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L'ETAT DE L'ART SUR LA CONDUITE

DES SYSTEMES FLEXIBLES DE PRODUCTION

* Nicolae BRINZEI
* George DRAGHICI
** Michel FERNEY
** Noureddine ZERHOUNI

RESUME
Dans cet article nous présentons la problématique de la conduite des systèmes
flexibles de production selon l'approche objet et l'approche multi-agents.
Les aléas de production sont pris en compte par une approche
stochastique. A partir de cette étude, nous proposons une nouvelle
architecture de conduite des systèmes de production qui a pour objectif
d'apporter des solutions à des problèmes telles que la flexibilité, la
modularité et la réactivité.
Mots clés : système flexible de production, conduite, réactivité, approche
objet, système multi-agents, approche stochastique.

1. INTRODUCTION

La globalisation des marchés, la compétition portée au niveau


mondial ont imposé aux entreprises de miser de plus en plus sur la
souplesse de leur fonction de production, pour se démarquer de la
concurrence.

* Université "POLITEHNICA" de Timisoara


** Ecole Nationale d’Ingénieurs de Belfort
Les pressions toujours grandissantes de réduction des délais de
livraison et de la taille des lots de livraison obligent ces dernières à opter
pour des nouveaux systèmes de production, tels que les systèmes flexibles
de production. Ces systèmes flexibles de production permettent d'améliorer
la productivité et d'accroître la rentabilité dans de conditions de production
plus diversifiées et en petites séries.
De manière générale on peut décomposer un système flexible de
production en deux parties complémentaires : la partie opérative qui
désigne le flux matériel et la partie conduite qui traite le flux
informationnel.
Dans la section 2, nous présentons quelques architectures de
conduite basées sur l'approche objet. Le succès des techniques orientées
objet ont amené le développement de systèmes multi-agents pour la
conduite des systèmes de production que nous exposons dans la section 3.
Afin de pouvoir quantifier les influences des événements aléatoires qui se
produisent pendant l'exploitation du système de production, une approche
stochastique est présentée dans la section 4. La section 5 est consacrée à la
présentation d'une proposition d'une architecture de conduite des systèmes
de production.

2. APPROCHE OBJET POUR LA CONDUITE DES SYSTEMES DE


PRODUCTION

Les approches objet ont montré leur puissance dans le domaine du


développement et de la programmation informatique. Grâce à leurs
propriétés de réutilisabilité, de localité des données, elles sont adaptées à la
problématique de l'étude des systèmes de production. En effet, les
mécanismes objet tels que l'abstraction, la modularité, l'agrégation et
l'héritage permettent de définir des modèles génériques qui, par des
spécifications ultérieures, peuvent être adaptés au besoin du système [1].
Dans ce but, Fabian et al. [2] proposent une modélisation des
systèmes de production en considérant deux types d'objets : les objets
externes et les objets internes. Les objets externes représentent les
équipements physiques du système de production, tandis que les objets
internes sont des modèles informatiques des objets externes. La conduite
est réalisée par un contrôleur qui assure la synchronisation et le contrôle
des objets. Les objets externes exécutent les tâches qui leur sont répartis à
travers les objets internes correspondants. Ceux-ci communiquent par des
messages avec le contrôleur et les autres objets du système et transforment
les messages reçus en messages compréhensibles par les objets externes.
Chaque objet interne est divisé en deux parties : une partie générale qui
participe à l'échange de messages et une partie spécifique qui communique
avec les objets externes. L'objet interne contient également l'information
sur l'état courant de l'objet physique et l'historique des messages reçus.
Pour accroître la flexibilité et l'intelligence du système de conduite
Bilge et al. [3] ajoutent au niveau du contrôleur un système expert qui est
capable de donner des solutions particulières aux problèmes de conduite.
L'inconvénient de cette architecture est la structure centralisée du
système de conduite. Toutes les décisions sont gérées au niveau du seul
contrôleur qui les synchronise en fonctions de variables propres à
l'environnement de conduite du système de production.
Pour pallier cet inconvénient plusieurs travaux ont donné lieu à des
propositions d'architectures de systèmes suivant le principe de la conduite
hiérarchique. La principale est l'architecture du NIST (National Institut of
Standards) qui propose de distribuer la complexité d'un système de
production à travers une structure hiérarchique obéissant à une
décomposition de niveau : entreprise, atelier, îlot, cellule, station et
équipement.
En s'appuyant sur cette architecture, Neubert et al. [4] proposent une
hiérarchisation suivant la portée temporelle des prises de décision, du long
terme au niveau atelier, jusqu'au temps réel au niveau station. Le système
de prise de décision est décentralisé et reparti suivant les niveaux. Chaque
niveau possède une vue personnalisée du système physique et des
capacités de décision, limitées par celles des niveaux voisins. La structure
du niveau décisionnel à un niveau donné est modulaire. Chaque niveau
(figure 1) se caractérise par : une structure externe constituée des interfaces
avec l'environnement externe du contrôleur (interfaces opérateurs, bases de
données et bases de connaissances, et interface avec les niveaux
immédiatement supérieur et inférieur) et une structure interne comprenant
les modules de décision, suivi et réaction.
En utilisant la même architecture, Adamou [5] associe à chaque
unité une structure de coordination constituée d'un coordinateur et d'un
dispatcheur de supervision (figure 2). Le coordinateur assume l'exécution
des différentes opérations de manipulation de flux matériel de l'unité
courante ou celle des tâches nécessaires à la réalisation d'une opération de
production. Le dispatcheur assume la répartition des plans de tâches
ordonnés par le niveau supérieur pour le niveau courant. Il collecte
également les suivis de production des unités de niveau bas, réagit aux
aléas de production et/ou formate et émet un suivi local de production à
l'attention du niveau qui lui est hiérarchiquement supérieur. A cette
structure de coordination on associe des modèles de spécification à l'aide
des réseaux de Petri orientés objet. L'utilisation des réseaux de Petri
orientés objet s'avère un outil approprié quant à la modélisation
hiérarchisée, l'analyse, l'évaluation et la validation du modèle de conduite
d'un système flexible de production.

Environnement
niveau n-1
Base de
données
Contrôleur niveau n

Réaction
Base de
connaissance Décision
Suivi
Interface
opérateur
Environnement
niveau n+1

Figure 1. Structure générique d'un niveau de l'architecture de


conduite

flux flux répartir suivi


directives
Coordinateur états Dispatcheur

flux flux répartir suivi

Figure 2. Structure de coordination d'un modèle de conduite

Dans ces approches, l'opération de coordination des activités


effectuées à un certain niveau est réalisée par le niveau hiérarchiquement
supérieur, ce qui implique une centralisation de la conduite. Afin d'éviter
cette centralisation, les systèmes multi-agents sont utilisés pour la
conception d'architectures de conduite des systèmes flexibles de
production.
3. LES SYSTEMES MULTI-AGENTS POUR LA CONDUITE DES
SYSTEMES

Les systèmes multi-agents ont été développés dans le cadre de


l'intelligence artificielle distribuée. La résolution distribuée par l'approche
multi-agents s'adapte bien avec la nature des systèmes de production
généralement composés de plusieurs équipements, où il faut intégrer
plusieurs fonctions (conduite, gestion de production) et où les décisions
doivent se prendre à plusieurs niveaux [6].
Un système multi-agents est constitué d'un ensemble d'agents
autonomes interactifs qui coopèrent pour aboutir à un objectif commun.
L'entité de base qui est l'agent est une entité réelle ou abstraite qui poursuit
un but individuel et qui est capable d'agir sur elle-même et sur son
environnement généralement constitué d'autres agents. Elle dispose le plus
souvent d'une représentation partielle de cet environnement et peut
communiquer avec d'autres agents par l'envoi de messages.
Sohier et al. [7] ont proposé un système multi-agents pour une
cellule flexible de production qui permet une réaction aux événements de
production. Ils ont défini deux types d'agents : les agents statiques et les
agents dynamiques. Les agents statiques modélisent les équipements de la
cellule. Une instance est créée une fois pour toutes lors de la conception du
système multi-agents. Les agents dynamiques modélisent les pièces. Des
instances des agents dynamiques sont créées lors de la résolution de
problème de production. Une action est déclenchée lorsqu'un agent doit
évoluer (recherche de satisfaction) et lorsque les conditions nécessaires à
l'exécution sont vérifiées. Pour modéliser le comportement dynamique d'un
agent, l'outil utilisé est le Grafcet qui permet la validation du
comportement et la détection des erreurs de conception du système. Par
contre le Grafcet ne permet pas de décrire l'apparition dynamique d'agents,
ce qui limite cette modélisation aux systèmes où l'ensemble des agents doit
être identifié.
Brun-Picard et al. [8] ont développé une approche orientée produit
qui considère trois objectifs simultanément : la flexibilité, la réactivité et la
modularité du système de production. Elle est basée sur une
décentralisation totale de la commande. Le principe fondamental de cette
approche consiste à lier toute connaissance requise pour l'ordonnancement
et la commande aux produits eux-mêmes. Les produits comme les
équipements sont des entités agents qui rassemblent les fonctions de
communication, de décision et d'action, ainsi qu'une base locale de
connaissances associée à la fonction de décision. Chaque produit est
capable de communiquer et de négocier avec les autres agents pour
organiser, planifier et contrôler le système de production. Les agents
produit demandent de services aux agents ressource qui peuvent accepter
ou refuser la requête d'un client. Deux agents spéciaux sont introduits. Le
premier est un système expert qui fournit aux autres agents toute
information et base spécifique de connaissances dont ils ont besoin. Le
deuxième agent réalise la supervision et l'interface avec l'opérateur. En cas
de panne d'une ressource ou de dysfonctionnement du système les agents
réagissent rapidement et localement.
Les démarches présentées ci-dessus montre la capacité des systèmes
multi-agents de permettre une analyse locale et distribuée et d'offrir des
solutions réactives et robustes au problème de conduite des systèmes de
production. Cependant, on ne dispose pas d'une modalité pour quantifier
globalement les performances des systèmes de production soumis à des
aléas de production (pannes machines, rebuts, approvisionnements,
demandes de produits finis). Afin de pallier à cet inconvénient l'approche
stochastique est utilisée pour la modélisation des systèmes de production.

4. MODELISATION STOCHASTIQUE DES SYSTEMES DE


PRODUCTION

L'approche stochastique est un outil mathématique pour l'analyse des


systèmes soumis aux événements aléatoires tels que les systèmes de
production. Elle peut être exploitée durant tout le cycle de vie d'un
système, comme outil d'aide à l'évaluation prévisionnelle des performances
[9]. Parmi les différents outils utilisés pour évaluer quantitativement et
qualitativement le comportement aléatoire des systèmes de production
nous nous intéressons aux réseaux de Petri stochastiques.
Les réseaux de Petri [10] s'adaptent bien à la description des
systèmes dans lesquels des problèmes de concurrence, de synchronisme et
de parallélisme se présentent. Dans un réseau de Petri stochastique un
temps aléatoire est associé au franchissement des transitions. A tout réseau
de Petri stochastique, nous pouvons associer une chaîne de Markov
correspondante au graphe de marquage du réseau. La méthode d'analyse
employée consiste à construire le graphe de marquage accessible du réseau
de Petri stochastique. Le comportement aléatoire du réseau de Petri
stochastique est alors identique à celui de la chaîne de Markov ainsi
déterminée. En appliquant les méthodes de résolution d'une chaîne de
Markov, nous pouvons déduire des indices de performance du système de
production.

5. PROPOSITION D'UNE ARCHITECTURE DE CONDUITE DE


SYSTEMES DE PRODUCTION

Pour la conduite de systèmes de production, on propose une


architecture basée sur un système multi-agents qui permet une meilleure
flexibilité et modularitè du système de conduite. On va définir en terme
d'agents les composants du système de production, ainsi que les produits
qui seront fabriqués dans le système. Ces agents sont autonomes,
coopératifs et ils disposent de bases de connaissances spécifiques aux
entités physiques qu'ils représentent. En utilisant ces connaissances et
l'interaction avec les autres agents ils sont capables de réagir en temps réel
contre tous genres d'événements. L'utilisation de réseaux de Petri orientés
objet et stochastiques permet l'élaboration des modèles génériques des
agents et la validation du comportement dynamique des ceux-ci. De plus,
nous pouvons analyser et quantifier l'évolution du système soumis aux
aléas par la résolution des chaînes de Markov associées. Les indices de
performance obtenus sont ensuite utilisés afin d'établir des stratégies de
conduite réactive pour les systèmes de production.

6. CONCLUSION

A travers les approches présentées dans cet article, nous montrons


les principales caractéristiques qui doivent être prises en compte lors de la
conception d'un système de conduite des systèmes flexibles de production.
Celles-ci doivent comprendre : la modularité, la décentralisation du
système de conduite, et la réactivité face aux aléas pour garantir l'objectif
d'une disponibilité maximale de la production. L'étude de ces approches
nous a amené à proposer une nouvelle architecture du système de conduite
qui répond aux problèmes spécifiques des systèmes de production.
7. BIBLIOGRAPHIE

[1] Moreau, R., Approche objet, Ed. Masson, 1995.


[2] Fabian, M., Lennartson, B., Control of manufacturing systems; an
object oriented approach, Proceedings of IFAC - INCOM'92, Toronto,
Canada, 1992.
[3] Bilge, U., Draman, D., Torun, B., Object oriented design for a flexible
intelligent automated vehicle controller in a job shop environnement,
Proceedings of ICARV'96, Singapore, 1996, pp. 314-318.
[4] Neubert, G., Ghroud, S., Calvier, J. L., Pilotage des systèmes de
production : une approche globale, Revue d'automatique et de
productique appliquées, vol. 7, no. 5/1994, pp. 619-626.
[5] Adamou, M., Contribution à la modélisation en vue de la conduite des
systèmes flexibles d'assemblage à l'aide des réseaux de Petri orientés
objet, Thèse de doctorat, Université de Franche-Comté, 16 Janvier
1997.
[6] Kouiss, K., Pierreval, H., Systèmes multi-agents : directions actuelles
pour les systèmes de production, Congrès International de Génie
Industriel de Montréal, Québec, 1995, pp. 2029-2038.
[7] Sohier, C., Denis, B., Bourdet, P., Applying eco problem solving to the
control of an adaptive manufacturing cell, Proceedings of CESA'96
IMACS Multiconference, Lille, France, 1996, pp. 710-715.
[8] Brun-Picard, D., Bouvet, H., Baboli, H., Binder, Z., The product as an
active element of distributed production control, Proceedings of
IFAC-IFIP-IMACS Conference - Control of industrial systems, Belfort,
France, 1997, pp. 359-365.
[9] Li, W. L., Stochastic Modelling of manufacturing systems - a business
advantage, Final report ISE-2 Surprise 97 Project, London, 1997.
[10] Chapman, N., Petri net models, ISE-2 Surprise 97 Project, London,
1997.

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