas de page puisqu’ils ne font que renvoyer à une autre source
sans toutefois en répéter le contenu »5. Ainsi, le fait que l’hyperlien soit en lui-même « neutre
sur le plan du contenu » exclut la responsabilité de son créateur relativement à l’illicéité de
l’information cible. En revanche, l’on estime que le fait pour l’auteur du lien d’utiliser dans
sa propre publication, des propos manifestant une « adhésion » au contenu auquel il renvoie,
revient à répéter ce dernier, et que dans ce cas, il doit l’assumer devant la loi comme s’il
l’avait lui-même prononcé ou écrit. Certains attirent également l’attention sur la nature de
certains liens que les réseaux sociaux transforment automatiquement en aperçus, notamment
les liens vers des images ou des vidéos. Dans ce cas, lier le contenu équivaut quasiment à le
reproduire.
- l’utilisation des fonctions de partage des réseaux sociaux : peut-on sans risque relayer ou
partager des messages illicites reçus d’autrui ? La réponse à cette question dépend selon qu’il
s’agit des contenus à caractère pédopornographique, à caractère diffamatoire ou des contenus
de tout un autre genre. S’agissant des premiers, le seul fait de participer leur « diffusion »
expose aux mêmes peines que le fait de les avoir enregistré ou fixé (v. art. 76 et 80 de la loi
de 2010 relative à la cyber-sécurité et à la cybercriminalité). S’agissant des seconds, la loi
punit celui qui « publie ou propage par voie de communication électronique ou d’un système
d’information, une nouvelle sans pouvoir en rapporter la preuve de la véracité ou justifier
qu’il avait de bonnes raisons de croire à la vérité de ladite nouvelle » (art. 78 al. 1 loi de
2010 relative à la cyber-sécurité et à la cybercriminalité). Or le fait de répercuter une
accusation contribue à la « propager » c’est-à-dire « à la répandre » et tombe dès lors sous le
coup du texte. Il faut ajouter que le fait d’assortir l’acte de partage d’un commentaire
personnel exprimant une incertitude sur la réalité de l’information ne suffit même pas à éviter
les foudres de la loi. En ce qui concerne les autres types de contenus (injurieux, incitant à la
haine, racistes, etc.), le fait de les relayer n’est pas répréhensible si le message de relais est
accompagné d’une prise de distance, d’une dénonciation ou d’une défense de la victime.
Cette solution conduit le juge à s’intéresser à l’intention qui a animé l’internaute dans son
acte de partage. Il doit alors exister des indices montrant qu’il n’entendait pas faire sien ou
approuvé le contenu qu’il a relayé. Ces éléments sont les seuls à même de renseigner le juge
sur son intention.
- l’utilisation d’un bouton visant à donner un « sentiment » sur un contenu : celui qui, à
la suite d’un contenu illicite, clique sur une onomatopée permettant d’exprimer « une
émotion » peut-il être traité comme s’il l’avait publié lui-même ? D’après certains juges, une
réponse positive s’impose lorsque ledit bouton exprime un sentiment d’approbation de ce

4
Il peut aussi renvoyer à une autre partie du document initialement consulté. Mais cette hypothèse ne nous
intéresse pas.
5
Cour Suprême du Canada, 19 oct. 2011, Crookes c/Newton, 2011 ? CSC 47.
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contenu, comme c’est par exemple le cas du bouton « j’aime » du réseau social facebook6.
Selon eux, ce bouton comme bien d’autres doit donc être considéré comme strictement
équivalent à un partage accompagné d’un texte de type « j’aime » ou « cela me fait rire ».
Toutefois, il reste que la nature de certains contenus est telle qu’on peut parfois hésiter sur la
signification à donner à un relais associé à une « émotion ». Ainsi, en cliquant sur le bouton
« j’aime » de facebook à propos d’un article de journal intitulé « Argentine : plusieurs
français tués après une collision entre hélicoptères », l’on peut avoir voulu soit saluer la
réactivité du journal, soit féliciter les auteurs pour la clarté de l’article ou leur style, soit
encore montrer son soutien aux victimes ou à leurs familles, soit enfin se réjouir de cet
accident. Cet exemple montre bien qu’il n’est pas toujours évident de savoir si par son clic,
l’internaute a entendu marquer son adhésion ou plutôt prendre de la distance par rapport au
contenu litigieux. Fort heureusement, avec la multiplication et l’affinement des « émotions »
susceptibles d’être exprimés, ces risques d’équivoque tendent considérablement à se réduire.

Section 2. Les personnes responsables


Les acteurs du numérique sont nombreux : prestataires techniques (hébergeurs,
fournisseurs d’accès internet), créateurs de site internet 7 et internautes. En cas de diffusion de
contenus illicites, chacune de ces personnes peut certes voir sa responsabilité engagée, mais
dans des conditions différentes. Il est nécessaire de commencer par analyser l’étendue de la
responsabilité des prestataires techniques (§1), pour mesurer et comprendre celle des autres
acteurs (§2).

§1. La responsabilité des prestataires techniques : une responsabilité allégée


Les prestataires techniques sont les hébergeurs et les fournisseurs d’accès internet
(FAI).
L’hébergeur est défini comme une personne physique ou morale qui assure, même à
titre gratuit, la mise à disposition du public par des services de communication au public en
ligne, le stockage des signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature
fournis par les destinataires de ces services. En d’autres termes, c’est une personne qui se
charge de stocker les données d’un du site sur ses machines en vue de les rendre accessibles
au public en ligne. Son nom, sa dénomination ou raison sociale, son adresse et son numéro de
téléphone font partie des informations qui doivent obligatoirement figurer sur le site internet
(v. art. 37 de la loi 2010 relative à la cyber-sécurité et à la cybercriminalité).
Le fournisseur d’accès internet (FAI) est une personne morale qui offre un accès à des
services de communications électroniques, c’est-à-dire à internet.

Par rapport aux contenus illicites diffusés sur des plates-formes, ces prestataires
techniques bénéficient d’un régime de responsabilité allégée. En effet, il ressort des textes
(not. art. 34 de la loi no 2010/012 relative à la cyber-sécurité et à la cybercriminalité, art. 33
de la loi no 2010/021 régissant le commerce électronique au Cameroun) que leur

6
USA, Richmond 4th circuit Court, 18 sept. 2013,Bland v. Roberts, Appeal no 12-1671.
7
Par créateur de site internet, il faut entendre celui pour qui un site a été créé et qui l’exploite, et non le
professionnel qu’il a sollicité pour le faire.
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responsabilité ne pourra être engagée que s’ils ont eu connaissance du caractère illicite des
contenus (A), et se faisant n’ont pas réagi pour les rendre inaccessibles (B).

A. Une responsabilité subordonnée à la connaissance du caractère illicite


des contenus
Les prestataires techniques ne peuvent voir leur responsabilité engagée que s’ils ont
eu connaissance du caractère illicite des contenus. Cette solution se justifie par le fait que
dans leur mission principale, ces prestataires se bornent à faciliter l’accès à des données dont
ils ignorent les contenus, pour n’avoir en principe participer ni à leur conception, ni à leur
définition encore moins leur sélection. Ils remplissent ainsi une mission qualifiée de
« neutre » par rapport aux contenus diffusés. De plus, ils n'ont aucune obligation générale de
surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ni aucune obligation générale de
rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.
Toutefois, qu’ils soient dispensés d’une obligation générale de surveillance ne signifie
pas que les prestataires techniques ne doivent pas faire preuve de vigilance. En effet, Comme
tout bon professionnel, ils doivent être attentifs à ce qui passe sur les serveurs et ne pas
fermer les yeux sur les atteintes manifestes aux droits des tiers. La vigilance qui est attendue
d’eux vise à leur permettre de détecter au moins les contenus « manifestement illicites »,
c’est-à-dire les contenus dont le caractère illicite est « flagrant », « évident » ou « crève les
yeux ». Il s’agit des contenus d’une gravité avérée et dont le caractère illicite ne semble pas
discutable, à l’instar des contenus racistes ou tribalistes, des textes faisant l’apologie des
crimes contre l’humanité, des photos pédophiles ou des contenus pornographiques ou ceux
qui provoquent directement des actes de terrorisme, et même des écoutes téléphoniques
donnant des informations confidentielles sur la vie privée d’une personne. Ce devoir de
vigilance doit les inciter à faire preuve de « précaution » en adoptant de procédures de
contrôle permettant de détecter les contenus illicites dans la limite des possibilités offertes par
la technique. Il s’agit notamment pour eux de mettre en place un dispositif de signalement
permettant aux internautes de dénoncer ces « contenus odieux » qu’ils doivent ensuite
dénoncer aux autorités publiques. Dès lors, lorsque les prestataires techniques manquent à
leur obligation de vigilance, leur responsabilité peut être engagée.
De même, cette responsabilité peut être engagée lorsque le prestataire de service est
allé au-delà de sa fonction neutre de facilitateur technique d’accès aux données, en jouant un
rôle actif dans la définition et le choix des contenus. L’on considère dans ce cas que
l’exercice d’un tel pouvoir de contrôle sur les données qu’il stocke ou transporte est de nature
à lui conférer la connaissance de leurs contenus, justifiant leur responsabilité s’ils revêtent un
caractère illicite.
Si la responsabilité des prestataires techniques repose sur la connaissance de la
présence d’un contenu illicite, elle ne sera retenue que si cette connaissance est établie. Dès
lors, comment prouver qu’un prestataire avait connaissance du caractère illicite d’un
contenu ? Aucun texte camerounais ne répond à cette question. Face à ce silence, l’on devrait
admettre que la preuve de cette connaissance soit faite par tout moyen par toute personne qui
s’estime lésée. Il ressort de l’article 6 alinéa 1- 5 de la loi pour la Confiance en l’Économie

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Numérique (LCEN), que les prestataires sont présumés avoir connaissance du caractère
illicite d’un contenu lorsqu’ils ont été notifiés par un acte contenant essentiellement la date de
la notification ; l’identification complète de la personne auteur de la notification ; la
description des faits litigieux et leur localisation précise ; les motifs pour lesquels le contenu
doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
la copie de la correspondance adressée à l'auteur ou à l'éditeur des informations ou activités
litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de
ce que l'auteur ou l'éditeur n'a pu être contacté. La jurisprudence considère cette procédure
n’est pas exclusive, de sorte que l’on peut recourir à d’autres moyens (une mise en demeure
par exemple) pour établir la connaissance des faits litigieux par le prestataire. Au final, l’on
peut retenir que la preuve de cette connaissance peut être faite par tout moyen laissant trace :
il doit s’agir d’un écrit renseignant au moins sur deux éléments essentiels à savoir d'une part,
« la description des faits litigieux et leur localisation précise » et, « les motifs pour lesquels
le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des
justifications de faits », d'autre part. il a toutefois été jugé qu’un écrit n’indiquant pas la
localisation exacte du contenu litigieux fondait tout de même la connaissance du prestataire,
dès lors que ce contenu pouvait être aisément identifié, notamment en saisissant sur le moteur
de recherche du site les mots-clés correspondants.
Dans tous les cas, le juge doit s’assurer aussi que l’acte destiné à informer le
prestataire de l’existence d’un contenu illicite lui est effectivement parvenu. Sa responsabilité
sera alors retenue si une fois informé, il n’a pas agi promptement en vue de rendre ledit
contenu inaccessible.

B. Une responsabilité subordonnée à l’absence d’une prompte réactivité


du prestataire
Le législateur exige du prestataire qu’il rende les contenus dont l’illicéité est portée à
sa connaissance inaccessibles, et la réaction ainsi attendue se doit d’être « prompte ». Toute
la question est alors de savoir dans quel délai cette réaction doit intervenir pour être
considérée comme telle. Le législateur s’est borné à indiquer que le prestataire doit agir
promptement sans fixer un délai précis. Dans ce cas, il revient aux juges de dire, en fonction
des circonstances, si un hébergeur a agi promptement ou non pour empêcher l’accès à des
contenus dont le caractère illicite lui a été signalé. En s’inspirant de la jurisprudence
étrangère, il apparait que pour apprécier la promptitude exigée des prestataires, il faut tenir
compte d’un ensemble de facteurs au rang desquels la nature du contenu et les difficultés
technologiques auxquelles ils font face.
En prenant en compte la nature des contenus concernés, il faut distinguer selon que le
contenu a un caractère « manifestement illicite » ou « simplement illicite ». Dans le premier
cas, l’on estime que la réaction doit être immédiate, c’est-à-dire faite le jour même de la
notification. C’est ce qui explique dans un tel cas, qu’un délai de 04 jours observé par le
prestataire entre la notification et sa réaction, ait été jugé comme anormalement long 8. Par
contre, dans le second cas, le délai de 10 jours écoulé entre la notification adressée à un

8
Cf. TGI Toulouse, réf., 13 mars 2008, Krim K. c/Pierre G., Amen, www.legalis.net.
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hébergeur et la réaction de ce dernier a été vu, dans une espèce, comme conforme à
l’exigence du prompt délai9.
Les difficultés technologiques s’imposant au prestataire sont également à prendre en
compte dans l’appréciation du délai qu’il a pris pour réagir. En effet, il peut arriver que même
informé, il soit difficile voire impossible pour le prestataire de bloquer l’accès aux contenus
dont l’illicéité est dénoncée. Ainsi, dans une affaire où le prestataire avait dû procéder des
changements structurels sur son site – ce qui manifestement exigeait un certain temps - afin
de parvenir à rendre les contenus décriés inaccessibles, il a été jugé qu’un délai de 3 mois
n’était pas excessif10.
Finalement, le caractère « prompt » du temps mis pour réagir semble donc être à
« géométrie variable, pouvant aller de l'immédiat, voire quelques heures, jusqu'à une durée
de quelques jours ». La jurisprudence a même admis que les difficultés linguistiques
pouvaient justifier que le prestataire ait pris un peu de retard dans la mise en œuvre des
mesures exigées. Ainsi, dans une affaire où il lui était reproché de n’avoir bloqué l’accès aux
vidéos litigieuses que neuf jours après la date à laquelle elle a reçu la dénonciation (le 05 déc.
2008), la société américaine You Tube avança comme excuse, le fait qu’il fallait traduire
l’acte de notification en anglais pour une meilleure compréhension de son contenu, celle-ci
étant rédigée en français. Les juges prirent en compte cette excuse 11.
Quoiqu’il en soit, il ne faut pas perdre de vue que par principe, une « prompte
réaction » est une réaction rapide voire très rapide. C’est pourquoi les décisions qui tolèrent
les retards dans la réaction des prestataires devront toujours exposer les raisons de cette
indulgence et les motiver suffisamment afin que le principe ne perde pas de sa vigueur.
L’on peut dire en fin de compte que la responsabilité des prestataires techniques
repose sur le triptyque « savoir-pouvoir-inertie » : c’est dire qu’ils ne pourront être tenus
pour responsables que si, ayant eu connaissance du caractère illicite des contenus (savoir), ils
ont eu le pouvoir de faire cesser le trouble (pouvoir), et n’ont finalement rien fait en ce sens
(inertie). Ces exigences donnent à la responsabilité des prestataires techniques un « caractère
exceptionnel », par rapport à celle des autres acteurs.

§2. La responsabilité des autres acteurs


Pour avoir une idée claire des autres personnes dont la responsabilité peut être
engagée, au premier chef d’ailleurs, il convient de distinguer en fonction de la nature de la
plate-forme sur laquelle les contenus illicites ont été publiés : sites de publication (A), sites
web 2.0 (B), blogs (C) ou plates-formes des réseaux sociaux (D).

A. La responsabilité applicable aux sites de publication


Un site de publication est celui dont le contenu est entièrement défini par l’entreprise
ou l’individu qui l’exploite. C’est le cas des sites web créés par la plupart des quotidiens

9
Cf. TC Brest, réf., 6/08/2008, Quai Ouest Musiques c/ eBay Europe, eBay International AG.
10
Cf. TGI Paris, 17ème ch., Chambre de la presse, Jugement du 11 février 2003 : Amicale des déportés
d’Auschwitz et des camps de Haute Silésie, Mrap / Timothy Koogle, Yahoo.inc.
11
Cf. TGI Paris, réf. 05 mars 2009, Roland Magdane et autres / You Tube, www.legalis.net.
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camerounais reprenant leur édition papier, ou des sites web créés de nombreux e-
commerçants.
Celui qui doit répondre des publications diffusées sur ce genre de sites est le directeur
ou le codirecteur de la publication, ou le cas échéant le responsable de la rédaction, dont
l’identité fait partie des mentions qui doivent figurer sur le site en application de l’art. 37 de
la loi de 2010 relative à la cyber-sécurité et à la cybercriminalité. Il assume cette
responsabilité en tant qu’éditeur du site.

B. La responsabilité applicable aux sites web 2.0


Les sites web 2.0 sont des sites mixtes diffusant à la fois des contenus créés par
l’exploitant du site ainsi que ceux émanant des tiers. Dès lors, le régime de responsabilité ici
dépend de la nature du contenu décrié.
S’il s’agit d’un contenu défini ou créé par l’exploitant du site, la personne qui exerce
l’autorité éditoriale comme on l’a vu (directeur ou codirecteur de la publication, responsable
de la rédaction) en assume la responsabilité en tant qu’éditeur du site.
S’il s’agit d’un contenu émanant d’un tiers, évidemment la responsabilité de ce
dernier peut être engagée. Mais, celle de l’exploitant du site peut l’être aussi à un double titre
selon que ces contenus émanant des tiers sont validés ou non par un modérateur avant leur
mise en ligne.
Lorsque les contenus émanant des tiers sont modérés, c’est-à-dire contrôlés,
sélectionnés et validés avant leur mise en ligne, ils sont considérés comme des contenus
décidés par l’exploitant du site lui-même, et la personne qui exerce l’autorité éditoriale
(directeur ou codirecteur de la publication, responsable de la rédaction) en assume la
responsabilité en tant qu’éditeur du site.
Lorsque les contenus émanant des tiers ne sont pas modérés, cela signifie qu’ils sont
directement mis en ligne sans que le créateur du site n’ait pu y exercer un quelconque
contrôle préalable. Dans ce cas, l’exploitant du site et donc de la personne qui exerce
l’autorité éditoriale (directeur ou codirecteur de la publication, responsable de la rédaction),
est assimilé à un simple hébergeur, avec pour conséquence que sa responsabilité ne peut être
engagée que s’il est établi qu’il a été informé de l’existence de ce contenu et n’a pas agi
promptement pour en bloquer l’accès.

C. La responsabilité applicable aux blogs


Un blog est un site web ou une partie d’un site web utilisé pour la publication
périodique et régulière d’articles, généralement succincts, et rendant compte d’une actualité
autour d’un sujet donné ou d’une profession. Il est très souvent un site personnel créé pour
partager ses idées et ses centres d’intérêt (actualité, vie scolaire ou professionnelle, loisirs,
rencontres amicales ou amoureuses, etc…). Le blogueur qui est celui qui tient le blog (auteur
primaire) y délivre un contenu souvent textuel enrichi d’hyperliens ou d’éléments
multimédias, sur lequel des commentaires peuvent être apportés par tous les lecteurs (auteurs
secondaires).

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S’agissant des contenus qu’il publie lui-même, le blogueur est considéré comme un
éditeur de service de communication en ligne12, et assume dans ces situations, une
responsabilité analogue à celle de tout éditeur. Il peut aussi en être tenu pour responsable à
titre de directeur de publication.
En ce qui concerne en revanche les contenus déposés par les tiers, le blogueur ne peut
en être tenu responsable que s’il a eu connaissance effective du message illicite avant sa mise
en ligne, ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il ne l’a pas retiré rapidement.

D. La responsabilité applicable aux réseaux sociaux


Les réseaux sociaux sont définis comme « des plateformes de communication en ligne
qui permettent à tout internaute de rejoindre ou de créer des réseaux d’utilisateurs ayant des
opinions similaires et/ou des intérêts communs ». Ils fonctionnent grâce à l’utilisation d’outils
mettant à disposition une liste de contacts pour chaque utilisateur avec possibilité
d’interaction. Parmi les plus utilisés, on peut citer Facebook, Twitter, Linkedin ou encore
whatsapp.
Évidemment, l’auteur des contenus publiés sur ces réseaux sociaux est celui, qui en
premier, doit en assumer les conséquences : la responsabilité lui incombe au premier chef, en
tant éditeur desdits contenus.
La question s’est posé de savoir si la responsabilité de ces plateformes même pouvait
être aussi engagée. Dans une affaire mettant en cause Facebook, il a été jugé qu’un réseau
social est un hébergeur 13, puisqu’il assure une activité de mise à disposition au public de
moyens techniques de diffusion sans se mêler du contenu. Étant ainsi considérés comme des
hébergeurs, les réseaux sociaux sont soumis au régime allégé de responsabilité déjà étudié.

Section 3. Les difficultés de mise en œuvre de la responsabilité


Il n’est pas toujours aisé de mettre en œuvre la responsabilité des acteurs du
numérique en raison d’un certain nombre de difficultés liées notamment à l’identification de
l’auteur des publications (§1), à la preuve de celles-ci (§2) et au caractère international des
réseaux (§3).
§1. Les difficultés liées à l’identification de l’auteur des contenus litigieux
Elles sont liées au fait que de nombreux internautes agissent sous « anonymat », c’est-
à-dire en dissimulant leur véritable identité. D’ailleurs, en violation des exigences légales,
même certains promoteurs de sites web n’y font pas figurer les informations permettant de les
identifier. Cet anonymat ne permet pas aux victimes d'entamer des poursuites judiciaires. Il
est vrai que des techniques d’identification ont été développées, consistant entre autres à
recourir aux adresses IP14. Mais il se trouve que l’adresse IP est plus une donnée de
localisation qu’un élément d’identification dans la mesure où généralement, elle n’est pas liée
de façon indéfectible à un individu en particulier. Du coup, l’exploitation de ces adresses peut

12
TGI Paris, 26 juin 2007.
13
TGI Paris, 13 avr. 2010, dans une affaire mettant en cause facebook.
14
Signifiant ‘’Internet protocole’’, chaque machine connectée à internet est dotée d’une adresse IP unique.
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s’avérer inefficace si la machine utilisée et dont l’adresse a été identifiée se trouve dans un
cybercafé15. En effet, les gérants et exploitants des cybercafés ne font actuellement pas l’objet
d’une obligation leur imposant d’identifier leurs clients, à moins qu’on les assimile aux
fournisseurs d’accès. Même dans le contexte juridique camerounais où un décret impose
l’identification des abonnés, il serait difficile de pouvoir reprocher à un gérant de cybercafé le
fait de n’avoir pas identifié son client. De plus, il existe même certains programmes
informatiques permettant de masquer ou de simuler des adresses IP en permettant de naviguer
anonymement sans laisser de traces ou en laissant de fausses traces sur les réseaux
numériques16. Tout ceci contribue à relativiser la fonction d’identification des adresses IP.
§2. Les difficultés liées à la preuve des contenus litigieux
Celui qui prétend avoir souffert de la publication de contenus illicites doit rapporter la
preuve de leur existence, ce qui est loin d’être toujours évident s’agissant des contenus
numériques essentiellement caractérisés par leur volatilité. Ainsi, le fait qu’il soit possible de
les modifier ou même de les supprimer à volonté et dans des délais records rend difficile la
collecte des éléments permettant de caractériser l’infraction. En outre, la forme dynamique de
certains contenus les rend plus difficiles à capturer.
La collecte, de même que le traitement des preuves numériques, requièrent alors une
expertise technique particulière.
§3. Les difficultés liées au caractère international des réseaux
Par nature, internet est un réseau international dans lequel il est impossible de
délimiter les territoires des différents Etats qui se côtoient dans le monde. Si cette
internationalité du réseau est indéniablement un atout, elle est aussi une faiblesse en ce
qu’elle engendre des difficultés dans la répression des infractions qui y sont commises.
La première de ces difficultés concerne la détermination de la juridiction
compétente : pour engager la responsabilité d’une personne, il faut aller en justice. Or le
caractère transfrontalier du réseau internet soulève, en cas de litige, un problème de
juridiction compétente, et donc, de loi applicable. Pour être plus précis, la question est de
savoir si les juridictions camerounaises peuvent connaitre des litiges découlant de la
publication de contenus illicites sur internet. La réponse est affirmative, même si le
fondement de cette compétence diffère selon que l’on est en matière civile ou pénale.
En matière civile, la compétence des juridictions camerounaises est fondée sur les art.
14 et 15 du Code civil qui consacre le principe de compétence des tribunaux camerounais
lorsqu’un camerounais est partie au litige, en tant que demandeur ou défendeur.
En matière pénale, l’on peut s’inspirer de la jurisprudence française 17 pour retenir que
le fait qu’un site internet soit consultable au Cameroun suffit à rendre compétentes les
juridictions camerounaises.

15
Un cybercafé peut être défini comme un lieu aménagé pour faciliter l’accès du public, contre rémunération,
aux services d’internet.
16
C’est le cas du réseau TOR (acronyme de The Onion Router, littéralement : « le routeur oignon ».
17
TGI Paris, 13 nov. 1998 ; 26 févr. 2002.
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La deuxième difficulté liée au caractère international du réseau concerne l’efficacité


de la coopération internationale en matière de répression : le caractère transnational des
délits commis sur internet rend indispensable la coopération entre Etats dans la conduite des
enquêtes. Pour le Cameroun, les mécanismes de cette coopération sont précisés dans les art.
90 à 94 de la loi de 2010 relative à la cyber-sécurité et à la cybercriminalité. Ce dispositif est
toutefois loin d’être suffisant, de même que les conventions régionales traitant de la question.
Une convention universelle serait la bienvenue. Mais au-delà des textes, il faudrait que les
Etats fassent réellement preuve d’une véritable coopération, de partage d’informations et
surtout de rapidité dans les enquêtes sur internet. Dans le cas contraire, les délinquants
profiteront toujours des difficultés de coopération pour se mettre à l’abri des poursuites.

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