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LE COURAGE
DE LA NUANCE
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Du même auteur
Leur jeunesse et la nôtre
L’espérance révolutionnaire au fil des générations
Stock, 2005
Les maoccidents.
Un néoconservatisme à la française
Stock, 2009
Georges Bernanos face aux imposteurs
Garnier/Le Monde, coll. « Les rebelles », 2013
Un silence religieux
La gauche face au djihadisme
Seuil 2016, et « Points Essais » no 83, 2017
La Religion des faibles
Ce que le djihadisme dit de nous
Seuil, 2018, et « Points Essais » n° 894, 2020

sous la direction de jean birnbaum

Qui sont les animaux ?


Gallimard, 2010
Pourquoi rire ?
Gallimard, 2011
Où est passé le temps ?
Gallimard, 2012
Amour toujours ?
Gallimard, 2013
Repousser les frontières ?
Gallimard, 2014
Qui tient promesse ?
Gallimard, 2015
Où est le pouvoir ?
Gallimard, 2016
Hériter, et après ?
Gallimard, 2017
De quoi avons-nous peur ?
Gallimard, 2018
Tous philosophes ?
Gallimard, 2019
L’identité, pour quoi faire ?
Gallimard, 2020
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JEAN BIRNBAUM

LE COURAGE
DE LA NUANCE

ÉDITIONS DU SEUIL
57, rue Gaston-Tessier, Paris XIXe
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Cet essai est issu d’une série d’articles parus dans Le Monde
durant l’été 2020. Chaque chapitre a été développé, et l’introduction,
la conclusion, tout comme l’ensemble des « interludes », sont inédits.

isbn 978‑2-02‑147676‑7

© éditions du seuil, mars 2021

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation
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que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une
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À Émilie, angelus novus


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Que chacun dise franchement ce qu’il a à dire,


la vérité naîtra de ces sincérités convergentes.
Marc Bloch,
L’Étrange Défaite, 1940.
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Introduction

Tout commence par un sentiment d’oppression. Si j’ai


écrit ce livre, ce n’est pas pour satisfaire un intérêt théo-
rique, mais parce que j’en ai éprouvé la nécessité intime.
Il fallait nommer cette évidence : dans les controverses
publiques comme dans les discussions entre amis, chacun
est désormais sommé de rejoindre tel ou tel camp, les
arguments sont de plus en plus manichéens, la polarisation
idéologique annule d’emblée la possibilité même d’une
position nuancée. « Nous étouffons parmi des gens qui
pensent avoir absolument raison », disait naguère Albert
Camus, et nous sommes nombreux à ressentir la même
chose aujourd’hui, tant l’air est irrespirable.
Ainsi, les réseaux sociaux sont devenus une arène où le
débat est remplacé par le combat : chacun, craignant d’y
rencontrer un contradicteur, préfère traquer cent ennemis.
Au-delà même de Twitter ou de Facebook, le champ intel-
lectuel et médiatique se confond avec un champ de bataille
où tous les coups sont permis. Partout de féroces prêcheurs
préfèrent attiser les haines plutôt qu’éclairer les esprits.
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le courage de la nuance

Ce durcissement, j’en ai fait moi-même l’expé­rience.


Depuis quelques années, j’ai quasiment cessé toute pré-
sence sur Twitter, réseau dont j’ai pu observer, un parmi
tant d’autres, l’inquiétante altération. Au moment où j’y
ai créé un compte, il était encore possible d’y instaurer un
dialogue, et même d’y débattre honnêtement. Bien sûr, dès
l’origine une certaine virulence régnait, beaucoup avaient
déjà tout autre chose en tête que la discussion féconde,
et venaient satisfaire leurs pulsions partisanes, leur désir
d’en découdre. Mais, à cette époque, les bonnes surprises
n’étaient pas rares : vous lanciez un message, bouteille à
la mer, et soudain, par-delà les désaccords, vous pouviez
nouer un lien sincère avec une personne dont les positions
demeuraient ouvertes, mobiles, et qui était aussi capable
de faire bouger les vôtres.
Mais vint le moment où ces bonnes surprises sont
devenues de vrais miracles. La propagande prenait
le dessus, l’insulte le disputait à la calomnie, chacun
était prié de rester rivé au camp qui lui avait été assi-
gné : après un rapide coup d’œil sur votre profil, votre
visage, votre nom… ceux qui répondaient à vos mes-
sages savaient, de source sûre, qui vous étiez et pour
qui vous rouliez. À force de fréquenter cet espace où
triomphaient des meutes vindicatives, soudées par des
préjugés communs, des haines disciplinées, je commen-
çais à être traversé, moi aussi, par des réflexes détes-
tables. Alors je me suis mis en retrait, ou du moins j’ai
cessé de prendre part aux « débats » de Twitter, pour
me contenter d’y recommander un article de journal, un
livre à ne pas manquer.
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introduction

Au même moment, pourtant, je devais me rendre à


l’évidence : ce que j’avais vécu sur Twitter, cette crispa-
tion généralisée, cette montée aux extrêmes, n’était pas
cantonné à l’espace des réseaux sociaux ou aux territoires
de la controverse médiatique. On pouvait y être confronté
en chair et en os, au quotidien, comme j’avais eu l’occa-
sion de le vérifier de façon empirique, entre 2016 et 2018,
lorsque j’avais effectué deux séries d’interventions et de
conférences liées à la parution de deux livres qui forment
un diptyque.
Avec le premier, Un silence religieux. La gauche face
au djihadisme1, j’ai voulu montrer comment la foi des
djihadistes nous révèle, à nous autres Européens sécu-
larisés, notre certitude que la croyance religieuse n’est
rien. Ou alors rien de bien réel, tout au plus un ornement
qui occulte les choses sérieuses (politiques, économiques,
sociales…), un folklore archaïque, voué à être dissipé par
le progrès. L’essentiel, à ce moment-là, était d’entendre
ce que disaient les djihadistes, de ne plus les voir seule-
ment comme des fous, des cas sociaux ou des barbares,
bref de prendre enfin au sérieux leur élan. Plus tard,
avec La Religion des faibles. Ce que le djihadisme dit
de nous2, l’objectif était de retourner le miroir et de poser
la question : cette espérance si puissante, et si sanglante,
qui est celle des djihadistes, que dit-elle de « nous », de
nos propres croyances universalistes, progressistes, fémi-
nistes… et de leur fragilité ?

1. Seuil, 2016.
2. Seuil, 2018.

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le courage de la nuance

Dans ces deux essais, j’affichais la couleur et ne pré-


tendais en rien juger de l’extérieur : la culture politique
dont je souhaitais creuser les points aveugles, c’était la
mienne, celle que j’ai reçue en héritage. Dans chacun de
ces deux essais, surtout, j’avais tenté de me tenir sur la
corde raide, sans jamais rallier un camp : il fallait briser
quelques non-dits, et parfois trancher dans le vif pour
susciter le débat, mais sans occulter tel aspect du réel,
telle contradiction. Il s’agissait donc, tant bien que mal, de
faire droit à la nuance. Quitte à se mettre à dos les esprits
dogmatiques de toutes tendances.
À deux ans d’intervalle, donc, sur un sujet et avec une
méthode semblables, j’ai participé à de nombreuses ren-
contres publiques en France, en Belgique ou en Suisse, des
réunions organisées par des associations très diverses, étu-
diantes, catholiques, anarchistes… Or, entre 2016 et 2018,
le climat avait changé. Dans la même ville, parfois avec
les mêmes personnes, l’atmosphère était beaucoup moins
ouverte. Aucune violence, pas vraiment d’agressivité non
plus, mais plutôt une méfiance à l’égard de l’argumen-
tation complexe et des nuances « inutiles », et aussi une
sorte d’impatience, le besoin de savoir très vite à quel
« bord » appartient celui qui s’exprime. Avec cette sensa-
tion pénible que ce que vous dites risque sans cesse d’être
utilisé à mauvais escient, de chatouiller agréablement des
personnes mal intentionnées. Avec, surtout, cette accu-
sation qui effectue actuellement son grand retour, et qui
tient en quatre mots : « faire le jeu de ». Écrire un livre sur
la puissance de séduction propre au djihadisme, n’est-ce
pas « faire le jeu » de l’extrême droite ? Montrer que
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4. Raymond Aron, modéré avec excès. . . . . . . . . . . . . . . 71
Saisir le réel dans ses contradictions. . . . . . . . . . . . . . . . 72
Éthique intraitable du doute. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
Épreuves vécues. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78

interlude
Vous avez dit « faire le jeu de » ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

5. George Orwell, la révolution du fair-play . . . . . . . . . 85


Liberté critique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87
Faire coïncider confiance et exigence. . . . . . . . . . . . . . . 89
Langue libre, mémoire longue. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Culture de la servilité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

interlude
« L’inconnu, c’est encore et toujours notre âme ». . . . . . 97

6. Germaine Tillion, la vérité au cœur . . . . . . . . . . . . . . 105


La rigueur et l’émotion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
Assumer ses propres fragilités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109
L’affrontement ? Une facilité hideuse. . . . . . . . . . . . . . . 111

interlude
La littérature, « maîtresse des nuances ». . . . . . . . . . . . . . . 113

7. Roland Barthes casse les clichés. . . . . . . . . . . . . . . . . 117


Un voyage sous haute surveillance. . . . . . . . . . . . . . . . . 119
« Je veux vivre selon la nuance ». . . . . . . . . . . . . . . . . . 121
En finir avec l’arrogance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123
Le Neutre n’est pas une dérobade. . . . . . . . . . . . . . . . . . 126

conclusion
Solidarité des solitaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129

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