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Chronique

Ce soir, comme tant d'autres, je souffrirai. Mon mari, autrefois un homme aimant, est devenu
une ombre de lui-même, animé par une rage aveugle. Il entre dans la chambre avec des éclairs
dans les yeux, des éclairs qui annoncent la tempête imminente. Je sens son visage changer,
devenant lourd de reproches non formulés et de frustrations inexprimées. Ses pas résonnent
comme des avertissements silencieux alors qu'il s'approche de moi. Mon cœur bat plus fort. Le
premier coup est comme un éclair, une décharge électrique qui traverse tout mon être. La
douleur est vive, brève, mais la marque qu'elle laisse est indélébile. Mes yeux, témoins de ma
propre souffrance, rencontrent les siens, qui ne reflètent que l'ombre d'un homme que j'ai jadis
aimé. Je me demande où est passé cet amour, cette tendresse qui illuminait nos jours. Les mots
qui accompagnent ces gestes sont des lames acérées, tranchant l'air de notre intimité.

- Arrête, je t'en prie ! Pour l’amour de Dieu, aide-moi. Pourquoi, mon amour ? Pourquoi
tant de violence ?

- Tais-toi. Ne te fous pas de ma gueule, Khady.

- Je ne veux pas de ça, je veux juste comprendre, comprendre pourquoi nous en sommes
arrivés là.

- Tu ne comprends jamais rien ! C'est toujours comme ça, tout est de ma faute, n'est-ce
pas ? Tu m’énerves.

- Non, ce n'est pas ça. Je veux juste que ça s'arrête. Nous étions heureux, tu te souviens
?

- C'était avant que tout devienne de ta faute. Tu as changé, Khady. Fiche moi la paix.

Les mots s'échappent de ma bouche dans un murmure désespéré, une supplique silencieuse face
à la tempête qui fait rage. Mes mains tremblent, levées instinctivement pour parer les coups,
mais elles ne peuvent pas protéger mon cœur qui saigne. Ma voix, à peine audible, porte l'écho
de la douleur qui habite mon âme. Les yeux implorants, je cherche des réponses dans les siens,
mais je ne trouve que l'obscurité d'une colère mal dirigée. Sa voix est glaciale, et chaque mot
est comme une goutte d'acide, brûlant les derniers vestiges de notre amour. Ma voix s'élève,
portée par le désir désespéré de trouver une explication à cette descente aux enfers. Les paroles
sont rugueuses, pleines d'une frustration accumulée au fil du temps. Le dialogue devient un
champ de bataille où chaque mot est une arme. Je baisse les yeux, mes larmes se mêlant à la
pluie de la tristesse. Il détourne le regard, ne voulant pas se confronter à notre passé perdu. Les
mots non dits résonnent comme des échos déchirants dans l'obscurité de notre chambre, témoins
silencieux d'un amour qui se désintègre.

Je m'appelle Khady, j’ai deux filles et un garçon. Je suis une voix étouffée dans le vacarme
assourdissant du silence. Je me tais, mais ce silence n'est pas consentement. Il est l'écho de la
peur, le résultat d'une société qui préfère ignorer la douleur plutôt que de confronter la réalité
brutale des violences domestiques. Les stigmates que je porte sont des cris silencieux, des
appels désespérés pour être entendue. Derrière des portes closes, je vie entre l'effroi et la
résignation. Chaque supplice est un secret gardé sous le sceau des normes sociales implacables.
Si je décide de briser le silence, je crains de devenir la paria, celle qui dérange l'ordre établi,
l'oiseau qui s'aventure hors de la cage. Mon mari est l’ami de ma famille et l’ennemi de ma vie.
Personne ne me croira, si je raconte mon douloureux quotidien. Ma vie, bien que singulière, est
malheureusement trop commune. Des milliers de voix étouffées, des milliers d'histoires qui se
déroulent dans l'ombre. Je vous implore, en tant que société, de ne pas fermer les yeux sur cette
réalité. Les violences faites aux femmes et aux filles. Ouvrez votre cœur à ces histoires, soyez
les témoins conscients d'une souffrance qui perdure dans l'obscurité.

Une production de ImDieng, écrivain africain du Sénégal.

Texte de soutien aux femmes et filles victimes de violences où qu’elles soient dans le monde.
Il est temps de défaire les nœuds qui entravent la parole des femmes comme moi. Brisons le
silence, érigeons des ponts d'empathie pour que ces récits ne soient plus étouffés. Khady, et tant
d'autres, méritent une chance de voir la lumière après l'ombre. C'est en unissant nos voix que
nous pourrons créer un monde où aucune femme n'aura à souffrir en silence.
I’mDieng, 26 novembre 2023

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