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Le

leader
et
la minute
du succès

Kenneth Blanchard
m
COALSTl-UR DU NAMCiŒNmLTi:

Patricia et Drea Zigarmi


Le leader
et la minute du succès
Kenneth Blanchard
COAUTEUR DU MANAGER MINUTE

Patricia et Drea Zigarmi

02 )

Le
leader
et
la minute
du succès

Traduit de l'américain par


FLORENCE HERBULOT

i
InterÉditions
87 AVENUE DU MAINE 75014 PARIS
L'édition originale de cet ouvrage a été publiée aux États-Unis par
William Morrow and Company, Inc., New York, sous le titre
Leadership and the One Minute Manager. © 1985 by Blanchard
Management Corporation.

© 1986, InterÉditions, Paris


Tous droits réservés. Aucun extrait de ce livre ne peut être repro¬
duit, sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit
(machine électronique, mécanique, à photocopier, à enregistrer
ou tout autre) sans l'autorisation écrite de l'Éditeur.

ISBN 2-7296-0147-3
Ce livre est dédié à
Paul Hersey
dont le génie et l'esprit créatif
ont puissamment contribué
à la mise au point du leadership adaptatif
et dont les contributions
dans le domaine des sciences du comportement
sont innombrables autant qu 'essentielles.
Sommaire

Le symbole 11
Introduction 13

La visite de la jeune femme 15


Comment réussir 16
Repenser le leadership 20
Adapter le traitement au patient 23
Le style de leadership : la perception
d'autrui 26
L'adaptabilité 32
Les quatre styles de leadership 36
Il n'y a pas de « meilleur » style 42
Réfléchir avant d'agir 49
L'adaptabilité : résumé 53
10 Le leader et la minute du succès

Les quatre styles de leadership :


résumé 55
Diagnostiquer le niveau de développement 56
Adapter le style de leadership au niveau
de développement 64
Les secrets du leader adaptatif 69
Des traitements différents pour un même
patient 71
Développer la compétence et
l'engagement personnel 78
Résoudre les problèmes de performance 90
Les secrets du leader adaptatif : résumé 92
Partager ce que l'on fait 97
Négocier le style de leadership 98
L'hypothèse est toujours positive 111
Devenir un leader adaptatif 114

La minute de félicitation 119


Le symbole

m
Le symbole du manager — un
cadran de montre affichant une
minute — est là pour nous rappeler
qu'il est important de consacrer
chaque jour une minute à regarder
ceux que nous dirigeons en face et à
nous rappeler qu'ils sont la plus
importante de nos ressources.
Introduction

Le leader et la minute du succès met en scène une


jeune femme chef d'entreprise. Elle se plaint de
n'avoir pas dans son équipe suffisamment de per¬
sonnes capables et animées d'un zèle assidu. Elle
se plaint d'être obligée de faire presque tout elle-
même. Nous la voyons demander conseil à un
manager — celui que l'on appelle parfois le
Manager Minute — qui lui suggère de travailler
mieux plutôt que de travailler plus. Peu à peu,
elle apprendra qu'il faut adapter le traitement au
patient et elle deviendra à son tour un leader
adaptatif.
Depuis quinze ans, cette méthode aussi facile à
comprendre qu'à mettre en œuvre pour gérer et
motiver le personnel s'est répandue dans le
monde entier. C'est en collaboration avec Paul
Hersey que j'ai lancé pour la première fois la
théorie du cycle de vie et de maturité du leaders¬
hip (cf. Management of Organizational Behavior :
Utilizing Human Resources, Prentice-Hall, 4e édit-
14 Le leader et la minute du succès

ion). Depuis lors, d'innombrables dirigeants et


responsables à tous les niveaux et dans des entre¬
prises de toutes tailles, des plus grandes aux plus
petites, ont appris à devenir des leaders adapta¬
tifs.
J'aborde aujourd'hui la question du leadership
avec Pat et Drea Zigarmi avec lesquels je travaille
depuis plus de dix ans à enseigner, repenser et à
mettre en oeuvre tous les concepts du leadership
adaptatif.
Le lecteur connaissant déjà cette théorie trou¬
vera ici un certain nombre de modifications,
reflet des conversations que nous avons eues
avec les enseignants du centre de formation
Blanchard Training and Development, de notre
propre expérience et des idées recueillies auprès
de dirigeants. Ce livre est le point de départ d'une
nouvelle réflexion en matière de leadership
adaptatif.
Nous espérons que la lecture saura vous don¬
ner les moyens de mettre en œuvre toute une
gamme de styles de leadership pour diriger et
épauler les travaux de ceux qui vous entourent.
Nous souhaitons que cette adaptabilité devienne
pour vous une seconde nature et vous accompa¬
gne à tout instant dans votre rôle de chef ou de
parent.
Kenneth Blanchard
La visite de la jeune femme

Le manager reçut un jour un appel téléphonique


d'une jeune femme qui s'annonçait comme
« entrepreneur », chose particulièrement inté¬
ressante dans un pays où la création d'entreprises
est en pleine expansion, et ce, en grande partie
grâce aux femmes.
La jeune femme lui expliqua qu'elle avait bien
du mal à trouver des gens disposés à travailler
aussi dur qu'elle.
— J'ai l'impression d'être obligée de tout faire
moi-même. Je me sens très mal secondée, dit-
elle.
— Ce qu'il vous faut, c'est apprendre à délé¬
guer.
— Mais mon équipe n'est pas prête.
— Alors il faut que vous les formiez.
— Je n'ai pas le temps.
— Dans ce cas, vous avez vraiment un pro¬
blème, dit le manager avec un sourire. Venez
donc me voir cet après-midi, nous pourrons en
parler.
Comment réussir

Quand la jeune femme arriva, elle trouva le


manager en train de bavarder avec sa secrétaire.
— Je vous suis très reconnaissante de m'avoir
reçue si vite, dit-elle en le suivant dans son
bureau.
— C'est moi qui suis ravi. J'ai appris que vous
aviez très bien réussi dans plusieurs projets. A
votre avis, que faut-il pour réussir ?
— En fait, c'est assez facile, dit-elle en sou¬
riant. Il suffit de travailler la moitié de la journée.
On peut choisir la première moitié ou la
deuxième moitié, de toute façon c'est douze
heures chaque fois.

Le manager éclata de rire, puis :


— Le temps et l'effort que l'on consacre à son
travail sont importants, j'en suis convaincu, dit-
il, mais je crains que trop de personnes voient une
relation directe entre le travail et la réussite — et
Comment réussir 17

soient persuadées que plus on travaille, plus on


réussit.
— J'étais sûre que vous alliez me dire ça, dit la
jeune femme. On m'a d'ailleurs dit que l'une de
vos maximes favorites est :
Ne travaillez pas plus

Travaillez mieux !
Comment réussir 19

— Absolument, dit le manager. Mais avant


d'en venir à ce que j'entends par travailler mieux,
laissez-moi vous poser encore une question.
— Allez-y.
— Vous vous dites entrepreneur. Qu'est-ce
que cela signifie pour vous ?
La jeune femme sourit :
— Un de mes amis décrit parfaitement ce que
veut dire entrepreneur. Il m'a raconté qu'il avait
un jour emmené son directeur général jusqu'au
sommet d'une colline dominant sa ville. La vue
était splendide.
« Vous voyez cette crête boisée, là-bas ? dit-il
au directeur. Ce ne serait pas un endroit fantas¬
tique pour construire une maison ?
— Sans aucun doute.
— Avec une piscine, là sur la droite ?
Qu'est-ce que vous en pensez ?
— Fantastique !
— Et puis un tennis à gauche ?
— Quel site !
— Laissez-moi vous dire quelque chose, lui a
déclaré mon ami. Si vous continuez à travailler
aussi dur que vous l'avez fait jusqu'ici et si vous
atteignez tous les objectifs que nous avons fixés,
je vous garantis qu'un jour — un jour — cette
maison avec son tennis et sa piscine sera
mienne. »
— Voilà qui est beau, déclara le manager avec
un grand sourire... Et j'ai l'impression que cette
histoire illustre parfaitement l'un des problèmes
que vous rencontrez quand il s'agit de diriger et
de motiver ceux qui vous entourent.
— Que voulez-vous dire ?
Repenser le leadership

— Je vais essayer de vous expliquer, dit le mana¬


ger. J'imagine votre entreprise comme une pyra¬
mide dont vous, le PDG, vous occupez le sommet,
tandis que l'ensemble des employés forment la
base. Entre eux et vous, il y a plusieurs échelons
de management.
— C'est exactement notre organisation. Qu'y
a-t-il de mal dans une organisation pyramidale ?
— Rien. En tant que modèle d'organisation,
cela n'a aucun inconvénient. Les ennuis com¬
mencent quand on se met à penser en pyramide.
— Je ne suis pas sûre de vous suivre très bien.
— Quand on pense en pyramide, poursuivit le
manager, on part de l'hypothèse que chacun tra¬
vaille pour la personne qui se trouve au-dessus de
lui dans l'échelle de l'organisation. De ce fait, les
dirigeants sont considérés comme « responsa¬
bles » de la planification, de l'organisation et de
l'évaluation de tout ce qui se passe dans la mai¬
son, tandis que leurs employés sont supposés
Repenser le leadership 21

« réagir aux directives de la direction ». C'est


pour cela que des gens comme vous finissent par
s'imaginer que les patrons font tout.
— Mais que faudrait-il faire ?
— Je préfère mettre la pyramide à l'envers,
avec le patron tout en bas, dit le manager. Cela
modifie de façon subtile, mais puissante, tout le
schéma des responsabilités et des réactions.
— En d'autres termes, vous pensez que ce sont
les patrons qui doivent travailler pour leurs
employés et pas le contraire ?
— Exactement, dit le manager. Si vous êtes
persuadée que vos employés sont des responsa¬
bles et qu'il vous appartient de réagir, vous allez
travailler très dur pour leur assurer les ressources
et les conditions de travail dont ils ont besoin
pour atteindre les buts que vous avez déterminés.
Vous allez comprendre qu'il ne s'agit pas de tout
faire vous-même, pas plus que de rester à les
guetter en attendant qu'ils fassent une erreur,
mais bien de remonter vos manches et de les
aider à gagner. S'ils sont gagnants, vous aussi.
— Mais je vous ai expliqué, dit la jeune
femme. Je n'ai pas le temps de réagir aux besoins
de tous mes employés.
— Ce n'est pas la peine de travailler de près
avec la totalité de vos employés, seulement avec
ceux qui ont besoin de votre aide.
— Vous voulez dire qu'il ne faut pas traiter
tout le monde de la même façon ?
Elle était fort surprise.
— Mais absolument ! Nous avons une devise,
ici :
Sachez adapter le traitement
au patient
Adapter le traitement au patient

La jeune chef d'entreprise s'étonna :


— Si c'est vrai, comment faites-vous ?
— Pourquoi n'allez-vous pas bavarder avec
quelques membres de mon équipe ? Ils pourront
vous parler mieux que personne de mes diffé¬
rents styles de leadership.
— Styles de leadership ? fit-elle en écho.
— Le style de leadership, c'est la façon dont on
travaille avec quelqu'un, dont on supervise quel¬
qu'un. C'est la manière dont on se comporte, au
fil du temps, lorsqu'on cherche à influer sur la
performance des autres.
— Est-ce que ce terme désigne le comporte¬
ment que vous pensez avoir, demanda-t-elle, ou
celui que les autres perçoivent ?
— Laissez-moi vous expliquer. Si vous avez le
sentiment d'être un dirigeant ouvert, tourné vers
24 Le leader et la minute du succès

les autres, mais si vos employés vous considèrent


comme une personne sévère, préoccupée uni¬
quement par la tâche à réaliser, à quelle percep¬
tion de la réalité auront-ils recours ? A la vôtre ou
à la leur ?
— A la leur, sans aucun doute.
— D'accord. La perception que vous avez de
votre propre comportement est intéressante,
mais elle indique uniquement la façon dont vous
avez l'intention d'agir. Cela ne sert à rien, si elle
ne correspond pas à la perception que peuvent
avoir les autres. C'est pour cela que je voudrais
que vous parliez avec des gens de chez moi. Vous
aurez de première main toutes les indications sur
mon style de leadership, et vous pourrez voir si je
le traite vraiment de façon différente.
— Intéressant. Mais vous n'avez sans doute
pas l'intention de m'aider à décider qui je dois
rencontrer.

Le manager éclata de rire.


— Sûrement pas. Comme vous le savez, je n'ai
pas l'habitude de prendre des décisions pour les
autres.
Il se pencha pour dire quelques mots dans l'in¬
terphone. Un moment plus tard, sa secrétaire,
Madame Dulac, apportait à la jeune chef d'entre¬
prise une liste de six noms.
— Voici la liste des personnes qui dépendent
de moi, dit le manager. Choisissez n'importe qui.
Allez les voir.
— Je vais commencer par Henri Marquand,
dit la jeune femme en parcourant la liste des
yeux. Et ensuite, il pourra me conduire aux
autres.
Adapter le traitement au patient 25

— Il le fera très volontiers, dit le manager en


souriant.
— Je vais demander à Madame Dulac où se
trouve son bureau. A tout à l'heure.
— Je vous attends.
Le style de leadership : la
perception d'autrui

La jeune femme en route vers le bureau d'Henri


Marquand se sentait pleine d'entrain. Ravie
d'avoir pris la décision de venir voir le manager,
elle avait le sentiment de toucher de près à un
enseignement fort utile.
Henri Marquand était un homme d'une tren¬
taine d'années, l'air détendu, directeur de la for¬
mation et du développement des ressources
humaines.
Il entra aussitôt dans le vif du sujet.
— Vous venez de voir le patron. Que puis-je
faire pour vous ?
— Ce qui m'intéresse, c'est de savoir comment
le manager travaille avec vous, dit-elle. Est-ce
que vous le classeriez parmi les dirigeants partici¬
patifs ? J'ai lu toutes sortes de choses sur la direc¬
tion participative.
— Avec moi, dit Marquand, il n'est pas du tout
participatif. Il est même plutôt directif. La forma¬
tion, le développement des ressources humaines
Le style de leadership : la perception d'autrui 21

sont ses enfants chéris. Et moi j'ai surtout pour


fonction de mettre ses idées en oeuvre.
— Mais alors, il vous confie des tâches et il
vous laisse tout seul pour les exécuter ? s'étonna
la jeune femme.
— Non, dit Marquand. Il m'attribue des tâches
et ensuite il travaille avec moi, en étroite collabo¬
ration. Je suis très exactement le prolongement
du manager dans ce domaine.
— Et ça ne vous ennuie pas ? demanda-t-elle.
Cela me fait l'effet d'un comportement bien auto¬
ritaire.
— Pas du tout, dit Marquand. Avant de pren¬
dre ce poste, voici trois mois, j'étais au service du
personnel — très exactement à la gestion des
salaires. J'ai sauté sur l'occasion de passer à la
formation et au développement des ressources
humaines parce qu'en travaillant avec cet
homme, j'allais avoir la possibilité de tout
apprendre sur les ressources humaines et leur
développement. En cette matière, c'est un vrai
professionnel. Quand il travaille avec moi, il
m'aide à planifier ce qu'il veut que je travaille et
je sais exactement où j'en suis et ce qu'il pense de
la performance, car nous avons des réunions fré¬
quentes.
— Pensez-vous qu'il en viendra à vous laisser
prendre des décisions tout seul ?
— Oui, quand j'aurai appris le métier. Mais,
voyez-vous, je ne sais pas encore beaucoup de
choses et j'aurais du mal à prendre les décisions
voulues. Pour l'instant, je suis très heureux que le
manager tienne à s'en occuper. Ce boulot me
passionne et avec un peu d'expérience, je suis sûr
que je pourrai prendre plus de responsabilités.
28 Le leader et la minute du succès

— Mais est-ce qu'il se comporte avec tous


ceux qui dépendent de lui comme avec vous ?
demanda-t-elle.
— Non. Laissez-moi vous conduire à côté et
vous présenter Céline Horette, notre directeur
financier. Vous verrez qu'avec elle c'est tout à fait
différent.
Ayant remercié Henri Marquand qui venait de
la présenter à Céline Horette, la jeune femme se
trouva en face d'une femme d'une quarantaine
d'années, l'air réfléchi et sérieux.
— Henri Marquand vient de me dire que le
manager n'agit pas avec vous comme il le fait
avec lui. Est-ce vrai ?
— Tout à fait. Nous travaillons en collègues
dans le domaine financier. Il ne me dit jamais ce
que je dois faire, mais nous choisissons ensemble
l'orientation à suivre.
— J'ai l'impression qu'avec vous, il est très
participatif.
— Ah oui, beaucoup. Il m'encourage beau¬
coup, me soutient dans mon travail, m'exprime
sa reconnaissance. J'ai le sentiment qu'il sait
m'écouter et me faire parler. Il m'apporte aussi
toutes sortes d'informations sur l'ensemble de la
maison pour que je puisse prendre de meilleures
décisions en matière financière. J'ai avec lui des
relations de travail absolument parfaites. Cela fait
plus de quinze ans que je suis au service financier,
et sentir qu'on vous apprécie pour vos compéten¬
ces, qu'on fait partie d'une équipe, est bien agréa¬
ble. J'ai travaillé pour d'autres personnes qui ne
me donnaient pas du tout ce sentiment.
— Je commence à penser que le manager est
tantôt autocratique et tantôt démocratique. Avec
Le style de leadership : la perception d'autrui 29

Marquant! il est directif, autoritaire, avec vous il


est participatif, il vous prodigue son aide...
— Ne concluez pas trop vite qu'il n'a que ces
deux styles-là, dit Céline Horette, avant d'avoir
bavardé avec Jean Delaporte, le directeur de la
fabrication.
— Vous voulez dire que le manager ne se com¬
porte pas avec Delaporte comme il le fait avec
Marquand ou avec vous ?
Quand Céline Horette et la jeune femme entrè¬
rent dans le bureau de Delaporte, celui-ci bavar¬
dait avec le manager.
— Je me sauve, dit le manager en riant, sans
cela vous allez penser que je cherche à fausser
votre enquête.
— Il ne me fait pas peur, dit Jean Delaporte,
tout souriant, en serrant la main de la jeune
femme. Je lui dirai toute la vérité, ajouta-t-il avec
un clin d'œil.
La jeune chef d'entreprise appréciait l'atmos¬
phère joyeuse et sympathique qui régnait dans la
maison. Chacun semblait respecter les autres et
prendre plaisir à leur compagnie.
Delaporte l'invita à s'asseoir.
— Eh bien, qu'attendez-vous de moi ?
demanda-t-il.
— D'après Céline Horette, le manager est très
différent avec vous de ce qu'il est avec elle ou
* avec Marquand. Est-ce vrai ?
— Je ne saurais pas vous le dire. Vous décrire
son style n'est pas très facile pour moi.
— Que voulez-vous dire ?
— En fait, ce que je fais est assez compliqué,
dit Delaporte. J'assume toute la responsabilité de
l'ensemble de la production. Cela signifie que je
30 Le leader et la minute du succès

dois en surveiller et en contrôler chaque étape. Je


suis aussi responsable du contrôle de qualité, de
l'embauche et des licenciements. J'ai constaté
que le manager adopte avec moi un certain style
pour une partie de mes fonctions et un autre style
pour une autre partie. Par exemple, pour tout ce
qui est fabrication, il me laisse toute liberté, mais
il lui a fallu un moment pour en arriver là. Vous
savez qu'il a construit cette maison à partir de
rien. Comme il connaît les aspects techniques de
l'affaire aussi bien que moi, il en est venu à res¬
pecter mon jugement et à me faire confiance sur
ce terrain. A présent, il se contente de me dire :
« Tenez-moi informé, mais c'est votre affaire. A
vous de jouer. C'est vous le spécialiste tech¬
nique. »
— Vous voulez dire qu'il ne discute pas avec
vous, qu'il ne dit pas ce qu'il faut faire ou com¬
ment résoudre certains problèmes ?
— Non, pour les aspects techniques, pas du
tout. Mais son style est tout à fait différent quand
il s'agit des aspects humains de mon travail. Il
m'impose de le consulter avant la mise en place
de tout programme ou de toute politique concer¬
nant le personnel. Il veut savoir exactement ce
que j'ai l'intention de faire.
— Et pour ces questions-là, il vous dit ce qu'il
faut faire ?
— Il me donne toujours son opinion, si c'est ce
que vous voulez dire. Mais en général, il me
demande aussi la mienne.
— Si vos opinions sont différentes et si vous
n'arrivez pas à vous mettre d'accord, qui prend la
décision ?
— C'est le manager qui décide.
Le style de leadership : la perception d'autrui 31

— Ce n'est pas trop déconcertant d'être traité


tantôt d'une façon et tantôt d'une autre ?
— Absolument pas. J'aime beaucoup la liberté
qu'il me laisse pour tout ce qui est du domaine de
la fabrication. C'est comme technicien que j'ai
commencé ici, voyez-vous, et j'ai parcouru toute
l'échelle pour arriver au poste que j'occupe
actuellement. Depuis vingt ans, je me suis tou¬
jours maintenu à la pointe du progrès technolo¬
gique.
— Et vous n'aimeriez pas qu'on vous traite de
la même façon pour ce qui est du personnel ?
— Je ne crois pas. Quand il s'agit d'êtres
humains, je suis un peu comme un éléphant dans
un magasin de porcelaine. Il y a même des gens
pour prétendre que je défonce la porte avant de
demander si je peux entrer. Je n'ai donc pas telle¬
ment confiance dans mes talents pour ce qui est
des relations interpersonnelles, et je suis très
heureux des suggestions que me fait le manager.
— J'ai l'impression qu'il s'agit d'un manager
très éclectique, capable de choisir parmi toute
une gamme de styles différents.
— Je ne vous conseille pas de le lui dire.
— Mais pourquoi ?
— Parce que pour lui, être éclectique, c'est
avoir les deux pieds dans les nuages, dit Delaporte
en riant.
— Bon. Eh bien alors, comment pourriez-
vous le qualifier ?
— C'est un leader adaptatif, dit Delaporte. Il
sait changer de style en fonction de la personne
avec laquelle il travaille et de la situation dans
laquelle il se trouve.
L'adaptabilité

« Un leader adaptatif... » Cette formule trottait


dans la tête de la jeune femme tandis qu'elle
regagnait le bureau du manager. Quand elle
arriva. Madame Dulac la fit entrer aussitôt.
— Alors, demanda-t-il, quels sont les résultats
de mon examen de passage ?
— Très bons. Votre principe d'adapter le trai¬
tement au patient se porte très bien. De plus,
votre équipe semble trouver cela tout à fait nor¬
mal. Que dois-je faire pour devenir un leader
adaptatif ?
— Il faut acquérir trois talents.
— J'étais sûre que vous sauriez me ficeler tout
cela dans une recette bien simple.
— Je ne suis pas certain que ce soit aussi sim¬
ple, dit-il en souriant, mais il faut bel et bien
acquérir trois savoir-faire. Il faut apprendre à uti¬
liser avec souplesse toute une gamme de styles de
L'adaptabilité 33

leadership. Il faut apprendre à diagnostiquer les


besoins des personnes placées sous votre respon¬
sabilité. Et enfin, il faut apprendre à se mettre
d'accord avec elles, à négocier avec elles le style
de commandement dont elles ont besoin. En
d'autres termes, voici les trois savoir-faire qu'il
vous faut acquérir : souplesse, diagnostic et négocia¬
tion.
— C'est passionnant. Par où dois-je commen¬
cer ?
— Nous commençons en général par ensei¬
gner la souplesse. Voilà pourquoi je vous ai
envoyée bavarder avec quelques membres de
mon équipe, pour découvrir par vous-même les
différents styles de leadership dont j'use avec
eux.
— Et j'ai cru que j'avais compris jusqu'au
moment où j'ai bavardé avec Delaporte.
— Que voulez-vous dire ?
— J'étais persuadée que vous étiez soit auto¬
cratique, soit démocratique, mais cela ne corres¬
pondait pas du tout à ce que m'a dit Delaporte.
— Cela surprend toujours, dit le manager.
Tout le monde a longtemps été persuadé qu'il
n'existait que deux styles de leadership — l'auto¬
cratique et le démocratique. En fait, les tenants de
l'un et de l'autre discutaient à l'infini des avanta¬
ges respectifs de ces deux extrêmes. On accusait
• les managers démocratiques d'être mous et de
manquer d'autorité, tandis que leurs homolo¬
gues autocratiques étaient considérés comme
trop durs et trop dominateurs. Quant à moi, j'ai
toujours estimé qu'un manager qui se cantonnait
dans l'une ou l'autre de ces attitudes n'était
qu'un demi-manager.
34 Le leader et la minute du succès

— Et que faut-il faire pour être un manager


complet ?
— Un manager complet, c'est une personne
adaptable, capable de recourir à quatre styles de
leadership différents, répondit le manager en
tendant une feuille de papier à la jeune femme.
Les
quatre principaux
styles de leadership

Style 1 : DIRIGER

Le leader donne des instructions précises et


surveille de près l'exécution des tâches.

Style 2 : ENTRAÎNER

Le leader continue à diriger et à surveiller de


près l'exécution des tâches, mais de plus, il
explique les décisions, sollicite les suggestions
et encourage les progrès.

Style 3 : ÉPAULER

Le leader facilite et encourage les efforts de ses


subordonnés pour accomplir les tâches ; il
partage avec eux la responsabilité de la prise
de décision.

Style 4 : DÉLÉGUER

Le leader transmet à ses subordonnés la res¬


ponsabilité de la prise de décision et de la
résolution des problèmes.
Les quatre styles de leadership

Tandis qu'elle lisait attentivement la feuille, le


manager lui expliqua :
— Ces quatre styles ne sont que des combinai¬
sons différentes des deux comportements
auxquels un meneur d'hommes peut faire appel
lorsqu'il cherche à influencer les autres : le com¬
portement directif et le comportement encoura¬
geant. Le comportement directif se définit en
trois verbes : structurer, contrôler, supervi¬
ser. Le comportement encourageant se définit
par trois autres verbes : féliciter, écouter, faci¬
liter.
— Ce que vous appelez le comportement
directif me paraît lié de près au leadership auto¬
cratique, dit la jeune femme.
— Précisément. C'est de la communication
unilatérale. Il s'agit de dire à la personne en cause
ce qu'elle doit faire, quand, où et comment le
faire, puis de surveiller de près l'exécution de la
tâche ou la résolution du problème.
Les quatre styles de leadership 37

— Cela me rappelle tout à fait la manière dont


vous dirigez Henri Marquand. Avec lui, vous
appliquez le style 1.
— Vous avez raison. Le style 1, c'est diriger : le
comportement directif domine largement le
comportement encourageant. Celui qui l'ap¬
plique dit à son subordonné quel est l'objectif et à
quoi doit ressembler son travail, mais il lui fournit
aussi un plan précis et détaillé pour l'accomplisse¬
ment de sa tâche. C'est à vous de résoudre le
problème, à vous de prendre des décisions ; le
subordonné se contente d'exécuter vos idées.
— Ce n'est pas du tout le style dont vous faites
preuve avec Céline Horette. Avec elle, vous êtes
beaucoup plus encourageant, plus démocratique.
— Voilà, vous avez compris. C'est pour cela
que nous parlons d'épauler à propos du style 3,
beaucoup moins directif. Dans ce cas, il s'agit de
soutenir les efforts des subordonnés, d'écouter
leurs suggestions, de faciliter leur interaction
avec autrui. Et puis, pour renforcer leurs motiva¬
tions et leur confiance en soi, il faut les encoura¬
ger, les féliciter. Un dirigeant de style 3 parle
rarement de la manière dont il résoudrait un
problème ou accomplirait une tâche. Il aide ses
collaborateurs à trouver leurs propres solutions
en leur posant des questions qui conduisent à
réfléchir et les encouragent à prendre des risques.
— Mais traiter Marquand d'une façon et
Horette d'une autre, sans même parler de Dela¬
porte, est-ce que cela n'est pas un peu incohé¬
rent ?
— Je crois beaucoup à la cohérence, mais ma
définition est probablement différente de la
vôtre. J'ai l'impression que pour vous, être cohé-
38 Le leader et la minute du succès

rent, c'est « traiter tout le monde de la même


façon ». Pour moi, c'est « utiliser le même style
de leadership dans les mêmes situations ».
— Et vous ne pensez pas qu'il soit injuste de
traiter les gens différemment ? demanda la jeune
femme.
Le manager lui montra une plaque accrochée
au mur :
Rien

n 'est plus injuste

'un même traitement

pour tous
40 Le leader et la minute du succès

— Vous devez être un grand lecteur d'Emer-


son, dit la jeune femme; je crois que c'est lui qui a
dit : « La bêtise cohérente est le propre des petits
esprits ».
Le manager sourit.
— J'ai toujours beaucoup aimé cette formule.
— Pour m'aider à bien clarifier les quatre sty¬
les dont vous avez parlé, pouvez-vous m'en don¬
ner des exemples ? demanda la jeune femme.
— Bien sûr. Imaginons qu'il y ait dans le
bureau, là, devant ma porte, un bruit qui nous
dérange. Si je vous disais : « Allez s'il vous plaît
dire à Madame Dulac qu'elle demande à ces per¬
sonnes de discuter un peu plus loin, et puis reve¬
nez me voir », de quel style s'agit-il ?
— Diriger, répondit-elle. Comment pourriez-
vous résoudre le problème si vous vouliez épau¬
ler ?
— Je vous dirais par exemple ; « Il y a du bruit
devant la porte; cela nous gêne. Comment pour¬
rions-nous faire pour en venir à bout ? »
— Ah oui, je vois. Et le style 2 ?
— Entraîner, c'est combiner le commande¬
ment et l'encouragement. Si je voulais adopter ce
style pour résoudre le problème, je vous dirais :
« Il y a beaucoup de bruit dans ce bureau et cela
nous dérange. Il me semble que vous devriez aller
dire à Madame Dulac qu'elle demande à ces per¬
sonnes de discuter un peu plus loin, à moins que
vous ayez une autre idée ? »
— Quand il s'agit d'entraîner, en somme, dit
la jeune chef d'entreprise, vous amorcez la com¬
munication bilatérale en demandant des sugges¬
tions. Mais est-ce le dirigeant qui prend la déci¬
sion, en dernière analyse ?
Les quatre styles de leadership 41

— Oui, bien sûr, mais il bénéficie de l'apport


des autres. Il leur fournit aussi beaucoup d'en¬
couragements car certaines des idées qu'ils peu¬
vent avoir sont bonnes, et un dirigeant cherche
toujours à renforcer l'initiative et la prise de ris¬
que. C'est là qu'il faut écouter, encourager. Il faut
essayer d'enseigner à son équipe le meilleur
moyen d'évaluer son propre travail.
— Dans le style 2, vous consultez votre subor¬
donné. Et si vous appliquez le style 4 — délé¬
guer ? J'imagine que dans ce cas, vous allez sim¬
plement dire : « Ce bruit nous dérange. Voulez-
vous faire le nécessaire ? »
— Cela convient tout à fait quand il s'agit de
déléguer. Le style 4 transmet la responsabilité de
la prise de décision et de la résolution des problè¬
mes au jour le jour à celui qui accomplit la tâche.
Et vous voyez d'après ces exemples que pour le
même problème, pour la même tâche — cette
histoire de bruit gênant — on peut appliquer
n'importe lequel des quatre styles.
— Mais est-ce que l'un de ces quatre styles
n'est pas meilleur que les autres ? J'ai beaucoup
entendu parler de l'importance de la direction
participative.
Il n'y a pas de « meilleur » style

— Beaucoup de gens y croient, dit le manager.


Mais c'est là qu'intervient la nécessité de s'adap¬
ter à la situation. Le style encourageant et partici¬
patif pourra être plus approprié dans certaines
situations, mais pas toujours.
— Je ne vois pas du tout quand le style auto¬
cratique et directif peut être le meilleur.
— Il y a pourtant un certain nombre de cas,
répondit le manager. Imaginons que vous soyez
en réunion et qu'un incendie éclate dans la pièce.
Allez-vous demander aux participants de se divi¬
ser en petits groupes de réflexion sur la meilleure
façon de sortir, puis de venir faire part de leurs
solutions pour que tout le monde puisse se mettre
d'accord sur l'attitude à prendre ?
— Certainement pas, dit-elle en riant. Je
dirai : « La sortie est par ici, suivez-moi tous ».
— C'est donc bien le style directif qui convient
quand il faut prendre très vite une décision dont
l'enjeu est grave.
Il n'y a pas de « meilleur » style 43

— L'exemple me plaît beaucoup, je m'en ser¬


virai sûrement. Dans quel autre type de situation
le style directif est-il approprié ?
— Imaginons que vous embauchiez pour un
certain poste quelqu'un ayant peu d'expérience
mais, à votre avis, des possibilités d'apprentissage
certaines. Serait-il utile de lui demander ce qu'il
doit faire, quand, où et comment le faire ?
— Non, sauf si l'on veut dresser une antholo¬
gie des ignorances. Mais je commence à com¬
prendre ce que vous voulez dire. Commander est
le style le plus efficace avec les gens inexpérimen¬
tés mais possédant un potentiel d'autonomie.
— C'est tout à fait cela. Commander sera aussi
la méthode à suivre avec une personne ayant des
capacités mais ne connaissant pas l'entreprise —
ses priorités, ses politiques, ses méthodes.
— Mais n'avez-vous pas l'impression qu'en
général les gens supportent mal qu'on les com¬
mande et qu'on les surveille de près ?
— Habituellement, mais pas au début, répon¬
dit le manager. La plupart de ceux qui appren¬
nent quelque chose de nouveau sont des débu¬
tants enthousiastes, prêts à recevoir toute l'aide
qu'on peut leur donner. Ce qu'ils veulent, en fait,
c'est donner de bons résultats.
— Avez-vous vraiment l'impression que les
gens veulent donner de bons résultats ? J'ai vu,
‘ dans toutes sortes d'entreprises, un nombre
considérable d'employés qui ont simplement l'air
de donner un peu de leur temps pour avoir la
possibilité de faire ailleurs quelque chose qui leur
plaît. Ils travaillent tout juste pour gagner de
l'argent. Ils se soucient peu que l'entreprise attei¬
gne ou non les objectifs qu'elle s'est fixés.
44 Le leader et la minute du succès

— Vous avez raison. Bien des gens — beau¬


coup trop même, et c'est dommage — n'ont pas
vraiment l'air de s'intéresser à ce qu'ils font et ne
pensent qu'au salaire qu'ils toucheront à la fin du
mois. Mais si vous pouviez revenir en arrière et
les observer au moment où ils ont débuté dans un
nouveau poste, je ne pense pas que vous observe¬
riez la même absence de motivation. Je suis per¬
suadé que l'engagement personnel disparaît
seulement quand l'employé s'aperçoit que les
résultats qu'il obtient ne font pas de différence.
— Que voulez-vous dire ?
— Je veux dire que les bons résultats sont trop
souvent méconnus. Quand quelqu'un fait bien
quelque chose, son patron ne dit rien. Mais, s'il
fait une erreur, il en entend parler très vite.
— C'est l'approche « Débrouillez-vous, mon
vieux » dont on m'a dit que vous parliez sou¬
vent ?
— A présent, je l'appelle le style goéland, dit le
manager. Le patron goéland débarque dans votre
bureau, fait plein de bruit, vous tombe dessus
puis s'envole aussi vite qu'il était apparu.
La jeune femme et le manager éclatèrent de
rire : tous deux savaient à quel point cette des¬
cription était exacte.
— Je suis donc tout à fait persuadé que c'est la
façon dont les gens inexpérimentés sont dirigés
qui leur fait perdre leur engagement personnel,
dit le manager. Et lorsque cette faculté a disparu,
il ne suffit plus de diriger; il faut aussi apporter
support et encouragement.
— A présent, vous parlez du style 2, celui où il
faut entraîner, n'est-ce pas ?
— Oui. Entraîner est le style de direction qui
Il n'y a pas de « meilleur » style 45

fonctionne le mieux quand la déception s'ins¬


talle.
— La déception ? fit-elle en écho.
— N'avez-vous pas remarqué que lorsque
quelqu'un entame un nouveau travail, puis le
trouve plus dur qu'il ne l'imaginait, son intérêt
s'atténue ? Parfois, l'engagement diminue parce
que la récompense n'apparaît pas suffisante
pour l'effort fourni. Parfois c'est que l'employé
n'est pas dirigé comme il faut — il ne cesse d'en
prendre sur les doigts. Ou alors ses progrès sont
trop lents, trop faibles et il doute de sa capacité à
jamais maîtriser le travail. Quand cette décep¬
tion s'installe, quand l'intérêt initial s'émousse, il
faut que le dirigeant sache entraîner, appliquer
un style à la fois directif et encourageant.
— Il faut continuer à diriger pour que l'ap¬
prentissage se poursuive ? demanda la jeune
femme.
— Oui. Mais il faut aussi écouter et compren¬
dre les préoccupations du néophyte, mettre son
effort en perspective et le féliciter pour ses pro¬
grès. Et puis, il faut le faire participer le plus
possible à la prise de décision, car c'est le moyen
pour qu'il retrouve son sens de l'engagement
personnel.
— A vous entendre, on pourrait croire que
tout le monde connaît à un moment quelconque
• cette phase de déception, face à une tâche nou¬
velle ou à un nouveau projet.
— C'est plus accentué chez certaines person¬
nes. Tout dépend de la disponibilité et des encou¬
ragements de leurs patrons. Mais je crois que je
vais trop vite.
— C'est intéressant, dit la jeune femme. En
46 Le leader et la minute du succès

somme, il faut être directif avec les débutants


enthousiastes et entraîner les débutants déçus.
— C'est cela. Quels sont, à votre avis, ceux qui
détestent et être dirigés et être entraînés ?
— Les personnes qui ont de l'expérience. Pour
elles, le mieux est sans doute d'appliquer un style
de direction plus participatif.
— Vous y êtes. Les gens expérimentés aiment
qu'on les écoute et qu'on les soutienne. Je crois
que vous avez bavardé avec Céline Horette. Elle
réagit parfaitement au style encourageant, car
malgré son expérience et sa compétence, elle
reste parfois en retrait. Quand je lui demande de
prendre en main un projet, elle a plein d'idées,
mais elle préfère souvent d'abord me les soumet¬
tre. Elle tient à participer à la prise de décision,
mais il arrive qu'elle n'ait pas autant confiance
que moi dans certaines de ses idées. Elle a besoin
d'être appréciée et encouragée. Cela ne veut pas
dire que l'encouragement est la panacée univer¬
selle.
— Donnez-moi quelques exemples, demanda
la jeune femme.
— Nous en avons eu un très bon exemple avec
l'un de nos meilleurs amis. Son ménage était en
difficulté, il ne cessait de se bagarrer avec sa
femme. Nous avons finalement réussi à les
convaincre de s'adresser à un conseiller matrimo¬
nial, ce qui nous a beaucoup soulagés, car nous
étions sûrs d'avoir fait tout ce que nous pouvions.
— Et ce n'était pas vrai ?
— Non. Nous n'avions pas demandé à quel
type de conseiller matrimonial ils allaient s'adres¬
ser. Et ils en avaient choisi un de style encoura¬
geant, non directif.
Il n'y a pas de « meilleur » style 47

— Et alors ? demanda la jeune femme.


— Chaque séance leur coûtait cinq cents
francs. Ils n'arrêtaient pas de se disputer et de
s'injurier, et pendant ce temps, le conseiller se
contentait de se frotter le menton en murmu¬
rant : « Je constate une atmosphère d'irrita¬
tion ». Au bout de trois séances, ils se sont sépa¬
rés.
— Vous voulez me dire qu'ils avaient besoin
d'un conseiller très directif, dit la jeune femme,
une personne qui leur dirait exactement ce qu'il
fallait faire pour remettre leur mariage sur ses
rails. Mais je présume que le conseiller auquel ils
se sont adressés avait de bons résultats avec d'au¬
tres couples.
— C'est exact. Ce conseiller était très efficace
avec des couples ayant des problèmes qu'ils pou¬
vaient résoudre par eux-mêmes, des couples
ayant simplement besoin de quelqu'un pour les
écouter et les soutenir pendant qu'ils parvenaient
à une solution. J'ai l'impression d'avoir réussi à
vous convaincre qu'il n'existe pas un style de
leadership meilleur que les autres.
— C'est en bonne voie, dit-elle en souriant.
Mais déléguer ? Comment cela va-t-il s'articuler
avec le reste ?
— Déléguer convient à merveille quand on
s'adresse à des gens très performants, à des per-
. sonnes à la fois compétentes et motivées, qui
n'ont pas besoin d'être dirigées et sont capables
de s'encourager elles-mêmes, dit le manager.
— Vous voulez dire que ces gens-là se félici¬
tent eux-mêmes ?
— Oui, dans bien des cas. Quand on leur rend
visite, ils vous emmènent fréquemment faire un
48 Le leader et la minute du succès

petit tour de félicitations, ils vous montrent fière¬


ment tout ce qu'eux-mêmes ou leur personnel
ont réalisé avec succès. Les gens très performants
n'ont pas besoin d'être surveillés ou félicités,
pour autant qu'ils sachent qu'ils obtiennent de
bons résultats. On m'a raconté l'autre soir une
petite histoire charmante qui montre bien à quel
point déléguer est important.
— Racontez-la-moi !
— Je pensais que vous n'alliez pas oser me le
demander ! C'est une petite fille qui demandait
un jour à sa mère : « Maman, pourquoi est-ce
que papa rapporte tant de travail à la maison tous
les soirs ?
— Parce qu'il n'a pas le temps de le finir au
bureau, répondit la maman.
— Alors, pourquoi est-ce qu'on ne le met pas
dans un groupe d'enfants plus lents ? demanda la
petite fille.
Réfléchir avant d'agir

- Elle est fantastique ! Si la petite fille avait


connu le leadership adaptatif, elle aurait pu
demander pourquoi papa ne savait pas mieux
déléguer.
Je crois avoir compris qu'il n'y a pas de
méthode meilleure que les autres pour exercer
une influence sur ceux qui vous entourent, mais
j'ai encore besoin de quelques renseignements
pour savoir choisir le style de leadership qu'il faut
appliquer dans chaque situation. Vous m'avez
donné des exemples et des indications, mais j'ai
l'impression que tout dépend de ma capacité à
déterminer si les membres de mon équipe possè¬
dent l'expérience et les compétences nécessaires
pour accomplir la tâche qui leur est confiée, et
qu'il me faut aussi savoir s'ils veulent l'accomplir
ou s'ils pensent pouvoir y parvenir.
50 Le leader et la minute du succès

— C'est ce talent de diagnostic face à la situa¬


tion qui est l'une des clés du leadership adaptatif,
souligna le manager. Et pourtant, la plupart des
dirigeants refusent de s'accorder une minute de
répit pour définir ce qu'il faut faire avant d'agir.
Ils ne s'arrêtent jamais de courir. C'est pour cela
que je me suis fait un pense-bête, ajouta-t-il en
montrant une plaque accrochée au mur :
Rien ne sert de courir,

il faut penser à temps


52 Le leader et la minute du succès

— En somme, il faut réfléchir avant d'agir, dit


la jeune femme.
— C'est le secret de la qualité du diagnostic, dit
le manager. Pourquoi n'allez-vous pas demander
à Alice Turpin, un autre de mes proches collabo¬
rateurs, ce qu'il faut faire pour développer vos
qualités de diagnostic ?
— C'est une bonne idée. Mais je voudrais
d'abord passer mes notes en revue avec vous
pour être sûre d'avoir bien compris le problème
de l'adaptabilité.
— Bonne idée, dit le manager en jetant un
coup d'œil sur ce qu'elle avait noté.
L'adaptabilité : résumé

Le style de leadership, c'est le comportement


que l'on adopte lorsqu'on cherche à influer sur la
performance de quelqu'un d'autre. Le style du
leader est une combinaison de comportements
directifs et encourageants.

Comportement directif
C'est : expliquer clairement à chacun
ce qu'il doit accomplir, comment le réali¬
ser, où et à quel moment, et ensuite sur¬
veiller de près la réalisation.

Comportement encourageant
C'est : écouter les autres, apporter
assistance et encouragement à leurs
efforts, puis faciliter leur participation à la
résolution des problèmes et à la prise de
décision.
54 Le leader et la minute du succès

Il existe quatre styles essentiels de leadership


qui sont : diriger, entraîner, épauler, déléguer,
MAIS... AUCUN STYLE DE LEADERSHIP N'EST
MEILLEUR QUE LES AUTRES.
Les quatre styles de leadership :
résumé

Le manager souriait en relisant les notes de la


jeune femme.
— Vous êtes tout à fait à point pour aller voir
Alice, mais avant que je ne l'appelle, regardez
donc ce résumé des quatre styles de leadership.
La jeune femme se mit à étudier le graphique
pendant qu'il appelait Alice Turpin au téléphone.

(TRÈS)

t
H Comportement Comportement
52
<i
très encourageant très directif
w et et
O peu directif très encourageant
<
o;
P S3 S2
O
U
z;
m
ÉPAULER ENTRAÎNER
H
z Comportement
p
Comportement
S
peu encourageant très directif
w et et
H
Pl peu directif peu encourageant
o
Qh
s
S4 SI
O
U DÉLÉGUER DIRIGER
1

(PEU 4- COMPORTEMENT DIRECTIF- (TRÈS)
Diagnostiquer le niveau de
développement

La jeune chef d'entreprise trouva Alice Turpin


qui l'attendait devant la porte de son bureau.
— Vous voulez donc perfectionner vos com¬
pétences en diagnostic, dit-elle en souriant.
— Oui, j'y tiens. Je comprends qu'il me faut
adapter mon style aux besoins de chacun, mais
on doit courir des risques énormes si l'on ne sait
pas à quel moment et quel style choisir.
— Sans aucun doute. J'ai travaillé à une
époque avec un dirigeant très adaptable — il
savait appliquer les quatre styles de leadership —
mais il n'utilisait jamais le bon au bon moment.
— Vraiment ?
— Mais oui. Il passait son temps à dire aux
meilleurs membres de son équipe ce qu'ils
avaient à faire, parce qu'il dépendait d'eux pour
sa carrière : cela les agaçait tous, prodigieuse¬
ment. Quant aux moins performants, il ne les
Diagnostiquer le niveau de développement 57

respectait pas et les laissait livrés à eux-mêmes.


Ne sachant pas ce qu'il fallait faire, ils cafouil¬
laient.
— J'ai l'impression, d'après cet exemple, que
l'un des critères sur lesquels doit s'appuyer le
choix du style de leadership à adopter est la per¬
formance antérieure de la personne en cause.
— Parfaitement, et pour étudier la perfor¬
mance, il faut considérer deux éléments qui
jouent ici un rôle essentiel : la compétence et
l'engagement personnel. En d'autres termes,
lorsqu'un employé n'obtient pas de bons résul¬
tats en dehors de toute supervision, il s'agit en
général d'un problème de compétence, d'un pro¬
blème d'engagement, ou des deux à la fois.
— Comment savoir si l'employé possède la
compétence nécessaire pour accomplir le travail
qui lui est confié ? demanda la jeune chef d'en¬
treprise.
— La compétence est fonction de la connais¬
sance et des capacités, qui peuvent s'acquérir par
l'éducation, la formation et l'expérience, dit Alice
Turpin.
— Le terme « compétence » n'est-il pas sim¬
plement un synonyme d'aptitude ?
— Pas exactement. On utilise souvent le terme
d'aptitude pour désigner un potentiel. C'est ainsi
que l'on parle d'une aptitude naturelle pour indi-
•quer que certaines personnes semblent capables
d'acquérir si facilement des capacités particuliè¬
res. La compétence, en revanche, peut être déve¬
loppée, à condition de bénéficier d'une assistance
et d'une orientation appropriées. Ce n'est pas un
talent inné. C'est quelque chose que l'on peut
apprendre.
58 Le leader et la minute du succès

— Et par ailleurs, comment déterminer l'en¬


gagement personnel ?
— L'engagement résulte de la combinaison de
la confiance en soi et de la motivation. La
confiance en soi témoigne de l'assurance que
chacun ressent — ce sentiment d'être capable
d'accomplir une tâche correctement sans trop de
surveillance; quant à la motivation, c'est l'intérêt
que l'on porte à sa tâche et l'enthousiasme que sa
réalisation suscite en soi.
— Peut-il arriver qu'une personne possède la
compétence et la confiance en soi nécessaires
pour réaliser quelque chose, mais sans s'y inté¬
resser ?
— Mais oui. Il arrive que la motivation dispa¬
raisse quand la tâche se révèle plus difficile qu'on
ne le pensait à l'origine. Une personne peut aussi
avoir l'impression que ses efforts ne sont pas
reconnus à leur juste valeur. Il peut encore arri¬
ver qu'une tâche paraisse soudain ennuyeuse.
Celui qui doit l'accomplir estime tout à coup que
cela n'en vaut plus la peine.
— J'imagine que l'on peut rencontrer, selon
les êtres, des combinaisons tout à fait différentes
de compétence et d'engagement, n'est-ce pas ?
— Vous avez parfaitement raison. En fait, il
existe une échelle du développement sur laquelle
nous avons déterminé quatre niveaux en fonc¬
tion des combinaisons de compétence et d'enga¬
gement personnel.
Alice Turpin traça un schéma sur une feuille de
papier.
Diagnostiquer le niveau de développement 59

Les quatre niveaux de développement

Faible Compétence Forte Forte


compétence modérée compétence compétence
• • • •
Fort Faible Engagement Fort
engagement engagement variable engagement

DI D2 D3 D4

En développement-►Développé

La jeune femme regarda avec soin le schéma et


s'aperçut qu'Alice Turpin venait de dessiner une
échelle à quatre niveaux : DI, D2, D3 et D4.
— Avec tout ce que l'on m'a raconté depuis
que je suis arrivée ici, je devine que les personnes
ayant atteint des niveaux de développement dif¬
férents doivent avoir besoin d'un traitement dif¬
férent.
— C'est cela, dit Alice Turpin. Et c'est l'origine
de la devise que vous avez sans doute remarquée
dans le bureau du manager : sachez adapter le
traitement au patient.
— Il me semble que ceux qui sont capables de
travailler de manière indépendante et sans sur¬
veillance se situent aux niveaux de développe¬
ment D3 ou D4.
— Absolument ! S'ils occupent ce niveau de
développement, c'est qu'ils ont fait la preuve
qu'ils possédaient les capacités et les connaissan¬
ces nécessaires pour atteindre un très haut
niveau de performance. La différence entre D4 et
D3 est une différence d'engagement personnel.
S'il s'agit d'un problème de confiance en soi, la
personne a besoin de support, d'encouragement
et de félicitation. S'il s'agit d'un problème de
60 Le leader et la minute du succès

motivation, il faut que le dirigeant sache écouter


et résoudre la difficulté. Mais un individu par¬
venu au stade D4 est riche de confiance en soi et
de motivation. Ceux qui atteignent ce niveau de
développement ont moins besoin d'être appré¬
ciés par les autres. Ils savent se surprendre à faire
quelque chose de bien et n'ont donc pratique¬
ment plus besoin d'être supervisés.
— Tout ce qu'il leur faut, probablement, c'est
de savoir quels sont les objectifs, dit la jeune
femme. C'est ceux-là qui me plaisent. Je me
demande bien pourquoi on chercherait à embau¬
cher des personnes qui se situent à d'autres
niveaux de développement ?
— Parce que les employés très performants
sont difficiles à découvrir. Ils ne se trouvent pas
sous le sabot d'un cheval. En fait, dans la plupart
des cas, il faut former son personnel pour qu'il
devienne performant, et pour cela, il faut avoir
des capacités de diagnostic. Nous aimons beau¬
coup cette formule dans la maison :
*

Il y a un champion en chaque
individu;
à vous
de le faire naître

*
62 Le leader et la minute du succès

— Vous voulez dire que tout le monde possède


un potentiel qui ne demande qu'à être déve¬
loppé.
— C'est cela, dit Alice Turpin. Se situer aux
niveaux inférieurs de développement n'a rien de
négatif. C'est arrivé à chacun d'entre nous, à un
moment quelconque de notre existence, pour
l'une quelconque des tâches que nous avons
accomplies. Ne l'ayant jamais fait, nous n'avions
pas les capacités nécessaires pour atteindre aus¬
sitôt un niveau élevé de performance, fl a fallu
développer notre compétence et notre engage¬
ment personnel.
— D'après votre schéma, j'ai l'impression que
la différence entre les deux autres niveaux de
développement, DI et D2, se situe aussi sur le
plan de l'engagement personnel, dit la jeune
femme.

— C'est vrai. L'un comme l'autre manquent


de compétence et n'ont donc pas les capacités et
l'expérience nécessaires pour atteindre un
niveau élevé de performance sans surveillance,
mais la personne en DI est motivée, ce qui n'est
pas le cas des gens au stade D2. La faculté d'enga¬
gement dont quelqu'un en DI fait preuve lui
vient de l'intérêt que déclenche l'apprentissage
d'une chose nouvelle. Il peut aussi faire preuve
de beaucoup de confiance en soi, même si c'est à
tort. Cette confiance et la motivation diminuent
souvent quand les capacités augmentent. C'est
alors qu'on se rend compte de ce qu'il faut encore
apprendre pour pouvoir faire vraiment du bon
travail. Souvenez-vous du vieux dicton : PLUS
Diagnostiquer le niveau de développement 63

J'EN SAIS, PLUS JE SAIS QUE JE NE SAIS RIEN.


Avec un leader qui sait l'entraîner, la personne
en D2 retrouve sa confiance en soi à mesure
qu'elle obtient un retour d'information positif sur
ses résultats.
Adapter le style de leadership au
niveau de développement

— Je présume qu'il est plus dangereux de laisser


sans surveillance une personne au stade DI de
son développement qu'une personne parvenue
au stade D2, dit la jeune chef d'entreprise.
— D'où vous vient cette idée ?
— C'est que si l'on délègue à une personne
enthousiaste et pleine de confiance en soi mais
qui manque de compétence et d'expérience, elle
risque de se tromper en force. Elle va se lancer
avec enthousiasme dans des situations impossi¬
bles où il faudrait beaucoup de circonspection.
— Un bon point pour vous ! Si vous déléguez à
un individu en D2, il n'agira sans doute pas faute
de direction car il n'aura pas l'assurance ou la
motivation nécessaire pour prendre des risques.
En revanche une personne sûre d'elle ne sera pas
forcément aussi prudente, même si la compé¬
tence lui fait défaut.
— Je commence à voir à peu près quel style de
leadership convient le mieux à chacun des
Adapter le style de leadership au niveau de développement 65

niveaux de développement, à chacune des com¬


binaisons de compétence et d'engagement per¬
sonnel, dit la jeune femme.
— Pour vous faciliter les choses, dit Alice Tur-
pin en montrant un autre schéma, regardez com¬
ment nous illustrons les rapports entre les quatre
niveaux de développement et les quatre styles de
leadership dont le manager vous a parlé à propos
de l'adaptabilité.
NIVEAU DE STYLE DE
DÉVELOPPEMENT LEADERSHIP

DI SI
Faible compétence DIRIGER
• Structurer, contrôler,
Fort engagement superviser

D2 S2
Compétence modérée ENTRAÎNER
• Diriger et encourager
Faible engagement

D3 S3
Forte compétence ÉPAULER
• Féliciter, écouter,
Engagement variable faciliter

D4 S4
Forte compétence DÉLÉGUER
• Transmettre la
Fort engagement responsabilité de la prise
de décision au jour le jour

LES STYLES DE LEADERSHIP CORRESPONDANT


AUX DIFFÉRENTS NIVEAUX DE
DÉVELOPPEMENT
Adapter le style de leadership au niveau de développement 61

La jeune chef d'entreprise, après avoir étudié


les rapports entre les quatre niveaux de dévelop¬
pement et les quatre styles de leadership, leva les
yeux :
— Le parallélisme entre les D et les S est un
moyen bien commode pour ne pas oublier ces
rapports. Voyons si je vais savoir résumer :
Diriger (style 1) convient avec les personnes qui
manquent de compétence mais qui sont enthousiastes et
engagées (Dl). Il faut que leur travail soit dirigé et
suivi pour les initier.
Entraîner (style 2) convient aux personnes ayant
une certaine compétence mais qui ne se sentent pas
engagées (D2). Il leur faut direction et surveillance
parce qu'elles sont encore assez inexpérimentées.
Il leur faut aussi des encouragements et des félici¬
tations pour les motiver et leur donner davantage
d'assurance, et c'est en les faisant participer à la
prise de décision qu'on pourra susciter leur enga¬
gement personnel.
Épauler (style 3) convient aux personnes compéten¬
tes mais qui manquent d'assurance ou de motivation
(D3). Dotées de capacités suffisantes, elles n'ont
pas besoin d'une forte direction, mais l'encoura¬
gement est indispensable pour renforcer leur
motivation et leur confiance en soi.
Déléguer (style 4) convient aux personnes à la fois
compétentes et engagées (D4). Elles sont capables et
désireuses de travailler seules sur un projet, avec
un minimum de surveillance ou de support.
Alice Turpin, ayant écouté avec attention la
jeune femme, lui sourit.
— Vous m'avez l'air d'apprendre très vite !
C'est là l'essentiel du diagnostic. Je suis ravie
68 Le leader et la minute du succès

d'avoir réussi à vous communiquer ce que je sais


sur cette question.
— Merci de cet éloge, répondit-elle, mais je
voudrais savoir si, après avoir défini le style de
leadership qu'il faut adopter avec une personne,
je dois toujours garder le même avec cette per¬
sonne.
— Pourquoi n'allez-vous pas poser la question
au manager ? Vous êtes en train d'envisager de
modifier votre style de leadership à mesure que la
compétence et l'engagement de votre interlocu¬
teur augmentent, et c'est exactement ce que tous
les dirigeants de la maison essaient de faire. D'ail¬
leurs, il faut encore qu'il vous montre comment
les trois secrets du manager — la minute des
objectifs, la minute de félicitation et la minute de
critique — servent en fait de base à tout le concept
du leadership adaptatif. Il le fera avec grand plai¬
sir.
— Je serais ravie de l'entendre, dit la jeune
femme, mais il est déjà 5 heures et je crois que je
reviendrai demain matin. En tout cas, merci
beaucoup pour votre aide.
— C'est moi qui ai eu grand plaisir à vous
rencontrer, dit Alice Turpin.
Les secrets du leader adaptatif

Quand la jeune femme se présenta le lendemain


matin au bureau du manager, il l'attendait. Elle
lui parla aussitôt avec beaucoup d'enthousiasme
de ce qu'elle avait appris la veille et le manager en
fut enchanté.
— Je suis ravi de vous voir aussi intéressée,
dit-il. Avez-vous d'autres questions à me poser ?
— Alice Turpin m'a dit que vous aimez beau¬
coup révéler les liens réels entre la minute du
succès et le leadership adaptatif.
— Comment pensez-vous que tout cela s'arti¬
cule ? demanda-t-il.
— Ce que vous faites en ce moment s'appelle
« épauler », dit la jeune femme en souriant.
Merci beaucoup, mais je crois que j'ai besoin
d'une direction un peu plus précise pour l'ins¬
tant. Il me semble toutefois que ces deux
concepts gagnent en dynamisme quand on les
combine.
— Je suis tout à fait d'accord là-dessus, dit le
70 Le leader et la minute du succès

manager. Voyons d'abord comment se présente


la minute des objectifs, car des objectifs clairs et
nets sont essentiels, quel que soit le niveau de
développement atteint. Votre discussion avec
Alice Turpin vous a peut-être donné la conviction
que chacun se situe à un niveau de développe¬
ment donné — que ce soit Dl, D2, D3 ou D4 —
pour l'ensemble du travail à faire. Pourtant, ce
n'est pas vrai. En réalité, bien des gens sont à des
stades plus avancés pour certains aspects de leurs
fonctions que pour d'autres. Ils sont capables de
travailler de manière indépendante et autonome
pour certaines tâches, alors qu'ils ont besoin par
ailleurs d'une direction et d'une assistance accen¬
tuées. Le niveau de développement doit donc
toujours être apprécié en fonction d'un objectif
ou d'une tâche spécifique. Quel que soit votre
interlocuteur, il est impossible de déterminer sa
compétence ou son engagement sur un plan
général, on ne peut que chercher à définir son
niveau de développement pour l'accomplisse¬
ment de quelque chose de précis.
— Vous voulez dire que l'on se situe à un
niveau de développement différent selon la tâche
ou l'objectif que l'on vous attribue ? s'étonna la
jeune femme, qui tout d'un coup se souvint de sa
conversation avec Jean Delaporte.
Des traitements différents pour un
même patient

— Exactement, dit le manager. Après avoir


déterminé avec un de vos subordonnés un cer¬
tain nombre d'objectifs, trois à cinq, vous pouvez
être amenée à faire appel à des styles de leaders¬
hip différents pour superviser sa performance
dans ces différents domaines. Prenons pour
exemple un ingénieur compétent et sûr de lui
quant aux aspects techniques de ses fonctions,
mais qui n'a pas encore démontré le même degré
de développement lorsqu'il s'agit de questions
budgétaires. On peut donc tout à fait imaginer
que vous, supérieur hiérarchique de cet ingé¬
nieur, adoptiez un style de délégation pour les
” problèmes techniques et un comportement très
directif, avec une surveillance étroite, pour le
budget de l'ingénieur.
— C'est très intéressant, dit la jeune femme.
C'est ce que vous faites avec Delaporte, n'est-ce
pas ?
— Vous avez raison.
72 Le leader et la minute du succès

— Le leader adaptatif ne se contente donc pas


d'adapter le traitement au patient, il utilise dans
bien des cas des traitements différents pour le
même patient en fonction de la tâche, dit-elle.
— C'est tout à fait vrai, dit le manager. Je vais
vous en donner un exemple pris sur le vif, celui
de mon fils Thomas. Voici quelques années,
quand il était en 8e, le directeur de son école nous
a prévenus qu'il avait deux ou trois ans d'avance
sur sa classe en lecture, mais deux ou trois ans de
retard en maths. J'ai donc appelé un de ses pro¬
fesseurs.
— Comment cela, un de ses professeurs ?
— Thomas était dans une école « moderne » :
sa classe comptait cent dix enfants, rassemblés
dans un vaste local très aéré, avec quatre ou cinq
professeurs.
J'ai commencé par lui demander : « Est-ce que
vous traitez Thomas différemment pour la lecture
et pour les maths ? — Que voulez-vous dire ?
— Expliquez-moi comment se passe une classe
de lecture. — Vous voyez ces casiers avec des
dossiers sur le mur du fond ? Chaque enfant a un
dossier de lecture. Quand c'est l'heure de la lec¬
ture, ils vont chercher leur dossier, le rapportent
à leur place et se mettent à lire à l'endroit où ils se
sont arrêtés la dernière fois. S'ils ont une question
à poser, il leur suffit de lever la main et l'un
d'entre nous va les aider. »
Quel style de leadership pensez-vous qu'ils
appliquaient avec Thomas pour la lecture ?
demanda le manager.
— Déléguer, répondit la jeune femme. On le
laissait prendre son dossier et décider du moment
où il avait besoin d'aide.
Des traitements différents pour un même patient 73

— A quel niveau de développement pensez-


vous qu'il était parvenu pour la lecture ?
— D4, probablement.
— Vous avez raison. Il adorait la lecture et il
lisait très bien. Déléguer était donc le style tout à
fait approprié dans ce domaine.
Et puis j'ai demandé au professeur : « Com¬
ment faites-vous en maths ? — Regardez les
casiers sur l'autre mur. Chaque enfant a son dos¬
sier de maths. Quand c'est l'heure du cours de
maths, les enfants vont chercher leur dossier, le
rapportent à leur place et reprennent leurs exer¬
cices de maths à l'endroit où ils se sont arrêtés la
dernière fois. S'ils ont une question à poser, ils
n'ont qu'à lever la main et l'un d'entre nous va
les aider. — Et quel est le résultat avec Thomas ?
— Épouvantable ! Il nous inquiète beaucoup.
— Ajuste titre ! Je suis très déçu de la façon dont
vous le faites travailler en maths. Est-ce qu'on ne
vous a jamais appris qu'il pouvait être nécessaire
de modifier votre style d'enseignement en fonc¬
tion des matières, avec le même enfant ? »
A votre avis, quel style de leadership appli¬
quaient-ils avec Thomas pour les maths ?
— Déléguer, dit la jeune femme.
— Et à quel niveau de développement pensez-
vous qu'il était parvenu ?
— Un niveau probablement beaucoup plus
bas.
— Exactement. Il était en D2. Il n'aimait pas
les maths parce qu'il n'était pas très bon en maths
et de ce fait, déléguer ne fonctionnait pas avec lui.
En fait, il s'agissait plus d'une abdication que
d'une délégation.
— Je leur ai alors demandé lequel avait la
74 Le leader et la minute du succès

réputation d'être le professeur le plus classique.


C'est un professeur d'un certain âge. Madame
Guichard, qui m'a souri. Elle avait déjà trente ans
d'enseignement derrière elle quand son école
avait adopté, selon ses propres termes, « ce nou¬
veau système absurde ». Je me souviens d'être
passé un jour devant la classe de Madame Gui¬
chard, quand elle enseignait dans une petite école
élémentaire sans réfectoire. Il était midi et quart,
la porte était ouverte, et trente gamins de huit
ans, assis bien sages à leur pupitre, déjeunaient
en écoutant un disque de Beethoven.
— Vous avez dû voir là une nouvelle défini¬
tion du terme « contrôler », dit la jeune femme.
— Ah oui, c'est bien vrai, répondit-il en sou¬
riant. Madame Guichard était un parfait exemple
de style de leadership très directif. Il y avait une
autre classe de 8e juste à côté. La porte était fer¬
mée, mais à travers la vitre, j'ai pu jeter un coup
d'œil : on se serait cru dans un zoo. Les gamins
couraient dans tous les sens, sautaient sur les
chaises et les tables. Le professeur, Madame
Leroy, une personne absolument merveilleuse,
les serrait dans ses bras, les embrassait, dansait
avec eux. Cela paraissait d'une gaîté merveil¬
leuse. Quel contraste !
Est-ce qu'à votre avis Madame Leroy aurait été
un bon professeur de lecture pour Thomas ?
— Bien sûr, dit la jeune femme.
— Pourquoi ?
— Parce qu'il n'avait pas besoin de professeur
de lecture, dit-elle en souriant.
— Voilà. Quand on sait ce que l'on a à faire, on
n'a pas besoin de patron.
— Mais s'il en faut un, dit la jeune femme en
Des traitements différents pour un même patient 75

riant, quelle merveille d'en trouver un aussi cha¬


leureux et sympathique que Madame Leroy !
— Pour en revenir à notre exemple, j'ai donc
dit à Madame Guichard : « Thomas n'est pas bon
en maths. Pourriez-vous l'aider ? — Mais oui,
sûrement. — Comment feriez-vous ?
— Tout aurait été beaucoup plus facile, m'a dit
Madame Guichard, si je l'avais pris en main dès le
début. J'ai l'impression qu'à présent il est décou¬
ragé parce que c'est plus difficile qu'il ne le pen¬
sait et qu'il n'obtient pas de bons résultats. Je
pense qu'à l'heure des maths, il faudrait aller
prendre Thomas par la main et lui dire : « Viens,
c'est l'heure des maths, allons chercher ton dos¬
sier ». Je pense que la plupart du temps il ne
prend même pas le sien, il doit en profiter pour
prendre ceux de ses copains absents pour mettre
un peu de désordre. Ensuite, je le ramènerais à sa
place et je lui dirais : « Thomas, je veux que tu
me fasses les problèmes 1 à 3, et je reviendrai
dans 5 ou 10 minutes pour voir tes réponses. Je
suis sûre que si nous travaillons comme ça tous
les deux, tu deviendras meilleur em maths ».
— Voilà exactement ce dont il a besoin ! Vou¬
lez-vous avoir la gentillesse de vous occuper de
lui ? »
Et elle l'a fait, ajouta le manager.
— Est-ce que Thomas est devenu plus fort en
maths, ainsi entraîné par Madame Guichard ?
— Mais oui, vous pouvez me croire. Mais
avez-vous l'impression que cette surveillance, ce
contrôle constant lui aient plu ?
— Non, dit la jeune femme.
— A mon grand regret, je suis obligé de déce¬
voir sur ce point tous les humanistes de la terre.
76 Le leader et la minute du succès

dit le manager : aucuh apprentissage ne se fait


sans mal.
— Ce que vous êtes en train de m'expliquer,
dit la jeune femme, c'est que lorsqu'une per¬
sonne ne possède pas les compétences nécessai¬
res pour une tâche particulière, il faut que quel¬
qu'un dirige, contrôle et supervise son
comportement; et si de surcroît l'engagement est
faible, il faut aussi lui apporter assistance et
encouragement.
— Fort heureusement pour Thomas, ajouta le
manager, il ne restait plus que trois mois avant la
fin de Tannée scolaire. Quelle était, à votre avis, la
principale faiblesse de Madame Guichard ?
— Elle était capable de changer de style pour
entraîner au lieu de commander, mais elle n'au¬
rait jamais pu se mettre à encourager ou à délé¬
guer, dit la jeune chef d'entreprise. Elle était mer¬
veilleuse pour le démarrage, mais dès que les
enfants avaient acquis un peu de capacité en
maths, elle refusait de leur laisser prendre la res¬
ponsabilité de leur apprentissage.
(TRÈS) LE STYLE DU LEADER
COMPORTEMENT
ENCOURAGEANT

(PEU)•*-COMPORTEMENT DIRECTIF-► (très)

ÉLEVÉ MODÉRÉ BAS

D4 D3 D2 DI

DÉVELOPPÉ-*-►EN DÉVELOPPEMENT

NIVEAU DE DÉVELOPPEMENT DES


SUBORDONNÉS
Développer la compétence et
l'engagement personnel

L/exemple de Thomas illustre clairement que le


niveau de développement dépend de la tâche ou
de l'objectif, poursuivit-elle, mais aussi qu'un
style de leadership particulier, convenant à mer¬
veille pour une certaine personne à un certain
moment, peut être tout à fait inadéquat plus tard
avec la même personne.
— C'est absolument vrai, dit le manager, et
surtout quand il s'agit de diriger et d'en¬
traîner. Votre objectif de dirigeant doit être
l'augmentation graduelle de la compétence et de
la confiance de vos subordonnés, pour pouvoir
adopter des styles moins prenants — épauler et
déléguer — tout en continuant d'obtenir les meil¬
leurs résultats.
— Mais comment se produit cette transforma¬
tion du style ?
— Regardons d'abord un modèle de leaders¬
hip adaptatif qui fait apparaître les rapports entre
le niveau de développement et le style de leaders¬
hip.
Développer la compétence et Vengagement personnel 19

La jeune femme étudia en silence le schéma


puis leva les yeux.
— Puisqu'on peut tirer un trait reliant D1 à S1,
D2 à S2, D3 à S3 et D4 à S4, le passage de la
connaissance du niveau de développement de
quelqu'un pour une tâche particulière à l'adapta¬
tion du style de leadership ne paraît pas très
difficile avec ce modèle.
— Absolument, dit le manager. Mais laissez-
moi vous faire une autre suggestion. Quand vous
en serez à déterminer le style qu'il faut appliquer
pour chaque niveau de développement, n'ou¬
bliez pas que c'est au leader de faire ce que ses subor¬
donnés ne peuvent pas faire à ce moment-là. Avec un
Dl, fortement engagé mais faiblement compé¬
tent, le leader doit être directif (SI — diriger);
avec un D2, qui manque à la fois de compétence
et d'engagement, le leader doit fournir la direc¬
tion et l'encouragement (S2 — entraîner). Un
D3 possède la compétence mais son engagement
est de valeur variable, il faut donc que le leader
l'encourage (S3 — épauler); et comme un D4
possède à la fois la compétence et l'engagement,
le leader n'a plus dans ce cas à fournir ni direction
ni encouragement (S4 — déléguer).
— C'est un conseil utile. Mais que signifie
cette courbe qui traverse les quatre styles ?
— C'est ce que nous appelons la courbe de
performance, dit le manager. A mesure que le
niveau de développement passe de Dl à D4, la
courbe montre comment le style du dirigeant
passe de S1 (diriger) à S4 (déléguer), avec d'abord
une augmentation de l'encouragement (S2), puis
une diminution de la direction (S3), et enfin une
diminution de l'encouragement (S4). Une per-
80 Le leader et la minute du succès

sonne qui se situe en D4 est capable de diriger et


de soutenir de plus en plus son propre travail.
C'est au stade de cette transformation du style
que le second secret de l'art du manager — la
minute de félicitation — entre en jeu. Nous
allons, si vous le voulez bien, passer rapidement
en revue les cinq étapes à franchir pour dévelop¬
per la compétence et la faculté d'engagement
personnel.
— Je parie que la première étape consiste à
leur dire ce qu'ils doivent faire.
— Exactement, dit le manager. La seconde
étape consiste à leur montrer ce qu'ils doivent
faire, à établir un modèle de comportement.
Lorsqu'une personne sait ce qu'elle doit réaliser,
elle a besoin de savoir aussi à quoi ressemble un
bon résultat. Elle a besoin de savoir quels sont les
critères de performance.
— Ces deux étapes, dire et montrer, sont bien
les clés de la minute des objectifs, n'est-ce pas ?
demanda la jeune femme.
— Oui. Montrer et dire sont aussi des compor¬
tements directifs.
— La formation débute donc en général dans
une ambiance de comportement directif.
— Mais oui, c'est vrai. Et lorsque les objectifs
et les directions sont bien définis, la troisième
étape du développement de la compétence et de
l'engagement des autres consiste à les laisser
essayer.
— Mais il ne faut quand même pas leur laisser
endosser trop tôt des responsabilités trop impor¬
tantes, n'est-ce pas ? La jeune femme était un
peu étonnée.
— Non, dit le manager. Le risque doit rester
Développer la compétence et l'engagement personnel 81

raisonnable. Cela nous conduit à la quatrième


étape, qui est l'observation des performances.
Lorsqu'on applique un style directif, il faut suivre
de près et contrôler fréquemment les performan¬
ces.
— J'ai l'impression que bien des dirigeants
oublient cette étape.
— Vous avez absolument raison. Les diri¬
geants ont la mauvaise habitude d'embaucher du
personnel, de lui dire ce qu'il faut faire, puis de le
laisser livré à lui-même en comptant sur des per¬
formances de qualité. En d'autres termes, tous
ces dirigeants ne délèguent pas, ils abdiquent.
— Mais, dit la jeune femme, si ceux que l'on
embauche ne sont pas à la fois compétents et
engagés, ils risquent fort d'échouer ou du moins
de ne pas obtenir des résultats correspondant aux
attentes de leur supérieur hiérarchique. Dans ce
cas, la plupart des dirigeants, furieux et déçus,
veulent savoir pourquoi les choses ne sont pas
faites, ou pas bien faites. Et si le personnel a pu
croire qu'on le laissait tranquille parce que le
dirigeant jugeait que tout allait bien, ces ques¬
tions paraissent anormales.
— Cela vous montre bien que négliger cette
étape d'observation peut être désastreux, dit le
manager. C'est pour cela que nous aimons dire
ici :
Suivez mieux

et

vous obtiendrez plus


Développer la compétence et l'engagement personnel 83

— Je parie que l'objectif de votre suivi et de


votre contrôle, c'est de les surprendre à faire
quelque chose de bien, et pas quelque chose de
mal.
— C'est pour cela que la cinquième étape du
renforcement de la compétence et de l'engage¬
ment personnel consiste à féliciter celui qui pro¬
gresse.
— La félicitation est donc le moyen qui permet
à vos collaborateurs de passer d'un niveau de
développement au suivant, de DI à D2, puis de
D2 à D3, dit la jeune chef d'entreprise, jusqu'à ce
que l'assistance du patron leur devienne de
moins en moins nécessaire.
— Laissez-moi vous montrer un graphique
illustrant exactement ce que vous venez de dire
— la manière dont un dirigeant modifie son com¬
portement à mesure que s'améliore la perfor¬
mance de son équipe, dit le manager. Il prit sur
son bureau une feuille de papier qu'il tendit à la
jeune femme.
(très) LE STYLE DU LEADER
COMPORTEMENT
-ENCOURAGEANT

ÉLEVÉ MODÉRÉ BAS

D4 D3 D2 DI

DÉVELOPPÉ-4--►EN DÉVELOPPEMENT

NIVEAU DE DÉVELOPPEMENT DES


SUBORDONNÉS
Développer la compétence et l'engagement personnel 85

— Les échelons tracés sur la partie ascendante


de la courbe montrent que le dirigeant dirige de
moins en moins à mesure que son subordonné
apprend. Initialement, il doit fournir une assis¬
tance plus importante, mais peu à peu il réduit cet
apport, comme l'indiquent les échelons tracés sur
la partie descendante de la courbe.
— Mais comment un dirigeant peut-il réduire
son comportement d'assistance ? dit-elle avec
étonnement. D'où l'aide viendra-t-elle ?
— L'aide va leur venir d'eux-mêmes ou de
leurs collègues, dit le manager.
— Quand un dirigeant adopte un style de lea¬
dership qui le conduit à déléguer, cela veut-il dire
qu'il ne fournit plus ni direction ni encourage¬
ment à la personne qu'il supervise ?

— C'est un peu trop catégorique. Même un


leader qui délègue continue à diriger et à encou¬
rager dans une certaine mesure. Mais les gens
suffisamment compétents et possédant assez de
confiance en eux pour atteindre un niveau de
performance élevé, c'est-à-dire ceux qui se
situent en D4, sont généralement capables de
diriger leur propre comportement et savent aussi
se surprendre à faire les choses bien, car ils ont
appris à évaluer leur propre performance.
— En tant que manager, avez-vous donc pour
principe stratégique de changer de style de lea¬
dership au fil du temps, pour passer de diriger à
entraîner puis à épauler et enfin à déléguer, à
mesure que la performance s'améliore ?
— Oui, dit le manager, le plus souvent possi¬
ble. Mais s'il n'y a pas de progrès, je suis obligé de
86 Le leader et la minute du succès

revenir en arrière et de recommencer à diriger


jusqu'à ce qu'il y ait amélioration. Mon objectif
est pourtant de modifier peu à peu mon style de
leadership jusqu'à ce que mon équipe soit capa¬
ble d'effectuer toutes ses tâches au mieux, de
manière indépendante, avec le minimum de sur¬
veillance ou d'encouragement de ma part.
Le vrai succès du leader

c'est quand chacun s'écrie

« J'y suis arrivé seul ! »


88 Le leader et la minute du succès

— Voilà un objectif que je vais certainement


chercher à atteindre avec mon équipe, après tout
ce que je viens d'entendre en discutant avec vous
et avec vos collaborateurs, dit la jeune femme.
Mais j'ai encore une question à vous poser : que
faites-vous, dans les premiers temps, lorsque
vous cherchez à améliorer le niveau de dévelop¬
pement de quelqu'un et que ses performances
restent très loin de l'objectif fixé ? Est-ce que
vous usez encore de félicitations ?
— Non, dit le manager.
— Est-ce que vous ignorez ces résultats insuf¬
fisants ?
— Non, dit le manager. A ce moment-là, il faut
revenir à la détermination des objectifs. Il faut
dire : « Je me suis trompé. J'ai dû vous demander
de faire une chose que vous n'avez pas comprise.
Nous allons repartir à zéro. »
— Vous voulez dire que vous admettez votre
erreur et que vous cherchez à diriger cette per¬
sonne d'une manière différente ?
— Absolument. Lorsque l'on cherche à former
quelqu'un, il faut savoir non seulement le félici¬
ter, mais aussi reconnaître ses propres erreurs.
— En somme, vous vous sentez réellement
concerné, vous allez admettre que vous vous êtes
trompé et vous allez reprendre en main l'orienta¬
tion de votre subordonné. Mais que se passera-
t-il si vous êtes obligé de conserver indéfiniment
cette attitude directive, si le subordonné n'a pas
l'air d'améliorer beaucoup sa performance ?
— Au bout d'un certain temps, dit le manager,
il faudra entamer avec cette personne une
conversation sérieuse sur son plan de carrière et
envisager un changement de poste.
Développer la compétence et l'engagement personnel 89

— Ah, c'est intéressant, dit la jeune femme


avec un sourire. Il existe donc des gens que l'on
ne peut former à l'exécution de certaines tâches.
— Sans aucun doute.
— Je crois que je commence à voir comment la
minute des objectifs et la minute de félicitation
s'articulent avec le leadership adaptatif, dit la
jeune chef d'entreprise. Le concept du niveau de
développement n'étant pas général mais spéci¬
fique à chaque tâche, la minute des objectifs et
l'analyse de ce niveau vont de pair. Mais com¬
prendre le niveau de développement d'une per¬
sonne peut aussi aider le dirigeant à mettre au
point des critères de performance plus raisonna¬
bles. Par ailleurs, le bon usage de la minute de
félicitation est la clé du développement des
subordonnés. C'est le moyen qui permet de
transformer graduellement le style de leadership,
pour passer des comportements directifs tels que
diriger et entraîner à des comportements non
directifs comme épauler et déléguer. Mais à quel
moment la minute de critique entre-t-elle en
jeu ?
Résoudre les problèmes de
performance

-N' oubliez pas que la minute de critique est


réservée aux D4 et aux D3, à la limite aux D2, dit
le manager, c'est-à-dire aux personnes compé¬
tentes et engagées mais dont la performance a
récemment faibli. La critique n'est pas un outil de
formation, c'est un moyen de résoudre les pro¬
blèmes de motivation et d'attitude. Si vous utili¬
sez la minute de critique avec un Dl, il risque de
perdre toute motivation, de ne plus vouloir faire
le moindre effort. Il faut au contraire l'appliquer
aux subordonnés compétents qui ont perdu de
l'intérêt pour leur tâche.
— La critique n'est donc pas pour vous un
moyen d'enseigner une capacité, mais vous pen¬
sez qu'elle peut remettre dans le droit chemin un
employé performant dont l'attitude à l'égard de
son travail se détériore ?
— C'est cela. Mais attention, avant de criti¬
quer, il faut vous assurer de connaître tous les
faits et vérifier qu'il n'y ait pas de circonstances
Résoudre les problèmes de performance 91

atténuantes. Une baisse de performance est par¬


fois due à une perte d'assurance — si la tâche est
plus compliquée qu'on ne le prévoyait, par
exemple. Dans ce cas, il ne faut pas critiquer, mais
apporter support et encouragement, et un peu de
direction au besoin.
— On dirait que vous recommandez, pour un
collaborateur dont la performance est en général
bonne, de déléguer un peu moins et de commen¬
cer à épauler, tout en écoutant et en rassemblant
des données. Ensuite, si les résultats restent insa¬
tisfaisants, vous conseillez un style d'entraîne¬
ment, avec une supervision plus étroite et des
délais d'évaluation plus rapprochés, avant d'en
venir à diriger. Êtes-vous toujours partisan d'un
retour en arrière progressif, d'un style à l'autre ?
— Dans la plupart des cas, dit le manager. En
fait, si vous rassemblez en bavardant avec votre
collaborateur des renseignements nouveaux qui
expliquent sa contre-performance, vous pouvez
toujours revenir au style de délégation sans avoir
entamé en rien vos relations avec cette personne.
Mais si vous passez directement de la délégation
au commandement, vous ne faites que revenir à
l'approche du style goéland. Et la contre-perfor¬
mance s'expliquant, vous vous en mordez les
doigts.
— Voyons si j'ai correctement résumé tout
cela, dit la jeune femme, en montrant au mana¬
ger trois fiches pense-bête qu'elle avait rédigées à
partir de ses notes.
Les secrets du leader adaptatif :
résumé

LES OBJECTIFS orientent la performance


dans la bonne direction et permettent au diri¬
geant d'analyser la compétence de chaque per¬
sonne et son engagement à donner le meilleur de
lui-même, c'est-à-dire son niveau de développe¬
ment.

LES FÉLICITATIONS stimulent les progrès


dans les niveaux de développement individuels
et permettent au dirigeant de passer progressive¬
ment d'un style de leadership plus directif (diri¬
ger) à un style moins directif et plus encoura¬
geant (entraîner, épauler), puis à la délégation.

LES CRITIQUES mettent un terme à une per¬


formance insuffisante et peuvent impliquer pour
le dirigeant un retour graduel d'un style moins
directif et moins encourageant (déléguer) à un
style plus encourageant (épauler) ou plus directif
(entraîner et diriger).
Résoudre les problèmes de performance 93

Les trois secrets


de la minute du succès
sont la dynamique
du leadership adaptatif

— Voilà un excellent résumé, dit le manager.


— Bon, dit la jeune femme. J'ai donc appris ce
que sont adaptabilité et diagnostic. Voyons un
peu ce troisième talent du leader adaptatif, la
négociation.
— La négociation est essentielle au bon fonc¬
tionnement de l'ensemble du système, dit le
manager. L'une des difficultés que nous rencon¬
trons avec ceux qui apprennent à être des leaders
adaptatifs est qu'ils entament la mise en œuvre
de ces concepts sans en parler à personne. Imagi¬
nons, par exemple, que pour une tâche particu¬
lière, je juge que vous êtes au niveau de dévelop¬
pement D4, c'est-à-dire compétente et engagée.
Je n'ai donc pas besoin de passer beaucoup de
temps avec vous. Il se pourrait que je cesse tout à
fait de venir vous voir, mais quelle serait votre
opinion au bout de quelque temps ?
— J'aurais l'impression que quelque chose ne
va pas, répondit la jeune chef d'entreprise, que
vous ne vous intéressez plus à ce que je fais. Je me
sentirais négligée, peu estimée.
— Et voilà ! Et ce serait la même chose pour les
gens situés à l'autre extrémité, les gens très
inexpérimentés. Si je décidais, par exemple,
qu'ils ont besoin d'être dirigés de près et que je
passais mon temps à leur dire ce qu'il faut faire,
comment et quand, quel serait leur sentiment ?
94 Le leader et la minute du succès

— Ils penseraient sans doute que vous leur en


voulez, que vous n'avez pas confiance en eux.
— Et si l'un d'entre eux vous croisait dans le
hall, et vous entendait dire que vous ne m'avez
pas vu depuis un mois, il vous répondrait sans
aucun doute : « Pas étonnant — il passe tout son
temps dans mon bureau ». Ce serait tout à fait
normal. Mais de ce fait, un excellent diagnostic et
un style de leadership parfaitement approprié se
verraient mal interprétés parce que je n'aurais
expliqué ni à l'un ni à l'autre les raisons de mon
comportement. Vous, personne expérimentée et
de talent, auriez l'impression d'avoir fait quelque
chose de mal, et le collaborateur inexpérimenté
penserait probablement que je ne lui fais pas
confiance. Imaginons à présent que nous ayons
discuté de la chose, que nous ayons décidé
ensemble que vous n'avez pas vraiment besoin
d'être supervisée et que déléguer est le style de
leadership qui vous convient le mieux. Ne me
voyant pas dans votre bureau, que penseriez-
vous ?

— Cela me paraîtrait normal, puisque je sau¬


rais pourquoi vous ne venez pas. Cette absence de
surveillance serait en fait un compliment à
l'égard de mes compétences et de mes capacités.
— Exactement, dit le manager. Et quelle serait
à votre avis l'opinion de la personne inexpéri¬
mentée qui me verrait sans cesse dans son
bureau ?
— Elle se sentirait parfaitement à l'aise parce
qu'elle saurait que cette direction, cette surveil¬
lance étroite, sont destinées à lui permettre de
Résoudre les problèmes de performance 95

développer ses capacités. Vous arriveriez finale¬


ment à pouvoir la laisser travailler seule, dit la
jeune femme.
— Il est absolument essentiel que tout le
monde sache ce qui se passe, dit le manager. C'est
pour cela que nous avons résumé l'ensemble du
concept en une phrase :
Le leader adaptatif

n 'impose pas,

il propose
Partager ce que l'on fait

— Voilà une formule qui me rassure, dit la


jeune chef d'entreprise.
— Moi aussi, dit le manager, il m'est arrivé de
penser que mon rôle de dirigeant était de tout
faire moi-même. La négociation m'a permis de
me débarrasser de ce souci.
— Qui pourrait m'en dire plus sur la négocia¬
tion du style de leadership ?
— Pourquoi n'allez-vous pas voir Michel
Sayard, notre directeur du personnel ? dit le
manager. C'est lui qui a mis sur pied notre sys¬
tème d'évaluation des performances et je crois
qu'il est mieux qualifié que n'importe qui pour
vous parler de la négociation.
— Cela me paraît tout à fait prometteur, et je
serais ravie d'en savoir plus.
Négocier le style de leadership

Dans le bureau de Michel Sayard, la jeune


chef d'entreprise découvrit un homme distingué,
souriant, qui lui dit : « Que puis-je faire pour
vous aider ? »
— Le manager m'a dit que personne mieux
que vous ne pourrait m'enseigner ce qu'est la
négociation, répondit-elle.
— Avec grand plaisir. Voyons si je vais réussir
à vous expliquer cela de la manière suivante.
L'évaluation des performances se divise en trois
parties :
1. Planification des performances
2. Aide et conseil quotidien
3. Évaluation proprement dite
La négociation fait partie de la planification des
performances, et c'est elle qui met en place le
dispositif d'aide et de conseil quotidien. Mais par
laquelle de ces trois étapes la plupart des entrepri¬
ses commencent-elles lorsqu'il s'agit de mettre au
Négocier le style de leadership 99

point un système d'évaluation des perfor¬


mances ?
— L'évaluation. La plupart des entreprises
demandent à leur service du personnel de conce¬
voir un formulaire d'évaluation de perfor¬
mances.
— Et puis, ajouta Sayard, quand le formulaire
est en place, on passe en général à la planification
des performances. C'est-à-dire que l'on recrute
quelqu'un pour aider le personnel à déterminer
ses objectifs. Et voilà tout le monde occupé à
remplir des carnets d'objectifs que personne ne
regarde jamais plus.
— Comme vous avez raison ! s'exclama la
jeune femme. Mais le concept de la minute des
objectifs a beaucoup amélioré les choses. Toute la
paperasse inutile disparaît lorsqu'on s'en tient à
trois, au maximum cinq objectifs.
— Mais l'évaluation des performances com¬
porte trois étapes, dont l'une est presque toujours
négligée dans les entreprises : de laquelle s'agit-
il ?
— L'aide et le conseil quotidien.
— Exactement, dit Sayard, c'est sans doute la
plus importante, et pourtant, la plupart des diri¬
geants et des entreprises l'oublient. Cela me rap¬
pelle l'école et mon professeur préféré. Il était
profondément conscient de l'importance de
* l'aide et du conseil quotidien. Tous les ans, il avait
des ennuis avec le directeur et les autres profes¬
seurs parce qu'il distribuait, le premier jour des
cours, le texte des examens de fin d'année. Tout
le monde s'en prenait à lui : « Mais que faites-
vous ? — Quoi ? répondait-il, confus. — Vous
le faites exprès, lui disait-on. — Je croyais que
100 Le leader et la minute du succès

nous étions là pour enseigner quelque chose.


— Bien sûr que vous êtes là pour enseigner, mais
ce n'est pas une raison pour donner à l'avance les
questions d'examen. — Non seulement je vais
leur donner les questions d'examen, mais devi¬
nez ce que je vais faire pendant tout le tri¬
mestre ? »
— Leur enseigner les réponses aux questions !
dit la jeune femme en riant.
— Absolument, dit Sayard, et au moment de
l'examen de fin d'année, tous ses élèves avaient
d'excellentes notes parce qu'ils connaissaient les
réponses.
— En somme, votre professeur voulait que ses
élèves soient gagnants.
— Et voilà, c'est le secret de l'aide et du conseil
quotidien : il faut savoir répondre aux besoins de
ceux que l'on supervise. Lorsque vos collabora¬
teurs ont bien défini leurs objectifs (c'est-à-dire
quand ils connaissent les questions de l'examen
final), c'est à vous qu'il appartient de faire tout
votre possible pour les aider à y parvenir (c'est-
à-dire à apprendre les réponses) pour qu'ils puis¬
sent obtenir les meilleurs résultats au moment de
l'évaluation des performances (c'est-à-dire de
l'examen final).
— C'est un bien bel exemple de situation
« gagnant-gagnant », dit la jeune femme, mais
quel est le rapport avec la négociation du style de
leadership ?
— Je vous l'ai dit, c'est la négociation qui met
sur pied le système d'aide et de conseil quotidien,
dit Sayard.
— Mais par quel moyen ?
— Comme le reste, tout commence par la défi-
Négocier le style de leadership 101

nition des objectifs. Supposons que vous soyez


responsable de la gestion des salaires. Nous com¬
mencerions par identifier chacun de notre côté
trois à cinq objectifs clés de votre activité, puis
nous définirions des critères de performance
pour chacun de ces objectifs, sur les trois à six
mois à venir.
— Est-ce qu'après avoir identifié séparément
les objectifs, nous aurions une réunion pour nous
mettre d'accord ?
— Bien sûr, dit Sayard. Vous auriez évidem¬
ment plus à dire sur les objectifs correspondant
aux tâches pour lesquelles vous vous situez en D3
ou D4, c'est-à-dire pour lesquelles vous avez à la
fois l'expérience et la connaissance. C'est moi qui
prendrais l'initiative pour les cas où vous seriez
en DI ou D2.
— J'imagine qu'il faudrait nous mettre d'ac¬
cord non seulement sur mes domaines de respon¬
sabilité, mais aussi sur les critères de performance
de chacun de ces domaines, dit la jeune femme.
— Vous avez raison. Il faudrait nous mettre
d'accord sur ce qu'est un travail acceptable. Et
puis il faudrait définir nos objectifs pour que cha¬
cun d'eux soit MALIN.
— MALIN ? Qu'est-ce que cela veut dire ?
— MALIN, comme M.A.L.I.N. ! D'abord, M
comme mesurable. Un dirigeant doit pouvoir
apprécier les progrès accomplis, donc vérifier fré¬
quemment la performance, en définissant un sys¬
tème de mesure clair et net.
— C'est un peu comme dans la minute des
objectifs, dit-elle. Un subordonné a besoin de
savoir comment sa performance sera jugée et à
quoi ressemble un travail bien fait.
102 Le leader et la minute du succès

— Exactement. Ensuite, A comme accessible :


il faut que les objectifs soient raisonnables, et cela
dépend de ce qui s'est produit jusque-là.
La jeune femme intervint avec enthousiasme.
— Trop souvent, les entreprises fixent des
objectifs absolument inaccessibles. Je sais que
chez moi, je lutte beaucoup pour l'éviter. Je vois
bien où je voudrais parvenir, mais c'est sans
doute peu réaliste pour les premières années. Il
doit en être de même quand il s'agit des individus.
On a envie d'en tirer le meilleur parti, mais il ne
faut pas rendre les objectifs trop ambitieux, parce
qu'alors il devient impossible d'espérer les attein¬
dre et cela risque d'être décourageant.
— C'est vrai. La lettre suivante, c'est L, comme
logique : il faut que les objectifs soient pertinents,
appropriés. Vous n'avez sûrement pas oublié que
80 % des résultats que l'on peut obtenir provien¬
nent de 20 % des activités de ceux qui vous
entourent. Un objectif est donc logique s'il
concerne une activité capable de faire une diffé¬
rence réelle dans la performance globale.
Et enfin, mais c'est peut-être le plus important,
nous avons IN, comme individuel.
— Que voulez-vous dire ?
— Je veux dire qu'un objectif doit être parfai¬
tement spécifique et correspondre à une respon¬
sabilité individuelle bien définie, qui apparaisse
clairement dans son énoncé. Il importe de déter¬
miner avec précision quelle est la responsabilité
de chacun.
— Voilà un excellent programme, dit la jeune
femme. MALIN — c'est facile à mémoriser et
sûrement très utile. Mais dites-moi, que se passe-
t-il en cas de désaccord sur l'un des objectifs, si le
Négocier le style de leadership 103

dialogue ne permet pas de résoudre le pro¬


blème ? Qui décide ?
— C'est la règle d'or, dit Sayard.
— La règle d'or ?
Michel Sayard éclata de rire.
— Celui qui détient l'or fait la règle ! C'est le
patron qui décide.
— Beaucoup de dirigeants abandonnent le
processus après la définition des objectifs,
n'est-ce pas ?
— Oui, et la direction par objectif devient alors
une simple excuse pour recourir au style goéland.
— C'est donc après avoir défini les objectifs et
être parvenu à un accord sur les mesures et les
critères de performance, dit la jeune femme, que
l'on en vient à la négociation sur le style de lea¬
dership.
— Oui. Toute mon équipe connaît à fond les
principes du leadership adaptatif. L'étape sui¬
vante de notre négociation consiste, pour vous et
pour moi, en une analyse individuelle de votre
niveau de développement pour chacun des
objectifs dont nous sommes convenus; il faudra
ensuite déterminer quel est le style de leadership
dont vous avez besoin pour réussir, c'est-à-dire
pour atteindre le niveau de performance sou¬
haité.
— Vous parlez d'analyse individuelle, dit la
* jeune femme étonnée, est-ce que cela veut dire
que je dois analyser de mon côté mon niveau de
développement ?
— C'est cela, vous de votre côté et moi du
mien. A notre rencontre suivante, il faudra nous
mettre d'accord sur votre compétence et votre
engagement à l'égard de chacun des objectifs et
104 Le leader et la minute du succès

sur le style de leadership qu'il vous faut. Par


exemple, imaginons que les trois principaux sec¬
teurs visés pour vous soient le développement de
stratégies, l'administration et la mise en œuvre. Il
nous faudrait définir des critères de performance
pour chacun de ces secteurs, séparément.
— Ensuite, vous me diriez quel est, à votre
avis, mon niveau de développement par rapport à
un critère en matière de stratégie, par exemple, et
je vous dirais ce qu'il est à mon avis ? demanda la
jeune femme.
— La règle veut qu'on se mette d'abord d'ac¬
cord sur qui parlera le premier. Si c'est vous, je
dois écouter votre analyse et ensuite, avant de
pouvoir vous donner mon opinion, je dois vous
répéter ce que je vous ai entendu dire.
— Cela permet d'être plus libre pour s'écouter
correctement l'un l'autre, dit-elle.
— Voilà, vous avez compris. Parce qu'en fait,
s'il y en a un des deux qui parle plus facilement, il
va dominer la discussion.
— Après nous être fait entendre tous les deux,
je suppose qu'on en vient à discuter des simili¬
tudes et des différences entre les deux analyses.
S'il est impossible de résoudre le conflit, est-ce
que c'est encore la règle d'or qui s'applique ?
— Non, pas ici. En matière d'analyse du
niveau de développement, c'est le subordonné
qui l'emporte. Si vous estimez, par exemple, que
vous êtes en D3 ou en D4 et qu'on peut vous
laisser travailler seul alors que de mon côté je
vous situe en D2 ou D1, et que je crois qu'il vous
faut une certaine surveillance, c'est votre juge¬
ment qui va s'appliquer, mais à une réserve près.
Il faut d'abord que nous nous mettions d'accord
Négocier le style de leadership 105

sur ce que doivent être les résultats du mois sui¬


vant, pour nous permettre à tous deux de bien
observer vos performances.
— Je vais sans doute me sentir obligée de tra¬
vailler comme une folle pendant un mois pour
vous prouver que j'ai raison.
— Et c'est exactement ce que je souhaite, dit
Sayard. Je veux que vous ayez raison.
— Après nous être mis d'accord sur mon
niveau de développement, allons-nous convenir
de la manière dont vous devez me superviser ?
— Oui. Quand le niveau de développement
est bien établi, le style de leadership se définit de
lui-même. Mais il faut aussi vous souvenir que
cette décision peut n'être que temporaire, puis¬
que vous devez aider vos subordonnés à prendre
peu à peu leur autonomie, à savoir se diriger et se
motiver eux-mêmes. Jetez donc un coup d'œil à
ce plan d'action pour négocier le style de leader¬
ship.
NÉGOCIATION DU STYLE DE LEADERSHIP
PLAN D'ACTION

1. COMMENCER
par

puis

2. DIAGNOSTIQUER
3. REPONDRE
par

puis
4. APPLIQUER
le style de leadership approprié

BONNE I PERFORMANCE
PERFORMANCE MÉDIOCRE

PROGRÈS ACCOMPLI RECUL TEMPORAIRE

continuer revenir à
vers

PLUS PLUS
D'ENCOURAGEMENT D'ENCOURAGEMENT
ET Déléguer (S4) à Épauler (S3)
MOINS DE DIRECTION _ou_

Diriger (SI) à Entraîner (S2) PLUS DE DIRECTION


ou
Épauler (S3) à Entraîner (S2)
Entraîner (S2) à Épauler (S3)
_ou_
ou

ÉVENTUELLEMENT
FINALEMENT MOINS
MOINS D'ENCOURAGEMENT
D'ENCOURAGEMENT
Entraîner (S2) à Diriger (SI)
au besoin
Épauler (S2) à Déléguer (S4)
REVENIR AU POINT DE
POURSUITE DU SUCCÈS, DÉPART,
DÉFINITION DE REVOIR, CLARIFIER ET
NOUVEAUX SE METTRE D'ACCORD
OBJECTIFS SUR LE(S) OBJECTIF(S)
108 Le leader et la minute du succès

Après avoir étudié le plan d'action, la jeune


chef d'entreprise demanda à Michel Sayard :
— Lors d'une négociation sur le style de lea¬
dership, vous ne vous contentez pas de dire que
vous allez déléguer ou entraîner, n'est-ce pas ?
— Non. Si nous convenons qu'il vous faut
pour un objectif particulier un style de déléga¬
tion, qui va se charger de la communication entre
nous ?
— C'est moi, dit-elle. Si j'ai besoin de quelque
chose, c'est à moi de faire appel à vous.
— Exact. La seule règle dans ce cas, c'est de
faire appel en temps utile, sans attendre qu'il soit
trop tard. Je ne veux pas avoir de surprises.
— Que se passera-t-il si nous avons convenu
que j'ai besoin d'être épaulée ?
— Nous allons sortir nos agendas, et je vais
vous demander : « Quel sera pour moi le meil¬
leur moyen d'identifier vos progrès et de vous en
féliciter — nous pourrions déjeuner ensemble
une fois par semaine, par exemple ? » Si nous
convenons de déjeuner ensemble, mon rôle sera
de vous écouter et de soutenir vos actions.
— Et si nous avons convenu qu'il faut m'en¬
traîner ?
— Là, c'est à moi que revient l'initiative. Je
vous dirai par exemple : « Nous allons prévoir
deux réunions par semaine, d'au moins deux
heures, pour travailler sur l'objectif où vous avez
besoin d'aide — que diriez-vous de lundi et mer¬
credi, de 13 h à 13 h ? » Si vous avez besoin
d'être dirigée, nous allons nous rencontrer
encore plus souvent.
— C'est donc le style de leadership une fois
défini, qui détermine le nombre, la fréquence et
Négocier le style de leadership 109

le type de réunions que vous avez avec vos colla¬


borateurs ?
La jeune femme était un peu étonnée.
— Mais oui, dit Sayard. Ce qu'il y a de bien
dans ce système, c'est qu'après avoir travaillé
ensemble à raison de deux heures, deux fois par
semaine, pendant un mois, je vais peut-être cons¬
tater que vous faites des progrès et que vous
commencez à obtenir de bons résultats sur cet
objectif. Vers quel style de leadership dois-je alors
m'orienter ?
— Épauler.
— Parfaitement. Je vais donc vous demander
comment vous souhaitez organiser vos minutes
de félicitations.
— Et si je continue à faire des progrès, allez-
vous peu à peu en venir à déléguer ?
— Mais oui. Je vais continuer à modifier mon
style de leadership aussi longtemps que vous allez
vous améliorer et vous développer, pour qu'en
fin d'année nous ayons non seulement un relevé
de vos performances, mais aussi la preuve de
votre évolution, et cette preuve nous sera donnée
par la modification de mon style.
— Je commence à comprendre pourquoi vous
dites que la négociation du style de leadership est
le secret du manager efficace, dit-elle. Y a-t-il
-d'autres choses que je devrais savoir ?
— Je crois que vous en savez assez. A présent,
il ne vous faut que le courage de mettre en pra¬
tique vos bonnes intentions.
— C'est plus facile à dire qu'à faire.
— Je vous suggère de faire une dernière visite
au manager. Lui saura comment renforcer votre
110 Le leader et la minute du succès

engagement personnel, dit Michel Sayard en


souriant.
— Quelle bonne idée ! dit la jeune femme. Et
grand merci de votre aide.
En regagnant le bureau du manager, elle prit
tout à coup conscience de la simplicité et de la
puissance de ce que Michel Sayard venait de lui
enseigner. Elle s'arrêta plusieurs fois en route
pour noter les idées qui lui traversaient l'esprit.
Le manager l'accueillit avec un sourire.
— Votre discussion avec Michel Sayard
s'est-elle bien passée ?
— Très bien, dit-elle. Je suis fascinée par l'in¬
telligence de cette idée de négocier le style de
leadership, et pourtant, c'est très différent de ce
que j'ai appris depuis tant d'années dans les cours
de gestion.
— Différent, mais en quoi ?
L'hypothèse est toujours positive

— Vous différenciez clairement l'attitude du


leader et ses sentiments à l'égard de ses collabora¬
teurs, du comportement qu'il adopte envers eux,
dit la jeune femme. On nous a toujours dit que
lorsqu'un manager applique un style de leader¬
ship directif, c'est sans doute qu'il considère ses
subordonnés comme paresseux, peu fiables et
irresponsables, et qu'il estime qu'une surveil¬
lance étroite leur est nécessaire. Quant aux
managers de style participatif, c'est qu'ils esti¬
ment leurs collaborateurs responsables et forte¬
ment motivés. Chez vous, je viens d'apprendre
que l'hypothèse de départ est toujours positive :
vous estimez que tout le monde possède le poten¬
tiel nécessaire pour devenir performant. Ce qui
change, c'est le comportement du manager, en
fonction des besoins de direction et d'encourage¬
ment de ses subordonnés.
— Le mot clé, c'est le potentiel, dit le manager.
— Et c'est ça qui est beau. A présent, si
112 Le leader et la minute du succès

j'adopte un style directif, je saurai que ce n'est pas


parce que mon collaborateur me paraît mauvais.
Au contraire, c'est parce que j'aurai l'impression
qu'il possède le potentiel nécessaire pour devenir
excellent — pour être fortement motivé et se
diriger lui-même — mais qu'il manque d'expé¬
rience. S'il a besoin que je le dirige, c'est pour
commencer à développer son potentiel.
— C'est une leçon majeure. Ce que vous
venez d'apprendre, c'est qu'une opinion positive
sur ceux qui vous entourent peut s'exprimer à
travers n'importe lequel des styles de leadership,
et pas simplement ceux qui consistent à déléguer
ou épauler.
— Je crois qu'on doit pouvoir tout résumer en
une phrase :
Tout le monde est capable

d'une haute performance.

Certains ont juste besoin

d'un petit coup de pouce


Devenir un leader adaptatif

— C ^est tout à fait ça, dit le manager.


— Et maintenant, je sais que tout dépend de
moi. J'ai enfin compris comment améliorer mes
collaborateurs pour ne plus être obligée de tout
faire moi-même, dit la jeune femme.
Elle se leva pour partir et serra la main du
manager en le remerciant très vivement de son
aide.
— Le meilleur moyen de me remercier, c'est
de le faire — d'utiliser ce que vous avez appris —
et de faire travailler votre science au lieu de tra¬
vailler vous-même. N'oubliez pas le vieux dicton
bouddhiste :

« Savoir
Et ne pas faire
Ce n'est pas encore connaître ! »

Et elle le fit. La jeune femme retourna dans son


entreprise et raconta ce qu'elle venait d'appren-
Devenir un leader adaptatif 115

dre à tous ses collaborateurs, qui le dirent à leur


tour à leur personnel. Et comme on pouvait s'y
attendre, la jeune chef d'entreprise devint un
leader adaptatif.

Elle le devint, non parce qu'elle se mit à penser,


à parler comme un leader adaptatif, mais parce
qu'elle en adopta le comportement.
Elle commença par des objectifs bien définis.
Elle entreprit ensuite de diagnostiquer avec
tous ses collaborateurs leur compétence et leur
engagement à réaliser chacun de ces objectifs.
Elle négocia ensuite avec chacun d'entre eux,
pour chacune de leurs tâches, et ils décidèrent
ensemble du style de leadership le plus approprié.
Pour finir, elle leur appliqua le style de leader¬
ship convenu jusqu'au jour où elle put constater
un progrès suffisant pour justifier une modifica¬
tion de style.
Quelques années plus tard, elle eut l'occasion
de passer en revue le temps qu'elle avait passé à
apprendre l'art du leadership adaptatif. Cela avait
tout changé pour elle, dans sa vie professionnelle
comme dans sa vie personnelle.
L'entreprise qu'elle avait créée s'était transfor¬
mée. A présent, la jeune femme se trouvait à la
tête d'un holding regroupant huit sociétés diffé¬
rentes, chacune dotée d'un directeur général,
officiellement responsable devant elle, mais qui
en fait travaillait de manière tout à fait indépen¬
dante.
Deux d'entre eux possédaient dès l'origine la
compétence et l'engagement nécessaires pour
116 Le leader et la minute du succès

diriger leurs activités. Ils la tenaient au courant


des performances de leur société, mais elle
n'avait jamais à intervenir, sauf quand ils lui
demandaient un avis ou un soutien.
Les six autres directeurs généraux n'avaient
pas tous le même degré de compétence et d'enga¬
gement dans les différents aspects de la gestion
d'une entreprise. La jeune femme avait travaillé
en étroite collaboration avec eux pendant toute
la phase de négociation et adapté son style de
leadership aux nécessités de la situation. Elle sou¬
riait à présent en se rendant compte qu'elle
n'avait plus grand-chose à faire, car eux aussi
étaient devenus capables de mener leur affaire.
Elle les avait aidés à devenir des dirigeants indé¬
pendants, motivés, performants.
La jeune femme avait connu le même type de
succès chez elle, avec ses trois enfants. Tous
avaient évolué peu à peu pour devenir des per¬
sonnalités indépendantes et motivées. A présent
qu'ils étaient adultes, elle aimait être leur amie
plus encore que leur mère. Ce n'était pas qu'elle
fût absente quand ils avaient besoin d'elle, mais
elle n'intervenait dans leur vie que sur leur
demande. Elle était heureuse qu'ils aient encore
envie de passer une partie de leur temps avec elle.
Elle était heureuse aussi, et fière, d'avoir su
apprendre du manager ce qui fait l'essentiel d'un
bon leader. Jamais elle n'oublierait qu'un mana¬
ger efficace dispose de toute une gamme de styles
de direction auxquels il peut faire appel avec
aisance car il a su acquérir la souplesse nécessaire
pour s'adapter aux situations diverses qu'il peut
rencontrer. Un manager efficace est également
habile à diagnostiquer ce que ses collaborateurs
Devenir un leader adaptatif 117

attendent de lui, pour les aider à renforcer leurs


capacités et leur confiance afin de mieux accom¬
plir les tâches qui leur sont attribuées.
Enfin, un leader efficace sait communiquer
avec son personnel. Il sait parvenir à un accord
avec chacun, sur les tâches, mais aussi sur la
proportion de direction et d'encouragement
indispensables pour leur accomplissement.
Ces trois talents — l'adaptabilité, le diagnostic
et la négociation — sont essentiels pour faire
progresser ses collaborateurs. Quant à la jeune
chef d'entreprise, elle avait réussi à bâtir une
organisation qui savait apprécier à sa juste valeur
la contribution de chacun. Sachant rester à
l'écoute des autres, elle avait su par son style
adaptatif les encourager à prendre des risques et
des responsabilités, à tel point qu'à présent

On distinguait à peine qui, dans l'équipe, était


le chef d'entreprise.
.
La minute de félicitation
tJWfk
uStt

Nous voudrions exprimer publiquement nos félicitations


à un certain nombre de personnes qui jouent un rôle
important dans notre vie.
Nos associés et nos amis de Blanchard Training & Deve¬
lopment : Margie Blanchard, Rene Carew, Calla Crafts,
Fred Finch, Laurie Hawkins, Kelsey Tyson et surtout Don
Carew et Eunice Parisi-Carew, pour leur appui et l'aide que
leurs réflexions ont apportée au développement du
concept du leadership adaptatif.
Pat Golbitz, Larry Hughes et Al Marchioni de chez Wil¬
liam Morrow, et Margaret McBride, notre agent littéraire,
pour sa foi inébranlable dans le concept du Manager
Minute.
Spencer Johnson, pour sa créativité et son génie de l'écri¬
ture qui nous ont fortement inspirés.
Harvey Mackay, qui a su nous enseigner ce que c'est
qu'un vrai chef d'entreprise.
Eleanor Terndrup et Vicki Dowden, pour leur dévoue¬
ment et leur savoir-faire dactylographique sans lequel ce
livre ne serait jamais devenu réalité.
Nos mères — Dorothy Blanchard, Florence Kuiper et
Irma Zigarmi — et nos enfants — Scott, Debbie et Lisa —
pour leur amour et leur support inconditionnel qui ont
marqué tant de choses dans nos vies.
CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

COLLECTION MANAGEMENT

Le Prix de l'Excellence Peters/Waterman

La Passion de l'Excellence Peters/Austin

Diriger : les secrets des meilleurs leaders


Bennis/Nanus

Coup d'État dans l'entreprise Naisbitt/Abur-


dene

Le Marketing selon McKenna McKenna

Bien vendre : la minute du succès Johnson/


Wilson

Théorie Z : faire face au défi japonais Ouchi

M, un nouvel esprit d'entreprise Ouchi

L'Entreprise face à la crise mondiale Drucker

Vers une nouvelle économie Drucker


Le Nouveau manager rationnel Kepner/Tre-
goie

La Force motrice : une nouvelle stratégie pour


l'entreprise Tregoe/Zimmerman

Le Temps c'est de l'argent... et du plaisir Nico¬


las

Les Styles de vie des cadres et des entreprises


Burke

Le Joueur Maccoby

La Pratique du BBZ Tchénio/Vailhen/Gari-


bian
Achevé d'imprimer
sur les presses de l'imprimerie
Arts Graphiques du Perche
28240 La Loupe
Dépôt légal avril 1986
Imprimé en France
' '
Le leader et la minute du succès
Kenneth Blanchard
Coauteur du "Manager Minute"
Patricia et Drea Zigarmi
Traduit de l'américain par Florence Herbulot

Simple, astucieux et utile. Ce livre démontre que le leadership est à la


portée de celui qui le veut vraiment.
Warren Bennis, auteur de Diriger.

Ce livre est avant tout un mariage heureux qui allie ia fameuse théorie
du leadership de Hersey et Blanchard au bon sens du Manager Minute.
La théorie des uns en devient plus accessible, tandis que les propos de
l'autre sont précisés et approfondis.
Le leadership est d'abord une affaire de circonstances. Voilà une règle
d'or trop souvent oubliée. On ne dirige pas un débutant comme on guide
un homme d'expérience. On n'intervient pas dans un projet à long terme
comme on gère une crise. Le leader efficace est celui qui en est
conscient et adapte son approche en conséquence.
Dans le style désormais célèbre de « la minute du succès». Blanchard et
ses coauteurs livrent une méthode éprouvée auprès de dizaines de mil¬
liers de managers dans le monde pour aider le leader à développer sa
palette de styles et à sélectionner celui qui, dans une situation donnée,
sera le plus approprié.
Kenneth Blanchard est coauteur du Manager Minute et à l'origine de la
célèbre théorie du cycle de vie de leadership. Il est professeur à l'Univer¬
sité du Massachusetts et dirige le centre Blanchard Tfaining & Develop¬
ment auxquels sont également associés Patricia et Drea Zigarmi
Atelier Patrick O'Heguerty

InterEditions
87 AVENUE DU MAINE 75014 PARIS ISBM 2-7296-0147-3 9

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