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La baderne d’Apollonius

François Cayphas

P ROMOTEUR : P IERRE -E MMANUEL C APRACE

U NIVERSITÉ CATHOLIQUE DE L OUVAIN


FACULTÉ DES SCIENCES

É COLE DE M ATHÉMATIQUE
2022–2023
Table des matières

Introduction 1

Chapitre 1. Transformations de Möbius et inversions 3


1. Transformations de Möbius 3
2. Inversions 7

Chapitre 2. Théorèmes principaux et construction de la baderne


d’Apollonius 11
1. Théorème d’apollonius 11
2. Construction de la baderne d’Apollonius 12
3. Théorème de Descartes 13
4. Groupe d’Apollonius 18

Chapitre 3. Mesure du complémentaire de la baderne 21

Conclusion 25
1. Pour aller plus loin 25
2. Compte rendu du travail 26

Bibliographie 27

iii
Introduction

Avez-vous déjà entendu parler de la baderne d’Apollonius ? Il s’agit d’une


jolie figure fractale, composée de cercles tangents les uns aux autres. Le mot
baderne désigne une grosse tresse nouée, notamment utilisée sur les bateaux,
et qui peut ressembler grossièrement à la figure étudié dans ce travail. En
anglais, on parle d’Apollonian gasket, qui se traduit littéralement par joint
de culasse apollonien. Il en existe en réalité beaucoup de configurations dif-
férentes, plus ou moins symétriques. Elle est nommée en l’honneur du ma-
thématicien grec Apollonius de Perga, dont les travaux sont à la base de la
construction de la figure. La baderne d’Apollonius n’a pas l’air d’être très com-

F IGURE 1. Baderne d’Apollonius 1

pliquée, et, à première vue, on ne voit pas trop ce qu’on pourrait en dire. Elle
cache pourtant de nombreux problèmes très variés, allant de la géométrie à
la théorie des nombres, en passant par la théorie de la mesure et celle des
groupes. Bien que les travaux d’Apollonius, à la base de la construction de
la baderne éponyme, remonte au IIIe siècle av. J-C, il s’agit toujours d’un su-
jet de recherche actuelle, avec de nombreuses questions et conjectures non
résolues aujourd’hui. Par exemple, on ne connait toujours pas sa dimension
fractale !

1. Images provenant de Wikipédia et de "The sensual Apollonian circle packing".

1
2 INTRODUCTION

Dans ce travail, nous introduirons d’abord des outils géométriques qui


nous seront nécessaires pour la suite, à savoir les transformations de Möbius
et les inversions. Cette partie sera basée sur [2], [6] et [9]. Nous pourrons
ainsi démontrer le théorème d’Apollonius, grâce aux preuves trouvées dans
[7] et [8], et celui-ci nous permettra d’expliquer la construction de la baderne
d’Apollonius. Nous verrons ensuite le théorème de Descartes, qui donne une
relation sur les rayons de quatre cercles tangents mutuellement, comme ex-
pliqué dans [4]. Celui-ci est extrêmement important, et à la base de le plu-
part des travaux concernant la baderne d’Apollonius. Il nous permettra de
parler de baderne entière, et d’étudier la figure sous un nouvel angle. En-
fin, dans la dernière section, nous nous demanderons si ces cercles tangents
"remplissent" tout l’espace, dans un sens précis que nous définirons. Cette
dernière partie se basera sur [1].
Chapitre 1

Transformations de Möbius et inversions

1. Transformations de Möbius

Avant de rentrer dans le vif du sujet, nous avons besoin de certains outils
géométriques : les transformations de Möbius et les inversions. Il s’agit de
transformations du plan qui, grâce à leurs propriétés, nous seront très utiles
par la suite. Commençons par introduire notre cadre de travail.

D ÉFINITION 1.1. Nous définissons le plan complexe étendu comme le plan


complexe C, auquel on a ajouté un point à l’infini. Nous le notons C
b = C ∪ {∞}.

Pour la suite, nous utiliserons les conventions suivantes :

a±∞ = ∞+a = ∞ a/∞ = 0 ∀a ∈ C

a×∞ = ∞×a = ∞ a/0 = ∞ ∀a ∈ C \ {0}.

Ces définitions semblent naturelles et font sens avec notre intuition géomé-
triques de ces opérations. Nous pouvons maintenant définir les transforma-
tions de Möbius.

D ÉFINITION 1.2. Une transformation de Möbius est une fonction f : C


b →C
b
définie par
az + b
f (z) = pour z ∈ C où a, b, c, d ∈ C et ad − bc ̸= 0,
cz + d
et
a
f (∞) = .
c
Remarquons que deux quadruplets (a, b, c, d) et (a′ , b′ , c′ , d ′ ) différents
peuvent donner la même transformation de Möbius. En effet, s’ils sont mul-
tiples l’un de l’autre par un facteur λ ∈ C \ {0}, nous obtenons deux fois la
az+ b (λa) z+λ b
même fonction, car f (z) = cz+ d = (λ c) z+λ d . Notons que la condition ad − bc ̸= 0
garantit l’inversibilité de la fonction. Nous avons en effet la proposition sui-
vante.

P ROPOSITION 1.3. L’ensemble des transformations de Möbius forme un


groupe pour la composition.
3
4 1. TRANSFORMATIONS DE MÖBIUS ET INVERSIONS

D ÉMONSTRATION. Tout d’abord, l’identité est bien une transformation


1 z+0
de Möbius, car z = 0 z+1 , et

ad − bc = 1 × 1 − 0 × 0 = 1 ̸= 0.

az+ b
Soient maintenant f et g deux transformations de Möbius, avec f : z 7→ cz+ d
ez+ f
et g : z 7→ gz+ h . Alors :

¶ a ez+ f + b
ez + f aez + a f + b gz + bh
µ
gz+ h
f ◦ g(z) = f (g(z)) = f = ez+ f =
gx + h c gz+h + d cez + c f + d gz + dh
(ae + b g)z + (a f + bh)
= .
(ce + d g)z + (c f + dh)
De plus, (ae + b g)(c f + dh) − (a f + bh)(ce + d g) = (ad − bc)(eh − f g) ̸= 0. f ◦ g est
donc bien une transformation de Möbius. Considérons finalement la fonction
dz− b
h : z 7→ − cz+a , qui satisfait bien da − bc ̸= 0. On calcule

a −dz −b
cz+a + b adz − ab − bcz + ab (ad − bc)z
f ◦ h(z) = f (g(z)) = = = = z.
c −dz −b
cz+a +d cdz − bc − cdz + ad ad − bc

Ainsi, f ◦ h = id Cb . On vérifie de la même manière que h ◦ f = id Cb . Ceci montre


que h est l’inverse de f , h = f −1 . □

Ce qui est important de retenir de la proposition précédente, c’est que la


composition de deux transformations de Möbius reste une transformation de
Möbius, et que toute transformation de Möbius est inversible.
Vu sous cette forme, les transformations de Möbius sont assez compli-
quées à comprendre et visualiser géométriquement. Mais nous allons voir
qu’elles peuvent être décomposées en transformations plus simples. Pour ce
faire, considérons les applications suivantes :

(T1) z 7→ az a ∈ C,

(T2) z 7→ z + b b ∈ C,

(T3) z 7→ 1/z.

Nous avons alors le théorème de décomposition suivant.

T HÉORÈME 1.4. Toute transformation de Möbius peut s’écrire comme com-


position de fonctions de types (T1), (T2) et (T3).

az+ b
D ÉMONSTRATION. Soit une transformation de Möbius f : z 7→ cz+ d .
Si c = 0, comme ad − bc ̸= 0, il faut que a et d soient différents de 0, et alors
1. TRANSFORMATIONS DE MÖBIUS 5

f (z) = da z + db . En notant

a b
f 1 : z 7→ z et f 2 : z 7→ z + ,
d d

on a que f = f 2 ◦ f 1 , où f 1 et f 2 sont des applications de types (T1) et (T2)


respectivement.
Si c ̸= 0, on peut réécrire

a
az + b (cz + d) − ad
c +b a b− c
ad
f (z) = = c = + .
cz + d cz + d c cz + d

En notant

1 ad a
f 1 : z 7→ cz, f 2 : z 7→ z + d, f 3 : z 7→ , f 4 : z 7→ (b − )z et f 5 : z 7→ z + ,
z c c

ce sont toutes des opérations de types (T1), (T2) ou (T3), et on a que

f = f5 ◦ f4 ◦ f3 ◦ f2 ◦ f1.

Grâce à ce théorème, si nous voulons prouver une propriété sur les trans-
formations de Möbius, il nous suffit de montrer qu’elle est vraie pour toute
application de type (T1), (T2) et (T3). C’est ce que nous allons faire par la
suite. Introduisons juste avant une nouvelle appellation.

D ÉFINITION 1.5. Dans C


b , nous appelons cercle généralisé une figure qui
est soit un cercle dans C, soit une droite dans C à laquelle on a ajouté le point
∞.

La définition précédente vient du fait qu’on peut voir une droite comme
un cercle avec un rayon infini. Désormais, lorsque nous parlerons d’une droite
dans C
b , nous sous-entendrons une droite union le point ∞. Remarquons que
si un cercle généralisé contient le point ∞, il s’agit d’une droite, et s’il ne le
contient pas, il s’agit d’un cercle. Plus tard, nous parlerons de cercle généra-
lisé tangent à un autre cercle généralisé. Cela voudra simplement dire que
les deux objets n’ont qu’un seul point d’intersection. Dans le cas où ces deux
cercles généralisés seraient des droites, leur seule intersection serait alors le
point ∞, et les deux droites seraient "parallèles".

P ROPOSITION 1.6. Les transformations de types (T1), (T2) et (T3) trans-


forment les cercles généralisés en cercles généralisés.
6 1. TRANSFORMATIONS DE MÖBIUS ET INVERSIONS

D ÉMONSTRATION. Les applications de type (T1) étant simplement des


homotéthies composées avec une rotation et celles de types T2 des transla-
tions, elles transforment clairement les cercles généralisés en cercles généra-
lisés. Regardons ce qu’il se passe pour (T3). Considérons donc un cercle géné-
ralisé C . Si, pour z ∈ C, on note z = x + i y, avec x, y ∈ R, l’équation de C est de
la forme A(x2 + y2 ) + Bx + C y + D = 0, avec A, B, C, D ∈ R, et avec A=0, si c’est
une droite et A ̸= 0 si c’est un cercle. On a alors que ∞ ∈ C si et seulement
1 x− i y
si A = 0. L’application (T3) envoie un point z ∈ C sur le point w = z = x 2 + y2
.
x −y a −b
Si l’on note w = a + ib, on a a = x2 + y2
, b= x2 + y2
, x= a2 + b 2
et y = a2 + b 2
. Le
2 2
point w appartient l’image de C par (T3) si A(x + y ) + Bx + C y + D = 0, En
remplaçant les x et y en fonction de a et b, on obtient

D(a2 + b2 ) + Ba − Cb + A = 0.

Le point ∞ appartient alors à l’image de C si et seulement si D=0, ce qui


revient à dire que 0 ∈ C , et l’image de 0 est bien ∞. Finalement, l’image de C
est donc bien un cercle généralisé. □

Le théorème précédent sera central pour la suite. Le suivant nous sera


également fort utile.
b 3 de points
T HÉORÈME 1.7. Étant donné 2 triplets (z1 , z2 , z3 ), (w1 , w2 , w3 ) ∈ C
distincts, il existe une unique transformation de Möbius envoyant le premier
triplet sur le second.

D ÉMONSTRATION. Nous allons commencer par prouver l’existence. Soient


z1 , z2 , z3 ∈ C
b distincts, et w1 , w2 , w3 ∈ C
b distincts. Nous voulons montrons qu’il
existe une transformation de Möbius qui envoie z1 sur w1 , z2 sur w2 et z3 sur
w3 . On considère les applications
z − z1 z2 − z3 w − w1 w2 − w3
g : z 7→ et h : w 7→ .
z − z3 z2 − z1 w − w3 w2 − w1
Grâce à nos conditions que z1 , z2 et z3 soient distincts, et w1 , w2 et w3 aussi,
h et g sont des transformations de Möbius. De plus, on remarque facilement
que g envoie z1 sur 0, z2 sur 1 et z3 sur ∞, tandis que h envoie w1 sur 0, w2
sur 1 et w3 sur ∞.
L’appliction f = h−1 ◦ g est bien une application de Möbius et envoie z1 sur
w1 , z2 sur w2 et z3 sur w3 comme souhaité.
Prouvons maintenant l’unicité. On considère une autre applications de Mö-
bius p qui envoie z1 sur w1 , z2 sur w2 et z3 sur w3 . On va montrer que
forcément p = f . Pour ce faire, regardons l’application ι = h ◦ p ◦ g−1 . On a

ι(0) = h ◦ p ◦ g−1 (0) = h ◦ p(z1 ) = h(w1 ) = 0


2. INVERSIONS 7

ι(1) = h ◦ p ◦ g−1 (1) = h ◦ p(z2 ) = h(w2 ) = 1

ι(∞) = h ◦ p ◦ g−1 (∞) = h ◦ p(z3 ) = h(w3 ) = ∞.


az+ b
Ainsi cette application ι fixe 0,1 et ∞. Notons ι(z) = cz+ d . La condition ι(0) =
b a a+ b a
d = 0 implique que b = 0, ι(∞) = c = ∞ implique que c = 0 et ι(1) = c+ d = d =1
a −1
implique que d = 1. Au final, on trouve que ι = id = h ◦ p ◦ g , et donc p =
−1
h ◦g= f. □

2. Inversions

Maintenant que nous avons vu les transformations de Möbius, nous al-


lons nous intéresser à un autre type de transformations du plan assez proches,
les inversions. Elles sont plus facilement interprétables géométriquement,
et donc plus simples à manipuler pour la suite. Et nous allons utiliser les
propriétés que nous avons vues sur les transformations de Möbius pour les
transférer aux inversions.

D ÉFINITION 1.8. Une inversion par rapport à un cercle E de rayon r et


de centre O est une application ι : C
b→C
b , qui envoie tout point p ∈ C \ O sur
l’unique point q de la demi droite O p tel que d(O, p)d(O, q) = r 2 , où d(A,B)
avec A, B ∈ C désigne la distance entre les points A et B. Le point O est envoyé
sur ∞, et ∞ sur O.

F IGURE 1. Inversion

On remarque directement que toute inversion est sa propre inverse. En


particulier, les inversions sont bijectives. Malheureusement, cette définition
8 1. TRANSFORMATIONS DE MÖBIUS ET INVERSIONS

ne nous permet pas de calculer facilement des inversions, ni de faire de lien


avec les transformations de Möbius. Nous allons réécrire les inversions d’un
point de vue algébrique. Le point p est en fait envoyé sur le point q = O +
α(p − O), avec α ∈ R tel que | q − O || p − O | = r 2 . En substituant, on obtient
r2
α| p − O || p − O | = r 2 , et donc α = | p−O |2
. Finalement, on trouve que q = O +
2 2 2
r ( p−O ) r r
| p−O |2
= O+ = O+ . Avec nos conventions, et en considérant que
( p−O ) p−O
∞ = ∞, on remarque que cette formule est aussi vraie pour p = O et p = ∞.
On peut maintenant faire le lien entre les inversions et les transformations
de Möbius. On va juste avant introduire une nouvelle définition.

D ÉFINITION 1.9. La conjugaison complexe étendue est une application

¯: C
b →C
b,

définie par
z = x− iy ∀z = x + i y ∈ C

et
∞=∞

On peut maintenant énoncer notre théorème faisant le lien entre les


transformations de Möbius et les inversions.

T HÉORÈME 1.10. Toute inversion peut s’écrire comme composition d’une


transformation de Möbius et de la conjugaison complexe étendue.

D ÉMONSTRATION. Soit ι une inversion par rapport à un cercle E de centre


O et de rayon r. Soit p ∈ C
b . On a alors

r2 O p + (r 2 − OO)
ι(p) = O + = .
p−O p−O
Oz+( r 2 −OO )
Si l’on note f : z 7→ , qui est une transformation de Möbius, car
z−O
2 2
O(−O) − (r − OO) = r ̸= 0, on a bien ι(p) = f (p). □

On peut en déduire certaines propriétés sur les inversions.

C OROLLAIRE 1.11. Toute inversion transforme des cercles généralisés en


cercles généralisés.

D ÉMONSTRATION. Ceci découle directement du fait que cette propriété


est vraie pour les transformations de Möbius et pour la conjugaison com-
plexe étendue. Comme toute inversion est la composition de deux telles ap-
plications, la propriété est aussi vraie pour les inversions. Montrons que la
2. INVERSIONS 9

conjugaison complexe étendue transforme effectivement des cercles généra-


lisés en cercles généralisés. Soit C un cercle généralisé. Si C est un cercle,
alors C ∈ C, et la conjugaison complexe étendue se restreint simplement à la
conjugaison complexe, qui est juste une symétrie orthogonale et envoie C sur
un autre cercle. Si C est l’union d’une droite dans C et du point ∞, la conju-
gaison complexe étendue envoie la droite sur une autre droite, et le point
∞ sur ∞. C est ainsi bien envoyé sur l’union d’une autre droite et du point
∞. □

Maintenant qu’on sait qu’une inversion transforme les cercles généralisés


en cercles généralisés, on termine cette section en s’intéressant à la manière
dont se transforment les rayons de ces cercles généralisés.

P ROPOSITION 1.12. Soit un cercle E de centre O et de rayon r, et un autre


cercle C de centre O ′ et de rayon k, ne comprenant pas le point O. Notons d la
distance entre O et O ′ . Alors l’image de C par une inversion par rapport à E
r2 k
est un cercle de rayon d 2 − k2
.

F IGURE 2. Inversion du cercle C par rapport à E

D ÉMONSTRATION. Tout d’abord, montrons que C ′ , l’image de C par rap-


port à E, est un cercle. Par le corollaire précédent, on sait que C ′ est un cercle
généralisé. De plus, comme C ne contient pas le point O, C ′ ne contient pas
∞, et il s’agit alors bien d’un cercle.
Calculons maintenant le diamètre de C ′ . Regardons l’image du diamètre [AB]
10 1. TRANSFORMATIONS DE MÖBIUS ET INVERSIONS

de C, celui qui est sur la droite OO ′ . Par définition d’inversion, on a que


r2
|O A ||O A ′ | = r 2 , et comme |O A | = d − k, on obtient |O A ′ | = d −k . De la même
r2
manière, |OB||OB′ | = r 2 , et comme |OB| = d + k, on obtient |OB | = ′
d +k . Fina-

lement, le diamètre de C est donné par
r2 r2 2kr 2
| A ′ B′ | = |O A ′ | − |OB′ | = − = 2 ,
d − k d + k d − k2
kr 2
et le rayon de C ′ est donc d 2 − k2
.

Regardons enfin ce qu’il se passe pour l’image d’une droite.

P ROPOSITION 1.13. Soit un cercle E de centre O et de rayon r, et soit d


une droite ne passant pas par O. Notons b la distance entre d et O. L’image de
r2
d par une inversion par rapport à E est un cercle de rayon 2b passant par O.

D ÉMONSTRATION. Comme la droite ne passe pas par O, son image d ′ ne


passe pas par ∞. Mais on sait que d ′ est un cercle généralisé par le corollaire
1.11. Par conséquent, d ′ est forcément un cercle. De plus, ce cercle passe par
O, car d passe par ∞. Soit A le point de d le plus proche de E, et A ′ son image
par l’inversion par rapport à E. On a que|O A ||O A ′ | = r 2 , et comme |OA|=b
r2
par définition, |O A ′ | = b. Comme |O A ′ | est le diamètre de d ′ , son rayon est
2
r
2b . □

F IGURE 3. Inversion de la droite d par rapport à E


Chapitre 2

Théorèmes principaux et construction de la


baderne d’Apollonius

1. Théorème d’apollonius

Durant le IIIe siècle avant J-C, Apollonius publia un ouvrage concernant


la construction de cercles sous différentes contraintes, le traité des contacts.
Malheureusement, cet ouvrage a été perdu. Nous en connaissons le contenu
grâce à Pappus d’Alexandrie (290-350), qui a cité et résumé de nombreux ou-
vrages, dont le traité des contacts. Cet ouvrage traite donc de 10 problèmes de
constructions de cercles. Selon Pappus, le 10e problème, appelé le problème
d’Apollonius, était le plus compliqué. Il n’en donna d’ailleurs qu’une solution
partielle. Il fallut attendre la fin du XVIe pour que le mathématicien Adrien
Romain, né à Louvain, fournisse une solution faisant intervenir des hyper-
boles. Et ce n’est qu’en 1600, dans son livre Apollonius Gallus, que François
Viète donna une solution à la règle et au compas, conforme aux exigences
des géomètres antiques. Le théorème suivant, qui est un cas particulier du
fameux 10e problème, est à la base de la construction de la baderne d’Apollo-
nius.

T HÉORÈME 2.1 (Théorème d’Apollonius). Étant donné trois cercles C 1 , C 2


et C 3 mutuellement tangents, il existe exactement deux autres cercles généra-
lisés C 4 et C 5 tangents à ces trois cercles.

D ÉMONSTRATION. La construction suivante est illustrée à la figure 1.


Soient A, B et C les points d’intersection de C 1 avec C 2 , de C 1 avec C 3 et de
C 2 avec C 3 respectivement et soient B′ , C ′ ∈ C 2 points aléatoires. Considérons
la transformation de Möbius qui envoie les point A, B et C sur ∞, B′ et C ′
respectivement. Les cercles C 1 et C 2 sont alors envoyés chacun vers un cercle
généralisé, repectivement C 1′ et C 2′ , qui comprennent le point ∞, et sont donc
deux droites. De plus, comme C 1 et C 2 n’ont qu’un seul point d’intersection,
leurs images C 1′ et C 2′ n’ont eux aussi qu’un seul point d’intersection, qui est
∞, et ces deux droites sont parallèles. Le cercle C 3 est quand à lui envoyé sur
un cercle C 3′ qui contient B′ et C ′ . Ces 2 points sont les seules intersections de
11
12 2. THÉORÈMES PRINCIPAUX ET CONSTRUCTION DE LA BADERNE D’APOLLONIUS

C 3′ avec C 1′ et C 2′ respectivement. C 3′ est donc compris entre les deux droites.


Il existe alors exactement deux cercles C 4′ et C 5′ tangents à C 1′ , C 2′ et C 3′ , et
qui sont obtenus par une simple translation de C 3′ . En appliquant la transfor-
mation de Möbius inverse ; qui envoie ∞ sur A, B′ sur B et C ′ sur C ; C 4′ et C 5′
sont envoyés sur des cercles généralisés C 4 et C 5 , qui n’ont qu’un seul point
d’intersection chacun avec C 1 , C 2 et C 3 , auxquels ils sont donc tangents.

F IGURE 1. Figure avant et après transformation de Möbius

2. Construction de la baderne d’Apollonius

Nous pouvons enfin expliquer la construction de la baderne d’Apollonius.


Considérons trois cercles tangents entre eux que nous appellerons C 1 , C 2
et C 3 . Par le théorème d’Apollonius, nous pouvons construire deux autres
cercles C 4 et C 5 tangents aux trois premiers (figure 2).

F IGURE 2. Etape 0 et étape 1

On a ainsi six nouveaux triplets de cercles tangents, par exemple (C 1 , C 2 , C 4 )


ou (C 1 , C 3 , C 5 ). Pour chacun de ses triplets, on peut appliquer à nouveau le
3. THÉORÈME DE DESCARTES 13

théorème d’Apollonius pour construire les deux cercles tangents à ces trois
cercles-là. On avait en fait déjà un de ces deux cercles, chaque triplet permet
donc de construire un nouveau cercle (figure 3). La baderne d’Apollonius est

F IGURE 3. Etape 2

la figure obtenue après une infinité d’étapes. Elle peut être symétrique ou
non, selon que les trois cercles initiaux ont le même rayon ou non (figure 4).

F IGURE 4. Baderne d’Apollonius

3. Théorème de Descartes

Le prochain théorème nous donne une formule reliant les rayons de quatre
cercles tangents deux à deux, ou plutôt reliant leurs courbures, c’est-à-dire
l’inverse de leurs rayons. Il a énormément d’applications, et il est à la base
de la plupart des travaux concernant la baderne d’Apollonius. Cette formule
14 2. THÉORÈMES PRINCIPAUX ET CONSTRUCTION DE LA BADERNE D’APOLLONIUS

F IGURE 5. Poème de Frederick Soddy publié dans Nature en 1936

a été découverte par René Descartes (1596-1650), qui l’a transmise à la prin-
cesse Elisabeth de Bohême dans leur célèbre correspondance. Cette dernière
a d’ailleurs reprouvé la relation d’une manière indépendante. Cette formule
a été redécouverte plus tard par Frederick Soddy, un britannique ayant reçu
le prix Nobel de chimie en 1921. Il publia sa découverte dans la revue scien-
tifique Nature sous forme de poème (figure 5).

T HÉORÈME 2.2 (Théorème de Descartes). Soient C 1 , C 2 , C 3 et C 4 quatre


cercles mutuellement tangents de rayons respectifs r 1 , r 2 , r 3 et r 4 . Notons leurs
courbures respectives, c’est-à-dire l’inverse de leur rayon, k 1 , k 2 , k 3 et k 4 . Nous
avons alors la relation suivante.

2 k21 + k22 + k23 + k24 = (k 1 + k 2 + k 3 + k 4 )2 .


¡ ¢

D ÉMONSTRATION. Soit A le point d’intersection de C 1 avec C 2 . Notons


(x0 , y0 ) ses coordonnées. On considère un cercle E centré en A et de rayon r
arbitraire.
On peut appliquer une inversion de cercle E. C 1 et C 2 sont envoyés sur
deux droites parallèles C 1′ et C 2′ , tandis que C 3 et C 4 sont envoyés sur deux
cercles C 3′ et C 4′ tangents entre eux et compris entre les 2 droites parallèles,
et ayant donc le même rayon (voir figure 7). En choisissant bien le rayon r de
E, nous pouvons faire en sorte que les cercles C 3′ et C 4′ aient un rayon égal à
1. Grâce à une rotation et une translation, nous pouvons alors centrer C 3′ et
C 4′ en (−1, 0) et (1, 0) respectivement, sans changer les distances.
3. THÉORÈME DE DESCARTES 15

F IGURE 6. Figure avant inversion

F IGURE 7. figure après inversion

On va à présent un peu changer de point de vue. Comme toute inversion


est sa propre inverse, on va voir C 1 , C 2 , C 3 et C 4 comme l’image de C 1′ , C 2′ ,
C 3′ et C 4′ par l’inversion du cercle E de centre A et de rayon r. En utilisant les
formules donnant le rayon d’un cercle obtenu par une inversion (proposition
16 2. THÉORÈMES PRINCIPAUX ET CONSTRUCTION DE LA BADERNE D’APOLLONIUS

1.12 et 1.13), on obtient :


r2 2(1 − y0 )
r1 = k1 =
2(1 − y0 ) r2
r2 2(y0 + 1)
r2 = k2 =
2(y0 + 1) r2
r 2 .1 x02 + y02 + 2x0
r3 = k3
(x0 + 1)2 + y02 − 12 r2
r 2 .1 x02 + y02 − 2x0
r4 = k4
(x0 − 1)2 + y02 − 12 r2
On calcule alors que
2x02 + 2y02 + 4 x02 + y02 + 2
k1 + k2 + k3 + k4 = =2
r2 r2
et finalement
8y02 + 4 + 2x04 + 2y04 + 8x02 + 4x02 y02
2(k21 + k22 + k23 + k24 ) = 2
r4
x4 + y04 + 4 + 2x02 y02 + 4x02 + 4y02
=4 0
r4
!2
x02 + y02 + 2
Ã
= 2
r2
= (k 1 + k 2 + k 3 + k 4 )2 .

Remarquons que dans cette preuve, lorsque nous avons calculé r 1 et r 2 ,


nous avons implicitement supposé que le point A était compris entre les 2
droites parallèles C 1′ et C 2′ . Cela est vrai uniquement si les cercles C 1 et C 2
sont tangents extérieurement. De manière similaire, en calculant r 3 et r 4 ,
nous avons supposé que l’abscisse x0 de A n’était pas comprise entre -1 et 1.
Cela est vrai si C 3 et C 4 sont tangents extérieurement. Si jamais une de ceux
paire de cercles ne sont pas tangents extérieurement, il existe un cercle qui
entoure les trois autres. On utilise alors la convention que sa courbure est
négative afin que la formule reste vraie en toute généralité.
Comme déjà mentionné, le théorème de Descartes a énormément de consé-
quences et d’applications. La première que nous pouvons mentionner concerne
l’existence de baderne dont les courbures de tous les cercles sont entières. Re-
prenons la construction de la baderne au début. On a trois cercles C 1 , C 2 et
C 3 mutuellement tangents, dont les courbures respectives sont k 1 , k 2 et k 3 .
Grâce au théorème d’Apollonius, on construit les deux cercles C 4 et C 5 tan-
gents au trois premiers. On peut maintenant déterminer leur courbure avec
3. THÉORÈME DE DESCARTES 17

le théorème de Descartes. En effet, ce sont les deux solutions du l’équation


quadratique d’inconnue k suivante

2 k21 + k22 + k23 + k2 − (k 1 + k 2 + k 3 + k)2 = 0


¡ ¢

⇔ k2 − 2(k 1 + k 2 + k 3 )k + k21 + k22 + k23 − 2k 1 k 2 − k 1 k 3 + k 2 k 3 = 0,

dont le discrimant est ∆ = 16(k 1 k 2 + k 1 k 3 + k 2 k 3 ).


Les 2 courbures de C 4 et C 5 sont alors
p
k 4 , k 5 = k 1 + k 2 + k 3 ± ∆.

Notons au passage que nous obtenons également la relation suivante, dont


on va avoir besoin un peu plus tard :

(2.1) k 4 + k 5 = 2k 1 + 2k 2 + 2k 3 .
p
Si jamais k 4 est entier, alors ∆ = k 1 + k 2 + k 3 ± k 4 l’est aussi. Par consé-
quent k 5 l’est également. Par induction, cette propriété est également vraie
pour tout le reste de la baderne. Pour résumer, si quatre cercles mutuelle-
ment tangents de la baderne ont des courbures entières, toutes les autres
courbures seront également entières. En voici un exemple, les valeurs dans
les cercles représentent évidemment leurs courbures.

F IGURE 8. Baderne d’Apollonius entière


18 2. THÉORÈMES PRINCIPAUX ET CONSTRUCTION DE LA BADERNE D’APOLLONIUS

4. Groupe d’Apollonius

Nous avons vu que la baderne d’Apollonius était en fait totalement déter-


minée par n’importe quel triplet de trois cercles tangents de la figure. Comme
nous considérons que deux badernes identiques à translation et rotation près
sont les mêmes, nous allons juste nous intéresser au rayon, ou plutôt aux
courbures des cercles qui la forment. Notons a = (k 1 , k 2 , k 3 , k 4 ) le quadru-
plet formé des courbures de quatre cercles C 1 , C 2 , C 3 et C 4 mutuellement
tangents. Pour chacun des quatre sous-ensemble de trois cercles parmi les
quatre, le théorème d’Apollonius nous permet construire un nouveau cercle
tangent à ces trois cercles (et le quatrième cercle déjà présent). Par exemple,
si on prend C 1 , C 2 et C 3 (on ne garde donc pas C 4 ), on obtient le nouveau
cercle C 4′ . Considèrons le nouveau quadruplet a 4 = (k 1 , k 2 , k 3 , k′4 ) des cour-
bures de C 1 , C 2 , C 3 et C 4′ . Par 2.1, on a la relation k′4 = 2k 1 + 2k 2 + 2k 3 − k 4 .
Le quadruplet a 4 peut ainsi être obtenu à partir de a par la simple multipli-
cation matricielle
a 4 = aA 4 ,
où  
1 0 0 2
 
0 1 0 2
A4 =  .
 
0 0 1 2
 
0 0 0 −1
Cela fonctionne aussi par les 3 autres sous-ensembles de C 1 , C 2 , C 3 et C 4 . Si
on note a j le quadruplet des courbures obtenu à partir du sous ensembles de
trois cercles ne contenant pas C j , on a

a j = aA j j = 1, 2, 3, 4,

avec
     
−1 0 0 0 1 2 0 0 1 0 02
     
 2 1 0 0 0 −1 0 0 0 1 2 0
A1 =  A2 =  A3 =  .
     
 
 2 0 1 0 0 2 1 0 0 0 −1 0
     
2 0 0 1 0 2 0 1 0 0 2 1

D ÉFINITION 2.3. Le groupe d’Apollonius A est le sous groupe de GL 4 (R)


engendré par A 1 , A 2 , A 3 et A 4 .

Ce groupe d’Apollonius est un outil très puissant pour étudier le baderne


d’Apollonius. Sans rentrer dans les détails, voici un exemple de lien assez
4. GROUPE D’APOLLONIUS 19

intéressant qu’on peut faire entre les deux objets. Si on note E l’ensemble des
quadruplets des courbures de 4 cercles tangents de la baderne d’Apollonius,
on peut définir une action du groupe d’Apollonius sur E comme

A × E → E : (A, a) 7→ aA.

On peut alors voir l’ensemble E comme l’orbite O a de n’importe quel élément


a ∈ E.
Chapitre 3

Mesure du complémentaire de la baderne

Quand on regarde la baderne d’Apollonius, on y voit le grand cercle exté-


rieur, et une infinité de plus petits cercles à l’intérieur. Si on considère plutôt
les disques, ceux internes s’agencent les uns contre les autres pour recouvrir
la quasi totalité du grand disque. Cela nous mène à le définition suivante.

F IGURE 1. Baderne d’Apollonius

D ÉFINITION 3.1. Nous appelons ensemble résiduel le complémentaire de


l’union des disques intérieurs dans le grand. On le note Λ. Si D désigne le plus
grand disque et P l’ensemble des disques contenus dans D, on a alors

Λ=D\
[
Dk.
D k ∈P

Une question naturelle qui se pose est la suivante : la mesure de l’en-


semble résiduel vaut-elle 0 ? Il a fallu attendre 1943 pour que Kasner et Sup-
nik démontre la véracité de ce résultat dans [5].

T HÉORÈME 3.2. L’ensemble résiduel Λ a une aire nulle.

Juste avant de prouver ce résultat, nous allons introduire un nouvel objet


que nous utiliserons dans la démonstration, le triangle curviligne.
21
22 3. MESURE DU COMPLÉMENTAIRE DE LA BADERNE

D ÉFINITION 3.3. Un triangle curviligne est une partie du plan délimité


par 3 arcs de cercles tangents entre eux.

F IGURE 2. Triangle curviligne ABC, délimité par 3 arcs de cercles

D ÉMONSTRATION. Cette preuve, très différente de celle donnée par Kas-


ner et Supnik dans [5], est fortement inspirée de celle trouvée dans [1]. Les
trois plus grands disques intérieurs séparent le grand disque en quatre tri-
angles curvilignes disjoints ∆1 , ∆2 , ∆3 et ∆4 . On note les intersections de Λ
avec ces triangles curvilignes Λ1 , Λ2 , Λ3 et Λ4 respectivement. On a alors
Λ = Λ1 ∪ Λ2 ∪ Λ3 ∪ Λ4 . On va montrer que chaque Λ i a une aire nulle. Pour
faciliter les notations en retirant un indice, notons Σ = Λ i et T = ∆ i pour un
certain i ∈ {1, 2, 3, 4}.
Montrons donc que Σ a une aire nulle. La construction suivante est illustré à
la figure 3. On considère le disque D 0′ ,1 circonscrit à T et D 0,1 celui inscrit à T.
D 0,1 sépare T en trois autres triangles curvilignes T1,1 , T1,2 et T1,3 . Pour cha-
cun de ces 3 triangles curvilignes, on peut considérer à nouveau leurs disques
circonscrits D 1′ ,1 , D 1′ ,2 et D 1′ ,3 , et leurs disques inscrits D 1,1 , D 1,2 et D 1,3 . On
peut continuer la construction par récurrence. Chaque D i,k sépare T i,k en
trois triangles curvilignes T i+1,3k−2 , T i+1,3k−1 et T i+1,3k , dont on peut consi-
dérer les cercles circonscrits D ′i+1,3k−2 , D ′i+1,3k−1 et D ′i+1,3k , et ceux inscrits
3. MESURE DU COMPLÉMENTAIRE DE LA BADERNE 23

F IGURE 3. Illustration de la démonstration

S3 i
D i+1,3k−2 , D i+1,3k−1 et D i+1,3k . Si on note T i = k=1
T i,k , on a alors

Σ=
\
Ti.
i =1

Soit x ∈ Σ, qui n’est sur le bord d’aucun disque D i,k , avec i, k ∈ N∗ . Pour
chaque i ∈ N∗ , le point x appartient alors à un seul triangle curviligne T i+1,l ,
avec 1 ≤ l ≤ 3(i + 1), que nous notons T xi . Notons également D ′xi le disque cir-
conscrit à T xi . Comme les disques D ′i,k sont deux à deux disjoints (sauf éven-
tuellement un point de contact), et tous compris dans le disque D 0′ ,1 , leurs
rayons tendent vers 0. Par conséquent, les rayons des disques D ′xi tendent
vers 0 quand i tend vers 0. Ainsi, leur intersection est réduit à x :
∞ ∞
D ′xi = T xi .
\ \
{ x} =
i= 1 i =1
24 3. MESURE DU COMPLÉMENTAIRE DE LA BADERNE

S3 i
Si l’on note D ′i = k=1
D ′i,k , on a alors que
∞ ∞
Σ= D ′i .
\ \
(3.1) Ti =
i =1 i =1

Montrons cette égalité d’ensemble par double inclusion. Tout d’abord, on a


bien que
∞ ∞
Σ= D ′i , car T i ⊆ D ′i ∀ i ∈ N∗ .
\ \
Ti ⊆
i =1 i =1
D ′i . Cela veut dire que, pour tout i ∈ N∗ ,
T∞
Pour l’autre inclusion, soit x ∈ i =1
x ∈ D ′i , et donc il existe 1 ≤ k ≤ 3i tel que x ∈ D ′i,k . Nous notons D ′xi = D ′i,k . On
a alors
∞ ∞ ∞
D ′xi = { x} = T xi ⊆ T i = Σ.
\ \ \
x∈
i =1 i =1 i =1
Comme chaque triangle curviligne T i,k , étant inscrit dans D ′i,k , a une aire
inférieure à celle du triangle équilatéral inscrit dans D ′i,k , on a l’inégalité
p p
3 3 3 3
aire(T i,k ) ≤ ′
4π aire(D i,k ). En p
conséquence de cela et de 3.1, aire(Σ) ≤ 4π aire(Σ),
3 3
et forcément aire(Σ) = 0, car 4π < 1. □
Conclusion

1. Pour aller plus loin

Nous n’avons dans ce travail fait qu’effleurer les problèmes concernant


la baderne d’Apollonius, mais il y en a beaucoup d’autres. Voici quelques
exemples de questions qu’on aurait pu se poser, et auxlesquelles des mathé-
maticiens se sont intéressés et s’intéressent encore.
Nous évoquions dans l’introduction le fait que nous ne connaissions tou-
jours pas la dimension de Hausdorff de la baderne d’Apollonius. Cependant,
un fait remarquable qui a été démontré, c’est que peu importe les trois cercles
tangents de départ, la figure obtenue aura toujours la même dimension de
Hausdorff. David Boyd a donné en 1973 un encadrement de la dimension de
Hausdorff, entre 1.300197 et 1.314534. Depuis, on a trouvé des méthodes nu-
mériques donnant une précision beaucoup plus grande, mais on ne connait
toujours pas la valeur exacte.
Le théorème de Descartes a également ouvert la porte a de nombreuses
questions de théorie des nombres sur les badernes d’Apollonius entières. Par
exemple, existe-t-il une infinité de cercles dont les courbures sont des nombres
premiers ? Si oui, y a-t-il une infinité de "premiers jumeaux", c’est-à-dire de
paires de cercles tangents entre eux et dont les courbures sont des nombres
premiers ?
Nous pouvons également nous demander si, étant donné une baderne,
toute les courbures peuvent apparaitre ou non ? Il existe en fait des condi-
tions de congruences simples que doivent satisfaire ces courbures. Nous ap-
pelons nombres admissibles ceux qui satisfont ces conditions. La conjecture
Local-Global affirme que tout nombre admissible suffisamment grand est la
courbure d’un cercle de la baderne d’Apollonius. En 2012, Alex Kontorovich et
Jean Bourgain (mathématicien belge ayant reçu la médaille Fields en 1994)
ont démontré que la conjecture était vraie pour presque tous les nombres
admissibles [3].
Enfin, nous pouvons nous intéresser à la taille des cercles dans la baderne
d’Apollonius. Pour ce faire, étant donné T > 0, on note N(T) le nombre de

25
26 CONCLUSION

1
cercles ayant une courbure plus petite que T. Comment évolue N(T) quand
T → ∞ ? En 2009, Kontorovich et la mathéticienne sud-coréenne Hee Oh ont
montré qu’il existait δ > 0 et C > 0 tel que N(T) est asymptotiquement équi-
valent à CT δ quand T → ∞.

2. Compte rendu du travail

Dans ce travail, j’ai d’abord introduit les transformations de Möbius et les


inversions dans la chapitre 1. J’en ai étudié leurs propriétés, et notamment
celle qui dit que ces transformations transforment les cercles généralisés en
cercles généralisés. Les difficultés principales de cette partie ont été de trou-
ver de bonnes références, de cerner ce qui était réellement important pour la
suite, et de regrouper et écrire cela de la manière la plus claire et simple pos-
sible. Il s’agit finalement d’un résumé de [2], [6] et [9], avec quelques notions
et détails supplémentaires que j’ai introduits, comme la conjugaison complexe
étendue, afin de rendre ce travail le plus rigoureux possible. Ces résultats
ont notamment permis de démontrer le théorème d’Apollonius au début du
chapitre 2. Grâce à celui-ci, j’ai pu expliquer la construction de la baderne
d’Apollonius. J’ai continué avec le très important théorème de Descartes. Ce
dernier m’a permis d’introduire le groupe d’Apollonius et de faire le lien avec
le baderne du même nom, en voyant celle-ci comme l’orbite d’une action de ce
groupe. Le chapitre 2 se base sur [8], avec quelques explications et clarifica-
tions que j’ai rajoutées. Enfin, dans le chapitre 3, j’ai montré que la construc-
tion utilisée pour faire la baderne d’Apollonius, en ajoutant de plus en plus
de cercles tangents entre eux, permettait de recouvrir presque complètement
l’espace, dans le sens où le complémentaire de l’union des disques de la ba-
derne d’Apollonius dans le grand disque qui l’entoure était d’aire nulle. La
démonstration se base sur celle trouvée dans [1], et j’ai dû la modifier très
légèrement pour qu’elle corresponde bien avec les notions introduites dans ce
travail. J’ai réalisé l’entierté des figures à l’aide du logiciel Geogebra, à l’ex-
ception de celles représentant la figure fractale de la baderne d’Apollonius,
contenant donc un très grand nombre de cercles.
Je tiens à remercier mon promoteur M. Caprace, pour la proposition du
sujet, qui était très intéressant, ainsi que pour m’avoir guider dans mon tra-
vail via ses conseils judicieux et les directions à suivre.
Bibliographie

[1] F Apéry, La baderne d’Apollonius, La Gazette des mathématiciens 19 (1982), 57–86. ↑2,
22, 26

[2] P. Audibert, Géométrie inversive et transformations de Mobius (2018). [Disponible sur


son site personnel www.pierreaudibert.fr/explor/TransformationsMobius.pdf, consulté le
23 avril 2023]. ↑2, 26

[3] J. Bourgain and A. Kontorovich, On the local-global conjecture for integral Apollonian
gaskets, Inventiones mathematicae 196 (2014), no. 3, 589–650. ↑25

[4] H. S. M. Coxeter, Loxodromic sequences of tangent spheres, Aequationes Mathematicae 1


(1968), 104–107. ↑2

[5] E. Kasner and F. Supnick, The Apollonian packing of circles, Proceedings of the National
Academy of Sciences 29 (1943), no. 11, 378–384. ↑21, 22

[6] J. Olsen, The geometry of möbius transformations, University of Rochester (2010). [Trouvé
sur son site personnel johno.dk/mathematics/moebius.pdf]. ↑2, 26

[7] M. Pollicott, Apollonian Circle Packings, Fractal Geometry and Stochastics 5 (2015), 121–
142. ↑2

[8] P. Sarnak, Integral apollonian packings, The American Mathematical Monthly 118 (2011),
no. 4, 291–306. ↑2, 26

[9] Möbius transformations, Second Year Essays, warwick maths society. [disponible sur
www.warwickmaths.com/wp-content/uploads/2020/07/80_-Möbius-Transformations.pdf,
consulté le 10 avril 2023]. ↑2, 26

27

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