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Introduction générale :

Nul ne peut contester que le Maroc se soit engagé durant les dernières
décennies, dans un processus de développement tous azimuts. Les
manifestations de ce développement sont particulièrement visibles sur le
plan de l’urbanisation rapide que le pays ne cesse de connaître, ayant
entraîné la croissance des villes existantes et la naissance de nouvelles
agglomérations urbaines.

En dépit des efforts importants faits, ici et là, pour restructurer les ensembles
urbains et améliorer leur gestion, les difficultés de maîtrise du double
phénomène d’exode rural et d’évolution incontrôlée persistent avec leur
corollaire, l’apparition et la faible appréhension des risques urbains.

Ces risques, qui font l’objet de cette étude, constituent désormais une source
de préoccupation aussi bien pour les acteurs de la promotion de l’espace
urbain que pour ceux chargés d’en assurer la gestion.

Avant de développer les différents aspects de cette problématique de gestion


des risques qui guettent les citadins, il convient de préciser le sens des
concepts qui seront utilisés le long de ce travail en particulier la notion de
risque et son acception appliquée au milieu urbain.

A : La notion de « risque »

Dans les pays occidentaux, la problématique des risques est toujours à


l’ordre du jour depuis la fin des années 1970. Des milliers de pages ont été
écrites, des centaines d’ouvrages publiés, des dizaines de colloques tenus et
des textes novateurs débattus et votés. Et pourtant, la notion d risque n’est
pas encore totalement cernée, sa définition n’étant pas définitivement arrêtée.

1
Dans ce sens, il existe de nombreuses définitions du mot « risque ». Dans le
vocabulaire courant, ce terme est souvent confondu avec la notion de
« danger », « péril » et « hasard ».

Dans la définition cherchée dans le Petit Robert, on trouve écrit « Danger


éventuel plus ou moins prévisible » ou « Eventualité d’un événement ne
dépendant pas exclusivement de la volonté des parties et pouvant causer la
perte d’un objet ou tout autre dommage ».

De manière plus explicite et simplifiée, la notion du risque est parfois


considérée comme étant la rencontre entre l’homme et le danger. Le risque
est le résultat de l’exposition à un phénomène dangereux, à un danger. Il y a
accident lorsque l’individu, exposé à un danger, entre en contact avec ce
danger (1 ).

Au regard des sciences qui étudient les risques, comme la cyndinique(2) ou


la préventique, le risque est considéré comme la combinaison de la
probabilité d’un dommage et de sa gravité. Autrement dit, c’est la
confrontation d’une probabilité d’un événement par la vulnérabilité de
l’environnement au sens large.

Un risque est donc la conséquence d’un événement d’une certaine ampleur


ayant une certaine probabilité de se produire (aléa). Il peut être d’origine
naturelle ou humaine. Les effets peuvent mettre en péril un grand nombre de
personnes, occasionner des dégâts importants et dépasser les capacités de
réaction des instances directement concernées. Le passage de l’aléa au risque
suppose la prise en compte de la vulnérabilité des enjeux soumis à cet aléa.

1
) Le danger est la situation ou l’état qui menace l’intégrité physique des personnes.
2) C’est à l’occasion de la tenue d’une conférence sur la gestion des risques au siège de l’UNESCO à Paris en 1987,
que les participants ont montré le réel intérêt pour ce que l’on commence à appeler « les sciences du danger ». Lors de
la séance de clôture, ils ont décidé de donner le nom « cyndinique » à cette discipline nouvelle et promouvoir son
enseignement dans tous les Etats de l’Europe.

2
A partir de cette définition, il est possible d’établir une classification
préliminaire et globale des risques. Ainsi on peut distinguer :
-les risques liés à la nature ou à l’environnement. C’est le cas de toutes les
catastrophes dites « naturelles » : Tremblement de terre, inondation, incendie,
tempête, ouragan, tornade, cyclone, typhon, grêles, raz de marée, tsunami,
orage, foudre, avalanche, éboulement, mouvements de terrain, éruption
volcanique, pollution, phénomènes climatiques, changements climatiques,
effet de serre ;

-les risques liés plus spécifiquement à l’activité industrielle et technologique


de l’homme ;

- les risques pouvant concerner le domaine sanitaire, que le risque soit


individuel, collectif, voire global ;

-les risques pouvant toucher le centre économique et plus particulièrement


dans des aspects financiers, juridiques ou sociaux;
- les risques pouvant concerner des activités structurant l’organisation et
l’informatique ;

- les risques pouvant toucher l’image, l’information ou la communication.

Quelle que soit leur nature, qu’ils soient élevés ou négligeables, acceptables
ou intolérables, les risques ne sont pas perçus de la même manière par tout le
monde.

Des enquêtes récentes conduites en France auprès du grand public (3), par
exemple, ont permis de dégager essentiellement deux constats :

3
) étude réalisée en 2007 par l’IRSN sous le contrôle de « l’observatoire de l’opinion sur les risques et la sécurité ».

3
- le public s’exprime plus sévèrement : il est plus pessimiste pour juger les
risques, plus réticent à accorder sa confiance aux autorités et plus critique à
l’égard de la vérité des informations communiquées sur les risques ;

-la corrélation forte et systématique du niveau d’étude avec la perception du


danger : les plus diplômés sont moins souvent que les autres sujets à une
inquiétude face au risque. Un niveau de formation élevé donne le sentiment
d’une meilleure capacité de compréhension des risques et aussi d’accès à la
connaissance plus aisé ; les diplômés bénéficient donc de ce « savoir
connaître » qui leur permet de diminuer leur inquiétude.

Cette enquête et les résultats auxquels elle a abouti, reflètent les divergences
au sujet de la perception des risques de la part des différentes catégories de
la société. Ces divergences apparaissent aussi quand il s’agit de définir et de
cerner les risques urbains.

B- Les risques urbains :

Aujourd’hui, comme jadis, la ville est considérée comme le siège d’histoire,


de culture et lieu d’avenir. Elle continue d’attirer les hommes en leur offrant
de meilleures garanties d’emploi, plus de chances d’accès à la culture, aux
soins médicaux, des opportunités infinies de rencontres et d’échanges. Mais,
la ville est de plus en plus souvent vécue comme un milieu dangereux,
exposé à une multitude de risques.

Cependant, si dans les civilisations contemporaines,


essentiellement urbaines, les risques se concentrent de plus en plus en ville,
pour autant, la spécificité des risques urbains n’apparaît pas de premier
abord. Qu’il s’agisse de risques diffus, accidents de circulation, actes de
déprédation ou d’agression, ou bien de catastrophes naturelles ou
technologiques, les villes n’ont pas l’exclusivité de tel ou tel risque.

4
A l’inverse, ce critère de localisation en ville reviendrait à considérer que
tous les risques peuvent à un moment ou à un autre, être urbains, sans pour
autant les caractériser ( 4).

A défaut d’une définition des risques urbains, d’imminents chercheurs,


juristes notamment, ont tenté d’établir une typologie les concernant. Celle qui
parait être la mieux élaborée consiste à distinguer quatre types de
classification en fonction de la spécificité du risque urbain, de sa gravité, de
sa nature ou de son objet ( 5). Le passage en revue de ces diverses
classifications permettra de choisir celle qui mérite d’être retenue dans le
cadre de cette étude.

1. la classification fondée sur la spécificité des risques urbains

La concentration urbaine peut être un facteur de création de risque, ce


dernier résultant du regroupement d’une population importante dans un
espace restreint (grands rassemblements, bidonvilles, souks, quartiers
sensibles, établissements recevant du public, immeubles de grande hauteur..).

Elle peut être également un facteur d’aggravation de risques qui ne sont pas
urbains en eux-mêmes (séismes, glissements de terrain, catastrophes
technologiques, accidents liés au transport de matières dangereuses..).

Il n’est donc pas possible, sur un plan méthodologique, de limiter l’analyse


aux seuls risques générés par la ville. Une approche aussi restrictive serait
d’autant plus injustifiée que les dangers les plus graves en termes de victimes
potentielles auxquels sont confrontés les citadins résident dans des risques

4
) ANSIDEI (M) : "les risques urbains : acteurs, systèmes de prévention", collectif s/dir ANSIDEI (M), DUBOIS (D),
FLEURY (D) et MUNIER (B), éd. Anthropos, 1998, p.3
5
) Cette classification est établie par le professeur Jean VIRET, voir "Fondements juridiques et principes de gestion des
risques urbains" in « actes du séminaire franco-marocain sur la lutte contre les inondations » tenu à Rabat, octobre
2004.. Nous nous excuserons à l’avance auprès du professeur VIRET pour la reprise intégrale d’une partie de la
communication que nous avons réalisé conjointement à l’occasion de ce séminaire.

5
non spécifiquement urbains (séismes, glissements de terrain ou catastrophes
technologiques).

Il convient d’ajouter, d’un point de vue juridique, que les risques


spécifiquement urbains ne constituent pas une catégorie juridique
homogène : si certains relèvent, comme c’est le cas en France, d’un régime de
police administrative spéciale finalisée (Etablissement Recevant du Public ou
Immeuble de Grande Hauteur), d’autres risques urbains ne trouvent pas de
réponses juridiques adaptées (violences urbaines ou bidonvilles par
exemple).

Ce n’est qu’à la condition que tous les risques reçoivent un traitement


juridique particulier, parce qu’ils sont propres à la ville, qu’une classification
fondée sur la spécificité des risques urbains aurait sa raison d’être.

2. La classification fondée sur la gravité des risques

Au regard des conséquences que peut avoir la réalisation du risque, il est


souvent opéré une distinction entre risques diffus (risques liés à la vie
quotidienne : risques domestiques ou accidents de la circulation par exemple)
et risques majeurs qu’ils soient naturels ou technologiques.

Le principal intérêt d’une telle classification est de mettre l’accent sur les
moyens mobilisables dans un dispositif de secours planifié. En revanche, elle
occulte très largement la dimension préventive, étant indifférente au régime
juridique applicable à chaque type de risques.

La classification fondée sur la gravité des conséquences de la réalisation d’un


risque est donc de portée trop limitée pour être retenue.

3. La classification fondée sur la nature des risques

6
Elle est des plus classiques et repose sur la distinction traditionnelle entre
risques naturels et technologiques.

La distinction entre risques naturels et risques technologiques présente


néanmoins un inconvénient majeur. Elle ne rend compte que d’une partie de
la réalité des risques encourus, en en traitant que de certains risques de
sécurité civile ou relevant du domaine de la protection civile. En revanche,
les risques de la vie quotidienne sont ignorés ; de même sont occultés
totalement les risques générés par l’accroissement de l’insécurité urbaine.

La classification par la nature des risques, qui s’inscrit dans une logique
totalement étrangère à la problématique des risques urbains, demande à être
complétée.

4. La classification fondée sur l’objet des risques

Il peut enfin être envisagé de classer les risques urbains à partir du domaine
juridique et institutionnel auquel ils se rattachent. Dans ce cadre, trois
catégories de risques peuvent être identifiées : les risques urbains de sécurité
civile ; les risques urbains de sécurité publique ; les risques urbains mixtes
qui relèvent des deux domaines à la fois.

En définitive, les classifications fondées sur la spécificité des risques urbains,


sur leur gravité ou leur nature présentent le double inconvénient d’être
souvent partielles et d’ignorer la dimension juridique du problème des
risques urbains.

La seule qui ait véritablement un intérêt juridique est celle relative à l’objet
des risques dans ses trois composantes : risques de sécurité civile ou de
protection civile ; risques de sécurité publique ; risques mixtes.

7
Les risques de sécurité civile relèvent d’un régime juridique de police
administrative qu’il est d’usage de définir comme l’activité de service public
tendant à assurer le maintien de l’ordre public c'est-à-dire de la tranquillité,
de la sécurité ou de la salubrité publiques, pour reprendre la trilogie
traditionnelle en la matière.

La sécurité civile est, du reste, un des domaines de prédilection des polices


administratives spéciales. Les pouvoirs publics entendent ainsi, par des
mesures appropriées à chaque type de risques, prévenir les accidents,
sinistres ou catastrophes, et en limiter les effets.

Le fait que les risques de sécurité civile relèvent le plus souvent de polices
administratives spéciales, fréquemment confiées au représentant de l’Etat,
plus rarement à l’autorité élue ne signifie pas qu’une autorité de police
générale ne puisse pas ou ne doive pas agir. Le « concours des polices » est
souvent possible, sous la seule condition que l’autorité de police
administrative générale intervienne pour aggraver , en raison des
circonstances locales, la mesure prise par l’autorité de police spéciale.

Le traitement juridique des risques urbains de sécurité publique relève


essentiellement du régime répressif et se rattache aux activités de police
judiciaire. Lorsque se produit une agression ou lorsque se développent des
violences urbaines les autorités ont d’abord pour mission , après avoir porté
secours aux victimes, de rechercher et d’appréhender les auteurs de ces
crimes ou délits pour les remettre entre les mains de la justice, mais aussi
pour éviter les récidives.

Les pouvoirs publics ont également la préoccupation de prévenir de tels


actes. Mais à cet égard, trois observations sont à faire. Tout d’abord, les
risques liés à l’insécurité urbaine ne relèvent pas, à la différence des risques

8
de sécurité civile, de polices administratives spéciales mais se rattachent à la
compétence des autorités de police administrative générale en charge du
maintien de l’ordre public.

Par ailleurs, les mesures préventives consistent rarement en l’édiction de


normes juridiques pour se concrétiser essentiellement par des actions sur le
terrain. On relèvera enfin que ces mesures préventives ne produisent pas
toujours les effets escomptés : le déploiement préventif des forces de l’ordre
dans un quartier sensible sera vécu, s’il est trop ostensible, comme une
provocation. Le traitement social doit primer sur la gestion juridique de ce
type de risques.

Les risques mixtes, quant à eux, posent à la fois des problèmes de sécurité
publique et de sécurité civile. Les grands rassemblements en sont l’exemple
le plus évident. Ils associent, les organisateurs de la manifestation qui
peuvent être tenus d’organiser un service d’ordre interne, les responsables
des forces de l’ordre chargés d’assurer la sécurité à l’extérieur de l’enceinte et
enfin les autorités compétentes pour faire respecter la réglementation en
vigueur. La gestion des risques d’attentat s’inscrit elle aussi dans une logique
de sécurité civile et de sécurité publique, de même que les politiques de
sécurisation des transports en commun ou de gestion du risque automobile
en zone urbaine ( accidents de la circulation, lutte contre la pollution).

Les hypothèses de concours de polices sont ici la règle. L’efficacité des


différents dispositifs passe par l’action concertée des différentes autorités
concernées sur la base d’objectifs déterminés en commun et chacune continue
à agir dans son domaine de compétences propre, toutes se trouvent sur les
mêmes principes de gestion des risques urbains.

9
A partir de cette typologie, on voit bien que la problématique des risques
urbains est très complexe et beaucoup plus vaste que nul ne peut cerner de
façon complète sauf à y consacrer plus de recherches et de réflexions. C’est
la raison pour laquelle, la présente étude portera principalement sur les
risques de protection civile et limitativement sur certains risques mixtes dont
la ville peut être la scène et l’acteur.

Sous cet angle, l’importance des risques urbains concernés prend donc une
dimension assez particulière en raison de l’évolution, sans cesse croissante,
des zones urbanisées et de la recrudescence des activités à haut risque en
particulier les activités industrielles.

En effet, en plus des risques naturels qui sont par hypothèse inévitables mais
dont les conséquences peuvent être limitées, la ville produit elle-même des
risques, en perturbant les équilibres écologiques, en générant des aléas par la
conception même de l’espace public ou par l’incohérence des traitements
successifs de cet espace.

La ville présente des spécificités qui accentuent sa vulnérabilité, parmi


lesquelles il convient de citer :

- la croissance démesurée additionnée à une planification insuffisante. Les


villes ont de plus en plus de mal à contenir un accroissement
démographique rapide dont l’une des conséquences est l’installation des
populations dans des zones à risque ou démunies de services de base ;

- la densité démographique, considérée comme un facteur important


d’aggravation de l’impact d’un danger naturel ou technologique. Plus la
concentration de la population est élevée et plus les conséquences
notamment en pertes humaines seraient fortes en cas de survenue d’un
événement ;

10
- le déséquilibre écologique qui résulte de la modification des écosystèmes.
Il est admis aujourd’hui que certains phénomènes naturels prennent des
dimensions catastrophiques à cause de l’utilisation inappropriée de l’espace.
L’on sait que les crues soudaines trouvent souvent leur origine dans
l’insuffisance de systèmes de drainage appropriés, de l’empiètement sur les
cours d’eau et de l’utilisation du béton armé qui modifie la
capacité
d’absorption de l’eau par les sols. L’on sait également que les activités
anarchiques de déboisement entraînent l’érosion du sol par les eaux,
augmentant ainsi la vulnérabilité des habitations aux glissements de terrain
déclenchés par les fortes pluies. Nous savons également que l’exploitation
excessive des nappes souterraines provoque l’affaissement des terrains,
exposant ainsi le bâti aux inondations et aux effets des tremblements de
terre ;

- la dépendance des citadins par rapport aux infrastructures et services dans


la mesure où la population est tributaire de leur bon fonctionnement. A titre
d’exemple, les habitants des villes auront du mal à satisfaire leurs besoins
quotidiens si l’électricité est coupée ou si les lignes téléphoniques sont
interrompues ou les canalisations d’eau endommagées. De plus, certains
services voient leur rôle accru après une catastrophe, en particulier les
services chargés de la santé et des soins, des infrastructures, ainsi que ceux
compétents en matière de sauvetage et de lutte contre l’incendie ;

- la concentration de ressources publiques, industrielles et financières dans


une même zone urbaine peut avoir des répercussions à l’échelle régionale,
voire nationale ;

11
- l’inadéquation des constructions et les risques d’effondrement qu’elle
peut générer. Une part élevée des victimes des catastrophes périt suite à des
effondrements, surtout lorsqu’un tremblement de terre touche une zone
urbanisée.

La conjugaison de ces spécificités fait que la ville devient plus vulnérable


aux catastrophes et il ne faut pas s’étonner de constater qu’il n’y a pas un
jour qui passe sans qu’une ou plusieurs catastrophes ne touchent les
métropoles. Tout porte ainsi à croire que cette situation continuera de
s’aggraver si des politiques audacieuses ne viennent modifier la manière de
voir le développement urbain et changer les attitudes et les comportements
des décideurs.

A titre d’illustration, on peut lire dans un article publié dans le quotidien


marocain « Libération », à la suite des inondations qu’a connues l’Algérie en
novembre 2001, que « le déluge a frappé Alger. Un torrent de boue et de gravats a
dévasté Bab El Oued. Aux côtés des milliers de sinistrés, on dénombre presque un
millier de morts. Les responsables politiques prétendent que c’est la volonté de Dieu.
C’est un blasphème. Dieu est perfection. Ce n’est pas lui qui a bouché les égouts pour
les raisons de sécurité, qui a imaginé le programme d’occupation du sol, qui a délivré
les permis de construire. La gestion d’une ville se pense. Elle ne doit pas être subie»
(6).

L’exploitation des servitudes d’utilité publique, lorsque celles-ci existent, se


fait au détriment de la sécurité et de la quiétude des populations.

La ville marocaine, elle non plus, n’échappe pas à cette règle et tout ce qui
vient d’être évoqué est valable pour les grandes agglomérations qui ont

6) AJBALI (D) : "Lettre de novembre", le quotidien "Libération" du 29/11/2001.

12
connu un essor considérable depuis l’avènement de l’indépendance. La
population urbaine marocaine « a été multipliée par 5 en 44 ans, passant de
3.4 millions de personnes en 1960 à 16.5 millions en 2004. En pourcentage,
elle représente 55% de l’ensemble de la population (estimée à 29.89 millions
d’habitants), contre 29%. Et la tendance va s’amplifier : à en croire le Centre
d’études et de recherches démographiques (Cered), les urbains seront 65%
en 2014. Mal maîtrisée, cette croissance s’est traduite par une carence en
infrastructures et une prolifération de l’habitat insalubre et informel à la
périphérie des grandes villes… »(7).

Si nos ancêtres ont été, à certains égards, plus prudents, en construisant les
villes impériales dans des zones accidentées, facilitant ainsi l’écoulement des
eaux pluviales à travers des canalisations aménagées à cet effet, et en édifiant
des locaux à usage d’habitation avec des mûrs suffisamment épais et en
toiture légère pour réduire les conséquences d’un effondrement, il n’en est
pas de même aujourd’hui pour nos concitoyens.

Certes, les enjeux ne sont plus les mêmes ; la course à la recherche d’un
habitat et à la réalisation de l’infrastructure de base l’a emporté sur les
considérations de sécurité et d’esthétique. L’essentiel est de construire, peu
importe la manière et l’endroit.

Il est inutile de s’attarder sur les raisons qui ont poussé certaines de nos
villes à devenir des métropoles et certains de nos centres ruraux à devenir de
grandes agglomérations, car elles sont suffisamment connues. Mais ce qui
est plutôt utile, c’est de savoir si les hommes politiques, les autorités
administratives et les populations agissent en connaissance de cause.

7) GHORBAL (S) : « Maroc : le coût de l’urbanisation », JEUNE AFRIQUE n°2398-2399 du 24 décembre 2006 au 6 janvier
2007.

13
La réponse affirmative à cette question n’est pas certaine. Plusieurs
indicateurs laissent penser qu’un effort de sensibilisation reste à fournir.

En effet, à travers une enquête CAP (Conduite, Attitude, Pratique),


diligentée par le Ministère de l’Intérieur et réalisée par un bureau d’études
privé, les résultats obtenus au niveau de la connaissance des risques aussi
bien par les ménages que par les industriels démontrent que la majorité des
établissements et des personnes sondés ignorent les informations les plus
élémentaires en matière de prévention et de conduite à tenir face à un risque.

Il semble donc très constructif de rappeler que le Maroc, de par sa situation


géographique et sa spécificité urbanistique, est sujet à des risques aussi bien
naturels que technologiques (8).

Ces risques, caractérisés par leur diversité, concernent l’ensemble du


territoire, mais trouvent leur domaine de prédilection dans les villes, en
raison des facteurs d’aggravation de leurs effets (9).

Au regard des risques naturels, nombreuses sont les villes qui sont édifiées
dans des zones réputées à risque sismique ; beaucoup d’agglomérations sont
construites sur des sites inondables et plusieurs quartiers sont réalisés sur
des sites géologiquement instables (10).

Au regard des risques technologiques, toutes les villes du Maroc sont, à des
degrés différents, vulnérables. Outre les risques présentés par l’industrie, les
accidents du trafic routier sont patents, les accidents de transport de
matières dangereuses imminents et les incendies très courants.

8) Voir EL YAAGOUBI (A) : "La gestion des risques urbains au Maroc", mémoire DESA, 1998, pp : 15 et ss.
9) Il faut savoir en plus que près d’un million et demi de Marocains représentant 264 000 ménages vivant en milieu
urbain résident dans un habitat sommaire (source : le quotidien « LIBERATION » du 1/2/2002 rapportant les
résultats de l’enquête nationale sur le niveau de vie des ménages 1998/1999.
10) Il en est ainsi par exemple des villes d’Agadir et d’Al Hoceima qui sont édifiées dans des zones réputées pour leur
forte sismicité, des villes de Mohammedia, Settat, Berrechid, El Jadida implantées sur des aires vulnérables aux
inondations ou encore les villes de Fès et Taounate dont plusieurs quartiers sont bâtis sur des terrains
géologiquement instables.

14
Plus nos villes se développent, plus elles sont fragilisées et confrontées à
des menaces nombreuses et diversifiées et par conséquent, elles sont plus
vulnérables que par le passé.

Face à cette situation, les pouvoirs publics ont-ils défini la conduite à tenir
pour encadrer le développement des villes sur le plan sécuritaire ou, plus
exactement, existe-t-il une politique publique de gestion des risques
urbains ?

Ce qui est sûr, c’est que le thème de la ville en général a fait l’objet au cours
des dernières années d’une attention particulière de la part des pouvoirs
publics, chercheurs et spécialistes. « Le débat actuel sur l’aménagement du
territoire […] accorde une place prioritaire à la ville, puisque l’urbanisation
rapide qu’a connue le Maroc depuis une quarantaine d’années a entraîné des
difficultés multiples et oriente ce débat vers la mise en place d’une politique
urbaine rénovée autour d’un schéma de cohérence territoriale » (11).

Il semble ainsi que le thème de la sécurité des populations et des biens n’ait
pas occupé une place privilégiée dans ce débat. La question de la gestion des
risques urbains commence à peine à faire l’objet de réflexions, de
monographies et d’échanges d’informations entre les acteurs concernés. Il a
fallu donc attendre que des sinistres majeurs se produisent pour que l’on
commence à initier des réflexions sur cette problématique.

Pour accompagner ces initiatives qui commencent à peine à émerger, il est


opportun de contribuer à leur enrichissement par ce travail de recherche,
d’autant plus que malgré l’importance de la question des risques urbains,
aucune étude générale ne lui a été consacrée à ce jour.

11) SEDJARI (A), in " le devenir de la ville", l’Harmattan, 2000, p. 8

15
C’est donc un travail qui se propose dans une première phase de dresser
l’état des lieux, aussi objectif que possible, de la manière dont la gestion des
risques urbains est organisée, pour pouvoir réfléchir dans une seconde phase
sur les mécanismes à même d’améliorer le dispositif actuel.

Cependant, ce travail de recherche n’a pas pour ambition de proposer tous


les mécanismes de gestion des risques urbains adoptés par les pays qui
devancent le Maroc dans ce domaine, l’écart étant parfois très important
pour pouvoir adopter tous les outils utilisés pour prévenir ou atténuer les
risques de protection civile. Les solutions retenues sont considérées comme
étant les premiers jalons pour l’édification d’un véritable système de
management des risques urbains.

Aussi, certaines questions importantes ne seraient-elles traitées que


superficiellement telles que : le risque et l’assurance, les risques et la
responsabilité morale et pénale des pouvoirs publics et des citoyens, le
risque et la problématique de la communication ou encore la question du
déphasage entre la perception des risques entre les hommes politiques et les
scientifiques.

Cela étant pour traiter la problématique de la gestion des risques urbains, il


a été adopté une démarche à la fois descriptive et analytique car il faudrait
d’abord décrire les actions entreprises jusqu’à présent pour analyser ensuite
les instruments qui peuvent être mis à contribution pour le
perfectionnement du dispositif en vigueur.

A ce titre, deux questions principales se dégagent :


- Quelles sont les contraintes qui entravent l’émergence d’un modèle
marocain de gestion des risques urbains ?

16
- Quelles sont les voies à emprunter pour poser les premiers jalons d’un
système de prévention et de lutte contre les risques urbains ?

Pour apporter des éléments de réponse à ces deux questions, il est proposé
de mener la réflexion dans deux directions :

- Première Partie : Evaluation des mécanismes de gestion des


risques urbains.

- Deuxième Partie : Modalités de perfectionnement de la gestion


des risques urbains.

17
Première partie :

Evaluation des mécanismes de

gestion des risques urbains

18
Introduction :

Les inondations des villes de Settat, de Berrechid et Mohammedia, l’incendie


de LA SAMIR et le tremblement de terre d’Al Hoceima enregistrés entre
2002 et 2004 ont attiré l’attention sur les conséquences dramatiques que
peuvent entraîner les phénomènes naturels et technologiques de grande
ampleur sur l’existence de la ville.

Ces catastrophes conduisent à s’interroger, en allant au-delà des rapports


ponctuels d’intervention et de retour d’expérience, sur l’efficacité ou non des
mécanismes de gestion des risques urbains au Maroc. Il s’agit plus
exactement de porter le regard sur les politiques publiques marocaines en
matière de prévention des risques naturels ou ceux provoqués par l’homme
et de gestion des crises qui en résultent.

Autrement dit, l’objectif est d’évaluer toute la chaîne de gestion des risques.
Celle-ci inclut le développement des connaissances, l’expression
cartographique, la diffusion de l’information, la formation à la culture du
risque, la préparation à la gestion des crises, aux secours et à la remise en
état. Pour cela, il est nécessaire de croiser les approches techniques,
économiques et sociologiques dans une analyse des moyens structurels,
législatifs et financiers mis en œuvre.

Néanmoins, il convient, avant d’entamer cette entreprise, de fixer le sens


qu’il y a lieu de donner au terme d’évaluation.

Selon le Petit Larousse, on entend par le terme « évaluation » l ’ « action


d’évaluer, de déterminer la valeur, le prix, l’importance » de quelque chose.
Sur le plan des politiques publiques, les spécialistes considèrent que quelles
que soient ses modalités, toute évaluation vise « le même objectif : porter un
jugement impartial sur la valeur d’une politique donnée au travers d’une

19
appréciation de sa cohérence, de son efficacité, de son efficience, de sa
capacité à honorer les objectifs qu’elle s’est fixés, de son impact et de sa
pertinence » (12).

Prise sous cet angle, l’évaluation dont il est question s’inspire directement
des techniques managériales en partant d’une définition précise des objectifs
de chaque service, puis en les confrontant aux résultats obtenus.

Pour ce faire, il est proposé dans une première étape d’évaluer les
dispositions d’ordre public prises, quelles que soient leurs origines
(nationale, locale) à travers ce qui est appelé les modes de gestion des
risques urbains (13) (chapitre 1). Dans une seconde étape, il sera procédé à
l’évaluation des structures chargées de les mettre en œuvre (administrations,
collectivités, entreprises, individus,..) qu’elles soient anciennes, récentes ou
même virtuelles (chapitre 2).

12) Ecole Nationale d’Administration : Séminaire d’administration comparée de la promotion « NELSON MANDELA »
(1999-2001): L’interministérialité au niveau local : analyse comparée du rôle des préfets et des représentants
territoriaux de l’Etat en Europe en matière de sécurité des citoyens et risques naturels, p : 19.
13) On entend par modes de gestion des risques urbains les mécanismes mis en œuvre pour prévenir les risques et
atténuer leurs effets ainsi que les procédures suivies pour atteindre ces objectifs.

20
Chapitre 1: Des modes de gestion des risques urbains à améliorer

Dans de nombreux pays, notamment occidentaux, les modes de gestion des


risques, en particulier dans les villes, ont évolué dans le temps pour des
raisons à la fois liées au type de civilisation, au mode d’habitat et de
sociabilité ainsi qu’aux formes de gouvernement urbain. Les prétentions
étatiques à monopoliser la gestion de la mise en sécurité des personnes et
des biens n’ont fait que masquer, au cours d’une longue période, le
maintien d’une prise en charge essentiellement communautaire et locale.
Parallèlement au déploiement d’une pensée et d’un mode de vie
individualistes est apparue l’insuffisance d’une administration directe de la
sécurité basée sur l’affichage de normes juridiques et sur la sanction.

La nécessité de prévention s’est manifestée dans une première étape par


l’invention d’une police moderne chargée, avant tout, d’assurer la
tranquillité publique par la mise en place de patrouilles sur l’espace urbain.

Ce n’est que vers les années soixante que les Etats se préoccupèrent des
problèmes de gestion des risques naturels et technologiques en engageant
des politiques sectorielles de prévention. La demande des citadins en termes
de sécurité s’est traduite par l’intégration progressive de la prévention des
risques dans la conception des espaces publics urbains.

Au bout du compte, on est arrivé aujourd’hui à une situation telle que la


sécurité commence à être perçue comme un droit du citoyen, même si ce
droit n’est pas encore codifié, alors que, parallèlement, l’idée de
responsabilité individuelle progresse de manière constante.

21
L’autre caractéristique des récentes évolutions est l’implication d’une
multiplicité d’intervenants, dont de nombreux représentants d’intérêts
privés, dans la gestion des risques urbains : administrations centrales ou
territoriales, élus locaux, milieux associatifs, aménageurs, gestionnaires
d’équipements collectifs, assureurs, promoteurs de systèmes de surveillance,
victimes potentielles.

Au Maroc, les pouvoirs publics ont commencé à s’intégrer dans cette


dynamique à portée universelle, et il serait donc très utile de procéder à une
évaluation générale de l’état d’avancement des modalités de gestion des
risques urbains sous leurs multiples facettes. A ce titre, on peut constater que
les actions anticipatrices des risques sont limitées (section 1) et que les
actions réactives sont insuffisantes (section 2).

22
Section 1 : Des actions anticipatrices limitées

Anticiper sur les risques, c’est les prévenir et les prévoir. La prévention est
évidemment fondamentale, mais elle ne permet pas d’atteindre le risque
zéro, et c’est pour cette raison, que la prévision n’en présente pas moins
d’intérêt.

L’analyse des actions anticipatrices des risques dans le cadre des politiques
publiques met en évidence la nature élémentaire des mesures de
prévention(14) entreprises jusqu’à présent mais aussi le caractère peu
développé des mesures de prévision(15).

§ 1 : La prévention des risques : une matière en gestation


Jusqu’à une date récente la prévention des risques n’était pas un sujet
d’actualité au Maroc. Il a fallu attendre la deuxième moitié des années 1990
pour que les pouvoirs publics commencent à donner de l’importance à ce
sujet.

Près de dix ans après, le bilan peut être dressé sur chacune des composantes
de la prévention des risques et des instruments de prévention utilisés à cette
fin, à savoir le développement des connaissances, l’information des
populations et des acteurs économiques, la prise en compte du risque dans
l’aménagement du territoire ainsi que les travaux de réduction de la
vulnérabilité.

14) La signification étymologique du mot prévention désigne le fait d’agir avant le phénomène, l’incident ou l’accident.
Le critère est donc le temps. On peut alors distinguer :
- des mesures prises à long terme, permanentes : action sur l’enchaînement du phénomène, réduction des
conséquences,
- des mesures prises devant une menace immédiate : alerte, évacuation des personnes ou des biens.
15) La prévision d’un événement est le plus souvent limitée à une évaluation probabiliste. Lorsque la prévention est

mise à défaut, il est nécessaire de prévoir la mise en place de moyens humains et matériels de nature à permettre la
lutte dans les meilleures conditions contre les effets de l’événement. La prévision ne doit pas être confondue avec la
prédiction des événements qui est utilisée aux cas où on connaît le moment où ceux-ci se produiront.

23
Avant d’examiner en détail les différentes activités réalisées pour la mise en
œuvre de ces instruments techniques, il conviendrait de se pencher sur le
cadre juridique régissant ces activités. A ce titre, le premier constat que l’on
peut dégager est l’insuffisance de l’encadrement juridique de la prévention
des risques (A), assorti de pratiques mal fixées (B).

A : Un cadre réglementaire insuffisant

Pour réduire les manifestations du risque urbain, le droit peut être considéré
comme une parade; il définit le tolérable et l’intolérable, et constitue donc un
moyen qui pourrait contribuer à cerner le risque lui-même.

La réflexion juridique sur le risque urbain repose à l’origine pour une large
part sur la notion d’insalubrité. Le texte fondateur en est sans doute le dahir
du 25 août 1914 organisant la police des établissements industriels
insalubres, incommodes ou dangereux (16).

Après le recouvrement de l’indépendance, le droit n’a pas suivi le rythme de


l’expansion urbaine. On se retrouve aujourd’hui devant une situation où le
risque n’occupe encore qu’une place marginale dans la planification urbaine.
La raison principale incombe à l’absence de réponse dans les textes aux
différentes préoccupations (17).

La réglementation de la construction dans les zones à risque n’a retenu que


tardivement une attention particulière du gouvernement marocain. Ce n’est
qu’à la suite des récentes catastrophes enregistrées dans certaines villes du

16) Dahir du 25 août 1914 (BO 1914, p : 703), tel qu’il a été modifié et complété. Ce dahir confère des pouvoirs non
seulement au Premier ministre et à certains ministres, mais aussi aux autorités locales, pachas et caïds. Le Premier
ministre établit la liste de ces établissements tandis que le ministre de l’Equipement intervient pour autoriser
l’ouverture des plus nocifs (1ère classe) et les autorités locales, pachas et caïds, pour l’ouverture des établissements
moins nocifs rangés dans la 2ème classe.
17
) Il s’agit notamment de l’intégration des impératifs de prévention des risques dans les domaines de l’aménagement
du territoire, de l’urbanisme, de l’exercice des activités industrielles et commerciales, des activités de loisirs.

24
royaume que les pouvoirs publics commencèrent à sentir la nécessité de
mettre en place une assise juridique de réduction des risques.

Dans ce cadre, quelques textes ont été promulgués, d’autres n’ont pas encore
vu le jour.

L’examen détaillé de la réglementation régissant le risque permet de


constater qu’un effort soutenu doit encore être consenti en faveur de la
prévention des sinistres au niveau urbain. On constatera en particulier que
beaucoup de lacunes sont à combler aux niveaux de la prise en compte du
risque par le biais de la constructibilité, de l’identification des zones à
risques naturels et de la maîtrise du risque industriel.

L’attention sera particulièrement fixée sur la question de la réglementation


de la construction dans les zones sismiques, la problématique de
l’interdiction de certaines constructions dans les zones les plus dangereuses,
l’épineux problème de l’édification d’agglomérations et d’habitations dans
les régions exposées aux risques d’inondations et enfin sur la construction
autour des sites dangereux ou encore l’implantation d’établissements
dangereux à proximité des zones d’habitation.

1 : Normes de réduction des risques naturels

Le regard sur les normes régissant le risque naturel en milieu urbain permet
de constater que le législateur a commencé à appréhender le risque quoique
de façon encore timide.

1-1 : Réglementation de construction dans les zones sismiques

La prédiction qui permettrait de connaître à l’avance la date, le lieu et la


magnitude d’un séisme n’est pas possible actuellement ; la prévention du
risque reste la seule alternative.

25
Ainsi, pour atténuer les effets d’un séisme, la meilleure réponse demeure
aujourd’hui le développement de la construction parasismique, sachant
qu’une application stricte des règles générales de la construction lors de la
conception des projets, ainsi qu’une bonne exécution des travaux,
permettent aux bâtiments de résister.

Bien que le Maroc soit situé dans une zone considérée de sismicité modérée,
le risque sismique demeure très important, en raison de la nature plus ou
moins fragile des constructions. L’habitat de type traditionnel (18), qui est le
plus répandu dans notre pays, n’est pas conçu pour résister à des séismes
mêmes très modérés. Les statistiques révèlent que 90% des victimes des
tremblements de terre sont constituées des occupants de ce type d’habitat
comme dans le cas du séisme d’Agadir de 1960 ou celui d’Al Hoceima de
2004. Ce qui s’est produit à Fès et à Casablanca ces dernières années, où des
immeubles se sont effondrés en l’absence même de séismes, met en évidence
la gravité de la situation.

Le Maroc s’est doté récemment d’un règlement de construction


parasismique (RPS 2000) relatif aux bâtiments. Approuvé par décret (19) et
rendu applicable à partir du 22 février 2002, ce règlement édicte des
dispositions techniques de génie civil et des conceptions architecturales
permettant aux bâtiments de résister à toutes les secousses d’intensité
inférieure ou égale à l’intensité nominale fixée par la loi (20).

18
) Il s’agit principalement de bâtiments conçus selon les techniques traditionnelles et dont la structure portante utilise
essentiellement la terre, la paille, le bois, le palmier, les roseaux ou des matériaux similaires. A cela s’ajoutent ceux
construits avec d’autres matériaux mais sans plan architectural et sans le moindre respect des règles d’utilisation
du béton.
19) Décret n° : 2-02-177 du 9 hija 1422 (22 février 2002) approuvant le règlement de construction parasismique (RPS
2000) applicable aux bâtiments, fixant les règles parasismiques et instituant le Comité national du génie
parasismique.
20) Le territoire national est subdivisé en trois zones sismiques. Pour chacune, le législateur a fixé une intensité
différente tenant compte des dégâts probables qui peuvent être causés par un éventuel séisme. L’intensité
nominale, qu’on appelle aussi l’accélération nominale, est définie par référence à l’intensité maximale d’un séisme
enregistré dans le passé dans une région donnée.

26
Cette conception est basée essentiellement sur la prise en compte des
paramètres suivants :

- le bon choix du site ;


- l’adaptation des fondations au type du sol ;
- l’utilisation de matériaux de bonne qualité ;
- le choix de dispositions constructives adéquates (distribution des masses,
symétrie, régularité,..) ;
- la prise en compte de la sismicité de la zone concernée.

Le RPS 2000 est applicable sur l’ensemble du territoire à toutes les


constructions. La vulgarisation dudit règlement a connu différentes réunions
et tables rondes impliquant les entités administratives et les structures
représentatives des professionnels de la construction. Des recommandations
ont été dégagées suite à ces manifestations de sensibilisation notamment
celles demandant l’élaboration de règlements particuliers de la construction
parasismique des maisons individuelles et des bâtiments assimilés.

Il est évident que la conception juridique de ce règlement est un pas très


positif dans la prise en compte du risque en milieu urbain. Néanmoins, il est
regrettable que les pouvoirs publics aient attendu le début du XXIème siècle
pour faire aboutir ce règlement à portée nationale. Il est également
regrettable que l’œuvre entamée en 1960 (21), à la suite du tremblement de

21) Toute une panoplie de textes a été adoptée après le tremblement de terre d’Agadir parmi lesquels :
- Décret du 20 juillet 1960 créant une commission d’indemnisation pour la reconstruction de la ville d’Agadir.
- Dahir du 21 juillet 1960 portant institution d’un haut commissariat à la reconstruction d’Agadir.
- Décret du 21 décembre 1960 rendant applicables au périmètre municipal d’Agadir et à l’îlot d’aménagement de la
partie sud-est de la zone périphérique de cette ville, certaines dispositions antisismiques en matières de
construction.
- Dahir du 17 janvier 1961 relatif aux conditions dans lesquelles seront secourues les victimes du séisme d’Agadir.
- Arrêté ministériel du 17 janvier 1961 relatif à l’octroi des secours prévu par le dahir du 17/01/61
- Dahir du 17/01/61 relatif aux conditions dans lesquelles seront secourus les sinistrés des agglomérations de la
montagne atteintes par le séisme d’Agadir.
- Arrêté interministériel du 17 janvier 1961 fixant les modalités d’application du titre II du dahir du 17 janvier 1961
relatif aux conditions dans lesquelles seront secourues les victimes du séisme d’Agadir en ce qui concerne le
concours financier de l’Etat et l’instruction des déclarations du sinistre.

27
terre d’Agadir, se soit estompée, au moment où notre pays s’est engagé
dans un processus d’urbanisation très important (22).

De toutes les manières, il paraît que la mise en œuvre de ce nouveau


règlement est jusqu’à présent handicapée par certaines contraintes
juridiques et extrajuridiques.

Quoi qu’il en soit, l’application complète de ce règlement exige d’autres


actions juridiques, notamment la répartition des communes dans les zones
de sismicité fixées par le décret du 22 février 2002, ainsi que la mise en
adéquation des mesures techniques prévues par le règlement avec les textes
législatifs et réglementaires régissant l’urbanisme. C’est dans ce sens,
semble-t-il, que le ministère de tutelle s’attelle aujourd’hui à prendre cet
impératif en considération dans le cadre du projet de loi relatif à
l’urbanisme (23). C’est dire qu’un effort soutenu est encore nécessaire. La
dynamique créée par le séisme d’Al Hoceima doit être pérennisée afin que

- Arrêté Ministériel du 06 mars 1961 modifiant l’arrêté du 17 janvier 1961 relatif à l’octroi du secours prévu par le
dahir du 17/01/61.
- Arrêté du Haut commissariat à la reconstruction d’Agadir du 12 avril 1962 modifiant l’arrêté conjoint du ministre
de l’Economie et du ministre des Travaux Publics du 17 janvier 1961 fixant les modalités d’application du titre II du
dahir du 17 janvier 1961 relatif aux conditions dans lesquelles seront secourues les victimes du séisme d’Agadir.
- Dahir du 05 août 1963 complétant et modifiant le Dahir du 17 janvier 1961 relatif aux conditions dans lesquelles
seront secourues les victimes du séisme d’Agadir.
- Décret royal portant loi du 22 octobre 1965 complétant le dahir du 17 janvier 1961 relatif aux conditions dans
lesquelles seront secourues les victimes du séisme d’Agadir.
- Dahir portant loi du 20 février 1973 relatif à la suppression du Haut commissariat à la reconstruction d’Agadir.
- Dahir portant loi du 19 septembre 1977 modifiant et complétant le dahir portant loi du 20 février 1973 relatif à la
suppression du Haut commissariat à la reconstruction d’Agadir.
22) Il est à souligner que les normes édictées en 1960 sont aujourd’hui dépassées en raison de l’évolution des
connaissances sur la sismicité et des progrès enregistrés dans les domaines des études géologiques, techniques et
instrumentales.
23) Projet de loi : 04-04 édictant diverses dispositions en matière d’habitat et d’urbanisme et complétant le RPS (2000).
Ce projet comporte :
- Des dispositions modifiant et complétant la loi n° : 12-90 relative à l’urbanisme par :
* La responsabilisation des architectes
* L’instauration des mesures de sanctions pour toutes les constructions non conformes au RPS
- Des dispositions modifiant et complétant la loi n° : 52-90 relative aux lotissements, groupes d’habitations et
morcellements. L’article 9, chapitre II, prévoit en matière d’affectation du sol, des schémas d’orientation et de
développement et des zones interdites à l’urbanisation en indiquant les motifs de cette interdiction ; ou celles
frappées de servitudes d’utilité publique prévues par la législation en vigueur. Il prévoit également des zones
protégées pour des raisons environnementales, historiques ou esthétiques.
- Des dispositions particulières applicables aux communes dont le nombre d’habitants est inférieur ou égal à 2500 ou
constituées principalement d’habitats dispersés.

28
les futures constructions puissent être édifiées selon les règles
parasismiques.

La même problématique est posée par la construction dans les zones


dangereuses notamment celles exposées aux risques d’inondations.

1-2 : Réglementation de la construction dans les zones inondables

La notion d’inondation est apparue d’une manière succincte dans des textes
très anciens (24) avant qu’elle ne soit reprise assez récemment dans un texte
législatif avec la loi sur l’eau (25).

Cette loi constitue la base légale de la politique de l’eau dans notre pays. Elle
a permis d’élaborer et de mettre en œuvre la stratégie et la politique
nationales en matière de gestion et de développement des ressources en eau
de manière à accompagner et soutenir le développement économique et
social du pays, où la prévention des inondations et des sécheresses constitue
l’enjeu majeur. Elle prend en considération les exigences de la protection des
populations et des biens contre les aléas climatiques et météorologiques (26).

En ce qui concerne la problématique des risques urbains, cette loi prévoit des
dispositions explicites concernant le risque d’inondation et portant
généralement sur l’interdiction sans autorisation préalable d’aménagement,
plantation, construction ou dépôt gênant les écoulements des eaux. Elle
prévoit aussi des dispositions complémentaires de prévention contre les

24
) Le Dahir du 1er août 1925 sur le régime des eaux et notamment les articles 20 et suivants sur la police des eaux parle
des inondations. Dans le même sens, le Dahir du 11 mars 1931 (BO du 29 mai 1931) sur les réquisitions à effectuer
pour le maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques, évoque les inondations en tant que
circonstances permettant le droit de réquisition. De même pour le décret n° 2-69-37 du 25 juillet 1969 sur les
conditions de distribution de l’eau dans le périmètre urbain.
25) Loi n° : 10-95 sur l’eau, promulguée par le dahir n° : 1-95-154 du 16 août 1995.
26) Rapport national sur la prévention des désastres, préparé par un comité interministériel et présenté à la conférence
de Kobe-Hyogo (Japon) tenue en janvier 2005, p : 10.

29
inondations dans le cadre de la gestion du Domaine Public Hydraulique
par le contrôle de l’espace hydraulique (27).

L’instance concernée par ces dispositions est l’Agence Hydraulique du


Bassin (AHB) (28), laquelle Agence est chargée de veiller à l’application des
mesures réglementaires et de contribuer à la réalisation des infrastructures
nécessaires à la prévention et à la lutte contre les inondations. Cependant, la
protection contre ce risque précis est une activité pluridisciplinaire et
implique nécessairement de nombreux acteurs institutionnels.

Toutefois, les dispositions prévues par cette loi, portant directement sur la
protection contre les inondations (29), ne pourront avoir d’effets que si des
textes d’application qui en précisent les modalités sont adoptés sur «les
terrains submersibles», les « digues et levées faites à l’initiative des
riverains », « les obstacles à l’écoulement des eaux », le mode de financement
des travaux imposés aux riverains (30).

Cette absence de textes d’application de la loi de 1995 et le défaut de


délimitation sur le terrain du Domaine Public Hydraulique constituent des
obstacles à la prévention contre les risques d’inondation.

Par ailleurs, pour les agglomérations urbaines, il est certain que les
instruments légaux applicables dans le domaine de l’urbanisme ne réservent

27) Idem, p: 10
28) Agence instituée par la loi sur l’eau.
29) Art. 94 : Il est interdit de faire sans autorisation, dans les terrains submersibles, des digues, levées et autres
aménagements susceptibles de gêner l’écoulement des eaux d’inondations, sauf pour la protection des
habitations et propriétés privées attenantes.
Art. 95 : les digues, remblais, constructions ou autres ouvrages, quel qu’en soit le statut juridique, et qui sont
reconnus faire obstacle à l’écoulement des eaux ou étendre de manière nuisible le champ des inondations
peuvent, sur décision de l’agence de bassin, faire l’objet de modification ou suppression moyennant le
paiement d’indemnité à titre de dédommagement.
Art.96 : Si l’intérêt public l’exige, l’agence de bassin peut exiger des propriétaires riverains des cours d’eau de
procéder à la construction de digues destinées à la protection de leurs biens contre les débordements des
cours d’eau.
Art.97 : Il est interdit d’effectuer des plantations, constructions ou dépôts sur les terrains compris entre le cours
d’eau et les digues de protection construites en bordure immédiate de ce cours d’eau.
30) AKRAJAI (L) : « problématique des inondations au Maroc », in « actes du séminaire Franco-marocain sur la lutte
contre les inondations au Maroc », tenu à Rabat les 04 et 05/10/2005.

30
pas de place spécifique à la protection contre les inondations. Pour l’instant,
rien dans les textes législatifs et réglementaires régissant le domaine de
l’urbanisme n’interdit explicitement la construction dans une zone
inondable, et encore moins ne prescrit de restrictions pour l’édification de
ces constructions. Il existe à peine des circulaires, élaborées récemment,
invitant les gouverneurs et les services techniques préfectoraux ou
provinciaux à entreprendre les mesures nécessaires pour la prévention des
crues, le curage des égouts pour éviter la montée des eaux dans les
agglomérations et surtout à interdire l’octroi d’autorisation de construire
dans les zones ostentatoirement exposées aux risques d’inondations.
Néanmoins, l’application des dispositions contenues dans ces circulaires ne
peut être assurée sans soulever des problèmes d’ordre juridique et
technique notamment le risque d’atteinte au droit de la propriété garanti par
la Constitution (31).

Aussi est-il indispensable que les pouvoirs publics procèdent à


l’amélioration du cadre réglementaire dédié à la prévention des inondations
notamment en ce qui concerne la promulgation des textes.

2 : Normes de prévention des risques technologiques

L’évolution accélérée des technologies, particulièrement au cours des


dernières décennies, s’est accompagnée d’un accroissement des risques qui,
mal maîtrisés, engendrent des accidents dont la fréquence et les

31) En attendant l’aboutissement du projet de loi n° : 04-04, une circulaire conjointe des ministères chargés
de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement, ainsi que du ministre
délégué auprès du Premier ministre chargé de l’Habitat et de l’Urbanisme a été diffusée en janvier 2005
(Note circulaire n°: 8 du 7 janvier 2005 sur la prévention des risques d’inondation). Cette circulaire
invite les gouverneurs à créer des commissions préfectorales et provinciales de prévention des risques
d’inondations et précise les mesures à prendre dans ce cadre, notamment l’intégration du risque
inondation dans les documents d’urbanisme en cours ou projetés et la prévention des risques
d’inondation induits par les projets d’infrastructure.

31
conséquences sont alors parfois comparables à celles des calamités
naturelles.

Certaines activités, liées notamment à l’essor urbanistique, industriel et de


transport, sont souvent génératrices de nuisances et de dangers parfois
conjugués tels que la pollution de l’eau et de l’air, les intoxications aiguës ou
latentes, les incendies et les explosions dues à la nature des composants de
fabrication et quelquefois à la carence des moyens de sécurité et d’hygiène.

En nous limitant au cadre réglementaire de prévention des risques les plus


importants en milieu urbain, on constate des déficits de normes pour la
réduction des incendies et explosions industriels, des incidents liés au
transport de substances dangereuses, des risques d’incendie et de panique
dans les établissements recevant du public et des accidents de la circulation.

2-1 : Normes de prévention des risques industriels

Malgré l’évolution qu’a connue le secteur industriel depuis l’accession du


Maroc à l’indépendance, les textes le régissant restent très anciens. Le texte
de base, encore en vigueur, est le dahir du 25 août 1914 sur les
établissements insalubres, incommodes ou dangereux, baptisés
« établissements classés » dans la mesure où ils sont portés dans une
nomenclature qui les répartit en 1ère, 2ème et 3ème classe selon le degré
d’inconvénients qu’ils présentent.

Cette réglementation concerne notamment les usines, les ateliers, les dépôts,
les chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées
ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui
peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité
du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour
l’agriculture, soit pour la protection de la nature et de l’environnement.

32
Le Dahir de 1914 présente deux intérêts à l’égard de la prévention des
risques : Le premier concerne l’atténuation des effets des incendies et
explosions, sachant qu’il y est prévu un certain nombre de restrictions
concernant le lieu d’implantation des unités industrielles classées, en
imposant en particulier l’isolement de ces établissements des zones habitées
(32). Le second intérêt concerne la classification même de ces établissements
et leur soumission à une procédure d’autorisation ou de déclaration selon la
catégorie. L’occasion est ainsi offerte aux services compétents de prescrire les
mesures de sécurité réglementaires nécessaires.

Toutefois, il faut reconnaître que les normes de sécurité prévues dans cette
réglementation de base, modifiée ou complétée par des textes datés des
années 1930 et 1970 (33) ne sont plus adaptées à notre contexte urbanistique
et industriel actuel et encore moins à la structure juridico – administrative de
notre pays.

En effet, l’arsenal juridique relatif aux établissements classés souffre de


plusieurs limites et ne présente pas le cadre approprié qui permettrait de
stimuler et de contrôler de façon adéquate les actions de sécurité au niveau
de ces installations.

Ainsi, il y a lieu de noter d’abord l’absence de mise à jour de la nomenclature


de ces établissements, sachant que depuis 1933 les activités industrielles se
sont diversifiées et leur nature aujourd’hui dépasse les catégories définies
par cette nomenclature. Les établissements furent certes divisés en classes et
réglementés en conséquence, mais les normes prévues nécessitent beaucoup
d’amélioration d’autant plus qu’elles ne sont pas centrées sur le problème du

32)Cf. supra
33)Arrêté Viziriel du 13 octobre 1933, fixant la nomenclature des établissements classés, B.O, 1933, p : 1187 et Décret n°
2-72-643 du 16 safar 1394 (11 mars 1974) complétant l'arrêté du 22 joumada II 1352 (13 octobre 1933) portant classement
des établissements insalubres, incommodes ou dangereux.

33
danger. Aussi le texte sur ce genre d’établissements devrait-il prendre
directement en considération le problème de la sécurité (34) puisque l’accent
est plutôt mis sur la salubrité (35). De plus, la réglementation de 1914 limite
les intérêts protégés dans la mesure où elle vise le voisinage, en négligeant la
nature et l’environnement.

Ensuite, les procédures sont complexes en classant les installations en trois


catégories alors que, dans la pratique, il ne s’agit que de deux catégories,
celles soumises à autorisation et celles faisant l’objet d’une simple
déclaration selon l’acuité des risques. Sous les auspices du dahir de 1914, la
procédure d’octroi des autorisations n’était pas déconcentrée puisqu’il
appartenait au ministre chargé des travaux publics d’accorder cette
autorisation. Ce n’est que récemment que le wali de la région s’est vu
attribuer cette tâche, alors que le ministre concerné conserve la tâche
d’instruire le dossier de classification de l’installation (36).
Par ailleurs, la réglementation actuelle n’exige pas d’études de sécurité
contre les risques. Dans bien des pays, tout exploitant doit produire, entre
autres, une étude de danger. Dans cette dernière, il définit les situations
dangereuses, il expose et justifie les mesures de protection qu’il envisage afin
de réduire ou de limiter les effets d’un accident et il décrit les moyens
d’intervention privés ou publics dont il s’assurera le concours. Enfin, il est
tenu de déclarer sans délai à l’administration tout incident ou accident de
nature à porter atteinte aux intérêts protégés par la loi (37).

34
) La sécurité est l’état d’esprit d’une personne qui se sent tranquille et confiante. C’est le sentiment, bien ou mal
fondé, que l’on est à l’abri de tout danger ou risque ; il associe calme, confiance, quiétude, sérénité, tranquillité,
assurance, sûreté.
35
) La salubrité est un élément de l’ordre public, correspondant à l’absence de maladies et de risque de maladie, assuré
est maintenu grâce à des prescriptions administratives relatives à l’hygiène des personnes, des animaux et des
choses.
36) Voir arrêté du ministre de l’Equipement n° 36902 du 05 mars 2002 relatif à la délégation du pouvoir au wali de
région (BO n° : 4984 du 07 mars 2002).
37) Voir notamment la loi française du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l’environnement.

34
En l’état actuel du droit marocain, rien n’interdit de construire sur une zone
exposée à un risque de glissement de terrain, sur des terrains susceptibles de
se trouver sur le parcours d’un incendie de forêt, sur l’axe des pistes
principales des aéroports ou encore sur les lignes de faille. De plus, le droit
marocain ne prévoit pas de restrictions ou d’exigences particulières quant à
l’édification des constructions sur ces sites (38).

Par ailleurs, le développement d’une urbanisation incontrôlée autour des


agglomérations, de caractère précaire, aux conditions insalubres pour les
populations qui y vivent, se fait au détriment de la sécurité des habitants
(sols instables, inaptes à supporter des constructions, etc..), et peut même
conduire à stériliser en totalité ou en partie des ressources du sous-sol, à
fragiliser l’agriculture où à altérer de façon plus ou moins irrémédiable des
éléments du patrimoine naturel.

Face à ce phénomène, les autorités marocaines chargées de la mise en œuvre


et du suivi de la planification urbaine commencent à prendre conscience de
la gravité de la problématique puisque le concept de « zone sensible »
commence à prendre corps chez les responsables de l’urbanisme au niveau
central. A l’heure actuelle, des actions sont programmées pour
l’amélioration des connaissances des espaces périurbains, la définition de
leur sensibilité pour une restitution adéquate dans les documents
d’urbanisme qui permette une maîtrise de l’occupation du sol dans un
objectif d’aménagement équilibré et de développement durable (39).

Dans bien des pays, la prise en compte des risques dans le droit des sols s’est
opérée dans les documents d’urbanisme (Schéma Directeur d’Aménagement

38) La question de la maîtrise de l’urbanisation autour des sites industriels dangereux sera traitée ultérieurement.
39) Voir rapport de mission effectuée au Maroc, en octobre 2002 par des représentants de l’Institut d’Aménagement et
d’Urbanisme de la Région d’Ile-de-France, concernant la problématique d’usage des sols dans les zones sensibles
périurbaines au Maroc : Evaluation de la prise en compte des zones sensibles dans les documents d’urbanisme.

35
et d’Urbanisme et Plan d’Occupation du Sol) sans passer nécessairement
par des documents réglementaires spécifiques de prévention. C’est dire que
même en l’absence de fondement juridique dans le droit marocain, il aurait
été possible pour les pouvoirs publics d’entamer l’intégration des impératifs
de prévention des risques dans l’urbanisme.

En ce qui concerne les dispositions relatives aux constructions, il faut bien


admettre que la réduction de la vulnérabilité des constructions nouvelles qui
peuvent être autorisées dans les zones où le risque reste modéré, doit être un
enjeu de la prévention. Le problème des constructions existantes est
beaucoup plus difficile à traiter, du moins devrait-il être systématiquement
étudié lors des phases de réparation après une catastrophe, notamment
pour les établissements sensibles tels que hôpitaux et écoles (40).

Quel que soit le soin apporté à la prévention de l’accident industriel, il est


admis que le risque nul n’existe pas. Par ailleurs, la proximité d’habitations
ou d’activités humaines autour d’un site industriel est un facteur essentiel
d’aggravation des conséquences d’un accident majeur comme les
événements tristement célèbres de Mexico et de Bhopal l’ont clairement
démontré (41).

La maîtrise de l’urbanisation autour des établissements dangereux devrait


donc constituer, au même titre que les mesures de sécurité interne
incombant à l’industriel, une composante majeure de la politique de
prévention du risque technologique devant être diligentée par les pouvoirs
publics et dont la mise en œuvre est du ressort des autorités administratives,

40) A titre d’exemple, à la suite du tremblement de terre d’Al Hoceima, les pouvoirs publics ont veillé sur le respect des
normes antisismiques pour la reconstruction des édifices publics atteints, en particulier les écoles. De même, trois
centres de secours ont été construits pour une meilleure couverture de la région mais aussi pour servir d’alternative
à toute défaillance du centre de secours principal dont la pérennité n’est pas garantie.
41) GASTAUD (A) : « Maîtrise de l’Urbanisation autour des sites industriels dangereux : Des outils pour évaluer les
distances d’isolement ».Revue générale de sécurité, n°16, août/septembre 1991, p : 71.

36
car si un accident grave survient, la sécurité des populations avoisinantes
peut être compromise à partir du moment où les mesures de protection et
d’intervention mises en place par l’industriel se sont révélées insuffisantes
pour maîtriser l’extension du sinistre (42).

Limiter la densité de la population autour des établissements dangereux


d’une part, et s’assurer d’un éloignement suffisant afin de réduire son
exposition aux effets d’un accident d’autre part, constituent ainsi, avec les
mesures de maîtrise des risques technologiques, les premières mesures de
prévention des risques d’atteinte à la sécurité des populations par l’effet
d’un quelconque sinistre.

C’est justement dans ce cadre que le droit de l’urbanisme peut constituer un


rempart pour l’édification des zones industrielles à proximité des zones
d’habitations ; et c’est dans ce sens aussi que plusieurs législations
étrangères ont rendu obligatoire la prise en compte de l’existence des risques
technologiques majeurs dans les documents d’urbanisme et ont imposé
l’observation de zones non aédificandi.

Au Maroc, les pouvoirs publics n’ont pas encore mis en place une
réglementation imposant de pareilles contraintes aux différents acteurs
intéressés (entreprises, administrations, élus locaux, associations et
populations).

Les seules dispositions imposant l’isolement des entreprises résultent du


dahir du 25 août 1914 sur les établissements insalubres, incommodes ou
dangereux. Ce texte exige que dans les villes érigées en municipalités et leurs
banlieues, dans les centres délimités, dans les zones périphériques des villes
et des centres, les établissements de première et deuxième classe ne peuvent

42) Guide sur la maîtrise de l’urbanisation autour des sites industriels à haut risque, édité par le Secrétariat d’Etat
auprès du Premier ministre chargé de l’Environnement français, octobre 1990.

37
être autorisés qu’à l’intérieur des secteurs industriels créés à cet effet. A côté
de cette mesure générale, il est également prévu que certaines industries
limitativement désignées par décret sont interdites à l’intérieur des
périmètres des municipalités, des centres délimités et de leurs zones
périphériques. Leur autorisation n’est tolérable qu’en dehors de ce périmètre
à une distance d’au moins cinq cents mètres. Pour les établissements déjà
existants dans les zones précitées, seules peuvent être autorisées les
transformations qui n’aggraveraient pas la gêne résultant de leur voisinage.

Il va sans dire que dans la réalité, bon nombre de transgressions sont


constatées dans nos cités (43). Il est évident que même dans le cas où les
établissements sont autorisés conformément à la réglementation en vigueur,
leur isolement s’estompe très vite puisque les servitudes sont rapidement
envahies par les constructions.
Ce qui semble plutôt paradoxal, c’est que les conditions d’éloignement
recherchées au début du siècle dernier, motivées par la sécurité et par les
nuisances, n’ont pas été conservées par les textes sur l’urbanisme dont le
premier remonte à 1952.

L’argument souvent invoqué comme prétexte à la limitation des


constructions dans les zones sensibles est celui de l’absence d’identification
des zones à risques.

Aussi faut-il veiller à la mise à jour de la réglementation relative au risque


industriel sans omettre l’actualisation des normes censées réglementer le
transport des matières dangereuses.

43) Plusieurs facteurs facilitent cette transgression notamment l’autorisation de l’aménagement de certaines zones
censées être interdites à l’urbanisation, les facilités dans l’octroi des permis de construire et les difficultés de saisine
de justice.

38
2-2 : Normes liées au transport de produits dangereux

Le transport de produits dangereux est une source imminente de danger


pour les citadins et une source de préoccupation pour les services chargés
de la sécurité en général.

La prévention des risques liés à ces produits, qu’ils soient radioactifs,


explosifs, inflammables, toxiques, infectieux ou corrosifs, exige la maîtrise
par la réglementation de tous les maillons de la chaîne d’exploitation de ces
produits à partir du lieu de fabrication, jusqu’à la livraison aux
consommateurs en passant par les étapes d’emballage, d’entreposage, de
manutention et de transport.

Par ailleurs, la réglementation du transport de produits dangereux doit régir


toutes les phases et les modes par lesquels ce transport est effectué.
Généralement, les risques liés au transport de produits dangereux sont
évalués aussi bien pour le transport intérieur (ferroviaire, par voie d’eau,
aérien, par route), qu’international. Les risques les plus fréquents pour les
citadins sont ceux effectués par voie routière et ferroviaire et,
accessoirement, par canalisation. Néanmoins, c’est le secteur routier qui
suscite le plus d’inquiétude en raison de l’importance des engins qui
circulent au sein des agglomérations et des risques d’incendies et
d’explosion qui les accompagnent.

Les textes organisant ce genre de transport datent de l’époque du


protectorat. Il s’agit essentiellement du décret du 27 août 1937 (44) et du dahir
du 02 mars 1938 (45). Ces textes sont aujourd’hui « obsolètes et
anachroniques, en l’absence de prescriptions structurées se rapportant aux

44) Décret réglementant le transport et la manutention des hydrocarbures et combustibles liquides.


45) Dahir réglementant la manutention et le transport par voie de terre des matières dangereuses, des matières
combustibles, des liquides inflammables (autres que les hydrocarbures et les combustibles liquides), des poudres et
artifices, des gaz comprimés liquéfiés, codifiés et dissous, des matières vénéneuses, caustiques, corrosives et des
produits toxiques ou nauséabonds.

39
produits, à la classification, à l’emballage et à sa nature, au véhicule et à son
type, à l’organisation du transport et aux mesures préventives de sécurité.
Ainsi, il est devenu indispensable d’abroger et de remplacer les textes
réglementant la manutention et le transport routier des marchandises qui
remontent à 1938 par une réglementation actualisée et rénovée transcrivant
les dispositions et recommandations adoptées par la communauté
internationale»(46).

Sur le plan énergétique, il faut reconnaître qu’aujourd’hui plus de 7 millions


de tonnes de produits pétroliers circulent annuellement sur les routes, dont
une part importante dessert les agglomérations.

A l’exception de la réglementation de l’activité gazière ayant fait l’objet


d’une mise à jour au début des années 1990(47), les produits pétroliers et
leurs dérivés demeurent régis par le décret de 1937 précité.
En ce qui concerne les explosifs et les produits entrant dans leur fabrication,
ils restent toujours régis par le dahir de 1938 sus -cité. Ce dahir traite des
produits à transporter, de l’emballage, de la composition des chargements,
de la manutention, des règles de circulation et de stationnement, de l’escorte
et de la garde des transports. Outre, l’ancienneté des prescriptions
techniques qu’il préconise et la difficulté d’application de certaines d’entre
elles, ce texte reste muet sur les caractéristiques techniques des véhicules
destinés au transport des explosifs. Les pouvoirs publics essaient de combler
les lacunes du dahir précité par le recours à des circulaires (48).

46) HILI (M) : « le projet de loi sur le transport des matières dangereuses au Maroc : état des lieux et perspectives
d’avenir », in journal du séminaire organisé à Casablanca le 11 juin 2002 sur le TMD.
47) Voir arrêté conjoint du ministre de l’Energie et des Mines, du ministre des Travaux Publics et du ministre des
Transports n° : 1263-91 du 1er avril 1993 approuvant le règlement général relatif aux normes de sécurité applicables
aux centres emplisseurs, aux dépôts en vrac ou en bouteille et aux stockages fixes à usage industriel ou domestique
de gaz de pétrole liquéfié ainsi qu’au conditionnement, la manutention, le transport et l’utilisation de ces produits.
Cet arrêté a prévu quelques mesures de sécurité au niveau du transport, mais celles-ci restent insuffisantes.
48
) Voir notamment les circulaires du ministre de l’Intérieur n° 15525 DGAI/DAG du 20 novembre 2001 et n°
5519/DGAI/DAG du 16 avril 2002, la circulaire du ministre chargé des mines n° 25/DM/S/SAP du 22 mai 2002
ainsi que la circulaire conjointe des ministres de l’Intérieur et de l’Energie n° 2367 du 12 avril 2004.

40
2-3 : Normes de prévention des risques d’incendie et de panique

Le feu constitue sans doute l’un des fléaux aux effets dévastateurs les plus
craints par l’homme. Ce phénomène n’a fait que s’amplifier au fil des
évolutions et du progrès technique, causant des dégâts de plus en plus
considérables aux biens matériels et à l’origine d’un nombre croissant de
mort d’hommes.

Face à ce risque, l’homme ne cesse de chercher les moyens de s’en prémunir


et de concevoir les équipements nécessaires pour lutter contre ses effets. La
prise en considération des incendies dans les habitations, les établissements
recevant du public, les lieux de travail et les immeubles de grande hauteur a
conduit plusieurs pays à l’élaboration de textes pour imposer des règles
strictes de construction et l’utilisation des matériaux susceptibles de
résister de plus en plus longtemps au feu.

Certains pays ont adopté des textes dès le début du XXème siècle,
essentiellement dans la deuxième moitié de celui-ci, pour imposer des règles
de prévention contre les risques d’incendie applicables aux constructions,
visant à la fois les habitations et les établissements recevant du public.

Après cette opération de codification des textes relatifs à l’incendie, sont


venues s’ajouter aux notions d’établissement recevant du public et
d’immeuble de grande hauteur des préoccupations plus récentes concernant
l’accessibilité des personnes handicapées physiquement à ces locaux. Ces
dispositions ont été dictées par le souci d’améliorer la mobilité, condition
essentielle de l’insertion de ces personnes, dans des sociétés où le nombre de
personnes à mobilité réduite croit de façon significative.

Au Maroc, malgré l’intérêt accordé depuis longtemps à la prévention des


dangers d’incendie et de panique, notamment par les services de secours et

41
de lutte contre l’incendie, les actions entreprises pour la mise en sécurité des
bâtiments à usage public sont embryonnaires. Cela se vérifie en particulier
par l’absence de tout texte à caractère réglementaire prescrivant des mesures
à édicter pour la sécurisation de ce type de bâtiments.
La définition de la notion d’établissement recevant du public n’est pas
introduite par le droit positif marocain, ce qui pousse les services concernés
à recourir (49) souvent à la définition retenue par la réglementation française,
selon laquelle « constituent des établissements recevant du public tous bâtiments,
locaux ou enceintes dans lesquels des personnes sont admises soit librement, soit
moyennant une rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont
tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non» (50).

Il résulte de cette définition que la réglementation générale des


établissements recevant du public s’applique notamment :

- aux exploitations, réparties selon un classement réglementaire en type


(selon la nature de l’exploitation) et en catégories (selon l’effectif du public et
du personnel) ;
- à l’ensemble des locaux collectifs des structures collectives d’hébergement
(logements, foyers, maisons familiales, villages de vacances) ;
- aux locaux collectifs résidentiels situés dans des bâtiments d’habitation,
lorsque ces locaux reçoivent habituellement des personnes qui n’habitent pas
l’immeuble ; aux établissements recevant du public situés dans des
bâtiments de grande hauteur ;
- aux locaux recevant du public dans les établissements industriels et
commerciaux.

49
) Le recours à cette définition étant nécessaire pour la classification des établissements afin d’identifier les mesures de
prévention contre les risques d’incendie et de panique à exiger en fonction des dangers qui pèsent sur le public qui
les fréquente.
50) Article R.123-2 du code français de la construction et de l’habitation.

42
En matière de construction du bâtiment, les établissements recevant du
public sont soumis aux règles générales applicables à toute construction.
Cependant, compte tenu de leur spécificité, les établissements recevant du
public sont soumis à des dispositions particulières relatives à la protection
contre les risques d’incendie et de panique sachant que ces établissements
sont très divers et que les règles de sécurité qui doivent y être appliquées
relèvent à la fois d’une doctrine générale et d’une réflexion particulière à
chaque type d’activité (51).

Les mesures de prévention visent donc à éviter l’éclosion et la propagation


de l’incendie, à favoriser l’évacuation rapide des occupants du bâtiment ou
leur mise en lieu sûr, ainsi qu’à protéger la construction. La détection du feu,
des dégagements suffisants et sécurisés en fonction du nombre maximum de
personnes présentes, des éclairages de sécurité et un désenfumage efficace
constituent les principales dispositions qui permettent en cas d’incendie
dans un établissement recevant du public, d’assurer la protection du public
et du personnel.

Corrélativement, les mesures de contrôle ont été renforcées, notamment à


l’échelon local, en imposant aux autorités locales le soin de prémunir le
public contre ce type de risques et en les chargeant d’y veiller par des
précautions convenables (52).

Au Maroc, les préventionnistes de la protection civile sont confrontés à la


carence des textes fixant les mesures de sécurité à respecter et sont
juridiquement démunis face aux risques d’incendie et de panique dans les
établissements recevant du public. Malgré les multiples tentatives de la

51) Le risque de panique est particulièrement important dans les établissements recevant du public, du fait de la densité
souvent élevée du public dans un même local et de sa mauvaise connaissance des lieux.
52) STREBLER (JP) et WENDLING (M) : « Le maire et la police des établissements recevant du public », dossier
d’experts / la lettre du Cadre Territorial. France.

43
Direction de la protection civile, relevant du ministère de l’Intérieur,
d’établir une réglementation appropriée, aucune norme moderne n’a été
adoptée. A part quelques instructions ministérielles, les établissements
recevant du public ne sont organisés par aucun texte législatif ou
réglementaire, exception faite de quelques règles générales qui sont
incorporées dans quelques textes obsolètes (53) datant de l’époque du
protectorat. Il en est ainsi, à titre d’exemple, de l’article 130 de l’Arrêté
Viziriel régissant les établissements cinématographiques (54), qui exige qu’un
service de surveillance soit assuré par les sapeurs-pompiers dans ces
établissements. Ce service doit obligatoirement faire l’objet d’un contrôle
moyennant des rondes assurées par un officier ou un sous-officier des
sapeurs-pompiers afin de s’assurer de la bonne exécution des consignes de
sécurité. De même, des visites de contrôle programmées ou inopinées
doivent être périodiquement organisées dans le but de vérifier si les
dispositions de l’arrêté sont respectées notamment en ce qui concerne le
fonctionnement normal des dispositifs de secours contre l’incendie et
l’éclairage de sécurité.

De même, l’Arrêté Viziriel (55) relatif aux établissements dans lesquels est
exercée une profession commerciale, industrielle ou libérale prévoit dans son
chapitre 3 portant sur la « prévention des incendies », des normes
concernant l’entreposage et la manipulation des matières inflammables, des
mesures relatives à l’éclairage et au chauffage, des mesures destinées à
permettre l’évacuation rapide du personnel et du public (aménagement des

53) Les textes cités ci-dessous ne comportent que des règles générales, parfois dépassées, et dont la mise en application
est, soit difficile à mettre en œuvre, soit ne présente aucun intérêt sur le plan préventif. Ils sont parfois considérés
comme caducs.
54 ) A.V du 26 janvier 1939 ; B.O n° : 1377 du 17.3.1959.
55 ) A.V. du 4 novembre 1952 ; B.O n° : 2099 du 16 janvier 1953.

44
escaliers, des passages et des couloirs) et enfin des mesures destinées à
combattre tout début d’incendie.

C’est tout ce qui est prévu par la réglementation marocaine et on peut


imaginer que toute la panoplie d’établissements recevant du public ayant
connu un essor impressionnant depuis l’accession du Maroc à
l’indépendance ne sont soumises à aucune réglementation de prévention
contre les risques d’incendie et de panique.

Le second aspect des constructions qui fait l’objet d’une attention privilégiée
dans beaucoup de pays est celui des immeubles de grande hauteur (IGH)
dont la définition peut être extraite de la réglementation française (56), qui
précise que « constitue un immeuble de grande hauteur, tout corps de bâtiment
dont le plancher bas du dernier niveau est situé, par rapport au niveau du sol le plus
haut utilisable par les engins des services publics de secours et de lutte contre
l’incendie :

- A plus de 50 mètres pour les immeubles à usage d’habitation


- A plus de 20 mètres pour tous les autres immeubles ».

La législation qui les régit repose sur 3 grands principes : vaincre le feu
avant qu’il n’ait atteint une dangereuse extension, assurer la mise en sécurité
des occupants des compartiments atteints ou menacés et permettre la
continuation de la vie normale dans le reste de l’immeuble de grande
hauteur.

Le phénomène des immeubles de grande hauteur n’a pas épargné les villes
marocaines, en témoigne le nombre sans cesse croissant d’immeubles édifiés.
Leur construction pose des problèmes à la fois nouveaux, originaux et
complexes.

56) Article R-122-2 du code français de construction et de l’habitation.

45
- Nouveaux d’abord, car ces toutes dernières années l’accroissement
dimensionnel des constructions s’est orienté vers le sens vertical de sorte
que les hauteurs déjà atteintes ne sont pas accessibles aux échelles des
services d’incendie et de secours ;
- Originaux ensuite car, dans leur conception, dans leur réalisation et dans
leur équipement, ces structures sont totalement différentes des constructions
classiques ;
- Complexes enfin du fait des considérations sociales et humaines,
économiques et financières, administratives et techniques qui doivent être
simultanément abordées (57).

L’épanouissement de ce genre de bâtiment au Maroc ne s’est pas


accompagné d’un encadrement juridique approprié. Les services d’incendie
et de secours relevant de la Direction de la protection civile essaient de faire
respecter certaines prescriptions techniques élémentaires lors de l’étude des
permis de construire mais ils sont souvent confrontés à des objections de la
part des promoteurs et des architectes qui contestent leurs recommandations
faute de dispositions réglementaires obligatoires.

Les bâtiments à usage d’habitation ne sont pas non plus assujettis à une
réglementation de prévention contre les risques d’incendie et de panique.

Au total, en dépit des efforts fournis par les services de la protection civile
pour intégrer les impératifs de prévention des incendies dans le processus de
construction du bâtiment, les prescriptions recommandées sont souvent
transgressées ou perdues de vue par les responsables qui, et à défaut de
textes réglementaires contraignants, d’une jurisprudence spécifique et d’une

57) ALAOUI YAZIDI (M) : « La mission de l’inspection générale de la protection civile » mise à jour du mémoire du
cycle supérieur de l’ENAP, 1990, p : 85.

46
éducation sensibilisant aux problèmes de sécurité, ne réalisent pas l’intérêt
de ces prescriptions.

Aussi la nécessité se fait-elle de plus en plus sentir pour l’élaboration d’une


réglementation nationale, laquelle définirait les mesures portant sur la
construction, les aménagements et les équipements techniques à même
d’assurer la sécurité des personnes directement menacées, mais aussi celle
du public extérieur, soumis à un risque indirect, et celle des agents de la
protection civile.
Des avant-projets ont été préparés par la Direction de la protection civile
mais ils sont confrontés à des problèmes d’ordre juridique et extra juridique.

Le principal obstacle concerne l’absence de fondement juridique à


l’élaboration de ces règlements puisque le contenu de la loi de 1992 sur
l’urbanisme, ne contient pas de dispositions claires concernant la procédure
à suivre pour l’établissement de cette réglementation et encore moins
l’administration devant assurer le pilotage de cette opération (58). De même,
les sanctions prévues pour les contrevenants à certaines règles sont
dérisoires et ne jouent pas le rôle répressif qui doit être le leur. Par ailleurs, il
est toujours avancé comme argument que l’aboutissement d’une telle
réglementation est subordonné à l’adoption du règlement général de
construction toujours en gestation.

Les obstacles d’ordre juridique devraient être surmontés le plus rapidement


possible, d’autant plus que notre pays est en phase d’introduire des
modifications aux lois de 1992.

58
) Dans de nombreux pays, les lois relatives à l’urbanisme prévoient des articles qui offrent la possibilité d’établir des
règlements spécifiques à la prévention des risques d’incendie et de panique , tout en précisant généralement le
ministère ou l’administration devant élaborer cette réglementation et veiller à son application.

47
2-4 : Normes de prévention des accidents de la circulation

Les dégâts corporels et les souffrances issues des accidents de la circulation


routière, conséquence du processus de modernisation de notre société, sont
similaires à ceux que peuvent engendrer des guerres meurtrières.

Le Maroc, à l’instar de tous les pays, connaît un important développement


de la circulation routière et en corollaire le problème des accidents qui est à
l’origine d’une perte de précieuses ressources humaines. Au-delà des
drames humains qu’il provoque, ce fléau représente pour notre société une
perte économique énorme de l’ordre de 2,5% du PIB soit plus de 8 milliards
de dirhams par an (59).

Aussi l’ampleur de ce préjudice socio-économique appelle-t-elle à des efforts


de plus en plus soutenus en matière de prévention et de sécurité routière.

Sur le plan réglementaire, on peut considérer que toutes les mesures


contenues dans le code de la route ont pour finalité, directement ou
indirectement, d’assurer la prévention des accidents de la route. Toutefois, il
ne faut pas perdre de vue que ce code a été établi par Dahir dès 1953 (60). Par
conséquent plusieurs de ses dispositions semblent dépassées. Les
amendements apportés à ce code ne portent que sur des règles particulières
telles que le port de la ceinture et le rehaussement de pénalités pour
certaines infractions (61).

Il semble qu’une unanimité se dégage quant à la nécessité de la révision du


cadre juridique de la sécurité routière, en veillant sur sa stricte application et
en revalorisant les pénalités pour le rendre plus dissuasif car, semble-t-il, les

59) Actes du 4ème colloque sur la sécurité routière, organisé à Rabat en mars 2002, sous le thème « sécurité routière :
réalités et perspectives pour une meilleure stratégie », p : 11.
60) Dahir du 19 janvier 1953 et arrêté Viziriel du 24 janvier 1953.
61) Les amendements aux textes de base n’ont concerné que certaines dispositions de ce code (décret n° : 283-568 du 18
juillet 1986, décret n° : 93-27 du 27 juillet 1994 et décret n° 2-04-748 du 17 janvier 2005).

48
actions que mène le Comité National de Prévention des Accidents de la
Circulation (CNPAC) (62), notamment en matière de sensibilisation, n’ont
pas donné les résultats escomptés.

Il faut toutefois noter qu’à la suite de graves accidents survenus en 2004, les
pouvoirs publics semblent décidés à mettre fin au laxisme qui a prévalu
pendant des années. Un décret modifiant et complétant l’arrêté du 24
janvier 1953 sur la police de la circulation et du roulage a vu le jour
récemment. Ce décret interdit aux usagers de la route certaines pratiques
dangereuses comme le fait de téléphoner au volant ou de placer un enfant au
siège avant. Conformément aux dispositions du nouveau décret, le
conducteur et l’occupant de la place avant devront impérativement porter la
ceinture de sécurité à l’intérieur du périmètre urbain. Les dispositions du
nouveau décret interdisent également les places avant aux enfants âgés de
moins de 10 ans quand le véhicule est en marche.

En définitive, les textes actuels concernant la prévention restent incomplets


et dépassés pour certains d’entre eux. Il en résulte la difficulté pour les
acteurs, sur le terrain, de parvenir à une vue générale de la politique de
prévention et de disposer de référentiels pouvant régir leur action.

A partir de là, se développent des pratiques disparates, désordonnées, voire


même contradictoires, atténuant les programmes de prévention des risques.

B : Des pratiques aléatoires

La carence de textes dans le domaine de la prévention constitue un obstacle


imminent à la canalisation des efforts des pouvoirs publics et un facteur de
développement de pratiques improvisées. On note d’abord l’absence d’une

62) Le CNPAC est un établissement d’utilité publique créé par le décret n° : 2-77-275 en date du 27 Rajeb 1397 (15 juillet
1977) dans le but d’améliorer la sécurité routière.

49
approche globale concernant le traitement des risques (1) et ensuite un
déséquilibre dans la manière d’appréhender tel ou tel risque (2).

1 : Absence d’approche globale

Sur le plan méthodologique, il semblerait que la meilleure façon de procéder


en matière de gestion des risques est de tracer un cadre global d’analyse,
d’évaluation et d’action qui permettrait d’aboutir à une sorte de schéma
directeur fixant les orientations générales à même de guider les pouvoirs
publics dans leur œuvre de prévention. Evidemment, la réalisation d’un tel
travail n’est pas possible lorsque des intérêts divergents entrent en jeu
favorisant l’exercice cloisonné des activités de prévention.

1-1 : Cloisonnement des activités de prévention

L’un des faits majeurs dans le domaine de la prévention des risques est
l’éclatement de cette activité entre les mains de nombreux acteurs. Il résulte
de cette situation un manque de cohérence dans les pratiques quotidiennes
de réduction des risques. Les raisons de ce cloisonnement sont variées et
peuvent être d’ordre juridique, administratif ou culturel.

En effet, dans l’état actuel du droit marocain, les textes qui peuvent servir de
fondement juridique à la prévention des risques sont de deux sortes :

- les premiers sont des textes d’ordre général qui fixent en particulier les
attributions des autorités de police administrative. Cette catégorie de textes
se limite à l’énoncé, en termes généraux, des prérogatives des autorités
titulaires du pouvoir de police administrative générale dans le domaine du
maintien de l’ordre public. En d’autres termes, ils ne donnent aucun détail
sur la nature des mesures de prévention à entreprendre et encore moins sur
les modalités de leur mise en œuvre. Aussi, en cas d’inexistence de
dispositions juridiques spécifiques ou de normes techniques propres à un

50
risque donné (63), la voie reste-elle ouverte pour ces autorités d’adopter à
leur gré les mesures de prévention qui leur conviennent sans que cela
constitue une transgression à la loi.

- les seconds sont des textes à caractère spécial qui ont pour principale
vocation de proposer des normes de prévention sous forme de mesures de
police administrative spéciale portant sur un risque particulier. Si les
autorités de police administrative générale sont connues et leur nombre est
limité (premier ministre, gouverneur, président du conseil municipal) il n’en
est pas de même des autorités possédant des pouvoirs de police
administrative spéciale dont le nombre peut être plus élevé dans la mesure
où plusieurs ministres en sont dépositaires, sans omettre les autorités de
police générale qui peuvent avoir aussi la qualité d’autorité de police
spéciale. On se retrouve ainsi avec plusieurs autorités susceptibles
d’intervenir dans le domaine de la prévention, au risque d’être confronté à
une diversité de propositions et une multitude d’actions (64).

Par ailleurs, sur le plan administratif, le rattachement des différents acteurs


de la prévention à des structures administratives différentes dont les
relations sont souvent dominées par les conflits institutionnels et les
divergences dans la manière de percevoir la prévention des risques,
demeure l’une des causes du défaut d’uniformité des mesures préconisées. Il
ne faut pas non plus oublier que, généralement, l’administration marocaine
souffre du fort attachement de ses services à leurs prérogatives dont ils
refusent de se dessaisir même en cas d’incapacité de les exercer.

63)Le juge, quant à lui, ne s’est jamais prononcé sur ce genre de questions. Contrairement aux pays occidentaux dans
lesquels la jurisprudence joue un rôle très important de régulation, le juge marocain est encore loin de s’intéresser à
ce genre de problèmes.
64) A ces autorités qui ont pour vocation de concevoir les mesures de prévention, il convient d’ajouter les autorités et les
services chargés de les mettre en œuvre et dont le nombre varie en fonction de la nature du risque.

51
Enfin, sur le plan culturel, l’origine et la nature du cursus de formation des
décideurs et des techniciens préventionnistes ont toujours joué un rôle
déterminant, direct ou indirect, dans le cloisonnement des activités de
prévention. En effet, les mesures proposées dépendent généralement du
profil de la personne qui les a édictées : un préventionniste des services
d’incendie et de secours aura tendance à privilégier les mesures de
prévention contre les risques d’incendie et de panique ; un urbaniste
donnera la priorité à celles concernant l’occupation de l’espace ; un
ingénieur des ponts et chaussées favorisera la construction d’ouvrages de
protection ; un environnementaliste appuiera les propositions à même
d’améliorer le cadre de vie ; un chercheur appréhendera la prévention sous
l’angle de la recherche pour améliorer les instruments de la prévision, etc.

En définitive, cette variété d’acteurs aux responsabilités mal définies,


conjuguée à la prépondérance de normes non codifiées, est à la fois un
facteur et un résultat de l’absence d’une vision générale claire en matière de
prévention des risques. De plus, elle est à l’origine du décalage existant entre
les différentes régions concernant cet aspect.

1-2 : Variété dans l’espace des mesures de prévention

Le défaut de stratégie globale de gestion des risques ainsi que la carence des
textes réglementaires de prévention ont eu également pour corollaire le
développement de pratiques variables d’une région à une autre et même
parfois au sein d’une même localité, selon les convenances des décideurs
locaux et des services qui leur sont rattachés.

Cette situation présente certes l’avantage de permettre l’innovation et


l’enrichissement de la panoplie de mesures de prévention existantes, en
revanche, ses inconvénients sont encore plus importants notamment en

52
encourageant les personnes de mauvaise foi à recourir à des activités peu
limpides afin de détourner les normes les plus contraignantes en choisissant
la localité la moins exigeante en termes de sécurité. A titre d’exemple, un
investisseur choisirait de construire des immeubles ou une usine dans une
agglomération où la protection civile est moins exigeante en ce qui concerne
les mesures de prévention contre les risques d’incendie et de panique.
Evidemment, quand il s’agit d’un grand projet, les enjeux financiers
consécutifs à cette pratique sont considérables.

Il ne faut pas sous-estimer les conséquences immédiates ou lointaines de ce


décalage entre les régions car en plus de ce qui vient d’être dit, cette attitude
favorise l’inégalité entre les citoyens, conduit à la disparité dans les chances
d’investissements et fausse le jeu de la concurrence.

D’ailleurs, il ne faut pas non plus oublier l’impact de cette variété sur le
rendement des fonctionnaires et des acteurs privés appelés à les mettre en
œuvre, aussi bien ceux qui, pour des raisons de nécessité administrative,
sont contraints d’émigrer d’une région à une autre, que ceux qui, par
nécessité de service, sont dans l’obligation de se déplacer périodiquement
dans telle ou telle ville. En effet, un fonctionnaire employé dans une
agglomération, habitué à appliquer des normes déterminées, aura du mal à
s’accommoder à d’autres dans son nouveau lieu d’affectation. De même, un
technicien de la profession libérale, ingénieur ou autre, dont les intérêts
affairistes s’étendent sur une grande partie du territoire, trouvera
énormément de difficultés à maîtriser des règles aussi multiples et parfois
même contradictoires.

Les choses sont plus délicates lorsque par bonne volonté on décide de mettre
en place des cursus de formation au profit des futurs praticiens dans le
domaine de la prévention. A cette occasion, on se trouve en face d’un

53
dilemme : faut-il inculquer aux apprentis les normes juridiques en vigueur
dans d’autres pays ou faut-il se contenter de leur présenter les « règles
coutumières » utilisées dans les différentes localités (65).

C’est dire toute l’importance des conséquences de cette absence de


codification et son impact sur le traitement discriminatoire et inégal des
risques.

2 : Traitement inégal des risques

La prise en compte volontariste des différents risques urbains au regard des


impératifs de la prévention dépend, en l’absence d’une réglementation
spécifique, de plusieurs facteurs notamment des deux principaux suivants :
la survenue d’un accident majeur et l’importance des enjeux en cause.

2-1 : Prise en compte d’un accident majeur enregistré

Souvent, la survenue d’un sinistre important constitue l’occasion d’un large


débat, de critiques, d’évaluation de la politique publique menée par le
gouvernement pour la gestion du risque à l’origine du sinistre. Dans la
plupart des cas, cette situation conduit soit à la prise de certaines mesures
urgentes et immédiates, soit à la programmation de projets plus importants
annonçant le déclenchement d’un processus de prévention à court et à long
termes, soit les deux à la fois.

A maintes reprises, au Maroc, les pouvoirs publics n’ont réagi à des


problèmes connus depuis des années pour être une menace réelle qu’à la
suite de l’occurrence d’événements calamiteux liés à celle-ci. Ce genre
d’événement constitue l’élément déclencheur pour l’engagement des
pouvoirs publics, parfois dans des projets de grande envergure ; l’exemple

65 ) A titre d’exemple, en dépit de l’absence d’une réglementation nationale spécifique aux établissements recevant du
public, les services chargés de la protection civile exigent les escaliers de secours à partir du 4ème étage en se basant sur
un règlement municipal. Cette pratique s’est par la suite étendue à d’autres villes du Royaume.

54
de Mohammedia en est le témoignage. En effet, à la suite des inondations
successives qu’a connues cette agglomération à la fin des années 90 et au
début du 2ème millénaire, les décideurs se sont enfin penchés sérieusement
sur la problématique des crues au niveau de cette ville en vue de trouver des
solutions durables et définitives. C’est ainsi qu’il a été décidé de rompre
avec les solutions provisoires en faveur de solutions structurelles à travers
notamment la construction d’un second barrage sur l’oued Maleh dans le
but d’alléger la pression sur le premier barrage. Un autre exemple nous vient
de la ville d’El Hajeb qui, à la suite de la catastrophe de 1997, s’est trouvée
dans l’obligation de rechercher une solution au problème de l’écoulement
des eaux provenant du bassin versant en cas de fortes précipitations. Des
canalisations de drainage des eaux excessives sont en phase d’être
aménagées sur la partie haute de la ville.

Par ailleurs, le séisme d’Al Hoceima de 2004 a également servi d’élément


stimulateur pour un débat public très élargi sur la problématique des
constructions anarchiques et de l’habitat insalubre qui sont les plus
vulnérables en cas de tremblement de terre. D’ailleurs, l’occasion a été saisie
non seulement pour la réhabilitation des habitations atteintes en adoptant
des techniques de construction modernes et déclarées résistantes aux
séismes, mais également pour l’élaboration du projet d’une nouvelle
réglementation nationale en matière d’urbanisme.

En réalité, ce ne sont pas uniquement les catastrophes qui servent


d’instigateur de changement d’attitude en matière de prévention, il arrive
aussi que les intérêts en jeu retiennent aussi l’attention des décideurs.

55
2-2 : Importance des enjeux en cause

En effet, il peut s’agir soit d’une région géographiquement importante sur le


plan économique et/ou politique, soit d’un site abritant des ouvrages d’une
valeur stratégique, culturelle, économique ou symbolique, soit d’un secteur
où est implantée une catégorie de personnes privilégiées ou encore d’une
zone présentant des attraits touristiques ou une dimension internationale.

A titre d’illustration, il serait inutile de préciser que les pouvoirs publics


auront tendance, pour le cas par exemple des inondations, à privilégier les
mesures de prévention proposées pour protéger la ville de Mohammedia par
rapport à celles ayant pour objet la protection de la ville d’El Hajeb compte
tenu des intérêts économiques plus importants pour la première par rapport
à la seconde. De même, l’importance qui sera donnée aux mesures de
prévention des risques d’incendie ou d’explosion pour une future zone
industrielle ne sera pas de commune mesure avec celles qui seraient
proposées pour un bidonville.

Il est évident qu’à l’intérieur de cette panoplie d’enjeux, la priorité dans le


cadre des mesures de prévention sera donnée en fonction d’autres critères
notamment la qualification du degré d’importance qui reposera elle-même
sur la vision de la personne appelée à opérer cette évaluation et sa position
par rapport à cette problématique, sans oublier la disponibilité ou non d’un
budget pour la réalisation des mesures préconisées.

C – Un budget inconsistant

L’insuffisance des moyens est sans doute l’une sinon la principale cause du
sous-développement des actions des différents organismes et services dont la
mission est vouée à la gestion des risques urbains.

56
En termes de moyens financiers, le secteur de la gestion des risques a
toujours été négligé ; ce secteur ne constitue pas encore une priorité pour les
pouvoirs publics. Aussi les crédits réservés à la prévention et à la gestion des
catastrophes sont-ils assez dérisoires par rapport à l’importance quantitative
des actions à réaliser. On pourrait être convaincu de cette affirmation à
l’issue de l’examen des budgets dédiés à ce secteur dans ses différents volets.

Dans les documents budgétaires, il n’y a pas de rubrique spécifique à la


réduction des risques, ce qui rend très difficile l’évaluation du budget global
de la prévention, sa répartition par ministère ou par objectifs. En l’absence de
données sur les dépenses engagées par les collectivités locales, les
particuliers et les entreprises ainsi que les dépenses de prise en compte des
risques dans les infrastructures et constructions, la seule possibilité qui
s’offre pour avoir une idée préliminaire sur ce budget est de se référer à la
consistance des projets réalisés par les administrations centrales. Ces projets,
comme dit antérieurement, sont qualitativement assez modestes et
numériquement peu nombreux et sont dans la plupart des cas intégrés dans
des projets d’investissement en lien direct avec le secteur géré par telle ou
telle administration à l’exception toutefois des projets conjoncturels imposés
par des circonstances particulières (66).

Pour les aspects particuliers liés à la recherche, à l’information et à la


sensibilisation du public, ainsi qu’aux dépenses du personnel de l’Etat, il est
aussi difficile d’évaluer la totalité des dépenses engagées dans ces opérations
en particulier en ce qui concerne les ressources humaines dans la mesure où

66) A titre d’exemple, à la suite des inondations qu’a connues la ville de Mohammedia, le Secrétariat d’Etat chargé de
l’Eau a été contraint d’édifier,en collaboration avec les collectivités locales , des ouvrages de protection de cette
ville. Les budgets destinés à cette opération sont programmés exclusivement et de façon exceptionnelle par ce
département ministériel aux fins de la prévention des inondations.

57
il n’y a pas vraisemblablement d’effectifs ayant pour mission exclusive la
prévention des risques (67).

Les seules données dont on dispose à l’heure actuelle sont celles contenues
dans le rapport national sur la prévention des catastrophes présenté par le
Royaume du Maroc lors de la conférence mondiale tenue à Kobé (Japon) en
janvier 2005. Il ressort de ce rapport que la plupart des fonds mobilisés porte
essentiellement sur la prévention des risques naturels dans le monde rural.
Certes, certaines actions ont un impact qui dépasse ce cadre puisqu’elles
visent, entre autre, à prévenir en amont la survenance d’une catastrophe
dans le milieu urbain, néanmoins, ce n’est pas leur principal objectif. De
toutes les façons, les données fournies par ce rapport restent très ambiguës et
nécessitent de toutes les manières d’être vérifiées. Il y est spécifié que «chaque
département ministériel réserve un budget pour les études et projets concernant la
prévention et la gestion des risques de catastrophes » sans précision sur ces
départements et le montant des budgets prévus. Les seules données
chiffrées fournies par ce rapport concernent la contribution du ministère
chargé de l’Environnement qui, semble-t-il, réserve « un budget de près de 4
millions de dirhams pour la réalisation des études concernant la prévention, la
gestion et l’amélioration des connaissances des risques de catastrophes aussi bien
naturelles que technologiques ». Il en est de même pour le budget réservé au
secteur des chemins de fer qui est de l’ordre de 100 millions de dirhams pour
la réalisation des ouvrages d’assainissement qui s’avéreraient nécessaires ;
encore faut-il savoir de quels ouvrages il s’agit et le lieu géographique dans
lequel ils sont réalisés. Il est précisé aussi dans ce rapport que le Fonds
Hassan II a contribué au financement de la première tranche du projet

67 ) Généralement, les fonctionnaires affectés aux différents départements ministériels n’ont pas pour fonction
principale la prévention des risques et leur profil ne correspond pas toujours à la nature des missions qui leurs sont
confiées.

58
d’aménagement de l’Oued Ourika. Enfin, des informations sont données sur
le projet d’aménagement du bassin de l’oued El Maleh en vue de protéger la
ville de Mohammedia contre les inondations. Le coût du projet est évalué à
977,3 millions de Dirhams dont un programme d’urgence qui est estimé à
233,2 millions de Dirhams. Le coût est estimé à plus de 600 millions de
Dirhams pour la première tranche des travaux de protection en cours de
réalisation par le département ministériel chargé de l’Eau et qui concerne les
villes de Mohammedia, Settat et Berrechid, qui ont connu des inondations
destructives et répétitives entre 2001 et 2003.

A la lumière de ce qui vient d’être dit, il est évident que même lorsque des
crédits sont affectés à la réalisation d’une action de prévention, ils sont
souvent dilués dans d’autres rubriques et il devient très difficile d’en évaluer
la consistance.

Ceci démontre que la prévention des risques n’est pas encore considérée
comme un des facteurs de développement humain susceptible de constituer
un volet à part dans les politiques sectorielles des différents départements
ministériels.

Tout ceci pour dire que la prévention des risques urbains est une activité
complexe et un processus inachevé. La fédération des efforts est le garant de
la continuité dans la démarche d’anticipation qui doit non seulement
s’appuyer sur la promotion de la prévention mais aussi sur le
développement de la prévision.

§2 : La prévision des risques : un domaine peu développé

La prévision, c’est-à-dire l’ensemble des mesures qui tendent à limiter les


conséquences des phénomènes générateurs de catastrophes, revêt une

59
importance particulière dans la mesure où elle contribue à en atténuer les
effets sur l’Homme et son environnement.

Elle constitue le second pilier de la gestion des risques après la prévention.


Elle repose sur un certain nombre de techniques de surveillance des risques
et d’alerte de la population ainsi que sur les recherches spécialisées pour la
connaissance et la maîtrise de ces risques.

En dépit de son importance, la prévision des risques ne bénéficie pas encore


de toute l’attention qu’elle mérite, sachant que partout dans le monde
aujourd’hui, surtout après le Tsunami qui a frappé l’Asie du sud-est au mois
de décembre 2004, des investissements colossaux ont été consacrés à la
modernisation des dispositifs de prévision et à l’amélioration des
connaissances sur les différentes sources de menace.

Dans notre pays, les défaillances qui entachent le système de prévision des
risques sont particulièrement apparentes au niveau des instruments
techniques de prévision (A) et sur le plan de la recherche spécialisée (B).

A : Déficit des instruments de prévision

Il est communément reconnu qu’il est indispensable, pour sauver des vies
humaines et éviter des dommages matériels, de disposer d’un système fiable
de surveillance des risques et de moyens adéquats d’annonce de
phénomènes dangereux. Or, l’expérience a révélé que sur ce plan, d’énormes
efforts restent à faire tant les instruments de surveillance des risques et les
moyens d’annonce accusent des insuffisances criantes.

1 : Insuffisance des instruments de surveillance des risques

Par le passé, la surveillance des aléas s’appuyait principalement sur les


facultés de perception et d’observation de l’être humain. Aujourd’hui, la
science a mis à la disposition de la communauté des chercheurs et des

60
gestionnaires du risque toute une panoplie de méthodes et d’instruments
techniques de plus en plus développés.
Toutefois, cette évolution n’a pas été totalement mise à profit dans notre
pays qui n’a pu exploiter que partiellement et de façon limitée les avancées
technologiques et le progrès de la recherche réalisés dans ce domaine. Des
insuffisances se manifestent à cet égard tant au niveau des risques naturels
(risques hydrométéorologiques et géologiques) que technologiques.

1-1 : Surveillance des risques hydrométéorologiques

Il est vrai que la connaissance des phénomènes hydrométéorologiques


générateurs de catastrophes demeure une entreprise qui n’est pas simple
compte tenu de la complexité qui caractérise ces phénomènes eux-mêmes,
d’autant plus qu’au Maroc la surveillance dans ce domaine n’a réellement
débuté qu’à partir des années 1980.

La jeunesse de cette surveillance constitue un handicap parmi d’autres qui


explique le caractère superficiel de la connaissance de ces phénomènes. En
effet, d’autres contraintes pèsent sur l’évolution positive de l’évaluation de
ce genre de phénomènes, notamment l’insuffisance des instruments
d’observation des risques aussi bien météorologiques qu’hydrologiques.

1-1-1 : Surveillance des risques météorologiques

La prévision quantitative des précipitations est mise au point à partir


d’outils statistiques, de mesures directes et indirectes effectuées par des
stations d’observation météorologiques terrestres, par des radars
météorologiques et à partir d’images satellitaires, ainsi que par des modèles
numériques de prévision du temps.

D’autres moyens sont également utilisés pour la détection et le suivi de


phénomènes orageux qui, combinés avec les moyens cités plus haut,

61
permettent de procéder à la prévision et à l’alerte météorologique aux fortes
précipitations.

Toutefois, le réseau d’observation aussi bien en surface qu’en altitude,


exploité actuellement par la Direction de la Météorologie Nationale (DMN),
« demeure peu dense, mal réparti au niveau territorial et encore pas
totalement automatisé. Une grande partie des centres d’observation sont
implantés dans des aéroports et d’autres ne répondent plus aux normes et
standards de l’Organisation Météorologique Mondiale » (68). De plus,
certains instruments gérés par cette institution, « connaissent quelques
difficultés de fonctionnement dues à l’absence de l’étalonnage de
l’électronique du radar, à la vétusté de certains modules qui n’ont pas été
remplacés par manque de pièces de rechange et aux logiciels de traitement
des données qui ne sont pas mis à jour » (69).

Certes, la Direction de la Météorologie Nationale est consciente de la


nécessité de renforcer les équipements d’alerte précoce dans le dessein de
réduire les risques d’inondations et ce en développant toutes les
composantes de la chaîne de la prévision et de l’alerte météorologiques (70).
A ce titre, elle a établi un plan stratégique à l’horizon 2007 dont l’objectif
principal est l’amélioration de la qualité de la prévision et de l’alerte pour
faire face aux risques d’origine météorologique, en particulier les
inondations.

68) BELHOUJI (A) : « les outils et moyens d’intervention : le rôle de la prévision hydrométéorologique dans la gestion
des crues ». Intervention lors du séminaire franco-marocain sur la lutte contre les inondations, Rabat, octobre 2004.
69) Ibid.
70) La chaîne de production pour la prévision et l’alerte météorologiques est composé de ce qui suit :
- le réseau d’observation et de télédétection ;
- l’infrastructure de télécommunication et de traitement des données ;
- la modélisation des phénomènes locaux ;
- l’expertise des prévisionnistes ;
- les relations avec les différents intervenants nationaux et régionaux ;
- les relations avec les médias et la sensibilisation du grand public.

62
Néanmoins, un effort plus important doit être consenti par cette Direction
pour améliorer la détection et le suivi des phénomènes orageux qui se sont
révélés être les plus dangereux au Maroc, en témoignent les catastrophes de
l‘Ourika (1995) et d’El Hajeb (1997) attribuées à des orages d’été et qui ont
été particulièrement meurtrières.

1-1-2: Surveillance des risques hydrologiques

A la suite de fortes précipitations, des crues importantes peuvent être


générées au niveau de la majorité des bassins du Royaume et causer des
dégâts énormes à l’agriculture, aux infrastructures, au cheptel, sans omettre
les pertes en vies humaines qui peuvent en résulter.

Une surveillance rigoureuse de la montée des eaux doit donc être assurée
d’une façon permanente et s’appuyer sur un réseau d’observation
hydrologique fiable et performant. L’objectif principal d’un tel réseau est la
surveillance et la prévision de l’occurrence des événements météorologiques
extrêmes et de leurs effets au sol. En effet, ces phénomènes, compte tenu de
leur rapidité d’apparition, de leur ampleur et de leur violence, ont parfois
des conséquences catastrophiques pour les hommes et les biens installés
dans les vallées et les plaines côtières notamment celles abritant des
concentrations urbaines .

Afin de réduire les conséquences de ce type d’événements, le Maroc, à


travers les services concernés notamment le Secrétariat d’Etat chargé de
l’Eau, a mis en place des modèles numériques de simulation de l’évolution
de la situation météorologique notamment pour la prévision d’apports d’eau
et de crues ainsi que la propagation des lâchers d’eau opérés à partir des
barrages.

63
Ces modèles « ont joué un rôle important dans la gestion des crues, ils ont
permis la définition des creux servant à l’écrêtement des crues afin de
protéger les zones situées à l’aval des barrages » (71).

Néanmoins, le réseau d’observation disponible à l’heure actuelle ne répond


pas intégralement aux exigences en matière de surveillance en raison
notamment de la faible densité des points d’observation, de sa discontinuité
dans le temps, de la non fiabilité des instruments de mesure ainsi que de la
difficulté à obtenir les mesures par les moyens les plus rapides et les plus
sûrs.

Aussi est-il nécessaire aujourd’hui de moderniser le réseau en question afin


de satisfaire les besoins impérieux dans ce domaine. Il conviendrait de
disposer à terme d’un réseau mixte où coexistent à la fois des moyens in situ
(réseau-sol traditionnel) et des moyens extra situ (notamment satellites et
radars). De même, une harmonisation des modes de fonctionnement, en
particulier entre stations météorologiques et stations hydrologiques, devrait
être opérée.

Il convient toutefois de souligner que les inondations récentes que notre


pays a connues ont constitué une source de mobilisation pour les pouvoirs
publics qui se sont penchés sérieusement sur la problématique des
inondations sous ses multiples facettes. A ce titre, le Secrétariat d’Etat chargé
de l’Eau s’est investi dans la recherche des moyens les plus appropriés pour
assurer une surveillance optimale des phénomènes hydrométéorologiques.

71) AKRAJAI (L) : « problématiques des inondations au Maroc». Intervention lors du séminaire franco-marocain sur la
lutte contre les inondations, Rabat, octobre 2004.

64
1-2 : Surveillance des risques géologiques

Les risques géologiques auxquels notre pays est le plus exposé sont les
glissements de terrains et les séismes ; ces derniers demeurent sans conteste
la principale source de préoccupation pour les pouvoirs publics compte tenu
de l’ampleur des pertes et des dégâts qu’ils sont susceptibles d’engendrer en
cas d’occurrence.

La surveillance sismique du territoire national a été confiée officiellement


depuis 1993 au Centre National de la Recherche Scientifique et Technique
qui a mis en place un réseau national chargé de la détection et de
l’enregistrement de l’activité sismique en temps réel sous la responsabilité
du Laboratoire de Géophysique (LAG).

Ce réseau se compose des éléments suivants :


• Une centrale d’acquisition numérique, de détection automatique des
événements et de stockage sur bandes magnétiques ;
• Un support d’enregistrement analogique continu, constitué de tambours
permettant l’enregistrement de signaux sismiques ;
• Un centre de calcul composé d’un mini-ordinateur et de plusieurs stations
de travail et de PC pour le traitement de données sismiques ;
• Des stations télémétrées « courte et longue période » ;
• Un observatoire large bande ;
• Des accélérographes ;
• Des stations analogiques non télémétrées ;
• Des relais ;
• Un groupe de stations analogiques et de stations numériques pour
l’intervention en cas de crise sismique (72).

72) Voir Rapport d’activités du Laboratoire de Géophysique au titre de l’année 1995, page 9.

65
L’ensemble de ces instruments est mis à la disposition du personnel du
Laboratoire de Géophysique contraint à une astreinte visant à suivre
continuellement les opérations de surveillance sismique 24 heures /24 .

Bien que sa naissance soit relativement récente, ce réseau a permis de


contribuer de façon positive à l’approfondissement des connaissances sur le
risque sismique au Maroc en permettant notamment la confection d’une
carte sismique du territoire national. Cette jeunesse a évidemment des
conséquences sur le plan de la performance dans la mesure où le réseau
subit certaines limites et certaines insuffisances. Celles-ci ont trait d’abord à
sa dynamique qui est relativement faible en raison d’une part de la
transmission analogique limitant sa sensibilité et d’autre part à la nature
même de sa conception qui en réduit, par sa saturation, la détection
convenable des mouvements forts ; ensuite, au problème du déclenchement
de l’enregistrement numérique sur des bruits transitoires, en l’absence d’une
transmission numérique qui permet l’utilisation de protocoles de correction
d’erreurs limitant ainsi la capacité effective de stockage numérique et
imposant l’opération de tri avant le stockage définitif des données ; enfin à la
couverture partielle par ce réseau des régions à risque, sans omettre le coût
exorbitant de la transmission en temps réel et en continu sur les lignes
téléphoniques spécialisées (73).

Toutefois, et pour pallier ces insuffisances, le Laboratoire de Géophysique a


programmé un certain nombre d’actions qui tendent à améliorer le niveau
de la surveillance et ce par une reconfiguration de la distribution des stations
et de l’extension du réseau de manière à permettre une plus large couverture
du territoire national avec l’utilisation de réseaux locaux numériques assez
denses.

73) Voir Rapport d’activités du Laboratoire de Géophysique au titre des années 1996-97-98.

66
Pour ce qui est des glissements de terrains, l’effort s’est concentré jusqu’à
présent sur le recensement des instabilités, sur l’élaboration de certains
documents cartographiques concernant surtout certaines localités qui se sont
avérées être les plus vulnérables à ce type de risques (74) et sur la réparation
des dommages causés au réseau routier qui demeure incontestablement le
secteur le plus touché et où sont enregistrés le plus de dégâts et de dépenses
directes.

Les insuffisances en termes d’instruments de surveillance trouvent leur


terrain de prédilection dans le domaine de la localisation des risques
technologiques.

1-3 : Surveillance des risques technologiques

Les risques technologiques sont ceux qui naissent de l’activité humaine et


qui mettent en péril la vie, la santé ou les biens d’un nombre important de
personnes et peuvent constituer une menace certaine pour l’environnement.

Le problème de la surveillance des risques technologiques ne se pose pas de


la même manière que pour les risques naturels dans la mesure où il s’agit
dans le cas d’espèce de localiser les lieux où sont exercées les activités
génératrices de danger, d’assurer le suivi et de répertorier les nuisances que
celles-ci peuvent produire.

Ainsi, pour les risques industriels, la surveillance revêt un double caractère :


d’une part identifier les lieux d’implantation des différentes unités de
production, de manutention, de stockage, d’emmagasinage, de
transformation et de distribution des produits industriels, d’autre part,

74) La cartographie liée aux mouvements de terrain réalisée jusqu’à 2004 concerne les villes de Taounate, Al Hoceima,
Chefchaouen, Tétouan et la péninsule de Tanger.

67
évaluer et quantifier les risques d’incommodité, d’insalubrité et de
dangerosité qui peuvent émaner de ces installations.

En fait, cette entreprise est très complexe et nécessite des investigations


fastidieuses en raison notamment de la difficulté à répertorier l’ensemble des
activités industrielles compte tenu de leur diversité, de la différence du
régime juridique auquel elles sont soumises (75) et de l’éparpillement
d’établissements industriels dans divers lieux en dehors des zones
industrielles (76), sans omettre la transformation illicite de la destination
initiale de certaines activités autorisées.

Cette entreprise est d’autant plus complexe qu’il n’existe pas de registre de
commerce, ni de banque de données permettant d’identifier de la manière la
plus précise possible la nature et le lieu de l’ensemble des installations
industrielles. Cette carence est due principalement à la caducité de la
nomenclature relative à la typologie des activités ainsi qu’à l’absence d’un
organisme institutionnalisé habilité à procéder au recensement des unités et
à la réalisation d’une banque de données appropriée.

La seconde difficulté majeure pour la surveillance des risques industriels


réside dans l’incapacité de connaître l’objet précis des activités exercées dans
une unité industrielle ainsi que la nature et la quantité des produits
exploités, étant entendu que ce genre d’informations permet d’évaluer avec
exactitude la réalité du danger que représente en fait telle ou telle unité (77).
Ce n’est qu’une fois cette évaluation opérée qu’il devient possible d’assurer
une surveillance optimale. Evidemment, la surveillance n’est pas une fin en
75) En fonction des activités qui y sont exercées et des risques y afférents, certaines installations sont soumises, pour
leur exploitation, à autorisation tandis que d’autres sont soumises à une simple déclaration. (Dahir du 25 août 1914
et arrêté viziriel du 13 octobre 1933 relatifs aux établissements insalubres, incommodes ou dangereux).
76) C’est un fait majeur que de constater que certaines entreprises informelles utilisent souvent des sous-sols
d’immeubles pour exercer des activités secondaires ou pour stocker des équipements, des produits et des
matériaux dangereux.
77 ) En France, il existe des instances chargées de se procurer ce genre d’information. Il en est ainsi des Inspections des
Installations Classées pour la Protection de l’Environnement prévues par la loi du 19 juillet 1976.

68
elle-même, elle est plutôt un moyen permettant de mesurer l’impact
éventuel sur le voisinage d’un incident qui arriverait à survenir à l’intérieur
d’une installation donnée.

Ceci dit, les services compétents trouvent souvent des difficultés à se


procurer des informations nécessaires sur les procédés de fabrication et les
produits utilisés par les installations, pour des raisons professionnelles ou
extraprofessionnelles. Cette défaillance constitue un handicap sérieux pour
les gestionnaires du risque dans le processus d’évaluation et de surveillance
des aléas d’origine industrielle.

En ce qui concerne les risques liés au transport des matières dangereuses,


qui sont par nature des risques mobiles, le processus de surveillance est
encore plus délicat. En effet, cette mobilité constitue une source de difficulté
supplémentaire dans la mesure où un accident de transport de substances
dangereuses peut survenir à n’importe quel moment et n’importe où sur le
territoire national, et créer ainsi un danger sur les lieux du sinistre dans un
rayon d’action plus ou moins large.

Il convient toutefois de relativiser en faisant la distinction entre les différents


accidents en fonction du mode de transport et des enjeux humains et
économiques concernés. A partir de là on constatera aisément que les
populations urbaines sont exposées surtout aux dangers liés au transport
terrestre de ces matières et dans une moindre mesure à ceux afférant aux
transports par voie d’air et de mer.

Pour être efficace, la surveillance du transport terrestre des matières


dangereuses, que ce soit par voie routière, ferroviaire ou par canalisations,
doit être en mesure d’identifier de manière précise les quantités de produits
transportés, les axes empruntés par les divers moyens et suivre en

69
permanence leurs déplacements. Si, en principe, le transport par
canalisations et par voie ferrée ne pose pas de problème majeur au regard de
l’aspect de surveillance qui nous concerne dans la mesure où l’itinéraire est
fixe, le moment de l’alimentation et la nature des cargaisons étant également
connus d’avance, tel n’est pas le cas du transport opéré par route.

En effet, en l’absence d’indices de mesure des flux de circulation des


véhicules assurant ce genre de transport, et à défaut d’une réglementation
imposant l’emprunt de voies spécifiques et la circulation pendant des
tranches horaires prédéterminées, il devient difficile, voire impossible de
maîtriser la surveillance des engins transportant les différents produits. On
peut également relever qu’il n’existe aucune obligation pour les
transporteurs d’aviser au préalable les services concernés par la
problématique des risques des activités de transports envisagées, même
lorsqu’il s’agit de produits hautement dangereux. Une exception doit
néanmoins être soulignée, celle des produits explosifs qui doivent, à partir
d’une certaine quantité fixée par voie réglementaire, faire l’objet d’une
escorte (78).

Ces différentes lacunes font qu’aujourd’hui, les véhicules circulent souvent


librement sans surveillance aucune exposant sans distinction tous les
espaces des agglomérations urbaines à des dangers d’explosion, d’incendies,
d’émanations nocives (79).

Pour ce qui est des risques d’incendie et d’explosion dans les établissements
recevant du public, qui constituent des aléas à dominante urbaine, ils

78) Voir Dahir du 02 mars 1938 sur le transport des matières dangereuses précité .
79) Il faut reconnaître que les véhicules transportant des matières dangereuses portent toujours des plaques
signalétiques sur la nature des dangers liés aux produits transportés. Ces plaques sont définies par l’arrêté du
ministre du Transport n° 2119-93 du 29 chaabane 1415 (31 janvier 1995). Les engins concernés portent souvent les
plaques comportant le code du produit et le numéro du danger. Cependant, le port de ces étiquettes n’est pas
obligatoire selon la réglementation marocaine.

70
présentent des similitudes avec les risques industriels du point de vue de
leur surveillance. Celle-ci exige en effet une localisation précise des
établissements concernés, l’évaluation des risques qu’ils présentent et le
suivi de l’évolution des activités qui y sont exercées.

Certes, les sources de danger et la nature des produits mis en cause ne sont
pas nécessairement identiques, mais les pertes, surtout humaines,
consécutives à un éventuel accident, peuvent être beaucoup plus
importantes étant donné que ces établissements, comme leur nom l’indique,
accueillent un grand nombre de personnes dans un espace et un temps
donnés. C’est justement cette importance quantitative qui explique le grand
intérêt devant être accordé à la surveillance du risque au sein de ce genre
d’établissements.

Or, dans notre pays, des problèmes d’ordre juridique et technique


empêchent l’épanouissement de cette surveillance notamment l’absence de
l’obligation, pour un quelconque service, de recenser et d’évaluer les risques
inhérents aux établissements implantés dans un espace urbain donné,
l’inexistence également d’une obligation pour les exploitants de disposer
d’instruments propres de surveillance et la difficulté de répertorier, même
lorsque la volonté existe, l’ensemble des installations en raison d’une part du
manque de liaisons institutionnalisées entre les autorités qui délivrent les
autorisations et celles qui sont chargées de la gestion des risques et, d’autre
part, de l’insuffisance d’informations à la disposition de ces dernières
concernant les sources de danger potentiel d’incendie ou d’explosion (80) .

80) A titre d’exemple, les services chargés de la protection civile, par manque de préventionnistes confirmés en nombre
suffisant, ne sont pas en mesure d’effectuer des visites de prévention et de prévision à l’ensemble des établissements
recevant du public existant dans une localité donnée, étant entendu que c’est à partir de ces visites qu’il est possible
d’évaluer le niveau du risque et de répertorier ces établissements.

71
En dépit des efforts consentis par les services chargés de la protection civile
pour faire observer les normes appropriées à l’occasion de l’instruction
initiale des dossiers de construction (81), rien ne garantit que de telles normes
seront respectées par la suite, compte tenu de l’évolution de l’activité de tel
ou tel établissement ou en raison de la transformation dissimulée de cette
activité en une autre.

A côté des risques liés aux activités industrielles, au transport des matières
dangereuses et aux établissements recevant du public, les autres risques
d’origine humaine qui planent sur les résidents urbains notamment les
risques de loisirs, les feux de bidonvilles, les accidents de la voie publique ou
encore les incendies dans les habitations, ne sont pas non plus dénués
d’importance mais n’exigent pas une activité de surveillance au même degré
dans la mesure où, à la différence des risques cités plus haut, ils sont, en
quelque sorte, acceptés par l’individu ou le groupe d’individus qui les
subissent en étant considérés comme des risques résiduels (82).

En fait, la surveillance des risques ne peut être fructueuse que si elle est
complétée par des outils d’annonce des phénomènes dangereux. Or, force
est de constater que les outils utilisés jusqu’à présent sont considérés comme
étant insuffisants par rapport aux besoins réels.

2 : Carence des moyens techniques d’annonce des phénomènes dangereux.

Avertir les populations suffisamment à l’avance pour pouvoir prendre les


précautions nécessaires est un exercice assez rude mais non impossible. En
effet, hormis les séismes pour lesquels il n’existe pas à l’heure actuelle de

81 ) Il convient de mentionner que l’avis des services chargés de la protection civile n’est qu’un avis consultatif et les
autorités qui accordent l’autorisation de construction peuvent ne pas en tenir compte
82) Un individu qui prend le volant de sa voiture sait en principe qu’il n’est nullement à l’abri d’un accident qui peut
survenir à tout moment, contrairement à un autre qui se déplace dans une salle de spectacle, ne pense pas pouvoir
être pris dans une vague de panique. De même, un accident de la voie publique est devenu , par la force des choses,
un incident de la vie courante et donc banalisé, alors qu’un incendie par exemple dans un théâtre, par son caractère
exceptionnel, constituera dans la plupart des cas un accident majeur.

72
système suffisamment fiable pour permettre d’annoncer à l’avance les
secousses, les progrès technologiques et l’évolution des techniques ont mis
au service de l’Homme toute une panoplie de moyens très variables d’un
aléa à un autre.

2-1 : Dispositif d’annonce des crues

Un système global d’alerte précoce aux inondations est basé sur plusieurs
éléments qui constitueront un cadre de référence pour l’évaluation de
l’efficacité du système et de son amélioration parmi lesquels figurent la
détection et le suivi des phénomènes orageux, le suivi des lâchers des
barrages, l’annonce des crues, etc..

L’annonce des crues consiste en un certain nombre de mesures qui tendent à


réduire l’importance des dommages sur les personnes et les biens au
moment des inondations.

Le dispositif d’alerte précoce pour les crues comprend les prévisions et les
alertes météorologiques et hydrologiques qui sont à la charge d’organismes
différents comme les agences de bassins, les services de la protection civile,
l’administration à différents échelons, les collectivités locales et enfin la
population autochtone.

La météorologie nationale a un rôle important et décisif à jouer en matière


d’alerte précoce aux inondations puisque son action dans ce domaine se
situe en amont de la chaîne globale de prévention dans la mesure où le
déclenchement de la mise en service du dispositif de surveillance dépend
largement de l’alerte donnée par la Direction de la Météorologie Nationale.
A titre d’exemple, la prévision des crues dans un bassin versant fait appel à
la pluviosité qui demeure la variable la plus difficile à prévoir de manière
précise sans le concours des services météorologiques.

73
Il y a lieu de souligner par exemple que le réseau d’annonce des crues, qui
doit transmettre régulièrement des informations sur la situation
hydrologique à 11 postes directeurs situés dans les agences de bassins et à
un poste directeur implanté à Rabat, n’est constitué que de près de 160
postes radio émetteurs ne couvrant ainsi que partiellement l’ensemble des
bassins versants.

L’action la plus importante qui mérite d’être retenue est celle réalisée avec
l’appui du gouvernement japonais à la suite de la catastrophe de l’Ourika,
qui a été le siège de crues dévastatrices au cours de l’été 1995. Un effort
louable a été consenti dans ce sens dans le domaine du renforcement du
dispositif d’annonce des crues dans le Bassin de cette rivière. Le système,
mis en place, comprend des mesures et la transmission de données via un
réseau de télécommunication VHF, des équipements de diffusion et de
radiotéléphonie ainsi que des outils informatiques de traitement des
données.

Pour pallier les carences des stations d’annonce des crues, le Département
ministériel chargé de l’Eau a acquis dernièrement des unités mobiles de
mesure des ressources en eau qui permettront d’améliorer la prévision des
crues dans des endroits non couverts par le réseau de stations fixes.
Il semblerait que les services compétents sont conscients de l’importance de
moderniser les instruments de prévision et d’alerte. Un programme visant à
remettre en état l’infrastructure technique et à renforcer le système de l’alerte
précoce pour réduire les risques d’inondations a été élaboré. Ce programme
porte sur toutes les composantes de la chaîne de production à savoir le
réseau d’observation et de télédétection, l’infrastructure de
télécommunication et de traitement des données, la modélisation des
phénomènes locaux, l’expertise des prévisionnistes, les relations avec les

74
différents intervenants nationaux et régionaux, les relations avec les médias
et la sensibilisation du grand public.

A propos de cette problématique d’annonce des crues, on ne peut passer


sous silence les risques de rupture de barrages et les tsunamis. Ces derniers
ne bénéficient pas de la même attention de la part des services publics car
jusqu’à une date récente, on considère que la Maroc n’est pas concerné par
ce genre de risques surtout pour les raz de marée consécutifs aux séismes.
Néanmoins, il semblerait que les événements récents qu’ont connus
plusieurs parties du Globe ont révélé qu’aucun pays côtier n’est à l’abri de
pareils phénomènes. D’ailleurs, plusieurs pays, notamment asiatiques, se
sont lancés dans un vaste programme de recherche et d’équipement en vue
d’établir un dispositif efficace d’alerte précoce. Comptant un littoral
d’environ 3500 Km de longueur, abritant plusieurs cités urbaines, construites
à même le rivage et qui sont d’un grand intérêt économique, historique et
touristique, le Maroc a tout intérêt à s’investir dans le domaine de la
recherche spécialisée et dans le développement des instruments d’annonce
des tsunamis.

Pour les risques de rupture de barrages, on ne peut que déplorer l’absence


d’instruments d’alerte des populations résidant en aval des grands barrages
sur des plaines pouvant être rasées par les ondes de submersion.

Ces instruments devraient être accompagnés d’une activité de sensibilisation


des populations menacées en l’absence de normes interdisant l’installation
d’agglomérations dans les zones vulnérables. A titre comparatif, en France,
les moyens de surveillance à mettre en place dépendent de l’importance de
l’ouvrage concerné et de la période d’exploitation : renforcés lors de la
première mise en eau de la retenue, ils sont maintenus sous une forme
allégée pendant toute la durée de vie de l’ouvrage. Pour les plus grands

75
barrages, la rédaction d’un Plan Particulier d’Intervention est nécessaire.
Les zones menacées par l’onde de submersion font l’objet d’une carte du
risque. Obligatoire pour les grands barrages, cette carte est réalisée par
l’exploitant à partir de simulations sur ordinateur. Elle détermine à l’avance,
dès le projet de construction, quelles seront les caractéristiques de l’onde de
submersion : hauteur de l’eau, vitesse, temps de progression de l’onde,
amortissement, etc. , en tous points de la vallée, en y faisant figurer les
enjeux et les points sensibles, ainsi que les renseignements indispensables à
l’établissement du plan de secours et d’alerte.

A côté des risques d’inondations, qui n’ont pas un impact exclusif sur le
milieu urbain puisque même le milieu rural est souvent concerné, les risques
d’incendie et d’explosion constituent une source de danger imminent pour
les concentrations urbaines.
2-2 : Dispositif d’alerte contre les incendies et les explosions

Dans un discours prononcé devant les élus de Casablanca


le 18 juillet 1980, Feu SM. Le Roi Hassan II avait sonné l’alarme en précisant
que : « … ce qui frappe en troisième lieu, et ceci relève de la responsabilité directe
des élus de Casa, c’est l’absence de tout dispositif même élémentaire de prévention
d’incendie dans la plupart des immeubles. En cas de sinistre, la population ne
pourra lutter efficacement contre l’incendie ni les sapeurs pompiers intervenir avec
la célérité nécessaire vu les dimensions de la ville ».

Ce constat établi à l’époque par la plus haute autorité du pays met en


évidence la faiblesse des mesures de prévention au niveau des immeubles
étant entendu que ce ne sont pas uniquement les immeubles d’habitation qui
sont concernés ; les entreprises, les établissements recevant du public et les
lieux de loisirs souffrent beaucoup plus de cette carence. Ceci est corroboré
par le fait que la majorité des établissements industriels et humains accorde

76
un faible intérêt à la mise en place de dispositifs d’alerte contre les incendies
et les explosions, au demeurant essentiels à la réduction des dégâts et des
délais d’intervention des services de secours. Selon l’enquête précédemment
invoquée, diligentée par la Direction de la Protection Civile, plus de 80% des
échantillons retenus parmi les entreprises et les ménages, ignorent même le
numéro d’appel des services de la protection civile. Un pourcentage du
même ordre de grandeur parmi le focus-groupe s’est déclaré démuni de tout
dispositif élémentaire de prévention parmi lequel doivent figurer les
instruments de l’alerte.

Pour les établissements à risques importants, ce genre de dispositif pouvant


être soit manuel soit automatique permet, une fois un début d’incendie
détecté ou un risque d’explosion ressenti, d’avertir les employés et la
population avoisinant le lieu du sinistre. Techniquement, il peut s’agir d’un
système de détection de fumée ou d’un dispositif relié à une salle de
contrôle, ou encore d’une sirène actionnée manuellement par des agents de
sécurité chargés du gardiennage. Pour ce qui est des établissements de
moindre importance, un dispositif d’alerte fondé sur une surveillance
humaine amplement organisée pourrait suffire.

Un problème presque identique, à des proportions plus ou moins


importantes, concerne l’alerte contre les risques d’émanation de produits
nocifs qui pourraient d’ailleurs être consécutifs à un incendie ou à une
explosion.

2-3 : Dispositif d’alerte contre l’émanation de substances nocives

Le dégagement accidentel de substances nocives à partir d’entreprises


exploitant des produits dangereux constitue un danger majeur pour les
populations avoisinantes et même pour les employés qui y travaillent.

77
L’histoire récente nous renseigne que de nombreux accidents survenus un
peu partout sur la planète ont été à l’origine de décès ou de blessures de
milliers de personnes. L’accident survenu par exemple en Inde dans la ville
de Bhopal en 1984 a causé la mort de plus de 2000 personnes par inhalation
de substances toxiques. Le retour d’expérience sur cet incident précis a
permis de constater l’inexistence d’un dispositif efficace d’alerte des
populations limitrophes de l’usine de produits chimiques, lieu du sinistre ;
ce qui a aggravé les conséquences de l’événement, qui auraient pu être
moindres si les populations avaient été soigneusement avisées dès le
déclenchement de l’accident.

Il semblerait que dans notre pays, on n’a pas tiré les enseignements qu’il
fallait des fâcheux accidents qui se sont produits partout, y compris dans les
pays voisins tels que les accidents de Feyzin et de l’usine La Grande Paroisse
de Toulouse en France, de Bâle en Suisse ou encore de Seveso en Italie (83).
En effet, aucune action particulière n’a été entreprise pour l’incitation des
entreprises à risques en vue de développer des dispositifs adéquats d’alerte,
d’autant plus que nombreuses sont les installations qui sont implantées à
proximité d’agglomérations urbaines à forte densité de population.

Il faut reconnaître que sur le plan réglementaire, il n’existe, à ce jour, aucune


obligation imposant aux établissements manipulant ou stockant des
substances dangereuses de réaliser des études de danger d’éventuels
accidents de manière à permettre de mesurer l’ampleur des dégâts si un
accident venait à se produire, et donc d’évaluer le périmètre et les zones de
propagation de substances nocives desquels dépendra le dimensionnement
du dispositif d’alerte.

83) L’accident de Seveso, survenu le 10 juillet 1976, a d’ailleurs été à l’origine de l’adoption par la Communauté
européenne de la Directive du même nom dont l’objet porte sur la gestion des risques technologiques majeurs en
particulier ceux générés par les installations classées .

78
A défaut de ce genre de dispositifs, certains établissements se sont limités à
la réalisation de lignes spécialisées avec les services de secours et de lutte
contre l’incendie, considérées comme outil pouvant accélérer le processus de
mise en œuvre des secours et éventuellement d’évacuation des populations
menacées. Mais, même dans ce cas, il serait nécessaire que les services
concernés aient pris au préalable connaissance des produits manipulés par
les installations concernées et évalué les dangers potentiels et virtuels que
ces produits peuvent présenter pour l’entreprise elle-même et pour le
voisinage. Or, comme il a été souligné précédemment, l’obtention
d’informations détaillées sur les activités de telle ou telle entreprise n’est pas
un simple exercice (84).

Si on ajoute à ces problèmes afférant aux installations dangereuses fixes


existant sur le territoire national les préoccupations suscitées par les
accidents susceptibles de se produire dans les pays voisins dont l’expérience
a révélé qu’ils peuvent être transfrontaliers comme l’accident de Tchernobyl,
on mesure tout l’intérêt de la mise en place d’un dispositif d’alerte intra et
interétatique.

Pour les autres activités génératrices de danger d’émanations toxiques tel


que le transport des matières dangereuses par voie terrestre ou maritime
pour lesquelles il est très difficile de disposer d’un outil d’alerte, on se rend
compte que les populations résidant dans les agglomérations urbaines ont
des chances minimes d’être alertées dans des délais raisonnables en cas
d’accident.

84 ) Les commissions de sécurité qui s’intéressent parfois à l’obtention de ces informations ne disposent pas d’un
pouvoir de pression qui permettrait d’aller, par exemple, jusqu’à la suspension de l’exploitation.

79
A cette panoplie de risques qui concernent directement le milieu urbain
vient se greffer le risque des feux de forêts auxquels sont exposées certaines
agglomérations implantées à proximité d’un massif forestier.

2-4 : Dispositif d’alerte contre les feux de forêts

A l’opposé des risques ci-dessus mentionnés, les incendies de forêt


présentent des caractéristiques permettant de maîtriser leur détection et
l’alerte des populations menacées. En effet, en plus de la connaissance
préalable des périodes pendant lesquelles ils peuvent survenir, leur
évolution, lente dans le temps, permet souvent d’alerter dans des délais
raisonnables.

Evidemment, cette particularité ne doit en aucun cas servir d’alibi pour


négliger la mise en place de dispositifs d’alerte car les incendies de forêts
présentent des enjeux économiques et écologiques d’une grande importance.

Indépendamment de l’obligation de protéger les vies humaines, la volonté


de préserver le patrimoine forestier a incité les pouvoirs publics à mettre en
place, à l’annonce des périodes chaudes, un dispositif de veille et d’alerte
aux incendies de forêts. Ce dispositif, basé essentiellement sur la surveillance
humaine, est actionné sur les principaux massifs forestiers ; des guetteurs
sont recrutés chaque été par le Haut Commissariat aux Eaux et Forêts et à la
Lutte contre la Désertification pour surveiller les zones vulnérables et alerter
les services compétents de tout début d’incendie.

Cependant, en dépit des résultats probants qui sont parfois enregistrés, ce


mécanisme à caractère élémentaire présente des imperfections parmi
lesquelles figurent la couverture partielle des massifs forestiers, l’alerte
parfois tardive des services de secours en raison de l’absence notamment de

80
moyens appropriés de transmissions, l’importance des délais entre la
détection de l’incendie et l’alerte des populations, etc..

Il serait donc souhaitable de perfectionner ce dispositif en le rendant plus


préventif que réactif et ce par le recours à l’élaboration d’indices de risques
permettant d’évaluer le degré d’alerte correspondant (85). Pour cela, il est
nécessaire de concilier les données météorologiques avec les données du
terrain de façon à actionner, systématiquement et d’une manière rationnelle,
le dispositif d’alerte devant au demeurant être amélioré sur le plan
technique.

Il est certain que l’amélioration, entre autres, des instruments de prévision,


que ce soit sur le plan de la surveillance ou sur le plan de l’annonce des
phénomènes dangereux, est subordonnée au développement des recherches
spécialisées sur des thématiques touchant particulièrement la problématique
des risques. Malheureusement, ces recherches demeurent aujourd’hui
insuffisantes par rapport aux besoins réels.

B : Insuffisance des recherches spécialisées

La recherche constitue un des moyens essentiels en faveur de la prévention ;


son évaluation permet de jeter un regard sur les progrès de la connaissance,
base de la maîtrise des risques. Elle est le relai entre les programmes
beaucoup plus lourds des recherches de base d’une part et les
développements techniques et les études d’autre part ; son rôle est
d’exploiter les progrès de la connaissance générale de la dynamique des
milieux planétaires, les outils nouveaux de mesure et d’observation, de
calcul et de modélisation, d’évaluation sociale, d’information et de

85) C’est une technique qui permet, à partir d’indices d’ordre météorologique en particulier, d’élaborer des procédures
d’alerte dont le degré varie en fonction des données météorologiques fournies et de la configuration réelle du
massif forestier concerné.

81
communication pour accroître la connaissance probabiliste et prédictive des
risques, et rendre les outils de la prévention plus efficaces (86).

Compte tenu de l’intérêt que celle-ci présente, les pouvoirs publics devraient
en principe lui consacrer plus de considération. Or, jusqu’à présent, elle ne
fait pas partie des priorités dans le domaine global de la recherche. Il en
résulte une carence en matière de réalisation d’études thématiques
approfondies.

1 : Carence d’études thématiques approfondies

Lorsque l’on entreprend un recensement des études finalisées portant sur la


problématique des risques, on se rend compte de la faiblesse quantitative
des travaux produits. Les raisons de cette insuffisance sont diverses parmi
lesquelles figure en bonne place l’absence d’établissement spécialisé dans le
domaine de la recherche sur les risques ainsi que l’implication timide du
milieu universitaire dans ce secteur.

1-1 : Absence d’établissement spécialisé dans la prévision des risques


urbains.

Il est communément admis que la prévision des risques est une science et de
ce fait elle mérite d’être pilotée par un établissement public de recherche
disposant des moyens aussi bien humains que matériels adéquats. Il
semblerait que l’existence de ce genre d’établissement est la meilleure
garantie pour l’identification et le développement des besoins de la
recherche. De plus, et compte tenu du caractère transversal de la recherche
dans le domaine des risques, cet établissement s’impose de facto comme un
outil qui permettrait le transfert de connaissances et l’association des

86) Voir Rapport d’évaluation établi par le Comité Interministériel de l’Evaluation des Politiques Publiques en France
sous la présidence de Paul Henri Bourrelier au sujet de la prévention des risques naturels ; La Documentation
Française, septembre 1997.

82
diverses disciplines scientifiques pour réaliser des expérimentations
démonstratives et méthodologiquement reproductibles.

La prise de conscience de l’importance de ce genre d’établissement dans la


conduite des recherches finalisées a conduit plusieurs pays à mettre sur pied
des plates-formes d’études, d’analyses et d’expérimentations dédiées
exclusivement à l’évaluation des aléas et des enjeux mis en cause par des
phénomènes naturels et technologiques exceptionnels (87) . Tel n’est pas le
cas du Maroc qui, jusqu’à présent, est dépourvu d’établissement de ce type ;
seuls certains laboratoires, à vocation d’études plutôt pluridisciplinaire et
non pas spécialisée dans le domaine de la prévision des risques, réalisent de
temps à autre des travaux particuliers sur des thématiques en relation avec
leurs préoccupations ordinaires à l’instar du Laboratoire Public d’Essais et
d’Etudes et du Laboratoire de Géophysique.

On pourrait toutefois faire une petite exception concernant le Centre Euro-


Méditerranéen d'Evaluation et de Prévention du Risque Sismique (CEPRIS)
dont le champ d’action est délimité pour le risque des tremblements de terre
en Afrique du Nord (88).

87) Par exemple l’Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (INERIS) en France: l'Institut a pour
mission d'évaluer et de prévenir les risques accidentels ou chroniques pour l'homme et l'environnement liés aux
installations industrielles, aux substances chimiques et aux exploitations souterraines. Créé en 1990, l’INERIS est un
établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du Ministère de l’Écologie et du
Développement Durable. Implanté à Verneuil-en-Halatte, dans l’Oise, l’INERIS est doté de laboratoires d’analyses
physico-chimiques et de moyens d’essais parmi les plus importants en France.

88) Le CEPRIS est un établissement spécialisé, associé à l’Accord Eur Opa Risques Majeurs du Conseil de l’Europe créé
à Rabat en Décembre 1995. Son objectif principal est d'établir une stratégie unifiée et un cadre commun pour la
coordination et la corrélation des activités visant la réalisation d'une zonation sismotectonique régionale et
l'évaluation de l'aléa et du risque sismique dans la région méditerranéenne. Cet Objectif sera atteint par :
— La coordination des activités visant la réalisation de zonation et d'évaluation du risque sismique dans la région
méditerranéenne: formation, séminaires, workshops et réunions régionales.
— L’intégration des connaissances géosciences pour les besoins de l'évaluation de l'aléa et du risque sismique: données
géologiques, (géomorphologie, déformations de la croûte à partir de la géodésie terrestre et spatiale, géotectonique
et modélisation géodynamique), de paléosismicité et de la sismicité historique,
Dans une première phase de cinq années, les activités de ce Centre intéressent l'Algérie, l'Espagne, l'Italie, le Maroc,
le Portugal et la Tunisie. Ces pays appartiennent à une région à caractère géodynamique commun et particulier.

83
Il s’ensuit un bilan scientifique assez nuancé sur le niveau de connaissance
des phénomènes naturels dangereux, nettement plus critique sur les données
de base disponibles et sur le zonage des aléas, très insuffisants en ce qui
concerne les études de vulnérabilité et l’évaluation des risques.

Ce bilan mitigé s’explique non seulement par l’absence d’instance de


recherche spécialisée mais aussi par l’implication tardive des établissements
universitaires.

1-2 : Participation tardive des établissements universitaires

La problématique des risques n’a commencé à gagner de l’intérêt auprès des


établissements d’enseignement que très récemment ; des considérations
diverses expliquent ce retard dans la prise en charge de l’apprentissage et de
la recherche sur les aléas.

On relève d’abord que l’université marocaine a évolué dans un contexte


culturel et socio-économique qui n’est pas totalement favorable ni très
réceptif aux impératifs de la prévention des risques. Elle n’a commencé à
s’investir dans ce domaine qu’une fois un intérêt et une notoriété ont été
voués par les autorités administratives à la sauvegarde des populations
contre les risques naturels et technologiques.

On ne peut non plus ignorer que notre pays n’a pas connu une suite
systématique de sinistres puisque les catastrophes majeures enregistrées se
sont produites dans des intervalles de temps assez espacées acculant ainsi
les pouvoirs publics à les considérer comme des événements exceptionnels,
ne méritant pas de bénéficier d’une politique publique appropriée. Dans ce
contexte, l’université s’est alignée sur la vision générale qui prédominait au
sein de la société et dans l’univers politique. Ce n’est évidemment qu’à la
seconde moitié des années 1990, après une succession d’événements

84
catastrophiques, suivis d’un débat médiatique et sociétal, que l’université a
été interpellée.

Un autre élément d’une importance non négligeable a trait à l’influence


étrangère favorisée notamment par la place privilégiée qu’occupe la
problématique des risques dans plusieurs universités étrangères notamment
celles avec lesquelles les facultés marocaines ont établi des liens ; sans
omettre la dynamique créée par les décisions prises par les instances
internationales en particulier l’ONU qui avait déclaré les années 1990
« Décennie Internationale pour la Prévention des Catastrophes Naturelles ».
Cette Décennie a favorisé non seulement la mise en place d’instances
spécialisées telles que l’Accord « EUR-OPA Risques Majeurs » dont les
vocations consistent, entre autres, à encourager la recherche, mais également
le développement de cursus de formation au sein des universités sur la
thématique des risques.

Au cours des dernières années, plusieurs universités marocaines ont initié


quelques actions intéressant certains aspects de la gestion globale des
risques. Outre la mise en place de cursus universitaires sanctionnés par des
diplômes, certaines facultés encouragent les étudiants à effectuer des stages
au sein d’organismes impliqués dans la gestion des risques ; ces stages sont
généralement suivis par la production de rapports ou de mémoires (89). On
notera ainsi la mise en place d’un DESS sur la prévention des risques par
l’université Ibn Toufaïl (Faculté des sciences de Kénitra), d’un DESS en
Sécurité et Santé au Travail par l’Université Mohammed V Souissi (Faculté
des sciences de l’Education), d’un DESS en Hygiène et Sécurité des
Entreprises par l’ESCAE, etc.

89) A titre d’exemple, la faculté des sciences de Béni Mellal a souvent engagé ses étudiants, en coordination avec la
Direction de la Protection Civile, dans des recherches finalisées, de même, la faculté de Droit de Rabat a encouragé
ses étudiants à entreprendre des recherches notamment sur l’aspect institutionnel de la chose.

85
En définitive, l’absence d’établissement spécialisé dans la prévision des
risques, notamment urbains, et l’implication tardive des établissements
universitaires, a eu un impact sur la maîtrise des risques au Maroc
notamment au niveau de l’identification des zones vulnérables.

2: Identification limitée des zones vulnérables

L’identification des zones exposées aux risques est le premier pas dans le
processus d’observation des mesures de prévention dans la gestion de
l’espace. C’est à partir de cette identification qu’il est possible de dégager les
mesures de prévention les plus appropriées qui peuvent être soit des
mesures d’interdiction d’exploitation de la zone concernée, soit des mesures
de restriction grevées de conditions imposées en matière de construction.

Or, à ce sujet, le constat que l’on peut établir est que les études vouées à la
détermination des zones dangereuses au regard des risques naturels et
technologiques sont à un stade embryonnaire.

La détermination des zones susceptibles d’être affectées par un phénomène


naturel est un élément fondamental de la prévention des risques. Sa mise en
œuvre conduit inéluctablement les services de l’Etat à réaliser une
cartographie des sites exposés aux inondations, aux séismes et aux
glissements de terrain. Sur la base de cette cartographie et du constat de
l’occupation des sols, les pouvoirs publics doivent imposer des restrictions à
vocation préventives préalablement prévues par la loi en perspective de la
maîtrise de l’urbanisation sur les sites exposés.

Plus concrètement, cela suppose que les pouvoirs publics expriment leur
souci de limiter les conséquences d’un sinistre à travers des mesures
juridiques qui identifient à la fois les services devant s’acquitter de cette

86
tâche et les instruments de prévention à appliquer lorsque ces sites sont
identifiés.

Or, jusqu’à aujourd’hui, le droit de l’urbanisme n’instaure pas cette


obligation de recenser, de délimiter et de cartographier ces zones, et encore
moins de préciser les services qui en ont la charge à l’instar de qui existe
dans d’autres pays (90).

Il faut bien reconnaître que cette absence de textes spécifiques a toujours


servi d’alibi pour justifier l’inaction de la part des services étatiques et
communaux compétents. Pour certains, la délimitation des zones exposées
aux risques naturels, pour être parfaite, suppose des études très poussées,
des recherches très approfondies et des investigations de grande haleine.
Pour d’autres, il convient de commencer par les zones qui sont visiblement
exposées aux aléas ou celles qui sont historiquement reconnues pour leur
dangerosité, en attendant que les scientifiques procèdent à des modélisations
par le recours aux techniques modernes.

Au-delà des divergences des points de vue sur la délimitation des zones se
posent d’autres problèmes d’ordre juridique qui n’ont pas été résolus. A ce
titre, il est important de souligner qu’un certain nombre de moyens
juridiques traditionnels permettent de faire face aux problèmes
d’environnement posés par des phénomènes naturels. L’instrument
juridique le plus radical réside bien entendu dans le pouvoir de l’Etat
d’acquérir un bien à des fins publiques quelconques moyennant

90 ) En France, par exemple, le Plan de Prévention des Risques Naturels Prévisibles (PPR), institué par le décret du 5
octobre 1995, substitue aux documents antérieurs tels que PER (Plans d’exposition aux Risques), PSS (Plans de
Surfaces Submersibles) et PSZIF (Plans de Zones Sensibles aux Incendies de Forêt), ce qui simplifie et clarifie la
réglementation en la matière. En outre, le PPR présente l’avantage d’être « modulable » ; il peut en effet prendre en
compte un seul ou plusieurs risques et ne comporter (dans un premier temps) que des mesures relatives aux
nouvelles constructions, quitte à être complété par des mesures applicables au bâti existant (dans un second temps)
pour réduire leur vulnérabilité. Le PPR peut aussi réglementer les diverses exploitations existantes (agricoles,
industrielles, artisanales, forestières, commerciales, …) et prévoir des mesures de prévention collectives (pour la
protection et le secours des populations). Le PPR approuvé - dont la procédure déconcentrée est simple – vaut
servitude d’utilité publique et est annexé au Plan d’Occupation des Sols (POS).

87
indemnisation. Cependant, l’Etat peut aussi réglementer l’affectation d’un
bien; les restrictions ainsi imposées à la simple affectation ou utilisation des
biens n’exigent pas le versement d’une indemnité. Le pouvoir de
réglementer, sans compensation, la destination donnée à un bien relève du
droit souverain de l’Etat de légiférer dans l’intérêt de la santé, de la sécurité
et du bien-être publics (91).

En fait, à défaut d’une approche globale fondée sur une planification


préventive pour les différents types de risques, les choses ne sont pas aussi
simples, des problèmes divers notamment d’ordre juridique se posent et
varient d’un risque à l’autre. Il en est ainsi, à titre indicatif, des problèmes
juridiques liés aux phénomènes des inondations et des tremblements de
terre.

2-1 : Délimitation partielle des zones inondables

Jusqu’à une date récente, notre pays ne disposait pas de documents


cartographiques ou autres consacrés au recensement et à la délimitation des
zones susceptibles d’être submergées par les crues résultant de la montée
des eaux des oueds ou d’éventuelles ruptures de barrages ou encore de
pluies torrentielles, pouvant mettre à l’épreuve des lieux de concentration
urbaine.

Ce n’est qu’à la suite des inondations successives enregistrées au cours des


dernières années dans plusieurs villes du Royaume notamment Berrechid,
Mohammedia, Tétouan, El Hajeb et Taza, que les pouvoirs publics se sont
penchés sérieusement sur la problématique des inondations sous ses
multiples facettes. C’est ainsi qu’un « plan national de protection contre les
inondations et impacts des ouvrages de protection sur l’environnement » a été

91) Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les Secours en cas de Catastrophe (UNDRO) : « Prévention et
atténuation des catastrophes : le point des connaissances actuelles », vol. 9 Aspects juridiques, éd. 1980, p : 3

88
diligenté par le Secrétariat d’Etat chargé de l’Eau. Le volet le plus important
de ce plan concerne l’identification des zones sujettes à des inondations,
recensées sur l’ensemble des bassins versants du Royaume en combinant les
études sur le terrain et les enseignements historiques.

Certes, c’est un pas très important qui vient d’être franchi mais l’œuvre n’est
pas encore terminée car il ne s’agit pas uniquement d’identifier ces zones, il
importe plus de délimiter d’une façon plus ou moins exacte leur étendue.
C’est là un travail colossal qui nécessite non seulement la convergence de
plusieurs disciplines (géologues, météorologues, hydrologues, etc.) mais
aussi le développement au niveau local de certaines techniques de
modélisation dont le coût n’est pas négligeable.

Cette absence de données définitives sur les zones inondables constitue un


obstacle pour les services chargés d’élaborer les documents d’urbanisme afin
d’en tenir compte dans ces documents et, par conséquent, d’établir des cartes
perfectionnées d’aptitude à l’urbanisation. Il en résulte une exploitation
anarchique des terrains submersibles.

La stratégie inhérente au zonage imposé en vue de prévenir les risques


d’inondations consiste, en résumé, à diviser la superficie menacée en zones
d’occupation, interdite ou limitée. Dans la zone interdite, il est essentiel
d’assurer le libre passage des eaux de sorte que toute construction soit
prohibée et que le terrain soit réservé à l’agriculture, aux loisirs et aux
espaces ouverts. Dans la zone réglementée, le risque d’inondation est moins
important. Une mise en valeur limitée est donc autorisée, mais subordonnée
à des dispositions rigoureuses en matière de construction. Dans la zone de
simple avertissement, les inondations sont rares et tous les types
d’occupation sont donc autorisés, à condition qu’ils ne soient pas interdits
ou autrement réglementés.

89
Deux grandes questions d’ordre juridique sont à poser au sujet du zonage
imposé en vue de la protection contre les inondations : la loi a-t-elle habilité
les autorités à prendre des règlements en la matière et lesdits règlements
sont-ils conformes à la Constitution, à supposer qu’une autorité
réglementaire existe ?

Bien que notre pays ait légalement autorisé le zonage, les dispositions
relatives à l’urbanisme telles qu’elles sont rédigées ne permettent pas de dire
que leur contenu est précis pour englober le zonage à des fins de lutte contre
les inondations. Même si c’est le cas, la question la plus délicate qui
risquerait de se poser est sans nul doute celle de la validité constitutionnelle
de la réglementation de zone même, car on peut s’interroger si le règlement
particulier aux fins de la protection contre les inondations n’équivaut pas à
une sorte d’« expropriation » sans compensation et, par conséquent, ne
porte-t-il pas atteinte au droit de propriété garanti par la Constitution, du
moins pour l’espace submersible directement concerné.

Par ailleurs, un autre élément aussi important est celui communément


appelé « l’égale protection » (92), qui consiste à traiter de la même façon tous
les propriétaires. La loi devrait contenir des garanties et mettre des garde–
fous contre tout égarement qui conduirait à porter atteinte à l’égalité de
traitement des propriétaires terriens.

L’indication de ces problèmes a pour objectif de mettre l’accent sur les


problèmes d’ordre juridique que la législation marocaine est appelée à
résoudre en vue de la protection contre les inondations.

Des enjeux presque similaires surgissent chaque fois que l’identification des
zones exposées aux séismes est évoquée.

92) Bureau du Coordonnateur des Nations Unies pour les Secours en cas de Catastrophe (UNDRO) : op. cit : p : 39.

90
2-2 : Réalisation timide d’études de micro-zonage sismique

Dans le domaine de l’évaluation et de la réduction du risque sismique, les


études réalisées ont permis jusqu’à présent de concevoir des cartes ayant
rendu possible l’identification des zones sismiques selon le degré
d’exposition à l’aléa sismique.

Au regard de la problématique des risques urbains, ces outils


cartographiques réalisés sont d’une utilité relative puisque les besoins
immédiats et futurs en matière de prévention et de réduction du risque
sismique, résident dans la réalisation d’opérations de micro-zonage sismique
et l’étude de vulnérabilité de certaines régions hautement constructibles.

C’est à travers ce genre de travail, qui s’appuie sur la combinaison d’études


pluridisciplinaires (géologiques, géotechniques, sismologiques), qu’il
devient possible d’effectuer une planification urbaine prenant parfaitement
en considération la prévention du risque sismique puisqu’il permet
d’évaluer l’aptitude d’un site donné à être urbanisé et, éventuellement, de
dégager les mesures de précaution et de sécurité qui s’y imposent en cas
d’installation d’établissements humains.

L’examen des études de micro-zonage accomplies jusqu’à ce jour permet de


constater que celles-ci restent quantitativement très limitées et ont porté
uniquement sur quelques agglomérations importantes telles que Rabat,
Tanger, Agadir et El Hoceima, étant entendu que les travaux achevés ne
concernent pas l’intégralité des zones construites ou susceptibles d’être
aménagées et édifiées. Certes, ce genre d’études constitue une entreprise de
longue haleine et nécessite des moyens techniques et financiers
considérables mais il n’en demeure pas moins que quelque soit le coût de ces
études, il restera très modeste comparativement à la valeur inestimable

91
d’une vie humaine pouvant être sauvée en cas de respect des
recommandations qui en découleraient.

Les séismes produisent un certain nombre d’effets, dont la fracturation et


l’ébranlement du sol, qui peuvent entraîner des pertes en vies humaines et
des dommages matériels.

Pour ce qui concerne la fracturation du sol de surface, on peut recourir à un


certain nombre de mesures d’ordre légal pour réglementer le type et la
densité des bâtiments autorisés, le cas échéant, dans la zone d’une faille
active. La zone située, par exemple, au voisinage de telles failles peut être
classée comme zone non aédificandi et réservée exclusivement à des usages
tels que l’agriculture et les loisirs. La réglementation de l’urbanisme en
matière de zonage devrait au minimum interdire la construction de
bâtiments destinés à être occupés par des êtres humains ou d’ouvrages
d’utilité publique sur les zones présentant des traces de faille active.

Par ailleurs, les autorités chargées de l’urbanisme peuvent également établir


des servitudes d’alignement pour exiger un certain éloignement par rapport
aux zones de failles, éloignement qui dépend de la nature du bâtiment
considéré.

Un second phénomène géologique produit par les séismes est l’ébranlement


du sol. Ce sont souvent les secousses provoquées par le séisme qui sont les
plus dévastatrices. Elles sont l’un des risques sismiques les plus difficiles à
prévoir et à quantifier, car elles dépendent des effets multiplicateurs des
couches géologiques locales, des caractéristiques de la source sismique et de
l’éloignement de la faille. Néanmoins, on sait que les ébranlements sont plus
graves sur les sites recouvrant d’épaisses couches de sédiments saturés que
sur ceux ayant un soubassement rocheux. De ce fait, si des précautions ne

92
sont pas prises, les secousses sismiques provoquent les plus grandes pertes
aux emplacements où des bâtiments élevés sont construits sur les couches
sédimentaires saturées épaisses et relativement meubles (93).
Un certain nombre de conséquences d’ordre juridique peuvent être tirées de
ces constatations.

Tout d’abord, les périmètres risquant de subir de fortes secousses peuvent


être classés dans des zones à faible densité d’occupation. La contestation la
plus vraisemblable de la validité légale d’une réglementation de zonage,
motivée par des considérations sismiques, sera dirigée contre le bien-fondé
de ladite réglementation par rapport aux données communes. Il est donc
essentiel que les règlements s’appuient sur une analyse rigoureuse des
risques dans la région considérée.

Ensuite, il est possible d’insérer dans un cadre de construction approprié des


dispositions particulières pour les aires ayant des caractéristiques sismiques
différentes.

La troisième conséquence concerne les bâtiments dangereux existants. Les


anciens bâtiments, qui n’ont pas été conçus pour résister aux tremblements
de terre, sont les plus vulnérables en termes de destruction. Ce problème
peut être résolu grâce à l’adoption d’un arrêté de suppression des bâtiments
dangereux exigeant l’amélioration ou finalement, la démolition des
constructions considérées comme particulièrement dangereuses. La façon de
procéder la plus pratique est de sélectionner d’abord les bâtiments
considérés les plus dangereux et ayant les taux d’occupation les plus élevés,
puis de s’occuper de ceux qui présentent moins de risques et dont le taux
d’occupation est plus faible. Le préjudice subi par les résidents doit être, bien

93) Ibid, p : 24

93
entendu, réparé, soit dans le cadre d’une opération de relogement, soit par
des compensations financières.

A défaut d’une réglementation appropriée concernant ces différents aspects,


favorisée par l’absence d’études très poussées pour la détermination des
failles sur l’ensemble du territoire national, les différentes préoccupations
relevées plus haut sont pratiquement négligées dans la politique
d’occupation du sol (94).

En fait, le législateur devrait établir un certain nombre de documents


juridiques ayant pour vocation d’éviter ou de prescrire des précautions pour
l’édification d’agglomérations dans les zones exposées aux risques naturels.

En tout état de cause, la faiblesse quantitative d’études concerne non


seulement le micro-zonage sismique mais aussi d’autres volets de la
problématique qui nous intéresse, en particulier la détermination des zones
urbaines exposées aux feux de forêts.

2-3 : Détermination incomplète des zones urbanisées vulnérables aux feux

de forêts.

On sait aujourd’hui avec certitude que de nombreuses agglomérations se


retrouvent entourées de massifs forestiers souvent à cause de l’expansion de
l’urbanisation qui envahit la forêt. A contrario, des incertitudes subsistent
quant à la détermination des zones urbaines potentiellement exposées aux
incendies de forêts et le degré de gravité de la menace.

En effet, l’accomplissement de ce genre d’investigations repose sur des


études qui permettraient de disposer de données sur la nature du terrain, la
nature des espèces et de la végétation et les conditions climatiques

94) On soulignera à cet égard, une très bonne initiative prise à l’issue du tremblement de terre d’Al Hoceima qui
consiste à établir une « carte d’aptitude à l’urbanisation » de cette ville, conçue à l’issue d’études géologiques et
géomorphologiques de la région.

94
dominantes. Certes, ces données existent en ce qui concerne la plupart des
massifs forestiers mais elles sont peu appropriées en termes d’évaluation de
l’impact sur la sécurité urbaine. Autrement dit, les études disponibles visent
à quantifier les conséquences probables d’un incendie sur tel ou tel massif
forestier sans tenir compte de l’existence ou non d’agglomérations.

On pourrait expliquer cette situation par au moins deux arguments :

Le premier renvoie à la place souvent secondaire qu’occupe la recherche


dans le domaine de l’analyse des risques urbains autres que ceux de la
sécurité publique ;

Le second résulte de la vision dominante selon laquelle les agglomérations


urbaines sont à l’abri des incendies de forêts considérés comme une
spécificité du milieu rural. Or cette croyance a été souvent démentie par la
réalité dans la mesure où certaines villes du Globe ont échappé de justesse à
l’embrasement suite à des incendies de forêts ; c’est le cas par exemple de
Sydney en Australie à la fin des années 1990 et au début du nouveau
millénaire. Dans la plupart des cas, on a tendance à oublier que ces
incendies peuvent avoir soit des effets directs sur la ville exposée par
l’envahissement des flammes de groupes d’habitations ainsi que de
l’infrastructure, favorisé par l’existence de matières inflammables à
l’intérieur des établissements atteints, soit des effets indirects d’ordre
économique (les activités commerciales seront handicapées notamment par
une circulation limitée voire sclérosée des marchandises), social (les services
socio-éducatifs peuvent être paralysés si les infrastructures correspondantes
sont touchées ou si les voies de transport sont endommagées) et surtout
sanitaire puisque les nuages denses de fumée consécutifs à l’incendie
couvrent généralement selon les conditions climatiques des superficies plus

95
ou moins vastes mettant en danger la santé des populations
particulièrement celles souffrant de problèmes respiratoires.

On pourrait rapprocher ce problème d’identification des zones vulnérables


aux feux de forêts à un autre, celui de la délimitation des zones exposées aux
risques industriels.

2-4 : Identification insatisfaisante des zones exposées aux risques


industriels

L’émanation des gaz, consécutive à un accident mettant en cause des


produits dangereux, constitue le risque industriel le plus redoutable pour
l’Homme et son environnement.

Conscients de la gravité de ce type de danger, les spécialistes en matière de


gestion des risques se sont attelés à développer les instruments et les
techniques à même de faciliter la délimitation des zones susceptibles d’être
l’objet d’une atteinte par les produits notamment toxiques.

Compte tenu de la difficulté, voire de l’impossibilité de cerner


géographiquement les sites pouvant être exposés à un éventuel accident ou
explosion liés au transport de matières dangereuses, lesdits spécialistes
axent leurs efforts de recherche sur l’identification des zones limitrophes aux
unités industrielles afin de déterminer l’étendue de celles pouvant subir des
préjudices à la suite d’un incendie, d’un accident ou d’une explosion. Ces
recherches ont été couronnées par l’invention d’une méthode d’analyse
communément appelée « Etude de Danger ». Celle-ci consiste en une
approche probabiliste, c’est-à-dire qu’à partir d’un certain nombre de
scénarios d’accidents envisageables, on réalise des simulations pour en
mesurer l’impact. C’est justement à partir de là qu’il est possible de localiser
les zones vulnérables et d’évaluer les enjeux en présence. Evidemment, ce

96
besoin de recherche a permis le développement sans cesse croissant des
instruments techniques de mesure et d’analyse.

Cette évolution qui a été enregistrée dans de nombreux pays n’a pas encore
trouvé d’écho auprès de la communauté des chercheurs et des gestionnaires
des risques au Maroc et encore moins auprès du législateur qui n’a pas
encore imposé ce genre d’études par voie réglementaire. On ne peut donc
être étonné de constater que plusieurs industries à hauts risques sont
immédiatement entourées soit d’habitations soit d’autres entreprises sans
que la moindre servitude ne soit observée, sachant que dans ce cas précis, le
rapprochement entre les installations industrielles et les établissements
humains ou manufacturiers peut être une source d’aggravation de la menace
par le cumul des dangers des uns et des autres.

Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer ce retard


notamment le manque de conscience des industriels eux-mêmes de la
gravité de certains produits manipulés et de l’impact que ceux-ci pourraient
avoir sur l’environnement immédiat en cas de situation accidentelle,
l’absence d’un outil juridique imposant des études de danger à toutes les
installations classées au cours de la phase d’autorisation ainsi que le défaut
d’initiative de la part des services publics chargés de la sécurité des
personnes et des biens contre les risques (95) .

En définitive, le déficit des instruments de prévision et l’insuffisance de


recherches spécialisées sont considérés comme des obstacles à un
développement acceptable de la prévision des risques, qui constitue une
phase incontournable dans le processus de gestion des catastrophes en

95 ) Pour l’instant, toute initiative ne peut relever que d’un registre d’actions volontaristes, car ces services ne sont pas
habilités à imposer quoi que ce soit. A la limite, ils peuvent tirer la sonnette d’alarme et éventuellement donner un
avis consultatif.

97
permettant notamment aux acteurs concernés de préparer convenablement
les actions réactives.

Section 2: Des actions réactives insatisfaisantes


Il existe en général deux manières d’appréhender les risques : soit en prenant
les mesures qui s’imposent pour les éradiquer à la source, soit se préparer
pour réagir aux catastrophes qui pourraient en découler.

Certes, l’équilibre entre les mesures de prévention et les mesures de réaction


sera difficile à obtenir car, en fonction des pratiques étatiques, la priorité est
donnée soit à la réduction des risques soit au développement des capacités
de réponse. Ce choix est dicté notamment par des considérations d’ordre
politique, économique ou social parmi lesquelles figurent le degré de
sensibilité aux risques et la volonté des pouvoirs publics d’atténuer leurs
effets.

Partant de ce constat général, valable pour tous les pays et pour n’importe
quel risque, on peut noter que la réaction aux risques urbains présente des
similitudes avec les actions de prévention en ce qui concerne leur degré de
développement puisque la lutte contre ces fléaux souffre encore de
vicissitudes et d’incertitudes.

Cet état de précarité qui entache et fragilise les activités de réponse réside
particulièrement dans le défaut d’optimisation des moyens disponibles (§1)
et dans l’imperfection des engagements opérationnels (§2).

§1 : Difficulté d’optimisation des moyens disponibles

Dans un pays comme le nôtre, disposant de moyens modestes presque dans


tous les domaines et a fortiori dans le secteur de la gestion des risques, la
meilleure solution pour réussir telle ou telle entreprise serait d’optimiser et
de rationaliser les énergies et les moyens.

98
Or, dans le domaine de la gestion des risques urbains comme dans d’autres
d’ailleurs, il existe encore des problèmes qui s’opposent à l’émergence de
pratiques cohérentes, prenant pour objectif ultime la rationalisation aussi
bien des efforts que des exigences en termes de moyens humains, matériels
et financiers. Parmi ces problèmes figurent en bonne place l’absence de
stratégie intégrée de réponse aux risques (A) et la prééminence d’actions
sectorielles (B).

A : Absence de stratégie intégrée de réponse aux risques urbains

Il est permis de dire que la réponse aux risques urbains obéit encore à la
règle du « cavalier seul » dans la mesure où chaque acteur intervenant agit à
sa guise en fonction des perceptions qu’il se fait de la question de la lutte
contre les risques urbains et des priorités qu’il considère être les plus
importantes sans que cela s’intègre dans une approche globale et
intersectorielle.

Plusieurs raisons peuvent expliquer ce comportement d’action unilatéral ; les


plus importantes ont trait à l’inexistence d’une politique publique de gestion
des risques urbains, à la prééminence de la logique monorisque et à
l’acquisition non concertée des équipements d’intervention.

1 : Inexistence d’une politique publique de gestion des risques urbains

La ville marocaine abrite aujourd’hui presque la moitié de la population


globale du pays selon le recensement général de la population et de l’habitat
de 2004. Autrement dit, environ 15 millions d’habitants sont exposés aux
risques urbains identifiés. De ce fait, il semblerait tout à fait logique que la
ville fasse l’objet d’une politique publique appropriée prenant en
considération le besoin de protéger d’une façon optimale et rationnelle

99
l’ensemble des résidents contre les dangers en relation avec la vie en milieu
urbain.

En fait, un constat général s’impose : les spécialistes confirmés dans la


sociologie urbaine se sont toujours posés la question sur l’existence ou non
d’une politique de la ville, bien identifiée en tant que telle. La réponse a
toujours été mitigée ; certains répondent par la négative en rejetant toute
existence de cette politique, d’autres soutiennent l’idée de politiques
diversifiées en fonction de l’importance de la ville concernée et du poids de
l’élite locale.

Le rappel de ce constat a deux objectifs essentiels : d’une part, il est très


difficile d’avoir une politique publique de gestion des risques urbains sans
qu’il y ait de politique de la ville, étant entendu que la première peut être
considérée comme un élément constitutif de la seconde. D’autre part, il est
presque impossible qu’une politique publique prenant la gestion des risques
urbains comme axe central soit soigneusement élaborée sans qu’il y ait en
amont un fondement législatif ou réglementaire à même de servir
d’orientation et de guidage à cette politique.

De toutes les façons, sans rentrer davantage dans ce débat théorique,


l’essentiel est que plusieurs arguments militent en défaveur de l’existence de
cette politique notamment les disparités existant d’une ville à une autre en
termes de mesures de prévention adoptées, de la variation des moyens
humains et matériels mis à contribution et partant, de la modestie des
décisions prises pour la mise en sécurité des populations urbaines.

Cette absence de politique publique présente un impact certain sur


l’apparition de certaines stratégies sectorielles peu convergentes, sinon
parfois divergentes. En effet, à défaut d’un cadre de référence, dûment

100
respecté par les différents protagonistes, dans lequel viendrait s’inscrire
l’action de chaque acteur, les décideurs, qu’ils soient des responsables
administratifs locaux ou des élus ou encore des services déconcentrés de
l’Etat, agissent en fonction de la perception qu’ils ont de la manière de gérer
les problèmes urbains. Il n’est donc pas étonnant de constater soit des
négligences, soit au contraire des actions réalisées sans grande utilité ou
celles présentant parfois des effets pervers. A titre d’exemple, pour la ville de
Casablanca, malgré la grande évolution qu’elle a connue depuis les années
1930 et en dépit de tous les programmes d’assainissement réalisés tout au
cours de cette évolution, ce n’est que très récemment, après l’introduction de
la gestion déléguée, qu’une solution a été trouvée au problème de la montée
répétitive des eaux dans cette agglomération, à savoir l’édification de canaux
d’évacuation des eaux pluviales judicieusement dimensionnés.

Il résulte également de cette absence de politique publique le manque


d’éléments pouvant rapprocher les différents acteurs et les réunir autour
d’un projet unifié et surtout les initier à travailler en commun selon la
logique multirisque.

2: Prééminence de la logique monorisque

La réaction n’a pas été faite dès le départ en bloc ; le traitement des risques a
été effectué par paliers aboutissant ainsi à une ségrégation au niveau des
structures appelées à les confronter et au niveau des méthodes et procédures
suivies pour les combattre. Si la communauté des populations urbaines a été
par exemple, au début du siècle dernier, exposée à des risques courants
auxquels il a été relativement facile de faire face par les seuls moyens des
services de secours et de lutte contre l’incendie, il n’en est pas de même à
partir des années 1930, période qui annonce le début d’une complexité des
risques avec l’apparition de dangers nouveaux conjugués à ceux de la guerre

101
sous sa nouvelle forme (aérienne) et la forte urbanisation qui est à l’origine
d’effets induits et d’aggravation des incidences. Cette ère annonce également
le début d’une prise de conscience de la part des pouvoirs publics appelés à
les combattre.

Bien évidemment, ni les risques qui se sont manifestés dans le passé, ni les
réactions qu’ils ont engendrées, n’ont obéi à une logique de simultanéité ;
autrement dit, la riposte aux différents aléas a subi les effets des
catastrophes qui se sont produites ; à l’occasion de chaque situation
calamiteuse et souvent sous la pression des populations et des médias, les
pouvoirs publics finissent par réagir en prenant les mesures d’urgence que la
situation requiert. Il arrive parfois que cette occasion soit présentée comme le
leitmotiv d’un long processus de réhabilitation et de prise en compte des
mesures de prévention dans les phases de reconstruction. Il est rare que deux
ou plusieurs catastrophes surviennent simultanément ; c’est la raison pour
laquelle le traitement des risques obéit à la logique monorisque, d’autant
plus que sur le plan technique, les exigences en termes de prévention et de
prévision ne sont pas nécessairement identiques pour tel ou tel risque.

Cette situation conduit inéluctablement à l’apparition, à chaque fois, d’un


acteur (96) qui pilote les actions prises ou programmées pour lutter contre un
quelconque fléau, même en l’absence d’un fondement juridique. Dans le
cadre de cette opération, l’acteur concerné peut entreprendre, librement et
sans consultation préalable des autres partenaires, toutes les mesures qui lui
semblent convenables. On finit à terme par avoir des plans d’action
différents et différenciés qui peuvent concerner les divers aspects de
réaction aux risques notamment la réalisation des équipements
d’intervention, l’établissement des normes de sécurité, l’engagement

96) Généralement un département ministériel qui s’estime être le plus concerné.

102
simultané et rationnel des moyens relevant d’acteurs de multiples origines
et l’implication des moyens de communication.

Bref, la rationalisation et l’optimisation des moyens serait considérée comme


un vœu pieu du moment où, à l’occasion de chaque sinistre ou catastrophe,
notamment ceux ayant un impact médiatique important, chaque acteur se
considère comme étant le mieux placé pour intervenir et engager des
moyens conséquents, chose à laquelle contribue favorablement le « système »
marocain de gestion des risques, caractérisé par la prédominance d’actions
unilatérales et par le poids non négligeable de la concurrence entre
institutions impliquées dans ce domaine.

3: Apparition tardive de la logique de partenariat

Le partenariat est un procédé de gestion relativement récent,


particulièrement utilisé dans le domaine des affaires pour faire face aux
contraintes de la mondialisation et de la globalisation de l’économie ; c’est
l’un des outils qui se sont avérés assez souples pour dépasser la lourdeur des
instruments classiques de gestion et d’éviter la lenteur et le formalisme
traditionnel.

Ce mécanisme n’a commencé à pénétrer le domaine de la gestion des risques


au Maroc que vers la fin des années 1990. En effet, pour pallier l’insuffisance
des moyens destinés aux secours et pour pouvoir répondre à l’impératif de
proximité, la Direction de la Protection Civile a pris l’initiative de solliciter la
conclusion de conventions de partenariat avec certains acteurs socio-
économiques impliqués ou concernés par la gestion des risques (97). La
démarche a été axée dans une première étape vers certains offices et dans

97 ) Le débat sur la portée juridique de ce type de conventions sur le plan du droit interne a abouti à déceler une
similitude de celles-ci avec les règles du droit international connues sous le nom générique de « soft law »
puisqu’elles cherchent à contourner la lourdeur de la procédure réglementaire tout en créant des règles
imposables aux parties contractantes sans pour autant reposer sur un fondement juridique irréprochable.

103
une seconde étape vers les collectivités territoriales ainsi que d’autres
acteurs.

A ce titre, cette Direction a conclu des conventions avec l’Office de


Développement des Ports, le Centre National des Etudes, des Sciences et des
Techniques Nucléaires, l’Office National de Développement des Aéroports.
Ces conventions visent à assurer la sécurité contre les risques d’incendie et
de panique sur les sites névralgiques gérés par ces établissements, en
particulier les ports de Casablanca, Mohammedia, Safi, El Jorf Lasfar, Nador,
Agadir, le Centre d’Eudes Nucléaires de Maâmora et l’Aéroport Mohammed
V. Selon les dispositions de ces conventions, les établissements bénéficiaires
procèdent à leur charge à l’édification des centres de secours et à leur
équipement en moyens de première intervention, en contrepartie, la
Direction de la Protection Civile se charge de la mise en place, dans les
centres de secours prévus, du personnel de secours dont le nombre est fixé
par la convention.

Par ailleurs, une autre catégorie de conventions a été contractée avec les
Conseils Régionaux, Préfectoraux et Provinciaux ; elle porte sur deux volets
essentiels à savoir : la construction ou l’aménagement de centres de secours
supplémentaires et sur l’acquisition des équipements et matériels de secours
et de sauvetage. En général, ces conventions prévoient la réalisation des
infrastructures de secours par la région bénéficiaire et la mise en place du
personnel par la Direction de la Protection Civile ; quant à l’équipement de
ces centres, il est assuré conjointement par les deux parties.

D’autres conventions de moindre importance ont été établies avec d’autres


acteurs privés et avec le Croissant Rouge Marocain. Aux termes des
conventions signées avec certains industriels, ces derniers se sont engagés à
édifier des centres de secours en vue de protéger certains sites non couverts

104
par les unités de la protection civile. Avec le Croissant Rouge, il s’agit plutôt
d’une coopération tendant à faciliter l’intervention commune lors des
situations de catastrophe.

Il est à noter que d’autres initiatives sont lancées pour la promotion de cette
forme de coopération avec d’autres partenaires notamment avec l’Agence
pour le Développement des Préfectures et Provinces du Nord.

Cette nouvelle forme d’action publique/publique ou publique/privée a


permis certes de résoudre certains problèmes d’ordre logistique et financier
mais a, surtout, créé une dynamique novatrice en associant les services de la
protection civile avec d’autres acteurs qui étaient jusqu’à une date récente
complètement désintéressés de la problématique de la gestion des risques.

Il est regrettable que ce genre d’approche ait démarré tardivement ; les


résultats encourageants qu’il a produits laissent penser que des occasions
précieuses n’ont pas été saisies pour promouvoir prématurément le système
marocain de gestion des risques. Compte tenu de la pertinence de ce moyen
souple de coopération, il serait très intéressant de le développer davantage
dans d’autres secteurs en lien direct avec la prévention et la protection contre
les risques urbains.

A ce titre, il y a lieu d’ouvrir de nouvelles perspectives qui pourraient


concerner non seulement les gestionnaires directs des sinistres et
catastrophes, mais aussi les opérateurs qui sont impliqués de manière directe
ou indirecte dans le domaine de la prévention, en particulier l’ordre des
architectes, les sociétés d’ingénierie et les agences urbaines.

De toutes les manières, les activités de partenariat, lorsqu’elles associent les


protagonistes concernés, conduisent à l’émergence d’une vision commune,
par ricochet un plan d’action souvent concerté. Leur élargissement à

105
plusieurs acteurs permettra sans nul doute d’aboutir à terme à l’atténuation
de la logique « monorisque » en phase de domination à l’heure actuelle et
conduira inéluctablement à l’abolition de la concurrence institutionnelle qui
demeure en constante progression.

B : Prééminence d’actions sectorielles

Une réponse efficace aux différents sinistres susceptibles d’atteindre les


populations urbaines exige des concertations préalables, des stratégies
intégrées et des tactiques suffisamment coordonnées. Pour atteindre ce stade,
certaines actions de rapprochement des différents partenaires semblent
nécessaires ; il s’agit notamment du développement de la culture de travail
en commun, de la formation des personnels et de l’interopérabilité des
équipements d’intervention. Ces différents aspects sont encore négligés.

1 : Défaut d’une culture de travail en commun

Dans la tradition administrative, l’une des tares dont souffre la plupart des
services publics au Maroc et qui a été souvent soulevée par les acteurs réside
dans l’incapacité ou la difficulté pour ces services à œuvrer ensemble sur un
ou des aspects donnés.

Cette coutume trouve ses origines dans des considérations tant juridiques
qu’extra juridiques. On notera d’abord l’imprécision des textes d’attribution
des compétences aux différents acteurs concernés, aboutissant à un certain
nombre de zones d’ombre pour les activités rapprochées qui conduisent soit
à une inaction de la part des services concernés, soit à un conflit de
compétences qui nuit amplement aux relations fonctionnelles entre les
protagonistes, sinon à des résultats peu probants (98).

98 ) Il en est ainsi des divergences entre la Direction de la Protection Civile relevant du ministère de l’Intérieur et la
Direction de la Surveillance et de la Prévention des Risques relevant du ministère de l’Aménagement du Territoire,
de l’Eau et de l’Environnement. A défaut de précision dans les textes organisant les deux entités, chacune s’estime

106
Le second facteur découle du fort attachement des différentes
administrations à leurs attributions qui refusent toute immixtion dans leur
domaine de compétence, même lorsqu’il s’agit de traiter un sujet ayant un
caractère transversal comme celui de la gestion des risques urbains. Le
dernier facteur est d’ordre plutôt culturel ; à cause des intérêts en jeu et des
avantages que peut procurer l’exercice d’un travail ou la conduite d’un
projet, l’acteur concerné, personne physique ou morale, refusera de
s’engager collégialement avec un ou plusieurs autres acteurs.

Ce constat, valable pour la plupart des administrations et organismes


publics, est particulièrement vrai dans le domaine de la gestion des risques
urbains. Les tentatives engagées pour atténuer ce phénomène ne semblent
pas avoir produit d’effet positif. Ainsi, la création et la mise en place de
comités ou commissions permanents ou ad hoc rentre dans le cadre de ces
tentatives puisqu’ils ont justement entre autres pour vocation d’étudier,
d’analyser et de traiter en commun des questions d’intérêt général. L’échec
de ces structures est souvent attribué au non suivi des recommandations qui
émanent de leurs travaux au cas où les investigations sont poussées à terme.
On notera également la faiblesse ou la faible portée des accords de
partenariat conclus entre les administrations et les organismes ayant des
finalités rapprochées. A titre d’exemple, des accords de partenariat
contractés entre différents départements depuis des années sont restés en
veilleuse sans avoir donné le jour à la moindre action de coopération.

Naturellement, le refus ou le rejet des différents acteurs de travailler


ensemble laisse souvent passer des occasions de mutualisation des moyens
et de renforcement des synergies qui sont une source reconnue

être la mieux indiquée pour exercer un rôle de pilotage et de coordination des activités intersectorielles de
réduction des risques. Ces divergences ont anéanti les efforts des deux Directions aboutissant en fin de compte à
une inaction de leur part dans le sens voulu.

107
d’optimisation des actions. Cette optimisation pourrait se révéler un vœu
pieu par la mise en place de programmes d’action sectoriels.

2 : Formation séparée des personnels

L’organisation de la formation des personnels dans le domaine de la gestion


des risques urbains ne répond pas aux attentes des pouvoirs publics en
matière d’optimisation et de rationalisation des moyens et ce pour deux
raisons essentielles :
- la première concerne l’inexistence d’une structure intersectorielle unique de
formation pour l’ensemble des acteurs ; au contraire, on assiste de plus en
plus à une floraison d’écoles et d’instituts propres à chaque organisme qui
prévoit parfois parmi les cursus de formation des modules consacrés à un
aspect ou à un autre de la gestion des risques urbains. Ainsi par exemple,
pour les services normaux de secours, on notera que la sûreté nationale
dispose d’un institut de police à Kénitra, la gendarmerie royale d’une école
à Ben Guérir, les forces auxiliaires d’un centre de formation à Benslimane et
les services de secours et de lutte contre l’incendie d’une école à Casablanca.
La liste pourrait être allongée si on y ajoute tous les autres intervenants.

Il ne s’agit pas ici de contester l’existence de ces infrastructures


d’enseignement mais tout simplement de dire qu’elles ont d’autres
préoccupations et des buts spécifiques autres que la gestion des risques
urbains. On ne peut que regretter l’incapacité de l’école de la protection
civile à assurer une formation généralisée pour les acteurs les plus impliqués
compte tenu de son champ de compétence qui intègre une grande partie de
la problématique de la gestion des risques urbains.

- la seconde découle de la première puisqu’elle concerne l’absence d’une


culture commune et de méthodes d’intervention semblables faute justement

108
d’une formation similaire. Il en résulte que chaque acteur intervient selon sa
propre tactique et suivant une démarche qui peut se révéler parfois en
contradiction avec celle de l’autre. Ceci apparaît d’une manière visible
lorsqu’il s’agit d’un grand sinistre où on assiste souvent à des situations de
désordre et de perte de repère auxquelles contribue ce manque d’aptitude et
d’éducation à la gestion des crises.

En fait, cette absence de culture du travail en commun trouve ses


justifications d’une part dans les divergences institutionnelles qui puisent
elles-mêmes leur fondement dans les logiques dissemblables auxquelles
répond la nature de la mission de chaque administration ou organisme et,
d’autre part, dans l’existence de susceptibilités entre certains acteurs qui se
traduisent par le refus des uns et des autres de s’engager dans un
quelconque travail en commun ou encore dans l’inacceptation ou
l’inadmission de toute idée de se soumettre à la volonté de l’autre ou
d’adhérer à toute option proposée par lui .

Cette prééminence d’actions sectorielles se traduit également par la difficulté


de mettre en œuvre les équipements d’intervention.

3 : Acquisition non concertée des équipements d’intervention

L’interopérabilité des équipements constitue une des clés de réussite de la


lutte contre les événements catastrophiques puisqu’elle permet d’engager, de
façon cohérente, sur les lieux du sinistre, les équipements provenant
d’horizons différents. Elle peut aussi faciliter la permutation ou le
remplacement des équipes par d’autres et ce, sans que les opérations de
secours en soient affectées. Ceci est d’autant plus nécessaire lors des
situations de grandes catastrophes qui sont généralement caractérisées par

109
l’arrivée massive de moyens de renfort, nombreux et diversifiés, qui
requièrent une mobilisation rapide et coordonnée.

La garantie de cette interopérabilité témoigne d’abord de la maturité et de la


volonté des pouvoirs publics qui envisagent de rationaliser les moyens tout
en garantissant l’efficacité du dispositif de protection et de secours, ensuite,
elle reflète l’existence d’une parfaite entente entre les différents
protagonistes ; enfin elle rassure sur la disponibilité de moyens de renfort et
de relève.

La plupart de ces objectifs est loin d’être atteinte non seulement sur le plan
national mais aussi et surtout dans la plupart de nos agglomérations
urbaines. A titre d’exemple, lorsque les sapeurs pompiers professionnels
interviennent pour un incident dans un aéroport, rien ne garantit que leurs
propres équipements seront adaptés aux équipements dont dispose le
service de sécurité et d’incendie dudit aéroport. Il arrive parfois que ces
équipements obéissent à des normes différentes et leur utilisation sera par
conséquent beaucoup plus aléatoire, c’est le cas lorsque des raccords des
tuyaux sont de dimension différente, selon qu’ils soient de fabrication
française, espagnole, anglaise ou américaine.

L’aboutissement à une interopérabilité totale des équipements est une action


qui doit faire partie d’une stratégie globale de rapprochement des acteurs les
uns des autres, englobant d’autres aspects tels que l’établissement de projets
de partenariat, l’organisation d’exercices communs de simulation, la
programmation de sessions de formation multisectorielle, ce qui est rendu
encore plus difficile par l’absence de programmes communs d’action.

Le défaut de programmes communs d’action n’a pas toujours pour origine le


manque d’initiative des acteurs impliqués ou encore moins une mauvaise

110
foi de leur part. Il est plutôt le résultat de l’organisation du système de
gestion des risques dans sa globalité.

En définitive, c’est toute une série de pratiques sectorielles et peu


coordonnées qui ont été derrière la difficulté à optimiser les moyens, mais
qui constituent aussi une source d’imperfections qui entachent l’engagement
opérationnel de ces moyens.

§2 : Imperfection des dispositifs opérationnels

Lorsqu’une catastrophe survient, il est souvent constaté des hésitations et


parfois même des désordres dans la conduite des opérations et dans les
procédures d’engagement des moyens opérationnels. Ces
dysfonctionnements résident principalement dans le caractère improvisé des
secours et dans l’insuffisance du mécanisme de coordination entre les
différents intervenants.

A : Insuffisance de la planification des secours

Un incident catastrophique d’origine naturelle ou technologique entraîne le


dysfonctionnement de l’organisation en place. L’expérience indique que la
gestion d’une crise implique plusieurs éléments indissociables : une
connaissance spécifique des catégories de risques, une capacité de réaction
rapide et une unité de comportement. Ce n’est pas au moment où survient
l’événement que ces éléments se découvrent, mais par une réflexion à froid
et par une préparation minutieuse des réactions envisagées et des moyens
nécessaires. Cette préparation est notamment obtenue par la planification
des secours prévue par les plans d’urgence.

Les services compétents ont pris conscience de cette évidence depuis


longtemps puisque le processus de planification des secours au Maroc a
débuté depuis la fin des années 1950. Néanmoins, l’état de la planification

111
des secours est toujours jugé insuffisant par rapport à l’évolution que
connaît même la technique de la programmation à l’avance des actions à
entreprendre.

Cette insuffisance résulte particulièrement de l’inapplicabilité du plan


général d’organisation des secours et de la quasi- absence de plans
spécifiques d’urgence.

1: Inapplicabilité du plan d’organisation des secours (ORSEC)

Les principes de planification de l’organisation des secours trouvent leur


origine dans la circulaire du ministre de l’Intérieur n° 172/CL5 du 7
septembre 1966, donnant naissance au plan ORSEC. Ce plan a pour objet de
prévoir le recensement et les modalités d’emploi des moyens et
l’organisation du commandement pour faire face à une catastrophe. Il s’agit
d’un plan polyvalent qui peut être mis en ouvre quelque soit la nature du
sinistre.

Après plus de 15 ans d’évolution des risques, d’amélioration des techniques


de lutte face aux sinistres et d’organisation de secours, il s’est avéré
nécessaire de procéder à l’adaptation du plan ORSEC par la refonte de la
circulaire de 1966 et son remplacement par la circulaire n° 34/IPC/1 du 25
janvier 1983. Avant d’exposer les raisons de l’inapplicabilité de ce plan, il
semble intéressant de dresser brièvement les grandes lignes de son contenu.

a : Contenu du plan ORSEC

Le plan ORSEC a pour objectifs de garantir une meilleure organisation des


secours en évitant l’improvisation, le désordre et le gaspillage des moyens. A
cet effet, le plan ORSEC définit la méthodologie à adopter pour la gestion
d’une catastrophe sur le plan organisationnel, arrête la procédure à suivre

112
pour l’alerte des acteurs et prévoit le recensement des moyens de secours
mobilisables

a-1 : Procédure d’organisation des secours

L’intervention des secours publics face aux risques quotidiens s’accomplit


automatiquement en application des consignes et règlements propres à
chaque service public tels que les services opérationnels chargés de la
protection civile, les services de police en milieu urbain ou ceux de la
gendarmerie royale en milieu rural.

Toutefois, certains événements, d’origine naturelle ou dus aux activités


humaines, survenant sur un territoire déterminé, peuvent être d’une
exceptionnelle gravité en causant ou en risquant de causer la perte de
nombreuses vies humaines et de biens matériels et à l’ampleur desquels la
localité concernée n’a pas les possibilités de réponse.

La lutte contre les effets de ces événements exige l’intervention de


personnels spécialisés, la concentration de moyens de secours variés,
adaptés, puissants, parfois dispersés sur le territoire national. De plus, les
opérations de secours peuvent se prolonger pendant plusieurs jours (cas du
séisme d’Al Hoceima). Dans de telles situations, il est nécessaire d’agir
rapidement et efficacement. Le plan ORSEC est donc conçu pour pallier la
disproportion qui peut exister entre les moyens de secours de la localité
sinistrée et l’ampleur de la catastrophe. Cela est d’autant plus vrai que les
situations de catastrophes, en l’absence d’une planification prévisionnelle
adaptée, se caractérisent souvent par la confusion, l’indécision et
l’improvisation ainsi qu’une absence criante de coordination entre les divers
intervenants aux différents échelons, l’inadéquation des secours proposés

113
par rapport aux besoins réels et, inévitablement, la saturation des services et
réseaux de secours.

En effet, la survenance d’une catastrophe implique l’entrée en action


d’intervenants très nombreux, d’origines très diverses, avec une formation et
des méthodes de travail souvent fort disparates. Pour combattre des
situations de confusion et de désorganisation susceptibles de naître de tels
événements, il est nécessaire de tracer un cadre commun aux différents
intervenants, quelle que soit leur origine et quelle que soit la nature de la
catastrophe.

A ce titre, le plan ORSEC propose une organisation judicieuse du


commandement opérationnel grâce à une division rationnelle des tâches. A
chaque fois qu’une catastrophe survient, les différents intervenants publics
et privés doivent s’organiser en six groupes, appelés « services ORSEC »,
constitués sur la base du critère de la complémentarité de structure et de
mission. Il s’agit des services des liaisons et des transmissions, de police et
de maintien de l’ordre, de secours et de sauvetage, de santé et de soins
médicaux, d’accueil et d’hébergement.

a-1-1 : Service « liaisons et transmissions »

Ce service devra regrouper tous les moyens humains et matériels de la


collectivité concernée auxquels il pourra être recouru en cas de catastrophe
ou de menace de survenance d’une catastrophe pour accomplir notamment
les missions ci-après :
- utiliser, réparer et mettre en place les moyens de transmission nécessaires à
la diffusion des informations sur l’évaluation de la situation dans la zone
sinistrée et son évolution ;

114
- assurer et contrôler la transmission des messages tant à l’intérieur de la
zone sinistrée que vers l’extérieur.

a-1-2: Service « police et maintien de l’ordre »

Ce service se compose des moyens organiques des services des corps


organisés en fonction dans la collectivité concernée à savoir la police, la
gendarmerie royale, les forces auxiliaires, renforcés en cas de besoin par les
effectifs de l’armée.

Le service police et maintien de l’ordre a pour missions :

- maintenir l’ordre dans la zone sinistrée ;


- assurer la régulation routière (jalonnement d’itinéraires, barrage des
routes) ;
- faciliter la liberté de mouvement aux équipes de secours et de sauvetage
sur les lieux du sinistre ;
- informer le commandement des opérations sur l’évolution de la situation ;
- assurer la protection des biens ;
- exécuter les réquisitions (99);
- identifier les personnes (survivants, décédés) ;
- assurer dans la zone sinistrée et les centres d’accueil la surveillance, la
lutte contre le vol, le pillage, la spéculation.

a-1-3 : Service « secours et sauvetage »

Les moyens de ce service sont essentiellement ceux des services de la


protection civile qui sont renforcés lorsque les circonstances le nécessitent
par les moyens organiques d’autres administrations et organismes tels que le

99
) Les réquisitions s’opèrent en vertu des dispositions du dahir du 11 mai 1931 sur les réquisitions à effectuer pour le
maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques

115
Croissant Rouge, l’entraide nationale, la jeunesse et les sports, les
organisations bénévoles ; etc..
En cas de catastrophe, le service de secours et de sauvetage s’occupe des
actions suivantes :
- reconnaissance des lieux et de la nature du sinistre ;
- engagement des moyens pour réduire ou neutraliser la source du danger ;
- extinction des incendies ;
- sauvetage des personnes et des biens ;
- dégagement des ensevelis ;
- secours d’urgence aux blessés, noyés et asphyxiés ;
- organisation logistique dans le cadre des opérations de sauvetage tels que
les manœuvres de force, le découpage de métaux, les opérations de
relevage, l’éclairage de fortune, la protection contre les matières
dangereuses, etc.

a-1-4 : Service « santé et soins médicaux »

Le service santé et soins médicaux se compose essentiellement des moyens


organiques du département en charge de la protection de la santé de la
population qui seront renforcés, le cas échéant, par les moyens des autres
organismes et personnes physiques et morales auxquels il pourra être
recouru par entente ou par réquisition (Croissant Rouge, services
vétérinaires, services d’hygiène, entreprises privées d’ambulances, médecins
privés de différentes spécialités, etc..).

Les missions de ce service dans le cadre de la gestion des catastrophes


peuvent être résumées comme suit :

116
- installation près des lieux de postes sanitaires disposant de personnels
qualifiés notamment dans les domaines de la médecine de catastrophe , du
traitement d’urgence des blessés, etc..
- réception des victimes amenées par le service de secours et de sauvetage ;
- tri des blessés (blessés légers, blessés à traiter sur place, blessés à évacuer
vers les hôpitaux) ;
- premiers soins médicaux et transports sanitaires ;
- mesures d’hygiène et de salubrité dans le secteur sinistré, les centres
d’accueil et les camps d’hébergement ;
- mesures d’hygiène et de prévention des épidémies : enfouissement des
cadavres d’animaux, etc..

Il y a lieu de rappeler l’importance particulière de la formation des différents


intervenants en matière de secourisme dans le cadre de ce service pour les
interventions sur place, avant la prise en charge des victimes par les hôpitaux
(100).

De même pour les médecins qui, pour parer aux difficultés qui peuvent
surgir sur le plan de la santé lors des situations de catastrophe, doivent
recevoir une formation appropriée dans le domaine de la médecine
d’urgence et des catastrophes.

a-1-5 : Service « transports et travaux »

Le service transports et travaux est organisé autour des moyens organiques


des départements de l’équipement, des travaux publics et des transports
auxquels s’ajoutent les moyens de tout autre service, public ou privé,

100) On notera toutefois un décalage entre la volonté des rédacteurs du Plan ORSEC et la réalité sur le terrain
concernant particulièrement cet aspect de formation en matière de secourisme, dans la mesure où les personnels
ayant subi une instruction performante sont peu nombreux. Pire encore, aucun département n’est juridiquement
habilité à octroyer un diplôme attestant de la qualification d’une personne à exercer un acte de secourisme.

117
susceptible d’apporter sa contribution dans l’accomplissement notamment
des tâches suivantes :

- fourniture et coordination des moyens de transport nécessaires à la


direction des opérations et aux autres services engagés ;
- ouverture, dégagement et rétablissement des voies de communication
nécessaires à la poursuite des opérations de secours ;
- transport de matériels et d’équipements nécessaires ;
- transport des sans-abri vers les centres d’accueil et les camps
d’hébergement ;
- évacuation de la population des zones menacées.

a-1-6 : Service « accueil et hébergement »

Ce service est en principe sous la responsabilité des autorités de la protection


civile de la collectivité concernée. Celles-ci pourront bénéficier du concours
d’autres institutions publiques ou privées telles que le Croissant Rouge, les
organismes d’assistance sociale, l’entraide nationale, la jeunesse et les sports,
les organisations bénévoles. En cas de sinistre, le service de l’accueil et de
l’hébergement aura à effectuer, entre autres, les tâches suivantes :
- constitution de centres d’accueil et de camps d’hébergement ;
- réception, rassemblement, et réconfort des sinistrés ;
- distribution des articles de première nécessité (vivres, eau, matériel de
couchage, effets vestimentaires, etc..) ;
- solution des problèmes des malades, nourrissons, enfants.
L’action des différents services est dirigée par le gouverneur de la préfecture
ou de la province, qui joue alors le rôle de directeur des secours.

118
a-2 : Procédure d’alerte des intervenants

En plus de la méthodologie organisationnelle à adopter en cas de


catastrophe, la plan ORSEC définit la conduite à suivre pour permettre une
montée rapide de l’information donnée par le témoin d’un accident ou d’un
sinistre et une diffusion appropriée de l’alerte aux autorités.

a-3 : Recensement des moyens

Pour permettre une mobilisation rapide des moyens de secours, le plan


ORSEC prévoit le recensement, à l’avance, des moyens publics et privés
susceptibles d’être mis en œuvre en cas de catastrophe ainsi que les
conditions de leur emploi par l’autorité compétente. Autrement dit, le plan
ORSEC préconise de réaliser un recensement complet, suivant un canevas
standardisé et constamment remis à jour, de tous les moyens de secours,
humains et matériels, publics et privés, disponibles dans l’entité
administrative concernée. Cela suppose la tenue d’un mémorandum dans
lequel seront notées toutes les indications les plus précises possibles pour
une mobilisation rapide en cas de besoin des potentialités nécessaires, aussi
bien humaines que matérielles (101).

Malgré sa pertinence et sa raison d’être justifiée à plus d’un titre,


l’organisation des secours ainsi décrite n’arrive pas encore à être
suffisamment ancrée dans les habitudes et dans la pratique.

b : Raisons de l’inapplicabilité

101) Les coordonnées complètes tant des responsables que des différents autres intervenants, avec l'indication des
différents moyens d'alerte de ces personnels, de jour comme de nuit (adresse, téléphone, fax, télex, etc.. );
- Les permanences à assurer aux différents échelons administratifs et techniques;
- Le schéma de transmission de l'alerte aussi bien à l'intérieur de la collectivité concernée que vers les échelons
supérieurs;
- L'état et la localisation exacte des équipements et moyens matériels (lieux de stationnement des véhicules et des
engins, lieux d'entreposage des denrées alimentaires, de produits pharmaceutiques, etc..).

119
Deux arguments peuvent être avancés pour expliquer le défaut
d’application intégrale du plan ORSEC. Il s’agit de la méconnaissance de la
philosophie de ce plan, de sa forme juridique et de l’absence de test mettant
à l’épreuve les mécanismes de coordination qu’il prévoit.

b-1 : Méconnaissance de la philosophie du plan ORSEC

Pour les personnes bien averties, le plan ORSEC est un outil d’organisation
qui permet de gérer une catastrophe sans désordre et sans confusion
puisqu’il définit à l’avance les actions que chaque intervenant est appelé à
entreprendre et trace une conduite à tenir pour juguler les effets du sinistre
quelqu’en soit la nature. De ce fait, ce plan n’est pas un plan d’intervention,
ni encore moins une baguette magique permettant de résoudre tous les
aspects liés à la survenue de la catastrophe. Son objectif consiste seulement à
définir un cadre de travail pour les acteurs chargés de la gestion tout en leur
laissant la latitude de définir la stratégie à adopter pour faire face à toutes les
éventualités, sachant pertinemment qu’aucune catastrophe ne ressemble à
l’autre et qu’aucun plan de secours ne peut définir à l’avance et en détail les
actions à entreprendre pour protéger et secourir les personnes. C’est peut-
être pour cette raison qu’on n’hésite pas à invoquer souvent le dicton selon
lequel « l’imprévisible ne peut être codifié ».

C’est justement cette façon de voir qui fait souvent défaut aux personnes non
averties qui, tout en faisant la fausse similitude entre un plan d’organisation
des secours et un plan d’intervention, continuent à soutenir la thèse de
l’inefficacité du Plan ORSEC. Ils croient que ce plan, pour être efficient, doit
constituer une clé toute prête pour ouvrir toutes les serrures aux
combinaisons les plus complexes et de ce fait ils négligent l’apport ponctuel
de l’être humain et son génie qui sont au demeurant indispensables au

120
regard de la gestion de l’imprévisible dont les catastrophes constituent le
domaine de prédilection par excellence.

Pire encore, une catégorie de personnes à connaissances modestes dans ce


domaine, réduisent le plan ORSEC à un simple répertoire des moyens en
hommes et en matériels en ignorant que le recensement des moyens
logistiques, prôné par le plan ORSEC, n’est qu’un outil secondaire par
rapport à son objectif principal. Ils font un amalgame entre le plan lui-même
et le document préparé annuellement pour assurer ce recensement. A ce titre,
il convient de préciser que le plan lui-même contient une partie
organisationnelle qui, par définition, est immuable puisqu’elle arrête une fois
pour toutes la méthode à suivre en termes d’organisation et qui reste à juste
titre conforme aux principes universellement admis et une seconde partie qui
est, par hypothèse, très variable puisqu’elle porte sur les moyens qui peuvent
changer d’un jour à l’autre et nécessite par conséquent d’être
continuellement mise à jour.

Cette diversité d’avis et de croyances, souvent erronés, constitue la première


raison de son inapplicabilité ; la seconde a trait à la qualification de la forme
juridique donnée à ce plan.

b-2 : Forme juridique du plan

Depuis que le plan ORSEC a vu le jour, sa diffusion a été effectuée à deux


reprises par voie de circulaires du ministre de l’Intérieur. La question s’est
posée donc de savoir si un tel document est imposable ou non à tous les
acteurs appelés à le mettre en œuvre dans la mesure où la portée juridique
d’une circulaire a souvent été contestée(102).

102) En l’absence d’une jurisprudence nationale sur la question de la portée juridique d’une circulaire, son
« imposabilité » est souvent invoquée pour échapper à l’application de son contenu.

121
Concernant cette question, on peut dire qu’il existe deux courants. Le
premier, composé généralement des détracteurs à la position du ministère de
l’intérieur, estime que le plan ORSEC est dénué de toute force juridique
pouvant être imposée à tous les départements ; ils considèrent qu’il s’agit
tout simplement d’un document interne à ce ministère et n’engage par
conséquent que les services relevant de ce département.

Le second, tout en mettant l’accent sur la nécessité d’un tel instrument pour
la gestion des catastrophes, fait la différence entre le plan ORSEC lui-même
et le document par le canal duquel il est diffusé à savoir la circulaire du
ministre de l’Intérieur. Il s’appuie ainsi sur l’argumentation développée à ce
sujet en France pour justifier l’obligation de son applicabilité par tous les
acteurs impliqués dans le domaine des secours. En effet, à la suite de
l’élaboration du plan ORSEC français en 1952 sous forme d’instruction s’est
posée la question de la forme juridique de cette instruction. Celle-ci a
« conduit, non pas à faire différemment quelque chose que l’on faisait déjà dans les
préfectures, mais à faire quelque chose là où l’on ne faisait pratiquement rien,
simplement en édictant quelques obligations fonctionnelles supplémentaires pour les
agents en place sans incidence sur leur situation statutaire. Faut-il pour cela aller
encore plus loin et jusqu’à admettre que cette instruction dispose, par elle-même,
d’une véritable force juridique en dehors de l’administration ? Plus précisément,
présente-t-elle, en tout ou partie, un caractère réglementaire entraînant des
obligations pour les personnes qui n’appartiennent pas à l’appareil administratif de
l’Etat et qui ne sont pas, de ce fait, soumises au pouvoir hiérarchique s’exerçant en
son sein ? » (103).

Même si ce débat ne mène finalement à aucun résultat et ne réduit en rien la


valeur du plan ORSEC, il a tout de même contribué à la prise de conscience

103) Voir MARION (J) et PRETOT (X) : « la sécurité civile du temps de paix et le droit », éd. Néret 1986, pp 82 et 83.

122
sur la nécessité de donner à cet outil d’organisation des secours une forme
juridique plus élevée sur la hiérarchie normative.
A notre avis, il serait préférable de dépasser ce dilemme et de s’atteler à sa
mise à l’épreuve à travers des exercices de simulation.

b-3: Absence de mise à l’épreuve du Plan ORSEC

Avant que le plan ORSEC ait vu le jour, les textes juridiques avaient prévu la
nécessité d’organiser des exercices de simulation pour tester les capacités de
réaction des formations de secours(104). Ce principe a été réitéré par les
dispositions de la circulaire n°34/ IPC/I du 25 janvier 1983 précitée par le
biais desquelles le ministre de l’Intérieur avait précisé que « l’organisation des
secours que je vous fais parvenir […], étant susceptible d’amélioration, je vous
demanderais de bien vouloir la tester périodiquement par l’organisation d’exercices
théoriques en salle et pratiques sur le terrain ».

En effet, seul ce genre d’entraînement permet de créer des automatismes, de


détecter les failles, de faciliter la coordination entre les différents acteurs, de
tester l’interopérabilité des moyens et de corriger les éventuelles
imperfections. De plus, ce test constitue une incitation pour les autorités à
procéder à son déclenchement lorsque les circonstances l’exigent, sans
crainte d’un éventuel échec.

Or, dans les faits, peu d’exercices ont été organisés depuis l’institution de ce
plan. Les raisons invoquées partout sont presque identiques. C’est toujours
des arguments liés au calendrier, la question de la prise en charge des
dépenses résultant de l’engagement des moyens humains et matériels, la
crainte de susciter des inquiétudes chez la population suite au déploiement
massif des moyens de secours, etc. En réalité, ces arguments peuvent être

104) Voir article 9 du Dahir du 30 avril 1955 précité relatif à la protection civile.

123
qualifiés de faux prétextes car l’une des véritables raisons de cette léthargie
trouve ses explications dans la carence d’une culture du risque, la
méconnaissance du contenu de ce plan, voire l’ignorance même de son
existence.

A côté du plan d’organisation des secours ORSEC, qui demeure, comme il


vient d’être souligné, un outil d’organisation, les principes fondamentaux de
la planification posés par de nombreux pays exigent qu’il y ait des plans
d’intervention ou d’urgence. Ceux-ci n’ont pas reçu toute l’attention
nécessaire dans le cadre du dispositif de préparation en prévision
d’éventuelles catastrophes au Maroc.

2 : Quasi -inexistence de plans d’urgence

Il existe en général, dans de nombreux pays, des plans appelés « plans


d’urgence », ce sont des documents d’organisation, de définition des
missions de tous les acteurs, de planification des mesures à prendre,
précisées à partir de l’identification du risque et de ses conséquences
prévisibles.

Ces plans sont dans la plupart du temps, comme c’était le cas en France,
répartis en trois catégories : le Plan Rouge, le Plan Particulier d’Intervention
(PPI) et le Plan de Secours Spécialisé (PSS).

Le plan Rouge est destiné à porter secours à de nombreuses victimes ; il


prévoit les procédures de secours d’urgence à engager en vue de remédier
aux conséquences d’un événement entraînant ou pouvant entraîner de
nombreuses victimes. Il détermine les moyens, notamment médicaux, à
affecter à cette mission. Sa raison d’être réside dans le fait que lors de
catastrophes ou sinistres générant de nombreuses victimes, les secours
doivent faire face à un afflux brutal de victimes de toutes natures auxquelles

124
s’ajoutent de nombreux témoins impliqués, ou choqués qui paralysent en
quelques secondes les dispositifs de secours normaux.

Le Plan Particulier d’Intervention, quant à lui, est établi pour faire face aux
risques particuliers liés à l’existence ou au fonctionnement d’ouvrages ou
d’installations dont l’emprise est localisée ou fixe. Le Plan Particulier
d’Intervention est mis en œuvre lorsque l’accident, par sa nature, sa durée,
ses premières manifestations, est susceptible d’entraîner des dangers à court
terme à l’extérieur de l’établissement. Il vise donc à assurer la sauvegarde et
la protection des populations et de l’environnement.

Enfin, le Plan de Secours Spécialisé est établi pour faire face aux risques
technologiques n’ayant pas fait l’objet d’un Plan Particulier d’Intervention ou
aux risques liés à un accident ou sinistre pouvant porter atteinte aux
populations ou à l’environnement.

Le Plan Particulier d’Intervention est complété par ce qui est communément


appelé le Plan d’Opération Interne (POI) qui, contrairement aux autres plans
qui sont établis par les autorités, est réalisé par les responsables des
établissements industriels dont les risques peuvent avoir des conséquences
limitées à l’enceinte de l’établissement. Il a pour objet de prévoir, à partir des
dangers potentiels présentés par l’établissement, les méthodes d’intervention
et les moyens nécessaires pour assurer la protection simultanée du
personnel, des populations avoisinantes et de l’environnement. Il vise en
particulier à définir les mesures d’organisation propres à l’établissement,
mettre au point les méthodes d’intervention internes et externes, prévoir les
moyens de secours de première, deuxième et troisième intervention, ceci afin
d’assurer en cas d’accident, incendie ou explosion, la sécurité du personnel,
du voisinage, des populations et de l’environnement.

125
Ce genre de plans d’urgence, réputés pour être modernes et plus élaborés,
ne trouve pas ses semblables au Maroc. Il n’existe que certains documents
qu’on appelle parfois des plans annexes par rapport au plan ORSEC qui sont
pour la plupart des documents très anciens puisqu’ils ont été élaborés vers la
fin des années 1950 et début 1960. Ces plans prescrivent les conduites à tenir
pour la prévention de certains risques et organisent en détail l’intervention,
en cas d’accident grave ou de catastrophe, des services chargés des secours
(105).

L’examen de la liste de ces documents permet de constater que la majorité


d’entre eux peuvent être mis en œuvre pour la gestion des sinistres qui
arriveraient à se produire en milieu urbain (106).
Il convient toutefois de souligner que ces plans d’intervention n’ont
aujourd’hui qu’une valeur symbolique (107) puisqu’ils sont dépassés et il n’y
a aucune volonté de les mettre à jour (108). La tendance penche à l’heure
actuelle vers la mise en place d’autres instruments de planification qui

105) Il y a lieu de constater que la France a tenté de simplifier la planification des secours, considérée comme étant trop
lourde en raison du nombre très élevé des plans prévus par la réglementation. En effet, la loi du 13 août 2004 a
prévu de réduire ce nombre en imposant uniquement des plans ORSEC à trois niveaux national, zonal et
préfectoral avec la possibilité de leur adjoindre des annexes relatives aux mesures à prendre pour les risques
spécifiques. De ce fait, la France a adopté en fin de compte une démarche raisonnable qui rejoint en quelque sorte
l’approche suivie par le Maroc au début des années 1960.
106) SINON : Plan de secours en cas d’inondation : Circulaire n° 2890 INT/DA/T3 du 14/2/1957, annulée. Circulaire
n° :285 INT/CL5 du 13/12/1963
SECBI : Plan de secours en cas d’incendie dans les bidonvilles : Circulaire n° 12.741 INT/DA/T3 du 14/8/1958.
Circulaire n° 13.840 INT/DA/T2 du 5/9/1958.
SECOL : Plan de secours en cas d’incendie dans les établissements scolaires : Circulaire n° 19968 INT/DA/T3 du
19/12/1958. Annulée par Circulaire n° 321 INT/SG/PCS/2 du 8/1/1963.
SEFER : Plan de secours en cas d’accident de chemin de fer : Circulaire n° 2.400 INT/DA/T3 du 25/8/1960
SECBU : Plan de secours en cas d’accident imputable à l’emploi du gaz butane et propane : Circulaire n° 14.538
INT/DA/T3 du 25/8/1960.
SATER : Plan de secours air-terre en cas de feux d’avions : Circulaire n° 181 SG/PCS/2 du 19/2/1962.
HOSTO : Plan de secours en cas d’incendie dans les établissements hospitaliers : Circulaire n° 25 du 8/4/1964.
SECHY : Plan de secours en cas d’incendie dans les dépôts d’hydrocarbures : Circulaire n° 39 du 24/2/1965.
SETROU : Plan de secours en cas de troubles sur la voie publique : Circulaire n° 65 du 9/4/1965.
SECBO : Plan de secours en cas d’incendie dans les bâtiments officiels : Circulaire n° 240 CL/5 du 27/12/1965.
SEISME : Plan de secours en cas de tremblement de terre : Circulaire n° 33 CL/5 du 4/2/1966.
SEBAR : Plan de secours en cas de rupture de barrage : Circulaire n° 171 CL/5 du 7/9/1966.
107
) Ces plans ont le mérite d’exister sans pourtant qu’ils soient appliqués en raison de leur contenu qui n’est plus
adapté au contexte administratif, juridique et matériel de notre pays.
108
) Logiquement, il appartient à la Direction de la Protection Civile de mettre à jour ces plans d’intervention.
Cependant, sa volonté est confrontée à l’opposition des autres acteurs qui tendent à parrainer l’opération de
conception de nouveaux plans de secours.

126
répondent aux exigences du moment et qui reçoivent l’adhésion de tous les
partenaires impliqués dans le domaine des secours, tout en veillant à ce
qu’ils aient un fondement juridique incontestable (109).

Quant aux plans d’opérations internes aux établissements, il faut reconnaître


que malgré l’absence de toutes normes imposant aux établissements
présentant un caractère de dangerosité, d’insalubrité ou d’incommodité, la
mise en place de ce genre de plans, nombreux sont ceux qui prennent des
initiatives volontaristes dans ce sens. Il s’agit en général de firmes
internationales implantées au Maroc et qui sont par hypothèse imprégnées
par la culture de la prévention des risques imposée par les sociétés mères.
Pour les entreprises et établissements publics nationaux, seules certaines
unités suivent cette politique. On peut citer à titre d’exemple l’ODEP, les
centres emplisseurs, l’ONCF et l’ONDA.

Il serait souhaitable que tous les établissements à un certain seuil


d’importance soient dotés de Plan d’Opération Interne à même de faire face,
d’une manière organisée, à tout début de sinistre en attendant l’intervention
des moyens publics de secours. Pour cela, il est important qu’un texte
réglementaire rende cette opération obligatoire.

En l’état actuel des choses et en l’absence d’instrument consensuel


d’organisation des secours, on note un manque de coordination au niveau de
l’intervention des acteurs notamment en cas de sinistre important qui exige
l’engagement de moyens d’intervention considérables.

109
) Il convient de souligner que le ministère de l’Intérieur a élaboré et soumis à la procédure d’approbation un projet
de décret relatif aux Schémas Directeurs de gestion des risques, aux Plans d’organisation des secours et aux Plans
d’urgence en matière de protection civile. Les Plans d’organisation des secours comprennent un plan national, des
plans régionaux et des plans préfectoraux et provinciaux. Quant aux Plans d’urgence, ils sont répartis en trois
catégories : des plans particuliers d’intervention, des plans destinés à porter secours à de nombreuses victimes et
des plans spécialisés liés à un risque défini.

127
B : Manque de coordination entre les acteurs

Mission partagée par excellence, la gestion des catastrophes suppose une


conjugaison renforcée des efforts et une coordination soutenue, avant,
pendant et après l’événement, entre les différents acteurs appelés à participer
à toutes les phases de cette gestion.

Par le passé, on pouvait faire face aux différents sinistres, dont la portée était
relativement limitée, par les simples moyens des services de secours et de
lutte contre l’incendie qui arrivaient à circonscrire les effets de ces sinistres.
Aujourd’hui, avec la forte concentration des populations, la variété et la
complexité des risques, un simple accident peut facilement se transformer en
une véritable catastrophe difficilement gérable. Cette situation exige
l’intervention d’une diversité d’acteurs dont la cohérence des actions impose
un rapprochement des points de vue et des démarches nécessaires pour
affronter un événement exceptionnel dans les meilleures conditions. Tel n’est
pas le cas à l’état actuel dominé par le défaut d’une approche consensuelle
d’engagement des moyens (A) et par l’absence de procédures préalables
d’engagement de renforts (B).

1 : Défaut d’approche consensuelle d’engagement des moyens

Lors d’une intervention pour un quelconque sinistre, deux hypothèses sont


envisageables : soit le sinistre est facilement gérable par les moyens
ordinaires, soit son ampleur est tellement importante ou présente des
spécificités telles qu’il est nécessaire de recourir à des intervenants
inhabituels. Pour l’une et l’autre de ces deux hypothèses, on n’est pas encore
arrivé à dégager une approche à même de rationaliser les moyens et d’éviter
le chevauchement des attributions.

128
a : Engagement des services normaux de secours

A l’exception des risques courants pour lesquels il est fait appel uniquement
aux sapeurs pompiers, dès qu’un sinistre d’une grande importance survient,
on assiste à une intervention plus ou moins massive de plusieurs services
dépendant de départements ministériels et d’organismes différents qui
disposent de compétences et de matériels susceptibles d’être mis à
contribution dans la gestion globale de l’événement. On constate ainsi
l’intervention des différents services de l’ordre (sûreté nationale,
gendarmerie royale, forces auxiliaires), les services opérationnels de la
protection civile, les services de la santé, le Croissant Rouge, etc.

Il arrive parfois que le cumul des moyens dépasse largement les besoins
réels ; cette inadéquation, loin de constituer un atout pour les responsables
de la gestion des sinistres, peut devenir une source de désordre et une
véritable entrave pour le déroulement des opérations de secours. Sous l’effet
de la panique et de la pression des sinistrés et des badauds, les personnels de
secours intervenant ont souvent tendance à transgresser leur domaine de
compétence sans que le savoir-faire nécessaire pour accomplir tel ou tel acte
leur soit reconnu. Il n’est pas surprenant de voir un agent de police participer
au sauvetage des victimes et un pompier contribuer au maintien de l’ordre
public.

Cette situation résulte principalement de l’absence d’approche préalable


d’engagement des moyens qui est elle-même la conséquence d’un manque
de coordination entre les différents partenaires qui n’ont souvent l’occasion
de se concerter que lors de la survenue d’un sinistre. Les raisons sont
également en lien direct avec les problèmes soulevés antérieurement à savoir
le défaut de planification préalable, la logique de concurrence et les
divergences d’ordre professionnel.

129
La situation se complique davantage lorsque, pour une raison ou pour une
autre, il est fait appel à des intervenants inhabituels.

b: Manque de cadre pour les intervenants occasionnels

En général, c’est la nature du sinistre qui détermine les acteurs et la


consistance des moyens à engager. En tout état de cause, il arrive souvent
que certains sinistres présentent des spécificités qui imposent le recours à
une expertise bien déterminée ou à des équipements particuliers que les
services ordinaires de secours ne possèdent pas ou encore qui se révèlent
insuffisants par rapport à l’ampleur de l’événement (110).

On fait alors appel à des organismes spécialisés qui disposent du savoir-faire


désiré et des équipements dont la mise en œuvre est sollicitée mais dont le
concours n’est pas généralement prévu à l’avance.

L’intégration de cette catégorie d’intervenants dans le dispositif de sécurité


déjà mis en place pose souvent des difficultés en particulier lorsqu’il s’agit
d’un organisme qui manque d’expérience pour intervenir dans des situations
de péril et de désordre. En effet, outre le fait qu’il faudrait suffisamment de
temps pour faire un état des lieux pour cet intervenant occasionnel, se pose
le problème de l’interopérabilité des moyens lorsqu’il s’agit de mettre en
œuvre d’autres équipements supplémentaires, celui de la capacité ou de
l’incapacité des personnels arrivés sur place à travailler avec la célérité
requise dans de telles situations, ou encore l’acceptation ou non de ce
personnel à se soumettre à la procédure de commandement instaurée sur les
lieux.

110) Par exemple, à la suite des inondations qui ont touché Mohammedia en 2002, et l’incendie de la raffinerie la
SAMIR qui s’en est suivi, le besoin s’est fait sentir de mesurer le degré de toxicité et d’explosivité de l’air par suite
de dégagement de gaz et de fumée dans l’atmosphère.

130
Ce sont ces problèmes, parmi d’autres, qui justifient la mise en place
préalable d’une approche réfléchie, discutée et entérinée de façon
consensuelle par tous les partenaires réels et potentiels, auxquels il pourrait
être fait appel pour les sinistres selon les différents scénarios d’accidents
envisageables et probables, en dehors des incidents des risques courants.
Parallèlement à cette action de réflexion probabiliste, il convient d’établir des
procédures pour l’engagement des renforts non disponibles dans la ville
concernée et ce pour faire face à une catastrophe de grande ampleur.

2 : Absence de procédures d’engagement des moyens exogènes de renfort

Dans un pays comme le notre, où la plupart des villes ne sont pas dotées de
moyens suffisants pour affronter un sinistre majeur, les services publics de
secours ont souvent recours à des moyens de renfort sollicités dans les villes
limitrophes ou au niveau central. Ceux-ci peuvent être constitués des
moyens organiques de ces services ou provenir de l’armée ou encore du
secteur privé. Dans tous les cas, certaines difficultés apparaissent.

a : Difficultés de la montée en puissance des moyens

Outre le fait que dans une ville où existent deux ou plusieurs unités de
secours se pose le problème de l’engagement ou non de tous les moyens
disponibles dans ces unités au risque de vider le centre de secours
pourvoyeur de ses moyens et partant, de pénaliser la collectivité au cas où
un accident surviendrait sur son territoire, se pose également, presque dans
les mêmes termes, le problème de la demande de moyens de renforts
exogènes. En effet, en l’absence de procédures préétablies, deux cas de figure
se présentent souvent :
- soit la situation est surévaluée et dans ce cas les différents intervenants se
précipitent pour demander des moyens de renforts à leur administration

131
supérieure respective, qui donne généralement une suite favorable à leurs
requêtes selon les besoins exprimés. On se trouve alors face à un surplus de
moyens inutiles qui poseront des problèmes de saturation et de prise en
charge des dépenses y afférentes.

- soit que la situation est sous-évaluée et la gestion du sinistre se trouve


ainsi affectée par l’insuffisance des moyens engagés.

Pour éviter de tels scénarios, les spécialistes des secours établissent souvent
des procédures de montée en puissance des moyens. Ces procédures se
basent principalement sur l’évaluation progressive de l’évolution du
sinistre ; à chaque étape correspond un listing des équipements et des
moyens à solliciter en renfort, leur origine et leur consistance. Dans ce listing,
la priorité est donnée aux moyens publics de secours par rapport aux
moyens appartenant à l’armée ou au secteur privé et ce pour des raisons de
facilité de mobilisation et d’engagement sans difficultés procédurales
administratives majeures. Cette action d’anticipation est souvent le fruit d’un
travail collégial entre les différents partenaires.

Dans notre pays, dans les meilleurs des cas, ce genre de travail se fait de
façon sectorielle (111) ; ce manque de coordination offre parfois l’occasion à
l’amplification des demandes de renfort battant ainsi en brèche les impératifs
de rationalisation et d’économie qui n’ont pas à être justifiés pour un pays
comme le notre.

L’autre aspect qui témoigne du manque de procédures d’engagement des


renforts a trait aux difficultés liées à la mobilisation des moyens de l’armée.

111 ) Chaque intervenant prévoit la montée en puissance de ses propres moyens sans tenir compte des moyens
susceptibles d’être engagés par les autres acteurs.

132
b: Difficultés de mobilisation des moyens de l’armée

Depuis longtemps, l’armée a fait ses preuves dans l’intervention pour des
situations de catastrophes à côté des organismes civils de secours ; la
consistance des moyens dont les Forces Armées Royales (FAR) disposent, la
rigueur et la discipline qui caractérisent le fonctionnement de leur personnel
sont des atouts pour l’efficacité de leur engagement dans des situations
particulièrement dangereuses. Néanmoins, l’organisation hiérarchisée des
FAR fait que le recours à leur assistance pose parfois des problèmes de
procédures.

Il faut d’abord s’assurer de la nécessité de l’intervention de ces forces à


travers une évaluation objective de la situation, car il faudrait éviter que le
recours à l’armée ne soit systématique; il doit rester exceptionnel ; il ne
s’impose que pour des situations d’extrême complexité et au cas où les
décideurs ont des certitudes sur l’insuffisance des moyens de secours civils
ou encore lorsqu’ils sont convaincus que la situation risque de prendre
d’autres dimensions qui sortent du cadre des opérations de secours.
L’importance de cette décision et son impact impose parfois qu’elle soit prise
par des autorités politiques de concert avec les autorités militaires.

Par ailleurs, il conviendrait de solliciter l’intervention des FAR en suivant les


procédures établies qui partent généralement du niveau local pour atteindre
en fin de parcours l’Etat Major Général à Rabat avant de pouvoir recevoir
l’avis favorable pour intervenir. Toutefois, Il faut reconnaître que les
procédures ont commencé à être assouplies puisque une note de l’Etat-major
des FAR établie récemment donne la possibilité aux commandants des places
d’armes d’engager, si la situation l’exige, des moyens limités, sous certaines

133
conditions, en attendant les instructions particulières des autorités
supérieures.

Cette difficulté à mobiliser des moyens autres que ceux dédiés intégralement
aux secours concerne non seulement les militaires mais aussi les moyens
privés.

c: Difficultés de recours aux moyens privés

La mobilisation des moyens du secteur privé ne relève pas, contrairement à


ceux de l’armée, d’un quelconque problème de décision mais plutôt d’une
logique économique et parfois des contraintes du temps.

L’activation des moyens appartenant à des acteurs privés pose souvent des
problèmes de prise en charge des coûts de cette mobilisation et la partie qui
aura à les supporter. Du moment où l’on considère que le secours est une
mission de service public, devant être assurée principalement par les services
de l’Etat, l’intervention du secteur privé n’est pas obligatoire et au cas où elle
est effectuée, elle donne droit à indemnisation (112). Ce principe est atténué en
raison du recours, dans la majorité des cas, à des entreprises publiques. Les
services de secours ont parfois obtenu, non sans difficulté, l’assistance de
certains acteurs privés mais des demandes répétitives finissent par être
rejetées. A défaut de mécanismes institutionnalisés de rémunération des
services rendus en matière de secours, les acteurs privés hésitent à apporter
un soutien conséquent d’autant plus que dans ce domaine, on sait quand est–
ce qu’on intervient mais on ne sait jamais quand les opérations prendront fin
et quel sera leur coût.

112) Le fondement juridique pour l’indemnisation pourrait être trouvé dans les dispositions du Dahir du 11 mai 1931
sur les réquisitions à effecteur pour le maintien de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité publiques. Ce texte
prévoit le droit à indemnisation lors d’une réquisition ; toutefois, il ne se réfère qu’à des personnes physiques, la
réquisition des personnes morales n’y étant pas expressément prévue.

134
Par ailleurs, il est évident qu’on ne peut compter en permanence sur les
entreprises car il est bien connu que les sinistres et les catastrophes ne
surviennent pas souvent dans les jours et les heures ouvrables. Aussi
l’obtention des moyens peut-elle être contrecarrée par l’indisponibilité de
l’entreprise ou par le manque du personnel qualifié pour les faire
fonctionner. De plus on ne peut négliger le risque qui pourrait résulter d’une
situation de grève (113).

De toutes les façons, il est très difficile de fixer des procédures rigides de
mobilisation des moyens de secours privés.

En plus de la difficulté à optimiser les moyens disponibles et des contraintes


liées à l’imperfection des dispositifs opérationnels, on relève également une
insuffisance des crédits dédiés à la préparation en prévision des catastrophes
et ceux réservés à l’organisation des secours.
§3 : Insuffisance des moyens
Cette insuffisance concerne à la fois les ressources budgétaires et les
équipements et infrastructures de secours.

A : Ressources financières
Les ressources financières dont il est question ici sont celles destinées à la
préparation des infrastructures d’alerte, d’alarme, aux centres de secours,
aux équipements d’intervention et autres matériels de secours et de
sauvetage ainsi qu’à la formation des personnels et à leur rémunération.

1 : Budget dédié à la préparation en prévision des catastrophes


En ce qui concerne les équipements et infrastructures, il convient de noter
qu’à l’exception des fonds engagés pour l’acquisition des matériels

113 ) Les dispositions sur les réquisitions prévues par le dahir précité précisent qu’il est possible de procéder à la
réquisition des personnels des entreprises sans toutefois énoncer explicitement s’il est possible de disposer aussi
des équipements de secours en leur possession.

135
spécifiques pour certaines administrations ou organismes ayant une double
vocation, tels que les matériels destinés à la surveillance des phénomènes
atmosphériques susceptibles d’être utilisés à d’autres fins en plus de la
prévision des risques, l’essentiel du budget relatif à la préparation en
prévision des catastrophes pouvant toucher exclusivement le milieu urbain
se rapporte aux crédits inscrits dans le budget de la Direction de la protection
civile. C’est la raison pour laquelle l’évaluation de ce budget portera
uniquement sur les fonds habituellement mis à la disposition de cette
Direction.

Avant d’examiner en détail la consistance du budget réservé à cette


institution, il est nécessaire de souligner que jusqu’à une date récente qui
correspond à l’entrée en vigueur du texte relatif au Fonds spécial pour le
soutien et la promotion de la protection civile (114), celle-ci avait d’immenses
difficultés à s’équiper en fonction de ses besoins faute de moyens financiers,
en particulier dans la période comprise entre 1981 et 1997 où elle est passée
par des moments très difficiles.

Avant le transfert à l’Etat des services d’incendies et de secours opéré par la


loi de 1981 (115), les sapeurs pompiers, qui dépendaient des communes et qui
constituaient le principal organe sur lequel les pouvoirs publics pouvaient
compter pour l’organisation des secours et l’assistance aux populations
victimes des accidents de la vie quotidienne, étaient pris en charge sur le
plan financier par les collectivités locales aussi bien pour les salaires du

114) Fonds consacré par le dahir n° : 1-97-153 du 24 safar 1418(30 juin 1997) portant promulgation de la loi de finances
n° : 14-97 pour l’année budgétaire 1997-1998.
115) Loi promulguée par le dahir n° :1-82-210 du 9 moharrem 1405 (5 octobre 1984) relative au transfert à l’Etat des
services de secours et de lutte contre l’incendie relevant des communes et de la communauté urbaine de
Casablanca.

136
personnel que pour les achats des équipements nécessaires à l’exercice de
leurs missions (116).

Le rattachement de ces services à l’Etat, loin de régler les problèmes qui


l’avaient justifié, a mis en évidence l’incapacité ou du moins le manque de
volonté de l’Etat à assurer tout seul tous les besoins de ce corps, ce qui n’a
pas été sans conséquences sur la qualité de ses prestations, à telle enseigne
que les gestionnaires de ce corps étaient même incapables de maintenir en
état de fonctionnement les équipements qui avaient été acquis par les
collectivités locales.

De plus les prévisions faites sur la continuité de l’opération de financement


des services de secours et de lutte contre l’incendie par les communes n’ont
pu être concrétisées, puisque les dispositions contenues dans la loi dite de
transfert imposant la participation des communes à raison de 50% aux
dépenses d’équipement sont restées lettres mortes faute de texte
d’application de ladite loi.

Ce n’est qu’à partir de 1996, sous l’impulsion de la Direction de la protection


civile, que les pouvoirs publics ont fini par prendre conscience de la gravité
de la situation de sous-équipement des services de secours et ont approuvé
l’idée de l’institution d’un fonds spécial dédié à la protection civile. Ce fonds,
qui a été d’un grand secours pour une mise à niveau relative des services
opérationnels relevant de la direction de la protection civile, est alimenté
grosso modo par deux voies différentes : d’abord par la contribution des
communes en application de la loi dite de transfert117et ensuite par le produit
de rémunération des services rendus par la Direction de la protection civile

116) Certes, il y avait des décalages entre les communes puisque l’importance de la logistique mise à la disposition des
sapeurs pompiers dépendait largement de l’importance des communes sur le plan financier ; néanmoins, sur le
plan global, ces services étaient relativement mieux équipés au cours de la phase 1981-1997.
117) Aux termes de l’article 3 de ladite loi, les communes et la communauté urbaine de Casablanca participent , dans
les conditions fixées par voie réglementaire, aux dépenses de fonctionnement et d’équipement des services de
secours et de lutte contre l’incendie à raison de 50% de ces dépenses.

137
ainsi que par les dons, legs et toute autre recette118 . Il y a lieu de souligner
que la contribution des communes s’opère d’une manière indirecte puisque «
le montant global de la participation (…) est prélevé par le ministre de l’Intérieur sur
les crédits du compte d’affectation spéciale intitulé « part des collectivités locales
dans le produit de la taxe sur la valeur ajoutée » et versé au compte d’affectation
spéciale intitulé « fonds spécial pour la promotion et le soutien de la protection
civile » conformément aux dispositions de l’article 49 de la loi de finances n° :14-97
susvisée » (119).

De toutes les manières, les ressources financières, qu’elles soient budgétaires


ou extra- budgétaires, demeurent très modestes.

Ainsi, l’enveloppe globale destinée à l’investissement, accordée


annuellement à cette institution, varie, comme indiqué ci-dessous, entre 20 et
37 millions de DH.

Ces crédits sont répartis sur les différentes rubriques suivantes : achat de
terrain, construction de casernes et d’abris, travaux d’aménagement et
d’installation, achat de matériel technique, achat de véhicules et engins de
secours, achat de matériel naval, achat de matériel informatique et
études(120).

En ce qui concerne les ressources extra-budgétaires constituées


essentiellement de recettes du Fonds Spécial, il est à noter que celles-ci sont
en progression constante. Elles sont passées de 20 à 55 millions de Dh entre
1998 et 2005.

118) Voir Dahir n° :1-97-153 du 24 safar 1418 (30 juin 1997) portant promulgation de la loi de finances n° 14-97 pour
l’année budgétaire 1997-1998.
119) Voir art. 3 du décret n° 2-97-343 du 24 safar 1418 (30 juin 1997) pris pour l’application de l’article 3 de la loi n° 3-81
relative au transfert à l’Etat des services de secours et de lutte contre l’incendie relevant des communes et des
communautés urbaines, B.O n° 4495 bis du 24 safar 1418( 30 juin 1997).
120) Faute de crédits suffisants, certaines de ces rubriques sont rarement alimentées.

138
Ce qu’il y a lieu de retenir de l’analyse de ces chiffres est que les crédits
affectés à la direction de la protection civile sont infimes à partir du moment
où l’on a une idée sur le coûts des engins de secours et de sauvetage puisque
le prix d’une échelle mécanique avoisine les 3 MDH, celui d’un engin de lutte
contre l’incendie 2 MDH ou encore celui d’une ambulance médicalisée qui
est de l’ordre de 1,2 MDH.

Le cumul des ressources budgétaires et extra-budgétaires est loin d’atteindre


le montant nécessaire annuellement pour satisfaire les besoins urgents en
raison de l’importance du déficit en termes d’infrastructure et de logistique.

2 : Budget relatif à l’organisation des secours

La mise en œuvre des fonds nécessaires pour le financement des opérations


de secours incombe totalement, sauf à des exceptions près, à l’Etat. En effet,
pour faire face aux sinistres courants, toutes les charges résultant de la mise
en œuvre des secours sont assurées par les ressources mises à la disposition
de la Direction de la protection civile et des unités territoriales qui en
dépendent. Ceci est également vrai pour les autres services de l’Etat dont
l’intervention a été rendue nécessaire par les circonstances de l’accident ou
du sinistre qui assurent aussi le financement des dépenses engagées. La
contribution indirecte des communes dans le cadre du fonds spécial pour le
soutien et la promotion de la protection civile sert principalement à
l’acquisition des équipements et à la construction des centres de secours.

Dans les situations de catastrophe, il n’existe pas de mécanisme de


financement permanent à même de subvenir aux besoins urgents et
imprévus. Certes, chaque fois qu’un événement exceptionnel se produit, un
courant de solidarité se met généralement en marche ; des aides proviennent
aussi bien des différentes régions du pays que de l’étranger. Cependant cette

139
solidarité n’a pas de fondement institutionnalisé; le principe constitutionnel
énoncé par l’article 18 selon lequel « tous supportent solidairement les charges
résultant des calamités nationales » n’a pas encore bénéficié d’une application
concrète sur le plan juridique. Il y a lieu de souligner que les soutiens de
solidarité consistent souvent en des aides en nature (tentes, couvertures,
produits de subsistance,…) ; il est rare que ces aides portent sur des fonds
susceptibles d’être mis à la disposition d’organismes d’intervention pour
couvrir les frais résultant de l’engagement des moyens humains et matériels.
Il ne faut pas omettre de préciser que l’organisation des secours ne s’achève
pas dès la fin de la situation d’urgence puisque généralement les actions
continuent dans le temps pour garantir la prise en charge des victimes
blessées ou celles restées sans abris, assurer la réparation des dommages
subis par l’infrastructure et les équipements de base, bref assurer la
réhabilitation et la remise en état de tout ce qui a été anéanti par la
catastrophe. Evidemment toutes ces opérations ont un coût dont la prise en
charge n’est pas prévue sachant qu’il n’existe ni fonds de solidarité ni
mécanismes d’indemnisation des victimes des sinistres.

L’insuffisance des moyens financiers est considérée comme la cause


principale de la modestie des équipements et des infrastructures de secours.

B : Modestie des équipements et infrastructures de secours

A défaut de statistiques fiables sur les moyens matériels et les infrastructures


qui peuvent être mis à contribution par les différents acteurs, l’évaluation
des moyens destinés aux secours portera uniquement sur les moyens des
services de la protection civile, d’autant plus que ces services disposent de
l’essentiel de la logistique sur le plan national si l’on excepte les moyens de
l’armée, étant entendu que ces derniers ont en principe une autre destination.

140
Un regard sur les équipements de la Direction de la protection civile montre
qu’en dépit des efforts accomplis au cours des dix dernières années pour le
renforcement des moyens opérationnels d’intervention, des déficits notoires
peuvent encore être relevés pour certaines catégories d’engins et de
structures.

Ainsi, pour les moyens mobiles d’intervention, on peut constater que les
centaines d’engins, acquis depuis 1997, n’arrivent pas encore à couvrir
l’intégralité des agglomérations compte tenu de l’importance des besoins, de
la difficulté à suivre la cadence du développement des villes marocaines et
de la demande croissante des populations en matière de secours.

En ce qui concerne les équipements médicaux, il y a lieu de souligner que la


revalorisation de l’activité de prise en charge sanitaire des victimes des
accidents et sinistres a nécessité un investissement très lourd pour
l’acquisition d’un matériel de transport et d’hébergement performant. La
quantité de l’équipement acquis pendant la dernière décennie, quoique
importante, demeure disproportionnée par rapport aux besoins des
populations.

Par ailleurs, il est à relever l’attention particulière accordée au


développement des infrastructures d’accueil des sinistrés puisque la
Direction de la protection civile n’a cessé, tout au long de cette période, de se
doter de tentes, de couvertures et de produits nécessaires à l’hébergement
des rescapés, déposés dans des dépôts conçus à cet effet et dont le nombre
est en constante progression. Néanmoins, cette œuvre n’est pas encore
achevée par manque de moyens financiers suffisants.

La pénurie des infrastructures de secours, en particulier les centres


d’intervention, constitue un autre point noir dans la couverture des risques

141
urbains. Sur les 1572 communes que compte notre pays, 120 à peine sont
desservies par des centres de secours. Cette carence atténue les efforts
d’équipement entrepris par la Direction de la protection civile et pénalise les
populations qui ne peuvent pas bénéficier équitablement des prestations de
secours étant donné que les délais d’intervention sont tributaires du lieu de
résidence des demandeurs des prestations. Ces délais sont également
variables selon la disponibilité ou non des moyens efficaces de transmissions.
Ces derniers ont bénéficié d’un intérêt particulier de la part des responsables
de la protection civile mais une couverture totale du territoire exige encore
beaucoup de sacrifices.
Les lacunes qui viennent d’être évoquées sont davantage aggravées par
l’insuffisance du personnel dans la mesure où le Maroc est l’un des pays où
le ratio des agents de la protection par tête d’habitant est très faible puisqu’il
est d’un agent pour 7000 habitants contre un agent pour 700 personnes en
Algérie, un agent pour 2500 habitants en Tunisie, 1 agent pour 250 habitants
en France, 1 pour 70 en Allemagne, 1 pour 42 au Luxembourg et 1 pour 29
habitants en Suisse.
Aussi la mise à niveau de la sécurité des populations est–elle conditionnée
également par le renforcement des moyens humains, matériels et
infrastructurels destinés aux services de la protection civile et ce afin de
garantir leur autonomie en matière de lutte contre les sinistres courants,
d’autant plus que pour faire face aux catastrophes majeures, le problème de
l’interopérabilité des moyens constitue parfois un handicap à leur gestion
collégiale.
En fin de compte, il est possible de dire que malgré certaines initiatives prises
au cours des dernières années pour améliorer la gestion des risques urbains,
certains obstacles continuent d’entraver cette activité. La principale raison est

142
sans nul doute le fonctionnement encore primitif des structures appelées à
en assurer la gestion et dont l’organisation est à parfaire.

Chapitre 2 : Une organisation à parfaire


On entend par structures de gestion des risques urbains tous les
départements ministériels, administrations, organismes et instances qui
interviennent dans le domaine de la gestion de ces risques tant dans les
phases de prévention et de prévision que dans celle de lutte contre leurs
effets. Evidemment, les rôles assurés par ces différents acteurs ne sont pas
équivalents et diffèrent très sensiblement chacun selon son domaine
d’intérêt, étant entendu que certains sont beaucoup plus impliqués que
d’autres ; certains jouent un rôle principal tandis que d’autres jouent un rôle
secondaire.

Pour pouvoir examiner et évaluer les actions que chaque structure accomplit
ou doit accomplir, il est possible de faire la distinction entre les acteurs qui
ont une vocation à décider, ceux qui ont un rôle consultatif et enfin ceux qui
sont appelés à assumer le gros du travail, en assurant l’exécution des
décisions prises.

Le regard préliminaire sur ces structures permet de constater que celles


habilitées à décider et celles chargées de donner un avis consultatif sont
difficilement identifiables; tandis que celles ayant une mission d’action
souffrent de plusieurs imperfections.

Logiquement, sur le plan de la méthodologie, la gestion des risques devait


subir le même traitement que celui réservé aux autres principales questions
intéressant le milieu urbain ; les autorités qui gouvernent et prennent des
décisions devraient être suffisamment connues, les organes multisectoriels
de consultation et d’avis devraient en principe être institués, et les services

143
chargés de mettre en œuvre les mesures arrêtées devraient être
suffisamment rodés et dotés de moyens adéquats.

La question de la gestion des risques urbains n’a pas encore atteint un degré
suffisant de prise en charge de la part des pouvoirs publics aussi bien au
niveau central qu’au niveau local. Les structures dédiées parfois à cette
problématique ne sont pas suffisamment précises du point de vue de la
définition de leurs compétences, ni cohérentes dans leur organisation et
encore moins dans leur fonctionnement. Ceci peut clairement apparaître à la
suite de l’examen des différents organes de gestion des risques urbains, en
particulier les autorités décisionnelles et consultatives.

Section 1 : Identification complexe des autorités décisionnelles

La gestion des risques est souvent considérée comme un problème de


maintien de l’ordre public. De ce fait, elle est généralement assurée par des
autorités possédant les pouvoirs de police administrative. Néanmoins le
problème n’est pas aussi facile qu’il le paraît notamment pour les risques
urbains. L’imbrication des administrations, des services et des organismes
qui interviennent dans le domaine de la gestion de l’espace urbain et la
multiplication des acteurs intervenant dans les domaines particuliers de la
prévention et de la promotion de la sécurité des citadins favorise la
multiplication des centres de décision .

Parmi les conséquences de ce phénomène figure en bonne place la


problématique de l’identification des autorités chargées de la gestion des
risques urbains.

Le dispositif marocain souffre de la multitude d’acteurs qui prétendent jouer


un rôle important dans ce domaine, ce qui ne manque pas de causer ou de
conclure des divergences entre les institutions.

144
§1 : Pluralité des centres de décision à l’échelon central

A défaut de texte énumérant les autorités chargées d’assurer la sécurité des


populations urbaines contre les risques de catastrophes, et en l’absence de
consensus ou d’une coutume suffisamment enracinée dans la pratique, s’est
toujours posé le problème de l’identification des autorités centrales qui
doivent veiller à la prévention et la lutte contre des sinistres qui arriveraient
à se produire dans les différentes agglomérations.

Dans la théorie et sur le plan du discours, de nombreuses entités affirment


pouvoir accomplir des tâches indispensables à la réduction des phénomènes
dangereux qui mettent en danger les populations en milieu urbain. Ceci est
particulièrement vrai si on donne à la notion de gestion des risques une
connotation très large surtout dans son aspect préventif. En effet, le
processus de prévention commence dès la phase de la planification de
l’espace urbain, allant de la réalisation des schémas directeurs
d’aménagement et d’urbanisme jusqu’à l’exercice de multiples activités
indispensables à la collectivité urbaine en passant par les différentes étapes
d’édification des infrastructures de base, des lieux d’habitation et de loisirs,
de culte et de culture, etc.. La manière de réaliser ces actions peut avoir une
dimension préventive assez considérable si les concepteurs et les initiateurs
de ces projets prennent en considération les impératifs de la réduction des
risques.

Outre ce problème de délimitation dans le temps du processus d’apparition


de la dynamique de prévention des risques et de la difficulté à cerner d’une
manière précise le domaine de la gestion des risques urbains (121), il faut
reconnaître que la protection des populations compte parmi les missions

121) La frontière est parfois très difficile à tracer entre les risques de sécurité publique d’une part, et les risques de
protection civile d’autre part. Pour la délimitation des autorités compétentes en matière de gestion de l’une ou
de l’autre catégorie de risques, le problème devient parfois complexe.

145
essentielles des pouvoirs publics ; ainsi l’exercice de cette responsabilité
implique d’autres acteurs dont la diversité est devenue une caractéristique
de la protection civile contemporaine, cette diversité étant nécessaire pour
faire face à la pluralité des risques pesant sur la population avec des
conséquences plus lourdes des phénomènes naturels, vulnérabilité aux
risques liée à la moindre efficacité des solidarités familiales et de voisinage.

En se limitant à présent aux autorités chargées de la gestion des risques


urbains essentiellement de protection civile, on pourrait logiquement se
demander quelle est ou quelles sont les autorités à qui incombe l’obligation
de décider dans ce domaine.

Dans le but d’améliorer la sécurité des personnes et des biens contre les
sinistres de toute nature, les pouvoirs publics ont été contraints d’engager un
certain nombre d’actions pour renforcer les mesures de prévention et la
maîtrise de la gestion des risques. Ainsi, la police administrative se voit
attribuer le rôle de garant de la sécurité, de la tranquillité et de la salubrité
publiques. C’est la raison pour laquelle une certaine corrélation, très étroite, a
été toujours établie entre les organes de décision et les autorités qui
détiennent le pouvoir de police administrative à l’échelon central.

Néanmoins, il faudrait faire la différence entre les autorités qui possèdent


des pouvoirs de police administrative générale et celles qui détiennent des
pouvoirs de police spéciale, étant entendu qu’il est très difficile de
déterminer ces autorités.

A : Autorités de police administrative générale

A l’échelon national, nul doute que c’est le Premier ministre qui est le
titulaire du pouvoir de police administrative générale ; ce pouvoir ne lui est

146
cependant pas attribué par la Constitution. Mais en raison de la mission
confiée au gouvernement qu’il dirige et le pouvoir réglementaire dont il
dispose, il doit être considéré comme le responsable de la police. Il peut
prendre par décret les mesures nécessaires pour préserver l’ordre public(122).

La gestion des risques urbains, qui répond parfaitement à une préoccupation


de maintien de l’ordre public, doit donc faire l’objet d’une politique publique
appropriée susceptible d’être intégrée dans une politique globale de la ville
dont le Premier ministre est considéré comme l’autorité habilitée à en tracer
les grandes lignes. Les décisions prises par ses soins, par le biais des textes
réglementaires, ont un impact direct ou indirect sur l’ensemble des activités
qui s’exercent en milieu urbain.

Cependant, des confusions règnent parfois concernant les véritables autorités


dépositaires des attributs de police administrative en raison du poids de
certaines d’entre elles dans la hiérarchie administrative et de l’importance
des actions qu’elles dirigent ou qu’elles entreprennent dans le domaine de la
promotion des agglomérations. Il en est ainsi, par exemple, du ministre de
l’Intérieur qui joue un rôle assez considérable dans l’exécution de la politique
tracée par la primature puisque la mise en pratique des activités de
développement des villes passe, dans la plupart des cas, par les services de
ce ministère soit au niveau central, soit au niveau local (123). En réalité, les
ministres ne disposent d’aucune compétence constitutionnelle propre en
matière de police, néanmoins ils peuvent bénéficier, conformément à l’article
63 de la Constitution, d’une délégation de la part du Premier ministre pour
certains pouvoirs, ce qui est de nature à leur permettre d’agir.

122) Voir BENJELLOUN (A) : « Droit Administratif », Ed. AL MAARIF, Rabat, 1984 .
123) Etant le ministère qui exerce la tutelle sur les collectivités locales, la réalisation des projets initiés par les communes
est subordonnée à l’avis préalable de l’agent d’autorité. Il en est ainsi des plans d’aménagement, des grands projets
d’infrastructure, etc. Certains projets structurants sont examinés en amont par la Direction Générale des
Collectivités Locales.

147
Le ministre de l’Intérieur, à l’instar de tous les ministres, n’est pas une
autorité de police générale au nom de l’Etat, mais en raison des missions
confiées au département qu’il dirige, il joue un rôle assez consistant en
matière de maintien de l’ordre public et par ricochet dans le domaine de la
gestion des risques en général et des risques urbains en particulier. Pour
accomplir les missions qui lui incombent, le ministre de l’Intérieur dispose
de la direction de la protection civile, entité chargée exclusivement de la
gestion des risques et de la protection des personnes et des biens contre les
fléaux calamiteux.

En principe, sur le plan juridique, ce sont uniquement les autorités possédant


des pouvoirs de police administrative qui sont habilitées à intervenir dans le
domaine du maintien de l’ordre public et partant à décider en matière de
gestion des risques urbains. Les organismes spécialisés ou les
administrations assurant des missions spécifiques, du fait de leur
rattachement à tel ou tel département ministériel, ne sont pas compétents
pour prendre des décisions au titre de la police administrative générale. Leur
rôle pourrait à la limite être un rôle de consultation ou de conseil.

Sur le plan pratique, plusieurs acteurs ignorent cette donne d’ordre juridique
et se permettent parfois d’outrepasser leurs missions en prétendant être dans
une situation de droit d’agir notamment sur le plan de la prévention des
risques qui connaît l’intervention de plusieurs acteurs. Cette confusion
résulte en fait de la globalité de la terminologie utilisée puisqu’on parle en
général de la prévention des risques au pluriel, qui ne peut être assurée que
par la conjugaison des efforts de nombreux acteurs, ce qui incite certains
d’entre eux à croire qu’ils peuvent intervenir ou s’intéresser à tous les
risques.

148
Toutefois, il convient de souligner qu’un ou plusieurs de ces acteurs
peuvent posséder des compétences juridiques dans le domaine de la
prévention des risques ou de la lutte contre tel ou tel type de sinistre ;
néanmoins ils ne peuvent le faire qu’au titre de pouvoirs de police
administrative spéciale.

B : Autorités de polices administratives spéciales

Le terme de «police administrative spéciale» a deux sens. Il vise d’abord les


activités de police dont les buts ne sont pas différents de ceux que poursuit la
police générale mais qui sont soumises à un régime juridique particulier. Par
exemple, la police des chemins de fer est une police de sécurité, de
tranquillité et de salubrité, mais elle est soumise à un régime juridique
particulier et elle est confiée à une autorité spéciale, celle du ministre chargé
du Transport.

Le deuxième sens du terme « police administrative spéciale » est plus


caractéristique, il s’agit ici de police visant des objets qui ne figurent pas dans
le contenu normal de la police générale comme par exemple, la police de la
circulation qui est une police spéciale. Ainsi donc, on peut constater que les
polices spéciales sont très nombreuses et les autorités qui en sont chargées
très variées. Le plus souvent c’est le Premier ministre qui est l’autorité
compétente parce que lui ont été dévolus les pouvoirs qui antérieurement
avaient été attribués au Grand vizir puis au président du conseil ; il peut
d’ailleurs, dans de très nombreux cas, déléguer ses pouvoirs (124). Mais le
législateur effectue aussi lui-même une répartition des compétences entre
diverses autorités (125).

124 ) Selon l’article 64 de la Constitution « le Premier ministre peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres ».
125) Voir ROUSSET(M) et autres : « droit administratif marocain », éd. Imprimerie royale,1984, pp :247 et 248.

149
Dans le domaine spécifique des risques, plusieurs polices spéciales existent ;
elles touchent certaines activités productrices de risques dont elles se
proposent d’atténuer les effets. Il en est ainsi, par exemple, de la police des
établissements industriels insalubres, incommodes ou dangereux, dont
l’objet est d’assurer la sûreté, la salubrité et la tranquillité, mais qui obéit à
un régime juridique spécial et qui a notamment été, dans un passé très
récent, entre les mains à la fois de certaines autorités gouvernementales et
des représentants de l’autorité locale. En effet, cette police confère, comme
dit précédemment, des pouvoirs non seulement au Premier ministre et à
certains ministres, mais aussi aux autorités locales, pachas et caïds. Selon la
réglementation régissant ces établissements, le Premier ministre en établit la
liste tandis que le ministre de l’équipement intervient pour autoriser
l’ouverture des plus nocifs (1ère classe) et les autorités locales, pachas et caïds,
pour l’ouverture des établissements moins nocifs rangés dans la 2ème classe
(126).

En tout état de cause, les autorités de police spéciale peuvent être les mêmes
que celles de police générale. Il en est ainsi du Premier ministre qui, tout en
étant titulaire du pouvoir réglementaire et responsable de la détermination
des établissement classés de première catégorie, agit en sa qualité à la fois
d’autorité de police administrative générale et d’autorité de police
administrative spéciale.

Ceci dit, sous l’angle de la gestion des risques urbains, il peut y avoir une
intervention simultanée de plusieurs autorités ; c’est la raison pour laquelle
on ne peut que s’attendre à ce que cette situation génère une diversité de

126) Comme dit précédemment, des changements sont intervenus récemment dans la procédure administrative
d’autorisation des établissements classés puisque les walis de région sont désormais investis du pouvoir
d’autorisation des installations de 1ère classe.

150
centres de décision ; laquelle diversité est réputée être une source de
divergences, d’incertitudes et d’incompatibilités.

§ 2 : Imprécision des missions des autorités à l’échelon local

On reconnaît souvent qu’il est très difficile de légiférer sur l’imprévisible ; en


d’autres termes, il n’est nullement aisé de fixer d’une manière tout à fait
précise les tâches que pourrait accomplir une structure en cas d’un
événement dont on ignore la portée et les limites. De nombreuses
organisations étrangères, ayant une vocation similaire, vivent des difficultés
identiques ; elles ne définissent les attributions des différentes structures que
d’une manière approximative et globale.

Ce même constat est particulièrement vrai dans notre pays à l’exception près
que, pour certaines structures, les pouvoirs publics n’ont pas encore attribué
de compétences, même de façon très large. C’est ce qui peut être retenu au
terme de l’analyse de l’arsenal juridique dédié à chacune des principales
instances de décision à l’échelon local.

L’occasion a été donnée de constater que plusieurs acteurs interviennent


dans le domaine de la gestion des risques urbains en croyant posséder des
compétences de décision sans pour autant que leur action ne soit assise sur
un fondement juridique précis. C’est la raison pour laquelle l’attention sera
focalisée uniquement sur ceux qui possèdent formellement des attributions,
même de portée générale, dans ce domaine.

A ce titre, deux principales autorités semblent posséder des compétences


décisionnelles en matière de prévention des risques de catastrophes sur
l’espace urbain : l’agent d’autorité et le président du conseil.

151
A : Compétences de l’agent d’autorité

Au niveau local, les agents d’autorité possèdent des prérogatives générales


dans le domaine du maintien de l’ordre. C’est ce qui ressort du Dahir du
premier Mars 1963 portant statut des administrateurs du ministère de
l’Intérieur qui détermine les autorités habilitées à intervenir à l’échelon local.

Conformément aux dispositions de ce texte, ce sont les gouverneurs qui sont


chargés du maintien de l’ordre au niveau des préfectures et provinces et ce
sont les supers Caïds qui le sont au niveau des cercles.

Pour les communes, des confusions persistent depuis l’apparition de la


charte communale. En effet d’après le Dahir précité, ce sont les pachas et
caïds qui sont compétents en matière du maintien de l’ordre mais d’après la
charte communale actuelle, la police communale échoit de plein droit au
président du conseil communal ; les pachas et caïds conservent leurs
attributions en matière de police d’Etat (127), le problème qui se pose est celui
de définir les frontières entre la police communale et la police d’Etat.

Au niveau préfectoral ou provincial, le gouverneur, en tant que représentant


de l’Etat (128) et en application du Dahir précité ainsi que de l’article 3 du
Dahir du 15 février 1977 (129), est chargé du maintien de l’ordre public sur le
territoire de la préfecture ou de la province. Ce qui lui impose d’intervenir
inéluctablement sur toutes les questions ayant trait à la sécurité des
populations sur la totalité du territoire de la préfecture ou de la province et
particulièrement dans les agglomérations.

Il lui appartient donc de prendre toutes les mesures conformément aux textes
en vigueur pour préparer et mettre en œuvre la politique étatique de gestion

127) BENJELLOUN, Op.cit.


128) Art 112 de la Constitution de 1996 .
129) Dahir relatif aux attributions des gouverneurs dont l’art.3 stipule que le gouverneur est chargé du maintien de
l’ordre public dans la préfecture ou dans la province.

152
des risques. Il est à ce titre le responsable de toutes les missions de
protection civile envisageables au niveau de la préfecture ou de la province.
Il est aidé dans l’accomplissement de ses tâches par le commandement local
de la protection civile et par les délégués des différents ministères dans leurs
domaines d’action respectifs (130).

Sur le fond, personne ne conteste le bien-fondé de l’intervention de cette


autorité en cas d’événement exceptionnel pour mettre en œuvre, organiser,
diriger et coordonner les secours et par là même garantir la sécurité des
personnes et des biens et l’équité dans la distribution de l’aide aux sinistrés.
Cela est tout à fait normal puisqu’à chaque fois qu’une communauté est
touchée par une calamité, toute l’attention est focalisée sur l’Etat en général
et son représentant local en particulier. Même à l’époque actuelle de
déréglementation et d’intervention limitée de l’Etat, les attributs de celui-ci
restent inchangés, voire renforcés en matière de sécurité. Par conséquent, en
dépit de l’absence de dispositions explicites d’attribution des compétences au
gouverneur en matière de gestion des sinistres et catastrophes, son rôle est
aujourd’hui incontesté. Aussi est-il permis de dire que la qualité de
responsable du maintien de l’ordre public sur le territoire de la préfecture ou
de la province donne incontestablement au gouverneur la latitude
d’intervenir légalement pour mettre fin à toute situation pouvant causer des
désagréments pour la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques.

En revanche, dans le domaine de la prévention des risques, domaine


extrêmement large et complexe, les choses ne sont pas aussi claires. En effet,
outre le fait que les textes fixant les attributions du gouverneur demeurent
muets sur le rôle qu’il doit assumer pour la réduction des phénomènes

130 ) Selon l’article 102 de la Constitution, les gouverneurs « sont responsables de l’application des décisions du
Gouvernement et, à cette fin, de la gestion des services locaux des administrations centrales »

153
dangereux, il semblerait que l’apparition de certaines polices
administratives spéciales, qui accordent des compétences larges à certains
départements ministériels ou organismes, augmente le nombre
d’intervenants et atténue par là même le droit de décision exclusif du
gouverneur sur l’ensemble des activités ayant pour vocation la prévention
des risques. Certes, les principales décisions sont prises soit de concert avec
lui, soit par le biais d’organismes ou instances agissant sous sa tutelle, mais il
est très difficile pour lui de maîtriser tous les aspects de la prévention des
nombreux risques qui peuvent menacer les populations vivant dans l’espace
urbain.

De plus, contrairement aux activités d’organisation des secours qui font


appel pour leur gestion à des techniques souvent identiques, les activités de
prévention sont caractérisées par leur diversité et par la variété de leur
champ d’application et partant, de la multiplicité des remèdes proposés pour
éradiquer tout risque probable.

B : Compétences des Présidents du conseil municipal et communal

Sous les auspices de la charte communale consacrée par le dahir du 23 juin


1960, le président du conseil n’avait pas d’attributions en matière de
maintien de l’ordre puisque la police relevait exclusivement de l’agent
d’autorité, c'est-à-dire des pachas et caïds ainsi que des gouverneurs dans les
municipalités chef-lieu de provinces et de préfectures. En contrepartie, le
dahir du 30 septembre 1976 donna naissance à une nouvelle répartition des
pouvoirs de police entre l’agent d’autorité et le président du conseil
communal : selon l’article 44 de ce dahir, « les pouvoirs reconnus aux pachas et
caïds en matière de police administrative communale … sont transférés aux
présidents des conseils communaux… L’autorité locale, qui représente le pouvoir
central dans le ressort de la commune…demeure compétente pour assurer le

154
maintien de l’ordre et de la sécurité publique sur le territoire de la commune »(131).
Il ressort de ce nouveau texte qu’il existe désormais deux autorités de police
administrative dans la commune : l’autorité locale, gouverneur, pacha ou
caïd, suivant le cas, est responsable en matière d’ordre et de sécurité
publique ; le président du conseil communal reçoit compétence en ce qui
concerne la salubrité et la tranquillité publiques.

Ce partage a été relativement chamboulé par la nouvelle charte communale


de 2002 (132) puisque les attributions de l’agent d’autorité (pacha ou caïd) en
matière de police sont devenues des attributions d’exception. En effet, selon
les termes de l’article 49 de cette charte, « les présidents des conseils
communaux exercent, de plein droit, les attributions de police administrative
communale et les fonctions spéciales reconnues par la législation et la
réglementation en vigueur aux pachas et caïds, à l’exclusion des matières qui
demeurent de la compétence de l’autorité administrative locale ». Ce sont
donc les attributions de l’agent d’autorité qui sont arrêtées de manière
limitative alors que celles du président du conseil communal restent plus
larges.

Parmi les attributions reconnues au président du conseil communal figurent


notamment celles qui concernent la prévention des risques et qui sont
prévues en particulier par les alinéas suivants de l’article 50 de cette charte:
« Il veille à l’application des lois et règlements d’urbanisme et au respect des
prescriptions des schémas d’aménagement du territoire et des documents
d’urbanisme » ;

131) Il existe toutefois une exception limitée à ce transfert qui concerne la municipalité de Rabat puisque l’article 67 du
même dahir dispose que les attributions, qui partout ailleurs sont transférées aux présidents des conseils
communaux, relèvent du gouverneur de la préfecture.
132) Dahir n° 1-02-297 du 25 rejeb 1423 ( 03 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 78-00 portant charte
communale.

155
Il délivre les autorisations de construction, de lotissement et de morcellement, les
permis d’habiter, les certificats de conformité… » ;
Il délivre les autorisations d’exploitation des établissements insalubres, incommodes
ou dangereux relevant de ses attributions et en assure le contrôle conformément à la
législation et à la réglementation en vigueur » ;
« Il prend les mesures nécessaires à la prévention des incendies, des sinistres, des
inondations et autres calamités publiques » ;

Comme on peut le constater, le président du conseil communal dispose


d’attributions assez consistantes pouvant être invoquées comme fondement
à toute intervention de l’autorité élue dans le domaine de la prévention des
risques. La ligne de partage des compétences semble ainsi clairement établie
et il faudrait un certain temps pour voir comment chaque autorité pourrait
exercer ses prérogatives. Le seul problème qui risque de se poser est celui de
l’interprétation des dispositions des articles 49 et 50 de cette charte qui
paraissent contenir des paradoxes puisque le premier article attribue le rôle
du maintien de l’ordre et de la sécurité publics à l’autorité administrative
locale alors que le second charge l’autorité élue de la prévention des risques.
Cette imprécision peut créer des conflits de compétence entre les deux
autorités ou encore servir d’alibi pour l’inaction de la part de l’une ou de
l’autre, à moins que le législateur ne considère que la réduction des risques,
ne fait pas partie des composantes de l’ordre public.

Ce genre de paradoxe constitue un exemple parmi d’autres des zones


d’ombre qui caractérisent encore le cadre juridique régissant la gestion des
risques notamment au niveau de la distribution des compétences entre les
instances aussi bien décisionnelles que consultatives et exécutives.

156
Section 2 : Inadéquation des instances consultatives et organes exécutifs
Cette inadéquation trouve ses origines dans la multiplicité des instances
consultatives et dans le fonctionnement défectueux des organes exécutifs.

§ 1 : Multiplicité des instances consultatives

Le recours à des instances consultatives pour réfléchir et donner un avis sur


des questions d’intérêt général est, en lui-même, un procédé tout à fait
appréciable, à condition que ce recours soit justifié. Ce n’est pas toujours le
cas dans le domaine de la gestion des risques caractérisé par une inflation de
ce genre de structures et qui est à l’origine de l’inefficacité de leur action.
A : Recours répétitif aux instances consultatives

Il existe plusieurs structures qui ont une vocation consultative s’intéressant à


divers aspects de la problématique de la gestion des risques. Certaines
d’entre elles ont vu leurs compétences consacrées par un texte réglementaire
tandis que d’autres constituent des structures ad hoc créées de manière
officieuse pour se pencher sur tel ou tel problème en lien avec la gestion des
risques urbains. Ces dernières sont de loin les plus nombreuses mais ne
peuvent faire l’objet de notre étude compte tenu du fait qu’elles n’ont pas
d’attributions clairement définies. Les premières sont peu nombreuses et ont
l’avantage de voir leurs attributions déterminées et arrêtées par voie
réglementaire ; en revanche, elles ont l’inconvénient d’avoir une vocation
beaucoup plus nationale que locale. Il en est ainsi de la commission
supérieure de la protection civile, du comité national de génie parasismique
et de la commission nationale de sûreté nucléaire.

L’existence de telles structures n’a pu cependant satisfaire les besoins en


véritables instances de consultation car, comme on va le voir, ces structures
ont été créées à des époques différentes pour répondre à des besoins

157
conjoncturels et sans qu’elles fassent l’objet d’une étude d’ensemble
permettant de les inscrire dans une logique de cohérence et dans un esprit de
complémentarité de manière à couvrir l’ensemble des rouages de la
problématique qui nous préoccupe.

L’autre carence du dispositif de prévention et de gestion des risques urbains


résulte de la multiplicité des instances consultatives créées généralement
pour répondre à des problèmes particuliers.

En effet, un usage a commencé à émerger depuis quelques années consistant


à créer une commission ou un comité chaque fois qu’un problème d’ordre
public surgit dans une partie du territoire. Cette tendance s’est amplifiée au
cours des dernières années à telle enseigne que le nombre de ces instances est
devenu difficile à déterminer.

Cette attitude a une triple explication : soit que les pouvoirs publics
n’arrivent pas à développer une vision globale sur la problématique des
risques urbains et par conséquent, ils tentent de régler au coup par coup les
problèmes qui surviennent de temps à autre ; soit que les instances créées
n’ont pas de fondement juridique et l’exercice des missions qui leur sont
dévolues bute sur des difficultés insurmontables ; ou encore que les services
qui y sont impliqués ne donnent pas d’importance à leurs travaux, ce qui
explique leur disparition totale au bout d’un certain temps ou leur
dysfonctionnement.

En fait, cette pratique rentre dans le cadre de l’approche dominante qui


consiste à croire qu’il est possible de régler les problèmes à travers la
multiplication des structures. Cette approche, quoique critiquable, ne peut
atteindre ses objectifs que si le champ d’action des autorités et des instances
consultatives est délimité.

158
Dans un domaine aussi vaste et complexe que celui de la gestion des risques
urbains, marqué par la diversité des structures, il est tout à fait normal que se
pose le problème de la délimitation des attributions de ces différentes
structures. Le principe général selon lequel l’Etat est le premier responsable
de la sauvegarde de la vie des personnes, des biens et de l’environnement est
toujours admis ; néanmoins, le pilotage des activités, en lien avec cette
mission fondamentale, repose sur une répartition judicieuse des
responsabilités entre les différentes structures de décision et de consultation
concernées par la gestion des risques.

Comme il vient d’être constaté, la multiplicité des instances en la matière,


tant au niveau national qu’aux niveaux régional et local, si elle est parfois
bénéfique, peut aussi être une source d’une relative confusion. Cette
confusion incombe pour une large part à l’imprécision du cadre juridique
régissant les actions de prévention des risques et de protection des biens et
de l’environnement.

Contrairement à ce que l’on peut penser, la multitude d’acteurs n’est pas


seulement une source de richesse en termes de productivité, de projets ou de
services porteurs de bien-être des citadins, elle est aussi une source tantôt de
conflits latents, tantôt de malentendus ou encore de tiraillements
institutionnels ouverts qui trouvent leur manifestation concrète dans le
développement de projets manquant de cohérence et parfois frappés de
contradictions. Le manque d’outils de planification imposables aux différents
auteurs de la promotion du développement urbain conduit à l’émergence
d’options inappropriées, voire contradictoires, de développement de projets
d’infrastructures et de services. Le défaut de concertation préalable entre les
responsables sectoriels assurant le pilotage des différents projets mène dans

159
la plupart du temps à l’apparition de vices de sécurité au niveau desdits
projets.

Les études comparées sur la méthodologie suivie dans la gestion de la


dynamique urbaine sur le plan sécuritaire en particulier dans les villes à
risque majeur où les différents pouvoirs de décision sont convaincus de la
nécessité de réduire au minimum possible les multiples vulnérabilités aux
risques naturels et technologiques, des procédures de concertation profondes
ont fini par s’instaurer. Dans un souci de commodité et de désir de garantir
la sécurité et la quiétude de leurs prochains, les protagonistes occultent leurs
différends, s’investissent en commun dans la réalisation de projets concertés
et se fixent pour ultime objectif l’intérêt général. Dans de telles situations, les
divergences corporatistes et les susceptibilités personnelles cèdent la place à
des relations partenariales.

Dans le contexte marocain, l’espace urbain est encore le théâtre


d’affrontements d’ordre politique et sociologique. Les écarts entre les thèses
soutenues par les diverses formations politiques et leurs instances dans les
différentes agglomérations, les clivages entre les autorités administratives et
les assemblées élues ainsi que la lutte entre les différents groupements
sociaux et économiques urbains, constituent autant de facteurs qui
influencent le processus de management de la ville.

La gestion des risques urbains est un élément constitutif de ce processus ;


c’est une responsabilité qui est considérée comme partagée puisque plusieurs
intervenants se trouvent toujours mobilisés pour mettre en œuvre les
techniques les plus appropriées pour atténuer la probabilité d’occurrence
d’un risque et de se préparer pour affronter tel ou tel sinistre. L’Etat, les
collectivités locales et le secteur privé se considèrent comme étant partie
prenante. De ce fait, chaque partenaire (département ministériel ou autre)

160
devra prévoir les mesures qui s’imposent dans le domaine qui le concerne
pour prévenir les risques des activités qu’il régit en concertation avec les
autorités chargées de la protection civile.

Face à cette situation d’imprécisions et de confusions juridiques, considérée


comme le résultat d’un cumul de structures, construites au coup par coup,
toute tentative de redressement s’avère très complexe et ce pour plusieurs
raisons, notamment la problématique d’abord d’ordre juridique liée à
l’ampleur de la tâche de rassembler toutes les règles juridiques applicables,
d’assurer leur harmonisation, d’éliminer celles qui sont inappropriées,
d’ajouter celles qui s’imposent et éventuellement les regrouper sous forme de
code. De plus, on ignore quelle est l’instance qui pourrait s’en charger. On
pourrait toutefois éviter cet exercice pénible à travers l’élaboration d’une loi
globale sur les aspects transversaux (133) et assurer un renvoi vers les autres
mesures existantes, étant entendu que la réalisation de cette option n’est pas
chose aisée compte tenu de la difficulté à concilier les points de vues des
différents protagonistes.

B – Inefficacité de l’action des instances consultatives

Il est possible de mesurer le degré d’inefficacité de l’action des instances


consultatives à travers l’évaluation du fonctionnement de certaines d’entre
elles, en particulier celles institués par un texte réglementaire.

1 : La Commission supérieure de la protection civile.

Suite aux graves inondations qui ont touché la région du Gharb pendant les
premières années de la décennie 1960, et en raison des difficultés qu’ont
connues les pouvoirs publics pour gérer les catastrophes qui les ont suivies,

133) Cette loi devra contenir les grands principes de la prévention des risques, l’identification des acteurs qui en ont la
charge ainsi que la définition de leurs responsabilités, les dispositifs de prévision nécessaires et les mécanismes de
gestion des catastrophes en termes de planification des secours, d’organisation des opérations et de remise en état
des zones sinistrées.

161
notamment dans le domaine de la mise en œuvre et de la coordination des
secours, il a été décidé de mettre en place une structure intersectorielle
permanente. En effet, une commission dite « commission supérieure de la
protection civile » a été instituée auprès du Premier ministre et ses
attributions ont été sommairement arrêtées (134). Elle est présidée par un
représentant du Haut Comité de la Défense Nationale (135) et comprend les
représentants des principaux départements concernés par les catastrophes
(136). Sa mission est définie d’une manière générale ; elle consiste à préparer,
organiser et mettre en œuvre la protection civile. A ce titre, elle doit, en
principe, fixer les grandes orientations pour la préparation du pays à
affronter les catastrophes majeures étant entendu que la gestion des grands
sinistres fait appel à plusieurs acteurs dont la mise en œuvre simultanée
nécessite une préparation préalable et une coordination permanente.

Il y a lieu de retenir que cette commission ne s’est jamais réunie ; cette


situation s’expliquerait par les arguments suivants :

D’abord, les circonstances dans lesquelles est née cette commission. Créée
juste avant le déclenchement de l’état d’exception, le contexte politique et
administratif n’était pas favorable à l’exercice effectif de ses attributions
d’autant plus que sa présidence est confiée au Haut Comité de la Défense
Nationale.

Ensuite, le Maroc a connu une période relativement stable en termes


d’événements calamiteux d’ordre naturel ou technologique durant plus de
quinze ans qui ont suivi sa création. Cette période d’accalmie a conduit à
une sorte de léthargie et de relâchement de la part des organismes chargés de

134) Décret n° 2-63-488 du 4 moharram 1384 (16 mai 1964).


135) Comité institué auprès de Sa Majesté le Roi par le dahir du 15 Rabii II 1377 (9 novembre 1957).
136) L’administration de la défense nationale, le ministère de l’intérieur, le ministère de la santé, le ministère du travail
et des affaires sociales, le ministère des postes et télécommunications, le ministère de l’agriculture et de la réforme
agraire (eaux et forêt), le secrétariat général du gouvernement.

162
la mise en œuvre des mesures de protection des personnes et des biens,
aidée en cela par les changements périodiques au niveau des mécanismes
administratifs relatifs à la protection civile.

Enfin, le rattachement du secrétariat de cette commission au secrétariat du


Haut Comité de la Défense Nationale n’a pas été une source d’impulsion
pour cette instance. Il semblerait que les choses auraient été autrement si le
secrétariat de cette commission eut été confié au ministère de l’Intérieur en
tant qu’autorité gouvernementale chargée de la protection civile et en tant
que département de tutelle des services de secours et de lutte contre
l’incendie et des autres forces de sécurité qui jouent un rôle considérable en
matière de maintien de l’ordre public et de gestion des risques de
catastrophe.

Dans ce contexte, le ministère de l’Intérieur a tenté par le biais de la Direction


de la protection civile de combler ce vide en instituant, de façon empirique,
un comité national de la protection civile au sein duquel sont représentés les
différents départements et organismes concernés par la problématique des
catastrophes. Il est chargé, en principe, de recenser et de localiser les moyens
matériels et humains, publics et privés, susceptibles d’être mobilisés en cas
de sinistre grave (137). Toutefois, ce comité et les sous-commissions qui en
sont issues ne se sont réunis qu’au cours de l’année 1981, après quoi ils ont
connu le même sort que la commission supérieure de la protection civile. Des
considérations d’ordre juridique et administratif semblent expliquer cette
éclipse notamment l’absence d’assise normative pour servir de fondement à
l’action de ce comité, le défaut de désignation d’un secrétariat pour assurer le

137) Lors de la 1ère réunion de ce comité, il a été décidé d’instituer 5 sous commissions : sous-commission liaisons et
transmissions, sous-commission police et maintien de l’ordre, sous-commission sauvetage-déblaiement et lutte
contre le feu, sous-commission santé et soins médicaux et sous-commission transports et travaux..

163
suivi des recommandations émises par lui ainsi que par les sous-
commissions spécialisées et stimuler leurs travaux.

De toute façon, la commission supérieure et le comité national de la


protection civile ont le mérite d’être les premières instances consultatives à
être mises en place dans le domaine de la protection des personnes et des
biens contre les risques de catastrophes. D’autres instances ont vu le jour par
la suite avec comme objectifs de traiter de certains aspects thématiques
spécifiques de la gestion des événements exceptionnels.

2 : Le Comité national du génie parasismique

Ce comité est créé par le décret du 22 février 2002 (138). Il est chargé, selon
l’article 4 de ce décret :
- de proposer et donner son avis sur le classement des constructions et des
cartes de répartition des communes dans les zones de sismicité, prévues à
l’article 2 et sur leurs modifications.

- d’étudier les modifications et proposer les améliorations à apporter au


règlement de construction parasismique (RPS 2000), compte tenu de
l’évolution de la connaissance des phénomènes sismiques et géotechniques
ainsi que de celle des techniques du génie parasismique.

Ce comité est composé, sous la présidence de l’autorité chargée de l’habitat,


des représentants des autorités gouvernementales ci-après :
- l’autorité gouvernementale chargée de l’urbanisme ;
- l’autorité gouvernementale chargée de l’intérieur
- l’autorité gouvernementale chargée de l’équipement ;
- l’autorité gouvernementale chargée des mines ;
- l’autorité gouvernementale chargée de la recherche scientifique ;

138) Décret n° 2-02-177 du 9 hijja 1422 (22 février 2002) approuvant le règlement de construction parasismique (RPS
2000) précité.

164
- les représentants des départements universitaires, des instituts
scientifiques et techniques, des écoles supérieures de formation et des
organisations professionnelles concernées dont la liste est fixée par l’arrêté de
l’autorité gouvernementale chargée de l’habitat (139).

Le rôle consultatif de ce comité revêt une importance capitale dans la mesure


où il peut servir de catalyseur pour toutes les décisions concernant les
mesures de prévention à prendre dans le domaine des constructions contre
l’un des risques les plus dévastateurs à savoir le tremblement de terre. Son
spectre d’action peut dépasser celui de la construction parasismique pour
servir utilement comme outil de réflexion et de proposition pour tout ce qui
concerne le domaine de l’urbanisme et du bâti en général dans la mesure où
l’examen des questions inhérentes au génie parasismique touche
inéluctablement à tous les aspects liés à la construction tant sur le plan de la
stabilité du sol que sur celui de la rigidité des édifices.

3 : La Commission nationale de sûreté nucléaire.

Cette Commission est créée par décret et présidée par le ministre de l'énergie
et des mines (140). Son rôle consiste à donner un avis sur les demandes
d'autorisations de construction de toute installation nucléaire, des rejets
d’effluents radioactifs liquides ou gazeux de ladite installation, de ses essais
de mise en service, de son exploitation et de sa mise à l’arrêt définitif. Elle est
composée des représentants des ministères chargés de l'intérieur, de la
santé, de l'enseignement supérieur, de l’équipement, des transports, de
l'agriculture, de l'emploi, de l'énergie, de la protection de l'environnement,

139) Voir Arrêté du secrétaire d'Etat auprès du ministre chargé de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme, de
l'Habitat et de l'Environnement, chargé de l'habitat, n° 1549-02 du 23 rejeb 1423 (1er octobre 2002) fixant la liste des
départements universitaires, des instituts scientifiques et techniques, des écoles supérieures de formation et des
organisations professionnelles devant être représentés au Comité national de génie parasismique, BO n° 5058 du 21
novembre 2002.
140) Décret n° 2-94-666 du 4 rejeb 1415 (7 décembre 1994) relatif à l'autorisation et au contrôle des installations
nucléaires B.O n° 4290 du 18 janvier 1995. .

165
ainsi que de l'administration de la défense nationale et du Centre national
de l'énergie, des sciences et des techniques nucléaires (141).

En donnant son avis sur les différentes demandes d’autorisation relatives


aux installations nucléaires, la commission en question a droit de regard sur
les conditions s'imposant à chacune d’entre elles ainsi que sur toute
modification ayant trait à la sûreté de ces installations. Elle peut donc jouer
un rôle très important en matière de prévention des risques nucléaires ou
radiologiques pouvant mettre en danger la vie des populations urbaines
d’autant plus qu’elle est appelée à donner son avis sur toutes les phases du
processus d’existence de ce genre d’installations.

§ 2 : Fonctionnement défectueux des organes exécutifs


Comme dit précédemment, la gestion des risques urbains fait appel à une
multitude d’intervenants. Sans nul doute, cette diversité d’acteurs constitue
un facteur bienfaisant en termes de projets, de compétences et de moyens.
Cependant, en l’absence d’encadrement stratégique et juridique, elle devient
par la force des choses un vecteur de divergence et d’actions insuffisamment
coordonnées et un facteur d’inefficience. La situation devient encore plus
complexe lorsque les services impliqués vivent une situation d’imbroglio et
d’incertitude juridique et souffrent de l’absence d’une culture de travail en
commun.

En l’état actuel des choses, les structures agissantes dans le domaine de la


gestion des risques urbains sont encore handicapées par l’imprécision du
cadre juridique de leur action, par l’insuffisance des moyens dont elles
disposent, par la divergence de leurs méthodologies de travail et par le
défaut d’exercices communs de simulation.

141) Voir article 25 du Décret du 7 décembre 1994 précité.

166
A : Organes rattachés aux centres de décision

Les autorités de police administrative bénéficient, dans l’exercice de leurs


attributions, du concours de services spécialisés, dont le rôle et l’organisation
diffèrent d’un service à l’autre. Parmi ces services il y a ceux qui s’intéressent
à la prévention des risques, ceux qui n’interviennent que pour le secours et
ceux qui sont compétents dans les deux domaines. Certains sont directement
rattachés à l’administration centrale tandis que d’autres agissent sous le
contrôle de l’autorité de police compétente au niveau local.

1 : organes rattachés aux ministres

Lorsqu’on fait l’inventaire des services qui interviennent directement ou


indirectement dans le domaine de la gestion des risques urbains, qu’ils
disposent ou non de prérogatives dans ce sens, on constate que leur nombre
est non négligeable. En se limitant uniquement à ceux qui sont les plus
impliqués pour intervenir au niveau de la prévention et dans le domaine des
secours, on relève qu’il y a au moins sept structures rattachées à différents
ministères.

En premier lieu figure la Direction de la Protection Civile qui constitue


l’organisme spécialisé du ministère de l’Intérieur pour toutes les questions en
lien avec la gestion des risques, la protection et la sauvegarde des
populations. Cette Direction est à la fois compétente pour la promotion de la
prévention des risques et pour la lutte contre les différentes calamités de
quelque nature qu’elles soient et dans des circonstances aussi diverses que
variées. A cet effet, elle a pour missions (142) :

142) Voir article 36 du décret du 15 décembre 1997 précité.

167
- d'organiser, animer et coordonner la mise en oeuvre des mesures de
protection et de secours des personnes et des biens lors d'événements
calamiteux et de catastrophes;
- d'assurer la protection et la sauvegarde de la population et du patrimoine
national lors de circonstances ressortissant de la défense civile ;
- de promouvoir la prévention des risques et combattre tous sinistres, en
particulier les incendies ;
- d'organiser et assurer la gestion administrative et technique des services de
secours et de lutte contre l'incendie ;
- de préparer et entreprendre toute action de lutte anti-acridienne.

En second lieu, la Direction de la Surveillance et de la Prévention des Risques


relevant du Département de l’Environnement dont les missions sont fixées
par le décret du 13 janvier 2000 relatif à l’organisation et aux attributions du
secrétariat d’Etat auprès du ministre de l’Aménagement du Territoire chargé
de la protection de l’environnement (143). Celle-ci est chargée, entre autres,
de:

- proposer les éléments de définition de la stratégie du département en


matière de prévention des risques ;
- participer à l’élaboration des plans d’intervention en cas de catastrophe
naturelle ou technologique et contribuer à la mise en œuvre de mesures
opérationnelles.
L’analyse comparative des compétences des deux précédentes structures
permet de relever les constats suivants :
- en matière de prévention des risques, la Direction de la Protection Civile a
une mission très large qui dépasse le cadre du ministère de l’Intérieur et qui
vise les risques de toute nature ; en revanche, la Direction de la Surveillance

143) Décret n° 2-99 – 922 du 06 chaoual 14 – (13 janvier 2000) – BO 4770 du 17 février 2000, pp : 90-92 .

168
et de la Prévention des Risques a une mission interne au département de
l’aménagement du territoire, de l’eau et de l’environnement auquel elle est
rattachée puisque son rôle se limite à proposer des éléments de définition de
la stratégie du département en la matière.

- dans le domaine des secours, la Direction de la Protection Civile a un rôle


de pionnier en matière d’organisation des secours puisqu’elle est chargée
« d'organiser, animer et coordonner la mise en oeuvre des mesures de
protection et de secours des personnes et des biens lors d'événements
calamiteux et de catastrophes », tandis que la Direction de la Surveillance et
de la Prévention des Risques est appelée seulement à contribuer à
l’élaboration des plans d’intervention (144).

En troisième lieu, la Direction du Contrôle et de la Prévention des risques


relevant du ministère de l’énergie et des mines dont le champ d’action
s’étend à la mise en œuvre des dispositions requises en matière de contrôle
technique afin d’assurer la sécurité des installations et des personnes, de
maîtrise des risques industriels et d’adoption de spécifications et de normes
afin de garantir la qualité des produits et les meilleurs standards pour les
infrastructures et les équipements énergétiques et miniers (145).

En quatrième lieu, la Direction des Hôpitaux et des Soins Ambulatoires


dépendant du ministère de la santé qui est chargée (146) de contribuer d’une
part au développement des moyens logistiques susceptibles de faire face aux
catastrophes et, d’autre part, au ramassage médicalisé des victimes
d’accidents de la route ou de catastrophes imprévisibles (147).

144) On peut d’ailleurs s’étonner de voir une structure administrative ne devant en principe s’occuper que des aspects
préventifs, disposer de prérogatives dans le domaine opérationnel.
145) Voir article 10 du décret n°: 2-04 504 du 21 hijja 1425 (1er février 2005) fixant les attributions et l’organisation du
ministère de l’énergie et des mines.
146) Voir article 9 du décret n°2-94-285 du 17 joumada II (21 novembre 1994).
147) Il ne s’agit pas, bien entendu, d’une mission exclusive puisque cette direction est appelée à contribuer seulement
au ramassage médicalisé des victimes des accidents et catastrophes.

169
En cinquième lieu, la direction de la sécurité des transports routiers
relevant du ministère de l’équipement et du transport est chargée entre
autres de l’élaboration de la politique de prévention routière, de l'élaboration
de la réglementation relative à la sécurité des transports routiers et de son
application ainsi que de la coopération technique, dans le domaine de la
sécurité des transports routiers, y compris ceux liés au transport des produits
dangereux. (148).

On ne peut oublier la direction générale de l'hydraulique relevant du


Secrétariat d’Etat chargé de l’Eau et qui veille à l’élaboration et à la mise en
oeuvre de la politique gouvernementale en matière de planification, de
mobilisation, de gestion et de préservation des eaux, d'aménagement des
grands ouvrages hydrauliques, de leur entretien et de leur gestion. A ce titre,
elle peut jouer un rôle très important en matière de prévention des
inondations ou de la montée des eaux dans les agglomérations.

En dernier lieu, la direction technique de l'habitat, relevant du ministère


délégué auprès du Premier ministre chargé de l’habitat, a pour mission
notamment d'oeuvrer, en relation avec les départements concernés et les
professionnels du secteur, à la normalisation et à la promotion de la qualité
et des techniques et procédés innovants en matière de construction
immobilière et d'en assurer la vulgarisation ainsi qu’à l'élaboration et à
l'application de la réglementation de la sécurité de la construction
immobilière (149).

A côté de ces différentes Directions, d’autres structures, de rang administratif


inférieur, dont la contribution est loin d’être négligeable, viennent compléter

148) Voir Décret n° 2-96-35 du 16 rejeb 1417 (28 novembre 1996) modifiant et complétant le décret n° 2-82-36 du 20
joumada II 1403 (4 avril 1983) fixant les attributions et l'organisation du ministère des transports.
149) Voir article 11 du Décret n° 2-94-830 du 18 chaâbane 1415 (20 janvier 1995) fixant l'organisation et les attributions
du ministère de l'habitat.

170
l’arsenal public voué à la prévention des risques. Il en est ainsi du service
des établissements insalubres, incommodes ou dangereux, relevant du
ministère de l’équipement et du transport.

Ensuite, compte tenu du fait que le ministère chargé de l’agriculture connaît


directement, malgré l’imprécision des textes, plusieurs types de risques
naturels, au premier rang desquels figure le fléau acridien qui relève de la
compétence spécifique de la direction de la protection des végétaux (150), il
faut préciser que ce ministère est également concerné de manière indirecte,
par les catastrophes d’ordre technologique. Cette affirmation peut être étayée
par le fait que le progrès technique peut souvent affecter le domaine agricole.
A long terme, on peut assister à une stérilité des sols suite à la pollution des
eaux des nappes souterraines et des cours d’eau due à l’utilisation excessive
des engrais, des pesticides ainsi qu’aux rejets polluants. Bien entendu, dans
ce cas d’espèce, le milieu urbain n’est concerné qu’indirectement puisqu’il
s’agirait davantage d’une question de sécurité alimentaire des citadins.

Enfin, par les compétences qu’ils exercent, les départements chargés de


l’aménagement du territoire et de l’urbanisme auxquels correspondent deux
Directions d’administration centrale devraient pouvoir intervenir dans la
gestion des risques naturels et/ou technologiques, au moins au niveau de la
prévention. Chargée de mettre en œuvre la nouvelle politique
d’aménagement du territoire, laquelle intègre des notions de développement
durable, de sauvegarde des ressources et de bien-être des populations, la
Direction de l’aménagement du territoire suit la mise en œuvre du schéma
national de l’aménagement du territoire contenant un certain nombre de

150) Exception faite des attributions dévolues au Centre d’Aït Melloul qui relève désormais de la Direction de la
protection civile depuis l’apparition du décret du 16 novembre 1987 relatif au transfert au ministère de l’intérieur
des attributions dévolues au ministère de l’agriculture et de la réforme agraire en matière de lutte antiacridienne
(BO du 18 novembre 1987).

171
principes généraux pouvant d’être d’une grande importance en matière de
prévention.

Quant à la Direction de l’urbanisme, considérée comme étant la structure


d’encadrement de la croissance et du développement des agglomérations
urbaines et rurales du pays, elle veille à l’élaboration des études de
planification urbaine et à l’établissement des documents d’urbanisme. Dans
ce cadre, elle peut, même si les textes ne consacrent pas une obligation de
prise en compte des risques naturels et technologiques dans les documents
d’urbanisme, jouer un rôle primordial dans le domaine de la réduction des
risques de catastrophes.

Cette liste de structures n’est donnée qu’à titre indicatif puisque d’autres
services ou organismes relevant de divers ministères peuvent avoir leur part
de responsabilité dans le processus de prévention (sûreté nationale, service
de radioprotection, inspection du travail, etc.).

L’essentiel à retenir pour l’instant c’est que cette diversité de structures


donne une première impression sur la pluralité des acteurs centraux qui
peuvent intervenir en matière d’élaboration des stratégies de gestion des
risques en milieu urbain. A coté de ces structures rattachées directement aux
autorités de police administrative générale ou spéciales au niveau central,
existent d’autres qui dépendent directement ou indirectement des autorités
de police compétentes au niveau local.

2 : Organes rattachés aux gouverneurs

En principe, tous les services extérieurs agissent sous l’autorité du


gouverneur de la préfecture ou de la province (151); certains d’entre eux sont

151
) Il y a lieu de rappeler que les gouverneurs sont chargés en application de l’article 102 de la Constitution « … de la
gestion des services locaux des administrations centrales »

172
directement concernés par la problématique des risques urbains à un degré
plus ou moins important.

Au premier rang de ces services figurent les commandements préfectoraux et


provinciaux de protection civile qui opèrent sous l’autorité directe du
gouverneur et dont les missions sont définies par arrêté du ministre de
l’Intérieur du 23 octobre 2002 (152). Ces commandements constituent un outil
indispensable en matière d’organisation des secours et des acteurs
incontournables dans le domaine de la promotion de la prévention des
risques.

A côté de ces commandements, qui ont une mission plutôt générale et


pluridisciplinaire, puisqu’ils ont à intervenir quel que soit le type de risque
concerné, certains services agissent exclusivement dans des domaines
particuliers. Généralement, ce sont des acteurs qui sont versés directement
dans le développement des agglomérations ; leurs actions s’inscrivent dans
la logique et la stratégie arrêtée au niveau central mais dont la mise en œuvre
concrète se fait au niveau local sous l’impulsion et le contrôle du gouverneur.

Il convient de reconnaître qu’à l’exception des services extérieurs de la


Direction de la protection civile dont les missions sont juridiquement fixées
dans le domaine de la gestion des risques et des catastrophes, aucun autre
service n’a de responsabilité explicite ni en matière de prévention ni en
matière de lutte contre les sinistres. Aussi l’intervention de ces services
extérieurs trouve-t-elle ses fondements dans l’interprétation élargie de la
mission de chaque service.

Il en est ainsi des délégations de l’Equipement, de la Santé, de l’Habitat et de


l’Urbanisme, du Transport, des Régies, etc., qui, chacune de son côté, tente

152
) Arrêté du ministre de l’Intérieur du 23 octobre 2002 relatif à la création, à l'organisation et aux attributions des
services extérieurs de la Direction de la protection civile et leurs compétences territoriales.

173
de transposer, au niveau local, les missions reconnues au niveau central à
l’autorité délégataire respective. Cependant, ces missions ne spécifient guère
la nature des actions à entreprendre pour la réduction des risques de
catastrophes en milieu urbain. De ce fait, il est très difficile d’identifier, parmi
toutes les actions diligentées par ces services extérieurs, celles qui ont une
vocation véritablement préventive.

En fin de compte, en raison de la pluralité des acteurs qui peuvent être


appelés à intervenir dans le domaine de la prévention et en l’absence
d’instruments juridiques qui permettent l’identification précise des autorités
compétentes, il n’est pas surprenant de relever des divergences entre les
institutions en charge de la gestion de l’espace urbain.

B - Chevauchement des missions entre les organes

Le problème du chevauchement des missions se pose avec acuité dans le cas


d’espèce par rapport aux structures consultatives dans la mesure où ces
dernières, en dépit de quelques zones d’ombre qui entachent leurs domaines
de compétence, possèdent tout de même un champ d’action individualisé.
Ce n’est pas le cas pour les structures d’action qui, compte tenu de l’étendue,
assez large, de leurs missions, finissent souvent par voir leurs domaines
d’action empiéter sur ceux des autres. Ceci est particulièrement vrai dans le
domaine de la prévention où règne encore des confusions à telle enseigne
que la question est souvent posée concernant qui fait quoi.

L’une des conséquences de cet état de fait est qu’on observe que certains
risques subissent les faits d’une intervention massive de la part de nombreux
acteurs tandis que d’autres souffrent d’une négligence caractérisée.

174
L’examen des missions des principaux acteurs permet de constater que les
règles juridiques présidant à leur intervention constituent la première cause
de cette situation.

1 - Définition imparfaite des missions

Théoriquement, la majorité des ministères est impliquée directement ou


indirectement dans le domaine de la gestion des risques urbains, notamment
au niveau de la prévention. A ces ministères, il y a lieu d’ajouter les
collectivités locales. Toutefois, il n’est ni nécessaire ni approprié d’examiner
ou d’étudier le rôle que chacun de ces acteurs accomplit dans ce processus.
L’attention sera portée sur les départements et organismes qui ont vu leurs
compétences fixées par un texte réglementaire sachant que la logique impose
de scinder ceux-ci en deux groupes : celui composé des acteurs chargés
exclusivement de la prévention des risques et celui constitué d’acteurs
opérant soit dans le domaine des secours, soit dans les deux domaines à la
fois. Cependant, le fait majeur qui caractérise l’attribution des compétences
aux acteurs est justement le rapprochement des tâches entre les différents
protagonistes rendant difficile la délimitation précise du champs
d’intervention de chacun d’entre eux, parfois presque impossible, favorisant
ainsi la confusion des rôles.

Ainsi, le département de l’Environnement est chargé entre autres, par le biais


de la Direction de la surveillance et de la prévention des risques, de
« promouvoir la recherche scientifique en matière de surveillance et de prévention des
risques » et de « proposer les éléments de définition de la stratégie du département
en matière de prévention des risques » (153). Outre le fait que les termes utilisés

153) Voir article 9 du décret du 13 janvier 2000 relatif à l'organisation et aux attributions et du secrétariat d'Etat auprès
du ministre de l'Aménagement du Territoire, de l'Environnement, de l'Urbanisme et l'Habitat, chargé de
l'environnement ; BO n° 4770 du 17 février 2000.

175
sont très vagues, puisqu’aucune précision n’a été donnée concernant aussi
bien les risques concernés que la nature des mesures de prévention à mettre
en œuvre, se pose le problème de la mission incombant juridiquement à ce
département. En effet, conformément au libellé qui confie à cette Direction le
rôle de « proposer les éléments de définition de la stratégie du département en
matière de prévention des risques », il n’est pas de son rôle, contrairement à ce
qu’elle prétend, de définir la stratégie du Maroc dans le domaine de la
prévention des risques. En principe, compte tenu de la vocation
environnementaliste de ce département, ses attributions doivent se limiter
aux aléas à dominante écologique. Dans la pratique, le ministère en question
se considère illégalement comme étant la structure pilote dans le domaine de
la réduction du risque au niveau national et le représentant du Royaume du
Maroc auprès des instances internationales ayant pour vocation l’élaboration
et la mise en œuvre de stratégies régionale et internationale de réduction des
risques. Aussi, en outrepassant ses prérogatives, ce département empiète
nécessairement sur celles des autres, ou, du moins, adopte une attitude
contestée par d’autres départements ou organismes.

Cette définition imparfaite des missions ne se trouve pas uniquement au


niveau des attributions du ministère de l’environnement, elle l’est aussi pour
la Direction de la protection civile dont la mission consiste dans le domaine
qui nous concerne à promouvoir la prévention des risques. Là aussi, la
terminologie utilisée peut donner lieu à des interprétations multiples. Les
termes de promotion, de prévention et celui des risques peuvent avoir des
sens larges pour justifier une action quelconque comme ils peuvent avoir des
sens restreints pour se désengager d’une responsabilité. Dans ce cadre, et
compte tenu du rattachement du corps des sapeurs-pompiers à cette
direction, on a souvent tendance à limiter le rôle de la Direction de la

176
protection civile à la prévention des risques d’incendie et de panique. Cette
interprétation se révèle tout à fait fausse parce que d’une part, les textes
parlent de la prévention des risques en général et d’autre part, il est
inapproprié d’assimiler intégralement la protection civile au corps des
sapeurs pompiers. On pourrait à la limite considérer le rôle de cette
institution comme étant limité à la promotion et donc à l’incitation des autres
acteurs impliqués dans la réduction des risques à envisager et à entreprendre
les mesures qui s’imposent dans les secteurs sous leur contrôle et
éventuellement à réaliser elles-mêmes des actions générales et communes
comme la sensibilisation du public et l’éducation de la population.

Il est donc très difficile de cerner avec précision le champ d’action de cette
Direction et celui de ses services territoriaux. Le même problème se pose
mais avec moins d’acuité en ce qui concerne les attributions de la Direction
du contrôle et de la prévention relevant du ministère de l’énergie et des
mines. Celle-ci « veille, en collaboration avec les organismes concernés, à la mise en
œuvre des dispositions requises en matière de contrôle technique afin d’assurer la
sécurité des installations et des personnes, de maîtrise des risques industriels et
d’adoption de spécifications et de normes afin d’assurer la qualité des produits et les
meilleurs standards pour les infrastructures et les équipements énergétiques et
miniers… ». Du moment qu’elle est censée exercer ses missions en
collaboration, on est en droit de s’interroger quelle serait la part réservée à
cette Direction dans le domaine de la prévention des risques ; de plus, la
notion de risque industriel figurant dans cette disposition dépasse le cadre
des installations énergétiques pour englober tous les risques susceptibles
d’être générés par les établissements de production, de manipulation, de
stockage et de transport des produits.

177
Cet exercice pourrait s’étendre à d’autres structures et c’est souvent le même
constat qui se dégage. Dans d’autres situations caractérisées par une sous
réglementation, les chevauchements des missions apparaissent dans la
pratique.

2 - Gestion difficile des interfaces

Du moment où les champs de compétence des acteurs juridiquement


habilités à intervenir en matière de réduction des risques sont difficilement
identifiables et que l’action de certains acteurs agissant sans fondement
juridique est illégale, toutes les conditions d’un chevauchement des missions
ou d’un double emploi se trouvent réunies. Se pose ainsi le problème de la
gestion des interfaces qui apparaissent indubitablement dans la pratique.

Toutefois, la portée des difficultés n’est pas équivalente s’agissant de la


prévention des risques ou de la lutte contre les sinistres. Dans la première
hypothèse l’impact d’un éventuel conflit de compétence peut être limité dans
la mesure où les mesures préventives s’inscrivent souvent dans la durée, font
l’objet d’un examen plus ou moins approfondi ; elles sont parfois entérinées
par des commissions intersectorielles. L’occasion s’offre donc à la
négociation, à la recherche de compromis et éventuellement au recours à
l’arbitrage de l’autorité de police administrative ou aux autorités
gouvernementales compétentes. Sous cet angle, d’autres difficultés
surgissent concernant notamment les décisions à prendre par ces autorités à
défaut d’une réglementation indiquant clairement les attributions de tout un
chacun ; elles tranchent selon leur conviction personnelle et leur degré de
sensibilité à la problématique de la gestion des risques. Il en est ainsi, à titre
d’exemple, de la prévention des risques d’incendie et d’explosion dans les
établissements insalubres, incommodes ou dangereux. Dans ce cas d’espèce,
selon les textes en vigueur, il appartient aux inspecteurs du travail de

178
s’enquérir et de veiller au respect des mesures de prévention dans ces
établissements. De ce fait, toute intervention des services de secours et de
lutte contre l’incendie est en principe illicite et considérée comme non
réglementaire alors que ceux-ci sont réputés être les mieux outillés pour
évaluer le risque d’incendie ou d’explosion dans ces installations. De même,
les services relevant de l’industrie comme ceux du département de
l’environnement estiment être encore plus concernés par la prévention des
risques dans ces lieux en l’absence de toute précision textuelle adaptée. On
mesure donc toute la complexité à admettre ou à rejeter les points de vue des
uns et des autres.

Ce n’est pas tout à fait le cas lorsqu’il s’agit de la gestion d’un sinistre où
deux situations se présentent : soit un problème surgit au moment même où
les opérations se déroulent et les acteurs intervenant sont en désaccord sur la
réalisation d’une quelconque prestation de secours alors que le moment ne se
prête pas à un conflit ni à une perte de temps dans la mesure où l'urgence
impose la prise de dispositions immédiates pour atténuer les effets du
sinistre; dans ce cas, ce sont les victimes qui risquent de payer les
conséquences d’une telle divergence; soit que les points de vue des
protagonistes se révèlent très éloignés à l’occasion de l’examen d’un
problème qui s’est déjà manifesté dans le passé et auquel on cherche à
trouver des solutions.

Les deux situations, qui sont le résultat direct d’une attribution défectueuse
des compétences, sont parfois difficilement gérables et posent des difficultés
pour les instances qui auraient à opérer des arbitrages. Cependant, il arrive
parfois que des conflits soient attribués à une négligence involontaire de la
part d’un acteur institué pour assurer l’exécution d’une mission faute de
moyens suffisants.

179
C - Interopérabilité insuffisante des moyens

Le problème de l’interopérabilité des moyens opérationnels constitue un


autre handicap à une gestion efficace des sinistres qui frappent les
populations urbaines. Ce phénomène trouve ses origines dans l’absence de
convergence des stratégies d’équipement et de formation suivies par les
différents intervenants et surtout dans le manque de tests périodiques des
moyens disponibles.

1 : Absence de convergence entre les intervenants

La problématique de l’interopérabilité n’est pas simplement un problème


d’ordre technique, elle est aussi le reflet d’un manque de concertation
préalable entre les acteurs dans les divers secteurs touchant la sécurité des
personnes et des biens.

Elle se manifeste d’abord dans les divergences culturelles entre les


personnels compte tenu des paramètres touchant à la formation, à
l’environnement professionnel, à l’encadrement et à la méthodologie de
travail. En effet, en l’absence d’une école ou d’un institut national spécialisé,
les différentes catégories de personnels suivent une formation différenciée au
sein de structures diverses au Maroc (154) et à l’étranger, ce qui ne manque
pas de développer chez les intéressés une culture corporatiste. Celle-ci est
souvent alimentée par les expériences acquises sur le terrain qui subissent
souvent les effets pervers de la culture concurrentielle qui s’est instaurée au
fil des années entre les différents acteurs pour les raisons déjà évoquées.

Elle se manifeste ensuite dans le manque d’harmonie des moyens techniques


d’intervention et des divers outils de gestion des catastrophes. Faute de

154
) L’Ecole de la protection civile pour les sapeurs pompiers, l’Ecole forestière pour les agents forestiers, l’Institut
Royal de police pour les agents de police, le Détachement des Catastrophes pour le Génie militaire, l’Ecole de la
gendarmerie Royale, etc..

180
concertation préalable sur les options à retenir en matière d’investissement
logistique corroboré par l’élaboration séparée soit des programmes
d’équipement, soit des cahiers de charges correspondants, il est rare que les
matériels des uns et des autres soient en parfaite homogénéité (155). Dans
certains cas, la mise en action de certains moyens se trouve impossible en
raison d’un simple problème technique, par exemple la différence dans les
dimensions des raccords et des tuyaux d’alimentation en eau par engins ou
bouches d’incendies (156). Le problème est encore plus accru lorsqu’il s’agit
de l’utilisation de moyens de transmissions à fréquences multiples.

Enfin, elle se manifeste au niveau de la divergence des stratégies et des


tactiques d’intervention qui diffèrent d’un organisme à un autre et qui rend
l’intervention simultanée en un même lieu et en un même temps très
problématique, d’autant plus que chacun considère sa manière de faire
comme étant la plus sensée. A défaut d’une autorité dont la notoriété est
reconnue et acceptée pour coordonner les interventions, le déroulement des
opérations relève souvent de l’aléatoire.

Toutefois, on assiste depuis quelque temps à un rapprochement entre les


différents intervenants, particulièrement dans certaines localités où une
certaine dynamique de gestion des risques commence à émerger sous
l’impulsion des autorités ou des services déconcentrés de la protection civile.
Néanmoins ce rapprochement sur le plan administratif n’a pas encore donné
de résultats probants sur le terrain en raison notamment du défaut
d’exercices en commun.

155 ) On peut toutefois noter certaines initiatives enregistrées récemment en particulier l’assistance accordée par la
Direction de la protection civile pour la réalisation des cahiers de charge en faveur du Haut Commissariat aux Eaux
et forêts et la Lutte contre la Désertification ainsi qu’à l’Administration Pénitentiaire.
156
) Le problème surgit en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des moyens reçus sous forme de dons ou
d’assistance étrangers émanant de pays qui adoptent des dimensions différentes.

181
2 : Absence de pratiques et d’exercices en commun

L’organisation d’exercices de simulation est parfois considérée comme un


moment de vérité où sont testés non seulement les moyens mais aussi les
capacités des autorités et des organismes d’intervention à gérer les situations
de crise. Ces exercices sont en effet une occasion pour les intervenants de
différentes origines de prendre contact, de travailler et de réfléchir en
commun aux solutions à apporter aux différentes phases d’un sinistre
éventuel, de redresser les erreurs constatées, et par conséquent d’éviter l’état
de confusion caractérisant généralement les situations de catastrophe.

Les services concernés par la gestion des risques n’ont pu tirer tous les
bienfaits de ces exercices de simulation en particulier pour réajuster leurs
dispositifs respectifs et renforcer leurs capacités à gérer en commun les
événements exceptionnels dont l’un des éléments essentiels de réussite est
justement l’interopérabilité des moyens.

Il faut souligner au passage que la crise est, dans la plupart des cas, porteuse
d’imprévus et par conséquent, les services qui seront appelés à la juguler
gagneraient en efficacité s’ils arrivaient en temps normal à résoudre les
difficultés connues à l’avance telles que l’interopérabilité des moyens. C’est
la raison pour laquelle la plupart des documents de planification des secours
incitent les autorités chargées de leur mise en application à organiser
périodiquement des exercices de simulation en vue d’évaluer le niveau
d’opérationnalité des moyens.

Les textes de base de la protection civile datant des années 1950, n’ont pas
omis de faire appel à ce genre de test puisqu’il est précisé, comme dit
précédemment, dans le Dahir de 1955 (157) que « dans le but de vérifier
l’efficacité des mesures de protection civile, le Commissaire résidant général pourra

157) Dahir du 30 Avril 1955 relatif à l’organisation de la protection civile (article 9).

182
ordonner des exercices à toute époque de l’année ou à l’occasion de manœuvres
aériennes. Quiconque refusera de se conformer à ces ordres ou s’opposera à leur
exécution sera passible des sanctions.. ».

Dans le même ordre d’idée, il convient de rappeler que la circulaire du


ministre de l’Intérieur (158) ayant diffusé le document portant sur
l’organisation des secours en cas de catastrophe « ORSEC » a insisté sur la
nécessité de le tester périodiquement par l’organisation d’exercices
théoriques en salle et pratiques sur le terrain.

Il est regrettable de constater que les autorités responsables de mettre en


application des dispositions prévues par les textes négligent de planifier des
exercices de ce genre, ce qui contrarie l’efficacité d’engagement des secours
dans les moments de drame.

Conclusion :

L’évaluation des mécanismes de gestion des risques urbains au Maroc a


permis de dresser un constat mitigé quant au degré de protection des
populations urbaines. Néanmoins, il semblerait que les récentes catastrophes
que notre pays a connues (les inondations de 2001 et le tremblement de terre
de 2004 à El Hoceima) ont créé une certaine dynamique ; en témoignent les
projets initiés pour la protection de certaines villes des inondations (El Hajeb,
Settat et Mohammedia), de l’aboutissement de certains textes relatifs
notamment à la protection de l’environnement et aux normes parasismiques
et l’élaboration de nombreuses études portant sur les différents risques.

La remarque que l’on peut faire au sujet des actions entreprises ces dernières
années porte sur la méthodologie suivie par les pouvoirs publics pour
rehausser le niveau de protection qui, malheureusement, n’obéit pas à une

158) Circulaire n° : 34/ IPC /I du 25 janvier 1983 relative à l’organisation des secours en cas de catastrophe.

183
logique de cohérence. Faute d’une stratégie globale et harmonisée, on assiste
au développement d’actions sectorielles disparates et à l’émergence d’une
concurrence inutile entre certains acteurs. Cette attitude met en péril la
construction tant souhaitée d’un système efficace de gestion des risques
urbains.

L’édification d’un tel système exige la contribution de tous : Etat, organismes


publics et privés, société civile, communauté des chercheurs, etc. Toutefois,
le cadre d’intervention de chacun de ces acteurs doit être défini selon « une
approche marocaine » de gestion des risques dont les éléments constitutifs
doivent faire l’objet d’une concertation préalable entre l’ensemble des
partenaires, de manière à garantir l’applicabilité des mesures prises.

Dans ce cadre, il est nécessaire que notre pays soit doté d’une stratégie
appropriée pour perfectionner le secteur de la gestion des risques urbains,
selon des modalités qui tiennent compte de sa structure socio-économique et
de son organisation juridico- administrative.

184
Partie 2 : Modalités de perfectionnement de la gestion des
risques urbains

L’examen de la situation actuelle de la gestion des risques urbains a permis


de relever qu’au delà de leur nombre limité, les actions entreprises jusqu’à
présent ne relèvent pas d’un registre méthodologique cohérent. On note en
particulier l’absence d’un cadre préétabli de conception et de réalisation des
mesures de prévention et de secours et surtout l’absence de symbiose entre
les activités des différents acteurs qui permettrait la concrétisation des
mesures qui s’imposent.

La sécurisation des populations urbaines et leur mise à l’abri contre les


événements exceptionnels, naturels ou technologiques, exigent de poser des
normes susceptibles de garantir la protection des populations actuelles ainsi
que des générations futures et de mettre en place des règles de conduite à
même de faire de nos agglomérations des cités sûres.

Dans ce cadre, il semblerait qu’il est temps de se pencher sérieusement sur la


question en mettant en place une véritable stratégie évolutive, s’inscrivant
dans la dynamique de croissance que connaît la plupart des villes
marocaines et tenant compte du niveau de développement économique et
social de notre pays dans la phase actuelle de son histoire.

Cet objectif ne peut être atteint que si les pouvoirs publics procèdent dès à
présent à l’identification des mesures à prendre et à leur hiérarchisation
(Chap.I). Cette opération préliminaire étant nécessaire avant d’examiner les
procédures de leur mise en œuvre et leur suivi permanent (Chap. II).

185
Chapitre 1 : Identification des actions prioritaires

Cette opération à vocation pédagogique permettra aux décideurs et aux


opérateurs impliqués d’agir selon une démarche méthodologique et
suffisamment réfléchie et les contraindra à rompre avec les réactions
revêtant un caractère conjoncturel et ayant souvent une portée limitée dans
le temps et dans l’espace.

C’est, sans aucun doute, le moyen le plus efficace pour les pouvoirs publics
de tracer les objectifs à atteindre selon les court, moyen et long termes,
d’autant plus que les villes sont encore en pleine expansion et qu’il n’est pas
encore trop tard pour préparer un terrain propice à cette évolution.

Cela étant, les pouvoirs publics doivent mener une réflexion assez
approfondie pour assurer de manière concomitante un développement des
mesures de prévention et une amélioration des techniques de protection et
d’optimisation de secours. Il n’est pas intéressant de favoriser l’aspect
préventif sur l’aspect secours, les deux ont besoin d’une revalorisation et
ceci n’est possible que si les autorités publiques en général et les
gestionnaires des risques urbains en particulier arrivent à identifier
l’ensemble des actions prioritaires dont la réalisation est nécessaire pour
l’atténuation des effets des risques que ce soit par la prévention (section 1) ou
par la protection et le secours (section 2).

186
Section 1 : Renforcement des mesures de prévention

La prévention des risques ne constitue pas encore un volet qui bénéficie


d’une attention particulière des pouvoirs publics en général et des
gestionnaires des villes en particulier; elle demeure négligée par rapport à
l’évolution des autres activités nécessaires au développement des cités
urbaines. La priorité est donnée jusqu’à présent uniquement à l’urbanisation
et à l’édification des infrastructures de base.

Les gestionnaires des villes ne sont pas encore suffisamment conscients du


fait que tous les efforts qu’ils fournissent risquent d’être anéantis par une
catastrophe si les projets qu’ils diligentent ne sont pas assujettis à des
mesures de précaution convenables.

Aussi est-il temps de développer les mesures de réduction des risques que
ceux-ci soient « fixes » ou « localisés » ou encore qu’ils soient mobiles.

§1 : Réduction des risques localisés

Les risques en question sont liés à l’existence même de la ville puisqu’ils sont
générés, soit par le choix des espaces urbanisés, soit par les types de
constructions édifiées ou encore par l’exercice de certaines activités
dangereuses telles que les activités industrielles.

La réduction des risques localisés exige donc de les prendre


systématiquement en compte dans les documents d’urbanisme, de faire
appliquer des mesures préventives dans les constructions et d’adopter toutes
les règles appropriées pour atténuer les dangers des établissements
insalubres, incommodes ou dangereux.

187
A : Prise en compte des risques dans les documents d’urbanisme

L’un des secteurs prioritaires à aborder est l’accroissement des risques de


catastrophes liés à l’urbanisation et à la dégradation de l’environnement qui
en découle.

La meilleure solution pour prévenir les risques serait donc de les prendre
en considération lors de l’élaboration des documents d’urbanisme.

Or, il y a lieu de rappeler que l’examen des documents prévus en la matière


par la réglementation marocaine, a permis de constater que la question de la
sécurité de l’implantation des constructions et de leurs occupants vis-à-vis
des différents risques n’a été évoquée que d’une manière assez vague et
empressée à l’exception toutefois du « risque incendie ».

En effet, comme il a été noté précédemment, cette réglementation n’évoque


pas de manière claire et précise les paramètres relatifs à l’occupation du sol
et à l’aménagement du territoire au regard des autres risques, surtout
naturels tels que les séismes, les inondations, les affaissements et glissements
de terrains, les tempêtes ou encore les raz de marée. Même l’interdiction de
l’édification d’établissements humains et de constructions dans les zones
dangereuses dans l’intérêt de la sécurité des personnes et des biens n’a pas
été clairement transcrite dans ces documents.

A la lumière de l’expérience des catastrophes passées, la prise en compte et


l’intégration dans les documents d’urbanisme des aspects relatifs à la
prévention et à la protection contre les risques tant naturels que ceux
pouvant découler des activités humaines, s’imposent comme une nécessité
incontournable.

188
La question se pose donc de savoir s’il est possible d’assurer cette prise en
charge, en l’absence dans le droit positif relatif à l’aménagement du territoire
et à l’urbanisme, de dispositions explicites imposant des interdictions ou des
restrictions urbanistiques eu égard aux impératifs de la réduction des
désastres. Le passage en revue des différents documents prévus par la
législation et la réglementation marocaine en vigueur notamment la loi
n°:12-90 (159) laisse constater que l’interprétation extensive de certaines
dispositions permet de dégager un fondement juridique pour l’interdiction
de l’exploitation à des fins d’urbanisation ou autres de zones réputées être
vulnérables à l’égard des risques.

Il en est ainsi du schéma directeur d’aménagement urbain prévu par la loi


12-90 et qui s’applique à « un territoire dont le développement doit faire l’objet
d’une étude globale par suite de l’interdépendance sur les plans économique,
commercial et social des différentes composantes de territoire » (160). Il « planifie,
pour une durée ne pouvant excéder 25 ans, l’organisation générale du
développement urbain du territoire auquel il s’applique » (161). Or, on constate que
rien dans les dispositions de la loi n’exige des concepteurs de ce schéma de
tenir compte de la vulnérabilité de l’espace territorial concerné, rien non plus
ne les autorise à faire fi d’études préalables de vulnérabilité au nom de la
sécurité des usagers futurs de ces espaces en application de l’adage
« nécessité fait loi ».

Il en est également ainsi du plan de zonage qui a pour objet de « permettre à


l’administration et aux collectivités locales de prendre les mesures conservatoires
nécessaires à la préparation du plan d’aménagement et à préserver les orientations

159 ) Loi relative à l’urbanisme promulguée par le Dahir n° : 92-31 du 15 hijja 1412 (17 juin 1992).
160 ) Art 2 de la loi 12-90.
161 ) Art 3 de la loi 12-90.

189
du schéma directeur d’aménagement urbain » (162). A cette fin, le plan de
zonage définit notamment l’affectation des différentes zones suivant l’usage
principal qui doit en être fait telles que les zones d’habitat, industrielles,
commerciales, touristiques, agricoles ou forestières. Il délimite, entre autres,
les zones dans lesquelles toute construction est interdite (163). Dans ce cadre,
il semble possible sur la base de ce plan, d’interdire l’édification de
bâtiments dans des zones où un risque quelconque est avéré.

Il en est de même du plan d’aménagement dont l’objet est de définir un


certain nombre d’éléments, entre autres les zones dans lesquelles toute
construction est interdite, les règles d’utilisation des sols et les règles
applicables à la construction, les servitudes établies dans l’intérêt de
l’hygiène, de la circulation, de l’esthétique, de la sécurité et de la salubrité
publique. Ici encore, on peut implicitement s’appuyer sur ce plan pour
imposer des restrictions de construction dans les zones en fonction de la
nature et de l’envergure des risques qui y sont patents.

Enfin, les impératifs de l’aménagement des voies de desserte des différents


quartiers et groupements d’habitation par les engins des secours ainsi que
des espaces pour le regroupement des sinistrés peuvent être pris en
considération dans le cadre des arrêtés d’alignement qui sont des arrêtés pris
par les présidents des conseils communaux.

Quoi qu’il en soit, ces documents doivent être conçus pour répondre, en
termes de sécurité, notamment aux préoccupations suivantes :

- diminuer le plus possible l’ampleur du risque pour la communauté


concernée en planifiant l’orientation de son développement hors des zones

162) Art 13 de la loi 12-90 précitée.


163) L’interdiction de toute construction doit, en principe, se justifier par des raisons objectives. Cependant, la loi ne
précise pas ces motifs et la jurisprudence ne s’est pas prononcée sur cette question. On pourrait donc penser que
l’interdiction de la construction pour des raisons de vulnérabilité du terrain à l’égard des risques pourrait
constituer un motif tout à fait logique.

190
dangereuses. Il s’agit alors du choix de l’implantation des sites de manière à
éviter les zones qualifiées de dangereuses d’après les études de vulnérabilité
effectuées et où le degré du risque est donc élevé ;
- Proscrire la concentration des activités et des établissements humains
dans une même zone de façon à éviter qu’une catastrophe isolée ne porte de
graves préjudices à l’économie toute entière de la localité concernée ;
- Eviter le rapprochement les unes des autres des installations
dangereuses, qui en cas d’accident, pourraient créer un effet de réaction en
chaîne et dégénérer en catastrophe ;
- Assurer une protection raisonnable de la population, des biens et de
l’environnement vis-à-vis des catastrophes ;
- Faciliter les opérations de secours en cas de sinistre : voies de passage
des engins de la protection civile, implantation de points d’eau pour la lutte
contre l’incendie, etc.

B : Sécurisation des constructions

Pour permettre une sécurité optimale à toute personne résidant en milieu


urbain, il est également nécessaire de lui garantir un logement et des lieux de
travail et de distraction suffisamment sécurisés et protégés contre les risques
de catastrophes. Outre la nécessité de veiller au respect des exigences de
robustesse des édifices de manière à ce que les constructions existantes et
celles à édifier soient fondées sur des bases solides, les pouvoirs publics
doivent arrêter les mesures nécessaires pour éviter les risques d’incendie,
d’explosion et de panique.

191
1 : Application stricte et obligatoire des normes antisismiques

Notre pays est certes doté depuis 2002 d’un règlement de construction
parasismique (164), ayant pour but de limiter les pertes en vies humaines et
les dégâts matériels susceptibles de résulter d’éventuels tremblements de
terre (165).

Or, force est de constater que, quatre ans après son entrée en vigueur, ce
règlement n’est pas entièrement applicable. Des arguments peu convaincants
sont souvent invoqués pour retarder son application.

Sur le plan juridique, certains opérateurs (promoteurs immobiliers, bureaux


d’études, etc.) invoquent la nature illégale de ce texte et son caractère non
obligatoire. En l’absence de fondement légal pour ce règlement dans les lois
de 1992 (166) relatives à l’urbanisme, sa mise en application est considérée par
les opposants à sa mise en œuvre comme étant entachée de vice de fond (167).
Toutefois, l’argument invoqué, même s’il paraît justifié sur le plan juridique,
ne doit pas servir d’alibi pour contourner l’application de ce règlement
compte tenu de son importance en termes de sécurité.

Sur le plan économique, on a tendance à considérer que l’application


intégrale de ce règlement pourrait avoir des répercussions financières sur le
coût global de l’édifice projeté. Avec le développement de l’habitat social et
économique dont le maître mot est « le prix raisonnable » et son corollaire, la
mise à disposition du public d’un logement à un coût abordable, on
considère que des restrictions sur le plan qualitatif peuvent être tolérées, y
compris l’application partielle du règlement parasismique compte tenu de
164 ) Cf. infra.
165 ) Les mesures parasismiques prônées par ce règlement devront avoir pour effets que la construction et ses éléments
structuraux « ne présentent vis-à-vis des forces sismiques de calcul qu’une probabilité assez faible d’effondrement ou
de dommages, « GAILANI (A) « Libération » du 18 janvier 2002, p. 1 .
166) Loi n° : 12-90 et 25-90.
167 ) Le règlement parasismique est adopté par décret, sans avoir de fondement dans la loi relative à l’urbanisme alors
qu’il prévoit des mesures particulières qui dérogent à son contenu.

192
l’impact financier des mesures techniques qu’il préconise. Les maîtres
d’ouvrage et les promoteurs immobiliers versés dans la construction de
l’habitat social ne sont pas suffisamment disposés à supporter les charges
financières résultant des techniques de génie civil au risque de voir leur
marge de bénéfice sensiblement réduite.

Ces arguments d’ordre financier ne sont pas totalement soutenables. Les


études établies sur le plan international révèlent que l’impact financier de
l’application réelle d’un règlement parasismique varie entre 2 et 10 pour cent
du coût global de la construction selon la nature de celle-ci. Il semble que ce
coût ne constitue pas un fardeau insurmontable surtout qu’il s’agit de
protéger des vies humaines qui n’ont pas de prix selon les théories
économiques, sachant en plus que ce surcoût pourrait être amorti très
rapidement d’autant plus que l’application des formules de calcul
antisismique pour les bâtiments contribue à l’augmentation de leur stabilité
et de leur durée de vie.

Sur le plan socioculturel, on déplore la faible portée des actions de


sensibilisation de la population sur l’intérêt de l’application des normes
parasismiques et une insuffisante formation des bureaux d’étude spécialisés
dans l’ingénierie du bâti. Certes, le département ministériel chargé de
l’Habitat a entrepris l’organisation d’une série de colloques, d’ateliers et de
réunions de sensibilisation, mais seuls les opérateurs dans le domaine de
l’immobilier en ont bénéficié. Aussi faudrait-il élargir les actions de
sensibilisation aux collectivités locales et au grand public.

On signalera par ailleurs l’insuffisance de bureaux d’études compétents pour


veiller à la mise en œuvre et sur le contrôle de l’application des normes
parasismiques. S’agissant d’une activité nouvelle, les experts en la matière ne
sont pas nombreux.

193
Il n’est donc plus toléré d’attendre encore davantage pour l’application de
ce règlement parasismique. Dans ce sens, il est nécessaire que les pouvoirs
publics veillent scrupuleusement à l’application stricte de ce règlement pour
toutes les nouvelles constructions et s’assurent de la consolidation des
édifices publics par le recours à la protection raisonnable des bâtiments et de
leurs éléments structuraux.

Concernant le caractère obligatoire de ce règlement, le projet de loi n° : 04-04


édictant diverses dispositions en matière d’habitat et d’urbanisme, en cours
de finalisation au Secrétariat Général du Gouvernement et qui sera soumis à
la session d’automne 2007 au parlement, a comblé la lacune existante dans
les lois de 1992 et a rendu son application impérative sur l’ensemble du
territoire.

C’est dire que les obstacles qui s’opposent à l’application rigoureuse du


règlement « RPS » ne sont pas insurmontables. Il suffit qu’une forte volonté
politique émerge et que de larges campagnes de sensibilisation soient
organisées de manière concomitante avec des opérations sévères de contrôle
pour que ledit règlement soit mis en exécution sur l’ensemble du territoire.
Cette contrainte de stabilisation des édifices publics et privés doit être
appuyée par des normes de prévention contre les risques d’incendie,
explosion et risques divers.

2 : Elaboration et mise en application des normes de prévention contre les


risques d’incendie, d’explosion et risques divers

Les pouvoirs publics doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour
que les immeubles d’habitation, les établissements recevant du public et
autres constructions ne soient pas exposés à des dommages graves sous
l’effet des divers phénomènes générateurs de catastrophe tels que les

194
incendies, les inondations ou encore les glissements de terrain. Ces édifices
doivent obéir à des normes et à des règles particulières qui doivent fixer les
prescriptions minimales applicables à la conception, à la construction et aux
matériaux afin de leur permettre de résister aux effets des catastrophes qui,
dans le cas contraire, entraîneraient des pertes en vies humaines ou tout au
moins des dégâts matériels.

a : Immeubles d’habitation

Périodiquement, les incendies d’immeubles d’habitation se soldent par la


mort d’un grand nombre de personnes par asphyxie, brûlures ou
défenestration.

Il y a lieu donc, tout d’abord, de veiller à la proscription des constructions


anarchiques et des bidonvilles qui, malheureusement, se sont développées à
un rythme effréné dans presque toutes les agglomérations du pays du fait de
l'exode rural. Ces formes d’habitat, de par leur conception même, de la nature
des matériaux avec lesquels elles sont construites, de par l’absence des
mesures les plus élémentaires de sécurité, se prêtent à toutes les formes de
destruction et de dégâts sous l’effet des différents risques.

La construction en milieu urbain doit prendre en considération les nombreux


et différents risques susceptibles d’affecter les bâtiments d’habitation. En plus
du risque d’incendie et celui des explosions impliquant en particulier le gaz
butane - qui sont à occurrence plus fréquente, d’autres risques provoquent, en
dépit de leur périodicité plus ou moins longue, des sinistres parfois encore
plus dévastateurs .

Il s’agit surtout des risques inhérents aux manifestations de la nature


notamment ceux à dominante géologique (tels que les raz de marées, les

195
glissements de terrain) ou météorologique (telles que les pluies diluviennes,
les inondations, les tempêtes de vent, les tempêtes de neige, etc.).

Par conséquent, des normes particulières de prévention et de protection


doivent être prises au niveau de la conception et de la construction des
bâtiments d’habitation au regard de leur exposition à l’un ou plusieurs de ces
risques.

a-1 : Incendie

En principe, les normes de sécurité doivent être axées sur la prévention et la


protection contre les incendies et par conséquent exiger, dans la mesure du
possible, l’utilisation de matériaux résistant au feu et, parfois même, la
prohibition des matières facilement inflammables. De même, des règles
particulières doivent être prévues pour la prévention des incendies en
particulier par l’imposition de distances entre les immeubles ou groupes
d’immeubles (168).

Pour le risque « incendie », il sera traité avec plus de détails dans les
paragraphes ultérieurs consacrés aux Etablissements Recevant du Public et
aux immeubles de grande hauteur.

a-2 : Inondations

Pour les régions sujettes aux inondations dues à de fortes pluies, les
bâtiments doivent être construits de manière à ce que leur sol soit situé à un
niveau supérieur à celui des inondations, conformément aux études
effectuées dans ce domaine.

La conception des bâtiments doit pouvoir leur permettre de résister aux


inondations et à la force et à la vitesse des eaux. On devra notamment

168) Certains pays sont allés plus loin sur le plan prévention des incendies, comme la France, par exemple, qui tend
vers une obligation du système de détection individuelle de fumée.

196
proscrire l’utilisation des matériaux de construction qui perdent leur
résistance lorsqu’ils sont immergés dans l’eau. Pour éviter l’infiltration des
eaux dans les caves et sous-sols, des écrans de protection résistant à la
pression des eaux doivent être prévus pour toutes formes d’ouvertures :
portes coulissantes, fenêtres fixes, etc.

Pour les régions sujettes aux inondations par raz de marée (tsunami), les
bâtiments, pour pouvoir résister aux charges des vagues en cas de tsunami,
doivent être construits en matériaux solides, notamment le béton et les
briques. Il est également possible, dans la mesure du possible et selon les cas,
de recourir au procédé de la construction sur pilotis.

a-3 : Tempêtes de vents et de neige


Les normes de sécurité ne doivent pas non plus omettre les risques liés aux
tempêtes de vents et de neige : prohibition de l’utilisation de matériaux qui
accroissent les risques de dégâts (murs de briques, argile, chaume, etc.), bon
ancrage des toitures pour éviter qu’elles ne soient soufflées par de fortes
rafales de vent, utilisation de vitres et de parois solides.

b : Etablissements Recevant du Public (ERP)

Généralement, les Etablissements Recevant du Public sont classés en


catégories selon l’importance du public admis en leur enceinte, et partant, de
la nature des mesures de sécurité à leur imposer.

D’après certaines législations étrangères, les Etablissements Recevant du


Public peuvent être classés en 4 ou 5 catégories comme ci-après :

- 1ère catégorie : Etablissements recevant plus de 1500 personnes ;


- 2ème catégorie : Etablissements recevant entre 700 et 1500 personnes ;
- 3ème catégorie : Etablissements recevant entre 300 et 700 personnes ;
- 4ème catégorie : Etablissements recevant jusqu’à 300 personnes ;

197
Les établissements recevant du public comprennent plusieurs types à savoir :

- établissements de spectacle : salles de spectacles, cirques non forains,


bâtiments clos et couverts à usage sportif, etc. ;
- bains et douches publics ;
- magasins de vente et centres commerciaux ;
- restaurants et cafés ;
- hôtels, pensions de famille ;
- salles de réunions, salles de conférences, salles de jeux, salles
d’exposition;
- établissements d’enseignement public et privé ;
- bibliothèques, musées publics ou privés ;
- établissements sanitaires publics et privés ;
- établissements de culte : mosquées, églises, synagogues ;
- administrations publiques ou privées : banques;
- établissements de plein air : terrains de sport, piscines non couvertes,
etc.

En plus des risques naturels auxquels ils peuvent être confrontés tels que les
inondations, les séismes, les glissements de terrain, etc., ces établissements
retiennent l’attention au regard des risques particuliers d’incendie,
d’explosion et de panique ; le nombre d’accidents et le volume des dégâts y
afférents, annuellement recensés, étant révélateurs à ce propos.

C’est pourquoi, tant au moment de la construction de ces établissements


qu’au cours de leur exploitation, des mesures particulières de prévention et
de sauvegarde doivent être prises en vue d’assurer la sécurité des
personnes et de protéger les établissements eux-mêmes. Ces mesures
doivent être déterminées en fonction du nombre de personnes admises dans

198
l’établissement, de la nature de l’exploitation, des dimensions des locaux et
du mode de construction. Parmi ces règles, on peut citer:

b-1 : Implantation et structure des établissements recevant du public

Les établissements recevant du public doivent être implantés dans des aires
ne présentant pas de risques d’inflammation rapide. Ils doivent être
suffisamment éloignés des voisinages dangereux notamment des
établissements industriels et commerciaux dangereux.

Les bâtiments et les locaux où sont aménagés des établissements recevant du


public doivent être construits de manière à permettre l’évacuation rapide de
la totalité des occupants.

Ils doivent avoir une ou plusieurs façades donnant sur des voies ou des
espaces libres permettant l’évacuation du public, l’accès et la mise en service
des moyens de secours et de lutte contre l’incendie.

Les matériaux et les éléments de construction utilisés tant pour les bâtiments
et les locaux que pour les aménagements intérieurs doivent présenter, en ce
qui concerne leur comportement au feu, des qualités de réaction et de
résistance appropriées aux risques courus. Dans ce cadre, il serait plus
prudent de proscrire l’utilisation, pour la construction et la décoration des
parties de l’établissement réservées au public, de matériaux particulièrement
inflammables (papiers asphaltés, tissus légers, etc.).

L’aménagement des locaux, la conception des différentes salles et pièces,


doivent assurer une protection suffisante, compte tenu des risques courus,
aussi bien du public fréquentant l’établissement que des personnes occupant
des locaux attenants.

199
b-2 : Mesures de prévention et de protection

L’aménagement et la répartition des sorties et des dégagements intérieurs


qui y mènent doivent être opérés de manière à ce que l’évacuation des
personnes en cas de besoin se fasse le plus rapidement et sans difficulté. Le
nombre et la largeur de ces voies doivent prendre en considération le
nombre de personnes appelées à les utiliser.

Tout établissement recevant du public doit disposer de deux sorties au


moins. En vue de faciliter au mieux l’évacuation des personnes en cas de
besoin, les normes relatives à l’éclairage de sécurité, au jalonnement
d’itinéraires, au sens d’ouverture des portes, doivent être respectées.

L’éclairage de l’établissement, tant qu’il s’agit d’une zone urbaine, doit


nécessairement être électrique. Un éclairage de sécurité doit être prévu et
doit être alimenté par une source différente de celle assurant l’éclairage
normal.
Des mesures particulières de sécurité doivent être observées lorsque
l’établissement, de par la nature de ses activités, est obligé de stocker des
matières explosives. Dans tous les cas, le stockage, la distribution et l’emploi
de produits explosifs ou toxiques, de tous liquides particulièrement
inflammables doivent être interdits dans les locaux et dégagements
accessibles au public. Tous ces produits doivent être placés à l’extérieur,
dans des locaux spéciaux aménagés à cet effet, situés à une distance
suffisante de l’enceinte réservée au public.

Les ascenseurs et monte-charges, les installations d’électricité, de gaz, de


chauffage et de ventilation, ainsi que les équipements techniques particuliers
à certains types d’établissements, doivent présenter des garanties de sécurité
et de bon fonctionnement.

200
Lorsque l’établissement est important, il doit être doté de dispositifs
d’alarme et d’avertissement. De même, un service de surveillance doit être
mis en place avec du personnel qualifié et des moyens de secours et
d’intervention appropriés aux risques. Ce service doit en outre veiller sur les
installations de détection et d’extinction.

c : Immeubles de grande hauteur (IGH)

Sont considérés comme immeubles de grande hauteur ou IGH « les


bâtiments dont le dernier plancher bas accessible est situé par rapport au
niveau du sol le plus haut utilisable par les engins de la protection civile, à
plus de 28 mètres »(169).

Les immeubles de grande hauteur sont généralement destinés à plusieurs


usages : usage d’habitation, usage sanitaire, usage d’hôtels, de bureaux,
d’enseignement, de dépôts d’archives, ou à des usages mixtes pouvant
parfois inclure des Etablissements Recevant du Public.

c-1: Risques inhérents aux immeubles de grande hauteur

Depuis plusieurs années, la construction d’immeubles de grande hauteur se


développe à un rythme sensible dans plusieurs agglomérations du
Royaume. Or, plusieurs dangers imposent que ces immeubles soient conçus
et construits selon des normes de sécurité strictes. Outre le risque de dégâts
auxquels ces immeubles peuvent être exposés en cas de catastrophe
naturelle et pour lesquels des normes particulières de sécurité ont été
récemment prévues notamment pour les aléas sismiques (Décret du 22
février 2002 approuvant le règlement de construction parasismique), le

169) OIPC: Projet d’instruction sur la sécurité des immeubles de grande hauteur , DT/214.

201
risque de l’incendie et de la panique retient foncièrement l’attention pour
les raisons suivantes (170) :

- présence au sein de ces immeubles d’un nombre élevé de personnes ;


- absence d’informations sur les occupants de l’immeuble ;
- méconnaissance par les occupants des consignes de sécurité : issues de
secours, voies de fuite, installations de sécurité ;
- accès difficile aux niveaux supérieurs pour les moyens de secours;
- difficulté des opérations de sauvetage en raison de la fumée, de la
chaleur, des gaz ou encore de la panique.

Afin de pourvoir à la sécurité des occupants, des mesures particulières de


protection- incendie, plus strictes que celles qui sont habituellement
adoptées pour les bâtiments de moindre envergure, doivent y être
appliquées.

c-2 : Normes de construction

La première phase concernant ce genre d’immeubles est certainement


d’abord le choix de l’emplacement de ces immeubles et la définition des
normes de leur construction.

Outre les règles de sécurité ayant trait à l’aménagement du territoire et à


l’occupation du sol au regard des aléas naturels tels que séismes,
mouvements de terrains, inondations, etc., l’implantation des IGH doit
prendre en considération la proximité des centres de secours de la Protection
Civile, à une distance respectable pour permettre l’intervention de ceux-ci
dans les meilleurs délais et dans les meilleures conditions en cas d’incendie.
En plus, les centres de secours de la Protection Civile doivent

170) Bulletin de l’Organisation Internationale de Protection Civile, n° 309, mars 1981.

202
impérativement disposer d’équipements spéciaux pour la lutte contre le feu
dans les immeubles de grande hauteur.

La distance séparant l’immeuble du point d’arrivée des services de la


Protection Civile doit être telle que ceux-ci puissent, en cas de besoin,
déployer leurs moyens et mettre en œuvre leurs engins sans difficulté.

Par ailleurs, des voies d’accès réservées uniquement aux services de secours
de la Protection Civile doivent être aménagées au niveau de l’espace libre
situé devant l’immeuble et doivent être interdites à tout autre usage arrêts
de bus, stationnement de véhicules, entreposage de marchandises, etc. Les
routes menant à l’immeuble doivent être prévues avec des espaces
permettant la réalisation sans encombres des manœuvres des engins de
secours : mouvements sur pivots, virages complets, marche arrière.

c-3 : Sécurité des occupants

Tout bâtiment de grande hauteur doit être conçu de manière à maintenir son
intégrité de structure face au feu pendant un délai déterminé tout en
protégeant ses occupants et en leur offrant des possibilités de refuge sûr.

Compte tenu de l’impossibilité de pouvoir envisager une évacuation totale


de l’ensemble des occupants de ce genre d’immeuble, en particulier ceux
recevant un nombreux public, il est indispensable de prévoir des mesures
susceptibles de permettre de :

- circonscrire les éventuels incendies dans des proportions déterminées


et empêcher leur propagation à d’autres aires du bâtiment ;
- mettre rapidement en sécurité les occupants des locaux sinistrés ;
- maintenir la stabilité de l’immeuble ;
- prévenir la projection de matériaux (verre, tuiles, etc.) ;

203
- prévenir la panique et garantir la continuité de la vie normale dans les
étages non touchés par le sinistre ;
- réunir les conditions favorables à l’intervention rapide des services de
la protection civile.

Cela suppose donc l’adoption d’un certain nombre de normes lors de la


construction de l’immeuble et de son exploitation.

En premier lieu, les immeubles de grande hauteur doivent être édifiés et


aménagés de manière à ce que des incendies éventuels ne puissent se
propager d’un étage à un autre et que la sécurité des occupants des étages
que le feu n’a pas atteint soit assurée. Cela est d’autant plus vrai dans la
mesure où il est pratiquement impossible d’évacuer en même temps un
grand nombre de personnes (des centaines, voire des milliers), en plus des
effets de panique et d’affolement, parfois encore plus dangereux, qui
accompagnent normalement les situations de crise.

En cas d’incendie, il est impératif que la structure de l’immeuble puisse


résister au feu. Les éléments porteurs tels que les murs, les colonnes, les
traverses, les murs de soutènement, de même que les planchers et les
plafonds, doivent résister au feu pendant une durée suffisante de manière à
permettre l’intervention des secours et éviter l’embrasement rapide du
bâtiment avec toutes les conséquences que cela suppose.

Il en va de même pour les plafonds et planchers séparant horizontalement


les compartiments (chaque étage doit constituer un compartiment du feu
indépendant). Des normes particulières de la résistance au feu doivent être
prévues pour les couloirs et autour des cages d’escaliers.

204
Les parures et embellissements extérieurs des façades doivent être
incombustibles et ne doivent ni se rompre, ni se détacher de la paroi sous
l’effet du feu.

En vue de prévenir les incendies et leur propagation, il est impératif de


proscrire à l’intérieur des immeubles de grande hauteur (pièces, salles,
escaliers, planchers), surtout ceux qui reçoivent un nombreux public et ceux
à usage sanitaire, des objets, meubles, éléments décoratifs, constitués de
matériaux combustibles ou facilement inflammables. Il en est de même pour
le revêtement des murs et les faux plafonds.

En second lieu, les escaliers doivent être isolés des couloirs et dotés de parois
résistant au feu pour une période donnée et ce pour empêcher les flammes et
la fumée d’y pénétrer rapidement.

Les escaliers doivent ainsi pouvoir être utilisés pour l’évacuation des
occupants de l’étage en feu soit vers le rez-de-chaussée, soit vers les étages
mitoyens, puis, selon les circonstances, par ascenseur ; les occupants des
niveaux contigus à l’étage en feu et directement menacés par l’incendie
seront évacués par ascenseurs si nécessaire ; les occupants des autres étages
doivent se sentir en sécurité.

Tous les escaliers de l’immeuble doivent déboucher sur le toit qui doit être
aménagé de manière à servir de moyen d’évacuation des occupants en cas
d’urgence et si possible de piste d’atterrissage aux moyens aériens de
sauvetage (hélicoptères).

Dans tous les cas, les escaliers doivent être considérés comme les principales
voies de secours.

En troisième lieu, les ascenseurs et tous les appareils élévateurs doivent être
conçus de manière à continuer à assurer leur fonction en cas d’incendie à

205
savoir la desserte des autres étages de l’immeuble de grande hauteur et
l’évacuation de leurs occupants sauf l’étage sinistré. Leurs portes doivent
être à fermeture automatique avec une résistance au feu suffisante pour
empêcher la propagation du feu et de la fumée dans les gaines. Les
ascenseurs doivent être utilisés en priorité par les services de secours.

En quatrième lieu, pour assurer au mieux la sécurité des occupants de


l’immeuble en cas de sinistre, il faut pouvoir pallier toute défaillance de
l’éclairage normal. Il faut donc alimenter le bâtiment en électricité
notamment par une source de courant de réserve, soit une ou plusieurs
sources autonomes de sécurité à déclenchement automatique qui doivent
être prévues au sein de l’immeuble pour satisfaire pleinement aux besoins
de celui-ci en électricité : fonctionnement de l’éclairage de sécurité, mise en
marche des ascenseurs, des monte-charge, etc.

En cinquième lieu, l’eau, destinée à la lutte contre les incendies dans les
immeubles de grande hauteur, doit être contenue dans des réservoirs situés
dans les dépendances de chaque immeuble en quantités suffisantes pour
permettre de maîtriser les éventuels incendies naissants (colonnes humides).

La lutte contre l’incendie se fait également par voie de bouches d’incendie


qui doivent alimenter les colonnes sèches situées à l’intérieur de l’immeuble.
Les prises d’incendie aménagées dans les colonnes pour la lutte contre le feu
doivent être dotées d’adaptateurs fixes à l’épreuve du feu permettant le
raccordement aux manches d’incendie.

En sixième lieu, un système de ventilation et de désenfumage doit être prévu


pour empêcher que l’immeuble ne soit envahi par la fumée dense en cas
d’incendie. Ce système devra assurer l’évacuation de la fumée vers
l’extérieur.

206
L’aménagement d’ouvertures dans les murs extérieurs de l’immeuble peut
également constituer une possibilité de désenfumage des salles.

En septième lieu, les immeubles de grande hauteur doivent impérativement


être dotés de détecteurs d’incendie et de fumée à la fois pour que les services
concernés procèdent immédiatement aux opérations d’extinction et de
désenfumage et aussi pour alerter les occupants de l’immeuble.

Le système de détection et d’alarme-feu doit pouvoir détecter l’incendie et


actionner automatiquement l’alarme.

Le choix, le montage et la mise en place des alarmes et détecteurs de fumée


doivent être opérés conformément aux prescriptions techniques appropriées.

Il convient également de mettre en place un système d’alarme sonore


permettant d’émettre les instructions et les signaux d’alarme par sirènes,
sonneries, voire haut-parleurs.

Enfin, pour une meilleure protection des immeubles de grande hauteur


contre le feu et ses effets, les sprinklers sont considérés comme le moyen le
plus sûr et le plus efficace. En cas d’incendie, les sprinklers, correctement
installés, sont conçus de manière à détecter automatiquement le feu et à
déverser de l’eau sur le foyer même, déclenchant en même temps l’alarme
pour la venue des secours, maîtrisant ainsi l’incendie à son stade initial et
évitant aussi bien les dégâts que la panique.

Etant donné que la surveillance et le contrôle des immeubles de grande


hauteur ont une influence considérable en matière de sécurité,
particulièrement ceux recevant un nombreux public et ceux réservés à des
usages sanitaires, des mesures doivent être imposées en conséquence aux
propriétaires, exploitants ou occupants, notamment pour l’organisation d’un
service central permanent de sécurité au sein de ces bâtiments.

207
Ce service, doté de moyens de première intervention et de personnel
spécialisé, devrait s’occuper de toutes les questions de sécurité ayant trait à
l’immeuble : prévention de l’incendie et de la panique, surveillance et
contrôle des installations de lutte contre l’incendie, lutte contre les débuts
d’incendie et conseils aux occupants et visiteurs.

C : Atténuation des dangers liés aux établissements, insalubres,


incommodes ou dangereux

L’atténuation des dangers liés à l’exercice de l’activité industrielle requiert


une approche à court, moyen, et long termes. A court terme, il faudrait
assurer la sécurité des populations contre les risques inhérents aux
établissements insalubres, incommodes ou dangereux existants et à moyen
ou à long terme, il serait nécessaire d’isoler les futures zones industrielles
des zones résidentielles.

1 : Protection des personnes exposées aux risques industriels

La réduction des risques industriels auxquels la population est exposée à


l’heure actuelle pourrait se faire d’une part au moyen de mesures
rigoureuses et d’un contrôle effectif des sites importants au milieu des
agglomérations et, d’autre part, par l’entremise de réglementations pouvant
ramener le risque d’accident à un faible taux.

a : Mesures de sécurité et contrôle effectif des sites existants

En l’état actuel des choses où la question de la sécurité des emplois est


évoquée avec nostalgie, il est presque impossible d’aborder le sujet de la
délocalisation des industries ou de leur éloignement. C’est pourquoi, il faut

208
que « la sécurité interne à l’usine soit reconnue par tous comme la clé de l’action de
prévention urbaine» (171).

Aussi, l’idée force qui se dégage de cette réflexion est-elle basée sur le
concept de protection des personnes exposées au risque. La première
solution tend à instaurer une distance suffisante entre les équipements et le
risque en question, ce qui offre un haut degré de protection contre les
événements à faible probabilité, en même temps qu’une protection
significative contre les accidents majeurs tout à fait improbables mais
raisonnablement prévisibles. Appliquer ce concept implique en pratique
l’identification des accidents raisonnablement prévisibles les plus graves, à
la suite de quoi une distance de séparation est définie en fonction
respectivement de l’intensité de la radiation thermique, de la surpression
explosive et du seuil d’exposition toxique. Cette approche repose sur une
appréciation quantitative des conséquences, mais avec une prise en compte
uniquement quantitative des taux de probabilité.

Des études sur la gestion des installations à risque ont conclu ces dernières
années qu’il est nécessaire de prendre en compte l’exposition spécifique du
public ainsi que l’extension des effets possibles sur sa santé. Le concept de
protection prend en compte cette probabilité d’une façon qualitative, mais il
semblerait souhaitable de pouvoir la quantifier, dans les limites du possible
(172).

L’application des mesures rigoureuses de sécurité revient à adopter une


méthodologie de gestion de la sécurité à l’intérieur de l’usine de façon à
éviter tout incident qui risquerait de mettre en danger la sécurité du

171 ) COURTEUX (M) : « Industrie et ville ; cohabitation ? », Revue Sécurité- Revue de préventique , n°:1, Janvier
Février 1993, p : 24.
172 ) Voir notamment « la maîtrise de l’urbanisation autour des sites industriels à haut risque : Gestion des sols en
Angleterre », revue « Préventique » n° : 29, octobre 1989, p : 22.

209
voisinage. Cet impératif impose que la dimension sécuritaire soit reconnue
et rehaussée à un niveau acceptable. Cela suppose une prise de conscience
de la part des gestionnaires des entreprises qui doivent donner à l’aspect
sécuritaire toute l’importance qu’il mérite. Un tel intérêt pourrait se
manifester par la mise en place de mesures de prévention au sein de
l’entreprise durant tout le processus de fabrication des produits, du stockage
des matières premières jusqu’à l’entreposage des produits finis.

Les gestionnaires des entreprises à haut risque gagneraient en efficacité s’ils


déléguaient cette tâche à des ingénieurs en sécurité industrielle, possédant
l’expertise nécessaire et entourés d’équipes de sécurité hautement qualifiées,
dotées d’équipements appropriés.

Il serait très bénéfique que les gestionnaires des entreprises soient


convaincus des avantages que cette culture de sécurité pourrait leur
apporter en termes de continuité de production et de compétitivité.

Toutefois, il faut reconnaître que les industriels qui sont imprégnés de cette
culture ne sont pas nombreux et qu’un effort de sensibilisation reste à
entreprendre particulièrement par le ministère de tutelle (173). L’idéal serait
d’aboutir à ce que tout industriel soit capable d’identifier les sources de
dangers, de connaître les mesures de prévention prévues pour éviter les
risques d’accident ou pour en limiter les effets, d’analyser l’ensemble des
scénarios d’accidents possibles, y compris les plus pénalisants et d’en étudier
les conséquences.

173 ) Selon une enquête effectuée en 2000 par la Direction de la Protection Civile auprès des unités industrielles
- 75% des établissements ne disposent pas d’une équipe de sécurité interne ;
- 90% n’ont aucune notion en matière de protection et de secours ;
- 50% n’ont aucun dispositif de protection et de secours ;
- 95% n’ont pas de plan d’opération interne de secours ;
- 70% avouent ne pas être préparées à affronter les accidents qui peuvent survenir .

210
Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire que des brochures de
sensibilisation soient diffusées aux industriels et que des séminaires ou des
formations soient organisés périodiquement, en attendant qu’une
réglementation marocaine rénovée voie le jour.

La question du contrôle mérite également d’être éclaircie, car des problèmes


d’ordres juridique et humain continuent de constituer des contraintes
indépassables. Jusqu’à présent c’est le service des établissements classés
relevant du ministère chargé de l’Equipement qui en est chargé. Or celui-ci
n’entreprend pas d’actions dans ce domaine car il « n’est pas outillé pour le
faire ni sur le plan humain, ni sur le plan technologique. Et puis, à quoi cela sert-t-il
puisque les sanctions que prenait le texte obsolète (de 1914) sont de 100 à 1000
anciens francs (1 à 10 DH), et le double en cas de récidive »(174)

b : Modernisation de la réglementation pour la sécurité interne

Le Dahir de 1914 (175) est dépassé, anachronique et ne répond plus aux


exigences modernes en termes de prévention contre l’incommodité,
l’insalubrité et le danger.

La modernisation de la réglementation sur la prévention des risques est


devenue une nécessité, d’une part pour mettre à jour et uniformiser les
mesures de prévention à envisager au sein des entreprises et, d’autre part ,
pour instaurer des règles contraignantes dont le respect est obligatoire.

La réglementation actuelle ne prévoit que des mesures élémentaires de


sécurité qui ne sont plus adaptées à la complexité des processus de
fabrication et à la diversité des produits dangereux utilisés par les
entreprises.

174 ) Voir l’hebdomadaire « vie économique » du 2 février 2002, p : 19.


175 ) Dahir relatif aux établissements insalubres, incommodes ou dangereux.

211
La question de ces installations existantes a connu un débat très approfondi
et des évolutions juridiques dans les pays industrialisés.

En plus des directives du Conseil de l’Europe « SEVESO I et II »(176) qui


imposent la maîtrise de l’industrialisation autour des sites industriels et la
réalisation obligatoire d’une étude de danger pour les établissements de
1ère classe, la réglementation européenne impose aux responsables des
entreprises certaines mesures de prévention internes notamment :

- la bonne localisation et la conception des équipements et installations ;


- le remplacement d’un produit par un autre moins dangereux ;
- l’élaboration et la mise à jour des modes opératoires et des procédures ;
- la protection contre les actes de malveillance ;
- la formation et la sensibilisation du personnel ;
- le renforcement des matériels indispensables à la sécurité tels que le
dispositif de lutte contre l’incendie ;
- les plans d’actions annuels et les audits internes de sécurité ;
- les inspections et les contrôles par des organismes extérieurs agréés ;
- la procédure de gestion des entreprises sous-traitantes ;
- l’audit extérieur de sécurité ;
- l’élaboration et la mise à jour des plans d’opérations internes qui
définissent les mesures d’organisation, les méthodes d’intervention et les
moyens nécessaires mis en œuvre dans le cas d’un sinistre dont les
conséquences restent limitées au cadre de l’entreprise elle-même ;
- la participation à l’élaboration des plans particuliers d’interventions (PPI)
par les autorités locales, pour le cas où les conséquences du sinistre

176
) Suite à l’accident du 10 juillet 1976 à Seveso (Italie), les gouvernements des Etats membres de la Communauté
Européenne sont tombés d’accord, sur proposition de la Commission pour renforcer le contrôle qu’exerçait la
puissance publique sur les activités industrielles. C’est ainsi qu’après de longues discussions est née la « Directive
du Conseil du 24 juin 1982 concernant les risques d’accidents majeurs de certaines activités industrielles »,
autrement appelée Directive « SEVESO I » (82/501/CEE). Celle-ci a été remplacée par la seconde en 1996.

212
dépasseraient le cadre de l’entreprise et menaceraient les populations
avoisinantes ;
- l’anticipation par l’information du public et la communication avec le
voisinage immédiat de ces zones d’actions ;
- la délimitation des zones industrielles par une urbanisation et une
réglementation contrôlées.

Quoi qu’il en soit, la modernisation de la réglementation exige d’unifier les


centres de décision et d’assurer la cohérence des procédures d’autorisation et
de déclaration.

2 : Sécurisation des installations nouvelles

La prise de conscience des dangers industriels induits par la proximité des


villes et des usines à haut risque n’a réellement commencé que très
récemment, lorsque se sont produits des accidents comme celui de l’hôpital
de Mexico, pour ne citer que ceux qui ont été les plus marquants, mais aussi
les plus dramatiques.

Il devient aujourd’hui nécessaire de maîtriser la pression urbanistique


autour des sites industriels présentant des risques majeurs. La meilleure
solution consiste à implanter les nouvelles installations industrielles
dangereuses dans des zones appropriées et de prévoir des zones tampons
non aédificandi.

En ce qui concerne la méthode à adopter, il est possible de s’inspirer des


pratiques reconnues pour leur pertinence au niveau international.

Ainsi, en France par exemple, la loi de 1976 (177) prévoit à son article 3 que les
dangers que présente une installation peuvent justifier que la délivrance de
l’autorisation de fonctionnement soit subordonnée à un éloignement

177) Loi française du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement.

213
suffisant des zones réservées à l’habitat. En application de cette disposition,
le préfet peut subordonner la délivrance de l’autorisation initiale
d’exploitation à la mise en place par l’exploitant de mesures offrant quelques
garanties. Le préfet serait fondé à refuser l’autorisation de l’installation
nouvelle.

Sur cette base, des arrêtés ministériels ou des circulaires ont prôné, pour
certaines catégories d’installations, de subordonner l’action de l’autorisation
à l’existence de garanties pouvant consister soit en l’acquisition des terrains
environnants, soit en servitudes non aédificandi de droit privé, conclues
entre l’exploitation et les propriétaires riverains (178).

Dans le cas des installations nouvelles les plus dangereuses, un dispositif a


été créé par la loi française du 22 juillet 1987 (179). Il s’agit de la possibilité
d’instituer des servitudes d’utilité publique autour des installations classées
nouvelles présentant les risques les plus importants, qui seraient
indemnisables par l’industriel. Ce dispositif a été déjà intégré dans la loi du
19 juillet 1976 présentant la liste des catégories d’installations concernées et
fixée par décret.

La loi détaille le contenu de ces servitudes qui comportent, en tant que de


besoin :
- la limitation ou l’interdiction du droit d’implanter des constructions ou
des ouvrages, d’aménager des terrains de camping ou de stationnement de
caravanes ;
- la subordination des autorisations de construire au respect des
prescriptions techniques tendant à limiter les conséquences d’un accident ;

178 ) ABAUZIT (F) : « la maîtrise de l’urbanisation autour des sites industriels à haut risque ; outils juridiques », revue
« Préventique » n°28 Juillet / Août 1989.
179 ) Loi n° 87-565 relative à l'organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l'incendie et à la
prévention des risques majeurs.
.

214
- et, plus originalement, la limitation des effectifs employés dans les
installations industrielles et commerciales voisines.

Conformément aux principes appliqués dans des matières comparables, les


servitudes ne pourraient pas remettre en cause l’utilisation déjà faite des
terrains environnants (180).

La procédure d’institution des servitudes devrait se dérouler en même


temps que la procédure d’autorisation de construction au titre des
installations classées.

Il est prévu une indemnité payée par l’industriel au profit des propriétaires
et titulaires de droits réels, lorsque l’institution des servitudes entraînera à
leur détriment un préjudice direct, matériel et certain.

Ces restrictions font que, pour simplifier, en pratique, ce sont surtout les
propriétaires de terrains à bâtir, au sens du code de l’expropriation, qui
devraient être indemnisés d’un préjudice reconnu.

L’existence du préjudice et la fixation de l’indemnisation seront, à défaut


d’accord amiable, appréciés par le juge de l’expropriation, selon les règles et
la jurisprudence applicables en la matière.

La loi prévoit par ailleurs des dispositions destinées à décourager la


spéculation.

On peut donc imaginer des cas où, en raison du choix du site, la mise en
place de ces servitudes ne s’accompagnera que de très faibles indemnités.

180
) On pourrait, à ce titre, s’inspirer de l’expérience française initiée par la loi BACHELOT-NARQUIN du 30 juillet 2003
relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages qui a modifié la
manière de gérer les sols, sites industriels, pollués ou potentiellement pollués. Elle a tenté de proposer des remèdes.
L’adoption des Plans de Prévention des Risques Technologiques (P.P.R.T.) et l’édiction des zonages les
accompagnant devraient permettre d’éviter un certain nombre d’erreurs en imposant l’inconstructibilité des
secteurs les plus dangereux. Par ailleurs, l’intervention des collectivités concernées devrait être facilitée en ce qui
concerne l’exercice du droit de préemption sur les terrains à la vente dans le périmètre frappé de servitude mais
aussi avec la création d’un droit de délaissement pour les habitants touchés et une possibilité d’expropriation pour
cause d’utilité publique.

215
Ainsi, cette pratique française donne une idée sommaire de l’importance
accordée à l’implantation des nouvelles installations industrielles
dangereuses dans le but de les isoler des zones d’habitation.

Dans notre pays, il est temps de se pencher sérieusement sur cette question
avant qu’il ne soit trop tard car le rythme de l’urbanisation connaît une
cadence impressionnante et le processus de développement des industries
est en constante évolution. Il est donc urgent de poser les règles appropriées
pour éviter les erreurs passées commises aussi bien au Maroc qu’à l’étranger.

Deux mécanismes sont à mettre en œuvre le plus tôt possible : d’abord, la


prise en compte des risques industriels dans le droit de l’urbanisme et
ensuite, l’élaboration d’une nouvelle loi sur les établissements classés.

Dans ce cadre, il faudrait que le projet de loi 04-04 édictant diverses


dispositions en matière d’habitat et d’urbanisme en phase d’étude puisse
prendre en considération la dimension des risques industriels majeurs dans
les zones inadaptées à l’urbanisation. A cet égard, certaines dispositions de
ce projet de loi devraient afficher cet objectif invoqué pour servir de
fondement à cette prise en considération (181) en attendant que cet impératif
soit décliné explicitement dans ses textes d’application.

Par ailleurs, il est absolument nécessaire d’assurer la refonte du dahir de


1914 car son caractère anachronique constitue un obstacle à l’intégration
légale des mesures modernes de prévention dans les phases aussi bien
d’autorisation que de fonctionnement.

181 ) Voir notamment articles 9 et 16.

216
Bref, l’atténuation des dangers des établissements insalubres, incommodes
ou dangereux tient à la refonte des textes réglementaires, à la limitation des
conflits de compétence et à l’instauration d’une profonde coordination entre
les départements chargés de l’urbanisme, de l’industrie, de l’environnement
et de la protection civile.

§ 2 : Réduction des effets des risques mobiles

Comparativement avec les risques localisés, les risques mobiles sont moins
importants, néanmoins, ils ne sont pas négligeables, en particulier les
dangers liés à la circulation des matières dangereuses.

Les statistiques établies par la Direction de la protection civile pour les cinq
dernières années démontrent que les accidents en rapport avec le transport
de produits dangereux sont rares (182). Cependant, les dangers liés à cette
activité sont très importants et suscitent beaucoup d’inquiétude auprès des
services de secours, car il n’est pas écarté qu’un camion transportant des
produits dangereux explose dans un quartier très peuplé ou dans un endroit
très fréquenté. C’est une probabilité qui ne doit en aucun cas être négligée.

De même, il n’est pas écarté que lors d’un rassemblement public, les
infrastructures d’accueil ne subissent un sinistre compte tenu de l’afflux
massif des participants. A plusieurs reprises des tribunes se sont effondrées
soit à cause des vices de construction, soit à cause du dépassement de leur
capacité.

Ces éventualités doivent être prises au sérieux en agissant bien en amont par
le renforcement des mesures de réduction des effets des risques mobiles.
182
) En effet, lors des cinq dernières années (2002-2006), sur un total de 78 accidents mettant en cause des produits
chimiques, seuls 7 accidents sont survenus à l’intérieur d’agglomérations urbaines.

217
A : Organisation du transport des matières dangereuses

Le transport des matières dangereuses constitue un problème préoccupant


pour les pouvoirs publics et notamment pour les responsables de la
protection civile spécialement chargés de la sauvegarde des personnes et des
biens.

Les tragédies qui se sont produites un peu partout dans le monde


interpellent les pouvoirs publics car nul n’est en droit d’assurer de façon
catégorique que de telles tragédies ne peuvent arriver au Maroc.

Il appartient à l’administration, comme au transporteur de matières


dangereuses, de tout mettre en oeuvre pour que de telles catastrophes ne se
reproduisent pas dans notre pays. Néanmoins, il convient de prévoir, dans
l’hypothèse où de tels accidents surviendraient, les mesures appropriées
pour en limiter les conséquences.

L’organisation du transport des matières dangereuses constitue l’un des


volets essentiels pour le perfectionnement de la gestion des risques. Cet
objectif pourrait être atteint à trois conditions :
- la première consiste à adapter la réglementation aux progrès
techniques susceptibles d’accroître la sécurité ;
- la seconde consiste à faire respecter cette réglementation. Aussi bien le
contrôle que les sanctions doivent être progressivement renforcés ;
- la troisième consiste à donner à chacun de ceux qui participent à ces
transports la conscience du caractère spécifique des matières transportées,
des obligations particulières qui s’y rattachent et des responsabilités qui en
découlent.

218
1: Modernisation de la réglementation

Le transport des matières dangereuses est toujours régi par le dahir de 1938.
Ce texte apparaît aujourd’hui dépassé et anachronique. La modernisation de
la réglementation consiste donc à l’adapter aux progrès techniques
enregistrés dans ce domaine.

Après plusieurs accidents qui se sont produis sur le territoire national, en


particulier la tragédie de la gare de Témara survenue le 27 septembre 1993
suite à une collision entre un train de voyageurs et un train de wagons-
citernes et le renversement le 21 août 1996 d’un camion citerne contenant 20
tonnes de gaz butane près de la médina de Rabat, les pouvoirs publics se
sont rendus compte de la nécessité de se pencher sérieusement sur la refonte
de la réglementation relative au transport de matières dangereuses.

Une commission a été instituée auprès du ministre chargé du Transport pour


préparer un projet de loi. Ce projet est toujours en phase d’étude dans le but
de concilier les impératifs de sécurité et les intérêts des transporteurs qui
craignent d’être pénalisés par certaines nouvelles mesures jugées
contraignantes à leur égard.

Cependant, contrairement au texte de 1938 ayant un caractère général et


unifié pour toutes les catégories de produits dangereux, le projet de loi en
gestation a extrait de son champ d’application le transport des produits
radioactifs et explosifs. Ces produits ont fait également l’objet de deux
projets de lois préparés sous la responsabilité du ministère de l’Energie. Par
ailleurs, cette nouvelle réglementation introduit des mesures spécifiques
concernant les conducteurs, les véhicules, les règles de circulation et les
mesures de sécurité concernant le chargement et le déchargement.

219
Le reproche que l’on peut faire à ce projet c’est qu’il renvoie à des textes
d’application qui ne sont pas encore préparés. Aussi, les mesures techniques
de prévention des risques ne sont pas encore précisées, d’où l’impossibilité
de se prononcer sur l’adéquation ou non de ce texte.

Quoi qu’il en soit, malgré l’urgence de l’adoption de cette nouvelle


réglementation, dictée par la libération du secteur du transport et la
complexité des accidents mettant en cause des engins transportant des
matières dangereuses, ce projet de loi peine encore à voir le jour.

2 : Renforcement du contrôle

Jusqu’à présent le contrôle effectué sur les engins transportant des matières
dangereuses ne concerne que le respect du code de la route.

Le projet de loi en gestation prévoit certaines dispositions relatives à la


formation des conducteurs et à l’obligation d’une certification des
entreprises effectuant certains transports. Il prévoit également que le
transport soit accompagné de certains documents tels le certificat d’agrément
des véhicules citernes, le document de transport précisant la nature des
produits transportés et les consignes d’intervention en cas d’accident.

En fait, les véhicules de TMD doivent être soumis à deux types de contrôle :

- Les contrôles effectués au niveau des entreprises par des contrôleurs des
transports routiers dont les compétences doivent être redéfinies pour tenir
compte des tâches spécifiques adaptées à la nouvelle réglementation ;

- Les contrôles routiers pratiqués par les services de police et de la


Gendarmerie Royale, ayant subi une formation spécifique en la matière.

Dans certains pays qui ont une expérience confirmée dans ce domaine, les
services de police exercent en milieu urbain deux modes de contrôle. D’une

220
part, les contrôles ponctuels qui sont laissés à l’initiative des fonctionnaires
et s’exercent de façon sporadique dans le cadre des missions générales de
surveillance de la circulation routière. D’autre part, les opérations de
surveillance organisées conjointement avec les contrôleurs des transports
routiers suivant un tableau prévisionnel établi d’un commun accord. Ces
opérations permettent d’effectuer des contrôles plus approfondis auxquels
s’associent souvent les agents des douanes.

Les modalités pratiques du contrôle portent sur les documents de bord, la


signalisation et l’équipement des véhicules, le respect des mesures de
sécurité, les règles de circulation et de stationnement et le respect de la
réglementation relative à la législation du travail (temps de travail et temps
de repos). Evidemment, outre la nécessité de renforcer et d’organiser les
contrôles, il est nécessaire de prévoir des sanctions proportionnelles à la
gravité de l’infraction, d’où la nécessité d’établir la typologie des infractions
possibles et de prévoir des sanctions correspondantes particulièrement plus
contraignantes pour certains actes jugés graves.

3 : Formation et sensibilisation des opérateurs

L’effort de formation et de sensibilisation doit concerner aussi bien les


responsables des entreprises qui assurent ce genre de transport que les
conducteurs, les contrôleurs et les services de secours.

C’est un aspect qui apparaît comme étant le plus important par ses
incidences profondes car la connaissance exacte de la nature des risques et la
maîtrise théorique et pratique des méthodes d’actions appropriées sont
fondamentales.

Les entreprises doivent disposer de préférence d’ingénieurs de sécurité et de


techniciens confirmés pour qu’elles puissent effectuer ce type de transport

221
selon des règles de sécurité totale par le respect des mesures de prévention
et, le cas échéant, venir en aide aux services d’intervention par des conseils
pratiques qui peuvent se révéler décisifs en cas d’accident dont le risque ne
peut être écarté.

Les agents chargés du contrôle qui relèvent du ministère chargé du


transport, des douanes, de la police et de la gendarmerie, doivent être
sensibilisés sur le caractère spécifique du transport des matières concernées
et suivre des formations spécifiques sur ce mode de transport qui diffère
profondément des autres modes de transport.

Quant aux services de secours, dont le personnel a une compétence générale


pour ce type de risque, il est presque impossible d’exiger de leurs hommes
ou de leurs chefs la connaissance parfaite de tous les produits dangereux qui
sont transportés sur les routes, leurs propriétés, les risques qu’ils peuvent
générer, les procédés à appliquer, les agents qu’il faut employer pour juguler
le danger le cas échéant. Le seul moyen possible est de mettre en place des
équipes d’intervention spécialisées et éventuellement d’établir une
coopération étroite entre les techniciens qui expédient ou reçoivent les
produits et les services de la protection civile (183), mais il est non moins
nécessaire que ces derniers reçoivent une formation complémentaire dans ce
domaine.

S’il est nécessaire d’organiser le transport des matières dangereuses dans le


but de prévenir un incident faisant de nombreuses victimes, il n’en demeure
pas moins que les rassemblements publics méritent, eux aussi, de ce point de

183
) Un exemple intéressant pour ce genre de coopération existe en France avec le « Protocole Transaid ». Il s’agit d’une
convention d’assistance conclue et signée le 4 décembre 1987 entre l’Union de l’Industrie Chimique (UIC) et le
ministère de l’Intérieur (Direction de la Défense et de la Sécurité Civiles). Cette convention prévoit une assistance
technique de l’industrie chimique aux services opérationnels de la Sécurité Civile en cas d’accident mettant en
cause des produits chimiques. Ce dispositif permet aux services de secours de gagner en temps et en efficacité
puisqu’il leur permet d’avoir des avis par téléphone sur le produit et une aide en personnel et en matériel pour
conseil et intervention sur le terrain.

222
vue une attention particulière eu égard aux dangers souvent liés à l’afflux
massif des personnes qui y participent.

B : Gestion sécurisée des rassemblements publics

Les rassemblements publics relèvent à la fois du régime de la sécurité


publique et de la protection civile. Qu’il s’agisse de réunions publiques, de
manifestations, d’attroupements sur la voie publique, se sont des
évènements qu’il est nécessaire de pouvoir gérer en raison des risques
inattendus et imprévisibles qui peuvent parfois résulter d’un mouvement de
panique, d’un excès de colère ou de violence, d’un incendie, d’un
effondrement de tribune ou de toute autre cause par rapport au nombre de
personnes et biens menacés et aux moyens de secours disponibles.

L’organisation des rassemblements publics est appréhendée jusqu’à présent


uniquement sous l’angle de la sécurité publique, les considérations de
protection sont négligées. L’examen de la réglementation régissant les
rassemblements publics permet de relever les lacunes concernant la sécurité
des personnes et des biens contre les effets de la nature et de l’homme.

1 : Amélioration du régime juridique relatif aux rassemblements publics

Les rassemblements publics sont réglementés par le Dahir de 1958 (184). Les
principales dispositions à retenir de cette réglementation sont les suivantes :

i) Les réunions publiques peuvent avoir lieu sans autorisation préalable


mais sont soumises à déclaration préalable excepté pour les réunions des
associations et groupements légalement constitués ayant spécifiquement des
objectifs à caractère culturel, artistique ou sportif ainsi que les réunions des

184 ) Dahir n°1- 58-377 du 3 joumada I 1378 (18 novembre 1958) relatif aux rassemblements publics tel qu’il a été
modifié et complété notamment par le Dahir portant loi n° 1-73-284 du 6 rabia I 1393 (10 août 1973) et le Dahir
n° 1-02-200 du 12 joumada I 1423 (23 juillet 2002) portant promulgation de la loi n° 76-00

223
associations et des œuvres d’assistance ou de bienfaisance qui sont
dispensés de cette déclaration (articles 2 et 3 du dahir du 18 novembre 1958).

ii) Les manifestations sur la voie publique (cortèges, défilés) sont soumises
à déclaration préalable, excepté pour les sorties sur la voie publique
conformes aux usages locaux, qui sont dispensées de cette déclaration.

Toutefois, lorsque l’autorité administrative locale estime qu’une


manifestation projetée est de nature à troubler l’ordre public, elle est
habilitée à l’interdire (art 11,12 et 13 du dahir de 1958 précité)

iii) Les attroupements sont classés par le dahir de 1958 en deux catégories :
les attroupements armés et les attroupements non armés.

Ce texte dispose que tout attroupement armé, formé sur la voie publique, est
interdit. Est également interdit sur la voie publique tout attroupement non
armé qui pourrait troubler la tranquillité publique (art.17).

Par cette interdiction, le législateur vise à prévenir toute atteinte à la sécurité,


à la tranquillité et à la salubrité publiques.

Dans cet effort de réglementation, il semble que le législateur n’a pris en


considération que la réaction imprévisible qui peut parfois émaner de la
foule qui la constitue et ce pour des raisons et sous des influences diverses. Il
n’a pensé qu’aux réactions du public qui peuvent se manifester de
différentes façons, notamment par des états émotionnels incontrôlables, et
peuvent dégénérer sous l’effet de la colère, de l’excitation et de la panique
en véritable problème d’ordre public.

Les situations de catastrophes qui peuvent survenir suite à des événements


imprévisibles tels que tremblements de terre, effondrements d’édifices
abritant les manifestations, inondations, grands incendies ou affaissements

224
d’habitations, ne sont pas prises en considération. C’est également le cas de
compétitions sportives non récréatives avec la présence d’un nombre
important de personnes. Dans de telles situations, la panique peut s’avérer
un facteur d’aggravation très important dans la mesure où la foule, sous
l’effet de la panique, peut adopter un comportement irrationnel dont les
conséquences risquent parfois d’être, du point de vue dégâts et pertes en vies
humaines, sans commune mesure avec les effets de la catastrophe
proprement dite.

Cette lacune doit être comblée en élargissant la réglementation pour y


intégrer des mesures de prévention et en planifiant les réactions possibles
face à une situation de sinistre.

2 : Incorporation des mesures de prévention et de planification

La gestion des rassemblements publics, surtout en milieu urbain, doit être


préparée à l’avance et doit prendre en considération, tous les paramètres qui
sont de nature à en atténuer les effets sur les personnes, les biens et
l’infrastructure ainsi que sur les personnels de secours eux-mêmes.

Pour prévenir les situations de crise susceptibles de naître des


rassemblements publics pour des raisons souvent inopinées, il serait utile et
nécessaire que des mesures appropriées soient prises à l’avance concernant
notamment les structures et les édifices destinés à abriter les manifestations
ainsi que les mesures de sécurité prises pour leur bon déroulement.

Les réunions et manifestations, en particulier celles à caractère sportif,


récréatif, culturel ou religieux, dont le nombre de participants dépasse un
certain seuil devraient faire l’objet d’une réglementation qui imposerait
l’obligation de produire certains documents et les mettre à la disposition des
services chargés de la protection des personnes et des biens.

225
Ces documents doivent comporter, entre autres, les informations suivantes :
- la nature de la manifestation ;
- le jour, l’heure et le lieu de sa tenue;
- la configuration et la capacité d’accueil de la salle ou de l’installation où
elle aura lieu ;
- le nombre de personnes ou de participants prévu ;
- les mesures que les organisateurs vont prendre pour assurer la sécurité
des participants ;
- le dispositif de sécurité mis en place ;
- les mesures destinées à prévenir les désordres susceptibles de porter
atteinte à la sécurité et à la tranquillité publique;
- les procédures d’alerte des services de secours en cas de nécessité.

A ces informations doivent s’ajouter, pour des cas particuliers, des certificats
de conformité des installations destinées à accueillir le public attestant de la
capacité de l’édifice à recevoir en toute sécurité le nombre prévisible de
participants en particulier sur le plan de la solidité des éléments structuraux
et de la disponibilité on non des dégagements en nombre suffisant.

Par ailleurs, sur le plan de la planification, il est nécessaire que les pouvoirs
publics mettent en place un plan de secours moderne en prévision d’une
catastrophe résultant d’un événement survenant à l’occasion de telles
manifestations.

Il y a lieu de souligner que le problème des troubles inhérents aux


rassemblements publics a fait l’objet d’un plan de secours en cas de troubles
sur la voie publique connu sous le nom générique de « SETROU ». La
circulaire de diffusion de ce plan (185), se limite à autoriser ou à interdire les
rassemblements publics lorsque ceux-ci représentent une menace pour

185 ) Circulaire du ministère de l’intérieur n° 65 en date du 9 avril 1965.

226
l’ordre public. Certes, l’interdiction constitue en elle-même une prévention
de tous les risques qui pourraient émaner des rassemblements. Toutefois,
cette mesure reste aléatoire tant les situations de crise, y compris celles
pouvant résulter des réactions de fuite, sont, de par leur nature, soudaines et
imprévisibles avec des conséquences graves dépassant parfois les possibilités
de réaction des services de secours, notamment ceux de la protection civile.

Aussi ces services doivent-ils être suffisamment préparés, selon une


démarche basée sur un plan d’opération à mettre en œuvre en cas de besoin
avec le concours des forces de l’ordre (police, gendarmerie royale, forces
auxiliaires), devant contenir les mesures suivantes :

En cas de rassemblements pacifiques :


- prévoir les moyens humains et matériels pour les opérations de secours :
sauvetage, transport des blessés, extinction des incendies, désincarcération et
fourniture d’eau potable;
- établir un poste de commandement opérationnel près des lieux du
rassemblement ;
- prévoir le ravitaillement des équipes de secours ;
- organiser régulièrement la relève des équipes pour éviter la fatigue
excessive ;
- prévoir une cellule de transmissions sur place pour les liaisons avec les
autorités supérieures et disposer de postes émetteurs-récepteurs radios
portatifs.

En cas de crise, une collaboration doit être opérée entre les services de la
protection civile et ceux de la police et de la gendarmerie royale.

Cette collaboration est importante pour la communication d’informations


sur les « points chauds » et des besoins en moyens de secours mais aussi

227
pour les personnels de secours qui doivent bénéficier de la protection des
forces de l’ordre pour l’accomplissement en toute quiétude des opérations de
secours et d’extinction d’éventuels incendies.

De plus, les services de secours doivent veiller à mettre hors de portée de la


foule les matériels ou outils que celle-ci, en cas de crise, pourrait être tentée
d’utiliser comme armes (haches, pioches, outils de désincarcération, etc.).

Parallèlement au développement des mesures de prévention, des efforts


doivent être consentis pour la valorisation des techniques de prévision et de
protection (Section 2).

Section 2 : Valorisation des mesures de prévision et de protection

Les catastrophes, qu’elles soient occasionnées par les forces de la nature ou


tout simplement générées par l’activité humaine, ont depuis toujours
constitué un véritable calvaire pour le genre humain. Les inondations, les
tremblements de terre, les affaissements et glissements de terrains, les
tempêtes violentes, les incendies et les accidents sous leurs diverses formes,
provoquent mort et destruction là où elles frappent, leur lieu de prédilection
étant bien sûr les agglomérations urbaines.

Leurs conséquences indirectes ou latentes sont encore plus importantes dans


la mesure où elles affectent dangereusement la vie sociale et le
développement économique de l’entité sinistrée, sans compter les effets à
moyen et à long termes qui peuvent en résulter sur le plan écologique et les
séquelles qu’elles sont susceptibles d’engendrer chez les victimes et leurs
familles.

Les mesures de prévention préconisées pour atténuer les effets des risques
sont certes importantes mais elles ne présentent pas une totale certitude pour
l’éradication définitive des aléas. C’est pourquoi il est primordial

228
d’entreprendre toutes les mesures nécessaires pour améliorer les mesures
de protection en procédant en particulier au renforcement des mesures de
prévision parmi lesquelles figurent les activités de vigilance.

§ 1 : Amélioration des dispositifs de prévision

La mise en place d’un dispositif efficace de vigilance doit être basé sur le
renforcement des structures de surveillance et d’alerte et sur la coordination
des actions des organismes impliqués.

A : Renforcement de la surveillance des risques

Le progrès technique offre aujourd’hui une panoplie de moyens qui


permettent d’assurer une surveillance appropriée des risques. Les
scientifiques et les chercheurs arrivent à comprendre la dynamique de la
plupart des phénomènes générateurs de dangers qu’ils soient d’origine
naturelle ou humaine. Il suffit donc pour notre pays de soutenir les
structures chargées d’assurer la surveillance des risques et de garantir une
utilisation rationnelle des dispositifs et instruments d’alerte.

1: Soutien matériel aux structures de surveillance des risques

Il existe aujourd’hui dans notre pays plusieurs structures dont la vocation est
d’assurer la surveillance des phénomènes naturels, en particulier les
tremblements de terre et les inondations. Il est certain que pour ces deux
risques majeurs, on ne part pas de rien; les structures habilitées à les suivre
en permanence disposent d’équipements et de compétences non
négligeables.

Ainsi, pour les inondations, la Direction de la Météorologie Nationale ne


cesse de progresser dans son œuvre de surveillance des phénomènes
météorologiques et d’émission de prévisions de plus en plus performantes.

229
Cependant, cette structure a encore besoin d’un soutien en équipements
pour perfectionner davantage ses prévisions et assurer une couverture totale
du territoire national en radars de nouvelle génération.

Sur un autre plan, les services de l’Hydraulique chargés de surveiller la


montée des eaux consécutive à des pluies abondantes ont commencé à
mettre en place des dispositifs d’alerte à partir d’un seuil détecté par le
recours à des instruments automatisés. Cette œuvre, qui a commencé à peine
après les inondations de 2001 et 2002, a besoin d’être encouragée pour se
substituer aux mécanismes classiques basés sur la surveillance humaine. Le
développement des structures de surveillance des phénomènes
météorologiques et celle relative à la montée des eaux est plus que nécessaire
pour pouvoir alerter les populations urbaines dans des délais raisonnables
surtout que les deux dernières décennies ont enregistré des changements
climatiques qui génèrent parfois des situations anormales et inhabituelles.

Pour les séismes, on ne peut ignorer le progrès qui a été enregistré depuis la
mise en place du Laboratoire de Géophysique (L.G.G). Toutefois, la
complexité du phénomène de tremblement de terre impose un travail
colossal et exige des instruments techniques de plus en plus perfectionnés.
La compréhension des séismes et la localisation précise des zones
vulnérables exigent des moyens importants qui, jusqu’à présent, font encore
défaut. Ces moyens modernes et consistants doivent être mis à la disposition
du L.G.G pour assurer un maillage total du territoire en « stations radars »
et partant d’améliorer la surveillance sismique sur l’ensemble du territoire
dans l’attente de la découverte d’une méthode fiable de prédiction des
séismes qui n’est pas encore à la portée des spécialistes.

Par ailleurs, il convient d’impliquer davantage le Centre Royal de


Télédétection Spatiale dans le processus de surveillance des phénomènes

230
météorologiques et géologiques dangereux car la technologie spatiale
présente aujourd’hui des atouts indéniables qu’il faudrait mettre à profit
dans le domaine de la protection des personnes et des biens.

L’autre aspect qui mérite d’être développé est celui de la surveillance des
tsunamis, car jusqu’à une date récente, ce phénomène était quasiment
inconnu. Ce n’est qu’à la suite de la tragédie de l’océan pacifique qu’une
prise de conscience s’est dégagée. On commence à peine à discuter et à
examiner les actions qu’il faudrait entreprendre pour surveiller ce
phénomène particulier dont les conséquences peuvent être dramatiques
puisque l’essentiel du potentiel économique de notre pays est situé dans les
villes côtières particulièrement vulnérables à ce phénomène.

En ce qui concerne les risques dues à l’homme, en particulier le risque


industriel, il est important d’imposer, au moins pour les établissements
réputés dangereux, des dispositifs de surveillance des risques d’explosions et
d’émanations probables de gaz toxiques.

C’est dire que la protection des populations urbaines impose de faire des
sacrifices matériels et intellectuels pour pouvoir alerter convenablement les
populations à travers des dispositifs d’alarme performants et
rationnellement utilisés.

2 : Amélioration des liaisons entre les structures

Les différents risques qui pèsent sur les populations urbaines ne sont pas
indépendants les uns des autres. Des liens existent entre certaines catégories
de risques telle la relation entre les conditions météorologiques et les feux de
forêts et les glissements de terrain, ou encore le tremblement de terre, les
glissements de terrain et les tsunamis. C’est la raison pour laquelle les

231
organismes impliqués dans les domaines de la surveillance et de l’alerte
doivent conjuguer leurs efforts pour mieux les appréhender.

En matière de surveillance, la coordination des actions peut concerner aussi


bien la recherche que le développement des instruments et leur utilisation
rationnelle.
Dans le domaine de la recherche, il existe des volets communs qui peuvent
faire l’objet d’études conjointes dans un esprit de complémentarité, surtout
pour certains risques qui font appel à diverses disciplines (hydrologie,
géologie, sismologie, ..). Il en est ainsi pour la surveillance des séismes.

Par ailleurs, il existe des instruments de recherche qui peuvent être exploités
par de nombreux organismes pour la surveillance des risques sans avoir
recours à l’acquisition d’instruments similaires par deux ou plusieurs acteurs
impliqués. Outre le caractère économique de ce rapprochement entre les
différents acteurs, il aurait le mérite de permettre l’utilisation et
l’exploitation de tels équipements par les spécialistes de différents horizons
et disciplines. Il en est ainsi des matériels de surveillance disponibles au
niveau du CRTS qui peuvent servir à la fois pour surveiller les feux de
forêts, la pollution marine, les séismes, les glissements, l’érosion et autres
risques.

La mise en commun des moyens et des compétences constitue une garantie


certaine pour l’évolution rapide des connaissances sur les risques et partant,
une source d’amélioration des performances en matière de surveillance des
risques.

En l’état actuel des choses, les différents acteurs ont tendance à jouer cavalier
seul, attitude qui ne favorise pas l’efficience des activités de surveillance et
de développement rapide des recherches. Dans notre ère de partenariat et de

232
rapprochement de plus en plus accéléré entre les acteurs considérés jadis
comme étant des antagonistes ou des adversaires dans des domaines
concurrentiels, il est intolérable que certains organismes restent attachés à
leur domaine de compétence et refusent de partager leur savoir avec
d’autres acteurs, d’autant plus que dans ce domaine, il n’y a pas vraiment de
contraintes incontournables ni d’intérêt matériel à protéger. L’objectif est
particulièrement de protéger la vie humaine et les biens, activité pour
laquelle chacun doit apporter son concours.

Pour rapprocher les différents acteurs et assurer la coordination de leurs


activités, les pouvoirs publics doivent mettre en place un institut national de
coordination des activités de recherche et de surveillance des risques, dont
la mission et la domiciliation doivent être définies de manière à lui garantir
un fonctionnement efficace et, aussi, de lui permettre de bien renseigner les
autorités et les services responsables de l’alerte des populations.

En attendant, il faudrait dès à présent prendre les mesures qui s’imposent


pour qu’une liaison pertinemment opérationnelle soit instaurée entre les
organismes chargés de la surveillance des risques et les autorités chargées
de la diffusion de l’alerte de manière à ce que les populations soient avisées
convenablement, faute de quoi les activités de surveillance ne serviraient
absolument à rien.

L’alerte des autorités et de la population passe par l’établissement de


liaisons de communications entre les différents partenaires, l’adoption de la
décision de diffusion ou non de l’avis d’alerte et l’alerte proprement dite de
la population.

233
a : Liaisons de communication

Pour pouvoir disposer de l’information en temps opportun, il doit être


procédé à l’établissement de liaisons de télécommunications fixes entre les
services détenteurs de l’information sur le risque donné, qu’il soit d’origine
météorologique, géologique, hydrologique, nucléaire ou autre, et les
services chargés de l’intervention pour lutter contre les effets du sinistre et
ceux chargés de la diffusion de l’alerte aux citoyens.

Des lignes téléphoniques directes doivent en principe relier les différents


partenaires de la gestion des situations d’urgence, chacun dans son domaine
de compétence propre. La Protection Civile étant l’organisme chargé
« d'organiser, d’animer et de coordonner la mise en œuvre des mesures de
protection et de secours des personnes et des biens lors d'événements
calamiteux et de catastrophes (186) », elle doit pouvoir, pour mener à bien
les missions qui lui sont ainsi imparties, disposer d’informations les plus
précises et les plus pertinentes possibles sur la nature de la menace et son
importance.

Ces informations doivent être communiquées par les organismes spécialisés


concernés notamment et à titre de simple exemple :

- pour les risques météorologiques : les services de la Météorologie


Nationale ;
- pour les risques sismologiques : le Centre National de la Recherche
Scientifique et Technique qui exploite le réseau de stations sismologiques
sur le territoire national ;

186) Article 36 (alinéa 2) du Décret n° 2.97.176 du 14 Chaabane 1418 (15 décembre 1997) relatif aux attributions et à
l'organisation du ministère de l'intérieur, BO n° 4558 - 7 chaoual 1418 (5 février 1998)

234
- pour les risques hydrologiques, les services de la Direction de
l’Hydraulique relevant du Secrétariat d’Etat chargé de l’Eau;
- pour les risques nucléaires, les services du ministère chargé de
l’Energie et ceux du Centre National de l'Energie, des Sciences et Techniques
Nucléaires.

b : Diffusion de l’avis d’alerte

Les informations ainsi recueillies à partir des organismes « sources de


l’information » doivent être soigneusement analysées, étudiées, synthétisées,
avant d’être mises à la disposition des autorités qui sont habilitées à prendre
la décision de diffuser l’alerte auprès de la population.

On peut parler dans ce cadre d’une sorte d’avertissement intra–organismes,


type « alerte Plan Orsec », où les organismes impliqués doivent réagir, une
fois l’alerte reçue, aux effets de la catastrophe : Protection Civile, Police,
Gendarmerie Royale, Forces Auxiliaires, Forces Armées Royales, qui
doivent également se transmettre l’alerte entre eux (187).

Les officiels chargés de l’alerte doivent avoir la certitude de l’imminence et


de l’ampleur du danger avant de procéder à la diffusion d’avis d’alerte qui
se traduisent souvent par des mesures d’exception : confinement, mise à
l’abri, évacuation, etc.. Cette précaution est d’autant plus importante que la
réaction du public est souvent imprévisible. Parfois, lorsqu’il s’agit d’une
fausse alerte, les responsables de la diffusion de l’alerte perdront même de
leur crédibilité, ce qui peut mettre en doute la réussite d’avis d’alerte
ultérieurs en raison de l'insensibilité et de l’indifférence qui risquent de

187) Circulaire n° 34/IPC/I du 25 janvier 1983 relative à l'Organisation des Secours en cas de Catastrophe (plan
ORSEC).

235
gagner la population en cas de répétition d’alertes gratuites et immotivées
(188) .

Il est donc primordial que les sources d’information, en particulier les


prévisionnistes, soient parfaitement sûrs que les informations qu’ils
communiquent justifient pleinement la prise de mesures d’exception et
qu’elles ne souffrent pas de précipitation ou d’ambiguïté.

c : Alerte de la population

La réaction de la population à l’alerte doit être immédiate et unique ; la


conduite à tenir doit être standard dans un premier temps, à savoir de se
confiner et de se mettre à l’écoute de la radio. Par la suite, des précisions
seront fournies sur la nature du risque et les consignes spécifiques à suivre.

En effet, le signal d’alerte a pour objectif d’avertir la population de rester


dans un lieu protégé ou de le rejoindre et d’écouter la radio qui diffusera
certainement des communiqués ou avis d’alerte sur la nature du risque, la
zone géographique concernée ainsi que les mesures à suivre ou à
entreprendre pour prévenir, éviter ou atténuer le danger s’y rapportant.

Les avis d’alerte destinés à la population doivent en premier lieu revêtir un


caractère officiel, car le public a tendance à croire beaucoup plus les
informations qui proviennent de sources publiques, spécialisées, avisées,
que les informations qui circulent de manière non officielle.

En outre, ces avis d’alerte doivent être clairs, intelligibles et donner sur le
danger des informations et des indications spécifiques faciles à comprendre
et à retenir. Ils doivent par ailleurs être accessibles à toutes les catégories de
la population. A ce niveau, il y a lieu notamment de prendre en

188) UNDRO : « Prévention et atténuation des catastrophes, le point des connaissances actuelles », volume 2, aspects
hydrologiques.

236
considération la nécessité de diffuser ces avis dans les dialectes propres aux
populations concernées.

Ils doivent également être prompts et biens réfléchis, de nature à convaincre


la population que le danger est imminent et bien avéré.
En cas de diffusion de plusieurs avis d’alerte, une grande homogénéité doit
être assurée entre eux pour éviter toutes formes d’approximation ou même
de contradiction qui pourraient être préjudiciables à l’objectif escompté.
Dans le même sens, la multiplicité des avis et messages d’alerte est
souhaitable, parfois indispensable, dans la mesure où il faut insister pour
convaincre la population de la nécessité de suivre les consignes depuis le
début de l’alerte jusqu’à sa fin.

B : Rénovation des dispositifs et procédures d’alerte

Souvent, dans les situations de catastrophes, les pouvoirs publics et la


population disposent de délais très courts pour prendre des mesures de
protection. Bien évidemment, cela dépend de la nature du risque, car à la
différence de catastrophes qui s’étalent dans le temps et qui sont prévisibles
à l’avance comme la sécheresse, la désertification et la famine, certains
phénomènes restent inattendus et il n’est pas encore possible de prévoir où
et quand ils risquent de se produire. D’autres ne peuvent être prédits ni
détectés suffisamment à l’avance et il est difficile d’en évaluer les effets
probables sur la collectivité concernée, telles les catastrophes générées par
des phénomènes météorologiques, les raz de marées, les glissements de
terrains et les ruptures de barrages.

En terme de protection civile, la distinction entre les catastrophes


imprévisibles et celles qui le sont revêt un caractère d’une grande

237
importance car pour ces dernières les autorités disposent de délais
raisonnables pour alerter la population.

L’alerte est un procédé qui était intimement lié à la guerre et qui avait donné
des résultats probants lorsque les populations civiles étaient appelées à se
protéger notamment contre les attaques au gaz et contre les raids aériens (189).

Pour les catastrophes naturelles et technologiques, ce procédé est également


essentiel dans la mesure où l’alerte, lorsqu’elle est donnée dans les délais
sensés, contribue efficacement à limiter les pertes. En effet, l’objectif de
l’alerte est, et doit être, de servir de moyen méthodique qui puisse permettre
d’aviser la population en temps opportun sur les risques qui sont sur le
point de dégénérer en accident ou catastrophe et de lui fournir les consignes
à suivre en vue d’adopter le comportement qu’il faut devant la menace.

Dans le processus de renforcement des structures d’alerte et d’alarme, il est


possible de distinguer deux formes d’actions : d’une part, l’optimisation des
moyens d’alerte et des réseaux d’alarme et d’autre part, l’alerte des autorités
et de la population.

En fonction de la nature du risque, de sa dimension, du degré d’urgence de


la réponse à y apporter, plusieurs types de moyens de diffusion de l’alerte
aux populations peuvent être utilisés, particulièrement :

1 : La sirène

La sirène, notamment fixe, a été considérée depuis longtemps comme le


procédé le plus efficace pour l’annonce à la population, avec la plus grande
célérité, d’un péril imminent. Elle est un moyen d’alerte dont la portée peut
atteindre en zone urbaine un spectre d’action plus ou moins grand (quatre
kilomètres ou plus) en fonction de la puissance de l'instrument, de son

189) Revue « PC, Liaisons » de la Fédération Nationale de la Protection Civile (France), n° 21, Décembre 1989.

238
emplacement, des obstacles naturels, des vents. C’est un moyen «civil» et
administratif (190) permettant d’alerter la population en cas de danger.

Les sirènes peuvent appartenir à l’administration ou à certains


établissements industriels ou commerciaux importants qui exercent leurs
activités dans la localité concernée. Dans ce dernier cas, des accords doivent
être passés entre l’administration et ces établissements pour prévoir la mise à
sa disposition des sirènes d’alarme et d’alerte en cas de besoin.

Lorsque la sirène d’alarme retentit, la population est appelée à adopter un


certain comportement en fonction de la nature du risque. Cette diversité du
comportement, liée à la variété du risque, appelle à l’adoption de signaux
d’alarme et d’alerte différents, mais à bien assimiler et à bien apprendre par
la population sous peine de conséquences graves et opposées aux effets
espérés. On pourra en l’occurrence parler de :
- signal d’alarme générale : écouter la radio et s’informer mutuellement ;
- signal d’alarme annonçant un nuage chimique ou radioactif résultant
d’un accident. Il invite la population à se confiner, c’est-à-dire à s’enfermer
dans un local clos, de préférence sans fenêtre en calfeutrant ouvertures et
aérations, puis à écouter la radio pour en savoir plus sur le comportement à
adopter, car le signal de la sirène ne peut apporter d’informations précises
sur la nature et la spécificité du risque ;

- signal d’alarme avisant d’un danger imminent qu’il faut fuir en


quittant la zone dangereuse : inondation, rupture de barrage, raz de marée,
etc. ;
- signal d’alarme pour tout risque majeur lorsqu’il est nécessaire de
diffuser rapidement un message à la population.

190) Revue « le Sapeur Pompier » n° 811 avril 1990.

239
Dans tous les cas, il faut éviter qu’il y ait des confusions d’audition entre les
différents signaux d’alarme, ce qui pourrait avoir des conséquences
catastrophiques. Par exemple, dans le cas d’une alarme pour crues
torrentielles, les personnes qui se rendent dans un abri pour se confiner au
lieu de rejoindre les hauteurs plus sûres courent un danger réel ; de même
pour ceux qui, en cas d’émanations chimiques, restent à l'extérieur au lieu
de s’enfermer très rapidement dans le bâtiment le plus proche pour ne pas
respirer les produits toxiques.

La population doit donc posséder une connaissance parfaite de ces


différents signaux d’alarme et du comportement qu’ils impliquent. Par
ailleurs et dans le même ordre d’idées, des essais de sirènes doivent être
effectués de manière régulière, pendant des périodes définies à l’avance,
afin de familiariser la population avec ce moyen.

Un des moyens les meilleurs pour s’assurer une réaction positive du public
en cas de besoin, notamment dans les zones urbaines fortement peuplées,
est de constituer et d’entretenir un service d’information à charge pour lui
d’inculquer à ce public les consignes visées par le biais des sirènes d’alerte
pour qu’il puisse savoir ce qu’il faut faire ou ne pas faire le moment
opportun.

2 : Le haut parleur

Les hauts parleurs peuvent s’avérer un moyen efficace et très utile en


matière de diffusion de l’alerte, surtout en cas d’absence de sirènes fixes(191).
Dans certaines zones et dans certaines circonstances, en particulier à
proximité immédiate des sites industriels où existe un risque d’explosion,
des messages d’alerte peuvent être diffusés par des haut-parleurs montés

191) Revue « Sécurité Civile et Industrielle », juillet/août 1990, n° 409.

240
sur véhicules (192). De même en cas de crues soudaines ou d’incendie, ce
moyen peut être efficacement utilisé pour appeler à l’évacuation immédiate.

3 : La radio et la télévision

La radio semble être indéniablement le moyen le plus important et le plus


efficace en situation de catastrophe ; elle peut être écoutée n’importe où et
n’importe quand ; elle a l’avantage d’être accessible à toutes les catégories
sociales et les messages qu’elle peut émettre ou diffuser sont pour la plupart
audibles et faciles à comprendre même pour des gens illettrés ou à bas
niveau d’instruction. Par ailleurs, la radio peut être prise avec soi, hors de la
maison, et donc peut être écoutée même en cours d’évacuation.

La radio est le moyen le plus rapide et le plus commode pour informer un


large public sur l’imminence d’une catastrophe et de faire savoir ce qu’il
faut faire (193).

La radio, en particulier étatique, doit pouvoir émettre en permanence, ce qui


permettrait l’adoption d’une consigne valable partout et en tout temps. Elle
est pour les autorités un support familier dont ils peuvent faire usage à bon
escient pour la diffusion des messages d’alerte.
Même lorsque la radio ou la télévision ne sont pas étatiques, il est possible
de recourir à ces moyens pour la diffusion de l’alerte par entente, accord,
partenariat ou toute autre forme (194).

La télévision peut également être un moyen efficace pour l’alerte, surtout


lorsque les messages d’alerte nécessitent d’être appuyés par des images

192) Il faudrait toutefois se mettre en garde contre toute perte de temps qui résulterait d’un éventuel retard dans la mise
en action de ces instruments.
193) UNDRO : « Prévention et atténuation des catastrophes, le point des connaissances actuelles », volume 10, aspects
relatifs à l’information.
194) Selon l’article 8 de la loi française N° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, les
« obligations auxquelles sont assujettis les détenteurs de moyens de communication et de diffusion sont fixées
dans le code d’alerte national défini par décret». Ces dispositions ne font pas de distinction entre les moyens
publics et les moyens privés, ce qui laisse supposer que le recours aux moyens privés n’est pas écarté.

241
réelles ou des indications visuelles (situation des zones dangereuses, tracé
des voies d’évacuation, messages visuels pour le comportement à adopter
face à un danger quelconque, ce qu’il convient de faire ou de ne pas
faire, etc.).

Ces deux moyens audio-visuels peuvent être utilisés pour l’alerte à tous
genres de risques, naturels, technologiques et de loisirs. Ils ont également
l’avantage de pouvoir donner des explications et des précisions sur le
danger qui menace la population, sur les mesures à entreprendre pour se
protéger, sur les voies d’évacuation, si celle-ci est nécessaire.

Compte tenu donc de leur importance dans l’alerte, il est nécessaire de les
associer davantage dans ce processus par l’établissement de contacts directs
entre eux et les autorités chargées de la décision de diffusion de l’alerte de
telle manière à pouvoir collaborer efficacement lors des situations de crise et
tirer le meilleur bénéfice du coefficient « temps » combien important en
termes d’urgence.

Enfin, d’autres formes de moyens médiatiques peuvent être utilisés pour


donner l’alerte tels les journaux, les affiches et les dépliants; mais ce genre
de moyens ne convient qu’à des situations au cours desquelles l’alerte se fait
de manière lente, correspondant surtout aux risques prévisibles bien à
l’avance dans le temps et dans l’espace.

Le renforcement des structures d’alerte et d’alarme sera doublé par des


actions concrètes visant à assurer une protection optimale des villes contre
les risques majeurs.
§ 2: Protection des villes contre les risques majeurs

La protection des villes contre les risques majeurs, en particulier ceux


résultant des forces de la nature, peut porter sur deux aspects différents :

242
d’une part, la mise en place des aménagements et ouvrages de protection
manquants et, d’autre part, l’entretien et la maintenance de ceux existants.

A : Mise en place des aménagements et ouvrages de protection

Il faut reconnaître que les catastrophes que notre pays a connues récemment,
en particulier celles résultant des inondations, ont démontré l’insuffisance
criarde des infrastructures de protection. Les aménagements et les ouvrages
réalisés jusqu’à présent pour se prémunir contre les effets des phénomènes
naturels se sont révélés fort insuffisants. Les feux de forêt, les glissements de
terrain et les inondations peuvent, mieux que d’autres aléas, donner lieu à
des mesures de prévention et de sécurisation par des ouvrages et
aménagements qui y sont dédiés.

Cependant, c’est à la protection contre les inondations qu’il faudrait donner


le plus d’importance compte tenu de leur manifestations récentes.
L’inondation justifie une action volontaire de diagnostic assez élargi des
villes qui sont vulnérables à l’égard de ce phénomène, diagnostic suivi des
propositions d’aménagements à entreprendre et d’ouvrages de protection à
édifier.

On ne peut que se réjouir de la réaction des pouvoirs publics à la suite de


l’inondation qui a touché la ville de Mohammedia en 2003 consistant à
édifier deux barrages en amont de cette ville pour assurer sa mise à l’abri
contre les crues.

Ce processus ne doit pas s’estomper, d’autres villes sont exposées au même


titre que la ville de Mohammedia. C’est l’exemple de Marrakech, El Hajeb,
Tétouan, Essaouira, El Jadida et bien d’autres.

Le coût exorbitant des ouvrages de protection ne doit pas décourager les


pouvoirs publics car ces ouvrages, notamment les barrages, ont d’autres

243
utilités et leur coût pourrait être amorti au bout de quelques années. De
plus, dans certains cas, on pourrait faire des économies uniquement en
procédant à l’entretien et à la maintenance des ouvrages artificiels ou
naturels existants.

B : Entretien et maintenance des ouvrages existants

L’absence d’entretien est une cause démontrée soit d’inanité de l’efficacité


des ouvrages et aménagements conçus pour se prémunir des inondations,
soit même de manifestations, sous des formes nouvelles, inattendues, voire
aggravées, de ce risque.

L’inondation justifie une remise en état permanente des aménagements et


ouvrages de protection, qui sont bien souvent dans un état d’abandon qui en
annule la fonction de maîtrise et peut même modifier et aggraver les
conséquences d’une rupture ou d’une absence d’entretien.

Au-delà des grands ouvrages de protection et de leur état (endiguements,


barrages) se pose le problème de la multitude des petits ouvrages en rivière
non spécialement dédiés à la protection contre les crues mais dont
l’insuffisance, voire l’absence d’entretien, sont à l’origine de graves
désordres lorsque survient une crue, soit parce qu’ils sont emportés, soit
parce qu’ils constituent des points d’accumulation d’embâcles qui
provoquent des débordements en amont.

Dans le même sens, il ne faut pas oublier toutes les constructions édifiées sur
les oueds et qui constituent des obstacles à l’écoulement ordinaire des eaux
des pluies abondantes, ni omettre le manque d’entretien des canalisations
obstruées en milieu urbain et qui sont souvent la principale cause de la
montée des eaux dans les agglomérations.

244
On peut dire que le patrimoine des ouvrages et aménagements de
protection, certes minime, souffre globalement d’un défaut d’entretien et de
renouvellement, qu’il relève du génie civil ou du génie biologique. Ceci
engage la responsabilité de l’Etat et des collectivités locales qui sont les
dépositaires de la sécurité publique.

L’amélioration des mesures de protection nécessite des moyens financiers


assez considérables qu’il est possible de se procurer à travers des économies
qui peuvent être réalisées grâce, entre autres, à l’optimisation des secours.

Section 3 : Modernisation des secours

La modernisation des secours constitue un impératif dicté à la fois par des


considérations d’ordres budgétaire et financier et par des considérations de
recherche d’efficacité.

Sur le plan financier, il est évident que notre pays ne dispose pas de
ressources abondantes pour se doter d’équipements importants et
quantitativement suffisants. La situation la mieux indiquée est celle qui
consiste à utiliser au mieux le peu de ressources disponibles. Sur le plan de
l’efficacité, il est également évident que l’utilisation des équipements de
secours, quelle que soit leur importance, ne peut donner les résultats
escomptés en dehors d’une utilisation optimale reposant sur des mécanismes
adéquats de gestion.

Aussi le troisième volet de perfectionnement de la gestion des risques porte-


t-il sur l’amélioration des secours aux populations sinistrées par le biais de
l’adaptation de la planification d’urgence et sur la base de la rationalisation
des programmes d’équipement et de formation.

245
§ 1 : Adaptation de la planification d’urgence

La planification des secours au Maroc repose, comme dit précédemment, sur


le plan ORSEC et sur certains plans dits plans annexes, ne présentant à
présent que peu d’intérêt sur le plan opérationnel. Le réaménagement des
procédures applicables en cas de sinistre de grande ampleur s’avère
incontournable.

Dans cet esprit, il faut d’une part, concevoir et vulgariser de nouveaux


plans de secours et, d’autre part, mettre en œuvre ces plans.

A : Conception et agencement de nouveaux plans de secours

Les plans de secours existants ont atteint leurs limites, d’où la nécessité
d’assurer leur renouvellement en prenant en considération l’évolution qu’a
connue la planification des secours dans d’autres pays et en veillant à leur
adaptation au contexte marocain. Jusqu’à une date récente, la pratique suivie
par certains pays consistait à établir un plan d’organisation de secours
général, appuyé par des plans d’urgence particuliers conçus pour faire face à
chaque type de sinistre.

Cette pratique a conduit au développement de multiples documents


difficilement gérables compte tenu de leur importance sur le plan quantitatif
et de l’ampleur des efforts à fournir pour les mettre à jour périodiquement.
La tendance actuelle est à la simplification des procédures de conception et
d’agencement des différents plans.

Notre pays doit tirer profit de cette évolution dans toute action visant à
mettre en place un dispositif rénové de planification des secours. Ce
dispositif repose sur la classification réglementaire des plans et sur la
procédure de leur agencement de manière à faciliter leur mise en
application.

246
1 : Classification réglementaire des plans de secours

Le diagnostic de la pratique marocaine en matière de planification des


secours repose uniquement sur le plan ORSEC, plan dénué de tout
fondement réglementaire et dont la mise en application est handicapée par
plusieurs contraintes d’ordres juridique et financier (195).

Ainsi, les pouvoirs publics doivent se pencher sérieusement sur cette


problématique, en procédant particulièrement à la définition réglementaire
des différents plans de secours devant régir le domaine des secours, en
veillant à ce que cette classification soit aussi claire que possible.

Dans cette perspective, le point de départ serait de définir les besoins en la


matière et de déterminer en conséquence les plans à prévoir. Dans ce cadre,
il y a lieu de préciser que la lutte contre tout type de catastrophe nécessite un
plan d’organisation des secours qui définit la manière dont les pouvoirs
publics doivent s’organiser pour faite face à la catastrophe. Sur cet aspect, il
est permis de dire que le plan ORSEC s’avère être un outil assez satisfaisant
pour atteindre cet objectif. Il suffit de lui donner une force juridique et de
revoir certaines de ces dispositions pour les adapter au contexte
administratif actuel.

Ensuite, notre pays a besoin de procédures qui indiquent la conduite à tenir


pour venir à bout des phénomènes spécifiques à forte récurrence. En effet, si
le plan ORSEC définit la manière de s’organiser pour lutter contre les
catastrophes, il ne dit rien sur les procédures d’intervention à suivre sachant
que celles-ci peuvent varier d’un sinistre à l’autre. D’où l’intérêt de procéder
à l’élaboration de procédures d’interventions pour chaque type de

195) Le défaut d’organisation de test du plan ORSEC est toujours argumenté par les craintes de dommages que
peuvent subir les équipements et le personnel intervenant et l’épineuse question de la détermination des
responsabilités dans ce cas. Il est question également des ressources financières pour l’organisation de ce test et la
problématique de la détermination de la partie devant les prendre en charge.

247
catastrophe majeure. Deux possibilités sont offertes : soit avoir un plan de
procédures pour chaque catégorie de catastrophe (c’est la procédure
classique), soit définir ces procédures et les incorporer dans l’annexe du plan
général d’organisation de secours « ORSEC » (c’est la nouvelle procédure
utilisée par certains pays notamment la France). Il semble que cette dernière
option est la mieux indiquée compte tenu de sa souplesse et de son
efficacité.

Par ailleurs, notre pays ne possède pas de plans d’intervention devant être
mis en application au sein de certaines entreprises génératrices de risque.
Cette question trouve des réponses dans les plans d’opérations internes
établis par les pays européens. Ce plan a pour objet de prévoir, à partir des
dangers potentiels présentés par l’établissement, les méthodes d’intervention
et les moyens nécessaires pour assurer la protection simultanée du
personnel, des populations avoisinantes et de l’environnement. Il vise en
particulier à :
- définir les mesures d’organisation propres à l’établissement ;
- mettre au point des méthodes d’intervention internes et externes ;
- prévoir les moyens de secours de première, deuxième et troisième
intervention, ceci afin d’assurer en cas d’accident, incendie ou explosion, la
sécurité du personnel, du voisinage, des populations et de l’environnement.
L’objectif visé est de :

- réduire les causes et maintenir le meilleur état de sécurité ;


- limiter les conséquences du sinistre sur les personnes et les biens ;
- transmettre rapidement l’alerte aux services de secours publics ;
- prévenir les autorités responsables.
Le Plan d’Opération Interne est le guide concernant la mise en œuvre des
moyens internes et externes à l’établissement, inventoriés au préalable, et des

248
actions à entreprendre face à une situation accidentelle. Il est établi par le
chef d’établissement en liaison avec les pouvoirs publics (en particulier les
services de la Protection Civile). La responsabilité du Plan d’Opération
Interne incombe au chef de l’établissement.

Le Plan d’Opération Interne est établi à partir de fiches synthétiques en


tenant compte des éléments ci-après pour obtenir une efficacité maximale :

a : Connaissance et évaluation des risques

L’étude des dangers réalisée pour tout établissement classé comprend en


particulier :
- les plans de situation, de masse, des bâtiments principaux ;
- les points sensibles qui présentent un caractère vital pour l’entreprise ;
- les points dangereux qui peuvent être à l’origine d’un sinistre ;
- l’inventaire des produits et des stockages ;
- les secteurs à protéger selon un degré d’urgence ;
- les zones susceptibles de subir l’influence d’un nuage toxique ou
explosif.

b : Recensement et création des moyens de secours

Le recensement des moyens internes, en personnels et en matériels, pendant


et en dehors des heures normales, permettra d’évaluer les possibilités
immédiates, le renfort en moyens complémentaires dans le plan de
l’établissement répertorié et , le cas échéant, de demander des secours plus
importants.

Au niveau du personnel, il faudra tenir compte des éléments suivants :


- périodicité d’activité de l’entreprise : heures ouvrables, travail en équipes,
heures normales, en dehors des heures ouvrables, fins de semaine, congés ;
- personnel d’encadrement, d’intervention de maintenance, de sécurité ;

249
- poste de commandement et de la logistique ;
- service de surveillance et de permanence.
Des moyens de première intervention (extincteurs portatifs et sur roues) sont
pris en compte pour tout début de sinistre. D’autres moyens tels que robinets
d’incendie armés, installations ponctuelles d’extinction automatique, doivent
compléter les moyens de première intervention et protéger des risques
particuliers.

Du matériel de deuxième intervention doit être mis à la disposition de


l’équipe de sécurité pour permettre l’attente des secours extérieurs :
motopompes, véhicules, dévidoirs, lances, équipements spéciaux.

Lorsque les moyens internes s’avèrent insuffisants par rapport aux besoins,
du renfort pourra être demandé auprès des services publics notamment la
protection civile ou encore auprès d’établissements ou d’entreprises
exerçant une activité similaire ; il est possible, en prévision de ce genre de
situation, d’établir des conventions de partenariat pour l’assistance mutuelle
en cas de sinistre.

D’autres plans sont parfois prévus comme les plans particuliers


d’intervention (PPI) qui sont établis pour faire face aux risques particuliers
liés à l’existence ou au fonctionnement des ouvrages ou d’installations dont
l’emprise est localisée ou fixe. Le Plan Particulier d’Intervention est mis en
œuvre lorsque l’accident, par sa nature, sa durée, ses premières
manifestations, est susceptible d’entraîner des dangers à court terme à
l’extérieur de l’établissement. Il vise donc à assurer la sauvegarde et la
protection des populations et de l’environnement.

Doivent faire l’objet d’un plan particulier d’intervention :

250
a) les installations nucléaires telles que définies par le Décret de 1994 (196), à
savoir : les accélérateurs de particules dont l’énergie est égale ou supérieure
à 300 millions électrons-volts, les irradiateurs au cobalt 60 dont l’activité de
la source est égale ou supérieure à 100.000 curies, les assemblages critiques et
les réacteurs nucléaires, à l’exception de ceux utilisés à des fins de transport,
toute installation du cycle du combustible nucléaire c'est-à-dire les
établissements destinés à la préparation, au traitement, à la fabrication où à
la transformation de substances radioactives, à la fabrication ou au
retraitement du combustible nucléaire, au stockage, au conditionnement ou
au traitement des déchets radioactifs ;

b) les établissements insalubres, incommodes ou dangereux tels que définis


par le dahir du 3 chaoual 1332 (25 août 1914) portant réglementation des
établissements insalubres, incommodes ou dangereux et l’Arrêté Viziriel du
13 octobre 1933 portant classement de ces établissements ;

c) les stockages souterrains de gaz toxiques ou de gaz comprimés ou


liquéfiés ;

d) les aménagements hydrauliques qui comportent à la fois un réservoir


d’une capacité égale ou supérieure à quinze millions de mètres cubes et un
barrage ou une digue d’une hauteur d’au moins vingt mètres au dessus du
point le plus bas du sol naturel ;

e) les lieux de transit et d’activités présentant des dangers ou des


inconvénients graves.

Le plan particulier doit comporter :


- la description générale de l’établissement, de l’ouvrage ou des biens pour
lesquels il est établi ;

196 ) Décret n° 2-94-666 du 4 rajeb 1415 (7 décembre 1994) relatif à l’autorisation et au contrôle des installations
nucléaires.

251
- les mesures d’information et de protection prévues au profit des
populations et, le cas échéant, les schémas d’évacuation éventuelle de celles-
ci avec l’indication des lieux d’hébergement ;

- les mesures incombant à l’exploitant pour la diffusion immédiate de


l’alerte auprès des autorités compétentes et l’information de celles-ci sur la
situation et son évolution ;

- les mesures incombant à l’exploitant à l’égard des populations voisines et


notamment, en cas de danger immédiat, les mesures d’urgence qu’il est
appelé à prendre, en particulier la diffusion de l’alerte auprès des
populations voisines, l’interruption de la circulation sur les infrastructures
de transport et l’éloignement des personnes, l’interruption des réseaux et
canalisations publics au voisinage du site.

La mise en œuvre du Plan Particulier d’Intervention prévoit son articulation


avec le Plan d’Opération Interne qui, en principe, doit le précéder dans la
chronologie du déclenchement des secours.

Il existe aussi ce qu’on appelle parfois le « plan rouge », destiné à porter


secours à de nombreuses victimes. Il prévoit la procédure de secours
d’urgence à engager en vue de remédier aux conséquences d’un évènement
entraînant ou pouvant entraîner de nombreuses victimes. Il détermine les
moyens, notamment médicaux, à affecter à cette mission.

Outre les moyens humains et matériels des départements de la santé et de la


protection civile, il pourra être fait appel, en cas de nécessité, aux moyens
médicaux des Forces Armées Royales, du Croissant Rouge Marocain et des
autres organismes publics ou privés répertoriés à l’avance.

252
2 : Agencement des plans de secours

Tenant compte des besoins de notre pays et de la volonté de simplifier la


procédure de planification des secours, il ne semblerait pas nécessaire de
retenir toute cette panoplie de plans. Il semble plus indiqué de ne retenir que
le plan ORSEC et le plan d’opération interne.

Les plans d’intervention ou d’urgence seraient annexés au plan ORSEC avec


la possibilité d’y intégrer également quelques mesures pour assurer la
cohérence avec le plan d’opération interne. Evidemment, le plan ORSEC
serait décliné en plan ORSEC régional et local.

De cette manière, il est possible d’établir cet instrument sur le plan


réglementaire et surtout de faciliter la tâche aux organismes chargés de son
élaboration et de sa mise à jour permanente.

B : Vulgarisation et mise en action des plans de secours

Malgré son existence depuis 1966, le plan ORSEC est demeuré inconnu par
une grande partie des décideurs et sa mise en application n’a été que très
rarement assurée lors de situations de catastrophes.

Pour éviter ce genre d’handicap, il est important de procéder, dès la


consécration juridique de la classification des plans de secours, à leur
vulgarisation et à leur mise en action périodique.

1 : Vulgarisation des plans de secours

Partant du constat que tous les textes publiés ne sont pas connus ou du
moins ne sont pas compris par tout le monde, il s’avère nécessaire d’assurer
une vaste opération de sensibilisation de tous les acteurs impliqués dans la
gestion des catastrophes.

253
A ce titre, les services de la protection civile, premiers responsables de la
tenue de ces plans, ont le devoir de les faire connaître à tous les intervenants
potentiels. A cet effet, les services centraux, régionaux, préfectoraux et
provinciaux de la protection civile, doivent entreprendre une vaste opération
de vulgarisation de ces plans à travers tous les canaux possibles. Outre, les
réunions organisées périodiquement au sein des sièges de région, de
préfecture ou de province, qui constituent l’occasion idéale pour discuter de
ces plans, les responsables locaux de la protection civile devraient saisir
toutes les opportunités qui se présentent, telles que les manifestations
scientifiques et culturelles, pour développer la culture de la planification des
secours et mettre en exergue ses bienfaits. Il ne faut pas non plus laisser
passer l’occasion de la journée mondiale de la protection civile, célébrée le
premier mars de chaque année, sans assurer une large diffusion des
documents de planification disponibles notamment ceux qui prétendent
régir les catastrophes dominantes dans la région, la préfecture ou la province
concernée.

Cet ensemble d’activités de vulgarisation signalées, et d’autres encore,


devrait être complété par des exercices théoriques et pratiques.

2 : Organisation périodique d’exercices de simulation

Les plans de secours ne présentent pas suffisamment d’intérêt s’ils ne sont


pas périodiquement testés aussi bien sur le plan théorique que pratique.
C’est la raison pour laquelle la plupart des plans de secours élaborés tant au
niveau du Maroc qu’ailleurs met toujours l’accent sur la nécessité de les
tester par des exercices de simulation.

L’organisation de ces exercices a un double objectif : d’une part, initier les


acteurs impliqués dans leur mise en œuvre à l’exécution des dispositions

254
administratives et opérationnelles qu’ils comportent de façon à les
familiariser avec la gestion collégiale d’une catastrophe, à tester leur capacité
de réponse et surtout à évaluer les mécanismes de coordination entre les
différents intervenants. D’autre part, dégager les points positifs et négatifs
des plans établis dans une perspective d’amélioration de leur contenu.

Il ne faut non plus oublier que c’est ce genre d’exercice qui permet de réunir
certains acteurs qui n’ont pas fréquemment l’occasion de travailler ensemble
en particulier ceux qui ont des champs d’action assez distincts et
périodiques. Souvent, à l’occasion de ces exercices, les différents acteurs
saisissent l’opportunité de débattre et de discuter des différentes questions
en lien avec la gestion des risques et des catastrophes ainsi que des différents
problèmes qu’ils rencontrent dans l’exercice de leurs missions notamment à
l’occasion des réunions de débriefing qui clôturent les exercices.

Quoi qu’il en soit, la planification des secours demeure l’outil le plus indiqué
pour une gestion rationnelle des catastrophes puisqu’elle cherche à créer des
synergies et utiliser de façon optimale les moyens disponibles sans
gaspillage d’énergies et de moyens. Dans la même optique, il est possible
d’assurer cette économie de moyens à travers la rationalisation des
programmes d’équipement et de formation.

§ 2 : Rationalisation des moyens

Compte tenu de la faiblesse des moyens financiers susceptibles d’être


mobilisés pour faire face aux risques et de l’impératif de pourvoir l’ensemble
du territoire national en moyens de secours, une gestion rationnelle des
ressources disponibles s’impose. Elle trouvera son champ de prédilection
dans les domaines de l’équipement et de la formation.

255
Il faut reconnaître que l’équation n’est pas facile à résoudre car il s’agit
d’assurer des programmes d’équipement et de formation dans le but de
garantir leur adéquation avec les risques réels des différentes localités.

La réalisation de cette opération exige, dans une première étape, de dégager


un instrument de mesure qui permet, à travers l’identification des risques
pesant sur chaque agglomération, de quantifier les équipements et la
formation nécessaires pour leur faire face. Dans une seconde étape, il
convient de poser les règles pour la mise en œuvre des actions arrêtées.

Dans cette perspective, il est préconisé de recourir à une méthode, dont les
origines se trouvent en France, consistant à réaliser le Schéma Directeur
d’Analyse et de Couverture des Risques (SDACR).

A : Réalisation des SDACR

Les SDACR ont pour objectif d’une part d’inventorier et de mesurer dans
chaque agglomération les risques qui doivent être couverts par les services
de secours notamment les services opérationnels chargés de la protection
civile et, d’autre part, de standardiser les réponses à y apporter sur le
territoire national (197).
L’établissement de ces Schémas répond à une double préoccupation :
- fournir des règles d’analyse permettant d’évaluer l’adéquation des moyens
de secours par rapport à la réalité des risques ;
- permettre aux décideurs de faire le choix d’acquisition et d’implantation
des centres de secours et des moyens les plus pertinents possibles, pour

197 ) Le Schéma Directeur d’Analyse et de Couverture des Risques est une notion qui a été importée de la France qui
fait usage du schéma départemental d’analyse et de couverture des risques pour l’équipement et la formation des
sapeurs-pompiers. Le recours à cette technique a été rendu nécessaire pour mettre fin à la course à l’équipement
entreprise par les maires pour des raisons électorales. Le SDACR ne se conçoit pas au niveau d’une localité mais au
niveau d’un département avec pour but une meilleure répartition des moyens en fonction des risques,
indépendamment de toute considération politique.

256
répondre le plus rapidement et le plus efficacement possible aux
situations de crise.

1 : Analyse des risques urbains

Cette composante revêt une importance particulière dans la mesure où elle


permet d’ores et déjà aux responsables d’être fixés à l’avance sur la nature
des évènements à combattre et prévoir en conséquence la parade à y
apporter le moment venu. Elle doit concerner aussi bien les risques majeurs
que les risques ordinaires et porter à la fois sur leur inventaire et sur leur
évaluation.

a : Inventaire des risques


L’analyse des risques urbains doit d’abord se préoccuper des risques majeurs
que connaît la localité. Elle doit donc servir à élaborer une étude sur les
grandes caractéristiques de cette localité.

A ce niveau, plusieurs paramètres doivent être pris en considération, en


tenant compte le cas échéant de l’expérience des catastrophes passées,
notamment :
- Les grandes caractéristiques du milieu naturel de l’agglomération
concernée : géologie des terrains, relief, pluviométrie, vent, hydrographie.

Cette partie de l’analyse doit servir de base à l’identification des risques


particuliers d’origine naturelle tels que les séismes, les inondations, les
affaissements et glissements de terrain et les feux de forêts.

Cette partie contribuera également à l’identification des sites à risques


spécifiques liés à l’environnement naturel ou aux activités exercées à savoir
les sites de montagnes, les sites littoraux, les lacs ou cours d’eau, les falaises,
etc..

257
Elle servira également à l’identification des conditions particulières
d’intervention et du choix du matériel et des équipements spécifiques pour
les personnels d’intervention.
- Le réseau et les infrastructures de transport.

Cette partie de l’analyse est consacrée à l’examen de l’ensemble des réseaux


de transports engendrant des déplacements par véhicules de personnes, de
marchandises ou de matière dangereuses (cartes des routes, autoroutes,
chemins de fer, importance du trafic s’y rapportant, gares de chemins de fer,
gares routières, ports, aéroports, itinéraire des transports des matières
dangereuses).

- Les caractéristiques de l’agglomération concernée. Cette partie servira à


l’examen du plan d’ensemble de l’agglomération à l’échelle adaptée (plans
des rues, des zones industrielles) ainsi qu’aux plans des différents réseaux
urbains : eau potable, eaux usées et électricité, et ce en vue de déterminer les
sites urbains à risques spécifiques.

- Les caractéristiques de la démographie. Il s’agit dans ce cadre de la


connaissance de données sur le nombre de la population et sa densité au
km², sa répartition dans l’espace et la pyramide des âges.

- Les activités exercées. Cette tranche permettra d’identifier les principaux


sites à risques au regard des activités de loisirs, des activités industrielles,
commerciales, l’existence d’établissements présentant des dangers
particuliers, et qui doivent bénéficier d’une attention particulière en termes
de sécurité.

L’analyse des risques urbains ne doit pas omettre les risques courants, ou
ordinaires qui, malgré leur caractère isolé, constituent un véritable fléau au

258
vu de la somme globale des pertes en vies humaines et des dégâts qu’ils
causent annuellement.

Parmi ces risques courants, on citera les suivants :


- les accidents de la circulation routière, avec identification des « points
noirs ou dangereux », là ou les accidents se produisent souvent ;
- les accidents divers, notamment :
- les chutes dans les puits car les accidents sont fréquents même en
milieu urbain où il existe des puits qui ne sont pas dotés de moyens de
protection adaptés ;
- les noyades en milieu aquatique (plages), artificiel (piscines, canaux),
naturel (oueds, marres, lacs, lacs collinaires, etc.) ;
- les brûlures ;
- les électrocutions ;
- les fuites ou les explosions de gaz, les intoxications, etc.

L’analyse des risques urbains, qu’il s’agisse des risques majeurs, naturels ou
technologiques, de risques courants ou ordinaires, pourra ainsi être opérée à
partir d’informations, de données et de statistiques qu’il est possible de
collecter au niveau local auprès des sources d’information concernées que
sont, en plus de la protection civile, les administrations et établissements
publics qui gèrent, réglementent ou étudient le risque donné.

Les sources d’information pourront également être les organismes privés, les
chambres de commerce, d’industrie et d’artisanat, les associations, les
organisations non gouvernementales, bref, tous les partenaires concernés par
la connaissance du risque et sa gestion.

259
A partir des informations recueillies, un inventaire des risques particuliers
à la collectivité concernée ou des sites qui présentent un danger pour la
population ou l’environnement devra être établi.

b : Evaluation des risques

L’inventaire, une fois dressé, devra par la suite donner lieu à une évaluation
de la nature et de la gravité du risque, en d’autres termes, permettre de
procéder à la mesure du risque en prenant en considération :
- la probabilité de survenance de l’événement générateur de l’accident ou
de la catastrophe ; à ce propos, on se basera pour ce faire sur l’historique des
accidents et catastrophes survenus dans la localité considérée en termes de
retour d’expérience ou de référence d’accidents ; il est nécessaire à ce niveau
de spécifier les accidents et catastrophes qui sont le plus souvent survenus
dans la localité et de déterminer les causes ou « facteurs du risque » ; ceux-ci
peuvent en effet être multiples, complexes et interdépendants : concentration
de la population et nature de ses activités, occupation du sol, géologie des
terrains (nature du sol et du sous-sol, activité sismique), topographie
(altitude, pentes, bassins versants), pluviométrie, vent, hydrographie et
nature des infrastructures.

- les effets directs et indirects qui pourraient résulter de ces accidents et


catastrophes tant sur la population à l’intérieur du site considéré ou à
l’extérieur (effets sanitaires, intoxications, blessures, brûlures,) que sur
l'environnement matériel (dégâts aux habitations, à l’industrie, au commerce
ou encore aux infrastructures (transport, télécommunications, réseaux d’eau
et d’électricité, hôpitaux, établissements d'enseignement).

260
2 : Détermination des objectifs de couverture des risques.

Une fois l’inventaire et l’évaluation des principaux risques de la collectivité


concernée effectués, la démarche suivante consistera à proposer et à
déterminer la nature de la réponse et fixer les objectifs de la couverture de
ces risques.

a : Adéquation des moyens matériels

L’opération d’inventaire des risques impose d’identifier les moyens


disponibles pour leur faire face et ceux à prévoir pour assurer l’adéquation
des moyens matériels avec les risques avérés.
a-1 : Disponibilité des moyens de secours

L’objectif est de doter la collectivité de moyens de secours aptes à intervenir


le plus rapidement et le plus efficacement possible en cas de besoin.

La permanence des risques, l'incertitude du moment et aussi du lieu où ils


pourraient dégénérer en sinistre ou catastrophe, sont autant de raisons qui
dictent que les secours doivent être disposés à intervenir partout et à
n'importe quel moment.

Pour ce faire, il est nécessaire de concevoir l’implantation des centres de


secours près des sources de risques pour pouvoir couvrir convenablement,
en termes d’efficacité et de délais d’intervention, les points critiques, en
particulier en ce qui concerne les risques technologiques déterminés au cours
de la phase de l’analyse et de l’évaluation des risques dans l’agglomération.
Cette opération permettrait d’aboutir à une pondération satisfaisante des
centres de secours par rapport aux risques et aux communes.

261
a-2 : Rapport moyens matériels d’intervention / risques

En vue d'atteindre l'efficacité optimale en cas d’accident ou de catastrophe,


les centres de secours doivent être dotés de moyens matériels adéquats, cette
adéquation étant un élément très important dans le processus de couverture
des risques. La sélection des matériels et des équipements doit
nécessairement être fondée sur la connaissance du risque à combattre, car le
succès de l’intervention est tributaire de la nature de la réponse apportée,
elle- même dépendante du choix des moyens utilisés.

A la lumière des résultats de l’analyse, de l’évaluation et de la détermination


des risques qui existent dans l’agglomération, les centres de secours doivent
être équipés de moyens adaptés pour y faire face dans les délais les plus
courts. A titre d’exemple et pour prendre le risque sismique, plusieurs
agglomérations du Maroc connaissent une activité sismique plus ou moins
importante, certaines d’entre elles ont même souffert de catastrophes de ce
genre : Fès et Meknès en novembre 1755, Agadir en février 1960, Al
Hoceima, en février 2004. Ces agglomérations doivent raisonnablement être
dotées de matériels et d’équipements spécifiques au risque sismique pour
une intervention immédiate combien importante dans de telles situations au
lieu d’attendre des secours qui pourraient mettre des dizaines d’heures pour
arriver sur les lieux.

Cette concordance entre le risque et les moyens de le combattre vise à


procurer une plus grande promptitude à la solution de chaque phase de la
catastrophe et, par conséquent, prévoir le matériel destiné à être utilisé au
cours des différentes étapes de l'intervention, aussi bien le matériel destiné à
l'alerte, aux liaisons et transmissions, que celui devant être employé pour le
déblaiement, la recherche, le sauvetage, l’extinction des incendies

262
(incendies, feux d’hydrocarbures, feux électriques), les secours aux
personnes, la dépollution, l'évacuation et l'hébergement des sans-abri.

Ce matériel et ces équipements devront être disponibles, entretenus et


facilement mobilisables et modulables en fonction de la configuration de
l’espace urbain afin de tenir compte de la spécificité de certains milieux tels
que les anciennes médinas et de la nature accidentée du terrain de quelques
quartiers des villes. Il faut également bien étudier les mesures qui éviteraient
la non utilisation du matériel en cas de catastrophe telles que la localisation
stratégique et la dispersion logique des services d'intervention et des lieux
de stockage des équipements dans les zones vulnérables afin d'éviter
notamment que les effets probables de l'événement ne produisent une
paralysie des moyens d'intervention de la collectivité concernée.

Par ailleurs, les situations de catastrophe impliquent souvent l'intervention


de personnels de diverses origines. L'homogénéisation et la normalisation
des équipements d'intervention paraissent dès lors une nécessité impérieuse
garantissant leur facile utilisation par ces différents personnels et donc une
collaboration plus efficace en cas de besoin.

b : Adéquation de la formation

L’expérience a démontré que les personnels permanents de secours, en


particulier ceux de la protection civile, sont de plus en plus appelés à
intervenir dans les sinistres les plus divers, indépendamment de la lutte
contre les incendies qui a constitué pendant longtemps l'une de leurs
principales tâches, mais qui, aujourd’hui, ne représente qu’un infime
pourcentage de leurs interventions (198).

198) Les statistiques d’intervention des services chargés de la Protection Civile démontrent que la lutte contre l’incendie
ne constitue en moyenne que 4 à 6 % de la totalité des interventions annuelles. Ainsi, en 2006, la part des
interventions pour l’extinction des incendies a été de l’ordre de 4.6 %.

263
Pour une meilleure couverture des risques, ces personnels doivent recevoir
une formation conséquente et adéquate, de nature à leur permettre de gérer
les différentes composantes du sinistre et éviter ainsi l’improvisation et la
dispersion inutile des efforts.

Les personnels de commandement doivent être formés dans les différents


domaines portant sur les questions d'organisation, de méthodes d'action, de
psychologie de masses et de communication, et doivent être au courant des
différents problèmes susceptibles d'être posés par les catastrophes.
En fonction des risques qui prédominent dans l’agglomération, les
personnels d'intervention proprement dite doivent recevoir la formation
appropriée pour agir avec le plus de savoir-faire en cas d’accident ou de
catastrophe, par exemple, en cas de tremblement de terre, bien cerner les
aspects du sauvetage-déblaiement, notamment pour tout ce qui concerne les
opérations suivantes :

- recherche des victimes ;


- accès aux emplacements où elles se trouvent bloquées ;
- dégagement des ensevelis sous les décombres,
- lutte contre les sources éventuelles de dangers supplémentaires : fuite de
gaz, fuite d'eau et risque d'effondrement de murs ;
- dégagement des décombres, étaiement de murs ou planchers ;
- réparations sommaires indispensables à certaines installations dont la
rupture est susceptible de gêner les opérations de sauvetage ;
- travaux de terrassement, de nivellement, établissement de passerelles
permettant l'intervention des secours (engins de lutte contre le feu,
ambulances) ou permettant l'accès aux victimes.

264
Il en va de même pour les risques technologiques, les intervenants doivent
être formés en matière de lutte contre les feux spéciaux, contre les risques
industriels, les risques chimiques ou radioactifs, la pollution, etc.

La formation des personnels d'intervention doit également inclure le


secourisme, celui-ci revêt une importance particulière dans ce domaine dans
la mesure où les effets des catastrophes sur la santé et l'intégrité des
individus exigent des interventions très rapides en vue de maintenir en vie
les victimes éventuelles en attendant leur prise en charge par les médecins.

Or, souvent, les délais d'hospitalisation sont relativement longs et de


nombreuses victimes décèdent en cours de chemin faute de premiers secours
à cause notamment de la distance ou de la destruction des voies de
communication suite à un tremblement de terre, à des inondations, à des
incendies ou tout simplement à cause des problèmes de la circulation
routière. Il est donc nécessaire que ces premiers secours soient administrés
par les personnes qui se trouvent à proximité de la victime, ces personnes
devant néanmoins être en possession de connaissances fondamentales en
matière de blessures, fractures ou autre lésions, leur genre et la manière de
les traiter sur place.

Par ailleurs, sur le plan de la santé, des difficultés immenses peuvent surgir
avec la survenance d'une catastrophe notamment celles relatives au
traitement d'un nombre considérable de blessés dans les temps les plus
courts possibles.

Pour que les agglomérations considérées puissent faire face à ces difficultés
dans les meilleures conditions possibles, il est nécessaire de préparer les
médecins, qui y sont en fonction, à agir dans de telles situations de crise où
l'improvisation n'a pas lieu d'être, en les initiant à la médecine des

265
catastrophes. Cette discipline tend à former les médecins et à les préparer à
agir dans les situations de crise de manière à leur permettre le traitement en
masse d'un nombre considérable de blessés, ce qui impose une notion de
choix des indications thérapeutiques fondées sur l'urgence des blessures, la
simplification et la standardisation des gestes et des techniques.

B : Coordination des programmes d’acquisition du matériel et de


formation des personnels

Une fois les SDACR réalisées, les pouvoirs publics doivent veiller
scrupuleusement à leur mise en application. Les objectifs à atteindre sont
d’une part, de veiller à la couverture rationnelle de toutes les agglomérations
en équipements de secours nécessaires tout en évitant un suréquipement et
d’autre part, d’exploiter les ressources humaines disponibles dont les
connaissances professionnelles ont été améliorées dans le domaine de la
gestion des risques.

Ces objectifs ne pourront être atteints si chaque acteur impliqué travaille


isolément et que des programmes de formation et d’équipements sont
réalisés par chaque entité sans concertation préalable et sans coordination, en
particulier lorsqu’il s’agit d’acteurs ayant des champs d’action et des
domaines de compétence assez proches. A titre d’exemple, l’acquisition des
ambulances doit faire l’objet d’une concertation entre les services du
ministère de la santé, de la protection civile et des communes car à défaut de
cette concertation, il arrive parfois qu’on trouve dans une petite ville un
nombre d’ambulances bien plus élevé que dans une ville beaucoup plus
grande. Outre le gaspillage des moyens que cette pratique entraîne,
l’abondance des équipements est parfois source d’inaction et surtout de
concurrence inutile.

266
Par ailleurs, un effort doit être fourni pour la coordination des actions de
formation de façon à couvrir l’ensemble des disciplines mais aussi à disposer
d’une banque de données sur les compétences disponibles au niveau de
chaque agglomération, ce qui permettra de tenir un registre de spécialités et
partant de déceler les lacunes à combler en matière de formation. Cette
coordination doit prendre également la forme d’organisation de cours
conjoints d’instruction, d’unification des instruments pédagogiques et
d’économie des moyens par l’échange de formateurs et d’infrastructures.

C’est ainsi que prend fin l’opération d’identification des actions prioritaires
qui constituent, à notre avis, l’arsenal de mesures nécessaires à la
revalorisation de la gestion des risques urbains. Il reste à présent à définir les
mécanismes appropriés pour leur mise en œuvre et au suivi de leur
exécution.

267
Chapitre 2 : Conditions de mise en œuvre des actions prioritaires

La mise en œuvre des actions prioritaires identifiées et le suivi de leur


application constitue la phase la plus importante. Elle nécessite un
engagement politique fort et une implication de plusieurs départements et
organismes publics ainsi que du secteur privé.

La conjugaison des efforts de tout un chacun impose la mise en place d’un


dispositif institutionnel solide, capable de mener convenablement et à terme
les actions impératives pour la gestion des risques urbains (section 1). Il est
bien entendu que ce dispositif est incontournable mais les œuvres qu’il aura
à concevoir et à diligenter ne pourront aboutir que si des moyens d’action
conséquents sont mis à sa disposition et que si les décideurs et les citoyens
sont suffisamment avertis (section 2).

Section 1 : Un dispositif institutionnel solide

La réalisation des actions nécessaires à la mise en sécurité des populations


urbaines est une opération complexe, c’est une véritable problématique dont
la résolution exige un dispositif institutionnel solide.

Ce dispositif repose en particulier sur la désignation des autorités de


décision aussi bien à l’échelon national qu’aux échelons régional et local ainsi
que l’intégration et la précision des compétences des instances consultatives.

Ce sont les deux conditions sine qua non pour la mise en place d’un
dispositif institutionnel capable de veiller à la bonne exécution et à la parfaite
coordination des mesures de prévention, de protection et de secours. En
matière de gestion des risques, la responsabilité de chaque partenaire n’est
pas toujours clairement établie, ce qui nécessite un éclaircissement des
attributions pour mieux cerner les obligations et les devoirs de chacun, à
commencer par ceux des autorités décisionnelles.

268
§ 1 : Clarification des compétences des autorités décisionnelles

Une gestion efficace des risques urbains nécessite de lutter contre la pratique
qui conduit dans la plupart des cas au chevauchement d’attributions de
plusieurs autorités et organismes. L’état des textes favorise ce
chevauchement et conduit soit à des inactions de la part des autorités et
organismes, soit à des doublons ou encore à des positions conflictuelles.

Pour mettre fin à cette situation, il est nécessaire de désigner clairement les
autorités compétentes en la matière. Dans ce sens, il est préférable de
dissocier les autorités chargées de la prévention des risques et
celles habilitées à gérer les situations de sinistre et de catastrophe. La
prévention des risques et la gestion des sinistres sont deux opérations
complémentaires mais non assimilables, compte tenu de la nature différente
des actions à entreprendre et de la diversité des acteurs appelés à intervenir.
Par ailleurs, il convient de distinguer les autorités chargées de tracer et de
décider des grandes lignes de la politique de l’Etat au niveau central, celles
devant adapter cette politique au plan régional selon les bassins de risques et
celles tenues d’en assurer l’application concrète sur le terrain au niveau local.

A : compétences des autorités à l’échelon central

La gestion des risques est une question qui concerne l’ensemble des
agglomérations implantées sur le territoire national. De ce fait, et à l’instar de
tous les domaines socio-économiques et culturels, elle mérite de faire l’objet
d’une politique publique dont les lignes directrices devraient être définies
par le gouvernement. A ce titre, une question pourrait se poser pour savoir
exactement quelles sont les autorités gouvernementales auxquelles il
faudrait attribuer la charge d’arrêter le contenu de cette politique publique.

269
Logiquement, il appartient au Premier ministre et à certains ministres de
définir les orientations et à veiller à l’exécution de la politique de l’Etat en
matière de prévention et de lutte contre les risques et les sinistres
susceptibles de toucher les populations urbaines. Evidemment, les
responsabilités de chacune de ces autorités ne sont pas identiques.

1 : Précision du rôle du Premier ministre

Le Premier ministre est, de par la Constitution, le dépositaire du pouvoir


réglementaire qu’il exerce par le biais des décrets. Il a donc un droit de
regard sur la défense de l’intérêt général à savoir la sécurité des citoyens.
Cette responsabilité devra être traduite notamment par l’annonce des
orientations permettant le respect d’un niveau minimum de réglementation
nécessaire à la gestion des risques urbains.

Plus concrètement, le rôle du Premier ministre dans ce cadre doit s’orienter


dans trois directions :

- la définition de la politique de gestion des risques en général et urbains en


particulier dans les domaines de la réglementation, de la prévention, de
l’information et du développement des moyens de contrôle ;
- la coordination interministérielle dans la mise en œuvre de la politique de
gestion des risques ;
- la responsabilité de l’organisation des secours en cas de catastrophe
majeure dont l’impact dépasse le cadre régional, la mise en place des
structures administratives adéquates, l’émission de directives pour
l’acquisition, sur le plan national, des moyens matériels de secours et de
sauvetage.

270
a : Définition de la politique de l’Etat en matière de gestion des risques

La protection des populations compte parmi les missions essentielles des


pouvoirs publics. L’exercice de cette responsabilité implique plusieurs
acteurs dont la diversité est devenue une caractéristique des temps
modernes, cette diversité étant nécessaire pour faire face à la pluralité des
risques pesant sur la population avec des conséquences plus lourdes des
phénomènes naturels, à la vulnérabilité aux risques technologiques et aux
effets de la malveillance.

Dans ce contexte, la gestion des risques, affaire de tous, redevient plus


encore celle de chacun : chaque département, chaque citoyen doit être autant
que possible, un participant actif à sa sécurité et à celle de la collectivité. Une
véritable culture de la préparation au risque et à la menace doit être
développée et prendre la forme d’une véritable politique publique. Cet
impératif nécessite l’intervention et la forte implication de la plus haute
autorité administrative à savoir le Premier ministre. Ce dernier doit fixer les
orientations pour la définition de la politique de l’Etat en matière de gestion
des risques en tenant compte de la situation économique, culturelle et
sociale du pays. Ces orientations prenant la forme de lignes directrices
doivent être apparentes sur le plan réglementaire, sur le plan financier et au
niveau du fonctionnement des différents ministères impliqués dans la
gestion des risques.

La mise en place d’une politique publique sous la responsabilité du Premier


ministre est d’autant plus nécessaire que les dangers auxquels l’Etat et la
population peuvent être confrontés exigent des autorités politiques
l’élaboration d’un concept de protection dont la pierre angulaire est la mise
en place d’un système adéquat de gestion de risques. Il s’agit d’une
responsabilité politique, qui a son fondement dans la notion même de l’Etat :

271
organiser la communauté des individus et pourvoir à un certain nombre de
leurs besoins vitaux parmi lesquels figure en première place la sauvegarde
de la vie, des biens et de l’Environnement (199).

L’élaboration de ce concept doit être effectuée par l’Etat selon un principe de


légalité qui signifie que le respect de l’Etat de droit impose que l’institution
de prévention des catastrophes et de réduction de leurs conséquences soit
effectuée conformément à la législation (lois et règlements) prenant en
considération les risques et les dangers auxquels se trouve exposé le pays.

C’est justement pour cette raison que l’autorité de police administrative


générale s’est vue attribuer le rôle de garant de la sécurité, de la tranquillité
et de la salubrité publiques et qu’une certaine corrélation, très étroite, a
toujours existé entre les organes de décision et les autorités qui détiennent le
pouvoir de police administrative à l’échelon central et local.

Le Premier ministre, en tant qu’autorité chargée de la politique


administrative au niveau central, est par conséquent l’autorité habilitée à
définir la politique générale de l’Etat tant dans le domaine de la prévention
des risques que de la lutte contre les catastrophes touchant le milieu
urbain(200).

b : Coordination interministérielle dans la mise en œuvre de la politique


de l’Etat

Pour faire face aux différents risques de catastrophe, notamment les risques
urbains, plusieurs ministères doivent intervenir sous une forme ou une
autre, particulièrement dans le domaine de la prévention.

199 ) Revue de l’Organisation Internationale de Protection Civile (OIPC) , n°1, JUIN 2001.
200) L’idéal serait d’initier une politique publique sous forme d’un projet de loi-cadre à soumettre au parlement pour
approbation.

272
La mise en application convenable de la politique générale tracée par le
Premier ministre repose sur l’intervention adéquate et coordonnée de
certains ministères « techniques ».

Ainsi, en matière de prévention, de nombreux ministères se partagent les


responsabilités et les prérogatives en ce qui concerne la réglementation de la
sécurité. Le ministère chargé des transports est chargé entre autres de la
réglementation du transport des matières dangereuses ; celui de l’Energie et
des Mines est chargé de la réglementation des activités dangereuses liées au
secteur énergétique ; celui de l’Equipement est chargé de la réglementation
des établissements insalubres, incommodes ou dangereux. Le ministère de
l’emploi exerce lui aussi une mission particulière puisqu’il est chargé de la
prévention des accidents de travail.

Quant au ministère de l’Intérieur, qui est plus généralement chargé du


maintien de l’ordre public et donc plus particulièrement de la protection des
personnes et de la préservation des biens, il exerce des prérogatives
générales et étendues en matière de sécurité et de prévention.

L’intervention de plusieurs départements ne peut être efficace que si leurs


différentes activités sont coordonnées par une autorité supérieure unique,
d’où le rôle que doit assurer le Premier ministre en veillant sur la réduction
des risques de chevauchement des missions notamment dans la phase de
conception des textes d’attribution des compétences.

Le Premier ministre aura également à exercer l’arbitrage entre les différents


départements en cas de conflit dans l’exercice des activités et à gérer les
interfaces qui pourraient émerger.

273
c : Responsabilité de l’organisation des secours en cas de catastrophe

En cas de calamité nationale dont l’ampleur dépasse le cadre local et


nécessite la mobilisation de moyens logistiques provenant de plusieurs
ministères, l’engagement de dépenses imprévues, le recours à l’armée et
éventuellement la sollicitation de l’assistance internationale, le Premier
ministre est nécessairement le principal responsable.
Il sera appelé à prendre des décisions et éventuellement à déclencher le plan
national d’organisation des secours sur proposition du ministre de
l’Intérieur.

Lors des catastrophes que notre pays a connues dans le passé, l’action du
Premier ministre n’a pas été suffisamment perceptible. Ce sont
particulièrement les ministres chargés de l’intérieur et d’autres ministères à
vocation technique qui ont été les plus en vue.

Aussi est-il nécessaire de préciser les pouvoirs du Premier ministre en


matière de prévention des risques et de gestion des catastrophes, étant
entendu que la préparation aux catastrophes de toutes sortes et la protection
des citoyens et du territoire contre leurs effets, en temps de paix
comme de guerre, implique la mobilisation de toutes les ressources
humaines et matérielles de la nation.

De plus, cette autorité apparaît comme étant la plus compétente pour inciter
les différents départements à appliquer les grandes lignes de la politique
générale en matière de gestion des risques notamment en :
- incitant les instances concernées à préparer les études relatives à la
prévention et à la préparation aux sinistres et encourager la mise en place de
mesures pratiques en vue de faire face aux différents risques ;

274
- contribuant aux efforts visant à assurer la sécurité et la protection des
personnes et la sauvegarde des biens en cas de conflit armé ;
- assurant l’organisation et la gestion administrative et technique des
services de secours et de lutte contre l’incendie.

Le rôle du Premier ministre doit trouver ses prolongements dans les


attributions de certains ministres qui doivent voir leurs champs de
compétence clarifiés.

2 : Attribution de compétences claires aux ministres

Certains ministères exercent ou peuvent exercer des tâches importantes en


matière de gestion des risques urbains. Pourtant, leurs attributions sont soit
non fixées par des textes réglementaires, soit peu claires et donnent lieu à des
interprétations parfois confuses.

Face à cette situation, il est important que certains ministères dont


l’intervention est incontournable puissent disposer de certains pouvoirs de
décision dans le secteur qu’ils gèrent. Ces ministères sont en particulier ceux
chargés de l’intérieur, de l’équipement et du transport, de l’urbanisme, de
l’énergie et des mines, de la santé et de l’agriculture et du développement
rural.

a : Pouvoirs du ministre de l’Intérieur

Le ministre de l’Intérieur a une compétence générale en matière de maintien


de l’ordre public (201) ; de ce fait, la délimitation de ses attributions en
matière de gestion des risques urbains s’avère une opération délicate.
Toutefois, il est possible de la cerner en dissociant les différentes catégories
d’activités composant la gestion des risques urbains.
201) Voir article premier du décret n° 2-97-176 du 14 chaabane 1418 (15 décembre 1997) relatif aux attributions et à
l'organisation du ministère de l'Intérieur.

275
Ainsi, en matière de prévention des risques, il est possible de dissocier deux
types d’activités selon le moment de leur réalisation et leur déroulement
dans le temps. Dans ce sens, on distingue les mesures de prévention
présentant un caractère structurel qui visent à éviter la survenue d’un risque
à la source, en prenant toutes les mesures appropriées pour éviter que le
risque ne se manifeste ou, du moins, ne conduise pas à une situation de
catastrophe. Il peut s’agir, par exemple, d’édifier une agglomération dans
une zone exposée à un aléa naturel ou technologique, de construire des
ouvrages de protection pour protéger les villes contre certains risques
naturels telles que les inondations, d’édifier des voies d’évacuations d’eaux
pour éviter la montée des eaux en ville, d’organiser la circulation des engins
transportant des matières ou produits dangereux à l’intérieur des
agglomérations, d’appliquer les normes préventives dans les constructions
ou encore de faire observer les mesures de prévention contre les risques
d’explosion ou d’incendie dans les établissements industriels et
commerciaux et dans les établissements recevant du public ainsi que dans les
habitations. Ces mesures diverses sont considérées comme des mesures de
prévention structurelles.

D’un autre côté, on relève d’autres mesures de prévention qui sont


diligentées dès l’annonce d’un éventuel phénomène générateur de
catastrophes. Ainsi, dès qu’un phénomène dangereux est détecté par les
services techniques spécialisées tels que ceux de la météorologie nationale
pour le cas des phénomènes atmosphériques exceptionnels ou le centre
national de la recherche scientifique pour les secousses telluriques, les
services de sécurité se doivent de réagir pour alerter les populations, évacuer
ou déplacer les habitants vulnérables ou résidant dans des lieux exposés,
mettre à l’abri certains biens particuliers et, bien entendu, mettre en pré-

276
alerte les services de secours et préparer les moyens pour faire face à toute
éventualité.

Ces mesures, qualifiées souvent de mesures de prévention conjoncturelles,


n’ont pas pour objet, contrairement aux premières, d’éradiquer ou d’éviter
un phénomène, mais plutôt de prévenir la catastrophe et d’atténuer ses
conséquences, en faisant en sorte que sa survenue ne provoque que de
moindres dégâts.

Cette distinction est tout à fait importante en ce sens qu’elle permet de


délimiter le champ de compétence des différents ministres en particulier
celui de l’Intérieur. En effet, compte tenu de sa compétence en matière de
protection des personnes et des biens, il paraît que son rôle s’inscrit
davantage dans la catégorie des mesures de prévention conjoncturelles.
D’autres ministères à vocation technique sont mieux placés pour décider en
matière de mesures stratégiques de prévention eu égard à leurs attributions
réglementaires, à la compétence de leur personnel et aux moyens techniques
dont ils disposent.
Pour réaliser les mesures de prévention conjoncturelles, le ministère de
l’Intérieur a évidemment besoin de l’assistance des autres ministères et
organismes spécialisés sous leur tutelle pour avoir des informations
pertinentes avant d’envisager les mesures de prévention appropriées ; ce qui
revient, en fin de compte, à donner à ce département une compétence
interministérielle.

Cela étant, c’est surtout dans le domaine de la lutte contre les sinistres et
catastrophes que le rôle du ministère de l’Intérieur est prépondérant. Il est
incontestable que ce département est le mieux placé pour décider des
mesures à prendre en cas de situation de sinistre et de gérer les catastrophes
qui touchent le milieu urbain. Ses attributions, son organisation territoriale,

277
l’affiliation de l’ensemble des organismes de sécurité à lui (Direction
Générale de la Sûreté Nationale, Forces Auxiliaires), sa large couverture du
territoire et surtout le rattachement à ce ministère de la Direction de la
protection civile, font de lui le ministère le plus apte à mener les opérations
et secours qu’exige la situation et de coordonner les moyens relevant de
divers départements et organismes publics et privés.

Sur cet aspect, il est à souligner que dans presque tous les pays du monde,
c’est ce ministère qui a la pleine autorité et qui constitue le principal centre
de décision en la matière.

Il est donc nécessaire que des précisions soient introduites dans les textes
réglementaires fixant ses attributions de manière à clarifier son rôle en
matière de prévention et de confirmer son rôle d’autorité gouvernementale
chargée de la mise en œuvre et de la coordination des moyens de secours en
cas de catastrophe.

Après cette précision des compétences du ministre de l’Intérieur, le champ


d’action des autres ministères se trouve ainsi sommairement balisé.

b : Pouvoirs du ministre de la santé

Les attributions du ministère de la Santé en matière de gestion des risques


découlent du Décret de 1994 (202). Conformément à ce texte, la Direction des
hôpitaux et des soins ambulatoires est, entre autres, chargée de :
- « contribuer à développer les moyens logistiques susceptibles de faire face
aux catastrophes ;
- contribuer au ramassage médicalisé des victimes d’accidents de la route
ou autres catastrophes imprévisibles ».

202 ) Décret n° 2-94-285 du 17 Joumada II (21 novembre 1994) relatif aux attributions et à l’organisation du ministère de
la Santé.

278
Compte tenu des expériences vécues dans le passé, il semblerait nécessaire
d’élargir les attributions de ce ministère pour prendre en considération
l’ensemble des exigences imposées par la spécificité des risques urbains. En
effet, ce ministère devrait être impliqué davantage en matière de prévention
des risques sanitaires susceptibles d’être générés par une catastrophe et de
faire appliquer les normes de réduction des risques dans les établissements
de soins eu égard à la vulnérabilité et à la particularité des personnes qui y
séjournent.

Par ailleurs, ce département ministériel devrait tenir compte, dans la


conception et la gestion des hôpitaux, de la possibilité d’un afflux massif des
blessés, consécutif à une catastrophe, nécessitant un traitement simultané
dans des temps raisonnables. Ceci suppose des infrastructures appropriées,
des ressources humaines mobilisables dans les meilleurs délais, un personnel
médical et paramédical spécialisé en médecine de catastrophes et des stocks
de médicaments adéquats.
De plus, l’expérience d’Al Hoceima a démontré la nécessité de disposer de
structures compétentes pour organiser et gérer les aides sanitaires provenant
de l’étranger et d’unités spécialisées dans l’encadrement sanitaire et social de
la population sinistrée. A ce titre, ce ministère est probablement le mieux
indiqué pour s’occuper de ces aspects en étroite collaboration avec les
services de l’Inspection des services de santé militaire.

Le rôle du ministère de la Santé mérite donc d’être valorisé au même titre


que celui des autres ministères notamment ceux à vocation technique.

c : Pouvoirs des ministres à «vocation technique »

A part le rôle de contribution et de concours qui leur incombe dans les


phases de prévision des phénomènes dangereux et dans la lutte contre les

279
sinistres et catastrophes, en application du principe de solidarité posé par la
Constitution (203), les ministères techniques ont particulièrement un pouvoir
de décision dans les domaines de la prévention structurelle ou stratégique.

Ainsi, chaque ministère devrait veiller à l’intégration des mesures de


prévention dans les activités qu’il supervise ou celles qu’entreprennent les
organismes sous sa tutelle. Des textes doivent instaurer l’obligation pour
chaque ministre d’établir un plan de prévention pour son secteur et de
veiller à sa bonne application dans les processus de développement des
activités prévues à court, moyen et long termes (204).

Selon cette logique, le ministère chargé de l’aménagement du territoire doit


veiller à l’établissement des cartes de vulnérabilité de manière à définir les
zones aptes à l’urbanisation, d’autant plus qu’il est urgent à présent de cesser
d’exploiter à des fins d’urbanisation des zones sujettes à des risques
d’inondation ou des zones situées à proximité des failles telluriques ou
encore des zones susceptibles de faire l’objet d’un glissement de terrain.

Il est impératif aujourd’hui que la politique d’aménagement du territoire


prenne en considération dans sa conception les impératifs de prévention des
risques, à défaut de quoi nos agglomérations continueront d’être édifiées
dans des zones particulièrement dangereuses et les pouvoirs publics auront
par la suite à supporter les charges, au demeurant très onéreuses, pour la
protection des villes et la consolidation des édifices et constructions.

De même, le ministère chargé de l’urbanisme doit veiller à la conception des


documents d’urbanisme sur la base du respect des mesures de prévention
des risques, en usant de ses pouvoirs pour éviter la constructibilité des
zones à risques présentant des dangers pour les résidents ou constituant un

203 ) Article 18 de la Constitution : « Tous supportent solidairement les charges résultant des calamités nationales ».
204) Ce genre d’actions est déjà prévu par certains pays.

280
facteur d’aggravation de certains phénomènes. Dans ce cadre, il est
impérieux d’inscrire dans le projet de code de l’urbanisme, faisant l’objet du
projet de loi 04-04, des dispositions à même d’instaurer l’obligation pour les
promoteurs des documents d’urbanisme de s’appuyer systématiquement
sur des études approfondies de danger des futures zones à aménager et
d’intégrer la cartographie des risques dans les règlements locaux
d’urbanisme.

Par ailleurs, les ministères de l’Equipement et de l’Industrie doivent inscrire


parmi leurs soucis le problème de la localisation des établissements
insalubres, incommodes ou dangereux. Le choix du site d’implantation des
établissements en question doit se faire sur la base d’études d’impact et de
danger. Ces études permettront d’avoir une idée claire et précise sur les
dangers que ces établissements présentent à l’égard de la population
résidante dans l’agglomération et, par conséquent, de déterminer la distance
d’éloignement vis-à-vis des quartiers habitables ou d’autres unités
industrielles.

Il faudrait au passage veiller à la sensibilisation des centres régionaux


d’investissement (205) à l’importance de cette question car s’il est nécessaire
de favoriser l’investissement, il ne faut pas non plus aller jusqu’à mettre en
danger la vie et le patrimoine des populations.

B : Compétences des autorités à l’échelon régional

Jusqu’à présent la région n’a pas encore un rôle clair à jouer en matière de
gestion des risques. Sa mission en matière de développement régional et
d’intégration des activités des différentes provinces et préfectures commence
visiblement à se dessiner. Son rôle en matière de promotion de la prévention

205 ) Il s’agit des centres créés pour favoriser l’investissement au niveau local. Ils constituent de ce fait des guichets
uniques où sont examinés en commission les différents projets d’investissement projetés au niveau régional.

281
des risques et de la planification des actions de gestion des catastrophes
mérite d’être précisé, ou du moins être clarifié.

Nul ne conteste aujourd’hui l’importance de la région en tant que plaque


tournante du développement territorial et en tant que courroie de
transmission de la politique de l’Etat sur cet espace géographique. Sous cet
angle, il paraît que la région peut constituer un véritable promoteur de la
prévention des risques et de lutte contre les catastrophes, sachant que la
tendance actuelle s’oriente vers le traitement des aléas selon la notion de
« bassin de risques » qui correspond et convient parfaitement à un espace
géographique suffisamment étendu tel celui de la région.

Dans cette perspective, il est important de définir les compétences des


autorités appelées à prendre des décisions dans le domaine qui nous
concerne. A cet égard, il n’y a aucun doute que deux autorités doivent voir
leurs missions précisées, à savoir : le wali de région et le président du conseil
régional.

1 : Définition des compétences du wali de région

Les compétences du wali de région ne sont pas définies par un texte législatif
et réglementaire à l’exception des délégations de pouvoir qui lui sont
octroyées par certains ministères pour des questions bien déterminées.
Même la Constitution s’est limitée à fixer les attributions des gouverneurs
qui « représentent l’Etat et veillent à l’exécution des lois. Ils sont
responsables de l’application des décisions du Gouvernement et, à cette fin,
de la gestion des services locaux des administrations centrales» (206).
Cependant, le fait que les walis aient également la qualité de gouverneur
pourrait servir de solution pour résoudre ce déficit juridique.

206 ) Art 102 de la Constitution de 1996.

282
Deux options se présentent alors: soit arrêter les attributions que doit
assurer le wali de région et proposer leur intégration dans un texte, soit lui
reconnaître le droit d’exercer des compétences particulières qui s’accordent
avec sa compétence générale actuelle énoncée par le texte suprême.

Compte tenu de la difficulté liée à la concrétisation de la première option, il


semblerait donc plus aisé de retenir la seconde option.

Ainsi, en matière de prévention des risques, le wali, en sa qualité de


représentant de l’Etat dans la région, sera appelé à appliquer les directives
gouvernementales dans les villes relevant de sa compétence. Celles-ci
doivent s’exercer en particulier dans le domaine de la prise en compte des
risques dans la politique d’occupation du sol (207) et dans le processus
d’autorisation des établissements classés notamment les plus nocifs d’entre
eux à savoir ceux de la première classe. Lors de ce processus, le wali doit
veiller au respect par les établissements sujet à autorisation de toutes les
mesures de sécurité requises.

En matière de gestion des catastrophes, le wali serait l’autorité de décision en


matière de préparation en prévision des catastrophes. Il serait investi du
pouvoir de préparer les moyens humains et matériels susceptibles
d’intervenir en cas de sinistre important. Pour cela, il doit mettre en œuvre
un plan de secours au niveau de la région ; lequel plan doit recenser tous les
moyens appartenant aux différents services de l’Etat, aux organismes publics
et semi-publics ainsi qu’aux organismes privés. Ce plan doit également
prévoir les modalités de mobilisation de ces moyens. Le plan ORSEC
régional semble être l’outil le mieux adapté à ce type d’action. Ce plan

207) Cette prise en compte sera réalisée lors de la soumission des documents d’urbanisme à l’approbation du
représentant de l’Etat dans la région.

283
comprendra des annexes sur la méthodologie à adopter pour faire face aux
risques spécifiques de la région.

En cas d’évènement catastrophique, le wali aura à mettre en œuvre et à


diriger les secours. Sous sa responsabilité, tous les moyens nécessaires seront
mobilisés et engagés selon les procédures fixées par les plans de secours
établis à l’échelon régional.

C’est donc au représentant de l’Etat au niveau régional qu’il incomberait de


jouer le rôle pilote en matière de gestion des risques urbains, en particulier
dans le domaine de la préparation de la région à faire face à une catastrophe
majeure survenant dans l’une ou plusieurs de ses agglomérations, d’autant
plus que les moyens disponibles dans les différentes provinces ou
préfectures, prises séparément, sont souvent très limités sur les plans
quantitatif et qualitatif et que seul leur regroupement peut aboutir à la
constitution de colonnes de secours assez consistantes.

Néanmoins, le wali de région n’est pas le seul à avoir des pouvoirs de


décision au niveau de cette collectivité locale; le Président du conseil
régional pourrait également jouer un rôle très utile en la matière.

2 : Définition des compétences du Président du conseil régional

Le président du conseil régional est une autorité élue, ses pouvoirs ne


peuvent s’exercer en situation de crise (208), il ne peut intervenir que dans les
domaines de la prévention et celui de la préparation de la région en
prévision d’un évènement exceptionnel.

En matière de prévention, le Président du conseil régional pourrait jouer le


rôle de fédérateur entre les différentes communes pour réaliser des projets
208) Deux raisons expliquent cette « irresponsabilité » du président du Conseil Régional ; l’une d’ordre juridique
puisque cette autorité élue n’a pas de prérogatives en la matière, l’autre d’ordre pratique puisqu’une culture s’est
enracinée dans la société marocaine, faisant de l’Etat et de ses services les principaux responsables de la sécurité et
de l’ordre publics et les seuls pourvoyeurs de moyens de secours et d’assistance.

284
de prévention dont peuvent bénéficier plusieurs communes, notamment les
projets dont le coût financier est très important. Il en est ainsi par exemple de
la prévention des inondations dans certaines villes qui pourrait être obtenue
grâce à la construction en amont d’un ouvrage de protection pour réguler le
débit d’eau arrivant dans certaines agglomérations. C’est le cas également de
l’aménagement d’un bassin versant dans le but de protéger des
agglomérations contre les crues. Le Président du conseil pourrait ainsi
favoriser la mobilisation des moyens financiers nécessaires et fédérer les
synergies entre de nombreuses communes.

Par ailleurs, le Président du conseil régional doit aussi encourager toutes les
initiatives visant à renforcer les équipements de secours et d’assistance aux
sinistrés. La constitution ou la contribution à l’équipement de dépôts de
prépositionnement des matériels d’assistance et d’entraide aux victimes des
sinistres et catastrophes peuvent se faire sous la responsabilité de cette
autorité, de concert avec le wali de la région concernée (209).

D’autres actions pourraient être diligentées par le conseil régional en


particulier la formation et la sensibilisation des élus, qui constituent le
moyen le plus efficace par leur participation active au processus de gestion
des risques urbains sur le plan local.

C : Compétences des autorités à l’échelon local

C’est surtout à l’échelon local que les pouvoirs de décision doivent


soigneusement être précisées car c’est à ce niveau que les mesures de
prévention et de sécurité doivent être concrètement prises. La précision des
autorités décisionnelles ainsi que l’étendue de leurs pouvoirs est d’autant
plus importante que des problèmes de conflits de compétences ne cessent de

209) La contribution à l’équipement de ces dépôts à vocation régionale se fera moyennant des ressources financières du
conseil régional, auxquelles contribuent toutes les communes de la région.

285
se poser entre les autorités locales désignées et les élus concernant les
mesures à prendre.

Il est donc incontournable de clarifier les pouvoirs des agents d’autorité de


l’Etat et ceux des présidents des conseils communaux.

1 : Délimitation des pouvoirs des autorités locales

Le problème des risques urbains à l’échelon local concerne non seulement


les gouverneurs mais aussi les chefs de cercles et les caïds car les risques
urbains concernent toutes les agglomérations urbaines sièges de provinces,
de cercles et de caïdats, étant entendu que mêmes les petits villages sont
voués à se développer pour devenir, dans un futur plus ou moins proche, de
grandes villes.
a : Clarification des attributions du gouverneur

Les gouverneurs sont les premiers responsables du maintien de l’ordre sur


l’ensemble du territoire de la province ou de la préfecture. Ils sont considérés
comme les détendeurs des pouvoirs de police administrative et donc
responsables de la sécurité générale. Toutefois, leurs attributions sont
générales et les textes spécifiques qui portent sur certains risques
n’apportent pas de précision à ce sujet.

Il ne paraît pas nécessaire de fixer de manière détaillée toutes les actions que
le gouverneur est susceptible d’entreprendre ; il suffit de préciser son rôle en
matière de mise en œuvre et de contrôle de la politique gouvernementale en
matière de gestion des risques urbains, notamment au niveau de leur
réduction car c’est là où des problèmes se posent.

Ainsi, en sus des attributions qui lui seraient reconnues en matière


d’autorisation de l’exercice de certaines activités, qui constitue l’occasion la
plus pertinente pour imposer les mesures de prévention, le gouverneur

286
devrait exercer le rôle de contrôle de l’intégration des mesures de réduction
des risques dans les projets autorisés par les communes relevant de sa
compétente, en application de ses pouvoirs de tutelle qu’il exerce sur les
communes (210), lesquelles communes disposent de larges pouvoirs
notamment en matière d’urbanisme et de construction.

Plus précisément, le gouverneur est appelé à veiller à l’enclenchement, au


plan local, d’une certaine dynamique de prévention des risques de
catastrophe afin que toutes les potentialités disponibles soient exploitées et
que tous les acteurs soient engagés dans le processus de prévention. Il doit
surtout veiller à la promotion de la prévention des risques de façon à ce
qu’elle soit une des priorités en matière de gestion intégrée des milieux (eau,
sol, air,..), de l’aménagement du territoire, des normes de construction et de
sécurité générale.

Le gouverneur apparaît comme étant la seule autorité capable de piloter et


de conduire une véritable stratégie de réduction des risques dont les lignes
directrices seraient tracées par le gouvernement central et dont la cohérence
au niveau régional incombe au wali de région.

Sur le plan de la gestion des catastrophes, les textes réglementaires doivent


consacrer le rôle prééminent du représentant de l’Etat dans la préfecture ou
dans la province en matière de direction des opérations de secours, sachant
que l’Etat est toujours le pourvoyeur de la sécurité. En prévision de
catastrophes susceptibles de toucher une ou plusieurs agglomérations, le

210) Selon les alinéas 1 et 2 de l’article 50 de la charte communale, le président du conseil communal « veille à
l’application des lois et règlements d’urbanisme et au respect des prescriptions des schémas d’aménagement du
territoire et des documents d’urbanisme » et « il délivre les autorisations de construction, de lotissement et de
morcellement, les permis d’habiter, les certificats de conformité et les autorisations d’occupation du domaine
public pour un usage lié à la construction, dans les conditions et les modalités fixées par les lois et les règlements en
vigueur ». Cependant, pour être exécutoires, les arrêtés à caractère réglementaire, pris par le président du conseil
communal en vertu des dispositions de l’article 50 précité, doivent être revêtus du visa du ministre de l’Intérieur ou
son délégué pour les communes urbaines et du wali ou du gouverneur pour les communes rurales (article 76 de la
charte).

287
gouverneur doit veiller à la préparation des moyens de secours et sur
l’assimilation par l’ensemble des intervenants des plans de secours établis et
de tester périodiquement leur mise en œuvre notamment à travers des
exercices de simulation. Dans le cadre de cette préparation seraient
également envisagés les mécanismes de surveillance des risques et les
procédures d’alerte des services compétents et des populations.
Dans cet exercice d’attribution et de clarification des compétences, il est
absolument nécessaire que les textes fassent clairement la différence entre
les compétences propres au gouverneur en matière de gestion des
catastrophes et les compétences partagées avec les collectivités locales en
matière de prévention des risques.
Il ne faut pas non plus omettre de préciser les attributions qui incombent aux
pachas, chefs de cercle ou caïds, en leur qualité d’exécutif au niveau des
agglomérations siège de leur commandement.

b : Précision des compétences de l’agent d’autorité

Quelle que soit l’étendue de ses compétences, le gouverneur ne peut avoir


un droit de regard suffisamment éclairé sans l’appui et l’assistance des
agents d’autorité (pachas et caïds). Ces derniers exercent une autorité de
proximité qui leur permet surtout d'exercer un contrôle assez rigoureux en
matière de respect des normes de prévention dans l’aménagement du
territoire et dans le domaine de la construction.

Ces autorités sont juridiquement compétentes en matière de maintien de


l’ordre et, à ce titre, elles disposent d’une assise juridique qui leur permet
d’assurer le contrôle et de vérifier le respect des dispositions préventives
dans le cadre des projets autorisés ou diligentés par les autorités
communales, dans le respect des lois et règlements en vigueur.

288
En matière de préparation en prévision des catastrophes, ils devraient être
considérés comme l’outil incontournable entre les mains du gouverneur
pour assurer une préparation de proximité et pour servir de relais pour
l’alerte des populations lorsque cela s’avère nécessaire.

En cas de sinistre important, touchant une quelconque agglomération sous


leur commandement, il doivent être en mesure de créer un cadre adéquat
pour l’intervention des services de secours par la sécurisation de la zone
d’intervention et par la mobilisation éventuelle des moyens de renfort.

Quoiqu’il en soit, l’entreprise de définition des attributions des autorités


locales : gouverneurs, pachas, chefs de cercle et caïds, devrait se faire dans
un esprit de cohérence de manière à ce que la hiérarchie qui préside à
l’attribution des compétences et au fonctionnement de ces autorités soit
respectée tant au niveau de la prévention des risques que de la lutte contre
les désastres.

L’essentiel est donc de faire en sorte que la prévention des risques et la


gestion des catastrophes fassent l’objet d’une hiérarchisation des attributions
de façon à ce que chaque autorité, allant du Premier ministre jusqu’au caïd,
soit responsabilisée.

Contrairement à ces autorités locales dont les attributions ne sont pas encore
juridiquement définies, les élus voient leurs compétences sommairement
énoncées par la charte communale.

2 : Précision des compétences des présidents des conseils municipal et


communal

Les compétences du président du conseil communal et encore moins celles


du président du conseil municipal, telles qu’elles sont définies par l’art. 50
de la charte communale de 2002, sont générales et peuvent donner lieu à des

289
interprétations variées en l’absence de dispositions réglementaires précisant
la nature des mesures techniques que ces autorités sont appelées à
entreprendre pour prévenir les risques.

En effet, il est très difficile d’incriminer le président du conseil de ne pas


avoir pris des mesures de prévention des risques contre les inondations alors
que les mesures qu’il est tenu de prendre ne sont pas identifiées.

Il convient donc de s’inspirer de la démarche suivie par d’autres pays,


comme la France par exemple, où le maire est personnellement ou par
l’intermédiaire de ses adjoints et de ses services, le seul gestionnaire de la
sécurité dans sa commune. Ainsi, face aux risques, les actions suivantes
incombent aux maires.

- prise en compte du risque dans les documents d’urbanisme. Cette prise en


compte s’effectue au niveau des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU) (211) et
surtout au niveau des certificats et permis de construire qu’ils délivrent ; les
maires ou leurs services sont ainsi l’intermédiaire essentiel de la prévention
vis-à-vis de la population ; les citoyens peuvent ignorer le PLU, mais ils
passent obligatoirement par les services municipaux qui délivrent ou
refusent les permis de construire, ces services jouent ainsi un rôle essentiel
dans la prévention des risques et l’information du public quant aux risques
naturels. Ce type d’information directe, si elle est bien faite, est certainement
efficace ;

211) Le PLU succède au plan d’occupation du sol (POS) depuis la loi 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la
solidarité et au renouvellement urbains, modifiée par la loi Urbanisme et Habitat du 2 juillet 2003. Comme l’ancien
POS, le PLU est un document réglementaire d’urbanisme. Ainsi, il définit et réglemente l’usage des sols sur
l’ensemble du territoire communal. Il détermine les droits à construire de chaque parcelle publique ou privée. C’est
un document juridique de portée régionale. Il s’impose à tous : particuliers et administrations. Il sert de référence à
l’instruction des diverses demandes d’occupation et d’utilisation du sol (certificat d’urbanisme, déclarations de
travaux, permis de lotir…).

290
- information préventive des administrés. L’information doit se faire par
l’affichage du risque (212) ;

- réalisation des travaux de protection et d’entretien ;


- gestion des dispositifs de surveillance et d’alerte ;
- organisation des secours et prise des dispositions d’urgence, sous réserve
des compétences reconnues au Préfet par la loi et les règlements. Pour ce
faire, le Maire s’appuie sur les services d’incendie et de secours (SIS) ;
- accueil des personnes évacuées ou sinistrées ;
- gestion de la post-crise.

De plus, c’est le maire qui fait la demande de prise de l’Arrêté de déclaration


de l’état de catastrophe naturelle qui ouvre droit à indemnisation par le biais
de la garantie « Catastrophe naturelle » pour sa commune et qui effectue les
demandes d’aide pour la réparation et la reconstruction des biens
communaux dont il assure la gestion. C’est dans ce domaine que la liaison
légale entre l’effort de prévention menée par les communes et le système
d’assurance est respectée et améliorée (modulation des primes) ce qui
permet de valoriser les communes qui investissent dans la prévention.

Il n’est pas demandé d’aller jusqu’à adopter intégralement une telle


démarche car il est encore prématuré de confier des compétences aussi larges
au président du conseil notamment en matière d’organisation des secours
dans la mesure où celui-ci n’a pas à sa disposition les services de secours et
de lutte contre l’incendie qui relèvent depuis 1984 de l’Etat. Les clarifications
nécessaires doivent prioritairement porter sur les domaines de la prévention
et de la surveillance des risques ainsi que de l’alerte. Dans ces domaines, il

212 ) En application des dispositions de la loi française du 18 juillet 1987 précitée, l’affichage doit se faire par le biais du
dossier départemental des risques majeurs. Elle résulte en même temps des dispositions du POS et de toute autre
information ou initiative.

291
paraît important de préciser, au moins sommairement, les types ou les
catégories d’actions que le président est chargé d’entreprendre. Cette
entreprise pourrait se faire soit par le biais d’une seule loi ou éventuellement
par des textes spécifiques qui concernent tel ou tel risque que le président a
pour fonction de prévenir.

On pourrait aussi attribuer au président du conseil la responsabilité de


surveiller et surtout d’alerter la population de la commune sur la base des
informations communiquées par les services techniques étatiques
compétents. De même, il est aussi important d’obliger les présidents des
communes à constituer des réserves de matériel d’assistance aux sinistrés et
d’identifier les lieux qui peuvent servir de refuge pour les populations en
cas de catastrophe. Par ailleurs, il convient d’examiner les charges qui
incombent à la commune dans la phase de réhabilitation des sites
endommagés par un sinistre, de manière à répartir les charges avec l’Etat.

L’identification des acteurs disposant des pouvoirs de décision prend ainsi la


forme d’attribution claire des compétences aux autorités qui possèdent à la
fois l’autorité juridique et les moyens nécessaires. Evidemment, ces autorités
doivent s’appuyer, sur le plan technique, sur les conseils et les avis d’une
instance consultative compétente à mettre en place.

§ 2 : Intégration des instances consultatives

Le constat a été fait sur l’existence de nombreuses commissions et comités


institués généralement par des circulaires qui traitent de la gestion des
risques tant au niveau national que local.

Cette inflation des instances crée des confusions et conduit à l’émergence de


visions morcelées parfois peu concordantes. Les travaux des différentes
instances ne suivent pas une logique et une démarche cohérentes.

292
Aussi le système marocain de gestion des risques gagnerait-il en efficacité
par l’unification et la précision des compétences des instances consultatives
tant à l’échelon central que local. On pense que l’ensemble des comités et
commissions, qu’ils soient institués par des textes réglementaires ou
simplement par circulaires, doivent être unifiés dans le cadre de la
commission nationale de la protection civile prolongée au plan local par des
comités régionaux, préfectoraux ou provinciaux de la protection civile.

A : Redynamisation de la Commission supérieure de la protection civile

La commission supérieure de la protection civile a été créée en 1964 pour


servir d’instance de coordination interministérielle en matière de gestion des
catastrophes, mais elle ne s’est jamais réunie depuis cette date. Cependant,
les choses ont évolué et une telle commission est aujourd’hui plus que
nécessaire.

Aussi la redynamisation de la commission supérieure de la protection civile


s’impose- t-elle et ce pour plusieurs raisons :
- d’abord, il n’existe pas d’instance ayant une vocation générale, il n’y a
que des commissions dont l’objet porte sur tel ou tel risque ;
- ensuite, cette commission semble être la seule à pouvoir jouer un rôle
fédérateur de tous les acteurs qui s’intéressent à la protection des personnes
et des biens quelque soit le domaine de leurs activités ;
- enfin, cette commission a déjà une existence réglementaire et il suffit
d’amender quelques dispositions du décret de 1964 pour la rendre
fonctionnelle.

Ceci dit, outre sa composition qui doit être élargie à d’autres acteurs, son
champ d’action mérite d’être soigneusement précisé. Il faudrait en premier
lieu que ses compétences soient définies en ce qui concerne la prévention des

293
risques, étant entendu qu’il n’existe aujourd’hui aucune instance
consultative interministérielle qui pourrait se prononcer et éventuellement
proposer aux autorités gouvernementales les grandes lignes d’une stratégie
nationale de prévention des risques urbains. Cette commission supérieure
pourrait parfaitement jouer ce rôle à condition que tous les départements
ministériels et organismes impliqués dans cette problématique participent à
ses travaux, sachant que des cellules spécialisées par type de risque
pourraient être instituées en son sein. On pourrait ainsi avoir une vision
unifiée et consensuelle et par là même mettre définitivement un terme aux
activités sectorielles difficilement conciliables dans les circonstances
actuelles.

Les principes de prévention seraient alors assimilés par l’ensemble des


acteurs et appréciés de la même manière par les différents protagonistes.

Les travaux de réflexion et d’analyse qui seraient entrepris par cette instance
permettraient au gouvernement de définir et de développer, en connaissance
de cause, une véritable pratique de prévention des risques.

Par ailleurs, en matière de gestion des catastrophes, le rôle de cette


commission devrait être clarifié aussi bien dans le domaine de la préparation
en prévision d’un événement exceptionnel que celui de la lutte contre les
effets d’un sinistre majeur.

D’un côté, cette instance doit définir la nature des mesures qui doivent être
prises par les acteurs urbains avant la catastrophe telles que la planification
des secours, la définition des procédures d’alerte, la constitution des réserves
de matériels et les procédures de prise en charge des sinistrés.

D’un autre côté, à la survenance d’une catastrophe, ayant un impact


national, cette instance peut jouer un rôle d’expertise et de conseil pour

294
l’autorité gouvernementale chargée de la direction des opérations de
secours et, après l’événement, son rôle pourrait être déterminant au niveau
du retour d’expérience.

Notre pays disposera ainsi d’une unique instance nationale, fédérant les
actions des différents acteurs sur les plans à la fois de la prévention des
risques et de la gestion des catastrophes.

L’efficacité de cette commission sera d’autant plus confirmée si des comités


régionaux et locaux de la protection civile sont institués.

B : Mise en place des comités régionaux, préfectoraux et provinciaux de la


protection civile

Ces comités seront le prolongement de la commission supérieure de la


protection civile au niveau local mais en même temps ils auront des
attributions supplémentaires dans la mesure où ils se situent à un échelon
d’exécution. Il ne s’agit plus de se prononcer sur la définition des
orientations de la politique de l’Etat mais plutôt de veiller à l’application
concrète de cette politique sur le terrain.
Certes, ces comités auront également un rôle consultatif auprès des autorités
compétentes sur les plans régional, préfectoral et provincial, mais ils auront
en plus pour attributions de proposer les mesures concrètes de prévention et
les mesures préparatoires effectives à adopter à l’échelon local.

Toutefois, il convient de souligner que les comités régionaux d’une part, et


les comités préfectoraux ou provinciaux d’autre part, n’auront pas
nécessairement des compétences identiques.

1 : Rôle et organisation des comités régionaux de la protection civile

Ces comités auront des compétences aussi bien en termes de prévention que
de préparation face aux catastrophes. Les fondements d’attribution des

295
compétences à ces comités doivent répondre à un besoin d’encadrement du
bassin de risque.

Dans le domaine de la prévention des risques, le comité régional doit


décliner les orientations de la politique de l’Etat en mesures spécifiques et
adaptées au bassin de risque. Son rôle ne doit pas se limiter à examiner les
risques qui pèsent sur le milieu urbain stricto sensu, pris comme un espace
géographiquement limité, mais plutôt en termes de bassin de risque que
constitue la région et éventuellement son interaction avec les autres bassins.
A titre d’exemple, l’étude du phénomène des inondations peut révéler
l’existence de bassins versants qui peuvent constituer des menaces pour
plusieurs agglomérations sur le territoire de la région. Le comité régional
aura donc à examiner les mesures de prévention qui intéressent l’ensemble
de ces agglomérations.

Sur le plan de la préparation face aux catastrophes, le comité régional aura à


créer les synergies nécessaires entre les différentes composantes publiques et
privées pour regrouper tous les moyens disponibles dans la région afin de
pouvoir affronter les catastrophes que celle-ci peut connaître. Il doit dans ce
cadre identifier les besoins de la région en veillant à l’élaboration des
Schémas Directeurs d’Analyse et de Couverture des Risques et à
l’évaluation des réserves d’équipements à constituer sur le plan régional et à
la proposition des procédures de montée en puissance des moyens de
secours dans le cadre du plan de secours ORSEC régional.

Institué auprès du wali de région et composé des responsables régionaux des


différents départements ministériels compétents, ainsi que des représentants
du conseil régional et de la société civile, ce comité doit fonctionner dans un
esprit de complémentarité avec les comités provinciaux ou préfectoraux,
d’où la nécessité de donner une grande importance à la définition des

296
compétences des deux organes pour assurer la complémentarité de leurs
fonctions.

2 : Rôle et organisation des comités préfectoraux ou provinciaux de la


protection civile

Plus spécialisés, les comités préfectoraux aux provinciaux auront à jouer un


rôle de proximité, en analysant notamment les mesures techniques concrètes
de prévention et de lutte contre les sinistres dans les différentes
agglomérations.

Institués auprès des gouverneurs et regroupant les représentants des


services préfectoraux, provinciaux et ceux des communes, ces comités
seraient invités à réfléchir sur les voies et les moyens à emprunter pour
assurer une meilleure intégration des mesures de prévention dans les
documents d’urbanisme, la méthodologie à suivre pour assurer le respect
des mesures de sécurité dans les constructions, l’identification des sites
vulnérables, la préparation des moyens pour faire face à d’éventuels
incidents, sur la préparation des procédures d’intervention pour les
accidents probables et la préparation des différents plans de secours.

Leurs travaux constituent la mise en œuvre concrète de la politique de


prévention des risques et de gestion des catastrophes dont les éléments
constitutifs seraient définis par le gouvernement. Evidemment, ces comités
ont la charge d’adapter au plan local les différentes orientations tracées par
la commission supérieure de la protection civile.

Ces comités auront une vocation générale afin de remplacer les différentes
commissions et comités mis en place au niveau local. Cependant, rien
n’empêcherait de créer au sein de ces comités des cellules spécialisées par
type de risque de manière à recentrer leurs travaux et les approfondir.

297
En définitive, ces comités permettent de compléter et de boucler le dispositif
institutionnel qui paraît être nécessaire pour le perfectionnement de la
gestion des risques urbains.

Cependant, le dispositif institutionnel n’est qu’un élément parmi ceux


nécessaires à une meilleure gestion des risques urbains. L’existence de
moyens est encore plus importante.

Section 2 : Des moyens d’action conséquents

Les différentes actions à réaliser mettent en jeu des moyens humains et


financiers qu’il faudrait soit valoriser, soit prospecter pour compléter les
moyens existants.

Heureusement, sur certains aspects, on ne part pas d’un terrain vide, un


travail préliminaire est déjà fait ; il suffit d’y apporter quelques
améliorations, en valorisant certaines actions et en en complétant d’autres.

Ainsi, sur le plan des ressources humaines, des effectifs de différents


horizons sont déjà engagés dans la gestion des risques urbains, il suffit de les
renforcer du point de vue quantitatif et qualitatif. Sur le plan financier, il
convient de trouver de nouveaux mécanismes de financement pour renforcer
les moyens mis à contribution jusqu’à maintenant.

§ 1 : Des moyens humains appropriés

Les ressources humaines constituent un élément central en matière de


gestion des risques urbains, d’où la nécessité d’assurer leur promotion dans
la politique publique de prévention des risques et de secours. L’adéquation
des moyens humains et des risques potentiels qui pèsent sur la population
doit être assurée tant sur le plan quantitatif que qualitatif.

298
A : Sur le plan quantitatif

Le nombre de personnes qui travaillent sur la problématique des risques


urbains est visiblement très limité que ce soit dans le domaine de la
prévention ou dans celui du secours. Il est donc impératif que les pouvoirs
publics accordent une attention particulière à l’augmentation des effectifs
chargés de veiller à la réalisation des mesures de réduction des risques et de
secours aux populations sinistrées.
1 : Renforcement des effectifs spécialisés dans la prévention des risques

Les départements ministériels, les organismes publics et les collectivités


locales qui sont investis d’une quelconque mission en matière de réduction
des risques doivent normalement et logiquement disposer d’équipes
permanentes pour accomplir cette mission.

Ceux qui n’en disposent pas jusqu’à présent doivent procéder à l’affectation
du personnel nécessaire dont le nombre doit être proportionnel à la nature
des missions qui leur incombe. En cas d’insuffisance du personnel, les
acteurs concernés peuvent soit en recruter, soit formuler des demandes pour
le redéploiement des effectifs dans le cadre du projet de mobilité des
fonctionnaires prôné par le gouvernement.

Parallèlement à ces actions, les acteurs concernés doivent approcher les


milieux universitaires et éventuellement le secteur privé pour solliciter une
assistance externe qui peut s’avérer plus efficace et plus économique.
Evidemment, même cette approche impose la présence d’effectifs spécialisés
capables d’exprimer les besoins et d’assurer le suivi de la réalisation des
actions souhaitées.

Pour le secteur privé, il est du devoir des gestionnaires d’entreprises


d’engager des ingénieurs spécialisés en sécurité dont le rôle consiste à

299
proposer les mesures de prévention du risque technologique et de veiller à
leur parfaite réalisation. Un personnel d’exécution doit être prévu en cas de
besoin.

En ce qui concerne les collectivités locales, il est de leur intérêt de recruter


des ingénieurs et des techniciens ou, le cas échéant, de redéployer leur
personnel de manière à disposer au niveau de chaque municipalité d’un
effectif possédant des connaissances en matière de gestion des risques
urbains et de servir de conseillers aux Présidents des conseils communaux
qui sont, de par la loi, les premiers responsables de la prévention des risques
dans la commune.

De leur part, les administrations centrales compétentes sont tenues de


disposer d’un effectif suffisant pour accomplir les missions de conception et
de normalisation des activités sectorielles, de manière à ce qu’elles soient
conformes aux impératifs de prévention des risques.

L’évaluation du personnel nécessaire doit logiquement prendre en


considération la nature des missions qui incombent à chaque acteur et
l’importance des mesures qu’il est tenu de réaliser compte tenu des actions
prioritaires identifiées.

L’idéal serait de trouver des mécanismes pour faire associer plusieurs


acteurs à la réalisation de certains projets afin de créer des synergies et de
faire des économies en terme d’effectifs. Cependant, cette action nécessite
des changements substantiels dans la pratique administrative actuelle
dominée par la « sectorialité » et la fragmentation des activités. C’est dire que
la gestion efficiente des risques urbains nécessite des mutations dans le
fonctionnement de l’administration.

300
En attendant l’émergence de pratiques cohérentes de réduction des risques
et le renforcement du personnel chargé d’en assurer l’exécution, il est
absolument nécessaire de renforcer le personnel chargé d’assurer le secours.

2 : Renforcement du personnel de secours

Avec un effectif ne dépassant guère les 4500 agents, soit un ratio de 1 agent
pour 7000 habitants, le corps national de la protection civile, chargé de
protéger les personnes et les biens en toutes circonstances, est loin de
satisfaire à tous les besoins des populations en matière de secours, selon les
normes en vigueur sur le plan international.

Pour respecter les normes en vigueur dans les pays à économie comparable,
notre pays est tenu de renforcer les effectifs spécialisés en matière de secours.
Reste à savoir quel serait le chemin à emprunter pour atteindre cet objectif.

A notre avis, trois voies sont envisageables pour renforcer les effectifs de
secours : le recrutement, le redéploiement du personnel et le recours au
volontariat.

a : Recrutement du personnel

Les besoins de l’Etat en matière de personnel permanent sont importants


pour couvrir l’ensemble des agglomérations et faire fonctionner les engins de
secours nécessaires à cet effet. Les études effectuées par la Direction de la
protection civile pour l’évaluation de ces besoins montrent qu’un effectif
important de personnel doit être recruté. La dernière étude entreprise sous
l’égide de cette direction remonte à 1997.

Partant d’une couverture optimale du territoire par 187 centres de secours et


d’un délai d’intervention de l’ordre de 30 minutes, cette étude évalue le
personnel à 8000 agents, ce qui revient à recruter 3500 agents

301
supplémentaires, soit un taux de recrutement de 680 agents par an sur une
durée de 7 ans à compter de 1997.

En réalité, les besoins réels dépassent aujourd’hui les effectifs proposés et ce


pour plusieurs raisons :

Premièrement, l’évaluation réalisée par le bureau d’études ERNST &


YOUNG, prend en considération un délai d’intervention de 30 minutes, ce
qui est énorme dans l’absolu et ne prend pas en considération les normes
internationales qui sont de l’ordre de 10 minutes.

Deuxièmement, cette étude a été réalisée antérieurement à la décision


gouvernementale du départ volontaire des fonctionnaires qui a concerné
plus de 20% de l’effectif du corps national de la protection civile.

Troisièmement, cette étude n’a pas pris en considération les performances du


personnel qui diminuent à partir de 45 ans, considéré comme étant l’âge
limite pour l’exercice efficace du métier de sapeur-pompier, nécessitant des
conditions physiques assez rigoureuses.

Quatrièmement, l’étude en question est partie de l’hypothèse de faire


fonctionner les engins de secours conçus pour l’intervention sur les sinistres
ordinaires. La prise en considération des risques spécifiques et le recours à
des équipements modernes pour faire face aux risques nouveaux telle que la
grippe aviaire, impose un personnel supplémentaire.

Cinquièmement, l’étude en question part de l’hypothèse du régime de travail


qui est actuellement de 24/24. Or, ce régime a été aboli dans de nombreux
Etats sous la pression de l’Organisations Internationale du Travail qui le
considère comme étant pénalisant et stressant pour le personnel de secours.
Aussi le régime de travail d’usage à l’heure actuelle dans de nombreux pays
est-il de 24 heures de travail pour 48 heures de repos.

302
Au total, si on prend en considération l’ensemble de ces données, on se
rend compte qu’il est nécessaire au moins de doubler les effectifs préconisés
par le bureau d’études ERNST & YOUNG. Il n’est pas exagéré de dire que
les besoins en effectifs dépassent les 20.000 personnes.

A titre comparatif, l’Algérie, avec une population équivalente à celle du


Maroc, compte environ 40.000 sapeurs-pompiers. La Tunisie avec une
population 3 fois moins que la notre dispose d’un effectif dépassant les 4.000
agents, la Jordanie compte environ 12.000 agents pour une population de 5,5
millions.

A défaut d’un recrutement massif, il est possible d’envisager le


redéploiement du personnel de l’Etat.

b : Redéploiement du personnel de l’Etat

Une part importante des effectifs actuels du corps national de la protection


civile est affectée à des fonctions sédentaires tels que l’exercice du travail de
bureau, la mécanique, la corvée, la surveillance des casernes et la
maintenance des réseaux d’eau et d’électricité. Or, le personnel est recruté et
formé pour exercer des missions de secours, les emplois sédentaires précités
pouvant être exercés par d’autres personnes.

C’est dans le cadre de cette logique qu’il est possible de penser au


redéploiement du personnel de l’Etat. Le surplus du personnel de métier
spécialisé exerçant dans d’autres secteurs peut être mis à la disposition de la
protection civile afin de mobiliser l’intégralité du personnel recruté par ses
soins et le dédier exclusivement aux missions de secours et de sauvetage.

De plus, cette action permettra à la Direction de la protection civile (DPC) et


à ses services extérieurs de diversifier davantage leurs activités et de donner

303
plus d’importance à celles qui sont parfois négligées jusqu’à présent. A titre
d’exemple, si la DPC pouvait avoir des ingénieurs, des architectes ou des
techniciens en génie de bâtiment, elle pourrait accorder une grande
importance à l’activité de prévention au même titre que celle des secours.

Il appartient donc aux décideurs de prendre les décisions qui s’imposent en


affectant à la DPC un personnel assez qualifié, selon un état des besoins en
effectifs par spécialité.

Il est à noter que la DPC s’est déjà engagée dans ce processus puisqu’elle
tente de récupérer les fonctionnaires territoriaux relevant des collectivités
locales qui souhaitent exercer dans les services de la Protection Civile.

L’autre voie à explorer pour renforcer les effectifs de secours est celle du
recours au volontariat, en prévision d’une catastrophe qui dépasse les
capacités du Corps national de la protection civile.

c : Promotion du volontariat

La fréquence des catastrophes, leur caractère complexe et imprévisible,


imposent à la protection civile de recourir à des ressources et à des moyens
extérieurs à son propre cadre. Cela se fait généralement par le biais du
volontariat qui revêt une importance primordiale dans l’encadrement des
possibilités opérationnelles lors de la survenance d’une catastrophe.

Le volontariat, qui consiste en la pratique d’actes de bienfaisance et de


générosité envers autrui, en plus des devoirs et obligations qui incombent à
tout un chacun, n’est pas de nature récente. Il s’agit d’une activité
humanitaire dictée par l’instinct humain et qui existe depuis les générations
les plus reculées. Le volontariat vise à procurer l’assistance aux personnes
sinistrées quelles que soient leur nationalité, leur langue ou leur religion.

304
Pour ce qui est du monde musulman, le volontariat est avant tout une
obligation dictée par l’appartenance à l’Islam.

En ce qui concerne le domaine de la protection civile, il est possible de


distinguer trois catégories de volontariat :

- en premier lieu, le volontariat humain qui concerne la contribution que


toute personne peut apporter, d’une manière spontanée, lors d’un accident
ou d’une catastrophe, sans égard à sa formation personnelle, et ce en
participant à des opérations n’exigeant pas des connaissances particulières
dans le domaine de la gestion des catastrophes ; généralement, les
volontaires de cette catégorie participent à des opérations d’extinction des
incendies de forêts et des feux domestiques, au sauvetage lors des
tremblements de terre et d’inondations, à l’approvisionnement des sinistrés
en eau, en nourriture ou en produits vestimentaires ;

- en second lieu, le volontariat technique qui concerne les volontaires qui


disposent de connaissances scientifiques, techniques ou professionnelles
concernant certains aspects inhérents à la définition des risques et à leur
gestion ; bien que ces volontaires ne fassent pas partie des organismes
officiels chargés de la gestion des catastrophes, ils mettent leurs
connaissances et leur compétence bénévolement à la disposition de ces
organismes ;

- en troisième lieu, le volontariat matériel qui concerne les organismes, les


établissements, les associations et les personnes qui participent à la gestion
des catastrophes par la mobilisation de leurs moyens matériels propres tels
que les moyens de liaison, de transport, de recherche, de levage ou encore
d’hébergement.

305
Pour la protection civile, le volontariat constitue un élément positif non
seulement lors des catastrophes majeures - l’ampleur d’un sinistre étant
souvent perçue par l’importance des pertes en vies humaines et en biens
matériels qu’il engendre - mais il est également un élément
fondamentalement utile lors des différentes phases de la gestion des
catastrophes (213).

En matière de prévention, les volontaires peuvent participer aux opérations


et mesures à long ou à court termes qui sont destinées à éviter la survenance
de catastrophes ou d’accidents. Ces mesures et ces opérations concernent
différents domaines tels que l’analyse de la vulnérabilité des régions,
l’établissement de cartes de risques, l’occupation des sols et la
réglementation de la construction, la mobilisation du secteur des assurances
en vue de promouvoir la prévention des accidents, ou encore la formation et
la sensibilisation du public dans le domaine des risques.

Les volontaires peuvent participer aux mesures de prévention soit d’une


manière individuelle comme c’est le cas pour les ingénieurs, les physiciens,
les chimistes ou les sismologues, soit par le biais d’organisations volontaires,
d’associations de bienfaisance, d’associations du Croissant Rouge, de
bureaux d’études et de compagnies d’assurances.

Sur le plan de la prévision des catastrophes, la préparation des volontaires


revêt une importance fondamentale dans les opérations qui visent à sauver
les vies humaines et à limiter les dégâts matériels. A ce niveau, la formation
est considérée comme l’un des éléments clés sur lesquels repose la
préparation.

213
) Pour plus de détails sur la question du volontariat et sur le projet de charte y afférente, il y a lieu de se référer aux
travaux de la conférence internationale sur le volontariat et la formation en matière de protection civile au
XXIème siècle organisé par l’OIPC à Tunis du 14 au 16 septembre 1999.

306
Comme il a été dit précédemment, le potentiel humain est largement
disponible, grâce à Dieu, et en plus, il est imbu d’un esprit ardent et
inconditionnel de solidarité et de sacrifice, en particulier à l’occasion des
tragédies qui endeuillent la société à l’occasion de catastrophes et d’accidents
de différentes origines. Seulement, la mobilisation de ce potentiel ne peut
être pleinement profitable que s’il a été préparé et formé en conséquence, de
manière et lui assurer un comportement positif avant, pendant et après la
catastrophe ou l’accident.

En matière d’intervention, qui constitue l’étape la plus importante dans le


processus de gestion des catastrophes, le recours aux volontaires s’avère
alors être une nécessité incontournable, et ce pour toutes les opérations
prévisibles, tant en ce qui concerne l’extinction des incendies que pour le
transport des sinistrés, leur hébergement, la fourniture de l’assistance sociale
nécessaire. Cela a été souvent constaté à travers les différentes catastrophes
qui surviennent de par le monde, que ce soient les inondations, les
tremblements de terre, les affaissements de terrain, ou encore les accidents
technologiques. A chacune de ces occasions, on assiste à un afflux massif
vers les zones sinistrées de volontaires en provenance du pays affecté et
même en dehors, offrant leurs services bénévolement d’une manière
spontanée, ne payant aucun prix aux difficultés et risques qu’ils sont
susceptibles de courir. Pour tirer un maximum de bénéfice de leur apport en
cas d’urgence, il est nécessaire d’œuvrer à leur encadrement par les services
compétents et bénéficier ainsi pleinement et rationnellement de leur
contribution, à condition toutefois de les doter des équipements susceptibles

307
des les protéger eux-mêmes des aléas que suppose toute opération de
secours, quelle qu’elle soit (214).

B : Sur le plan qualitatif

L’évaluation des ressources humaines engagées dans la gestion des risques


urbains en termes quantitatifs est certes importante, mais elle n’est pas
suffisante; la sécurité des populations urbaines dépendrait aussi de la qualité
des décideurs, des techniciens et des opérateurs intervenant dans ce secteur.

Le recours à un arsenal humain suffisamment qualifié est une nécessité


impérieuse pour une gestion efficace de ces risques qui font de plus en plus
appel à une certaine technicité. A ce titre, il est primordial de veiller au
développement des performances des personnels impliqués dans ce
domaine et de recourir éventuellement à une assistance de la part de
compétences nationales en dehors des acteurs intervenant habituellement.

1 : Amélioration des performances des personnels

La formation est sans conteste le moyen le plus efficace pour améliorer les
performances des personnels. Cependant, dans le domaine qui nous
concerne, l’essentiel reste à faire puisque les conditions nécessaires pour la
conduite de cette formation ne sont pas toutes réunies.

En effet, pour assurer cette formation de façon adéquate, il est essentiel de


disposer d’un ou de plusieurs établissements aptes à diligenter des
formations spécifiques dans ce secteur, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
La seule école qui pourrait dispenser des formations générales appropriées

214
) Il existe dans le droit marocain des dispositions juridiques qui permettent le recours au volontariat dans les activités
de secours, notamment l’arrêté résidentiel du 24 octobre 1955 relatif au statut du personnel de la protection civile
qui fait du volontaire, masculin ou féminin, une catégorie importante sur laquelle reposait le système de la
protection civile à l’époque. Depuis, ce texte est tombé en désuétude mais le volontariat connaît aujourd’hui un
regain d’intérêt dans la mesure où le nouvel organigramme de la Direction de la protection civile prévoit un service
qui vise à assurer la promotion du volontariat dans les domaines de la prévention et du secours.

308
est l’école de la protection civile. Malheureusement, cette école n’est pas
aujourd’hui en mesure d’assurer toutes les formations nécessaires. Faute
d’infrastructures suffisantes, de moyens financiers adéquats et d’un
personnel d’encadrement approprié, cette école arrive à peine à assurer la
formation de base et continue au profit du personnel du corps national de la
protection civile particulièrement dans les domaines de la prévention des
risques d’incendie et de sauvetage. Il est rare que des formations soient
organisées en faveur des autres acteurs intervenant dans le domaine de la
gestion des risques.

Les initiatives prises par certaines universités portant sur la création de


Diplômes d’Etudes supérieures spécialisées sont très louables ; néanmoins
les formations dispensées jusqu’à présent ne portent que sur des aspects
particuliers des risques urbains, elles ne couvrent pas l’intégralité des aspects
préventifs, prévisionnels et de secours.

Par ailleurs, les quelques séminaires et tables rondes organisées


généralement dans la capitale ne portent souvent que sur des activités de
sensibilisation et sur certains aspects institutionnels.

Aussi est-il important que les pouvoirs publics expriment leur fort
engagement pour améliorer les connaissances des personnels relevant des
communes, des départements ministériels et organismes impliqués dans la
prévention des risques urbains. Cet engagement doit se manifester dans
l’amélioration des capacités de l’école de la protection civile, dans l’incitation
des différents acteurs à organiser des formations approfondies en faveur de
leur personnel et dans l’encouragement des différents établissements
universitaires, facultés et grandes écoles, à créer davantage de modules
spécialisés de manière à produire sur le marché du travail un personnel

309
suffisamment compétent pour conduire à terme des projets notamment à
caractère préventifs.

Dans le domaine de l’organisation des secours, il serait nécessaire que tous


les organismes intervenant à quelque titre que ce soit dans la lutte contre les
sinistres en milieu urbain, soient capables d’assumer les tâches qui
correspondent à leur domaine de compétence, de manière à éviter toute
défaillance dans la chaîne des secours.

De plus, il faudrait qu’une attention particulière soit accordée à la formation


des formateurs car c’est la clé de voûte de la promotion de l’apprentissage
des personnels. D’ailleurs, la pénurie des formateurs est considérée
aujourd’hui comme l’un des handicaps majeurs pour l’organisation des
formations spécialisées. Même l’école de la protection civile, qui devrait en
principe jouer un rôle de pionnier dans ce domaine, souffre également de
cette pénurie de formateurs.

Par conséquent, l’un des axes majeurs à privilégier dans une première étape
serait la constitution d’équipes de formateurs dans les diverses disciplines et
l’établissement de réseaux nationaux et locaux entre ces formateurs.

Pour combler ces lacunes, il est possible de recourir dans la période


transitoire à l’assistance des acteurs privés et à la coopération internationale.

Les mesures de protection des personnes et des biens contre les risques de
catastrophes, faut-il le répéter, ne sont pas l’apanage du seul département de
la protection civile relevant du ministère de l’Intérieur. Certaines autres
entités sont concernées à des degrés divers, soit au niveau de la prévention
des risques ou de la réduction des effets des catastrophes, soit au niveau de
l’intervention pour y faire face ou de la remise en état. De ce fait, la bonne
gestion des situations de crises sous entend la préparation de tous les acteurs

310
concernés en vue d’éviter toutes formes d'improvisation, de confusion et de
désordre et ce par le biais d’une formation adaptée, qui tienne en compte des
différents paramètres susceptibles d'avoir un impact favorable sur la
résolution des problèmes et difficultés qui surgissent suite à un accident ou à
une catastrophe. Les acteurs visés sont les services de la protection civile et
les autres acteurs publics et privés qui contribuent à la gestion des risques de
catastrophes.

a : Formation des services de la protection civile

Les services de la protection civile sont bien entendu les moyens


d’intervention par excellence et se trouvent au centre du dispositif de
secours lors des situations de catastrophes tel que cela ressort des textes en
vigueur(215). Initialement créés pour lutter principalement contre les
incendies, ces services ont vu leurs missions se diversifier, au fil du temps,
compte tenu de l’évolution de la nature des risques (216). L’évolution des
risques et la diversification de leur nature ont donc fait appel au
développement parallèle de compétences techniques particulières, ce qui
exige une formation appropriée et constamment évolutive. Cette formation
s’opère en premier lieu à l’Ecole Nationale de la Protection Civile (217) qui
« …est chargée de la formation des cadres de la Protection Civile dans les
domaines scientifique, technique et administratif, appliqués dans la
prévention des accidents et catastrophes et dans la lutte contre les incendies.

215) Article 36 du décret n° 2-97-176 du 14 chaabane 1418 (15 décembre 1997) relatif aux attributions et à l'organisation
du ministère de l'intérieur : La direction de la protection civile est chargée de la protection et de la défense de la
population civile et des biens en toutes circonstances.
A cet effet, elle a pour mission :
- d'organiser, animer et coordonner la mise en oeuvre des mesures de protection et de secours des personnes et des
biens lors d'événements calamiteux et de catastrophes ;
- d'assurer la protection et la sauvegarde de la population et du patrimoine national lors de circonstances ressortissant
de la défense civile ;
- de promouvoir la prévention des risques et combattre tous sinistres, en particulier les incendies.
216) Les incendies ne représentent plus qu’une infime portion, environ 6%, dans la moyenne globale de leurs
interventions.
217) Décret n° 2.83.288 du 9 Joumada 1 1405 (31 janvier 1985) relatif à la création et à l'organisation de l'Ecole de la
protection civile (en langue arabe).

311
Elle est également chargée de la formation des sauveteurs bénévoles
collaborant avec la Protection Civile ainsi que du perfectionnement des
responsables de la prévention et de la lutte contre les incendies dans les
administrations et établissements publics, semi-publics et privés. Les
modalités de cette formation seront déterminées par arrêté du ministre de
l'Intérieur visé par l'autorité gouvernementale chargée des affaires
administratives » (218). Par la suite, les personnels de la protection civile
reçoivent une formation régulière de base dans les unités où ils sont affectés,
doublée d’une formation spécialisée dans ces mêmes unités ou, parfois à
l’étranger en application des accords de coopération avec certains
pays, principalement la France, ou d’organismes internationaux : OIPC,
EUROMED, Conseil des Ministres Arabes de l’Intérieur et l’Académie Naïf
pour les sciences de la sécurité.

Les formations réalisées au profit des personnels de la protection civile, au


Maroc ou à l’Etranger, tournent autour des modules suivants :

- Formation au Brevet de prévention (cycles)


- Formation au Brevet des risques chimiques
- Formation au Brevet des risques radiologiques
- Formation au Brevet de plongée et de secours subaquatique
- Formation au Brevet des feux de forêts
- Formation au Brevet des feux de navires
- Formation de Formateurs en pollution marine
- Formation en matière de « plans de secours et urgences collectives »
- Formation de médecins aux contrôles de l'aptitude et soins pré-hospitaliers
des plongeurs
- Formation en matière d'intervention pour les feux de liquides inflammables

218 ) Article 2 du décret relatif à la création de l’Ecole.

312
- Formation au monitorat de secourisme
- Formation en matière de secours routier
- Formation de chefs de groupe en sauvetage-déblaiement
- Formation de maîtres-chiens (cynophiles)
- Formation de formateurs d'ambulanciers
- Formation en matière d'intervention en milieux périlleux 'GRIMP"
- Formation en matière de plongée subaquatique.

Ces formations tiennent en compte les risques dominants au Maroc tels que
les tremblements de terre et les inondations et crues torrentielles ainsi que
les risques technologiques notamment industriels, radiologiques, chimiques
ou encore relatifs à la pollution ou aux accidents de la circulation.

Toutefois, cette formation bute encore sur des obstacles qui limitent sa
portée, en particulier l’insuffisance des infrastructures de l’école de la
protection civile, la pénurie des formateurs, la carence des moyens
budgétaires et l’absence d’une stratégie cohérente de formation qui tiendrait
compte de l’ensemble des besoins en matière de formation.

Un effort considérable a été consenti ces dernières années pour la promotion


de cette formation mais les obstacles précités constituent des freins à
l’épanouissement escompté. D’où la nécessité d’un effort conjugué de tous
les partenaires pour valoriser l’instruction non seulement du personnel de la
protection civile mais aussi des autres acteurs.

b : Formation des autres acteurs publics

Il s’agit tout d’abord du personnel des services normaux de secours qui,


comme la Protection Civile, interviennent régulièrement lors d’événements
de petite ou de grande envergure, du fait des missions qui leur sont
imparties. Parmi ces services normaux on inclue la police, la gendarmerie

313
royale, les forces auxiliaires et parfois l’armée en cas de nécessité. En plus
des missions propres à chacun de ces services publics, leur présence sur les
lieux d’un accident ou d’une catastrophe impliquent qu’il est souhaitable
qu’il reçoivent régulièrement une formation appropriée en la matière afin
qu’ils puissent faire face à des situations exigeant des mesures de protection
civile. Dans cette perspective, et à la demande de ces services, des
contingents délégués par eux sont formés à l’Ecole de la Protection Civile
surtout dans le domaine de l’extinction des incendies ou du sauvetage. De
plus, dans la mesure où ils font partie des services du Plan ORSEC, ils sont
généralement soumis, au niveau des préfectures et provinces concernées, à
des formes d’initiation à la problématique des risques par le biais de
réunions, de séminaires, d’exercices théoriques ou pratiques sur le terrain.

Ensuite viennent les entités et organismes publics ou semi-publics qui


disposent de moyens humains et matériels importants susceptibles d’être
mobilisés en cas de catastrophe tels que l’ONCF, l’OCP, l’ONEP, l’ANP,
ONDA(219), etc. La Protection Civile assure en effet une formation des
agents de ces entités en particulier pour la prévention et la lutte contre les
incendies et les risques de panique. La formation est réalisée à l’Ecole ou
auprès des unités territoriales d’intervention.
Dans ce même cadre, d’autres services publics jouent un rôle important dans
la gestion des risques, en particulier pour tout ce qui concerne les aspects
médicaux. Il s’agit surtout de médecins qui peuvent apporter leur
contribution en situation de crise et qui proviennent de différents horizons :
ministères, collectivités locales, établissements publics et semi-publics,

219) ONCF : Office National des Chemins de Fer ;


OCP : Office Chérifien des Phosphates ;
ONEP : Office National de l’Eau Potable ;
SNP : Société Nationale des Ports ;
ONDA : Office National des Aéroports.

314
renforcés par des médecins du secteur privé. La formation destinée à ces
médecins s’est surtout matérialisée par l’organisation, à leur intention, par la
Protection Civile, de cours sur la médecine des catastrophes.

Ces avancées assez appréciables restent toutefois disproportionnées par


rapport aux besoins réels. Le nombre de bénéficiaires de ces formations est
très limité et ne couvre qu’une infime partie du personnel devant être formé
dans les diverses disciplines en relation avec la gestion des risques en
général et des risques urbains en particulier. Des efforts doivent encore être
consentis pour la formation d’un nombre beaucoup plus important du
personnel, pour l’instauration de programmes assez cohérents répondant
aux besoins et pour la mise en place d’une école dont l’infrastructure, le
personnel et le budget doivent être en mesure de relever les défis en matière
d’apprentissage des décideurs, des professionnels et aussi des acteurs privés.

c : Formation des acteurs privés

Les moyens privés peuvent constituer un atout dans le processus de gestion


des risques urbains dans la mesure où certains établissements, en raison des
risques potentiels qu’ils sont susceptibles de générer, disposent de services
de sécurité et de moyens importants de secours qui peuvent apporter un
plus en cas de besoin. D’ailleurs, ce qui peut être considéré comme positif,
c’est que ces établissements emploient souvent dans leur service de sécurité
des agents de la Protection Civile en retraite qui sont donc déjà formés et
rôdés aux interventions les plus diverses.

Dans tous les cas, les services de la protection civile organisent,


annuellement, des formations au bénéfice des agents de sécurité des
établissements qui le demandent, en particulier sur les aspects de l’extinction
des incendies, sur la prévention et sur le secourisme. Cette initiative mérite

315
d’être élargie et d’être soutenue pour couvrir le maximum d’entreprises
d’une part pour développer la culture du risque au sein de ces
établissements et, d’autre part, pour disposer en cas de besoin d’un soutien
opérationnel. Elle doit même être élargie à la société civile qui peut être
d’une grande utilité aussi bien en temps de crise qu’en temps normal en ce
sens que la société civile pourrait être un vecteur inestimable pour le
développement de la culture de prévention des risques et d’épanouissement
de la solidarité dans le domaine de la lutte contre les effets des désastres.

Cette interaction entre Protection Civile et établissements et entités pouvant


collaborer à la gestion des risques impose, d’elle-même, un rapprochement
des partenaires.
2 : Recours à l’assistance externe

Face au retard enregistré dans le domaine de la qualification du personnel,


en particulier sur l’aspect de la prévention des risques, il est possible de
recourir, dans une période intermédiaire, à l’assistance des bureaux d’études
privés et au soutien des organismes internationaux de formation et
d’expertise disponibles dans les pays amis ou ceux auxquels le Maroc est lié
par des accords de coopération.

Concernant les bureaux d’études privés, il est à noter qu’ils ont connu un
essor considérable au cours des dernières années surtout dans les grandes
villes. Ils commencent à se démarquer par rapport aux organismes publics
par la rapidité dans l’exécution des travaux sollicités et par la pertinence de
leur expertise de plus en plus développée dans les divers domaines. Ils
interviennent dans presque tous les aspects de la gestion des risques
urbains : protection contre les inondations, génie parasismique, lutte contre
la pollution, sécurité contre les risques d’incendie et de panique, etc..

316
Par ailleurs, la coopération internationale offre des opportunités
considérables en ce sens qu’elle peut être considérée comme un vecteur de
promotion de la formation des cadres, mais aussi d’assistance technique
pour certains projets qui nécessitent une expertise assez poussée.

De plus, il est temps aujourd’hui de donner à la société civile toute


l’attention qu’elle mérite et à l’associer à la problématique de gestion des
risques, ce qui peut conduire à la spécialisation de certaines associations
dans ce domaine et à leur forte implication notamment dans la réalisation de
certains projets locaux. Le recours à l’assistance de la société civile est
d’autant plus nécessaire que les associations comptent parfois d’éminentes
compétences et divers spécialistes dont le besoin peut se faire sentir.

§ 2 : Des moyens financiers adéquats

Il est certain que la mise en œuvre de certaines actions dépend de la


disponibilité des moyens financiers et de la capacité des pouvoirs publics à
assurer la prise en charge budgétaire de certaines activités urgentes ou
imprévues.

A : Financement des projets de prévention et de secours

Le financement des projets de prévention et la prise en charge financière des


opérations de secours ne relèvent pas nécessairement du même registre dans
la mesure où ils ont des objets dissemblables et leur pilotage est souvent
assuré par des acteurs différents.

1 : Financement des projets de prévention

En général, le financement des projets de prévention obéit au principe selon


lequel le promoteur du projet assume la charge financière de sa réalisation.

317
L’application de ce principe dicte que les différentes catégories d’actions
qu’exige la réduction des risques naturels et technologiques seraient réalisées
par l’acteur ou les acteurs les plus impliqués selon la nature de l’action
envisagée. Ce principe général peut toutefois connaître des exceptions.

En effet, selon cette hypothèse, les mesures de prévention contre les risques
industriels sont du ressort des entreprises génératrices de risques elles-
mêmes; la maîtrise de l’urbanisation autour des sites industriels dangereux
incombe aux communes et au département ministériel chargé de
l’urbanisme; la réduction des risques liés au transport des matières
dangereuses relève des entreprises assurant ce genre de transport, du
département de tutelle et éventuellement des communes qui assurent
l’infrastructure de transport nécessaire à l’intérieur des agglomérations ;
l’atténuation des effets des risques au sein des établissements recevant du
public et immeubles de grande hauteur incombe, quant à elle, aux
exploitants.

On ne peut non plus écarter les particuliers qui sont eux aussi tenus de
veiller à leur propre sécurité en observant les mesures de précaution
nécessaires dans leur lieu de travail et en garantissant le minimum de règles
de prévention dans leur domicile et au cours de leurs déplacements sur la
voie publique.

Cependant, la question reste toujours posée concernant les moyens financiers


pour la réalisation des différents projets sachant que certains d’entre eux ont
parfois des coûts très exorbitants. A ce titre, il est nécessaire de faire la
différence entre deux catégorie de projets : ceux à coût modéré dont la
réalisation pourrait être assurée par les propres moyens des acteurs

318
les plus impliqués et ceux à coût élevé, ne pouvant être réalisés que par la
conjugaison des efforts entre plusieurs acteurs ou encore par le recours à des
outils de financement exogènes.

En l’état actuel des choses, les budgets réservés aussi bien à la première qu’à
la deuxième catégorie sont infimes par rapport à ce qu’ils doivent être.
Concernant la première catégorie, il convient de souligner qu’il n’y a
pratiquement pas de ministère ou d’organisme qui a prévu une rubrique
budgétaire réservée exclusivement à la prévention des risques. Ce n’est
qu’en cas de besoin extrême que les acteurs concernés essaient de trouver
des échappatoires ou des issues pour pouvoir agir, d’où l’importance pour
certains départements et organismes de prévoir à l’avenir des rubriques
budgétaires qui peuvent leur permettre d’initier certains chantiers de
prévention, conformément à leur mission. S’agissant de la deuxième
catégorie, il est absolument nécessaire de trouver des mécanismes de
financement appropriés permettant de supporter les charges induites par le
projet. Dans ce sens, il est possible, soit de prévoir des mécanismes de
financement conjoints par deux ou plusieurs acteurs dans un cadre
partenarial, soit de trouver des sources de financement externes.

De toutes les manières, il faudrait que les pouvoirs publics locaux


comprennent que la sécurité urbaine contre les risques de catastrophes
constitue un des éléments essentiels de la compétitivité de la ville et de son
rayonnement. L’investissement en termes de prévention verse dans ce sens
et c’est la raison pour laquelle les décideurs ne doivent ménager aucun effort
pour trouver les moyens financiers indispensables non seulement pour la
promotion de la prévention des risques mais aussi pour l’amélioration des
secours.

319
2 : Financement des opérations de secours

Il convient de faire la différence entre les secours contre les sinistres courants
et les secours en cas de catastrophe majeure.

Pour le premier cas de figure, il est évident que le rattachement du corps


national de la protection civile à l’Etat fait peser la responsabilité du
financement sur l’Etat pour la totalité des opérations de secours entreprises
par ce corps. En principe, c’est à cette collectivité publique qu’il appartient
de prendre en charge l’achat des équipements de secours, la rémunération
du personnel, la construction des infrastructures de secours et l’allocation
des moyens financiers pour le fonctionnement et le déploiement des équipes
d’intervention.

Toutefois, au cours des deux dernières décennies, il s’est avéré que l’Etat est
incapable d’assurer la prise en charge intégrale de ce corps, d’où la solution
trouvée consistant en la création du fonds spécial pour le soutien et la
promotion de la protection civile. Les recettes réalisées dans le cadre de ce
fonds se révèlent encore insuffisantes. Il faut donc trouver d’autres sources
de financement. Les démarches partenariales diligentées par la Direction de
la Protection Civile se sont avérées infructueuses.

Aussi est-il nécessaire de trouver de nouvelles formes de financement. Deux


solutions semblent envisageables : soit de revoir les mécanismes de
fonctionnement du fonds spécial pour le soutien et la promotion de la
protection civile de manière à élargir l’assiette des prestations et à réviser la
procédure de contribution des collectivités locales par le versement direct
par le ministère des finances de la part de ces collectivités s’élevant à 50% du
budget d’équipement et de fonctionnement par référence à leur part de

320
la TVA ; soit de revoir de fond en comble le système de fonctionnement du
corps national de la protection civile, en cherchant notamment une solution
médiane entre l’«étatisation» complète de ce corps et sa « décentralisation »
intégrale. Il faudrait étudier la possibilité de faire jouer un rôle important aux
communes sans anéantir totalement le rôle prééminent de l’Etat. Ce qui
revient en fait à responsabiliser les communes dans les domaines de
l’édification et de l’équipement des centres de secours sans avoir la main
mise sur son fonctionnement et son déploiement opérationnel.
Cette équation n’est pas impossible à mettre en exploitation, il suffit que la
volonté politique soit exprimée dans ce sens.

Quant au second cas de figure, portant sur le financement des opérations de


secours en cas de catastrophe majeure, il est primordial de trouver des
mécanismes appropriés pour la mise en application du principe de
solidarité posé à l’article 18 de la Constitution.

Il faudrait en effet préciser comment les marocains supportent solidairement


les charges résultant des calamités nationales car l’expérience a révélé qu’à
chaque fois qu’une catastrophe majeure survient, les pouvoirs publics
recourent à des solutions conjoncturelles tels que les prélèvements sur les
salaires des fonctionnaires ou encore la collecte de dons auprès des
populations.

Il est donc temps de poser les principes d’exercice de la solidarité dans les
circonstances exceptionnelles, ce qui permettra d’éviter les pratiques
aléatoires et, surtout, de donner une idée préliminaire aux gestionnaires de
la catastrophe sur les moyens dont ils peuvent disposer en cas de nécessité
impérieuse.

321
Cette opération revêt la même importance que celle relative à
l’indemnisation des victimes.

B : Indemnisation des victimes de catastrophes

Les catastrophes naturelles et industrielles provoquent des dommages


coûteux. C’est parce qu’il est, en général, difficile d’identifier l’auteur
juridiquement responsable que la pratique suivie par de nombreux pays a
évolué vers un régime mutualiste d’indemnisation. En effet, les catastrophes
se caractérisent par un nombre élevé de victimes, des dommages à
l’environnement, coûteux à réparer, et / ou des préjudices considérables
pour une région. Au mieux, il y aura une évacuation temporaire de dizaines
de milliers de personnes, l’eau potable sera coupée ; au pire, une région sera
rendue inhabitable pour longtemps.

L’augmentation du nombre des accidents et des victimes a conduit les


gouvernements de différents pays à prendre des mesures spéciales pour
garantir l’indemnisation des victimes.

Il serait opportun de suivre l’exemple de ces pays et de prendre des mesures


en conséquence pour faire face aux multiples demandes d’indemnisation qui
surviendront en cas de catastrophe, car celles-ci ne seront pas nécessairement
honorées. Pour les catastrophes naturelles, la solution la plus adoptée par
d’autres pays consiste en la mise en œuvre d’un mécanisme dont la charge
financière pèse sur l’ensemble des assurés avec une certaine garantie de
l’Etat. Seules les procédures de mise en œuvre diffèrent d’un Etat à l’autre.

Dans les circonstances actuelles, ce procédé est difficilement applicable dans


notre pays dans la mesure où la culture d’assurance n’est pas suffisamment
développée et le nombre d’assurés et d’assurances obligatoires est très limité
si on excepte l’assurance pour les véhicules. Il semblerait que l’unique

322
solution possible pour les catastrophes naturelles soit le recours à la
solidarité nationale conformément à l’article 18 de la Constitution.

Cette question d’indemnisation des victimes des catastrophes naturelles


mérite d’ailleurs d’être examinée en parallèle avec celle du financement des
opérations de secours en cas de catastrophe, car il est possible de trouver une
solution pour les deux en même temps.

Concernant l’indemnisation des victimes de catastrophes industrielles, il y a


lieu de souligner que « la plupart des pays de l’OCDE évoluent vers un
régime de responsabilité fondée sur le risque. Mais la responsabilité sans
faute ne règle pas tous les problèmes. Pour remédier à l’inadéquation des
systèmes d’indemnisation, il serait souhaitable que, conformément au
principe « pollueur – payeur », le coût des catastrophes soit pris en charge
par les pollueurs » (220).

Dans notre pays, on pourrait s’interroger sur le fait de savoir si les


générateurs de catastrophes sont en mesure d’indemniser l’ensemble des
victimes potentielles d’un éventuel accident technologique majeur, en
particulier lorsqu’il s’agit d’un nuage toxique entraînant de nombreuses
victimes. Il est donc très important pour les pouvoirs publics de réfléchir
profondément à cette question en vue d’y apporter les solutions nécessaires.
La recherche d’une réponse pour ce genre de question ne peut être entreprise
que par des décideurs et des citoyens avisés.

220) SMETS (H) : « Indemnisation des victimes de catastrophes industrielles », les cahiers de la sécurité intérieure, n° 6,
Août / Octobre 1991, p : 165.

323
Section 3 : Des décideurs et des citoyens avisés

Comme il a été dit précédemment, les accidents majeurs et les catastrophes


qu’a connus notre pays ces derniers temps imposent de concevoir une
stratégie de gestion des risques urbains qui puisse prendre en compte tous
les aspects susceptibles d’avoir un effet déterminant sur l’issue du risque par
la suppression de la menace qu’il représente pour le milieu concerné ou, du
moins, par la réduction des effets qui en résulteraient. A ce titre, les
catastrophes de Mohammedia, d’El Hajeb, d’Al Hoceima, de Settat, ou
encore de Berrechid, doivent éveiller les consciences et rappeler que la
gestion de tels risques implique la participation non seulement des vrais
professionnels du secteur de la protection des personnes et des biens,
autrement dit les moyens normaux de secours, mais aussi de l’ensemble des
forces humaines de la communauté. L’objectif recherché, qui ne doit
nullement être considéré comme une chimère en soi, est de parvenir à
instaurer une véritable culture du risque.

§ 1 : Développement d’une culture du risque

En matière de gestion des risques, il a surtout été question, jusqu'à une date
récente, d’engager les moyens d’intervention lors d’une situation d’urgence
et d’organiser l’assistance et l’aide aux victimes et ce par le biais des services
de secours. Aujourd’hui, les leçons ont, semble-il, été tirées des expériences
passées et l’on s’oriente de plus en plus vers l’instauration d’une culture du
risque, qui, certes, n’est pas une entreprise aisée, mais qui aura le mérite de
sensibiliser et, partant, d’associer à la fois les autorités et les administrés à
l’effort consenti dans le domaine de la réduction du risque urbain.

324
La sensibilisation constitue aussi un élément décisif dans la réalisation des
objectifs préventifs souhaités et elle conditionne nécessairement l’attitude
des autorités comme celle des citoyens.

A: Sensibilisation des autorités

Les autorités de la localité, qu’elles soient désignées ou issues des suffrages,


peuvent, de par le pouvoir de décision (police administrative, etc.) dont elles
disposent, agir et influer positivement dans le processus de réduction du
risque urbain ; encore faut-il qu’elles soient pleinement conscientes de
l’importance des mesures et des décisions qu’elles entreprennent dans ce
domaine et qui semblent parfois aller à l’encontre des idéaux de
développement soutenus par la population de la localité urbaine concernée.
De tels choix, imposés par l’impératif de sécurité, peuvent sembler parfois
osés, surtout lorsqu’il s’agit de mesures de prévention ou de préparation
concernant certains risques, qui sont virtuels, mais dont la périodicité
d’occurrence, plus ou moins longue, constitue un facteur d’oubli et de
négligence du danger réel qu’il sont susceptibles de générer. C’est le cas des
tremblements de terre avec un intervalle de plus de 40 années entre deux
séismes majeurs au Maroc avec pertes en vies humaines et importants dégâts
matériels. C’est également le cas du risque des tsunamis, le dernier en date
ayant touché sérieusement les côtes marocaines remonte à l’année 1755. C’est
donc tout l’intérêt de l’instauration d’une culture du risque parmi cette
catégorie particulière de la population que sont les autorités dans la mesure
où leur action pourrait s’avérer fort déterminante dans la prévention des
risques dues à l’activité humaine mais aussi dans la réduction de ceux qui,
bien que découlant de phénomènes naturels, dégénèrent parfois en
catastrophe en partie à cause de la mauvaise empreinte de l’homme sur son
environnement.

325
On peut dire qu’actuellement, on assiste avec de plus en plus d’optimisme à
l’émergence d’une prise de conscience des décideurs à propos de la
problématique des risques à travers l’apparition de quelques normes et de
mesures pratiques destinés à réduire le risque tout en essayant d’assurer une
certaine harmonie entre les impératifs de sécurité et le exigences du
développement : rationalisation de l’occupation du sol, interdiction de
construction dans les zones dangereuses, construction de barrages pour la
prévention du risque d’inondations, etc. Bref, on sent de plus en plus une
volonté politique de faire de la problématique des risques une des priorités
pour le développement durable d’autant plus que les décideurs sont de plus
en plus conscients de l’importance de l’investissement en matière de sécurité
et les avantages énormes que les mesures de prévention permettent de
réaliser tant en termes de préservation de vies humaines qu’en termes de
diminution des coûts économiques et sociaux. On doit ici saluer les efforts
déployés dans le domaine de la sensibilisation des décideurs et des autorités
par certains Départements comme la Protection Civile, l’environnement, le
CNR, l’Habitat, le CNESTEN, etc.. qui organisent à leur intention des
conférences, des séminaires, des tables rondes, sans omettre le rôle que
jouent les autres moyens de communication tels que la télévision, la radio, la
presse, en matière de sensibilisation et de responsabilisation des autorités.

La sensibilisation des autorités devra être complétée par celle de population


qui, elle aussi, a son rôle à remplir.

B : Sensibilisation des citoyens.

A ce sujet, il y a lieu de rappeler que la Direction de la Protection Civile,


soucieuse de connaître le degré de préparation de la population aux
différents risques qui la menacent, a réalisé, il y a une dizaine d’année, une

326
« enquête Comportement, Attitude, Pratique des usagers de la protection
civile » sur un échantillon de 900 ménages dans des agglomérations
représentatives du Royaume à savoir Casablanca, Oujda, Marrakech.

Les résultats de cette enquête ont été les suivants :


- 80% des ménages ne connaissent pas le numéro de téléphone de la
Protection Civile (le 15)
- 90% des ménages n’ont aucune notion en matière de protection et de
secours
- 95% des ménages n’ont aucun dispositif de lutte contre l’incendie
- 180.000 ménages connaissent, chaque année à travers le Maroc, des
accidents domestiques qui nécessitent l’intervention de la Protection Civile
- 100% des ménages avouent ne pas être préparés à affronter les
accidents qui peuvent survenir.

Partant de ce constat, la Direction de la Protection Civile s’est vue obligée de


tenter de combler cette absence criante d’une adhésion consciente de la
population à la problématique des risques et ce par l’instauration
progressive d’une culture du risque à travers une stratégie globale qui tient
en compte toutes les composantes de la société. Cette entreprise, à première
vue très prétentieuse et difficilement réalisable, surtout du fait des coûts
financiers qu’elle exige pour sa réalisation, a le mérite d’être une réaction
positive et attendue d’un Département qui est convaincu que les pouvoirs
publics ne peuvent à eux seuls s’occuper de la prévention, de la préparation
et de l’intervention en cas d’accident ou de catastrophe ; la population, si elle
est bien informée du comportement à suivre avant, pendant et après
l’événement calamiteux, contribuerait de manière inestimable à la réduction
du risque.

327
Concernant les risques urbains, la stratégie initiée par la Protection Civile
entend amener la population, par des campagnes de sensibilisation ciblées, à
acquérir de bons réflexes face aux situations d’urgence, fussent-elles la
conséquence des forces naturelles omniprésentes et imprévisibles, ou
d’accidents impliquant l’action de l’Homme tels que les accidents de la
circulation qui constituent une véritable hécatombe au Maroc(221), ou encore
les accidents qui surviennent à la maison ou sur les lieux de loisirs. La
stratégie préconisée par la Protection Civile se veut être globale et toucher
toutes les catégories de la population en commençant par les enfants qui
sont considérés comme les meilleurs récepteurs et transmetteurs des
messages de sensibilisation, les femmes au foyer, les adultes, le corps
enseignant, les industriels, les commerçants, les assureurs, les associations
diverses, etc.. Dans cette perspective, tous les moyens seront, dans la mesure
des possibilités offertes, utilisés tels que les affiches, les dépliants, les spots
publicitaires (radio - T.V.)

Dans tous les cas, les messages de sensibilisation devront revêtir une forme
générale lorsqu'ils sont consacrés à un risque urbain commun tel que les
incendies, les inondations de grande envergure, les séismes ou encore les
nuages toxiques ou radioactifs. Dans ce cas, il doit être fait recours à des
moyens à large couverture, comme la radio ou la télévision.

Pour atteindre un public déterminé (industriels, commerçants, estivants,


enfants, etc.), des moyens encore plus précis seront utilisés. Il est même
prévu de réserver un portail à la sensibilisation de la population sur le site
Internet de la Protection Civile.

221) Au titre de l’année 2006, les accidents de la circulation, au nombre de 54492, ont fait 86405 victimes dont 3754 tués,
12134 blessés graves et 70517 blessés légers.

328
L’effort ainsi consenti en matière de sensibilisation des populations devra
être complété par un travail constant de formation des acteurs qui seraient
appelés à apporter leur contribution, bénévolement ou en vertu de textes
législatifs et réglementaires.

Néanmoins, cette stratégie conçue par les services de la protection civile


mérite d’être rendue effective et pour cela, il est nécessaire de disposer de
moyens financiers assez consistants et de bénéficier d’un soutien de la part
des autres partenaires, faute de quoi, elle restera enfermée dans les tiroirs.

§ 2 : Rapprochement des partenaires

Ce rapprochement est principalement dicté par le besoin de mettre en commun,


au service de la gestion des risques, les possibilités et les moyens dont dispose
chaque partenaire tant au niveau de la préparation aux situations de crise que
pour ce qui est de l’intervention et de la mobilisation des moyens pour y faire
face. La plupart des protagonistes concernés recourent à cet effet à l’établissement
de conventions de partenariat (222).

A : Renforcement des partenariats

L’esprit de partenariat s’est surtout développé ces dix dernières années, suite
à une prise de conscience de la part des entités concernées (223), de
l’importance d’un rapprochement entre elles, de nature à favoriser
notamment la qualité des actions et consolider davantage la collaboration
dans les secteurs de la préparation et l’intervention face aux risques de
toutes natures.

222) Voir à ce titre L.Shipley (E) : « Protection civile et partenariat » revue « protection civile du Canada »,
juillet/septembre 1996.

223) Il s’agit d’entités dont les activités ou certaines activités sont vouées à la sécurité ou entre lesquelles existent des
affinités dans le domaine des secours aux populations menacées ou victimes d’accidents ou de catastrophes.

329
Compte tenu de la réussite de l’expérience entamée par la Direction de la
protection civile qui s’est engagée dans un processus de conclusion de
conventions de partenariat avec certains offices, générateurs potentiels de
risques, et certaines collectivités locales, il semblerait très important de
continuer sur cette voie en encourageant davantage les différents acteurs à
conclure des conventions similaires de partenariat, qui sont de nature à
combler certaines lacunes notamment en matière de couverture territoriale
par des centres de secours et d’équipements d’intervention.

De plus, il serait souhaitable d’élargir le champ d’action de ces conventions


pour y intégrer d’autres aspects de la gestion des risques urbains tels que la
recherche, la cartographie des risques, la réalisation des études de
vulnérabilité et d’autres volets encore, sachant que ces conventions
présentent l’intérêt de rapprocher les différents acteurs, de créer des
synergies et de faire des économies d’échelle par rapport aux actions
entreprises de façon isolée.

Ce rapprochement des acteurs par le biais des partenariats permet de


favoriser l’établissement concerté des procédures d’intervention.

B : Etablissement concerté de procédures

La gestion des risques étant une affaire pluridisciplinaire et faisant appel à


plusieurs acteurs, il est tout à fait normal, pour mieux la parfaire, de tenter
de rapprocher encore davantage les différents protagonistes appelés à agir
dans ce cadre, tant au niveau de la prévention et de la prévision qu’à celui de
l’intervention et ce par l’établissement de procédures communes
consensuelles.

L’un des exemples que l’on peut citer à cet effet est celui des relations entre
la Protection Civile et la Météorologie Nationale. En effet, compte tenu des

330
informations fournies par cette dernière au sujet la situation
météorologique, surtout au niveau des prévisions à court et à moyen termes
(notamment en cas de perturbations atmosphériques plus ou moins graves),
il est possible pour les autorités en charge de la protection de la population,
des biens et de l’environnement, de prendre des mesures adaptées à l’avance
pour préparer ses propres moyens pour l’éventualité d’une situation
d’urgence, mais aussi pour informer les populations menacées sur le
comportement à adopter. C’est dans cette perspective que la Protection
Civile et la Météorologie Nationale ont tenu des réunions de coordination
qui ont abouti à ce qui suit :
- établissement à la Direction de la Protection Civile d’une liaison spécialisée
et du modem pour la réception en temps voulu d’images satellitaires à
travers les terminaux informatiques de la Météorologie Nationale ;
- établissement en commun, d’une carte de vigilance destinée a alerter la
population en cas de menace de sinistre d’origine météorologique :
tempêtes, inondations brutales, neige abondante, sécheresse, etc.

De même, des relations similaires ont été développées depuis environ une
dizaine d’années entre la Direction de la Protection Civile et le Centre
national pour la Recherche Scientifique et Technique (CNR), principalement
pour ce qui est du risque sismique et du risque de tsunami au Maroc ; des
informations sur les oscillations et mouvements sismiques enregistrés par les
différentes stations de mesure implantées à travers le territoire national sont
envoyées régulièrement par ce Centre à la Protection Civile et aux autorités
concernées pour qu’elles puissent prendre les dispositions qui s’imposent en
cas d’urgence. On peut dès lors mesurer l’importance de telles informations
surtout pour le phénomène des tsunamis dont la survenance et le délai pour
atteindre les côtes peuvent parfois laisser un laps de temps inestimable pour

331
la diffusion de l’alerte et l’évacuation des zones menacées. Il en est de
même du cas des tremblements de terre où le facteur temps a tout son poids
dans le processus de sauvetage des personnes ensevelies sous les décombres
ou prises au piège de matériaux divers.

332
Conclusion Générale :

Aux échelons les plus élevés des gouvernements, de nombreux appels ont
été lancés concernant les catastrophes, qui entravent le développement
durable et accroissent la pauvreté parmi les nations et les secteurs de la
société les plus vulnérables.

Ces appels ont été repris lors des conférences internationales récentes, et
notamment au cours du sommet mondial pour le développement durable
(Johannesburg, Afrique du sud, 2002), de la conférence des nations sur les
petits Etats insulaires en développement (Mania, 2005), de la conférence
mondiale sur la prévention des catastrophes (Hyogo, Japan, 2005) et du
sommet mondial de l’ONU (New York, 2005).

Ces sonnettes d’alarme sont d’autant plus justifiées que les catastrophes,
particulièrement d’origine naturelle, exercent une pression considérable sur
le développement. Selon les experts du programme des Nations Unies pour
le Développement (PNUD), les pertes économiques annuelles associées aux
catastrophes naturelles se sont élevées en moyenne à 75,5 milliards de
dollars dans les années 1960, à 213,9 milliards de dollars dans les années 1980
et à 659,9 milliards dans les années 1990 (224). Les pertes sont beaucoup plus
importantes si on y ajoute l’impact des catastrophes dues à l’homme.

Face à cet accroissement spectaculaire des dommages subis par les différents
pays, en particulier ceux en voie de développement, la communauté
internationale s’est fortement mobilisée pour tenter de réduire les effets des
catastrophes. Dans ce cadre, les années 1990 ont été désignées comme
Décennie Internationale pour la Prévention des catastrophes naturelles
(DIPCN) sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies. Cette

224 ) Voir « rapport mondial sur la réduction des risques de catastrophes : un défi pour le développement », édité par
le PNUD, 2004.

333
décennie avait pour objectif la prévention et la réduction des conséquences
des catastrophes naturelles d’origine hydro- climatique ou biologique. C’est
dans ce cadre que la première Conférence Mondiale sur les Catastrophes
Naturelles a été tenue à Yokohama (Japon) en 1994 et a adopté « la stratégie
et le plan d’action en tant que revue à moyen terme des progrès réalisés au
cours de la décennie pour la prévention des catastrophes naturelles (DIPCN,
1990-1999)».

Dix ans plus tard, la 2ème conférence mondiale sur la réduction des désastres
a été tenue à Kobé HYOGO (Japon). Celle-ci a établi une cadre pour un plan
d’action 2005-2015 qui décline la stratégie de Yokohama (1994) « pour
un monde plus sûr » et qui consiste à construire la « résilience des nations et
des communautés contre les désastres par la promotion d’une approche
stratégique et systématique pour réduire les vulnérabilités et les risques de
catastrophes ».

Pour réaliser ces diverses actions, les instances internationales spécialisés


recommandent de mettre en place une gouvernance pérenne qui piloterait
une stratégie nationale évolutive, à même de contribuer à la réalisation des
buts de développement agréés par la communauté internationale et
contenus dans la « déclaration du Millénium » (225) qui sont, outre le
développement durable et la réduction de la pauvreté, une bonne
gouvernance pour la réduction des risques (226).

Cette mobilisation à l’échelon mondial peut s’expliquer par le fait que la


communauté internationale est entièrement convaincue que la prévention et

225) Déclaration issue du Sommet Mondial sur le développement durable, tenue à Johannesburg en 2002. La nécessité
de réduire la vulnérabilité, d’évaluer les risques et de gérer les catastrophes a été reconnue dans le Plan de mise en
œuvre des recommandations de ce Sommet (Plan de Mise en Œuvre de Johannesburg).
226 ) Projet de document sur la gouvernance pour la réduction des risques de désastres au Maroc (Projet PNUD /
CLS/2005/052).

334
la gestion des risques est une composante essentielle du développement
durable.

En effet, il est aujourd’hui bien établi que la gestion des risques et le


développement vont de pair, et il est nécessaire « de les voir comme un
binôme résultant de la dualité des sociétés humaines, qui oscillent tour à
tour entre le bien et le mal, capables du meilleur comme du pire. Un binôme
qui refléterait aussi la dualité de la terre elle-même, à la fois comme source
de vie et instrument de mort lorsque les éléments- terre, air, feu et eau- se
déchaînent » ( 227).

La prévention et la gestion des risques visent à assurer le mieux – être aux


populations et à renforcer la capacité des Etats à assurer le développement
optimal de la société. Il faut donc réaliser le développement sans accroître la
vulnérabilité de la société aux aléas naturels et technologiques, sachant qu’
« une approche de gestion des risques élaborée dans la perspective de
développement se situe à l’intersection de deux domaines gérés par deux
communautés distinctes : les planificateurs du développement d’une part, et
les promoteurs de la réduction des risques de catastrophes de l’autre. Il faut
donc amener les deux communautés à réexaminer ensemble leurs
responsabilités » (228).

A ce titre, le Maroc, au même titre que les autres pays du monde, est tenu de
faire de la gestion des risques une priorité de son programme de
développement, étant entendu que les risques de catastrophes sont le
résultat de choix inappropriés pris dans le passé en matière de
développement et qui représentent une menace pour les futurs acquis de

227
) OIPC : « la protection civile, instrument de développement durable », revue de l’OIPC, n°1, juin 2001, volume
XIII, p : 16.
228
) Voir Rapport mondial sur la réduction des risques de catastrophes : un défi pour le développement », précité, p :
17.

335
développement. L’accent doit donc être mis sur l’urgence et la nécessité
d’améliorer les politiques de développement et les instruments d’évaluation
des risques de catastrophes pour renforcer la réduction des risques liés à ces
phénomènes extrêmes.

C’est dire que des progrès notables doivent être réalisés en matière de
gestion des risques urbains dans le proche avenir, d’autant plus que les
prémices du décollage économique que notre pays est entrain de vivre au
cours de ces dernières années apparaissent ostensiblement, entre autres,
dans l’extension effrénée des villes existantes et le lancement de projets de
villes nouvelles.

Cette évolution urbanistique doit impérativement tenir compte des


exigences de prévention des risques et de mise en place d’infrastructures de
secours prenant en considération la gravité des dangers et l’importance des
agglomérations.

Ce n’est qu’à cette condition qu’il est possible de protéger la vie des
citoyens, de préserver l’économie et partant de rendre les villes marocaines
sûres aussi bien pour les populations actuelles que pour les générations
futures.

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54- UNDRO : « prévention et atténuation des catastrophes, le point des
connaissances actuelles », volume 2, aspects hydrologiques.
55- UNDRO : « prévention et atténuation des catastrophes, le point des
connaissances actuelles », volume 10, aspects relatifs à l’information.

340
56- VALLAUD (A) et DAMEL (R) :″Incendie et produits chimiques″,
RGS société Alpine, 1984, 146p,
57- VIAUT (A) : ″La météorologie″, PUF, Paris, 1958, 127p.
58- RUE (J) : ″Plans de Secours et Prévention des Risques :″ Paris:
Fransel, 1999, 39 p.

II-Mémoires :

1. ALAOUI YAZIDI (M) : "La mission de l’inspection générale de la


Protection Civile", mémoire de troisième cycle, ENAP, Rabat, 1990.
2. EL YAAGOUBI (A) :" Gestion des risques urbains au Maroc",
mémoire de DESA, Faculté des Sciences, Juridiques, Economiques et
Sociales Rabat, 1998.
3. MAUFROY (M) : "Etude comparative de l’organisation des Secours :
la France et le Maroc", mémoire de DESA, Université de Perpignan,
Faculté de Droit et de Science Economiques, France, 1999-2000.
4. SALAMI (M) : " la Protection Civile marocaine : genèse, organisation
et moyens d’action" : mémoire de licence, Faculté des Sciences
Juridiques Economiques Sociales, Rabat ,1994-1995.

341
III-Articles :

1. CANEPA (D) ‫ ״‬Catastrophe de sécurité civile : complexité


coordination‫״‬, revue Administration n° 166, Jan/ mars 1995, p : 87-
94.
2. CHARBONNEAU (S) ‫״‬Les outils technico-juridiques de l’évaluation
des risques‫״‬, revue Préventique n° 4. Mai/juin 1993. p: 45-53.
3. COSTE (L) ‫״‬Définissons le risque‫״‬, Revue Préventique Sécurité. n° 29.
Sep/oct. 1996, p : 22-25.
4. DAB (W)‫ ״‬La dimension sanitaire des risques majeurs‫״‬, revue
Préventique Sécurité n° 29, Oct.1989, p: 14-20.
5. DECROP (G) ‫ ״‬Risque, incertitude et expertise scientifique et
technique‫״‬, revue Préventique n° 9, déc. 1993, p:21-25.
6. FOURNIER (J) et Cie : ‫״‬La maîtrise de l’urbanisation autour des sites
industriels à haut risque : Outils juridiques‫״‬, revue Préventique, n° 28.
Juil./août 1989. p: 12-29.
7. FREEMAN (P.K) KEEN (M) et MANI (M), ‫״‬Quand une catastrophe
frappe‫״‬, revue Finances et développement.Vol.40, n° : 3 Septembre
2003, p : 40-45.
8. FUSILIER (R) ‫״‬Responsabilité des maires dans le cadre de la sécurité
civile‫״‬, revue Sécurité civile et industrielle, 3éme trimestre 2001, p : 9
-18.
9. GILBERT (C) et BOURDEUX (I) ‫״‬Gestion des risque et des crises : les
procédures du retour d’expérience‫״‬, revue Les cahiers de la Sécurité,
n° 38 4éme trimestre, 1999, p : 125– 156.
10. GROUPE PREVENTIQUE.‫ ״‬Métropolis : entretien avec Alain le
Saux‫״‬, revue Préventique Sécurité, n°26, Mars/ avril. 1989, p:17-24.
11. GROUPE PREVENTIQUE ‫״‬Gestion des risques majeurs dans les
métropoles une certaine idée de l’homme, revue Préventique, n° 30,
Nov. /déc. 1989, p:17-22,
12. KABBAJ (M) ‫ ״‬Les techniques spatiales pour la gestion des risques
dans la région Euro Méditerranée‫״‬, revue Géo-Observateur, n° 8,
Mars1998, p : 3-8.

342
13. LEGRANDE – ESCURE, Laure ‫״‬Prévention et gestion des risques
majeurs : de nouveaux enjeux pour les collectivités locales‫״‬, revue
Préventique Sécurité, n° : 29. Sep/oct. 1996. P 110-111.
14. LE SAUX (A) ‫״‬De La gestion prévisionnelle à la gestion
opérationnelle des crises‫״‬. Revue Les cahiers de la Sécurité
Intérieure, n° 6, Août/oct. 1991, p : 99-115.
15. LIANOS (M) ‫״‬Point de vue sur l’acceptabilité sociale du discours du
risque‫״‬, Revue Les cahiers de la Sécurité, n° 38, 4éme trimestre, 1999,
p: 55-73.
16. LOOS (F) ‫״‬Risques industriels‫״‬, Revue Sapeur pompier, n° 933,
Mars 2002, p:7.
17. OFPC (Office Fédéral de la Protection Civile) ‫״‬Pour une protection
optimale de la population‫״‬, revue Action, Mars 2002 n° 3, p : 28.
18. PERETTI-WATEL, Patrick ‫״‬Pourquoi et pour qui un risque est-il
acceptable ? représentation du risque et inégalités sociales‫״‬. Les
cahiers de la Sécurité, n° 38 4éme trimestre, 1999, p : 9-35.
19. RUE (J)ean. ‫״‬Le risque zéro‫״‬. Revue Sécurité civile et industrielle. 1er
trimestre. 1997, p: 4.
20. SEILLAN, Hubert et MORVAN, Jean ‫ ״‬Les mots Cyndiniques co-
activités Coordination, revue Préventique Sécurité, n°31. Jan/fév.
1997, p : 30-35.
21. SEILLAN, Hubert ‫״‬Risques naturels : évaluation proposition‫״‬, revue
Préventique Sécurité, n° 39, Mai/juin 1998, p : 2-48.
22. Silanus. ‫״‬Les sapeurs pompiers ingénieurs des risques‫״‬, revue
Préventique Sécurité, n° 30, Nov./déc. 1996, p : 114-116.

343
IV-Rapports et documents :

1- ASSAR, (M) :″Guide d’assainissement en cas de catastrophes


naturelles″, OMS, Genève, 1971,143 p.
2- BENTAJA, (M) : ″Les retombées socioéconomiques au séisme d’Izmit
en Turquie (17 août 1999) ″, SIPC (NU), 2000, 55 p.
3- BOUCHOUX (J) : ″Je suis pompier : le plus beau métier du monde″,
Cerf jeunesse, 1997, 63 p.
4- COMMUNAUTE URBAINE DE LYON : ″Mission écologie urbaine :
écologie urbaine - les risques technologiques″, Grande Lyon, 1998 ,43
p.
5- FEDERATION INTERNATIONALE DES SOCIETES DE LA CROIX
ROUGE ET DU CROISSANT ROUGE, " Rapport sur les
catastrophes", Genève, 2000 ,38p.
6- GIBRIN (C) :″ ABC de la Protection Civile″, Charles lavauzelle, 1954,
26 p.
7- INSTITUT DE LA DEFENSE CIVILE : " Rapport des travaux du
congrès emergency 88", Institut Londres, 1988.
8- IMESI (J) et GREMY (P) : ″Les violeurs urbains : comment prévoir et
gérer les crises dans les quartiers sensibles″, 1996, 31p.
9- INSTITUT DE PREVENTION ET GESTION DES RISQUES
URBAINS : ″Surveillance et prévision des événements
hydrométéorologiques extrêmes en région méditerranée : guide
technique″, SNIP, France, 1997, 45 p.
10-DIVISION DE LA GESTION DU TERRITOIRE, AGRICULTURE ET
FORET MEDITERRANEENNES :″Guide technique : protection des
forêts contre l’incendie″ projet d’élaboration de fiches techniques
pour les pays du bassin méditerranée, Cemagref, France, 1997,12 p.
11-INSTITUT SUPERIEUR DE LA PLANIFICATION D’URGENCE : ″
Industries à risques : Organisation de la sécurité interne ″, Florival,
Belgique ,1994.
12-INSTITUT SUPERIEUR DE LA PLANIFICATION D’URGENCE :
″Communication et information en situation de crise″, Florival,
Belgique, 1994.

344
13- INSTITUT SUPERIEUR DE LA PLANIFICATION D’URGENCE : ″Le
rôle des médias″, Florival, Belgique ,1992
14- MARION (J) :″Mémento juridique de la prévention″, Imprimerie
Nationale, France, 1989,30 p.
15- LE SAGE(R) :"Rapport au Président de la République présenté" sur
les risques majeurs, Journal officiel de la République Française, 45 p.
16-MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS (direction de
l’hydrauliques) :"Aménagement du bassin de oued Sebou, équipe
hydro agricole de la plaine du Gharb : étude des mesures de
protection contre les inondations", rapport de fin de mission 2
schéma de protection I vol 4 C, Annexes, NEDECO, Maroc, 1975.
17-MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS(direction de l’hydrauliques) :
″ Etude des mesures de protection contre les inondations".rapport
de fin de mission 2 schéma de protection II vol 5 A, études,
NEDECO, Maroc,1975.
18-MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS (direction de
l’hydrauliques) :″ Étude des mesures de protection contre les
inondations″ : Rapport de fin de mission 2 schéma de protection III,
Vol, 8 études économiques, NEDECO, Maroc, 1975.
19-MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS (direction de l’hydrauliques):
″ Étude des mesures de protection contre les inondations″ .Rapport
de fin de mission 2 schéma de protection III vol 7, exploitation des
retenues, NEDECO, Maroc ,1975.
20-MINISTERE DES TRAVAUX PUBLICS (direction de l’hydrauliques) :
″Étude des mesures de protection contre les inondations. Rapport
de fin de mission 2 schémas de protection″ III vol 6 C annexes,
NEDECO, Maroc, 1975.
21-MINISTERE DE L’INTERIEUR (direction de la sécurité civile) : ″
Prévenir les crises de sécurité civile : Apprentissage et partenariat″,
France, 1994, 56 p.
22-MINISTERE DE L’INTERIEUR ET DE L’AMENAGEMENT DU
TERRITOIRE(Direction de la sécurité civile) : ″Le Schéma National
de Formation des Sapeurs Pompiers : Lexique″, France.
23-MINISTERE DE L’INTERIEUR ET DE L’AMENAGEMENT DU
TERRITOIRE (Inspection générale de l’administration) : ″le préfet et
la gestion de crise ″ (tome I), Service de l’information et des relation
publiques (SIRP), F rance 1994.

345
24-MINISTERE DE L’INTERIEUR ET DE LA SECURITE CIVILE : ″La
réponse des acteurs de la sécurité″, France, 1992, 368 p.
25- MINISTERE DE L’INTERIEUR : ″La Sécurité Civile en France″,
APG, France, 103 p.
26- MINISTERE DE L’INTERIEUR (direction de la Sécurité Civile) :
"Mémento pour l’élaboration d’un plan particulier d’intervention
relatif a une installation ou à un site industriel", France, 1988, 18 p.
27- MINISTERE DE L’INTERIEUR(direction de la Sécurité Civile) : ″
Plans types ORSECRAD : En vue de l’établissement des plans
ORSEC radiologiques départementaux″, France,1979, 58 p.
28- MINISTERE DE L’INTERIEUR (direction de la Sécurité Civile) : ″
Plan alarme″, Médecine, France, 1981, 32 p.
29- MINISTERE DE L’INTERIEUR (direction de la sécurité civile) :
″Guide d’élaboration d’un plan d’opération interne″, RGS, 1987,
32 p.
30- MINISTERE DE L’INTERIEUR (direction de la Sécurité Civile) :″
Plan ORSEC : Risques technologiques″, France, 1985, 26 p,
+Annexes.
31- MINISTERE DU TRANSPORT : ″Règlement pour le transport par
chemin de fer par voies de terre et par voie de navigation intérieure
des matières dangereuses″, Imprimerie Nationale, Paris, 1982, 601
p.
32- MINISTERE INTERIEUR(direction de la Sécurité civile) : ″ Les
structures nationales de protection civile en Europe″, Commission
des communautés européennes / DG XI,France, 41 p.
33- NATIONS UNIES : ″Rapport d’habitat : conférence des Nations
Unies sur les établissements humains″, New York, 1976 ,220 p.
34- NATIONS UNIES : ″Rapport sur la conférence international sur la
prévention des catastrophes naturelles″, IDNDR, Japon, 1990, 137 p.
35- OIPC : "Étude de l’organisation d’un système National de protection
civile″, Genève, 1977, 288p.
36- OIPC :″Protection et assistance pour tous face aux catastrophes au
XXI e siècle : plan d’action mondial pour le développement de la
protection civile″, Genève OIPC,1998,60 p.
37- OIPC : ″Catastrophes naturelles et sinistres majeurs″, Genève,
1999 ,38p.

346
38- OIPC : ″Maîtrise de situation de catastrophes à l’intention des cadres
de la Protection Civile″, PCVG, Genève, 1996 ,40p.
39- ORGANISATION METEOROLOGIQUE MONDIALE :″La
météorologie et les moyens d’information″, Suisse, 1987, 59 p.
40- ORGANISATION PANAMERICAINE DE LA SANTE : ″ Lutte
d’urgence contre les vecteurs après une catastrophe
naturelle″,USA,1982, 105 p.
41- ORGANISATION PANAMERICAINE DE LA SANTE : ″ Manuel des
opérations de secours sanitaires après une catastrophe naturelle″,
USA, 1981,104 p.
42- ORGANISATION PANAMERICAINE DE LA SANTE :
″Organisation des services de soins de santé en cas de désastre″,
USA, 1983,103 p.
43- OIPC : ″Rapport de la réunion d’experts de la Protection Civile :
Civile Défense 1977-1997″, Stephane, Jeannet Legal division of the
ICRC, 1977-1997, 89 p.
44- ONU : ″Décennie internationale pour la prévention des catastrophes
naturelles, Pour une culture de prévention″, NU, 1998, 41 p.
45- PREFECTURE DE LA GIRONDE (Cabinet de la Défense Civile) :
″Plan OREC : Annexe Sater″, France, 1986, 69 p.
46- PREFECTURE DE LA GIRONDE, Protection Civile Gironde :
″Mémento ORSEC″, France, 1986, 77 p.
47- PREFECTURE DU NORD : ″Plans particuliers d’intervention
centrale électronucléaire de Gravelines, PPI Gravelines″, France,
1980, 98 p,
48- ROYAUME DU MAROC (direction Collectivités Locales) : ″La
nouvelle politique d’assainissement des villes″, Rabat, 1992, 32p,
49- ROYAUME DU MAROC (inspection de la Protection Civile) :
"Organisation des secours en cas de catastrophes : plan orsec",
Rabat, 1983, 32p.
50- SAPEURS POMPIERS : ″organisation des corps de sapeurs-pompiers
et statut des sapeurs-pompiers communaux″, Journal officiel, Paris,
983, 349 p.
51- SECRETARIAT D’ETAT AUPRES DU PREMIER MINISTRE
CHARGE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA PREVENTION DES
RISQUES TECHNOLOGIQUES ET NATURELS MAJEURS,

347
″Maîtrise de l’urbanisation autour des sites industriels à haut risque″,
Société alpine de publications, Grenoble :France,1991, 67 p.
52- SECRETARIAT D’ETAT CHARGE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE
LA PREVENTION DES RISQUES TECHNOLOGIQUES ET
NATURELS MAJEURS, ″Guide d’application de la directive
SEVESO″, RGS, Grenoble, 1989, 40p.
53- SECRETARIAT GENERAL DE LA DEFENSE NATIONALE ET
MINISTERE DE L’INTERIEUR :"La protection des populations face
aux risques majeurs» France Sélection, Paris, 1995, 246 p.
54- TADILI, (B), RAMDANI, (M), AIT BRAHIM (L): ″Etude de l’activité
sismique de la région de missour : du 26/02/85 au 15/03/85″,
centre national de coordination et de planification et la recherche
scientifique et technique, 1985.
55- UISC7 : ″Projet de réactualisation du détachement intervention
catastrophe aéromobile″, France.
56- UISC7 :″Détachement d’intervention catastrophe aéromobile″, UISC,
France, 1985, 31p.
57- UISC7 : ″Mémento Opérationnel″, France ,134 p.
58- UISC7 :″Sauvetage déblaiement : tests opérationnels″, SIO, France, 87
p.
59- UNDRO : "Prévention et atténuation des catastrophes : le point des
connaissances actuelles : aspects sismologiques" Vol 3, New York :
Nations unies, 1977, 91p.
60- UNDRO : "Prévention et atténuation des catastrophes : le point des
connaissances actuelles aspects météorologiques", (Vol 4) ,New
York : Nations Unies, 1979, 74p.
61- UNDRO : "Prévention et atténuation des catastrophes : le point des
connaissances actuelles aspects relatifs à l’occupation du sol", (Vol
5), Nations Unies, New York : 1978 ,104 p.
62- UNDRO :"Prévention et atténuation des catastrophes : le point des
connaissances actuelles aspects relatifs à la construction et génie
civil", (Vol 6), New York : Nations Unies, 1981, 98 p.
63- UNDRO, "Prévention et atténuation des catastrophes : le point des
connaissances actuelles aspects économiques "(vol 7), New York :
Nations Unies, 1979 ,78 p.

348
64- UNDRO : "Prévention et atténuation des catastrophes : le point des
connaissances actuelles aspects relatifs à l’information" (vol 10),
New York : Nations Unies, 1980, 127 p.
65- UNDRO : "Prévention et atténuation des catastrophes : les point des
connaissances actuelles aspects juridiques" Vol 9, NU, 1980, 54p.
66- UNDRO : " les unités mobiles de secours", NU, Genève, 1984, 68 p.
67- UNDRO : "Risques naturels en Afrique : document de travail pour la
réunion sur la prévention des catastrophes naturelles et la
planification en précision des catastrophes dans les pays d’Afrique",
Genève, 1984.
68- UNDRO: ″ Floods Jamaica″, NU, 1979, 17 p.
69- UNDRO, ″Atelier international sur la recherche et le sauvetage 1991″,
New York : Nations unies, 1991, 52 p.
70- UNDRO: ″Cyclone and torrential rains: OMAN″, NU, 1977, 15 p,
71- UNDRO : ″La protection des établissements humains contre les
catastrophes naturelles″, NU, 17 p,
72- UNDRO : ″Répertoire d’écoles, Institutions et Agences Nationales
dispensant un enseignement dans la gestion des catastrophes″,
Genève, 1986,147 p,
73- UNDRO : ″Répertoire des équipes internationales de recherche et de
sauvetage″, New York : Nations unies, 1991, 63p,
74- UNDRO : ″Prévention et atténuation des catastrophes : le point des
connaissances actuelles, Aspects sociaux et sociologiques" Vol12,
NEW York : UNDRO/PNUE/nu, 1987, 56p,
75- UNDRO (UNESCO): ″Proceedings of the seminar on earthquake
prediction case histories″, UNESCO, Genève, 1983,

349
Table des matières
Introduction générale 01

P1: Evaluation des mécanismes de gestion des risques urbains 18


Chap. 1: Des modes de gestion des risques urbains à améliorer 21
Sect .1 : Des actions anticipatrices limitées 23
§1: La prévention des risques: une matière en gestation 23
A : Un cadre réglementaire insuffisant 24
: Normes de réduction des risques naturels
1 25
1-1: Réglementation de construction dans les zones sismiques 25
1-2: Réglementation de construction dans les zones inondables 29
2 : Normes de prévention des risques technologiques 31
2-1: Normes de prévention des risques industriels 32
2-2: Normes liées au transport de produits dangereux 39
2-3: Normes de prévention des risques d’incendie et de panique 41
2-4: Normes de prévention des accidents de la circulation 48
B : Des pratiques aléatoires 49
1 : Absence d’approche globale 50
1-1: Cloisonnement des activités de prévention 50
1-2: Variété dans l’espace des mesures de prévention 52
2 : Traitement inégal des risques 54
2-1: Prise en compte d’un accident majeur enregistré 54
2-2: Importance des enjeux en cause 56
C : Un budget inconsistant 56
§2 : La prévision des risques : un domaine peu développé 59
A : Déficit des instruments de prévision 60
1: Insuffisance des instruments de surveillance des risques 60
1-1: Surveillance des risques hydrométéorologiques. 61
1-1-1: Surveillance des risques météorologiques 61
1-1-2: Surveillance des risques hydrologiques 63
1-2: Surveillance des risques géologiques 65
1-3: Surveillance des risques technologiques 67
2: Carence des moyens techniques d’annonce des phénomènes dangereux 72
2-1: Dispositif d’annonce des crues 73
2-2: Dispositif d’alerte contre les incendies et les explosions 76
2-3: Dispositif d’alerte contre l’émanation de substances nocives 77
2-4: Dispositif d’alerte contre les feux de forêts 80
B : Insuffisance des recherches spécialisées 81
1: Carence d’études thématiques approfondies 82
1-1: Absence d’établissement spécialisé dans la prévision des risques urbains 82
1-2: Participation tardive des établissements universitaires 84

350
2: Identification limitée des zones vulnérables 86
2-1: Délimitation partielle des zones inondables 88
2-2: Réalisation timide d’études de micro-zonage sismique 91
2-3: Détermination incomplète des agglomérations urbanisées vulnérables
aux feux de forêts 94
2-4: Identification insatisfaisante des zones exposées aux risques industriels 96
Sect. 2 : Des actions réactives insatisfaisantes 98
§1: Difficulté d’optimisation des moyens disponibles 98
A : Absence de stratégie intégrée de réponse aux risques urbains 99
1: Inexistence d’une politique publique de gestion des risques urbains 99
2: Prééminence de la logique monorisque 101
3: Apparition tardive de la logique de partenariat 103
B: Prééminence d’actions sectorielles 106
1: Défaut d’une culture de travail en commun 106
2: Formation séparée des personnels 108
3: Acquisition non concertée des équipements d’intervention 109

§2 : Imperfection des dispositifs opérationnels 111


A : Insuffisance de la planification des secours 111
1: Inapplicabilité du plan d’organisation des secours (ORSEC) 112
a: Contenu du plan ORSEC 112
a-1 : Procédure d’organisation des secours 113
a-1-1 : Service « liaisons et transmissions » 114
a-1-2 : Service « police et maintien de l’ordre » 115
a-1-3 : Service « secours et de sauvetage » 115
a-1-4 : service « santé et soins médicaux » 116
a-1-5 : Service « transports et travaux » 117
a-1-6 : Service « accueil et hébergement » 118
a-2 : Procédure d’alerte des intervenants 119
a-3 : Recensement des moyens 119
b: Raisons de l’inapplicabilité 119
b-1: Méconnaissance de la philosophie du plan ORSEC 120
b-2: Forme juridique du plan 121
b-3 : Absence de mise à l’épreuve du Plan ORSEC 123
2 : Quasi inexistence de plans d’urgence 124
B : Manque de coordination entre les acteurs 128
1 : Défaut d’approche consensuelle d’engagement des moyens 128
a : Engagement des services normaux de secours 129
b : Manque de cadre pour les intervenants occasionnels 130
2 : Absence de procédures d’engagement des moyens exogènes de renfort 131
a : Difficultés de la montée en puissance des moyens 131
b : Difficultés de mobilisation des moyens de l’armée 133
c : Difficultés de recours aux moyens privés 134

351
§3 : Insuffisance des moyens 135
A : Ressources financières 135
1 : Budget dédié à la préparation en prévision des catastrophes 135
2 : Budget relatif à l’organisation des secours 139
B : Modestie des équipements et infrastructures de secours 140
Chap. 2 : Une organisation à parfaire 143
Sect.1 : Identification complexe des autorités décisionnelles 144
§1: Pluralité des centres de décision à l’échelon central 145
A : Autorités de police administrative générale 146
B : Autorités de polices administratives spéciales 149
§ 2 : Imprécision des missions des autorités à l’échelon local 151
A : Compétences de l’agent d’autorité 152
B : Compétences des Présidents des conseils municipal et communal 154

Sect. 2 : Inadéquation des instances consultatives et organes exécutifs 157


§1 : Multiplicité des instances consultatives 157
A : Recours répétitif aux instances consultatives 157
B : Inefficacité de l’action des instances consultatives 161
1 : La commission supérieure de la protection civile. 161
2 : Le Comité national du génie parasismique 164
3 : La Commission nationale de sûreté nucléaire 165
§2 : Fonctionnement défectueux des organes exécutifs 166
A : Organes rattachés aux centres de décision 167
1 : Organes rattachés aux ministres 167
2 : Organes rattachés aux gouverneurs 172
B : Chevauchements des missions entre les organes 174
1 : Définition imparfaite des missions 175
2 : Gestion difficile des interfaces 178
C : Interopérabilité insuffisante des moyens 180
1 : Absence de convergence entre les intervenants 180
2 : Absence de pratiques et d’exercice en commun 182

352
P2 : Modalités de perfectionnement de la gestion des risques urbains 185
Chap.1 : Identification des actions prioritaires 186
Sect.1: Renforcement des mesures de prévention 187
§1 : Réduction des risques localisés 187
A : Prise en compte des risques dans les documents d’urbanisme 188
B : Sécurisation des constructions 191
1 : Application stricte et obligatoire des normes antisismiques 192
2 : Elaboration et mise en application des normes de prévention contre
les risques d’incendie, d’explosion et risques divers 194
a : Immeubles d’habitation 195
a-1 : Incendie 196
a-2 : Inondations 196
a-3 : Tempêtes de vents et de neige 197
b : Etablissements recevant du public( ERP) 197
b-1 : Implantation et structure des ERP 199
b-2 : Mesures de prévention et de protection 200
c: Immeubles de grande hauteur (IGH) 201
c-1 : Risques inhérents aux IGH 201
c-2 : Normes de construction 202
c-3 : Sécurité des occupants 203
C : Atténuation des dangers des établissements insalubres,
Incommodes ou dangereux 208
1 : Protection des personnes exposées aux risques industriels 208
a : Mesures de sécurité et contrôle effectif des sites existants 208
b : Modernisation de la réglementation pour la sécurité interne 211
2 : Sécurisation des installations nouvelles 213
§2 : Réduction des effets des risques mobiles 217
A : Organisation du transport des matières dangereuses 218
1 : Modernisation de la réglementation 219
2 : Renforcement du contrôle 220
3 : Formation et sensibilisation des opérateurs 221
B : Gestion sécurisée des rassemblements publics 223
1 : Amélioration du régime juridique relatif aux rassemblements publics 223
2 : Incorporation des mesures techniques de prévention et de planification 225
Section 2 : Valorisation des mesures de prévision et de protection 228
§1 : Amélioration des dispositifs de prévision 229
A : Renforcement de la surveillance des risques 229
1 : Soutien matériel aux structures de surveillance des risques 229
2 : Amélioration des liaisons entre les structures 231
a : Liaisons de communication 234
b : Diffusion de l’avis d’alerte 235

353
c : Alerte de la population 236
B : Rénovation des dispositifs et procédures d’alerte 237
1 : La sirène 238
2 : Le haut parleur 240
3 : La radio et la télévision 241
§ 2 : Protection des villes contre les risques majeurs 242
A : Mise en place des aménagements et ouvrages de protection 243
B : Entretien et maintenance des ouvrages existants 244
Sect. 3 : Modernisation des secours 245
§ 1 : Adaptation de la planification d’urgence 246
A : Conception et agencement de nouveaux plans de secours 246
1 : Classification réglementaire des plans de secours 247
a : Connaissance et évaluation des risques 249
b : Recensement et création des moyens de secours 249
2 : Agencement des plans de secours 253
B : Vulgarisation et mise en action des plans de secours 253
1 : Vulgarisation des plans de secours 253
2 : Organisation périodique d’exercices de simulation 254
§ 2 : Rationalisation des moyens 255
A : Réalisation des SDACR 256
1 : Analyse des risques urbains 257
a : Inventaire des risques 257
b : Evaluation des risques 260
2 : Détermination des objectifs de couverture des risques 261
a : Adéquation des moyens matériels 261
a-1 : Disponibilité des moyens de secours 261
a-2: Rapport moyens matériels d’intervention / risques 262
b : Adéquation de la formation 263
B : Coordination des programmes d’acquisition du matériel et de formation des
personnels 266
Chap. 2 : Conditions de mise en œuvre des actions prioritaires 268
Sect. 1 : Un dispositif institutionnel solide 268
§ 1 : Clarification des compétences des autorités décisionnelles 269
A : Compétences des autorités à l’échelon central 269
1 : Précision du rôle du Premier ministre 270
a: Définition de la politique de l’Etat en matière de gestion des risques 271
b: Coordination interministérielle dans la mise en œuvre de la politique de l’Etat 272
c: Responsabilité de l’organisation des secours en cas de catastrophe 274
2 : Attribution de compétences claires aux ministres 275
a. Pouvoirs du ministre de l’Intérieur 275
b. Pouvoirs du ministre de la Santé 278
c. Pouvoirs des ministres à « vocation technique» 279
B : Compétences des autorités à l’échelon régional 281

354
1 : Définition des compétences du Wali de région 282
2 : Définition des compétences du Président du Conseil Régional 284
C : Compétences des autorités à l’échelon local 285
1 : Délimitation des pouvoirs des autorités locales 286
a : Clarification des attributions du Gouverneur 286
b : Précision des compétences de l’Agent d’autorité 288
2 : Précision des compétences des Présidents du conseil municipal et communal 289
§ 2 : Intégration des instances consultatives 292
A : Redynamisation de la Commission supérieure de la protection civile 293
B : Mise en place des Comités régionaux, préfectoraux
et provinciaux de la protection civile 295
1 : Rôle et organisation des comités régionaux de la protection civile 295
2 : Rôle et organisation des comités préfectoraux ou provinciaux de
la protection civile 297

Sect. 2 : Des moyens d’action conséquents 298


§ 1 : Des moyens humains appropriés 298
A : Sur le plan quantitatif 299
1 : Renforcement des effectifs spécialisés dans la prévention des risques 299
2 : Renforcement du personnel de secours 301
a : Recrutement du personnel 301
b : Redéploiement du personnel de l’Etat 303
c : Promotion du volontariat 304
B - Sur le plan qualitatif 308
1 : Amélioration des performances des personnels 308
a : Formation des services de la protection civile 311
b : Formation des autres acteurs publics 313
c : Formation des acteurs privés 315
2 : Recours à l’assistance externe. 316
§ 2 : Des moyens financiers adéquats 317
A : Financement des projets de prévention et de secours 317
1 : Financement des projets de prévention 317
2 : Financement des opérations de secours 320
B : Indemnisation des victimes de catastrophes 322
Sect. 3 : Des décideurs et des citoyens avisés 324
§ 1 : Développement d’une culture du risque 324
A : Sensibilisation des autorités 325
B : Sensibilisation des citoyens 326
§ 2 : Rapprochement des partenaires 329
A : Renforcement des partenariats 329
B : Etablissement concerté de procédures 330
Conclusion générale 333

355

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