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la route de

Sur

Chrysopée
«Sur la route de Chrysopée»
© Morgane Reynier pour le texte
© Marion Bulot pour les illustrations
Éditeur : Morgane Reynier, 58200 COSNE SUR LOIRE
Imprimé en France par Copy-media, 23 rue Francisco Ferrer 33700 MERIGNAC
Prix : 20 euros

ISBN : 978-2-9551248-0-2.
Tous droits réservés par l’auteur. Reproduction de tout ou partie du texte ou des illustrations strictement interdite sans
accord écrit de l’auteur ou de l’illustratrice.
Le ciel bleu se moque
Du pauvre langage des Hommes
Lui l’insaisissable !
Mes remerciements vont..
Tout d’abord à Marion, Muse et Amie sans qui le Monde tout
A utour n’aurait jamais trouvé ses couleurs.
A Darky, architecte adjoint des Archives Suspendues et grand
chaman du code html.
A Fabien, Julien, Sylvie & Fabien, Alice & Grégory, Gabriel &
Miranda, Lionel, Guylène & Steve, Benjain & Vincent, Thomas
& Julien, explorateurs-déchiffreurs attentifs et inspirés.
A Catherine, Vivien, Maxime, Guillaume, Shyriu, Fabien, Mickael et
Benoît qui ont posé un regard vigilant sur ce carnet.

Enfin, je dédie ce voyage à Fabien, Frédéric et Romaric,


les maîtres alchimistes qui m’ont ouvert la route de Chrysopée.
Sur la route de Chrysopée
Carnet de route annoté par Kalika, barde et géographe
Introduction : bon voyage
« Va, mon ami.
Emporte avec toi tes ambitions, ta soif de comprendre, de
connaître et prends la route vers l’Ouest. Tu feras des rencontres
inattendues, tu visiteras des lieux surprenants aux coutumes
étranges, peut-être atteindras-tu le bord du monde... Ne perds
pas ton noble but en chemin, car chaque endroit recèle l’occasion
de découvrir des réponses, d’autres questions et des secrets
enfouis.
La voie que tu as choisie sera longue et merveilleuse.
Mais tu ne seras pas seul. Je t’aiderai de mon mieux malgré les
distances qui nous tiendront éloignés. J’ai l’intuition que tu as
la capacité de mener à bien ce formidable voyage : celui qui te
conduira peut-être jusqu’aux portes de Chrysopée. »

La chrysopée, du grec khrusos (or) et poiein (faire), en latin chrysopoeia,


est un terme utilisé en alchimie. Il s’agit de l’art de faire de l’or par
transmutation.
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1. Sur la route de Chrysopée : une expérience

Je vous lègue mon carnet pour que vous puissiez vous lancer à
votre tour sur la route de Chrysopée. Mes notes sont des suggestions,
des exemples ou des conseils afin que votre périple soit le plus enrichissant
possible. Bon voyage !
Sur la route de Chrysopée est un jeu de rôle : il vous propose
de vivre une aventure à deux en inventant des personnages qui
seront les héros d’une quête exceptionnelle. C’est votre imagination
qui fera avancer leur périple selon un cadre et des règles décrits dans
ce carnet.
Une correspondance comme celle à laquelle vous allez
donner vie se crée sur le long terme. Vous n’arriverez pas au bout de
votre voyage en quelques heures, ni même en quelques jours. Ce qui
se cache dans les pages de ce carnet, c’est une exploration avec un
rythme unique, où les silences se révéleront aussi précieux et riches
que les écrits.

Mais ce projet vous propose d’aller plus loin. Sur la route


de Chrysopée est un jeu épistolaire où la réalité, la vôtre, va venir
se glisser dans le voyage de vos personnages. À vous de réinventer
une histoire aux objets et aux lieux de votre quotidien pour en faire
les supports d’une quête alchimique. Ré-enchanter le monde, le
transmuter, voici le but de cette expérience.

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2. Jouer avec le monde autour de vous
À la différence de certains jeux de rôles qui se déroulent
autour d’une table ou d’un conte qui s’invente les yeux fermés, Sur la
route de Chrysopée vous propose une autre façon de créer l’histoire.
Le but du jeu est de raconter un voyage en vous inspirant
directement de tous les éléments de votre vie réelle : imaginez que ce
musée que vous visitez soit en fait le rendez-vous d’une confrérie de
scientifiques durant les jours de fermeture, que ce vieux livre chez le
libraire contienne en fait des plans et des savoirs perdus depuis des
siècles, que la route sur laquelle vous roulez vous emmène vers une
cité inconnue...
Il ne s’agit pas de faire un jeu de piste mais bien de piocher
parmi les lieux, les objets, les œuvres, les personnes qui retiennent
votre attention pour que ceux-ci participent à votre histoire.
Avec les appareils photos et les téléphones portables, il devient
facile de capter un détail qui vous plaît pour le partager ensuite avec
votre compagnon de jeu !

3. Dans ce carnet, vous trouverez


Les grands principes du jeu, comment créer vos personnages et
comment jouer avec.
Une description de l’univers du jeu.
Les règles qui vous permettront de jouer.
Des idées de lieux, de personnages et de situations dont vous
pourrez vous inspirer.
Un appendice pour approfondir votre expérience de jeu.
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Enfin, sachez que Sur la route de Chrysopée
est également un site internet, les Archives Suspendues,
qui met à votre disposition tous les documents utiles pour
jouer mais également des articles et des correspondances pour
enrichir votre périple !

Rendez-vous sur :
www.archives-suspendues.net

Dans mon carnet, les personnages seront appelés les explorateurs, les
voyageurs mais aussi les alchimistes. Cela signifie qu’ils suivent une quête
extraordinaire inspirée de l’alchimie, pas nécessairement qu’ils pratiquent
cette discipline.

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Première escale
Comment jouer
« Retiens que le monde abrite mille mystères fabuleux.
Celui qui veut les découvrir et les comprendre, celui-là va être
transformé par sa quête. La curiosité est le don le plus précieux
d’un individu. Grâce à elle, il observe, interroge, analyse, étudie,
cherche et sa curiosité ne se tarit jamais. C’est une fontaine qui
irriguera son existence pour toujours.
Si tu fais de cette fontaine le moteur de ton voyage alors
tu ne connaîtras jamais l’ennui et tu trouveras sans cesse de
nouveaux objets à ta curiosité. »

1. En quelques mots
Le jeu vous propose de raconter un voyage à l’aide d’une
correspondance entre deux personnages que nous appellerons le
maître et le disciple. Ce voyage est motivé par la quête d’un idéal et
permet d’explorer des thèmes comme la connaissance, la recherche
du bonheur, le progrès ou le rapport à l’autorité.

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2. Les principes de base du jeu

Écrire une correspondance

Vous jouerez à Sur la route de Chrysopée en vous envoyant


des lettres et des images. C’est ce que l’on appelle la forme épistolaire :
votre histoire sera racontée au travers du courrier que s’enverront les
personnages.

Vous interpréterez des chercheurs, des curieux et vous vous


raconterez vos aventures au fur et à mesure qu’elles arriveront.
Ces lettres pourront faire dix lignes ou plusieurs pages,
cependant il est conseillé de ne pas dépasser trois pages pour permettre
à votre compagnon de participer plus facilement à l’histoire.

À la façon d’un roman épistolaire, vous compenserez la


distance physique qui vous séparera en communiquant par écrit :
choisissez un média principal comme les lettres manuscrites ou les
e-mails. Vous pouvez tout à fait scanner des lettres manuscrites pour
les envoyer ensuite par mail.

Les formats qui peuvent aisément noyer un message dans


un flot d’informations comme les SMS, Twitter ou Facebook, ne
peuvent remplacer une lettre. Ils permettront néanmoins d’envoyer
de petits messages courts en cas d’urgence mais votre correspondant
s’inquiétera s’il ne reçoit aucune lettre après de tels messages.

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Les lettres fonctionnent donc de cette façon :

Elles doivent contenir quelques informations obligatoires détaillées


plus loin dans ce carnet.
Le reste de leur contenu dépend uniquement de votre imagination.
Vous êtes totalement libre de choisir le format d’envoi et vous
pouvez vous amuser à en combiner plusieurs (par exemple, le site
Pinterest vous permet de créer des albums photos dont vous pouvez
vous servir pour illustrer chaque étape de votre voyage).
Il est recommandé de les compléter avec du contenu audiovisuel.
Gardez à l’esprit que les formats courts ne remplacent jamais une
lettre.

Explorer le monde

Le jeu vous propose de ré-enchanter les endroits que vous


parcourez, à la manière d’un carnet de voyage et de leur imaginer une
utilité ou une saveur différente de l’ordinaire. C’est-à-dire d’aiguiser
votre regard et de détourner le quotidien en lui trouvant une seconde
existence palpitante et poétique.

Ce que vous voyez (des bâtiments, des paysages, des objets,


des personnes, des situations, etc.) devient ce que vous faites ou ce
que vous ressentez (émotions, impressions, rêveries, etc.) et enrichit
votre voyage fictif.

Sur la route de Chrysopée vous offre donc une expérience de


jeu à la fois littéraire, poétique et philosophique.

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Atteindre Chrysopée

Chrysopée est avant tout une aventure commune, un échange


entre un maître et son disciple. Cet échange permettra aux deux
personnages d’atteindre un but extraordinaire. C’est le disciple qui
voyage tandis que le maître, retenu par la vieillesse, les obligations
ou la maladie, ne pourra que guider son disciple à distance.
Le voyage suivra un parcours initiatique :

Le maître et son disciple devront s’entraider pour progresser le


long d’une route alchimique. Les étapes qui balisent cette route leur
permettront de réaliser leur quête fantastique, de transformer le
monde autour d’eux mais également de se transformer eux-mêmes.
À l’issue de ce chemin, ils arriveront au seuil de Chrysopée.

Chrysopée est une ville mythique symbolisant un idéal qui


ne sera jamais exploré mais que vos personnages pourront toucher
du doigt. Lorsqu’ils seront sur le point d’y parvenir, le jeu s’arrêtera.
En effet, c’est le voyage qui sera le centre de votre histoire et non sa
conclusion.
Cet aboutissement doit être au cœur des préoccupations de
vos personnages, il doit être le moteur de tout leur périple. Qu’ils
croient que Chrysopée existe réellement ou qu’ils ne lui prêtent
qu’une valeur symbolique, la question de sa recherche ne doit jamais
les quitter bien longtemps.
Chrysopée est entourée de mystère et la quête de vos
personnages peut être incroyablement longue et complexe. Ce but
que les personnages ont en commun va vous permettre de déterminer
les rôles de chacun.

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3. Les deux rôles
« Lorsque je t’ai vu passer la porte de chez moi pour la
première fois, j’ai maudit le ciel. J’aspirais au silence. J’avais
formé tellement de sots, de fats, de fous... Ce sont peut-être
tes yeux brûlants qui m’ont fait changer d’avis. Les mêmes que
ceux de ton père. Puis je t’ai vu à l’œuvre devant la colonne de
distillation et mes doutes se sont évaporés comme l’éther. »

Sur la route de Chrysopée est un jeu à partir de deux joueurs


qui propose d’interpréter soit un maître, soit un disciple. La meilleure
façon de vous attribuer les rôles reste encore de le décider avec l’autre
joueur.

Votre rôle ne définit pas lequel d’entre vous est le meilleur


dans un domaine ou dans la pratique du jeu de rôle. Il s’agit avant
tout de vos goûts et de l’aventure que vous souhaitez vivre.

Le maître n’est pas l’équivalent d’un maître de jeu dans un jeu de rôle
traditionnel. C’est un joueur à part entière, mais dont le récit est centré
autour du passé, de la réflexion et de la relation humaine. Le disciple aura
un récit davantage tourné vers le présent, l’action et l’aventure.

Les deux personnages seront abordés en détails lors de la


troisième escale « Se lancer sur la route » (p.29).

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4. Envoyer les lettres
Choisir un rythme de jeu

Avant de choisir votre quête commune et vos rôles respectifs,


mettez-vous d’accord sur un rythme de correspondance : une fois par
semaine ? Une fois par mois ? Essayez d’être réalistes mais n’espacez
pas trop les envois pour ne pas laisser retomber l’enthousiasme du
jeu.

La formule est la suivante : lorsque l’absence de lettre a dépassé


le délai plus ¼ de celui-ci, alors le correspondant qui attend la lettre
peut envoyer un message à nouveau. Ce message sera sûrement
porteur d’une inquiétude ou d’une impatience quant au silence de
l’autre personnage.

A ussi, n’oubliez pas de prévenir lorsque vous êtes occupé !

Mettre une en-tête

Les voyageurs qui tiennent des correspondances ou


des carnets de voyage, savent enrichir leurs écrits de quelques
informations essentielles qui permettront au lecteur de ne jamais se
perdre dans leurs multiples récits et expériences.

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Les explorateurs ont ainsi mis en place un rituel : une en-tête
qui ouvre toutes leurs lettres et qui renseigne leur correspondant sur
l’avancée du voyage. Pour les disciples et leurs maîtres, ce procédé
est d’autant plus essentiel à leur travail qu’il permet de suivre avec
précision les trajets des uns et des autres, et éventuellement de
pouvoir envoyer de l’aide si nécessaire.

Les archives font mention de quelques disciples peu soigneux


qui ont passé plusieurs semaines en prison malgré leurs demandes
de soutien et de caution, tout simplement parce qu’ils ne précisaient
jamais où ils se trouvaient.

L’en-tête doit donc faire figurer les informations suivantes :

le numéro de la lettre,
le lieu de résidence,
le moment de la saison

Par exemple, cette lettre d’un disciple lettré :

Lettre XXIII
Eskir du Ponant
Milieu de l’automne

Ou encore, celle-ci, d’un maître ermite :

Lettre 8
Col des trois lunes de corail
Début du printemps

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Organiser la correspondance

Pour ne pas vous perdre au fil du jeu dans l’envoi et la


réception des messages, il peut être intéressant de donner une
forme bien établie à votre correspondance, surtout si vous jouez
par e-mail ou que vous envoyez des fichiers pdf.
Le mieux est d’établir une nomenclature systématique qui
vous permette rapidement de visualiser la place de la lettre dans le
jeu, l’auteur et le numéro de la lettre pour l’auteur.

Par exemple :

04_Andromède_lettre2

« 04 » indique qu’il s’agit de la quatrième lettre sur l’ensemble de la


correspondance (ainsi vos lettres se classeront automatiquement
dans l’ordre. )
« Andromède » est le nom de l’auteur de la lettre.
« lettre2 » indique que c’est la deuxième lettre envoyée par Andromède
depuis le début de la correspondance.

Si vous communiquez beaucoup avec votre partenaire de jeu


en dehors de votre partie, l’ajout d’une balise [CHRYSOPÉE] au titre
de votre message ou [CHRYS] au début d’un SMS vous permet de
rapidement différencier les messages qui ne concernent pas le jeu et
ceux qui s’y rapportent.

De la même façon, si vous souhaitez envoyer un message


à votre partenaire qui concerne le jeu mais pas votre aventure
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(une question, une précision de règle, une suggestion, etc. ) vous
pouvez utiliser une balise [CHRYSOPÉE HJ] pour « hors-jeu » ou
[CHRYSOPÉE META] pour « méta-jeu ». Ou tout autre terme qui
vous conviendrait, bien entendu.

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Deuxième escale
L’univers de jeu
« Mon ami,
tu disposes désormais de toutes les informations
nécessaires pour tracer ta route et atteindre Chrysopée. Mais ne
voudrais-tu pas en savoir plus sur le monde qui nous entoure ?
Certains, comme moi, l’ont beaucoup arpenté. Peut-
être que les descriptions que j’ai esquissées durant mes voyages
t’aideront à mieux t’orienter. Puissent-elles te faire rêver,
au moins, en attendant le moment où tu feras tes valises et
t’élanceras sur la route ! »

1. Le Monde tout Autour

Géographie et modes de vie

L’univers dans lequel se déroule votre voyage est un monde


aux limites inconnues qui se nomme le Monde tout Autour, qui
n’est pas la réalité que nous connaissons mais qui en emprunte de
nombreux traits.
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De vastes cités, des restes de civilisations
éteintes, des lieux sans route côtoient des paysages
sauvages. Mers, jungles, déserts, plaines et montagnes
emplissent l’espace et dessinent des lieux propices aux hommes
ou hostiles à leur présence. Il ne s’agit ni de notre passé ni de
notre futur. Il n’y a ni magie ni vaisseaux spatiaux dans cet univers.
On y trouve cependant de nombreuses religions monothéistes ou
païennes, et les seuls pouvoirs « surnaturels » sont ceux des chamans
ou des druides qui disent pouvoir communiquer avec les esprits par
la fumée ou les drogues. Certaines régions sont incroyablement
industrialisées et densément peuplées, d’autres sont encore vierges et
traversées uniquement par des caravanes de nomades.

Il y a des villes-serres, des académies de plusieurs kilomètres,


des conflits politiques, des artistes et des débats... Raison et
spiritualités s’opposent ou s’ignorent. Le progrès n’est ni présent
ni accepté partout. Quant à l’homme il est aussi multiple que son
monde : cent dialectes, cent coutumes, cent points de vue forment la
diversité de ses habitants.

Mais au-delà de tout ceci, il y a le vent.


Il est le moteur du progrès, le support de l’évolution de
la société, l’allié de toutes les industries. Les hommes ont appris
à se déplacer sur ses ailes à l’aide de grands vaisseaux à voiles qui
parcourent le ciel en ramant au travers des nuages. Les caravanes
terrestres se font pousser par leurs grands spis colorés, ces énormes
voiles creuses, le long des plaines déboisées pour améliorer les
courants.
Au sol, les moulins ne cessent de rythmer le paysage,
annonçant les villages semés autour de leurs pales de bois et de tissu.
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L’ingénierie de la minoterie est telle que dans certains endroits, elle
a remplacé les constructions traditionnelles et s’est complexifiée au
point de faire voler des villes tout entières.

Perchées sur leurs centaines d’hélices, ces cités suspendues


se déplacent dans le vrombissement de milliers d’oiseaux et de
bannières, projetant leurs ombres invraisemblables sur le
monde en contrebas. Ces villes mouvantes sont le fleuron
du développement des hommes, le symbole de leur esprit
supérieur et de leur capacité à apprivoiser la nature dans
ce qu’elle a de plus insaisissable. Aussi, lorsque l’une de
ces légendaires citadelles vient à s’écraser, victime d’une
dramatique avarie ou d’un orage d’une rare envergure, la
nouvelle est-elle dans toutes les bouches. Et nul ne sait ce
qui cause le plus de peine : les milliers de victimes ou la mort d’une
utopie.
Mais de tels accidents sont plus rares que les
passages des comètes, et bien peu se souviennent
avoir jamais vu la silhouette d’une citadelle chutant
inexorablement loin des nuages. Certaines régions
abritent encore les vestiges de ces drames mais leurs
emplacements sont depuis longtemps oubliés. La
végétation s’empare finalement de l’épave dont les
hommes abandonnent jusqu’au souvenir.

Dans les régions où le vent ne souffle pas assez, ces zones


immobiles où la société des hommes a gardé un rapport ancestral
aux autres éléments, l’économie se développe loin des courants et des
voiles. Pour les habitants des régions aérées, ces endroits sont aussi
primitifs et pittoresques que peut l’être l’aube de l’humanité.

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Quand le mépris ou la moquerie ne les anime
pas, les esprits éclairés s’y promènent en touristes à
bord de longues caravelles de voyage. De nombreux ouvrages
d’explorateurs consignent ces expéditions, y ajoutant des
croquis, des lithographies et des échantillons.

L’information entre les hommes va à la vitesse du vent :


oiseaux et vaisseaux postaux ne cessent d’aller et venir en défiant la
vitesse elle-même. Le Monde tout Autour est alors comme rétréci
quand il ne faut que quelques jours pour recevoir des nouvelles de
l’autre bout de la carte. Certains circuits privés ont si bien aménagé
leurs routes postales que c’est en heures que se comptent les trajets.
Les faiblesses des circuits postaux permettent cependant aux
esprits peu scrupuleux de saboter l’acheminement du courrier, même
si de telles actions demeurent rares, quoi qu’en disent les journaux
de propagande politique pour justifier des actions de force dans un
territoire ou un autre.
Dans un monde où le vent est le principe moteur de l’évolution
et où les urbanistes travaillent sans relâche à favoriser sa présence là
où le commerce et l’information en ont besoin, que deviennent les
reliques des temps anciens ?
Érodées par les courants incessants, dispersées aux quatre
vents, oubliées dans le tourbillon de l’instant présent, leur signification
devient de plus en plus inaccessible. Même les rayonnages obscurs
des grandes académies finissent par céder à la poussière.

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Là réside le terrible paradoxe du Monde tout A utour : Considérées comme
les endroits les plus civilisés, les régions aérées sont portées par l’idée
de progrès, d’innovation et de suprématie de la raison. Ce sont aussi les
lieux où le vent fait le plus de ravages. L’homme de science, qui met tant
d’espoir dans le génie humain, vit dans un climat où l’érosion accélérée des
paysages le prive des témoignages du passé. Pris dans la course redoutable
des courants, élevé dans le culte de la vitesse et de la hauteur, l’habitant
des régions aérées perd lentement les traces de ses origines au profit
d’une envolée conquérante vers l’avenir.
Les habitants des zones immobiles ne bénéficient pas du
même essor technologique vertigineux. Privés de vent, ils résident
encore dans des paysages silencieux, aux climats pesants et aux
moyens limités.
Ces peuplades, jugées arriérées et rustres, sont pourtant
celles qui ont gardé le lien le plus fort avec les anciennes croyances.
Elles ne vouent pas de culte aux livres mais gardent précieusement
des témoignages du fond des âges et des superstitions bien ancrées.
La vie y est plus rude, plus lente, plus franche.

Alors, comme si la guerre, la politique, la morale et la religion


n’étaient pas des sources de conflits suffisantes, un terrible débat
enflamme les cercles intellectuels.
Il oppose les partisans du progrès porté par le vent, conscients
du bond technologique colossal accompli depuis ssa domestication,
à ceux qui y voient une fuite vers la décadence et l’apocalypse.

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Les premiers regardent vers le futur
conquérant où les limites ne cessent de voler en éclats
comme l’ignorance des hommes. Leurs adversaires voient
la déchéance au bout de cette course. Le savoir est peut-être
préservé dans les bibliothèques, mais personne n’ose avouer qu’il y
est emmuré. L’esprit abandonne la réalité pour les hautes sphères de
l’utopie ou de l’arrogance.
Ce débat dure depuis plusieurs décennies, peut-être même
des siècles.

Certains chercheurs refusent de participer à ce qu’ils jugent


être une perte de temps dans leurs véritables travaux. D’autres y voient
une nécessité absolue pour la recherche, une mission fondamentale
pour un avenir meilleur. Car si la science est incapable de s’interroger
elle-même sur ses méthodes, à quoi bon ?
Ceux qui pensent que ce débat passionné n’a aucune valeur
se trompent néanmoins sur un point : les décisions, les oppositions,
les rejets et les galvanisations qui embrasent le milieu intellectuel et
les pages des gazettes ne cessent d’influencer la vie quotidienne et les
cercles de pouvoir.
Les différences d’opinion et de gouvernement dans le Monde
tout Autour se creusent au gré du vent et de ses penseurs.

Les points essentiels

L’environnement est la synthèse entre une époque industrielle


fantasmée, façonnée de verre, de pierre et de monumentalité, et des
peuplades variées de petite envergure, libres et ancestrales.

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Il vous faut simplement bien retenir que :

Vos personnages ne possèdent aucun pouvoir magique. S’ils


possèdent un certain nombre de savoirs ou de capacités, ils ne sont
cependant ni des surhommes, ni des dieux, ni des extraterrestres.
Les autres personnages que vous pourriez inventer n’ont rien
de mythologique ou de surnaturel non plus. Prenez l’exemple des
guérisseurs ou des légendes d’immortels que l’on trouve dans notre
monde : ce ne sont que des rumeurs ou des supputations et elles sont
souvent aussi réfutées que soutenues.
De telles rumeurs peuvent très bien prendre place dans votre
histoire et votre personnage peut parfaitement chercher à en
savoir plus si cette question l’intéresse. Veillez cependant à ne pas
transformer le Monde tout Autour en un vaste univers de fantasy.

Il y aura toujours des scientifiques du Consortium d’Albâtre, à Eskir du


Ponant, pour essayer de te convaincre que tu divagues en accordant du
crédit à ces « fabliaux irraisonnés »..

L’ambiance du monde

Les paysages et les hommes du Monde tout Autour évoluent


dans un univers nostalgique et tendre, offrant de multiples moments
propices à la contemplation. Les vastes paysages naturels, que l’on
traverse des jours durant en train à voile ou en chariot, offrent
des étendues sauvages, des montagnes lointaines aux sommets

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bleus, parfois des villages épars ou d’étranges
monuments poncés par le temps à la gloire d’une déité
oubliée.
Au détour de l’horizon, pourtant, peuvent jaillir l’ombre
projetée d’une citadelle ou les immenses colonnes de vapeur qui
annoncent une grande cité. Bien vite, ses clochers, ses dômes et
ses passerelles de fer apparaîtront au voyageur à travers les brumes
mouvantes qui bordent les grands fleuves gris.

La nostalgie des hommes n’est pas la même selon le lieu où ils


demeurent. Dans les corridors lambrissés, les savants en costume se
souviennent d’un âge d’or de la connaissance dissipé par les siècles,
si tant est que cet âge ait existé un jour. Les insatiables explorateurs
connaissent, eux, l’ambiance si particulière des temples abandonnés,
des villages déserts, du temps distendu des caravanes et les incroyables
corps brisés des citadelles rendues à la végétation.
Ces visions inattendues, mystérieuses, tranquilles, ramènent
aux voyageurs les échos d’événements perdus et de civilisations
emportées par le vent.

Les traces de divinités que le progrès et la science n’ont pas


encore vaincues se trouvent dans des ermitages perchés sur les
rocs ou dans des communautés immobiles. S’il y a eu un jour des
dieux parmi les hommes du Monde tout Autour, ils ont renoncé à se
mesurer au pouvoir de la Raison ou bien se sont exilés ailleurs, en un
lieu inconnu ou dans un sommeil éternel.
Pourtant, des chamans, des sorciers, des mystiques, assurent
encore pouvoir atteindre leurs esprits d’ordinaire si silencieux. Peut-
être ces êtres se trouvent-ils derrière les portes d’or de Chrysopée,
attendant les explorateurs qui sauront remonter leurs traces. Ou
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peut-être que la puissance de l’esprit humain, comme un vent sûr
et inébranlable, a su balayer des croyances qui n’étaient que des
brouillards et que, désormais, le ciel est clair jusqu’au savoir.

Parfois, l’éclair de la guerre trace un sillon fulgurant et sanglant,


accouchant d’une tempête sourde dans le Monde tout Autour. Les
conflits entre les hommes sont multiples, souvent idéologiques et
embrasent les salles de conférence, la presse et les champs de bataille.

Implacablement, le vent, lui, poursuit sa course nécessaire.


Les explorateurs seront un jour ou l’autre confrontés à cette
opposition de rythme entre la lenteur des paysages et la course des
hommes. Entre la contemplation et l’action. Entre la dispersion et la
conviction.

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Mots-clé d’ambiance..
(pour faciliter l’écriture et inspirer votre correspondance)
Régions aérées Zones immobiles
Confiance, science, progrès, Tranquillité, silence, infini,
vent, urbanisme, verre, tradition, nomades, simplicité,
vitesse, efficacité, futur, caravanes, vide, lacs, méfiance,
mathématiques, expérience, rituels, hospitalité, plaines,
énergie, hélice, caravelle, artisanat, tissage, lenteur, azur,
lumière, dôme, ambition, érosion, dédain, mélancolie, ermitage,
curiosité, élégance, institutions, feu, difficulté, famille, lutte,
bibliothèques, orgueil, dynamique, voyage, improvisation, lassitude,
versatilité, falaises, citadelles, liberté, bannières, croyances,
classification, art décoratif, conflit, frontières, chamanisme,
opéra, mépris, protocole, contemplation, danse,
commerce, librairies, velours, agressivité, troupeaux,
aristocratie, positivisme, étoiles, végétation, échange,
philosophie, mérite, académies, observation, villages, crépuscule,
suprématie, pluie. franchise, histoire, dignité,
brouillard.
2. Les différents moyens de communication

Les bornes

Les habitants du Monde tout Autour ont deux types de


circuits postaux officiels à leur disposition.
Les bornes sont un dispositif technologique de pointe
spécialement inventé pour les réseaux de bibliothèques des régions
aérées. Ces guéridons en bois ciré possèdent un clavier digne des
machines à écrire les plus élégantes et un écran monochrome que
l’on peut incliner. Grâce à lui, il est possible de consulter le catalogue
de la bibliothèque où vous vous trouvez, d’avoir accès aux Archives
Suspendues et également d’envoyer un message sur une autre borne.
pourvu qu’on en ait le numéro.

Cet outil est remarquable de simplicité et bénéficie même


d’une amélioration toute récente : glissez un document dans la fente
près de l’écran et son contenu sera transmis avec votre message.

Le contrat d’exclusivité qui lie le fabricant des bornes


et le réseau des bibliothèques a été vivement critiqué. Pour
calmer l’incendie de protestations, quelques-unes des plus
grandes librairies ont pu également bénéficier du dispositif
mais ce geste commercial n’a pas fait taire toutes les critiques.
Il n’en reste pas moins que les bornes sont circonscrites aux
grandes villes et que l’accès à leur système de courrier coûte une
somme non négligeable, sous prétexte de leur coût d’entretien.

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Les grapheins

Les grapheins sont des reliques du système postal imposé


au travers du Monde tout Autour. La moindre ville de plus de
cinquante habitants possède son graphein, mais dans certaines
zones immobiles isolées, la boîte de métal est devenue un bloc
rouillé, usé et peu fiable.

Quelques touches vous permettent d’indiquer le graphein de


destination – certains particuliers ont la chance d’en posséder un à
demeure – ensuite une fente avale votre papier pour le recracher un
instant après dans un bruit de crécelle. Le destinataire recevra une
copie de votre lettre dans la journée, à condition que le transfert ait
eu lieu correctement. Plus personne n’a le courage de déposer une
plainte au siège de la société qui fabrique les grapheins lorsque le
courrier arrive en retard, incomplet ou se perd tout simplement
entre le départ et l’arrivée.
Au moins, son prix d’utilisation reste dérisoire, quand l’accès
n’est pas tout simplement gratuit.

Cette machine est devenue le symbole d’un service postal


dépassé et usé jusqu’à la corde aux yeux des citadins huppés qui
utilisent les bornes. Dans la plupart des contrées peuplées, le
graphein reste pourtant le moyen le plus efficace de faire parvenir
rapidement le courrier. Les zones immobiles possèdent sans doute
les grapheins les plus fatigués mais ils sont souvent entretenus avec
soin par leurs utilisateurs, conscients de leur importance dans ces
immenses étendues vides.

26
Le graphein et la borne sont l’adresse e-mail ou postale du joueur

Enfin, des circuits officieux ou privés se développent sous de


multiples facettes dans toutes les régions habitées. Les coursiers sont
beaucoup employés dans les villes aérées. Les paquets les plus gros
sont acheminés par caravelles ou par train à voile mais le temps de
trajet est allongé par le poids et par les caprices du vent.

Les habitants des zones immobiles utilisent les oiseaux


postaux dressés avec orgueil ou les coursiers à cheval, moyens
économiques et sûrs pour franchir les distances et passer les reliefs
difficiles. Ce sont néanmoins des circuits longs, parfois périlleux, et
ces navettes sont souvent la proie de trafiquants sans états d’âme. Il
est parfois plus sûr de braver la lande pour rejoindre un village équipé
d’un graphein que de confier une lettre importante à un oiseau.
Ainsi, lorsque vos personnages souhaitent envoyer une lettre,
l’endroit où ils se trouvent ne leur offrira pas les mêmes possibilités,
ni les mêmes assurances. Amusez-vous à exploiter les failles de ces
systèmes postaux pour nourrir votre fiction, ou justifier un temps de
réponse particulièrement inhabituel.

L’orbe

Les explorateurs bénéficient d’un outil qui leur est réservé.


Un objet fondamental, rare, dont on évalue assez mal la fortune qu’il
représente.
Sa fabrication est un mystère de minutie et de maîtrise
et son acquisition se fait auprès d’un maître ou d’un département
27
d’alchimie. Cet objet sera conservé pieusement
durant toute la vie d’un explorateur, puis légué ou
rendu à l’école de formation.
L’orbe fonctionne on ne sait trop comment et justifie presque
à lui seul que son porteur soit reconnu comme un explorateur
digne de ce nom.
De la taille d’une lourde clé ancienne, ce petit boîtier – parfois
très ouvragé – permet de communiquer d’orbe à orbe à l’aide d’un
clavier minuscule. Sa portée de communication est colossale mais
sa mémoire limitée. Il ne peut guère envoyer plus de quatre phrases
en une seule fois. Néanmoins, il bénéficie d’une lentille cerclée de
bronze qui peut capturer une image.

Calibré avec soin, l’orbe d’un explorateur indiquera


systématiquement le nom de son propriétaire avec le message. Cette
sécurité décourage la grande majorité des contrebandiers et des
voleurs car elle est réputée inviolable.

Sur la fiche de personnage, l’orbe du personnage est le numéro de


téléphone portable du joueur. Rappelez-vous que son utilisation ne
remplace jamais l’envoi d’une lettre.

28
Troisième escale
Se lancer sur la route
« Nous n’avons pas qu’un esprit à notre disposition. Notre
corps est un formidable laboratoire avec mille outils fascinants.
Considère que ton nez ou ta langue ont autant à
t’apprendre que l’œil (qui est le prince de tous les sens pour les
académiciens). »
Fiona la Fileuse

1. Choisir son rôle


Avant de débuter votre voyage, chaque joueur doit décider du
rôle qu’il aimerait incarner le temps du voyage.
Rappelez-vous que le maître est orienté vers la réflexion, le
conseil, le passé, tandis que le disciple se tourne plutôt vers l’action,
le présent et l’expérimentation.

Il n’est pas nécessaire de posséder des connaissances théoriques


et pratiques sur un sujet pour incarner le maître mais peut-être que
le voyage vous donnera l’occasion de vous documenter...

29
Le maître

Le maître sera le guide du disciple durant toute l’histoire.


Son rôle est d’éduquer, de conseiller, d’informer son élève, de
le soutenir dans l’atteinte de leur objectif en lui ouvrant des pistes
inconnues. Il doit être la clé de voûte solide sur laquelle l’apprenti
peut construire la charpente de son rêve.

Ses talents et son caractère peuvent être très différents de


ceux de son élève, mais ils partagent la même ambition alchimique.
Si l’élève a besoin du maître, ce dernier n’a pas moins besoin du
disciple : que ce soit l’âge, la maladie, un handicap ou des obligations
professionnelles, le maître ne peut plus explorer le monde à sa guise
comme il aurait pu le faire autrefois.

Il peut être homme ou femme, jeune adulte ou vieillard


respectable. Il n’est pas le maître parce qu’il a vécu plus d’années que
son élève mais parce qu’il arpente la route de Chrysopée depuis plus
longtemps.

Il maîtrise mieux certaines techniques, a un savoir théorique


plus étendu et est reconnu comme une personne de valeur dans son
domaine. Il a certainement des amis et des détracteurs de par le
monde, a peut-être beaucoup voyagé lorsqu’il le pouvait encore, et
possède certainement des ouvrages précieux ou des collections très
abouties.

Quel que soit son caractère, du plus ombrageux au plus


bienveillant, le maître ne saurait se désintéresser de son disciple. S’il

30
a accepté de former son élève en particulier, c’est qu’il est convaincu
de son potentiel et des résultats de leur collaboration.

Il peut avoir une vision sentimentale ou utilitaire de cette


relation : peut-être le disciple est-il le meilleur des outils pour
redorer son nom et sa réputation auprès de ses collègues ? Ou bien
le considère-t-il plutôt comme un enfant adoptif ? Ou encore a-t-
il envie de l’aider à exprimer tout ce talent dont l’élève se pense
incapable quand le maître le devine clairement ?

Dans tous les cas, le maître est sincèrement attaché à cette


relation et ne se voit pas abandonner son disciple sur la route de
Chrysopée. Il espère certainement que cette entraide lui permettra
enfin de franchir le seuil de la cité mythique.

31
Le disciple

Qu’il porte le nom d’apprenti, d’élève, de disciple ou d’étudiant,


ce personnage va parcourir le monde sous l’égide de son maître
pour tenter de réaliser leur rêve.

Il dévore les ouvrages et les kilomètres avec la même ardeur


et, si l’étude des livres ne le comble pas, alors son bonheur se situe
peut-être dans la pharmacopée, la chimie pratique ou la méditation.
Certains apprentis sont des assidus des conférences et des agoras
quand d’autres préfèrent le silence des grands espaces ou des
bibliothèques inconnues du profane. Si l’argent ne pèse pas toujours
bien lourd dans ses bagages, il ne se départit jamais de ses notes ni de
son ambition.

Pour pouvoir avancer sur sa route, l’élève devra régulièrement


tenir son maître informé de ses découvertes, de ses hypothèses, de
ses doutes et de ses échecs car sans les lumières de son professeur,

32
il n’aura sans doute pas assez d’une vie pour espérer approcher
Chrysopée. Que cette présence soit pour lui amicale ou autoritaire,
elle sera la pierre angulaire de sa progression.
Le disciple a en effet besoin de son maître pour de multiples
raisons : ses connaissances, son réseau, son savoir-faire, sa réputation,
ou simplement les sentiments qui les lient tous les deux.

Il est possible, chemin faisant, que l’élève s’interroge sur la


vie qu’a pu mener son professeur, la raison de sa gloire ou de sa
déchéance, ses motivations profondes ou les secrets qu’il pourrait
bien vouloir cacher.
Lui-même peut rencontrer en route des personnalités
qui ébranleront sa conception du monde, qui mettront à mal sa
motivation ou qui lui donneront envie de quitter son maître pour un
autre.
Ses pas pourront le guider dans des endroits insolites ou si
agréables que l’envie du voyage finira par l’abandonner pour toujours
ou pour un instant seulement. Face à ces imprévus, que décidera le
disciple, en accord avec son tuteur ou en dépit de son avis ?

Il est certain que la relation qui l’attache à son maître a une


importance capitale à ses yeux. Qu’il se soit battu pour entrer dans
son giron ou que ce soit un ami cher, le disciple n’est jamais lié à son
maître par défaut. Fût-il en profond désaccord avec la philosophie de
son mentor ou prêt à tout pour lui plaire, il trouve un intérêt précieux
à profiter de sa présence et de son expertise.

Ce personnage sera le témoin de fêtes, de crises politiques


ou religieuses, des ravages de la guerre et du passage du temps sur
des savoirs mourants ou oubliés. Il admirera également la nature

33
vierge et la formidable capacité d’adaptation
de l’homme.
Lors de son voyage, il pourra inventer de nouveaux
personnages qui lui porteront secours, lui mettront des bâtons
dans les roues ou chercheront à l’éloigner de sa quête : amour,
amants, amis d’enfance, rivaux...

34
Mots-clé associés à chaque rôle
Maitre Disciple
Affection Affection
Amertume A ppréhension
Anxiété A udace
A utorité Action
Détermination Curiosité
Frustration Culpabilité
Envie Désarroi
Espérance Entrain
Fierté Excitation
Intérêt Hésitation
Mélancolie Impatience
Optimisme Intérêt
Pudeur Mépris
Regrets Pitié
Solitude Tourment
Surprise Surprise

35
2. Décider d’une quête alchimique
Les deux personnages partagent un même rêve intense,
immense, ambitieux : réaliser une quête alchimique incroyable
et grâce à elle, trouver Chrysopée. Se sont-ils choisis parce que
leurs objectifs concordaient ? Le maître a-t-il transmis sa passion
dévorante à son disciple pendant des années avant que ce dernier ne
se lance à sa poursuite ?
Il existe mille domaines de savoir et d’expérimentation.
Les sciences, l’histoire, l’occulte, les sentiments ou la
politique sont autant de chemins qui se proposent à vous.
Sentez-vous libre de choisir pour la chose la plus incroyable et
fascinante qui vous vient à l’esprit. Qu’importe que votre progression
ne soit pas réaliste tant qu’elle reste cohérente avec l’univers et
l’humanité de votre tandem.
Choisissez une quête commune à vos deux personnages.

Suggestions de quêtes de sentiments ou de relations humaines :


Je souhaite que les hommes ne se fassent plus jamais la guerre.
Je souhaite une égalité parfaite entre tous les êtres humains.
Je souhaite apporter le bonheur à chacun.
Je souhaite créer un lien empathique entre les hommes et les animaux.
Je veux créer une religion universelle / libérer les hommes de toute
forme de croyance.
36
Suggestions de quêtes de science ou de connaissance :
Je souhaite percer le secret de l’immortalité.
Je souhaite unir l’homme et la machine.
Je souhaite obtenir l’elixir de guérison universel.le.
Je souhaite découvrir ce qu’est l’âme et comment la fabriquer.
Je souhaite trouver l’origine du monde.
Je souhaite inventer un langage universel pour permettre à
toutes les créatures vivantes de communiquer.
Je souhaite pouvoir franchir la frontière de la mort.
Je souhaite libérer l’homme de sa dépendance envers la nature.

37
Rémi et Barbara décident de jouer ensemble à Sur la
route de Chrysopée parce qu’ils aiment écrire.
Ils décident d’une quête commune :

Trouver un langage qui permette de comprendre et d’interagir


avec tous les animaux.
Comme Barbara a fait des études vétérinaires, elle est
normalement dans une position de maître idéale.
Mais Rémi ne souhaite pas explorer ce but selon un angle médical
ou scientifique. Il préférerait utiliser les mythes, les religions et donner à
l’aventure une direction plus spirituelle.
Puisque l’idée plaît à Barbara, Rémi deviendra le maître et elle le disciple.
Ils se sont fixés un maximum d’un mois entre chaque lettre. La
missive de Barbara tarde à arriver.

Rémi sait qu’il pourra lui écrire au bout d’un mois et une semaine.
Mais au bout d’un mois et deux jours, Rémi reçoit un SMS de Barbara :
« Maître, je suis coincé dans les montagnes au sud d’Eskir. Dès que
nous aurons passé le col, je vous écrirai et rattraperai mon retard ! »

Ce message très court ne remplace pas une lettre mais permet


d’avertir Rémi que Barbara est un peu occupée.

Si le silence revient à nouveau pendant plusieurs jours, le person-


nage de Rémi va commencer à craindre le pire pour son disciple, surtout
compte tenu du message lapidaire et un peu inquiétant qu’elle lui a envoyé !

Il cherchera à relancer Barbara pour se rassurer.

39
3. La nostalgie
Chaque personnage a une part d’ombre que le jeu nomme
nostalgie. C’est un élément douloureux de son passé, qu’il en ait
souffert ou qu’il n’en soit pas fier.
C’est une amertume enfouie et irrésolue qui lui pèse et qui
le suit comme un fantôme tenace. S’agit-il de relations familiales
orageuses ? D’actions douteuses ? Ou d’un amour tumultueux qui
aura brisé des coeurs et des espoirs ?
La nostalgie ne fait pas forcément du personnage quelqu’un
de répréhensible. Peut-être a t-il été la victime malheureuse de
personnes sans scrupules ou de proches critiquables. Mais ce qu’il
a vécu lui a laissé des traces plus ou moins profondes de regret, de
remord ou de culpabilité.
La nostalgie du personnage attire son regard en arrière
lorsqu’il voyage. Inéluctablement, elle tourne ses pensées vers ce
sombre passé et ses secrets. Il ne peut se confier facilement à son
sujet, car elle le marque intimement et qu’affronter ses ténèbres
intérieures n’est pas chose facile.
Chaque joueur choisit une nostalgie pour son personnage et
la garde secrète jusqu’au moment de la révéler durant le jeu...

5. Les relations entre les personnages


La relation qui unit l’élève et son mentor est un des éléments
fondamentaux du jeu. Prenez le temps de vous concerter avec votre
compagnon de jeu pour qu’elle plaise autant à vous qu’à lui.
40
Si votre lien doit absolument respecter la base « maître/
disciple », vous pouvez l’enrichir et le complexifier de dizaines de
façons différentes. Voici des questions à vous poser pour définir la
relation entre vos personnages :

De quels types d’élève et de professeur s’agit-il ?


Demandez-vous quelle est la profession du maître ou son
expertise, ou bien demandez-vous quel est le domaine de prédilection
de l’apprenti.

« On m’appelle Izram le Fou, petit. Toi, je sais qui tu es. Fibril, fils de
Forza. Ce sont les esprits du vent qui me l’ont dit. Ils m’ont dit aussi
que tu avais l’esprit vif. C’est bien. Il faut être vif pour communiquer
avec le vent. »

Alchimiste, archéologue, artiste, astrologue, astronome, cartographe,


chaman, chimiste, crypto-zoologue, druide, ermite, géographe, herboriste,
historien, linguiste, marabout, mathématicien, médecin, moine, pharmacien,
philosophe, physicien.nne, spiritiste, etc.

Quel est le lien qui les relie ?


Demandez-vous ensuite quelle relation vos personnages
entretiennent ensemble :
– Un lien de famille : maternel, paternel, fraternel ou plus lointain.
– Un lien amoureux.
– Un lien d’amitié.
– Un lien de maître spirituel ou de mentor.
41
« Lorsque je rencontrai Tresha, j’ignorais qu’elle
menait des recherches sur le chant des étoiles. Elle me
l’apprit deux ans après le début de notre relation. J’insistai pour
en savoir plus. Elle finit par accéder à ma demande, m’emmena
avec elle dans l’observatoire de la Canopée d’Orion, sur le flanc de la
chaîne bleue d’Azpaluna.
Là, sous le ciel d’une clarté insolente, sa tête posée sur mon
épaule, elle m’expliqua ses théories sur la musique des astres, qui
mettait à l’unisson notre monde et les niveaux célestes.
Nous redescendîmes à la ville le lendemain. Ma tête débordait
d’étoiles et de comètes. Mon cœur vibrait comme jamais... »

Depuis quand se connaissent-ils ?


Interrogez-vous sur le passé vécu en commun par vos
personnages. Le disciple peut être chez son maître depuis des années
ou seulement depuis quelques mois. Cet étudiant peut n’être qu’un
adolescent ou un adulte déjà mature.
Les deux personnages se côtoyaient-ils avant que
l’apprentissage ne commence ? Ou bien est-ce ce dernier qui a
fait advenir leur rencontre ? Il est préférable d’établir tout ce passé
commun avant de lancer le jeu proprement dit car ce dernier débute
au plus tôt un jour après le début du voyage.

5. Inventer des noms de personnage


On reconnaît une âme au nom qu’elle porte. Si tous les
alchimistes ont hérité de patronymes traditionnels à leur naissance,

42
leur aventure sur la route de Chrysopée les pousse à se réaliser en
dehors des cadres habituels.
C’est aussi un moyen de se reconnaître discrètement entre
explorateurs du monde. Un simple nom donné dans une présentation
anodine peut vous ouvrir des portes inattendues, parce qu’on aura
compris qui vous êtes.

Dans les régions aérées où règnent une organisation


méthodique du savoir et des institutions, le nom d’un chercheur aéré
se présente sous la forme :

prénom suivi de la ville d’origine

Ainsi Garan d’Icomba ou Dariana d’Antopolis sont-ils restés


célèbres à travers les âges pour leurs travaux sur les pierres précieuses
et l’étude des Monts Grenats.

Dans les zones que le progrès n’a pas atteintes, les noms des
chercheurs immobiles se composent ainsi :

prénom suivi d’un qualificatif

Que ce qualificatif soit un adjectif ou la profession du


chercheur, il résulte toujours d’un trait distinctif au choix de celui
qui l’aborde.

Pamoé l’Alchimiste est connu pour son nom synthétique


quand celui de Doryphore le Brun n’est plus évoqué que dans de
modestes manuels de chiromancie.

43
Ces coutumes servent-elles à traduire la fierté
que les chercheurs ressentent pour leur activité ou
permettent-elles subtilement d’identifier les origines et les
philosophies de chacun ?
Les grandes académies nieront qu’elles trient les ouvrages et
les publications sur ce critère mais il est certain que la réputation
d’un explorateur va de pair avec la forme de son nom, et que cette
réputation peut donc diamétralement varier d’une région à l’autre,
selon qu’elle est aérée ou non.

6. Choisir un point de départ pour l’aventure


Choisissez une région fictive qui sera votre point de départ
commun. Est-ce là que le maître habite la plupart du temps ? Le
disciple est-il natif de ce lieu ? Quel est le relief de l’endroit ? Son
climat ? Une région aérée ou une zone immobile ? Une grande ville
ou une steppe habitée seulement par des tribus cavalières ? Quels
sont les lieux et les cités notables de cette région ?

Pour inventer des lieux et noms de ville

L’univers de jeu comporte deux types de région :

Celles que l’on appelle les régions aérées sont les régions du progrès
scientifique, de la confiance en l’avenir et des technologies les plus
avancées. Elles abritent les lieux de savoir les plus connus et les villes
les plus densément peuplées. On doit à ces régions l’invention des

44
citadelles volantes. Ce sont des régions où la présence du vent est
favorisée par l’homme.

Les villes et lieux de ces régions aérées ont tous un nom


composé dont la seconde partie est un nom de vent, comme par
exemple la cité d’Eskir du Ponant.

Des exemples de noms de vent : alizé, gharbi, harmattan, khamsin, levanter,


libeccio, loo, nordet, ponant, sirroco, squamish, vendavel, traverse, w illiw aw,
zéphyr, zonda, etc.

Les cités de l’autre type de région, que l’on appelle les zones immobiles
parce que la présence du vent n’y est pas favorisée, sont de vastes
paysages souvent sauvages où la présence humaine est dispersée et où
demeurent d’étranges ruines et témoignages d’anciennes civilisations.

Les nom de ces lieux contiennent tous un adjectif qui rappelle


la couleur dominante de l’endroit, comme le col des Trois Lunes de
Corail.

Mon carnet vous propose en annexe quelques lieux dont vous pouvez vous
inspirer pour votre histoire. Le site internet des Archives Suspendues
contient également nombre de rapports d’autres voyageurs. Leurs
indications pourraient vous intéresser si vous prévoyez de vous rendre à
votre tour dans les endroits qu’ils mentionnent.
45
Voici comment Rémi et Barbara ont choisi d’interpréter leurs personnages
:
Le personnage-maître de Rémi est Zacharias l’Exalté, originaire des
bois dorés de la Forêt Immuable. C’est une zone immobile. Zacharias
est chaman. Il possède aussi des connaissances en soin des animaux, en
herboristerie et en spiritisme.

Le personnage-disciple de Barbara est Azel le Vif, originaire de la grande


plaine opaline qui borde la Forêt Immuable. Azel est un apprenti chaman,
particulièrement doué pour la divination.

Zacharias est l’oncle d’Azel. Il vit en retrait de leur village, dans la fôret,
pour étudier les esprits qui l’habitent.
Lorsque, enfant, Azel a une vision en rêve de nuages d’or habités par
d’étranges créatures, Zacharias le prend comme apprenti. Il lui enseigne le
chamanisme traditionnel de leur clan durant cinq ans mais lui apprend aussi
l’existence de Chrysopée.

Azel, qui n’a jamais oublié son rêve, sait qu’il lui sera un jour possible de
communiquer avec tous les animaux de sa vision.
La carte est un outil précieux, des explorateurs. Si vous avez peine à
suivre votre compagnon dans les multiples déplacements qu’il vous ra-
conte, demandez-lui un croquis de son parcours. Votre correspondance
s’enrichira d’un document et permettra à vos personnages de comprendre
les chemins empruntés par l’autre explorateur.
Pour évoquer le climat

Afin de permettre à votre lecteur de mieux imaginer l’endroit


où vous vous trouvez, prenez le temps d’ajouter un petit descriptif du
paysage et de la météo du moment au début de chaque lettre.

Pour vous aider, voici les climats les plus courants selon les
saisons :

Automne Faible luminosité, premiers givres, orages,


typhons, étoiles filantes, vent
Hiver Neige, ciel pur, tempêtes, sécheresse, pluies
fines, photométéores, vent
Printemps Pluies froides, floraison, fonte des neiges, grêle,
lune rousse, vent
Été Mousson, canicule, hautes marées, brouillard,
incendies, vent

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Calculer les temps de parcours
Dans le Monde tout A utour, les distances se mesurent en nœud.
Un nœud équivaut au temps que met le vent à faire le tour de la
boussole anéchoïque conservée à Eskir du Ponant. Par extension,
les temps de trajet annoncés dans les aérogares et les aérodômes
sont calculés ainsi :
Un nœud = 1 heure de trajet en caravelle
2 heures de trajet en train-spi
Eskir > Mitjgorn 8 nœuds
Eskir > Val d’Aval 5,8 nœuds
Eskir > Noroit 4,2 nœuds
Eskir > Archives 50 nœuds
Eskir > Nova du Williw aw 7,6 nœuds
Eskir > Ananda 157 nœuds
Mitjgorn > Archives 20,8 nœuds
Mitjgorn > Ananda 170 nœuds
Questions/réponses avant de se mettre en route

Lequel de nos deux personnages doit envoyer la première lettre ?

Il n’y a pas de réponse unilatérale à cette question. Le choix


est vôtre. En fonction de la relation qu’entretiennent vos personnages,
l’une ou l’autre des possibilités vous paraîtra peut-être comme allant
de soi.
Le mieux est encore que vous vous mettiez d’accord avant
de commencer. Lequel d’entre vous se sent l’envie d’inaugurer la
correspondance ?

Puis-je envoyer des lettres pour raconter simplement mes réflexions


du quotidien ?

Bien sûr ! Les lettres d’ambiance ou de réflexion sont aussi


considérées comme un avancement vers Chrysopée.
L’ouverture au monde, la curiosité, l’émerveillement,
l’adaptation, sont autant de choses qui peuvent valoir des points.
Une telle lettre de la part du disciple aura tout à fait sa place
dans le jeu et sera récompensée, comme expliqué au chapitre suivant,
p. 58.

Peut-on s’amuser à jouer avec l’ordre des lettres ?

Si ce carnet contient autant de moyens de poster du courrier


– et leurs failles respectives – c’est aussi pour vous permettre de jouer
sur le rythme de votre périple.
49
Par exemple, votre correspondant recevra
votre lettre des Archives en un rien de temps parce
l’endroit possède des bornes flambant neuves. Vous pouvez
choisir de lui envoyer une lettre plus tard, qui a pourtant été
écrite avant votre arrivée dans ce lieu, parce que vous avez envie
de parler de votre voyage jusqu’aux Archives.
Les numéros de lettres sont là pour ça : la lettre 3 peut très
bien arriver après la lettre 5. Les chemins du courrier sont parfois
impénétrables dans le Monde tout Autour...

Puis-je introduire des personnages ?

Oui, si vous le souhaitez ! Compagnon


de route de quelques heures, pilote de caravelle
personnel, nouvel ami, étrange rencontre, vieille
connaissance...

La route est aussi faite de cela.

50
Quatrième escale
Les règles du jeu
1. Avant-propos
Pourquoi mettre des règles dans une relation épistolaire ?
Parce que Sur la route de Chrysopée est un jeu et que le système de
règles présent dans ce carnet a été pensé pour rendre vos parties
plus dynamiques et vous permettre d’y inclure plus facilement des
rebondissements, des défis et des enjeux.
Il permet aussi de rendre la relation entre le maître et le
disciple plus intéressante en permettant à chacun des personnages
de disposer d’une part d’autorité.

La règle fondamentale est que ce qui a été dit/décrit/montré précédemment


par un joueur ne peut jamais être contredit.

2. Principe général
Les explorateurs qui prennent la route pour Chrysopée ne
sont pas appelés alchimistes par hasard. Leur chemin est marqué
par des étapes qui ont pour but de les amener progressivement vers
l’aboutissement de leur quête.
51
Tout en obtenant le savoir dont ils ont besoin
pour réaliser leur rêve, les explorateurs partent à la
découverte d’eux-mêmes : le corps, l’esprit et le cœur sont
tour à tour observés, améliorés et réconciliés.

Cette route balisée par de grandes étapes obligatoires est


appelée l’Athanor ou le creuset.
Symboliquement, elle est le récipient où l’explorateur va
réaliser ses recherches et expériences. Cette route concerne à la fois
le rêveur et son rêve : au bout de l’Athanor, le maître et le disciple
atteindront leur objectif extraordinaire. Mais ils se seront eux aussi
transformés. Ils auront produit des merveilles, auront élevé leur
esprit, auront embrassé une nouvelle liberté, et se seront réconciliés
avec leur part d’ombre.

Les êtres qu’ils seront devenus pourront alors trouver


Chrysopée et en franchir le seuil, comme l’ultime récompense de
leurs efforts. Ce sera peut-être la fin du voyage. Ou le début d’un
autre.

L’Athanor

La route qui mène vers Chrysopée suit un déroulement bien


précis, qui a pour but d’élever sans cesse l’alchimiste vers un état
supérieur. Il faut arpenter son tracé dans l’ordre, sans en manquer
une étape, car c’est le respect de son mode opératoire qui permet
l’alchimie.

52
Le maître et l’apprenti arpentent tous les deux l’Athanor.
L’objectif à atteindre à chacune de ses étapes est le même pour les
deux personnages mais les façons de procéder vont différer car le
maître et son disciple ne vivent pas l’expérience de Chrysopée de la
même façon.

Voici un premier aperçu de l’Athanor :

Tous les hommes débutent au stade de la Materia Prima, la terre.


C’est le point de départ de tous les explorateurs et là où se situe la
grande majorité des créatures vivantes.

Puis vient l’œuvre de Mars. Elle consiste à produire de quoi


acquérir l’indépendance de l’alchimiste. À son issue, ce dernier est
prêt à tirer pleinement profit du voyage.
Il n’aura plus jamais peur de mettre la main à la pâte pour participer
à l’amélioration du monde.

Ensuite apparaît l’œuvre de Saturne. On l’appelle aussi l’œuvre


au noir. Elle consiste à trouver le courage d’observer sa part d’ombre
pour pouvoir voyager de concert avec elle sans la redouter ou la
refouler.
L’apprivoiser se fera peut-être tout au long du chemin mais l’alchimiste
aura alors acquis l’honnêteté et la conscience de tout ce qui l’habite,
et n’aura plus jamais peur d’avouer ses faiblesses.

L’œuvre de la Lune, ou œuvre au blanc, est la troisième étape. Ayant


désormais apprivoisé ses propres failles, l’explorateur peut interroger
et critiquer les dogmes et les préjugés du monde qui l’entoure. C’est
un autre pas pour conquérir son indépendance.

53
À ce stade, l’alchimiste est un esprit critique
et libre, qui s’est débarrassé des cadres obsolètes pour
poursuivre sa route l’esprit clair.

L’alchimiste atteint ensuite à l’œuvre de Mercure. L’esprit qui a


refusé le mensonge et le dogmatisme peut se déployer pleinement
et acquérir des connaissances qui jusque-là lui demeuraient
inaccessibles.
Avec cette œuvre, l’alchimiste atteint une compréhension du monde
jamais entrevue jusqu’alors.
Les voiles de la vérité s’écartent pour laisser apparaître des réponses
inattendues ou longtemps espérées.

L’œuvre de Vénus est aussi appelée l’œuvre au jaune. C’est la


cinquième étape vers Chrysopée et la plus mystérieuse car « changer
de regard c’est aussi changer d’âme » comme disent les poètes.
En paix avec lui-même, disposant d’une liberté et d’un savoir
inestimables, l’alchimiste doit désormais décider quelle sera sa place
dans le monde. Quel rôle souhaite-il jouer parmi les humains ?

Enfin, l’œuvre finale, dite l’œuvre du Soleil ou œuvre au rouge, est


l’instant où l’alchimiste atteint son but.
Ce moment de consécration, où son corps, son esprit et son cœur si
longuement étudiés et embellis agissent à l’unisson, donne l’ultime
direction des derniers pas à faire pour atteindre Chrysopée.

54
Avancer sur la route

Sur la fiche de personnage (que vous trouverez sur le site des


Archives, voir p. 78) figure la représentation de l’Athanor. Chaque
symbole représente l’une des étapes alchimiques. Plus l’explorateur se
rapproche du centre de la spirale, plus il avance vers l’accomplissement
de sa quête et Chrysopée.

Le maître et le disciple commencent tous les deux au stade


de la Materia Prima. C’est leur collaboration qui va leur permettre de
progresser sur l’Athanor.

Chaque personnage évalue son correspondant : cela signifie


que le disciple proposera des épreuves à son maître et que le maître
en fera autant avec son disciple. Il ne s’agit pas d’une compétition
mais bien d’une collaboration intellectuelle et affective. Les lettres
devront donc permettre aux personnages de bien comprendre ce que
l’autre joueur vit, ce qu’il expérimente et la façon dont il évolue au fil
de l’aventure.

Chaque étape de l’Athanor a ses propres exigences. Elles sont


détaillées plus loin. Il vous est possible de choisir l’un des exemples
proposés pour chaque personnage ou d’inventer votre propre
épreuve. Ne choisissez qu’une situation par étape.
Les lettres des personnages seront donc nécessairement
orientées sur les considérations de l’étape à valider. La façon dont
votre personnage présente l’épreuve à son correspondant a son
importance : pour que l’histoire reste fluide et agréable, vous n’êtes
pas obligé de faire référence à l’Athanor lorsque vous proposez une
situation. Donnez suffisamment de détails à l’autre personnage pour

55
qu’il puisse s’investir dans l’étape.
Plutôt que d’écrire « Maintenant que tu arpentes l’œuvre
de la Lune, il te faut parvenir à réformer une institution » écrivez
plutôt : « J’ai entendu que mon ancien rival est finalement arrivé à la
tête de l’Académie d’Urbanisme. Cet homme m’a toujours paru dangereux.
Il faut que nous fassions quelque-chose ou l’Académie sombrera dans sa
mégalomanie. »

Voyager par le corps et l’esprit

Tandis que les explorateurs arpentent l’Athanor, ils se


déplacent également dans le Monde tout Autour.
Ainsi, il est courant de dire que l’on fait escale à un endroit. Le
voyage du disciple sera donc rythmé par les étapes de l’Athanor et par
les escales qu’il fera dans les villes et paysages traversés.

Une escale a un sens particulier : c’est un arrêt volontaire et


motivé par la quête alchimique. On ne fait escale que dans un endroit
qui peut nous apporter des réponses ou de nouvelles opportunités de
progression.
Le maître ne peut voyager avec une telle ardeur. Peut-être
se déplace-t-il, quand il le peut, dans un congrès exceptionnel, chez
un confrère ou dans une bibliothèque de sa ville mais ses escales
ont une envergure réduite. Ce n’est pas lui qui passera le jeu sur les
routes.

56
Raconter le voyage

Atteindre Chrysopée ne se fait pas en quelques jours. Certains


arpentent le monde des années durant pour tenter d’apercevoir ses
portes d’or.

Mais sur le chemin, chaque nouvelle escale est l’occasion de


glaner des informations utiles, de visiter des lieux de savoir ou de
rencontrer des éminences dans un domaine particulier. « Lorsque
l’on sait où l’on va, on trouve toujours » dit un proverbe nomade.
Pour progresser vers Chrysopée, le disciple va voyager
d’escale en escale, motivé par le fil rouge que constitue la quête qu’il
partage avec son maître.
L’escale n’est pas forcément une ville. Ce peut être un
campement ou l’exploration d’un lieu précis, même perdu en pleine
nature. C’est une étape nécessaire qui demande que le disciple
interrompe sa course car il pense y trouver quelque chose d’important.

Aussi, chaque fois que le disciple entreprend de se diriger


vers un lieu qui le rapprocherait de Chrysopée, il doit annoncer à son
maître ce qu’il souhaite y faire ou y trouver. De cette façon, le maître
peut suivre le double cheminement de son élève : le voyage matériel
et le cheminement intellectuel.

Cette annonce peut se faire avant le trajet ou bien une fois sur
place.

Les lettres du disciple ne doivent pas nécessairement


comporter l’annonce d’une nouvelle escale à chaque fois. Une escale
peut durer le temps de plusieurs lettres.

57
Les lettres des deux personnages peuvent
contenir des réflexions, des doutes ou des questions,
et le récit pur et simple de ce que font les personnages durant
leur journée.
Ils peuvent débattre sur un sujet, s’envoyer des images ou de
la poésie, donner des nouvelles d’autres personnages inventés par
les joueurs, parler de leurs ennuis ou de leurs finances... Tout ce que
peut contenir une correspondance habituelle.

Évaluer la progression

Il y a trois phases de la lune (ou points) entre chaque grande


étape de l’Athanor. Respecter l’ordre de ces étapes est une obligation
car la transformation alchimique suit un ordre bien précis auquel nul
ne peut déroger.
Il faut avoir coché chacune de ces phases pour valider l’étape
proprement dite, incarnée sur la fiche par son symbole alchimique.

Voici le barème qui permet de cocher les phases de la lune :

Une lettre qui ne contient ni photographie, ni image, ni document


rapporte un point.
Une lettre qui s’écarte de l’Athanor pour livrer les doutes, les
réflexions et les rêveries du personnage en dehors de la quête
alchimique vaut un point.
Une lettre qui suit la progression de l’Athanor et qui contient des
images, ou des photographies vaut deux points.

58
Donner trois points à une lettre

C’est un cas de figure possible. Pour cela, il faut que la lettre


suive la progression de l’Athanor, qu’elle contienne des documents,
des photos ou des images et qu’elle soit particulièrement inspirante,
poétique ou épique dans les événements qu’elle raconte...
Vous ne pouvez donner trois points d’un seul coup qu’à trois
lettres durant toute la durée du jeu.

L’Athanor et la quête de l’alchimiste

Vos personnages partagent une quête extraordinaire que


vous avez définie en début de jeu. Les étapes de l’Athanor peuvent
s’appuyer directement sur cette quête ou bien s’ajouter à elle comme
des aventures inattendues. Vous pouvez bien sûr mêler les deux
possibilités tout au long du jeu.
Le descriptif des étapes indique toujours, à la suite des
exemples d’épreuves, ce que le maître et le disciple obtiennent pour
faire avancer leur quête.

L’attribution des points doit rester secrète car c’est un moyen de


visualiser la progression des joueurs mais les personnages eux-mêmes n’ont
pas à tenir ce décompte. N’informez l’autre joueur que lorsqu’il est prêt à
valider une étape et félicitez-le de ses réussites.
Les informations du type « J’ai accordé deux points à ta dernière lettre. »
font référence au système de règles et sont donc à éviter au sein même de
la correspondance pour ne pas nuire à l’ambiance de votre voyage.
59
Répartir les points selon la progression

La validation d’une étape majeure de l’Athanor doit


nécessairement se faire lors d’une lettre dédiée à cette action.

Voici un déroulé pour expliquer comment reporter les points


sur la fiche (voir p. 78) en fonction des situations rencontrées :

I. Le disciple a validé l’étape de la Lune lors de la lettre précédente.


Il s’attèle désormais à l’œuvre de Mercure. Il envoie une lettre à son
maître pour lui signifier qu’il est dans un nouvel endroit et qu’il
commence de nouvelles recherches. Comme la lettre qui relate ses
expériences est accompagnée de plans trouvés sur Internet, le maître
lui donne deux points qu’il note sur sa propre fiche.

II. La lettre suivante du disciple fait mention du résultat de ces


expériences, de leur résultat et des nouvelles tentatives du disciple,
suite à l’aide d’une scientifique rencontrée durant l’escale. Le
disciple joint un portrait de cette femme et des extraits d’un manuel
d’aéronautique.

III. Le maître devrait à nouveau donner deux points pour cette lettre
mais il ne reste qu’une lune à cocher avant le symbole de l’œuvre de
Mercure. Le maître coche donc le dernier point et...

IV. Il envoie une lettre à son disciple pour lui expliquer que ses
recherches récentes lui ouvrent la voie d’une nouvelle étape.

60
Si un point reste en suspens parce qu’une étape est à franchir, notez-le
dans un coin. Vous pourrez toujours le reporter sur l’Athanor une fois
l’oeuvre réussie.

V. Le disciple va donc rédiger une lettre dédiée au récit de cette


validation d’étape. Le maître coche le symbole de Mercure sur sa
propre fiche.

VI. Il invite ensuite son disciple à explorer l’œuvre de Vénus.


Chrysopée n’est plus très loin.

La règle de la coupure de presse

Il existe un second moyen de transmettre des informations à


votre correspondant : la coupure de presse.
Les journaux, publications, gazettes et tribunes sont nombreuses à
informer les habitants, à retranscrire des débats, et à colporter des
découvertes ou des faits divers.

Si votre personnage prend part à des entreprises compliquées


ou périlleuses et qu’il se retrouve dans l’impossibilité d’en témoigner
par une lettre, alors la presse peut rapporter la situation à son
correspondant.
Bien sûr, elle ne s’attardera sans doute par sur l’intégralité des
actions ou de l’implication du personnage mais pourra témoigner
de sa présence ou d’une partie de ses paroles ou de sa situation, tout
61
en apportant des explications sur les enjeux de
l’événement, ses causes ou ses conséquences.
Le joueur qui envoie la coupure de presse doit être
directement concerné par l’événement et ce dernier doit lui être
problématique ou négatif.
Le correspondant qui reçoit cette coupure de presse va
devoir proposer la résolution de la situation par coupure de presse
également. Il faut nécessairement que son personnage ait joué
un rôle dans cette résolution : de lui-même ou via son réseau de
connaissances ou d’alliés, au grand jour ou dans l’ombre.
La résolution de la situation ne se fera jamais sans perte. Elle
doit nécessairement coûter quelque chose aux deux personnages :
blessure, dette, perte matérielle, réputation...
Suite à cet échange, la correspondance peut reprendre son
cours normal et les deux personnages pourront se raconter en détail
comment ils ont vécu les événements rapportés par la presse et
expliquer ce qu’ils auront perdu dans l’entreprise.
Les coupures de presse rapportent un point à chaque joueur
sur l’Athanor.

Il n’est pas possible d’utiliser la coupure de presse sur plusieurs lettres


consécutives. Le schéma à respecter est :
1. Annonce par presse > 2. Résolution par presse > 3. Reprise de la
correspondance.
La coupure de presse permet de faire intervenir des éléments
perturbateurs d’une certaine ampleur mais ne peut pas se substituer
totalement à la correspondance habituelle.
62
Sur la route du désert de Bronze, Kasteban le Sourd se fait
Sur la route du désert de Bronze, Kasteban le Sourd se fait enlever par
enlever par des mercenaires qui le privent de son orbe et des moyens
des mercenaires qui le privent de son orbe et des moyens d’écrire. Comment
d’écrire.
Comment prévenir son maître alors ? Il n’est pas en mesure
prévenir son maître alors ? Il n’est pas en mesure de le faire mais la presse
de le faire mais la presse locale ne tardera pas à écrire un papier titré
locale
« Attaquene tardera pas à écrire dans
de mercenaires un papier titré «sur
le désert Attaque de mercenaires
une caravane dans
». L’article
témoigne de la situation politique extrêmement tendue de la région,
lele désert sur une caravane ». L’article témoigne de la situation politique
défaitisme des autorités et rapporte aussi l’enlèvement du jeune
extrêmement
alchimiste. tendue de la région, le défaitisme des autorités et rapporte
Le joueur de Kasteban fait donc parvenir cette coupure de
aussi l’enlèvement du jeune alchimiste. Le joueur de Kasteban fait donc
presse relatant l’incident et la dangereuse situation de son personnage
parvenir cette coupure de presse relatant l’incident et la dangereuse situation
à son correspondant.
de son personnage à son correspondant.
Ce dernier joue le maître de Kasteban. Il répond à sa coupure
de presse Cepar
dernier répondarticle
un autre à sa coupure de presse
qu’il intitule par un deautre
« Reprise articledans
contrôle qu’il
les abords du désert. La libération tourne à l’expédition punitive. ».
intitulé :Grâce
« Reprise de contrôle dans les abords du désert. La libération
à ses relations dans le village des caravaniers, le maître
tourne
parvient à l’expédition
à convaincre punitive.
leur».conseil
Grâcedeà marchands
ses relationsd’intervenir
dans le villagepour
des
traquer les mercenaires et libérer les otages. Mais l’opération coûte
caravaniers, le maître parvient à convaincre leur conseil de marchands
cher : les mercenaires sont massacrés et de nombreux caravaniers
d’intervenir
périssent dans pour traquer les mercenaires
le règlement et libérer
de compte. les otages.
Quant Mais l’opération
aux otages, épuisés
et déshydratés, ils sont confiés aux chamans du désert qui étaient
coûte cher. Les mercenaires sont massacrés et de nombreux caravaniers
l’escale prévue par le jeune disciple.
périssent dans le règlement de compte. Quant aux otages, épuisés et
La correspondance va pouvoir reprendre son cours normal,
déshydratés, ils sont confiés aux chamans du désert qui étaient l’escale
mais la réputation du maître de Kasteban va sûrement pâtir de son
prévue
ingérence.par leQuant
jeune disciple.
au disciple, il a atteint son but mais il pourra à loisir
décrire les séquelles physiques de son séjour forcé sous la fournaise.
La correspondance va pouvoir reprendre son cours normal, mais la réputation
du maître de Kasteban va sûrement pâtir de son ingérence.
63
Départ : Materia Prima

O
« Vis lumineux, crée un poème et va :
accrois l’espace de la terre. »
Le point de départ a toujours une saveur particulière pour le
voyageur.
Lorsque l’on se retourne en chemin, le cœur soudain attiré
en arrière par un élan de nostalgie, on revoit l’endroit qui a vu nos
premiers pas. Avant le début du voyage, ses pavés étaient l’ultime
frontière avant l’inconnu. Sans lui, il n’y aurait peut-être jamais eu de
voyage.

À bien y réfléchir, il était l’incarnation d’une certitude : celle


qu’il y aurait toujours un foyer pour nous accueillir quelque part
dans le monde.
La première lettre sera votre point de départ pour le jeu.

Dès que votre personnage reçoit la première lettre de son


correspondant, il coche le symbole de la Materia Prima.

64
Que doit-on nécessairement trouver dans cette première lettre ?

Que ce soit le maître ou le disciple qui l’écrive, indiquez


depuis combien de temps le disciple a quitté la proximité de son
maître et vers où il a l’intention de se diriger. Rappelez le but de cette
première escale. Décrivez également vos émotions face à la distance
qui désormais sépare vos deux personnages. Le reste de la lettre vous
appartient.

65
Étape 1 : L’œuvre de Mars

E
« Les questionnements ardents rendent si imprécises
les limites de l’âme. »
Mars, la planète rouge, est l’astre de l’élément fer. Elle est
parfois nommée Igneus, l’étincelante. Son influence gouverne les
travailleurs acharnés et les ouvrages qui demandent volonté et
patience. Elle est la planète du savoir-fer.

C’est sous son égide que se déroule la première étape de


l’Athanor. Pour familiariser l’alchimiste au long travail qui l’attend,
elle lui offre la première révélation : être capable de se prendre en
main, de ne jamais rechigner à la tâche, et surtout, de ne jamais
déprécier le travail manuel pour les seules sphères de l’intellect.
En cela, Mars est la plus proche de la Materia Prima : c’est elle
qui fait le lien entre le biologiste et son arbre, le bâtisseur et sa pierre,
le géographe et son fleuve.
L’œuvre de Mars nécessite de tourner son esprit vers un
exercice des plus pratiques : la fabrication de ses propres outils,
l’attention portée au corps, le soutien dans tout ce qu’il a de plus
matériel. Sans ces prérequis, le voyage vers Chrysopée serait un échec
car le corps n’est pas que le moyen de locomotion de l’esprit. C’est une
part de l’homme dans son intégralité.

66
Cette étape est aussi appelée : la quête de l’établissement.

Voici des exemples de réalisations pour l’œuvre de Mars :

Le disciple doit relater : Le maître doit relater :


La création d’un outil qui ne le La mise en place d’un réseau de
quittera plus contacts utiles
La conception de son moyen de La transmission d’un objet qui lui
transport est cher
Une mésaventure matérielle Un soutien logistique déterminant
dépassée avec acharnement pour son disciple
Un engagement auprès d’un artisan Une maladie sérieuse dont il doit
guérir

À l’issue de l’œuvre de Mars, le personnage envisage les


moyens matériels nécessaires à la réalisation de la quête avec une
clarté nouvelle. Il comprend précisément de quels outils il aura
besoin pour y parvenir.

67
Étape 2 : L’œuvre de Saturne
G
« Voyez, en Saturne l’or est caché (...)
De même l’homme, après la chute, se cache
en une effigie de lui-même. »
Saturne ou Ophereth, le soleil noir, est l’astre de l’élément
plomb. Pour les alchimistes, c’est sous sa protection que se déroule
ce qu’ils appellent l’œuvre au noir. Cette opération repose sur la
calcination, liant cette étape à la mort et à la disparition.
C’est sous son égide que se déroule la deuxième étape de
l’Athanor. Un explorateur ne pourra pas voyager tranquille si ses
fantômes personnels hantent la route et lui barrent l’accès à des
expériences fondamentales. La première des explorations consiste
donc, avant de se mesurer au monde, à affronter son propre univers
intérieur. La planète est le symbole de l’intimité et des rancœurs sans
paix ni oubli.

L’œuvre de Saturne consiste à prendre conscience de ses


sombres secrets, à les présenter sans honte ni crainte et à accepter de
travailler à leur dépassement.
En vérité, l’œuvre de Saturne perdure souvent tout au long de
l’Athanor mais la période la plus douloureuse doit être réalisée sous
son patronage afin de continuer la route l’esprit apaisé.

68
Cette étape est aussi appelée : la quête des profondeurs.

Voici des exemples de réalisations pour l’œuvre de Saturne :

Le disciple doit relater : Le maître doit relater :


La situation à l’origine de sa La situation à l’origine de sa
nostalgie et agir avec l’aide de son nostalgie et agir avec l’aide de son
correspondant pour parvenir à la correspondant pour parvenir à la
dépasser. dépasser.

À l’issue de l’œuvre de Saturne, le personnage est saisi d’un


doute profond sur son attitude d’alchimiste et profitera de la relation
qu’il entretient avec son correspondant pour définir une nouvelle
méthode de travail qui lui convienne mieux. La résolution de la
situation à l’origine de sa nostalgie peut encore durer jusqu’à trois
étapes supplémentaires s’il le souhaite.

69
Étape 3 : L’œuvre de la Lune
B
« Un halo de lumière entoure le monde de l’esprit.
Le vide est illuminé par la lumière du cœur du ciel.
Le disque de la Lune repose solitaire. »
La Lune veille sur l’œuvre au blanc, ou encore « petit œuvre ».
Grâce à elle, l’alchimiste obtient la Mirifica Aqua, l’eau purificatrice.
Elle est l’astre de l’élément argent.
C’est sous son égide que se déroule la troisième étape de
l’Athanor. La purification est un long procédé qui consiste à rendre
l’esprit plus clair et l’âme plus légère.

Planète du foyer, la Lune permet de bâtir un lieu idéal, de


bouleverser les fondations fragiles et de dresser de nouveaux ponts
plus solides. L’alchimiste qui a accepté de devenir meilleur en lui-
même, peut étendre cette ardeur à tout ce qui l’entoure et éclairer la
nuit avec une résolution tranquille mais déterminée.
L’œuvre de la Lune nécessite d’interroger la société, d’en
repérer les faiblesses ou les injustices et d’ouvrir de nouveaux sentiers
à la connaissance, loin des traditions qui l’emprisonnent.
C’est une guerre contre le dogmatisme, les préjugés légués
par sa famille, une conception du monde dépassée. Avec elle, c’est
l’indépendance de l’esprit qui triomphe.

70
Cette étape est aussi appelée : la quête de l’innovation.

Voici des exemples de réalisations pour l’œuvre de la Lune :

Le disciple doit relater : Le maître doit relater :


Une expérimentation délicate Le décryptage d’un mystère
Une recherche acharnée Une impasse de réflexion à franchir
L’élaboration d’une théorie La résolution d’un vieux problème
révolutionnaire
La compréhension d’un mythe Une solution risquée pour sa
ancien réputation

À l’issue de l’œuvre de la Lune, le personnage comprend ce que


la quête engendrera de révolutionnaire dans le monde et comment
elle modifiera en profondeur les façons de voir, de penser et d’agir de
ceux à qui elle profitera.

71
Étape 4: L’œuvre de Mercure

C
« Il renferme une liqueur qu’il convient d’observer avec attention
car je vous révèle que cette liqueur
n’est autre que le mercure des philosophes. »
Mercure est un astre primordial pour les alchimistes. Il
gouverne le métal du même nom qui, avec le soufre et le sel, compose
toute chose et mène vers la pierre philosophale. On le dit à l’origine
de tous les autres métaux de la planète. Il est donc pensé comme un
principe de vie, le réceptacle de l’intelligence et du sacré. Mercure
veille sur l’étude et l’esprit.
C’est sous son égide que se déroule la quatrième étape de
l’Athanor. Toutes les œuvres précédentes pourraient être vues comme
une préparation pour celle de Mercure. La planète est la plus proche
du Soleil. À travers elle, l’alchimiste aperçoit donc une grande partie
de la vérité. La moitié du chemin est déjà derrière lui et le but est en
vue, plus rayonnant que jamais.

L’œuvre de Mercure demande un travail acharné d’études et


d’expériences. L’intelligence est mise ici à rude épreuve pour lever
des secrets et saisir une nouvelle vérité. La planète est le royaume des
pourquoi et des comment. Les sciences et les mythes y sont distillés
comme des alcools pour en tirer les principes fondamentaux.

72
Cette étape est aussi appelée : la quête de l’élévation.

Voici des exemples de réalisations pour l’œuvre de Mercure :

Le disciple doit relater : Le maître doit relater :


Un investissement dans une cause La mise en place d’un réseau de
politique contacts utiles
Une lutte contre un modèle établi Une crise identitaire
Une bataille en faveur de pensées Une participation à un projet
alternatives critiquable
La réforme d’une institution Une contestation périlleuse

À l’issue de l’œuvre de Mercure, le personnage comprend tout


l’aspect théorique de la quête alchimique : son origine, le procédé de
construction, le mode de fonctionnement, les grandes lois ou mythes
auxquels elle se rapporte et les raisons de son existence.

73
Étape 5: L’œuvre de Vénus

D
« À quoi sert de voyager si tu t’emmènes avec toi ?
C’est d’âme qu’il faut changer, non de climat. »
Vénus gouverne l’œuvre au jaune, que l’on appelle aussi la
sublimation. Sublimer ses sentiments, c’est choisir de s’attacher
non pas à un être en particulier mais à tous les êtres, quels qu’ils
soient. C’est embrasser chaque chose, la comprendre, l’entendre, la
considérer.

C’est sous son égide que se déroule la cinquième étape de


l’Athanor. Après avoir élevé l’esprit, il faut désormais déployer les
limites du cœur.
L’explorateur qui atteint cette étape devra choisir le rôle qu’il
souhaite jouer au sein du monde, et la place qu’il occupera parmi
les humains. Vénus lui permettra de choisir la meilleure direction à
donner à ses sentiments pour qu’ils puissent rayonner librement.

L’œuvre de Vénus exige de faire des choix parfois très


douloureux pour que l’alchimiste demeure libre de finir son voyage.
Renoncer à des sentiments personnels trop contraignants lui
permettra d’acquérir un nouvel amour moins exclusif, plus profond et
plus sage. C’est le moment de résoudre les derniers conflits intérieurs
s’il en demeurait encore.

74
Cette étape est aussi appelée : la quête du déploiement.

Voici des exemples de réalisations pour l’œuvre de Vénus :

Le disciple doit relater : Le maître doit relater :


Une union impossible Une lutte contre un vieux fantôme
Une lutte fratricide, matricide Un renoncement difficile
ou parricide
Un rite de passage Un acte de destruction douloureux
Un acte aux conséquences Une décision irréversible
irrémédiables

À l’issue de l’œuvre de Vénus, le personnage embrasse tous


les aspects sentimentaux de sa quête. Il ouvre son cœur à une autre
perception des sentiments et sa place dans l’univers s’en trouve
modifiée pour toujours.

75
Étape 6 : L’œuvre du Soleil

« Par tes mains j’ai mesuré le monde


A
et sur la pure balance de tes épaules,
j’ai pesé l’or du Soleil et la pâleur de la Lune. »
Dernière étape de l’Athanor, l’œuvre du Soleil est aussi
nommée « l’œuvre au rouge ». C’est le moment où chaque partie
du travail de l’alchimiste est rassemblée pour ne former qu’un tout
cohérent et parfait.

Cette ultime réalisation doit son nom à l’incandescence


magnifique qu’elle produit, source d’une énergie nouvelle et
intarissable, que la volonté peut manier à sa guise.

L’œuvre du Soleil contient les derniers pas qui permettent


d’atteindre Chrysopée. Au bout de la route se tiennent ses magnifiques
portes d’or, que certains voient comme une révélation de l’esprit et
d’autres comme un véritable bâtiment dissimulé au cœur du monde.

Cette étape est aussi appelée : la quête du seuil.

L’œuvre du Soleil regroupe les ultimes lettres du jeu : elles


permettent aux personnages de faire un bilan sur le chemin parcouru

76
ensemble, les épreuves traversées et les miracles accomplis. C’est à ce
moment qu’ils peuvent décider d’aller jusqu’au bout du chemin et
d’atteindre Chrysopée ou bien d’y renoncer pour une raison ou une
autre.

Le premier des personnages à valider l’œuvre du Soleil a un


choix à faire : franchir seul le seuil de Chrysopée et ainsi terminer la
partie par une ultime lettre ou bien demeurer pour permettre à son
correspondant de valider l’étape à son tour. Ils franchiront alors le
seuil de Chrysopée ensemble.

L’un des joueurs choisit de renoncer à Chrysopée : il en informe


son correspondant et c’est à ce dernier qu’il revient d’écrire une ultime
lettre qui marquera la fin de la partie.

L’un des joueurs valide l’œuvre du Soleil en premier et décide


d’atteindre Chrysopée seul : c’est lui qui signera l’ultime lettre du jeu,
qui devra s’arrêter juste avant qu’il ne franchisse le seuil de Chrysopée.

L’un des joueurs valide l’œuvre du Soleil en premier et décide


d’aider son correspondant : c’est à ce dernier qu’il revient de signer
l’ultime lettre du jeu, qui devra s’arrêter juste avant qu’il ne franchisse
le seuil de Chrysopée.

77
3. Le journal d’alchimiste
Pour consigner toutes les informations utiles à la fiction,
chacun des explorateurs peut remplir un document afin de ne pas
oublier d’élément important :

Un journal d’alchimiste pour le maître et le disciple. Chaque


joueur remplit celui de son personnage avec les informations qui le
concernent.
Un journal d’escale si vous souhaitez garder une trace des
événements et personnages au fur et à mesure du voyage.
Une carte du Monde tout Autour à compléter au fil des cités et
lieux traversés.

Vous trouverez tous ces documents dans le rayon « Ressources » des


Archives Suspendues, sur Internet.
http://archives-suspendues.net/ressources/

78
79
Cinquième escale
Voyage dans le Monde tout Autour
Les Archives Suspendues

À l’ouest du grand continent, au bord des falaises sculptées


donnant sur la Mer de Nuages, se dressent les Archives Suspendues,
le plus grand lieu de conservation d’ouvrages privés du Monde tout
Autour.

Ce grand édifice, semblable à une cathédrale aux centaines de


minarets, flotte parmi les nuages blancs de l’océan. Depuis les falaises
gravées s’élancent de grands ponts flottants taillés dans la pierre
claire du continent. Leurs arches pures lévitent au-dessus des nuées,
franchissant les cumulus amoncelés en contrebas, avant de rejoindre
les parvis des Archives.
Le bâtiment, laiteux et dépouillé d’ornements, doit son
élégance magistrale aux arcs-boutants étirés vers le ciel qui donnent
au monument les allures d’une nef blanche posée sur l’atmosphère.

Malgré la célébrité presque religieuse dont bénéficie cette


construction, plus personne ne se souvient du nom de son architecte,
80
81
le travail n’ayant jamais reçu aucune signature.
Les seules inscriptions taillées dans le calcaire figurent
sur le parvis principal : elles donnent les noms des vents et
pointent la direction de leurs origines d’une simple flèche qui
indique le plus souvent l’horizon envahi par le relief des nuages.

Les Archives abritent des milliers d’ouvrages sous un plafond


immense couvrant de vastes halls en enfilade dont les voûtes se
succèdent en fractales.
Contrairement aux nombreuses bibliothèques et librairies du
Monde tout Autour, les Archives Suspendues se sont données pour
unique mission de conserver les ouvrages des voyageurs. Journaux,
cartes, études, plans, carnets, correspondances... Inlassablement,
des générations d’archivistes en uniforme de lin collectent les
témoignages des explorateurs.
Des petits recueils intimes aux grandes recherches d’une
vie, c’est toute une mémoire de haltes et d’escales qui sommeille
sous les arches épurées de la grande nef. Des milliers de pages et de
rouleaux témoignent en silence d’expériences personnelles, uniques,
irremplaçables.

Combien d’ouvrages dorment sur les rayonnages, seulement


connus du registre des archives et oubliés du monde des hommes ?
Parfois, un curieux vient déterrer un vieux livre par hasard,
chassant la poussière amassée sur sa tranche.

Vous ferez sans doute halte aux Archives Suspendues pour


plusieurs jours : une recherche minutieuse sur un sujet obscur
pouvant s’y avérer fort longue. On vous invitera alors à loger dans les
petites chambres au-dessus du transept gauche. Ces cellules, presque
82
monacales, offrent le confort minimum mais pour les visiteurs aisés
il devient facile de se procurer une baignoire en faïence, une place
au restaurant des Archives fréquenté par les agents du bâtiment ou
une chambre avec un balcon ouvrant sur l’immensité de la mer de
cumulus.

Le voyage jusqu’aux Archives Suspendues est presque un


pèlerinage. Comment rester impassible à la vue de ce bâtiment sévère
et éclatant, au murmure feutré qui habite en permanence ses longs
rayonnages et surtout à la richesse de ses collections ?

Les explorateurs qui n’ont ni le temps ni la possibilité de


se rendre en personne aux Archives peuvent cependant consulter
à distance des extraits choisis de son catalogue : la plupart des
bibliothèques et des librairies des régions aérées profitent d’une borne
dédiée aux Archives. Ainsi, où que le vent porte les explorateurs qui
arpentent le Monde tout Autour, l’expérience de leurs pairs n’est
jamais bien loin. Et qu’il est rassurant de savoir qu’un chemin a déjà
été parcouru lorsque l’on doute de la route à suivre !

L’idée que leur expérience de voyage sera pieusement


conservée après leur mort console nombre d’explorateurs et beaucoup
d’entre eux lèguent l’intégralité de leurs récits aux Archives pour
continuer à en enrichir les étagères.

83
Eskir du Ponant

L’une des grandes capitales de l’Ouest est devenue célèbre


pour ses vastes demeures de briques rouges couvertes de dômes en
bronze rutilant. Mais le climat très humide de cette vallée, placée
aux abords d’un grand fleuve couleur d’huile, a rapidement oxydé
les toits brillants d’Eskir. La ville est désormais surnommée « la cité
verte », en référence au vert-de-gris omniprésent sur les hauteurs
des bâtiments.

On y trouve peu de végétation, la mousson balayant le


paysage durant de longs mois. Mais les multiples passerelles à volutes
qui s’élancent de dôme en dôme servent désormais de support à
des lierres sauvages, seuls capables de tolérer les trombes d’eau qui
s’abattent sur la cité depuis le ciel lorsque vient l’été.

Eskir est réputée dans toutes les régions aérées pour l’immense
qualité de son enseignement académique. La coupole la plus vaste de
la ville abrite l’observatoire astronomique du Consortium d’Albâtre,
une institution séculaire à l’origine d’un nombre stupéfiant de
travaux révolutionnaires. Nombre de chercheurs se sont étonnés
qu’un laboratoire astronomique d’une telle qualité ait vu le jour dans
une ville au ciel si souvent bouché par les nuages, mais les savants du
Consortium ont toujours affirmé qu’il y avait une excellente raison à
cet illusoire paradoxe.
Les savants du Consortium ont, de fait, une réponse à tout.
Est-ce parce qu’ils ne sélectionnent que les esprits les plus brillants

84
85
et les plus prometteurs ? Ou parce que le
passé marchand d’Eskir a enrichi leurs coffres et leur
gigantesque bibliothèque ?
Quelle que soit l’origine de la grâce providentielle dont est
gratifiée l’institution depuis des décennies, cette dernière a su
prouver son utilité en étant à l’origine de certaines avancées majeures
du Monde tout Autour : les plans époustouflants des citadelles
volantes, le Traité Majeur des Apesanteurs et des Lévitations, les
prototypes encore à l’essai de bulles de vie géostationnaires et la
construction du plus complexe circuit de distillation en cristal
jamais réalisé. Ce projet, dont le financement obscur a demandé
des sommes colossales, fournit des résultats prometteurs à l’heure
actuelle, a annoncé le recteur à la presse scientifique.

La présence du Consortium a transformé Eskir en une


vrombissante cité universitaire, où les hôtels et les librairies s’opposent
une concurrence acharnée. Vendeurs de souvenirs, voituriers,
tenanciers de cafés profitent eux aussi du tourisme savant de la cité.
Quelques artisans renommés ont pignon sur rue dans les
larges avenues qui vont du quai de Jade jusqu’au Consortium. Le
reste de la population se retranche dans un dédale anarchique de
ruelles et d’impasses, repaire idéal des troquets bon marché et des
organisations anonymes.
Ne vous y aventurez pas sans un guide natif d’Eskir car même
les plans vendus aux offices ne révèlent pas tout de ces quartiers
chaotiques.

Lorsque la mousson s’abat sur la cité, annoncée par les


immenses trompes du beffroi, les avenues et les ruelles sont
littéralement désertées. Seuls le tramway et les calèches privées osent
86
encore sortir braver les rideaux de lourde pluie. Une autre solution
est d’emprunter les superbes passerelles couvertes de certains
particuliers prestigieux, mais il faut avoir ses entrées dans leurs
cercles intellectuels pour espérer en bénéficier.

À cause peut-être de cette vie recluse, les habitants d’Eskir


du Ponant ne sont pas réputés pour leur accueil et leur ouverture
d’esprit. Jalousée et convoitée, la cité verte a été la proie d’ambitions
politiques et scientifiques qui ont beaucoup frappé les esprits et
rendu ses citoyens précautionneux. Encore aujourd’hui, la gloire
d’Eskir continue à attirer les ambitions les plus diverses.
Les natifs vous diront néanmoins de ne pas vous arrêter à
cette façade méfiante car, outrageusement fiers de leur ville et de son
histoire, ils seront ravis de faire découvrir les trésors cachés d’Eskir à
qui se montrera digne de la grande cité.

87
La canopée d’Orion

À l’origine de la station de la Canopée d’Orion, il y a un


couple de chercheurs : Chaska et Raymi d’Azpaluna. Tous les deux
spécialistes de la microfaune forestière, ils ont longtemps combattu
l’administration de cette zone immobile pour pouvoir y installer
leur station de recherche.
L’appellation réglementaire de la canopée d’Orion est : Station
Scientifique d’Accès Permanent à la Canopée (SSAPC) mais tout le
monde ne la mentionne plus que sous son surnom, quand les tribus
locales l’appellent simplement la « bulle des cimes ».

Sur le flanc sud de la chaîne d’Azpaluna s’étend l’immense


forêt boréale de Pavasanti. Encore largement méconnu et inexploré,
ce territoire vierge reste farouchement préservé des urbanistes des
régions aérées avoisinantes. La canopée d’Orion est la seule incursion
positiviste tolérée dans ce paysage sauvage : ses concepteurs ont fait
valoir l’objectif purement scientifique de leur projet et promis qu’il
ne serait jamais étendu. Jusqu’à présent et malgré le décès des deux
chercheurs, cette promesse a été scrupuleusement tenue par leurs
remplaçants.

La « bulle des cimes » est donc une station d’étude posée à


même le toit de verdure ondulant de Pavasanti. Assez vaste pour
abriter une dizaine d’occupants, la coupole reste maintenue en
place par des centaines de filins d’acier. Vue du ciel, elle ressemble

88
89
à une goutte de rosée posée sur une feuille
immense, accrochant le soleil rasant qui frôle la
chaîne montagneuse de bout en bout. La nuit, la canopée
d’Orion prend l’allure d’une immense méduse, ses câbles
phosphorescents ondulant sur le paysage lianescent.
Les chercheurs qui y résident vivent en relative autarcie durant
les quelques semaines que durent leurs travaux. Tous soulignent
l’expérience perturbante du grand silence profond qui monte de la
forêt vierge :

« Le bruit ne cesse jamais. Les oiseaux, les insectes, les animaux tapis
en dessous des arbres, ils n’arrêtent jamais de bruisser et de crisser
en permanence Pourtant, je n’ai jamais expérimenté de bruit aussi
silencieux. Je ne saurais pas comment l’expliquer. »

La station permet une étude incomparable des espèces


volantes de Pavasanti. Grands ramiers, colibris-foudre, chauve-
souris, gemmes-coléoptères, papillons-vitraux, etc. Tous les ans,
la canopée répertorie de nouvelles espèces et recense des plantes
inconnues. Les créatures terrestres de Pavasani restent un mystère,
hormis les quelques spécimens de porcs et de grands félins capturés
en bordure de la jungle boréale.

Les conflits sont récurrents entre les muséums et les


scientifiques de la bulle au sujet des spécimens collectés dans les
filets de la station. La plupart des biologistes refusent de mettre leurs
découvertes sous verre et les relâchent dans l’air pailleté de la forêt,
ce qui ne manque pas de rendre furieux les directeurs des collections
naturelles, les investisseurs et certains collectionneurs.

90
Mais tous les occupants de la
canopée d’Orion ne sont pas aussi
scrupuleux et malgré les rigoureux
examens d’admission qui permettent
d’obtenir une place sous la bulle, panthères
arboricoles et Théclas arc-en-ciel se retrouvent
parfois dans les cabinets de curiosité
de riches patriciens.
La canopée accueille aussi
quelques astronomes car le ciel
d’Azpaluna est d’une rare pureté, les
nuages cantonnés de l’autre côté de la
chaîne montagneuse n’en franchissant
jamais les pics escarpés.

Quant aux tribus locales, elles se


laissent peu approcher par les chercheurs
de la station mais acceptent parfois de
partager quelques-unes de leurs connaissances
en pharmacopée. Les vertus des plantes de
la forêt boréale commencent à être
scientifiquement prouvées, attirant le
regard du milieu médical. Ces végétaux
demeurent néanmoins mal connus
et fragiles. Leur transport vers des
laboratoires bien équipés est une
gageure que personne n’a encore réussi
à relever, préservant le monopole des
locaux sur l’utilisation de ces plantes
miraculeuses.

91
Le caravansérail de corail

L’histoire des zones immobiles est riche en événements qui


ont bouleversé les peuples et les paysages : la trahison des Douze,
l’année des tornades, la grande guerre de Bruyère, la prise du Mont
des Astres ou encore la naissance de la Faille Verticale.
Et nul groupe d’hommes n’a traversé ces événements avec
plus de constance et de solidité que le caravansérail de corail.

L’histoire veut qu’à l’époque où il y avait encore une mer


intérieure dans les landes rouges, le caravansérail commerçait de
précieux coquillages et des coraux écarlates qui lui valurent son nom
et la couleur de ses bannières. Si chaque membre du caravansérail a
sa version de ce passé maritime, aucun ne se rappelle s’il existait bel
et bien une étendue turquoise enfermée dans les terres.
En une longue colonne d’une centaine de chars à voile, la
caravane traverse les grandes étendues vides des zones immobiles,
échangeant la viande de leurs daims cornus contre du blé et du sel ou
installant des étals lors des marchés des villes étapes.
Les complexes tissages noirs et rouges des artisans de corail
sont réputés, tout comme leurs sculptures sur bois dont les plus
beaux exemples figurent sur les mâts de leurs chars profilés.

Pour accompagner les caravaniers dans leur nomadisme


perpétuel, rien ne vous sera demandé, si ce n’est d’être capable de
suivre le rythme de la marche et de participer aux travaux de la

92
93
vie commune. La taille de la caravane varie
donc en permanence, au fil des étapes franchies, des
naissances et des décès, dans un joyeux brouhaha de dialectes
variés.
Les caravaniers meurent parmi les leurs lors de rituels
poignants et humbles. Parfois, un hôte temporaire émet le souhait
de rejoindre la caravane pour le reste de ses jours. Il doit alors
voyager avec elle un an durant avant que son souhait ne soit accepté
ou rejeté par l’ensemble des membres du convoi.
S’il est vrai que la rigueur d’une marche perpétuelle peut
rebuter de nombreux explorateurs, le caravansérail de corail est
à l’image de beaucoup de nomades : généreux, simple et soudé.
Certains préfèrent les difficultés d’un voyage en groupe au confort
d’une excursion solitaire.

Voyager avec le caravansérail, c’est l’assurance de découvrir les


richesses insoupçonnées des zones immobiles : ces lieux abandonnés
seulement connus des chefs de colonne dont la formation se fait dès
l’enfance, ces traditions parfois obscures transmises par les ancêtres,
les contes et les légendes surgissant à chaque détour de la route.

La guerre entre grandes puissances ou entre clans croise


souvent la route du caravansérail que rien ne semble pouvoir arrêter.
Cette file de voyageurs insoumis, se jouant des frontières avec
dédain, n’est pas au goût de tout le monde. Beaucoup de gouvernants
voient d’un mauvais œil les caravaniers, dont on vante les talents
de combattant, et dont on méprise l’absence d’allégeance. Ils sont
accusés de devenir mercenaires ou espions lorsque le besoin s’en fait
sentir : la viande et les colliers de quartz n’achètent pas toujours le
nécessaire et de l’argent peut s’avérer essentiel à la survie du groupe.
94
Aucune réserve, aucune douane, n’a encore pu arrêter la
course du caravansérail de corail et de ses longs drapeaux écarlates.
Son ombre, entourée du tourbillon de poussière soulevée par les
chars à voile, se dessine parfois à l’horizon, promesse de liberté et de
souffrance.
Mais ce mode de vie ne fait pas toujours rêver les nouvelles
générations, qui assistent au développement des villes et à l’avancée
du rail. Las d’être raillés et poursuivis, fatigués de cette course sans but
apparent, certains jeunes abandonnent leur famille et leurs coutumes
pour se fondre dans le paysage des régions aérées. La désertion
des villages rend aussi désuètes certaines étapes du caravansérail,
rallongeant les distances entre deux lieux habités.

Lorsque la difficulté se fait sentir, les plus vieux racontent


qu’au commencement, le caravansérail vivait dans un royaume qui
lui appartenait, une terre aussi exubérante et sage que ses arpenteurs.
Cet âge d’or légendaire fait briller les pupilles des enfants et habite les
rêves des hommes lorsqu’ils s’en vont dormir dans leurs hamacs, un
œil sur les étoiles et l’autre sur les troupeaux.

95
La ligne du 59 e méridien

Affectueusement surnommée la 59 e par les cheminots qui


conduisent ses locomotives ajourées, la ligne ferroviaire du 59 e
méridien trace un sillage de rails long de milliers de kilomètres en
travers du Monde tout Autour.
Jetés à pleine vitesse dans la nature, ses wagons verts avalent
les distances sans que rien ne semble pouvoir les arrêter, laissant
derrière eux un sifflement persistant.

À l’origine, la 59 e devait permettre aux élites des grandes


villes intérieures de se rendre sur les sommets balnéaires. Mais rail
après rail, le circuit ferroviaire s’est rallongé inexorablement, au point
de faire désormais plusieurs larges boucles. Les voyageurs huppés
ont été rejoints par les étudiants en transit, les artistes fortunés, puis
par les familles des militaires mutés au sud. Les immenses malles
d’acajou de l’aristocratie ont cédé de la place aux sacs postaux, aux
caisses de poudre et à quelques têtes de bétail.

Malgré cela, profiter des compartiments laqués de la


compagnie a un certain prix. La direction tient à conserver l’aura de
luxe qui faisait la gloire de ses trains au commencement.

La décoration des wagons garde donc le kitsch un peu fané


d’une caste dirigeante qui a depuis longtemps abandonné le rail pour
les superbes caravelles de tourisme.

96
La ligne du 59 e méridien n’est plus le moyen le plus rapide de
franchir les plaines et les gorges qui parsèment les régions aérées.
Après les innombrables conceptions d’engins volants, la
démesure des citadelles a achevé le rêve des lanceurs de rails. La 59 e
reste néanmoins le transport le plus pittoresque que puisse s’offrir
une bourse bien remplie. Le balancement hypnotique des wagons,
mêlé aux panoramas qui se déroulent comme des aquarelles par les
vitres sans tain, donne au voyage une saveur unique.

Beaucoup d’intellectuels et de peintres avouent avoir trouvé


l’inspiration à bord de la 59 e. Éclairées par une aurore jaune ou par
les petites lampes soufflées, leurs œuvres empruntent un peu de sa
nostalgie flottante à cette institution du voyage.

Si les locomotives s’arrêtent dans toutes les grandes villes


aérées, vous ne ferez que traverser les zones immobiles. N’espérez une
escale dans les étendues silencieuses qu’en cas d’imprévu technique.
Les avaries sont néanmoins plus nombreuses que ce que
la compagnie prétend. L’immensité de la ligne rend son entretien
titanesque et parfois inégal. Franchir les passes enneigées des monts
escarpés peut prendre plusieurs jours lorsqu’il faut déblayer les rails
ou réchauffer les moteurs gelés.

Il existe bien des ingénieurs qui ont réfléchi à rendre le train


compétitif et accessible, notamment en usant du principe de lévitation
mais la guerre des brevets fait rage et les lobbies du transport aérien
tentent de tuer ces idées novatrices dans l’œuf dès qu’ils le peuvent.

Arguant du passé peu reluisant de la compagnie, ils espèrent


ainsi voir mourir un concurrent qu’ils jugent sclérosé et qui leur

97
rappelle peut-être un peu trop l’élitisme et la
pédanterie dont ils se drapent eux-même.
L’idée d’un transport sûr, peu coûteux, et qui
desservirait l’intégralité du Monde tout Autour fait donc
trembler les magnats de la route tandis que filent les wagons verts
de la 59 e.

98
Appendice pour enrichir le jeu
« Dès lors que tu parleras de secrets, il y en aura pour
tendre l’oreille. Tu capteras l’attention des ambitieux qui aspirent
à la réussite matérielle ou politique, tu intéresseras les mystiques
et les religieux qui cherchent à dépasser les frontières de la
conscience et à changer d’état, tu feras vibrer les collectionneurs,
les chercheurs avides de vérité, ceux qui s’intéressent à nos
origines naturelles ou à notre évolution. »

1. L’alchimie
Sur la route de Chrysopée s’inspire de la tradition de l’alchimie
et de la recherche du Grand Œuvre.
Dans ses travaux les plus connus, l’alchimie recherche la
transmutation des métaux (notamment le plomb en or par la pierre
philosophale, le fameux Grand Œuvre) mais aussi l’élixir de longue
vie, la panacée.

Les alchimistes travaillent autour des notions de purification,


de force vitale unissant toutes les choses et de correspondance entre
le macrocosme (l’univers, les étoiles, les planètes, les grands principes
du monde) et le microcosme (les êtres vivants, les propriétés des

99
métaux, l’organisation d’un corps). Le monde
aurait une structure commune à toute chose que
l’alchimiste peut saisir pour embrasser la totalité de la nature.

Cela veut-il dire que vos personnages chercheront


obligatoirement à atteindre la pierre philosophale ? Pas
nécessairement. Peut-être voudrez-vous vous lancer sur la trace de
la panacée, mais peut-être est-ce un autre but qui sera votre Grand
Œuvre.
Ces questions de relation au monde, de principe unificateur,
de correspondance, sont autant de pistes que vous pouvez suivre
lors de votre quête. La science, la philosophie, le langage, la
religion, la médecine... Quelle sera votre méthode pour parvenir à
l’aboutissement de votre rêve ?

Vous pourrez explorer ces réflexions avec votre compagnon


de jeu lors de votre voyage si elles vous intéressent. C’est autant le rôle
du disciple de soulever ces interrogations lorsqu’elles se présentent à
lui, que celui du maître de les proposer à l’étude au cours du voyage.
Il est aussi possible d’observer la pratique alchimique comme
une transformation de la pensée humaine. À travers un travail
constant, un apprentissage permanent et l’observation de la nature,
l’alchimiste forme son esprit, s’enrichit, change de regard sur le
monde. En cela, vos personnages peuvent être qualifiés d’alchimistes
– et peut-être se définiront-ils eux-mêmes ainsi ?
De la même façon, en prenant plaisir à ré-enchanter le
quotidien, en changeant « son plomb en or » au travers d’une histoire
plaisante et partagée, peut-être faites-vous œuvre d’alchimie à votre
tour ?

100
2. L’étude de la connaissance
Il existe un courant de la philosophie qui se nomme
l’épistémologie. Cette discipline cherche à répondre à des questions
telles que : qu’est-ce qu’une connaissance ? Comment se forme-t-
elle ? Comment est-elle validée ? Comment évolue-t-elle ?

Nul doute que vos personnages seront amenés, à un moment


ou un autre, à faire des recherches dans des livres, des parchemins,
des tablettes anciennes ou auprès de savants réputés.

De même, l’expérience que le maître peut partager avec son


disciple entre dans le champ de la transmission de la connaissance.
Le jeu vous invite à explorer ces interrogations à votre rythme.

3. La symbolique de Chrysopée
Si cet endroit peut être vu comme le point final d’une
recherche, c’est aussi un état d’esprit. Chrysopée est la volonté de
rechercher une réponse et d’y travailler assidûment. C’est l’élan qui
pousse à se surpasser, à tester ses limites, à confronter ses hypothèses
au monde et à toujours réévaluer ce qui semble acquis.

Chrysopée est le royaume des curieux, des arpenteurs


insatiables de la connaissance, de ceux qui aiment douter et toujours
creuser plus loin.
Qui sait si elle ne voyage pas finalement depuis toujours avec
vous, dans un coin de votre esprit ?
101
4. La résistance asymétrique
Ce procédé développé par Frédéric Sintès sur Limbic Systems
est essentiel pour créer une fiction dynamique et plaisante pour
chaque participant :

« La résistance asymétrique quant à elle se situe au cœur de ce qui est


important : si les joueurs cherchent à accomplir une chose, il faudra
d’autres participants qui s’y opposeront, qui leur donneront la réplique.
La situation est la rencontre entre les personnages et le contexte. Si un
seul joueur gère seul l’ensemble d’une situation, aucune résistance ne
lui est opposée. Il faut donc des partenaires de jeux qui compléteront
les situations. »

La résistance s’oppose au consensus : le consensus, c’est


se mettre d’accord sur un certain nombre de points (comme
ceux abordés au chapitre précédent, qui sont à décider en amont)
pour éviter que les joueurs soient en total désaccord ou ne jouent
finalement pas « au même jeu ».

102
Exemple de questionnaire
pour préparer une partie
Ce questionnaire n’est qu’une proposition pour aider les
joueurs à définir ensemble leur tandem vers Chrysopée.

Son déroulé permet de construire une relation et de poser les


éléments indispensables à une fiche de personnage. À l’issue d’un tel
questionnaire, le jeu peut démarrer immédiatement, pour ainsi dire !

Morgane et Julien décident de mettre en place leur future partie de Sur la


route de Chrysopée. Il a été décidé que Morgane serait le maître et Julien
le disciple :
Julien : Bon, j’ai un peu réfléchi aux quêtes possibles ce week-end et
plusieurs choses m’ont traversé l’esprit. J’ai pensé à la découverte d’un
nouvel élément, en plus des quatre connus et de Leeloo.

Morgane : Hahaha !
Julien : Deuxièmement, j’ai pensé à trouver un moyen d’agir

103
d’une quelconque façon sur le temps. Et
troisièmement à trouver la preuve d’une existence
après la mort.

Morgane : J’aime beaucoup cette histoire de temps, le sujet me plaît.


Julien : Oui, mais bon, physiquement c’est difficilement démontrable.
J’ai peur d’être limité. Si je figeais le temps je n’aurais aucune preuve
de ma réussite.

Morgane : Tu pourrais vouloir le distiller ? Mettre le temps en


bouteille ? Se poserait la question de sa réalité et de sa matérialité.

Julien : Du coup j’ai une question, est-ce que Chrysopée autorise à


inventer des situations impossibles ?

Morgane : Tu veux dire : comme arrêter le temps et pouvoir le


démontrer ? Bien sûr. On s’en fiche que ça ne soit pas possible dans
notre réalité. Vois Chrysopée comme un conte, pas comme un
manuel de physique.

Julien : Ok ! J’ai peur d’être bridé par mes connaissances et ma logique...


Morgane : Alors c’est peut-être ça ta Chrysopée personnelle, cher ami :
laisser voyager ton imagination hors de la logique !

104
Julien : Ça me donne une idée, tiens. « Mettre les rêves en boîte ».
Morgane : C’est génial. Maintenant, d’où souhaites-tu venir ?
Julien : Des régions aérées.
Morgane : Ça marche. Il faut donc te choisir un nom de la forme
« prénom de [Nom de ville d’origine] ».

Julien : Artemis de Williwaw.


Morgane : Williwaw ? C’est un vent. Ta ville doit avoir un nom composé
avec celui d’un vent.

Julien : Ha ! Alors puisque je peux inventer la ville que je veux, ce


sera Nova de Williwaw. Mais on m’appelle Artemis de Nova pour
simplifier.

Morgane : Parfait !
Julien : Est-ce que je suis obligé de jouer un homme ?

Morgane : Absolument pas, si tu préfères qu’Artemis soit une fille.


Julien : Oui j’aimerais bien. Et j’ai 21 ans.
105
Morgane : Passons maintenant à tes domaines de savoir.
Ils peuvent être en rapport avec ton métier, si tu en exerces un,
tes études ou des loisirs par exemple. Évidemment, c’est mieux
s’ils collent avec ta quête.

Julien : La physique et les arts. Est-ce que je dois me spécialiser pour


les arts ?

Morgane : Il vaudrait mieux. De cette façon, tu te gardes le droit d’en


apprendre d’autres sur le chemin.

Julien : La musique, c’est jouable ? J’aimerais être un musicien itinérant.


Morgane : Voilà qui est très joli ! N’en disons pas plus là-dessus, le jeu
nous racontera le reste.

Julien : J’ai un doute. Comment je puis être musicien itinérant, et


avoir en même temps un domaine de connaissance en physique ? Il
faudrait que j’augmente mon âge.

Morgane : Hm. J’ai une autre solution à te proposer. Tu as été étudiant


en physique, ce qui colle tout à fait à ton origine aérée. Mais tu as
rencontré ton oncle, mon personnage, qui t’a fait découvrir la musique
sous prétexte de t’apprendre l’acoustique. Vous avez conversé et joué
durant des mois, jusqu’à ce que ton oncle te révèle un petit secret : il

106
fabrique des boîtes à musique qu’il exporte partout. Il espérait réussir
à capter la musique des rêves pour en faire la boîte à musique la plus
onirique et douce qui soit, mais son commerce et l’âge l’empêchent
de voyager. Il t’envoie donc sur les routes car vous avez le même rêve.

Julien : J’adore cette idée ! Ok, je valide le contexte. Comment est-ce


que tu t’appelles ?

Morgane : Maximilien de Nova. Je suis musicien, ébéniste et poète. Et


veuf, accessoirement.

Julien : Il ne reste qu’à connaître ton graphein et ton orbe.


Morgane : Le graphein c’est mon e-mail et l’orbe c’est mon portable. Et
tu les connais déjà tous les deux. J’ai déjà quelques idées pour enrichir
un peu notre relation. Mais tu découvriras tout ça au fil des lettres !

Julien : Haha ! Reste à définir le rythme. Je propose deux lettres par


semaine puisque j’ai le temps. Au pire on ajustera après les premiers
envois.

Morgane : Très bien. Lorsqu’il t’a remis ton orbe, Maximilien t’a dit :
« Ton orbe, cher disciple. C’est avec honneur que je t’accepte désormais
parmi les explorateurs et alchimistes du Monde tout Autour. Où que
t’emmène ton voyage, avec cet objet, tu m’auras toujours près de toi si
le besoin s’en fait sentir. Puisses-tu trouver Chrysopée au bout de ton
chemin. » Il t’a également remis ceci.

107
( Morgane montre à Julien une photo d’un instrument indien,
le veena)
Julien : Trop cool !
Morgane : « Ceci, Artemis, est un veena. C’est un instrument des zones
immobiles, là où les montagnes forment des terrasses de verdure. Il
a appartenu à ta tante. Sa musique est utile à la méditation et à la
transe, dans ces villages. Pour quelqu’un qui cherche les rêves, c’est
un allié précieux. »

Julien : « Merci mon oncle, j’en prendrai grand soin, il me suivra


partout. J’en fais le serment ! »

Morgane : Voilà ! Nous pouvons donc débuter le jeu. Souhaites-tu


commencer ou préfères-tu que j’envoie la première lettre ?

Julien :Commence, je t’en prie. De mon côté, je vais rédiger la


description de la ville de Nova de Williwaw et te l’envoyer via le
formulaire du site des Archives Suspendues !

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109
Table des matières
Remerciements
Introduction : bon voyage....................................................................... 1
1. Sur la route de Chrysopée : une expérience................................... 2
2. Jouer avec le monde autour de vous.............................................. 3
3. Dans ce carnet, vous trouverez ................................................... 3

Première escale : comment jouer............................................................... 5


1. En quelques mots...................................................................... 5
2. Les principes de base................................................................. 6
Écrire une correspondance....................................................... 6
Explorer le monde..................................................................... 7
Atteindre Chrysopée................................................................ 8
3. Les deux rôles....................................................................................... 9
4. Envoyer les lettres.............................................................................. 10
Choisir un rythme de jeu.......................................................... 10
Mettre un en-tête..................................................................... 10
Organiser la correspondance.................................................12

Deuxième escale : l’univers de jeu......................................................................... 14


1. Le Monde tout Autour.............................................................. 14
Géographie et modes de vie..................................................... 14
Les points essentiels................................................................. 20
L’ambiance du monde .............................................................. 21
2. Les différents moyens de communication................................. 25
Les bornes................................................................................ 25
Les grapheins........................................................................... 26
L’orbe........................................................................................ 27

Troisième escale : se lancer sur la route ..................................................................... 29


1. Choisir son rôle....................................................................... 29
Le maître .................................................................................. 30
Le disciple................................................................................ 32
2. Décider d’une quête alchimique............................................... 36
3. La nostalgie............................................................................ 40
5. Les relations entre les personnages........................................... 40
5. Inventer des noms de personnage............................................. 42
6. Choisir un point de départ pour l’aventure................................. 44
Pour inventer des lieux et noms de ville .................................... 44
Pour évoquer le climat............................................................. 47

Questions/réponses avant de se mettre en route............................ 49

Quatrième escale : les règles du jeu ........................................................................... 51


1. Avant-propos......................................................................... 51
2. Principe général..................................................................... 51
L’Athanor.................................................................................. 52
Avancer sur la route.................................................................. 55
Voyager par le corps et l’esprit............................................. 56
Raconter le voyage................................................................... 57
Évaluer la progression............................................................. 58
Donner trois points à une lettre................................................ 59
L’Athanor et la quête de l’alchimiste.......................................... 59
Répartir les points selon la progression................................... 60
La règle de la coupure de presse................................................. 61
111
Départ : Materia Prima................................................................ 64
Étape 1 : L’œuvre de Mars...............................................................66
Étape 2 : L’œuvre de Saturne.......................................................... 68
Étape 3 : L’œuvre de la Lune............................................................ 70
Étape 4: L’œuvre de Mercure......................................................... 72
Étape 5: L’œuvre de Vénus............................................................. 74
Étape 6 : L’œuvre du Soleil............................................................. 76
3. Le journal d’alchimiste............................................................. 78

Cinquième escale : voyage dans le Monde tout Autour................................................. 80


Les Archives Suspendues........................................................... 80
Eskir du Ponant.......................................................................... 84
La canopée d’Orion.................................................................... 88
Le caravansérail de corail............................................................ 92
La ligne du 59 e méridien........................................................... 96

Appendice pour enrichir le jeu................................................................................. 99


1. L’alchimie............................................................................... 99
2. L’étude de la connaissance...................................................... 101
3. La symbolique de Chrysopée................................................. 101
4. La résistance asymétrique..................................................... 102

Exemple de questionnaire pour préparer une partie................................................. 103


Table des matières............................................................................................. 110
Inspirations littéraires et visuelles..................................................................... 113
Règles abrégées et lexique................................................................................... 114
Inspirations littéraires et visuelles..
- Prosopopée, jeu de rôle onirique de Frédéric Sintès
- Sens Néant, jeu de rôle philosophique de Romaric Briand
- Journey, jeu vidéo mélancolique de That Game Compagny
- Les Cités obscures, série de bandes dessinées nomades de
Schuiten et Peeters
- Myst II : Riven, jeu vidéo énigmatique de Cyan Worlds, Inc.
- Mushishi, manga contemplatif d’Uruchibara Yuki
- La Horde du contrevent, roman fantastique d’Alain Damasio
Inspirations musicales..
- L’OST de l’animé Mushishi par Toshiro Masuda
- L’OST de Myst II : Riven par Robyn Miller

113
Règles abrégées 1/2
ou pour une lettre qui le concerne
L’Athanor : mais ne contient aucune image ou
document.
Chaque personnage possède
sur sa fiche l’Athanor de son - 2 points pour une lettre qui
correspondant. C’est sur cette concerne l’Athanor et qui contient
spirale qu’il va noter la progression une image ou un document.
de son vis-à-vis. Chaque étape
finale (ou « œuvre ») est symbolisée - 3 points si la lettre concerne
par son signe alchimique. l’Athanor, contient une image ou un
document et si celui qui la reçoit
Il faut démarrer sur le point le plus la juge particulièrement réussie.
extérieur de la spirale. Cette étape Limité à trois lettres durant le jeu.
sera considérée comme validée à la
réception de la première lettre du
correspondant. Les épreuves des œuvres :
Une fois une étape validée, la Chaque œuvre permet à un
suivante se déroule en deux étapes : personnage de décider d’une
- Cocher au fur et à mesure les 3 épreuve et une seule pour son
phases de la lune. correspondant.
- Valider définitivement l’étape
dans une lettre dédiée qui permettra La correspondance devra donc
de cocher le symbole alchimique de raconter comment le personnage
l’épreuve. réussit cette épreuve et ce qu’il en
retire.
La notation
L’épreuve doit nécessairement
- 1 point pour une lettre qui ne s’inscrire dans l’intention de l’œuvre
concerne pas directement l’Athanor à laquelle elle se rapporte.

114
Règles abrégées 2/2
Les exemples donnés par le carnet
du jeu sont non-exaustifs et doivent
être personnalisés par les joueurs
O
- Le numéro de la lettre.

- Le lieu de résidence (préciser


afin que chaque personnage puisse éventuellement « région aérée » ou
s’emparer aisement de la situation « zone immobile »).
proposée.
- Le moment de la saison et
éventuellement son climat actuel.
Finir le jeu :
Le premier joueur qui valide l’œuvre
finale du Soleil peut :

- Atteindre Chrysopée seul. Il rédige


la dernière lettre du jeu juste avant
de franchir le seuil de Chrysopée.

- Attendre son partenaire pour


franchir avec lui le seuil de
Chrysopée. C’est le partenaire qui
rédige la dernière lettre du jeu.

- Renoncer à Chrysopée. Il en
informe son partenaire qui écrira la
dernière lettre.

L’en-tête des lettres :


Le rédacteur fait figurer les
informations suivantes :

115
Lexique 1/2
ALCHIMISTES : Explorateurs CHRYSOPÉE : Ville mythique
des joueurs, c’est-à-dire des et mystique de la connaissance.
personnages habités par une quête Opération alchimique consistant à
extraordinaire qui cherchent à changer le plomb en or.
atteindre la mythique Chrysopée.
CITADELLE : Cité volante
ARCHIVES SUSPENDUES : propulsée par des hélices. Symbole
Bibliothèque dédiée à l’exploration du progrès, de l’intelligence et de
du monde par les alchimistes. Son l’orgueil humain.
contenu est accessible depuis les
bornes ou directement sur place. ESCALE : Étape durant le voyage
du disciple.
ATHANOR : Parcours initiatique
qui mène les alchimistes jusqu’au GRAND ŒUVRE : Quête d’un
seuil de Chrysopée. Il passe par 7 alchimiste.
œuvres pratiques et symboliques
qui transforment l’alchimiste en GRAPHEIN : Dispositif d’envoi
profondeur. du courrier le plus commun dans
le Monde tout Autour. Pas toujours
BORNE : Après l’orbe, dispositif fiable.
d’envoi du courrier le plus
sophistiqué qui soit. Réservé aux MONDE TOUT AUTOUR :
grandes institutions et librairies des Le monde à explorer au cours du
régions aérées. voyage.

CARAVELLE : Bateau volant NŒUD : Unité de mesure des


de transport, de commerce ou distances.
de tourisme allant de la jonque
monoplace à la frégate de luxe.

116
RÉGION AÉRÉE : Région où le
Lexique 2/2
vent est le moteur du progrès et où
A
les hommes ont favorisé sa présence.

ORBE : Dispositif d’envoi du


courrier réservé aux explorateurs.
Infaillible. Il ne peut envoyer que
quatre phrases à la fois et une image.

TRANSCENDANCE : Action
de changer quelque chose ou soi-
même vers un état supérieur de
conscience/existence.

TRANSMUTATION: Terme
alchimique qui signifie « changer la
matière en une autre matière ».

ZONE IMMOBILE : Région


où la présence du vent n’est pas
encouragée.

59 e : Surnom affectueux pour


la ligne de train du 59 e méridien
qui traverse une grande partie du
Monde tout Autour.

117

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