Vous êtes sur la page 1sur 6

Leny Louis

Le Drame d’une Casserole

Éditions CNDK
Le Drame d’une Casserole

« Le débordement de la casserole dû à l’absence de la Carotte »


Ce sont les mots venus à la bouche de mon ami Léon alors que je
venais de faire déborder l’eau en train de bouillir. La carotte, tel est le nom
que les gens m’ont donné. Ce nom, je l’aime, j’aime ma belle chevelure
rousse. Ma mère nous disait, à ma sœur et moi, que cela nous rendait
unique. J’aime ma maman, ma mère aussi était rousse, elle aussi était
belle. mais contrairement à moi, ma mère savait cuisiner. J’aime manger
les plats qu’elle nous mitonnait.
J’expliquais à mon ami m’ayant rendu visite l’histoire tragique qui va
suivre :

« Je faisais la cuisine en attendant le retour de Thibault, il était sur le


point de rentrer et j’essayais tant bien que mal de réussir ce plat.
Ma sœur et moi avons toutes deux hérité de deux aspects de notre
mère. Personnellement, ce sont sa beauté et sa bêtise qui me revinrent. En
effet, je suis, en toute modestie, très jolie. Par contre je suis aussi naïve et
distraite que ma maman. Emma, ma sœur, contrairement à moi, sait
cuisiner et chanter.
— Oh, qu’elle chantait bien ! me souvenais-je.
Maman était cantatrice, avant sa mort. Ma sœur a repris le flambeau, elle
est cantatrice, à son tour. Moi, la carotte, de mon vrai nom Luciole, je suis
femme au foyer. Je n’ai pas aussi bien réussi que mes parents et ma sœur.
Étant adolescente, j’étais promise à un avenir de mannequin grâce à ma
beauté.
— Clap ! la porte claqua.
— Quand-est-ce qu’on mange ? s’écria Thibault.
Thibault, c’est mon mari, il est loin d’être parfait, mais je l’aime.
Pour lui, être mannequin c’est inutile, il m’avais demandé de ne pas me
lancer car pour lui, ce serait juste un manque de respect vis-à-vis de lui de
m’exposer devant tant de monde, tant d’hommes. Il les considère comme
des voleurs voulant lui voler mon cœur.

— J’ai soif, il reste des bières ?! Lançait-il en se dirigeant vers le


frigid-aire.
Lors de mes dix-huit ans, Thibault me força à arrêter mes études, il
disait que si je partais aux États-Unis en haut école, il cesserait de m’aimer
à cause de la distance. De plus, il m’assurait qu’on gagnerait moins
d’argent en travaillant plutôt qu’au chômage avec des aides de l’État. Je
n’étais pas d’accord avec lui mais je vais m’y suis pliée, car je l’aime.
Il s’allongea devant la télévision, bière à la main, en attendant que je
termine le repas. Il dépense la majorité de notre argent mensuel en
boissons, cigarettes ou au casino, mais au fond, je l’aime.
— Où en étais-je ? Ah oui, la sauce ! me disais-je.
J’essayais tant bien que mal de reproduire la recette du livre de ma
mère, bien que cela ne soit pas facile. Maman disait que pour qu’une
recette soit réussie, il fallait la réaliser en chantant, hélas, je ne sais pas
chanter. C’est peut-être la raison de mon incompétence en cuisine, Dieu
seul sait.
Sur un ton légèrement moqueur mais bienveillant, en même tant que
Thibault, je disais :
— « C’est bientôt prêt ? »
Ses répliques, je les connaissais par cœur. Après plus de 15 ans de vie
commune, je pouvais prédire ses moindres faits et gestes. C’est comme s’il
vivait en moi.
Thibault ne m’a jamais réellement gâtée. Au début de notre relation,
il me disait des mots doux, me faisait plaisir de temps en temps en
s’occupant du repas ou en pendant le linge, mais malheureusement, tout
cela s’arrêta bien vite. Maintenant, il passe la majorité de son temps au
bistrot du coin ou devant la télévision en fin de mois quand le compte en
banque se fait vide. On n’a plus aucun moment de complicité, ce n’est plus
comme au début, mais je l’aime, quoi qu’il fasse, je ne peux cesser de
penser à lui, de l’idéaliser et de l’aimer.
Ce soir là, comme tous les jeudis soir — non, que dis-je ? — comme
tous les soirs, Thibault se rendait à L’Écluse. C’est un lieu où les gens se
retrouvent pour dépenser leur argent en achetant des bières ; il me semble
qu’ils appellent ça aussi « le bistrot » je n’aime pas ce concept, mais il s’y
amuse donc je suis heureuse pour lui.
Lorsque lorsqu’il partait, je m’occupais, je regardais la télévision —
quelle belle invention, d’ailleurs ! — puis j’allais me coucher et
recommencer mon train de vie tous les jours. Mais ce soir là, je sentais que
c’était différent, quelque chose se tramait. J’ignorais pourquoi, mais je
savais que quelque chose d’anormal allait se produire.
Dans notre maison, rien n’avait de valeur du moins pas de réelle
grosse valeur. Seuls quelques objets dont mes parents m’avait fait don
après leur mort en avaient un chouïa. Parmi ceux-ci figuraient une
collection d’une douzaine d’objets datant de l’antiquité aux temps
modernes. Mes parents étaient très riche mais ne souhaitaient ne léguer
d’argent ni à moi ni à ma sœur car ils estimaient que l’on devait apprendre
à s’en sortir seules. Ces objets étaient donc le seul patrimoine leur
appartenant autre fois qui nous fut transmit. Notre famille était assez
connue et riche dans toute l’Europe principalement en France, aux Pays-
Bas et en Allemagne, not-amment grâce a ma mère, mais aussi grâce aux
talents de banquier de mon père. Hélas ni moi ni ma sœur avons hérité de
ses talents. Nous possédions plusieurs maisons mais toutes furent vendues
aux enchères et l’argent qui en fut tiré, reversé à des œuvres caritatives,
mes parents étaient très sensibles à ce genre de causes. Lors du partage de
l’héritage, ma sœur décréta qu’elle n’aurait pas besoin de toutes les
vieilleries léguées par nos parents. Elle es-timait qu’elle avait déjà réussi
dans la dans la vie et qu’elles serviraient plus à moi qu’à elle. Après
moulte discussions j’eus accepté de prendre ces objets et décida de les
stocker dans mon grenier.
Thibault n’était pas enchanté à l’idée de stocker ce genre d’objets
dans le grenier même lorsque je lui disais qu’avec le temps ils prendraient
de la valeur. Il disait que ce n’était pas ses objets et qu’il n’accepterait pas
leur stockage dans sa maison. Malgré cela j’ai quand même réussi à le con-
vaincre — ce fut difficile — mais depuis, tous les objets figurent dans
notre grenier. Il n’y avait qu’une seule pièce à laquelle je portais beaucoup
d’af-fection. Celle-ci datait du Moyen Âge et aurait appartenu, selon ma
mère, au bouffon de Clovis en personne. C’était une marotte on ne peut
plus clas-sique, mais elle avait comme moi une belle chevelure rousse et
de beaux yeux bleus. Au-delà de sa valeur monétaire, elle avait aussi
énormément de valeur sentimentale pour moi. En effet, malgré sa grande
fragilité et son vieil âge, ma mère nous distrayait avec cette poupée, moi et
ma sœur, quand nous étions petites. Il était donc facile pour moi de m’y
identifier et de me voir à travers celle-ci. J’avais donc placé cette marotte
dans un écrin au centre du grenier pour la protéger de l’humidité ou des
nuisibles tels que les rats ou les cafards.
À l’époque, ma mère l’avait faite estimer, et le prix fut considéré à
hauteur d’un demi million d’euros. C’était une grosse valeur certes, mais
je ne souhaitais en aucun cas m’en séparer. Beaucoup de monde savait
qu’elle était préservée par notre famille mais nul ne connaissais le lieu ou
j’habitais. Je n’avais donc aucune raison de m’inquiéter quant à son vol car
nul ne savait où cette marotte se trouvait.
Seulement, ce soir là, Thibault ayant un peu consommé fut interrogé
par un groupe de jeunes — ayant tous à peu prés la trentaine — qui avaient
l’air tout-à-fait au courant que Thibault était mon mari et que celui-ci
pourrait facilement les amener à cette marotte tant convoitée. Ils
commencèrent donc par créer une tension amicale entre eux et Thibault, ils
le firent boire, beaucoup, trop. Celui-ci, en raison de L’atmosphère qui
régnait, se laissa donc prendre à leur jeu et fini par divulguer
l’emplacement exact de cette marotte. Il ne pensait pas mal faire, il en
avait même oublié la valeur réelle de celle-ci, et il ne se doutait encore
moins de la réelle intention de ses ravisseurs.
Ce groupe de jeunes a donc fini par faire sortir Thibault du bar en lui
promettant une chose que j’ignore, celui-ci se laissa faire et fut retrouvé
mort le lendemain dans une ruelle perdue au fin fond de la ville.
Vu que je fus l’une des dernières personnes l´ayant côtoyé, je fus
donc convoquée au poste de police le plus proche du drame et je fus
interrogée pour savoir si je savais quelque chose sur cet incident ou pire, si
j’en étais l’auteure. J’ai du en toute logique totalement nier les faits et
expliquer à la police que je savais ce que Thibault allait faire à L’Écluse,
mais que je ne le suivais pas à la trace car je lui laissais faire sa vie. J’ai été
libérée du com-missariat à dix-huit heures trente-sept exactement et j’ai
donc dû rentrer à pieds chez moi, à une demi-heure de marche de l’endroit
dans lequel je me trouvais.
Je mis un certain temps pour rentrer mais lorsque je fit pour rentrer
dans ma maison, j’ai remarqué que la porte fut forcée. Je me précipita
donc d’abord instinctivement vers la chambre puis me souvenus de
l’existence de la marotte et fonça dans le grenier. C’est avec stupeur et
désarroi que je fus contrainte de constater l’absence de la marotte. Les
ravisseurs laissèrent un message à l’emplacement de l’objet, lequel disait
« Ton ivrogne de mari nous fut bien utile, il n’est pas mort en vain. » Je fus
prise d’une tristesse profonde et d’une colère noire, je ne pouvais pas y
croire, le souvenir le plus précieux que j’avais de ma mère fut dérobé,
durant mon absence, par les mêmes personnes ayant tué mon mari.
J’avais perdu deux des choses auxquelles j’étais le plus attachée dans cette
vie, je ne pouvais être heureuse après cela. »

Mon ami Léon était déboussolé non-seulement par la rapidité à


laquelle se sont passés ces évènements mais aussi par la violence de ceux-
ci. J’ai donc discuté avec lui un bon moment pour qu’il finisse par
conclure, avec cette fameuse délicatesse dont il fait toujours preuve :
— C’est une bien triste histoire, je compatis. Sache que je t’apporte
l’entièreté de mon soutien. Je me dois par contre de souligner une chose, la
vie ne t’a fait aucun cadeau, en allant de ton manque de talent de chanteuse
t’ayant empêché de suivre les traces de ta mère, jusqu’aux évènements
récents. Je ne peux que conclure qu’en mettant en exergue le débordement
de la casserole dû à l’absence de la marotte.

Vous aimerez peut-être aussi