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Physique

statistique
Des processus élémentaires
aux phénomènes collectifs

Christophe Texier
Professeur à l’université Paris-Sud
Guillaume Roux
Maître de conférences à l’université Paris-Sud
Illustration de couverture : simultation Monte Carlo de la fusion à la surface d’un
solide (les lignes correspondent aux trajectoires des atomes).
D’aprés Farid F. Abraham, Two-dimensional melting, solid-state stability, and the
Kosterlitz-Thouless-Feynman criterion, Physical Review B 23, p. 6145 (1981).

© Dunod, 2017
11, rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-075611-7
Table des matières

Avant-propos IX

Partie 1
Fondements
Chapitre 1 Le périmètre de la physique statistique 1

1. Introduction 1

2. Existence d’une échelle atomique 2

3. Une théorie fondamentale au statut particulier 2

4. Émergentisme 4

Chapitre 2 Probabilités 7

1. Nécessité de l’approche probabiliste 7

2. Probabilités et variables aléatoires 9

3. Moyenne, variance, moments, cumulants, corrélations,... 14

4. Quelques exemples de distributions 20

5. Théorème de la limite centrale 21

Les points clés 25

Les annexes 25

A. Remarques supplémentaires sur les fonctions génératrices


et les cumulants 25

B. Fluctuations typiques vs grandes déviations 27

Exercices 33

Chapitre 3 Ergodicité 34

1. Équilibre macroscopique et ergodicité 34

2. Microétats (état pur) 38

3. Macroétats (mélange statistique) 40

4. Le dénombrement des microétats : densité d’états 42

III
Table des matières

Les points clés 49

Les annexes 49

A. Formulation classique 49

B. Formulation quantique 52

Exercices 55

Chapitre 4 Entropie 56

1. L’entropie en thermodynamique 56

2. Information et entropie statistique 58

Les points clés 66

Les annexes 66

A. La méthode des multiplicateurs de Lagrange 66

Exercices 68

Chapitre 5 Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat


fondamental 69

1. La recherche d’un postulat fondamental 69

2. Postulat fondamental de la physique statistique 72

3. Relâchement de contraintes 79

4. Irréversibilité 91

Les points clés 96

Exercices et problèmes 97

Chapitre 6 Systèmes non isolés – Ensembles canonique


et grand-canonique 104

1. Ensemble canonique 105

2. Ensemble grand canonique 118

3. Relâchement d’une contrainte 125

Les points clés 128

Les annexes 128

A. Travaux élémentaires, forces généralisées et variables


conjuguées 128

IV
Table des matières

B. Mouvements de rotation, moment cinétique et dipôles


permanents en champs externes 130

Exercices et problèmes 135

Chapitre 7 Vue d’ensemble des outils de la physique


statistique 136

1. L’équivalence des ensembles 136

2. Transformations thermodynamiques 141

3. La physique statistique : mode d’emploi 142

Les annexes 147

A. Potentiels thermodynamiques 147

B. Transformation de Legendre : l’exemple des partitions d’un


entier 149

Exercices et problèmes 152

Partie 2
Applications
Chapitre 8 Description classique des gaz 156

1. Gaz parfait monoatomique 156

2. Densité spatiale en présence d’un champ extérieur


et distribution des vitesses 158

3. Capacité calorifique des gaz parfaits moléculaires 160

4. Rôle des interactions dans les gaz 168

Les points clés 179

Les annexes 179

A. Molécules diatomiques homonucléaires – H 2 179

Exercices 181

Chapitre 9 Thermodynamique des oscillateurs


harmoniques 183

1. Oscillateur harmonique unidimensionnel 183

2. Vibrations d’un corps solide 186

V
Table des matières

3. Thermodynamique du rayonnement 195

Les points clés 203

Les annexes 203

A. Modes propres d’une chaîne de ressorts 203

B. Corde vibrante : « quantification classique »


versus « quantification quantique » 204

Exercices et problèmes 207

Chapitre 10 Transitions de phase 209

1. Transition liquide-gaz 210

2. Transition paramagnétique-ferromagnétique 219

3. Universalité 232

Les points clés 235

Exercices 236

Partie 3
Gaz quantiques
Chapitre 11 Statistiques quantiques 237

1. Particules indiscernables : fermions et bosons 237

2. Les statistiques de Fermi-Dirac et Bose-Einstein 244

Les points clés 252

Les annexes 252

A. Fermions de spin 1/2 252

Exercices 254

Chapitre 12 Fermions 257

1. Introduction 257

2. Gaz parfait de fermions libres dégénéré à  = 0 261

3. Comportement à basse température 264

Les points clés 270

Exercices 271

VI
Table des matières

Chapitre 13 Bosons 276

1. Introduction 276

2. Le gaz parfait de bosons libres 279

3. Bosons dans un piège harmonique 287

Les points clés 295

Exercices 296

Formulaire 299

Solutions 303

Bibliographie 351

Index 353

VII
Avant-propos
Cet ouvrage propose un cours d’introduction à la physique statistique pour les étudiants
de premier et deuxième cycles universitaires. Il est le fruit de plusieurs années d’un en-
seignement dispensé à l’Université Paris-Sud à travers le cours magistral et des séances
de travaux dirigés. Le cœur du texte est basé sur des notes de cours rédigées par l’un
d’entre nous dans les années 2011-2012, qui ont été profondément remaniées et com-
plétées, notamment par de nombreux exercices et problèmes dont la plupart ont été posés
en examen. L’ouvrage a été conçu pour être utilisé de façon autonome et ne requiert
que des notions élémentaires de mécanique classique et de mécanique quantique (de
niveau L3). Il été écrit avec le souci de rester assez compact, proche des réalités d’un en-
seignement pratique, et dans cette optique, a été divisé en trois parties, « Fondements »,
« Applications » et « Gaz quantiques », que nous allons maintenant présenter.
La première partie s’ouvre sur quelques pages d’introduction (chapitre 1) dans
lesquelles nous définirons notre objet d’étude et essayerons de dégager quelques idées
directrices. En particulier, nous insisterons sur le statut très particulier de la physique
statistique en tant que grande théorie fondamentale, puisque son objet n’est pas de
décrire la dynamique à l’échelle élémentaire, mais de permettre de comprendre com-
ment les phénomènes collectifs émergent. Le chapitre 2 introduit a quelques notions de
théorie des probabilités nécessaires à notre présentation, i.e. le « langage » sur lequel
est basée la physique statistique. Le chapitre 3 est un chapitre de transition qui expose
comment le langage probabiliste sera appliqué dans le cadre des modèles physiques et
introduit a le jargon propre à la physique statistique. Nous introduirons également un
outil qui jouera un rôle très important par la suite : la densité d’états. Le concept d’en-
tropie, dont nous mentionnerons les différentes interprétations au chapitre 4, sera central
pour la suite. Le chapitre 5, qui introduit le postulat fondamental, correspond au cœur de
la physique statistique. Si son application directe concerne l’étude des systèmes isolés et
à l’équilibre (« ensemble microcanonique »), nous expliquerons au chapitre 6 comment
étudier le cas des systèmes non-isolés, en contact avec un réservoir, d’énergie et/ou de
particules (« ensembles canonique et grand canonique »). Le cas des systèmes en con-
tact avec un réservoir de volume (« ensemble isotherme-isobare ») sera discuté dans un
problème. Le chapitre 7 qui clôt la première partie donnera une vue d’ensemble pour
insister sur la logique globale.
Si la première partie illustre la construction et l’articulation des outils à travers les
exemples les plus simples, la seconde partie « Applications » propose de les appli-
quer dans des cas réalistes, centrés sur l’interprétation des observations expérimentales.
Trois sujets importants seront discutés : tout d’abord la théorie semiclassique des gaz
(chapitre 8). Nous discuterons ensuite la thermodynamique des ensembles d’oscilla-
teurs harmoniques (chapitre 9) à travers deux applications : les vibrations des atomes
d’un réseau cristallin, puis la thermodynamique du rayonnement, un sujet d’importance
historiquement puisqu’il initie l’émergence des idées quantiques, avec la loi de Planck
en 1900. Pour clore cette seconde partie (chapitre 10), nous verrons comment des in-
teractions sont responsables des phénomènes collectifs extrêmement spectaculaires que
sont les transitions de phase.

IX
Avant-propos

La troisième partie traite du rôle des corrélations quantiques, qui se manifestent dans
le régime de « basse » température. Le chapitre 11 montrera comment l’ensemble grand
canonique permet de traiter efficacement les problèmes d’indiscernabilité posés par la
mécanique quantique. Les deux derniers chapitres appliquerons ces concepts aux deux
types de particules existant, fermions (chapitres 12) et bosons (chapitre 13). Si l’obser-
vation des effets quantiques dans les gaz bosoniques requiert des conditions extrêmes
(  quelques K), nous verrons que le comportement des électrons (des fermions) dans
un métal à température ambiante est dominé par le principe de Pauli.
Un dernier sujet d’importance est celui des phénomènes hors équilibre (dynamique,
transport, etc). Il a cependant été laissé de côté faute de place.
L’élaboration de ce cours a bénéficié très largement de notre environnement scien-
tifique. D’abord au sein des équipes enseignantes : nous remercions chaleureusement
Christian Boulet qui a dirigé l’équipe « physique statistique » au magistère d’Orsay
jusqu’en 2011, ainsi que tous les collègues avec qui nous avons eu le plaisir d’y
travailler : Meydi Ferrier, Giuseppe Foffi, Jean-Noël Fuchs, Henk Hilhorst, Roland
Mastripolitto, Nicolas Pavloff, Alberto Rosso (qui y a enseigné bénévolement) et Bartjan
van Tent. Nous remercions les étudiants du magistère à qui nous avons eu le plaisir
de dispenser cet enseignement : plusieurs années de fructueux échanges ont fortement
participé à façonner ce cours. Nous sommes particulièrement reconnaissants envers
plusieurs collègues qui ont apporté des contributions assez directes : Alberto Rosso
(pour les programmes python produisant les simulations du problème de Sinai, cf. les
figures. 5.2 et 5.3), Giuseppe Foffi (qui a inspiré le problème 5.4), Emmanuel Trizac
(l’exercice 10.3 sur la méthode variationnelle est basé sur un de ses articles), Jean-Noël
Fuchs (qui avait rédigé une autre version du problème 12.1 sur le graphène) et Gilles
Montambaux (le problème 11.2 a été imaginé comme application de la jolie relation
(11.39) qu’il avait pointée). Être membres d’un laboratoire de recherche en physique
statistique a certainement été un atout pour écrire ce livre, et nous avons bénéficié des
conseils et remarques de plusieurs collègues que nous souhaitons remercier particulière-
ment : Eugène Bogomolny, Alain Comtet, Silvio Franz, Olivier Giraud, Hubert Krivine,
Thierry Jolicœur, Martin Lenz, Satya Majumdar, Marc Mézard, Gilles Montambaux,
Nicolas Pavloff, Alberto Rosso, Raoul Santachiara, Grégory Schehr, Emmanuel Trizac
(qui aura la grande surprise d’être cité dans un livre de physique statistique pour ses
travaux photographiques, cf. page 61 !) et Denis Ullmo.
Au moment de clôturer ce projet, je souhaite (CT) exprimer ma gratitude aux trois
professeurs exceptionnels, Bernard Diu, Alain Laverne et Bernard Roulet, qui m’ont
enseigné les bases de cette théorie fondamentale fascinante.
Enfin, nous remercions Laetitia Herin et Vanessa Beunèche pour leur patience et leur
travail.

Orsay, le 23 janvier 2017.

X
Notations
def
= égal par définition -
d quantité infinitésimale de travail
≃ ou ≈ approximativement égal à -
d quantité infinitésimale de chaleur
∼ de l’ordre de  ( ) densité d’états
∝ proportionnel à Φ( ) densité d’états intégrée
∀ quel que soit Ω( ) nombre de microétats accessibles
ℕ ens. des entiers naturels ∗ entropie microcanonique
ℤ ens. des nombres relatifs ∗ température microcanonique
ℝ ens. des nombres réels ∗ pression microcanonique
ℂ ens. des nombres complexes ∗ potentiel chimique microcanonique
 , Symbole de Kronecker  fonction de partition canonique
 ( ) Distribution de Dirac  énergie libre
C
 H() Fonction de Heaviside  moyenne canonique de l’énergie
Tr {⋯} trace C pression canonique
 Produit tensoriel C entropie canonique
  Moyenne de  C potentiel chimique canonique
Var() Variance (=  2 −   2) Ξ fonction de partition grand canonique

 Écart-type (= Var( ))  fonction de partition pour l’état
individuel 
 grand potentiel
G
 Hamiltonien  moyenne grand canonique du
nombre de particules
G
 spin d’une particule  moyenne grand canonique de l’énergie
 facteur gyromagnétique G pression grand canonique

= constante de Planck réduite G potentiel chimique grand canonique
2
G entropie grand canonique

Constantes fondamentales
constante de Planck  = 6.63 × 10−34 J.s et  = 1.05 × 10−34 J.s
constante de Boltzmann  = 1.38 × 10−23 J.K−1
nombre d’Avogadro  = 6.02 × 1023 mol−1
constante des gaz parfaits  = 8.31 J.mol−1.K−1
vitesse de la lumière  = 3.00 × 108 m.s−1
charge élémentaire  = 1.60 × 10−19 C
masse de l’électron  = 0.91 × 10−30 kg
masse du proton  = 1.67 × 10−27 kg

magnéton de Bohr  = = 0.93 × 10−23 J.T−1
2

XI
Des exercices et des problèmes pour
tester ses connaissances et s’entraîner

Les solutions des exercices et


problèmes
Chapitre 1
Le périmètre de la
physique statistique

Définir à quoi sert la physique statistique 1 Introduction


Identifier la place de la physique 2 Existence d’une échelle
statistique parmi les théories de la atomique
physique 3 Une théorie fondamentale au
statut particulier
4 Émergentisme

1 Introduction
Parmi les grandes théories fondamentales de la physique, la physique statistique est cer-
tainement l’une des plus importantes, puisqu’avec la mécanique quantique, elles forment
le socle de la physique moderne. Elle a été fondée (dans sa version classique) pendant la
seconde moitié du XIXe siècle par Clausius, Maxwell, Boltzmann et Gibbs, puis fertil-
isée par le développement de la mécanique quantique au cours de la première moitié du
XX e siècle. Elle s’attelle à l’étude des systèmes à très grand nombre de degrés de liberté
(typiquement le nombre d’Avogadro  ∼ 1023 pour les corps matériels aux échelles
macroscopiques).
Elle a des applications dans quasiment tous les domaines de la physique : matière
diluée (gaz atomiques et moléculaires), matière condensée (solides, liquides, mag-
nétisme, polymères, cristaux liquides, etc), thermo-chimie, biophysique, physique des
plasmas, astrophysique, etc. Depuis sa fondation, elle a continué à voir son champ d’ap-
plication s’élargir, pour déborder aujourd’hui très largement le champ de la physique :
certains physiciens s’intéressent à des sujets tels que les réseaux (réseaux de commu-
nication, réseaux de neurones), des problèmes d’informatique théorique (optimisation
combinatoire, satisfaisabilité de contraintes, etc) ou étudient même des modèles socio-
économiques (réseaux sociaux, propagation d’épidémies, modèles de vote, étude des
marchés financiers, etc). Pour reprendre le titre d’un paragraphe de l’ouvrage de Roger
Balian [3], elle permet une certaine forme d’unification des sciences macroscopiques.
L’objet de ce chapitre introductif sera de continuer à cerner notre sujet d’étude et
mieux situer la place de la physique statistique.

1
Chapitre 1 • Le périmètre de la physique statistique

2 Existence d’une échelle atomique


Dans notre perception courante nous sommes essentiellement confrontés à des solides,
des liquides, des gaz, différentes organisations de la matière (des « phases ») qui présen-
tent un caractère continu. Cependant, nous savons aujourd’hui qu’il existe une échelle
« atomique » en deçà de laquelle émerge le caractère discret de la matière. Au XIXe
siècle, la physique statistique a cherché, par le développement de la théorie cinétique
des gaz (Clausius, Maxwell, Boltzmann, etc), à fonder la thermodynamique sur « l’hy-
pothèse atomique ». Cette hypothèse a des racines qui remontent à l’antiquité : on peut
mentionner les deux atomistes célèbres, Démocrite (∼ 460−370 av JC) qui semble avoir
introduit la notion d’atome («  » pour « indivisible ») et Lucrèce (∼ 95−55 av JC),
célèbre pour son ouvrage De rerum natura. Bien que les développements de la chimie
au XIX e siècle en fournissaient de précieux indices, avec la loi des proportions définies,
l’hypothèse atomique a rencontré une incroyable résistance dans la communauté des
physiciens à la fin du XIXe siècle, dont une partie étaient en faveur d’une description
purement continue. On peut dire que ce n’est qu’à l’orée du XXe siècle que l’hypothèse
atomique fut validée définitivement par Jean Perrin (en 1908) grâce à son analyse du
mouvement brownien (cf. figure 2.2). Il est intéressant de chercher à comprendre la rai-
son de la résistance d’une partie des physiciens du XIX e siècle à la physique statistique :
tout d’abord, les preuves expérimentales de l’existence des atomes ne sont venues qu’au
début du XX e, mais plus profondément, l’idée que la description la plus fondamentale (la
physique statistique) repose sur une formulation de nature probabiliste était inacceptable
(d’un point de vue philosophique) pour de nombreux scientifiques.
Si la physique statistique est justifiée par l’existence d’une « échelle atomique », nous
devons toutefois prendre garde à ne pas prendre trop littéralement la distinction entre
« microscopique (atomique) » et « macroscopique ». La diversité des exemples d’appli-
cations nous conduit à préciser cette opposition qui doit plutôt être comprise entre des
processus élémentaires et des phénomènes collectifs.

3 Une théorie fondamentale au statut particulier


3.1 Réductionnisme
Une logique qui a prévalu dans le développement de la physique moderne (depuis le
XVII e siècle) est la logique réductionniste. Celle-ci procède par une approche top-down
(descendante) visant à obtenir une description de plus en plus fine de la matière et une
formulation de lois physiques au niveau de plus en plus élémentaire :

homme ⟶ cellule ⟶ atome ⟶ noyau ⟶ particules élémentaires ⟶ ?


approche
réductionniste

2
3 Une théorie fondamentale au statut particulier

Si le développement ultime (au moins celui validé expérimentalement) est le mod-


èle standard pour les trois interactions fondamentales (électro-faible et forte), il faut
comprendre que la connaissance des lois qui régissent la dynamique au niveau le plus
élémentaire ne donne aucune clé sur la complexité observée en remontant des petites
aux grandes échelles. Nous comprenons aujourd’hui que l’idée que tout serait con-
tenu dans les lois ultimes décrivant la dynamique aux échelles les plus élémentaires
est profondément erronée :1

Élémentaire  Fondamental

Par exemple, pour le cas d’un système simple comme un gaz, essayons de com-
prendre pourquoi la mécanique newtonienne décrivant le mouvement des atomes à
l’échelle élémentaire échoue à expliquer les comportements du gaz à l’échelle macro-
scopique. Le point n’est pas que la mécanique newtonienne serait incorrecte, mais
seulement qu’elle devient inefficace dès que le nombre de degrés de liberté devient
trop grand. Dès que la dynamique est un tant soit peu complexe, ce qui peut se
manifester déjà pour quelques degrés de liberté (et donc a fortiori pour ∼ 1023), à
cause des phénomènes chaotiques, la mécanique classique perd tout caractère prédic-
tif. Elle ne fournit pas le bon langage pour analyser de tels problèmes. De même que
la validité de la mécanique newtonienne est limitée en allant vers les hautes énergies
(mécanique newtonienne→relativité restreinte) et/ou les petites échelles (mécanique
newtonienne→mécanique quantique), une autre limitation vient du cas des systèmes
plus complexes (mécanique newtonienne→mécanique statistique).

3.2 Du microscopique au macroscopique


La physique statistique occupe une place à part parmi les grandes théories fondamen-
tales que sont la mécanique classique, l’électromagnétisme, la théorie de la relativité
et la mécanique quantique. Si les objets d’étude de ces dernières sont plus ou moins
distincts, toutes ces théories « cadres » présentent la même structure : au cœur de la
théorie quelques règles très simples, ou postulats, gouvernant la dynamique élémen-
taire, comme les lois de Newton, les équations de Maxwell, le principe d’équivalence,
ou encore les postulats de la mécanique quantique. Tout l’art du physicien est ensuite
de les mettre en musique en construisant un modèle décrivant la situation d’intérêt.
La physique statistique procède d’une logique assez différente puisqu’elle n’en-
treprend pas de mieux décrire les lois de la nature à l’échelle élémentaire. En revanche,
elle fait appel aux concepts probabilistes pour jeter un pont en le microscopique et
le macroscopique. Contrairement à toutes les théories sus-mentionnées, la physique
statistique a donc le statut d’une « théorie sur-couche », requérant une autre théorie
(mécanique newtonienne ou mécanique quantique ou autre) pour décrire les processus
élémentaires.

1. Il faut entendre « fondamental » dans le sens de « fondation » ou « fondement ».

3
Chapitre 1 • Le périmètre de la physique statistique

Par l’utilisation de méthodes probabilistes, la physique statistique permet de dé-


duire les propriétés des systèmes aux échelles macroscopiques à partir des lois qui
gouvernent les constituants élémentaires aux échelles microscopiques.

Ces quelques remarques mettent déjà en lumière un certain nombre d’oppositions


entre les deux niveaux :

Microscopique Macroscopique
∙ discret ∙ continu
∙ petit nombres de lois ∙ diversité, complexité,
simples (postulats de la MQ, grand nombre de théories
équations de Maxwell,...) effectives
∙ comportement aléatoire ∙ déterministe
∙ équations réversibles ∙ irréversibilité

Nous verrons dans l’ouvrage comment concilier ces antagonismes.

3.3 Thermodynamique et physique statistique


Si le statut de théorie « sur-couche » place la physique statistique dans une posi-
tion particulière parmi les grandes théories physiques, elle n’est pas la seule puisque
la thermodynamique, la science des conversions d’énergie, occupe une place similaire.
La thermodynamique est cependant une théorie axiomatique basée sur des principes
opérant directement à l’échelle macroscopique. Elle permet de construire des modèles
dits phénoménologiques (i.e. dont les ingrédients sont basés sur l’analyse des observa-
tions expérimentales), alors que la physique statistique est beaucoup plus ambitieuse
puisqu’elle propose d’expliquer les phénomènes à l’échelle macroscopique à partir de
modèles dits microscopiques, dont les ingrédients sont dans la dynamique au niveau
élémentaire. Cette dernière a donc un pouvoir prédictif potentiellement beaucoup plus
important.
En outre, la physique statistique permettra de répondre à des questions plus subtiles,
sur les fluctuations des observables ou leurs corrélations. C’est donc une théorie plus
fondamentale, qui justifie et interprète, en particulier, la thermodynamique.

4 Émergentisme

Au lieu de suivre la voie top-down réductionniste, la physique statistique suit la


voie bottom-up (ascendante). Dans sa démarche elle montre que la physique à
l’échelle « macroscopique » est largement indépendante des détails de l’échelle « mi-
croscopique », il y a un découplage entre les différentes échelles. Elle démonte ainsi
le mythe réductionniste et montre que chaque échelle requiert son propre niveau

4
4 Émergentisme

d’analyse. L’origine du découplage entre les échelles repose sur l’existence de puis-
sants principes d’auto-organisation à l’échelle macroscopique, ce qui explique en grande
partie la disparition de l’information sur l’échelle microscopique, et l’universalité de
nombreuses propriétés à l’échelle macroscopique [1, 24].
La meilleure illustration de cette idée est probablement dans le phénomène de transi-
tion de phase. Discutons par exemple un système constitué d’un nombre macroscopique
d’atomes,  ∼ 1023, dans un cadre classique où ils sont décrits comme des partic-
ules ponctuelles en interaction. Au niveau élémentaire, l’interaction entre les atomes
est bien décrite par une interaction à deux corps du type potentiel de Lennard-Jones :
 0 12  0  6 
() = 0 −2 , où 0 est une échelle d’énergie et 0 la portée de l’in-
 
teraction. Les ingrédients microscopiques sont donc extrêmement simples : les lois de
Newton avec ce potentiel d’interaction. L’expérience (de nombreux fluides sont bien
décrits dans ce cadre) nous enseigne cependant que l’étude de ce problème est extrême-
ment riche : le système peut présenter à l’échelle macroscopique des comportements
très différents et se présenter sous différentes « phases », gazeuse (à faible densité), liq-
uide ou solide. L’origine de ces différentes organisations de la matière n’est donc pas à
chercher dans les détails microscopiques.

À l’échelle macroscopique, il y a émergence de phénomènes collectifs, imprévis-


ibles avec la seule compréhension de la dynamique à l’échelle microscopique.

Ce courant de pensée, appelé émergentisme, prend donc l’exact contre-pied de


l’approche réductionniste. Le projet est mené à bien par l’introduction de l’approche
probabiliste, ce qui est apparu comme une révolution à la fin du XIXe siècle. Mais il
faut comprendre que c’est aussi un changement de perspective complet. Pour appréhen-
der cela, commençons par rappeler la logique qui avait prévalu jusque là en considérant
l’exemple de l’étude du mouvement des planètes dans le système solaire : parallèle-
ment aux avancées technologiques sur les moyens d’observation, les astronomes ont
progressivement raffiné leurs modèles, ce qui a culminé au milieu du XIXe siècle avec la
découverte de Neptune grâce aux « anomalies » observées sur la trajectoire d’Uranus. À
l’inverse, le découplage entre microscopique et macroscopique dans les systèmes com-
plexes montre que le physicien à tout intérêt à simplifier au maximum les modèles. La
plus belle application de cette idée se trouve dans la théorie des phénomènes critiques
où la détermination des exposants critiques peut être menée sur n’importe quel modèle
représentant d’une certaine classe d’universalité.

5
Chapitre 1 • Le périmètre de la physique statistique

Pour en savoir plus :


• Sur l’approche émergentiste, on pourra consulter l’article de P. Anderson [1] ou le livre
de R. Laughlin [24].
• L’ouvrage de Balian [3] contient une multitude de remarques historiques passion-
nantes, ainsi que celui de Pathria [29].
• Quelques références générales :
– Des ouvrages assez complets (donc volumineux) mais faciles d’accès sont ceux de :
F. Reif [31], R. Pathria [29] et B. Diu, C. Guthman, D. Lederer et B. Roulet [15].
– Un ouvrage plus difficile est celui de R. Balian [3, 4].

6
Chapitre 2
Probabilités

Introduire quelques notions élémentaires 1 Nécessité de l’approche


de théorie des probabilités probabiliste
2 Probabilités et variables
aléatoires
3 Moyenne, variance, moments,
cumulants, corrélations,...
4 Quelques exemples de
distributions
5 Théorème de la limite centrale

1 Nécessité de l’approche probabiliste

La physique statistique s’intéresse aux systèmes ayant un très grand nombre de degrés
de liberté. Par exemple dans un fluide ou un corps solide dans un volume macroscopique
(taille ∼ 1 m), le nombre d’atomes est typiquement de l’ordre du nombre d’Avogadro

  = 6.022 140 857 × 1023 (2.1)

qui représente le nombre de particules dans une mole. Loin de compliquer l’analyse,
cette observation va se révéler être la source d’une grande simplification puisqu’elle va
justifier l’utilisation de concepts probabilistes.

1.1 Une nécessité pratique


Si l’impossibilité pratique d’analyser la dynamique (classique) de tous les constitu-
ants d’un gaz était évidente à la fin du XIXe siècle, examinons ce qu’il en est à l’heure
de l’informatique. Considérons 1 cm3 de gaz parfait monoatomique dans les conditions
normales de température et de pression ( = 300 K ≃ 27 ◦C et  = 1 atm = 10 5 Pa) et
cherchons à caractériser l’état microscopique du système à un instant donné, entreprise
dont les fruits semblent pourtant bien modestes ! Le nombre d’atomes dans le gaz est

  ≃ 2.5 1020 .
10−3
= (2.2)
24
Si l’on fait une « photo » du gaz à un instant donné, son état sera défini par la donnée
des positions et des vitesses des  atomes. La mémoire nécessaire est estimée à
 ln 
Mémoire ≃ octets . (2.3)
2 ln 2

7
Chapitre 2 • Probabilités

L’application numérique donne ≈ 1022 octets, soit 1010 disques durs de 1 To (un
TéraOctet = 1000 GigaOctet). Conclusion : si chaque être humain sur terre (environ
7 × 109 personnes) possédait un disque dur de 1 To, cela suffirait à peine à stocker
l’information (de la mécanique classique) correspondant à une « photographie » du gaz
contenu dans 1 cm3 !
Exercice 2.1
Combien de chiffres significatifs sont-ils nécessaires pour repérer la position de cha-
cun des  atomes dans le gaz ? Déduire l’expression (2.3).
Indication : 1 octet = 8 bits, i.e. un chiffre entre 0 et 15.

D’un point de vue pratique, il est exclu de chercher à prédire la dynamique de l’ensem-
ble des constituants élémentaires d’un corps macroscopique. Non seulement l’objectif
est hors de portée (la limite des expériences numériques de dynamique moléculaire
correspond au million de particules) mais soulignons surtout qu’il n’a pas d’intérêt. En
effet, le nombre d’informations « intéressantes » que l’on souhaite extraire est en général
très faible : quelques propriétés telles la température, la pression, la densité, ou même
des distributions (de la vitesse, des distances entre atomes), etc. La connaissance du
nombre faramineux de données spécifiant les positions et les vitesses des particules ne
nous dit pas clairement comment remonter à ces informations intéressantes.

1.2 Une nécessité de principe


D’un point de vue plus fondamental remarquons que la capacité prédictive des lois
microscopiques sur l’évolution d’un système complexe est très faible pour plusieurs
raisons.
• La dynamique classique d’un système à grand nombre de degrés de liberté en présence
d’interaction est chaotique. L’absence d’intégrabilité (i.e. la faiblesse du nombre de
constantes du mouvement) conduit à une extrême sensibilité de la dynamique dans
les conditions initiales : des variations infimes sur l’état initial se répercutent ex-
trêmement rapidement sur l’évolution, ce qui donne lieu à des trajectoires divergentes.

• Pour insister encore sur la faiblesse prédictive des équations du mouvement, remar-
quons qu’il est difficile en pratique de définir précisément l’hamiltonien du système.
Tout système « isolé » réel sera soumis à des perturbations extérieures résiduelles
perturbant sa dynamique.
• La seconde raison fondamentale a trait à la nature intrinsèquement probabiliste de la
description quantique des constituants élémentaires.

8
2 Probabilités et variables aléatoires

2 Probabilités et variables aléatoires


2.1 Évènements et probabilités
Lorsque l’occurrence d’un phénomène présente un caractère aléatoire, soit pour des
raisons intrinsèques comme dans le cadre quantique, soit pour des raisons pratiques,
parce que le résultat dépend d’un trop grand nombre de paramètres qu’on ne peut pas
contrôler, il est plus efficace de raisonner en termes probabilistes. C’est par exemple le
cas si l’on joue à pile ou face (pour la seconde raison) ou si l’on étudie la désintégration
d’un noyau atomique instable (pour la première raison).
Pour formaliser le problème on introduit l’espace des évènements (ou éventual-
ités) pouvant se produire lors d’une expérience reproductible, E = {1 ,  2, ⋯ ,  },
que nous avons ici supposés dénombrables et en nombre fini (). Chaque évènement
représente un résultat possible lors de la réalisation de l’expérience.
Une analyse statistique peut nous donner les probabilités d’occurrence des  évène-
ments. Considérons  réalisations de l’expérience telles que l’évènement  , choisi


parmi les  , se produise  fois (donc  =  ). Insistons : ce nombre est aléa-
=1
toire et si l’on réalise  autres fois l’expérience,  se produira ′ fois, a priori différent
de  . La probabilité de l’évènement  est définie par

def 
 = lim (2.4)
→∞ 

Par construction on a 0 ⩽  ⩽ 1 et les  probabilités satisfont la condition



 = 1 (normalisation) . (2.5)
=1

Exemple : Pile ou face


Si l’on jette une pièce de monnaie, la dynamique de ce corps solide dans le fluide
(l’air) est extrêmement complexe aussi il est plus simple d’analyser le résultat du
lancer en termes probabilistes. Deux résultats peuvent se produire (nous excluons le
cas où la pièce tombe sur la tranche !), ce qui définit l’espace des  = 2 évènements
E = {pile, face}.
Les probabilités associées aux deux résultats peuvent être obtenues « expérimen-
talement » par une analyse statistique (fastidieuse) comme expliqué ci-dessus. Plus
simplement, on peut faire appel à des considérations de symétrie : si la pièce est non
truquée, les deux résultats sont équiprobables, pile = face = 1∕2.

9
Chapitre 2 • Probabilités

2.2 Variable aléatoire discrète


Dans la pratique, on détermine quel évènement  est réalisé en effectuant la mesure
d’une certaine grandeur  : pour chaque évènement  , la mesure de  donne une
valeur () (un nombre entier ou réel ou complexe,...). On dira que  est une variable
aléatoire. 1 Si les évènements sont dénombrables,  prend ses valeurs parmi un ensem-
ble de valeurs {() }=1,⋯, (on peut avoir  = ∞) et on dit que la variable aléatoire
est discrète. Afin de caractériser la variable aléatoire, on introduit sa distribution de
probabilité :

def  

 () = Proba{ = } =  =  , () , (2.6)
 t .q. () = =1

où le symbole de Kronecker , (0 si les arguments sont distincts, 1 s’ils sont égaux) nous
a permis de déplacer la contrainte ailleurs que sur la sommation. Notons que plusieurs

évènements pourraient être associés à une même valeur  () =  ( ). Si les valeurs ()
sont toutes distinctes, on a simplement Proba{ = () } =   .

Exemple : Machine à sous


On joue avec une machine à sous qui peut sortir aléatoirement trois chiffres entre
0 et 9, i.e.  = 103 = 1000 résultats. Les 1000 évènements sont équiprobables :
1 = ⋯ =  1000 = 1∕1000 (sinon le casino triche).
• Les 10 évènements pour lesquels les trois chiffres
sont identiques,  1  (000), 2  (111),... 10 
(999), font gagner  3 = 10 €.
• Les 10 × 9 × 3 = 270 évènements pour lesquels
deux chiffres sont égaux sur les trois, notés  11 
(100),  12  (200),... 19  (900), 20  (010),... ,
 280  (998), font gagner 2 = 5 €.
• Les 720 autres évènements ne font rien gagner,
 1 = 0 €.
Le gain  ∈ {1,  2 , 3} est donc une variable aléatoire dont la distribution est
 (1 ) = 18∕25,  ( 2) = 27∕100 et  (3 ) = 1∕100 (figure 2.1)

2.3 Variable aléatoire continue – Densité de probabilité


Une variable aléatoire discrète prend des valeurs parmi un ensemble dénombrable,
{0 €, 5 €, 10 €} dans l’exemple précédent. Toutefois, dans de nombreux cas l’espace
des évènements n’est pas un ensemble dénombrable et la variable aléatoire peut varier

1. Mathématiquement, une variable aléatoire est donc une application allant de l’espace des éventual-
ités E vers l’ensemble des valeurs prises par la variable. Dans le chapitre, nous noterons les variables
aléatoires en majuscules.

10
2 Probabilités et variables aléatoires

continûment dans un certain domaine de ℝ (ou de ℂ, ou de ℝ, etc) : on parle de variable


aléatoire continue.
18/25
w (x )
1.2

0.6
1.0

0.8
0.4
0.6
27/100 a
0.4
0.2

0.2
1/100
2 4 6 8 10
s −1 0 1 2 3 4
x

Figure 2.1– Distributions.


À gauche : distribution d’une variable aléatoire discrète prenant les valeurs {0 € , 5€, 10 €} .
À droite : distribution d’une variable continue (loi exponentielle).

Un exemple de variable continue est donné par l’analyse du mouvement brownien


d’une petite particule légère à la surface de l’eau. Sa position est une variable aléatoire
de nature vectorielle (, ) ∈ ℝ 2, distribuée dans le plan (selon une loi gaussienne,
comme l’a mesuré Jean Perrin en 1908) : cf. figure 2.2.

Figure 2.2 – Mouvement brownien.


À gauche : Trajectoires de petites boules de mastic (taille ∼ 1 m) à la surface de l’eau
(pointage toutes les 30s). À droite : Loi de répartition d’un grain (365 mesures). Figures
tirées de : Jean Perrin, « Mouvement brownien et réalité moléculaire », Annales de
Chimie et de Physique 9, p. 1 (1909).

Pour caractériser une variable aléatoire continue , on introduit la densité de


probabilité (), mesurant la probabilité pour que  prenne la valeur  :
def  
() d = Proba  ∈ [,  + d] . (2.7)
La condition de normalisation est alors


() d = 1 (2.8)

où l’intégrale porte sur le « support de la distribution », son domaine de définition.

11
Chapitre 2 • Probabilités

Changement de variable dans une distribution

Considérons une variable (aléatoire) fonction de la variable aléatoire  reliée à la vari-


able  par  =  ( ) où la fonction inverse  −1 est supposée bijective sur le support
de la distribution de . Question : étant donnée la distribution () de , quelle est la
distribution () de  ?
   
() d = Proba  ∈ [ (),  () +  ′ ()d ] =  ( ()  ′ () d . (2.9)

d

Nous vérifions que cette transformation respecte la condition de normalisation

 
() d = () d = 1 ; c’est même un bon moyen de se rappeler que l’on doit
écrire une égalité entre probabilités (et non entre densités) :

() d = () d (égalité des probabilités). (2.10)

Exercice 2.2 Changement de variable avec une fonction non bijective


Considérons une particule de masse  se déplaçant sur une ligne. La distribution de
probabilité de son impulsion est  ( ) =  e− où  =  2 ∕(2) et  un coefficient
inversement proportionnel à la température. Calculer la constante de normalisation
. Déduire la distribution de son énergie .

2.4 Loi jointe versus loi marginale


Considérons un exemple très simple : deux personnes (Alice et Bob) dont les po-
sitions   et  sont deux variables aléatoires prenant deux valeurs +1 ou −1. La
distribution de ces deux variables, la « loi  », est donc une fonction
 de distribution jointe
de deux arguments  ,(, ) = Proba   =  &   =  , prenant quatre valeurs
que nous pouvons placer dans un tableau :

 , (, )  = +1  = −1  ()



 = +1 0.7 0.1 ⟶ 0 .8

 = −1 0.15 0.05 ⟶ 0 .2
↓ ↓  ↓

 () 0.85 0.15 ⟶ 1

Par exemple la probabilité de trouver Alice en +1 et Bob en −1 est , (+1, −1) = 0.1.
Si l’on souhaite seulement l’information sur la position d’Alice, on doit additionner les
probabilités sur les lignes, par exemple la probabilité de trouver Alice
en +1 quelle que
soit la position de Bob est 0.7 + 0.1 = 0. 8 =  (+1). Formellement  (, ) =
 ,
 () est la « loi marginale » de .

12
2 Probabilités et variables aléatoires

Plus généralement, considérons le cas de  variables scalaires aléatoires 1,  2,...,  


(qui pourraient être regroupées pour former une variable vectorielle ).  La distribution
de ces  variables est une fonction à plusieurs variables, leur loi jointe  (1, ⋯ , ). I.e.
par définition
 
(1 , ⋯ , ) d1 ⋯ d = Proba  1 ∈ [1, 1 + d1] & ⋯ &   ∈ [ ,  + d  ] .
(2.11)
Si seule une de ces variables nous intéresse, disons 1 , ses propriétés statistiques sont
encodées dans sa loi marginale, obtenue en intégrant sur les autres variables :

 
1()d = d d2 ⋯ d (, 2, ⋯ ,  ) (2.12)

= Proba 1 ∈ [,  + d] sachant que les  − 1 autres variables
peuvent prendre n’importe quelles valeurs} .

2.5 Indépendance
Considérons deux évènements  et . S’ils sont indépendants, la probabilité d’oc-
currence des deux évènements est donnée par le produit des probabilités

Proba{ &  } = Proba{} × Proba{} (indépendance statistique) (2.13)


En revanche, l’égalité n’est pas respectée s’ils ne sont pas indépendants :
Proba{ &  } > Proba{} × Proba{} si l’occurrence de  favorise celle de , ou
Proba{ &  } < Proba{} × Proba{ } si  est défavorisé par . Par exemple, deux
lancers successifs d’une pièce de monnaie (deux expériences de pile ou face) donnent
deux résultats indépendants.
De même, considérons deux variables aléatoires  et  . Nous notons (, ) leur

 
loi jointe et  1() = d (, ) et  2() = d (, ) les deux lois marginales :

(, ) =  1() × 2 () pour des variables indépendantes (2.14)

Exercice 2.3
Considérons
 deux variables aléatoires
  et  décrites par leur loi jointe (, ) =
 exp −   −   − 2  où ,  > 0. Quelle est la condition sur  pour que
2 2

cette fonction soit bien une distribution ? Quelles sont les lois marginales de  et
de  ? Pour quelle valeur de  les deux variables sont-elles indépendantes ?

13
Chapitre 2 • Probabilités

3 Moyenne, variance, moments, cumulants,


corrélations,...

Considérons une expérience pouvant donner  résultats parmi E = {}=1,⋯, et


une variable aléatoire  à valeurs dans {()} =1,⋯, . On réalise  fois l’expérience,
i.e. on observe une succession de  évènements  1 ,...,  , auxquels nous pouvons as-
socier  « mesures »  (1 ) ,..., (  ) . Comme précédemment, nous notons  le nombre
d’occurrences de l’évènement  parmi les  réalisations.

3.1 Moyenne (ou « espérance »)


Une information intéressante est donnée par la moyenne statistique sur un ensemble
de  réalisations :
1  ( ) 1 
 
( )
 =  =  () . (2.15)
 =1  =1 
La première somme porte sur les  évènements qui se sont effectivement réalisés (par
exemple la suite : pile, face, face, pile, etc) : les valeurs sont toutes pondérées de la
même manière dans la somme. La seconde porte sur l’ensemble des  évènements (les
 = 2 possibilités pile ou face), et les différentes valeurs possibles sont pondérées par
les rapports  ∕ . Notons que puisque la séquence des  expériences est aléatoire, la
( )
grandeur  l’est également (une autre séquence serait décrite par des ′ distincts et
′()
une moyenne statistique  différente).
Nous définissons maintenant la moyenne probabiliste comme la limite de la moyenne
def ( ) ′()
statistique pour  → ∞ :   = lim  = lim  = ⋯ (à la limite  → ∞,
→∞ →∞
les moyennes statistiques obtenues pour toutes les suites distinctes d’évènements coïn-
cident, ce qui sera prouvé plus bas, cf. § 5). La moyenne probabiliste est aussi appelée
« espérance mathématique » par les probabilistes, notée 𝔼( ). Elle s’exprime comme
une somme des valeurs possibles, pondérées par leurs probabilités


  =  () . (2.16)
=1
Remarquons que lorsqu’on s’intéresse aux propriétés de la variable aléatoire, il est plus
naturel d’exprimer la moyenne à l’aide de la distribution de la variable (plutôt que celle
des évènements) :


   
  = Proba  =  ×  =  ()  (2.17)
=1 =1
où la somme porte sur les valeurs distinctes prises par la variable aléatoire,  ∈
{ 1, ⋯ ,   }. Il n’y a une distinction entre (2.16) et (2.17) que dans le cas où la même
valeur est réalisée pour plusieurs évènements, () = ( ) pour   ′ (i.e. si  <  ).

14
3 Moyenne, variance, moments, cumulants, corrélations,...

Exemple
Reprenons l’étude de la machine à sous discuté ci-dessus. La variable  ne prend que
 = 3 valeurs,  ∈ {0 € , 5 € , 10 €}. Sa distribution  ( ) a été donnée plus haut. On
peut calculer la moyenne   = (18∕25) × 0 € + (27∕100) × 5 € + (1∕100) × 10 € =
29∕20 €.

Exercice 2.4
Comment le patron du casino choisit-il le coût d’utilisation de la machine à sous ?

Dans le cas d’une variable continue distribuée selon la densité de probabilité (),
la sommation fait intervenir une intégrale
 
 
  = Proba  ∈ [,  + d] ×  = d ()  . (2.18)

Remarquons finalement que les formules (2.17) et (2.18) peuvent être généralisées
pour calculer la moyenne de n’importe quelle fonction de la variable aléatoire,



 ( ) =  (  )  (  ) (2.19)
=1

pour une variable aléatoire discrète et


 ( ) = d ()  () (2.20)

pour une variable aléatoire continue.

3.2 Variance et écart-type


  nous dit en moyenne quelle valeur prendra la variable aléatoire si elle est mesurée
un nombre  → ∞ de fois. Une autre question intéressante est de caractériser les écarts
à la moyenne  −  . Pour cela nous définissons la variance2

def    
Var() = ( −   )2 = 2 −   2 (2.21)

La seconde égalité est obtenue en écrivant ( −   )2  =  2 − 2    +   2 =


2  − 2    +  2 (n’oublions pas que    est un nombre et la moyenne une
opération linéaire, i.e.   =    si  est un nombre). L’amplitude des fluctuations

2. Nous pourrions aussi considérer  −     pour estimer les écarts à la moyenne. Nous
comprendrons plus tard pourquoi cet autre choix n’est pas très judicieux.

15
Chapitre 2 • Probabilités

de la variable aléatoire autour de sa moyenne est donnée par l’écart type

def 
 = Var() (2.22)

Ce dernier a la dimension de . Si l’on réalise une expérience, la variable prendra une


valeur (en gros) () ≈   à des fluctuations (positives ou négatives) d’ordre ∼  .

Exemple : Loi exponentielle


Considérons par exemple la loi exponentielle () = (1∕) e−∕ pour  > 0

0
(figure 2.1). Nous obtenons   = (1∕) d  e −∕ =  et  2 = 22, donc
Var() = 2 et  = .

3.3 Corrélations
Nous avons insisté plus haut sur la notion d’indépendance, obtenue par l’analyse
de la loi jointe de deux variables. Dans la pratique il est courant de chercher à révéler
l’indépendance (ou non) par l’étude de propriétés simples de variables aléatoires plutôt
que par l’analyse de la distribution complète.
Considérons deux variables aléatoires  et   (par exemple les positions de Al-
ice et Bob). Nous pouvons rencontrer trois situations, correspondant à trois types de
distributions de ces deux variables :
1. Les deux variables sont indépendantes, la moyenne du produit est :

   =   Proba{  =  &  = } =     (2.23)
,  
=Proba{ =}×Proba{ =}

où la somme ,
porte sur les différentes valeurs prises par les deux vari-
ables aléatoires supposées discrètes (par exemple les positions d’Alice et Bob qui
s’ignorent).

A A A A
B B B B
ou ou ou

x x
−1 0 x 0 +1 x −1 0 +1 −1 0 +1

2. Les positions sont corrélées : une fluctuation positive de la position d’Alice,   −


  > 0, sera corrélée à une fluctuation de même signe pour Bob,  −  > 0
(Alice et Bob veulent rester ensemble) :

  >      . (2.24)

16
3 Moyenne, variance, moments, cumulants, corrélations,...

A A
B B
ou

−1 0 x 0 +1 x
3. Les positions sont anti-corrélées : une fluctuation positive pour Alice   − > 0
sera corrélée à une fluctuation négative pour Bob  −   < 0 (Alice et Bob
s’évitent) :
  <      . (2.25)

A B B A
ou

−1 0 +1 x −1 0 +1 x
Exercice 2.5
En faisant l’hypothèse que pour chacune des situations représentées ci-dessus,
les différentes éventualités sont équiprobables, calculer    dans les trois
situations (les positions prennent deux valeurs −1 ou +1).

Covariances. De manière générale, si l’on considère  variables aléatoires, il est


commode d’introduire la matrice des covariances
def    
  =  −      = ( −  )( −  ) (2.26)
afin de caractériser les corrélations entre elles :
 = 0  &   indépendantes

   > 0  &   corrélées

 < 0  &   anti-corrélées
Remarquons que  = Var( ). En outre on peut montrer que la matrice  est
symétrique définie positive, i.e. il existe une matrice orthogonale  telle que  =
 Σ2  T où Σ2 = diag(12, ⋯ , 2 ).
def

Exercice 2.6
   sont des variables décorrélées

Justifier que les nouvelles variables  =

de variances 2 (pour simplifier, considérer  = 0).

Remarque. On prendra toutefois garde au fait que la corrélation  =   −    


ne donne qu’une mesure particulière de l’indépendance (ou de la non indépendance).

17
Chapitre 2 • Probabilités

I.e. indépendance ⇒  = 0, mais on peut trouver des cas où la réciproque n’est pas
vraie.

3.4 Moments et cumulants


La notion de « moment » généralise la notion de moyenne et de valeur quadratique
moyenne, le ième moment étant défini comme
def
 =   (2.27)
(notons que 0 = 1). Deux remarques :
• La donnée de l’ensemble des moments est aussi informative que la donnée de la dis-
tribution (sauf cas pathologique) : il s’agit de deux manières d’encoder l’information
sur les propriétés statistiques de la variable aléatoire.
• Les moments peuvent diverger si la distribution ne décroît pas assez vite. C’est par
exemple le cas si la distribution décroît à l’infini en loi de puissance () ∼ −−1 :
dans ce cas tous les moments d’ordre  >  sont infinis (cf. annexe A).
Si les fluctuations relatives de la variable sont faibles     , nous voyons
que le second moment est essentiellement dominé par le carré du premier moment :
2  =   2 + Var( ) ≃   2 . L’information intéressante (dans le sens « l’informa-
tion apportée par  2  qui n’est pas contenue dans   ») est donc masquée. C’est ce
qui rend la notion de variance pertinente dans ce cas. Il est également possible d’intro-
duire des grandeurs, appelées « cumulants », généralisant cette idée pour les fluctuations
def
d’ordres supérieurs : le premier cumulant est la moyenne 1 =   =  1, le second la
def
variance 2 = Var( ) = 2 − 21 , puis le cumulant d’ordre , noté , caractérise une in-
formation sur la nature des fluctuations, qui n’est pas déjà contenue dans les cumulants
précédents. Cette idée est précisée dans l’annexe A.

3.5 Fonctions génératrices


L’intérêt de l’analyse des moments (ou des cumulants) est de proposer un autre
éclairage sur les propriétés statistiques, souvent plus intuitif comme l’a montré la discus-
sion sur la moyenne et l’écart type. Cette information est cependant codée dans une suite
infinie de nombres, { 1, 2 , ⋯} ou {1,  2 , ⋯}. Aussi il est intéressant d’introduire la
fonction génératrice des moments, que nous définissons dans un premier temps comme
la fonction analytique dont les coefficients de Taylor correspondant aux moments (si les
moments existent, i.e. si  < ∞ ∀ ) :
∞
(−) d 
 ( ) =  ⇒  = (−1)  (0) . (2.28)
=0 ! d 
C’est une fonction de  ∈ ℂ, appelé le « paramètre conjugué » de la variable aléa-
toire (nous considérons le cas d’une variable aléatoire continue ; nous aurions aussi
bien pu discuter le cas discret). Notons que la condition de normalisation prend la

18
3 Moyenne, variance, moments, cumulants, corrélations,...

forme  (0) = 0 = 1. En substituant le moment par sa définition  =  , nous


reconnaissons le développement de l’exponentielle :


def
 ( ) = e−  = d () e − . (2.29)

La fonction génératrice est donc la transformée de Laplace de la distribution. Nous


prendrons l’équation (2.29) comme la définition de la fonction génératrice puisque cette
définition est plus générale et s’étend au cas où certains moments sont infinis. En outre,
si l’intégrale ne converge pas pour  ∈ ℝ, lorsque la distribution décroît trop lentement,
on peut choisir le paramètre conjugué imaginaire pur :  (i) avec  ∈ ℝ est alors la
transformée de Fourier de la distribution, qui existe toujours.
Dans les problèmes physiques, nous verrons que  n’a pas de « sens physique » clair
(il faut comprendre qu’il n’y a rien à comprendre !). L’intérêt de l’outil est avant tout
technique car les fonctions génératrices sont souvent les objets probabilistes les plus
aisés à calculer ; la physique statistique nous en donnera de multiples illustrations.

Exercice 2.7 Reconstruction de la distribution à partir des moments


Connaissant  ( ), on peut obtenir () par une transformation de Laplace inverse
d
B
 ( ) =  ( ) e (2.30)
2i
où l’intégrale porte sur le contour de Bromwich dans le plan complexe de  : la
droite verticale allant de 0 − i ∞ à 0 + i ∞ où 0 est choisi pour que B soit à droite
des singularités de  ( ).
a) Déduire une méthode de reconstruction de la distribution à partir des moments.
b) Appliquer la méthode aux moments  = !  .

Si  ( ) permet de « générer » les moments (par dérivations), les cumulants sont


générés par la fonction génératrice des cumulants
∞
(−) d 
 ( ) = − ln  ( ) = −  ⇒   = (−1)+1 (0) . (2.31)
=1
!  d 
En identifiant les deux développements de  ( ) et − ln  ( ) jusqu’à l’ordre 2, on obtient
− 1+ 2 2 + (3 ) = ln[1−1+ 2 2 + (3)], d’où, en développant le logarithme,
1 1
2 2
− 1 + 2  + ( ) = − 1 + (2 − 21 )2 + ( 3). On retrouve la relation entre
1 2 3 1
2 2
cumulants et moments : 1 =  1 et  2 =  2 − 21, etc (cf. annexe A).

19
Chapitre 2 • Probabilités

4 Quelques exemples de distributions


4.1 Loi binomiale
Considérons  évènements indépendants, chacun associé à deux éventualités pos-
sibles (par exemple pile ou face). L’évènement « pile » se produit avec probabilité 
et l’évènement face avec probabilité 1 − . Une séquence particulière de  piles et
 −  faces, (pile, pile, face, pile, ...), se produit avec probabilité  (1 − ) −. La
probabilité pour que l’évènement pile se produise  fois parmi les   tirages est :
 
Π () =    (1 − )  −
, où le facteur combinatoire  =  !∕ !( − )! cor-

respond au nombre de manières d’ordonner les  piles et les  −  faces. Attention,


dans la loi Π (),  est un paramètre fixé, tandis que  est la valeur prise par la vari-
able aléatoire.
def
Il est commode de prendre la définition suivante pour la fonction génératrice :3  () =
 . On obtient sans difficulté :  () = [1 + ( − 1)] . On peut trouver les deux pre-
miers cumulants en utilisant  = ′ (1) et ( − 1) = ′′ (1), d’où  =  et
Var() = (1 − ).

4.2 Loi de Poisson


Considérons des évènements indépendants se produisant pendant un intervalle de
temps [0,  ]. La probabilité pour qu’un évènement se produise pendant un intervalle
de temps infinitésimal d est indépendante du temps, donnée par  d où  est un taux
de probabilité. Par exemple, si l’on considère une matière radioactive (par exemple du
radium qui se désintègre par émission ), des particules seront émises à des instants
aléatoires et indépendants. La probabilité pour que  évènements se produisent pendant
 −
un temps  est donnée par la loi de Poisson  () = e où  =  . Les fonctions
!  −
génératrices
 des moments et des cumulants sont respectivement   () = exp (e −
1) et  () = (e−
− 1). La loi de Poisson présente donc la particularité que tous ses
cumulants sont égaux :  =  ∀ . En particulier  = Var() =  .

4.3 Distribution gaussienne


Considérons une variable continue  distribuée selon la loi (à deux paramètres) :
1 ( − )2
 ,() =  exp − . Nous calculons sans difficulté la fonction génératrice
2 2
22
1
, () = exp[− + 2  2]. La fonction génératrice des cumulants est quadratique
2
1 2 2
, () = − +   . La loi gaussienne est donc caractérisée par la nullité de tous
2

3. Correspondance avec la convention introduite plus haut : on écrit  = e− et  () = (e − ).

20
5 Théorème de la limite centrale

les cumulants d’ordre supérieur à 2 : 1 =   = , 2 = Var( ) = 2 et   = 0 pour


 > 2.

Exercice 2.8 Variables gaussiennes dans ℝ


On considère  variables gaussiennes aléatoires, nulles en moyenne décrites par la
matrice des corrélations  (i.e.    =  ). Montrer que ladistribution de ces
variables est de la forme  (1 , ⋯ , ) ∝ exp − (1∕2)𝐱T  −1 𝐱 où 𝐱 est le vecteur
colonne regroupant les  variables.
T
Indication : Considérer la fonction génératrice (𝐛) = e𝐛 𝐱.

5 Théorème de la limite centrale


Un problème tout à fait générique est le suivant : considérons un ensemble de 
variables aléatoires  1, ⋯ , 
• statistiquement indépendantes (hypothèse 1).
• Identiques, i.e. toutes distribuées selon la même loi de probabilité que nous notons
() (hypothèse 2).
• Les deux premiers moments existent  < ∞ et  2 < ∞ (hypothèse 3), sans
hypothèse supplémentaire sur la distribution ().
Nous souhaitons déterminer la distribution de la somme de ces variables aléatoires


=  (2.32)
=1

(qui est elle même une variable aléatoire).

Illustrations. Nous pouvons donner deux illustrations concrètes :

1 

( )
• Nous avons introduit plus haut la moyenne statistique  = , qui coïn-
 =1
cide en effet à la variable , à un facteur 1∕ près. Une question intéressante est de
caractériser les fluctuations de la moyenne statistique (pour contrôler l’erreur faite en
pratique lorsqu’on extrait la moyenne d’un échantillon de  données).
• Si nous considérons un gaz d’atomes ou de molécules, son énergie est dominée par
l’énergie cinétique (c’est presque la définition du gaz, l’énergie potentielle carac-
térisant l’interaction entre atomes/molécules est négligeable devant l’énergie ciné-
tique). Une question intéressante est de caractériser la distribution de l’énergie du gaz

1 2
atomique   =  .
=1 2

21
Chapitre 2 • Probabilités

Détermination de la distribution de . Afin de déterminer la distribution   ()


de la variable , la manière la plus simple de procéder est de faire appel à la
notion de fonction génératrice. Considérons la fonction génératrice de la somme
def 

 ( ) = exp(− ) = exp(−  ). En utilisant l’indépendance statistique des
=1
variables (hyp.1), nous faisons apparaître le produit des fonctions génératrices  () =


e− . Le fait que les variables soient identiquement distribuées (hyp.2) nous
=1
permet de relier simplement la fonction génératrice des variables à celle de leur somme :

 () = [( )] où ( ) = e−  . (2.33)

Si nous introduisons les fonctions génératrices des cumulants  () = − ln  ( ) et


 ( ) = − ln ( ), l’égalité (2.33) prend la forme  () =  ( ), i.e. fournit une
relation entre cumulants :


(−) 

(−)
 =   ∀ ⇒   =   (2.34)
=1
! =1
!

Les cumulants de variables indépendantes sont des quantités additives (on pourra
vérifier que c’est également vrai pour des variables aléatoires non distribuées par la
même loi). Pour les premiers :
  =    , (2.35)
Var() =  Var( ) . (2.36)
En particulier la seconde relation montre que les écarts types (i.e. l’ordre de grandeur
des fluctuations) sont reliés comme

 =   (2.37)

Les fluctuations de la somme de  variables identiques et indépendantes se com-


portent typiquement4 comme 𝜹𝑺 ∼ 𝝈 𝑺 ∝ 𝑵 . Dans la limite  → ∞, nous

pouvons négliger les autres cumulants de la variables  et simplement écrire


−1 + 1 2 2
  () ≃ e 2 pour  → ∞ . (2.38)
Nous justifions (2.38) : tous les cumulants de  croissent linéairement avec le nom-
bre de variables,  ∝ . Or le cumulant d’ordre  caractérise des fluctuations de
def
 secomportant comme  = ( )1∕ ∝  1∕ (cette relation peut être comprise


4. Un point subtil : l’écart-type  ∝  caractérise des fluctuations typiques (i.e. les plus probables),
ce qui n’interdit pas l’existence de fluctuations atypiques (très peu probables), sur une échelle plus
grande,  . L’étude de ces dernières est dénommée l’étude des « grandes déviations » (cf. annexe B).

22
5 Théorème de la limite centrale

par analyse dimensionnelle puisque [ ] = []  ). Nous comparons les fluctuations
encodées dans le cumulant d’ordre  et dans la variance,

( )1∕ ∕(2 )1∕2 ∝ −(−2)∕(2) ⟶ 0 ,


→∞

ce qui conduit à négliger tous les cumulants  avec  > 2 et justifie (2.38) (cette idée
est formulée plus rigoureusement dans l’exercice 2.9).
Ayant tronqué les contributions des cumulants au delà de la variance, nous obtenons
évidemment la fonction génératrice de la distribution gaussienne, éq. (2.38) d’où

 
2
1 ( −   )
  () ≃  exp − pour   1 . (2.39)
2 Var( ) 2 Var( )

Exercice 2.9 Démonstration du théorème de la limite centrale


Une approche plus élégante consiste à « rescaler » la variable . Nous nous plaçons
dans les conditions du théorème et supposons de plus que la moyenne des variables
def
est 
nulle pour simplifier. On introduit la variable « rescalée » adimensionnée  =
def
∕  Var(  ). Donner l’expression de la fonction génératrice  ( ) = e − .
Analyser la limite  → ∞ et déduire la distribution de  dans cette limite.

Théorème de la limite centrale




Soit  =  la somme de  variables aléatoires identiques et indépendantes
=1
dont les deux premiers moments sont finis,   < ∞ et  2 < ∞.
Dans la limite  → ∞, la distribution de  tend vers une  loi gaussienne centrée
sur   =    et d’écart type (i.e. de largeur)   =  .

Ce théorème sera d’une importance cruciale pour la physique statistique où nous


aurons très souvent à considérer des grandeurs physiques (macroscopiques) somme
d’un très grand nombre ( ∼ ) d’autres grandeurs (microscopiques) ; par exemple
l’énergie d’un gaz, somme des énergies des particules qui le constituent.

Exercice 2.10
Montrer que la loi binomiale Π () =   (1 − ) − étudiée plus haut coïncide
avec la loi gaussienne dans la limite des grands nombres,   1. À quelle condition
sur  cette approximation est-elle justifiée ?

23
Chapitre 2 • Probabilités

p(x) loi universelle p(x)


PN(s)
x x

p(x)
~ N σX
x
p(x)

x
0 s−N X ...
pour N
Figure 2.3 – Émergence de la loi gaussiennce (théorème de la limite centrale).

Le théorème de la limite centrale offre une illustration assez simple de la notion


d’émergence introduite dans le premier chapitre : quelle que soit la distribution
(), pourvu que ses deux premiers moments soient finis, la distribution   () tend
vers une loi gaussienne dans la limite  → ∞ (figure 2.3). L’émergence de cette loi
universelle n’est pas contenue dans les détails « microscopiques » de départ, la loi
(), mais dans le passage du microscopique au macroscopique (la limite  → ∞).

Pour en savoir plus :


• Sur le mouvement brownien, on pourra lire le bel article de B. Duplantier, « Le
mouvement brownien, divers et ondoyant », Séminaire Poincaré 1, p. 155 (2005).

24
Les points clés

1 Notions de base : distribution, ne ferons que calculer des


moyennes, variance, écart-type, fonctions génératrices...
etc.
3 Loi jointe/marginale : la notion
2 La notion de fonction généra- d’indépendance statistique.
trice est centrale pour la
4 Le théorème de la limite cen-
physique statistique : nous
trale jouera un rôle important.

Les annexes

A Remarques supplémentaires sur les fonctions


génératrices et les cumulants
A.1 Interprétations des premiers cumulants
L’introduction de la notion de cumulant est ici complétée par quelques remarques.
Nous considérons une variable aléatoire dont les moments sont supposés finis,  < ∞.
def
1. Moyenne.– La première information est donnée par la moyenne 1 =  1 =  .
def def
 2 , où 
2. Variance.– Le second cumulant  2 =  2 −(1 )2 = Var() =   =  −  ,
caractérise la largeur de la distribution (cf. figure 2.4).

0.3
2 σX

0.2

0.1 〈X 〉

2 4 6 8 10 12
x

Figure 2.4

L’écart type   = Var() donne une mesure de la largeur de la distribution.

3. Skewness.– Le second cumulant indique l’ordre de grandeur des fluctuations autour


de la moyenne, mais ne dit pas si ces fluctuations sont préférentiellement positives
def
ou négatives. Le troisième cumulant 3 = 3 − 31 2 + 2(1 ) 3 =   3 caractérise

25
Chapitre 2 • Probabilités

l’asymétrie de la distribution autour de sa moyenne :  3 > 0 signifie que les fluctua-


tions positives sont plus probables (figure 2.5). Il est d’usage de définir un coefficient
def
de dissymétrie adimensionné (« skewness ») : 1 = 3 ∕3∕2 2
.

0.3 0.3

0.2
c3 >0 0.2
c3 <0
0.1 0.1

−6 −4 −2 2 4 6
x −6 −4 −2 2 4 6
x

Figure 2.5
À gauche : la loi de Gumbel  () = exp(− − e− ) a pour premiers cumulants : 1 = 𝐂 =
0.577... (constante d’Euler),  2 = 2 ∕6, 3 = 2 (3) (fonction zeta de Riemann), 4 =  4∕15,
etc. Le signe de  3 indique si les fluctuations positives ou négatives (relativement à   )
sont favorisées.

4. Kurtosis.– La distribution entièrement caractérisée par ses deux premiers cumulants


est la distribution gaussienne pour laquelle  4  = 3 
 2 2 . Le quatrième cumulant
def
4 = 4 − 3(2 )2 + 122(1)2 − 43 1 − 6(1) 4 =   4 − 3  2  2 caractérise la
déviation à la gaussienne : 4 > 0 si les grandes fluctuations sont plus favorables que
dans le cas d’une distribution gaussienne (figure 2.6). Le coefficient d’aplatissement
def
adimensionné (« kurtosis ») est 2 = 4 ∕22 .
On prendra donc garde à ne pas confondre le cumulant  avec ( −  ) , puisque
les deux quantités ne coïncident que pour  ⩽ 3. Si nous arrêtons cette discus-
sion au quatrième cumulant, rappelons qu’ils sont obtenus comme les coefficients du
développement de Taylor de leur fonction génératrice (§ 3.4).
1 1

0.100 0.100

0.010 0.010
c 4>0 c 4<0
0.001 0.001

−4 −4
10 10

−6 −4 −2 0 2 4 6
x −4 −2 0 2 4
x

Figure 2.6
 
 Γ(3∕)  
La distribution   () =  Γ(3∕)  , ici tracée pour  = 1 (à gauche)
exp −   
2Γ(1∕) 3∕2  Γ(1∕) 
Γ(1∕)Γ(5∕)
et  = 4 (à droite), a pour premiers cumulants (non nuls) :  2 = 1, 4 = − 3,
Γ(3∕) 2
etc. Le quatrième cumulant change de signe pour  = 2 (les grandes fluctuations sont
favorisées si  < 2). La courbe en tirets est la distribution gaussienne (  = 2).

26
B Fluctuations typiques vs grandes déviations

A.2 Et si les moments n’existent pas ? – Analyticité de  ( )


En écrivant (2.28), i.e. introduisant une fonction caractéristique analytique, nous
avons supposé que les moments  sont tous finis. Certaines distributions sont toute-
fois caractérisées par des moments infinis : c’est le cas si la distribution décroît en loi
de puissance à l’infini, () ∼ −−1 pour  → ∞, le moment  est fini si  < .
L’existence de moments divergents se manifeste dans la fonction génératrice  ( ) par
un comportement non analytique.

Exemples
∕
Loi de Cauchy. Considérons par exemple la loi () = (l’exposant est
2+ 2
 = 1, donc tous les moments sont divergents,  = ∞ ∀ ). Nous pouvons calculer la
fonction génératrice  (i) = e−i  = e −. Cette fonction est C0 (ℝ), i.e. continue,
mais non dérivable en  = 0, ce qui signale l’absence d’un développement de Taylor
(2.28), i.e. la divergence de tous les moments 2 = ∞.
4∕
Un autre exemple. Étudions maintenant la loi () = ; en utilisant le
4+ 4 
théorème des résidus, on vérifiera que  (i) = e−i  = cos  + sin  e− .
Le développement de la fonction pour  → 0 est  (i) = 1 − 2 + 3 + (4), ce
2
3
qui montre que  (i) ∈ C 2(ℝ) (fonction continue et dérivable deux fois partout) et
que seuls les deux premiers moments sont finis :   = 0, 2  = 2 et 2 = ∞
pour  > 1.

Exercice 2.11
Nous considérons une variable continue positive distribuée selon la loi
1
 ( ) = e−1∕ , (2.40)
Γ( )  +1
où  > 0. Calculer ses moments. Calculer également la fonction génératrice
 ( ) = e −  et discuter son développement pour  → 0.
Indication : on donne la représentation intégrale de la fonction de MacDonald
  ∞
1  
2 2 0 
d −− 2 ∕4
(Bessel modifiée de 3ème espèce)  () = +1
e (pour Re  >
  
0). Son développement est donné par la relation  () =  −() −  () ,
2 sin 
∞
(∕2) 2+
valable si  ∉ ℤ, où  () = est la fonction de Bessel modifiée.
=0
!Γ( +  + 1)

B Fluctuations typiques vs grandes déviations


Dans l’exercice 2.10, nous avons montré que la loi binomiale Π () =  (1 − ) −
est bien approximée par une loi gaussienne dans la limite   1 (et  ni trop petit

27
Chapitre 2 • Probabilités

ni trop proche de 1). Bien entendu, cette observation ne peut être correcte que dans
la région où la distribution est maximum, pour  ∼ ∗ =  (pic gaussien). Si l’on
s’éloigne de ∗, en particulier si l’on s’approche des bords du support de la distribution,
[0, ], la loi binomiale sera très différente de la forme gaussienne (cf. figure 2.7).
Dans cette annexe, nous discutons comment comprendre la transition entre la forme
gaussienne et la forme non-gaussienne.

1. × 10 -9

1. × 10 -19
ΠN (n)

0.08
1. × 10 -29 0.06

0.04
1. × 10 -39
0.02

1. × 10 -49 0.00
0 20 40 60 80 100

1. × 10 -59
0 20 40 60 80 100

n
Figure 2.7
Comparaison entre la loi binomiale pour  = 0. 25 et  = 100 et son approxima-
tion gaussienne en tirets. Si les deux courbes sont indiscernables à l’œil lorsqu’elles
sont représentées en échelle linéaire (en insert), la représentation en échelle semi-
logarithmique montre que l’approximation gaussienne dévie significativement de la loi
lorsque  s’éloigne de la valeur typique  ∗ = .

B.1 Préliminaires : méthode du col


Il arrive très souvent que l’on ait à considérer des intégrales de la forme


 ( ) = d e−() (2.41)

où  ∈ ℝ+ est un « grand » paramètre et () une fonction réelle. Dans ce cas il est
possible de trouver une bonne approximation de l’intégrale à l’aide la méthode du col,
dont nous exposons l’idée lorsque la fonction () possède un unique minimum (absolu)
en  ∗ ∈], [, « loin » des bords (on suppose de plus que ′′( ∗) > 0, non nul). Dans la
limite  → ∞ l’intégrale est dominée par les contributions du voisinage du minimum :
 
− (∗ )+ 1 ′′ (∗ )(− ∗ ) 2 +((−∗ )3 )


 ( ) = d e 2 (2.42)

d e− 2  +(
+ ′′( ∗ )(− ∗)
e −(∗)
−  ′′( )( −)
1 2 3
 −1∕2 )
=  (2.43)
′′(∗ ) ∗ ∗

⟶ −∞ d e
+∞ − 1 2

2 = 2
→∞

28
B Fluctuations typiques vs grandes déviations

Finalement, on obtient la formule très utile :



2
 ( ) ≃ e−( ∗) (2.44)
→+∞  ( ∗ )
′′

(les restrictions venant des hypothèses énoncées précédemment sont faciles à lever ; on
pourra obtenir des généralisations de cette formule lorsque toutes ces hypothèses ne sont
pas satisfaites, par exemple  = ∗ , etc).

Figure 2.8 – Méthode du col.


En exponentiant la fonction (pondérée par un nombre grand), toute la complexité est
gommée à l’échelle de la figure : le deuxième maximum local se manifeste par une toute


petite bosse à droite du pic principal. Dans la limite  → ∞, l’intégrale d e− () est
dominée par le voisinage du minimum  ∗ de ().

La méthode du col peut-être étendue dans le plan complexe lorsque la fonction


intégrée est analytique, ce qui sera utilisé plus bas.

B.2 Théorème de la limite centrale versus grandes déviations


Nous revenons sur l’analyse très importante du problème de la distribution de 
variables aléatoires { 1, ⋯ ,   } indépendantes et identiquement distribuées (i.i.d.) par
une loi (). Nous avons montré que la somme de ces variables,


=  , (2.45)
=1

est distributée par une loi gaussienne centrée sur    =  


 et de variance Var() =
 Var(  ), i.e. caractérisant des fluctuations d’ordre  ∼ . Ce résultat est très
général : la forme de la distribution de  est universelle, i.e. est indépendante de la
 
forme particulière de la loi (), pourvu que ses deux premiers moments   et  2
soient finis. Ce résultat ignore toutefois que la distribution de  présente des queues
caractérisant des évènements rares, sur deséchelles   , qui n’ont pas le caractère
universel de la forme de la loi pour  ∼ . Nous allons discuter ce point que nous
illustrerons sur un cas simple.

29
Chapitre 2 • Probabilités

a) Fonction de grande déviation

Nous avons vu que la fonction caractéristique de la somme des  variables est simple-
 
ment e−  =  ( ) = e − ( ) où  ( ) = − lne − est la fonction génératrice
des cumulants des variables { }, éq. (2.31). Nous déduisons que la distribution de la
somme des  variables est donnée par la transformée de Laplace inverse de e−  :
d −  ( ) d [− ()]
 iℝ 2i  iℝ 2i
 () = ( ∗ ⋯ ∗ )() = e = e , (2.46)

 fois
où nous avons introduit la nouvelle variable  = ∕ . L’analyse de la limite  → ∞
correspond à l’étude des intégrales (2.41) avec5  →  et  →  −  ( ). Nous avons
expliqué dans le paragraphe précédent que, dans la limite  → ∞, de telles intégrales
sont dominées par un point col ∗ (en général dans le plan complexe de la variable
conjuguée ). Le point col est le point où la fonction  −  ( ) est stationnaire :

 ′( ∗ ) =  (2.47)

(∗ est donc une fonction de ). En appliquant (2.44), nous déduisons
d [− ()]
iℝ 2i
1
  ( = ) = e ≃  e− [ ( ∗)−∗ ] (2.48)
→∞ ′′
−2 ( ∗)
Nous ne cherchons pas à exposer quelles sont les conditions générales qui autorisent ce
type d’approximation. Nous allons illustrer plus bas la méthode sur un exemple concret.
Le point important est d’avoir obtenu la forme d’échelle
  
 def
 () ∼ exp − Φ où Φ() =  (∗ ) −  ∗ (2.49)
→∞ 

est appelée la fonction de grande déviation. Nous retrouverons ce type de structure plus
tard et verrons que l’entropie pourra être interprétée comme une fonction de grande
déviation (cf. équation (5.20) page 80).
Le théorème de la limite centrale doit être compris comme une limite particulière de
ce résultat. On peut en effet le retrouver de la manière suivante : dans la limite  → 0, la
solution de (2.47) est obtenue en utilisant le développement de la fonction génératrice
pour petit argument,  ( ) ≃  1 − (1∕2)2 2. La solution prend donc la forme ∗ ≃
(1 − )∕ 2. D’après (2.49) on retrouve bien que la fonction de grande déviation est
parabolique au voisinage de 1 :
( − 1 )2
Φ() ≃ . (2.50)
→ 1 22

5. Plutôt que d’écrire () comme la transformation de Laplace inverse de  ( ) , nous aurions pu
considérer la transformée de Fourier () =  (i) et utiliser la transformée de Fourier inverse de
 (i) . Cela aurait même été nécessaire si la distribution () décroît trop lentement (par exemple en
loi de puissance).

30
B Fluctuations typiques vs grandes déviations

PN (s)
Universel :
Non universel Non universel
Gaussienne
Grandes Grandes
déviations déviations

~ N évènements
rares

s
~N
Figure 2.9 – Allure schématique de la distribution de 𝑺.
Au centre la distribution prend la forme gaussienne universelle (indépendante de ())
alors que les grandes déviations caractérisant les évènements rares dépendent des
détails de la loi.

On peut vérifier que le préfacteur de la gaussienne apparaissant dans (2.48) est correct
car  ′′ (∗) ≃ − 2 dans la limite  → 0. La fonction de grande déviation présente donc
un comportement universel, quadratique, à  → 0 (théorème de la limite centrale),6
mais également un comportement non universel, i.e. dépendant de () via  ( ), pour
  1, caractérisant les grandes déviations.

b) Application : loi exponentielle symétrique

À titre d’illustration nous considérons une loi exponentielle symétrique


1 −
 ( ) = e . (2.51)
2
La fonction génératrice (des moments) correspondante est  ( ) = e−  = 1∕(1 −  2)
pour Re[ ] < 1 et la fonction génératrice des cumulants :

 ( ) = ln(1 − 2) . (2.52)

Nous pouvons tirer les premiers cumulants du développement de la fonction caractéris-


def
tique  ( ) =  1  − 2  2∕2 + ⋯ = − 2 + ⋯ d’où 2 = 2. L’équation du col, éq. (2.47),
déterminant le point dominant l’intégrale prend donc la forme

2 1 1
2
 − −1=0 dont les solutions sont ± = ± +1 (2.53)
  2
Supposons  > 0 (la loi recherchée est symétrique). Dans ce cas + est hors du domaine
de définition de la fonction caractéristique,  + > 1, nous devons donc choisir l’autre
solution ∗ =  − ∈] − 1, −1∕2]. Finalement nous obtenons Φ() =  ( ∗) − ∗ de la

6. On comprend mieux la terminologie « théorème de la limite centrale » puisque celui-ci caractérise


le « centre » de la distribution  ().

31
Chapitre 2 • Probabilités

forme :
  
  2+1−1
Φ() = 2 + 1 − 1 + ln 2 , (2.54)
2
(cette expression est aussi valable pour  < 0 puisque la loi est symétrique). La fonction
est tracée sur la figure 2.10. Nous vérifions bien que Φ() ≃  2∕4, qui est l’expression
→0
du théorème de la limite centrale puisque 2 = 2, i.e.
1 1 2
 () ≃  e− 4  pour    . (2.55)
→∞
4
D’autre part le comportement Φ() ≃  − 1 − ln(∕2) de la fonction de grande dévi-
ation pour   1 montre que la distribution de la somme présente le comportement
   −
 () ∼ e    e
 pour    . (2.56)
→∞ 2 
Ce comportement, qui est donc très différent de la décroissance gaussienne (figure 2.10),
est en effet typique de la convolution de  lois exponentielles.
0

-1

-2

-3

-4

-5

-6
-6 -4 -2 0 2 4 6

Figure 2.10
Fonction de grandes déviations (2.54) ; comparaison avec la parabole (i.e. la distribution
gaussienne).

En conclusion, retenons que si l’on s’intéresse à la statistique des évènements rares


(grandes déviations), ceux-ci ne sont pas caractérisés par le théorème de la limite cen-
trale qui ne décrit que les déviations « normales », ou « typiques », mais par une fonction
de grande déviation non universelle.

Pour en savoir plus :


L’article de revue de Touchette [36] discute les liens entre la théorie des grandes
déviations et la physique statistique.

32
Entraînez-vous
Exercice 2.12 Loi jointe versus loi marginale – Tavelures et loi de
Rayleigh
Nous discutons la distribution de l’intensité du champ électrique dans un milieu turbide
(comme par exemple l’intensité d’un laser réfléchi sur un milieu désordonné). Le champ a
une amplitude et une phase et sera traité comme un champ scalaire complexe (nous oublions
les effets de polarisation)  =  + i . La loi jointe pour les deux composantes en un point
est gaussienne (,  ) =  exp[−( 2 +  2 )∕0 ] (et il n’y a pas de corrélations entre
deux points distincts). Calculer la constante de normalisation . Déduire la loi marginale de
l’intensité du champ  = 2. Calculer la moyenne de l’intensité et interpréter le sens de la
constante 0 .
Exercice 2.13 Séance de travaux pratiques
Au cours d’une séance de travaux pratiques, des étudiants répètent  fois la mesure d’une
grandeur physique  . Chaque étudiant obtient  données 1, ⋯ ,   et donne une analyse
1 

statistique : il déduit une moyenne « empirique »  =  et une variance « empirique »
 =1 
1 

Σ2 = ( − )2 . Ces deux grandeurs sont elles-mêmes aléatoires et diffèrent d’un
 =1 
étudiant à un autre.
a) Exprimer la moyenne et la variance de  et Σ2, qu’on exprimera en fonction des cumulants
de .
b) Discuter la limite  → ∞ de leurs distributions.
Exercice 2.14 Bruit de grenaille
Le courant électrique est porté par des porteurs de charge à caractère discret (les électrons
dans un métal), ce qui génère des fluctuations du courant électrique que nous allons étudier.
Par exemple, dans une lampe à vide, en appliquant une différence de potentiel entre une anode
et une cathode, les électrons sont arrachés avec un taux  à des instants  indépendants (qui
ont
donc une densité moyenne ). On peut écrire le courant électrique sous la forme  () =
  ( − ) où  est la charge de l’électron.

0
a) On introduit la charge  ( ) = d  () transférée pendant un temps  . Quelle est la
distribution de ( ) ?
def
b) Le courant moyen (moyenne temporelle et probabiliste) est défini comme  = (  ) ∕ .
Dans les expériences, les fluctuations du courant sont caractérisées par le spectre de bruit
def
défini comme  = Var(( ))∕ . Quel est l’intérêt de mesurer indépendamment  et   ?

33
Chapitre 3
Ergodicité

Exposer comment décrire les systèmes 1 Équilibre macroscopique et


(« le langage ») ergodicité
Introduire la notion d’ergodicité 2 Microétats (état pur)
3 Macroétats (mélange
statistique)
4 Le dénombrement des
microétats : densité d’états

Les quelques notions probabilistes que nous avons exposées au chapitre 2 peuvent ap-
paraître abstraites, aussi notre tâche sera d’établir la relation avec le vocabulaire de
la physique statistique. À partir de ce chapitre, nous allons opérer un petit glissement
sémantique : au lieu « d’événement », nous parlerons de « microétat », noté 𝓁, et une dis-
tribution {𝓁} sera dorénavant appelée un « macroétat » ou un « ensemble de la physique
statistique ». Avant de discuter ces points de vocabulaire, il convient toutefois d’exposer
plus en détail dans quelles situations et comment émergent ces notions probabilistes.

1 Équilibre macroscopique et ergodicité


1.1 Équilibre macroscopique
En mécanique classique, la notion d’équilibre correspond à l’absence de mouvement
du fait de la compensation de l’ensemble des forces sur un corps matériel. La notion
d’équilibre macroscopique que nous allons introduire ici, absolument centrale pour
notre sujet, est tout à fait différente. Pour bien la comprendre, considérons l’exemple
précis d’un gaz atomique : dans les conditions de température et de pression normales
( = 300K ≃ 27 ◦C et  = 1 atm), les atomes se déplacent avec des vitesses très élevées,
typiquement de l’ordre de plusieurs 100m∕s. Les variables microscopiques (par exemple
les positions) varient au cours du temps. En revanche, à l’échelle macroscopique toutes
les grandeurs qui définissent l’état thermodynamique (densité moyenne, température,
pression) sont indépendantes du temps. Pour comprendre la relation entre ces deux ob-
servations, nous pouvons considérer un modèle simplifié de gaz dans une boîte dans
laquelle se meuvent quelques atomes. Nous considérons une grandeur particulière : le
nombre d’atomes   () occupant la moitié gauche du volume au temps . Nous faisons
une simulation numérique pour étudier la dépendance temporelle de (). D’abord

34
1 Équilibre macroscopique et ergodicité

pour  = 10 atomes (partie gauche de la figure 3.1) : lorsque les atomes entrent ou sor-
tent du volume, le processus saute d’un entier, ce qui produit de très fortes fluctuations.
Si maintenant nous augmentons le nombre d’atomes jusqu’à  = 100 (partie droite de
la figure 3.1), les fluctuations qui reflètent l’agitation au niveau microscopique sont très
fortement réduites relativement à la valeur moyenne  = ∕2. D’après le théorème
de la limite centrale
(§ 5 du chapitre 2), nous pouvons estimer l’amplitude de ces fluc-
tuations à  ∼    . L’examen de () est fait relativement à une échelle
macroscopique : l’axe des ordonnées correspond à l’intervalle  ∈ [0,  ]. À cette
aune, les fluctuations, qui traduisent l’agitation au niveau microscopique, sont « gom-
mées » en passant à la limite d’un grand nombre d’atomes, ∕ ∼ 1∕  → 0, et
la grandeur peut être simplement considérée stationnaire1   () ≃ ∕2.

nombre d'atomes nombre d'atomes


10 100

8 80

6 60

4 40

2 20

temps temps
0 10 20 30 40 50 0 20 40 60 80 100

Figure 3.1
En haut : « photographies » du gaz pour  = 10 et  = 100 atomes. En bas : Nombre
d’atomes occupant une moitié du volume en fonction du temps : à gauche pour  = 10
atomes et à droite pour  = 100 atomes (simulation numérique).

Si la condition de stationnarité des grandeurs macroscopiques est une condition


nécessaire, elle n’est toutefois pas suffisante pour assurer l’équilibre macroscopique,
qui exige en sus que tous les flux macroscopiques soient nuls (flux de particules, flux
d’énergie, etc). Considérons par exemple une résistance électrique branchée sur une bat-
terie qui délivre un courant continu. Dans le régime permanent, les observables comme
la tension électrique ou le courant électrique sont indépendantes du temps. Cependant
l’existence du courant signale que le système n’est pas à l’équilibre puisque traversé

1. On pourrait objecter
 à cet argument que rien n’interdit de « zoomer » pour étudier ces fluctuations,
qui sont d’ordre   1. Cette question est tout à fait légitime et peut se poser dans certains cas. Le
point est qu’étudier les propriétés thermodynamiques du système, comme nous le ferons par la suite,
correspond à sélectionner l’échelle ∼ , à l’aune de laquelle les fluctuations apparaissent négligeables.

35
Chapitre 3 • Ergodicité

par un flot d’électrons : c’est une situation stationnaire et hors équilibre. En revanche à
courant nul, on retrouve une situation stationnaire et à l’équilibre.

Retenons que l’équilibre macroscopique est caractérisé par les deux conditions :
() la stationnarité des observables macroscopiques, et
() l’absence de flux macroscopiques.

Cet ouvrage dans son ensemble va concerner la physique statistique à l’équilibre.

1.2 Ergodicité
Pour étudier les propriétés d’élasticité d’un polymère, comme un brin d’ADN, des
expérimentateurs ont réussi il y a quelques années à fixer une petite bille à une des
extrémités de la longue molécule, l’autre extrémité étant fixée sur un substrat. Le sys-
tème ADN+bille, plongé dans un liquide, est soumis aux fluctuations au sein du liquide,
l’ensemble étant à l’équilibre macroscopique. Si l’on enregistre la position de la bille
en fonction du temps, (), on obtient typiquement une trajectoire du type de celle
représentée sur la figure 3.2, ici produite par une simulation numérique. La trajectoire est
extrêmement erratique, ce qui résulte de l’agitation thermique dans le fluide (mouvement
des molécules). Plutôt que d’analyser des propriétés instantanées (position, vitesse, én-
ergie, etc) qui sont fortement soumises aux fluctuations, il est plus judicieux de faire une
analyse statistique de cette unique trajectoire afin d’extraire des propriétés intéressantes :
on représente l’histogramme des positions (à droite).
x

Figure 3.2
Mouvement d’une petite bille accrochée à un polymère dans un fluide (simulation
numérique). L’analyse statistique des positions donne l’histogramme tracé à droite,
auquel on a superposée la distribution de probabilité (ligne continue) vers laquelle tend
l’histogramme dans la limite  → ∞.

Par exemple, on pourrait étudier l’énergie potentielle et considérer la valeur moyenne


qu’elle prend sur le temps  pendant lequel la trajectoire est enregistrée

( )
0
d

def
 =  (()) . (3.1)

36
1 Équilibre macroscopique et ergodicité

Cette moyenne temporelle est réalisée sur une unique trajectoire ; elle correspond à
la moyenne statistique (2.15). Si le processus est stationnaire (i.e. le système est à
l’équilibre macroscopique), on peut également construire l’histogramme des positions
( )
enregistrées (à droite sur la figure) : la moyenne   peut être aussi bien calculée
en pondérant les valeurs mesurées par leur fréquence (hauteur des barres de l’his-
togramme). Dans la limite  → ∞, l’histogramme tend vers la distribution  () de
la position  de la bille (c’est la définition des probabilités du chapitre 2). La moyenne
prend simplement la forme de la moyenne probabiliste
 

 = d  () () , (3.2)

correspondant à l’éq. (2.16). Les deux moyennes s’identifient donc dans la limite
 → ∞, ce qui illustre la propriété d’ergodicité :
( )  
(3.3)
 →∞
lim  =  .

Dans la situation simple analysée ici, la justification de cette égalité repose sur l’hy-
pothèse que le processus perd rapidement la mémoire de son histoire antérieure, disons
sur un temps typique  (temps de corrélation du processus). On peut alors « dé-

0
couper » l’intégrale temporelle en morceaux de tailles équivalentes d  (()) =

d  (()) où     =  ∕   : les  morceaux étant des variables



 

=1
(−1)
aléatoires identiques et indépendantes, l’identification des moyennes, éq. (3.3), est alors
justifiée par le théorème de la limite centrale (§ 5 du chapitre 2).
Pour rendre explicite l’intérêt d’une telle relation, nous poursuivons l’analyse. Le
polymère exerce une force proportionnelle à son élongation (loi de Hooke) : nous notons
 la constante de rappel de cette force. On pourra montrer dans quelques chapitres que
la distribution de la position de la bille est contrôlée par la température  du fluide :
  
 
 ( ) = exp − 2 . (3.4)
2  2 
Il est donc clair qu’il est beaucoup plus simple du point de vue théorique de calculer
la moyenne probabiliste (3.2) (c’est une intégrale élémentaire) que d’enregistrer une
trajectoire afin de calculer la moyenne temporelle (3.1). Nous ne révélons néanmoins
pas encore le principe qui nous permet de trouver la distribution  (), ce qui sera
précisément l’objet des prochains chapitres.

Exercice 3.1
1 2
Calculer la moyenne de l’énergie potentielle () =  .
2

37
Chapitre 3 • Ergodicité

2 Microétats (état pur)


2.1 Systèmes classiques : espace des phases
Au niveau le plus élémentaire, la dynamique des corps matériels est décrite par la
mécanique, newtonienne ou quantique. Concentrons-nous d’abord sur le cas classique :
l’évolution de proche en proche est gouvernée par une équation du mouvement, l’équa-
tion fondamentale de la dynamique. Par exemple, dans le cas très simple d’une particule
de masse  soumise à une force dérivant d’une énergie potentielle  () :

d  () 1 d ()


=  () et = − ′ (()). (3.5)
d  d
L’espace des coordonnées canoniquement conjuguées (, ) est appelé l’espace des
phases. L’importance particulière des couples de variables canoniquement conjuguées
est soulignée dans l’annexe A page 49. Afin de déterminer une évolution particulière,
on doit se donner des conditions initiales, les valeurs (0) et   (0 ) à un instant initial 0 .
Puisque l’évolution est déterminée de manière unique par un jeu de conditions initiales,
d’une certaine manière, celles-ci « contiennent » l’évolution ultérieure. Pour un tel sys-
tème conservatif, qui possède une intégrale première du mouvement  =  (, ) où
def
(, ) = 2 ∕(2)+ () est la fonction de Hamilton (« le hamiltonien »), la trajectoire
((), ()) est une paramétrisation d’une courbe appartenant à la « surface » de l’es-
pace des phases définie par l’équation  =  (,  ). Deux exemples élémentaires sont
représentés sur la figure 3.3 : à gauche, la trajectoire correspondant au mouvement d’une
particule dans une boîte de taille , sur les bords de laquelle la particule rebondit (l’im-
pulsion alterne entre ± 2). La figure du milieu montre la trajectoire correspondant
au mouvement d’un oscillateur harmonique, (,  ) = 2∕(2) + (1∕2) 2 2.

Figure 3.3 – Trajectoires dans l’espace des phases.


À gauche : la particule libre en une dimension confinée dans un intervalle de longueur 
(avec réflexion sur les bords). Au centre : l’oscillateur harmonique 1D. À droite : une
représentation schématique (la dimension de l’espace des phases est paire en principe)
montrant deux trajectoires initialement proches et confinées sur la même surface
d’énergie constante.

Cette discussion s’applique aussi bien à des systèmes simples qu’à grand nombre
de degrés de liberté, comme un gaz d’atomes. Si nous considérons  atomes sans de-
gré de liberté interne, l’espace des phases est un espace de dimension 6 , dont les

38
2 Microétats (état pur)

points correspondent à des vecteurs regroupant les 3 coordonnées spatiales et des 3


coordonnées d’impulsion, que nous désignons de manière compacte par le vecteur
Γ  (1, ⋯ ,  , 1, ⋯ ,  ) .

La dynamique des atomes est gouvernée par un hamiltonien  (1 , ⋯ ,  , 1 , ⋯ ,  ) 
 Une trajectoire physique Γ()
(Γ).  est confinée sur la « surface » définie par  =  (Γ) 
(une variété de dimension 6 − 1), que nous avons schématisée sur la figure 3.3. Partir
d’un point de l’espace des phases détermine complètement l’évolution ultérieure, même
s’il est exclu de la suivre en pratique. Un point Γ contient donc toute l’information
microscopique sur le système (positions et impulsions de tous les atomes) et il est
d’usage de parler de

Microétat ↔ Γ ∈ espace des phases

2.2 Systèmes quantiques : espace de Hilbert


Dans certaines situations, il est indispensable de décrire la dynamique du système
à l’aide de la mécanique quantique. Les aspects ondulatoires observés pour des partic-
ules matérielles ont conduit à l’idée de décrire l’état quantique en termes d’une fonction
d’onde, solution d’une équation d’onde (l’équation de Schrödinger). La fonction d’onde
peut être interprétée comme un élément d’un espace vectoriel et on parlera plus formelle-
ment de « vecteur d’état », qu’il est conventionnel de noter    (appelé un « ket »).
L’état quantique est identifié avec la notion de microétat. On pourra consulter l’An-
nexe B page 52 dans laquelle les postulats de la mécanique quantique sont rappelés de
manière succincte. Dans la pratique, l’identification de l’état quantique se fait à l’aide de
« nombres quantiques », qui correspondent aux valeurs prises par certaines grandeurs
physiques. Quelques exemples :

L’état de spin. En sus des degrés de liberté de translation, les particules sont en général
caractérisées par un moment
 cinétique intrinsèque appelé « spin », noté  , dont le mod-
  =  ( + 1) où  est entier ou demi-entier (l’équivalent classique
ule est fixé,  
serait le moment cinétique caractérisant la rotation d’un corps matériel sur lui-même).
Les états quantiques de spin peuvent être repérés par un unique nombre quantique as-
socié à l’une des composantes du spin, par exemple  : le vecteur    décrit l’état où
 = . Il peut prendre 2 + 1 valeurs :  ∈ {−, − + 1, ⋯ , + − 1, +} (on dit
que «  est quantifiée »). Par exemple, l’électron, le proton et le neutron ont un spin
 = 1∕2 ; l’espace des états de spin est donc de dimension deux, nous les noterons plus
simplement  ↑  (pour  = +1∕2) et  ↓  (pour  = −1∕2).

Une particule libre dans une boîte. L’état de la particule libre est spécifié par son
impulsion  (conservée), à laquelle on peut associer un vecteur d’onde grâce à la relation
de de Broglie :  = ∕. La fonction d’onde caractérisée par un vecteur d’onde est une

39
Chapitre 3 • Ergodicité

 
onde plane  () = exp i  ⋅  . Dans une boîte, que nous supposons de forme cubique et
de côté  pour simplifier, la fonction d’onde satisfait des conditions aux limites. Puisque
la particule est confinée, sa fonction d’onde est nulle hors de la boîte et un choix naturel

est d’imposer la continuité à l’interface, i.e.  () = 0 (condition de Dirichlet). L’état
 bord
quantique satisfaisant ces conditions est un état qui combine plusieurs ondes planes et
présente la forme factorisée  () = sin( ) sin( ) sin( ) où les composantes du
vecteur d’onde sont quantifiées
  
 =  ,   =  et  =  avec  , ,  ∈ ℕ ∗ . (3.6)
  
Les différents états quantiques   ,  ,   sont repérés par les trois nombres quantiques.
Il sera commode de repérer les états par rapport à leur énergie
 2
 = = (2 +  2 + 2 )  (3.7)
2
def
où  =  2 2∕(22) est une échelle d’énergie caractérisant la quantification dans
une boîte. Cet exemple fait apparaître un phénomène intéressant et très générique :
plusieurs états quantiques sont associés à la même énergie. On dira que le niveau
d’énergie est dégénéré. Par exemple : les états quantiques  5, 5, 1 ,  5, 1, 5 ,  1, 5, 5 ,
 7, 1, 1 ,  1, 7, 1  et  1, 1, 7  ont tous l’énergie  = 51 . On dira que le niveau a une
dégénérescence  = 6. Il est intéressant de remarquer que si la dégénérescence entre
 7, 1, 1  et  1 , 7, 1  est clairement liée à la symétrie du problème, celle entre  5, 5, 1 
et  7, 1, 1  ne l’est pas : on parle de dégénérescence accidentelle dans ce second cas.
En conclusion, on retiendra que l’état quantique est un vecteur de l’espace de
Hilbert, l’espace des états quantiques. Nous le notons { 𝓁 }, où 𝓁 regroupe l’ensem-
ble des nombres quantiques permettant de spécifier un vecteur d’état (par exemple
𝓁  ( ,  , ) pour la particule dans la boîte tridimensionnelle discutée ci-dessus).
Notons que si le volume du système est fini, il est toujours possible de trouver une base
discrète. On retiendra :

Microétat ↔   𝓁  ∈ espace de Hilbert

Comme l’opérateur hamiltonien contrôle l’évolution temporelle (cf. Annexe B), la


base des états stationnaires (états propres de l’opérateur hamiltonien, i.e. pour lesquels
l’énergie est bien définie) jouera un rôle particulièrement important.

3 Macroétats (mélange statistique)

Dans le paragraphe 1.2, nous avons exposé l’idée d’hypothèse ergodique sur un prob-
lème extrêmement simplifié. Cette idée peut être reformulée ici en des termes plus
généraux dans le contexte classique (en reprenant notre exemple de gaz atomique) :
l’évolution du gaz atomique est décrit par une certaine trajectoire Γ() dans l’espace des

40
3 Macroétats (mélange statistique)

 à une certaine « observable » (Γ), par exemple l’énergie


phases. Si l’on s’intéresse 
cinétique  →  =  ∕(2), une information simple concernant le système est
2

donnée par la moyenne temporelle sur un temps d’observation  :



( )
 (Γ())
0
d

=  . (3.8)

Le résultat de la moyenne dépend a priori de la trajectoire suivie au cours du temps.


Comme nous l’avons discuté sur le cas très simple de la bille dans un fluide, il est beau-
coup facile en pratique de remplacer l’étude de la trajectoire Γ()
 par la détermination
de la probabilité d’occupation des microétats, encodée dans une densité de probabilité
 dans l’espace des phases. La moyenne probabiliste est
(Γ)

  =  (Γ) ( Γ) .

d6 Γ (3.9)

Les calculs des deux moyennes (3.8) et (3.9) requièrent des informations très différentes :
la première demande l’ensemble de l’information microscopique, i.e. la connaissance de
la solution des équations du mouvement, une masse d’information en pratique phénomé-
nale et inaccessible. La seconde moyenne requiert une information probabiliste sur
l’occupation des microétats, dont nous montrerons qu’elle découlera de règles très sim-
ples. Si le temps  est suffisamment « long » pour permettre au système d’explorer
la majeure partie de son espace des phases accessible, nous pouvons supposer que la
moyenne (3.8) tend vers une limite lorsque  → ∞. Une illustration concrète basée
sur une « expérience numérique » sera donnée au § 1 du chapitre 5. Nous allons donc
étendre l’hypothèse ergodique au cas des systèmes complexes :
( )
Hypothèse ergodique : lim  =   . (3.10)
 →∞

Cette hypothèse joue un rôle absolument central en physique statistique puisqu’elle nous
permet d’oublier la dynamique temporelle : toutes les propriétés du système à l’équilibre
macroscopique sont encodées dans la densité de probabilité dans l’espace des phases,
qui sera appelée un

Macroétat ↔ densité de probabilité (Γ)

On parlera aussi de « mélange statistique ». L’objet des prochains chapitres sera pré-
cisément de montrer quelles règles simples permettent de déterminer la densité de prob-
abilité. Nous rencontrerons diverses situations correspondant à plusieurs distributions
(macroétats) définissant différents « ensembles de la physique statistique ».

Remarque. Dans le cas présenté au §1.2, le système n’est pas isolé et la présence du
« bruit aléatoire » rend plus intuitive l’ergodicité, i.e. la possibilité d’utiliser une de-
scription probabiliste. Dans le cas d’un système isolé, c’est le comportement chaotique
intrinsèque des systèmes complexes qui justifie l’ergodicité. La recherche de résultats

41
Chapitre 3 • Ergodicité

rigoureux sur l’ergodicité fait l’objet d’un domaine appelé « la théorie ergodique ».
Toutefois assez peu de résultats exacts ont été prouvés (on peut citer la preuve de l’er-
godicité pour le gaz classique de sphères dures par Ya. Sinai en 1963, problème discuté
en ouverture du chapitre 5). Notons pour conclure que si l’ergodicité est une condition
suffisante pour que l’égalité (3.10) soit satisfaite, ce n’est pas une condition nécessaire.
Il suffit que la moyenne temporelle de l’observable soit assez indépendante de la sous
partie de l’espace des phases accessible explorée pendant le temps  de l’expérience.
Cette remarque est d’importance car, en pratique, le temps nécessaire pour explorer un
espace des phases de grande dimension peut devenir comparable à l’âge de l’univers !
On trouvera une excellente introduction à ces questions dans l’ouvrage [32].

Le cas quantique. Dans le cas quantique, les microétats sont dénombrables, ce qui
simplifie la discussion. En l’absence de contrôle de l’état quantique occupé par le sys-
tème, nous introduisons un jeu de probabilités d’occupation des états d’une base de
l’espace de Hilbert : nous notons 𝓁 la probabilité pour que le système occupe l’é-
tat quantique   𝓁 . La notion de macroétat (mélange statistique) s’identifie avec cet
ensemble de probabilités d’occupation (cf. Annexe B page 52) :

Macroétat ↔ probabilités { 𝓁 }

Notation générique pour les cas classique et quantique. Par la suite, il sera souvent
plus commode d’utiliser cette notation discrète (les microétats {𝓁 } et le macroétat {𝓁})
aussi bien dans le cas classique, 𝓁 → Γ = (1 , ⋯ , 1, ⋯), que dans le cas quantique,
𝓁 →   𝓁 . La moyenne de l’observable prend la forme

  = 𝓁  𝓁 .

(3.11)
𝓁

4 Le dénombrement des microétats : densité


d’états

Une première question naturelle concerne le dénombrement des microétats, rendu possi-
ble par le caractère discret des états quantiques. Nous verrons plus tard (cf. les annexes A
et B et les chapitres 5 et 6) que la probabilité d’occupation d’un microétat dépend de son
énergie, aussi devrons nous compter les microétats ayant une certaine énergie. Pour cela,
nous introduisons une grandeur qui jouera un rôle important par la suite : la densité des
états quantiques ou plus simplement la « densité d’états ». Ce concept, purement lié à la
mécanique quantique, encodera souvent toute l’information microscopique nécessaire
sur le système pour l’étude de ses propriétés thermodynamiques.

42
4 Le dénombrement des microétats : densité d’états

4.1 Motivation et définitions


Parce que nous allons analyser les propriétés thermodynamiques, nous rencontrerons

souvent des sommes d’une fonction des énergies des microétats, de la forme  ( 𝓁 )
𝓁
où  est une fonction régulière. Dans les systèmes macroscopiques, le spectre des én-
ergies des microétats est extrêmement dense, ce qui suggère de remplacer la somme
discrète par une intégrale


 (𝓁 ) = d ( )  ( ) , (3.12)
𝓁

où ( ) est la densité d’états


def
( ) d = nombre d’états dans [,  + d ] . (3.13)
Elle peut également être représentée à l’aide de la distribution de Dirac :

 ( ) =  ( − 𝓁 ) , (3.14)
𝓁

où la somme porte sur les états quantiques. On fera attention à ne pas confondre les états
quantiques avec les niveaux d’énergie, qui portent des dégénérescences en général : si
l’on note  𝓁 la dégénérescence du niveau 𝓁 , la densité d’états sera représentée comme
une somme sur les niveaux

 ( ) = 𝓁  ( − 𝓁) . (3.15)
𝓁

La représentation (3.14) rend la relation (3.12) évidente, mais elle montre aussi que la
densité d’états est un objet mathématique extrêmement singulier. Aussi il sera plus aisé
de considérer la « densité d’états intégrée »


def
Φ() = nombre d’états d’énergies inférieures à  = ( ′) d ′ , (3.16)

où nous n’avons pas précisé la borne inférieure de l’intégrale, qui correspond en principe
à l’état fondamental du système. Elle peut encore être représentée par une somme de
fonctions de Heaviside

Φ() = H( −  𝓁) , (3.17)
𝓁

plus régulière mathématiquement que la somme des fonctions de Dirac. Par exem-
ple, nous représentons sur la figure 3.4 la densité d’états intégrée pour l’oscillateur
harmonique unidimensionnel.
À ce stade, toute la complexité du problème a été reportée dans la densité d’états. On
peut cependant comprendre l’intérêt de cette notion en examinant plus en détail le cas
de l’oscillateur harmonique, dont le spectre est régulier  = ( + 1∕2) pour  ∈ ℕ
(figure 3.4). Si la fonction  varie « lentement » à l’échelle de l’écart entre niveaux,
Δ = , la somme est très bien approximée par une intégrale, beaucoup plus simple

43
Chapitre 3 • Ergodicité

nombre d'états nombre d'états

0
0 1 2 3 4
Résolution « quantique » Résolution « classique »
Figure 3.4 – Densité d’états intégrée de l’oscillateur harmonique 1D.
Comparaison de la densité d’états intégrée Φ() avec son approximation semiclassique,
notée ici Φ Weyl ( ). « Vue de près » (à gauche) et « vue de loin », sur une échelle Δ  
« macroscopique » (à droite).

à calculer en pratique :

∞ ∞

  0
1
 ( ) ≃ d  ( ) ,
=0

ce qui revient à écrire ( ) ≈ 1∕() (il y a un état par intervalle de largeur Δ = ).
Remplacer la densité d’états par une constante revient à approximer la densité d’états
intégrée par la droite Φ() ≈ ∕(), qui est la droite passant au milieu des « marches
d’escalier » sur la figure 3.4. Cette fonction régulière porte le nom de terme de Weyl,
ΦWeyl() = ∕() et Weyl () = 1∕(). Le point intéressant est que son calcul peut
être formulé en termes purement classiques (i.e. ne requiert pas la connaissance précise
du spectre quantique), comme nous allons le discuter maintenant.

4.2 Densité d’états à l’approximation semiclassique


Nous introduisons une méthode efficace pour calculer le terme de Weyl de la den-
sité d’états, que nous noterons dorénavant simplement ( ) (de même nous noterons
Φ() le terme de Weyl de la densité d’états intégrée). Nous montrons que le calcul de
cette quantité, qui caractérise la distribution des énergies des états quantiques, peut être
formulé en termes classiques. Nous considérons l’exemple précis (et important) d’une
particule libre, puis nous étendrons (sans démonstration) le résultat au cas général.

a) Particule libre dans une boîte cubique en dimension 

Une particule de masse  se meut dans un espace de dimension  . Sa dynamique est


décrite par l’hamiltonien libre  =  2∕(2), dont les vecteurs propres sont les ondes

planes  () ∝ e i⋅, associées aux énergies  = 2  2 ∕(2). Si la particule est con-
finée dans un volume fini, que nous supposerons de forme hypercubique et de volume
 =  , les énergies sont quantifiées. Le problème spectral est défini en spécifiant des
conditions aux limites. Le choix précis des conditions aux limites est sans importance

44
4 Le dénombrement des microétats : densité d’états

(cf. exercice 3.4) aussi nous allons faire le choix qui simplifiera l’analyse et considérer
des conditions aux limites périodiques : (⋯ ,  + , ⋯) =  (⋯ ,  , ⋯), ce qui montre
que le vecteur d’onde est quantifié comme

 = 2 (1, ⋯ ,   ) avec  ∈ ℤ . (3.18)



Les vecteurs d’onde correspondant aux états quantiques de la boîte se placent donc sur
les nœuds d’une grille de pas 2 ∕ (figure 3.5).
La densité d’états intégrée est
 
 2  2
Φ() = H  − . (3.19)

2

 

La somme porte sur tous les vecteurs d’onde quantifiés selon (3.18) (i.e.
 
 1∈ℤ

∈ℤ
). La densité d’états intégrée compte ici tous les  à l’intérieur de

l’hypersphère de rayon 2 ∕. Si le volume est « grand » (i.e.    2∕2 ), une
estimation de Φ() est donnée par le volume de l’hypersphère de rayon 2 ∕, di-
visé par le volume (2 ∕) occupé par un état quantique dans l’espace des vecteurs
d’onde  (figure 3.5). Cela revient à faire une approximation continue et remplacer la
somme par une intégrale. Retenons la règle utile


(2) 

⟶ d  (3.20)


À ce stade, il est suggestif de substituer l’intégrale sur le vecteur d’onde par une intégrale
sur l’impulsion  = , et le volume par une intégrale sur la position :
 
 2
  
1  
Φ() =  d  d  H  − , (3.21)
2
où  = 2 est la constante de Planck. L’intérêt du changement de variables est d’avoir
reformulé le calcul de Φ(), une fonction comptant les énergies propres d’un problème
quantique, en termes de grandeurs purement classiques :
 
1 volume de l’espace des phases occupé
Φ() =  × (3.22)
 par les microétats d’énergies < 

 s’interprète comme le volume qu’occupe un état quantique dans l’espace des phases
classique, une interprétation réminiscente de la relation de Heisenberg Δ Δ ⩾ ∕2.
 correspond au nombre de degrés de liberté, i.e. la moitié de la dimension de l’espace
des phases.
Nous pouvons maintenant terminer le calcul de la densité d’états
 pour la particule
libre : (3.21) correspond au volume de l’hypersphère de rayon 2 dans un espace

45
Chapitre 3 • Ergodicité

ky

kx

2 mE
h

Figure 3.5
Dans l’espace des vecteurs d’onde , chaque état quantique d’une particule libre est
représenté par un nœud d’un réseau hypercubique de pas 2 ∕. Chaque état quantique
occupe donc un volume (2∕)  dans l’espace des  = ∕. La densité d’états intégrée
Φ() correspond
 au nombre de nœuds du réseau compris à l’intérieur de l’hypersphère
de rayon 2 ∕.

de dimension , éq. (A.7) :


 ∕2  ∕2
  1 
Φ() = = , (3.23)

Γ( + 1) 22 Γ(  + 1) 
2 2

avec Γ la fonction gamma (cf formulaire page 299), et où nous avons introduit l’échelle
def
d’énergie caractérisant la quantification dans la boîte cubique  = 2 22 ∕( 2) (cette
échelle diffère d’un facteur 4 de celle obtenue pour les conditions de Dirichlet).
Le cas tridimensionnel sera important par la suite :
  
def 1 2 3∕2

( ) = Φ () =    avec  = (en  = 3). (3.24)
4 2 2

b) Particule soumise à un potentiel

Nous admettons que la formule (3.22) s’étend au cas où la particule est confinée par un
potentiel arbitraire. Si nous considérons une particule en dimension  :
 
 
1
Φ() = d  

 d 
 H  −  
(, 
 ) . (3.25)

Oscillateur harmonique 1D. Le cas de l’oscillateur harmonique unidimensionnel


fournit une illustration très 
simple. L’intégrale (3.25)
 correspond à la surface de l’el-
lipse de demi axes  = 2∕( ) et  = 2 (figure 3.3), d’où Φ() =
2

(1∕) = ∕(). On a retrouvé le résultat donné plus haut (voir aussi la


figure 3.4).

46
4 Le dénombrement des microétats : densité d’états

Ce calcul élémentaire a fait ressortir un aspect remarquable de la formule semi-


classique (3.25). Elle relie le nombre d’états quantiques à une information de nature
géométrique dans l’espace des phases classique.

c) Cas de N particules identiques

Pour terminer, nous discutons le cas d’un système de  particules identiques, comme
des atomes de même nature. La mécanique quantique pose un principe d’indiscernabil-
ité des particules identiques et fournit une prescription pour la construction des états
quantiques dans ce cas, qui doivent posséder une symétrie particulière sous l’échange
de particules (postulat de symétrisation). Cette règle affecte le comptage des états quan-
tiques. Considérons par exemple deux particules libres occupant deux ondes planes de
vecteurs d’onde  et  ; le microétat est noté 𝓁  (  ,  ). Puisque l’état est symétrique
en échangeant ces nombres quantiques, on ne doit compter chaque couple ( , ) qu’une
fois, i.e. ( , ) et ( , ) correspondent au même état quantique. Nous reviendrons
ultérieurement sur la question de l’indiscernabilité, qui sera discutée plus en détail (voir
aussi les rappels de mécanique quantique, Annexe B page 52).
Dans le cas plus général à  particules indiscernables, la formule semiclassique est
affectée d’un facteur 1∕ ! pour ne compter qu’une fois tous les états équivalents par
permutations. Considérons un hamiltonien à  particules en dimension 3 ( = 3 ) :


 2
= +  (1 , ⋯ ,  ) (3.26)
=1
2
où  comprend tous les termes d’énergie potentielle. On retiendra la règle générale :

 
 ! 3 
1
Φ() = d 3

1 ⋯ d3

  d 3
 1 ⋯ d3

  H  −  ({ , 
  }) (3.27)

Particules libres. Appliquons la formule (3.27) au cas du gaz de particules libres dans
la boîte de volume  = 3. En remarquant que l’énergie cinétique des  particules a
la même forme que l’énergie cinétique d’une particule en dimension  = 3 , il nous
suffit de reprendre le résultat (3.23) en ajoutant le facteur 1∕! lié à l’indiscernabilité :
      3∕2
1   3∕2 Stirling e 5∕2  
Φ() = ≃  ,
! Γ( 3 + 1) 22  6   32 
2
(3.28)
où  =  est maintenant le volume dans l’espace tridimensionnel. En pratique le
3

nombre  est macroscopique (typiquement  ∼ 1023 ) : on voit donc que la densité


d’états est une fonction croissant formidablement vite avec l’énergie.

Le facteur 1∕ ! est-il toujours présent pour un problème de  particules iden-


tiques ? Fluide versus solide. La formule (3.27) est absolument générale pour des
particules identiques (donc indiscernables), quelle que soit la nature de l’hamiltonien.

47
Chapitre 3 • Ergodicité

Néanmoins, on rencontrera deux types de situations : (i) des fluides, pour lesquels on ap-
pliquera (3.27). (ii) Des solides dans lesquels les atomes (indiscernables) sont localisés
sur des sites (discernables). Puisqu’il y a  ! façons d’attacher les  atomes sur les 
nœuds du réseau cristallin, il y a une simplification  !∕ !. On verra une illustration
de cette remarque dans l’étude du cristal paramagnétique au chapitre 5. Le mécanisme
de simplification du 1∕ ! sera détaillé dans le problème 7.3 page 154.
D’un point de vue conceptuel, il est important de comprendre que les atomes iden-
tiques sont toujours indiscernables (c’est une propriété très fondamentale, liée à la
structure de leur espace de Hilbert). Ce sont les sites du réseau auxquels sont attachés
les atomes qui sont discernables.

Pour en savoir plus :


• Des ouvrages d’introduction sur la mécanique quantique : [5, 25, 35].
• On trouvera une démonstration simple (pour le cas 1D) de la formule semiclas-
sique (3.25) à la fin du chapitre 13 de [35].

48
Les points clés

1 Les notions d’équilibre macro- 3 La notion de macroétat et de


scopique et d’ergodicité. moyenne d’ensemble.
2 Descriptions classique et quan- 4 La règle de dénombrement des
tique des microétats. microétats dans l’espace des
phases (calcul de la densité
d’états).

Les annexes

A Formulation classique
A.1 Mécanique analytique
Nous donnons des précisions et faisons des rappels de mécanique analytique dans le
but de motiver la description classique dans l’espace des phases, mais aussi préparer la
discussion d’autres systèmes classiques. En mécanique analytique, et plus particulière-
ment dans la description hamiltonienne, les coordonnées servant à la description de la
dynamique du système sont notées  , avec  l’indice de la coordonnées, et   leur dérivée
temporelle. Leurs moments canoniquement conjugués sont notés  et obtenus à partir
def 
du Lagrangien  par  = . L’espace des phases est par définition l’espace des coor-

données Γ = {,  }. La donnée de ces coordonnées caractérise entièrement l’évolution
du système, contrôlée par les équations de Hamilton
   
 () = ( Γ()) et   () = − (Γ()) , (3.29)
 

où (Γ)
 est l’hamiltonien (l’énergie sur une trajectoire physique). Deux trajectoires
physiques sont représentées par deux lignes qui ne s’intersectent pas (figure 3.3).

A.2 Pourquoi l’espace des phases ? Le théorème de Liouville


Rappelons que dans la description classique, un microétat correspond à un point dans
l’espace des phases, de dimension 2, et un macroétat à la donnée d’une densité de
probabilité (Γ) telle que (Γ) d2Γ est la probabilité que le système soit dans le volume
d 2Γ autour de Γ.

Pourquoi l’espace des phases, i.e. les couples de variables canoniquement con-
juguées, joue-t-il un rôle si important ? Pourquoi ne pas considérer les {,  } ou
bien d’autres fonctions des  et   ? Ce point est éclairci par l’énoncé du théorème

49
Chapitre 3 • Ergodicité

de Liouville, que nous discutons maintenant. Il est naturel, pour décrire un équilibre
thermodynamique, de considérer une densité (Γ)  indépendante du temps. Cependant,
les systèmes réels évoluent dans le temps. Si nous partons d’une distribution initiale
  = 0) la probabilité de retrouver ultérieurement le système autour de Γ() est don-
(Γ,
 ) d 2 Γ()
née par (Γ(),  car l’élément de volume d2 Γ()  évolue a priori lui aussi au
cours du temps. Le théorème de Liouville stipule que le volume élémentaire d2 Γ() est
conservé le long des trajectoires physiques si bien que toute l’évolution temporelle du
système est encodée dans la seule fonction (Γ, ). On peut en particulier étudier si celle-
ci tend vers une distribution stationnaire correspondant à celle attendue à l’équilibre,
c’est-à-dire le processus de thermalisation ou d’approche de l’équilibre.
Démonstration du théorème de Liouville. Nous interprétons l’évolution entre les
temps  et  + , avec  infinitésimal, comme une transformation entre les coordonnées
{,  } vers les coordonnées { ,  } définies par :
def
 =  ( + ) ≃  () +  ()  (3.30)
def
 =  ( + ) ≃  () +   ()  (3.31)
D’après les équations de Hamilton, nous pouvons écrire :
   
 =  + (Γ)  et  =  − ( Γ)  (3.32)
  

Lors du changement de variables, les volumes élémentaires sont reliés par d 2Γ  =
d 2Γ où  est le Jacobien de la transformation, donné par
⋱ 0 0 
 2
 ∕    2∕2 
 
 =  det(1 +  ) où = 0 0 
 − 2∕ 2 − 2∕   
 
 0 0 ⋱ 
la matrice 2 × 2, diagonale par blocs 2 × 2. En remarquant que2 det(1 +  ) ≃
1 + Tr( ) , nous obtenons finalement
  2 
  2 
 ≃1+ −  = 1 à l’ordre 1 en  . (3.33)
=1
    
  
Autrement dit, nous avons bien d 2Γ = dd  =  i.e. si l’on
dd  = d 2 Γ,
 
considère un domaine dans l’espace des phases, il évoluera au cours du temps de telle
sorte que son volume soit conservé (figure 3.6).
Une reformulation du théorème de Liouville
 permet d’obtenir  une équation d’évo-
   
 ). On a en effet d =
lution pour (Γ,   +   + , ce que l’on peut
d     

2. Cette relation provient de la définition du déterminant en identifiant les termes d’ordre 1 en , ou
en écrivant det(1 + ) = exp ln det (1 +  ) = exp Tr ln(1+  ) ≃ exp(Tr ) ≃ 1 +Tr  .

50
A Formulation classique

t’>t p

t
Figure 3.6 – Théorème de Liouville.
On a représenté des trajectoires physiques dans l’espace des phases. L’évolution tem-
porelle conserve le volume dans l’espace des phases, i.e. les deux volumes grisés,
représentant un ensemble de microétats à deux instants de leur évolution, sont égaux.

 
d  def     
écrire comme = {, } + , où {,  } = − est un crochet
d         
d
de Poisson (cf. cours de mécanique analytique). est une dérivée totale, analogue
d
à la dérivée particulaire de la mécanique des fluides, et calculée le long d’une trajec-

toire physique Γ()
 solution des équations du mouvement. En revanche, correspond

à la variation locale de la densité de probabilité. On peut montrer que le théorème de
d
Liouville équivaut à l’équation de conservation = 0 de la probabilité. On en tire
d
immédiatement l’équation d’évolution locale pour 

 
(Γ, ) = { , ( Γ, )} . (3.34)


Distribution stationnaire. La densité caractérisant un état stationnaire doit satisfaire


{, } = 0. Un choix naturel est de choisir la densité sous la forme d’une fonction de
l’hamiltonien, s’il s’agit là de la seule intégrale du mouvement :

( Γ) =  ( (Γ)) (3.35)

Cette discussion est naturellement adaptée aux systèmes isolés. Un système en contact
avec un thermostat aura également cette forme pour la distribution stationnaire : les en-
sembles de la physique statistique (les macroétats) correspondent à des distributions de
la forme (3.35) : ∗ (Γ) ∝  ( −  (Γ))
 pour la distribution microcanonique (chapitre 5)

et  C (Γ) ∝ e− (Γ) pour la distribution canonique (chapitre 6).

51
Chapitre 3 • Ergodicité

B Formulation quantique
B.1 Rappel des postulats de la mécanique quantique
La mécanique quantique est le cadre définissant les lois de la physique aux échelles
élémentaires. Rappelons les quelques règles qui régissent la dynamique quantique (les
« postulats de la mécanique quantique ») ; voir par exemple les ouvrages [5, 11, 25, 35]
pour plus de détails.
(i) États quantiques. L’état quantique d’un système est décrit par un vecteur d’état   ,
élément d’un espace vectoriel des états, l’espace de Hilbert H , construit sur le corps
des nombres complexes, et muni du produit scalaire satisfaisant      =     ∗ .
(ii) Interprétation probabiliste. Le produit scalaire s’interprète comme l’amplitude de
probabilité de transition (instantanée) entre deux états ( ← ) =     , i.e. la
probabilité de transition3 est Proba( ← ) =     2 .
Conséquence – Notation Bra et Ket : Il est d’usage d’interpréter le produit scalaire
(« bracket »)      comme le produit d’un vecteur, un « ket »   , et son dual, un
« bra »   . Nous faisons le lien entre le vecteur d’état et la fonction d’onde : soit   
l’état quantique de la particule localisée en . La fonction d’onde s’écrit comme un pro-
duit scalaire  () =      et représente l’amplitude de (densité de) probabilité pour
trouver la particule en .
(iii) Observables et postulats de mesure. Les observables (grandeurs physiques) sont
représentées par des opérateurs linéaires agissant dans l’espace de Hilbert. Une observ-
able  est caractérisée par son spectre de valeurs propres et vecteurs propres { ,   }.
Si le système est dans un état   , le résultat d’une mesure de  est une des valeurs
propres   avec probabilité Proba(  ←  ) =     2. L’état du système après
mesure est    (réduction du paquet d’onde). Le processus de mesure s’accompagne
d’une évolution stochastique et irréversible de l’état quantique.
(iv) Évolution temporelle. L’évolution temporelle du vecteur d’état est contrôlée par
l’équation de Schrödinger
d
i   ()  =    ()  , (3.36)
d
où  est « l’opérateur hamiltonien » (l’énergie). C’est donc une évolution déterministe
et réversible d’un objet de nature probabiliste.
(v) Permutabilité des particules identiques. La description de l’état quantique en
terme d’amplitudes de probabilité conduit à postuler l’indiscernabilité des particules
identiques, i.e. que les états à plusieurs particules possèdent une symétrie sous la per-
mutation de deux particules. L’état à  particules est donné par une fonction d’onde

3. Autrement dit : Proba( ← ) =     2 est la probabilité pour observer le système dans l’état
   , sachant qu’il se trouve initialement dans l’état   .

52
B Formulation quantique

fonction de  coordonnées  (1,  2, ⋯ ,  ). Les particules sont classées en deux


groupes :
∙ Les bosons (photon,...) dont l’état quantique est invariant sous la permutation. Pour
deux bosons :  (1 , 2) = + (2,  1).
∙ Les fermions (électron, proton, neutron, ...) dont l’état quantique est antisymétrique
sous la permutation. Pour deux fermions :  (1, 2) = − (2, 1 ).
Le théorème spin-statistique montre que les propriétés de permutabilité sont liées au
spin (moment cinétique intrinsèque) : les bosons ont un spin entier et les fermions un
spin demi-entier.
Puisque nous aurons à considérer un nombre macroscopique de particules identiques,
le dernier point (postulat de symétrisation) jouera un rôle important.4

B.2 Macroétats et moyennes des observables


Nous avons introduit la moyenne (3.11) dans un macroétat. Nous apportons ici une
précision pour insister sur le fait que la moyenne statistique ne doit pas être confondue
avec la moyenne quantique.
Commençons par rappeler la règle de projection pour un état pur et sa généralisation
pour un mélange statistique :
 
Proba  ← état pur  =      
2
(3.37)
  
Proba  ← mélange statistique { } =         2 (3.38)

     2 est la probabilité pour que l’état initial étant   , le système soit observé
dans l’état final    (cf. rappel des postulats plus haut), alors que  caractérise notre
ignorance sur l’état quantique occupé par le système.
La même observation s’applique aux moyennes d’observables. Considérons une
grandeur physique . D’après le postulat de mesure, la moyenne quantique de l’ob-
servable est   =      : elle représente la moyenne de résultats de mesures
répétées de , toujours réalisées à partir du même état   . Ces moyennes quantiques
doivent être pondérées par les probabilités d’occupation des états, qui tiennent compte
de notre ignorance sur l’état quantique du système
moyenne statistique


  =        (3.39)
mélange 

statistique
moyenne quantique

4. En général les particules ne sont pas uniquement caractérisées par leur état dans l’espace physique
mais possèdent aussi des dégrés de liberté interne, comme le spin (son moment cinétique intrinsèque).
On doit alors introduire une « coordonnée de spin » que nous notons . La fonction d’onde dépend
également de cette coordonnée. Si l’on regroupe les coordonnées   (,  ) alors on écrira en toute
généralité pour deux particules  (1,  2 ) = ± (2 ,  1) (+ pour des bosons et − pour des fermions).

53
Chapitre 3 • Ergodicité

B.3 Matrice densité et équation de Liouville quantique


Un outil mathématique très utile pour étudier la physique statistique quantique
est la « matrice densité ». Celle-ci est définie à partir de l’ensemble des probabilités
d’occupation des états quantiques comme

 =  𝓁  𝓁   𝓁  . (3.40)
𝓁

La matrice densité décrivant un état pur (microétat)    est donc le projecteur  =


     et le mélange statistique (macroétat) combine les projecteurs sur la base d’états
quantiques, pondérés par les probabilités d’occupation. La condition de normalisation
prend la forme Tr { } =  𝓁 = 1. La moyenne d’une observable (3.11) peut être
𝓁
réécrite à l’aide de la matrice densité :
 
 = Tr   (3.41)
ce qui fait comprendre l’intérêt de ce nouvel outil puisque l’expression est maintenant
indépendante d’un choix de base d’états quantiques.
Pour les problèmes dépendant du temps, la matrice densité porte une dépendance
temporelle  → (). Son équation d’évolution est obtenue en utilisant la structure de
projecteur et l’équation de Schrödinger (3.36).5 Nous déduisons
d 1 
() = [ , ()] , (3.42)
d i
qui est l’analogue quantique de l’équation de Liouville (3.34).

Problèmes stationnaires. Une situation est décrite par une matrice densité qui com-
 ]
mute avec l’hamiltonien [,  = 0. Un choix spécifique qui assure cette propriété est
une fonction de l’hamiltonien
)
 =  ( (3.43)
qui est l’analogue de (3.35). Autrement dit : si les états  𝓁  dans (3.40) sont des états
stationnaires,   𝓁  = 𝓁  𝓁 , on aura 𝓁 =  (𝓁). Par exemple, la distribution

canonique qui sera introduite au chapitre 6 correspond à la matrice densité  ∝ e−  où
 est un paramètre réel positif (i.e. 𝓁 ∝ e−𝓁 ).

5. L’équation d’évolution de () décrit un système isolé,


i.e. les probabilités 𝓁 sont fixées et seuls
les vecteurs d’états évoluent au cours du temps : () = 𝓁  𝓁 ()  𝓁 () . Cette observation est
𝓁
claire si nous considérons la base des états stationnaires, puisque changer les probabilités reviendrait
à changer la distribution de l’énergie (système non isolé).

54
Entraînez-vous
Exercice 3.2 Densité d’états de  systèmes à deux niveaux
Nous considérons  systèmes sans interaction, pouvant chacun se trouver dans deux états
 ± , d’énergies ±0.
a) Décrire les microétats du système. Quel est le nombre total de microétats ? Quel est le
spectre des énergies ?
b) On note ± le nombre de systèmes dans l’état  ± . Exprimer  + et  − en fonction de  et
l’énergie totale .
c) Déduire la dégénérescence des niveaux d’énergie. En supposant  et ±  1, discuter la
forme de la densité d’états.
Exercice 3.3 Densité d’états de  oscillateurs harmoniques
unidimensionnels
Nous considérons  oscillateurs identiques (de même pulsation ), indépendants et
discernables.
a) Analyse quantique : On rappelle que le spectre d’un oscillateur est  =  ( + 1∕2)
pour  ∈ ℕ. Quels sont les microétats du système de  oscillateurs ? Quel est le spectre des
énergies ? Calculer le nombre de microétats accessible Ω() pour  → 0 (i.e. la dégénéres-
cences des niveaux d’énergie).
INDICATION : le calcul de la dégénérescence des niveaux peut être reformulé comme le dénom-
brement des partitions d’un entier (relié à l’énergie) en  entiers (les excitations des 
oscillateurs).
b) Analyse semiclassique : Calculer la densité d’états intégrée à l’aide de la formule
semiclassique. Comparer au résultat quantique.
Exercice 3.4 Terme de Weyl de la densité d’états et formules de trace
On considère une particule en une dimension, décrite par l’hamiltonien  = 2 ∕(2). Le
spectre des énergies est  = 2 2 ∕(2) (par la suite on posera 2∕(2) = 1 pour simplifier).
La particule est confinée sur un intervalle [0, ], ce qui implique la quantification de l’énergie.
On compare les densités d’états pour les conditions aux limites de Dirichlet,  (0) =  () = 0,
et les conditions aux limites périodiques,  (0) =  () &  ′(0) =  ′().
a) Rappeler les spectres obtenus pour les deux types de conditions aux limites.

b) En utilisant la propriété (A.16) et la formule de Poisson (A.18), déduire des représentations


des densités d’états dans le deux cas, puis des densités d’états intégrées.

55
Chapitre 4
Entropie

Rappeler les différentes interprétations 1 L’entropie en


de l’entropie thermodynamique
Introduire une mesure de l’information 2 Information et entropie
manquante associée à une distribution statistique
de probabilité (l’entropie statistique)

1 L’entropie en thermodynamique

1.1 Quantifier l’irréversibilité


La notion d’entropie n’est pas inconnue au lecteur qui aura suivi un cours de thermo-
dynamique. Bien que centrale dans cette théorie axiomatique, elle aura probablement
laissé une impression assez abstraite. Citons le postulat fondamental de la thermody-
namique : « il existe une fonction entropie, fonction des variables d’état primitives, qui
détermine les propriétés macroscopiques du système à l’équilibre », autrement dit, cette
fonction contient toutes les propriétés thermodynamiques (équation d’état, coefficients
calorimétriques, etc). Nous pouvons également identifier une motivation extrêmement
pratique dans le cadre de la théorie des machines thermiques, développée dans la pre-
mière moitié du XIXe siècle (notamment suite à l’invention de la machine à vapeur au
XVIII e). La découverte de l’équivalence entre travail et chaleur par Joule formalisait le
processus de conversion d’énergie thermique en énergie mécanique : la variation de l’én-
ergie interne d’un système est la somme du travail et de la chaleur reçus Δ =  + 
(1er principe). C’est cependant le second principe de la thermodynamique qui encadre
les conditions nécessaires à cette conversion. Dans son énoncé par Clausius : « est im-
possible un processus dont le seul résultat est le transfert de chaleur d’un corps froid
vers un corps chaud ». L’irréversibilité implique l’interdiction de certains processus, le
degré d’irréversibilité étant quantifié à l’aide de la fonction entropie dont la variation
entre deux états d’équilibre (i) et (f) satisfait l’inégalité (écrite pour une transformation
quasi-statique)
-
i→f 
d
f −  i ⩾ (2 nd principe) , (4.1)

- est la chaleur élémentaire reçue par le système et  sa température.1 L’écart à


où d
l’égalité, réalisée pour les processus réversibles, mesure donc le degré d’irréversibilité.

- » pour désigner une quantité infinitésimale qui n’est pas


1. Notation : nous utilisons la notation «d
la différentielle d’une fonction.

56
1 L’entropie en thermodynamique

effet de la Processus interdit!


dissipation

Figure 4.1
Une balle rebondit sur le sol. À cause de la dissipation, la hauteur maximale atteinte à
chaque rebond diminue d’un rebond au suivant. Le second principe interdit le processus
inverse où la chaleur de l’environnement serait convertie en énergie mécanique.

Discutons une illustration simple de cette idée : travail et chaleur sont deux formes
d’énergie pouvant être converties l’une en l’autre, cependant les deux sens ne sont pas
toujours autorisés pour cette conversion : du travail moteur ne peut pas être produit en
présence d’une unique source de chaleur (thermostat), qui doit alors nécessairement
absorber de l’énergie sous forme de chaleur. Par exemple, une balle est lâchée d’une
hauteur  et rebondit sur le sol, l’expérience montre que la hauteur maximale atteinte
par la balle à chaque rebond diminue. Au cours de son mouvement, l’énergie mécanique
de la balle est dissipée à cause des frottements sur l’air et de la déformation au moment
du rebond, qui n’est pas parfaitement élastique et produit de la chaleur transmise au
sol et à la balle. Entre l’état initial où l’énergie de la balle est purement mécanique,
balle = balle  si la balle est lâchée sans vitesse initiale, et l’état d’équilibre final où
la balle est immobile sur le sol, balle = 0, le travail de la force gravitationnelle a été
converti en chaleur, absorbée par l’environnement (sol et air) qui joue le rôle de thermo-
stat. L’expérience que nous décrivons est purement régie par les lois de la mécanique
classique, qui sont réversibles (même à l’échelle atomique, une description classique du
mouvement des atomes du gaz et des solides est ici suffisante). Cependant, est interdit
le processus inverse où l’environnement se refroidirait en fournissant de la chaleur con-
vertie en travail, permettant à la balle de remonter de plus en plus haut (partie droite de
la figure). La formalisation de cette idée est précisément l’objet du second principe de
la thermodynamique.

1.2 Variable conjuguée de la température : une mesure


du désordre

Une notion très importante en thermodynamique et en physique statistique est celle


de « variable conjuguée ». L’exemple le plus intuitif est fourni par le couple (volume,
pression) : considérons un gaz dans une enceinte de volume  fermée par un piston
mobile. À l’équilibre, le gaz exerce une force sur le piston, équilibrée par la pression
- = −ext d .
extérieure ext . Le travail reçu par le système (le gaz dans l’enceinte) estd

57
Chapitre 4 • Entropie

Lors d’une transformation réversible, pression interne et pression externe s’équilibrent,


- rev = − d apporte une contribution à la variation d’énergie
 = ext et le travail d
interne d = − d +⋯. On dira que les deux variables sont « conjuguées » : la pression
contrôle le volume. Lors d’une transformation infinitésimale réversible, la relation (4.1)
prend la forme d - rev =  d, qui vient s’ajouter au travail infinitésimal
- rev + d
d = d - rev =  d −  d (1er principe) , (4.2)
ce qui montre que la fonction fondamentale « énergie » est fonction des deux variables
(,  ), dont la différentielle fait ressortir les couples de variables conjuguées, (,  )
et ( , ). Nous verrons que la température permet de quantifier l’agitation des atomes
au niveau microscopique. De la même manière que la pression contrôle le volume, la
température contrôle sa variable conjuguée, l’entropie, ce qui suggère que cette dernière
fournit une mesure du désordre au niveau atomique/moléculaire.

2 Information et entropie statistique


2.1 Le rôle de l’entropie en physique statistique

Nous allons maintenant proposer un troisième éclairage sur la notion d’entropie,


comme mesure du manque d’information sur l’état d’un système. Nous inscrivant
dans l’approche probabiliste, nous prenons le point de vue que l’analyse de l’évolution
temporelle (approche « mécanique ») est remplacée par la donnée des probabilités d’oc-
cupation des différents états possibles. La notion d’entropie va jouer un rôle absolument
central pour répondre à la question suivante : sachant comment décrire les degrés de lib-
erté microscopiques du système, quel principe nous permet de déduire les probabilités
d’occupation des microétats ? Par exemple, avec quelle probabilité les  atomes d’un
fluide se trouvent-ils au point (1, ⋯ ,   ,  1, ⋯ ,  )  𝓁 de l’espace des phases ? La
question est :
« comment construire la distribution {𝑷𝓵 } ? »

Examinons l’exemple de la pièce non truquée introduit au chapitre 2 page 9 : ce qui


nous a guidé pour proposer la distribution uniforme pile = face = 1∕2 est l’absence
totale d’information sur le résultat du lancer de pièce, c’est-à-dire que nous nous sommes
implicitement reposés sur un principe d’information minimale. Dans le cas général
d’un espace des microétats de dimension  , l’absence de toute information sur l’état
du système conduit à postuler que tous les microétats sont équiprobables.
La réponse à la question est claire dans les deux cas extrêmes : pour un état pur 𝓁 0
(cas trivial), 𝓁 =  𝓁,𝓁0 , l’information sur l’état du système est maximale, alors que
l’information est minimale pour la distribution uniforme 𝓁 = cste ∀ 𝓁. Cependant pour

58
2 Information et entropie statistique

répondre à la question dans le cas général, nous devons disposer d’une mesure de l’in-
formation, ou du manque d’information. Si l’on considère une distribution quelconque
{ 𝓁 }, quelle est la fonction des  probabilités  (1 , ⋯ , ) mesurant le manque
d’information ?

2.2 Entropie statistique pour la distribution uniforme


Position du problème. Considérons un ensemble de microétats E = { 𝓁 } où l’indice
𝓁 ∈ {1, ⋯ , Ω} repère l’ensemble des microétats, supposés ici équiprobables, i.e.
caractérisés par la distribution uniforme
1
1 = ⋯ = Ω = . (4.3)
Ω
Dans ce paragraphe, pour des raisons qui seront clarifiées plus loin, nous notons Ω (et
non  ) le nombre de microétats.
Dans cette situation, une mesure de l’information manquante ne peut être qu’une
fonction du nombre de microétats, le seul paramètre caractérisant la distribution :
(distribution unifor me) =  (Ω) (4.4)
où  () est une fonction que nous allons maintenant déterminer. Pour cela, faisons
quelques remarques.

Remarque 1. Si le nombre de microétats équiprobables croît, la distribution uni-


forme s’étale sur un nombre de plus en plus grand de microétats et nous perdons de
l’information sur le système.  () est donc une fonction croissante de .

Remarque 2. Dans le cas trivial où l’espace des états se réduit à un unique microétat
(Ω = 1) celui-ci est occupé avec probabilité 1 = 1, i.e. nous disposons de l’information
maximale sur le système. L’entropie est nulle, i.e.  (1) = 0.

Remarque 3. Imaginons deux systèmes S et S ′ dont les macroétats sont caractérisés


par deux distributions uniformes sur leurs espaces des états respectifs :
1
1 = ⋯ = Ω = pour S (4.5)
Ω
1
1′ = ⋯ = Ω′ ′ = ′ pour S ′ (4.6)
Ω
Supposons que les deux systèmes sont indépendants (leurs états ne s’influencent pas
mutuellement). Nous souhaitons les décrire comme un tout, i.e. comme un grand
système S  S ′ . Les microétats du système global sont

𝓁 ∈ {1, ⋯ , Ω}
 𝓁, = 𝓁   ′ pour (4.7)
 ∈ {1, ⋯ , Ω′ }
où nous utilisons la notation  (« produit tensoriel ») pour regrouper les deux élé-
ments de deux espaces distincts (comme en mécanique quantique). Puisque le nombre

59
Chapitre 4 • Entropie

de microétats 𝓁, est Ω Ω′ , la distribution uniforme sur le système complet est

𝓁, =  𝓁  ′ =
1
. (4.8)
Ω Ω′
Nous choisissons que le manque d’information soit extensif, notamment guidés par la
correspondance avec l’entropie de la thermodynamique. Autrement dit, (S  S ′ ) =
( S ) + (S ′), i.e.
 (Ω Ω′ ) =  (Ω) +  (Ω ′) . (4.9)
Cette propriété assure que si le système est dupliqué, l’information manquante augmente
dans les même proportions.

Conclusion : entropie de Boltzmann-Planck. Nous déduisons de ces trois remar-


ques que la fonction est le logarithme,  () = 0 ln(), où 0 est une constante positive
qui s’interprète comme le quantum d’information (une discussion plus précise, notam-
ment sur l’unicité de la solution de l’équation fonctionnelle (4.9), est donnée dans le
chapitre 3 de [3]). Dans le cadre de la théorie de l’information, il serait naturel de poser
0 = 1∕ ln 2, ainsi l’entropie associée à la distribution uniforme sur un bit (0 ou 1) est
 = 1. Anticipant sur le prochain chapitre, nous verrons que le choix qui permet de faire
coïncider l’entropie statistique avec celle de la thermodynamique est 0 =  où2

 = 1.380 648 52 × 10−23 J.K−1 (4.10)

est la constante de Boltzmann. Elle est reliée à la constante des gaz parfaits  et au
nombre d’Avogadro par  = ∕ . Puisqu’elle mesure une quantité élémentaire
d’entropie, on parle parfois de « quantum d’entropie » (mais attention avec cette ter-
minologie, l’entropie n’est pas une grandeur quantifiée). Enfin, nous remarquons que la
constante de Boltzmann est une constante fondamentale au statut particulier puisqu’elle
est inséparable de la définition de l’échelle des températures (autrement dit, on verra sys-
tématiquement apparaître la combinaison  : c’est déjà le cas dans l’équation (4.1)
qui lie entropie, chaleur et température).
Finalement, nous avons obtenu l’entropie de la distribution uniforme comme

 (distribution uniforme) =  ln Ω (4.11)

Si cette formule fondamentale est attribuée à Boltzmann (elle est d’ailleurs gravée sur
sa tombe à Vienne, cf. figure 4.2), elle a été écrite pour la première fois sous cette forme
par Planck dans le cadre de son étude de la thermodynamique du rayonnement.
Cette expression de l’entropie est remarquable : elle fournit une méthode pour ex-
primer l’entropie d’un système en se ramenant à un problème de dénombrement des

2. valeur donnée sur le site http://physics.nist.gov/cuu/Constants/index.html (janvier 2017).

60
2 Information et entropie statistique

Figure 4.2 – La tombe de Ludwig Boltzmann (1844-1906) à Vienne.


(crédit photographique : Emmanuel Trizac).

microétats autorisés, i.e. un problème combinatoire. De plus elle nous donne une défi-
nition absolue de l’entropie, contrairement à la thermodynamique, qui ne nous permet
de caractériser que ses variations via le second principe, éq. (4.1).

2.3 Entropie d’une distribution arbitraire


Nous revenons maintenant au problème général de la détermination de l’entropie (du
manque d’information) associée à une distribution {𝓁 } quelconque. Par commodité et
pour être concrets, nous raisonnons en termes d’une variable aléatoire , qui peut être
la position d’une particule sur une ligne. Les  microétats correspondent aux cas où la
particule se trouve dans un intervalle parmi . Une particule occupe donc l’intervalle
numéro 𝓁 ∈ {1, ⋯ , }.
Nous allons maintenant faire appel à « l’artifice de la théorie des ensembles » de la
physique statistique : nous considérons (par la pensée)  copies équivalentes du sys-
tème, i.e.  particules se distribuant dans les  intervalles et notons 𝓁 le nombre
de particules dans l’intervalle 𝓁 (cf. figure 4.3). Dans la limite    on a donc
𝓁 ≃ 𝓁 ∕ où  𝓁 est la probabilité pour qu’une particule occupe l’intervalle numéro 𝓁.
Puisque les  systèmes sont équivalents et indépendants (ce ne sont que des copies
virtuelles), l’entropie totale de ces  systèmes est  =  ×  où  désigne l’entropie
d’un système.
L’état microscopique du système devrait être caractérisé par l’ensemble des coordon-
nées des  particules 1 , ⋯ ,  . En nous donnant plutôt les  nombres d’occupations
1 , ⋯ ,  , i.e. à la limite  → ∞ les probabilités 1 , ⋯ ,  , nous avons donc perdu de
l’information. Cette perte d’information correspond au nombre de manières d’agencer
les  particules en  paquets de 1 , ⋯ ,  particules :
!
Ω= . (4.12)
1! ⋯  !

61
Chapitre 4 • Entropie

M x

Figure 4.3 – Distribution de 𝑵 particules dans 𝑴 intervalles et facteurs d’occupation


caractérisant cette distribution.

Les  occupations étant fixées, ces Ω agencements sont équiprobables, i.e., d’après
(4.11), caractérisés par l’entropie
 
! 
  =  ln ≃ − 𝓁 ln(𝓁 ∕ ) (4.13)
1 ! ⋯  ! 𝓁=1

où nous avons utilisé la formule de Stirling, (A.20).


Nous cherchons à caractériser l’entropie associée à la distribution {𝓁 }, i.e. à quanti-
fier la perte d’information qu’il y a à jeter une particule parmi les  cases. Cette entropie
est donc
 

𝓁
= ≃ − ln(𝓁 ∕ ) (4.14)
 𝓁=1

Cette grandeur possède en effet une limite finie lorsque  → ∞ : nous obtenons
finalement l’expression de l’entropie statistique3

 ({𝓁 }) = −  𝓁 ln  𝓁 (4.15)
𝓁

Nous pouvons vérifier que, dans le cas de la distribution uniforme 𝓁 = 1∕Ω, nous
retrouvons l’entropie de Boltzmann-Planck  =  ln Ω. Finalement, c’est une situa-
tion assez particulière où, par un raisonnement astucieux, nous avons déduit la formule
générale (4.15) d’un cas particulier (4.11) !

2.4 Propriétés de l’entropie de Gibbs-Shannon


Minimum. L’entropie est mimimum si l’on connait avec certitude le microétat qu’oc-
cupe le système : min = 0. On pourra vérifier que la distribution  = , 0 a bien une
entropie nulle (on rappelle que lim  ln  = 0).
→0

Maximum. Le cas où nous avons le moins d’information sur l’occupation des  mi-
croétats est lorsque ceux-ci sont équiprobables,  = 1∕ ∀ . Rappelons que dans

3. Cette expression est souvent appelée l’entropie de Boltzmann-Gibbs-Shannon. Pour la distinguer


de (4.11), nous la désignerons comme « l’entropie statistique » ou de « Gibbs-Shannon ».

62
2 Information et entropie statistique

ce cas  max = (1∕, ⋯ , 1∕ ) =   ln  (une démonstration rigoureuse de cette


propriété intuitive est donnée dans l’annexe A, page 66).

Croissance. L’entropie maximale croît avec le nombre de microétats  .

Évènements inaccessibles. L’existence de microétats inaccessibles (i.e. d’évène-


ments de probabilité nulle) ne change pas l’entropie :

 (1 , ⋯ ,  , 0, ⋯ , 0) =  ( 1 , ⋯ , ) (4.16)

Concavité. Considérons deux distributions { 𝓁(0) } et {𝓁(1) }. Nous définissons les prob-
() def
abilités 𝓁 = (1 − ) 𝓁(0) +  𝓁(1) avec  ∈ [0, 1], qui correspondent à une distribution
interpolant entre les deux précédentes. On peut prouver la propriété

()
 ({ 𝓁 }) ⩾ (1 − )  ({ (0)
𝓁
}) +  ({𝓁(1) }) pour  ∈ [0, 1] (4.17)

qui assure que l’entropie est une fonction concave vis-à-vis de n’importe lequel de ses
arguments (figure 4.4).

S (1)
S (λ)

S (0) λ
0 1
Figure 4.4 – L’entropie est une fonction concave de n’importe lequel de ses arguments.

Additivité et sous-additivité. Considérons des microétats spécifiés par la donnée de


deux informations. Par exemple si nous disposons de deux sous systèmes, l’un dans un
microétat parmi  ∈ {1 , ⋯ ,  } et l’autre parmi  ∈ {′1, ⋯ ,  ′ }. L’état du système
complet est spécifié par la donnée de l’état de chaque sous système : , =   ′ . Le
microétat , est réalisé avec probabilité , . Nous introduisons la probabilité
 

 =  , resp.  
 = , (4.18)
∈ ∈

pour que le système  (resp. ) se trouve dans le microétat  (resp. ′ ), indépendam-
ment de toute information sur l’état du système  (resp. ). Rappelons qu’en général
,   
  (l’égalité , =    est réalisée lorsque les deux systèmes sont indépen-
  

dants, cf. chapitre 2). Nous


 faisons apparaître les entropies des probabilités marginales
en écrivant  = − , ln , ∕(   ) + ln(
  
 )] puis en développant le
,

63
Chapitre 4 • Entropie

second logarithme :

 }) + ({ }) − (,  ) ,


 ({ , }) = ({ (4.19)


 
(,  ) = +
def  ,
, ln . (4.20)
,  
 

Schématiquement, (4.19) a la forme () =  ()+  ()− (,  ). En remarquant


que le terme de corrélation est positif (cf. preuve plus bas), nous obtenons l’inégalité

 ({ ,}) ⩽ ({ 


 }) + ({ }) (4.21)

Si les systèmes sont indépendants, , =  


  , alors les entropies s’ajoutent simple-

ment et l’égalité est réalisée

 ({, }) = ({ 
 }) + ({ }) si  et  sont indépendants (4.22)

il y a alors autant d’information à les considérer comme un tout ou séparément. En


revanche si les systèmes sont corrélés, les considérer comme un tout contient une infor-
mation supplémentaire (sur les corrélations entre  et ) par rapport à la situation où
ils sont séparés :    contient plus d’information (son entropie est plus petite) que 
et  considérés séparément.

Preuve que (,  ) ⩾ 0 : Remarquons que (,  ) porte l’information sur les cor-
rélations, ce qui explique le signe − devant le dernier terme de (4.19). Nous utilisons
l’inégalité de convexité ln() ⩾ 1 − 1∕ :
 
(,  ) ⩾ 
 
 
 
 , 1 − =  (, −   
 
)=0. (4.23)
,
, ,

Illustration (sous-additivité) : Alice et Bob décorrélés ou anti-corrélés. Nous


considérons deux individus, Alice et Bob, se répartissant aléatoirement dans deux salles
en  = +1 et  = −1 de manière équiprobable : , +
 , 
= 

= 1∕2. L’entropie associée
à la distribution de la position d’Alice est  () = −  ln( 
=±   ) =  ln 2. De
même pour Bob :  ( ) =  ln 2.
La loi jointe pour les deux individus est notée , = Proba{Alice en  & Bob en }.
Par commodité, les quatre probabilités seront regroupées dans une matrice 2 × 2.
• Considérons d’abord la situation où Alice et Bob sont non corrélés (1ère situation
représentée dans le § p. 16). Nous choisissons la distribution (le « macroétat ») :
 
1 1 1
, ∶ (4.24)
4 1 1

64
2 Information et entropie statistique

autrement dit , = 


   avec 
 , 
= 1∕2. Alice et Bob se distribuent indépendam-
ment dans les deux salles. L’entropie du système complet est (  ) =  ln 4 =
 () +  ( ).
• Considérons maintenant la situation où Alice et Bob s’évitent (3ième situation
représentée dans le § p. 16), ce qui est décrit par la distribution (autre « macroétat ») :
 
1 0 1
, ∶ (4.25)
2 1 0
Remarquons que les lois marginales n’ont pas changé par rapport au cas précé-
dent, 
Alice et Bob occupent toujours les deux salles de manière équiprobable :

 = 
, = 1∕2. L’entropie de la loi jointe est maintenant (  ) =  ln 2.

L’interprétation est claire : puisque les deux individus sont parfaitement anti-corrélés
(si Alice est en  = +1, Bob va en  = −1, et réciproquement) on a simplement
(  ) =  () =  ( ) < () +  ( ) (en considérant séparément Alice et Bob
on perd l’information sur l’anti-corrélation).

Pour en savoir plus :


• La discussion du début du chapitre est inspirée de [33]. L’excellent article de Kirone
Mallick [27] sur les développements récents de la physique statistique hors de
l’équilibre donne un aperçu très synthétique sur la thermodynamique et la physique
statistique de l’équilibre.
• Une très belle discussion sur l’entropie est donnée dans le livre de Ma [26].
• Sur le lien entre théorie de l’information et physique statistique, on pourra consulter
le célèbre article de E. T. Jaynes [17]. Un ouvrage récent (très avancé) sur la physique
statistique et la théorie de l’information est celui de M. Mézard et A. Montanari [28].
• Chapitre III du livre de R. Balian [3].

65
Les points clés

1 Les différentes interprétations 3 La règle d’additivité (  ) =


de l’entropie  () +  ( ) si A et B sont
indépendants
2 La définition de l’entropie statis-
tique, équation (4.15).

Les annexes

A La méthode des multiplicateurs de Lagrange


La question. Trouver les points stationnaires d’une fonction  (1, ⋯ ,   ) de 
variables lorsque les variables ne sont pas indépendantes, mais liées par une contrainte

 (1 , ⋯ ,  ) = 0 . (4.26)

La méthode procède en trois étapes :


(1) On introduit la fonction
def
 ( 1, ⋯ ,   ) =  ( 1, ⋯ ,  ) +  ( 1, ⋯ ,  ) (4.27)

où  est un « multiplicateur de Lagrange ».


(2) On cherche les points stationnaires de  , en considérant les  variables comme
indépendantes. La solution est une fonction du multiplicateur : ∗1 (), ⋯ ,  ∗ ().
(3) On injecte la solution dans l’équation (4.26),  (∗1 (), ⋯ , ∗ ()) = 0, ce qui nous
donne une équation pour  dont nous notons la solution  .
(4) Conclusion : la solution du problème est ∗1 ( ), ⋯ , ∗ ( ).

Généralisation. En présence de  contraintes  ( 1, ⋯ , ) = 0, avec  ∈


{1, ⋯ , } on doit introduire  multiplicateurs de Lagrange  et appliquer la même
def 


logique à la fonction  ( 1, ⋯ ,   ) =  (1 , ⋯ ,  ) +   ( 1 , ⋯ ,  ).
=1

Illustration : principe d’entropie maximale et postulat fondamental. Nous cher-


Ω
chons le macroétat qui rend l’entropie statistique  (1 , ⋯ , Ω ) = − =1  ln 
maximum (on pose  = 1), où Ω est le nombre de microétats accessibles. La con-
Ω
trainte est ici la contrainte de normalisation =1 
 = 1. Appliquons la méthode :
def  Ω 
(1) On introduit la fonction auxiliaire (1 , ⋯ ,  Ω) =  (1, ⋯ ,  Ω)+ 1− =1   .

66
1 La méthode des multiplicateurs de Lagrange


(2) l’extremum de   est donné par  = − ln  − 1 −  = 0 pour 1 ⩽  ⩽ Ω, i.e.
 
toutes les probabilités sont égales − ln ∗ =  + 1 ∀ .

(3) On injecte la solution dans la contrainte : ∗ = Ω∗ = 1 i.e. parmi tous

les macroétats, celui qui maximise l’entropie est celui correspondant à la distribution
uniforme :
 ∗ = 1∕Ω (4.28)
(on obtient donc  + 1 = ln Ω).
On retrouve la distribution uniforme à partir d’un « principe d’entropie maximum »,
i.e. d’information minimale.

67
Entraînez-vous
Exercice 4.1 On considère une variable aléatoire continue  distribuée selon la loi  ().
Justifier que l’entropie de la loi peut être écrite comme
 = ln[1∕( )] (4.29)
(pour  = 1).

Déduire une estimation de l’entropie de la loi du demi-cercle () = 2 2 − 2 ∕(2).
Exercice 4.2 Entropie de Rényi
Une autre définition de l’entropie a été proposée par le mathématicien hongrois Alfréd Rényi
(1921-1970) :
def     

 ({}) =  ln  (4.30)
1− 
Quelle est la relation avec l’entropie de Gibbs-Shannon ? Montrer que l’entropie est maximum
pour la distribution uniforme et calculer max
 . Laquelle des propriétés importantes satisfaites
par l’entropie de Gibbs-Shannon n’est pas vérifiée par l’entropie de Rényi ? Avec quelle(s)
conséquence(s)?

68
Chapitre 5
Systèmes isolés à
l’équilibre – Postulat
fondamental

Introduire le postulat fondamental de la 1 La recherche d’un postulat


physique statistique (le « coeur » de la fondamental
théorie) 2 Postulat fondamental de la
Montrer le rôle central de l’entropie physique statistique
microcanonique 3 Relâchement de contraintes
Établir le lien avec les grandeurs 4 Irréversibilité
thermodynamiques (température,
pression ...)

1 La recherche d’un postulat fondamental

Dans ce chapitre et le suivant, nous allons construire explicitement les distributions {𝓁 }
dans l’espace des microétats, correspondant aux différents « ensembles de la physique
statistique ». Dans un premier temps, nous nous plaçons dans la situation la plus épurée,
cas d’un système isolé, ce qui va nous permettre d’introduire le postulat fondamen-
tal. Nous allons considérer une situation particulière dont l’analyse va nous permettre,
par induction, d’énoncer un principe qui transcendera cette expérience spécifique. Nous
nous plaçons ainsi dans une position analogue à celle de Galilée étudiant le mouve-
ment de divers objets au fond de la cale d’un bateau, observations qui le conduiront
à proposer le principe d’inertie de la mécanique classique. Nous analysons ici une ex-
périence numérique sur le gaz de sphères dures (choix naturel puisque le gaz sera notre
système modèle pour appliquer les nouveaux concepts rencontrés).

1.1 Le gaz de sphères dures et le problème de Sinai


Une description simplifiée d’un gaz atomique est de modéliser les atomes comme
des petites boules impénétrables (des « sphères dures ») de rayon fini . On prend ainsi
en compte la partie fortement répulsive de l’interaction entre atomes. Les sphères s’en-
trechoquent en permanence et frappent les parois du volume qui les contient. Un des
intérêts de ce modèle simplifié est de n’introduire aucune échelle d’énergie, puisque le

69
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

4R

Figure 5.1– Le gaz de sphères dures et le problème de Sinai.


À gauche : nous pouvons grossièrement modéliser un gaz atomique comme un gaz de
boules impénétrables (des « sphères dures ») de rayon , s’entrechoquant et frappant les
parois. À droite : une sphère, placée dans un environnement de quatre autres sphères
supposées immobiles aux coins d’un carré (problème de Sinai).

potentiel « inter-atomique » est soit nul soit infini : seule importe l’analyse des configura-
tions spatiales possibles, ce qui offre un avantage certain pour visualiser la dynamique
du système en profitant du découplage position-impulsion (figure 5.1). Ce problème
reste néanmoins extrêmement riche et difficile. Aussi nous allons encore le simplifier en
nous plaçant dans la situation bidimensionnelle, mais surtout en nous focalisant sur une
unique sphère, dont nous supposerons l’environnement gelé. Afin de « forcer le destin »
de cette sphère et induire de fréquentes collisions, nous la plaçons dans un carré de côté
égal à 4, aux coins duquel sont placées quatre sphères immobiles (partie droite de la
figure 5.1). Nous espérons ainsi rendre compte de l’histoire d’une sphère dure au sein du
gaz et de l’effet des collisions avec les autres particules. Après avoir ainsi drastiquement
simplifié le problème du gaz de sphères dures, nous allons pouvoir tirer des conclusions
simples à l’aide d’un petit programme simulant le mouvement de la sphère.

a) Première « expérience » numérique

y y y

x x x

Figure 5.2 – Ergodicité dans le problème de Sinai.


Trajectoire du centre de la sphère dure après 10, 50 et 500 chocs.

Nous lançons la sphère dans une direction quelconque et suivons le mouvement de


son centre de masse. La première partie de la figure 5.2 montre la trajectoire obtenue
après 10 chocs, la figure du centre après 50 chocs, et la figure de droite après 500 chocs.

70
1 La recherche d’un postulat fondamental

Après un temps assez long, la trajectoire a exploré tout l’espace que les contraintes lui
permettent de visiter. Autrement dit, la densité de probabilité  () pour trouver la sphère
en un endroit est non nulle partout où les contraintes stériques l’autorisent. Il nous reste
à déterminer la valeur de la distribution sur son support.

b) Mesure de la densité

Un autre programme nous fournit toutefois cette information : pendant un temps  , la


fraction du temps d (, ) passé par la trajectoire dans un petit élément de surface dd
est mesurée. Le résultat de la simulation numérique est représenté sur la figure 5.3
pour une trajectoire faisant 106 chocs. On observe que, dans la région accessible, le
temps de visite des cellules varie très peu : chaque cellule est visitée environ 400 fois,
à des fluctuations d’ordre ∼ 20 près (les fluctuations relatives diminueraient si l’on fai-
sait l’analyse statistique sur un temps  plus long). Nous pouvons finalement écrire
d (, )∕ = dd∕, où  est l’aire de la région accessible, i.e. la densité de proba-
bilité est uniforme : () = 1∕ pour  dans le domaine accessible (la zone sombre de
la figure 5.2) et () = 0 ailleurs.

400

300
y
200

100

0
x
Figure 5.3 – Ergodicité dans le problème de Sinai.
La densité de probabilité est uniforme dans la région accessible. (Remerciements à
Alberto Rosso pour les programmes python ; cf. l’ouvrage [20]).

Analysons l’impulsion : à chaque rebond, celle-ci change de direction, tout en gar-


dant le même module   = 0 (conservation de l’énergie cinétique). Une analyse
numérique montrerait que le vecteur  finit par couvrir uniformément le cercle de rayon
0 après un temps suffisamment long, i.e. sa densité de probabilité est ∝  (  − 0).
En conclusion, pour ce problème simplifié d’une sphère dans un espace bidimen-
sionnel, en interaction avec quatre sphères immobiles, l’espace des phases accessible
est visité uniformément. Le résultat des simulations numériques est compatible avec
la distribution dans l’espace des phases :


1
(,
 ) =  ( 2 − 20 ) pour  ∈ domaine accessible , (5.1)

qui exprime (Γ) = cste pour tous les Γ = (, ) autorisés.

71
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

Exercice 5.1
Vérifier la normalisation de (5.1).

Nous allons postuler que cette assertion reste vraie dans le cas général, pour tout
système avec de nombreux degrés de liberté, arguant que la complexité de la dy-
namique (chaos, interactions,...) favorise une exploration efficace de l’espace des phases
accessible. Le postulat sera validé par comparaison avec les expériences.

2 Postulat fondamental de la physique


statistique
2.1 La distribution microcanonique
a) Formulation classique

Considérons un système isolé de  particules, dont les microétats sont les points de
l’espace des phases, Γ = (1, ⋯ ,  , 1, ⋯ ,  ). Il sera plus commode (et plus physique)
de supposer que l’énergie n’est fixée qu’avec une précision  près. Si nous étendons le
résultat (5.1) au cas plus général, nous postulons que la densité dans l’espace des phases
est uniforme dans la région accessible de l’espace des phases :

 =  (, )
1  ⩽  + 
 si  ⩽  (Γ)
∗ (Γ) (5.2)
0 sinon

La constante assure la normalisation :  (,  ) est le volume de l’espace des phases
délimité par les deux contraintes  ⩽  (Γ) ⩽  +  (cf. figure 5.4). La dis-
tribution (5.2) est appelée la « distribution microcanonique », repérée par l’exposant
« ∗ ».
Γ2
ρ* (Γ) =cste

E H(Γ) =E+ δE
=
H (Γ)
Γ1

Figure 5.4
La densité de probabilité dans l’espace des phases est constante dans le domaine
accessible (la région entre les deux « surfaces » définies par ( Γ) =  et  (Γ) =  + ).

En pratique il est plus facile de commencer par calculer le volume de l’espace des
phases classique occupé par les microétats d’énergies inférieures à  :
 
 () =

d6 Γ H  −  ( Γ) , (5.3)

72
2 Postulat fondamental de la physique statistique

où  H() est la fonction de Heaviside. On déduit ensuite  (, ) ≃  ′( ) .
Exercice 5.2
Que devient (5.2) si  → 0 ?

b) Formulation quantique

La mécanique quantique nous offre la possibilité de dénombrer les microétats grâce


au caractère discret des états quantiques. Introduisons Ω(), le nombre de microétats
accessibles, i.e. dont l’énergie est  à  près). Il s’exprime en termes de la densité
d’états (introduite au chapitre 3) :

Ω() = ( )  (5.4)

La distribution microcanonique prend alors la forme

 1
 si  ⩽ 𝓁 ⩽  + 
𝓁∗ =  Ω() (5.5)
0 sinon

i.e. tous les microétats 𝓁 d’énergie  ⩽ 𝓁 ⩽  +  sont équiprobables. Retenons la


formulation générale du postulat fondamental :

Postulat fondamental de la physique statistique :


Tous les microétats accessibles d’un système isolé et à l’équilibre (macroscopique)
sont équiprobables.

Remarque 1 : Principe d’information minimale. Nous pouvons comprendre le


postulat fondamental comme une conséquence d’un principe d’entropie maximale (in-
formation minimale) puisque nous avons montré que la distribution uniforme est celle
qui maximise l’entropie. L’expression du postulat fondamental procède de la même
manière que la construction de la distribution pile = face = 1∕2 dans l’expérience de
pile ou face (§ 2.1 du chapitre 2) : en l’absence de toute information, nous supposons que
les probabilités d’occupation des microétats accessibles correspondent à la distribution
uniforme.

Remarque 2 : Correspondance classique – quantique. Dans le cas du gaz, la dis-


cussion du chapitre 3 sur la densité d’états (§ p. 47) nous permet d’établir la correspon-
dance précise entre les deux formulations. La règle semiclassique (3.27) nous a permis
d’établir une relation entre le nombre d’états quantiques, Φ( ) ou Ω( ) = ( ) , et
une information géométrique dans l’espace des phases dans lequel chaque état quantique
occupe un volume élémentaire  3 . Nous pouvons écrire Ω() =  ′( ) ∕( ! 3 ).

73
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

2.2 Entropie microcanonique

L’entropie (l’information manquante) de la distribution uniforme est simplement le


logarithme du nombre de microétats accessibles (chapitre 4). Puisqu’elle est associée à
la distribution microcanonique, nous appellerons

 ∗ () =   ln Ω() (5.6)

« l’entropie microcanonique ». Nous allons voir plus bas que cette fonction, qui dépend
en général des différents paramètres définissant le problème (volume  , nombre de par-
ticules  , etc) est la fonction fondamentale permettant d’obtenir les propriétés thermo-
dynamiques du système (c’est le sens du postulat fondamental de la thermodynamique
rappelé au début du chapitre 4).  ∗(,  ,  , ⋯) jouera le rôle de fonction génératrice
des propriétés thermodynamiques. Cette observation souligne le caractère remar-
quable de la relation fondamentale (5.6) qui relie Ω(), i.e. essentiellement la densité
d’états qui dénombre les microétats d’énergie , à des propriétés thermodynamiques
mesurables (équation d’état, coefficients calorimétriques, etc).

a) Hypothèse importante : interactions à courte portée et additivité

Dans les situations que nous allons considérer (gaz, solide, etc) les interactions entre les
constituants élémentaires du système ont une très courte portée. Deux exemples : dans
un gaz d’atomes, l’énergie potentielle d’interaction entre deux atomes décroît comme
−6 avec la distance (forces de van der Waals). Dans un métal, à cause de l’écran-
tage, l’interaction effective entre les électrons décroît exponentiellement sur une échelle
microscopique. Cette remarque assure que l’énergie et d’autres grandeurs physiques im-
portantes obéissent à des règles d’additivité. Discutons le cas de l’énergie : considérons
deux sous-parties S1 et S 2 d’un système S = S1  S2. Nous notons  1, resp.  2 ,
l’énergie de S1 , resp. S2. L’énergie totale de S doit aussi tenir compte de l’énergie
d’interaction entre les deux sous-systèmes :  = 1 + 2 + 1int ↔2 . Si les interactions
entre les constituants élémentaires ont une courte portée,1 on s’attend à ce que l’énergie
de chaque sous-système croisse proportionnellement au nombre de particules 1, 2 ∝ 
(supposé le même dans les deux sous-systèmes pour simplifier l’argument), alors que
l’énergie d’interaction ne fait intervenir que les particules à la surface entre les deux
sous-systèmes, i.e. int
1↔2
∝ 2∕3  1, 2 . Dans la limite où le nombre de particules est
macroscopique, on peut finalement écrire
 = 1 + 2 + int
1↔2
≃ 1 + 2 , (5.7)

ce qui assure l’additivité de l’énergie des sous-parties de tailles macroscopiques.

1. Une situation où cela n’est pas le cas : les systèmes de particules en interaction gravitationnelle.

74
2 Postulat fondamental de la physique statistique

Remarque : Sur le rôle des interactions. De nombreuses situations seront


analysées en négligeant les interactions entre constituants élémentaires (c’est le cas pour
le modèle du gaz parfait). Gardons en tête que les interactions sont cependant cruciales
pour permettre les échanges d’énergie entre sous-parties et assurer la thermalisation (i.e.
l’existence d’un état d’équilibre macroscopique).

b) Variables extensives et intensives : définitions

L’hypothèse d’interactions à courte portée nous permet d’introduire une distinction en-
tre deux types de variables : les variables extensives, comme l’énergie, le nombre de
particules ou le volume, qui croissent proportionnellement au nombre de constituants
élémentaires, et les variables intensives, comme la densité moyenne  =  ∕ , etc.
Dans le cas intermédiaire, si une grandeur croît comme  ∝  avec  ∈]0, 1[ ou
 ∝ ln , on dira que  est sous-extensif.
Par exemple, considérons un système deux fois plus grand : les variables extensives
sont doublées,  → 2 ,  → 2 ,  → 2 , etc, alors que les variables intensives sont
inchangées,  → ,  →  (température),  →  (pression), etc.

c) Extensivité de l’entropie

Considérons un système S séparé par la pensée en  sous-systèmes S1 ,..., S , de


dimensions macroscopiques (figure 5.5). L’hypothèse d’interactions à courte portée
nous permet de supposer que les sous-systèmes sont faiblement corrélés. En utilisant
la propriété d’additivité de l’entropie, éq. (4.22) du chapitre 4, nous pouvons écrire
 ∗ (S1  ⋯  S  ) ≈  ∗ (S1) + ⋯ +  ∗ (S ) . (5.8)

Si toutes les sous-parties sont équivalentes, on pourra écrire  ∗(S ) ≈  ∗ (S1), i.e.
l’entropie est une grandeur extensive. Étant fonction de deux grandeurs extensives,  et
, elle prend nécessairement la forme :
 


 (,  ) =  ×  (5.9)

où  () est une fonction d’une variable qui mesure l’entropie par sous-système, en
unité de  . Remarquablement, la propriété d’extensivité permet de réduire le nombre
d’arguments de la « fonction entropie » de deux à un.
Nous pouvons maintenant revenir sur le nombre de microétats accessibles, i.e. la
densité d’états. La propriété d’extensivité montre que la dépendance avec le nombre de
constituants élémentaires est exponentielle :
  

Ω(,  ) =  ( )  ∼ exp   , (5.10)

On pourra confronter cette structure à (3.28). C’est donc un nombre faramineux en
général (cf. § 1 du chapitre 8 sur les ordres de grandeur).

75
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

1 2 3
...

...
N

Figure 5.5
Un système S est subdivisé en  sous-systèmes S 1,..., S  de dimensions macro-
scopiques ; pour des interactions mutuelles à courte portée, les sous-parties sont
(quasiment) indépendantes.

Remarque. Si nous réintroduisons la dépendance dans le volume, également extensif,


nous obtenons la structure
 
 

 (,  ,  ) =  ×  , . (5.11)
 

d) Illustration 1 : Le cristal paramagnétique de spins 1/2

Dans un solide cristallin de  atomes formant un réseau cristallin, l’atome  porte un


moment magnétique, proportionnel au spin des électrons (ou au spin nucléaire) : 𝔪  () =
 (), où  est le facteur gyromagnétique [5, 35]. Pour simplifier, nous supposons ici que
le spin est égal à  = 1∕2. Le spin  peut se trouver dans deux états quantiques,  ↑  ou
 ↓  tels que  () = ±∕2 (cf. § 2.2 du chapitre 3). Les microétats du cristal sont donc des
états produits tensoriels que nous noterons  ↑ 1  ↓ 2  ↓  3⋯  ↑    ↑↓↓ ⋯ ↑ .
D’autre part nous négligeons les interactions entre les moments (le rôle des interactions
sera discuté au chapitre 10) et nous supposons le cristal soumis à un champ magnétique
 =  . Son énergie (magnétique) est



mag = −  = −  () (5.12)
=1

 =
où   () est l’aimantation totale. L’énergie de chaque spin peut donc prendre
𝔪

deux valeurs : ± = ∓ où   = ∕2 (i.e. 𝔪 = ±𝔪0 avec 𝔪 0 = ∕2). L’état où
def def

le moment magnétique est aligné sur le champ est donc plus favorable énergétiquement
(état  ↑  si   > 0). Ce problème est donc le plus simple auquel on puisse penser : un
ensemble de  systèmes à deux niveaux.
Nous avons étudié en détail la densité d’états du système (exercice 3.2), cependant
il est utile de reprendre rapidement l’analyse de Ω. Nous supposons que le cristal est
isolé, i.e. son énergie magnétique est fixée : mag = . Les nombres de spins dans
les deux états, notés respectivement + et  −, sont donc fixés par les deux conditions

76
2 Postulat fondamental de la physique statistique

1
 =  ++  − et  = (− + + − ) , d’où ± = ( ∓  ∕). Le nombre de microétats
2
accessibles correspond au nombre de manières de choisir + spins  ↑  parmi  , i.e Ω =
 
!∕  +! − ! . En utilisant la formule de Stirling (A.20), nous déduisons l’expression
de l’entropie microcanonique
∗ (, , ) ≃   ln  −  + ln  + −  − ln −
 
(5.13)
 
(1 − ) ln (1 − ) + (1 + ) ln (1 + )
=  ln 2 − (5.14)
2

où  = ∕( ) ∈ [−1, +1]. L’expression est manifestement extensive. L’entropie


def

varie entre min



= 0 et max

≃   ln 2 (figure 5.6). Discutons ce comportement :
• L’énergie minimale  = − correspond à un unique microétat (l’état fondamental
 ↑↑ ⋯ ↑  où tous les moments sont alignés sur le champ) : Ω = 1 ⇒  ∗ = 0. L’état
d’énergie maximale  = +  décrit la situation symétrique où tous les moments
sont anti-alignés sur le champ  ↓↓ ⋯ ↓ .
• La région des faibles énergies      , où l’entropie est maximale ( ∗ ∼  ),
est plus intéressante à discuter : par exemple, pour  = 0, il y a autant de moments
alignés et anti-alignés,  + = − =  ∕2. L’étude de la dynamique (en présence
de faibles interactions) montrerait que l’état du système évolue au sein de l’ensem-
ble des microétats accessibles : les spins échangent de l’énergie  ⋯ ↑ ⋯ ↓ ⋯  ↔
 ⋯ ↓ ⋯ ↑ ⋯  (ce qui respecte la contrainte  = cste). Le système est donc soumis
aux fluctuations thermiques, manifestation d’un effet entropique (l’existence d’un
nombre exponentiel d’états accessibles).

Figure 5.6 – Entropie du cristal paramagnétique (par spin).


La valeur max
∗ ≃   ln 2 mérite d’être commentée : elle correspond à l’en-
tropie des  spins lorsque les deux polarisations sont équiprobables, l’entropie du
cristal en l’absence de contrainte (Ω = 2 pour  = 0). À l’ordre dominant
(terme ∝ ), tout se passe comme si la contrainte  = 0 était oubliée. Un exa-
men plus détaillé montre quepour  = 0, le nombre de microétats accessibles est
 2
Ω = !∕ (∕2)! ≃ 2  2∕() (en utilisant la formule de Stirling). L’effet
de la contrainte se manifeste seulement sur le terme logarithmique sous dominant :

max ∕ ≃  ln 2 − (1∕2) ln(∕2).

77
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

Exercice 5.3
Donner le sens de  ↑ = +∕ et ↓ = − ∕ . Montrer que l’entropie par spin
def
 spin =  ∕ peut se mettre sous la forme
 
 spin = −  ↑ ln ↑ + ↓ ln ↓ (5.15)
Comparer avec la formule de Gibbs-Shannon (4.15).

e) Illustration 2 : Formule de Sackur-Tetrode (gaz parfait monoatomique)

Nous calculons maintenant l’entropie du gaz parfait de  atomes contenus dans une
boîte de volume  . Le calcul part de la densité d’états intégrée (3.28). Il est rendu très
direct grâce à l’observation suivante : l’entropie microcanonique (5.6) fait intervenir
le nombre de microétats accessibles Ω() = ( ) = Φ′ ( ). En utilisant que
l’exposant de Φ() ∝ 3∕2 est macroscopique,
  ∼  , nous
 pouvons écrire  ( ) =
3 3 3
Φ() ∝  2 −1, d’où  ∗ =  ln Φ() + ln . Si le premier terme est
extensif, ( ), nous constatons que le second terme est sous-extensif. On peut négliger
2 2

le second terme d’où


∗ ≃   ln [Φ()] pour  → ∞ . (5.16)
Finalement, d’après (3.28), on aboutit à
    
5   3∕2

 (,  ,  ) =   + ln (5.17)
2  32

où nous avons encore négligé un terme sous-extensif − ln( 6  ). On peut vérifier
que (5.17) présente les bonnes propriétés d’extensivité, discutées plus haut.
L’expression (5.17) a été obtenue en 1912 (indépendamment) par Otto Sackur et
Hugo Tetrode, en combinant des arguments théoriques et des données expérimentales
sur la vapeur de mercure. C’était une avancée remarquable pour l’époque, puisque (5.17)
est proposée à un moment où la mécanique quantique était encore dans les limbes (si les
premières idées quantiques datent du tout début du XXe siècle, la mécanique quantique
a émergé entre 1925 et 1927).

Remarque 1 : Validité de la formule de Sackur-Tetrode – régime dilué. L’ex-


amen de (5.17) permet d’identifier que sa validité est limitée. En effet, la formule
fondamentale de Planck-Boltzmann  ∗ =   ln Ω fait intervenir un entier Ω, ce qui
montre que l’entropie est nécessairement positive ∗ ⩾ 0 (cf. § 2.4 du chapitre 4). Or
(5.17) ne satisfait cette propriété que dans un régime de basse densité et haute énergie,
 3∕2
appelé limite diluée, pour laquelle ( ∕ ) ∕(32)  1. Ce point sera clarifié
dans la troisième partie du livre où nous montrerons que lorsque cette condition n’est pas
satisfaite, le système est dans un régime dominé par l’effet des corrélations quantiques
(postulat de symétrisation).

78
3 Relâchement de contraintes

Remarque 2 : Mieux que la thermodynamique !. Nous pouvons comparer (5.17)


avec le résultat obtenu dans le cadre de la thermodynamique. Des considérations
générales permettent de montrer dans ce cadre que l’entropie du gaz parfait classique est
     
de la forme (,  ,  ) =  ln + 0 . La thermodynamique, qui permet
 
de construire un modèle phénoménologique, ne donne cependant aucune indication sur
la valeur de l’exposant , ni sur la constante 0, qui doivent être déduits de l’expéri-
ence. À l’inverse, la physique statistique a fourni les outils pour passer de la description
microscopique aux propriétés macroscopiques et prédire l’exposant  et la constante 0.

3 Relâchement de contraintes

Maintenant que nous avons défini une procédure pour calculer l’entropie microcano-
nique  ∗ à partir de la description microscopique (essentiellement encodée dans la
densité d’états), la question que nous allons maintenant aborder est de savoir comment
extraire l’information physique « intéressante » de cette fonction fondamentale. Par ex-
emple, dans le cas du gaz décrit par la formule de Sackur-Tetrode (5.17), comment
déduire son équation d’état, ses coefficients calorimétriques, etc ?

Définition : Variables externes et variables internes


Nous n’avons pour l’instant introduit que des variables fixées caractérisant le sys-
tème isolé : son énergie, le nombre de particules, etc. On parle de « variables
externes ». On peut aussi considérer des variables macroscopiques fluctuantes ,
comme le nombre d’atomes de la figure 3.1, ou l’énergie du système S1 dans le
problème du contact thermique (figure 5.7). Dans ce cas on parle de « variables
internes ».

3.1 Contact thermique – Température


a) Position du problème

Considérons deux systèmes S 1 et S 2 initialement isolés dont les énergies sont re-
spectivement  (1) et 2() (figure 5.7). Chaque système est caractérisé par sa « fonction
entropie » ∗1 ( 1) =  ln Ω 1( 1) et  ∗2(2 ) =  ln Ω 2(2 ), où Ω1, 2 sont les nombres
d’états accessibles des systèmes lorsqu’ils sont isolés. À un certain instant on les met
en contact thermique (la paroi isolante devient une paroi « diatherme » laissant passer
la chaleur), puis on laisse évoluer le système S = S 1  S2 vers l’équilibre macro-
scopique.2 Lorsqu’ils sont en contact, les systèmes échangent de l’énergie, 1 et 2

2. Dans la pratique, il suffit de mettre en contact deux corps, puis d’attendre suffisamment longtemps
car les échanges de chaleur mettent en jeu des processus de diffusion assez lents à l’échelle macro-
scopique.

79
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

deviennent des variables internes, bien que l’énergie totale  = (1) + 2() =  1 +  2
reste fixée (avant et après le contact), puisque l’ensemble reste isolé.

1 2 1 2

δE

Figure 5.7 – Contact thermique.


Deux systèmes initialement isolés sont mis en contact thermique ; ils peuvent alors
échanger de l’énergie.

L’hypothèse d’interactions à courte portée simplifie le problème du comptage des


états accessibles : puisque l’énergie 1 de S 1 est indépendante de l’état de S2 , ceci
reste vrai pour le nombre de microétats accessibles Ω1(1 ). Avant le contact thermique,
les deux énergies sont fixées et le nombre de microétats accessibles de S1  S2 est

Ω12 = Ω1 ( (1) ) Ω 2(2() ). Après le contact, dans le nouvel état d’équilibre, 1 et  2
 avant
sont des variables internes et nous devons additionner tous les nombres Ω1 (1 ) Ω 2(2)
compatibles avec la contrainte 1 + 2 =  :

Ω12 () = Ω 1( 1) Ω2 ( − 1) . (5.18)
1

Clarifions le sens de la somme discrète sur l’énergie, en principe une variable continue.
La densité d’états de S s’exprime comme une convolution des densités d’états des


deux sous-systèmes : 12 () =  ( − 𝓁1 − 𝓁2 ) = d1 d2  ( − 1 −
𝓁1 , 𝓁2
 

2 )  (1 − 𝓁1 )  (2 − 𝓁 2 ) = d1 1 (1 ) 2( −  1 ). Nous déduisons
𝓁1 𝓁2

d1
  1 1 2
def
Ω 12( ) = 12 ( )  = Ω ( ) Ω ( −  1) . (5.19)


« 1 »

b) Entropie réduite et distribution de  1

Nous étudions la distribution de l’énergie 1 (la variable interne). Nous utilisons le


postulat fondamental : les Ω 12 microétats de S1  S2 sont tous équiprobables, oc-
cupés avec probabilité 𝓁∗ ,𝓁 = 1∕Ω12 . Parmi ceux-ci, Ω1(1) Ω 2( −  1 ) microétats
1 2
correspondent au cas où S1 a une énergie 1 . Nous déduisons donc la distribution de
l’énergie de S1 :
 
Ω 1 (1) Ω 2( −  1) 1
∗ (1;)− ∗12( )

P (1 ) = =e 
, (5.20)
Ω12 ( )

80
3 Relâchement de contraintes

où nous avons introduit l’entropie réduite :


def
 ∗( 1;  ) =  ∗ (1 ) +  ∗( − 1 ) ,
 (5.21)
1 2

qui correspond à l’entropie de


S1  S2, lorsque 1 est fixée. La condition de normali-
sation de (5.20) est évidente P ∗ (1) = 1. Rappelons que l’additivité des entropies
1
repose sur l’hypothèse d’interaction à courte portée. Comme nous l’avons vu, les nom-
bres d’états accessibles Ω1, 2 sont typiquement exponentiels en fonction du nombre de
constituants élémentaires. D’autre part ils sont en général des fonctions croissantes de
l’énergie (bien qu’il y ait des contre-exemples, nous allons faire cette hypothèse pour
simplifier l’argumentation). La probabilité3 P ∗ ( 1) ∼ exp[∗ ∕] est donc propor-
tionnelle au produit d’une fonction Ω1 (1) de 1, très rapidement croissante, et d’une
fonction Ω2 ( − 1 ) très rapidement décroissante (figure 5.8). Nous notons max 1
la
valeur de 1 pour laquelle les variations des deux fonctions se compensent, ce qui
correspond au maximum de P ∗(1 ), et aussi de l’entropie réduite :
 ∗ max 1∗ ∗2
( ; ) = 0 , i.e. max
( ) = ( − 1max) . (5.22)
 1 1 1 1 2
Cette condition permet de trouver la valeur de  max
1
la plus probable caractérisant
l’équilibre macroscopique.

c) Température microcanonique

La discussion de l’équilibre après contact thermique a une histoire dans le cadre de


la thermodynamique : il est bien connu qu’il correspond à l’égalité des températures,
où celle-ci peut être reliée
 à l’entropie
 grâce à l’égalité fondamentale de la thermody-
namique (4.2) :  =  ∕   , . La correspondance entre la physique statistique et
la thermodynamique (dans une limite qui reste à préciser), nous conduit à introduire la
définition :4

1 def ∗ ( )
= (5.23)
 ∗ ( ) 

Il s’agit de la température absolue (introduite en 1848 par William Thomson, futur


Lord Kelvin), dont le zéro correspond à −273.15 oCelsius. Nous appelons  ∗ la « tem-
pérature microcanonique », puisqu’elle est définie à partir de l’entropie microcanonique
associée à une distribution { 𝓁∗} particulière. Un autre choix de macroétat {𝓁} serait

3. Combinée aux propriétés d’extensivé de l’entropie, la forme P∗ ( 1 ) ∼ exp[ ∗ ∕ ] illustre que
l’entropie s’interprète comme une fonction de grande déviation (cf. annexe B du chapitre 2 page 27).
4. Remarque sur les notations : dans le cadre de la thermodynamique, il est conventiel d’écrire ce type
de relation 1∕ = ( ∕) , . Dans le cadre de la physique statistique, l’entropie microcanonique
est naturellement une fonction de  ,  ,  (système isolé) et il sera donc superflu de préciser que la
dérivation partielle de  ∗ se fait à  et  fixés.

81
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

caractérisé par une autre fonction entropie et conduirait à une autre définition de la
température a priori. La question de l’équivalence des propriétés thermodynamiques
associées à différents macroétats (« ensembles ») sera discutée au chapitre 7.
(i)
E2
E2
~
(i) (f) S *( E1;E )

S *1 (E1)

S *2 (E−E1 )
(i) max E1
E1 E1

Figure 5.8 – Contact thermique.


À gauche : Nombres de microétats accessibles des sous-systèmes en fonction de  1 et
distribution de l’énergie. À droite : L’entropie réduite atteint son maximum.

d) Condition d’équilibre thermique, fluctuations et stabilité

Nous pouvons maintenant réécrire la condition d’équilibre (5.22) à l’aide des tempéra-
tures microcanoniques des deux sous-systèmes :

∗1 (max
1
) = 2∗ ( − 1max ) (condition d’équilibre thermique) (5.24)

Nous ne devons pas oublier que cette équation ne définit que la valeur la plus prob-
able de la variable interne 1 , qui est sujette à des fluctuations. Le développement de
l’entropie réduite au voisinage de son maximum prend la forme
2  ∗
∗ ( max; ) + 1    (1 −  max) 2 ,
∗(1 ; ) ≃  (5.25)
1 1
2 2  max
1 1

que nous pouvons injecter dans l’expression de la distribution (5.20), ce qui appelle
plusieurs remarques.
Tout d’abord l’existence d’un équilibre stable exige que  max 1
soit un maximum de
l’entropie réduite. Puisque cette propriété est vraie dans toutes les situations, elle l’est
notamment si 1∗ =  ∗2 , i.e. c’est une propriété générale de l’entropie microcanonique,
qui implique que la température est une fonction croissante de l’énergie

2 ∗ ∗
<0 ⇒ >0 (5.26)
 2 

On peut mettre cette remarque en relation avec la propriété générale (4.17).


Si nous négligeons les termes suivants du développement (5.25), nous concluons que
la distribution de 1 est gaussienne (manifestation du théorème de la limite centrale),

82
3 Relâchement de contraintes


cf. figure 5.8. Sa variance est contrôlée par 2 ∗∕12  max . À ce stade il est intéres-
1
sant de clarifier le sens physique de la dérivée seconde : nous reconnaissons la capacité
calorifique à volume constant, définie dans le cadre de la thermodynamique comme
def  
  =  ∕   , . Pour assurer la correspondance avec la thermodynamique, nous
posons la définition suivante de la capacité calorifique microcanonique
def 1 1
∗ = = − . (5.27)
 ∗∕ ( ∗) 2 2  ∗ ∕2
La capacité calorifique caractérise la capacité du système soumis à un accroissement
de température à augmenter son énergie,  ≃ ∗  (à  et  fixés). La stabilité de
l’équilibre implique donc la positivité de la capacité calorifique.5
Reprenons l’analyse de la distribution : en introduisant le développement  (5.25)
dans (5.20) et en comparant à la structure générique P (1 ) ∝ exp − (1 −

1max)2 ∕(2Var(1 )) , nous obtenons


 −1   −1
∗ 
2   21∗ max  2∗2
Var(1) =   −  =  − (1 ) − ( − 1max) .
2  max
 1  1 1 2
22

(5.28)
D’après (5.27), on peut encore exprimer la variance en termes des capacités calorifiques
 ∗ 1 et ∗ 2 des deux sous-systèmes :

  −1
 2 1 1
 1 = Var( 1) =   ∗ 2 ∗
+ ∗ (5.29)
 1   2

Cette expression montre que les fluctuations de l’énergie sont essentiellement contrôlées
par le système ayant la plus petite capacité calorifique :

 1 ≃    ∗ ∗ 1 ∕ pour ∗ 1   ∗ 2 . (5.30)

Ce type de relation est intéressant : il établit le lien entre les fluctuations d’une grandeur
et un coefficient calorimétrique. On rencontrera d’autres exemples de ce type plus loin.

Définition de la limite thermodynamique. Considérons la limite où le nombre de


particules  est macroscopique : l’entropie et l’énergie sont des quantités extensives,
1∗,2 ∝  et  1,2 ∝  ; l’expression (5.28) montre donc que 1∕Var(1) ∝  ∕ 2

i.e.  1 ∝  (plus simplement : les capacités calorifiques sont des quantités exten-

sives). La variance est donc extensive, i.e. l’écart-type 1 ∼  est sous-extensif : les

5. Notons que ces propriétés reposent sur l’hypothèse d’interactions à courtes portées, centrale dans
l’analyse du contact thermique. Lorsque cette hypothèse n’est pas satisfaite, il est possible de trouver
des situations où ∗ < 0.

83
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

fluctuations relatives tendent donc vers zéro


1 
∝ 1∕  ⟶ 0. (5.31)
1max →∞

La limite  → ∞, où l’on peut négliger l’existence des fluctuations, est appelée la


limite thermodynamique.

e) Augmentation de l’entropie et sens des échanges d’énergie

La discussion a montré que l’entropie augmente lors du relâchement de contrainte, ce


qui est une manifestation de l’irréversibilité. Calculons l’entropie finale, après établisse-
ment du contact thermique : notre point de départ est l’expression (5.19), dans laquelle
nous faisons apparaître l’entropie réduite :
 
d1 1  ∗1( 1)+∗2 ( − 1 ) d1  1  ∗(1 ; )
   
Ω12 () = e  = e . (5.32)

La somme est dominée par le voisinage de max 1


, la valeur qui maximise l’argument de
l’exponentielle. En injectant le développement (5.25) (équivalent à la méthode du col,
cf. annexe B.1 du chapitre 2),

    1 ∗ ( max ; )
1 
 2  1  ∗ max
 ( 1 ; )
Ω12 () ≃ e = 2 1 e   1
(5.33)
  − 2 ∗ ( max;  )


2 1
1

où nous avons utilisé (5.28) et (5.29). On déduit l’expression de l’entropie totale du


système ∗12() =  ln Ω 12( ) :
entropie due aux fluctuations de  1 :
entropie pour  1 fixée : (ln )
( ) 
  
2  1
∗ ∗ max ∗ max
 12() =  1 (1 ) + 2 ( −  1 ) +   ln (5.34)

Le terme lié aux fluctuations de 1 traduit le manque d’information sur la variable
interne, qui n’est pas exactement fixée. À la limite thermodynamique,  → ∞, on
peut négliger cette dernière contribution : l’entropie coïncide avec l’entropie réduite
1∗2 () = ∗ (1max;  ) et l’on retrouve la règle d’additivité de l’entropie :

∗12 () = ∗1 (1max) + 2∗ ( − 1max) à la limite thermo (5.35)

où 1max est la solution de (5.24).


Exercice 5.4
Calculer explicitement  1 dans le cas de deux gaz parfaits. Vérifier que le dernier
terme de (5.34) est bien (ln  ).

84
3 Relâchement de contraintes

Les fonctions  1∗(1) et  2∗( −  1) sont respectivement croissante et décroissante


en fonction de  1 et s’intersectent pour 1 =  max1
. La figure 5.9 illustre que le sys-
tème ayant initialement la température la plus haute cède de l’énergie à celui ayant
initialement la température la plus basse (figure 5.9).
(i)
E2 E2
(i)
T2* (i)
T1*(E1 )
(f)

T2*( E−E 1)
T1* (i) (i)
E1
(i) max
E1 E1

Figure 5.9 – Le sens des échanges d’énergie est gouverné par les températures initiales.

f) Conclusion
En conclusion, nous pouvons formuler le « théorème » suivant qui nous permet de
caractériser le nouvel équilibre (figure 5.8) :

Lorsqu’une contrainte est relâchée dans un système isolé, celui-ci évolue spon-
tanément vers un état d’équilibre macroscopique qui maximise son entropie.

g) Illustration 1 : Gaz parfait monoatomique


Partant de l’entropie (5.17),  ∗ = (3 ∕2) ln  + (⋯), nous obtenons la température
microcanonique du gaz parfait :
1 2
∗ = ∗ = . (5.36)
 ∕ 3
Elle est indépendante du volume. Nous pouvons inverser la relation et écrire  =
(3∕2)  ∗ . Nous obtenons la capacité calorifique ∗ = (3∕2) .

h) Illustration 2 : Cristal paramagnétique et températures (absolues)


négatives
L’application de ces idées au cas du cristal paramagnétique mérite une discussion plus
approfondie. Il est commode d’introduire une notation pour l’inverse de la température
def
 ∗ = 1∕( ∗ ). On peut dériver facilement (5.13) en utilisant d = ∓2d± , d’où
 1− def 
2 ∗  = ln + = ln où  = ∈ [−1, +1] . (5.37)
− 1+ 
Cette fonction varie continûment de +∞ à −∞ (figure 5.10). Pour  = − on a  ∗ =
+∞ ( ∗ = 0 + ), ce qui correspond à l’aimantation maximale  = ∕(−) =  𝔪0 ,
def
où 𝔪 0 = ∕2), i.e. tous les spins alignés sur le champ magnétique :  ↑↑ ⋯ ↑ . Pour

85
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

 = +, i.e.   = −𝔪0 , tous les spins sont anti-alignés sur le champ  ↓↓ ⋯ ↓ ,
on a  ∗ = −∞ ( ∗ = 0− ).
β*=1/(k BT * ) T*

-1.0 -0.5 0.5 1.0


E/(N εB ) -1.0 -0.5 0.5 1.0
E/(N ε B)

Figure 5.10
def
Inverse de la température  ∗ = 1∕(  ∗) et température microcanonique pour le cristal
paramagnétique.

La température est donnée par l’inverse de (5.37) :

 ∗(, , ) =
2∕ 
  −  (5.38)
ln  +

et présente donc une discontinuité autour de  = 0 ; elle est positive pour  < 0 et
négative pour  > 0 (rappelons que  ∗ = 0 K est le « zéro absolu »). L’existence de
températures (absolues) négatives, démontrée expérimentalement (figure 5.11), vient ici
simplement du comportement non monotone de l’entropie microcanonique (figure 5.6).
Cette propriété a pour origine une propriété du modèle assez atypique : le cristal possède
un nombre fini de microétats, égal à 2 , et le spectre des énergies est borné supérieure-
ment  ∈ [− , +]. Le sens des températures absolues négatives est discuté
dans les exercices 5.6 et 5.7, dans lesquels nous montrons que les températures absolues
négatives sont plus chaudes que les températures absolues positives.
Pour finir, remarquons que la discontinuité de la température, qui passe de ∗ =
+∞ à  ∗ = −∞, est uniquement liée à l’usage de quantifier l’agitation thermique à
 
l’aide de  ∗ = 1∕  ∗ ∕ . Si les thermomètres donnaient plutôt une mesure de ∗ =
(1∕ )∗ ∕, il n’y aurait pas cet inconvénient (figure 5.10).

T* >0
Mz
T *<0
t
1 min
T *=+ −

Figure 5.11 – Température (absolue) négative.


L’aimantation nucléaire   = ∕(−) d’un cristal de LiF est mesurée toutes les 30 secon-
des. Le premier pic correspond à l’état normal ( ≃ 300 K) puis le champ est inversé pour
mettre le cristal dans un état de température  ≃ −350 K. Le cristal retourne progressive-
ment à l’état de température positive (en passant par  = ∓∞) en se thermalisant avec
l’environnement. Données tirées de E. M. Purcell & R. V. Pound, « A nuclear spin system
at negative temperature », Physical Review 81, p. 279 (1951).

86
3 Relâchement de contraintes

Exercice 5.5 Compétition énergie/entropie


Exprimer ↑ et ↓ définies dans l’exercice 5.3 comme des fonctions de  ∕(  ∗).
Interpréter le résultat comme une fonction de la température.

3.2 Échange de volume – Pression


a) Position du problème

Considérons le problème de la détente de Joule (figure 5.12). Deux gaz occupent deux
parties d’un récipient séparées par une paroi isolante (« adiabatique »), bloquée par un
() ()
taquet. Le volume total est  = 1 + 2 . À un instant on retire le taquet pour permettre
à la paroi de se déplacer librement. On permet également aux systèmes d’échanger de
l’énergie, i.e. la paroi devient « diatherme ». Les énergies 1 et 2 ainsi que les volumes
1 et 2 deviennent alors des variables internes, avec les contraintes  = 1 +  2 et
 = 1 + 2 .

=0 =0+   equil.


Figure 5.12 – Détente de Joule.
À un instant initial,  = 0, on libère la paroi, puis on attend jusqu’à ce que l’équilibre
(macroscopique) s’établisse.

b) Condition d’équilibre et pression microcanonique

L’analyse est analogue à celle de l’échange thermique, à la différence près que l’on
doit maintenant introduire une entropie réduite fonction de deux variables internes
∗ (1, 1; ,  ) =  ∗1 (1,  1) + 2∗( − 1 ,  − 1 ). Nous avons discuté le prob-
lème du contact thermique avec un luxe de détails, aussi serons-nous ici beaucoup plus
brefs. D’après le « théorème » de maximisation de l’entropie, la condition d’équilibre est
∗1 max max 2∗
( 1 , 1 ) = ( − 1max ,  − 1max) (5.39)
1  2
∗1 max max 2∗
( , 1 ) = ( − 1max ,  − 1max) . (5.40)
 1 1  2
Nous savons par ailleurs que l’équilibre mécanique est un équilibre entre forces, i.e.
entre pressions. Nous définissons donc la pression microcanonique en accord avec la

87
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

définition de la thermodynamique, éq. (4.2) :

∗ def ∗
= (5.41)
∗ 

(bien que nous omettions les arguments de  ∗ et ∗ , ce sont bien entendu les mêmes
arguments que ceux de l’entropie microcanonique ∗ (,  ,  , ⋯)). La condition
d’équilibre prend finalement la forme

1∗ =  2∗ et ∗1 = ∗2 (condition d’équilibre) (5.42)

On pourra vérifier que le sens de l’échange de volume est le suivant : le système


ayant la pression la plus basse cède du volume à celui ayant la pression la plus haute
(figure 5.12).
 2 ∗
La stabilité de l’équilibre est à nouveau assurée par la propriété de concavité <
 2
0 (voir l’équation (4.17) dans le chapitre 4). Nous déduisons que la pression microcanon-
∗
ique est une fonction décroissante du volume (à  et  fixés), < 0, ce que nous

def  −1
pouvons relier à la positivité de la compressibilité isotherme  = −  ∗ ∕ .

c) Illustration : Pression du gaz parfait (équation d’état)

Nous pouvons injecter la formule de Sackur-Tetrode (5.17) dans la définition de la pres-


sion. Remarquons toutefois que l’expression complète de l’entropie n’est pas nécessaire.
Il nous suffit de remarquer que, pour des particules non corrélées (gaz parfait classique)
le nombre de microétats dépend du volume comme
Ω∝ (5.43)
et par conséquent  ∗ =   ln  + (⋯). Il s’ensuit immédiatement que ∗ =
 ∗∕ , autrement dit nous avons retrouvé l’équation d’état du gaz parfait classique :
la loi de Boyle-Mariotte ou loi universelle des gaz parfaits (classiques)

∗  =   ∗ (5.44)

Le point remarquable est l’universalité de ce résultat, indépendant des détails micro-


scopiques (nature du gaz) et même des détails du modèle. Nous verrons au chapitre 8
qu’elle s’applique également à des gaz parfaits moléculaires. Ses limitations vien-
dront de la présence des corrélations, soit à cause d’effets quantiques (postulat de
symétrisation, chapitre 11) soit sous l’effet des interactions (gaz réels, chapitre 8).
En utilisant l’expression de la température, nous pouvons finalement exprimer la
pression en termes des paramètres fixés dans l’ensemble microcanonique :
2
∗ (,  ,  ) = , (5.45)
3

88
3 Relâchement de contraintes

qui est indépendante du nombre de particules. Cette écriture de la pression est une forme
non universelle (le facteur 2∕3 est une propriété du gaz monoatomique non relativiste).
Toutefois, la relation (5.45) est plus générale qu’il n’y paraît : dans le problème 5.1
page 98, nous montrons qu’elle n’est pas affectée par les corrélations quantiques et décrit
aussi bien le régime classique que le régime quantique.

d) Détente de Joule avec une paroi adiabatique

La détente de Joule avec une paroi adiabatique est plus délicate à discuter (cf. [8] ; ex-
ercice II.16 de [15]). Même si les deux systèmes ne peuvent pas échanger de chaleur
à travers la paroi, ils peuvent échanger du travail : les variations d’énergies et de vol-
umes ne sont pas indépendantes. Montrons que l’équilibre est encore caractérisé par
la condition d’égalité des pressions. Pour cela nous supposons que le système est dans
son état d’équilibre et cherchons une propriété permettant de définir cet équilibre. Si
l’on écarte le piston de section  d’une distance infinitésimale d, la variation de l’én-
ergie du gaz 1 est donnée par le travail des forces exercées sur le piston (par le gaz 2) :6
-
1 = −2→1d = − 2d 1 où d 1 = d. De même d 2 = −1 d2 . Les
∗ ∗
d1 = d
variations d’énergies et de volumes ne sont pas indépendantes. La variation d’entropie
(réduite) est donc complètement contrôlée par d1 = −d2 :
 
1 ∗1 1  ∗2 1 1
d = d 1 + d 2 = ∗ d1 + ∗ d1 + ∗ d2 + ∗ d 2 =
∗ ∗ ∗

+ ∗ ( ∗1 − ∗2 )d1 .
1 1 2 2 1 2
L’équilibre correspond au maximum de l’entropie (réduite), i.e. ∗1 =  ∗2. Cependant,
cette condition ne suffit pas à déterminer complètement l’état d’équilibre : on doit déter-
miner quatre inconnues, 1 , 2,  1 et 2 , alors que nous ne disposons que de trois
équations,  1 + 2 =  ,  1 + 2 =  et ∗1 (1 , 1 ) = ∗2 (2 , 2 ). L’état d’équilibre
dépend des détails de la dynamique au cours de la transformation.

3.3 Échange de particules – Potentiel chimique


Enfin, sans le détailler puisque la logique est encore similaire, nous pouvons consid-
érer une situation où les deux systèmes échangent des particules. Nous suivons encore
une fois le même raisonnement que dans les deux sections précédentes. On relâche
une contrainte sur le nombre de particules de chaque sous-système, le nombre total
 = 1 + 2 restant conservé. En définissant le potentiel chimique microcanonique

∗ def  ∗
=− (5.46)
∗ 

6. Rappelons que le travail reçu par un système est le travail des forces extérieures. Pour un gaz séparé
- = −ext d où  ext est la pression extérieure.
de l’extérieur par un piston, le travail infinitésimal est d
Si la transformation est réversible, i.e. le système passe par une succession d’états d’équilibre, il y a
- rev = − d .
égalité entre pressions intérieure et extérieure  = ext et on a d

89
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

puis en maximisant une entropie réduite, on arrive à la condition d’équilibre ∗1 ∕1∗ =
∗2 ∕2∗. Si l’on échange des particules, on échange également de l’énergie, et donc
l’équilibre est également caractérisé par l’égalité des températures [8]

1∗ =  2∗ et ∗1 =  ∗2 (condition d’équilibre) (5.47)

Ces relations nous permettent de comprendre le sens physique du potentiel chimique :


le « paramètre conjugué de  » joue le même rôle qu’une « pression », mais pour les
populations de particules. On vérifie que les particules se déplacent du système ayant
initialement le potentiel chimique le plus élevé, vers celui ayant le plus bas (figure 5.13).
μ*1 ~ ln n1 μ *2 ~ ln n2

Figure 5.13 – Interprétation physique du potentiel chimique.


Les personnes serrées dans le wagon de gauche préfèreraient se distribuer plus uni-
formément dans les deux wagons si ceux-ci communiquaient (avec un peu d’abus, on
interprète cela à l’aide du comportement du potentiel chimique du gaz parfait en fonc-
tion de la densité  ∗ ∼ ln  : les individus vont de la zone de fort potentiel chimique à
celle de bas potentiel chimique).

Illustration : potentiel chimique du gaz parfait monoatomique

Nous calculons le potentiel chimique à partir de la formule de Sackur-Tetrode :


  3∕2     3∕2
2  3 2  2 2

 ∗ (,  ,  ) = ln =   ∗ ln . (5.48)
3      ∗

Étant une grandeur intensive, ∗ est en fait seulement fonction des deux rapports  ∕
et  ∕ . Il fait intervenir le même logarithme que l’entropie (5.17),  ∗ = (5∕2) −
 ∗∕ ∗ . Puisqu’elle est dérivée de la formule de Sackur-Tetrode, la validité de cette
  3∕2
expression est également limitée au régime dilué ( ∕ ) ∕(3 2 )  1.

3.4 Résumé
Nous résumons les conclusions des trois sections précédentes dans le tableau 5.1.
Les différentes définitions (température, pression et potentiel chimique, etc) peuvent être
facilement retrouvées en utilisant la correspondance avec la thermodynamique. Si nous
partons de l’égalité fondamentale

d =  d −  d +  d + ⋯ (thermodynamique) (5.49)

90
4 Irréversibilité

Tableau 5.1
Grandeur Force Équilibre Sens
conjuguée thermo. des échanges (∗)
1  ∗ energie
Énergie  =  ∗1 = 2∗ si 1∗() > 2∗ () S1 ⟶ S2
∗ 
∗  ∗ volume
Volume  = 1∗ =  2∗ &  ∗1 = ∗2 si  ∗1() > ∗2() S 1 ⟵ S 2
 ∗ 
∗  ∗ particules
# de particules  = − 1∗ =  2∗ & ∗1 = ∗2 si  ∗1 () > ∗2 () S1 ⟶ S 2
∗ 
(∗)
: les sens d’échange de volume et de particules sont donnés en supposant égalité des
températures initiales  ∗1 () =  2∗ ().

La correspondance entre physique statistique et thermodynamique permet de donner un


sens aux dérivées partielles de l’entropie microcanonique  ∗(,  ,  , ⋯) (la fonction
fondamentale dans l’ensemble microcanonique)
1 ∗ ∗
d ∗ = ∗ d + ∗ d − ∗ d + ⋯ (physique statistique) . (5.50)
  

4 Irréversibilité
Avoir compris comment établir le lien entre les lois de la mécanique newtonienne, et les
lois de la thermodynamique est probablement le succès le plus remarquable de Boltz-
mann. Sa démarche a cependant rencontré une forte opposition parmi les physiciens
contemporains et certaines objections de l’époque sont restées aujourd’hui sous le nom
de « paradoxes ». Nous en évoquons deux dans cette section.

4.1 Paradoxe de l’irréversibilité


Une première critique, connue sous le nom de « paradoxe de l’irréversibilité », est due
à Thomson et Loschmidt (1874-1876) : puisque les lois de la mécanique newtonienne
sont parfaitement réversibles dans le temps, i.e. l’évolution obtenue en faisant  → − est
tout aussi acceptable, comment se fait-il que des phénomènes d’irréversibilité émergent
au niveau macroscopique ? Autrement dit, d’où vient l’asymétrie entre le passé et le
futur ? Par exemple, une goutte de colorant se dilue dans un liquide, mais on n’observe
jamais qu’elle se re-concentre en un point. Nous n’allons pas répondre à cette question
profonde ici, mais seulement clarifier ce que représente la notion d’irréversibilité dans
le cadre de la physique statistique à l’équilibre.
Les différents exemples de relâchement de contraintes que nous avons analysés nous
ont montré que l’évolution spontanée du système isolé s’accompagne d’une augmen-
tation de l’entropie (cf. figure 5.8 par exemple). C’est l’essence du second principe de
la thermodynamique. Pour comprendre plus précisément l’origine de l’irréversibilité,
nous considérons un autre cas précis : un récipient est séparé en deux volumes égaux
()
par une paroi amovible. Un volume contient initialement 1 =  molécules alors que

91
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

l’autre est vide  (2) = 0. À un instant on retire la paroi, les molécules se répartissent
rapidement dans les deux volumes (figure 5.14). Puisqu’elles se déplacent dans tous les
sens aléatoirement, le nombre de molécules 1 est une variable interne (fluctuante), qui
vaut en moyenne ∕2. Une molécule ayant une probabilité 1∕2 de se trouver dans le
volume de gauche, la distribution du nombre de molécules dans le volume de gauche
est donnée par
!
P ∗ (1 ) = . (5.51)
2  1 !( −  1)!

P *(N1) δN1

N1
0 N/2 N
N1 N2

Figure 5.14 – Irréversibilité.


À gauche : La séparation est retirée puis le gaz occupe tout le volume. À droite :
Distribution du nombre d’atomes dans le volume de gauche.

La configuration la plus probable (la valeur de 1 qui maximise la distribution) est


1max =  ∕2. Cependant, rien n’interdit a priori que les molécules se remettent toutes
dans le volume de gauche à un instant donné, et reviennent dans leur état initial. La
probabilité d’un tel évènement est P ∗() = 2− . Comparons cette probabilité avec la
probabilité de la situation la plus probable : en utilisant la formule de Stirling (A.20),
nous obtenons :
 2 
min[P∗ (1 )] P ∗( ) (∕2)!  − ln 2
= = ≃ 2 ∼ 2 − = 10 − ln 10 . (5.52)
max[P (1 )] P (∕2)
∗ ∗ ! 2
L’application numérique pour  ∼ 1 cm3 de gaz parfait dans les conditions normales de
température et de pression,  ∼ 3 × 1020 , donc
P ∗( ) 20
∼ 10 −10 = 0. 000 ⋯ 0001 (5.53)
P (∕2)
∗ 
1020 chiffres

Si rien n’interdit la situation où 1 =  (configuration à gauche de la figure 5.14 où


toutes les particules retourneraient dans la partie gauche), sa probabilité est si faible,
relativement à la probabilité de l’état le plus probable, qu’on peut considérer qu’elle ne
se réalise jamais en pratique.

L’irréversibilité correspond à l’évolution d’un système d’une configuration très peu


probable vers une configuration beaucoup plus probable.

92
4 Irréversibilité

Si l’entropie du système isolé augmente nécessairement, nous ne devons pas oublier


qu’il est possible d’abaisser l’entropie du système à condition d’injecter de l’énergie
(système non isolé). Pour employer une image familière : si la chambre d’un étudiant a
une tendance naturelle à se désordonner (son entropie augmente), il pourra néanmoins
remettre de l’ordre moyennant un petit effort (apport d’énergie).

Remarque : À propos du « principe d’entropie maximale ». Nous avons évoqué


à plusieurs reprises qu’un principe pouvant être pris comme le cœur de la physique
statistique des systèmes à l’équilibre est le « principe d’entropie maximale », permettant
de construire le macroétat, i.e. de spécifier les probabilités d’occupation des microétats.
Les considérations sur l’irréversibilité ont bien illustré pourquoi le système « choisit »
l’état correspondant à une entropie maximale.

4.2 Entropie de mélange et paradoxe de Gibbs


Au paragraphe 4.2.b du chapitre 3, nous avons discuté le rôle de l’indiscernabil-
ité (postulat de symétrisation) qui impose d’introduire un facteur 1∕ ! dans le calcul
semiclassique du nombre de microétats pour  atomes identiques. Pour aider la dis-
cussion, nous réécrivons (3.27) sous la forme Φindisc() = (1∕ !) Φdisc ( ) où Φdisc ( )
est la densité d’états intégrée des particules discernables. Si cette règle peut être aujour-
d’hui justifiée rigoureusement grâce à la mécanique quantique (nous y reviendrons au
chapitre 11), tel n’était pas le cas à la fin du XIXe siècle. Dans le cadre de la mécanique
classique, la notion de trajectoire permet en principe de distinguer les atomes et la jus-
tification de cette règle n’est pas évidente.7 Pour des particules
 discernables, on aurait
  3     3∕2 
∗ =
disc  ln Φ disc =  + ln  , qui ne présente pas les bonnes
2 32   
propriétés d’extensivité, ce qui est souligné en écrivant ∗disc =  ln   ( ∗ )
où l’on a utilisé  = (3∕2)  ∗ . Cette expression conduit à une conclusion para-
doxale lorsque l’on analyse le problème du mélange de deux gaz de même nature.
Considérons l’expérience suivante : deux gaz, à mêmes température et pression, oc-
cupent deux volumes 1 et  2 initialement séparés. À un instant on retire la paroi pour
permettre aux deux gaz de se mélanger (figure 5.15), ce qui occasionne une variation
def (initial)
d’entropie Δ melange =  (final) −  (initial) . Les entropies initiale et finale sont disc =
    (final)  
  ln  2  ( ) et disc =  1  ln (1 + 2 )  ( ) +

1   ln 1  ( ) +  2 ∗ ∗

2   ln (1 +  2)  ( ) . En utilisant 1 ∕1 = 2 ∕ 2 = (1 + 2 )∕(1 + 2), on


obtient :
 
Δmelange =  ( 1 + 2 ) ln(1 +  2 ) − 1 ln  1 − 2 ln  2 , (5.54)
qui s’interprète
  simplement comme l’entropie liée au nombre de façons (1 +
2 )!∕ 1 !2 ! pour répartir les atomes des deux gaz dans les deux volumes. Si les

7. Dans le cadre quantique, les particules sont décrites par une fonction d’onde et la notion de
trajectoire disparaît.

93
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

deux gaz sont de natures différentes, la transformation est irréversible et l’entropie aug-
mente. Ce n’est pas le cas si les deux gaz sont de même nature : la transformation
est alors réversible puisque réintroduire la paroi correspond à revenir dans l’état ini-
tial (figure 5.15). Le problème soulevé ici, appelé « paradoxe de Gibbs » (1875), vient
de ce que le calcul de Δmelange avec  ∗disc ne fait pas intervenir la nature des deux gaz.

Irréversible :

Réversible :

Figure 5.15 – Entropie de mélange.


On mélange deux gaz : s’ils sont de natures différentes (en haut), la transformation
est irréversible, Δ melange > 0. S’ils sont de même nature (en bas) la transformation est
réversible, Δ melange = 0.

On vérifie maintenant que le problème disparaît si Δmelange est calculée à partir


de  ∗indisc, i.e. la formule de Sackur-Tetrode (5.17) qui tient correctement compte de
l’indiscernabilité. Pour l’argument on a uniquement besoin retenir la structure indisc

=
 
 ln ( ∕ )  ( ) . Dans le premier cas (gaz de natures différentes), l’entropie fi-

nale est la somme des entropies des deux gaz de 1 et  2 atomes occupant le volume
1 + 2 , on obtient (5.54). Dans le cas où les gaz sont de même nature, l’entropie finale
est celle d’un unique gaz de 1 + 2 atomes occupant le volume  1 + 2 et l’on déduit
f inal ∶ 1 gaz dans  1 +2

     
1 + 2 1 1
Δmelange = (1 + 2) ln  −1  ln  −  2  ln  =0
1 + 2 1 2
comme il se doit.
En conclusion, la nécessité de tenir compte de l’indiscernabilité dans la description
classique est une réminiscence remarquable de la mécanique quantique dans un régime
complètement classique. En effet, la réduction du nombre des microétats classiques par
le facteur 1∕! s’interprète comme la réduction de la dimension de l’espace de Hilbert
de  particules indiscernables par rapport au cas discernable, conséquence du postulat
de symétrisation de la mécanique quantique, ce qu’on peut écrire très schématiquement :
1
dim Hindisc ≈ dim Hdisc.
!

94
4 Irréversibilité

Pour en savoir plus :


• Sur le gaz de sphères dures : l’ouvrage (spécialisé) de Werner Krauth [20].
• Sur la formulation classique : début de l’ouvrage de Castaing [9].
∗
• Une discussion approfondie sur la pression microcanonique ∗ =  ∗ , cf. complé-

ment II.D de [15].
• Sur l’histoire de la formule de Sackur-Tetrode : W. Grimus, « 100th anniversary of
the Sackur-Tetrode equation », Ann. Phys. (Berlin) 512(3), A32–A35 (2013) ; disponible
comme preprint arXiv:1112.3748.

95
Les points clés

1 Postulat fondamental : énoncé 4 Les problèmes de relâchement


et distribution microcanonique de contraintes, le « théorème »
(5.5). de maximisation de l’entropie.
2 Entropie microcanonique (5.6). 5 Les deux illustrations dis-
cutées en détail (le gaz parfait
3 Pour retrouver les définitions
monoatomique et le cristal de
(température, pression,...) :
spin 1∕2).
utiliser la correspondance
avec la thermodynamique, i.e. 6 La compétition énergie/entropie.
éqs. (5.49) et (5.50).

96
Entraînez-vous
Exercice 5.6 Cristal paramagnétique et vibrations atomiques
Au § page 76, nous avons étudié les propriétés thermodynamiques du cristal de spin 1∕2
et avons montré que la température absolue peut être négative (correspondant aux plus
hautes énergies accessibles par le cristal magnétique). Cette conclusion repose toutefois sur
l’hypothèse que les moments magnétiques sont isolés. En pratique, ils sont portés par les
atomes, eux-mêmes soumis aux vibrations (agitation thermique) qui seront étudiées en dé-
tail au chapitre 9. L’énergie du cristal contient donc deux contributions : l’énergie magnétique
mag = (−+ +  −) (notations du § page 76) et l’énergie de vibration vib > 0. Le modèle
classique de cristal montre que la température microcanonique de vibration est proportion-
nelle à l’énergie vib

=  vib∕(3 ) > 0. Formellement, le problème est équivalent à deux
systèmes à l’équilibre (l’aimantation et la vibration), mis en contact thermique (nous noterons

mag la température magnétique donnée par l’éq. (5.38)). Nous supposons le cristal isolé :
 = mag + vib est fixée.
∗ ()
a) Si le cristal est préparé dans un état initial tel que mag < 0, quel est le signe de la
température finale ?
b) Expliquer pourquoi il est plus facile d’observer des températures négatives avec les spins
nucléaires plutôt qu’avec les spins électroniques.
Exercice 5.7 Les températures (absolues) négatives sont les plus
chaudes !
Considérons deux solides cristallins de spins 1∕2, identiques ou non (on oublie les vibrations
des atomes discutées dans l’exercice précédent). Initialement, nous supposons les deux solides
∗ () ∗ ()
isolés, avec des températures 1 < 0 et 2 > 0 (où les deux températures sont données
par l’éq. (5.38). Les deux solides sont mis en contact. Quel est le cristal qui cède de l’énergie
à l’autre ?
Exercice 5.8 Distribution de Maxwell
On considère un gaz parfait monoatomique dans une boîte de volume  . Le gaz est isolé.
def
a) Montrer que l’entropie microcanonique peut s’exprimer à l’aide de l’intégrale Σ ( ) =
 

 2 

3 3
d 1 ⋯ d    − , dont on précisera la dépendance en . Calculer la tempéra-
=1
2
ture du gaz.
b) Donner l’expression de la distribution microcanonique ∗(1, ⋯ ,   , 1 , ⋯ ,  ) dans
l’espace des phases. Montrer que la normalisation est reliée à Σ ( ).
c) Montrer que la loi marginale de l’impulsion de l’atome numéro  est
 2
Σ −1  − 2

 ( ) = . (5.55)
Σ ( )
Analyser la limite  → ∞ à température fixée.

97
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

Problème 5.1 Extensivité et dilatations


Nous considérons un gaz parfait de  atomes dans une boîte cubique de volume  = 3 .

 2
Le système est isolé, décrit par son hamiltonien  = . Les états quantiques pour
=1
2
un atome sont les ondes planes. Dans un volume fini, les vecteurs d’onde sont quantifiés :
 = (2 ∕)( ,  , ) (pour des conditions aux limites périodiques), et l’énergie de l’onde
plane    est
2 def
  =  2 où 
 = (,  ,  ) ∈ ℤ3 (5.56)
2 2

et  = 2. Les états stationnaires du système de  atomes combinent donc  états indi-
viduels de type onde plane. L’objet du problème est de montrer que des arguments généraux
permettent d’écrire l’entropie sous la forme d’une fonction  () d’un seul argument combinant
les trois variables :
def 
  
∗ (,  ,  ) =  () avec  = . (5.57)
 

1/ Extensivité.– Rappeler que la propriété d’extensivité permet d’exprimer l’entropie mi-


crocanonique  ∗(,  ,  ) comme une fonction de deux arguments combinant les trois
variables.
2/ Dilatation adiabatique.– Par une expérience de pensée on dilate la boîte d’un facteur  :
i.e. on passe d’une boîte de taille  à ′ =   (donc  ′ = 3  ).
a) Justifier que l’énergie totale du gaz est changée comme ′ =  , où l’on donnera la
valeur de l’exposant .
b) Effectuée adiabatiquement, la dilatation ne change pas la nature des microétats, toujours
repérés par  = ( ,  ,  ), ni les probabilités d’occupation de ces microétats. L’entropie est
donc conservée : ∗ (′ ,  ′ , ) = ∗ (,  ,  ). Déduire la forme (5.57) et donner l’exposant
.
3/ Pression.– Déduire des expressions pour la température et la pression. Montrer qu’on
obtient en toute généralité

2
∗ = (gaz monoatomique classique et quantique) . (5.58)
3

Quel est l’exposant  contrôlant l’équation de l’isentrope ∗  = cste dans le diagramme
- ?
4/ Gaz classique.– Montrer que la condition  ∗ ∕ = 0 (i.e. ( ∕ ), = 0) donne la
fonction  ().
5/ Gaz de bosons et condensation de Bose-Einstein.– Dans un gaz parfait de bosons, il existe
une température critique en dessous de laquelle le potentiel chimique s’annule, ∗ = 0. Dans
ces conditions, montrer que la fonction est une loi de puissance  () =   , où l’on donnera la

98
Entraînez-vous

 
valeur de l’exposant  ( est une constante inconnue). Montrer que la pression est ∗ ∝  ∗
et indépendante de la densité . Donner l’exposant .
Problème 5.2 Distributions de Fermi-Dirac et de Bose-Einstein
On propose une dérivation des distributions de Fermi-Dirac et de Bose-Einstein caractérisant
l’occupation d’un niveau d’énergie individuel par un fermion, ou un boson, respectivement.
Nous nous plaçons dans la situation microcanonique où le système est isolé et utilisons un
argument combinatoire :  particules identiques (donc indiscernables) peuvent occuper 
états quantiques individuels d’un même niveau d’énergie  dégénéré ( fois, donc).
1/ Exprimer la différentielle d∗ (,  ) en fonction de la température microcanonique  ∗ et
du potentiel chimique microcanonique ∗ .
2/ Fermions.– Les  particules sont des fermions. Le principe de Pauli impose que chaque
état individuel ne peut être occupé que par une seule particule (figure 5.16).

Fermions :

Bosons :
Figure 5.16
Deux configurations (microétats) possibles : en haut :  = 4 fermions dans  = 10 états
individuels. En bas :  = 7 bosons.

a. L’énergie des  fermions est  = . Donner l’expression du nombre de microétats Ω


pour  et  quelconques.
b. Déduire l’expression de l’entropie microcanonique  ∗. En supposant que   1 et   1
 ∗
trouver une forme approchée de  ∗. Déduire .

c. En utilisant que  = , écrire la différentielle d ∗ de la question 1 sous la forme d∗ =
(⋯)d. Par identification avec le résultat de la question 4, déduire une relation entre ( −
∗ )∕ ∗ et (  − )∕.
d. La distribution de Fermi-Dirac exprime l’occupation moyenne d’un état individuel d’én-
ergie . Déduire son expression en fonction de ,  ∗ et  ∗.
3/ Bosons.– Reprendre les questions dans le cas où les particules sont des bosons, i.e. lorsque
les particules peuvent occuper chaque état individuel en nombre arbitraire (figure 5.16). Con-
stater l’existence d’une contrainte sur le potentiel chimique (c’est une différence avec le cas
des fermions).
INDICATION : on pourra utiliser un argument similaire à celui de l’exercice 3.3.
Problème 5.3 Gaz parfaits quantiques sur réseaux
Modèle de gaz sur réseau : Nous considérons un gaz de  particules dans un volume  .
L’espace des états est simplement identifié avec l’espace des configurations dans l’espace (i.e.

99
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

nous ignorons l’énergie cinétique des particules) et divisons par la pensée le volume  en 
cellules de volume  (i.e.  = ). Les particules sautent de cellule en cellule et les différents
microétats correspondent simplement aux différentes manières de remplir les  cellules avec
les  particules. Cette idée offre une manière commode de discrétiser le modèle du gaz parfait,
ce qui rend l’analyse numérique plus aisée. Les modèles de gaz sur réseau ont été beaucoup
étudiés par les théoriciens, notamment pour considérer les effets d’interaction entre particules
(pour une discussion élémentaire, cf. chapitre 8 de [21]).

L’objectif du problème est d’analyser le rôle de l’indiscernabilité dans le modèle simplifié du


gaz sur réseau. Nous supposons le système isolé et à l’équilibre thermodynamique.

A. Préliminaire : particules discernables.– Nous considérons le cas où les  particules sont


discernables. Donner l’expression du nombre de microétats Ωdisc(,  ) pour les  particules
dans le volume  = . Déduire l’entropie microcanonique correspondante puis la pression
microcanonique ∗disc, qu’on exprimera en fonction de la densité moyenne  =  ∕ .

1 2 ...

cellule m :
n m particules

... M

Figure 5.17 – Gaz de 𝑵 = 𝟒𝟏 bosons sur un réseau de 𝑴 = 𝟏𝟒𝟎 cellules.

B. Particules indiscernables.– Nous considérons maintenant le cas où les particules sont


indiscernables. Nous devons alors comptabiliser les microétats en termes des facteurs d’oc-
cupation : un microétat est spécifié par la donnée {1, ⋯ ,  } de  facteurs d’occupation,
où  représente le nombre de particules dans la cellule  (cf. figure 5.17). Les facteurs


d’occupation doivent respecter la contrainte  =  .
=1

1/ Gaz de fermions (supposés sans spin).– La nature fermionique est prise en compte en
supposant que chaque cellule peut être occupée au maximum par un fermion, i.e.  ∈ {0, 1}.
Donner l’expression du nombre de microétats accessibles ΩFerm (,  ) (nombre de manières
de placer  fermions dans  cases). Déduire l’entropie microcanonique Ferm
∗ (,  ) dans

la limite   1 et   1, puis la pression microcanonique Ferm.
2/ Gaz de bosons.– On reprend l’analyse dans le cas d’un gaz de bosons (de spin nul). Dans
ce cas les facteurs d’occupation ne sont limités que par le nombre total de bosons :  ∈
{0, 1 , 2, ⋯ , }. Déduire ΩBos(,  ) puis l’entropie ∗Bos(,  ) dans la limite   1 et
  1. Calculer la pression microcanonique ∗Bos.
3/ Conclusion.– Comparer les trois équations d’états, ∗disc ,  ∗Bos et  ∗Ferm .

100
Entraînez-vous

Problème 5.4 Force de déplétion


Nous considérons une grosse particule dans une solution avec des objets de taille plus pe-
tite (figure 5.18). Nous montrons que lorsque la grosse particule s’approche d’une paroi du
contenant, elle subit une force d’origine purement entropique.

Figure 5.18

Des « molécules » de volume  = (∕6)3 se trouvent dans une solution. Une grosse
« molécule » de volume mol = 𝓁3 réduit le volume disponible pour ces molécules.

A. Effet du volume exclu sur la pression.– Nous commençons par considérer les « petites
molécules » de volume , occupant un volume  (sans la grosse molécule) et étudions les
effets de volume exclu. Nous décrivons les molécules classiquement.
1/ Le volume disponible pour une molécule en solution est  . Quel est le volume disponible
pour une deuxième molécule ?
2/ En continuant le raisonnement (i.e. en ajoutant les particules successivement), justifier que
le nombre de microétats accessibles est



 
Ω ≈   − ( − 1) (5.59)
=1

où  est une constante qui ne jouera pas de rôle par la suite.


3/ Montrer que l’on peut écrire l’entropie microcanonique sous la forme ( , ) =
 ln  ef f , où l’on donnera l’expression du volume effectif  ef f (on supposera que  
).
4/ Équation d’état.– Déduire l’équation d’état. Tracer la pression en fonction de la densité
moyenne  =  ∕ . Interpréter la divergence de la pression.
B. Force entropique.– Les particules étudiées dans la partie A sont dans une solution. Une
grosse particule de volume mol   est plongée dans la solution. Pour simplifier la discussion,
nous considérons que la grosse molécule a une forme cubique :  =  (∕2)3 et  mol = 𝓁3 (avec
𝓁  ).
1/ Si la grosse molécule est dans le volume de la solution, loin des parois, quel est est le volume
effectif accessible ef f pour les « petites molécules » de volume  ?

101
Chapitre 5 • Systèmes isolés à l’équilibre – Postulat fondamental

2/ Si la grosse molécule s’approche de la paroi, à une distance  < , comme sur la figure 5.18,
que devient le volume effectif ? Déduire l’expression de l’entropie microcanonique des petites
molécules en fonction de la distance ( , , ). Tracer l’entropie en fonction de  > 0.
3/ Montrer que la grosse molécule de volume mol = 𝓁 3 subit une force lorsqu’elle se rap-
proche de la paroi. Dans quelle sens est dirigée cette force ? Interpréter physiquement le
résultat.
4/ Par analogie avec la définition de la pression, nous définissons la force comme

 ∗
 = . (5.60)


Tracer  en fonction de  (distinguer 0 <  <  et  > ).


Problème 5.5 Pression osmotique
On rappelle que pour un gaz parfait de variables macroscopiques (,  ,  ) a un nombre de

microétats accessibles Ω(,  ,  ) = Ω (,  ) avec Ω la contribution cinétique.
! 
1/ Membrane semi-perméable fixe.– On considère la situation représentée sur la
figure 5.19a). Un récipient de volume total  est séparé en deux compartiments 1 et 2 sé-
parés par une paroi immobile et perméable au solvant dont on note  le nombre de particules.
On rajoute à gauche  particules de soluté dans 1 , discernables du solvant et pour lesquelles
la membrane est imperméable. On notera Ω,∕ les contributions cinétiques pour le solvant
() ou le soluté () ; on supposera qu’elle ne dépend pas du volume. L’ensemble est isolé et
les états initial et final sont à l’équilibre.
a. Exprimer le nombre de microétats initial Ω en fonction de  ,  et Ω, .
b. La pression dans le compartiment de gauche (resp. droite) est donnée par une dérivée
par rapport à 1 (resp.  2). Montrer que les pressions initiales autour de la membrane sont
identiques, i.e. 1 = 2 .
solvant soluté
a) b)

Figure 5.19
a) Une membrane perméable au solvant mais imperméable au soluté sépare les deux
compartiments. On rajoute du soluté dans le compartiment de gauche. b) La paroi est
maintenant imperméable mais mobile.

c. Exprimer le nombre de microétats final en fonction de 1 ,  2,  ,   et les Ω,∕.



d. Montrer qu’il apparaît alors une surpression Δ = 2 − 1 =  , appelée pression os-
1
motique dans le compartiment de gauche. Argumenter que les potentiels chimiques du solvant
1∕2 à gauche et à droite sont cependant égaux.

102
Entraînez-vous

2/ Membrane imperméable mobile.– On considère maintenant la situation représentée sur


la figure 5.19b) qui est similaire sauf que les compartiments sont maintenant séparés par une
paroi totalement imperméable au solvant et au soluté. Cependant, elle est mobile et les volumes
1 et 2 peuvent varier (on note toujours  =  1 + 2 ). On note  1∕2 le nombre de particules
de solvant dans chacun des compartiments.

a. Écrire le nombre de microétats initial et montrer qu’il y a égalité des pressions 1 = 2. En
déduire une relation entre les 1∕2 et les volumes initiaux 1∕2,.
b. Après ajout du soluté, exprimer la pression dans le compartiment de gauche en fonction de
1,  ,   et 1, . De même pour 2 en fonction de 2 , 2, et   .
c. Dans quel sens se déplace la paroi ? Calculer la différence de volume Δ1 =  1, − 1,
en fonction de  et des 1∕2∕. Simplifier l’expression en faisant l’hypothèse    1∕2 et
montrer comment la mesure de Δ 1 permet d’accéder à la concentration en soluté.

103
Chapitre 6
Systèmes non isolés
– Ensembles canonique
et grand-canonique

Obtenir les nouvelles règles d’occupation 1 Ensemble canonique


des microétats lorsque le système n’est 2 Ensemble grand canonique
pas isolé. 3 Relâchement des contraintes
Introduire de nouveaux modes (cas canonique)
opératoires pour étudier les systèmes à
l’équilibre.

Dans le chapitre précédent, nous avons défini un mode opératoire efficace pour par-
tir de la description microscopique (informations encodées dans la densité d’états) et
déduire les propriétés thermodynamiques des systèmes isolés (via la détermination de
l’entropie microcanonique). Plutôt que de poursuivre plus avant les applications de ce
formalisme, plusieurs raisons nous poussent à développer de nouveaux outils et intro-
duire deux autres « ensembles » (macroétats) de la physique statistique. La première est
que les systèmes isolés sont peu courants et difficiles à réaliser en pratique. La situation
rencontrée plus fréquemment est celle où le système est maintenu à température fixée
grâce au contact avec un thermostat, un « gros » système, avec lequel il peut échanger
de l’énergie. Une deuxième raison qui nous pousse à chercher d’autres distributions
que la distribution microcanonique : cette dernière repose plus ou moins implicite-
ment sur l’hypothèse que le système est suffisamment « grand », proche de la limite
thermodynamique, afin d’assurer l’existence d’un équilibre thermodynamique grâce à
l’ergodicité. La situation « canonique » où le système est en contact avec un thermo-
stat va nous permettre d’échapper à cette restriction puisque même un « petit » système
pourra atteindre un état d’équilibre grâce aux échanges avec le thermostat. Finalement,
une dernière raison est d’ordre technique : lorsque le système est isolé, la contrainte de
conservation de l’énergie fait apparaître des problèmes combinatoires qui peuvent être
extrêmement difficiles à résoudre. Relâcher cette contrainte va conduire à d’importantes
simplifications dans les calculs.
Nous allons introduire dans ce chapitre deux nouvelles distributions correspondant
aux ensembles « canonique » (système en contact avec un thermostat, i.e. un réservoir

104
1 Ensemble canonique

d’énergie) et « grand canonique » (système en contact avec un réservoir d’énergie et


de particules). Une vue d’ensemble sur ces différentes situations et leurs relations sera
donnée au chapitre suivant.

1 Ensemble canonique

1.1 Distribution canonique


a) Notion de thermostat

La discussion qui permet de déterminer les probabilités 𝓁C est très proche de celle con-
cernant le contact thermique (§ 3.1 du chapitre 5) : le système S considéré est supposé
en contact avec un thermostat T , un autre système suffisamment « gros » pour que les
échanges d’énergies avec S n’affectent pas ses propriétés thermodynamiques (comme
par exemple sa température microcanonique). Si nous notons S et T les énergies
des deux systèmes, cette condition sera respectée pour T  S .

Thermostat ,T

δE

Figure 6.1– Situation canonique.


Le système S en contact avec un thermostat T fixant la température  .

b) Distribution canonique

Quelle est la probabilité 𝓁C pour que S soit dans un microétat 𝓁 ? Notons 𝓁 les microé-
tats de S et  ceux de T . Le nombre total de microétats accessibles pour S  T est
noté Ωtot . D’après le postulat fondamental, les microétats de S  T sont équiprobables,

𝓁 = 1∕Ωtot . La détermination de 𝓁C requiert donc d’identifier le nombre de microé-
tats  de T compatibles avec le fait que S soit dans le microétat 𝓁. Ces états  satisfont
à  tot ⩽ 𝓁 +  ⩽ tot+, ce que l’on peut réécrire tot −𝓁 ⩽   ⩽  tot − 𝓁 +.
Par définition, le nombre recherché est donc le nombre de microétats accessibles pour
T autour de l’énergie tot − 𝓁 , soit ΩT (tot − 𝓁), d’où finalement
Ω T (tot − 𝓁 ) 1
 ∗ ( − )
𝓁C = ∝ e T tot 𝓁 , (6.1)
Ω tot
que nous avons exprimée en fonction de l’entropie microcanonique du thermostat
T∗ =   ln Ω T (le facteur de normalisation Ωtot est indépendant de 𝓁). En utilisant

105
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

les hypothèses sur le thermostat, nous pouvons développer son entropie


∗T
 ∗T (tot − 𝓁 ) ≃  ∗T ( tot) − 𝓁 ( ) + ⋯ (6.2)
 T tot

1∕T∗
C’est donc le second terme du développement qui porte toute la dépendance en 𝓁,
seulement via l’énergie du microétat, ce qui se reflète également dans la probabilité
recherchée 𝓁C ∝ e−𝓁 ∕  , où nous définissons la température canonique comme
def
 = T∗ (tot ) . (6.3)
En introduisant un facteur de normalisation 1∕ où  est appelée la fonction de
partition, nous écrivons finalement la distribution canonique

1 − 𝓁
 𝓁C = e (6.4)

def  def 1
= e −𝓁 et = (6.5)
𝓁
 

est une notation conventionnelle.


L’expression de la fonction de partition est déduite
de la condition de normalisation 𝓁C = 1. Les probabilités (6.4) définissent de nou-
𝓁
velles règles d’occupation des microétats du système S , indépendamment de l’état du
thermostat qui n’intervient qu’à travers le paramètre  = 1∕(  ).

1.2 Grandeurs thermodynamiques


a) Énergie moyenne et capacité calorifique

L’énergie de S n’est pas fixée mais fluctue. La première propriété que nous pou-
vons déterminer est l’énergie moyenne, qui peut être déduite de la fonction de partition
comme suit :
 
C  1  1   1 
 = C
 𝓁 𝓁 = 𝓁 e−𝓁
= − e −𝓁
=− (6.6)
𝓁
 𝓁   𝓁
 
autrement dit
C 
 =− ln  (6.7)


C
À partir de maintenant, les deux notations ⋯ ou ⋯ désigneront la moyenne prob-
abiliste. L’équation (6.7) donne une première illustration de la logique qui apparaîtra

106
1 Ensemble canonique

plusieurs fois : ln  génère les propriétés thermodynamiques par de simples dérivations


vis-à-vis de ses arguments. L’origine de cette observation est dans l’identification de 
avec la notion de fonction génératrice introduite au chapitre 2 (§ 3.5).
À ce stade nous pouvons faire le lien avec la capacité calorifique, déjà intro-
def
duite au chapitre précédent : celle-ci est définie en thermodynamique comme  =
 
 ∕   , , puisque les grandeurs  et  sont supposés fixées dans l’ensemble
canonique, la capacité calorifique sera simplement donnée par

def  C
 =  ( ,  ,  , ⋯) (6.8)


b) Entropie canonique et énergie libre

Nous pouvons maintenant déterminer l’entropie statistique, formule de Gibbs-


Shannon (4.15), caractérisant le manque d’information associée à la distribution canon-
ique :
  C
 C = − 𝓁C ln 𝓁C =  𝓁C (ln  + 𝓁) =  ln  +  ∕ . (6.9)
𝓁 𝓁

C
L’examen de l’équation fait apparaître la combinaison − ln  =  −  C , qui s’in-
terprète en thermodynamique comme l’énergie libre, ou fonction de Helmholtz (notée
 =  −   en thermodynamique). Nous adopterons donc la même définition :

def
 ( , , ⋯) = −  ln  ( ,  , ⋯) (6.10)

La connaissance de  est donc équivalente à la connaissance de  ce qui donne un sens


physique plus clair à la fonction de partition. La relation entre  et  = − ln 
est donc l’analogue de la relation entre Ω et  ∗ =   ln Ω. L’énergie libre jouera le
même rôle de fonction génératrice des propriétés thermodynamiques que l’entropie
microcanonique.
Retenons finalement que l’entropie canonique s’exprime comme

C
 − 
C
 ( ,  , ⋯) = =− (6.11)
 

Une manière simple de retrouver ce type de relation est de partir de l’égalité de la


thermodynamique (4.2), combinée à une transformation de Legendre  =  −  ,
d’où d = − d −  d +  d + ⋯ (cf. annexe A du chapitre 7 page 147).

107
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

Exercice 6.1

Vérifier l’égalité  C = − puis montrer que

2 C
  = − = . (6.12)
 2 

Remarquons que cette relation fournit un moyen pratique pour déduire l’entropie de

  ( ′ )
 0
la capacité calorifique, qui est mesurable :  ( ) =  (0) + d ′ .
′

Extensivité de  . Parmi les arguments de l’énergie libre,  est intensive alors que 
et  sont extensifs. Par conséquent, la propriété d’extensivité est

 ( ,  ,  ) =   ( ,  , ) , (6.13)

où  est un facteur de dilatation sans dimension. Autrement dit, cette propriété montre
que, bien qu’elle ait trois arguments (pour un fluide simple), l’énergie libre s’exprime à
l’aide d’une fonction de deux variables :  ( ,  ,  ) =   ( ,  ∕ ).

Interprétation thermodynamique de l’énergie libre. Nous pouvons rappeler une


autre interprétation, de nature thermodynamique [27]. L’énergie libre intervient dans
la théorie des potentiels thermodynamiques où elle est définie comme  =  −  .


Rappelons l’énoncé du second principe de la thermodynamique Δ ⩾ d-∕ où d -
est une quantité infinitésimale de chaleur reçue par le système.
- =0
Si le système est isolé thermiquement (situation du précédent chapitre), on ad
et on déduit Δ ⩾ 0.
Si le système a une température fixée par un thermostat (présent chapitre), le second
principe prend la forme Δ ⩾ ∕ : il fournit une borne supérieure à la quantité
totale de chaleur reçue,  ⩽  Δ , i.e. une borne inférieure à la chaleur cédée par le
système. Nous pouvons alors relier la variation d’énergie libre à la variation d’entropie
Δ = Δ( −   ) = Δ −  Δ . En utilisant le premier principe, Δ =  +  , nous
obtenons

Δ =  +  −  Δ d’où Δ ⩽  (6.14)

Du point de vue de la théorie des machines thermiques (Carnot), la question intéressante


est de quantifier le travail qu’une machine thermique (une locomotive, etc) peut fournir,
disponible = − . La variation de l’énergie libre fixe donc une borne supérieure sur la
quantité de travail disponible disponible ⩽ −Δ .

108
1 Ensemble canonique

c) Potentiel chimique canonique

Nous définissons le potentiel chimique canonique comme le coût en énergie libre pour
rajouter une particule dans le système, soit

def
C =  ( , , ⋯) −  ( ,  − 1, ⋯) (6.15)

Dans la plupart des cas on considèrera des systèmes à la limite thermodynamique et il


sera plus pratique d’écrire
def 
C = (6.16)


en accord avec l’identité fondamentale de la thermodynamique d = − d + d +⋯.


Le potentiel chimique est donc une grandeur intensive ayant la dimension d’une énergie.
C
Cependant il faudra prendre garde :  n’est pas l’énergie moyenne par particule  ∕ .
C’est une quantité moins intuitive car elle combine deux contributions, énergétique et
 
entropique :  = − . Le potentiel chimique va jouer un rôle très important
 
par la suite et régir les échanges de particules entre systèmes et contrôler, entre autres,
les phénomènes de transport, les processus d’équilibre et de changement de phases, ou
encore les réactions chimiques (problème 6.1 page 135).

d) Moyennes des grandeurs physiques – variables conjuguées

Considérons une grandeur physique, notée  , et introduisons son paramètre conjugué



 tel que l’on puisse écrire 𝓁 = − 𝓁. Une discussion plus précise sur l’iden-

tification des variables conjuguées et travaux élémentaires est donnée en annexe A
C 
page 128. Dans ce cas, l’expression de la moyenne canonique donne  =  C 𝓁 =
𝓁 𝓁
1   −𝓁 1 
e = , i.e.
 𝓁   

C 
 =− . (6.17)


C 
L’expression  = 𝓁C 𝓁 pourrait laisser penser que le calcul de la moyenne re-
𝓁
quiert de nombreuses informations microscopiques : les probabilités 𝓁C (i.e. les énergies
𝓁) et la connaissance de la valeur de l’observable 𝓁 dans chaque microétat. Au con-
C
traire, nous voyons que  peut être obtenu par une simple opération de dérivation
sur l’énergie libre  . Cette remarque permet de mieux comprendre le rôle central de
l’énergie libre dans l’ensemble canonique et illustre toute la puissance des outils de la
physique statistique (l’annexe A page 128 complète cette discussion).

109
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

1.3 Fluctuations de l’énergie


Nous avons déjà souligné au chapitre 3 (§ 4) que les sommes portent sur les microé-
tats (états quantiques) et non sur les niveaux d’énergie, cf. équations (3.14) et (3.15). La
même observation s’applique pour la fonction de partition, qui peut être réécrite comme
une somme sur les niveaux d’énergie à condition de tenir compte de leurs dégénéres-
def 
cences :  = 𝓁 e−𝓁 . Cette observation peut être formulée en termes de la densité
𝓁
d’états, (3.14), ce qui établit la relation

0
 ( ) = d () e− , (6.18)

où 0 désigne l’énergie de l’état fondamental. Autrement dit la fonction de partition


est la transformée de Laplace de la densité d’états. En particulier, cette expression fait
ressortir que la distribution de l’énergie combine la décroissance exponentielle e− (qui
traduit la tendance à minimiser l’énergie) avec la croissance de la densité d’états (effet
entropique) :
e−
PC () = ( ) . (6.19)
 ( )
Nous rediscuterons la structure de cette distribution dans le chapitre 7. Contentons-nous
ici de remarquer que, non seulement la moyenne de l’énergie, mais aussi tous ses cu-
mulants peuvent être obtenus à partir de ln . En particulier, on obtient la variance

  Var() =
C
 2  2 ln  
=− . (6.20)
 2 
C 
(on peut le vérifier par une analyse directe de  2 = 𝓁C 𝓁2 ). La dernière égalité
𝓁
nous fournit une relation intéressante entre les fluctuations de l’énergie et la capacité
 
calorifique. En utilisant  = − , il vient
 

1  2
 =  (6.21)
  2

réminiscente de la relation (5.29) (elle correspond précisément à la limite discutée


juste après cette équation, i.e. à (5.30)). Ce type de relation est appelée une relation
fluctuation-dissipation, reliant un coefficient de réponse, le coefficient calorimétrique
  , aux fluctuations d’une grandeur, ou plus généralement une fonction de corrélation.
Rappelons que la capacité calorifique caractérise la « réponse » de l’énergie à une aug-
mentation de la température. On notera enfin que dans la situation canonique, on a donc
nécessairement   > 0. On peut rapprocher cette observation du cas microcanonique,
éq. (5.27) : dans les deux cas la capacité calorifique s’exprime comme une dérivée sec-
onde du potentiel fondamental (l’entropie dans le cas microcanonique et l’énergie libre

110
1 Ensemble canonique

dans le cas canonique). On vérifiera plus bas sur l’exemple du gaz parfait que les deux
définitions de la capacité calorifique coïncident dans la limite thermodynamique.
Exercice 6.2
Démontrer la formule (6.20).

1.4 Sous-systèmes indépendants


Nous discutons le cas de  sous-systèmes indépendants, i.e. un problème séparable,
ce qui va conduire à une représentation factorisée de la fonction de partition canonique
et mettre en lumière tout l’intérêt du formalisme canonique.
Considérons de plus que les systèmes sont identiques pour simplifier l’analyse (la
généralisation ne pose aucune difficulté). Les sous-systèmes sont indépendants si l’état
de l’un ne dépend pas de celui des autres. L’état du sous-système  est repéré par un
nombre quantique  (un « état individuel ») et le microétat des  sous-systèmes par la
donnée de ces  nombres quantiques : 𝓁 = (1 , 2, ⋯ ,   ). La séparabilité montre que
l’énergie totale est la somme des énergies individuelles et la somme sur les microétats
se décompose en somme séparable sur les états individuels :


  
𝓁 =   et = ⋯ . (6.22)
=1 𝓁 1 2 

La fonction de partition s’écrit donc




  
  −   

− 
  − 
= ⋯ e =1 = ⋯ e = e =  ,
1 2  1 2  =1 =1 

où  est la fonction de partition d’un sous-système. Il y a donc factorisation de la


fonction de partition :

 =  avec = e −  . (6.23)

Ce résultat offre donc un moyen extrêmement direct pour passer du problème d’un
sous-système à  sous-systèmes (potentiellement 1023 ).
Cette discussion peut être appliquée à la distribution canonique elle-même, ce qui
conduit à ce qui est communément appelé la loi de Boltzmann pour des systèmes in-
dépendants. La probabilité C que l’état individuel  soit occupé et la probabilité C ( )
pour que le système se trouve dans le niveau d’énergie  sont données par

e − e− 
C = ou C ( ) =  , (6.24)
 

avec  la dégénérescence du niveau  . Avec ces notations 𝓁C =  C .

111
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

L’énergie libre peut s’écrire comme la somme d’énergies libres individuelles,


 ( , , ⋯) =   ( , ⋯) où  = −  ln . Cette propriété s’applique également au
cas de toutes les grandeurs thermodynamiques extensives. L’énergie totale s’obtient par
C C  ln 
 =   avec  = − l’énergie individuelle moyenne et l’entropie individuelle

vaut donc C = (C −  )∕ .

Remarque 1. La forme  ( , , ⋯) =   ( , ⋯) pour l’énergie libre conduit à


identifier l’énergie libre individuelle avec le potentiel chimique  =  = C −  C .
Cette relation est assez particulière. Le potentiel chimique s’identifie en général avec
l’enthalpie libre car  =  +  =  (cf. annexe A page 147), ce qui suggère que
 =  (donc  =  ) est valable lorsque le volume ne joue aucun rôle.

Remarque 2 : Indiscernabilité. La règle de factorisation (6.23) s’applique à des


systèmes identiques mais discernables. Si les sous-systèmes sont des particules indis-
cernables (par exemple les atomes dans un gaz), la fonction de partition des  particules
sera de la forme

def 1 
 ≃ MB =  (approximation de Maxwell-Boltzmann) . (6.25)
!

Cette forme correspond à un traitement approché de l’indiscernabilité des atomes et


porte le nom « d’approximation de Maxwell-Boltzmann ». Le 1∕ ! a exactement la
même origine que dans (3.27), ce qui n’est pas surprenant puisque ( ) = Φ′ ( ) et
 ( ) sont reliées par (6.18). Nous y reviendrons dans le chapitre 11, où les conséquences
du postulat de symétrisation de la mécanique quantique seront étudiées en détail.
Pour reprendre la discussion de la page 47, il faut retenir la règle simple :
() Si l’on considère les  atomes (indiscernables) d’un gaz parfait, on écrira gaz =
1
(atome ) .
!
() Si l’on considère les  atomes d’un solide, attachés aux  nœuds (discernables)
du réseau cristallin, on écrira cristal = (noeud ) . Par exemple, dans l’étude du
paramagnétisme où chaque atome du réseau porte un spin attaché à un nœud.

Remarque 3. Si les sous-systèmes ne sont pas identiques mais restent indépendants


(problème séparable), la factorisation prendra la forme



=  (problème séparable) (6.26)
=1

où   est la fonction de partition du sous-système .

112
1 Ensemble canonique

1.5 Exemples d’applications


a) Le cristal paramagnétique ( systèmes à deux niveaux)

Nous avons déjà décrit les aspects microscopiques du problème au chapitre 5 (§ 2.2.d
page 76). Nous reprenons l’analyse du problème plus efficacement. Le calcul de la
fonction de partition pour un spin est particulièrement simple :

 = e  + e−  = 2 ch( ) , (6.27)

qui nous donne immédiatement les propriétés du cristal via sa fonction de partition
cristal =  . Puisque les propriétés du cristal se déduisent directement de celles d’un
unique moment magnétique grâce à l’extensivité, notre analyse pourra rester au niveau
d’un seul spin, dont l’énergie libre, l’énergie moyenne et l’entropie sont données par
 
 ( , ) = −  ln 2 ch(  ) , (6.28)
C ( , ) = − th( ) , (6.29)
   
C ( , ) =  ln 2 ch() −   th() . (6.30)
C
L’énergie peut être reliée à l’aimantation moyenne d’un spin, 𝔪 = −C∕ :

𝔪 = 𝔪0 th( ) = 𝔪0 th( ∕  ) .
C
(6.31)
def
où 𝔪 0 = ∕2 est l’aimantation maximale. Cette expression fait apparaître la compéti-
tion entre l’énergie, caractérisée par l’échelle  = 𝔪0 , qui tend à faire s’aligner le
moment sur le champ, et l’agitation thermique (l’entropie), caractérisée par l’échelle
   , qui traduit le désalignement à cause des fluctuations thermiques (cf. exercice 5.5).
Pour     , l’agitation thermique est négligeable, 𝔪 ≃ 𝔪0. Pour     ,
C

l’agitation thermique domine, 𝔪 C ≃ 𝔪0 ( ∕ )  𝔪 0 (cf. figure 6.2).

mzc/m 0
+1
l’entropie domine
... ... ... ...
l’énergie domine

l’énergie domine B /T
... ...
−1

Figure 6.2
Aimantation du cristal de spins 1∕2 en fonction du rapport ∕ . À fort champ mag-
nétique/basse température (     ), l’énergie domine et le cristal se trouve dans
l’état d’énergie minimale (spins alignés sur le champ). À faible champ/haute tempéra-
ture (     ), l’entropie domine et le cristal explore un grand nombre de microétats
d’énergie ∼ 0 (les spins fluctuent).

113
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

Exercice 6.3
C
Retrouver l’expression de l’aimantation individuelle moyenne 𝔪 à partir de la
loi de Boltzmann appliquée à un moment magnétique, puis à partir du couple de
variables thermodynamiques conjuguées (, ) avec   l’aimantation totale.

b) Oscillateur harmonique unidimensionnel

On considère ici un système constitué d’un seul oscillateur harmonique unidimensionnel


traité quantiquement. Nous rappelons que le spectre des énergies est donné par  =
 ( + 1∕2) pour  ∈ ℕ [5 , 35]. On déduit
∞   ∞
− + 12  −   e−∕2 1
= e =e −∕2
e = −
= . (6.32)
=0 =0 1−e 2 sh(∕2)
Le calcul de la somme s’identifie à celui d’une série géométrique dont le résultat est
∞
1
 = pour  < 1. L’équation (6.7) donne l’énergie moyenne
=0
1−
   
 1 1
C = coth i.e.  C =   + avec  =  . (6.33)
2 2 2 e −1
Exercice 6.4
Montrer les deux formules ci-dessus.

1.6 Description semiclassique


On discute ici le calcul de la fonction de partition pour des systèmes classiques. Après
avoir reformulé ce calcul dans l’espace des phases, nous établirons deux résultats assez
généraux et fort utiles, avant de terminer par les deux exemples les plus simples.

a) Formulation semiclassique du calcul de la fonction de partition

D’après les règles de dénombrement des microétats synthétisés au chapitre 3 (§ 4), nous
pouvons écrire la somme sur les microétats en intégrale sur l’espace des phases selon :

d2 Γ − ( Γ )
  ! 
= e (6.34)

où ( Γ ) est l’hamiltonien des  particules et où le facteur ! décrit le cas de particules


indiscernables. La distribution canonique est exponentielle dans l’énergie du microétat,
ce qui correspond à la densité de probabilité dans l’espace des phases


e− (Γ )
C (Γ ) = . (6.35)
 !  

114
1 Ensemble canonique

La valeur moyenne canonique de la grandeur  s’éxprime comme :

 = (
− (Γ)
d2 Γ
  ! 
C
Γ )e . (6.36)

b) Théorème d’équipartition de l’énergie

Ce théorème classique repose sur une propriété des intégrales gaussiennes. Com-
mençons par discuter le cas très simple où l’hamiltonien a un unique degré de liberté
 ∈ ℝ et est quadratique,  =   2, où  est une constante positive. La loi de Boltzmann
nous permet de nous focaliser sur ce degré de liberté :

   2 e−  d  × 1

2 

−∞ 2  1 
 2 = =  = = . (6.37)
 e
∞  2 2
−  2
d 
−∞
Ce résultat très simple est complètement indépendant de la nature de la variable (coor-
donnée ou impulsion) et surtout, du paramètre . Dans de nombreuses applications, il
se révèlera très utile pour caractériser les fluctuations 2  =   ∕2.
Nous discutons la généralisation à des hamiltoniens plus complexes. Considérons
 ) = ( )  2 +  ( ) ,
 (, (6.38)
où en sus de , l’hamiltonien dépend d’autres degrés de libertés, regroupés dans le
vecteur  à  composantes.  ( ) et  ( ) sont deux fonctions de ces variables qu’il
n’est pas besoin de spécifier. Le calcul de la contribution à l’énergie moyenne s’écrit
 d  d (  d  e−( ) ( )  d 2 e −( ) 
2
 )2 e− (,)

 d  d  e − (,)  d e −( )  d e−( ) 2


( )   =
2
=

 d  e−( ) ( ) 2(



1 
) (
) 1
(6.39)
 d   e−( ) (
=  = .
 2
)

Finalement :

1
( )  2 =    (6.40)
2

Ce résultat porte le nom de « théorème d’équipartition de l’énergie » :

𝟏
Chaque terme quadratique dans l’hamiltonien apporte une contribution 𝒌 𝑻 à
𝟐 𝑩
l’énergie moyenne.

Gardons en tête que ce résultat est limité aux hypothèses de validité de la description
semiclassique.

115
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

Illustration. Nous pouvons appliquer le théorème au cas de l’oscillateur harmonique,


1 2 1
(,  ) =  +  2 2. Nous obtenons immédiatement l’énergie moyenne, que
2  2
1 1
nous noterons C =  +  =    .
2 2

c) Particules indépendantes

Dans l’approche semiclassique, il suffit que l’hamiltonien se décompose comme une


somme d’hamiltoniens individuels, notés (,
 ), pour que la factorisation se produise.
Prenons l’exemple de particules indiscernables à 3 dimensions :




− ( ,
 ) 

 (1 , 1, ⋯ ,  ,  ) = ( ,  ) donne e =1 = e −( ,) (6.41)
=1 =1

qui conduit à


d3 d 3  −( , ) 1 

d3  d3  −( , )
!  =1 ! =1 
1
= e   = e   (6.42)
3 3

soit finalement

 d3 d3  −(, )

= avec  = e , (6.43)
! 3

dont la structure coïncide avec (6.25).


On retrouve qu’il est suffisant de calculer la fonction de partition individuelle  pour
déduire directement la fonction de partition des  particules . Utilisant la formule de
Stirling ln  ! ≃  ln  −  , nous obtenons l’énergie libre

   

 =  avec  = −  ln +1 . (6.44)

L’énergie libre par particule  ne correspond pas alors à −  ln . En revanche,


C
l’énergietotale
 est toujours donnée par  =  C . Le potentiel chimique  =

−  ln est lui aussi affecté par l’indiscernabilité et diffère de l’énergie libre par
particule    (on pourra comparer cette discussion avec celle du § 1.4).

Loi de Boltzmann. Dans le cas de particules indépendantes, la densité de probabil-


ité (6.35) dans l’espace des phases se factorise comme pour la description discrète. On a

C 
alors  ( Γ ) = C( ,  ), avec  C la densité de probabilité dans l’espace des phases
=1

116
1 Ensemble canonique

à une particule qui s’exprime ainsi (le ! disparaît de (6.35) car  ! =  ) :

e−(, )
 C(,  ) = . (6.45)
3

Le gaz parfait. Appliquons ce résultat au cas du gaz parfait. Nous avons donc
d3d 3  − 2   d3 
  3 ℝ 3
2
= e 2 = d 3
 e − 2
, (6.46)
3
L’intégrale sur les positions donne le volume  tandis que l’intégrale sur les impulsions
fait apparaître des intégrales gaussiennes
+∞ +∞ +∞  +∞ 3  3
 2 2 2

    
2 2
− 2 − 2 − 2 − 2
d e d e d  e = d e = .

−∞ −∞ −∞ −∞
Au final, nous pouvons écrire

 def 
= ou Λ =  (6.47)
Λ3 2 

est appelée la longueur thermique de de Broglie. Elle correspond à l’échelle de


longueur d’onde associée à l’énergie   .
Exercice 6.5 Longueur thermique ultrarelativiste
Quelle serait l’expression de la longueur thermique pour une particule ultra-
relativiste, i.e. telle que  =   ?

L’énergie libre, d’après (6.44), vaut


   

 ( , ,  ) = − ln +1 . (6.48)
Λ3

Le calcul de l’énergie moyenne correspond au résultat attendu par le théorème


d’équipartition : il y a trois degrés de liberté quadratiques  ,   et  par particules,
C  C 3
ce qui donne  = 3 × puis  =   . Le calcul direct se fait en notant que
2 2
C      3
Λ ∝  , d’où  = − ln  ∕ ! = −
1∕2 ln −3∕2 =  ∕  . Pour la pression
  2
canonique, nous utilisons le résultat de thermodynamique que le travail élémentaire des
forces de pression s’écrit −Cd . Ce faisant, la pression étant la variable conjuguée du
volume, il est naturel de définir

def 
C = − . (6.49)


117
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

 ln 
Il vient alors C =  =   ∕  . Nous reviendrons en détail sur l’analyse

du gaz parfait au chapitre 8. Pour terminer, nous remarquons que l’entropie
   
  5
C ( ,  , ) = − =  ln + (6.50)
 Λ 3 2

coïncide avec la formule de Sackur-Tetrode (5.17) obtenue dans le cadre microcanon-


ique.

2 Ensemble grand canonique


Dans l’ensemble canonique, seuls les échanges d’énergie par contact thermique sont
autorisés entre le système et le thermostat. Nous généralisons maintenant la situation en
autorisant les échanges de particules entre le système étudié et un grand système qui sert
à la fois de réservoir de particules1 et de thermostat (réservoir d’énergie). Ce faisant,
nous fixons les variables thermodynamiques conjuguées de l’énergie et du nombre de
particules, respectivement la température  et le potentiel chimique .
Du point de vue physique, de nombreuses situations à l’équilibre correspondent à
cette hypothèse grand canonique. C’est le cas du phénomène d’adsorption de molécules
sur une paroi, un conducteur relié à une batterie (figure 6.3), d’une phase en équilibre
avec une autre phase (de l’eau en équilibre avec sa vapeur saturante), de réactions chim-
iques dans lesquelles le nombre de constituants d’une espèce n’est pas fixé (problème
6.1). Les systèmes traversés par des flux de particules, ou « systèmes ouverts », n’ont
pas de nombre de particules fixé mais sont en général hors d’équilibre.
Nous avons observé que relâcher la contrainte de l’énergie totale fixée, en passant du
microcanonique au canonique, avait permis dans bien des cas de se ramener à un cal-
cul à une particule, simplifiant à la fois les calculs et l’interprétation. Nous verrons au
chapitre 11 que relâcher la contrainte sur le nombre de particules permettra une simplifi-
cation analogue dans le cas de particules quantiques identiques. L’objectif de ce chapitre
est de fournir les relations générales de l’ensemble grand canonique.

2.1 Distribution grand canonique


a) Probabilités d’occupation des microétats

Nous suivons la même démarche que pour l’ensemble canonique et cherchons l’expres-
sion de la probabilité d’occupation  𝓁G d’un microétat 𝓁, l’indice G se rapportant à la
situation grand canonique. Notons S le système et R le réservoir, supposé suffisam-
ment grand pour que l’on puisse considérer sa température et son potentiel chimique

1. Notons que les particules transportant de l’énergie, le réservoir de particules se comporte néces-
sairement comme un thermostat.

118
2 Ensemble grand canonique

δq
Q
V

Figure 6.3Un conducteur relié à une batterie.


Une batterie peut fournir ou prendre des électrons d’un conducteur métallique, dont
elle fixe le potentiel électrostatique. À l’équilibre, seul la charge moyenne est fixée et les
fluctuations thermiques sont responsables de fluctuations de la charge.

fixés. Définissons la température et le potentiel chimique grand canonique comme


def def
 = R∗ et ∗
 = R . (6.51)

L’énergie totale et le nombre de particules du système total isolé R  S sont notés


respectivement tot et tot . Nous cherchons la probabilité d’occupation du microétat 𝓁
du système S d’énergie 𝓁 ayant 𝓁 particules. Appliquons le postulat fondamental
au système isolé R  S , ce qui conduit à la probabilité d’occupation
ΩR(tot − 𝓁,  tot −  𝓁) 1
 ∗ ( − , − )
 𝓁G = ∝ e  R tot 𝓁 tot 𝓁 (6.52)
Ω tot
(le raisonnement est analogue à celui qui a conduit à l’équation (6.1)). L’hypothèse que
le réservoir est beaucoup plus grand que le système permet de développer son entropie
microcanonique :

 R R∗
∗ ∗
R ( tot− 𝓁, tot −𝓁 ) ≃  R (tot ,  tot)− 𝓁 (tot,  tot) − 𝓁 ( ,  )
R  R tot tot
 
1∕ −  ∕
Dès lors, nous pouvons écrire :
  
1 1
 𝓁G ∝ exp − 𝓁 + 𝓁 . (6.53)
  
Après normalisation, la distribution grand-canonique prend la forme

1 − (𝓁 −𝓁 )
 𝓁G = e (6.54)
Ξ

où la constante de normalisation Ξ est appelée la « grande fonction de partition » :

def 
Ξ= e − (𝓁 −𝓁 ) (6.55)
𝓁

C’est la fonction génératrice de l’ensemble grand canonique.

119
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

b) Relation entre les fonctions de partitions canonique et grand


canonique

Remarquons que Ξ se réexprime en fonction de (, ). En effet, en classant les mi-
croétats par paquets de même  𝓁, nous pouvons réécrire la somme sur les microétats
sous la forme



Ξ(, ) = e e −𝓁 . (6.56)
=0 𝓁 tq. 𝓁 =

Un microétat sans particule n’ayant pas d’énergie, il est légitime de prendre la conven-
tion (, 0) = 1. Nous retiendrons ainsi le résultat suivant :


∞ 


Ξ(, ) = e (,  ) =   (,  ) . (6.57)
=0 =0

avec dans la seconde égalité l’introduction de la fugacité  = e .

Remarque. Dans certaines situations, le système ne peut accepter qu’un nombre


max

maximum de particules max . Dans ce cas on écrira Ξ(, ) = e  (,  ).
=0

2.2 Grandeurs thermodynamiques


a) Le grand potentiel

Nous introduisons un nouveau potentiel thermodynamique, appelé « grand potentiel »

def
 ( , , ⋯) = − ln Ξ( , , ⋯) , (6.58)

et nous montrons comment en tirer les grandeurs thermodynamiques. Le parallèle avec


le choix de la définition (6.10) est clair. Notons que là-aussi, les « ⋯ » signalent la
possible dépendance dans d’autres paramètres (volume, champ magnétique, etc. . . ).

b) Nombre moyen de particules et énergie moyenne

Commençons par le nombre moyen de particules et l’énergie moyenne. Pour appliquer


G
le
même procédé que pour l’énergie moyenne canonique, nous observons que  =
𝓁G  𝓁 avec  𝓁G ∝ e𝓁 . Ainsi, par dérivation de la grande fonction de partition par
𝓁
rapport au paramètre conjugué de  qui est , nous avons :

G 1  
 = ln Ξ = − . (6.59)
  

120
2 Ensemble grand canonique

Si nous dérivons ln Ξ par rapport à , mais comme 𝓁G ∝ e− ( 𝓁− 𝓁) , nous n’obtenons
G G
pas uniquement l’énergie moyenne mais plutôt  −  , au signe près. Connaissant
G
 , l’énergie moyenne est alors donnée par
 
G G G   
 −  = − ln Ξ ou  = − ln Ξ (6.60)
   

Ces relations doivent pouvoir être rapidement retrouvées.

c) Entropie grand canonique

Partons de la formule de l’entropie statistique appliquée à (6.54) :


 
G = − G𝓁 ln 𝓁
G
=     𝓁G (𝓁 −  𝓁 ) +  ln Ξ (6.61)
𝓁 𝓁

soit

G G
 − − 
G
 = =− . (6.62)
 

La seconde égalité se vérifie par un calcul analogue à celui de l’exercice 6.1.

Identité thermodynamique. Réunissons les définitions obtenues pour écrire l’iden-


tité thermodynamique suivante pour le grand potentiel :

G G
d = − G d −  d −  d + ⋯ (6.63)

où  est la force conjuguée de l’observable .

d) Pression grand canonique

Nous discutons le cas particulier d’un système de volume  variable pour lequel une
pression peut être définie. Suivant la forme du travail élémentaire des forces de pressions,
la pression grand canonique se définit comme la dérivée du grand potentiel :

def 
G = − . (6.64)


Dans le cas d’un fluide simple, il existe un lien entre le grand potentiel et la pression.
En effet, supposons que le grand potentiel n’est fonction que de  ,  et du volume
 , ce dernier étant la seule grandeur extensive, le grand potentiel lui est forcément

121
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

proportionnel et donc

 ( , ,  ) = −G( , )  . (6.65)

La « densité volumique de grand potentiel » est donc la pression (au signe près).

Exercice 6.6
En considérant une dilatation d’un système par un facteur  réel et en considérant
le grand potentiel est une fonction extensive, justifier proprement la relation (6.65).

2.3 Fluctuations du nombre de particules et de l’énergie


Nombre de particules et énergie n’étant pas fixés, il est intéressant d’étudier leurs
variances. Nous obtenons
 2
 G 2 1 2  G 2   
 = 2 2 ln Ξ et  = − ln Ξ , (6.66)
    
où, dans la seconde formule, le carré signifie d’appliquer deux fois l’opérateur différen-
tiel entre les parenthèses. La première est obtenue selon la méthode de l’exercice 6.2.
La seconde s’obtient à partir de la deuxième forme de l’équation (6.60).

2.4 Exemples d’application


Discutons deux applications classiques de l’ensemble grand-canonique dans
lesquelles le lecteur sera mis à contribution pour une partie des calculs intermédiaires.

a) Le gaz parfait

Dans l’approximation semiclassique, la fonction de partition de particules indiscern-



ables est de la forme  = . Introduite dans (6.57), il vient alors :
!


 

(e  )  

Ξ(, ) = e = = exp e  . (6.67)
=0
! =0 !

Dans l’expression, notons que  dépend de  et du volume  supposé fixe et éventuelle-


1 
ment d’autre paramètres. Nous déduisons immédiatement  = − ln Ξ = − e  et
 
 
la pression  = − ∕ =
G
e . Pour le nombre moyen de particules, nous avons

G 
 =− =  e . Nous retrouvons donc en toute généralité l’équation d’état des gaz

G
parfaits G  =     sans autre hypothèse que celle faite sur la forme de .

122
2 Ensemble grand canonique

b) Le modèle de Langmuir pour l’adsorption

Nous discutons le problème de l’adsorption des atomes d’un gaz à la surface d’un
solide. Les surfaces des solides sont extrêmement rugueuses à l’échelle atomique, et
d’autre part inhomogènes chimiquement, ce qui se traduit par l’existence de pièges
sur lesquels les atomes du gaz peuvent venir s’accrocher. Cet effet est particulièrement
désagréable si l’on souhaite faire une expérience sous vide : des atomes piégés à la sur-
face de la chambre à vide pourraient être relâchés et polluer l’expérience, d’où l’intérêt
de bien comprendre le phénomène d’adsorption afin de contrôler la quantité d’atomes
de surface. On trouve des applications plus bénéfiques du phénomène comme dans le
procédé de chromatographie en chimie ou le filtrage par charbon actif présent les hottes
de cuisine.
Le système physique étudié est l’ensemble des  atomes piégés à la surface du solide
(cf. figure 6.4). Leur nombre varie constamment à cause de la compétition entre les
forces de piégeages et l’agitation thermique. En dehors de la surface, les atomes sont à
l’état gazeux dans un volume  et on supposera ce volume suffisamment grand pour que
le nombre d’atomes dans le gaz gaz reste beaucoup plus grand que le nombre d’atomes
piégés, gaz  . L’ensemble est placé à température  contrôlée par un thermostat.
Ainsi, le gaz en contact avec la paroi joue le rôle de « réservoir » d’atomes pour le
système. Il est donc naturel d’étudier les atomes adsorbés à la surface à l’aide de la
distribution grand canonique, où la température et le potentiel chimique sont fixés par le
gaz. Nous noterons  le nombre de pièges (ou sites d’adsorption) présents sur la surface,
chaque piège contenant au plus un atome. L’interaction favorable d’un atome avec la
paroi est sommairement modélisée en attribuant une énergie −0 < 0 pour un atome
piégé, en une énergie nulle à un piège vide. L’objectif est d’obtenir la fraction moyenne
def G
de pièges occupés, notée  =  ∕, en fonction de la pression  et température  du
gaz, les paramètres contrôlables expérimentalement.
Calculons la grande fonction de partition Ξ pour les atomes adsorbés. Pour décrire
les microétats, introduisons des facteurs d’occupation  ∈ {0, 1} pour les  pièges. Le
microétat décrivant l’état de surface correspond à l’ensemble des facteurs d’occupation,

𝓁 = ( 1, ⋯ , ). Le nombre d’atomes dans 𝓁 est simplement donné par 𝓁 =   . Si
=1
tous les pièges sont supposés identiques et indépendants, l’énergie des atomes adsorbés

est 𝓁 = −0  = − 0𝓁 .
=1

Exercice 6.7
Montrer que Ξ( , , ) =  où  = 1 + e (+ 0 ) est la grande fonction de partition
réduite à un piège.

123
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

0.5

0
0 1 2

Figure 6.4 – Adsorption – Isothermes de Langmuir.


À gauche : modèle simplifié d’adsorption sur une surface. À droite : les courbes donnant
la fraction occupée  en fonction de la pression  pour différentes températures  .

Nous pouvons retrouver ce résultat à partir de la fonction de partition canonique


( , ,  ) décrivant  atomes piégés parmi les  pièges.

Exercice 6.8
Après avoir donné l’expression de ( , ,  ), retrouver l’expression de Ξ à l’aide
de la variante de (6.57) donnée dans la remarque suivant cette équation. Préciser le
choix de max .

La fraction moyenne d’atomes adsorbés


G  
 11  1  1
= = ln Ξ = ln 1 + e (+0 ) = − (+ (6.68)
      e 0) + 1

est contrôlée par la température et le potentiel chimique du gaz. Il est naturel de


re-exprimer le résultat en terme de la pression, qui est un paramètre  plus intuitif.
Pour
 cela nous utilisons les résultats du § a), en particulier  = ∕( ) e− =
G

   ∕Λ3 e− . Nous obtenons


 
 def 2 3∕2
(,  ) = où 0( ) = (  ) 5∕2 e−0 ∕(  ) . (6.69)
0( ) +  2

est une échelle caractéristique de pression. Pour différentes températures, cette rela-
tion définit un ensemble de lignes dans un diagramme (, ) appelées isothermes de
Langmuir, tracées sur la figure 6.4.
Exercice 6.9
Démontrer (6.69).

À  donnée, l’adsorption est une fonction croissante de la pression ce qui est physique-
ment intuitif étant donné que la densité du gaz augmente. Cela illustre simplement que

124
3 Relâchement d’une contrainte

faire le vide favorise la désorption. D’autre part, 0( ) est une fonction croissante de
la température si bien qu’à  fixée, augmenter la température favorise la désorption des
atomes. Pendant qu’on pompe le gaz contenu dans une chambre à vide, on aura donc in-
térêt à augmenter la température afin de favoriser la désorption et créer un « bon vide ».
Si ce modèle assez rudimentaire n’est pas pertinent pour une bonne partie des processus
d’adsorption pour lesquels d’autres ingrédients doivent être pris en compte, son analyse
a cependant une nouvelle fois illustré comment les outils de la physique statistique ont
permis le passage de la description microscopique aux propriétés thermodynamiques.

3 Relâchement des contraintes (cas canonique)


3.1 Contexte physique
Nous discutons le problème du relâchement d’une contrainte entre deux sous sys-
tèmes S1 et S 2 dans le cadre de l’ensemble canonique. Considérons que les deux sous
systèmes (avec interactions à courte portée) sont dans deux microétats 𝓁1 et 𝓁 2. Nous
notons 𝓁1 𝓁2 le microétat de l’ensemble. Si les deux sous-systèmes sont très faiblement
corrélés, la probabilité de cet état est
− ( 𝓁 + 𝓁 )
 𝓁C 𝓁 =  C𝓁 𝓁C ∝ e 1 2 (6.70)
1 2 1 2

Considérons une variable interne échangée lors du relâchement d’une contrainte entre
S1 et S2 . Par exemple
• La détente de Joule : 1 et  2 fluctuent avec  = 1 + 2 fixé.
• L’échange de particules : 1 et 2 fluctuent avec  = 1 +  2 fixé.

3.2 Relâchement de la contrainte


Considérons un cas générique où nous notons 1 et 2 deux variables extensives
associées aux deux sous systèmes isolés (par exemple les volumes dans la détente de
Joule). Après relâchement de la contrainte, seule la somme de ces deux variables est
fixée  tot = 1+2 alors que 1 et  2 deviennent des variables internes. Nous pouvons
écrire la fonction de partition de S1  S 2 sous la forme
   
12( ,  tot ) = e− ( 𝓁 1 +𝓁2 ) = e−𝓁 1 e− 𝓁 2 (6.71)
𝓁 1 𝓁2 1
𝓁1 tq. 𝓁2 tq.
𝓁1 =  1  𝓁2 = tot −  1

= 1( ,  1 ) 2 ( ,  tot − 1 ) (6.72)
1

où 𝓁 1 est la valeur prise par la grandeur physique  dans le microétat 𝓁1 . Le calcul


de la distribution de 1 suit la même logique. P C(1) est donné par la somme des
probabilités canoniques 𝓁C 𝓁 sur tous les microétats qui réalisent la valeur 1 . Si nous
1 2

125
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

notons 𝓁1 la valeur prise par la grandeur dans le microétat (𝓁1), nous pouvons écrire

P C( 1) = 𝓁C 𝓁  1, 𝓁 tot − 1 ,𝓁 . (6.73)
1 2 1 2
𝓁 1 𝓁2
Nous obtenons

 ( , 1 ) 2( , tot − 1 ) e− ( 1 +2 ) e − ( 1 ; ,tot )
P C (1 ) = 1 = = , (6.74)
12( ,  tot ) 12( ,  tot) 12( , tot )
où nous avons introduit l’énergie libre réduite
def
 (1;  ,  tot ) = 1( , 1 ) + 2 ( ,  tot − 1 ) , (6.75)
qui représente l’énergie libre du système lorsque 1 est fixé. La probabilité PC (1) est
maximale lorsque l’énergie réduite est mimimum
 (max;  ,  ) 1  2
tot
1
=0 ⇒ ( max )= ( − max ) . (6.76)
1 1 1 2 tot 1

Comme dans le chapitre précédent, nous pouvons donner un sens plus clair à cette condi-
tion d’équilibre, à condition d’introduire le paramètre conjugué (intensif) de la variable
def  def 
(extensive) : C = − (par exemple si  →  est le volume alors  → C = −
 
est la pression canonique). La condition d’équilibre s’interprète alors comme une égalité
entre les paramètres conjugués intensifs :

 C1 =  C2 (condition d’équilibre) (6.77)

(par exemple l’égalité des pressions canoniques C1 =  C2 lors d’un échange de volume,
ou l’égalité des potentiels chimiques lors d’un échange de particules C1 = 2C ).

3.3 Théorème de minimisation de l’énergie libre


Nous en tirons donc le principe général sur les transformations irréversibles :

Lorsqu’une contrainte est relachée dans un système en contact avec un thermostat,


celui-ci évolue spontanément vers un état d’équilibre macroscopique qui minimise
son énergie libre.

Une autre démonstration du théorème. Calculons l’entropie microcanonique du


système global (isolé) T  S :
1
∗ ( tot− 𝓁 )
e  T ≃Ω − 𝓁
T (tot ) e

    
∗T S ( tot) =  ln ΩT S (tot ) =  ln Ω T (tot − 𝓁 ) Ω S (𝓁 ) (6.78)
𝓁
 
−𝓁
≃  ln Ω T ( tot) +  ln ΩS (𝓁 ) e =  ∗T (tot) +  ln 
𝓁


𝓁

126
3 Relâchement d’une contrainte

Finalement on aboutit à

 ∗T S (tot) ≃ T∗ (tot ) −
. (6.79)

Le théorème de maximisation de l’entropie du système (global) isolé (section 3), conduit
donc au théorème de la minimisation de l’énergie libre du système thermostaté.

3.4 Discussion
Nous pouvons poursuivre l’analyse du problème de relâchement de contrainte en
suivant les lignes du cas microcanonique. Terminons par quelques observations :

Structure de la distribution. La distribution de la variable interne obtenue plus haut


P C (1 ) ∝ e− ( 1+ 2 ) (6.80)
fait écho à celle obtenue dans l’analyse du problème de relâchement de contrainte dans
1
( ∗1 + ∗2)
le cadre microcanonique, équation (5.20) : P ∗ (1 ) ∝ e  .

Stabilité. La stabilité de l’équilibre impose que l’énergie libre soit une fonction
convexe (à dérivée seconde positive)
2 
>0 (6.81)
 2


 2 C   
(par exemple > 0 et donc < 0, ce qui assure la positivité de la
 2    ,
def 1   
compressibilité   = − ).
  

Forme de la distribution. Les propriétés d’extensivité de  1 et 2 impliquent que la


distribution P C (1 ) est une gaussienne extrêmement étroite : si 1 ≃ max ∝  alors
 1
que 1 ∝ .

Énergie libre. L’énergie libre après relâchement de contrainte


 ( , tot) =  1 ( , 1max) + 2 ( , tot − 1max ) + (ln  ) (6.82)
coïncide avec l’énergie libre réduite à des termes venant des fluctuations de 1 près,
négligeables dans la limite thermodynamique.

Pour en savoir plus :


• Une présentation plus détaillée de la relation avec la thermodynamique : complé-
ments II.D & III.L de [15].
• Sur la construction de ces distributions à partir du principe d’entropie maximale,
consulter le § 4.3 du livre [3]

127
Les points clés

1 Distribution canonique (démon- 3 Factorisation de la fonction


stration simple conduisant à 𝓁C ). de partition pour des sous-
La définition de la fonction de systèmes indépendantes.
partition  et de l’énergie libre
4 Le théorème d’équipartition est
.
utile, même s’il est de portée
2 Retrouver les grandeurs thermo- limitée (régime classique).
dynamiques (énergie moyenne,
5 Distribution grand canonique,
entropie, potentiel chimique,
définitions de Ξ et du grand po-
etc. . . ) à partir de leur défini-
tentiel  . Savoir retrouver le lien
tion statistique et/ou de l’iden-
entre Ξ et  et calculer Ξ dans
tité fondamentale de la thermo-
les exemples simples.
dynamique d = − d − d +
 d + ⋯ (déduite de  =  − 6 Retrouver les fonctions thermo-
 ). dynamiques à partir de l’identité
thermodynamique d = − d  −
d −  d + ⋯ (déduite de  =
 −   −  ).

Les annexes

A Travaux élémentaires, forces généralisées


et variables conjuguées

Nous considérons une grandeur physique générique, notée . Introduisons son



paramètre conjugué , tel que  est obtenue par dérivation de l’hamiltonien  = − .

La différentielle de l’énergie contient alors un terme
d = ⋯ −  d  . (6.83)
L’énergie étant extensive, l’une des deux variables conjuguées (, ) est en général
extensive tandis que l’autre est intensive. Un exemple de variables conjuguées est une
force − et une élongation  pour lesquelles le travail élémentaire est d- =  d.
Dans le cas d’un système magnétique, le travail élémentaire est d- =   ⋅ d avec 
l’excitation magnétique et  le champ magnétique. On peut montrer qu’il peut se réécrire
- = − ⋅d  avec 
d  l’aimantation du système et  le champ magnétique présent en
0 0
l’absence du système (voir [32] page 373). En pratique, nous prendrons d- = − d
en interprétant abusivement  comme étant le champ magnétique.

128
A Travaux élémentaires, forces généralisées et variables conjuguées

Dans un problème quantique, la moyenne quantique de la variable  peut être


def
calculée à l’aide du théorème de Feynman-Hellmann [35] 𝓁 =  𝓁   𝓁  =
  
− 𝓁   𝓁  = −  𝓁   𝓁  = − 𝓁 (en ayant supposé que 𝓁 est un état pro-
  
C
pre de l’énergie). Nous obtenons donc l’expression de la moyenne canonique  =
 1   − 𝓁
𝓁C 𝓁 = e :
 𝓁 
𝓁 C 
 =− (6.84)


Pour calculer la moyenne, il n’est donc pas nécessaire de faire appel à tous les détails mi-
croscopiques, énergies 𝓁 et valeurs moyennes 𝓁 , mais seulement de pouvoir identifier
la dépendance du potentiel thermodynamique dans le paramètre conjugué . Cette rela-
tion générale nous fait mieux comprendre le rôle central de l’énergie libre et se révélera
très utile par la suite.
Exercice 6.10 Relation pression-énergie du gaz parfait
Utilisons les niveaux d’énergie (3.7) d’une particule dans une boîte cubique de côté
 en dimension  , si bien que le volume est donné par  =  . On prend comme

définition de la pression dans un microétat par 𝓁 = − 𝓁 , montrer la relation

C
2
C = . Vérifier ce résultat à partir du théorème d’équipartition et de l’équation
 
d’état des gaz parfait.

Nous aurions pu établir de façon analogue ce type de relations générales dans le


cadre microcanonique, comme (5.41) et (5.46) sans passer par les considérations sur les
systèmes en contact. En effet, nous pouvons montrer que

∗  ∗
= . (6.85)
∗ 

Exercice 6.11 Travaux élémentaires


𝓁C
En considérant avec  C𝓁 la distribution canonique, montrer que l’on

retrouve (6.84). Avec la même méthode, montrer (6.85) après avoir exprimé 𝓁∗ en
fonction de  ∗ (𝓁 , ).

129
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

B Mouvements de rotation, moment cinétique


et dipôles permanents en champs externes

Nous présentons dans cette annexe la modélisation de mouvements de rotations. Après


quelques rappels sur le mouvement autour d’un axe fixe, nous présenterons les résultats
sur le rotateur rigide qui correspond au mouvement d’un vecteur à trois dimensions et
qui est paramétré par les deux angles des coordonnées sphériques  et . Ce dernier
présente de nombreuses applications physiques.

Figure 6.5 – À gauche : dipôle libre de tourner à trois dimensions, en présence du


⃗ À droite : dipôle astreint à tourner autour de l’axe 𝒛 et dans le plan 𝒙𝒚.
champ 𝑬.

B.1 Rotation autour d’un axe fixe


Le mouvement d’un solide autour d’un axe fixe est paramétré par un seul angle noté

 ∈ [0, 2 ]. L’énergie cinétique de rotation s’écrit cin =  2 avec  le moment d’in-
2
ertie du solide par rapport à l’axe de rotation. Cela est formellement très proche de
l’énergie cinétique de translation d’un mouvement unidimensionnel. Pour une descrip-
tion semiclassique, il faut se placer dans l’espace des phases et introduire le moment
conjugué à  défini selon  =  cin ∕ =   . Dès lors, la partie cinétique de l’hamil-
2
tonien prend la forme cin =  qui est quadratique et pour laquelle le théorème
2
d’équipartition s’applique. Notons que les intégrales sur l’espace des phases s’expri-
d d

ment avec ce jeu de variables. On pourra vérifier que la constante de Planck

 a bien la même dimension que  tandis que  est sans dimension.

Exercice 6.12
Soit un dipôle électrique permanent  astreint à se déplacer dans le plan  et dont
on repère l’orientation avec l’angle  par rapport à l’axe  (voir figure 6.5 à droite).
Il porte un moment d’inertie  et est soumis à une force dérivant d’une énergie po-
tentielle  pot = − ⋅  avec  =   un champ électrique externe et on notera

130
B Mouvements de rotation, moment cinétique et dipôles permanents en champs externes

Exercice 6.12
 = . Montrer que la fonction de partition canonique d’un seul dipôle se fac-
torise en  = cin pot et donner l’expression de pot sous forme intégrale. Montrer
que la moyenne   s’exprime comme une dérivée de l’énergie libre  du dipôle.

Le point de vue quantique est également très simple dans cette situation. En effet, le
mouvement de rotation est décrit par les opérateurs du moment cinétique mais l’énergie
2
cinétique de rotation se résume à  . Rappelons que les valeurs propres de  sont 
2
avec  ∈ ℤ.

Exercice 6.13
Écrire la fonction de partition canonique cin dans le cas quantique comme une
somme sur les nombres quantiques  qu’on ne cherchera pas à calculer. Montrer que
l’on retrouve le résultat classique dans la limite de température grande par rapport
à une température rot dont on donnera l’expression.

B.2 Traitement semiclassique du rotateur rigide


La plupart des situations en physique statistique correspondent à la description de
vecteurs libres de s’orienter dans l’espace à trois dimensions et non pas à deux di-
mensions (molécules diatomiques ou linéaires, dipôles électriques ou magnétiques, voir
figure 6.5 à gauche). Pour repérer l’orientation d’un vecteur, nous utilisons les deux an-
gles  ∈ [0, ] et  ∈ [0, 2 ] des coordonnées sphériques. La mécanique classique nous
donne l’expression de l’énergie cinétique de rotation en fonction de ces coordonnées

selon cin = [ 2 +  2 sin 2  ] avec  le moment d’inertie par rapport aux axes orthog-
2
onaux au vecteur2. Le mouvement de rotation autour de l’axe du vecteur, qui pourrait
être pertinent physiquement pour les molécules linéaires par exemple, n’est pas pris en
compte dans la limite du rotateur rigide. Cette approximation sera brièvement discutée
à la fin de l’appendice. Pour une description dans l’espace des phases, il faut calculer les
moments conjugués, ce qui donne  =  cin∕  =   et  = cin ∕  =   sin2 ,
si bien que l’hamiltonien prend la forme
  2 
1
cin = 2
 + . (6.86)
2  sin 2 

Bien que la géométrie sphérique fasse apparaître le terme non-trivial sin2  pour le terme
en  , celui-ci est bien quadratique dans les moments conjugués.

2. Pour une molécule diatomique, en forme d’altères, de longueur  pour deux atomes de masses ,
nous aurons  = 2 ∕4.

131
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

Exercice 6.14 Raisonnement dans l’espace des phases


Appliquons ce résultat au calcul de la moyenne thermique de l’orientation d’un
dipôle électrique en présence d’un champ électrique externe   =   . Comme
à l’exercice 6.12, son énergie potentielle est donnée par − ⋅ .
 Notons que le vol-
ume élémentaire d’intégration dans l’espace des phases est ici d dd d .
1/ Donner sous forme d’une intégrale la fonction de partition  d’un seul dipôle,
puis la calculer. En déduire son énergie libre  .

2/ Après avoir montré que le dipôle moyen vaut   = − , l’exprimer en fonction
de ∕   à l’aide de la fonction de Langevin () = coth() − 1∕ (représentée


sur la figure 6.6). Discuter physiquement les comportements limites    et


1 
    . Au voisinage de l’origine on donne coth() ≃ + .
 3

Exercice 6.15 Raisonnement avec la loi de Boltzmann


Retrouvons ce résultat par un argument basé sur la loi de Boltzmann. Cette présen-
tation est assez courante car ne faisant pas appel à la partie cinétique de l’énergie.
1/ Lorsque  = 0, quelle est la probabilité d’avoir les angles (,  ) ?
2/ Utiliser la loi de Boltzmann restreinte à l’énergie potentielle pour déterminer la
densité de probabilité ( ) d’avoir l’angle  pour   0.
3/ Retrouver le résultat de l’exercice 6.14 pour   et comparer les deux approches.

B.3 Traitement quantique du rotateur rigide


L’étude du rotateur rigide est un exemple classique d’application de la théorie du
moment cinétique en mécanique quantique. En effet, l’énergie cinétique s’exprime dans
2
ce cas simplement en fonction du moment cinétique   selon cin =  . Rappelons
2
que le moment cinétique est quantifié de la façon suivante : les valeurs possibles de  2
sont 2 𝓁 (𝓁 + 1) pour 𝓁 = 0, 1, 2, ⋯ entier et les valeurs possibles de la projection de
 selon un axe (souvent choisi pour être ) sont  pour −𝓁 ⩽  ⩽ 𝓁 à 𝓁 donné,
soit 2𝓁 + 1 valeurs possibles. Dès lors, les valeurs possibles de l’énergie cinétique sont
2
cin,𝓁 = 𝓁 (𝓁 + 1). Une première application de ce résultat sera la contribution du
2
degré de liberté de rotation des molécules diatomiques (traité au chapitre 8).
Dans ce qui suit, nous allons plutôt étudier le rôle de l’énergie potentielle d’un dipôle
en présence d’un champ externe. Dans ce cadre, l’exemple incontournable est l’étude
de l’aimantation d’un dipôle magnétique noté  en fonction de la température et d’un
champ magnétique externe  (on néglige la contribution du champ dipolaire au champ
magnétique total). Au niveau microscopique, un exemple de dipôle magnétique perma-
nent est souvent un ion soit en solution, soit appartenant à un réseau cristallin. Dans

132
B Mouvements de rotation, moment cinétique et dipôles permanents en champs externes

7
Gd 3+

aimantation par ion / μ B


6
1

5
Fe 3+

3
Cr 3+
0.5
1.30 K
2 2.00 K
3.00 K
1
4.21 K
0
0 0 10 20 30 40
0 5 10 15 20
B / T ( mGauss/K )
Figure 6.6
À gauche : fonction de Langevin (). À droite : Aimantation moyenne par ion en fonction
de  ∕ pour trois sels paramagnétiques. Dans tous les cas  = 2 (car  = 0). On a  = 3∕2
(Cr3+ ),  = 5∕2 (Fe 3+) et  = 7∕2 (Gd 3+ ). Les points sont les données expérimentales et les
courbes en traits pleins correspondent aux résultats obtenus en utilisant des fonctions de
Brillouin (6.88) [données tirées : de W. E. Henry, Physical Review 88, 559 (1952)].

un atome ou un ion, les moments magnétiques appréciables sont dus aux électrons en
orbite autour du noyau. Leur moment cinétique  associé au mouvement de rotation est
une première source qui s’ajoute au moment cinétique intrinsèque   des électrons, le
spin-1∕2. Les deux s’additionnent pour donner le moment cinétique total souvent noté
 =  + .
 Les protons et neutrons portent également un spin 1∕2 qui peut entrer en
compte mais reste en général sous-dominant. Le moment cinétique  suit les mêmes rè-
gles de quantification mentionnées ci-dessus pour   à ceci près que les spin demi-entier
sont autorisées. Nous utiliserons 2  ( + 1) avec  entier ou demi-entier et  avec
− ⩽  ⩽  les valeurs possibles de  2 et   . Pour un atome dans l’état fondamental,
la valeur de  est déterminée par la configuration électronique et reste fixée :  est donné
mais  varie. De plus, le moment magnétique 𝔪  d’un atome est relié à  par :
 
 =   =
𝔪  , (6.87)

 
où  est le facteur gyromagnétique,  le facteur de Landé et  ≃ =
2
−9, 27.10−24 A.m 2 le magnéton de Bohr. Le facteur de Landé  est une constante sans di-
mension, typiquement de l’ordre de l’unité.3 . L’énergie (potentielle) magnétique s’écrit

3. Si le moment angulaire du dipôle est seulement causé par le spin électronique, alors  = 2. Si
il est seulement causé par le mouvement orbital, alors  = 1. Si son origine est mixte on a  =
3∕2 + [( + 1) −  ( + 1)]∕[2 ( + 1)] où  et  sont les nombres quantiques angulaires intrinsèque et
orbital.  est le nombre quantique associé au moment cinétique total  =  + , i.e. les trois nombres
satisfont la règle du triangle (cf. par exemple le problème 13.1 de [35]).

133
Chapitre 6 • Systèmes non isolés – Ensembles canonique et grand-canonique

mag = −𝔪  ⋅  (énergie Zeeman). Les valeurs possibles de l’énergie sont donc de la


forme   = −  , avec  ∈ {−, − + 1, ⋯ , +  }.

Exercice 6.16 Paramagnétisme de Brillouin


Nous étudions la réponse d’un ensemble de moments magnétiques quantiques, sup-
posés indépendants. Ce problème a été considéré originellement par Brillouin.
1/ En posant  =  , exprimer sous forme d’une somme la fonction de partition
 d’un seul moment. Faire d’abord le calcul explicitement pour le cas du spin 1∕2
( = 1∕2), puis dans le cas général en utilisant l’astuce de considérer e. Vérifiez
que vous retrouver bien le résultat précédent.
2/ La mécanique quantique assure que les contributions au moment moyen selon 
et  sont nulles. Montrer que l’aimantation moyenne selon  est reliée à une dérivée
de l’énergie libre  . Effectuer le calcul pour exprimer 𝔪 C à l’aide de la fonction
de Brillouin
      
  () =  +
1 1 1 
coth  +  − coth . (6.88)
2 2 2 2
1 
3/ Pour  → 0, on a coth() ≃ + . Analyser les comportements limites en
 3
fonction de   ∕  puis déterminer pour chaque ion la valeur de  dans les
résultats expérimentaux de la figure 6.6.

134
Entraînez-vous
Exercice 6.17 Distribution canonique et principe d’entropie maximale
Une autre approche pour obtenir la distribution canonique est de partir du « principe d’entropie
maximale » et d’utiliser la méthode des multiplicateurs de Lagrange (Annexe A du chapitre 4
page 66). Chercher
la distribution
 {𝓁 } qui maximise l’entropie de Gibbs-Shannon sous les
deux contraintes 𝓁 = 1 et 𝓁 𝓁 = .
𝓁 𝓁

Exercice 6.18 Entropie de Rényi – Un autre ensemble canonique ?


On a introduit l’entropie de Rényi dans l’exercice 4.2, éq. (4.30), et avons montré que sa
maximisation (sans autre contrainte que la normalisation) conduit à la distribution uniforme.
a) Reprendre la logique de l’exercice 6.17 en appliquant la méthode des multiplicateurs de
Lagrange (Annexe A du chapitre 4 page 66), déduire la « distribution de Rényi canonique ».
Vérifier qu’on peut retrouver la distribution canonique standard pour  → 1.
b) Nous considérons un système caractérisé par un spectre des énergies borné seulement in-
férieurement et décrit par une densité d’états  ( ) ∝ −1 . Montrer que l’exposant  est alors
contraint.
Problème 6.1 Équilibre chimique et loi d’action de masse
On considère un gaz de 0 molécules de chlore Cl2 dans une enceinte de volume  maintenue
à température  . À cause de l’agitation thermique les molécules peuvent se dissocier en deux
atomes de chlore :
Cl2 ⇋ 2 Cl
Nous étudions l’équilibre entre les deux gaz (d’atomes et de molécules), qui seront traités dans
l’approximation semiclassique.
1/ Nous notons 1 le nombre d’atomes de chlore et  2 le nombre de molécules de dichlore
non dissociées. Nous supposons connues les énergies libres 1( 1) et  2 (2) des deux gaz
(monoatomique et moléculaire). Justifier que la fonction de partition canonique du mélange
s’écrit comme
0
  
−  1(2(0− 2 ))+2 (2 )
= e (6.89)
 2=0

2/ Dans la limite thermodynamique, quelles valeurs de 2 minimisent-elles la somme ?


Déduire une équation qui relie les deux potentiels chimiques 1 et 2.
3/ Loi d’action de masse.– Discuter la dépendance en 1,2 des fonctions de partitions  1,2
des gaz monoatomique et moléculaires. On introduit les densités 1,2 = 1,2 ∕ . Déduire que
la condition obtenue dans la question précédente peut se mettre sous la forme
21
=  ( ) (6.90)
2
où  ( ) est une fonction de la température et des paramètres microscopiques (qui sera calculée
dans l’exercice 8.9).

135
Chapitre 7
Vue d’ensemble des
outils de la physique
statistique

Donner une vue d’ensemble sur les 1 L’équivalence des ensembles


différents « modes opératoires » de la 2 Transformations
physique statistique thermodynamiques
Comprendre le lien entre les différents 3 La physique statistique : mode
ensembles d’emploi

Les deux chapitres précédents ont présenté trois principaux « ensembles » de la


physique statistique : microcanonique, canonique et grand canonique. Chacun corre-
spond à des occupations des microétats particulières, i.e. des macroétats {𝓁∗ }, {𝓁C } ou
{ 𝓁G }. À ce stade, plusieurs questions se posent : quel ensemble doit-on choisir ? Est-il
nécessairement déterminé par la situation physique ou bien pour simplifier les calculs ?
Les résultats obtenus dans les différents ensembles seront-ils différents ? Ce chapitre va
répondre à cet ensemble de questions et montrer qu’à la limite thermodynamique, les
résultats sur les fonctions thermodynamiques sont indépendants du choix de l’ensem-
ble. La démonstration permettra d’identifier les relations entre ensembles et de revenir
sur les liens entre physique statistique et thermodynamique. Nous conclurons par une
présentation synthétique des principaux outils maintenant à notre disposition.

1 L’équivalence des ensembles

1.1 Relation entre les ensembles microcanonique


et canonique
Nous avons rencontré les mêmes notions (pression, température, entropie, etc) dans
deux cadres assez différents : l’ensemble microcanonique et l’ensemble canonique.
L’existence de plusieurs « boîtes à outils » permettant d’analyser un système macro-
scopique soulève donc la question de la comparaison entre les prédictions obtenues dans
les divers cadres. Cette comparaison est d’autant plus nécessaire que les distributions

136
1 L’équivalence des ensembles

sont très différentes. Si nous introduisons la fonction  (𝓁 −  ) telle que, pour  don-
née,  (𝓁 − ) = 1 si  ⩽  𝓁 ⩽  +  et ( 𝓁 − ) = 0 sinon, nous pouvons écrire
la distribution microcanonique comme 𝓁∗ ∝  (𝓁 −  ). Au contraire, la distribution
canonique, 𝓁C ∝ e− 𝓁 , est non nulle pour toute énergie.
Résumons les deux constructions microcanonique et canonique :
() un comptage des microétats, affectés d’un poids, correspondant à Ω() ou à  ( ),
() l’obtention d’un potentiel thermodynamique, ∗ ou  ,
() la déduction des propriétés thermodynamiques par dérivation partielle de ∗ et 
par rapport à leurs arguments.

Ensemble microcanonique Ensemble canonique


Système isolé,  fixée à  près système thermostaté,  fixée

Thermostat ,T

δE

 
Ω() = ( 𝓁 − ) =  ( ) (  ) = e −𝓁
𝓁 𝓁
Pl * Pl C
1  1 −𝓁
 ∗𝓁 =  ( 𝓁 −  ) 𝓁C = e
Ω() El  El
E kB T

 () =  ln Ω( )  (  ) = −  ln  ( )
C 
1∕ ∗() =  ∗ ∕  ( ) = − ln  ( )


L’étude d’un exemple va nous conduire à l’assertion suivante, qui sera justifiée plus
généralement par la suite : les propriétés thermodynamiques obtenues dans les dif-
férents ensembles sont les mêmes. On parlera de l’équivalence des ensembles, qui est
valable dans la limite thermodynamique  → ∞. Nous pouvons donc garder en tête
que l’équivalence ne sera pas strictement réalisée pour les systèmes de taille finie avec
 petit, comme les agrégats ou les noyaux atomiques, mais également en présence de
forces à longue portée comme en astrophysique avec la loi de la gravitation.

1.2 Analyse d’un exemple : le cristal paramagnétique


Le cristal paramagnétique de spin 1∕2, un système à deux niveaux introduit page 39
(cf. § 2.2 du chapitre 3), nous a servi d’exemple d’application. Comparons les résul-
tats des analyses microcanonique et canonique. Dans le traitement microcanonique des

137
Chapitre 7 • Vue d’ensemble des outils de la physique statistique

sections 2.2.d et 3.1.h du chapitre 5, l’entropie prenait la forme


       
1 − ∗ 1 − ∗ 1 + ∗ 1 + ∗

 () = − ln + ln (7.1)
2 2 2 2

où  ∗ =  ∕ , impliquant que la température microcanonique est donnée par


def

 
  1 − ∗
1
∗ = = ln . (7.2)
   ∗ ( ) 2 1 + ∗
L’analyse canonique correspondante (§ 1.5.a du chapitre 6) donne l’énergie moyenne


C
 ( ) def
C = = − th  C avec C = . (7.3)
   
Il est évident que l’inversion de (7.2) prend la forme ∗ = − th ∗ équivalente à (7.3).
Le cas de l’entropie, la fonction fondamentale dans l’ensemble microcanonique, mérite
également d’être discuté : nous partons de (6.30),  C∕() = ln(2 ch  C)− C th  C =
C
 C + ln(1 + e−2 ) − C th  C . Réexprimant  C en fonction de C , nous arrivons
1 1−C 2  C 1 − C
à  C∕(  ) = ln( ) + ln( ) − ln( ), qui donne finalement
2 1+C 1 − C 2 1 + C
(1 −  C ) (1 −  C ) (1 + C ) (1 +  C)
 C ∕() = − ln − ln , qui coïncide avec (7.1).
2 2 2 2
C
Autrement dit,  =  ( ) comme fonction de  est la fonction réciproque de  =
 ∗ ( ) comme fonction de . Sous les mêmes conditions d’identification, les entropies
sont égales. Soulignons que si le calcul canonique est exact quel que soit , le résultat
microcanonique repose sur l’hypothèse   1.

1.3 Analyse générale de l’équivalence entre ensembles


Nous cherchons maintenant à donner une preuve générale de l’identité des résultats
obtenus dans le cadre des deux ensembles. Nous considérons un système avec   1
(typiquement  ∼ 1023 ), pour pouvoir travailler avec l’ensemble microcanonique.

a) La compétition entropie-énergie

Puisque la distinction entre les deux ensembles concerne l’existence ou non d’une con-
trainte sur l’énergie, il est naturel d’analyser la distribution de l’énergie dans l’ensemble

canonique, éq. (6.19). En utilisant ( ) = e ()∕ ∕, nous voyons qu’elle s’exprime
à l’aide de l’entropie microcanonique
e− −

+ 1  ∗ ( )
P C () = ( ) ∝ e   ∝ e − ( ; ) , (7.4)

où nous avons introduit une « énergie libre »  ( ;  ) =  −   ∗( ) (stricto
def

sensu ( ;  ) n’est pas l’énergie libre microcanonique, qui serait plutôt  ∗() =
 ( ;  ∗ ()) =  −  ∗( )  ∗( )). La valeur max de l’énergie qui maximise PC ( )

138
1 L’équivalence des ensembles

satisfait la condition
  ( ;  )
 
 1 ∗
 =  −  ( ) = 0 ⇒  ∗(max ) =  . (7.5)
  

D’après la figure 5.8, la valeur la plus probable  max est le point où, dans le produit
( )e− , la forte croissance de la densité d’états (effet entropique) et la forte décrois-
sance de l’exponentielle s’équilibrent. Cela se traduit par l’égalité des températures
canonique et microcanonique.
Dans le cadre de l’ensemble canonique, l’énergie est autorisée à fluctuer. Nous
pourrions analyser plus en détail la distribution P C ( ), répétant ainsi l’analyse de la
section 3.1 du chapitre 5 dans laquelle nous avons obtenu une distribution gaussienne

 
très étroite P C () ∝ exp − ( −  max)2∕(2 2 ) , avec  max ∝  et   ∝ .
Puisque les fluctuations sont négligeables devant les valeurs moyennes dans la limite
thermodynamique,  → ∞, on est presque dans la situation où l’énergie est fixée
(distribution de l’énergie dans l’ensemble microcanonique) :

P C( ;  ) ⟶ P∗ ( ; max) = ( −  max) (7.6)


 →∞ 
canonique microcanonique

Remarquons
 que (7.6) est uniquement schématique : la largeur de P C ( ) croît comme
, donc la distribution ne peut pas tendre vers un Dirac. Une écriture mathématique-
def
ment plus correcte est d’introduire la variable aléatoire  =  ∕  dont la moyenne tend
vers une limite finie  = lim  max∕ , tandis que ses fluctuations s’annulent à la limite
→∞
 → ∞ ; on a bien alors () ⟶  ( − ).
→∞
Le principe de minimisation de l’énergie libre et l’analyse de la distribution de
l’énergie illustrent un point intéressant que nous pouvons appeler la « compétition
énergie–entropie ». Puisque l’énergie libre s’exprime en fonction de l’énergie et de
l’entropie comme  =  −  , sa minimisation procède d’un compromis entre énergie
et entropie : le principe de maximisation de l’entropie, à combiner avec la minimisation
usuelle de l’énergie. Ceci est rendu explicite dans l’expression de la distribution (7.4) de
l’énergie PC ( ) dont la maximisation procède du même compromis énergie-entropie.

b) Limite thermodynamique

Afin d’établir une correspondance entre les propriétés thermodynamiques déduites des
deux approches, nous devons examiner le lien entre les fonctions génératrices,  ( ) et
 ∗ ( ). Analysons la fonction de partition canonique :

  
1 − + 1 ∗ ( )
 ( ) = e−𝓁 = d () e − = d e 
. (7.7)
𝓁

139
Chapitre 7 • Vue d’ensemble des outils de la physique statistique

Dans la limite thermodynamique l’intégrale est dominée par le voisinage de max. On


obtient par la méthode du col (voir page 28) :

 
1  2 
 2 ∗  − max+ 1  ∗ (max )  −max + 1  ∗ (max )
 ( ) ≃ e  = 2 e  , (7.8)
 −   ( max) 
2

d’où l’expression de l’énergie libre  ( ) = −  ln  ( ) :


  
 ( ) = max −   ∗ (max ) −   ln 2  ≃ max −   ∗ ( max) =  (max ,  )


(ln )

où  max ( ) est implicitement une fonction de  . D’après (6.11) nous écrivons

+  ∗ (max) + (ln  ) .
C C
 −  ( )  − max
C
 ( ) = = (7.9)
 
Si nous passons formellement à la limite thermodynamique en faisant «  → ∞ » :
 présente des fluctuations qui deviennent négligeables
l’énergie totale en valeurs rel-
= ( 1∕3)
C
atives (∼ ) si bien que l’on peut négliger le premier terme  −  max

sous extensif.1 Finalement nous pouvons écrire

C
C ( ) =  ∗ ( ( )) ou  ∗() =  C( ∗ ()) (à la limite thermo.) . (7.10)

De même, les prédictions de chacun des ensembles deviennent exactement égales, en


particulier ∗ =  C,  ∗ = C , etc.
Sans redérouler un raisonnement similaire, on se convaincra que la même équivalence
se produit avec l’ensemble grand-canonique et l’ensemble canonique. Le raisonnement
se fera sur les valeurs de  et  qui maximisent la loi jointe de l’énergie et du nombre
de particules P G (,  ) ∝ e− ( −  ()− ) .

À la limite thermodynamique où les fluctuations des grandeurs thermody-


namiques sont négligeables devant leurs valeurs moyennes, il y a correspondance
entre les moyennes de ces grandeurs obtenues dans le cadre des ensembles
microcanonique, canonique et grand-canonique.

Remarque 1. Si les grandeurs thermodynamiques (moyennes) coïncident, il n’en est


pas de même pour les fluctuations. Par exemple : les fluctuations de l’énergie dans les
trois ensembles sont Var()∗ = 0, Var()C =   2  et Var()G = Var()C +
 C 2

Var( )G . Voir aussi le problème 7.1 page 152.


C
1. La différence entre  et  max ne peut venir que du troisième cumulant, d’où le scaling.

140
2 Transformations thermodynamiques

Remarque 2. Si l’on peut trouver la distribution microcanonique 𝓁∗ ∝  (𝓁 −  ) un


peu artificielle, ce résultat essentiel justifie que le choix d’une distribution plus régulière
(comme une gaussienne centrée sur  et de largeur ) conduirait aux mêmes résultats.

2 Transformations thermodynamiques
2.1 Transformations élémentaires : point de vue
microscopique
Reprenons la notion de force généralisée introduite dans l’annexe A du chapitre 6.
Nous considérons un système pour lequel l’entropie ne dépend que de l’énergie  et
d’une grandeur  (comme le volume), soit (, ) pour l’entropie et  ( , ) pour l’én-
C
ergie libre. Nous avons pour les différentielles d = −C d −  d en canonique et
d =  ∗d ∗ − ∗ d en microcanonique (voir (6.84) et (6.85)). À la limite thermody-
namique, nous pouvons utiliser l’équivalence des ensembles et identifier les grandeurs
C C
apparaissant dans ces expressions, en particulier prendre  =  ∗ =  et  = .
Considérons maintenant une transformation quasi-statique, c’est-à-dire une transfor-
mation infinitésimale entre deux états d’équilibre macroscopique, correspondant à une
variation d du paramètre . Elle n’est pas nécessairement réversible (il peut y avoir
création infinitésimale d’entropie). Plaçons-nous dans l’ensemble canonique, avec une
C 
transformation qui est donc à  constante. De  =  𝓁 𝓁 , on tire
𝓁
 
d = 𝓁 d 𝓁 +  𝓁 d 𝓁 . (7.11)
𝓁 𝓁

Le fait que d𝓁 = − 𝓁d, avec  𝓁 la force généralisée dans le microétat 𝓁, permet
C
d’identifier le second terme à − d = − d , soit

−  d = 𝓁 d𝓁 . (7.12)
𝓁

Calculons la différentielle de l’entropie statistique  = −  𝓁 ln 𝓁 , correspondant
𝓁 
à la variation d’entropie lors d’une transformation infinitésimale. Comme d𝓁 =
 𝓁
0, nous obtenons d = − ln  𝓁d 𝓁 . En remarquant que pour la distribution
𝓁
canonique − ln  𝓁 = ln  +  𝓁, il vient

 d =  𝓁d 𝓁 . (7.13)
𝓁

Le travail élémentaire de la force généralisée -d = − d est dû microscopiquement


à la modification des niveaux d’énergies. La variation d’entropie d est associée à la
modification des occupations des niveaux. Pour une transformation non quasi-statique

141
Chapitre 7 • Vue d’ensemble des outils de la physique statistique

entre états d’équilibre éloignés, cette interprétation perd tout sens. Il faut alors dévelop-
per une physique statistique hors de l’équilibre (cf. [22] par exemple, ou [4, 26, 29] ou
les notes de cours de Master 2 [34]) pour décrire les états intermédiaires.

2.2 Le premier principe retrouvé


Nous avons discuté en détail une interprétation statistique du second principe de la
thermodynamique au chapitre 5. Nous voudrions maintenant avoir une interprétation
statistique du travail et surtout de la chaleur reçus par le système, apparaissant dans
le premier principe de la thermodynamique. Ce dernier s’écrit d = d - ext + d
- ext
pour une transformation infinitésimale quelconque, avec d - ext = − ext d le travail
élémentaire reçu de la force extérieure ext imposée au système et d - reçue la chaleur
reçue par le système. En général et comme en thermodynamique, bien que d - ext +
- ext = − d +  d , on ne peut identifier les contributions termes à termes :d
d - ext 
− d et d- ext   d . En particulier, dans cette étude à  fixée entre le système et
l’extérieure, le second principe se traduit par l’inégalité d ⩾ d - ext∕ . Cependant,
pour une transformation réversible uniquement, les forces généralisées s’équilibrent
à tout instant  = ext , si bien que d- rev = − d, et par conséquence, le second
- rev =  d. Dans ce cas, le travail élémentaire est associé à la
terme s’identifie aussi d
variation des niveaux et la chaleur à la variation des populations.

3 La physique statistique : mode d’emploi


Pour clore cette première partie sur les « Fondements », prenons un peu de recul afin de
percevoir la cohérence globale du cours de physique statistique. L’objet de ce résumé est
de donner une vue synthétique des aspects techniques : quel est le minimum de choses
vraiment essentielles à retenir ? Que doit-on calculer ? Quelle est la logique ? Le résumé
est complété par le tableau de la page 146.

3.1 La description microscopique


Microétats. (chapitre 3 et exemples des autres chapitres). Toute analyse doit com-
mencer par définir la nature des microétats, notés génériquement 𝓁. Quels sont les degrés
de liberté pertinents ? La description est-elle classique ou quantique ? Le problème est-
il séparable ? Peut-on introduire une base d’états individuels (systèmes indépendants et
identiques) ? Les particules sont-elles indiscernables ?

Hamiltonien. (chapitre 3). Une fois clairifiée la nature des microétats {𝓁 }, on déter-
minera leurs énergies {𝓁 }.

142
3 La physique statistique : mode d’emploi

Densité d’états. (chapitre 3). Cette fonction, notée ( ), permet d’effectuer le comp-
tage des microétats d’énergie . Elle encodera souvent toute l’information micro-
scopique qui est pertinente pour les propriétés thermodynamiques. Si les microétats
peuvent être décrits classiquement, la règle de calcul semiclassique (3.28) est extrême-
ment efficace. Pour les problèmes de particules indiscernables, la densité des états
individuels sera utile.

3.2 Le passage au macroscopique


L’équilibre macroscopique. (chapitre 3). La partie de la physique statistique que
nous avons présentée s’intéresse aux systèmes à l’équilibre macroscopique.

Macroétat. (chapitre 3). Un système à l’équilibre est décrit par un macroétat, carac-
térisé par l’ensemble {𝓁 } des probabilités d’occupation des microétats.

Les ensembles de la physique statistique. La construction explicite du macroé-


tat est effectuée dans différentes situations correspondant à un choix des quantités
thermodynamiques fixées qui est guidé soit par la situation physique, soit par des mo-
tivations techniques (facilité des calculs). Les différentes distributions qui en résultent
sont désignées comme « les ensembles de la physique statistique », les trois plus impor-
tantes correspondant aux choix possibles entre les deux couples de variables conjuguées
(,  ) et (, ) (on ne peut pas fixer  et  en même temps) :
• L’ensemble microcanonique (chapitre 5) : description d’un système isolé ⇒
(,  , ⋯) fixés. Limité aux systèmes suffisamment grands (  1) afin d’assurer
l’ergodicité. On retiendra

𝓁∗ = cste pour ⩽ 𝓁 ⩽  +  (7.14)

• L’ensemble canonique (chapitre 6) : description d’un système en contact avec un


thermostat ⇒ ( , , ⋯) fixés. On retiendra

𝓁C ∝ e− 𝓁 (7.15)

• L’ensemble grand-canonique (chapitre 6) : description d’un système en contact avec


un réservoir de particules ⇒ ( , , ⋯) fixés (deviendra indispensable pour l’étude
des statistiques quantiques dans la dernière partie du livre). On retiendra

𝓁G ∝ e − (𝓁−𝓁 ) (7.16)

Les fonctions de partition. Chacun des ensembles introduit une fonction qui dénom-
bre les microétats en leur affectant un poids particulier, qui sont donc les inverses des
constantes de normalisation des distributions (7.14,7.15,7.16). Ces fonctions s’interprè-
tent comme des fonctions génératrices :

143
Chapitre 7 • Vue d’ensemble des outils de la physique statistique

Microcanonique : le nombre de microétats accessibles Ω(,  , ⋯).


Canonique : la fonction de partition ( , , ⋯).
Grand-canonique : la grande fonction de partition Ξ( , , ⋯).
Les définitions des trois fonctions de partitions découlent simplement des formes (7.14),
(7.15)et (7.16), qui sont finalement les seules informations à retenir. Par exemple,
= e− 𝓁 permet de normaliser (7.15).
𝓁

Évolution de l’équilibre. La physique statistique permet de prédire et d’interpréter


microscopiquement le sens de l’évolution des états d’équilibre lorsque les contraintes
sur le système sont modifiées.

3.3 Les grandeurs thermodynamiques


Les potentiels thermodynamiques. Chacun des ensembles introduit une fonction
génératrice des propriétés thermodynamiques
Microcanonique : l’entropie ∗ (,  , ⋯) =  ln Ω(,  , ⋯)
Canonique : l’énergie libre  ( , , ⋯) = −  ln  ( ,  , ⋯)
Grand-canonique : le grand potentiel  ( , , ⋯) = −  ln Ξ( , , ⋯)

Les identités/relations thermodynamiques. Les autres grandeurs thermody-


namiques s’obtiennent par dérivation des potentiels. Pour retrouver rapidement leurs
définitions, on pourra se rappeler le lien avec la thermodynamique et effectuer une trans-
formation de Legendre sur la relation fondamentale d =  d −  d +  d + ⋯ (cf.
annexe A). Par exemple, pour retrouver la définition du potentiel chimique canonique
C on procède comme suit : l’ensemble canonique correspond à  et  fixés, on doit
donc considérer le potentiel fonction de ( ,  , , ⋯), qui est donc relié à l’énergie par
la transformation de Legendre  =  −   ⇒ d ( ,  ,  , ⋯) = − d  −  d +
def
 d  + ⋯, qui montre que  C =  ∕ .

Équivalence des ensembles. Le choix de l’ensemble approprié peut être motivé par
des raisons techniques (exemple : l’analyse des particules indépendantes se fait na-
turellement dans l’ensemble canonique où la fonction de partition se factorise). Une
idée importante est de retenir qu’à la limite thermodynamique (pour les systèmes possé-
dant les bonnes propriétés d’extensivité), comme les résultats obtenus dans les différents
ensembles coïncident, on pourra choisir l’ensemble qui simplifie les calculs, puis on
utilisera l’équivalence des ensembles pour revenir à la situation d’intérêt.

Modèles incontournables. Trois modèles sont incontournables, le gaz parfait, les os-
cillateurs harmoniques et le cristal paramagnétique (ou système à deux niveaux). Il
faudra maîtriser parfaitement l’application des principes exposés ci-dessus dans ces
situations très simples.

144
3 La physique statistique : mode d’emploi

3.4 Au delà des propriétés thermodynamiques


Un lien avec les paramètres microscopiques. Les résultats gardent une trace des
paramètres microscopiques et des constantes fondamentales. Cela permet soit d’accéder
à ces paramètres microscopiques, à partir des propriétés observées à l’échelle macro-
scopique, soit de voir en principe comment le changement de ces paramètres pourrait
affecter le comportement à l’échelle macroscopique.

Les distributions et les fluctuations. La physique statistique permet de prédire


les fluctuations de grandeurs et même leur distribution. Ces quantités sont parfois
mesurables expérimentalement, ce qui fournit aussi un moyen pratique de mesurer
précisément la température. Le fluctuations ont également une signification physique
profonde comme en atteste par exemple (6.21) ou (10.56).

145
146
Ensemble Paramètres Distribution Fonction Potentiel Relation
extérieurs fixés génératrice thermodynamique thermodynamique
Micro- d =  d − d +  d + ⋯
1 1  
canonique ,  , , ...  𝓁∗ = (*) Ω(,  ,  , ⋯) : # de  ∗ (,  ,  , ⋯) =  ln Ω ou d = d + d − d + ⋯
Ω   
1 def  ∗ ∗ def  ∗
système isolé (postulat fond.) microétats accessibles entropie d’où = , = , etc
∗   ∗ 

Canonique  ,  , , ...  ( ,  , , ⋯) = −  ln  Legendre :  =  −  


 −𝓁
système 𝓁C = 1 e −𝓁 = 𝓁
e énergie libre d = − d − d +  d + ⋯
 def  C def 
thermostaté fct de partition (fonction de Helmholtz) d’où  C = − , = − , etc
 

Grand  ,  , , ... Legendre :  =  − 


G 1 − (𝓁 −𝓁 )  − ( − )
canonique contact avec 𝓁 = e Ξ= e 𝓁 𝓁 ( ,  , , ⋯) = −  ln Ξ d = − d − d −  d + ⋯
Ξ 𝓁
def  def 
un réservoir fct de grand partition grand potentiel d’où  G = − ,  G = − , etc
 
de particules
Isotherme-  , , , ... ( , , , ⋯) = −   ln  Legendre :  =  + 
Chapitre 7 • Vue d’ensemble des outils de la physique statistique

1 
− (𝓁 +𝓁 )
isobare contact avec  𝓁ii = e − (𝓁 +𝓁 )  = e enthalpie libre d = − d +  d +  d + ⋯
 𝓁
ii def  ii def 
un réservoir (**) (fonction de Gibbs) d’où  = − , = , etc
 
Etc...

(*) pour  ⩽ 𝓁 ⩽  + 

(**) On traite le volume comme une variable prenant des valeurs discrètes pour simplifier les notations.
Les annexes
A Potentiels thermodynamiques

Nous montrons comment retrouver rapidement les définitions des grandeurs thermo-
dynamiques dans chacun des ensembles en utilisant les potentiels thermodynamiques
construits dans le cadre de la thermodynamique classique.
Considérons un fluide simple dont on note  l’énergie interne,  le volume et 
le nombre de particules. Nous nous plaçons à la limite thermodynamique où ∗ =
 C =  G, etc, en utilisant l’équivalence des ensembles. Les différents potentiels
thermodynamiques jouent le rôle de fonctions fondamentales : la connaissance de la
fonction d’état (,  ,  ), ou (,  , ), (fonction de ces trois arguments précisé-
ment et obtenue pour le gaz parfait en inversant la formule de Sackur-Tétrode (5.17)),
encode toutes les propriétés thermodynamiques. Il en est de même pour la fonction
 ( ,  , ), donnée par la physique statistique, dont on tire l’ensemble des propriétés
3
thermodynamiques. En revanche ( ,  ,  ) =   (l’énergie moyenne canon-
2
ique) ne donne aucune information sur l’équation d’état par exemple. Si d’autres
paramètres entrent en jeu (un champ magnétique, un champ électrique, etc) les potentiels
thermodynamiques se construisent de façon analogue.

A.1 Transformations de Legendre


Partons de l’égalité fondamentale de la thermodynamique pour la fonction
(,  , ) :

d =  d −  d +  d . (7.17)

Elle met en évidence trois couples de variables conjuguées ( ,  ), (,  ) et (,  ).


Chaque potentiel thermodynamique est construit pour passer d’une variable à sa vari-
able conjuguée. Pour ce faire, on part de (7.17) et on utilise une transformation de
Legendre, ce qui revient ici à soustraire le produit des variables conjuguées : on définit
l’Enthalpie , l’Énergie libre  , l’Enthalpie libre , le Grand potentiel  selon
 =  +  ⇒ d =  d  +  d +  d (7.18)
 =  −  ⇒ d = − d − d +  d (7.19)
 =  +  =  −   +  ⇒ d = − d +  d  +  d (7.20)
 =  −  =  −   −  ⇒ d = − d − d −  d (7.21)
Les arguments des potentiels correspondent aux paramètres extérieurs fixés des en-
sembles de la physique statistique. Les différentielles redonnent rapidement les défini-
tions des grandeurs thermodynamiques dans chacun des ensembles. Par exemple, dans
l’ensemble canonique ayant pour jeu de variable ( ,  , ), nous voyons que l’entropie
  
s’écrit  C = − , la pression C = − et le potentiel chimique C = .
  

147
Chapitre 7 • Vue d’ensemble des outils de la physique statistique

Tableau 7.1– Les différents potentiels thermodynamiques et leurs relations.

Ensemble Variables Potentiel thermodynamique Relation thermodynamique


1  
micro- ,  ,  entropie  (,  , ) d = d + d − d
canonique   

isobare , ,  enthalpie ( , ,  ) d =  d +  d +  d
canonique ,  ,  énergie libre  ( ,  , ) d = − d − d +  d
(fct de Helmholtz)
isobare-  , ,  enthalpie libre ( , ,  ) d = − d +  d +  d
isotherme (fct de Gibbs)
grand- ,  ,  grand potentiel  ( ,  , ) d = − d − d −  d
canonique

A.2 Extensivité et relation de Gibbs-Duhem


Remarquons que l’extensivité de ( , ,  ), fonction d’une seule variable exten-
sive et deux variables intensives, implique que  =  . De même,  = − (voir
l’exercice 6.6 pour une démonstration). D’où les relations

 = − +  ,  =   +  ,  =   −  +  . (7.22)

Il faut se méfier de l’apparente simplicité de ces relations : en explicitant les dépendances


dans le jeu de variables du potentiel thermodynamique, on voit qu’elles contiennent en
fait peu d’information utile. Par exemple, nous avons  ( ,  , ) = −( ,  ,  )  +
( ,  ,  )  . Malgré tout, ces considérations sur l’extensivité impliquent une relation
utile en thermodynamique, liant les variations des différentes quantités intensives :  , 
et  dans un fluide simple. La relation de Gibbs-Duhem

 
d = − d + d (7.23)
 

s’obtient en écrivant par exemple d = − d +  d +  d =  d  +  d .

A.3 Relations de Maxwell


En écrivant l’égalité des dérivées croisées pour les différentielles des potentiels ther-
modynamiques, nous obtenons des relations non triviales entre dérivées partielles. Par
exemple, comme d = − d − d  +  d est une différentielle exacte, nous avons

           
     
= , − = , − = .
  ,   ,   ,   ,   ,   ,
(7.24)

148
B Transformation de Legendre : l’exemple des partitions d’un entier

B Transformation de Legendre : l’exemple


des partitions d’un entier

Nous donnons un éclairage probabiliste sur l’équivalence entre ensembles de la physique


statistique en considérant le problème combinatoire de la partition des entiers. L’étude
de cette question sera l’occasion d’insister sur le rôle de la transformation de Legendre.
Considérons le problème des partitions d’un entier : combien y a-t-il de manières
d’écrire l’entier  ∈ ℕ comme somme de nombres entiers ? Par exemple, nous pouvons
écrire

4=1+3 =2+2 =1+1+2 =1+1+1+1, (7.25)

i.e. il y a 5 façons de décomposer 4 (n’oublions pas la première qui correspond à 4 + 0).


Dans une partition, chaque entier plus petit peut apparaître plusieurs fois : nous no-
tons   le nombre d’occurrences de l’entier . Une partition est donc caractérisée par
l’ensemble { }∈ℕ ∗ de ces facteurs, que nous appellerons des « facteurs d’occupation »,
en cohérence avec le chapitre 11. L’entier s’exprime comme :


=   (7.26)
=1

(notons que nous aurions aussi bien pu limiter la somme à  plutôt que l’infini puisque
 = 0 pour  > ). Considérons un exemple : 1 + 1 + 2 = 2 × 1 + 1 × 2, i.e. la
partition est décrite par les facteurs 1 = 2,  2 = 1 et   = 0 pour  > 2. Nous pouvons
maintenant écrire une formule pour le nombre de partitions de  :


  
∞ 

Ω( ) =  , 
  
où ⋯ (7.27)
{ } {} 1=0 2 =0

dénote la sommation sur toutes les partitions. Le calcul de la somme multiple est rendu
difficile à cause de la contrainte (7.26). Pour contourner le problème, nous introduisons
la fonction génératrice
∞  
() =
def    
∞ ∞ ∞ ∞


 Ω( ) = ⋯ ⋯    =     , (7.28)
=0 1 =0  =0 =1   =0

dont le calcul est rendu élémentaire grâce à la factorisation. L’idée maîtresse, en intro-
duisant la fonction génératrice, a été de lever la contrainte sur  qui rendait le calcul
direct de la somme (7.27) inextricable. Finalement

() =


1

pour  < 1 . (7.29)
=1 1 − 

149
Chapitre 7 • Vue d’ensemble des outils de la physique statistique

Exercice 7.1
On introduit  () = − ln (). Pour  → 1− , on peut transformer la somme en
def

d. Déduire que  () ≃ 2 ∕ 6 ln  . Indication : utiliser


∞ ∞  
0
intégrale →
=1
(A.11) pour  = 2 avec une intégration par parties.

Le problème est maintenant de revenir au nombre de partitions Ω( ), connaissant


(). Puisque Ω( ) est le coefficient du terme  de la fonction analytique (), nous
pouvons écrire
d () d ()
 2i   2i
Ω( ) = +1
= e avec  () = − () − ( + 1) ln 
(7.30)
où le contour d’intégration dans le plan complexe de la variable  entoure une fois
l’origine dans le sens direct (en respectant  < 1).
Une analyse détaillée montrerait que, dans la limite   1, l’intégrale est dom-
() est stationnaire (le contour peut toujours être
inée par le point ∗ où la fonction  
déformé pour visiter ce point). La solution de ′ () = 0 est ∗ ≃ exp[−∕ 6 ].

Finalement on obtient sans peine


Ω( ) ∼ e  (∗ ) ≃ e 2∕3
. (7.31)
→∞

Exercice 7.2 Facteur pré-exponentiel (Hardy & Ramanujan, 1918)


Un développement plus précis de la fonction  () est
 
 () =
2 1 2
+ ln +⋯ (7.32)
6 ln  2 − ln 
Déduire l’expression

1  2∕3
Ω( ) ≃  e . (7.33)
→∞
4 3

La formule (7.33) a été obtenue en 1918 par deux mathématiciens ayant apporté
des contributions importantes à la théorie des nombres, Godfrey H. Hardy et Srinivasa
Ramanujan.

Interprétation physique. Le problème que nous analysons ici correspond à un prob-


lème de bosons dans un puits harmonique 1D, sans loi de conservation sur le nombre
debosons.  s’interprète comme l’énergie d’excitation et   ( ) = ln Ω( ) =

 2 ∕3 correspond à l’entropie. Introduisons
une échelle d’énergie , nous écrivons
 =  , d’où  =   ln Ω() =    2∕(3). Nous déduisons  =
∗ ∗

6∕ ce qui permet de reécrire l’entropie sous la forme ∗ = (2 ∕3)2 ∗ ∕()
(cf. problème 11.1 page 254).

150
2 Transformation de Legendre : l’exemple des partitions d’un entier

Ce qui est utile de retenir pour la suite : origine de la transformation de


Legendre. Pour la suite du cours, le point le plus intéressant de l’analyse que nous
venons de présenter est l’obtention du résultat (7.31). Afin de souligner ce point, nous
reprenons le schéma de la discussion en utilisant des notations plus proches de celles qui
sont apparues aux chapitres 5 et 6. Nous rebaptisons le nombre partitionné  →  ∈ ℕ
ainsi que le paramètre conjugué  →  = − ln . Le problème de la détermination du
nombre de partitions Ω() a été décomposé en deux étapes : d’une part l’introduction
de la fonction génératrice

 ( ) = Ω() e − , (7.34)

i.e.  ( ) = ( = e− ), a conduit au calcul élémentaire




  2
 ( ) = − ln  ( ) = ln 1 − e − ≃ − . (7.35)
=1
6
Dans ces nouvelles variables, la transformation inverse (7.30) prend la forme
0 +i
d − ( )
 0−i
Ω() = e ∼ e  ( ) (7.36)
2i →∞

(ce qui correspond à intégrer sur un cercle de rayon  = e− 0 < 1 dans le plan complexe
de ). « L’entropie » est reliée à « l’énergie libre » par la transformation de Legendre

 
 ( ) =  ∗  −  (∗ ) où ( −  ( ))  = 0 (7.37)
 ∗

L’application,
 élémentaire, donne ∗ ≃  ∕ 6 , qui nous conduit bien à  () ≃
 2∕3, un résultat non trivial.

151
Entraînez-vous
Exercice 7.3 Gaz parfait ultrarelativiste
Nous étudions les propriétés thermodynamiques d’un gaz de   1 particules indiscernables
ultra-relativistes confinées dans un volume  avec  fixé. L’hamiltonien du système est de la
forme

=



   pour  ∈ volume  ∀  . (7.38)
=1

 est la célérité de la lumière. On adopte une description semiclassique. Passer par la


description canonique permettra de déduire facilement la densité d’états.
1/ Exprimer la densité d’états intégrée Φ() comme une intégrale dans l’espace des phases.
Déduire que la densité d’états ( ) est de la forme
 


3 3
( ) =  d 1 ⋯ d    − 
  (7.39)
=1

où  est une constante à déterminer. Peut-on mener à bien le calcul ?


2/ La fonction de partition et la densité d’états sont reliées par une transformation de Laplace,
éq. (6.18) :

0
() = d () e− (7.40)

Montrer que  ( ) s’écrit en termes d’intégrales séparables. Exprimer la fonction de partition


pour une particule sous la forme  =  ∕3 , où   est la longueur thermique ultrarelativiste.
Déduire  ( ).

Γ() 0
1
3/ En utilisant l’identité − = d  −1 e− , montrer que

(8 )     3
Φ() = . (7.41)
! (3)! 

4/ Microcanonique. Donner l’expression de l’entropie ∗ (,  ,  ). Déduire la température


et la pression.
5/ Canonique. Comparer à l’équation d’état calculée dans l’ensemble canonique.
Problème 7.1 Équivalence des ensembles (moyennes) mais
inéquivalence des fluctuations
Si les propriétés thermodynamiques obtenues dans le cadre des différents ensembles de la
physique statistiques sont équivalentes (les moyennes des grandeurs physiques), il n’en est pas
de même pour les fluctuations en général. Nous étudions un gaz parfait d’atomes de masse 
contenu dans une enceinte fermée par un piston de section , sur lequel s’exerce une force

152
Entraînez-vous

extérieure constante  (figure 7.1). L’hamiltonien (pour les  atomes et le piston) est
2 

 2
= ++ (7.42)
2 =1
2
où  et  sont la position et l’impulsion du piston, supposé glisser sans frottement.

0 X

Figure 7.1– Enceinte fermée par un piston sur lequel une force 𝒇 est exercée.

A. Description canonique.
1/ Quelle est la probabilité canonique d’occupation d’un microétat ?
2/ À  ∈ ℝ+ fixée, quel volume est accessible à un atome ? Calculer la fonction de partition
canonique  du système . On exprimera  en fonction de la longueur thermique des atomes,
notée  . Déduire l’énergie libre  ( , , ).
C C
3/ Calculer la moyenne de l’énergie cinétique cin et de l’énergie  .
C 
4/ Montrer que la position moyenne du piston est donnée par  = + et la calculer. Quel

est le sens physique de l’équation obtenue ?
 C 2
5/ Montrer que les fluctuations de la position de la paroi sont données par  = Var() =
2
1 
ln  et les calculer. Que peut-on dire des fluctuations relatives ?
 2  2
B. Analyse microcanonique.– L’énergie est séparée en deux contributions  = cin + pot ,
ce qu’on peut considérer formellement de la même manière qu’un « contact thermique » entre
deux systèmes, caractérisés par deux entropies cin
∗ et  ∗ (chap. 5).
pot

1/ En utilisant l’équivalence des ensembles, donner la dépendance en énergie des deux


entropies.
2/ En utilisant l’analyse des fluctuations du § 3.1 du chapitre 5, montrer que les fluctuations
3     2

de la paroi sont données par (∗ ) 2 ≃ (pour   1). Quelle est l’origine de la
5 
différence entre C et ∗ ?

153
Chapitre 7 • Vue d’ensemble des outils de la physique statistique

Problème 7.2 Ensemble isotherme-isobare


Nous étudions l’équilibre entre deux gaz en contact avec le même thermostat à température  ,
contenus dans deux parties d’un récipient séparé en deux volumes  1 =   et 2 =  ( − ),
où  est la section de la paroi mobile (figure 5.12 page 87 où  ∈ [0, ] est la position de la
paroi).
1/ Exprimer la fonction de partition canonique 12 en fonction des fonctions de partition des
deux gaz 1 ( 1) et  2(2 ), supposées connues.
2/ Donner l’expression de la probabilité d’occupation d’un microétat 𝓁 du gaz 1.
3/ Par la suite, nous considérons la limite 2  1, i.e. une situation où l’échange de volume
entre les deux sous systèmes affecte peu le gaz 2 qui peut ainsi être considéré comme un
« réservoir de volume ». Nous notons   2 la pression du réservoir de volume. Montrer
que la probabilité d’occupation d’un microétat du système 1 est

1 − (𝓁 + 𝓁)
 ii𝓁 = e (7.43)

où 𝓁 est le volume caractérisant le microétat. Donner l’expression de  .


def
4/ Nous introduisons l’enthalpie libre  = −  ln  . Exprimer le volume moyen en fonction
de  . Calculer l’entropie  ii dans l’ensemble isobare-isotherme.
Problème 7.3 Gaz 1D de particules en interaction
Nous montrons l’intérêt de l’ensemble isotherme-isobare, qui permet d’étudier (sans approx-
imation) un problème de particules en interaction. Considérons  particules se mouvant sur
une ligne (par commodité nous plaçons aussi une particule numéro 0 à l’origine, 0 = 0). Les
particules voisines interagissent via le potentiel à deux corps ( −  −1) (figure 7.2).

L
ξn

0 1 2
... n ... N
p
x 0=0 x1 x 2 ... xn ... xN

Figure 7.2 – Particules en interaction se déplaçant sur une ligne.

A. Ensemble canonique. Plaçons-nous dans la situation canonique où le « volume »  =  


est fixé. La ème particule est immobile et l’hamiltonien du gaz est

 −1 

2
= + ( − −1 ) . (7.44)
=1
2 =1

Donner l’expression de la fonction de partition canonique  ( ) sous la forme d’une intégrale


multiple sur les coordonnées des particules. On introduira la longueur d’onde thermique Λ  =

22 ∕  . Peut-on calculer cette intégrale ?

154
Entraînez-vous

B. Ensemble isotherme-isobare. On libère la contrainte sur le « volume »  =  en con-


sidérant la situation où la pression  est fixée (notons que dans la situation unidimensionnelle,
« une pression est une force »).
1/ Soit  () la fonction de partition de l’ensemble isotherme-isobare. Montrer que

0
d
 ( ) =  ( ) e− . (7.45)
Λ
Montrer que l’intégrale multiple est maintenant séparable.
def
2/ On introduit l’enthalpie libre  = −  ln  . Justifier que le « volume » moyen est donné
par  = ∕.
3/ « Sphères » dures. On considère la situation où le potentiel d’interaction décrit des « sphères
dures » de « diamètre » , i.e. ( ) = 0 pour  >  et ( ) = +∞ pour  < . Déduire l’équation
d’état du gaz. Tracer la pression  en fonction de la densité moyenne  =  ∕.

155
Chapitre 8
Description classique
des gaz

Cerner les différents aspects de l’étude 1 Gaz parfait monoatomique


des phases diluées. 2 Densité spatiale en présence
Insister sur le découplage des degrés de d’un champ extérieur et
liberté dans les gaz moléculaires. distribution des vitesses
3 Capacité calorifique des gaz
Introduire la notion de gel (quantique) de
parfaits moléculaires
certains degrés de liberté.
4 Rôle des interactions dans les
Étudier les corrélations induites par les gaz
interactions.

Dans la première partie, l’exposé des grands principes de la physique statistique a


été illustré sur un certain nombre d’exemples. Bien que ces quelques modèles étaient
très élémentaires, ils ont néanmoins fourni une grille d’analyse pertinente de plusieurs
phénomènes (paramagnétisme des solides, thermodynamique des gaz,...). Le bagage
acquis dans la première partie nous permet maintenant de voyager dans de grands do-
maines de la physique : les états fluides, le magnétisme, les cristaux et leurs vibrations, et
enfin la thermodynamique du rayonnement électromagnétique. Ces résultats constituent
autant de grands succès de la physique statistique de la première moitié de XXe siècle et
sont essentiels à aborder car ils servent de socle à une compréhension plus fine de ces
systèmes et de leurs extensions contemporaines.
Le premier domaine d’application, que nous abordons dans ce chapitre, est celui des
gaz, qui a systématiquement à la fois inspiré et servi de banc d’essai pour la thermo-
dynamique et la physique statistique. Ce chapitre présente les résultats obtenus lorsque
le mouvement de translation des particules est traité classiquement, ce qui est toujours
justifié dans les conditions de température et de pression normales des gaz atomiques
ou moléculaires (les effets quantiques d’échanges entre particules seront discutés dans
la troisième partie, au chapitre 11). L’étude des gaz moléculaires révèlera cependant
des effets de la quantification des degrés de liberté internes à la molécule (rotation et
vibration) qui se manifestent même à température ambiante (§ 3).

1 Gaz parfait monoatomique


Nous commençons par rappeler les propriétés du gaz parfait monoatomique. L’hamil-
tonien décrivant le mouvement des atomes de masse  est la somme de leurs énergies

156
1 Gaz parfait monoatomique

cinétiques. Le modèle du gaz parfait a servi d’illustration aux formalismes associées aux
différents ensembles. Nous nous placerons ici dans le cadre canonique, qui est le plus
simple techniquement et conceptuellement. Certaines propriétés thermodynamiques ont
été obtenues dans le § 1.6 du chapitre 6, basées sur le calcul de la fonction de partition
canonique associée au degré de liberté de translation des atomes
1   
 = trans avec  trans = (8.1)
! Λ 3
def 
où Λ = ∕ 2 est la longueur thermique. On a déduit les différentes grandeurs
thermodynamiques : énergie libre, énergie, entropie, potentiel chimique et pression,
 
 =   ln( Λ3 ) − 1 , (8.2)

3
=   , (8.3)
2 
 
e5∕2
 =  ln , (8.4)
 Λ 3

 =   ln( Λ3 ) , (8.5)

 =    , (8.6)
où  =  ∕ est la densité moyenne (nous utiliserons des notations allégées pour
C
décrire la limite thermodynamique :  →  ,  C → , etc). L’expression de l’énergie
nous permet d’obtenir la capacité calorifique du gaz monoatomique
3
 =  . (8.7)
2
En utilisant la relation de Mayer  −  =  , nous déduisons le paramètre con-
def
trôlant les transformations isentropiques  =  ∕ = 5∕3 (l’équation de l’isentrope
est   = cste). Rappelons que tous ces résultats ne sont valables que dans la limite
diluée Λ3  1 (à l’exception notable de l’équation de l’isentrope   = cste qui
décrit également le régime quantique, cf. problème 5.1 page 98).

Ordres de grandeur dans un gaz d’Argon

Considérons une mole,  ≃ 6 × 1023, de gaz parfait monoatomique, par exemple de


l’argon 40
18Ar, dans les conditions normales de température et de pression ( = 300 K et
 = 1 atm). La longueur thermique est Λ ≃ 0.15 Å.

Volumes. Le gaz occupe un volume  = 24 𝓁. Nous pouvons introduire un volume


def
disponible par atome Δ3 =  ∕ = 1∕ ≃ 40 000 Å 3. La distance typique entre
atomes est Δ ≃ 34 Å Λ , ce qui justifie de considérer le régime dilué.

157
Chapitre 8 • Description classique des gaz

3
Énergie et vitesse. L’énergie (cinétique) moyenne d’un atome est  ∕  =   ≃
2 
40meV, à laquelle nous faisons correspondre une échelle de vitesse ( ∕  = (1∕2)2 ) :
1
 ≃ 430 m/s. En écrivant plutôt  ∕ = Δ 2, nous introduisons le volume Δ 3
2
disponible par atome dans l’espace des impulsions.

Entropie et nombre d’états accessibles. Il est intéressant de  réécrire l’entropie (8.4)


 
sous la forme suggestive  = 3 ln  ΔΔ∕ où  = 6 e5∕6 ≃ 9.98. L’appli-
cation numérique donne ΔΔ∕ ≃ 160, ce qui permet d’estimer l’entropie par atome
et le nombre de microétats accessibles du gaz isolé :
 23
≃ 3 ln(1600) ≃ 22 et Ω = e ∕ ∼ 10 8×10 . (8.8)


2 Densité spatiale en présence d’un champ


extérieur et distribution des vitesses
2.1 Densité spatiale
La situation où le système est soumis à un champ de force extérieur est courante.
Quelques exemples sont : un gaz dans le champ de gravitation, des particules chargées
soumises à un champ électrique, des atomes dans un piège harmonique (chapitre 13).
Dans ce cas une première question est de déterminer la densité moyenne de particules
() en fonction de la position . Nous considérons dans un premier temps le cas de
particules sans interaction décrites par l’hamiltonien
 2 


 (1 , … , ) = +  ( ) (8.9)
=1
2
(l’effet des interactions sur la densité sera discuté brièvement à la fin du paragraphe).
Les particules étant indépendantes, on peut appliquer la loi de Boltzmann donnant la
densité de probabilité dans l’espace des phases d’une seule particule
2
e− ( 2 + ( )) d3 d3  − ( 2 + ( )) d 3 − ( )
  Λ3
C (,  ) = où = e 2 = e . (8.10)
3  3 
La densité de particules est proportionelle à la loi marginale de la position :
e− ( )

 − ( )
 d3  e− ( )
() =  d3  C (,  ) = e = , (8.11)
Λ3 
Si l’on prend comme référence la densité 0 dans le fluide lorsque le potentiel s’annule,
nous pouvons écrire plus simplement

() = 0 e− () . (8.12)

158
2 Densité spatiale en présence d’un champ extérieur et distribution des vitesses

Exercice 8.1 Atmosphère isotherme


Pour un gaz soumis au champ gravitationnel  à  constante, déterminer le profil
de la densité du gaz  () en fonction de l’altitude .

Effet des interactions. Dans le cas d’un fluide de particules en interaction, la dis-
cussion devient bien plus compliquée car les positions des particules ne sont plus
indépendantes et il y aura une compétition entre énergie potentielle et énergie d’interac-
tion. Cependant, dans la limite où le potentiel extérieur varie lentement par rapport aux
échelles où le fluide apparaît localement homogène ( ( ) = 0), l’approximation de la
densité locale est généralement valide. Elle consiste à considérer le fluide à l’équilibre à
température  avec un potentiel chimique fixé  et utiliser la courbe 0 ( ;  ) qui donne
la densité 0 en fonction de  pour le système homogène. On notera 0 (;  ) l’inverse
de cette courbe. L’approximation consiste à dire que la densité locale ( ) s’ajuste pour
assurer la constance du potentiel chimique à travers le fluide (ce qui est nécessaire à
l’équilibre) selon 0 (( );  ) +  ( ) =  . Le profil de densité est obtenu en inversant
cette relation ( ) = 0 ( −  ( );  ).

Exercice 8.2 Approximation de la densité locale


Montrer que pour un gaz parfait, l’approximation de la densité locale redonne (8.12).

2.2 La distribution de Maxwell-Boltzmann


Un raisonnement similaire permet d’obtenir la distribution des vitesses des atomes.
La loi marginale de l’impulsion est donnée en intégrant la loi de Boltzmann (8.10) cette
fois sur la position, ce qui conduit à la densité de probabilité des vitesses dans le gaz

 3∕2


− 1 
2
( ) =  3 3 C
d   (,  ) ⇒ ( ) =  2 (8.13)
2

Notons que la factorisation de la gaussienne permet de conclure à l’indépendance des


composantes de la vitesse, i.e. distribution de la forme ( ) =  ( ) ( ) ( ) avec
  
 () = ∕(2) exp − (∕2) 2 . On déduit les propriétés élémentaires

 
,, = 0 et  ,, = . (8.14)

La distribution de l’une des composante est représentée sur la figure 8.1.

Remarques.
• La loi de Maxwell (8.13) s’applique également au gaz moléculaire (§ 3), dont l’énergie
cinétique de translation prend la même forme que celle du gaz atomique. Elle décrit
alors la distribution des vitesses des centres de masse des molécules.

159
Chapitre 8 • Description classique des gaz

0.6
0.4 150 K
300 K
0.5
600 K
0.3
0.4

0.2 0.3

0.2
0.1
0.1

0 0
-1000 -500 0 500 1000 0 500 1000 1500
m.s -1 m.s-1

Figure 8.1
Distributions de la composante   et du module  de la vitesse des particules dans le
diazote N2 pour trois températures typiques.

• La présence d’interaction dans le gaz n’altère en rien le résultat (8.13). On pourra s’en
convaincre aisément par inspection de la structure de la distribution canonique
C (1, ⋯ ,  , 1 , ⋯ , ) ∝ e−  cin ({ }) e− ({  }) (8.15)
où  est l’énergie d’interaction, par exemple (8.33) plus bas. La loi de Maxwell repose
essentiellement sur le découplage classique entre les positions et les impulsions.

Exercice 8.3
Montrer que la loi marginale du module  =   de la vitesse est donnée par
 3∕2  
  2
 ( ) = 2
4 exp −  . (8.16)
2  2 
Déduire différentes propriétés du module de la vitesse : sa valeur typique (la plus
probable) ∗ , sa valeur moyenne  et son écart-type  .

3 Capacité calorifique des gaz parfaits


moléculaires
Le modèle du gaz parfait monoatomique étudié dans la section précédente s’applique
aux gaz nobles (Hélium, Néon, Argon, etc. . . ). Dans cette section nous allons discuter
le cas des gaz diatomiques (par exemple le dihydrogène H2, dioxygène O 2, diazote N 2
pour les molécules homonucléaires, et le chlorure d’hydrogène HCl ou de brôme HBr,
les monoxydes de carbone CO ou d’azote NO pour des molécules hétéronucléaires). Si
la physique statistique explique comment se répartit l’énergie dans les différents degrés
de liberté, encore faut-il identifier ces derniers et les modéliser au niveau microscopique.

3.1 Degrés de liberté pertinents


Une molécule diatomique peut être simplement modélisée comme un objet en forme
d’haltères, dont les différents degrés de liberté sont alors : le mouvement de trans-
lation du centre de masse, le mouvement de rotation de la molécule, le mouvement

160
3 Capacité calorifique des gaz parfaits moléculaires

de vibration de la liaison qui n’est pas complètement rigide. Une quantité accessible
expérimentalement et simple à analyser théoriquement est la capacité calorifique. Elle
est d’autant plus importante qu’elle renseigne sur la capacité du système à emmagasiner
de l’énergie, et intervient à ce titre dans de nombreux bilans énergétiques. Son com-
portement en température ne peut pas être prédit par la seule thermodynamique et seule
la physique statistique donne les outils pour construire un modèle microscopique per-
mettant de prédire le comportement de cette grandeur macroscopique. In fine, bien que
plusieurs propriétés obtenues ont un caractère universel (indépendant de la nature de
la molécule diatomique), nous allons voir que la compréhension profonde de sa dépen-
dance en température  ( ) révèle des informations très précises sur le comportement
des molécules et leurs caractéristiques au niveau microscopique.

3.2 Aspects microscopiques : cas des molécules diatomiques


Des atomes forment une molécule si leurs configurations électroniques leur per-
mettent de former une(des) liaison(s) chimique(s). Quelques exemples de molécules
diatomiques courantes sont : H 2, O2, CO, NaCl, etc. La nature microscopique de la
liaison chimique correspond à la mise en commun de certains électrons des atomes,
qui trouvent plus favorable énergétiquement de se délocaliser autour de plusieurs noy-
aux (il y a une compétition entre la délocalisation des électrons sur les deux noyaux,
qui minimise l’énergie cinétique des électrons, et leur localisation autour des noyaux,
qui minimise l’énergie potentielle). Les électrons étant beaucoup plus légers que les
noyaux,  ∼  ∕2000, leur dynamique est extrêmement rapide comparativement à
celle des noyaux atomiques. Par exemple si nous considérons une énergie Coulomb ∼
10 eV (l’échelle d’énergie typique pour l’énergie coulombienne dans un atome ou une
molécule) nous obtenons que la vitesse d’un électron est electron ∼ 1300 km/s, à com-
parer à la vitesse du noyau dans le référentiel de la molécule 2 km/s  noyau  30 km/s.
Nous pouvons donc supposer que les dynamiques des électrons et des noyaux sont (ap-
proximativement) découplées. La présence du nuage d’électrons rapides autour des
noyaux est ressentie par ces derniers via un potentiel effectif, caractérisé par un min-
imum associé à l’état lié entre atomes (la molécule). Ce découplage est l’essence de
l’approximation de Born-Oppenheimer [4, 11]. L’hamiltonien effectif entre les deux
noyaux est de la forme
1 2 2 2
molécule = + +  liaison (1 − 2 ) (8.17)
21 22 
 Coulomb + énergie des  −
énergie cinétique des noyaux

liaison () possède un minimum absolu


 en  = ∗ . Reécrit dans les coordonnées du centre
de masse,  =  1 +  2 et  = 11 + 2 2 ∕, et relatives, ∕ =  1∕ 1 − 2∕ 2
et  = 1 − 2 :

 2  2
molécule = + +  liaison( ) (8.18)
2 2

161
Chapitre 8 • Description classique des gaz

Figure 8.2 – Représentation schématique des spectres de rotation et de vibration.

où  = 1 +  2 est la masse totale et  = (1∕ 1 + 1∕2) −1 est la masse réduite. On


obtient un nouveau découplage (exact) entre variables du centre de masse (mouvement
de translation) et variables relatives (pour la rotation et la vibration).
L’énergie cinétique  2∕(2 ) peut être décomposée en énergie cinétique de rotation
 2 𝓁2 2
et radiale = +  où 𝓁 est le moment cinétique orbital et   l’impulsion
2  2 2 2 
radiale. Si nous supposons que le potentiel est très piqué autour de ∗ (liaison rigide),
1
liaison () ≃ −0 +   2( −  ∗)2 avec «  grand » ( 2 = liaison
′′
( ∗ )), nous pouvons
2
découpler (approximativement) rotation et vibration. Ces différentes étapes ont conduit
au découplage des degrés de liberté de translation, rotation et vibration :
 2 𝓁 2 2 1
 molécule = + +  +  2 ( − ∗ )2 −0 (8.19)
2 2 2 2
  
translation rotation vibration

où  = 2∗ est le moment d’inertie de la molécule. L’énergie de liaison est liaison =


0 − ∕2 (énergie minimum à fournir pour dissocier la molécule, si liaison (∞) = 0).
La validité du découplage rotation-vibration est  ∕  , i.e. ∗  ∕ : le
2

quantum d’énergie de vibration est beaucoup plus grand que le quantum d’énergie de
rotation. Les échelles de temps caractéristiques sont en rapport inverse, i.e. la vibration
est très rapide et la rotation lente.
Tandis que le mouvement du centre de masse est traité classiquement comme nous
l’avons fait jusqu’à présent, il est pertinent de prendre en compte la quantification des
énergies pour la rotation et la vibration. Le problème est séparable ; les hamiltoniens de
rotation et de vibration sont caractérisés par les spectres quantiques suivants :
Hamiltonien Valeurs propres nb. quantique dégénérescence
𝓁 2 2
 rot = rot
𝓁 =
𝓁 (𝓁 + 1) 𝓁∈ℕ  𝓁 = 2𝓁 + 1
2 2
 2  2 ( −  ∗) 2  1
vib = + vib
 =   + ∈ℕ 1
2 2 2

162
3 Capacité calorifique des gaz parfaits moléculaires

3.3 Le gaz de molécules diatomiques hétéronucléaires


a) Factorisation de la fonction de partition
La séparabilité du problème nous permet de passer directement de la fonction de parti-
tion d’une molécule à celle du gaz. Les microétats pour une molécule sont caractérisés
par une impulsion  (centre de masse), et trois nombres quantiques (deux pour la
rotation et un pour la vibration) : (, 𝓁, , ) avec 𝓁 ∈ ℕ,  ∈ {−𝓁 , ⋯ , +𝓁 } et  ∈ ℕ :
 2 
 d 3d 3  
∞ ∞ 


molécule − 2 +vib rot
 + 𝓁 − 0
= avec  molécule = (2𝓁 +1) e . (8.20)
! 3 =0 𝓁=0

L’étude d’une molécule fait elle aussi apparaître un problème séparable et la fonction
de partition est de la forme (6.26). Finalement, on a la factorisation :

molécule =  trans vib  rot e 0 (8.21)

où  trans est donnée par (8.1), et




−(+ 1 )
vib = e 2 (8.22)
=0
∞
2
rot = (2𝓁 + 1) e− 2 𝓁(𝓁 +1) (8.23)
𝓁=0

Ces deux fonctions de partition ne nous sont pas inconnues : nous les avons rencon-
trées à la page 114 et dans l’annexe B du chapitre 6, page 130. Ce sont deux fonctions
d’un unique argument qui, pour la première, s’écrit  = vib∕ et, pour la seconde,
2∕(2) =  rot ∕ , où nous avons introduit deux températures caractéristiques :

def  def 2
vib = et rot = . (8.24)
 2 

La factorisation (8.21) implique que les contributions à l’énergie moyenne et à la


capacité calorique s’additionnent. L’énergie du gaz est  = molécule avec
trans vib rot
molécule =  + + − 0 d’où  =  trans + vib + rot . (8.25)
Nous pouvons donc discuter séparément chacune des contributions. Si (8.22) se calcule
facilement (voir page 114), il n’en est pas de même pour la série (8.23). Aussi, nous
allons discuter les cas limites en fonction de rot ∕ et  vib∕ .

b) Haute température : limite classique

Le régime classique correspond à la situation où les effets de la quantification du spec-


tre sont « gommés » (à l’échelle considérée, le spectre est très dense). Prenons le cas

163
Chapitre 8 • Description classique des gaz

de l’oscillateur harmonique. Lorsque   vib, les exponentielles dans (8.22) varient


lentement avec  et on peut remplacer la somme par une intégrale :

 
0
vib
 
 vib ≃ d e−  = =  . (8.26)
vib 
 vib 
Nous déduisons l’énergie moyenne par molécule  ln vib ≃ ln  =
≃ −
 
   (ce résultat découle du théorème d’équipartition de l’énergie, cf. chapitre 6). La
contribution de la vibration à la capacité calorifique est donc vib ≃  .
Procédons de même pour  rot. Lorsque   rot , nous avons
∞ ∞  
0 0

rot
𝓁(𝓁 +1)
 rot
 
 rot ≃ d𝓁 (2𝓁 + 1) e  = d e−  = = 2 . (8.27)
 rot  ∕2
Puisque rot ∝ 1∕ , on obtient rot ≃ . Le résultat est en accord avec celui du
calcul purement classique présenté dans l’annexe 6.B, page 131. Notons enfin que ce
résultat est plus directement donné par le théorème d’équipartition. Au total, en tenant
compte de la contribution (8.7), la prédiction classique pour les gaz parfaits diatomiques
est donc une capacité calorifique complètement universelle  = (7∕2) .

c) Basse température : gel (quantique) des degrés de liberté

Discutons le degré de liberté de vibration. La formule (6.33) pour l’énergie moyenne


d’un oscillateur harmonique conduit à la capacité calorifique
 2
 ∕2
 vib
 ( ) =  
vib  (8.28)
sh vib∕2
Lorsque   vib, celle-ci s’annule extrêmement rapidement avec la température :
  2
vib( ) ≃   vib e−vib ∕ . (8.29)

Ce comportement correspond à la contribution du premier état excité de l’oscillateur :
retenant uniquement les deux premiers termes de (8.22) (état fondamental et premier
état excité), nous avons vib ≃ 1 + e −vib ∕ , qui conduit à (8.29). Dans la limite  
vib, l’énergie typique fournie par le thermostat à la molécule est très inférieure au gap
def
d’excitation     =  1 − 0 =  et l’oscillateur est excité avec une très faible
probabilité ∼ exp(−∕  ). On peut considèrer que l’oscillateur harmonique reste
essentiellement dans son état fondamental, i.e. le degré de liberté de vibration est
gelé. Autrement dit, pour   vib on peut considérer que la molécule se comporte
comme un rotateur rigide.
Considérons maintenant la rotation. rot n’a pas d’expression simple mais nous pou-
vons utiliser le même argument : en ne conservant que le premier terme dépendant

164
3 Capacité calorifique des gaz parfaits moléculaires

de la température dans (8.23), nous obtenons rot ≃ 1 + 3 e−2 rot∕ et déduisons


  2
  ( ) ≃  × 12 rot e−2 rot∕ .
rot
(8.30)

Le même phénomène de gel des degrés de liberté se produit pour la rotation. Lorsque la
température du gaz est   rot , les degrés de liberté de rotation ne sont pas excités, i.e.
la molécule reste dans son état fondamental 𝓁 = 0 et ne tourne plus : elle se comporte
comme un objet invariant par rotation (comme un atome).
Exercice 8.4
vib∕rot
Faire les calculs de basse température permettant de passer de vib∕rot à  .

Soulignons qu’il est remarquable que l’analyse du comportement de la capac-


ité calorifique, une grandeur macroscopique, nous renseigne sur la dynamique des
molécules au niveau microscopique (si elle tourne et/ou si elle vibre), ce qui est
représenté par les petit schémas de la figure 8.4.

d) Discussion des ordres de grandeur et des courbes expérimentales

Quel est le régime pertinent pour une plage de température autour de la température
ambiante ? Pour y répondre, essayons d’estimer l’ordre de grandeur de rot et vib. Com-
mençons par  rot, qui est contrôlée par le moment d’inertie  . Un ordre de grandeur
de ce dernier peut être obtenu en considérant une liaison de longueur ∗ reliant deux
masses ponctuelles donnant une masse réduite  :  vaut alors   2∗ . Si l’on considère
H2 , ∗ ∼ 10 −10m = 1 Å et  ∼ 10 −27 kg donne  ∼ 10−47 kg ⋅ m 2 et  rot ∼ 50 K. De
plus, plus les atomes sont lourds, plus  est grand et plus rot va être petite. Les données
rassemblées dans le tableau 8.1 correspondent bien à ces ordres de grandeurs. Pour vib ,
il est difficile d’estimer les paramètres du potentiel de liaison. Cependant, un moyen de
faire vibrer une liaison est de la déformer à l’aide d’un champ électromagnétique ex-
terne : c’est le principe de la spectroscopie infrarouge très utilisée en chimie. Comme
son nom l’indique, cette spectroscopie d’absorption correspond à des fréquences de vi-
bration dans l’infrarouge,  ∼ 1014 Hz soit une température vib =  ∕ ∼ 4 000K.
Cet ordre de grandeur de quelques milliers de Kelvins correspond bien aux valeurs du
tableau 8.1.
Tableau 8.1 – Températures caractéristiques de gaz diatomiques d’après [15].

Molécule 𝑻𝐫𝐨𝐭 𝑻𝐯𝐢𝐛


H2 85.3 K 6215 K
HD 64.0 K 5382 K
O2 2.1 K 2256 K
N2 2.9 K 3374 K
CO 2.8 K 3103 K
Cl2 0.35 K 808 K

165
Chapitre 8 • Description classique des gaz

Ainsi, à température ambiante  ≃ 300K, nous avons typiquement rot     vib


de sorte que   ≃ (5∕2) . Le degré de liberté de vibration est en général gelé
tandis que la rotation se comporte classiquement et contribue pleinement. En chauffant
suffisamment un gaz, on peut observer le dégel du degré de liberté de vibration, comme
on le voit sur la figure 8.3, où on compare les données expérimentales avec l’expression
théorique (8.28). Cette comparaison est faite pour des gaz diatomiques de différentes
natures. Chacun étant caractérisé par une température caractéristique vib propre (cf.
tableau 8.1), on trace vib
 ( ) en fonction de  ∕ vib : on constate que tous les points
tombent parfaitement sur la même courbe universelle (le paramètre vib est l’unique
paramètre non universel qui dépend de la molécule). Il est tout à fait remarquable que
ces calculs simples, accessibles dans un cours d’introduction à la physique statistique,
aient permis de comprendre quantitativement la courbe de capacité calorifique de cet
ensemble de gaz diatomiques, avec un unique paramètre libre vib .

02
N2
CO
Cl2

Figure 8.3
Contribution vibrationnelle à la capacité calorifique de divers gaz (O 2, N2, CO, Cl 2), en
fonction de  ∕ vib. Données du livre de R. Balian [3].

En général, le gel du degré de liberté de rotation se produit à trop basse tem-


pérature pour être facilement observé (cf. table 8.1), car la liquéfaction du gaz se
produit au-dessus de  rot. Néanmoins, le dihydrogène est suffisamment léger pour que
le phénomène soit observé : la capacité calorifique du dihydrogène deutéré HD est
représentée sur la figure 8.4. On y voit apparaître clairement les plateaux correspon-
dant à trans = (3∕2) et  trans  = (5∕2) , mais aussi une structure
+ rot
plus riche que celle attendue par cette seule analyse à haute température. La courbe
théorique de la figure 8.4 utilise le calcul exact de rot ( ) à partir de (8.23) (cal-
culé numériquement), qui décrit remarquablement bien les données expérimentales.
La présence du maximum local au voisinage de  = rot mérite d’être souligné. Une
étude soigneuse du comportement de haute température de la série (8.23) montre que

 
 rot
 ( ) =   1 + (1∕45)(rot∕  ) 2
+ (  −3
) , qui préfigure l’apparition de la bosse
(cf. § 6.5 de [29] ou chapitre III de [15]).
Il est tout à fait remarquable de souligner que des mesures de quantités thermody-
namiques, comme une capacité calorifique, permettent de remonter à des propriétés
microscopiques. La rotation en donne une nouvelle illustration : les données expérimen-
tales peuvent être ajustées par une courbe à un paramètre, la température de rotation rot .

166
3 Capacité calorifique des gaz parfaits moléculaires

expérience
théorie
3

1 Tvib
Trot

0
5 10 50 100 500 1000 5000 T (K)
Figure 8.4 – Capacité calorifique du dihydrogène deutéré (HD ≡ 𝟏𝟏 H–𝟐𝟏 H).
Partant des hautes températures, la décroissance de la capacité calorifique correspond
aux gels successifs des degrés de liberté de vibration puis de rotation. Les petits schémas
représentent l’état des molécules : rotation et vibration excitées pour  >  vib ; rotation
seule excitée pour rot <  < vib (la molécule se comporte comme un bâtonnet rigide
en rotation) ; rotation et vibration gelées pour  <  rot (la molécule est un objet invariant
par rotation). Données tirées du livre de R. Balian [3].

Expérimentalement, on trouve par exemple rot = 64 K pour les molécules HD.


Faisons le chemin inverse de la discussion sur les ordres de grandeurs. Pour HD,
 ≃ (2∕3)proton et de  rot on tire  ≃ 5.7 × 10 −48 kg.m 2. On déduit la quantité la
plus difficile à estimer microscopiquement ∗ ≃ 0.7 Å, à comparer avec la valeur tab-
ulée ∗ = 0.7414 Å. Nous avons donné une nouvelle illustration du fait que notre modèle
microscopique nous permet de remonter de la capacité calorifique  ( ) à une propriété
microscopique.

Exercice 8.5 Comparaison entre isotopes


Montrer que les rapports des températures caractéristiques rot et vib prises entre
les isotopes H2 et HD dans le tableau 8.1 correspondent bien au modèle développé
dans cette section, en supposant que le potentiel de liaison est le même.

e) Limites du modèle

Maintenant que nous avons analysé en détail le rôle des degrés de liberté interne sur ces
deux exemples, nous pouvons revenir sur la question des degrés de liberté électron-
iques, qui avaient été laissés de côté. Les électrons liés à l’atome ou à la molécule sont
caractérisés par un spectre de niveaux d’énergie. Si la température est suffisante, ces de-
grés de liberté peuvent être excités grâce aux fluctuations thermiques. Dans la pratique
les énergies (i.e. les températures) sont très élevées : les échelles typiques pour l’inter-
action coulombienne dans un atome ou une molécule sont 1 à 10 eV, or 1 eV correspond
à 11 600 K. C’est probablement ce qui explique l’écart entre les courbes de capacité

167
Chapitre 8 • Description classique des gaz

calorifique théorique et expérimentale pour HD (figure 8.4), puisqu’on attendrait l’ex-


citation des degrés de vibration pour des températures   vib ≃ 5 400 K devenant
comparables aux énergies électroniques.
Le cas des molécules homonucléaires, comme H2 , requiert une discussion spéci-
fique : l’effet de l’indiscernabilité des deux noyaux identiques affecte la construction
des états quantiques. Ce cas particulier est discuté dans l’annexe A page 179.
Notons enfin que les interactions peuvent elles aussi contribuer à la capacité
calorifique comme on va le discuter dans la dernière section.

3.4 Molécules polyatomiques


Sans rentrer dans les détails nous pouvons faire deux observations sur le cas
des molécules polyatomiques, pour lesquelles on attend aussi le découplage rota-
tion/vibration.

Rotation. Les molécules linéaires sont caractérisées par deux degrés de liberté de ro-
tation (deux angles sont nécessaires pour définir l’orientation), ce qui conduit donc à
 =  dans le régime classique. En revanche il faut trois angles d’Euler pour spé-
 rot
cifier l’orientation d’un objet tridimensionnel (par exemple H2O, CH 4,...) et on trouve
 = (3∕2)  associée aux trois degrés de liberté de rotation.
 rot

Vibration. Les molécules polyatomiques sont caractérisées par un nombre plus grand
de degrés de liberté de vibration, associés aux déformations de la molécule. Un comp-
tage du nombre de degrés de liberté permet d’identifier le nombre de modes de vibration.
Considérons une molécule formée à partir de  atomes ; elle est caractérisée par 3 de-
grés de liberté, dont 3 de translation, 3 de rotation (molécules non linéaire) et donc
3( − 2) de vibration. Dans le régime classique on aura dans ce cas vib = 3( − 2)
si tous les modes de vibrations sont activés.

4 Rôle des interactions dans les gaz

Dans cette dernière section, nous revenons à une description complètement classique
afin d’analyser l’effet des interactions entre atomes. S’il est en général légitime de
négliger les interactions dans les gaz dilués (cf. ordres de grandeurs à la fin de cette
section), rappelons que l’existence d’interaction résiduelles est cruciale à l’établisse-
ment d’un équilibre thermodynamique (on doit comprendre que le modèle du gaz
parfait correspond à une approximation d’interactions négligeables plutôt qu’inexis-
tantes). Si les interactions affectent peu les propriétés thermodynamiques dans l’état
gazeux dilué, elles sont cependant à l’origine de la formation des états condensés tels
que les états solide et liquide qui seront étudiés aux chapitres 9 et 10. Dans cette partie,

168
4 Rôle des interactions dans les gaz

nous allons voir les interactions entraînent des corrélations dans les positions des partic-
ules qui apportent des contributions aux grandeurs thermodynamiques. En particulier,
elles induisent une modification de l’équation d’état. Puisque le modèle du gaz parfait
décrit la limite diluée de faible densité, il est naturel de chercher un développement de
l’équation d’état sous la forme d’un développement


=  + 2( )  2 +  3( )  3 + ⋯ (8.31)
 

qui porte le nom de développement du viriel (qui suppose que la pression est une
fonction analytique de ). Le premier terme correspond à la limite du gaz parfait. Les
coefficients ( ), fonctions de la température, sont appelés les coefficients du viriel,
et décrivent l’effet des corrélations entre atomes. Ces corrélations peuvent avoir une
origine quantique (corrélations quantiques induites par le postulat de symétrisation, cf.
problème 11.2 page 255) ou classique (les interactions étudiées dans ce chapitre). Les
coefficients du viriel peuvent être calculés systématiquement [29], même si nous allons
essentiellement nous concentrer sur l’analyse du second coefficient 2( ) plus bas.

4.1 Aspects microscopiques – Interaction à deux corps


De façon assez générale, il est raisonnable de considérer que les interactions ne dépen-
dent que des variables de positions . Par la suite, nous considérons un corps pur, de
particules identiques et traitées classiquement. L’hamiltonien se sépare en contribution
cinétique et terme d’interaction :


 2
 ( 1, … ,  , 1 , … ,  ) = +  (1 , … ,  ) . (8.32)
=1
2
Il est souvent légitime d’écrire l’interaction comme une somme de termes d’interactions
à deux corps dépendant des distances  =  −   entre atomes1
1 
 ( 1 , … ,  ) = ( ) = () , (8.33)
2  <

où la somme porte sur les  ( − 1)∕2 paires d’atomes.


Déterminer la forme de ( ) n’est pas une question évidente et le détail dépend
du type de molécules considérées. Le comportement à grande distance est attractif,
() ∼ −1∕ 6, et peut être compris par des arguments classiques comme résultant
des fluctuations dipolaires électriques (forces de van der Waals). À courte distance,
les nuages électroniques se repoussent pour des raisons électrostatiques et à cause du
principe de Pauli, ce qui produit une interaction très fortement répulsive.

1. Le potentiel () ne décrit pas une interaction fondamentale mais une interaction effective qui
a plusieurs origines : l’interaction coulombienne entre noyaux et électrons, dont la dynamique est
moyennée, le principe de Pauli. Rien n’exclut en principe l’existence d’interaction effective à davantage
que deux corps : à trois corps 3 (  −  ,  −  ), quatre corps, etc.

169
Chapitre 8 • Description classique des gaz

Potentiel de Lennard-Jones. Un modèle phénoménologique de potentiel d’interac-


tion entre atomes ou molécules neutres qui prend en compte les deux effets mentionnés
ci-dessus est le potentiel de Lennard-Jones
    6 
0 12 0
() = 0 −2 , (8.34)
 
qui possède deux paramètres : une échelle d’énergie 0 > 0 et une distance carac-
téristique 0 . La partie en −12 correspond à la modélisation de la répulsion à courtes
distances tandis que la partie en −−6 est la partie attractive. Ce potentiel, représenté sur
la figure 8.5, passe par le minimum ( ∗) = − 0 pour ∗ =  0 . Pour l’Argon, un gaz rare
très bien modélisé par ce potentiel, les mesures expérimentales donnent 0 ≃ 3.35 Å et
0 ≃ 2.5meV. La figure 8.5 présente également un modèle simplifié dit de van der Waals
dans lequel le potentiel est infini en-dessous de 0 et dont la partie attractive correspond
aux valeurs négatives du potentiel.

0 0

-1 -1

0 1 2 3 0 1 2 3

Figure 8.5
À gauche : Le potentiel d’interaction de type Lennard-Jones. À droite : Le modèle de
van der Waals avec un cœur dur.

4.2 Intégrale de configuration


On a déjà souligné la factorisation (classique) de la distribution canonique (8.15)
entre impulsions et positions. La fonction de partition présente la même forme factorisée

 


1 1
 =  où  = d3 1 ⋯ d3 e− (1 ,…, ) , (8.35)
! Λ 3

est appelée l’intégrale de configuration, qui ne se factorise pas en présence d’inter-


action. Pour le gaz parfait,  = 0 redonne  =   . Son analyse est en général un
problème extrêmement difficile qui requiert des méthodes d’approximation (sauf dans
le cas unidimensionnel, cf. problème 7.3 page 154), dont nous donnerons un aperçu.

170
4 Rôle des interactions dans les gaz

La factorisation de la distribution dans l’espace des phases, (8.15), nous permet


de nous concentrer uniquement sur les coordonnées des atomes. Nous introduisons
la densité de probabilité pour que les  atomes soient dans la configuration spa-
tiale (1, … ,  ) :


(1 , … ,  ) = d 31 ⋯ d3  C(1 , … ,  , 1 , … , ) , (8.36)

(la loi marginale des positions). Autrement dit, elle donne la probabilité d’avoir une
« photo » correspondant à une configuration spatiale, sans s’intéresser aux vitesses.
Après simplifications des termes cinétiques, nous obtenons

e− (1 ,…, )


( 1, … ,  ) = . (8.37)


La probabilité d’une configuration spatiale ne dépend que de l’énergie potentielle d’in-


teraction. Deux cas limites se présentent : (i) à haute température     0 et/ou
faible densité  −1∕3   0, on peut considérer que  (1 , … , ) ≃ 0, ce qui donne
(1 , … ,  ) ≃ 1∕  , comme attendu pour le gaz parfait ; (ii) à basse température, ce
sont les configurations qui vont minimiser le potentiel d’interaction qui ont le plus grand
poids et dominent les moyennes statistiques. À  = 0, c’est même a priori la configura-
tion qui minimise  que va choisir le système à l’équilibre, par exemple une organisation
cristalline. Un dernier point important pour la suite : (1, … ,  ) est invariant si l’on
permute les numéros des particules puisque c’est le cas pour  (1, … ,  ).

4.3 Organisation microscopique


Comme le potentiel d’interaction ne dépend que de la distance relative, l’information
pertinente pour décrire les quantités moyennées est dans la distribution des distances en-
tre atomes. Plus précisément, étant donnée une particule à une certaine position, quelle
est la probabilité d’en avoir une autre à une distance relative  ? Ainsi, il nous faut
décrire comment les particules se répartissent, s’organisent les unes par rapport aux
autres.

a) Densité locale

La densité locale à la position  s’écrit, pour une configuration des positions (1, … ,  )

donnée, sous la forme () = =1
 ( −  ). Par définition, la valeur moyenne de cette
quantité vaut


( ) = 3 3
d 1 ⋯ d  (1, … ,  )  ( −  ) (8.38)
=1

171
Chapitre 8 • Description classique des gaz

où ⋯ désigne la moyenne canonique. L’action de la fonction delta donne



( ) = d31 ⋯ d 3−1 d3 +1 ⋯ d3 (1 , … , −1, , +1, … ,  )
=1


= d3 2 ⋯ d 3 (,
 2 , … ,  ) , (8.39)

où l’on a utilisé l’invariance par permutation des arguments de  dans la seconde égalité
et choisit de mettre la première particule en  puis de moyenner sur les positions des
autres. Dans un solide, la densité locale présente des maxima aux nœuds du cristal, élar-
gis par les fluctuations thermiques, tandis que dans une phase fluide, liquide ou gaz, la
densité locale est homogène ( ) =  dès qu’on s’éloigne des bords, car les particules
sont libres d’explorer tout le volume de façon homogène, et le font.

b) Corrélations de densité et fonction de corrélation de paires

La notion de corrélation a été introduite dans le chapitre 2, ce qui conduit à définir la


fonction de corrélation de la densité
def
C (,  ′ ) = () (′ ) − () ( ′ ) . (8.40)

Si les particules sont indépendantes, comme dans le gaz parfait, on a alors ()(′ ) =
() ( ′ ). En présence d’interactions, ce n’est plus le cas : si une particule est en ,
il y a peu de chances d’en trouver une autre à une distance  =  −  ′ <  0 en raison
de la répulsion. Dans le contexte de l’étude des fluides, il est d’usage de caractériser les
corrélations dans le fluide non pas avec C (,  ′), mais en termes d’une autre fonction
  ′ ) appelée fonction de corrélation de paires, que nous introduisons : tout d’abord
 (,
nous écrivons le produit de deux densités associée à une même configuration :
=( )


 
 
′ ′ ′
() ( ) =  ( −  ) ( −  ) = ( −  )  ( − ) +  ( − ) ( ′ −  )
=1 =1  
(8.41)
où l’on a isolé la contribution  =  de la double somme. On a pu sortir le dirac de la
somme en utilisant la propriété ( − 1) ( ′ − 1 ) = ( − ′) ( −  1). La moyenne
du premier terme de (8.41) fait apparaître la moyenne (8.39), i.e.  ( −  ′ ) si le fluide
est homogène, () = . La moyenne du second terme de (8.41) est par définition la
fonction de corrélation de paires
 
def 2
  ′ ) =
 (,  ( − ) ( ′ −  ) (8.42)
 ( − 1) 

172
4 Rôle des interactions dans les gaz

d’où

()( ′ ) =  ( −  ′) + 2  (,


  ′) (8.43)

On comprend alors le choix de la définition (8.42) ou (8.44) qui assure que  est sans
dimension. Par ailleurs, lorsque  − ′   , avec  =  −1∕3 la distance moyenne entre
particules, les positions des particules peuvent être considérées comme décorrélées, de
sorte que ()( ′) ≃ () × ( ′) =  2. Dans cette limite, on voit donc que  tend
vers 1. Bien que purement local, le terme  ( − ′ ) de (8.43) jouera un rôle important
dans les règles de somme, comme pour exprimer la compressibilité (cf. exercice 8.8).
Finalement, en utilisant les mêmes arguments que pour la moyennes (8.39) (propriété
de la fonction delta et symétrie de la distribution (8.37) sous les permutations de ses ar-
guments), on vérifie sans peine qu’elle s’exprime en fonction de la densité de probabilité
des configurations


  ′ ) =  2
 (, d 33 ⋯ d3 (,
  ′ , 3, … ,  ) (8.44)

Une grande partie de l’information sur la structure du fluide est contenue dans cette
fonction  qui contrôle les grandeurs thermodynamiques.

Interprétation physique de la fonction de corrélation de paires. Dans une phase


fluide, le milieu est homogène et isotrope. Dès lors, il est naturel de considérer que
la fonction de corrélation de paires ne dépend que de la distance relative entre partic-
ules, notée  =  −  ′ . Le nombre moyen de particules se trouvant dans un volume
élémentaire d () = 42 d autour d’une particule est donné par

d () =  () d () . (8.45)

La fonction  renseigne donc bien sur la structure à l’intérieur du fluide, ce qui est illustré
sur la figure 8.6. Enfin, il est crucial de voir que le comportement de  () dépend de la
densité  et de la température  via la moyenne thermique.

4.4 Fonctions thermodynamiques


Énergie moyenne. La moyenne de l’hamiltonien (8.32) montre que l’énergie est la
somme du terme cinétique et du terme d’interaction

3
=  +   , (8.46)
2

173
Chapitre 8 • Description classique des gaz

cristal liquide gaz

4 2

3 1

2 1
1
0 0 0
0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Figure 8.6 – Comportement typique de la fonction de corrélation de paires 𝒈(𝑹) dans les
trois états d’un corps pur.


1


  = − ln   = d 3 1 ⋯ d 3 (1, … ,  ) ( −  ) (8.47)
 2 
 ( − 1)

= 2
d3 1d3 2  ( 1 , 2) (1 − 2) (8.48)
2
(on a utilisé la forme (8.37) dans la première équation). En écrivant ( − 1)∕ ≃
 ∕  =  et en utilisant l’isotropie de la phase fluide, on obtient une forme extensive
pour la contribution des interactions à l’énergie moyenne :

0
  =  2  d 2 ()  () . (8.49)

Capacité calorifique. Utilisons que  () dépend de la température tandis que ()
n’en dépend pas :
   ∞

1 
0
3
= =  + 2  d 2 () () . (8.50)
   , 2 

Pression. Le calcul est plus compliqué, et utilise le théorème du viriel. On obtient


0
2 2 d
 =   −  d 3 ( )  ( ) . (8.51)
3 d

174
4 Rôle des interactions dans les gaz

Notons que le second terme ne correspond pas simplement avec   2 2 ( ), le second


terme du développement du viriel (8.31), car  () dépend de la densité .

Exercice 8.6 La pression par le viriel


Cherchons à montrer la relation (8.51).
1/ Exprimer la pression  comme une dérivée partielle de ln  . En exprimant
  sous une dilatation des coordonnées  →  avec  réel, puis en dérivant
le logarithme de cette relation par rapport à  de deux manières, montrer :
 ln         .
= −  ⋅ ∇ (8.52)
  3   

2/ En mécanique, le viriel est la quantité définie par  =



 ⋅  avec  la force

particule. Montrer que  =   +  ∕3. De plus,



ème
qui s’exerce sur la 
justifier que, avec les notations du cours,  = −
1 d

  (  ). En déduire le
2 d
résultat (8.51).

Compressibilité. De même, on a la relation suivante donnant la compressibilité


isotherme  du fluide

0
   = 1 + 4  d  2( () − 1) (8.53)

Rappelons que pour un gaz parfait, on a simplement  = 1∕ = 1∕( ), qui


correspond au premier terme.

Exercice 8.7 Compressibilité d’un gaz


Pour montrer (8.53), partons de la situation de l’exercice 8.8 page 181 dans lequel
nous montrons la relation (8.68).
1/ Après avoir exprimé le nombre de particules  et son carré 2 comme des in-
tégrales sur le volume  , montrer que les fluctuations du nombre de particules sont
reliées aux corrélations de densité par la relation :
 G 2  
 
 = d 3
 d 3 ′

  ()  ( 
 ′
)  −  ( 
 )  ( 
 ′
) (8.54)

2/ Utiliser (8.43) et les propriétés de  () pour établir (8.53).

4.5 Limite de faible densité


Comportement de  () dans la limite de basse densité. La fonction de corrélation
de paires  () est une quantité mesurable expérimentalement et dans les simulations
numériques. Cependant, il est difficile de calculer  () analytiquement, sauf dans la lim-
ite de basse densité . Cette limite est très importante car elle permet une interprétation

175
Chapitre 8 • Description classique des gaz

physique simple de l’effet des interactions. Le résultat est le suivant

 () ≃ e−() . (8.55)

Autrement dit,  () vue comme une probabilité se ramène simplement au « poids de
Boltzmann » avec l’énergie (). Il est d’ailleurs facile de la tracer. Ce comportent cor-
respond bien à ce à quoi on s’attend intuitivement et décrit sur la figure 8.6 (phase
fluide). Dans la limite  → ∞, () → 0 et donc  () → 1, comme discuté plus
haut. Lorsque  → 0, () → ∞ (partie répulsive) et donc  () → 0 . L’effet de la
partie () > 0 est donc bien de diminuer la probabilité pour que deux particules se
rapprochent. Au contraire, lorsque () < 0, on a ( ) > 1, et se manifeste par une
accumulation de particules par rapport à la densité moyenne ce qui se traduit par une
bosse dans  (). Remarquons que c’est le signe de () qui compte et non celui de la
force −d∕d.
def
Justification du comportement à basse densité. Introduisons   = e −( ) −1, une
fonction qui prend des valeurs significatives jusqu’à  ≃  0 et qui s’annule rapidement
lorsque  → ∞. De plus, dans la limite basse densité et haute température on peut
prendre  ≃  0  1. Dès lors,
   
e− (1 ,…, ) = e− < ( ) = e −( ) = (1 +  ) ≃ 1 +  . (8.56)
< < <



Enfin, on considère que le volume d’action des interactions  = d 3  

 ∕ est négligeable devant le volume par particule  ∕ = 1∕. Dans cette limite

 
 = d3 1 ⋯ d3 e − (1 ,…, ) ≃   + d3 1 ⋯ d3    , (8.57)
<

dans laquelle le second terme est d’ordre   −1    . On peut donc prendre
 ≃   . Dans le calcul de la fonction de corrélation de paires apparaît l’intégrale
 

 
3 3 − (1,2 ,3 ,…, ) 3 3
d 3 ⋯ d  e ≃ d 3 ⋯ d   1 +  12 + 
<,(,)(1,2)



=  −2 + 12  −2 + d3 3 ⋯ d3 
(, )(1,2)
<

dans laquelle le dernier terme est d’ordre   −3   −2 . On obtient donc

2 
 
 ( 1, 2 ) = d3 3 ⋯ d 3 e − (1 , 2,3 ,…,) ≃  (1 + 12 ) = e−(12) , (8.58)

d’où le résultat (8.55).

176
4 Rôle des interactions dans les gaz

Second coefficient du viriel. Plaçons-nous dans la limite de basse densité pour


déterminer le coefficient 2 ( ). En utilisant (8.55), on peut commencer par écrire
d  
∞ ∞ ∞

0 0  0
d d −() 1
d 3  () () = d 3 e = d 3 1 − e−()
d d d 
tend vers 0 en →∞
=0

 
3   ∞ 3 ∞  
 0
−()
= 1−e − d 2 1 − e−()
 0
que l’on réinjecte dans (8.51) pour obtenir après simplifications
∞  
0
2( ) = 2 d 2 1 − e−() (8.59)

Le second coefficient du viriel est donc une propriété du problème à deux corps (de
manière remarquable, cette remarque reste vraie dans le cas quantique, cf. § 77 de [23]).

Application au modèle de van der Waals. Appliquons ces idées au modèle de van
der Waals, consistant à simplifier le modèle d’interaction : vdW() = ∞ pour  ⩽  0
et  vdW () = () < 0 pour  > 0 (figure 8.5). Dans l’intégrale (8.59), séparons les
contributions < 0 et  > 0 et faisons l’hypothèse haute température 0  1 qui
permet d’écrire 1 − e−() ≃ () :
∞   0 ∞

0 0 
d  2 1 − e−() ≃ d 2 + d 2 () . (8.60)
0

30 ∕3

Les deux termes traduisent les deux effets de la répulsion à courte distance et de
l’attraction à grande distance, ce que nous encodons dans les deux paramètres


2 3
 = −2 d 2 () , et  =  (8.61)
0
3 0

Le second coefficient du viriel prend alors la forme



2 ( ) =  − . (8.62)
 
Puisque ce coefficient contrôle directement la pression, les signes des deux contributions
s’interprètent aisément : la partie répulsive associée à  augmente la pression tandis que
la partie attractive la diminue.
Si le sens du volume  est clair, nous pouvons préciser celui du paramètre  en
considérant l’énergie d’interaction moyenne (8.49) :
def  


int = = 2  d  2 ()  () = −  ∼ −  0 30 (8.63)
 0

où le coefficient est estimé comme  ∼ 0 30 .

177
Chapitre 8 • Description classique des gaz

Pour terminer, rappelons que 2 ( ) est une quantité accessible expérimentalement


puisqu’il intervient dans l’équation d’état. Comme  et  sont deux constantes qui ne
dépendent que de 0 et 0 , la mesure de 2( ) nous renseigne directement sur les
paramètres du potentiel d’interaction, des caractéristiques qui seraient très difficiles à
mesurer microscopiquement. Les résultats dérivés ici sont exacts dans la limite  → 0
et pourront nous servir à tester les approximations faites dans l’établissement du modèle
de van der Waals pour la transition liquide-gaz au chapitre 10.

Discussion quantitative de l’approximation du gaz parfait

Comparons l’énergie d’interaction et l’énergie cinétique par une particule. L’énergie


cinétique est de l’ordre de cin = (3∕2) . Combiné avec (8.63), nous déduisons
int ∕cin ∼  0  30∕(   ). L’énergie des interactions est donc négligeable dans la lim-
ite basse densité, typiquement 30  1 et haute température  0 ∕   1. Dans les
conditions standards de pression et température en prenant typiquement 0 ∼ 5 Å et
0 ∼ 1 meV, on trouve int ∕cin ∼ 10−4 , ce qui est extrêmement faible et justifie
l’hypothèse de gaz parfait.

Pour en savoir plus :


• Sur les gaz diatomiques et polyatomiques : chapitre 6 de [29], chapitre 8 de [3] ou
complément III.B de [15].
• Sur les interactions : chapitre 9 de [3] ou chapitre 10 de [29]. Le chapitre 14 du livre de
Ma [26] contient une très belle discussion donnant une interprétation de 2 en terme
de temps de collision (on pourra aussi consulter le § 77 de [23] sur cet aspect).

178
Les points clés

1 On doit pouvoir retrouver très 3 La notion du gel (quantique) des


rapidement les résultats pour le degrés de liberté.
gaz monoatomique. Connaître
4 Quelques notions sur l’effet des
l’effet d’un potentiel extérieur
interactions : développement
et la distribution de Maxwell-
du viriel et rôle de la fonction de
Boltzmann.
corrélation de paires.
2 Factorisation de la fonction de
partition pour des problèmes
séparables.

Les annexes
A Molécules diatomiques homonucléaires – H2
Dans le paragraphe précédent, nous avons considéré le cas des molécules diatomiques
hétéronucléaires (comme HD, CO,...). Le cas des molécules diatomiques homonu-
cléaires (comme H2, O2 ,...) introduit une complication liée au postulat de symétrisation.
Considérons par exemple le cas du dihydrogène H2 pour simplifier. Les deux noyaux
étant identiques (donc indiscernables), leur fonction d’onde doit satisfaire le postulat de
symétrisation, ce qui affecte la construction des états stationnaires. En effet, les états
de moment orbital 𝓁 pairs sont spatialement invariants par échange des noyaux (en ter-
mes des coordonnées sphériques (,  ), cela correspond à une rotation  →  −  et
 →  + ). Ils doivent donc être combinés avec un état singulet ( = 0) pour les spins
nucléaires, afin de respecter l’antisymétrisation globale de la fonction d’onde (chapitre 8
& chapitre 11 de [35]). On parle de para-hydrogène pour désigner l’état singulet de spin
de H2. De même les états de 𝓁 impair, spatialement antisymétrique par permutation des
noyaux, doivent être combinés avec un des trois état triplet ( = 1) de spin. On parle
dans ce cas d’ortho-hydrogène. Finalement la fonction de partition rotationnelle est :
(H )
 (rot)  (rot)
 rot2 = (2𝓁 + 1) e −𝓁 +3 (2𝓁 + 1) e− 𝓁 . (8.64)
𝓁 pair 𝓁 impair
 
 para  ortho
 
La capacité calorifique correspondante est (rot) =   (−) ln rot , i.e.
 
2, rot)  2   
(H

( ) =    ln  para + 3ortho (8.65)
 
Cette discussion peut être généralisée pour des molécules avec noyaux ayant des spins
arbitraires (cf. chapitre 6 de [29] ou complément III.B de [15]). Notons toutefois

179
Chapitre 8 • Description classique des gaz

que puisque les températures de rotation sont en général très basses (cf. tableau 8.1),

on peut se limiter en pratique au régime classique, pour lequel rot = (au lieu de
2 rot

pour les molécules hétéronucléaires). La capacité calorifique n’est bien entendu pas
rot
affectée par ces effets dans le régime classique.
Revenons sur le cas du dihydrogène pour lequel la température rot est telle qu’il est
possible d’observer la transition vers le gel de la rotation. On constate que le modèle
théorique discuté ci-dessus, équation (8.65), est en désaccord avec les données expéri-
mentales. La raison est liée au manque de relaxation entre para- et ortho- hydrogène
(la probabilité de transition d’un état vers l’autre est très faible car elle met en jeu des
états des spins nucléaires très faiblement couplés). Le gaz de dihydrogène se comporte
en pratique comme un mélange de deux gaz indépendants de para- et ortho- hydrogène
dans des proportions correspondant aux dégénérescences de spin 1∕4 et 3∕4, caractérisé
par une capacité calorifique
  (para et ortho
(H2 , rot)  2  1 3
 ( ) =   ln para + ln ortho , (8.66)
  4 4 non équilibrés)

au lieu de (8.65). Cette subtilité est discutée dans le § 6.5.B de [29] et dans le chapitre 8
de [3]. Elle illustre bien l’importance des interactions microscopiques, même faibles,
afin d’atteindre un équilibre thermodynamique.
rot
CV / Nk B
2
équilibrés
1.5 para−H 2

0.5 mélange
ortho−H 2 T / T rot
0
1 2 3 4 5

Figure 8.7
Capacité calorifique (partie rotationnelle) du dihydrogène. On voit que les données
expérimentales (tirées de [29]) sont décrites par la capacité calorifique du mélange
(H , rot)
 2
para
= (1∕4) + (3∕4) ortho

, équation (8.66), et non par la capacité (8.65) décrivant
la situation où les deux gaz seraient équilibrés (courbe en pointillés).

180
Entraînez-vous
Exercice 8.8 Fluctuations de densité et compressibilité
Un fluide est contenu dans une enceinte de volume tot, à  fixée. Le système étudié est sous-
volume  du récipient, isolé par la pensée et dont le nombre de particules  fluctue donc au
cours du temps.
1/ Ordres de grandeur dans un gaz. Le gaz se trouve dans les conditions normales de tem-
pérature et de pression. Les particules ont une vitesse typique  ≈ 500 m/s et un temps typique
entre deux collisions de  ≈ 2 ns. On note 𝓁 =  le libre parcours moyen entre deux colli-
sions. On cherche à estimer le renouvellement des particules du sous-volume  = 3 , supposé
cubique. Exprimer le nombre   de particules entrant/sortant du système pendant un temps
 en fonction de 𝓁 et , puis évaluer  ∕ pour un volume  = 1 cm 3 . Quel est l’ensemble
approprié pour étudier cette situation ?
G
2/ Rappeler comment obtenir la moyenne  et la variance Var() à partir de la grande
fonction de partition. Déduire la relation :
G
 G 2 
  =   . (8.67)

G
3/ Dans cette question, on identifie  avec sa moyenne  et on note  =  ∕ la densité
du fluide. Après avoir justifié
 que  = F (
∕ , ) et  =G (∕ ,  ) où Fet G 
sont deux
     
fonctions, montrer que =− et =− .
  ,    ,   ,    ,

4/ Compressibilité. À l’aide des questions précédentes et d’une relation de Maxwell


  (7.24),
def 1 
déduire la relation entre les fluctuations et la compressibilité isotherme  = − :
   ,
 2
G

G
=     (8.68)

Donner l’expression de la compressibilité du gaz parfait classique. Déduire l’expression des
fluctuations dans ce cas.
Remarque. C’est un exemple de relation entre une fonction de réponse (la compressibilité)
et des fluctuations. Nous avons discuté précédemment un autre exemple à l’équation (6.21).
Exercice 8.9 Loi d’action de masse pour la dissociation du dichlore
(suite du Problème 6.1)
L’analyse de l’équilibre entre un gaz moléculaire de dichlore et un gaz atomique de chlore a
été analysé dans le problème 6.1, page 135.
1/ Gaz atomique. Exprimer la fonction de partition 1 pour un atome de chlore dans un volume

 . On introduit la longueur thermique  = 22 ∕( Cl   ) pour l’atome de chlore (Cl ≃
35.5 proton ).

181
Chapitre 8 • Description classique des gaz

2/ Gaz moléculaire. L’énergie d’une molécule de dichlore peut être décomposée en : énergie
de translation, rotation, vibration et liaison. La fonction de partition d’une molécule se fac-
torise comme 2 =  translation rotationvibtation liaison , avec liaison = e 0 où 0 est l’énergie de
liaison.
a. Exprimer translation en fonction de  introduite plus haut.
b. En reprenant la notation du cours, on donne la température de rotation rot = 0.35 K.
Déduire l’expression de rotation décrivant le comportement du gaz à température ambiante,
en fonction de  et rot .
c. De même, on donne vib = 808 K. Discuter le rôle de la vibration à température ambiante.
Que devient vibration ?
3/ Loi d’action de masse. En reprenant la notation du problème 6.1, exprimer la constante
 ( ). On donne 0 ∕ = 29 000 K ; que peut-on déduire sur l’efficacité de la dissociation du
dichlore à température ambiante ?

182
Chapitre 9
Thermodynamique
des oscillateurs
harmoniques

Introduire les notions de mode propre 1 Oscillateur harmonique 1D


(mode collectif) et de particule 2 Vibrations d’un corps solide
émergente. 3 Thermodynamique du
S’appuyer sur la notion de mode propre rayonnement
pour ramener l’étude des propriétés
thermodynamiques à celles
d’oscillateurs harmoniques
indépendants.

L’étude de l’oscillateur harmonique (ou « oscillateur linéaire ») est un problème transver-


sal, apparaissant dans des situations extrêmement variées. On peut mentionner :
• l’étude de l’oscillateur mécanique (un ressort) ;
• l’analyse des vibrations d’une molécule diatomique (cf. le chapitre précédent) ;
• les vibrations d’un corps solide (une « molécule » de taille macroscopique), analysées
plus bas ;
• l’étude d’un(des) oscillateur(s) électrique(s), i.e. un circuit formé d’une inductance et
d’une capacité (ou plusieurs couples inductance-capacité). Une inductance traversée
d’un courant  =  stocke une énergie « cinétique »   =   2∕2 alors qu’un
condensateur portant une charge  stocke une énergie « potentielle »  = 2∕(2) ;
• le champ électromagnétique (étudié plus bas).
Autrement dit, l’étude d’oscillateurs se pose dans tous les domaines de la physique.
L’origine de cette observation est liée à l’existence d’états d’équilibre (mécanique, ou
électrique, etc) au voisinage desquels l’énergie admet un développement régulier, que
nous écrivons schématiquement :
 2
Énergie ∝ + écart à l’équilibre .

1 Oscillateur harmonique unidimensionnel


Avant d’étudier dans les paragraphes suivants des systèmes décrits par une nombre infini
d’oscillateurs, nous rappelons très rapidement les propriétés essentielles d’un unique

183
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

oscillateur, déjà partiellement analysées au chapitre 6 (page 114) et au chapitre 8 pour


étudier les vibrations des molécules diatomiques (§ 3.3). Considérons l’hamiltonien

2 1
(, ) = + 2  2 . (9.1)
2 2
Son spectre quantique d’énergies équidistantes est très particulier [5, 35]
 
1
  =   + où  ∈ ℕ . (9.2)
2
La fonction de partition est une série géométrique que nous calculons aisément


1
= e−(+1∕2) = (9.3)
=0 2 sh(∕2)

et dont nous déduisons l’énergie moyenne


 
C     
  = − ln  = coth = + ∕  . (9.4)
 2 2  2 e  −1

À ce stade il est intéressant de réinterpréter l’expression (9.4) en caractérisant l’excita-


C
tion moyenne de l’oscillateur. Si nous écrivons  = (  + 1∕2), la quantité

1
 = (9.5)
e∕  −1

mesure le nombre moyen de quanta d’énergie dans l’oscillateur. Cette fonction porte le
nom de distribution de Bose-Einstein et jouera un rôle très important par la suite.
Calculons également la capacité calorifique
  2
def C 2 
  ( ) = =     . (9.6)
 sh 2

C
 et  ( ) sont tracées sur la figure 9.1.

Figure 9.1– Énergie moyenne et capacité calorifique (résultats classiques en tirets).

184
1 Oscillateur harmonique unidimensionnel

   
L’expression de l’énergie  ( ) =   ln 2 sh peut se réécrire
2  
  
 −
( ) = +   ln 1 − e   (9.7)
2
pour faire apparaître l’énergie fondamentale, à laquelle s’ajoute la contribution des états
excités. De même l’entropie peut être écrite en fonction de  :
   

 −
 ( ) =   − ln 1 − e  
. (9.8)
  
Les deux fonctions sont tracées sur la figure 9.2.

Figure 9.2 – Énergie libre et entropie. Comportements classiques en tirets.


def
Nous avons introduit au chapitre 8 l’échelle de température caractéristique vib =
∕ , qui intervient pour discuter les cas limites.

Régime classique (haute température). Pour    vib , on déduit  ≃  ∕ vib  1,


qui aurait pu être obtenu plus directement par la formule classique (6.34). De même
l’énergie moyenne C ≃   est une simple conséquence du théorème d’équipartition
(deux termes quadratiques cin C ≃   ∕2 et pot C ≃   ∕2). On déduit la valeur
universelle de la capacité calorifique ( ) ≃  .

Régime quantique (basse température). Pour    vib, l’énergie sature à la valeur


de l’énergie fondamentale,  C ≃ 0 (figure 9.1). Le comportement limite de la capacité
 2
calorifique ( ) ≃  ∕ e −∕  est une autre manière de caractériser ce
phénomène de saturation de l’énergie que nous avons associé au gel (quantique) de la
vibration. Il est important de retenir que le comportement générique
 

( ) ∼ exp − ⇔ gap  (9.9)
 

caractérise un système ayant un gap dans son spectre d’excitations (ici  = 1 − 0 =


). Pour des températures petites devant le gap, l’oscillateur est essentiellement bloqué
dans son état fondamental : le thermostat fournit typiquement une énergie typ ∼  
qui ne peut pas être absorbée puisqu’il n’y a pas de niveau d’énergie vers 0 +  typ , le
premier état excité étant bien au-dessus. Ce sont seulement des fluctuations atypiques,

185
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

extrêmement peu probables, qui permettent de promouvoir l’oscillateur dans ses états
excités, et dont le facteur e−  1 est la signature. Stricto sensu, ce sont seulement
les fluctuations thermiques qui sont gelées, et l’oscillateur dans son état fondamental est
encore sujet aux fluctuations quantiques, qui se manifestent sur certaines observables
(nous en verrons une illustration à la fin du chapitre en discutant la pression Casimir).
On peut également voir la signature du gel de la vibration dans l’énergie libre
 
 ( → 0) ≃ 0 et l’entropie  ( ) ≃ exp − → 0 (figure 9.2).
  

2 Vibrations d’un corps solide

Nous étudions un ensemble macroscopique d’atomes dans la limite extrême inverse de


celle du gaz parfait : le corps solide correspond à la limite où les atomes ont de très
fortes interactions mutuelles. Dans cette limite, les atomes ne sont plus indépendants,
cependant nous allons pouvoir identifier des degrés de liberté se découplant, afin d’écrire
encore une fois l’énergie sous la forme d’une somme de contributions associées à des
degrés de liberté indépendants, les modes propres.

2.1 Aspects microscopiques


a) Hamiltonien de vibration

Un solide peut être considéré comme une « grosse molécule », constituée d’un nombre
macroscopique d’atomes. Deux contributions importantes à l’énergie sont d’une part
l’énergie des électrons formant la liaison chimique entre atomes et l’énergie des ions :

solide = ions + electrons . (9.10)

Les ions se meuvent autour de leurs positions d’équilibre, lentement à l’échelle de la


dynamique des électrons (cf. § 3.2 du chapitre 8). Nous laissons de côté la contribution
des électrons à l’excitation thermique du solide, qui sera étudiée au chapitre 12. À l’ordre
le plus bas dans leurs déplacements, l’énergie des ions est donc de la forme de celle
d’oscillateurs harmoniques couplés (cf. figure 9.3) :



  2 1  2
vibration ≃ +  20  −   (9.11)
=1
2 2 ,

où la somme porte sur tous les couples d’atomes voisins : ce deuxième terme décrit
les énergies de liaison entre atomes plus proches voisins. C’est l’analogue de l’énergie
associée à la liaison chimique discutée dans le chapitre précédent pour la molécule
diatomique. Cette forme de l’énergie est une approximation au voisinage de l’état
d’équilibre du solide, loin de son point de fusion.

186
2 Vibrations d’un corps solide

...
...

... ...

...
Figure 9.3
Un modèle simple de solide : des atomes plus proches voisins en interactions har-
moniques, représentées par les ressorts, décrit par (9.11).

b) Modes propres de vibration

Puisque l’énergie de vibration est une forme quadratique des coordonnées des atomes,
il existe une transformation linéaire de l’ensemble des coordonnées qui la diagonalise :
1 2  2 Ω2 ∶ matrice 3×3
 pot = 0   −    ⋮  (9.12)
2  
   
, ⋱ ⋱
  1  2 2
3
1   
=  ⋯    ⋯ ⋱ ⋱ ⋱    =   
2   2 =1  
 ⋱ ⋱   
 
⋮

où les 2 sont les 3 valeurs propres de la matrice Ω2 et les   des combinaisons
linéaires des coordonnées atomiques (⋯ ,  ,  ,  , ⋯). Finalement, l’énergie de vibra-
tion s’écrit sous la forme
 

3
2 1
vibration = + 2 2 . (9.13)
=1
2 2

Les 3 coordonnées { }, combinaisons linéaires des { }, sont appelées les coor-
données normales (cf. annexe A page 203 pour l’analyse explicite d’un exemple). La
diagonalisation de la forme quadratique pot nous a permis de réécrire l’énergie de
vibration (9.11) comme la somme des énergies de 3 oscillateurs harmoniques unidi-
mensionnels indépendants, appelés modes propres de vibration (leur nombre est donné
par le comptage des degrés de liberté associés aux  atomes).

c) Densité de modes : propriétés

Les propriétés thermodynamiques de cet ensemble d’oscillateurs sont contrôlées par


les fréquences propres de vibration { }, qui dépendent du cristal (nature des atomes,
structure cristallographique). Fort heureusement, nous n’aurons pas besoin d’informa-
tions précises sur ces fréquences, mais seulement de quelques propriétés très générales.

187
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

0.5 Al Pb
0.4 2

ρ(ω) 0.3
T2
0.2 1 T2
T1
0.1 T1
L L
0 0
0 1 2 3 4 5 6 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4
ω ( 10 13 rad.s −1 ) ω ( 10 13 rad.s −1 )
Figure 9.4
Densité de modes de l’aluminium et du plomb. Les courbes en traits fins représentent
les contributions des modes longitudinal (L) et transverses (T1 et T2). Données tirées de :
R. Stedman et al, Physical Review 162, p. 549 (1967).

Nous introduisons la densité de modes1

def 
3
 ( ) =  ( −  ) (9.14)
=1

caractérisant la distribution de ces fréquences : ()d donne le nombre de fréquences


  dans l’intervalle [,  + d]. Les propriétés générales dont nous aurons besoin sont
au nombre de trois :
() Les fréquences se distribuent dans un intervalle fini,  ∈ [0, max]. L’existence
d’une fréquence maximale  max est un effet de réseau puisque celui-ci ne peut sup-
porter des ondes de longueur d’onde inférieure à min ∼ 1 Å correspondant au pas du
réseau cristallin.
() Règle de somme (qui donne le nombre de degrés de liberté) :
max

0
d() = 3 . (9.15)

() Il existe des modes acoustiques de basses fréquences (les solides peuvent propager
du son). Dans la limite des grandes longueurs d’onde la relation de dispersion prend
la forme  ≃   où  est la vitesse du son (cf. table 9.1).
La troisième remarque nous permet de déduire le comportement générique de basse
fréquence de la densité de modes :
 d3
 (2)3
 ( ) = 3  ( −   ) ≃ 3  ( −  ) (9.16)
 max


1. Bien qu’analogue à la notion de densité d’états décrivant les propriétés spectrales des problèmes
quantiques, la notion de densité de modes est parfaitement classique (cf. Annexe 9.A).

188
2 Vibrations d’un corps solide

où le facteur 3 tient compte des trois modes de vibration (un mode longitudinal et deux
modes transverses) associés à chaque vecteur d’onde. Finalement
3
 ( ) ≃ 2 (9.17)
 max 2 2 3
Il est remarquable que du point de vue des propriétés de basse énergie, toute la com-
plexité du cristal (nature des atomes, structure cristalline, etc) est encodée dans un
unique paramètre  . On a représenté les densités de modes de deux métaux obtenues
par diffusion de neutrons (figure 9.4) qui illustrent les propriétés (i) et (iii).

Remarques. L’étude détaillée des modes propres de vibration est une question in-
téressante discutée dans les ouvrages classiques de physique des solides [2, 19]. Si nous
avons utilisé une notation générique pour repérer les modes propres,  , l’analyse mon-
tre qu’ils doivent être repérés par un vecteur  appartenant à un domaine fini de ℝ 3
appelé la « zone de Brillouin » (cf. annexe 9.A page 203 pour une illustration).
D’autre part nous n’avons pas distingué les contributions des différents modes de
vibration, mode longitudinal (compression) et modes transverses (cisaillement), qui sont
en général caractérisés par des vitesses distinctes   et   . Cette remarque n’affecte pas
la forme de la densité de modes (figure. 9.4) : il suffira de poser 3∕2 = 1∕ 2 + 2∕2 .

d) Quantification des modes propres : phonons

Les modes propres de vibration sont des combinaisons linéaires des variables de posi-
tions atomiques. Il est donc naturel de quantifier ces oscillateurs. Les niveaux d’énergie
de vibration du cristal sont caractérisés par 3 nombres quantiques :

3
{ } =  ( + 1∕2) avec  ∈ ℕ . (9.18)
=1

Lorsque le mode de fréquence   est dans son  -ème niveau excité, on dira que le mode
est occupé par  phonons. Un phonon représente un quantum d’excitation du mode.
Si nous revenons à l’indexation des modes à l’aide du vecteur,  → , nous pouvons
interpréter  comme l’énergie du phonon et  comme son impulsion. La relation de
dispersion linéaire  ≃   s’identifie avec la relation de dispersion relativiste pour
des particules de masse nulle.
Les phonons sont des particules émergentes apparaissant dans la théorie de basse
énergie décrivant les vibrations du cristal (les phonons n’ont d’existence que dans le
cristal). En outre, ces particules ne sont indépendantes qu’à basse énergie, dans la limite
où l’énergie de vibration peut être considérée quadratique. À plus haute énergie, l’én-
ergie de vibration doit être décrite plus correctement en incluant des termes quartiques,
etc, (oscillateurs anharmoniques). Ces anharmonicités sont interprétées comme des ter-
mes d’interaction entre les phonons. Si le solide explore les énergies encore plus élevées
(à plus haute température), il peut y avoir fusion du cristal.

189
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

2.2 Thermodynamique des vibrations


a) Séparabilité

L’étude de la thermodynamique des vibrations peut maintenant être menée très di-
rectement puisque nous nous sommes ramenés à un problème de 3 oscillateurs har-
moniques quantiques unidimensionnels indépendants. Le problème est donc séparable
et nous pouvons simplement utiliser la règle de factorisation (6.26)

3
1
 vibration =  où  =     , (9.19)
=1 2 sh
2
qui impliquera l’additivité des grandeurs thermodynamiques.

b) Énergie moyenne et capacité calorifique

Nous déduisons immédiatement l’énergie moyenne de vibration, qui prend la forme


d’une somme de contributions de termes (9.4) associées aux différents modes
3    
     max


C  
vib = +  = d() +  (9.20)
=1
2 e  − 1
0 2 e − 1
Le premier terme correspond à l’énergie fondamentale du cristal
 max

0

vide = d () , (9.21)
2
i.e. l’énergie du « vide de phonon ». Le second terme s’interpète comme l’énergie des
excitations, i.e. l’énergie du gaz de phonons :
 max

0
C
 phonons = d ()    . (9.22)

L’interprétation en termes de phonons rend l’expression transparente :  représente


1
l’énergie d’un phonon,  =  le nombre moyen de phonons occupant le mode
e −1
et d () le nombre de modes dans l’intervalle.
La capacité calorifique s’obtient de même en pondérant la capacité calorifique de
chaque mode, éq. (9.6), par la densité de modes :
2
C   
 max  max
 vib  2   
0 0
  ( ) = = d ()   ( ) =  d ()    (9.23)
  sh  
 2 

Elle met en jeu l’intégrale d’un produit de deux fonctions : la densité de mode (), de
largeur max , et la capacité calorifique ( ), de largeur    ∕ .

Limite de haute température (   max∕  ). Dans la limite classique, la fonc-


tion  ( ) est très large à l’échelle de la densité de modes (figure 9.5) et on peut

190
2 Vibrations d’un corps solide

kBT/h k BT /h
kB kB ρ(ω)
c ω(T)
cω (T)
ρ(ω) ω
0 ωMax ω 0 ω Max
Figure 9.5 – Les deux fonctions intervenant dans l’intégrale (9.23).

simplement la remplacer par  . Reste l’intégrale de la densité de modes   ( ) ≃


max

0
 d (). En utilisant la règle de somme (9.15), nous obtenons la loi de Dulong
et Petit (1819) :

  ( ) ≃ 3 (9.24)

Autrement dit la capacité calorifique (classique) des solides est une loi universelle,
indépendante de la nature du cristal, de la structure cristalline etc.

Limite de basse température (   max∕  ). Nous avons vu que si    ,


l’oscillateur de pulsation  est gelé dans son mode fondamental. Parmi les 3 oscil-
lateurs, nous devons donc séparer les oscillateurs de fréquences     ∕  qui sont
gelés et ne participent plus à l’excitation, i.e. à la capacité calorifique, des oscillateurs de
fréquences     ∕  qui sont excités thermiquement. Plus précisément, la fonction
 ( ), qui décroit exponentiellement vite ∼ e− , sélectionne le comportement à l’orig-
ine de la densité de modes, qui seul contribue significativement à l’intégrale (figure 9.5).
On peut simplement injecter le comportement (9.17) dans (9.23) :

2
  
Λ
 
22 3  0
3 2 
  ( ) ≃  d  2      , (9.25)
 sh  
 2  

où la borne supérieure est une coupure,    Λ  max , correspondant à la limite de


validité du comportement quadratique () ∝ 2. Un changement de variable donne
   
2  3 Λ∕(2  ) d 4  3 ∞ d  4
0  0 sh2 
3 12
  ( ) ≃   ≃  .
2 2 3  sh2  2 

 4 ∕30

191
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

Le comportement de  → 0 est indépendant de la coupure Λ ; nous obtenons


 3
2 2  
 ( ) ≃   pour     max . (9.26)
5 

Ce comportement universel  ( ) ∼  3 , très bien vérifié en pratique (figure 9.6), ne


dépend que d’un unique paramètre non universel, la vitesse du son  .

18
16
14
12
C V/T

10
8
6
4
2
0
0 1 2 3 4 5 6
T2 (Kelvin2 )

Figure 9.6 – Capacité calorifique du potassium.


  ( )∕ en fonction de  2, i.e. correspond à   ( ) =   +   3 (les ronds et les carrés
correspondent à des données obtenues avec deux types de cryostats). Le terme linéaire
de  ( ) est la contribution du gaz d’électrons que nous étudierons au chapitre 12.
Données tirées de W. H. Lien & N.E. Phillips, Physical Review 133, p. A1370 (1964).

On retiendra l’argument heuristique suivant : à une échelle de température  , seuls


contribuent à l’énergie les modes de basses fréquences, tels que     ∕ . Les modes
de plus hautes fréquences sont tous gelés dans leur état fondamental et ne contribuent
 

0
pas à l’excitation. La variation d’énergie est donc  ( ) −  (0) ∼ d ()  ∼


0
d 3 ∼  4, d’où nous déduisons  ∼  3. Q ED .
Plus haut nous avions vu que la présence d’un gap Δ dans le spectre des excita-
tions est associé au comportement  ∼ e−Δ∕   . Le comportement en loi de puissance
  ( ) ∼  3 caractérise au contraire l’absence d’échelle caractéristique. La den-
sité de modes () est une fonction continue, i.e. quelle que soit l’échelle d’énergie
à laquelle le système est sondé (  ), des degrés de liberté (des modes de vibration)
peuvent être excités, i.e. échanger de l’énergie avec le thermostat. Dans cette perspec-
tive, l’échelle max apparaît comme une échelle de coupure (un « cutoff ») délimitant
la validité de la description continue de basse énergie.

c) Ordres de grandeur

Examinons la condition de « basse température » dans la pratique. Pour l’aluminium (fi-


gure 9.4) par exemple, la fréquence maximale est max ≃ 6×1013s−1 , ce qui correspond à
une échelle de température max ∕  ≃ 430K. Le régime de basse température est donc

192
2 Vibrations d’un corps solide

facilement atteint pour un échantillon d’aluminum. Dans le cas du plomb la fréquence


maximale est plus petite max ≃ 1.4 × 1013 s −1, i.e. max ∕ ≃ 100 K. Celui-ci est
donc plutôt dans le régime classique à température ambiante.

Tableau 9.1 – Températures de Debye de quelques solides, tirées du chapitre 23 de [2].


Vitesses du son.
𝒁 solide 𝑻𝑫 ℏ𝝎 𝐦𝐚𝐱∕𝒌 𝑩 
6 Diamant (C) 1860 K
13 Aluminium (Al) 394 K 430 K 6300 m/s
29 Cuivre (Cu) 315 K 4700 m/s
46 Plomb (Pd) 88 K 100 K 2200 m/s
47 Argent (Ag) 215 K 3600 m/s
79 Or (Au) 170 K 3200 m/s

d) Énergie libre et potentiel chimique

L’analyse de l’énergie libre, la fonction fondamentale de l’ensemble canonique, recèle


d’autres informations intéressantes. Nous pouvons écrire
 phonons ( , )

 max  max   

0 0

 ( ,  ) = d () ( ) = vide +   d () ln 1 − e   (9.27)

où le deuxième terme représente l’énergie libre du gaz de phonons (la dépendance


dans le volume est cachée dans la densité de modes ∝  ). Cette forme permet d’in-
sister sur l’absence d’une loi de conservation sur le nombre de phonons, puisque
les phonons ne représentent que de l’énergie. Nous ne pouvons définir qu’un nombre
moyen de phonons  phonons =  (nous laissons le soin au lecteur d’analyser ses

fluctuations). L’énergie libre est indépendante du nombre de phonons et donc le potentiel

chimique des phonons est nul ( = )


 phonon = 0 (9.28)

Rappelons également qu’il existe des modes phonons à énergie arbitrairement basse, ce
qui est associé ici au fait que ce sont des particules de masse nulle, ou plutôt que le
spectre des phonons  ≃    est sans gap.

e) Modèle de Debye

Le modèle que nous avons introduit est une variante d’un modèle très populaire proposé
par Debye en 1912, qui est utilisé couramment pour analyser les données expérimen-
tales. Puisque le calcul de  ( ) dépend essentiellement de la règle de somme (9.15)

193
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

Figure 9.7 – Capacité calorifique du modèle de Debye.


Comparaison entre la capacité calorifique de Debye, éq. (9.31) et la capacité calorifique
du modèle d’Einstein (Einstein) = 3   ( ), i.e. éq. (9.6). En insert : comportements pour
 → 0 en échelle log-log.

et du comportement de basse fréquence (9.17), Debye avait suggéré de considérer la


densité de modes simplifiée : le comportement (9.17) de basse fréquence sur l’intervalle
[0,  ] (figure 9.8)
 3
 2 3
2
si  ∈ [0, ]
 ( ) =  2  (9.29)
0 sinon

où le paramètre phénoménologique  , appelé la fréquence de Debye, est choisi afin de


0
3
satisfaire la règle de somme, d 2 3  2 = 3 . On déduit :
2 

 =  (6 2 )1∕3 , (9.30)


où  =  ∕ . La fréquence de coupure est associée à une longueur d’onde de l’ordre de
la distance interatomique, i.e. est du même ordre que la fréquence de coupure  ∼ max
(cf. tableau plus bas).

ρ(ω)
ρ(ω)

ω ω
0 ω Max 0 ωD

Figure 9.8 – Modèle de Debye.


La densité de modes est remplacée par une densité strictement parabolique sur [0,  ],
de telle sorte que les comportement quadratiques soient identiques et les aires sous les
deux courbes soient égales.

Le modèle fournit une expression de la capacité calorifique


 3  ∕2
def 

  0
2 34
 ( ) = 3 × d 2 où   = (9.31)
sh  

194
3 Thermodynamique du rayonnement

qui permet de retrouver les comportements limites donnés plus haut, mais aussi
d’analyser le régime intermédiaire (figure 9.7). Par exemple nous pouvons réécrire le
comportement de basse énergie (9.26) en fonction de la température de Debye
 3
12 4 
  ( ) ≃  . (9.32)
  5 
Les solides sont communément caractérisés par leurs températures de Debye
(tableau 9.1).

3 Thermodynamique du rayonnement
3.1 Description du problème du corps noir
Dans cette dernière section nous étudions les propriétés thermodynamiques du ray-
onnement électromagnétique contenu dans une cavité et à l’équilibre (la cavité est
fermée pour ne pas laisser échapper le rayonnement, d’où la terminologie de « corps
noir »). Rappelons que l’équilibre thermodynamique ne peut être atteint que si des in-
teractions permettent de redistribuer l’énergie entre les différents degrés de liberté, or
le rayonnement peut s’interpréter comme un gaz de photons, qui sont des particules
strictement sans interaction. Le gaz de photons ne peut donc atteindre un équilibre ther-
modynamique que grâce aux interactions avec la matière (les parois de la cavité). Plus
correctement, le problème du corps noir correspond à l’étude du rayonnement à l’équili-
bre avec la matière thermalisée (ce problème ne se posait pas pour les phonons, qui sont
des particules émergentes, approximativement découplées, et pour lesquelles les inter-
actions résiduelles, ou médiées par les interactions avec les autres degrés de libertés du
solide, assureront la thermalisation).
Une étoile fournit un exemple plus concret d’application du concept de « corps noir » :
les photons produits lors des réactions de fusion au cœur de l’étoile, subissent de nom-
breux processus d’absorption/émission avant d’atteindre les couches externes de l’étoile
et d’être éventuellement émis à l’extérieur. On peut considérer qu’avant d’être émis par
l’étoile, les photons sont à l’équilibre thermodynamique avec la matière de la couche
externe. De plus l’émission de photons est suffisamment faible pour ne pas perturber
l’équilibre dans l’étoile.
Un autre exemple important qui réalise un corps noir est le fond diffus cosmologique :
après le big bang, la matière ionisée était à l’équilibre avec la lumière, mais l’ensemble
se refroidissait à cause de l’expansion de l’univers. Après ∼380 000 ans la température
de l’univers était suffisamment basse pour permettre la formation des atomes, la matière
est devenue électriquement neutre, i.e. il s’est produit un découplage entre lumière et
matière. Le rayonnement diffus à l’équilibre thermodynamique l’est resté, tout en se
refroidissant sous l’effet de l’expansion.

195
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

Les densités spectrales pour le soleil et pour le fond diffus cosmologique sont
représentées sur la figure 9.9. Elles sont bien expliquées par la loi de Planck que nous
allons retrouver plus bas.

UV visible infrarouge
haute atmosphère

densité spectrale
densité spectrale

Loi de Planck (2.725 K)


Loi de Planck (5500 K)

niveau de la mer

0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18


longueur d’onde ( μm) vecteur d’onde (cm−1 )
Figure 9.9
Densités spectrales pour le rayonnement solaire (à gauche) et le fond cosmologique (à
droite, données : L. Page & D. Wilkinson, Review Modern Physics 71, p. S173 (1999)).

3.2 Champ électromagnétique dans une cavité


a) Modes propres
Nous considérons une cavité (une boîte supposée cubique) stockant de l’énergie élec-
tromagnétique. Le champ est décrit par le potentiel vecteur (,
 ). Dans le vide,
en l’absence de termes de source, les équations de Maxwell conduisent à l’équation
différentielle pour le potentiel vecteur :
 
1 2 
Δ − 2 2 (,  ) = 0 . (9.33)
 
Les solutions dans le vide sont donc des ondes planes
 
 (,
  ) = ,± exp i ⋅  − i  où   =  (9.34)

Le vecteur ,± peut prendre deux valeurs indépendantes correspondant aux états de po-
larisation de l’onde plane (dans la jauge de radiation,2  ⋅  = 0). Dans la cavité les ,±
vecteurs d’onde sont quantifiés pour satisfaire certaines conditions aux limites dépen-
dant de la nature des parois. Un mode propre du champ dans la cavité est donc décrit
par le couple ( , ) où  = ± indice les deux états de polarisation.3

2. Rappelons que les deux équations de Maxwell div = 0 et rot  = −   (induction) contraignent

les deux champs vectoriels à être de la forme  = rot
  et  = grad −   où  et  sont les
  


potentiels scalaire et vecteur. Étant donnée une distribution de charges, il reste cependant une liberté
pour déterminer ces potentiels (choix de jauge). Dans le vide, il est pratique d’imposer  = 0 et
div  = 0 (jauge de radiation), ce qui fixe alors les potentiels de manière univoque.
3. L’existence de deux états de polarisation est reliée à la nature vectorielle du champ électromagné-
tique (le potentiel vecteur). Un vecteur est un objet de « spin »  = 1, cependant le champ ne peut être

196
3 Thermodynamique du rayonnement

L’analyse de la densité de modes rappelle celle des modes de vibration, à deux dif-
férences près : il y a maintenant deux états de polarisation pour les photons (au lieu de
3 pour les phonons). D’autre part la relation de dispersion linéaire  =   est ex-
acte (ce n’est plus une approximation de basse fréquence). Nous pouvons donc partir de
(9.17), corrigée du facteur 2∕3. On obtient


 ( ) = 2 pour  ∈ ℝ . (9.35)
23

b) Énergie du champ électromagnétique

L’hamiltonien électromagnétique
    2  2
d  0  + 

2  2 
1 3 2 1  2 1 3   1  
 e−m = = d   0 + rot
0  0
(9.36)
 ()ei⋅ .
1  
 (,
peut être écrit en termes du champ dans l’espace de Fourier   ) = 
 
Le terme « cinétique » peut être écrit en terme des composantes de Fourier grâce à la
relation de Parseval-Plancherel (équation (A.19) du formulaire)

0   2  0     2
d   2 =   =
0
2 
3
 
2    2    
 

et le terme « potentiel »

d 3   2 =  =      ,
1    2 1   2   2
2 0 
1
20    20   
 

où l’on a utilisé  =  ×   avec ⟂  dans la jauge de radiation. Finalement :

 0      2
 
 +   
2   
2
e−m =  (9.37)
2      

qu’on peut comparer à (9.13). L’expression montre que la composante de Fourier  et
sa dérivée temporelle jouent le même rôle que les deux variables canoniquement con-
juguées d’un oscillateur harmonique. L’énergie électromagnétique est donc l’énergie
d’un ensemble d’oscillateurs harmoniques indépendants (un oscillateur pour chaque
mode de la cavité)

que dans deux états de polarisation indépendants, associés aux deux hélicités permises pour le photon
(ceci est lié au fait que le photon a une masse nulle et une vitesse ).

197
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

c) Quantification – photons
Comme dans le cas de l’énergie de vibration des solides, les oscillateurs harmoniques
associés aux modes propres du champ électromagnétique doivent être quantifiés. Un état
quantique du champ est caractérisé par l’état de chacun des oscillateurs. Les états propres
de l’énergie sont spécifiés par des nombres quantiques entiers ,±  ∈ ℕ indiquant l’état
d’excitation du mode. L’énergie de l’état stationnaire est
  
1
{ } =  , + avec , ∈ ℕ (9.38)
 ,

2
,

On dira que le mode (, ) est occupé par , photons, ceux-ci représentant les quanta
d’énergie des modes du champ électromagnétique. Comme pour l’analyse des vibrations
d’un corps solide, il y a donc deux interprétations physiques complètement équivalentes
de l’énergie du rayonnement :
(i) Soit l’énergie d’un ensemble d’oscillateurs harmoniques (quantiques) indépendants,
de pulsations { }.
(ii). Soit l’énergie d’un gaz de particules sans interaction (les quanta des modes propres),
de nature bosonique (cf. chapitre 13), décrites par la relation de dispersion  =  
(avec  =  et   =  ). Ces particules sont les photons.

3.3 Thermodynamique du rayonnement


a) Fonction de partition et énergie libre
Puisque le problème est tout à fait analogue au problème de la vibration des solides, nous
pouvons reprendre les mêmes expressions. La fonction de partition associée à l’énergie
électromagnétique présente la même forme factorisée que (9.19) :
 1
e−m = (9.39)

2 sh(∕2)
,

où le produit porte sur tous les modes propres de la cavité. L’énergie libre correspondante
est :  rayon : contrib. du rayonnement

    
e−m ( ,  ) = vide +   ln 1 − e− ∕  où vide = (9.40)
 
2
, ,

représente l’énergie fondamentale du champ électromagnétique (i.e. l’énergie du « vide


de photon »). Nous pouvons faire la même observation que pour les phonons : les
photons ne représentent que de l’énergie et leur nombre n’est pas contraint par une quel-
conque loi de conservation, ce qui explique que e−m( ,  ) ne dépende pas du nombre
de photons. Comme pour les phonons on a

photon = 0 (9.41)

198
3 Thermodynamique du rayonnement

b) Énergie moyenne – Loi de Planck

Pour mener à bien les calculs, nous remplaçons la somme discrète sur les modes par une
intégrale sur les fréquences
 ∞

0
⟶ d () . (9.42)
,

Comme l’énergie libre, l’énergie moyenne électromagnétique est séparée en contribu-


tion du vide et du rayonnement (excitation du champ) :
e−m ( ,  ) = vide +  rayon ( ,  ) . (9.43)
Le deuxième terme s’interprète donc comme l’énergie du gaz de photons
énergie d’un photon
∞  ∞

0 0
rayon = d () × ×  =  d (,  ) (9.44)
 
# de modes
# de photons
dans le mode

Loi de Planck. Afin d’identifier les contributions à l’énergie des différentes


fréquences, nous introduisons la densité spectrale d’énergie par unité de volume :
def 1
(,  ) = ()   D’après les expressions données plus haut, on déduit

 3
(,  ) = (loi de Planck). (9.45)
 2 3 e∕  − 1

C’est donc une loi universelle contrôlée uniquement par la température. Nous obtenons
une courbe avec un comportement quadratique aux petites fréquences (résultat clas-
 
sique, loi de Rayleigh-Jeans) RJ (,  ) =   2, présentant un maximum pour
 2 3
  ≃ 2.82   ∕ , puis décroissant exponentiellement aux plus hautes fréquences (loi
de Wien), ce qui traduit le gel des oscillateurs de hautes fréquences (comme pour les
phonons). La loi de Planck décrit assez bien la distribution spectrale du rayonnement
solaire reçu sur terre en haute atmosphère, pour une température de  ≃ 5 500 K
(figure 9.9).4 Pour le fond diffus cosmologique, l’accord est spectaculaire (figure 9.9).

Loi de Stefan-Boltzmann. Nous pouvons aussi calculer la densité volumique d’én-


ergie totale (énergie du rayonnement par unité de volume) :

rayon ∞
2 ( ) 4
0
tot ( ) = = d (,  ) = (9.46)
 15 ( ) 3

4. Notons que la température du rayonnement solaire est plus élevée,  = 5 777 K.

199
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

que nous associons à une capacité calorifique par unité de volume


 
 ( ) tot ( ) 4 2   3
= =  . (9.47)
  15  

c) Pression de radiation

Revenons à l’analyse de l’énergie libre (contribution du rayonnement)


∞  
 0
1
rayon ( ,  ) = d () ln 1 − e− (9.48)

Une simple intégration par partie permet de la relier à l’énergie du rayonnement


rayon ( ,  ) = −(1∕3)  rayon ( ,  ) (on utilise une relation qui sera prouvée plus loin
dans l’exercice 11.4). En utilisant la loi de Stefan-Boltzmann, nous obtenons
4
2 (  )
rayon ( ,  ) = −  . (9.49)
45 ( )3
L’extensivité implique  ( ,  ) = −C  , d’où C = tot ∕3, qui est appelée la pression
de radiation, que nous notons

2 (  )4
rayon ( ) = (9.50)
45 ( ) 3

Cette expression correspond à l’équation d’état du gaz de photons. Par exemple pour
 = 5 800 K (rayonnement du soleil), l’application numérique donne rayon ≃ 0.33 Pa.

Comparaison avec le gaz classique. On peut comparer l’équation d’état des photons
(9.50) avec l’équation d’état classique  =   en exprimant la pression en terme de
la densité moyenne de photons :
∞  3
2 (3)  
 0
def 1
= d ()  = (9.51)
2 
(l’intégrale est donnée dans le formulaire, page 299). Nous réécrivons (9.50) comme
 (4)  (4)
rayon =    avec = 0.900 393... . (9.52)
 (3)  (3)
Le préfacteur diffère peu de l’unité, néanmoins cette valeur  (4)∕  (3) < 1 s’interprète
comme un effet des corrélations quantiques positives. En favorisant le regroupement
des photons dans leurs états individuels, le postulat de symétrisation crée une interaction
attractive effective entre les photons, qui diminue la pression. Un phénomène analogue
sera discuté pour des particules massives au chapitre 13.

200
3 Thermodynamique du rayonnement

d) Pression Casimir

Revenons sur la présence de l’énergie du vide dans les différentes quantités rencontrées
précédemment. Cette contribution a le mauvais goût d’être infinie :
  
 vide = =∞ (9.53)
,
2

Sa présence peut toutefois se manifester, à condition de pouvoir faire svarier un


paramètre dont elle dépend. Si par exemple on considère deux plaques métalliques sé-
parées par une distance  (figure 9.10) celles-ci imposent des conditions aux limites qui
affectent la distribution des fréquences. En faisant l’hypothèse simplifiée que la présence
des plaques impose des conditions de Dirichlet, les fréquences des modes propres entre
les plaques sont caractérisées par une densité de modes

 2
  



d2 ∥
 (2)2
 (avec plaques)
() = 2   −  (  ∕  ) 2 + ∥ 2 =  +()
=1  2 3

Weyl

où  est l’aire des plaques. La composante  ∥ parallèle aux plaques n’est pas quan-
tifiée, seule la composante perpendiculaire ⟂ =  ∕  est quantifiée, conséquence de
l’introduction des conditions aux limites. Le premier terme est le terme de Weyl, obtenu
à la limite  → ∞ où le spectre des fréquences propres peut être considéré continu. Le
second terme (), i.e. la différence entre la somme et l’intégrale, traduit l’effet des
plaques métalliques sur la distribution des fréquences, c’est à dire l’effet de la quantifi-
cation. Ce terme permet de quantifier la variation d’énergie induite par l’introduction
des deux plaques métalliques :

0

(avec
vide
plaques)
− (sans
vide
plaques)
= d () (9.54)
2

Le calcul précis nécessite quelques régularisations afin de manipuler ces deux infinis.
En prenant compte plus rigoureusement l’effet des conditions aux limites (qui imposent
des conditions de Dirichlet seulement pour la composante parallèle du champ électrique,
∥ = 0 sur les plaques) on obtient finalement
 (avec plaques) (sans plaques)

 vide − vide 2 

Casimir = − =− (9.55)
 240  4

Cette pression négative décrit une petite force attractive entre les plaques métalliques.
La figure 9.10 montre le résultat d’une mesure de la force Casimir entre une boule et
une surface métallisées, réalisée à la fin des années 1990.

201
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

20
0

force Casimir (pN)


−40

−100

−140
0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
distance plaque−sphère (μ m)

Figure 9.10
À gauche : Effet Casimir : deux plaques métalliques dans le vide s’attirent à cause des
fluctuations quantiques du champ électromagnétique. À droite : Mesure de la force
Casimir entre une boule et une surface métallisées. Les barres d’erreur sont seulement
indiquées pour quelques points ; la ligne continue correspond au calcul théorique. Don-
nées tirées de U. Mohideen & A. Roy, « Precision measurement of the Casimir Force from
0.1 to 0.9  m », Physical Review Letters 81, p. 4549 (1998).

Pour en savoir plus :


• Sur la thermodynamique de l’univers : chapitre 10 de [29].
• Sur la quantification du champ électromagnétique : [12].
• Sur l’effet Casimir : l’article de B. Duplantier, « Introduction à l’effet Casimir »,
Séminaire Poincaré 1, pp. 41–54 (2002).

202
Les points clés

1 Retrouver rapidement les pro- 3 Loi de Planck, loi de Stefan-


priétés thermodynamiques pour Boltzmann.
un oscillateur harmonique 1D.
4 Les potentiels chimiques des
2 L’occupation moyenne de phonons et des photons sont
l’oscillateur thermalisé nuls.
1
 =  .
e −1

Les annexes
A Modes propres d’une chaîne de ressorts
Afin de clarifier la notion de modes propres, on discute les modes mécaniques d’une
chaîne de ressorts, i.e. un modèle de « cristal unidimensionnel ».5 Considérons  masses
sur une ligne, reliées entre elles par des ressorts identiques, de longueur à vide .
L’hamiltonien est :
 

2 1
= +  20(  − −1 )2 (9.56)
=1
2 2

où  =  −  mesure l’écart à la position d’équilibre (eq)  =  de la masse


numéro . Pour simplifier nous supposons 0 =  , i.e. des conditions aux limites (c.a.l)
périodiques. L’identification des modes propres correspond à la diagonalisation de la
forme quadratique, i.e. au changement de variables {} → {  } permettant d’écrire
1  1  2 2
 =  20 (
 
− −1 ) 2
=    . Autrement dit, en introduisant le vecteur
  
2 2
 regroupant toutes les coordonnées, l’identification des modes propres correspond à
1
la diagonalisation de la matrice Ω2 intervenant dans  = TΩ 2 ; les 2 sont les
2
valeurs propres de la matrice Ω2.
Dans le cas présent cet exercice est très facile : nous introduisons les variables
1 
normales  =   e−i , où le paramètre appartient à la « première zone
 
de Brillouin »  ∈] − , + ] (périodicité du problème). De plus les c.a.l. péri-
odiques, 0 =  , imposent la quantification du vecteur d’onde  = 2∕ avec

5. L’emploi des guillemets est motivé par un théorème général et très important dans l’étude des tran-
sitions de phases, le théorème de Mermin-Wagner, qui interdit en particulier la formation d’un cristal
en dimension  = 1 et  = 2. Dans le cas présent : l’ordre à longue portée (le cristal) est détruit par les
fluctuations thermiques (cf. chapitre 4 de [34]), mais aussi par les fluctuations quantiques à température
nulle (cf. exercice 7.8 de [35]).

203
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

 ∈ {− ∕2 + 1, ⋯ , ∕2} (si  est pair). On vérifie sans difficulté6 que  =


1 
 20 1 − e −i 2  − . Finalement, en introduisant la variable conjuguée  =
2 

=   − de   , nous obtenons
 
   2 1 
  = 20  sin(∕2)
= +  2  2 où (9.57)
⩾0
2 2 avec  ∈] − , ]
est la relation de dispersion des ondes de compression de la chaîne de ressorts. Re-
marquons qu’elle présente bien le mode acoustique  ∝  pour les petits vecteurs
d’ondes. Dans la limite thermodynamique,  → ∞, le spectre de la chaîne est donc
continu et borné,  ∈ [0, 2 0 ].

B Corde vibrante : « quantification classique »


versus « quantification quantique »
L’étude des vibrations d’une corde vibrante rend assez claire la distinction entre le
phénomène classique de quantification des modes propres d’une équation d’onde,
induite par des conditions aux limites, et la quantification de la mécanique quantique.
Nous étudions la thermodynamique d’une corde vibrante fixée à ses deux extrémités.
Commençons par exprimer l’énergie de la corde lorsqu’elle subit une déformation
décrite par le champ (, ) (figure 9.11).
caractérisée par une déformation (). Supposons que l’énergie élastique d’un seg-
ment est proportionnelle à son élongation : la contribution du segment de longueur
       2
initiale  est  pot =   2 +  2 −  ≃ , où  est la tension de la
2 
   2
corde. L’énergie cinétique du segment est cin = où  est la masse linéique.
2 
En sommant ces contributions, on obtient la fonctionnelle d’énergie :
  2  2 

(, ) (, )
2 0
1
 [(, )] = d  + . (9.58)
 

Quantification classique – Modes propres. La situation où la corde est fixée à ses


deux extrémités correspond à un choix de conditions aux limites de Dirichlet pour le
champ de déplacement (, ). Nous décomposons le déplacement en série de Fourier
 ∞  
2  
(, ) =  () sin , (9.59)
 =1  



2
6. On utilisera e i =  ,0 où il est entendu que  est quantifié comme  = .
=1

204
B Corde vibrante : « quantification classique » versus « quantification quantique »

2 δ y2
δx +
δy
y(x,t)
δx
x
0 L
Figure 9.11 – Corde fixée entre deux points subissant une déformation (en tirets, la
corde au repos).

où le facteur 2∕ est introduit par commodité afin
 de décomposer le champ de dé-
placement sur une base de fonctions,  () = 2∕ sin(∕), orthonormées :

0
d  () ′ () =  ,′ . Les nouvelles variables { } sont appelées « coordon-
nées normales ». Introduisant (9.59) dans (9.58), on obtient l’expression de l’énergie
en termes des coordonnées normales
∞   2 
1 1 
 [{()}] =    ()2 +   ()2 . (9.60)
=1
2 2 

1.0 1 0. 1.0

0.5 0.5 0.5


0.2 0.4 0.6 0.8 1. 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.5 0.5 0.5

1.0 1.0 1.0

Figure 9.12 – Les trois premiers modes propres de vibration de la corde.

L’hamiltonien est fonction des coordonnées canoniquement conjuguées ( ,  =    ) :


∞  
1 2 1 
 [{,  }] =  +  2  2 où   =  pour  ∈ ℕ∗ (9.61)
=1
2 2 

sont les fréquences propres de vibration.  =  ∕ est la vitesse de propagation d’une
onde dans la corde. Jusqu’ici le problème est parfaitement classique.

Quantification de la mécanique quantique. L’énergie de chaque mode a la forme


de celle d’un oscillateur harmonique unidimensionnel :
1 2 1
mode  =  +  2  2 . (9.62)
2 2
Si la corde est une corde de piano, une description quantique du problème semble inutile.
Si l’on s’intéresse à un microrésonateur (figure 9.13), il peut être justifié de le décrire
dans un cadre quantique. L’énergie de chaque mode est alors quantifiée comme
 
(mode ) 1
 =   + où  ∈ ℕ . (9.63)
2
La quantification de l’énergie de vibration s’accompagne de la quantification des autres
observables, comme l’amplitude des oscillations, ou de la vitesse. Par exemple, l’état

205
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

 
excité  ()  du mode  correspond à des oscillations d’amplitude 2 avec
 2  
 1
    ( )  = + (9.64)
  2
(la moyenne est purement quantique).

Antenne RF
Corde de nanotubes
de carbone hω

Au
Re
Si 3 N4 L =1.7 μ m

Si

Figure 9.13
Une corde suspendue de ≈ 200 nanotubes de carbone est traversée par un courant
 = 2A. Les modes de vibration de la corde (dans un état supraconducteur à  = 120mK)
sont excités par un champ électromagnétique radio-fréquence. Expérience : B. Reulet,
et al, Physical Review Letters 85, p. 2829 (2000). Figure tirée de [35].

En conclusion : la « quantification classique » correspond à la quantification des


longueurs d’onde pour le champ de déplacement le long de la corde (reliée à l’existence
de nœuds et de ventres de vibration, figure 9.12) alors que la « quantification quantique »
correspond à la quantification de l’amplitude des oscillations.
Dans le problème 9.2 nous étudierons l’excitation thermique de la corde.

206
Entraînez-vous
Exercice 9.1 Donner l’expression de l’entropie microcanonique décrivant le rayonnement.
Problème 9.1 Mesure de  (expérience de Kappler)
Nous discutons une expérience réalisée au début des années 1930 ayant permis de mesurer
la constante de Boltzmann en étudiant les fluctuations d’un petit pendule de torsion. Un petit
miroir est suspendu au bout d’un fil caractérisé par une constante de torsion . Dans la limite
des petits angles de rotation, l’hamiltonien décrivant la rotation du miroir est

21
 ( , ) = +  2 pour   1 (9.65)
2 2

1
où  =   est le moment conjugué de l’angle.  = 2 est le moment d’inertie du miroir
12
de masse .

L
angle ϕ (t )

0 5 10 15 20 t (min.)

Figure 9.14 – Expérience de Kappler.

À gauche : principe de l’expérience : un faisceau lumineux se réfléchit sur un miroir sus-


pendu à un fil. À droite : enregistrement du mouvement du faisceau lumineux. Données
tirées de l’article :Eugen Kappler, Versuche zur Messung der Avogadro-Loschmidtschen
Zahl aus der Brownschen Bewegung einer Drehwaage, Annalen der Physik 11, p. 233
(1931).

Le miroir est à l’équilibre avec le gaz à température  qui l’entoure. Il est sujet à des
fluctuations dues à l’agitation thermique.
1/ Calculer la fonction de partition. Déduire l’énergie moyenne du miroir.

2/ Calculer les fluctuations angulaires  2, où «⋯ » désigne la moyenne canonique.


3/ Kappler a utilisé un fil dont la constante de torsion est  = 9.428 × 10−9 g.cm 2.s−2 . Il
a réalisé l’expérience à la température  = 287.1 K. L’analyse des fluctuations angulaires
(figure 9.14) donne 2 = 4.178 × 10 −6 rad2. Quelle valeur de la constante de Boltzmann
Kappler a-t-il pu déduire de ses mesures ? Quelle a été l’erreur relative par rapport à la valeur
qui sert aujourd’hui de référence,  = 1.380 65 × 10−23 J.K−1 ?
4/ La mesure de  serait-elle plus précise si l’expérience était réalisée sous vide ?

207
Chapitre 9 • Thermodynamique des oscillateurs harmoniques

Problème 9.2 Thermodynamique d’une corde vibrante


Nous étudions les propriétés thermodynamiques du modèle de corde vibrante introduit dans
l’annexe B page 204. La corde est supposée en contact avec un thermostat qui fixe sa
température  .
def
1/ Densité de modes.– Calculer explicitement la densité des modes de vibration ( ) =
∞
 ( −  ) où   =  ∕, avec  ∈ ℕ (dans la limite  → ∞).
=1

2/ On traite chaque mode de vibration dans le cadre de la mécanique quantique. L’énergie


stockée dans le mode de pulsation (quantifiée classiquement)  est quantifiée (« quantique-
ment ») : éq. (9.63). Calculer la fonction de partition canonique  associée au mode de
pulsation  , puis l’énergie moyenne  ().
def  
3/ Calculer l’énergie d’excitation de la corde par unité de longueur Eex ( ) =  ( )−  (0) ∕.

Déduire la capacité calorifique par unité de longueur, C ( ) = E ( ). [Indication : utiliser
 ex
une intégrale du formulaire page 299].
4/ Le traitement quantique introduit une coupure aux hautes fréquences dans le calcul de l’én-
ergie moyenne de vibration, ce qui régularise le calcul. Pensez-vous qu’en pratique, la bonne
échelle de coupure soit celle fournie par la mécanique quantique ?
5/ On se place jusqu’à la fin dans le régime classique ( → 0).
a) Comment sont caractérisés les microétats classiquement ? Quelle est la probabilité (canon-
ique) d’occupation d’un microétat ?

b) Calculer2 , puis le corrélateur    ′. Déduire l’expression de () 2. Discuter la dépendance


∞
sin2 () 1
dans la coordonnée . [Indication : utiliser = (1 − ) pour 0 <  < 1]
=1
2 2 2
c) A.N. : On considère des ordres de grandeur macroscopique : une corde de longueur  = 1m
pour une tension  = 10 N à température ambiante,  = 300 K. Calculer le déplacement typ-
ique dû aux fluctuations thermiques à l’endroit où elles sont maximales. Même question pour
la corde de nanotubes de carbone de l’expérience évoquée sur la figure 9.13 ; les auteurs don-
nent la fréquence fondamentale 1∕(2) =  ∕(2) ≃ 330 MHz pour une corde de longueur
 ≃ 1.7 m. On estime la masse linéique  ≈ 10−12 kg.m−1 et la tension  ≈ 10 −6 N.

208
Chapitre 10
Transitions de phase

Discuter l’origine des phénomènes 1 Transition liquide-gaz


coopératifs à l’origine des transitions 2 Transition paramagnétique-
de phase ferromagnétique
3 Universalité

On rencontre la plupart des corps simples sous forme gazeuse, liquide ou solide suivant
les conditions de température et de pression. L’existence d’états de natures différentes
(différentes « phases ») à basse et haute température est une nouvelle manifestation de la
compétition entre l’énergie et l’entropie contribuant à l’énergie libre  =  − . L’ex-
emple de la transition gaz-solide est particulièrement clair : si l’entropie est favorisée
dans la phase « désordonnée » de haute température (l’état gazeux étudié au chapitre 8),
c’est bien l’énergie qui est minimisée dans la phase « ordonnée » de basse température,
puisque les atomes se distribuent sur les nœuds d’un réseau cristallin afin de minimiser
les énergies de liaison dans l’état solide étudié au chapitre 9. Nous avons éludé jusque
là l’état liquide intermédiaire, ce à quoi nous allons remédier en étudiant la transition
gaz-liquide dans ce chapitre.
Une transition de phase correspond à une discontinuité dans le comportement du
système, qui apparaît en faisant varier un paramètre. Par exemple dans la transition
eau-vapeur, il existe une température de transition ( = 100 o C à  = 1 atm, qui
a longtemps servi d’étalon de température) autour de laquelle le système se trouve
dans deux états bien différents, liquide juste sous 100 o C, et gaz juste au-dessus. La
discontinuité dans le comportement du système est identifiée à l’aide d’une grandeur
appelée paramètre d’ordre : pour la transition liquide-gaz, il s’agit de la densité
o 3 o
((100
eau
C)
= 958 kg∕m > (100vap
C)
= 0, 597 kg∕m3 ). C’est un exemple de transition
abrupte, dite « du premier ordre » car la densité est reliée à une dérivée première d’un
potentiel thermodynamique. Il est également possible de rencontrer des situations où
le paramètre d’ordre varie continûment à la transition : par exemple si l’eau passe par
son point critique à  ≃ 374 o C et  ≃ 220 atm. Le caractère discontinu doit être
identifié sur les dérivées secondes des potentiels thermodynamiques, comme la capac-
ité calorifique ou la compressibilité. Ce type de transitions continues sont appelées des
transitions « du second ordre ».
Bien que ces sujets, où les interactions jouent un rôle central, soient très difficiles,
le formalisme canonique va nous permettre de proposer une description quantitative
de ces phénomènes, moyennant une approximation dite « de champ moyen ». Cette

209
Chapitre 10 • Transitions de phase

approche sera appliquée à l’étude de deux transitions, liquide-gaz et paramagnétique-


ferromagnétique. Bien qu’appartenant à des domaines de la physique complètement
différents, la physique des fluides et le magnétisme, nous verrons que les deux tran-
sitions présentent des caractéristiques communes qui mettent les deux problèmes dans
la même classe d’universalité.

1 Transition liquide-gaz
1.1 Description phénoménologique
Décrivons la transition liquide gaz qui sera étudiée dans la première partie du chapitre.
Plus généralement, les différents états d’un fluide sont représentés dans un « diagramme
de phases », comme ceux de la figure 10.1. Sur le diagramme de Clapeyron (à gauche)
est représentée quelle phase est thermodynamiquement stable pour une température
 et une pression  données (par exemple température ambiante et pression atmo-
sphérique). Les trois phases sont séparées par des lignes de transition, des courbes ( ),
sur lesquelles on observe la coexistence des phases. Les trois lignes se retrouvent au
point triple ( , ). La ligne de transition liquide-gaz  ( ) part du point triple et se
termine au point critique  , au-delà duquel le fluide passe continûment de l’état gazeux
à l’état liquide et il n’y a plus de distinction entre les deux phases : on parle de fluide
supercritique.

p
C C
solide liquide
pression

T >Tc
liquide liquide+gaz
T=Tc
gaz T<Tc
gaz

température V
Figure 10.1– La transition liquide-gaz.
À gauche : le diagramme de Clapeyron typique d’un corps pur, diagramme de phases à
( , ) fixées. La flèche correspond à une isotherme. À droite : tracé d’une isotherme  ( )
pour  <  et  =  .

Une façon de contrôler les changement de phases d’un corps pur expérimentalement
est de placer le fluide dans un récipient de volume  variable et dont la température est
fixée à  . On mesure alors la pression  dans l’enceinte en fonction de  et l’on trace
l’isotherme comme représentée sur la partie droite de la figure 10.1. En partant d’un
volume  suffisamment grand pour que le système soit dans l’état gazeux, on observe

210
1 Transition liquide-gaz

si  <  un volume  pour lequel apparaît la première goutte de liquide. En diminu-


ant encore le volume, la pression n’augmente plus mais reste constante (plateau), égale
à  ( ), et on observe la coexistence des deux phases : un liquide en équilibre avec
sa vapeur saturante. Ce qui distingue principalement les deux phases est leur densité :
liq > gaz . On quitte le plateau lorsque la dernière bulle de gaz disparaît et la pres-
sion augmente fortement dans la phase liquide. Pour  =  , le plateau est réduit à un
point et l’on passe continûment du gaz au liquide, ce qui se manifeste par le phénomène
d’opalescence critique. Pour  >  , le plateau a disparu et il n’y a plus de distinction
entre les phases gazeuse et liquide.
Nous allons maintenant proposer une description quantitative de ces phénomènes
dans le cadre d’un modèle microscopique (i.e. un modèle décrivant la physique à
l’échelle macroscopique, construit à partir d’une description microscopique).

1.2 Modèle de van der Waals et approximation de champ


moyen
Nous renvoyons le lecteur à la section 4.1 du chapitre 8 pour une description des in-
teractions interatomiques. Pour simplifier, nous reprenons le modèle de van der Waals
(figure 8.5) : vdW ( ⩽ 0 ) = ∞ et vdW( >  0) = () < 0. Nous allons main-
tenant exposer le principe de l’approximation de champ moyen permettant de calculer
l’intégrale de configuration (8.35) et la fonction de partition.

a) Effet de volume exclu

L’effet principal de l’interaction répulsive de cœur dur est d’exclure un volume pour les
centres de masse des autres atomes (voir figure 10.2). Si un atome est assimilé à une
sphère dure de rayon  = 0 ∕2, la distance minimale relative entre deux atomes est 0 ,
ce qui exclut le volume
4 3
def
=  , (10.1)
3 0
appelé le volume exclu (8 fois celui d’une sphère dure).

Figure 10.2 – Volume exclu.


À gauche : Chaque atome porte autour de lui un halo de volume  inaccessible aux
autres. À droite : Pour une atome parmi , le volume exclu total n’est pas forcément
( − 1) car il arrive que les halos se recouvrent.

211
Chapitre 10 • Transitions de phase

b) Champ moyen

Pour calculer l’intégrale de configuration (8.35), nous allons procéder en deux étapes
correspondant à traiter séparément l’effet de la partie répulsive (cœur dur) du potentiel
() et la partie attractive. Pour faciliter la discussion, nous décomposons le potentiel
comme vdW () =  rep() + att() avec rep () = ∞ pour  < 0 et 0 pour  > 0 ,
alors que att() = 0 pour  < 0 et () pour  > 0 . De manière équivalente, l’énergie
d’interaction dans le gaz est séparée en deux  = rep + att .
Dans un premier temps, nous étudions l’effet de la répulsion. Nous introduisons par
la pensée les atomes un par un dans le volume : le premier atome dispose d’un volume
 , le second d’un volume  − , le troisième ≈  − 2 (figure 10.2), etc :

−1  
 

3 3
d 1 ⋯ d  e − rep
≃ ( − ) ≃  −  (10.2)
=0 2
où nous avons supposé que    (le calcul a déjà été présenté dans la question 3 du
problème 5.4 page 101). Bien que chaque atome exclut un volume  pour les autres, tout
se passe comme si chaque atome disposait d’un volume effectif eff =  − ∕2 =
 − , où  = ∕2 est le paramètre de van der Waals (chapitre 8).
Dans un deuxième temps, nous utilisons un argument de champ moyen pour traiter
l’effet de la partie attractive du potentiel. Pour une configuration donnée, le potentiel
« vu » par l’atome en  1 est

 ∞

  0
()→
 att(1 ) ≃ d3  () att( −  1) ⟶  4 d 2 () = −2  
=2

où nous avons substitué la densité () =  (− ) par sa moyenne . Nous reconnais-

sons le double de l’énergie d’interaction par particule (8.63), où le facteur 2 s’explique
par le double comptage. Finalement, nous avons retrouvé   ≃ −  .
Combinées, ces deux observations nous suggèrent d’écrire l’intégrale de configura-
tion comme une intégrale séparable pour  atomes indépendants, occupant chacun un
volume  eff =  −  et soumis à un potentiel homogène   ∕ ≃ −  :
 

  eff
2
− (− )
 ≃ 3
d  e = ( − ) e   . (10.3)

En réintroduisant la contribution cinétique, la fonction de partition est


1 ( − )  2 
 = e . (10.4)
! Λ3

Bien que cette approximation paraisse assez grossière, elle capture à la fois les effets
répulsifs et attractifs à travers les deux paramètres microscopiques  et . Nous verrons
que les deux effets doivent être conservés pour expliquer la transition dans ce modèle.

212
1 Transition liquide-gaz

1.3 Fonctions thermodynamiques


a) Énergie et entropie

Nous déduisons l’énergie libre  = −  ln   sous la forme


 
 −   2
 = −  1 + ln − (10.5)
Λ 3 

C 3 2
L’énergie moyenne =  −  est la somme de l’énergie cinétique moyenne
2 
et de l’énergie d’interaction attractive moyenne (cf. chapitre 8). Remarquons que la ca-
3
pacité calorifique  =  est la même que celle du gaz parfait, cependant 
2
5
diffère de  (G.P.)
= . L’entropie s’obtient facilement
2
 
5  − 
 =   + ln . (10.6)
2 Λ 3
Elle ne dépend que de  qui contrôle le nombre de configurations spatiales accessibles.

b) Équation d’état de van der Waals

La dérivation de l’énergie libre par rapport à  nous donne la pression

  
= − 2  pour  = < 1∕ (10.7)
1 −  

Nous avons retrouvé l’équation d’état de van der Waals (1873) proposée sur la base
2
d’arguments heuristiques, et écrite sous la forme ( + 2 )( − ) =  .

Exercice 10.1 Coefficients du viriel de l’équation de van der Waals
a) Interpréter physiquement les deux contributions à la pression dans (10.7).
b) À partir de la définition (8.31), déterminer les coefficients du viriel du modèle de
van der Waals. Commenter.

1.4 Isothermes de van der Waals – Analyse de la transition


a) Stabilité et compressibilité négative

Les isothermes associées à l’équation (10.7) sont tracées sur la figure 10.3 et présentent
un comportement non-monotone pour les basses températures. Par ailleurs, la stabilité
du système requiert une compressibilité positive (chapitre 6 § 3) :
 
def 1  1 1
 = − = >0. (10.8)
    2 
 2

213
Chapitre 10 • Transitions de phase

T >Tc T<Tc p T >Tc

C
T=T c

T<Tc
V1 V2 V 00 V1 V2 V
Nb Nb

Figure 10.3
À gauche : résolution graphique de (10.9). On trace les deux membres de (10.9) pour
différentes températures. À droite : allure des isothermes de van der Waals : pour  <   ,
la partie rayée (non physique) correspond à   < 0.

Or la dérivation de l’expression (10.7) conduit à la condition



   3∕2
< 0 si  >  −  . (10.9)
 2
Une analyse graphique (figure 10.3) montre qu’il existe une température critique 
sous laquelle la condition n’est pas satisfaite pour toute valeur du volume : dans ce
cas, il existe des valeurs de  telles que  < 0 pour  ∈ [1 , 2 ]. Nous concluons
que l’équation de van der Waals ne donne pas directement la pression dans le domaine
[1,  2 ]. Nous allons voir plus bas comment interpréter cette équation. Le point critique
correspond à la température   telle que l’isotherme a un point d’inflexion (le point 
sur la figure 10.3).

b) Transition liquide-gaz pour  <  


Les pathologies mathématiques dans la fonction de partition conduisant ici à une com-
pressibilité négative, signalent l’existence d’une transition de phase. L’isotherme de la
  2
figure 10.3 présente une zone non physique lorsque > 0 (ou < 0) entre le
  2
minimum D1 et le maximum local D2. L’allure typique de  pour  <  est donnée
sur la figure 10.4. Les observations expérimentales suggèrent que pour  ∈ [1,  2],
il y a séparation de phase avec coexistence. Faisons l’hypothèse que le système est
diphasique, séparé en une phase liquide contenant  particules, de volume par par-
ticule  =  ∕ et d’énergie libre par particule  =  ( ,  )∕ , et une phase
gazeuse de paramètres ,  = ∕ et   =  ( ,   )∕ . Notons d’abord que
 +  =  et  =   +   donne  =  ( −  )∕(  −  ) et
 =  ( − )∕(  −  ), avec  ⩽  ⩽  (règle des moments). L’énergie
libre du système diphasique est  =   +   , qui s’exprime selon les variables
extensives :
 −   − 
 ( ,  ) =  ( ,  ) +  ( ,   ) pour  ∈ [ ,  ]. (10.10)
 −   −  

214
1 Transition liquide-gaz

F p
vapeur
sur−saturée
homogène
plateau
diphasique de liquéfaction
A A B
liquide
B sur−chauffé
aires égales

Nb VA V VB V Nb V

Figure 10.4
À Gauche : Énergie libre pour  <  . L’énergie libre du mélange des phases A (liquide)
et B (gaz) est plus basse que celle du système homogène pour   ⩽  ⩽  . À droite :
Construction de Maxwell. La ligne épaisse est la ligne d’équilibre thermodynamique.
Les deux branches AD1 et D 2B sont deux lignes de métastabilité. L’ensemble des points
1 et 2 pour différentes températures correspond à la courbe spinodale.

C’est une droite passant par deux points  et  appartenant à la courbe (10.5). Com-
ment trouver les positions des points  et  ? On voit graphiquement que l’énergie libre
diphasique la plus basse possible à  donné est obtenue en prenant la double tangente à
la courbe (10.5). Sur la portion entre  et , (10.10) donne une pression constante, qui
  − 
n’est autre que la pression de vapeur saturante ( ) = − =− .
  − 

c) Construction de Maxwell
Graphiquement, il est plus simple de trouver les volumes  et  par une analyse des
isothermes due à Maxwell plutôt que par la méthode de la double tangente. Écrivons la
relation de Gibbs-Duhem (7.23) (annexe A du chapitre 7) pour  constante :  d =
 d, puis intégrons entre les points  et . Il vient

→
 () d =  ( −  ) = 0 . (10.11)

Nous retrouvons que l’équilibre entre les phases impose l’égalité des potentiels chim-
iques  =  . L’intégrale ci-dessus est égale à l’intégrale sur un circuit fermé reliant
 à  sur l’isotherme ( ) (voir figure 10.4) :


 d = 0 . (10.12)

Graphiquement, la position du plateau de liquéfaction AB est définie en imposant l’é-


galité des aires entre l’isotherme de van der Waals et le plateau (figure 10.4). C’est la
construction de Maxwell . Notons que les deux branches AD1 et 2 B ne sont pas inter-
dites. Dans certaines conditions, le liquide peut exister à des densités plus basses que
celle du point A (« liquide sur-chauffé »), cependant il s’agit d’un état métastable. Le
gaz peut suivre la branche de « vapeur sur-saturée », mais une petite perturbation (par
exemple la nucléation de gouttes d’eau sur des impuretés) lui fera rejoindre rapidement
le plateau de liquéfaction.

215
Chapitre 10 • Transitions de phase

d) Chaleur latente de vaporisation


Une information intéressante est le coût (énergétique), appelé chaleur latente, pour ef-
fectuer un changement de phase. Considérons la transformation à  fixée consistant à
faire passer le système de l’état liquide en A à l’état gazeux en B. La pression est aussi
constante sur le plateau AB. La chaleur nécessaire pour évaporer tout le liquide est don-
def
née par la variation d’enthalpie : Δ =  vap. En effet, si nous reprenons le tableau
de l’Annexe A du chapitre 7, nous constatons bien qu’à  et  constants, la chaleur
- rev =  d correspond à la différentielle de l’enthalpie : d =  d +  d +  d =
d
 d  . Cette remarque nous permet de relier la chaleur latente à la variation d’entropie
def
vap =  Δvap =  ( ,  , ) − ( ,  , ). D’après (10.6),
 
 − 
 vap =   ln . (10.13)
 − 
L’existence d’une chaleur latente s’interprète comme une discontinuité de l’entropie
  , une dérivée première de l’énergie libre  = − . La discontinuité de la


densité associée à    , correspond à une discontinuité d’un autre potentiel ther-




modynamique, puisque  = + . D’après la classification de l’introduction, cette

transition est donc une transition du premier ordre.

1.5 Le voisinage du point critique


a) Le point critique
Nous déterminons la position du point critique ( ,  ,  ) en écrivant que le point  est
  2 
un point d’inflexion de l’isotherme critique soit  =  = 0 (voir figure 10.3).
    2 
Avec l’équation d’état, nous obtenons les trois équations :
  2   2   2
−  2 =  , − 2 = 0 , − 3 =0
 −   (  − )2 3 ( − )3 4
(10.14)
Le rapport des deux dernières équations conduit à  = 3. La deuxième équation
8
nous donne alors la température critique  = ∕. Puisque  ∼ 030 et  ∼ 30 ,
27
nous obtenons que la température critique est de l’ordre de l’énergie d’interaction
8
  = ∼ 0 . (10.15)
27
Les valeurs du tableau 10.1 montrent que 0 est de l’ordre de 100 K soit  0 ≃ 10 meV.
Soulignons une nouvelle fois le lien direct entre le microscopique ( et ) et le macro-
scopique (). Il apparaît clairement que les deux effets encodés dans  et  (attraction
et répulsion de cœur dur) sont nécessaires afin de définir une échelle d’énergie, i.e. une
température de transition. Le modèle de van der Waals est donc un modèle « minimal »
pour décrire la transition liquide-gaz.

216
1 Transition liquide-gaz

Tableau 10.1 – Positions du point critique pour divers gaz (pour une mole). Données
tirées de [15] citant N. Lange, « Lange’s handbook of chemistry », McGraw-Hill (1967).

  
 (K)   (cm 3)  (atm)
  

He 5.2 57.8 2.26 0.30


H2 33.1 65.0 12.8 0.31
N2 126.1 90.1 33.5 0.29
O2 154.4 74.4 49.7 0.29
CO2 304.2 94.0 72.9 0.27
H2 O 647.4 56.3 218.3 0.23

Finalement nous obtenons la pression à l’aide de la première des équations (10.14).


En conclusion, le point critique a pour position :
 8
 = 3 ,  = et    = . (10.16)
272 27
Remarquons que la théorie de van der Waals prédit que le rapport
   3
= (10.17)
  8
est universel, ce qui est assez bien vérifié en pratique (voir tableau 10.1).

b) Développement autour du point critique


Nous avons remarqué au début de la discussion qu’au-dessus de  , l’isotherme de van
der Waals est parfaitement monotone (figure 10.9). Autrement dit, la chaleur latente
vap = 0 s’annule au point critique, les dérivées premières des potentiels sont continues.
Pour étudier plus précisément les propriétés au voisinage du point critique, il est utile
d’introduire des variables adimensionnées
def  def  def 
 = −1, = − 1 et  = −1, (10.18)
  
mesurant les écarts au point critique. On vérifie que l’équation d’état prend la forme
 
3
1++ (2 + 3) = 8(1 + ) (10.19)
(1 + )2
ou encore
33 + 82 ( − ) + (7 − 16) + 2( − 4) = 0 . (10.20)
On trace sur la figure 10.5 les isothermes dans ces variables adimensionnées.
L’étude du voisinage est un petit peu délicate et peut être trouvée dans le chapitre 12
de [29]. Les conclusions sont :
• Sur la ligne de coexistence des phases (dans le plan ( , )), la pression est proportion-
nelle à l’écart à la température critique  ≃ 4. Combinée à (10.20), nous obtenons

217
Chapitre 10 • Transitions de phase

spinodale
isotherme
1
critique

0
C

0 1

Figure 10.5 – Isothermes de van der Waals


En termes des variables adimensionnées (, ). La spinodale est la courbe à l’intérieur de
laquelle la compressibilité est négative.

que les deux densités dépendent de la température comme



 ≃ ±2 − pour  < 0 . (10.21)

• À la température critique ( = 0), nous déduisons de (10.20) que


 1∕3
3 2
 ( ) ≃ −  3 i.e.  ( ) ≃  . (10.22)
2 3
Les dérivées première et seconde de  () s’annulent bien. Le volume ( ) selon cette
ligne est continu mais sa dérivée présente une singularité.
• Nous déduisons facilement la compressibilité isotherme en dérivant la pression
= −6 + () + (2), d’où une divergence de la compressibilité

(10.20) :

 
def 1  1
  = − ≃ pour  > 0 , (10.23)
   6
associée au phénomène d’opalescence critique : le milieu devient opaque en raison
des larges fluctuations de densité (cf. (8.68)) qui diffusent la lumière.
• La capacité calorifique présente une discontinuité au point critique :

9
  (+) −  (−) =   . (10.24)
2
Toutes ces remarques montrent que le point critique est caractérisé par des comporte-
ments singuliers des dérivées secondes des potentiels thermodynamiques (capacité
calorifique discontinue, divergence de la compressibilité,..). Pour cette raison, on dira
qu’une transition de phase du second ordre se produit au point critique.

218
2 Transition paramagnétique-ferromagnétique

2 Transition paramagnétique-ferromagnétique
2.1 Introduction
a) Description du phénomène
Certains matériaux, comme les composés à base de fer, cobalt ou nickel, présentent
une aimantation spontanée même en l’absence d’un champ magnétique extérieur (dans
les aimants). On parle de phase ferromagnétique. Si ces matériaux sont chauffés
au-delà d’une température appelée température critique  , aussi appelée la tempéra-
ture de Curie, leur aimantation disparaît. Ils entrent dans une phase paramagnétique
(figure 10.6). En général,  est grande par rapport à la température ambiante, typ-
iquement de l’ordre de 1 000 K (Fe :  = 1 043 K, Co :  = 1 388 K, Ni :
 = 627 K). L’existence d’une aimantation spontanée s’interprète microscopiquement
comme l’alignement des moments magnétiques locaux, dans le matériau, sous l’effet
des interactions microscopiques générant un effet coopératif à l’échelle macroscopique.
C’est une nouvelle manifestation de la compétition entre énergie et entropie, où l’une
ou l’autre domine suivant la température.

1.0 champ moyen


0.8
M (T ) / M 0

0.6 Nickel
Cobalt
0.4
Fer
0.2 Magnetite
Pyrrhotite
0
0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
T / Tc
Figure 10.6
Aimantation en fonction de  ∕  pour divers matériaux ( est la température de Curie).
Données tirées de : F. Bitter, Physical Review 39, p. 337 (1932).

Les moments locaux s’alignent sur des distances mésoscopiques (intermédiaires en-
tre l’échelle atomique et l’échelle macroscopique) pour former des domaines, appelés
« domaines de Weiss », au sein desquels l’aimantation est homogène. L’alignement des
aimantations des domaines à l’échelle du matériau fait intervenir des mécanismes que
nous n’étudierons pas, mais importants pour comprendre le phénomène d’hystérésis.

b) L’interaction microscopique entre spins

L’aimantation locale trouve son origine dans les boucles de courants microscopiques
(mouvement orbital) ou dans les moments magnétiques permanents, i.e. le spin des
électrons (sauf si les moments magnétiques électroniques ont une raison de s’annuler,

219
Chapitre 10 • Transitions de phase

ils dominent très largement les moments nucléaires, d’un facteur ∼ 1000). On parle de
magnétisme localisé lorsque les électrons qui participent à l’aimantation restent local-
isés aux nœuds d’un réseau cristallin et de magnétisme itinérant lorsque les électrons
sont délocalisés (électrons de conduction, comme dans les métaux cités plus haut ; cf.
problème 12.3 page 274 qui présente un modèle simple).
Quelle est la nature de l’interaction entre moments ? On pourrait penser à l’interac-

tion dipolaire magnétique DM ∼ 0   ⋅   ∕3 entre deux moments   et   distants de
4
 . Cependant une estimation montre que cette interaction est trop petite de plusieurs
ordres de grandeurs pour expliquer les températures critiques  ∼ 1000 K : pour des
distances interatomiques on trouve DM ∼ 10−5 eV, soit 0.1 K en échelle de tempéra-
ture. L’explication pertinente fait intervenir le mécanisme d’échange, où interaction
coulombienne et principe de Pauli se combinent pour produire une interaction effective
entre les spins voisins, de la forme
4  
eff = −  ⋅ . (10.25)
2  
Rappelons que les états propres de  eff sont les états singulet (spins anti-alignés) et
triplets (spins alignés) ; voir l’annexe A du chapitre 11. Assez souvent, cette interaction
d’échange tend à aligner les spins (comme dans la règle de Hund) : dans les états triplets
(fonction d’onde symétrique en spin et antisymétrique dans l’espace) la probabilité pour
que les deux électrons soient proches spatialement est plus faible que dans l’état singulet
(fonction d’onde antisymétrique en spin et symétrique dans l’espace). L’énergie coulom-
bienne est alors plus basse si les spins sont alignés, ce qui correspond à  > 0. Dans
le cas de magnétisme localisé, les mêmes ingrédients, par des mécanismes différents,
peuvent également conduire à des interactions antiferromagnétiques  < 0 favorisant
l’anti-alignement des spins (le chapitre 13 de [35] donne une discussion simple des deux
cas). Puisque l’interaction effective trouve son origine dans l’interaction coulombienne,
son ordre de grandeur est  ∼ 1 eV (1000 K), ce qui correspond aux températures
critiques observées.

c) Modèles : de Heisenberg à Ising

Si les spins sont localisés aux nœuds d’un réseau cristallin indicés par , la sommation
des interactions à deux spins (10.25) conduit à l’hamiltonien de Heisenberg
4  
Heisenberg = − 2    ⋅  −  ⋅  , (10.26)
 < 

où  désigne l’interaction entre les deux sites et  le facteur gyromagnétique. No-
tons que  correspond physiquement à l’excitation magnétique externe (usuellement
 couplée aux spins par effet Zeeman, mais qui est abusivement notée  et
notée ),
désignée champ magnétique par la suite. Obtenir les énergies des microétats de ce
modèle quantique est une tâche extrêmement compliquée.

220
2 Transition paramagnétique-ferromagnétique

Nous allons opérer une simplification drastique en ne conservant que les termes  
dans le produit scalaire pour des spins-1∕2 pour lesquels  = ±∕2. Nous noterons
plus simplement les variables de spins  ∈ {−1, +1}. De plus nous considèrerons pour
simplifier des couplages uniformes et limités aux plus proches voisins ce qui conduit à
l’hamiltonien d’Ising pour  spins

 

 Ising = −    −   (10.27)
 ,  =1


où la somme porte sur les liens  ,  du réseau, i.e. sur les couples de sites
 , 
plus proches voisins. Afin de simplifier l’analyse, les constantes de couplages sont ab-
sorbées dans le champ magnétique , qui aura la dimension d’une énergie, [ ] = [] =
[énergie]. Si les hypothèses conduisant à (10.27) peuvent être justifiées dans certains
composés où les couplages entre spins sont très anisotropes, on espère surtout que le
modèle réussira à capturer la physique de la transition para-ferro décrite plus haut, ce
qui est bien le cas comme nous le verrons. En outre, d’un point de vue plus théorique,
le modèle d’Ising apparaît dans des contextes physiques extrêmement variés, qui font
intervenir des variables locales binaires : gaz sur réseau, ensembles de systèmes à deux
niveaux quantiques, alliage binaire, réseaux de neurones. . . Gardons toutefois à l’esprit
que le changement de nature du paramètre d’ordre, d’une variable vectorielle (Heisen-
berg) à une variable discrète (Ising), affecte la nature de la transition (nous discutons
une autre conséquence sur les propriétés de basse température dans le problème 13.1
page 296).

2.2 Champ moyen sur le modèle d’Ising


a) Rappel : le cristal paramagnétique ( = 0)

Le cas  = 0 a été traité au § 1.5 du chapitre 6 avec des notations légèrement différentes.
L’hamiltonien est alors séparable et la fonction de partition se factorise en crsital =  
spin
,
avec pour la fonction de partition à un spin et l’énergie libre associée

 spin = 2 ch() et spin = −  ln[2 ch()] . (10.28)

1 
L’aimantation locale moyenne  =   , conjuguée du champ externe, vaut
  

spin
( , ) = − = th() , (10.29)

def  
et correspond à la susceptibilité à champ nul  =  = 1∕   (loi de Curie).
  =0

221
Chapitre 10 • Transitions de phase

b) Champ de Weiss et équation auto-cohérente

Pour analyser le rôle des interactions d’un spin avec ses voisins, il est utile d’introduire
le concept de champ local. Isolons les termes faisant intervenir le spin  dans (10.27) :
 
−   −   = −(loc)
  avec (loc) =  +   . (10.30)
∈vois() ∈vois()

vois() est l’ensemble des  voisins du site  où  est la coordinence du réseau ( = 2


pour un réseau hypercubique en dimension ). Le champ local (loc) définit une direction
selon laquelle  préfère s’aligner. C’est unequantité qui fluctue de configuration en
(loc)
configuration, dont la moyenne   =   +  =   +  est contrôlée
∈vois() 
def
par l’aimantation locale moyenne  =  , supposée uniforme à travers le réseau.
L’approximation de champ moyen consiste à négliger les fluctuations en supposant que
l’aimantation moyenne est elle-même contrôlée par (loc)
 , via (10.29), dans laquelle
(loc)
   remplace . Nous obtenons une équation auto-cohérente pour  :

 = th[(  + )] . (10.31)

c) Hamiltonien de champ moyen

Si l’analyse des solutions de (10.31) va être centrale, nous devons toutefois com-
pléter l’approche de champ moyen qui ne nous a pas fourni d’hamiltonien duquel nous
pourrions tirer les propriétés thermodynamiques autres que l’aimantation locale. Nous
allons préciser l’approximation ayant consisté à négliger les fluctuations et permis de
considérer les spins indépendants. L’idée du découplage des spins revient à écrire

  ≃ ( ) + () , (10.32)

où  une fonction, l’hamiltonien restant bien symétrique dans l’échange des variables
  et  . Comme   ne prend que deux valeurs, une fonction linéaire ( ) =    + 
convient en toute généralité. Pour isoler la contribution des fluctuations  =  − ,
nous introduisons  =  + (  − ) =  +   dans l’interaction

  = −2 +  (  +   ) +   ≃ −2 +  ( +  ) (10.33)

dans laquelle le produit des fluctuations a été écarté. Le découplage est donc réalisé en
choisissant donc () =   −  2∕2.
Nous appliquons ces considérations à (10.27). La somme sur les liens est convertie en
 1 

somme sur les sites à l’aide de = , où le 1∕2 évite le double comptage
 , 
2 =1 ∈vois()
des liens (ce qui montre en particulier qu’il y a ∕2 liens au total). Finalement Ising

222
2 Transition paramagnétique-ferromagnétique

stable
1

énergie libre
-1 0 1

instable
0

ferro para

stable
-1 -1 0 1

Figure 10.7
À gauche : Diagramme des solutions ( = 0) de l’équation auto-cohérente (10.31) .
Droite : L’énergie libre cm () pour différentes températures (avec un décalage arbitraire)
justifiant de la stabilité des différentes branches : pour  >  , la phase paramagnétique
∗ = 0 est stable, pour  <   , ∗ = 0 est instable et les phases ferromagnétiques  ∗  0
sont stables.

est remplacé par

 2 
 cm =   − (  +  )  . (10.34)
2 

L’effet de l’interaction est maintenant également dans le paramètre . Le nouvel


hamiltonien étant séparable, la fonction de partition associée est élémentaire à calculer

cm = e − 2  [2 ch (  + )] .
2
cm = 
cm
avec (10.35)
« L’énergie libre » effective par spin cm = −(1∕) ln cm s’écrit donc :
1 1
cm ( , , ) =  2 − ln [2 ch (  + )] . (10.36)
2 
Il est essentiel pour la suite de constater que l’équation auto-cohérente (10.31) corre-
spond aux extrema de cm ( , , ) par rapport au paramètre inconnu  :

cm
=0 ⇒  = th[(  + )] . (10.37)


L’approximation de champ moyen est aussi appelée « approximation de Bragg-


Williams »

2.3 Analyse de la transition


a) Diagramme des solutions en l’absence de champ

La résolution de l’équation auto-cohérente (10.31) fournit l’expression de l’aimantation


en fonction de la température, que nous notons ∗( ). Plaçons-nous à  = 0. Il est clair
que  = 0 est toujours solution de (10.31) : elle correspond à un état paramagnétique.

223
Chapitre 10 • Transitions de phase

Cherchons maintenant une solution   0, c’est-à-dire un état ferromagnétique. Pour


cela nous remarquons que nous pouvons exprimer la température en fonction de  :
 
  1 1+
 ( ) = , où argth() = ln (10.38)
 argth() 2 1−
est la fonction réciproque de th(). Cette courbe met en évidence qu’au-dessus d’une cer-
taine température  , appelée température critique, l’unique solution est  = ∗( ) = 0
(phase paramagnétique), alors qu’au dessous de  , deux solutions non nulles  =
±∗ ( ) apparaissent, correspondant à la phase ferromagnétique (nous montrons plus
bas que l’état paramagnétique  = 0 doit être exclu pour  <  ). La température cri-
tique correspond au maximum de la fonction  (), qui est atteint en  = 0. En utilisant
argth() ≃  pour  → 0, on obtient  =  ( → 0) :
def 
 = , (10.39)

dont l’ordre de grandeur est contrôlé par  . La solution ferromagnétique décrit bien la
courbe d’aimantation d’un bon nombre de composés (cf. figures 10.6 et 10.11).

b) Stabilité des solutions

Discutons la stabilité thermodynamique des solutions. Dans la situation étudiée,  est


une variable interne libre de fluctuer. Nous pouvons regrouper les microétats qui ont la
même valeur 𝓁 =  en les notant 𝓁 . La probabilité d’avoir  est obtenue en sommant
les poids de Boltzmann e −𝓁  de ces microétats :
 , , )
( 
P () = avec  , , ) =
( e −𝓁 . (10.40)
 𝓁 t .q.  𝓁=

En introduisant l’énergie libre réduite  ( , , ) = −  ln (


 , , ), on peut écrire

P () ∝ e−  ( ,,) . En conclusion, ce sont les minima de  ( , , ) qui sont les
plus probables et vont être réalisés physiquement. L’approche de champ moyen revient
à prendre ( , , ) ≃ cm ( , , ). Cette discussion justifie donc l’argument de
minimisation de cm( , , ) par rapport à . On dira que les minima sont thermody-
namiquement stables tandis que les maxima sont instables. Le tracé de cm ( , , ) sur
la figure 10.7 permet de déterminer la stabilité des solutions.
Ces résultats donnent un autre point de vue sur l’approximation de champ moyen. En
 ( , , ) au voisinage d’un minimum  , il vient
développant  ∗

( −  ∗) 2  
 ( , , ) ≃   ( , , ∗ ) + avec  2 = >0. (10.41)
22  2 
2

Ce développement est justifié si les fluctuations autour de ∗, caractérisées


 par   ,
sont négligeables (hypothèse du champ moyen). Comme  ∼ 1∕  d’après (10.41)

224
2 Transition paramagnétique-ferromagnétique

et en faisant l’hypothèse que  est extensive (reposant sur la courte portée de l’in-
teraction), il ressort que la distribution est localement approchée par la gaussienne
2 2
P () ∼ e −(−∗ ) ∕2 . Au passage, nous obtenons une relation essentielle pour la suite :
sous ces conditions, nous pouvons alors considérer que  ≃ ∗ est fixée et remplacer
partout dans les fonctions thermodynamiques  par ∗ ( , ). En particulier, l’énergie
libre par spin est
1 
 ( , ) ≃ ( , , ∗ ) ≃ cm ( , , ∗ ) . (10.42)

La discussion fait ressortir les limites de l’approche de champ moyen : au voisinage de
la température critique, nous verrons plus bas que les fluctuations divergent,    =
∞. Cette observation permet d’identifier l’intervalle de température autour de  où
l’approximation de champ moyen n’est pas justifiée (c’est le critère de Ginzburg, dont
la discussion dépasse le cadre de cet ouvrage).

c) Effet du champ magnétique

stable
1 énergie libre

0
instable

métastable
-1 -1 0 1

Figure 10.8
À gauche : Diagramme des solutions de l’équation auto-cohérente (10.43) pour  > 0. À
droite : L’énergie libre  cm() pour différentes températures justifiant de la stabilité des
différentes branches.

Prenons maintenant en compte la présence d’un champ externe . L’inversion de


l’équation auto-cohérente conduit à
 +  ∕ 
 = th((  + )) ⇒  () =   . (10.43)
argth()
( = 0 n’est plus solution). La représentation typique pour  > 0 du diagramme des so-
lutions et de l’énergie libre est faite sur la figure 10.8. Le champ introduit une asymétrie
favorisant la solution ∗ > 0 et qui est la seule stable pour toute température. À  , rien
de particulier ne se passe. Il existe ensuite une température ∗ ( ) <   telle que trois
solutions existent pour  <  ∗ ( ) : la solution stable ∗ > 0, et deux solutions avec
∗ < 0, une métastable (minimum local mais pas global) et une instable. À   0 fixé,
il n’y a pas de transition de phase en fonction de la température.

225
Chapitre 10 • Transitions de phase

2.4 Comportement des grandeurs thermodynamiques


Nous allons maintenant obtenir une série d’expressions pour les grandeurs thermody-
namiques, exprimées en fonction de ∗ ( , ). Commençons par établir deux relations
similaires et utiles pour la suite. Dérivons l’équation auto-cohérente (10.31) par rapport
à:
 
∗  ∗   
=  1 +  1 − th2    ∗ +  (10.44)
 
 
Avec th     ∗ +  =  ∗ et en réarrangeant les termes, cela conduit à

∗ 1 − 2∗
= . (10.45)
 ( −   (1 − 2∗ ))
De même, en dérivant (10.31) par rapport à  nous obtenons après simplifications :

 ∗ (   ∗ + )(1 − 2∗ )
= , (10.46)
 
1 −  (1 −  2∗ )

L’énergie moyenne par spin s’obtient en moyennant (10.34) ce qui donne


1 1
= cm  = −   2∗ −   ∗ . (10.47)
 2
La capacité calorifique par spin et à champ nul ( = 0) est obtenue en dérivant l’énergie
par rapport à la température, i.e. en utilisant (10.46) :
2 2∗ (1 − 2∗ )
 ( ) =  . (10.48)
 [ − (1 −  2∗ )]

Pour  >  , ∗ = 0 donc  = 0. À  =  , on observe un saut de la capacité


calorifique de 3 ∕2 (le calcul sera fait au § 2.5). Vers les basses températures, l’annu-
lation progressive de  ( ) ≃   (2 ∕ )2 e−2 ∕ est liée au gel des fluctuations, due
à l’existence d’un gap d’excitation  = 2 = 2  correspondant au coût énergé-
tique du retournement d’un spin. La capacité calorifique est tracée sur la figure 10.9, qui
montre également des données expérimentales extrêmement bien décrites par la théorie
de champ moyen (dans les composés ferromagnétiques, cet excellent accord est plutôt
l’exception que la règle, et s’explique ici par l’existence d’interactions à longue portée).
Après quelques manipulations, on peut exprimer l’entropie par spin  = (cm(∗ ) −
)∕ en fonction de l’aimantation seulement :
    
1 − ∗ 1 − ∗ 1 + ∗ 1 + ∗
( , ) = − ln + ln (10.49)
2 2 2 2
qui est précisément la forme obtenue pour la phase paramagnétique (éq. (5.14) et exer-
cice 5.3). Elle est tracée (pour  = 0) sur la figure 10.9, ce qui montre que sa dérivée
à  =  , reliée au comportement de la capacité calorifique, est singulière. Enfin, la

226
2 Transition paramagnétique-ferromagnétique

1.5 5
0.6
FERRO
HoRh 4 B4 4
PARA
cV ( T ) / kB

FERRO PARA
1.0 0.4 3

2
0.5 0.2

champ moyen 0.0 0


0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0
0 1 2 3 4 5 6 7
Température ( K )

Figure 10.9
À gauche : Capacité calorifique. Comparaison avec les données expérimentales tirées
de : H. R. Ott, et al., Physical Review B 25, p. 477 (1982). À droite : Entropie et
susceptibilité (par spin) en fonction de la température  .

susceptibilité magnétique à champ nul est obtenue en utilisant (10.45)


def ∗  1 − ∗( )2
 ( ) =  = , (10.50)
 =0   ( − [1 − ∗ ( )2]  )
et montre une divergence autour du point critique sur la figure 10.9. En particulier,
comme ∗ ( ) = 0 pour  >  , la susceptibilité se simplifie en
1
 ( ) = pour  >  (loi de Curie-Weiss) . (10.51)
  ( −  )
L’ajustement des données expérimentales à l’aide de cette loi permet une mesure précise
2   2 
de  . Puisque  = − d’après (6.12), et  (  ) = = − , nous pouvons
 2  2
conclure que les dérivée secondes de l’énergie libre sont singulières à la transition. La
transition à  = 0 est donc du second ordre.

2.5 Le voisinage du point critique


a) Comportement des solutions

Nous analysons plus en détail les comportements des grandeurs thermodynamiques pour
 →   . Revenons à la figure 10.7 et étudions l’aimantation en champ nul pour    .
1
Comme ∗ → 0, nous pouvons utiliser le développement th  ≃  − 3 dans (10.38),
3
. Après simplification de ∗  0 nous trouvons
 ∗ 1  ∗ 3
∗ ≃ −
 3 

3( −  )
∗ ( , 0) ≃ ± . (10.52)
 →− 

qui sont les asymptotes représentées sur la figure 10.7. Le comportement des solutions
et leur stabilité, bref la transition para-ferro, est très simplement interprétée par l’analyse
de « l’énergie libre » : les hypothèses  →  ,  → 0,  → 0 et    associées au

227
Chapitre 10 • Transitions de phase

 2 4
développement limité ln ch() ≃ − permettent d’écrire
2 12

 ( −  ) 2   4
cm() ≃ −  ln 2 −  +  +  +⋯ . (10.53)
2 12
Un tel développement est appelé développement de Landau. Cette expression ap-
prochée fait ressortir plus directement l’analyse donnée plus haut. En champ nul : pour
 >  , le préfacteur du terme en 2 est positif, le minimum stable est en  = 0.
Ce préfacteur s’annule à  puis devient négatif pour  <  . La fonction  cm()
développe alors un double puits :  = 0 devient un maximum local tandis que les deux
minima   0 sont stables. Remarquons enfin qu’il est clair que la dérivée seconde
2 cm 
 = ( −   ) s’annule à   , ce qui complète la discussion sur l’impor-
2  =0
tance des fluctuations de l’aimantation au point critique (voir page 225). En présence
d’un faible champ, le terme − décale la position du minimum vers des  > 0 pour
 >  et lève la dégénérescence des minima pour  <  (cf. figure 10.8).

b) Capacité calorifique et susceptibilité magnétique

Le saut de capacité calorifique en champ nul, lorsque la température tend vers  par
valeurs inférieures, est obtenu en combinant l’expression de l’énergie (10.47)  =
1 C 3
−   2∗ , avec le comportement (10.52) :  ≃ ( −  ) pour   . On obtient
2 2
une limite finie   (− ) = 3 ∕2 (figure 10.9). Comme  ( + ) = 0, la discontinuité de
capacité calorifique est donc
3
 (− ) −  (+ ) =  (10.54)
2 
La loi de Curie (10.51) présente le comportement en loi de puissance pour  → +. Le
comportement pour  → − est obtenu en repartant de (10.50) dans laquelle on injecte
(10.52), ce qui donne après simplifications :
1
 ( ) ≃ pour     . (10.55)
2 ( −  )
La divergence est de même nature de part et d’autre de  .
Il est facile d’établir la relation générale entre la susceptibilité et les fluctuations
d’aimantation. En remarquant que l’énergie contient le terme − on obtient 2 =
1  2 ln  1 2
  −  = 2 2
2 2
=− , ce qui conduit à une nouvelle relation entre
  2   2
fluctuations et fonction de réponse


 2 =  ( ) , (10.56)

228
2 Transition paramagnétique-ferromagnétique

analogue à (6.21). La divergence de la susceptibilité traduit la divergence des fluctua-


tions de l’aimantation au point critique (cf. la discussion de la page 225).

c) Courbes d’aimantation et isotherme critique

Analysons les courbes d’aimantation ∗( ) à  fixée (isothermes) sur la base des résul-
tats de la figure 10.8. Ces courbes sont représentées sur la figure 10.10. Commençons
par  >  , lorsque  < 0, la solution stable est ∗ < 0 qui diminue avec le champ et
s’annule avec lui. Le minimum de l’énergie libre passe alors dans le domaine ∗ > 0
et augmente avec  jusqu’à saturation. À  , la courbe d’aimantation est continue à l’o-
rigine mais sa dérivée est infinie à  = 0 (partie gauche de la figure 10.10). De fait, la
pente à l’origine n’est autre que  ( ) calculée plus haut et qui diverge à  . Discutons
le cas  <  : partons de  < 0 en suivant la solution stable jusqu’à  = 0 où l’aiman-
tation atteint une valeur non-nulle ∗ ( , 0−) < 0. On pourrait continuer de suivre cette
solution lorsque  > 0 (branche en pointillés), cependant elle devient métastable (cf.
figure 10.8). La solution thermodynamiquement stable est celle qui correspond à l’autre
puits ∗ > 0. Ainsi, l’aimantation fait un saut de ∗ ( , 0−) < 0 à  ∗( , 0 +) > 0.

Puisque  = − , on conclut que la discontinuité correspond à une transition du

premier ordre.
Dans certaines conditions, il est possible de suivre les branches métastables. Cepen-
dant, comme celles-ci n’existent que sur un intervalle de  fini autour de  = 0, le
système saute nécessairement sur la branche stable pour un  trop grand. En augmen-
tant puis diminuant le champ, on peut ainsi envisager des chemins formant une boucle
dans le plan (, ), appelée cycle d’hystérésis. Rappelons toutefois que le phénomène
d’hystérésis décrit ici ne concerne qu’un seul des domaines magnétiques évoqués en in-
troduction. En pratique, les courbes d’hystérésis des matériaux sont plutôt gouvernées
par la réorientation des domaines de Weiss.
1

1.0

0.5

instable
0
0.0

hystérésis
0.5

métastable
1.0
-1
1.0 0.5 0.0 0.5 1.0
0

Figure 10.10
À gauche : Courbes d’aimantation ( ) pour trois températures caractéristiques. Pour
 <  , les lignes pointillées sont les solutions métastables, les lignes claires sont celles
instables et la zone grisée la construction de Maxwell. À droite : Isotherme critique.

229
Chapitre 10 • Transitions de phase

Revenons sur le comportement à  =  . Considérons la limite  → 0+ de (10.31) :


 1  3  3 1∕3 
∗ ≃ ∗ + − ∗ + s’inverse en  ∗ ≃ − , i.e. à l’ordre
   3       
le plus bas
 1∕3
3
∗ ( , ) ≃ + . (10.57)
→0   
L’approximation est comparée à la courbe d’aimantation exacte sur la figure 10.10.

2.6 Brisure spontanée de symétrie et paramètre d’ordre


Clôturons l’analyse du modèle d’Ising par quelques remarques de portée plus
générale.

a) Brisure spontanée de symétrie

Si nous reconsidérons l’hamiltonien d’Ising (10.27), nous pouvons observer qu’il pos-
sède une symétrie dite de renversement des spins en l’absence de champ externe. Cette
symétrie de parité P ∶   → − laisse invariant le terme d’interaction mais pas le terme
de champ. Comme P2 = 1, on parle de symétrie ℤ2 en référence aux valeurs propres ±1
de P. L’aimantation locale change naturellement de signe  → − sous l’action de P.
Ainsi, l’hamiltonien de champ moyen (10.34) est aussi invariant sous P lorsque  = 0.
L’ensemble de ses solutions est lui aussi invariant (cf. figure 10.7).
Cependant, l’existence de l’état ferromagnétique pour  <  , démontrée expéri-
mentalement, montre que le système se trouve dans une des solutions ∗  0. Puisque
une solution n’est pas invariante sous P (la parité relie une solution à l’autre), on dira
que la symétrie est « spontanément brisée » dans la phase ferromagnétique. Le fait que
des solutions particulières (et non l’ensemble des solutions) brisent la symétrie d’un
problème est un phénomène courant en physique. On peut penser à l’exemple classique
du flambage d’une tige déformable que l’on comprime par ses deux extrémités : la tige
se tord dans un plan, brisant la symétrie de révolution autour de l’axe initial de la tige.

b) Paramètre d’ordre et brisure d’ergodicité


Il est généralement possible de définir un paramètre d’ordre qui permet de suivre l’ap-
parition d’une brisure de symétrie et donc l’apparition de la transition de phase. Dans
le modèle d’Ising, le paramètre d’ordre est naturellement l’aimantation locale.
Reconsidérons les propriétés de symétrie de l’hamiltonien d’Ising pour mettre en
évidence un apparent paradoxe. Puisque l’hamiltonien est symétrique sous la parité
(à champ nul), Ising ({−}) =  Ising ({ }), la distribution d’aimantation (10.40) est
1

 −1
nécessairement paire, P (−) = P () d’où  = d  P () = 0. Ce résultat
est exact, il ne repose que sur la symétrie de l’hamiltonien. Comment comprendre alors

230
2 Transition paramagnétique-ferromagnétique

l’existence d’un état d’aimantation non-nulle ? La raison est que le système n’explore
plus toutes les configurations accessibles et reste piégé dans l’espace des configurations
telles que  𝓁 ≃ +∗ (ou −∗). On parle de brisure d’ergodicité. La structure en
double puits de la figure 10.7 permet de comprendre l’origine du piégeage : à  = 0,
les deux états pour  = ∗ > 0 et  = −∗ < 0 ont la même probabilité, ce
qui est lié à la propriété  = 0. Cependant, une fois que le système a choisi un
des puits, seule une fluctuation thermique lui permet d’aller vers l’autre puits, ce qui
l’oblige à passer par l’état intermédiaire instable  = 0 très peu probable. Finalement,
le retournement de l’aimantation, qui restaurerait l’ergodicité, se produit avec une prob-
 
abilité P ( = 0)∕P (∗) ∼ e− (  (0)− (∗)) contrôlée par la différence d’énergie libre
(0) − ( ∗) > 0 extensive (∼  ).
La manière dont le système choisit une solution en pratique, est liée à son histoire
et à des perturbations extérieures, comme une petite fluctuation  > 0 (ou  < 0) du
champ extérieur. Cette sensibilité aux perturbations extérieures pour  <  est liée à
la non-analyticité des fonctions thermodynamiques discutées ci-dessous.

c) Non-analyticité des fonctions thermodynamiques

La théorie de champ moyen met en évidence des comportements singuliers à la tran-


sition. Or, pour un nombre  fini, la fonction de partition et l’énergie libre, qui font
intervenir une somme finie de termes exponentiels, sont des fonctions parfaitement
régulières de  et . D’autre part,  a disparu de l’analyse de champ moyen, qui
s’est focalisée sur les propriétés d’un spin. Clarifions le lien entre transition de phase
et passage à la limite thermodynamique  → ∞.
Par exemple, discutons la divergence de la susceptibilité  ( ) à  . La relation
(10.56) exacte et très générale permet d’écrire  ( ) ∝ 2 . Puisque  est bornée,
 ⩽ 1, sa variance  2 l’est également.  ( ) est nécessairement finie dans un sys-
tème de taille finie et ne peut pas diverger, même à . Si l’on analyse le comportement
pour  → ∞, on peut attendre 2 ∼ − (pour des spins indépendants,  = 1) et
 ( ) ∼  1− peut diverger si  < 1. On parle d’effets de taille finie.
Un autre point intéressant apparaît clairement sur la courbe d’aimantation à  <  :
la figure 10.10 montre qu’elle présente un saut à  = 0,

lim ( , ) = ±∗ , (10.58)


→0 ±

qui traduit l’extrême sensibilité aux perturbations extérieures à  = 0. Or, pour  fini,
def 1 
l’aimantation 𝔪 ( , ) = −  ( , ,  ) doit être continue en  = 0 car 
 
est une fonction analytique de , puisque  est une somme finie de termes exponen-
tiels. Nous avons de plus justifié que 𝔪 ( ,  = 0) = 0 au paragraphe précédent (en
supposant l’ergodicité, ce que l’on fait ici). Par conséquent,

lim lim 𝔪 ( , ) = 0 , (10.59)


→∞ →0 +

231
Chapitre 10 • Transitions de phase

qui est en apparente contradiction avec (10.58). Le fait que plus le système est grand, plus
il est sensible aux perturbations du champ (en dessous de  ), suggère que la situation
physique correspond à inverser l’ordre des limites :
lim lim 𝔪 ( , )  0 . (10.60)
→0 + →∞

On peut illustrer cette remarque sur la non-commutation


 des limites en consid-
érant l’exemple ad-hoc suivant 𝔪 () =  ∕  + 1∕, qui donne les limites
2

lim 𝔪 () = 0 et lim 𝔪 () = sign(). De même, à la limite thermodynamique


→0 →∞
et dans la phase ferromagnétique, l’énergie libre par spin tend vers une fonction
non-analytique dont le développement à bas champ est :
 1
 ( , 0) −  ( ) 
2
pour  > 
 ( , ) ≃  2
1 . (10.61)
→0
 ( , 0) − ∗   −  ( ) 2 pour  < 
 2

3 Universalité
3.1 Analogies entre les transitions liquide-gaz et para-ferro
Prenant du recul sur les § 1 et 2, nous voyons apparaître de profondes analogies en-
tre les deux transitions étudiées. Par exemple, les courbes d’aimantation ( ) de la
figure 10.10, tournées de 90o , sont tout à fait similaires aux isothermes ( ) de la tran-
sition liquide-gaz de la figure 10.1. De même, l’équivalent du diagramme de Clapeyron
de la figure 10.1 serait pour le modèle d’Ising une droite de coexistence dans le plan
(,  ) le long de l’axe  = 0 et se terminant à  . Les couples (,  ) et ( , ) jouent
donc des rôles identiques. Pour la transition liquide-gaz, le paramètre d’ordre est la den-
sité , car c’est ce qui distingue en premier lieu les phases liquide et gaz, ou bien le
volume par particule  = 1∕, conjugué au « champ » . Dans le § 1.5, nous avons
considéré les écarts au point critique,  =  − , et  =  −  , afin que le paramètre
d’ordre s’annule en ce point. L’analogie entre les deux transitions a toutefois des limites
car il n’y a pas de symétrie brisée clairement identifiée pour la transition liquide-gaz.

3.2 Les exposants critiques


Un autre aspect de l’étude en champ moyen des deux modèles souligne une relation
plus profonde. En effet, dans les deux cas, l’étude du voisinage du point critique a fait
apparaître des comportements en lois de puissance contrôlés par des exposants appelés
« exposants critiques ». Le tableau 10.2 regroupe les exposants obtenus dans le cadre
de l’approximation de champ moyen du modèle d’Ising, ainsi que ceux décrivant la so-
lution analytique exacte obtenue par Onsager pour la dimension  = 2 et ceux donnés
par les calculs numériques pour  = 3. L’observation la plus remarquable est l’exacte
correspondance entre les exposants de champ moyen des transtions liq-gaz et para-ferro.

232
3 Universalité

1.0 1.0 HoRh4 B4


K 2 Co F4 0.8
M stag( T ) / M 0

M ( T )/ M 0
0.6 champ moyen
0.5
solution 0.4
d’Onsager (2D)
0.2
0 0
0 50 100 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
Température ( K ) T /T c
Figure 10.11
À gauche : Paramètre d’ordre pour un composé antiferromagnétique stratifié (bidimen-
sionnel) ; la courbe continue est le résultat exact dû à Onsager ; données tirées de :
H. Ikeda & K. Hirakawa, Solid State Communication 14, p. 529 (1974). À droite : Com-
posé ferromagnétique (tridimensionnel) avec interactions à longue portée ; la courbe
continue est le résultat de champ moyen discuté dans le chapitre. Données tirées de :
H. R. Ott, et al. , Physical Review B 25, p. 477 (1982).

Des arguments qui sortent du cadre de l’ouvrage (groupe de renormalisation) justifient


cela en montrant que proche du point critique, ces deux transitions appartiennent à la
même classe d’universalité et doivent avoir les mêmes exposants critiques. Notons que
si le champ moyen ne donne pas les exposants exacts, le tableau suggère que le champ
moyen décrit mieux les grandes dimensions (inversement les fluctuations sont si impor-
tantes en  = 1 qu’elles empêchent l’apparition de l’ordre ferromagnétique : inf =1
est la dimension critique inférieure du modèle d’Ising). Une discussion qui va au-delà
de l’ouvrage montre que l’effet des fluctuations est diminué en augmentant la dimen-
sionnalité et que, remarquablement, il existe une dimension appelée dimension critique
supérieure (sup
 = 4 pour Ising) au-delà de laquelle les fluctuations sont négligeables
∀  et les exposants critiques de champ moyen sont exacts (mais pas les propriétés non
universelles).

Tableau 10.2
def
Exposants critiques.  = ( −  )∕ . Les résultats obtenus pour le modèle d’Ising 3D
sont tirés de A. Pelissetto & E. Vicari, Physics Report 368, p. 549 (2002).

Liq.-Gaz Para-Ferro champ moyen Ising 3D Ising 2D


 ( ) ∼  −  ( ) ∼  − =0  = 0.110(1) =0

( ) ∼ (−)  ( , 0) ∼ (−)   = 1∕2  = 0.3265(3)  = 1∕8

(  ) ∼ ()1∕ (  , ) ∼ 1∕ =3  = 4.789(5)  = 15

 ( ) ∼  −  (  ) ∼  − =1  = 1.2372(5)  = 7∕4

233
Chapitre 10 • Transitions de phase

Si ces exposants sont comparés aux résultats expérimentaux (cf. figure 10.11 et le
tableau 10.3), on constate en effet un remarquable accord entre théorie et expérience
d’une part, mais surtout entre exposants associés aux deux transitions.
Tableau 10.3
Exposants critiques obtenus expérimentalement pour les transitions liquide-gaz et para-
def
ferromagnétique (classe d’universalité d’Ising 3D).  = ( − )∕  mesure l’écart au point
critique. Données expérimentales tirées de : H. W. Blöte, E. Luijten & J. R. Heringa,
Journal of Physics A 28, p. 6289 (1995).

liquide-gaz para-ferro
Capacité CO2 FeF 2
calorifique  ( ) ∼  
−
 = 0.111(1)  ( ) ∼  −
 = 0.11(3)
Paramètre densité CO2 aimantation FeF 2
d’ordre ( ) −   ∼ (−)  = 0.324(2) ( , 0) ∼ (−)   = 0.325(2)
Suscep- Compressibilité Xe Susceptibilité FeF 2
tibilité  ( ) ∼  −  = 1. 246(10)  ( ) ∼ −  = 1.25(1)

Pour en savoir plus :


• La littérature sur le sujet est considérable. Pour une présentation simple : [33]. On
pourra également consulter [3, 15, 16, 23, 29]. Un livre plus avancé est celui de Chaikin
et Lubensky [10].
• Un excellent livre qui allie esprit de synthèse et hauteur de vue est celui d’É. Brézin [7]
• La solution du modèle d’Ising 2D due à Lars Onsager (1944) est présentée par
exemple au § 151 de [23] et au § 13.4 de [29].
• Le chapitre a introduit quelques idées sur les transitions de phase associées à un
changement de symétrie. Si les transitions les plus courantes (liquide-solide, para-ferro
ou -antiferro, cristaux liquides, etc) rentrent dans ce cadre, cela n’épuise pas tous les
types de transitions. D’autres transitions, dites « transitions de phase topologiques »,
ne s’accompagnent d’aucun changement de symétrie : les deux exemples les plus
célèbres sont la transition Kosterlitz-Thouless qui apparaît dans de nombreux modèles
bidimensionnels (modèle XY,...) ou la transition de l’effet Hall quantique entier (qui est
aussi une transition de phase dite « quantique » car pilotée, à température nulle, par
le champ magnétique). Le sujet a été mis en lumière en 2016 avec l’attribution du
prix Nobel de physique à Duncan Haldane, Michael Kosterlitz et David Thouless. On
trouvera des informations sur le site https://www.nobelprize.org/. Un ouvrage récent
(spécialisé) est celui d’A. Bernevig [6].

234
Les points clés

1 Les transitions de phase sont la 3 Le modèle d’Ising est un mod-


manifestation, à l’échelle macro- èle très important en physique
scopique, d’effets coopératifs statistique ayant de multiples
médiés par les interactions à applications (magnétisme, gaz
l’échelle microscopique. Les sur réseaux, alliages désordon-
mêmes détails microscopiques nés, etc).
conduisent à des organisations
4 L’approximation de champ
macroscopiques différentes.
moyen.
5 La dimensionalité, la nature
2 Notion de paramètre d’ordre. du paramètre d’ordre (scalaire
Distinction entre transitions du réel ou complexe, vecteur, etc)
1er et 2nd ordre (paramètre et le schéma de brisure de
d’ordre discontinu ou continu à symétrie déterminent la classe
la transition). d’universalité.

235
Entraînez-vous
Exercice 10.2 Le modèle d’Ising antiferromagnétique
Nous considérons le cas d’un réseau hypercubique
 : 
 = +  −   (10.62)
,  
où  > 0, i.e. une interaction favorisant l’anti-alignement des spins. On admet que la phase
ordonnée à  =  = 0 correspond à l’ordre de Néel : les spins prennent des valeurs alternées
+1 et −1. Autrement dit, si nous divisons le réseau hypercubique en deux sous réseaux im-
briqués, notés  et  , l’aimantation prend une valeur constante sur chacun des sous-réseaux,
 = +1 et  = −1 (ou l’inverse). L’aimantation moyenne  = 1 ( +  ) est nulle mais il
2
1
existe un ordre caractérisé par la valeur de l’aimantation alternée  stag = 2 ( −  ) = 1 (ou
−1). Cette dernière joue donc le rôle de paramètre d’ordre dans la phase anti-ferromagnétique.

  
1/ En décomposant la somme sur les sites sur les deux sous réseaux = + ,
  ∈  ∈
donner l’expression de l’hamiltonien de champ moyen cm analogue à (10.34). Il sera com-
mode pour la suite d’introduire deux champs indépendants  et  sur chacun deux sous
réseaux.
2/ Calculer l’énergie libre associée à l’hamiltonien de champ moyen cm . Déduire deux
équations auto-cohérentes permettant de déterminer  et  .
3/ On admet que  = −. Déduire une équation pour stag . Comparer au cas ferromagné-
tique. Résoudre cette équation graphiquement lorsque  = 0. Identifier la température critique
 . Analyser stag dans les limites    et    .
Exercice 10.3 La méthode variationnelle
À l’instar de la méthode variationnelle en mécanique quantique, on peut fonder l’approche
de champ moyen sur un principe variationnel, l’ansatz se faisant sur l’hamiltonien et non sur
la fonction d’onde. Il est par exemple naturel de choisir un ansatz 0 qui soit séparable pour
pouvoir effectuer les calculs plus facilement. Les paramètres de 0 sont ensuite à optimiser
selon un critère que nous définissons maintenant.
1/ Inégalité de Bogoliubov.– Partant de l’inégalité de convexité e  ⩾ e  pour une variable
aléatoire , montrer que l’énergie libre  associée à un hamiltonien  satisfait l’inégalité
 ⩽ 0 +  − 0  0 (10.63)
où ⋯0 est la moyenne canonique par rapport à l’hamiltonien  0. Cette inégalité de Bogoli-
ubov montre que les paramètres variationnels doivent être choisis afin de minimiser le membre
def
de droite var =  0 +  − 0 0.
2/ Hamiltonien d’Ising.– Nous souhaitons approximer l’hamiltonien
  d’Ising ferromagné-
tique (10.27). Proposons l’hamiltonien d’essai 0 = −0 .

a/ Quelle est la valeur de l’aimantation moyenne  par site associée à  0 ?
b/ Calculer  −  0 puis déterminer  var (0 ).
c/ Obtenir la valeur optimale de 0 puis montrer que  satisfait à une équation auto-cohérente.
Comparer à celle obtenue dans le cours.

236
Chapitre 11
Statistiques quantiques

Introduire le formalisme permettant de 1 Particules indiscernables :


traiter l’effet de l’indiscernabilité fermions et bosons
quantique sur les propriétés 2 Les statistiques de Fermi-Dirac
thermodynamiques. et Bose-Einstein

Ce chapitre explore le rôle de l’indiscernabilité des particules, introduite par le postulat


de symétrisation de la mécanique quantique, dans la physique statistique. Le postulat
de symétrisation, qui fixe des règles de construction des états quantiques à plusieurs
particules identiques, affecte le dénombrement des états quantiques et introduit des
corrélations entre les particules : on parle de « corrélations quantiques ». Même en
l’absence d’interaction, des particules identiques ne sont pas indépendantes. Nous
verrons que l’existence de corrélations quantiques a de profondes conséquences, pas
seulement au niveau microscopique, mais également à l’échelle macroscopique (par ex-
emple les propriétés électroniques des métaux sont dominées par le principe de Pauli,
même à température ambiante). Puisque notre objet d’étude est ici le rôle des corréla-
tions quantiques, nous allons considérer des systèmes de particules sans interaction.
Ce chapitre n’est pas un chapitre d’application : il revient sur l’ensemble grand canon-
ique en apportant le nouvel éclairage des facteurs d’occupation. Les résultats généraux
formeront le socle des deux chapitres qui suivent.

1 Particules indiscernables : fermions et bosons

1.1 Apparition des effets quantiques


Dans notre étude du gaz parfait classique (chapitres 4 et 8), nous avons déjà identifié
la limite de l’analyse classique. Commençons par remarquer que de simples arguments
d’analyse dimensionnelle permettent de construire une température caractéristique que
nous identifierons avec la température de transition en deça de laquelle apparait l’effet
des corrélations quantiques.

Analyse dimensionnelle. L’étude du gaz parfait fait intervenir deux paramètres : la


masse des atomes  et la distance typique entre atomes  = −1∕3 contrôlée par la
densité  du gaz. La mécanique quantique introduit la constante . Ces trois grandeurs
 22∕3
permettent de construire une échelle d’énergie cinétique , associée à l’échelle

237
Chapitre 11 • Statistiques quantiques

de température

def 22∕3
∗ = . (11.1)


En combinant cette échelle caractéristique avec la température, nous formons un rap-


port sans dimension,
 qui peut être réexprimé en termes de la densité et de la longueur
def
thermique Λ = 22 ∕(  )

 Λ 3 = (2∗∕ )3∕2 . (11.2)

Les limites de l’analyse semiclassique. L’examen des formules semiclassiques


décrivant le gaz parfait, nous a déjà permis de constater que celles-ci ne sont valides
que dans un régime dilué (voir page 78). Cette observation a été faite sur la formule de
Sackur-Tetrode pour l’entropie, éq. (8.4), formule qui n’est positive que pour  Λ3  1
alors que  ⩾ 0 est une propriété générale (cf. chapitre 4). Nous pouvons cependant
remonter
 3  −à l’expression semiclassique du nombre de microétats, éq. (3.28), Ω
semiclass

 Λ , où nous avons utilisé  = (3∕2)  pour faire apparaître Λ , ou encore
1      3  −
à la fonction de partition canonique, éq. (8.1), MB = ∼  Λ . Aussi
! Λ3
bien Ω, qui est un nombre, que , qui est une somme d’exponentielles (⩾ 1 puisque
l’énergie fondamentale individuelle est 0 = 0), doivent satisfaire Ω ⩾ 1 et  ⩾ 1. Ces
conditions débouchent donc sur le critère  Λ3  1.
Au final, nous distinguons les deux régimes suivants :

   ∗ ou  Λ3  1 ⇒ Maxwell-Boltzmann (régime classique)


(11.3)
   ∗ ou  Λ3  1 ⇒ effet des corrélations quantiques dominant

À  fixée, la transition entre les deux régimes se produit pour une densité ∗ ≃ 1∕Λ3 ,
ce que l’on peut résumer sur le diagramme ci-dessous :

0 T* T
quantique classique
n n = Λ−3
* T

Sens physique de la longueur thermique : un argument populaire. . . Avec la


distance typique entre particules , la condition (11.3) devient

 = −1∕3  Λ . (11.4)

238
1 Particules indiscernables : fermions et bosons

Nous constatons qu’il s’agit en effet d’une approximation faible densité/haute tempéra-
ture, i.e. de gaz dilué : la distance typique entre particules doit être plus grande que la
longueur thermique. Inversement, si la température est abaissée, toutes choses égales
par ailleurs, les effets des corrélations quantiques se font sentir lorsque la distance en-
tre particules approche la longueur thermique. La distribution
 de Maxwell montre que
l’incertitude dans l’espace des impulsions est Δ ∼   . Nous déduisons que l’in-
certitude dans l’espace est, en utilisant l’inégalité de Heisenberg, Δ ∼ ∕Δ ∼ Λ  .
Autrement dit, il semble1 que la longueur thermique s’interprète comme la largeur du
paquet d’onde décrivant un atome, ce que nous représentons schématiquement sur la
figure 11.1.

ΛT n −1/3

régime classique régime quantique


(dilué) (corrélé)

Figure 11.1
Chaque atome peut être décrit par un paquet d’onde de largeur Λ  . Dans la limite diluée
(classique) les paquets d’onde ne se recouvrent pas, il n’y a peu de corrélations quan-
tiques. Dans la limite opposée (quantique) le recouvrement des paquets d’onde conduit
à l’apparition de corrélations quantiques.

1.2 Le postulat de symétrisation en mécanique quantique


Commençons par rappeler les règles qui découlent du postulat de symétrisation
(cf. annexe 3.B page 54 ou chapitre 11 de [35]). Le formalisme quantique implique un
principe d’indiscernabilité pour les particules identiques, deux électrons par exemple
(tandis que deux particules différentes sont toujours discernables). Les états à plusieurs
particules identiques ont une symétrie sous l’échange des particules. On montre dans ce
cadre que les fonctions d’onde physiques doivent être
 soit toutes symétriques, ou plutôt invariantes, sous les permutations à deux partic-
ules, les particules sont alors appelées bosons (photons, atomes d’hélium-4,. . . ),
 soit toutes antisymétriques sous les permutations à deux particules, les particules
sont alors appelées fermions (électron, proton, neutron, atomes d’hélium-3,. . . ).

1. L’argument entretient une légère confusion car la longueur thermique Λ caractérise la largeur de
la distribution de Maxwell qui est une probabilité, i.e. caractérise un mélange statistique, et non une
fonction d’onde dans l’espace des impulsions.

239
Chapitre 11 • Statistiques quantiques

La nature bosonique/fermionique est intimement reliée au spin  de la particule : les


particules de spin entier ( = 0, 1, 2 ⋯) sont des bosons et les particules de spin demi-
entier ( = 1∕2, 3∕2, ⋯) dont des fermions. Notons enfin que les particules constituées
d’un nombre pair de fermions sont des bosons et celles constituées d’un nombre impair
de fermions sont des fermions (par exemple : hélium-3, constituée de 5 fermions est un
fermion alors que l’hélium-4 est un boson). L’indiscernabilité induit en particulier une
grande réduction du nombre de microétats possibles par rapport au cas discernable. Ce
facteur de réduction est environ égal à ! (le nombre total de permutations possibles).

Structure des états quantiques. Notons {   } une base des états individuels
(ou états à une particule) de l’espace de Hilbert à une particule. Nous pouvons
construire les états de particules discernables, ou états non symétrisés, par pro-
duit tensoriel de ces états individuels :   disc =  1 ∶ 1    2 ∶ 2   ⋯ 
  ∶    =  1 ∶ 1 ; 2 ∶ 2 ; … ;  ∶   . La notation   ∶   signifie la ie particule
est dans l’état   et la dernière égalité est une simplification de la notation du pro-
duit tensoriel. Si nous permutons les deux premières particules, nous obtenons l’état
 1 ∶ 2; 2 ∶ 1; … ;  ∶  .
Prenons le cas de deux bosons dans deux états individuels différents  =  ou .
L’état bosonique peut être construit en symétrisant2 les deux états discernables selon
1  
 ,  bosons =   1 ∶ ; 2 ∶   +  1 ∶ ; 2 ∶   (11.5)
2
qui est bien invariant sous l’échange des particules. Là où il y avait deux états dis-
tincts pour les particules discernables il n’en reste plus qu’un pour les bosons. Si
les particules sont dans le même état individuel  = , nous aurons naturellement
 ,   bosons =  1 ∶ ; 2 ∶   qui est déjà symétrique sous l’échange. La procédure se
généralise à  particules : on obtient un état à  particules invariant sous les échanges
à deux particules. Les états « grégaires » de la forme  , … ,  bosons, où tout les bosons
s’accumulent dans le même état  sont autorisés.
La logique est la même dans le cas des fermions, si ce n’est que les états doivent être
antisymétriques, c’est-à-dire que la fonction d’onde prend un facteur −1 lorsque deux
particules sont échangées. Reprenons l’exemple des deux états  et 
1  
 ,  fermions =   1 ∶ ; 2 ∶   −  1 ∶ ; 2 ∶   . (11.6)
2
Il n’est en revanche pas possible d’écrire un état antisymétrique avec les fermions dans
le même état. C’est le principe de Pauli : deux fermions ne peuvent occuper le même
état individuel.
Il est courant de représenter les microétats des systèmes à  particules par des
diagrammes montrant l’occupation des différents niveaux d’énergie (figure 11.2).

2. Le procédé peut être systématisé par l’utilisation d’un opérateur de symétrisation.

240
1 Particules indiscernables : fermions et bosons

Ces diagrammes illustrent le problème du comptage des états pour de petits systèmes.
Ils éludent cependant le fait que les états symétrisés sont des superpositions quantiques
d’états non symétrisés et un état individuel est occupé par toutes les particules à la fois.
C’est l’intrication qui entraîne des corrélations entre particules : même en l’absence
d’interaction, elles ne sont plus indépendantes. Le principe de Pauli l’illustre simple-
ment : si une particule occupe un état individuel, les autres ne peuvent y accéder, ce qui
peut s’interpréter comme une « force » d’exclusion effective.
Les règles de construction des états quantiques induites par le postulat de symétrisa-
tion sont importantes pour la physique statistique car elles impactent le dénombrement
des microétats. Alors que l’état non symétrisé (particules discernables) requiert de
spécifier l’état individuel de chaque particule, ce qui correspond à se donner une
liste ordonnée d’états individuels,  1 ∶ 1 ; 2 ∶ 2 ; … ;  ∶   , définir l’état symétrisé
(particules indiscernables) demande moins d’information : seule importe l’occupa-
tion des états individuels pour caractériser les microétats, occupation encodée dans
les facteurs d’occupation définis plus bas.

2 1 1 2

1 2 1 2

0 0 0
6 0 1 1
0 0 0
0 0 0
2 1 1
1 1 1
1 1 1
0 0 0
3 1 1
1 1 1
1 1 1

1 1 1

Figure 11.2 – Illustrations des microétats permis par le postulat de symétrisation.

1.3 La non-factorisation de la fonction de partition canonique


Deux particules dans deux états individuels. Discutons comment les corrélations
quantiques se manifestent dans le calcul de la fonction de partition canonique. La fonc-
tion de partition à une particule s’écrit ici  = e− + e − . Comme nous avons listé
les microétats possibles à deux particules (figure 11.2), nous déduisons directement les
fonctions de partition à deux particules :

discernables : 2dis = e− 2 + 2e− ( +  ) + e− 2  = 2

bosons : 2B = e− 2  + e− ( + ) + e − 2 


2
2!
fermions : 2F = e − ( + ) 
2
2!

241
Chapitre 11 • Statistiques quantiques

Dans le cas discernable, il y a bien factorisation. Pour les bosons, pas de factorisation
et le résultat diffère de la formule (6.43) correspondant à l’approximation de Maxwell-
Boltzmann MB  =  ∕ !. Notons également que le poids relatif des microétats où les

bosons s’accumulent sur le même état augmente, par rapport au cas discernable. Enfin,
pour les fermions la différence est encore plus frappante.

Exercice 11.1 Deux particules sans interaction


Soient deux particules indiscernables dans l’ensemble canonique. Notons {} le
spectre à une particule, où l’indice entier  parcourt l’ensemble
des nombres quan-
tiques. La fonction de partition peut donc s’écrire ( ) = e − . Montrer la

relation suivante et interpréter physiquement chacun des termes :
 ( ) 2 1
B∕F
2
() = ± (2 ) . (11.7)
2 2

Corrections quantiques à l’équation d’état des gaz parfaits classiques. À quels


effets pouvons-nous d’ores et déjà nous attendre ? Considérons par exemple l’équa-
tion d’état d’un gaz parfait quantique. Si les atomes sont des bosons, les corrélations
quantiques favorisent leur regroupement spatialement ou énergétiquement. Elles auront
donc pour effet de diminuer la pression, par rapport au gaz classique (figure 11.3). En
revanche, si les atomes sont des fermions, le postulat de symétrisation induit des anti-
corrélations produisant une répulsion effective entre les atomes (principe de Pauli), ce
qui augmente la pression du gaz comparativement au gaz parfait classique (figure 11.3).
Estimons ces corrections sur l’équation d’état dans l’exercice ci-dessous.

Exercice 11.2 Corrections quantiques à l’équation d’état


Nous considérons un gaz parfait pour lequel nous rappelons que  =  ∕Λ3 est la

fonction de partition à une particule où Λ = 22 ∕(  ). Nous nous plaçons
dans une limite haute température   ∗ de sorte que   1.
1/ À partir de (11.7), montrer que l’énergie libre de deux particules prend la forme
 B∕F( ,  , 2) =  MB ( ,  , 2) + Δpaire où  MB( ,  , 2) est la fonction de par-
tition de Maxwell-Boltzmann et Δpaire la correction quantique pour une paire de
particules.
2/ Dans la limite de basse densité,  =  ∕ → 0, l’énergie libre prend la forme
 B∕F( ,  , ) ≃  MB ( ,  , ) +   Δpaire avec   le nombre de paires possi-
bles dans le gaz. Après avoir explicité  , déterminer l’équation d’état sous la forme
 ≃   (1 + corrections) où le coefficient 2 qui contrôle la première correction
quantique est le second coefficient du viriel.

242
1 Particules indiscernables : fermions et bosons

ue
P

s iq
as
fermions

cl
?
bosons

n
n*

Figure 11.3 – Allure attendue pour les équations d’états des gaz parfaits quantiques. La
déviation à la loi 𝒑 = 𝒏𝒌𝑩 𝑻 est due aux corrélations quantiques.

1.4 Facteurs d’occupation et particules sans interaction


L’absence de formules simples pour la fonction de partition canonique des particules
sans interaction trouve son origine dans la contrainte de conservation du nombre de par-
ticules. Cette contrainte génère des difficultés inhérentes aux problèmes combinatoires,
de manière tout à fait analogue à celles produites par la contrainte sur l’énergie dans
l’ensemble microcanonique. Après avoir libéré la contrainte sur l’énergie en passant à
l’ensemble canonique, nous allons maintenant nous débarrasser de celle sur le nombre
de particules grâce au formalisme grand canonique.

Définition. Nous avons vu qu’il suffisait, pour caractériser un microétat de particules


indiscernables, de spécifier quelles étaient les occupations des états individuels. Ainsi,
nous introduisons pour chaque état , un facteur d’occupation, ou nombre d’occupa-
tion, noté  et qui donne le nombre de particules occupant cet état (voir la figure 11.2).
Dans ce point de vue, chaque microétat est déterminé par la seule donnée de l’ensemble
des nombres d’occupation

𝓁  { } (11.8)

Il est important de rappeler que l’indice  parcourt les états individuels et non les par-
ticules. Pour des bosons dont le nombre est fixé à  ,  peut prendre les valeurs de 0 à
 (situation canonique), et si ce nombre n’est pas fixé alors  = 0, 1, 2, … , ∞ (situa-
tion grand-canonique). Pour des fermions, le principe de Pauli impose  = 0 ou 1. Le
nombre total de particules dans un microétat 𝓁 ainsi décrit est donné par la formule


𝓁 =  , (11.9)


où la somme porte sur l’ensemble des états individuels et non sur les particules.

Enfin, en l’absence d’interactions entre particules, et nous ferons cette hypothèse
dans toute la suite, les   particules occupant l’état d’énergie  contribuent à hauteur

243
Chapitre 11 • Statistiques quantiques

de   à l’énergie totale 𝓁 du microétat 𝓁, si bien que



𝓁 =    . (11.10)

Remarque. En présence d’interaction, les états symétrisés ne sont plus états propres
de l’hamiltonien en général et il est nécessaire de connaître les énergies propres à 
particules. Cela dépasse le niveau du cours et ne sera pas abordé dans cet ouvrage.

Dénombrement à nombre de particules fixé. Nous avons besoin en physique statis-


tique d’effectuer la somme sur les microétats. Si le nombre total de particules  est
𝓁
fixé, cette somme multiple est contrainte, ce qui s’écrit
 
= . (11.11)
𝓁 { }

 =

Dans le calcul d’une fonction de partition, bien que le terme e− 𝓁 = e −  se
 
factorise, la contrainte  =  ne permet pas la factorisation de .

La solution grand canonique. La contrainte sur le nombre de particules peut être


levée en se plaçant dans l’ensemble grand canonique, et donc en fixant le potentiel chim-
ique . Reprenons l’exemple précédent de deux fermions dans deux états. Nous pouvons
mettre au plus  = 2 fermions dans le spectre de sorte que

2   

Ξ = e− e− (   + ) = e − ( −)  e− ( −) 
=0  =0,1;   =0,1  =0,1  =0,1
 + =
  
 
− ( −) − ( −)
= e e =   
  =0,1  =0,1

avec ∕ = e− (∕ −) = 1 + e − (∕ −) . Nous retiendrons que la grande fonction
=0,1
de partition se factorise en produit des grandes fonctions de partition sur les états indi-
viduels. Ce sont les états individuels qui peuvent être traités de façon indépendante dans
cet ensemble et non les particules.

2 Les statistiques de Fermi-Dirac


et Bose-Einstein
Nous allons maintenant voir que cette approche est générale : l’ensemble grand-
canonique va permettre d’exprimer toutes les propriétés thermodynamiques à l’aide

244
2 Les statistiques de Fermi-Dirac et Bose-Einstein

des nombres d’occupation moyens. À la limite thermodynamique, l’équivalence des


ensembles nous assure, a priori, que les lois thermodynamiques obtenues seront aussi
valables dans les situations microcanonique et canonique.

2.1 La factorisation de la grande fonction de partition


Nous nous plaçons donc dans l’ensemble grand-canonique à  et  fixés et adoptons
une description des microétats en termes de facteurs d’occupation en utilisant (11.8),
(11.9) et (11.10). Par définition,
 
  −     −     
− ( 𝓁−𝓁 ) −  ( −)
Ξ= e = e     
= e , (11.12)
𝓁 { }  
 
où nous avons utilisé que la somme = ⋯ est ici séparable. Autrement dit,
{ }  
1 2
nous pouvons factoriser la grande fonction de partition en produit de grandes fonctions
de partition associées à chacun des états individuels :

 
Ξ=  avec  = e− ( −) . (11.13)
 

La grande fonction de partition  contient toute l’information sur les propriétés statis-
tiques de l’état individuel . Encore une fois, ce sont les états individuels qui peuvent
être traités de façon indépendante et non les particules qui restent corrélées.  ne dépend
de l’état qu’à travers son énergie   qui est supposée connue.

Ce résultat est très important : il montre que l’écriture en terme des facteurs
d’occupation et le formalisme grand canonique fournissent le « bon langage »
pour passer très directement des propriétés à une particule (le spectre des états
individuels) à la description statistique du système macroscopique.

2.2 Les statistiques quantiques



D’après (11.8) et par linéarité de la moyenne, nous aurons  =  . Cherchons à

exprimer les  en fonction des données.

Facteurs d’occupation moyens. D’après (11.12) et (11.13), la probabilité { G


=
}
1 − ( {}− { } )
e pour occuper le microétat 𝓁 = {} se factorise selon {
G
=
}

Ξ
 ( ) avec
G

1 − ( −)
G
 () = e (11.14)


245
Chapitre 11 • Statistiques quantiques

Le nombre d’occupation moyen est finalement donné par l’équivalent de (6.59) selon

G 1 
 = ln   (11.15)
 

Statistique de Bose-Einstein. Appliquons (11.13) dans le cas des bosons dont le


nombre d’occupation prend les valeurs  = 0, 1 , 2, … , ∞. Nous avons :


1
 B = e− ( −) = (11.16)
=0 1− e − (−)


La somme est une série géométrique  , avec  = e − ( −) > 0, qui ne converge qu’à
=0
la condition que  < 1. Cela impose donc que  <  pour tout . Si nous introduisons
le fondamental d’énergie 0, le niveau le plus bas en énergie, alors la contrainte sur
le potentiel chimique est  < 0 . De (11.15) nous tirons :

1
 B = pour  < 0 (11.17)
e  ( −) −1
qui est appelée la distribution de Bose-Einstein. Nous verrons au chapitre 13 que la
contrainte sur  est essentielle pour expliquer l’apparition du phénomène de condensa-
tion de Bose-Einstein. Une autre façon de la mémoriser est de se souvenir que  B > 0,
puisque  ⩾ 0. En observant (11.17), cela n’est possible que si e ( −) > 1, pour tout .

Statistique de Fermi-Dirac. Pour les fermions, le principe de Pauli impose  = 0


ou 1. La sommation de la grande fonction de partition donne F = 1 + e− (  −), dont
on tire la distribution de Fermi-Dirac (sans contrainte sur  dans ce cas)

F 1
 = . (11.18)
e  ( −) +1

Limite diluée (classique). Nous voyons que les deux statistiques quantiques tendent
vers la même limite aux grandes énergies. En effet, s’il est possible d’avoir  (0− )  1
pour  donnée, en ajustant le potentiel chimique, nous aurons pour tous les états
B F
e− ( −)  1 si bien que  ≃  ≃ e− (−)  1. Dans ce cas, il n’y a plus de
différence entre les deux types de statistiques et le système est insensible aux effets du
postulat de symétrisation : c’est la limite classique, ou « diluée » en termes d’occupa-
tion des états. Cela correspond à l’approximation de Maxwell-Boltzmann. Il sera
commode d’introduire la notation

MB = e− ( −)  1 (11.19)

Les trois distributions sont représentées pour mêmes  et  sur la figure 11.4.

246
2 Les statistiques de Fermi-Dirac et Bose-Einstein

principe de Pauli

0
-6 -4 -2 0 2

Figure 11.4
Comparaison des distributions de Bose-Einstein et Fermi-Dirac avec la limite classique
de Maxwell-Boltzmann pour les mêmes température  et potentiel chimique .

Remarque sur les fluctuations. D’après (11.14) et (6.66), les fluctuations du nombre
d’occupation sont déterminées par
 2 B∕F
1  B∕F 1   e ( −)
Var( ) B∕F
= ln   = =  ( −) (11.20)
    (e  ∓ 1)2
Des manipulations élémentaires conduisent à l’expression intéressante

B∕F  B∕F
Var( )B∕F =   1 ±  (11.21)

Dans la limite classique (Maxwell-Boltzmann), la variance est égale à la valeur moyenne


Var( )MB =   MB , ce qui caractérise une distribution poissonienne attendue pour des
états indépendants (cf. l’étude de la distribution de Poisson au § 4 du chapitre 2). Le
résultat (11.21) illustre l’effet du postulat de symétrisation sur les fluctuations : pour des
bosons se regroupant plus favorablement dans un même état quantique, les fluctuations
sont augmentées par rapport au cas classique. En revanche, pour des fermions, les fluc-
tuations sont réduites par le principe de Pauli par rapport au cas poissonien et s’annulent
même lorsque  F → 1.

Exercice 11.3 Développement en fugacité


Montrer que l’on retrouve les relations (11.7) en insérant dans Ξ le développement
de la fonction de grand partition en puissances de la fugacité 

1 +  e− +  2 e −2 + (3 ) bosons



B∕F
 = (11.22)
1 +  e− fermions

247
Chapitre 11 • Statistiques quantiques

2.3 Fonctions thermodynamiques


Sommation sur les états individuels. Les grandeurs s’expriment directement en
fonction du spectre individuel {} : le grand potentiel  , le nombre moyen de par-
ticules  et l’énergie moyenne . Pour le grand potentiel, nous avons par définition
1 1  B∕F 1 B∕F
 B∕F = − ln ΞB∕F = − ln  = − ln   , soit
  
 

1
 B∕F = ± ln(1 ∓ e − (−) ) . (11.23)
 

Par linéarité de la moyenne statistique sur les expressions (11.9) et (11.10), nous avons :
B∕F  B∕F 
 = B∕F et  =   B∕F , (11.24)
 

où nous rappelons que  ∕ est une fonction de l’énergie individuelle.

Formulation à l’aide de la densité d’états individuels. Comme la dépendance en


 des formules ne l’est qu’au travers de l’énergie  , il est souvent très utile de passer
d’une somme sur les états à une somme sur les énergies. Regrouper les états par paquets
d’énergies voisines fait intervenir la densité d’états individuelle
  () étudiée dans la
partie 4 du chapitre 3. Formellement, en écrivant () =  ( −  ), nous aurons pour

une fonction  donnée la correspondance

 ∞

 0
 ( ) = d ()  () (11.25)

En particulier, pour le grand potentiel, il vient

 0
1
 B∕F = ± d () ln(1 ∓ e− (− ) ) , (11.26)

puis

∞ ∞

 0 0
B∕F B∕F B∕F
 = d ()  ( ) et  = d ()  B∕F () . (11.27)

Ces dernières relations sont incontournables en pratique. En effet, dans de nombreux


cas, comme nous l’avons vu au chapitre 3, la densité d’état est une fonction continue et
simple de  (typiquement une loi de puissance) qui se calcule facilement par l’approche
semiclassique. Nous sommes donc ramenés à un calcul d’intégrale qui se déroule mieux

248
2 Les statistiques de Fermi-Dirac et Bose-Einstein

qu’une somme discrète. Pour l’entropie, l’énergie libre, la capacité calorifique ou la


 G
pression, il est en général plus direct d’utiliser les formules G = − ,  =  +  

et  G = − ∕ .
Exercice 11.4 Une relation utile entre  et 
Montrer que sous l’hypothèse d’une densité d’états en loi de puissance () = −1
avec  une constante, nous avons la relation
1 B∕F
 B∕F = −  pour  () ∝ −1 . (11.28)

2.4 Du régime quantique au régime classique


Nous allons voir que l’approximation de Maxwell-Boltzmann conduit à la formule
semiclassique admise pour la fonction de partition de particules indiscernables, et
justifier en particulier l’origine précise du préfacteur 1∕!.

La limite diluée et l’approximation de Maxwell-Boltzmann. Reprenons la de-


scription des microétats de la figure 11.2 et le problème de comptage des microétats et
de celui de la fonction de partition canonique. Pour des
 particules discernables, la fonc-
tion de partition se factorise en  disc
= 
avec  = e− . Développons l’expression

en une somme multiple
   ! −   
 disc = ⋯ e−  1 e −2 ⋯ e − =  e .
1 

{ },   =    !

Dans la somme multiple à gauche,  est l’état occupé par la ie particule et les sommes
sont indépendantes. La formule de droite regroupe les contributions de même énergie
 !
totale  { } =   en utilisant les nombres d’occupation  . Les coefficients 
   !
3
sont appelés coefficients multinomiaux et leur expression se comprend en regardant
les diagrammes de la figure 11.2 : l’énergie totale est fixée par la donnée des { },
mais pour des particules discernables, plusieurs numérotations correspondent au même
{ }. En effet, si on permute les numéros des particules, cela ne change rien aux { } et
nous savons qu’il y a ! permutations possibles de  particules. Cependant, lorsque 
particules sont sur le même état, les  ! permutations de leurs numéros
 donnent le même
état et il ne faut pas les compter : nous divisons donc ! par  ! d’où la formule.

3. La formule du développement multinomial généralise à  termes celle du binôme de Newton :


 !  
(1 + 2 + ⋯ +  )  = 1 1 2 2 ⋯   (11.29)
 !
 1,2 ,…, 1 2
! ⋯  !

  =

249
Chapitre 11 • Statistiques quantiques

Prenons maintenant le cas des bosons. Il n’y a alors plus de numéros mais un seul
!
état possible par configuration des nombres d’occupation { }. Là où il y avait 
  !
microétats discernables, il n’en reste
 qu’un. Reprenons les formules ci-dessus en les cor-
 !
rigeant « à la main » par l’inverse  pour compter correctement les contributions.
!
Nous obtenons :

      ! − −
−  
B
 = e = ⋯ e  1e 2 ⋯ e −

{ },  =  
!
   1 

Cela donne un autre point de vue sur la non-factorisation de la fonction de partition


canonique : de la somme multiple contrainte à gauche, nous passons à des sommes in-
dépendantes à droite mais pour lesquelles le terme correcteur empêche la factorisation4 .
Elle indique également que le poids relatif des configurations avec occupation multi-
ple augmente pour les bosons. La dernière formule est toutefois fort utile dans la limite
diluée. Si les conditions de  et de  font que  1, cela signifie que les configurations
qui
 contribuent à la somme sont principalement celles avec   = 0, 1, pour lesquelles
 ! = 1, et que nous pouvons négliger les autres. Sous cette approximation, nous

retrouvons la factorisation avec un préfacteur 1∕! résiduel :

1   −  − − 


B ≃ ⋯ e 1e 2⋯e  = .
!  
!
1 

Le traitement des fermions se fait en notant que comme  = 0, 1, nous ne pouvons avoir
de configuration avec des occupations multiples. Pour ces configurations, le nombre de
configurations « numérotées » est exactement  !. Dans la somme multiple, il reste à
introduire un terme correcteur qui interdit que deux indices  et   soient identiques,
ou bien, de façon équivalente, à ce qu’il y ait des  > 1. Si nous introduisons une
fonction Pauli () telle que Pauli (0) = Pauli (1) = 1 et Pauli() = 0 sinon, nous pouvons
écrire

  Pauli () −  −
F −
 = e 1e 2 ⋯e .
 ,⋯, !
1 

Dans la limite diluée, les configurations pertinentes statistiquement seront celles telles
 
que  Pauli( ) = 1 et  F ≃ . En conclusion, nous avons justifié que dans

!
l’approximation de Maxwell-Boltzmann, B et  F convergent vers une même fonc-
tion de partition notée  MB et qui correspond à la règle heuristique du  ! présente

4. Il est bon d’expliciter ces formules non-triviales pour quelques particules sur deux niveaux.

250
2 Les statistiques de Fermi-Dirac et Bose-Einstein

dans les formules (3.27) ou (6.43) :


B ≃  F ≃  MB
 = si   1 ∀ (11.30)
!

Remarquons que ce résultat ne prend en compte l’effet du postulat de symétrisation qu’à


un niveau très grossier : le facteur  ! est une estimation du facteur de réduction de la
taille de l’espace de Hilbert symétrisé par rapport à celle de l’espace non-symétrisé, qui
ne prend pas en compte la différence entre bosons et fermions et donc les corrélations
quantiques.
Exercice 11.5 Autre démonstration de l’approximation de Maxwell-
Boltzmann


Rappelons l’écriture de Ξ(, ) =  (,  ) à l’aide la fugacité  = e .
=0
1/ Montrer que la connaissance de la fonction Ξ(, ) permet de retrouver (, ).
2/ Simplifier l’expression du grand potentiel  dans la limite diluée   1 en
l’exprimant en fonction de , la fonction de partition à une particule.
3/ Retrouver alors la forme attendue pour la fonction de partition à  particules .

Retour sur l’exemple du gaz parfait classique. Avec les résultats de la section a
du chapitre 6, le calcul semiclassique donne la relation suivante entre la densité et la
fugacité :
def
 = e ≃  Λ3 . (11.31)
D’autre part, la limite diluée (11.19) pour l’occupation des niveaux n’est possible avec
 ⩾ 0 que si e   1. Il y a donc équivalence entre le critère (11.3) et la validité de
l’approximation de Maxwell-Boltzmann :
BE FD MB
 ≃  ≃  ⇔ e   1 ⇔  Λ 3  1 . (11.32)

Pour en savoir plus :


• Sur le postulat de symétrisation : les livres classiques [11], [5] ou [35] (Chapitre 11).

251
Les points clés

1 Comprendre la formulation des 1


B = (avec la con-
microétats en termes de nom- e (−) − 1
dition  <  0) et de Fermi-Dirac
bre d’occupation. 1
F =  ( −) .
2 Savoir les formules exprimées e  +1
en termes des niveaux individu- 4 Savoir exprimer les grandeurs
els   thermodynamiques  ,  , etc,
→ La relation Ξ =   et la déf- à l’aide des distributions quan-
 
tiques. L’écriture 
du grand po-
inition   = e − ( −) .

tentiel  = −  ln  .

→ Le calcul de 
5 La limite classique est telle que
3 T RÈS IMPORTANT : Connaître les
les facteurs d’occupation sont
distributions de Bose-Einstein BE
très faibles  ≃   FD  1.
Dans ce cas, ils coïncident tous
MB
deux avec   = e − ( −) .

Les annexes
A Fermions de spin 1/2
Nous discutons ici le cas de deux fermions avec spin 1∕2 (cf. chapitre 11 de [35]). Il y a
deux états possibles pour le degré de liberté de spin  ↑  et  ↓ . Il est possible de choisir
la fonction d’onde sous la forme d’un produit  Ψ  =   orb     spin de deux fonctions
décrivant l’occupation des niveaux pour   orb et l’état de spin pour   spin . C’est la
fonction d’onde totale  Ψ  qui doit être antisymétrique : soit   orb est symétrique et
  spin est antisymétrique, c’est l’état singulet, de spin total tot = 0,
1   1  
 ,  singulet =   1 ∶ ; 2 ∶   +  1 ∶ ; 2 ∶      1 ∶↑; 2 ∶↓  −  1 ∶↓; 2 ∶↑ 
2 2
1   1  
=   ;   +  ;      ↑↓  −  ↓↑  ( tot
 = 0) (11.33)
2 2
où la seconde ligne est une écriture simplifiée. Soit   orb est antisymétrique et   spin
symétrique, c’est un des trois états triplets, de spin total tot = 1

 ↑↑  (tot = 1)
1    1  
 ,   triplet =   ;   −  ;      ↑↓  +  ↓↑  (tot = 0) (11.34)
2  2
 ↓↓  (tot = −1)

252
1 Fermions de spin 1/2

Pour des états orbitaux différents (  ), nous passons donc de 4×4 = 16 états possibles
pour des particules discernables à 4 seulement pour les fermions. Dans cette situation, il
est possible de mettre deux fermions dans le même état orbital, à condition qu’ils soient
dans un état singulet  tot = 0 pour satisfaire au principe de Pauli. Nous avons alors
1  
 ,  singulet =  ;      ↑↓  −  ↓↑  . (tot
 = 0) (11.35)
2
Il ne reste qu’un état possible là où il y en avait 4 pour des particules discernables.

Figure 11.5 – Les microétats possibles pour deux fermions de spins-𝟏∕𝟐.

La présence du spin joue sur le dénombrement des états quantiques. Si l’hamiltonien ne


dépend pas de l’état du spin, les niveaux d’énergie seront dégénérés d’un facteur 2 + 1
avec  le spin des particules. La formule (3.24) s’en trouve donc modifiée ainsi :
(2 + 1)  2 3∕2 
 ( ) =  . (11.36)
4 2 2
Pour des électrons avec un spin  = 1∕2, il y a donc un facteur 2 + 1 = 2 par rapport
au cas sans spin. En revanche, si les énergies dépendent de l’état de spin, un simple
préfacteur n’est pas suffisant, et il est plus commode de distinguer les deux états de spin
et d’introduire des densités d’états pour chaque espèce. Nous en verrons un exemple au
travers du paramagnétisme de Pauli dans le problème 12.2 page 272.

253
Entraînez-vous
Problème 11.1 Bosons (ou fermions) dans un puits harmonique 1D
L’objet du problème est d’étudier l’effet de l’indiscernabilité (i.e. du postulat de symétrisation
de la mécanique quantique) sur les propriétés thermodynamiques d’un système simple, pour
lequel un calcul exact de la fonction de partition canonique est possible. On considère 
particules se déplaçant sur une ligne et soumises à un potentiel de confinement harmonique :
 


21
= +  22 . (11.37)
=1
2 2

On rappelle que les états quantiques {  } d’une particule dans le puits harmonique sont
indicés par un entier naturel  ∈ ℕ. Le spectre des énergies est  =  ( + 1∕2).

A. Approximation de Maxwell-Boltzmann.– Calculer la fonction de partition des 


particules dans l’approximation de Maxwell-Boltzmann. La nature bosonique/fermionique
importe-t-elle ? Discuter la validité du résultat. Donner l’expression du potentiel chimique
MB ( , ).

B. Bosons.
1/ Décrire les états quantiques des  bosons de spin nul. Quelle différence y-a-t’il dans le
labelling des états quantiques entre le cas des bosons et des particules discernables ? Cal-
culer la fonction de partition bosons . Dans quelle limite retrouve-t-on le résultat classique de
la question A ? Identifier l’échelle de température, notée ∗ , qui délimite les deux régimes
(classique/quantique). Discuter l’origine physique de la dépendance de  ∗ en .
2/ Montrer que l’énergie libre est :

 
 
bosons ( , ) =  +   ln 1 − e −∕  . (11.38)
2 =1

Interpréter le premier terme.


3/ Écrire l’énergie moyenne du gaz de bosons sous la forme d’une somme. Analyser les com-
portements limites de l’énergie (on distinguera trois régimes de température délimités par
les deux échelles caractéristiques ∕ et  ∗). Déduire la capacité calorifique. [Indication :
utiliser une intégrale du formulaire page 299].
4/ Si  est traité comme une variable discrète, on définit le potentiel chimique canonique
def
comme ( , ) =  ( , )− ( ,  −1). Analyser les limites de haute et basse température.

C. Fermions.– Mêmes questions pour des fermions polarisés en spin (i.e . tous dans le même
état de spin). Montrer que les fonctions de partition des fermions et des bosons sont simple-
ment reliées selon fermions = bosons e− Δ0 , où Δ 0 est une constante dont on donnera
l’expression. Interpréter ce résultat.

254
Entraînez-vous

Problème 11.2 2𝐧𝐝 coefficient du viriel des gaz parfaits quantiques


Nous considérons un gaz parfait d’atomes de masse  et non relativistes, contenu dans un

0
volume  . On note () la densité d’états individuels et Φ() = d ′ ( ′ ) la densité d’états
intégrée. Dans un premier temps nous montrons que l’équation d’état du gaz parfait quantique
peut être mise sous la forme

0
 )2
d Φ() (
  
=1± ∞ (11.39)

0
d Φ()  ()

où le signe supérieur (resp. inférieur) correspond aux bosons (resp. aux fermions).
1/ Exprimer le grand potentiel pour des bosons ou des fermions, noté  B∕F, comme une in-
tégrale faisant intervenir Φ() et l’occupation moyenne  (). (Indication : partir de l’équation
(11.26) du cours). Justifier rapidement que la pression G est simplement proportionnelle au
grand potentiel. Donner la relation précise.

2/ En utilisant ′ () = −  ()[1 ± () (+ pour les bosons et − pour les fermions), déduire
G
une représentation intégrale de  faisant intervenir Φ() et ().
G
3/ Jusqu’à la fin du problème, on se place à la limite thermodynamique, i.e.  →  ,  G →
, etc. et on note la densité moyenne  =  ∕ . Déduire (11.39) des questions précédentes.
4/ Second coefficient du viriel.– Afin de décrire l’écart à l’équation d’état du gaz parfait
classique, on présente l’équation d’état comme un développement en puissances de la densité

(développement du viriel) =  + 2 ( ) 2 + 3 ( )  3 + ⋯. C’est un développement
 
utile dans la limite diluée. Nous allons nous limiter à l’étude du second coefficient du viriel,
i.e. 2 ( ).
a) Calculer explicitement Φ() (on oubliera la dégénérescence de spin pour simplifier)
b) Gaz parfait classique.– Dans la limite classique, justifier que  () →  MB () = e − (− ).
G
Calculer explicitement  =  en fonction de  ,  et  dans cette limite. Montrer que la
fugacité est donnée par
def
 = e =  Λ3 (classique) (11.40)

où Λ est la longueur thermique de de Broglie, dont on retrouvera l’expression.


c) En remplaçant  () → MB () dans (11.39), identifier le premier terme du développement
de la pression en puissances de la fugacité 

∕(  ) = 1 +   + ( 2 ) . (11.41)

Donner la valeur de la constante  (pour les bosons et les fermions).

255
Chapitre 11 • Statistiques quantiques

d) Dans la limite diluée, on peut remplacer la fugacité dans le développement (11.41) par
l’expression classique (11.40). Déduire l’expression du second coefficient du viriel 2 ( ) en
fonction de Λ .

Température ( K )
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10
0

B2 (T ) ( litre/mol. ) −0.5

−1.0

−1.5

−2.0

−2.5

Figure 11.6
Second coefficient du viriel de l’Hélium-4 pour des températures intermédiaires 1 K <
 < 10 K. Données tirées de l’article : R. D. McCarty, J. Phys. Chem. Ref. Data 2, p. 923
(1973).

e) Justifier physiquement le signe de 2 ( ), puis le comportement de 2( ) lorsque  croît.


Le second coefficient du viriel a été mesuré expérimentalement pour un gaz d’Hélium-4.
Comparer vos résultats avec la courbe expérimentale de la figure.

256
Chapitre 12
Fermions

Explorer les effets du principe de Pauli 1 Introduction


sur les propiétés thermodynamiques 2 Gaz parfait de fermions libres
Étudier les propriétés thermodynamiques dégénéré à  = 0
des électrons d’un métal 3 Comportement à basse
température

Nous étudions dans ce chapitre les effets du postulat de symétrisation (i.e. du principe
de Pauli) sur la thermodynamique d’un gaz parfait de fermions libres. C’est un premier
exemple d’application des résultats du chapitre 11.

1 Introduction
1.1 La distribution de Fermi-Dirac
Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, les quantités thermodynamiques sont
gouvernées par l’occupation moyenne des états individuels qui est pour les fermions
caractérisée par la distribution de Fermi-Dirac :

F 1
 () = . (12.1)
e (−) +1

Celle-ci est représentée en fonction de l’énergie sur la figure 12.1 dans différents régimes
de température pour un potentiel chimique  donné. Dans la limite de température nulle
( → ∞), l’exponentielle du dénominateur va soit s’annuler lorsque  < , ce qui
donne F () → 1, soit diverger lorsque  > , ce qui donne F() → 0 (on notera que
F () = 1∕2 quelle que soit la température). La courbe est en forme de marche, ce qui
F
s’écrit  () =  H( − ). Lorsque    , le saut de la marche s’élargit sur une
échelle typique donnée par   mais la fonction tend toujours rapidement vers 1 et 0
lorsqu’on s’éloigne de . Enfin, rappelons que dans la limite classique   , on a
F ()  1 .

1.2 Contexte physique


Une question est de comprendre comment les corrélations quantiques liées à l’indis-
cernabilité, ici le principe de Pauli, modifient la théorie semiclassique du gaz parfait

257
Chapitre 12 • Fermions

0.5

0
0 1 2 3 4

Figure 12.1– Distribution de Fermi-Dirac. À 𝝁 donné pour 𝑻 = 𝟎 et 𝒌 𝑩 𝑻 ≪ 𝝁.

étudiée au chapitre 8. L’étude théorique du gaz parfait de fermions telle que présentée
dans ce chapitre remonte au principe de Pauli de 1925, à l’établissement de la loi (12.1)
par Fermi et Dirac en 1926 puis aux développements à basse température de Sommer-
feld en 1928. La réalisation expérimentale la plus naturelle d’un gaz parfait de fermions
correspond à un gaz d’atomes fermioniques neutres : on doit considérer l’atome le plus
léger possible pour maximiser l’effet des corrélations quantiques. Le meilleur candidat
est l’3He (noyau composé de deux protons et un neutron, donc un fermion), cependant
l’hélium se liquéfie dans les conditions standard, à une température comparable à celle
de l’apparition des effets quantiques (∗ ≃ 1 K). Cette situation idéale du gaz parfait de
Fermi dégénéré n’a été réalisée expérimentalement qu’en 1999, et avec des atomes de
Potassium 40 K, beaucoup plus lourds (∗ ≃ 10 −7 K) mais pour lesquels des techniques
de refroidissement très efficaces ont pu être développées.
Pour autant, l’étude du gaz de fermions dégénéré a connu un grand succès dès son
avènement, pour des situations où son applicabilité est moins directe. Dès 1926, dans
le domaine de l’astrophysique, la stabilité des naines blanches (qui correspond à la fin
de vie de certaines étoiles) fut expliquée grâce à la pression quantique résiduelle que
nous allons expliquer. Un peu plus tard, la stabilité des étoiles à neutrons est interprétée
par l’inhibition de la désintégration des neutrons par le principe de Pauli. Aujourd’hui,
d’autres états de type plasmas chargés comme ceux créés par des lasers intenses ex-
plorent les effets quantiques. Cependant, c’est dans le domaine de la matière condensée,
qui étudie la physique des solides et des liquides, que son utilisation est la plus répandue.
Tout d’abord, la physique de l’Hélium 3 dans les états fluide, superfluide ou solide se
situe dans un régime dominé par les corrélations quantiques. Ce problème fondamental
a suscité de nombreux travaux expérimentaux et théoriques, mais aussi des applica-
tions pratiques importantes : par exemple, une particularité du diagramme de phase de
l’Hélium 3 (la remontée de la ligne d’équilibre liquide-solide en allant vers les basses
températures, appelée effet Pomeranchuk) est utilisée dans les cryostats pour atteindre
de très basses températures (∼ 10 mK). Surtout, c’est le comportement des électrons
dans les cristaux qui a vu le plus d’applications, car ce sont des particules si légères
qu’elles sont profondément dans le régime quantique même à température ambiante.
Les électrons sont responsables des propriétés de conduction électrique (et en partie des

258
1 Introduction

propriétés de conduction thermique, avec les phonons) et à ce titre jouent un rôle central
dans les applications de la vie courante (électronique, capteurs, transport électrique et
conversion d’énergie,. . . ). Sans pour autant oublier les autres domaines, nous centrerons
donc ce chapitre sur l’étude des électrons dans un métal.

1.3 Les électrons d’un métal


Rappelons quelques éléments introduits au § 2.1 du chapitre 9 : un cristal métallique
est formé d’atomes dont la cohésion est assurée par des liaisons chimiques correspon-
dant à la mise en commun d’une partie des électrons. Les ions ayant une masse beaucoup
plus importante que les électrons impliqués dans la liaison chimique, il y a un décou-
plage entre les dynamiques des ions (« lents ») et des électrons (« rapides ») qui permet
d’écrire (9.10). Après avoir analysé la thermodynamique des vibrations du cristal au
chapitre 9, nous nous focalisons maintenant sur les propriétés thermodynamiques des
électrons, les ions étant supposés immobiles. Nous allons décrire les électrons comme un
gaz parfait et négliger deux ingrédients qui pourraient sembler importants : le potentiel
cristallin et l’interaction coulombienne. Nous justifions maintenant cette approximation.

a) États individuels dans un potentiel périodique

Un ingrédient important pour l’analyse grand canonique est la densité des états individu-
els, que nous notons  (). Dans un cristal, il convient donc d’étudier les valeurs propres
de l’énergie pour une particule soumise à un potentiel périodique. Nous devrions en
2
principe déterminer le spectre des énergies de l’hamiltonien  = − Δ + ions()
2
où le potentiel a la périodicité de la structure cristalline. Le problème est extrêmement
riche et pourrait donner matière à des discussions avancées dans le cadre d’un cours de
physique des solides [2, 19]. Fort heureusement, tous les détails microscopiques seront
« gommés », dans le sens où ils n’affectent que marginalement les propriétés thermo-
dynamiques du gaz d’électrons, pour des raisons que nous allons maintenant exposer et
qui reposent sur la structure de la distribution de Fermi-Dirac (figure 12.1).
À ce stade, il est inutile de connaître tous les détails des propriétés spectrales pour
un potentiel périodique, et il nous suffit de retenir les résultats déduits de l’observa-
tion suivante : l’hamiltonien est invariant sous les translations du réseau cristallin de
vecteurs  =   +   +  , ∀ (, , ) ∈ ℤ3 . Il commute donc avec les opérateurs
 dont les valeurs propres prennent la forme e⋅  , avec  un vecteur
de translations  ( )
d’onde dont les valeurs permises sont restreintes à une région appelée zone de Brillouin.
Comme  et les  ()  commutent, ils sont diagonalisables simultanément (théorème de
Bloch, cf. chapitre 6 de [35]). Il s’ensuit que les états stationnaires sont étendus (délocal-
isés) à l’échelle du cristal. Le spectre en énergie présente typiquement une succession
de bandes en énergies ( ), où  indice la bande, dont un exemple est représenté sur la

259
Chapitre 12 • Fermions

Silicium Aluminium

gap

-10 -5 0

Figure 12.2
À gauche : diagramme de bandes du Silicium (semi-conducteur), l’abscisse correspond
à un parcours selon une ligne brisée dans l’espace des , densité d’états () correspon-
dante, un gap sépare les deux bandes (  est le niveau de Fermi, tel que  =   à  = 0).
À droite : la densité d’états de la bande de conduction de l’Aluminium (métal) est proche
de celle d’un gaz parfait (données tirées de [19]).

figure 12.2 pour le Silicium. Les bandes sont des domaines continus d’énergies accessi-
bles séparés par des gaps, i.e. des domaines en énergie vides d’états. Un point essentiel
est que l’échelle d’énergie de la largeur des bandes est celle des niveaux électroniques
de l’atome isolé, à savoir l’électron-Volt. Or, nous notons qu’à température ambiante
    1 eV ≃ 12 000 K.
La structure de la distribution de Fermi-Dirac (figure 12.1) est à l’origine d’une sim-
plification drastique : elle montre que tant que     (et ici  ∼ eV), seuls les
états dans un voisinage du potentiel chimique  (à distance au plus ∼  ) participent
à l’excitation thermique du système. Les autres électrons, à des énergies    −   ,
sont gelés à cause du principe de Pauli et ne participent pas aux propriétés thermo-
dynamiques. Par conséquent, seules importent des propriétés locales du spectre à une
particule, dans le voisinage de  ∼  (figure 12.3). Cette observation importante nous
autorise à remplacer le problème (compliqué) d’un électron dans un potentiel périodique
par le problème (simple) d’un électron libre.
kBT kB T
simplification

électrons gelés
μ électrons électrons gelés
μ
excités
Cristal Problème libre

Figure 12.3 – Simplification de l’information spectrale.


Seuls les électrons occupant des états d’énergies voisines de  sont excités
thermiquement.

260
2 Gaz parfait de fermions libres dégénéré à  = 0

b) Le rôle des interactions électroniques

La deuxième question que nous soulevons est celle du rôle des interactions entre élec-
trons, particules chargées et interagissant dans le vide via l’interaction coulombienne,
répulsive et de portée infinie :  () = 2 ∕ où 2 = 2∕(4 0). La même force (mais
attractive) lie l’électron aux atomes si bien qu’en ordre de grandeur, elle est également
de l’ordre de l’eV et ne peut être traitée perturbativement. En présence des ions cepen-
dant, un mécanisme d’écrantage va rendre l’interaction à trés courte portée. Imaginons
qu’une charge  soit introduite dans un métal, le gaz d’électrons réajuste alors sa den-
sité localement sur une longueur typique 𝓁ecr, appelée longueur d’écrantage, de sorte
que les charges positives et négatives neutralisent l’excès de charge, assurant l’électro-
neutralité. Par conséquent, à grande distance la charge globale est nulle et le potentiel
électrostatique créé par cette distribution de charge décroît extrêmement rapidement :
eff () = ( 2 ∕) e−∕𝓁 ecr . Autrement dit, l’interaction effective entre charges est à courte
portée (dans l’Argent, 𝓁ecr  1 Å), ce qui explique que les interactions sont, en général,
effectivement faibles et peuvent légitimement être négligées.

c) Conclusion : le modèle des électrons libres

Finalement, le seul paramètre microscopique pertinent en première approximation reste


la masse des électrons. En raison de la structure de bandes, pour lesquels la vitesse
   (),
des électrons est donnée par ,  = ∇  et des interactions, celle-ci n’est pas tout

à fait égale à la masse d’un électron dans le vide. On parle de sa masse effective et
on la notera simplement . Sous ces approximations, raisonnables pour la plupart des
semiconducteurs et les métaux mais mis en défaut dans quelques cas intéressants, nous
considérons que les électrons participant à la thermodynamique forment un gaz parfait
de fermions de masse  et de spin  = 1∕2 dans une boîte (le volume du métal). D’après
(11.36), la densité d’états est :
  
def 1 2 3∕2
() =    avec  = (12.2)
22 2
où l’origine des énergies est choisie à 0 = 0 (cf. figure 12.3) .

2 Gaz parfait de fermions libres dégénéré à


 =0
2.1 Formules grand canoniques
Nous nous plaçons à  = 0 et ,  fixés. Le fait que la distribution de Fermi est alors
une fonction de Heaviside (figure 12.1) simplifie grandement les calculs de (11.27) :

0
G 2
 (0, ,  ) = d () =   3∕2 (12.3)
3

261
Chapitre 12 • Fermions

et

0
G 2 3 G
 (0, ,  ) = d ()  =   5∕2 =  (0, ,  )  . (12.4)
5 5

2.2 Interprétation canonique


a) Énergie de Fermi

Nous avons remarqué qu’à température nulle, les fluctuations disparaissent (le gaz
fermionique est dans son état fondamental) puisque Var( ) =  F (1 −  F ) = 0 si
G
 F = 0 ou 1 donne Var()G = 0. Il n’y a donc pas de distinction entre  ou  .
Nous pouvons inverser les formules grand canoniques afin d’obtenir des informations
canoniques, i.e. exprimer les grandeurs en fonction de  et  plutôt que  et  . Nous
déduisons de (12.3) une expression du potentiel chimique (canonique, donc)

def 2
 C (0, ) =  , où  = (3 2) 2∕3 (12.5)
2
est une échelle d’énergie caractéristique du problème à  et  fixés, appelée l’énergie
de Fermi ; elle est uniquement fonction de la densité moyenne  =  ∕  , et de con-
stantes microscopiques. Du point de vue des propriétés thermodynamiques, elle est
def
donc la limite de température nulle du potentiel chimique canonique  = lim  ( , )
 →0
Il est utile pour la suite de définir une échelle de température associée, la température
de Fermi, qui jouera un rôle dans les développements ultérieurs :

def 2
   =   = (3 2)2∕3 (12.6)
2

Nous avons ainsi obtenu une température caractéristique qui coïncide précisément, à
un facteur numérique près, avec la température caractéristique ∗ séparant les régimes
classique et quantique introduite au paragraphe 1.1 du chapitre 11 :

1
 = (32) 2∕3 ∗ (frontière classique/quantique). (12.7)
2

Notons finalement que la saturation du potentiel chimique à température nulle reflète


l’effet du principe de Pauli : à  = 0 les fermions s’empilent dans les états quantiques
jusqu’au niveau d’énergie égal à  (figure 12.1). Le spectre libre est extrêmement
dense, cependant s’il est rempli par un nombre macroscopique de fermions, l’énergie 
est « grande », typiquement quelques eV dans les métaux à température nulle. Les anti-
corrélations quantiques imposées par le postulat de symétrisation forcent les électrons
à occuper des états individuels de grande énergie.

262
2 Gaz parfait de fermions libres dégénéré à  = 0

De même, l’énergie peut être exprimée en fonction de  et  (on utilise l’équivalence


G C
des ensembles à la limite thermodynamique (0,  ,  ) =  (0, ,  ) =  0) :

3
0 =  (12.8)
5 
désigne l’énergie fondamentale du gaz de  fermions. À température nulle, l’énergie
fondamentale du gaz de fermions sature à une valeur « importante » du fait du principe de
Pauli (figure 12.6). Nous donnons plus bas deux illustrations (avec ordres de grandeur)
afin d’insister sur ce point.

b) Pression quantique à  = 0

Nous pouvons relier l’énergie au grand potentiel grâce à (11.28) où  = 3∕2 pour les
G
fermions libres : (0, ,  ) = − 23  (0, ,  ). En utilisant de plus que  = −G  , nous
def 2 G 2 G
obtenons la pression 0 = G (0, ) = 3  (0, ,  ) = 5
 (0, ,  ) , que nous
pouvons réécrire comme une fonction de la densité

2 1 2
 0 =  = (3 2 )2∕3  5∕3 (12.9)
5 5 

Afin de bien apprécier ce que la saturation de la pression à température nulle a de re-


marquable, il convient de rappeler la situation classique : dans un gaz « classique », en
abaissant la température les particules voient leurs énergies cinétiques, et leurs impul-
sions, diminuer. Les transferts d’impulsion du gaz vers les parois du récipient deviennent
de plus en plus faibles, la pression diminue. Si  → 0 la pression s’annule proportion-
nellement  ∝  → 0. Pour les fermions, le principe de Pauli interdit l’occupation
multiple des états de basse énergie. Ils sont forcés d’occuper des états individuels d’én-
ergie typique  , caractérisés par une grande impulsion. Ils exercent donc collectivement
une force sur les parois du système. Bien que les excitations thermiques disparaissent
lorsque  → 0, la pression sature au lieu de s’annuler.

2.3 Applications et ordres de grandeur


a) Métaux

Dans un bon métal (Cu, Ag, etc) la densité typique d’électrons de conduction est
 ≃ 6 × 1028 m−3 (pour Ag), ce qui conduit à une énergie de Fermi importante,
 ≃ 4.8 eV. Par exemple si nous calculons la vitesse de Fermi associée à cette énergie,
1
donnée par  = 2 , nous obtenons   ≃ 1.2 × 10 6 m/s (la vitesse des électrons
2
de conduction dans l’argent). Enfin nous constatons que la température de Fermi est
énorme comparativement à la température ambiante :  ≃ 56 000 K ! On trouve une
pression 0 ≃ 1.8 × 10 10 Pa = 180 kbar.

263
Chapitre 12 • Fermions

b) Naines blanches

La pression quantique du gaz dégénéré est très importante. En particulier c’est la


pression du gaz d’électrons qui fournit le mécanisme de stabilisation s’opposant à
l’effondrement gravitationnel dans les étoiles de type « naines blanches ».
Les ordres de grandeurs typiques sont :1 une masse typique  ∼ 1030 kg (de l’ordre
de la masse du soleil  = 2 × 1030 kg) et un rayon typique  ∼ 10 000 km (de l’ordre
du rayon terrestre ♁ = 6400 km).
La masse est essentiellement celle de la matière hadronique (protons et neutrons),
le nombre d’électrons  ∼  ∕ proton ∼ 1057, ce qui donne une densité d’électrons
 ∼ 1036 m−3 . Nous obtenons  ∼ 105 eV (<   2 = 511 keV) et   ∼ 10 9 K, bien
supérieure à la température de cœur de l’étoile, estimée à cœur ∼ 107 K (température de
fusion de l’hydrogène) ; le gaz d’électrons peut donc être considéré quasiment comme
un gaz à température nulle ! Sa pression est de l’ordre de 0 ∼ 10 22 Pa = 1017 bar.

3 Comportement à basse température

3.1 Développements de Sommerfeld


a) Rappel des formules grand canoniques

Il sera commode pour la suite d’introduire la notation


def 1
 F =  ( −  ;  ) où  (;  ) = (12.10)
1 e +
est la fonction de Fermi, centrée sur l’énergie nulle. Nous pouvons écrire les diverses
quantités importantes :

0
G
 ( , ,  ) = d ()  ( −  ;  ) (12.11)

0
G
 ( , ,  ) = d ()   ( −  ;  ) (12.12)
∞  
 0
1
 ( , ,  ) = − G( , )  = − d () ln 1 + e− (− ) . (12.13)

b) Stratégie de l’analyse

Expérimentalement, les mesures de grandeurs thermodynamiques sont en général effec-


tuées dans une situation où le nombre  d’électrons est fixé (situation canonique). Les
calculs théoriques doivent exprimer dans ce cas les quantités physiques en fonction de

1. Sur l’article wikipedia, on trouve que les naines blanches observées sont dans les bornes :
0.17  <  < 1.33  où   = 2×1030 kg et 0.008   <  < 0.02   où  = 700 000km.

264
3 Comportement à basse température

 plutôt que . Par exemple, pour la capacité calorifique, on aura


   ( ,  ,  )  ( , ,  )   

C G
def 
 = = = (12.14)
  ,     ,
Le principe de la méthode permettant d’obtenir les informations canoniques est :
G G
() Nous développons les formules grand canoniques  ( , ,  ) et  ( , ,  ) dans
la limite     qui va correspondre à    .
() Les fluctuations relatives sont négligeables à la limite thermodynamique. On peut
G
considérer la formule grand canonique  =  ( , ,  ) comme une relation en-
tre  =  ∕ ,  et . Nous pouvons ainsi inverser cette relation afin d’obtenir
l’expression du potentiel chimique canonique C ( ,  ∕ ).
() À la limite thermodynamique, l’équivalence des ensembles permet d’obtenir l’én-
C
ergie comme fonction de  ,  et , i.e. l’énergie moyenne canonique  ( ,  ,  ) =
G
 ( , C ( ,  ∕ ),  ).

c) Formules de Sommerfeld

Les différentes grandeurs physiques exprimées dans l’ensemble grand canonique sont
de la forme

0
Φ( , ,  ) = d ()  ( −  ;  ) (12.15)

où () est une fonction régulière de l’énergie, cf. (12.11, 12.12, 12.13). Les développe-
ments de basse température sont effectués à l’aide de la formule2

 () ( ) 4 + ( 6)


∞ 
2 ′ 7 4 ′′′
 
d ()  ( − ;  ) = d ()+  () (  )2 +
6 360
(12.17)
Démonstration : On considère

0
def
Φ( , ,  ) = Φ( , ,  ) − Φ(0, ,  ) = d ()  ( −  ;  ) (12.18)

def
où  (;  ) =  (;  ) − H(−) est une fonction concentrée autour de  = 0 et
décroissant exponentiellement vite sur une échelle   (cf. figure 12.4). On utilise le
découplage entre échelles, i.e. que  (;  ) décroît « rapidement » (sur l’échelle   )

2. Cette formule correspond au développement de la fonction de Fermi-Dirac, en puissances de sa


largeur   . Un tel développement s’exprime à l’aide de distributions :

(  )4  ′′′ ( − ) + ( 6) .


1 2 74
= H ( − ) − (   )2  ′( − ) − (12.16)
e (−) +1 6 360


La relation avec (12.17) est assurée par d () ()  () = (−1)  ()(0).

265
Chapitre 12 • Fermions

0.5

-0.5
0 1 2 3 4

Figure 12.4 – Développement de Sommerfeld. Comportement typique des fonctions.

alors que () varie « lentement », ce qui permet de remplacer cette dernière par son
développement de Taylor au voisinage de  =  :
∞  
2 ′′
 −
Φ( , ,  ) = ′
d ( ) +   () +  () + ⋯  (;  ) . (12.19)
2!

En remplaçant la borne inférieure par −∞ (i.e. en négligeant des corrections d’ordre


e− ) et en utilisant la symétrie  (−;  ) = − (;  ), on fait apparaître les intégrales


0
def
 = d (12.20)
e + 1

qui peuvent être déduites de (A.12) ; les premières sont 1 =  2 ∕12,  3 = 7 4∕120.

3.2 Comportement des grandeurs thermodynamiques


a) Potentiel chimique

Nous appliquons (12.17) à l’expression du nombre de particules :


  2 
+  ( 4 )
G 2 2  
 ( , ,  ) =   3∕2 1+ (12.21)
3 8 

À  fixé, le nombre moyen de fermions est une fonction croissante de la température,


ce qui est lié au fait que () est une fonction croissante. Autrement dit, les états vidés
sous  sont moins nombreux que ceux occupés au-dessus de .
Nous souhaitons interpréter ce résultat à la limite thermodynamique comme une
relation entre  ∕ ,  et . Nous en déduisons que le potentiel chimique décroît
lorsque  croît, à  fixé. Explicitement, nous pouvons caractériser cet effet en inver-
sant la relationentre  ∕ et . Pour cela
 nous proposons la forme du développement
 ( , ) =  1 + ( ∕  ) + ( ) , où  est un nombre sans dimension, que nous
C 2 4

266
3 Comportement à basse température

G
obtenons en injectant ce développement dans l’expression de  ( , ,  ) :
G 
 =  ( ,  C ( , ),  )

  2 3∕2   2 
  2 
2 3∕2
=    1 +  +⋯ 1+ +⋯ (12.22)
3  8 


=
3 2
 2
1+( +  ) 
+⋯=1
2 8 

d’où  = −2∕12. Finalement


  2 
+  ( 4 )
2 

 C ( , ) =  1− pour    . (12.23)
12 

On peut rappeler la forme obtenue à haute température au chapitre 6 dans l’approxima-


tion de Maxwell-Boltzmann, en posant  = 4 ∕(62 )2∕3 :
3  
C ( , ) ≃   ln(Λ3 ∕2spin) =   ln   ∕ pour    , (12.24)
2

1.0

0.5

0.0

- 0.5
M
- 1.0 ax
we
ll-
- 1.5 Bo
ltz
- 2.0 ma
nn
- 2.5
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0

Figure 12.5 – Potentiel chimique du gaz parfait de fermions libres.

b) Énergie et capacité calorifique

Nous développons (12.12) à l’aide de (12.17)


  2 
+  ( 4 )
G 2 5 2  
 ( , ,  ) =   5∕2 1 + (12.25)
5 8 

Nous injectons (12.23) dans cette expression afin d’obtenir le développement de l’én-
C G
ergie canonique  ( ,  ,  ) =  ( ,  C( ,  ∕ ),  ) :
  2 
+  ( 4 )
C 5 2 
3
 ( ,  ,  ) =  1 + pour    . (12.26)
5 12 

267
Chapitre 12 • Fermions

Cette expression peut être comparée avec le résultat (classique) de haute température
C 3
 ≃   pour    . On peut maintenant simplement dériver l’énergie
2
moyenne canonique par rapport à la température pour obtenir la capacité calorifique :3

+ ( 3)
2 
 =  (12.28)
2 

Par rapport à la capacité calorifique d’un gaz parfait classique, class


 ∼ , la ca-

pacité calorifique du gaz dégénéré de fermions est réduite d’un facteur  , qui peut

être très petit en pratique (par exemple, ∼ = 1∕200 dans l’argent à tempéra-
300
60 000
ture ambiante). Ce comportement linéaire  ∼  est caractéristique des métaux et
trouve son origine dans le blocage de Pauli : à cause du principe de Pauli, seuls les
fermions d’énergies voisines de  , à  près, peuvent être excités, i.e. une très pe-
tite fraction des particules. Ces fermions gagnent individuellement typiquement  
par rapport à la situation de température nulle. Le nombre de fermions excités étant
typiquement excites ∼ ( )  , l’énergie du gaz dépend de la température comme
 ( ) −  (0) ∼ excites   ∼ ( )(  )2. En se rappelant que  ∼ (  )  nous

retrouvons bien  ∼   .

Ce résultat est important : il établit une connexion directe entre blocage de Pauli et
comportement linéaire de la capacité calorifique. Nous pouvons garder en mémoire que
le comportement  ∝  est caractéristique de l’énergie électronique d’un métal : un
gaz de fermions libres caractérisé par un spectre d’excitation sans gap, i.e. une densité
d’états finie au niveau de Fermi.

e
qu
ssi
cla

principe
de Pauli

0 température T 0 température T

Figure 12.6 – Allures schématiques de l’énergie moyenne et de la capacité calorifique


d’un gaz de fermions.

G

3. Pour bien apprécier le calcul précédent, on peut comparer la capacité calorifique à . Nous

dérivons (12.25) par rapport à la température et écrivons le résultat en fonction de  et  :

 
G
5 2  
2
 2 32  2 
=   5∕2 + (  3
) =     =   . (12.27)
 5 4 2 4  2 
 
 +( 2 )
3
 +  ( 3 )
5 2 
 2

268
3 Comportement à basse température

c) Entropie

On peut très facilement obtenir l’entropie canonique en utilisant la formule vue dans
 C
la chapitre 6 :  =  . Puisque  ∝  on a donc  ≃  C (seuls les termes

linéaires en  des deux quantités coïncident) :

+  ( 3 )
2 
 C ( ,  ,  ) =  (12.29)
2 
ce qui respecte le théorème de Nernst,  ( → 0) = 0, (contrairement à la formule de
Sackur-Tétrode pour l’entropie du gaz classique).

d) Pression et équation d’état

On souhaite analyser l’équation d’état du gaz dégénéré, et en particulier comment elle


s’éloigne du résultat classique  ≃   , que l’on doit retrouver dans la limite diluée
(haute température/basse densité)    .
L’équation (11.28) nous permet d’établir directement un lien entre l’énergie et la
1 2 G
pression :  G = −  =  . On obtient finalement le développement de basse
 3
température de la pression :
  2 
+  ( 4 )
2 2 
1  5
 = (3 2)2∕3  5∕3 1 + (12.30)
5  12  

0

Pour     , la pression sature à une valeur finie  → 0 (alors qu’elle s’annule avec
 pour le gaz parfait classique).
Puisque  ∝ 2∕3 , le développement (12.30)
 est aussi un développement
 valable
dans la limite de haute densité  = (⋯) 1 + (⋯) 
5∕3 2 −4∕3
+ ⋯ , ce qui montre que
l’isotherme présente une divergence à haute densité,  ∝  , plus forte que dans le cas
5∕3

classique  ∝ , nouvelle manifestation du principe de Pauli.

p p n 5/3
li
Pau
ue
siq
las
C
ue
n 5/3

siq

T’<T
as

T
Pauli

Cl
p0

T n=N/V
−3 −3
TF Λ T’ Λ T

Figure 12.7 – Pression d’un gaz de fermions (allures schématiques).


À gauche en fonction de la température (à  fixée). À droite : deux isothermes.

269
Les points clés

1 Importance du principe de Pauli 2 Les propriétés du gaz de Fermi


sur les propriétés thermody- à  = 0.
namiques (effet du blocage de
3 Le principe des développe-
Pauli).
ments de Sommerfeld.

270
Entraînez-vous
Problème 12.1 Métal (électrons piégés à une hétérojonction
GaAs/GaAlAs) et semimétal (graphène) en 2D
L’objet du problème est de comparer les propriétés thermodynamiques de deux systèmes bidi-
mensionnels importants en matière condensée : le gaz d’électrons 2D piégé à l’interface entre
deux semi-conducteurs et la feuille de graphène.
A. Hétérojonction GaAs/GaAlAs1− .– La technique de déposition par évaporation atom-
ique dans une chambre à vide permet de faire croître des structures cristallines couche
atomique par couche atomique et fabriquer des interfaces extrêmement régulières entre
matériaux de différentes natures. En réalisant ainsi une interface GaAs/GaAl As 1−, deux
semi-conducteurs du type III-V ayant des gaps différents, on produit un puits de potentiel à
l’interface qui peut piéger des électrons dans le plan de l’interface. À suffisamment basse tem-
pérature, le degré de liberté dans la direction transverse à l’interface est complètement gelé et
on dispose d’un gaz électronique bidimensionnel extrêmement pur.4 L’hamiltonien d’un élec-
tron piégé à l’interface est  = 2 ∕(2∗) où  = ( ,   ) est dans le plan et ∗ une masse
effective (∗ = 0.067   pour GaAs/GaAlAs). Nous supposerons les électrons confinés dans
un plan de surface .
1/ Vérifier que la densité des états individuels par unité de surface, notée 0 , est constante
en 2D.
2/ On se place dans la situation grand canonique. Exprimer le nombre d’électrons moyen en
fonction de la température  et du potentiel chimique .
3/ On considère maintenant la situation où le nombre d’électrons  est fixé. Déduire le poten-
tiel chimique en fonction de  et de la densité  =  ∕. Donner l’expression de l’énergie
de Fermi  . Quelle valeur obtient-on pour une densité  ≃ 1015 m−2 ? Et la température de
Fermi  ? Exprimer  ( ) en fonction de  et   puis tracer la fonction. Que peut-on dire
sur la nature du gaz électronique à température ambiante  = 300 K ? Et dans un cryostat à
 =1K?
4/ On suppose que    . Que devient  ( ) ? Calculer l’énergie moyenne du gaz en fonction
de  et  (utiliser la formule (12.17) pour les développements de Sommerfeld). Déduire la
classique
capacité calorifique du gaz électronique. Calculer  ∕ à  = 1 K.
B. Graphène (feuille monoatomique de graphite).– Au milieu des années 2000, d’impor-
tants progrès ont été réalisés pour la fabrication et la manipulation de feuilles de graphène
monocouches (une couche d’atomes de carbone organisés en réseau « nid d’abeilles »). Dans
la limite de basse énergie, les états libres à un électron (ondes planes) sont caractérisés par une

4. Les meilleurs échantillons dont on dispose aujourd’hui correspondent typiquement à des densités
 ≃ 1000 m−2 et atteignent des mobilités  =    ∕∗ ≃ 500 T−1 , où  est le temps de libre
parcours moyen élastique (temps typique entre deux collisions successives sur un défaut de l’inter-
face). 
On peut relier la mobilité au libre parcours moyen élastique 𝓁 comme   = 𝓁  ∕ 0 où
 = 2 ∕ ≃ 65 nm est la longueur d’onde de Fermi et 0 = ∕   ≃ 4.1 mT.m 2 le quantum de
flux ; on obtient 𝓁  ≃ 25 m, une distance énorme à l’échelle atomique.

271
Chapitre 12 • Fermions

relation de dispersion du type relativiste


 ,± = ± 0  où  0 ≃ 10 6 m∕s . (12.31)
Notons que ces états ont une dégénérescence 4 (il y a une dégénérescence de vallées en plus de
celle de spin). En principe, cette forme simplifiée n’est valable que pour des énergies petites
devant la largeur de bande   Λ ∼ 1 eV. Au delà, les effets de réseaux sont importants.
On considérera plus simplement que les ondes planes n’existent que pour des énergies telles
que  < Λ.
Nous allons voir que cette relation de dispersion est associée à une densité d’états s’annulant
à énergie  = 0, qui sépare deux bandes d’états qui se touchent. Par analogie avec les semi-
conducteurs nous désignerons les états d’énergie  ∈ [−Λ, 0] (indice −) la bande de valence
(occupée à  = 0) et les états d’énergie  ∈ [0, Λ] (indice +) la bande de conduction (vide à
 = 0). Dans le jargon de la matière condensée, le graphène est donc un semimétal, un état
intermédiaire entre le métal (( ) finie) et l’isolant (() = 0 dans un intervalle fini, le gap,
contenant  ).
1/ Densité d’états.– Calculer la densité d’états ().
G
2/ Soit  ( , ) le nombre moyen d’électrons à  et  fixés. Montrer que
Λ Λ

0 0
G G
 ( , ) −  (0, 0) = − d (−) (; −) + d ( ) (; ) . (12.32)

Interpréter les différents termes.


3/ On se placera jusqu’à la fin du problème dans la situation où le nombre d’électrons  est
fixé et on considère la situation où la feuille de graphène est non dopée, i.e. l’énergie de Fermi
est nulle  = 0. Montrer que le potentiel chimique est alors indépendant de la température.
4/ Déduire l’expression explicite de la densité de porteurs  ( ) =  ( )∕ où  ( ) est le
nombre d’électrons dans la bande de conduction ; on se placera dans la situation où Λ∕  
1 pour simplifier le calcul de l’intégrale. Discuter la validité de cette approximation si  
300 K. Calculer  pour  = 300 K.
Indication : le calcul des intégrales de l’exercice fait intervenir la formule (A.12) du
formulaire page 299.
5/ Montrer que l’énergie d’excitation est
Λ

0
def
( ) =  ( ) − (0) = 2  ( ) = 2 d ( )  (; 0) , (12.33)

où  ( ) est l’énergie des électrons de conduction. Calculer explicitement l’énergie ( )


(pour Λ∕  → ∞) et déduire la capacité calorifique  ( ).
6/ Comparer avec le cas du gaz d’électrons bidimensionnel.
Problème 12.2 Magnétisme d’un gaz d’électrons bidimensionnel
Introduction.– Les propriétés magnétiques d’un gaz d’électrons sans interaction sont con-
trôlées par deux phénomènes : le paramagnétisme de Pauli dû à l’alignement des moments

272
Entraînez-vous

magnétiques électroniques sur le champ magnétique et le diamagnétisme de Landau induit


par le mouvement orbital des charges électroniques. L’hamiltonien de Pauli (pour un électron)
qui décrit les deux phénomènes est
 2
−  
 −  () 
= avec  =  , (12.34)
2∗  

où  est le potentiel vecteur et   la charge de l’électron. La masse effective ∗ des porteurs de


charge (les électrons dans le métal) diffère en général de la masse  des électrons dans le vide.
 est le moment magnétique de l’électron, relié à son spin   par le facteur gyromagnétique
 =  ∕  [35].
Nous considérons la situation d’un champ magnétique homogène selon  :  =   −
 = cste. Afin de simplifier l’analyse, nous nous placerons en deux dimensions et
supposerons les électrons confinés dans un plan de surface .

A. Paramagnétisme de Pauli.– Dans cette partie nous étudions l’effet du champ magnétique
sur les moments magnétiques des électrons du gaz bidimensionnel. L’hamiltonien pour un
électron est

−  
 2
P = où  = ( ,  ) . (12.35)
2∗

1/ Déterminer les contributions  ±() des deux états de spin à la densité d’états.
2/ On suppose dans un premier temps  et  fixés. Calculer les nombres moyens d’électrons
de spin  ± , notés ±.
3/ On suppose maintenant que le nombre d’électrons  est fixé.
a) Déduire l’expression du potentiel chimique en fonction de  =  ∕0 et   =   où
def
 =  ∕(2 ) est le magnéton de Bohr. Analyser la limite de température nulle (distinguer
les cas  >    et   <  ).
b) Calculer  pour  = 1 T (en eV puis donner la température correspondante). Justifier
que pour un gaz d’électrons bidimensionnel (cf. problème 12.1) l’énergie de Fermi peut être
considérée comme indépendante du champ magnétique.
c) Si l’on désigne par ± le nombre d’électrons dans un état de spin  ± , l’aimantation du gaz
est  =   (+ −  − ). Déduire la susceptibilité de Pauli (pour  = 0), définie comme
para
def
Pauli = lim  para
→0
 ∕.

B. Diamagnétisme de Landau.– Nous étudions maintenant l’effet du champ magnétique sur


le mouvement orbital des électrons. On oublie le couplage au spin étudié au A et on considère
l’hamiltonien de Landau
 2
 −  ()
L = (12.36)
2∗

273
Chapitre 12 • Fermions

décrivant une particule chargée, sans spin et soumise à un champ magnétique homogène selon
. Le spectre des énergies est un spectre d’oscillateur harmonique de pulsation  =   ∕∗
(nous supposons   > 0) :
 
1
 =   + avec  = 0, 1, 2, ⋯ (12.37)
2
 
Chaque niveau porte une dégénérescence L proportionnelle à la surface du plan :  L = .
2
Ce spectre est appelé le spectre de Landau (cf. chapitre 16 de [35]).
1/ Donner l’expression du grand potentiel d’un ensemble de fermions en terme du spectre des
énergies individuelles { }. Appliquer la formule au spectre de Landau.
2/ La formule d’Euler-MacLaurin permettant d’approximer une somme par une intégrale :

 (0) + (3 )

∞ ∞
2 ′
→0 0
  (( + 1∕2)) = d  () + (12.38)
=0
24
où  () est une fonction qui décroît à l’infini suffisamment rapidement. Déduire le comporte-
ment pour  → 0 du grand potentiel.
3/ Justifier la propriété générale

 ( , , , ) =  ( , , , 0) − Landau 2 + (4) .
1
(12.39)
→0 2
Déduire l’expression de la susceptibilité diamagnétique  Landau.

C. Synthèse.– On considère la limite de température nulle ( → 0 et  →  ). Comparer


Landau et Pauli (notamment les dépendances dans ∗ et  ). Justifier les signes des deux
susceptibilités par des arguments physiques. Quel est l’effet dominant (donner la susceptibilité
totale) ?
Problème 12.3 Ferromagnétisme itinérant et instabilité de Stoner
L’aimantation d’un métal (comme par exemple le fer) a pour origine la polarisation en spin
des électrons de conduction (ferromagnétisme itinérant). Nous étudions l’apparition de cet
ordre ferromagnétique, rendu possible si l’interaction entre les électrons (Coulomb écrantée)
est suffisamment forte. On se place à  = 0 dans toute la suite.

A. Gaz de fermions libres sans spin.– On considère un gaz de fermions libres à température
nulle et dans un volume  (à trois dimension). Dans cette partie, on ne prend pas en compte
la dégénérescence de spin.
1/ Calculer la densité d’états par unité de volume, notée (), en fonction de ,  et . Déduire
l’expression de l’énergie de Fermi  en fonction de la densité moyenne  =  ∕ .
2/ Calculer l’énergie 0 du gaz de fermions en fonction de  et de l’énergie de Fermi   .
def
Exprimer l’énergie par unité de volume comme une fonction de la densité, E0() = 0 ∕ .

B. Électrons en interaction dans l’approximation de champ moyen.– On prend main-


tenant en compte le degré de liberté de spin des électrons, qui peuvent se trouver dans deux

274
Entraînez-vous

états de spin (↑ ou ↓). Dans un métal, l’interaction effective entre électrons est de très courte
portée (∼Å). La supposant locale (interaction à deux corps ∝  ( −  ′ )), elle n’affecte que
les électrons de spins opposés, à cause du principe de Pauli. L’hamiltonien du gaz s’écrit :


 =  +  d3  ↑()  ↓(), où  ↑, ↓() est la densité d’électrons de spin ↑, ↓ et  une
cin
constante caractérisant la force de l’interaction entre électrons.
Dans le modèle de Stoner, on suppose a priori que les électrons des deux états de spin sont
def def
caractérisés par deux densités moyennes ↑ =  ↑() et  ↓ =  ↓ () pouvant (ou non)
différer et que les deux gaz se comportent comme deux gaz libres. La densité d’énergie du gaz
est donc
1 
E (↑, ↓ ) =   = E0 ( ↑) + E0 (↓ ) +   ↑ ↓ (12.40)

où E0() est la fonction obtenue dans la partie A.
1/ Quelle est la dimension de  ? Pour caractériser l’interaction, on introduit le paramètre 𝓁,
défini par  = 2(3 2)2∕3  2𝓁∕(3). Quelle est la dimension de 𝓁 ?
2/ Nous notons  = ↑ + ↓ la densité électronique totale. Une différence de densités,  ↑  ↓ ,
def  ↑ −  ↓
correspond à une aimantation, proportionnelle à la polarisation M = . Montrer que
↑ +  ↓
la densité d’énergie totale s’exprime comme
3(3 2) 2∕3 2 5∕3    2  
E (↑ , ↓ ) = (1 + M )5∕3 + (1 − M) 5∕3 + 1 − M 2 . (12.41)
20  4

3/ L’idée de l’approche suivie ici est que la valeur de la polarisation M n’est pas libre, mais
« choisie » par le système afin de minimiser son énergie E ( ↑, ↓ ), à  fixée. Par la suite nous
supposerons que la condition M  1 est réalisée.
a/ En utilisant le développement limité
    2    
+ (5 ) ,
5  3 5  4
(1 + ) 5∕3 = 1 + 5 +5 − +
3 3 3 3 3 3
écrire le développement de l’énergie jusqu’à l’ordre 4 dans la polarisation : E (↑, ↓ ) ≃
2 5∕3  
cste +   M 2 + M 4 . On exprimera la constante  en termes d’une combinaison

adimensionnée de 𝓁 et  ( est une autre constante sans dimension).
b/ Montrer que la constante  change de signe quand 𝓁 (i.e. l’interaction) augmente. Identifier
la valeur critique du paramètre, notée 𝓁 , correspondant au cas où  = 0. Tracer l’allure de
E (↑ ,  ↓) en fonction de M pour 𝓁 < 𝓁  et pour 𝓁 > 𝓁 . Conclure.
c/ Montrer que la valeur critique de l’interaction  (correspondant à 𝓁 ) est simplement reliée
à la densité d’états (  ) par unité de volume et par spin de la question A.1 (où   est l’énergie
de Fermi pour le gaz non polarisé, de densité ).

275
Chapitre 13
Bosons

Explorer le rôle des corrélations 1 Introduction


quantiques dans les gaz de bosons. 2 Le gaz parfait de bosons libres
Analyser le phénomène de condensation 3 Bosons dans un piège
de Bose-Einstein. harmonique

1 Introduction

Dans le chapitre 12, nous avons exploré les conséquences de l’indiscernabilité et du


principe de Pauli, qui génère des anti-corrélations entre les fermions. Nous étudions
ici l’effet des corrélations quantiques sur les propriétés thermodynamiques du gaz de
bosons.

1.1 Retour sur le gaz de phonons (et de photons) :  = 0


Sans insister sur la nature bosonique des particules, nous avons déjà discuté les pro-
priétés thermodynamiques de deux gaz de bosons particuliers au chapitre 9 : le gaz de
phonons, pour décrire les vibrations des corps solides, et le gaz de photons, associé à
l’énergie d’excitation électromagnétique. Donnons ici un nouvel éclairage sur ces deux
problèmes, avec le recul sur les statistiques quantiques (chapitre 11).

a) Description canonique : oscillateurs

Concentrons-nous sur le cas de la vibration des corps solides, dont nous rappelons
l’énergie libre (les expressions obtenues pour le gaz de photons sont identiques)
énergie du vide vide excitation des oscillateurs
 
Max Max  
0
 1
 0
vib( ,  ) = d () + d () ln 1 − e− (13.1)
2
et l’énergie moyenne énergie d’excitation d’un oscillateur

 Max

0
C 
 vib = vide + d () ×  (13.2)
 e −1
# de modes
276
1 Introduction

Nous avions introduit le nombre moyen d’excitations dans le mode de fréquence ,


1
B = , (13.3)
e − 1
ce qui nous avait conduit à interpréter le nombre de quanta d’excitation dans chaque
mode comme un nombre de « particules émergentes » (les phonons). Puisque l’énergie

libre  ( ,  ) est indépendante du nombre de quanta (de « particules »)  =   ,
nous concluons que ces particules ont un potentiel chimique nul :
 phonon = 0 (et photon = 0) (13.4)
Cette conclusion est appuyée par la comparaison de (13.3) avec la forme générale de
la distribution de Bose-Einstein (11.17). L’annulation du potentiel chimique est liée
physiquement au fait que ces particules (phonons ou photons) ne représentent que de
l’énergie : leur nombre n’est pas conservé.

b) Description grand canonique : particules

Dans la description canonique, nous avons pris le point de vue des oscillateurs. Nous
pouvons maintenant reprendre l’analyse du problème en prenant le point de vue des ex-
citations des oscillateurs (les particules émergentes) : l’énergie de vibration du solide
est l’énergie d’un gaz de particules libres, les phonons, décrites par une relation de dis-
persion linéaire,  ≃   pour  → 0 (et  =   pour les photons). Le nombre
moyen de particules dans un état (onde plane) d’énergie  =   est donné par la dis-
tribution de Bose-Einstein (11.17) pour un potentiel chimique que nous fixons à zéro,
(13.4). L’énergie moyenne du gaz de particules est
énergie d’un phonon
 Max 
0
G 1
 phonons = d () ×  × . (13.5)
 e  − 1

# d’états indiv.
# de phonons dans l’état indiv.
Comme il se doit, nous avons retrouvé le même résultat que dans la description
canonique (en masquant l’existence d’une contribution du vide).

Remarque. l’équivalence entre descriptions canonique et grand canonique est évi-


dente pour  = 0 puisqu’elle implique l’égalité entre potentiels thermodynamiques :
 =  . En outre la dépendance  est absente de  et celle en  de  .

1.2 Condensation de Bose-Einstein : transition   0 →  = 0


Après avoir considéré deux gaz de bosons de masse nulle, et de potentiel chimique
nul, nous allons nous intéresser dans ce chapitre à des gaz de bosons massifs (des atomes
par exemple). Dans ce cas le potentiel chimique est non nul,   0, ce qui reflète la con-
servation du nombre d’atomes. Nous allons voir que cette différence a des implications

277
Chapitre 13 • Bosons

très importantes : elle se trouve à l’origine d’un phénomène nouveau, la condensation


de Bose-Einstein.

a) Distribution de Bose-Einstein et phénomène de condensation

Commençons par rappeler la distribution de Bose-Einstein, caractérisant le nom-


bre moyen de particules dans l’état individuel d’énergie , obtenue au chapitre 11,
éq. (11.17) :

B 1
 () = pour  <  0 (13.6)
e (−) −1

où  0 est le fondamental. La distribution est tracée sur la figure 13.1.


3

0
-1 0 1 2 3

Figure 13.1– Distribution de Bose-Einstein.


La partie en tirets de la courbe correspond à la zone où il n’y a pas d’états, () = 0.

Si les atomes sont en contact avec un réservoir qui fixe , il est facile de déterminer
l’évolution du nombre de bosons dans le système lorsque la température varie. Partons
des hautes températures qui correspond au régime dilué étudié dans les chapitres 5, 6 et
8. En abaissant la température ( augmente) la distribution s’écrase B () ≃ e− (− ) →
0, i.e. le système se vide de ses atomes vers le réservoir.
Dans les expériences que nous discuterons à la fin du chapitre sur la condensation
des gaz ultrafroids, ceux-ci sont confinés dans des pièges : le nombre d’atomes  est
fixé (et non le potentiel chimique). Si la température est abaissée, puisque les occupa-
tions des états de hautes énergies diminuent, les occupations des états de basses énergies
doivent augmenter afin de maintenir  fixé, ce qui requiert une augmentation du poten-
tiel chimique. La croissance du potentiel chimique est cependant bornée par la condition
 < 0 = 0. Nous allons voir plus bas qu’il existe une température finie, appelée
température de Bose-Einstein BE , sous laquelle le potentiel chimique reste bloqué à
 = 0− et corrélativement des atomes s’accumulent dans l’état fondamental en nombre
macroscopique. Ce phénomène, que nous analysons plus bas en grand détail, est appelé
« condensation de Bose-Einstein ».

278
2 Le gaz parfait de bosons libres

b) Contexte expérimental

Des phénomènes de condensation de Bose-Einstein apparaissent dans des contextes


assez variés :
• En-dessous de  = 2.19 K, l’Helium devient superfluide, un phénomène lié à la
condensation de Bose-Einstein (F. London, 1936), même si l’effet des interactions
reste très important.
• Dans un métal, en-dessous d’une température critique  (qui dépend du métal), la
résistance électrique peut devenir strictement nulle. Un courant électrique, appelé su-
percourant, peut circuler sans dissipation (en l’absence de différence de potentiel). Cet
état supraconducteur est également caractérisé par un autre phénomène remarquable,
l’expulsion des lignes de champ magnétique (effet Meissner). La supraconductivité
a été découverte expérimentalement en 1911 par Kamerlingh Onnes. Après avoir
été expliquée phénoménologiquement par Landau et Ginzburg, Bardeen, Cooper et
Schrieffer ont proposé en 1957 une théorie microscopique qui repose sur l’idée que
les électrons, des fermions, s’apparient en « paires de Cooper » de nature bosonique.
L’état supraconducteur s’apparente alors à un condensat de Bose de ces paires.
Exemples :  = 1.2 K dans l’Aluminium ou  = 9.25 K dans le Niobium.
• Dans les gaz ultra-froids : la première observation du phénomène de condensation de
Bose-Einstein date de 1995 au MIT (Massachusetts Insttitue of Technology, USA) et
à l’Université de Boulder, au Colorado. Le gaz étudié au MIT était un gaz de Sodium,
pour BE ≃ 0.28  K, et celui étudié à Boulder un gaz de Rubidium, un autre alcalin,
pour BE ≃ 0.2  K. Atteindre ces températures est une prouesse technologique.
• On trouve beaucoup d’autres réalisations en matière condensée, comme la conden-
sation d’un gaz de polaritons, un cas exotique étudié ces toutes dernières années.
Le polariton est une quasi-particule correspondant à l’hybridation d’un photon piégé
dans une cavité et d’un exciton (une paire électron-trou dans un semi-conducteur).
Grâce à la faible masse effective des polaritons, on peut observer le phénomène de
condensation à une température élevée (BE ∼ 100 K). L’inconvénient est toutefois
que les photons ont une durée de vie finie dans la cavité et il faut en permanence
fournir des photons au système.

2 Le gaz parfait de bosons libres


Puisque nous avons beaucoup insisté dans l’ouvrage sur les propriétés du gaz parfait de
particules libres, il est naturel de commencer notre étude du phénomène de condensa-
tion de Bose-Einstein dans cette situation. La référence au gaz parfait classique décrit
par l’équation d’état  =   nous permettra de mieux appréhender l’effet des cor-
rélations quantiques. Les informations microscopiques dont nous aurons besoin sur le
système sont entièrement encodées dans la densité des états individuels, donnée dans le

279
Chapitre 13 • Bosons

chapitre 11, éq. (11.36). Le fondamental individuel a une énergie 𝜺𝟎 = 𝟎. Par la suite
nous considérons des bosons de spin nul pour simplifier, 𝒔 = 𝟎.

2.1 Analyse du potentiel chimique et origine du phénomène


de condensation
L’introduction (§ 1.2) a souligné le rôle du potentiel chimique dans le phénomène
de condensation de Bose-Einstein, aussi nous allons commencer notre analyse par cette
quantité.

a) Relation entre  et  – Température de Bose-Einstein

Le formalisme grand canonique nous a fourni l’expression du nombre moyen de bosons


G
 ( ,  , ) comme fonction de la température et du potentiel chimique, (11.24) ou
(11.27). À la limite thermodynamique où nous négligeons les fluctuations, nous pou-
vons simplement interpréter cette équation comme une relation entre les trois grandeurs
thermodynamiques,  ,  et  :

0
 ( )
= d avec  < 0 (13.7)
e (−) − 1

L’analyse de la relation est facilitée en introduisant des variables adimensionnées.


Quelques manipulations (un changement de variable  = ) conduisent à la forme

def
 Λ3 = Li 3∕2() où  = e < 1 (13.8)

est la fugacité,  =  ∕ la densité moyenne, Λ = 22 ∕(  ) la longueur ther-
mique et Li3∕2() la fonction adimensionnée polylogarithme définie plus généralement
par la représentation intégrale

−1 


Γ() 0
1
def
Li() = d  = . (13.9)
e ∕ − 1 =1 
La représentation en série est obtenue en développant l’intégrand sous forme de série
  −1 

géométrique, e ∕ − 1 =  e −, puis en intégrant chaque terme de la série
=1
(l’inversion de la somme et de l’intégrale est autorisée ici). La fonction est bijective,
de l’intervalle [0, 1] sur [0, Li (1)]. La valeur maximale est reliée à la fonction zeta
∞
de Riemann Li (1) =  − =  ( ) (cf. formulaire p. 299). Pour  > 1, la borne
=1
supérieure Li (1) est finie, ce qui va se révéler être une observation cruciale (du point
de vue mathématique) reliée à l’apparition du phénomène de condensation de Bose-
Einstein.

280
2 Le gaz parfait de bosons libres

Les deux représentations permettent d’obtenir facilement les comportements limites,


pour le cas  = 3∕2 que nous étudions dans cette section,


 pour   1
Li3∕2 () ≃    (13.10)
  (3∕2) − 2  1 −  pour  → 1 −

Analyse du comportement pour  → 1 : On considère la dérivée



∞ d  e 

Γ(3∕2) 0 (e − )2


′ 1
Li 3∕2 () =

Dans la limite  → 1 −, l’intégrale diverge. Elle est dominée par la borne inférieure :

d 
Γ(3∕2) 0 ( + 1 − )2  1− 3∕2
1 d 1
Li ′3∕2 () ≃ ∼ ∼
1−

Une intégration nous donne le comportement de Li3∕2 (), au coefficient près.

2.5

2.0
Li3/2 (φ )

1.5 nΛT3

1.0

0.5

0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0

φ
Figure 13.2 – Fonction polylogarithme 𝐋𝐢𝟑∕𝟐 (𝝋).
Si l’on fixe  Λ 3 ∝ ∕ 3∕2 on déduit  = e ∕  . Les lignes en tirets sont les comportements
limites (13.10).

L’équation (13.8) permet de déterminer le potentiel chimique comme fonction de la


température (au moins graphiquement) : cf. figure 13.2.
Partons du régime classique où   1. En utilisant Li3∕2 () ≃  nous retrouvons
 ≃   ln( Λ3 ) ≃ −(3∕2) ln(  −2∕3). Si la température est abaissée à  fixée, le
membre de gauche de l’équation (13.8) croît, ce qui montre que la fugacité augmente
(figure 13.2) ainsi que le potentiel chimique. Le potentiel chimique est donc une fonction
décroissante de la température. En abaissant la température, on atteint une valeur limite
 = BE pour laquelle la fugacité atteint sa limite supérieure permise  = 1 (i.e.  = 0).

281
Chapitre 13 • Bosons

La valeur BE est définie par  Λ3 = Li 3∕2(1) =  (3∕2) :

2  2 2∕3
 BE =  (13.11)
 (3∕2)2∕3 

Nous reconnaissons l’échelle de température caractéristique ∗ introduite au para-


graphe 1.1 du chapitre 11, séparant les régimes classique et quantique :
2
 BE =  (frontière classique/quantique). (13.12)
[(2 + 1) (3∕2)]2∕3 ∗
où l’on a re-introduit la dégénérescence de spin (on remarquera l’analogie avec la
température  du chapitre précédent :   ∼ BE ∼ ∗ à des facteurs numériques
près).

b) Condensation

Pour  < BE , l’équation (13.8) n’a plus de solution. Que se passe-t-il pour  ⩽ BE ?
L’origine mathématique de ce problème
 remonte à l’équation (13.7) dont l’obtention a
B
utilisé le passage d’une somme,  =  , à une intégrale. Or ce passage n’est justifié

que si la fonction sommée (le facteur de Bose-Einstein) varie peu à l’échelle du pas de
la somme. Mais lorsque  → 0, le nombre de bosons dans l’état fondamental, que nous
noterons dorénavant
def
0( ) = 0 B , (13.13)

est beaucoup plus important que les nombres de bosons dans les états excités : en effet
si  → 0− on a
1  
0 ( ) = ≃− − → +∞ (13.14)
e − − 1 →0 
(si  est fixé, 0 ne diverge pas mais est limité par  ). Le passage de la somme à
l’intégrale n’est alors plus justifié (figure 13.3). Cette observation conduit à l’idée de
singulariser le premier terme de la somme :
 B
 =  0( ) +  . (13.15)
 (0)

Le premier terme de la somme devient macroscopique (d’ordre  ) pour  < BE ,


alors que les occupations des états excités restent microscopiques ( ). On peut en-
core remplacer la somme par une intégrale pour calculer le nombre de bosons dans les
états excités, en considérant simplement que

=0 pour  ⩽ BE (13.16)

282
2 Le gaz parfait de bosons libres

macroscopique
contribution
du fondamental

B
nλ T > TBE T <TBE

ελ ελ
Figure 13.3 – Passage de la somme à l’intégrale.
Le nombre de bosons est donné par la somme des aires des rectangles (les facteurs
d’occupation). Pour  > BE , la somme est bien approximée par l’intégrale sous la
courbe. Au-dessous de la température  BE , l’occupation de l’état fondamental est beau-
coup plus grande que les occupations des états excités et la somme des occupations
n’est pas correctement approximée par l’intégrale. Il faut singulariser la contribution du
fondamental.

(plus rigoureusement :  ≃ −  ∕ 0 → 0− où 0 est macroscopique). Finalement




 ( ) 
0
 =  0( ) + d  = 0 ( ) +    (3∕2)( ) 3∕2 . (13.17)
e −1 2
 
bosons excités  ×( ∕BE )3∕2

Nous obtenons le nombre de bosons « condensés » dans l’état individuel fondamental :


   3∕2

0( ) =  1− pour  ⩽  BE (13.18)
BE

Nous pouvons maintenant tracer l’allure du potentiel chimique en fonction de la tem-


pérature. Il est nul dans le domaine [0, BE ]. Nous obtenons le comportement pour
1.2
0
1.0

1
M

0.8
ax
we

0.6 2
ll-
Bo
ltz

0.4 3
m
an

0.2
n

0.0
5
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 0 1 2 3 4

Figure 13.4
Fraction des atomes dans la phase condensée (à gauche) et potentiel chimique en
fonction de la température (à droite), obtenu par résolution de l’équation (13.8).

283
Chapitre 13 • Bosons

+
 ∼ BE à l’aide du comportement limite de Li 3∕2() : 1
( , ) ∝ −( −  BE )2 (13.19)
Aux plus hautes températures   BE , il rejoint l’expression classique (Maxwell-
Boltzmann) ( , ) ≃ −(3∕2) ln  rappelé plus haut (figure 13.4).

c) La signature des corrélations quantiques sur  BE

L’expression de la température de Bose-Einstein illustre l’effet du postulat de symétri-


sation. Elle prend la forme :
2 
BE ∼  2∕3 =  2∕3 , (13.20)
  2 
où nous avons supposé la boîte cubique, de volume  = 3 . Nous reconnaissons l’én-
ergie séparant l’énergie fondamentale 0 = 0 des premiers états excités  = 2∕2 .
Si les particules étaient discernables, elles ne se placeraient dans l’état fondamental indi-
viduel que pour des températures inférieures à cette échelle   ∕ ∼  2∕( 2).
Or l’analyse du problème de condensation des bosons montre que le nombre de bosons
dans l’état fondamental devient significatif (macroscopique) dès que    2∕3∕ ,
soit une échelle bien supérieure au cas des particules discernables. Ce facteur 2∕3 a
donc pour origine la nature bosonique des particules et traduit leur tendance à « vouloir
se regrouper » dans l’état fondamental, i.e. des corrélations en énergie2, à des tempéra-
tures bien plus grandes (d’un facteur 2∕3 ) que la température ∕  associée au gap
entre le fondamental et le premier état excité.

2.2 Propriétés thermodynamiques du condensat de Bose


a) Énergie et capacité calorifique pour  <  BE

Afin d’étudier les propriétés thermodynamiques sous la température de Bose-Einstein,


nous appliquons la « recette » suivante :
() nous singularisons la contribution de l’état fondamental individuel,
() nous fixons  = 0 pour calculer la contribution des bosons excités.
Les calculs deviennent alors très simples. Pour  < BE , l’énergie s’exprime comme :

 ( ) 
0
 ( ) =  0 × 0 + d =   Γ(5∕2) (5∕2)(  )5∕2 , (13.21)
e  − 1
où l’intégrale est donnée par (A.11). Nous obtenons
3  (5∕2)  5∕2
 ( ) =  3∕2 pour  ⩽  BE . (13.22)
2  (3∕2) BE

≃0.77

  2  2
1. Plus précisément, ( , ) ≃ − 3(3∕2)∕(4 )   BE ( − BE )∕BE .
2. Le postulat de symétrisation induit non seulement des corrélations favorisant le regroupement en
énergie, mais aussi favorisant leur regroupement dans l’espace, cf. chapitre 11 de [35], § 11.2.5.
284
2 Le gaz parfait de bosons libres

La capacité calorifique est obtenue par dérivation du résultat précédent (l’équation


(13.22) est l’expression de l’énergie en fonction de  ,  et  , i.e. l’énergie canonique
C
 ; rappelons nous que BE est fonction de  =  ∕ ) :
 3∕2
15  (5∕2) 
 ( ) =  pour  ⩽ BE . (13.23)
4  (3∕2) BE

≃1.925

Les deux fonctions sont tracées sur la figure 13.5.


4

1.4
3
E(T )/Eclass (TBE )

e
iq u 1.2
ss
c la
1.0
BEC classique

CV /CVclass
2
0.8
BEC
0.6

1
0.4
T3/2
0.2
T 5/2
0 0.0
0 1 2 3 4 0 1 2 3 4

T /T BE T /TBE

Figure 13.5 – Énergie moyenne et capacité calorifique d’un gaz parfait de bosons libres.

L’énergie s’annule plus vite à basse température que celle du gaz parfait classique
 = (3∕2)  , notamment  (BE ) ≃ 0.77BE . De même la capacité
(class)

calorifique passe sous la valeur classique (class) = 3  ∕2 et s’annule pour  → 0.


Ces deux comportements illustrent une nouvelle fois l’effet des corrélations quantiques
qui favorisent le regroupement des bosons dans le même état quantique individuel.
La réponse de l’énergie du gaz à une élévation de température est plus faible, i.e. la
capacité calorifique est plus basse comparativement au cas classique.

b) Équation d’état

La pression est obtenue très directement en utilisant la relation (11.28) :  = − ∕ =


−3∕2
2∕(3 ) (voir aussi le problème 5.1 page 98). On déduit  ∼   5∕2 BE ; puisque
BE ∝  2∕3, nous voyons que la pression est indépendante de la densité :

  3∕2

 =  (5∕2) (   )5∕2 pour  ⩽ BE (13.24)
2
 2
≃1.341

Sous la température de Bose-Einstein, l’isotherme est plate. Au-dessus, elle rejoint


l’isotherme classique,  ≃  (limite diluée). Ce phénomène rappelle le plateau
de liquéfaction de la transition liquide gaz (chapitre 10) : en suivant l’isotherme, la

285
Chapitre 13 • Bosons

pression reste constante tant qu’il y a mélange entre les deux phases. L’observation est
ici analogue : la pression du mélange gaz normal & condensat de Bose-Einstein (i.e.
fraction condensée dans l’état fondamental) est seulement fonction de la température,
indépendante de la densité. Une variation de densité à température constante ne fait que
redistribuer les atomes entre les deux phases, à pression constante.

p
n

T
p

T
TBE ~ TF ~ T* V

Figure 13.6 – Pression d’un gaz parfait de bosons libres.


À gauche : allure schématique de la pression en fonction de la température (pour mé-
moire, on a reporté la pression du gaz de fermions). À droite : allure schématique de
deux isothermes.

Nous traçons les isothermes dans un diagramme  −  sur la figure 13.6. Nous raison-
nons à  fixée (isotherme) et faisons varier la densité , i.e.  . Partons de la zone de
coexistence entre gaz et condensat (isotherme plate) : en augmentant  , nous abaissons
BE ∝ 2∕3. Tant que  BE >  , l’isotherme est plate. Lorsque BE =  , le condensat
a disparu. Une augmentation supplémentaire du volume  induit une diminution de la
pression du gaz : l’isotherme doit rejoindre l’isotherme classique  ≃  ∕  pour
les plus grandes valeurs de  . La ligne séparant la zone de coexistence des deux phases
de la zone associée à la phase gazeuse est donnée en fixant BE =  dans l’expression
  3∕2
de la pression :  =  (5∕2) 2
( BE) 5∕2 ∝ ( ∕ ) 5∕3 .
2

Remarque. L’existence d’un plateau de condensation (i.e. une compressibilité


isotherme est infinie  = ∞) , est un artefact du modèle sans interaction [16].

c) Entropie

Nous obtenons l’entropie très directement grâce à la relation entre capacité calorifique et
entropie (canonique)  =   C ∕ (cf. exercice 6.1). Lorsque  =   est une loi
de puissance, la capacité calorifique présente un comportement analogue  =     ,
i.e.   =  . D’où
  3∕2
5  (5∕2) 
 ( ) =   pour  ⩽ BE (13.25)
2  (3∕2)  BE

≃1.283
286
3 Bosons dans un piège harmonique

L’entropie du gaz s’annule bien à température nulle, lim  ( ) = 0, traduisant l’accumu-


 →0
lation de tous les bosons dans un unique état individuel. Le théorème de Nernst est bien
respecté. À haute température,   BE , l’entropie rejoint la formule de Sackur-Tetrode
 ( ) ≃ (3∕2)  ln( ∕ BE ) + cste.
Nous pouvons aussi introduire une chaleur latente de condensation, reliée à la vari-
ation d’entropie, et qui mesure le coût énergétique nécessaire pour passer de la phase
gazeuse, à  = BE , à la phase condensée, le long de l’isotherme :
  5 (5∕2)
 condens =  gaz − condens =   . (13.26)
2 (3∕2)
Il faut toutefois faire attention : contrairement à la transition liquide-gaz, qui est une
transition du premier ordre, le phénomène de condensation de Bose-Einstein est une
transition du second ordre (les discontinuités ne se manifestent que sur les dérivées
secondes des potentiels thermodynamiques).

d) Une interprétation de la propriété  = 0 pour  ⩽  BE

Nous avons vu au chapitre 9, et rappelé dans la section 1.1, que l’annulation du poten-
tiel chimique  = 0 traduit la non conservation du nombre de particules. Nous vérifions
que cette interprétation est compatible avec les résultats obtenus pour  ⩽ BE . Le
−3∕2
point de départ est la simplification BE ∝ ∕ = 1. Par conséquent, toutes les
grandeurs intensives, énergie et entropie par unité de volume, chaleur spécifique, et
pression deviennent également indépendantes de la densité :
 3  (5∕2)    
= ∼  =  (5∕2) ∼  5∕2 , (13.27)
 2 Λ3
Λ3

def  15  (5∕2)  5  (5∕2)


 = =  ∼ =  ∼  3∕2 , (13.28)
 4 Λ 3  2 Λ3


où Λ = 22 ∕(  ). La non conservation du nombre de bosons se comprend en
remarquant que le condensat (les bosons dans le fondamental) ne contribue à aucune
grandeur thermodynamique, et joue donc le même rôle qu’un réservoir de particules
(cette image sera exploitée dans le problème 13.2).

3 Bosons dans un piège harmonique

L’observation du phénomène de condensation de Bose-Einstein pour des particules


faiblement corrélées (gaz dilués) n’a été rendue possible qu’en 1995, après un siècle
de progrès dans les techniques de refroidissement des gaz, i.e. 70 ans après les travaux
d’Einstein. Nous évoquerons plus bas ces expériences remarquables qui correspondent
à une situation où les atomes sont piégés dans des pièges magnéto-optiques réalisant un

287
Chapitre 13 • Bosons

potentiel harmonique. Nous discutons rapidement comment étendre les considérations


de la section 2 à une situation plus générale pouvant inclure le cas d’un piège harmonique
tridimensionnel.

3.1 Analyse générale


L’information microscopique est entièrement encodée dans la densité des états
individuelles, choisie sous la forme
 
A  −1
 ( ) = pour  > 0 (13.29)
 
où  est une échelle d’énergie caractérisant la quantification et A une constante sans
dimension. Par exemple :
• Pour un boson libre de spin nul dans une boîte en 3D (Section 1.2) :

3 2 1
= ,  = et A =  .
2 2  2
2

• Pour un boson dans un puits harmonique isotrope -dimensionnel


1
= ,  =  et A = .
( − 1)!

À un facteur sans dimension près,  représente la première énergie d’excitation.


Pour  ⩾ BE , partant de (13.7), on exprime le nombre d’atomes comme une fonction
des deux paramètres sans dimension,   ∕ et la fugacité  = e :
 

 = A Γ() Li  () , (13.30)

où la fonction polylogarithme Li () a été définie plus haut, éq. (13.9) (on pourra vérifier
que (13.30) redonne (13.8) pour  = 3∕2). Pour  > 1, la fonction Li () tend une limite
finie pour  → 1 et il y a phénomène de condensation.

a) Condition pour l’apparition du phénomène de condensation

L’existence d’une transition (de phase) entre une situation où toutes les occupations
sont microscopiques et une situation où un facteur d’occupation devient macroscopique
repose sur le fait que la fonction Li () atteint une valeur finie lorsque  = 1 (i.e.
 = 0). Plus physiquement, il faut qu’il existe une température finie ( = BE ) telle que
G
 =  ( ,  ,  = 0). Autrement dit

0
 ( )
∃  finie, telle que  = d . (13.31)
e − 1

288
3 Bosons dans un piège harmonique

Ceci est possible si l’intégrale converge, i.e. si

0
 ( )
d <∞ ⇒ il peut y avoir condensation de BE (13.32)

Il faut bien entendu qu’il existe également une loi de conservation sur le nombre de
particules, comme pour des atomes (mais pas pour des photons ou des phonons).
Exercice 13.1
Considérons un gaz de bosons sans interaction.
a) S’il s’agit de bosons libres, dans une boîte, pour quelle dimension  le phénomène
de condensation est-il possible ?
b) Même question pour des bosons dans un piège harmonique isotrope.

b) Analyse du régime  <  BE

Nous considérons  > 1 (condition d’apparition du phénomène de condensation). On


peut reprendre rapidement la logique introduite dans la section 1.2 : la température de
Bose-Einstein est donnée en faisant  = 1 dans (13.30) :
 1∕  1∕3
 Oscillateur 3D 
 BE =  ⟶  BE =  . (13.33)
A Γ( ) ()  (3)
Nous retrouvons que  BE est donné par l’énergie du premier gap d’excitation, ,
augmentée d’un facteur macroscopique  1∕3 , signature de la tendance des bosons à
se regrouper dans les états de même énergie (postulat de symétrisation). En isolant la
contribution de la fraction condensée dans l’expression du nombre de particules, comme
dans (13.17), on obtient
       3
 Oscillateur 3D 
0 ( ) =  1 − ⟶ 0 ( ) =  1 − . (13.34)
 BE BE
Le calcul de l’énergie ne pose pas de difficulté. On obtient
 ( + 1)  +1
 ( ) =     , (13.35)
 ( )  BE
i.e.  ∼  4 pour le piège harmonique en 3D. Nous déduisons la capacité calorifique
 
 ( + 1) 
 ( ) =  ( + 1)   . (13.36)
 ( ) BE
Ces expressions sont assez universelles puisqu’elles ne dépendent que de l’échelle car-
actéristique BE et de l’exposant  de la densité d’états. Pour  = 3, la chaleur spécifique
présente une discontinuité autour de  = BE , (figure 13.7) étudiée dans l’exercice 13.2.

289
Chapitre 13 • Bosons

3.5

3.0

2.5

C V /CVclass
2.0
BEC
1.5

1.0
classique
0.5
3
T
0.0
0 1 2 3 4

T /TBE

Figure 13.7 – Capacité calorifique d’un gaz de bosons dans un piège harmonique.

3.2 Analyse du condensat à  = 0 et rôle des interactions


Le phénomène de condensation est tout à fait remarquable puisqu’un nombre macro-
scopique de particules occupent un état quantique individuel. À  = 0, l’état quantique
à  corps est décrit par une unique fonction d’onde individuelle 0 () :

Ψ 0 (1 , 2, ⋯ ,   ) = 0 (1 ) 0 (2) ⋯  0( ) (13.37)


 
 3∕4 −  2
e 2 
0() = (13.38)

est la fonction d’onde de l’état fondamental individuel pour un puits harmonique
def 
isotrope. 0 a une largeur 𝓁 = ∕().
Il est utile de discuter le profil de densité du gaz, qui est mesurée dans les expériences.
À température finie on a
(;  ) =  0 ( ) 0 ()2 +  excites(;  ) . (13.39)
À haute température, le gaz est dans le régime classique
 et la contribution des bosons
excités est simplement la maxwellienne de largeur    ∕(2 ) (cf. chapitre 8) :
 3∕2
 2 2 2
(;  ) =  excites(;  ) ≃  e−  ∕(2  ) pour   BE . (13.40)
2 
Pour   BE , la fraction condensée domine
 
 3∕2 − 2∕
(; 0) =   0() 2 =  e pour  = 0 . (13.41)

Si le modèle du gaz parfait de bosons dans le piège harmonique prédit des propriétés
thermodynamiques (énergie, capacité calorifique,...) assez proches des observations ex-
périmentales, il ne décrit toutefois pas bien les profils de densité. Or c’est l’analyse
du profil de densité qui permet d’identifier directement la transition de phase dans les
expériences ; il convient donc d’en comprendre la nature. Pour   BE , le profil de
densité est étalé sur une distance beaucoup plus grande que 𝓁 et la forme du profil

290
3 Bosons dans un piège harmonique

n’est même pas gaussienne. Cela suggère qu’un ingrédient physique important a été
négligé dans la description théorique du gaz, qui est la présence des interactions entre
atomes qui sont condensés en énergie, mais aussi concentrés dans un petit volume. Nous
introduisons maintenant le modèle qui décrit avec succès les expériences.
L’interaction entre deux atomes peut être considérée comme très locale à basse én-
ergie, et peut être décrite par un potentiel d’interaction () =  () relié à la fonction
de Dirac.3 Si le gaz de bosons est décrit par la fonction d’onde à  corps (13.37), on
peut écrire l’énergie comme une fonctionnelle de la fonction d’onde du fondamental
 
2   2

 ( − 1)

 ∇ 0()  +  ()  0()  + d3  0() 
3 2 4
 [0 ] =  d  
2   2
(13.42)
où le second terme est l’énergie d’interaction : ce terme est  ( − 1)∕2 fois l’énergie


d’interaction d’une paire de particules, d3 d3 ′  0() 2 ( −  ′)  0( ′ )2 . Si cette
expression de l’énergie du gaz correspond à  [0] =  Ψ0   Ψ 0  pour la fonction
d’onde (13.37), l’hypothèse derrière ce calcul n’est pas évidente : en présence d’in-
teraction, il est loin d’être clair que la fonction d’onde a encore une forme factorisée,
(13.37).
L’analyse utilise une méthode variationnelle pour trouver la fonction 0 qui minimise


l’énergie, sous la contrainte que le nombre de bosons  [0] =  d3  0 2 est fixé.
La méthode des multiplicateurs de Lagrange (annexe 4.A page 66) permet d’étudier ce
problème de minimisation sous contrainte : nous cherchons la solution de
  
 [ 0 ] −  [0 ] = 0 . (13.43)
0 ()
Le calcul de la dérivée fonctionnelle4 conduit à l’équation de Gross-Pitaevskii :
 2 
  2
− Δ +  () +    0() 0 () =   0() (13.44)
2

3. Les subtilités liées à l’interaction locale en dimension  ⩾ 2 sont exposées dans le problème 10.3
de [35].
4. Dérivation fonctionnelle : Considérons un vecteur   dont les composantes sont . Le développe-
 
ment d’une fonction de   au voisinage de zéro prend la forme  (  ) =  (0) +  (0) + ⋯. La


dérivée fonctionnelle est l’anologue du gradient, pour le développement d’une fonctionnelle dépendant
d’une fonction ( )



 [] =  [0] + d () [0] + ⋯
()
Pour calculer les dérivées fonctionnelles, on pourra utiliser  ∕ ′ =  ,′ ⟶ ()∕(′) =
 ( − ′ ) et les règles habituelles de la dérivation. L’une des dérivées utiles ici :

∗0() 

d ′ 0 ( ′ )2 = 0 () .

291
Chapitre 13 • Bosons

aussi appelée « équation de Schrödinger non-linéaire », où le potentiel chimique  joue


le rôle de l’énergie. Le terme    0 2 est la contribution de l’interaction à l’énergie
potentielle.
En faisant une approximation supplémentaire, qui est justifiée dans les conditions
expérimentales, appelée « approximation de Thomas-Fermi » et consistant à négliger
le terme Laplacien (i.e. l’énergie cinétique), cette équation est très simple à analyser.
On introduit la densité du condensat () =  0 ()2 ; (13.44) montre qu’elle obéit à
l’équation  () +  () =  d’où
1  
  −  () pour  () ⩽ 
() =  (13.45)
0 sinon

Les particules remplissent le potentiel jusqu’au niveau . Cette équation fournit l’ex-


pression du potentiel chimique en exploitant la condition  = d3 (). Pour le
piégeage harmonique,  () = (1∕2)2  2 on obtient
 2∕5
15
=  (2 ) 3∕5( )2∕5 , (13.46)
16 2
(l’intégrale s’exprime à l’aide de la fonction Beta d’Euler, éq. (A.8)). La densité a un
profil parabolique, et non gaussien comme (13.41),
  2 
15 
() =  1− pour  ⩽  (13.47)
83 

où la taille du condensat est


 1∕5
2 
= ∼ . (13.48)
 2  2
 
La fonction d’onde est 0() = ()∕  ∝ 1 −  2∕2 . Le volume occupé par le
condensat croît avec  et aussi avec la force de l’interaction , comme on pouvait s’y
attendre, avec l’exposant non trivial 1∕5. Il est intéressant d’exprimer
 cette longueur
en termes des échelles microscopiques du problème, 𝓁  = ∕() qui caractérise
le confinement harmonique, et la longueur de diffusion , reliée à la constante d’inter-
action par  =  42∕. Nous obtenons  ∼ 𝓁(∕𝓁 )1∕5 qui est beaucoup plus
grande que la largeur de la fonction d’onde du problème sans interaction par un facteur
macroscopique  1∕5, ce qui explique l’observation expérimentale (figure 13.8).
Étudions finalement la dépendance de l’énergie dans le nombre de bosons,
qui est mesuré expérimentalement. Calculons l’énergie d’interaction int =


(∕2) d 3 () 2. Le calcul est sans difficulté et fait à nouveau apparaître la fonction

292
3 Bosons dans un piège harmonique

Beta [éq. (A.8)] :


int 2
=  ∼  2∕5 . (13.49)
 7


L’énergie potentielle par atome étant pot = d 3   () () = (3∕7), on déduit
l’énergie totale par atome (rappelons que nous avons négligé l’énergie cinétique)
 pot + int 5
= . (13.50)
 7

3.3 Condensats atomiques dans des pièges


magnéto-optiques
Dans ce dernier paragraphe, nous discutons les expériences sur des gaz ultrafroids.
Le gaz est piégé dans un piège magnéto-optique : l’interaction entre les atomes et les
lasers génère une force de friction effective qui ralentit les atomes (i.e. refroidit le gaz).
La température est encore abaissée par refroidissement évaporatif.
# d’atomes par μ m −2 1.0

N ( unit 10 4 )
12
600
0.8 8
N 0 (T ) / N

4
0.6
0
0 0.5 1.0 1.5
0.4 T / T BE( N )

100 0.2

0
−40 −20 0 20 40 0 0.5 1.0 1.5
z ( μ m) T / TBE( N )

Figure 13.8
À gauche : Profil de densité d’un gaz de 80 000 atomes de Sodium ultrafroids. Densité
d’une colonne (en # atomes par m −2). La ligne continue correspond à (13.47) et la ligne
en tirets à (13.41) . Données tirées de l’article : L. V. Hau et al, Physical Review A 58, R54
(1998). À droite : Fraction condensée d’un gaz de Rubidium en fonction de la tempéra-
ture. La ligne continue est (13.33) ( diminue au cours du refroidissement évaporatif,
comme le montre l’insert, ce dont on doit tenir compte pour calculer  BE ). J. R. Ensher
et al, Physical Review Letters 77, p. 4984 (1996).

Le piège est alors retiré, le gaz diffuse quelques millisecondes dans l’espace puis on
prend une « photo » qui permet de remonter au profil de densité : figure 13.8. À haute
température, le profil thermique gaussien (13.40) est observé. Lorsque la température est
abaissée, en-dessous d’une certaine température, qu’on interprète comme la température
de Bose-Einstein, on observe une transition de phase sur le profil de densité et l’on voit
« pousser » un pic non gaussien, qu’on interprète comme l’apparition du condensat. La
figure 13.8 montre que le profil obtenu expérimentalement coïncide parfaitement avec
le profil parabolique (13.47) (la courbe en pointillés est le carré de la fonction d’onde
gaussienne (13.38) qui décrirait le gaz parfait) ; il faut souligner le contrôle remarquable

293
Chapitre 13 • Bosons

de tous les paramètres microscopiques dans les expériences, la pulsation  ∼ 100 Hz,
la constante d’interaction , etc. Une fois identifiée la contribution du condensat à la
densité, on peut l’intégrer pour obtenir une mesure de la fraction condensée 0( ).
Celle-ci est représentée sur la figure 13.8. Elle est assez fidèlement expliquée par le
résultat (13.34) pour le gaz parfait (l’interaction affecte fortement la forme du profil de
densité mais peu son intégrale). La déviation entre l’expérience et le modèle du gaz
parfait est déjà plus importante sur l’énergie (figure 13.9).
E ( T ) / N k B TBE( N )

2.0

E int / NkB ( en nK )
1.5
150
ue
1.0 ssiq
cla 100

0.5
50

0 0
0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4 0 1 2 3 4 5
T / TBE( N ) # d’atomes N ( unité 106 )
Figure 13.9
À gauche : Énergie en fonction de la température. Les lignes en tirets sont les prédic-
tions du modèle du gaz parfait. Figure tirée de l’article : J. R. Ensher et al, Physical Review
Letters 77, p. 4984 (1996). À droite : Énergie d’interaction dans un gaz de Sodium ultra-
froids. Figure tirée de l’article : F. Dalfovo, S. Giorgini, L. P. Pitaevskii and S. Stringari,
Review of Modern Physics 71, p. 463 (1999).

Le rôle important de l’interaction peut être mis en évidence par une analyse ex-
périmentale très fine, qui permet de mesurer l’énergie d’interaction : le comportement
(13.49) est observé (figure 13.9), ce qui valide le modèle présenté plus haut.

Pour en savoir plus :


• Chapitre VI de [15] ou Chapitre 12 du livre de K. Huang [16].
• Un livre plus spécialisé : [30].
• Un article de revue [14] ou les articles de la conférence Nobel [13, 18].

294
Les points clés

1 Relation (13.7) entre  et . l’état fondamental d’énergie.


Il faut alors singulariser la contri-
2 Identifier (qualitativement) le
bution 0 de l’état fondamental
comportement  ↗ lorsque
au nombre de bosons.
 ↘. Retrouver BE .
4 Retrouver l’expression (13.18) de
3 Pour  < BE , on trouve  = 0 et
la fraction condensée en fonc-
une fraction macroscopique de
tion de la température.
bosons 0 se condensent dans

295
Entraînez-vous
Exercice 13.2 Discontinuité de la capacité calorifique des bosons
Nous montrons que  présente une discontinuité autour de  = BE lorsque l’exposant qui
contrôle la densité d’états (13.29) est  > 2 (cas des bosons dans un piège harmonique par
exemple). On reprend l’analyse générale de la section 3.
1) On considère  ⩾ BE.
a) Montrer que l’énergie  ( ) s’exprime à l’aide de la fonction Li+1(). Analyser le régime
classique (utiliser l’expression de (13.30) pour  → 0).
def
 def
b) On introduit les variables sans dimension  =  ∕ BE et  = ∕(  BE ). Montrer que
(13.30) et l’énergie prennent la forme

Li () Li+1()


1 =  et  =  +1 (13.51)
 ( )  ( )

c) En remarquant que Li′(1) =  (  − 1), analyser le comportement de l’énergie pour  → 1 + ,


puis déduire la valeur de  = ∕ en  = 1 +.
 pour  ⩽  BE et déduire .
2) Donner l’expression de  

3) Montrer que la capacité calorifique présente une discontinuité à la transition

2 ( )

 (BE +
) −   (BE)=  , (13.52)
 (  − 1)

à comparer à (class)

=  . Que devient la discontinuité si  → 2 ?
Problème 13.1 Loi de Bloch (ferromagnétisme)
Un matériau ferromagnétique est caractérisé par l’existence d’une aimantation spontanée en-
dessous de la température de Curie   . Le problème vise à étudier le comportement de basse
température de l’aimantation (pour    ). Rappelons le comportement prédit dans le cadre
du modèle d’Ising :  ( ) ≃  (0) − 2 e −2∕ , qui est caractéristique de l’existence d’un gap
dans le spectre des excitations (cf. chapitre 10). Celui-ci est directement relié à la simplification
fondamentale du modèle d’Ising qui a consisté à supposer que l’aimantation ne peut prendre
que deux valeurs +1 et −1 (le gap correspond au coût associé au retournement d’un spin).
Dans la pratique, cette hypothèse simplificatrice n’est justifiée que pour décrire des matériaux
très fortement anisotropes. En revanche, dans les matériaux isotropes, on doit tenir compte de
la nature vectorielle de l’aimantation, ce qui change complètement la nature des excitations
de basse énergie : de faibles modulations spatiales de l’aimantation (des ondes de spin) de
vecteur d’onde  produisent des excitations de très basse énergie caractérisés par une relation
de dispersion quadratique à basse énergie :

2.
 ∝  (13.53)
→0

296
Entraînez-vous

Lorsque le problème est analysé dans un cadre quantique, les quanta associés à ces modes sont
appelés des « magnons ».5 On peut donc interpréter l’excitation du matériau en termes d’un
gaz de particules libres (les magnons). Les états quantiques à une particule sont des ondes
planes, repérées par une impulsion  = , d’énergie   =  . Étant des quanta de modes
collectifs d’excitation, les magnons sont des bosons caractérisés par un potentiel chimique nul
magnon = 0, puisque leur nombre n’est pas contraint.
130
Gd
M (T )
120

110
Aimantation

100

90

80 Gd 4 Bi3
70
0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7
( T / Tc )3/2
Figure 13.10
Aimantation en fonction de la température pour divers matériaux (Gd et Gd4 Bi3 ).
Données tirées de F. Holtzberg et al., J. Appl. Phys. 35, p. 1033 (1964).

1/ Calculer la densité des états individuels pour un système de dimensionalité  ; on note 


le volume. Exprimer le nombre moyen de magnons   excités à une température  sous la
forme d’une intégrale.
2/ Loi de Bloch.– L’existence de magnons excités thermiquement s’interprète comme des
fluctuations de l’aimantation, ce qui diminue la valeur moyenne de l’aimantation. On admet
que la décroissance de l’aimantation moyenne est proportionnelle au nombre de magnons
excités :
def
( ) =  (0) −  ( ) ∝   . (13.54)

On se place en dimension  = 3. Calculer explicitement   puis déduire le comportement de


basse température de  ( ). Comparer à la courbe expérimentale (figure 13.10). Quelle est la
validité de ce traitement ?
3/ Théorème de Mermin-Wagner.– Que devient le nombre moyen de magnons excités
 pour les dimensions  = 2 et  = 1 ? Qu’en déduire sur l’existence de la phase
ferromagnétique en fonction de la dimension ?
Problème 13.2 Fluctuations dans un condensat de Bose-Einstein
Nous considérons un gaz d’atomes (supposés de spin nul) confinés par un potentiel har-
monique isotrope de pulsation  en trois dimensions. On choisit l’origine des énergies telle
que le fondamental individuel a une énergie 0 = 0 (le premier état excité a donc une énergie

5. Les magnons sont analogues aux phonons décrivant les quanta d’excitation de vibration des atomes
du cristal, ou aux photons décrivant les quanta d’excitation du champ électromagnétique.

297
Chapitre 13 • Bosons

 
1 = ). La densité des états individuels est () =  2 ∕ 2 () 3 . On se place à la limite
thermodynamique.
1/ Pour  ⩽ BE, écrire le nombre de bosons comme la somme de la contribution du condensat
0 ( ) et des bosons excités  ( ). Calculer explicitement ce dernier. Justifier qu’on peut
écrire 0( BE) = 0. Retrouver l’expression de  BE .
2/ Déduire l’expression de la fraction condensée 0( )∕ pour  ⩽  BE.
3/ Fluctuations.– Puisque  est fixé, il n’est pas clair que l’application des formules grand
canoniques pour les fluctuations soit justifiée. Nous supposerons néanmoins que c’est bien
le cas au moins pour les états excités, dont les occupations sont microscopiques (i.e. nous
supposons que le condensat joue le rôle de réservoir pour les bosons excités).
a/ Justifier que la variance du nombre de bosons excités est

e 
0
Var() = d ( ) . (13.55)
(e − 1) 2

b/ Calculer explicitement Var( ).


c/ On souhaite maintenant caractériser les fluctuations du nombre de bosons dans le fondamen-
def
tal, Δ20 = Var( 0). Justifier que Var(0 ) = Var( ). Déduire l’expression de Δ 0∕ 0
en fonction de  ∕BE et  . Tracer Δ 0 ∕0 en fonction de  .

298
Formulaire

Fonction Gamma d’Euler


0

Des intégrales du type d  e− apparaissent très couramment dans les calculs.
Un changement de variable élémentaire permet de relier cette intégrale à la fonction
Gamma d’Euler, définie comme :

0
def
Γ() = d −1 e − pour Re  > 0 . (A.1)

Elle vérifie la relation fonctionnelle


Γ( + 1) =  Γ(). (A.2)

Deux valeurs particulières sont Γ(1) = 1 et Γ(1∕2) =  d’où :

1 
Γ( + 1) = ! et Γ( + ) =  (2 − 1)!!. (A.3)
2 2

Intégrales gaussiennes
L’intégrale
+∞ 
 −∞
2
d e− =  (A.4)

est simplement reliée à Γ(1∕2). Plus généralement, on rencontrera souvent des intégrales
de la forme
∞   +1  
0
1
 − 2 2 1 2 2 +1
d  e = Γ . (A.5)
2  2

Application : volume de l’hypersphère


2
On calcule de deux manières l’intégrale gaussienne =  ∕2 (on a ici
d  e−
utilisé la séparabilité). On peut également profiter de la symétrie sphérique et écrire

 0

d   () = d  ()  () où   () =  (1) −1 est la surface de l’hyper-
sphère de rayon  :

 0
1
d  e− =  (1) d  −1 e − =   (1) Γ(∕2) ,
2 2
(A.6)
2

299
Formulaire

d’où  (1) = 2 ∕2∕Γ( ∕2). La relation entre le volume et la surface de l’hypersphère


est donnée par  () = ′ () = ()  ∕. Il sera commode d’introduire la notation
def
V =  (1) =  (1)∕ pour désigner le volume de la sphère de rayon unité :
∕2
V = 
. (A.7)
Γ( + 1)
2

Fonction beta d’Euler


Des intégrales qui apparaissent à plusieurs reprises sont directement données par la
fonction beta d’Euler :
1 ∕2
Γ()Γ()
0 0
(, ) = d −1 (1 − )−1 = 2 d sin2−1  cos2−1  = . (A.8)
Γ( +  )

Fonction zeta de Riemann


Plusieurs intégrales utiles font intervenir la fonction zeta de Riemann, dont une défini-
tion possible est


 ( ) = − pour Re  > 1 . (A.9)
=1

Cette fonction joue un rôle très important en théorie


 des nombres pour son rôle de fonc-
tion génératrice des nombres premiers :  () = (1 −  −)−1 où le produit porte sur

tous les nombres premiers. D’autres représentations permettent d’étendre sa définition
au plan complexe. Quelques valeurs particulières utiles :
2 4
 (3∕2) ≃ 2.612 , (2) = , (5∕2) ≃ 1.341 ,  (3) ≃ 1.202 , (4) = .
6 90
(A.10)
Une première série d’intégrales utiles est :

 −1
0
d = Γ()  () pour Re  > 1 (A.11)
e − 1
L’intégral se calcule comme suite : on développe la fraction en série géométrique
   −1  ∞
e −1 = e − , puis l’intégration terme à terme donne (A.9).
=1
Une autre série d’intégrales importantes :

 −1
0
d 
= (1 − 21−) Γ()  () pour Re  > 0. (A.12)
e +1

300
Formulaire

Distribution de Dirac
Rappelons la formule définissant l’action de la distribution de Dirac. Soit  () une
fonction continue à l’origine :


d  ()  () =  (0) , (A.13)

où l’intégrale inclut l’origine. Autrement dit () est une fonction de « poids

ℝ
d () = 1 » concentré à l’origine.
La transformée de Fourier de la distribution de Dirac est une constante ( est la
superposition d’ondes planes à toutes les fréquences) i.e.
+∞

 −∞
d i
 ( ) = e . (A.14)
2
1
Une propriété utile : soit  ∈ ℝ ∗, on a () =  (). La propriété montre que la
     
distribution a la dimension physique inverse de son argument  () = 1∕  .
Soit  () une fonction ayant un ensemble de racines simples notées  . On a
  ( −   ) 1 
 ( ()) = = ′  ( −  ) . (A.15)
 tq
 ()
′  ()   tq

 ( ) = 0  ( ) = 0

Exemple 1
Appliqué à la parabole, on obtient
1  
 ( 2 −  20) =  ( − 0) + ( +  0) (A.16)
20
pour 0 > 0. Dans la limite  0 → 0+ on déduit  (2) = −1  ().

Exemple 2

 (sin ) =  ( − ) est un peigne de Dirac.
∈ℤ

Formule de Poisson

ℝ
Soit  () une fonction définie sur ℝ et () = d  () e−i sa transformée de
Fourier. La formule de Poisson est
 
 ( ) = (2) (A.17)
∈ℤ ∈ℤ

301
Formulaire

Application au peigne de Dirac :


 
 ( −  ) = e2i . (A.18)
∈ℤ ∈ℤ

Relation de Parseval-Plancherel
Nous reformulons la formule de Poisson (A.17) avec des notations plus usuelles pour
def
la transformée de Fourier discrète. Soit  () une fonction définie sur [0, ] et  =
1 


1
 d  () e −i sa transformée de Fourier, i.e.  () =   e i. Rap-
 0  
2
pelons que les vecteurs d’onde sont quantifiés en volume fini :  = avec  ∈ ℤ pour
 
des conditions aux limites périodiques. La notation «   () » désigne précisément
 


la sommation sur les vecteurs quantifiés  (). En utilisant d e i =   ,0 on
∈ℤ 0
obtient facilement la relation de Parseval-Plancherel
 
0
d  ()2 =  2 . (A.19)

Formule de Stirling (très important)


On peut appliquer la méthode du col (annexe B.1 du chapitre 2) à la fonction Gamma

0
en l’écrivant Γ( + 1) =  +1
d e−() avec () =  − ln . On obtient la formule
de Stirling
 1
Γ( + 1) ≃ 2  +2 e− (A.20)
→∞

qu’on utilisera souvent sous la forme

ln(2) + (1∕)
1
ln Γ( + 1) =  ln  −  + (A.21)
→∞ 2

Remarquons qu’il s’agit des premiers termes d’une série asymptotique (i.e. si on pour-
suivait le développement en complétant par des termes  ∕ pour  > 1, la série
∞
∕  a un rayon de convergence nulle).
=1

302
Solutions
Exercice 2.1 La distance typique entre les atomes du gaz est  =  −1∕3 où  =  ∕ est la
densité moyenne. La précision sur la position des atomes doit être au moins une fraction 1∕ de
cette distance (pour au moins les distinguer), où  ⩾ 1 est la précision ( = 10 veut dire qu’il y
a dix graduations à l’échelle de ). Si  =  1∕3 est la taille de la boîte, une coordonnée  d’un
atome doit donc être repérée sur un segment [0, ] ayant au moins ∕ graduations. Il nous faut
donc log 10(1∕3 ) = log 10 ( 1∕3 ) chiffres significatifs par atome et par coordonnée (il y en a
six : trois coordonnées d’espace et trois pour les vitesses). Le nombre de chiffres significatifs par
atome (en base 10) est donc log10 ( 1∕3) × 6. On convertit ce nombre en octets en le multipliant
par ln 10∕ ln 16. Finalement on le multiplie par le nombre d’atomes. Après simplifications on
déduit Mémoire =  ln(3 )∕(2 ln 2). Q ED .
Exercice 2.2 Changement de variable avec une fonction non bijective
2 
 ( ) =  e−  ∕(2) est normalisée sur ℝ pour  = ∕(2) (cf. annexe 3.3). Pour obtenir
la distribution de l’énergie  =  2∕(2), nous devons prendre garde à ce que la fonction n’est

pas bijective : une valeur de l’énergie  est associée à deux valeurs  = ± 2 de l’impul-

sion (cf. figure ci-dessous). En tenant compte de cette remarque, on écrit ( ) d =  ( =
  
+ 2) +  ( = − 2 ) d . Comme la fonction est symétrique on a simplement ( ) =
  
2  () (d ∕d) = 2∕  ( = 2 ), d’où finalement ( ) = ∕() e −.

 
Exercice 2.3 (, ) =  exp − ( 2 +  2 + 2 ) est une distribution si  2 +  2 +
2  est une forme quadratique positive (ainsi  est normalisable). Autrement dit il faut que
 − 2 > 0.


def
La loi jointe de  est 1 () = d (, ). En écrivant  2 + 2  = ( + ∕) 2 − 2  2 ∕
nous pouvons intégrer sur  (c’est une intégrale gaussienne), d’où 1() ∝ exp[−( −  2∕) 2 ].
De même la loi marginale de  est 2() ∝ exp[−( −  2 ∕) 2].
En général (, )  1() 2 (), i.e. les variables ne sont pas indépendantes statistiquement.
Cependant, pour  = 0 on a 1 () ∝ exp[−2 ], 2 () ∝ exp[− 2] et (, ) = 1 () 2 () :
les variables sont indépendantes.
Exercice 2.4 Nous notons  le coût de l’utilisation de la machine. Le patron du casino profite
du grand nombre de joueurs et son gain est une moyenne (alors que chaque joueur est sensible
aux aléas du jeu, i.e. aux fluctuations) : le casino gagne en moyenne  −   par utilisation de la
machine. Il choisit donc 1.45 €<  < 5 €.

303
Solutions

Exercice 2.5 Les positions de Alice et Bob sont  ,  ∈ {−1, +1}. Dans chaque cas, la
valeur  = −1 apparaît autant de fois que la valeur   = +1. Puisque les évènements sont
équiprobables, on trouve   = 0 (idem pour Bob,  = 0).
1. Les positions sont non corrélées : Le produit des positions prend les valeurs respectives (dans
l’ordre correspondant à la figure) :    = (−1)(−1), (+1)(+1), (−1)(+1) et (+1)(−1). Cha-
cune de ces contributions étant pondérée par la même probabilité 1∕4, on obtient    =
   = 0.
2. Positions corrélées : On a maintenant deux configurations équiprobables, d’où     =
(−1)(−1) × 1∕2 + (+1)(+1) × 1∕2 = 1 >    = 0.
3. Positions anti-corrélées :    = (−1)(+1)×1∕2+(+1)(−1)×1∕2 = −1 <   = 0.
Exercice 2.6 Les corrélations des nouvelles variables sont

    = T   = (Σ 2 ) =  2  


    
  =
,

(on a utilisé  −1 =  T). Les nouvelles variables sont gaussiennes et non corrélées Q ED .
Exercice 2.7 Des moments à la distribution
a) Connaissant les moments { } ∈ℕ, on construit  ( ) à l’aide de (2.28) puis on utilise la
transformation de Laplace inverse.
b) Application au cas des moments  = !  : la fonction génératrice est donnée par une série
géométrique  ( ) = 1∕(1 + ). La transformation de Laplace inverse est très simple. On utilise
le théorème des résidus. Pour  < 0 on referme le contour par la droite, là où la fonction est
analytique, d’où ( < 0) = 0. Pour  > 0 on referme le contour de Bromwich par la gauche, ce
qui attrape la contribution du pôle simple en  = −1∕ :
+i∞  
d e  e  () −∕
−i∞
1
() = = H () Résidu , en − = H e .
2i 1 +  ( + 1∕)  

Exercice 2.8 Variables gaussiennes dans ℝ 


Le calcul de la fonction génératrice

ℝ 
T 1
𝐱−2 𝐱 T  −1 𝐱
(𝐛) ∝ d 1 ⋯ d  e 𝐛

se fait sans intégration, par un simple changement de variable en remarquant que 𝐱T −1 𝐱 −
2𝐛T 𝐱 = (𝐱 −  𝐛)T −1 (𝐱 − 𝐛) − 𝐛T 𝐛. On déduit
 
(𝐛) = exp (1∕2)𝐛T𝐛
 
(la valeur pour 𝐛 = 0 est fixée par la normalisation). On utilise    =   ( 𝐛)𝐛=0 =  .
QED .

304
Solutions

Remarque. le calcul de la constante de normalisation de la distribution se fait en utilisant


l’intégrale gaussienne (pour une matrice hermitienne)



d 𝐱 e −𝐱T 𝐱 =
det 

(l’intégrale est triviale si  est diagonale ; si elle ne l’est pas, on peut toujours faire un changement
de variables qui la diagonalise). Finalement

1  
 ( 1 , ⋯ ,   ) =  exp − (1∕2)𝐱T −1𝐱 .
(2)  det 

Le résultat est remarquable : il montre que pour des variables gaussiennes, il est possible
d’identifier la matrice des covariances directement par examen de la mesure, sans calcul
supplémentaire.

Exercice 2.9 Démonstration du théorème de la limite centrale


Nous
 notons 2 = Var() (on a choisi  1 = 0). La fonction génératrice est   () =
      
exp −   ∕  2 = ( ∕ 2 ) . On utilise maintenant ln ( ) = (1∕2!)2 2 −

(1∕3!)3 3 + ⋯ :
 2  3   
 
 +
1  1  1 2 3
 () = exp    2  − 3  + ⋯  = exp 
2 2 6 2  2 
 
1 2
Dans la limite  → ∞ nous retrouvons la fonction génératrice  ∞ () = e 2  correspondant à la
1 1 2
distribution gaussienne normalisée () =  e− 2  . QED .
2

Exercice 2.10 Pour établir la connection avec le théorème de la limite


 centrale, nous re-
marquons que la loi binomiale décrit la distribution de la somme  =   de  variables

indépendantes, où  = 1 avec probabilité  et  = 0 avec probabilité 1 −  (on a bien

 ∈ {0, 1, ⋯ ,  }). On a calculé   =  et  = (1 − ). D’après le théorème de

la limite centrale, la distribution est donc gaussienne Proba{ = } = Π () ∝ exp − ( −

) 2∕(2(1 − )) .
Notons toutefois que le support de Π () est [0,  ]. Il faut que  ne soit pas trop proche de
0 ou de 1, auquel cas la distribution deviendrait asymétrique (non gaussienne, car influencée
par le voisinage des bords). La condition est    , et     −  , i.e.   1∕ et
1 −   1∕ .

Exercice 2.11 Le calcul des moments est élémentaire (il fait apparaître la fonction Γ) :
 = Γ( − )∕Γ(). Il est clair qu’ils sont divergents si  ⩾ .

305
Solutions

On utilise l’intégrale donnée : on voit que la fonction caractéristique s’exprime en termes de fonc-
   2    
tions de Bessel  ( ) = 2 ∕2∕Γ()  (2 ) =  ∕2  −(2  ) − (2 ) .
Γ() sin  
D’après la représentation en série de  donnée dans l’énoncé, le terme  ∕2 −(2 ) est ana-
lytique mais le second ne l’est pas :  ∕2  (2  ) ∼  + (  +1). On voit bien que  ( ) est

dérivable  fois à l’origine.

Remarque. Dans le cas  ∈ ℕ, la non analyticité vient de termes logarithmiques dans la


fonction de MacDonald.
Exercice 2.12 Loi jointe versus loi marginale – Tavelures et loi de
Rayleigh
d d  (  , ) = 1, d’où  = 1∕( 0 ).

La normalisation est donnée par la condition
Si l’on introduit un système de coordonnées polaires  =  ei , on peut écrire la probabilité
comme ( ,  ) d  d = dd 1∕(0 ) exp[− 2 ∕0 ]. Cette forme est plus appropriée
 

pour exprimer la distribution de l’intensité  = 2 , obtenue en intégrant ( ,  ) sur la variable


angulaire :
2
1 −2∕0 2d − ∕0 d − ∕0
0
( ) d = d d e = e = e .
0 0 0
L’expression illustre bien qu’on doit toujours écrire des égalités entre probabilités (et non entre

0
densités de probabilité), cf. (2.9). L’intensité moyenne est donnée par   = d ( )  = 0 .
Si l’on est à l’aise avec la distribution de Dirac, une écriture alternative plus directe est :

( ) =  ( −  2) = d d ( ,  ) (  −  2 − 2 ) = ⋯ =



1 − ∕0
e . (B.1)
0
La distribution de l’intensité (B.1) est appelée loi de Rayleigh. Elle illustre
un phénomène re-
marquable : dans un milieu turbide, les fluctuations de l’intensité  = Var() = 0 sont
égales à la moyenne, i.e. sont très importantes. Cela donne naissance aux figures de tavelures
très contrastées (« speckle » en anglais).

Exercice 2.13 a) Les propriétés statistiques de la « moyenne empirique » sont directement


données par le théorème de la limite centrale,  =   et Var() = Var( )∕ .
Pour simplifier l’analyse des moments de la variance empirique, nous introduisons   =  −
1   1  

2 1  2 1   
  et  =  . On peut écrire Σ =  2 =
(   − )  −   .
   =1    2 ,
 
 = 0 simplifie le calcul et donne immédiatement Σ 2 = 1 − 1 Var() ; on vérifie
Utiliser 

que Σ 2 = 0 pour  = 1 et Σ2  ≃ Var( ) pour grand  .
2
Le calcul de
la variance de Σ est plus fastidieux puisqu’il fait apparaître des moyennes de quatre
variables        . La propriété  
 = 0 montre que seuls deux types de termes con-
,,,
tribuent : soit lorsque tous les indices sont égaux, soit lorsqu’ils sont égaux par paires. Finalement

306
Solutions

1 1  1  4  3   2 2
Var(Σ2) = 1− 1−   − 1 −    . En particulier, pour   1 on trouve
   
1
Var(Σ2) ≃ Var( 2 ), comme on pouvait s’y attendre.

b) Les distributions de  et de Σ2 sont gaussiennes dans la limite  → ∞. Les deux distributions

ont une largeur ∼ 1∕ .
Exercice 2.14 Bruit de grenaille
Nous étudions le bruit du courant lié à la granularité des porteurs de charges (bruit de grenaille
découvert par Walter Schottky en 1918).
a) On peut considérer le passage des électrons comme des évènements indépendants. La distribu-
tion de la charge est donc donnée par la loi de Poisson discutée dans le chapitre : Proba{( )∕ =
( ) −
} = e .
!
b) Les cumulants de ( )∕ sont tous égaux à  . Nous déduisons l’expression du courant
moyen  =   et des fluctuations du courant  =  2 . On obtient la relation  =  . Deux
mesures indépendantes de  et   permettent donc de déduire la charge des porteurs  =  ∕.

Pour en savoir plus :


En matière condensée, dans les systèmes corrélés la charge des porteurs n’est pas toujours
la charge de l’électron  . Des mesures de bruit ont été utilisées pour mesurer la charge des
porteurs dans les deux situations suivantes :
() entre deux supraconducteurs, les porteurs de charge sont des paires de Cooper de
charge  = 2 : X. Jehl, M. Sanquer, R. Calemczuk and D. Mailly, Detection of double
shot noise in short normal-metal/superconductor junctions , Nature 405, p. 50 (May
2000).
() Dans l’effet Hall quantique fractionnaire (un gaz d’électrons bidimensionnel soumis
à un très fort champ magnétique), les porteurs de charge ont des charges fraction-
naires : L. Saminadayar, D. C. Glattli, Y. Jin and B. Etienne, Observation of the ∕3
fractionally charged Laughlin quasiparticle , Physical Review Letters 79, p. 2526 (1997)
et M. Reznikov, R. de Picciotto, T. G. Griffiths, M. Heiblum and V. Umansky,Observa-
tion of quasiparticles with one-fifth of an electron’s charge , Nature 399, p. 238 (May
1999).
   

Exercice 3.1   = (1∕2) 2 = (1∕2) d  ()  2 = (1∕2)(  ∕) =   ∕2.
De manière remarquable, la moyenne de l’énergie prend une forme universelle, contrôlée seule-
ment par la température (indépendante de la constante de raideur). Ce résultat est la conséquence
du théorème d’équipartition qui sera discuté au chapitre 6.
Exercice 3.2 Densité d’états de N systèmes à deux niveaux
a) L’état quantique du système est de la forme d’un produit tensoriel  1    2   ⋯     
où  = ±. Le nombre total de microétats est 2  . La plus basse énergie est min = − 0 (état
 −    −   ⋯   − ) et la plus haute max = +0 (état  +    +   ⋯   + ). Si un des
 sous-systèmes change d’état,  −  →  + , l’énergie varie de +20, i.e. le spectre des énergies
est donné par  = 2 0 où  = − ∕2 , − ∕2 + 1, − ∕2 + 2, ⋯ , + ∕2.

307
Solutions

b) Puisque  = + + − et  = (+ − −)0 , on obtient ± = ( ±  ∕ 0)∕2.


c) Le nombre d’états quantiques d’énergie  = 20 est la dégénérescence  du niveau,
donnée par le nombre de manières de choisir + systèmes à deux niveaux excités parmi les  :
 = !∕(+ !  −!). On utilise la formule de Stirling ln   ≃  ln  − + ln  + − − ln  − .
Puisque le spectre des énergies est régulier (un niveau par intervalle Δ = 20), on peut
simplement écrire ( ) ≃  ∕(20 ).
d
En utilisant d = ±20d ± on voit que ln  ≃ (2 0)−1 ln(− ∕+ ) s’annule pour  =
d
d2
0 (i.e. + = − =  ∕2). En utilisant ln   ≃ −(20 )−2(1∕− + 1∕+ ), on obtient le
d 2
développement ln  ≃ cste −  2∕(220) au voisinage du maximum. La densité d’états est
donc approximativement une gaussienne
2 2
( ) ≃ (0) e− ∕(20) . (B.2)
 2 
La dégénérescence maximum est  0 = !∕ (∕2)! ≃ 2  2∕(), ce qui nous

donne la valeur de la densité d’états (0) = 0 ∕(20 ) ≃ 2  ∕( 2 0 ) (on vérifie que


d () = 2  ).

Exercice 3.3 Densité d’états de N oscillateurs harmoniques


unidimensionnels
a) Analyse quantique : Le problème est séparable, donc les états quantiques sont des produits
tensoriels d’états quantiques pour un oscillateur   1    2   ⋯     (où l’oscillateur  est

excité  fois). Le spectre des énergies est simplement   =  ( +  ∕2) où  =  ∈ ℕ.
=1
La dégénérescence du niveau  correspond au nombre de manières de partitionner  en 
entiers. On représente cela comme
 1 excitations  2 excitations  excitations
  
∙ ∙⋯∙  ∙ ∙⋯∙  ∙ ∙⋯⋯  ∙ ∙ ⋯∙
ce qui montre que le nombre de partitions correspond au nombre de façons pour ordonner les 
boules (ou les  − 1 barres) parmi les  +  − 1 objets. La dégénérescence est finalement
( +  − 1)!

 = Ω(  ) =  + −1
= (B.3)
 !( − 1)!
Remarque : nous retrouverons cet argument dans plusieurs autres contextes par la suite (cf.
problèmes 5.2 et 5.3 p. 103).
b) Analyse semiclassique : L’hamiltonien de  oscillateurs 1D est le même qu’un oscillateur
isotrope -dimensionnel. On applique la formule semiclassique (3.25). Le volume de la cellule

 2 2 2
élémentaire vaut ici  et le domaine d’intégration est défini par +  ⩽ .
2 2
 
=1

Avec le changement de variables   =  2∕2   ,  =  ∕ 2, la contrainte prend la forme

308
Solutions


 
( 2 + 2 ) ⩽ , i.e. définit le volume d’une hypersphère de dimension 2 de rayon . On
=1
utilise (A.7), d’où
 
1  
Φ() = (semiclassique) . (B.4)
! 
Remarquons que le facteur 1∕! n’a pas ici pour origine l’indiscernabilité.
Le résultat semiclassique correspond à la limite des grands nombres quantiques,    . En uti-
1 1     −1
sisant ( + )!∕! ≃  pour  → ∞, on déduit   ≃ ( −1)!   −1 ≃ .
( − 1)! 
Puisque les niveaux sont régulièrement espacés,  et  ( ) sont reliées simplement : (  ) ≃
1 1     −1
 ≃ , dont l’intégrale est précisément (B.4). Qed.
 ( − 1)! 
Exercice 3.4 Terme de Weyl de la densité d’états et formules de trace
L’état stationnaire d’énergie  = 2 (où  2 ∕(2) = 1) est une combinaison linéaire d’ondes
planes  () =  e i+  e −i . On compare les densités d’états pour les conditions aux limites
de Dirichlet et les conditions aux limites périodiques.
a) Conditions de Dirichlet,  (0) =  () = 0 : on obtient  =  ∕ avec  ∈ ℕ ∗.
Conditions aux limites périodiques,  (0) =  () &  ′ (0) = ′ () : on obtient   = 2∕
avec  ∈ ℤ (mis à part le fondamental 0 = 0, les états sont dégénérés  = −).
b) Conditions de Dirichlet : la densité d’états est
 ∞    
1 

Dir () =  ( −  2 )
=  (  −  ) + (  + )
=1 2  =1
où l’on a utilisé (A.16). On applique ensuite la formule de Poisson (A.18) :
     1
(  − ∕) = (∕ ) exp(2i  ), d’où  Dir() =  −  ( ) +
∈ℤ ∈ℤ 2
2 
  ∞ 
 cos(2  ) et
=1
 

  1 1 1
∞ 
ΦDir () = − + sin(2  ) . (B.5)
 2  =1 

Conditions périodiques : En appliquant le même raisonnement on obtient Per () =  +
2 
 ∞ 
 cos(  ) et
=1
 

  2 1
∞ 
ΦPer () = + sin(  ) . (B.6)
  =1 

Les deux expressions(B.5,B.6) sont dominées par le terme de Weyl Φ Weyl() =   ∕ (le
même dans les deux cas), proportionnel au « volume ». Les expressions exactes font cependant
apparaître des corrections.

309
Solutions

2 4 6 8

Figure B.1
Densité d’états intégrée pour la particule libre avec conditions aux limites périodiques
(fonction escalier). Terme de Weyl (ligne droite en pointillés) et contribution des trois
premières orbites périodiques, i.e. la série (B.6) est tronquée après  = 3.

Commentaire : Les deux densités d’états intégrées (B.5,B.6) présentent la structure d’un terme
régulier, proportionnel au « volume » , puis d’une série de termes oscillants. On a identifié
le terme dominant avec le terme de Weyl, indépendant des conditions aux limites. Les termes
oscillants, sous dominants, ont une interprétation très intéressante : l’argument des fonctions si-


nusoïdales correspond à l’action d  des trajectoires périodiques classiques (les « orbites

périodiques ») : avec des conditions de Dirichlet  = 2  est l’action pour un aller-retour
et la somme génèreles trajectoires associées à  allers-retours, alors que pour les conditions
périodiques,  =  est la trajectoire qui fait un tour. Cette observation montre que non
seulement le terme de Weyl, mais aussi ces corrections quantiques ont une interprétation clas-
sique. Ce type de développement porte le nom de formule de trace. Pour le problème libre, on
obtient une représentation exacte. En général, de tels développements fournissent une approxi-
mation de la densité d’états dans le régime semiclassique. Ils sont très utilisés pour étudier les
corrections liées à la quantification du spectre (les effets « mésoscopiques »).
Exercice 4.1 On rapproche la formule de Shannon (4.15) pour la distribution continue de


l’expression d’une moyenne, éq. (2.20) :  = − d () ln () = ln[1∕( )].

On peut utiliser que le logarithme est une fonction variant très lentement pour estimer l’entropie.
Une distribution « étroite », de largeur  ∼  est typiquement de hauteur ∼ 1∕, d’où  ≃ ln .
Exercice 4.2 Entropie de Rényi
Faisons  = 1 pour simplifier. Posons  = 1 +  . La limite  → 0 prend la forme   =
   
 ln  + (  2 ) , d’où lim  =  (entropie

(−1∕) ln  e ln   = (−1∕) ln 1 + 
→1
 
de Gibbs-Shannon).
On utilise la méthode des multiplicateurs
  de Lagrange : on introduit la fonction auxiliaire


 ({}) =   ({  }) +  1 −  , où  est le paramètre de Lagrange. La condition

 
 ({  }) = 0 conduit à  = cste ∀ . Pour Ω microétats, la normalisation est donc

  
 = 1∕Ω, d’où (en ré-introduisant  ) max = ln Ω Ω− =   ln Ω, comme pour
1−
l’entropie de Gibbs-Shannon.

310
Solutions

L’entropie de Rényi ne satisfait pas la propriété de sous-additivité en général (évidemment, elle


est satisfaite dans le cas particulier de la distribution uniforme). Anticipons avec la suite du cours :
puisque c’est la propriété de sous-additivité qui assure l’extensivité, l’entropie de Rényi ne peut
pas coïncider avec l’entropie de la thermodynamique.
Exercice 5.1 La position et l’impulsion sont indépendantes. Considérons la loi marginale


de cette dernière () = −1  ( 2 −  20). On passe en coordonnées polaires : d2  (
) =
∞ ∞

0 0
2 d  (2 −  20) = d ( − 20) = 1. Q ED .

Exercice 5.2 On écrira plus simplement

   
 () =

1
 ′ ( )
 =
∗(Γ)   −  ( Γ) avec d6 Γ H  −  (Γ) . (B.7)

Exercice 5.3 Entropie du cristal paramagnétique


↑ = + ∕ et ↓ = − ∕ mesurent les fractions de spins ↑ et ↓. Ces quantités s’interprè-
tent également comme les probabilités pour qu’un spin soit dans un des deux états quantiques
 
 ↑  ou  ↓ . L’expression (5.13) est  ∗ ≃ − + ln(+ ∕) + − ln(−∕ ) (on a utilisé
 ln  = (+ + −) ln  dans le premier terme  ln  ). En divisant cette entropie par 
on obtient l’expression proposée.
L’entropie d’un spin correspond précisément à l’entropie de Gibbs-Shannon (4.15). On en tire
une conclusion remarquable : on pourrait considérer un spin comme le système (non isolé) ; les
 − 1 autres spins jouent alors le rôle d’un « environnement » pour le spin, fixant les probabilités
d’occupation des deux microétats  ↑  ou  ↓ .
2 ∗
Exercice 5.4 La formule de Sackur-Tetrode,  ∗ = (3∕2) ln  + ⋯, donne =
 2
−3 ∕(22 ). Considerons le contact entre deux gaz

parfaits équivalents pour simplifier ( 1 =
2 =  ). On a 1 = 3  ∕2, d’où 1 = ( 3∕2)   ∗ . Le dernier terme de (5.34)
max ∗
   ∗
est donc  ln 6  . Q ED .
2
Exercice 5.5 Compétition énergie/entropie

∗
En utilisant (5.37) on obtient ↑ ∕↓ = +∕− = e2 . Combinée à ↑ + ↓ = 1, les équations
conduisent aux expressions
e −2∕ 

1
↑ = et ↓ =
∗ , (B.8)
1 + e −2 ∕ 1 + e−2∕  

fonctions du rapport des deux échelles d’énergie caractéristique  (énergie magnétique) et


  ∗ (agitation thermique). L’interprétation de ces deux expressions est rendue plus claire en
considérant les cas limites :
• À basse température (positive)  ∗  ∕ , on a ↑ ≃ 1 et ↓  1. Les spins sont essen-
tiellement dans l’état  ↑ , i.e. les moments restent alignés sur le champ magnétique : l’énergie
domine.

311
Solutions

• À haute température  ∗    ∕, on a ↑ ≃ ↓ ≃ 1∕2. Les deux états de spin sont équiproba-
bles, i.e. l’effet de l’énergie magnétique (qui favorise  ↑ ) est négligeable. Les propriétés d’un
spin sont dominées par l’agitation thermique, i.e. l’entropie.
• Le cas des faibles températures négatives, − ∗   ∕ , correspond à la situation où les
spins sont anti-alignés avec le champ avec forte probabilité  ↑  1 et ↓ ≃ 1.
Exercice 5.6 Cristal paramagnétique et vibrations atomiques
∗ ( ) ∗ ( )
a) À l’équilibre on a mag =  vib > 0. La température de vibration est nécessairement positive
car l’entropie associée à la vibration est une fonction croissante de l’énergie (plus l’énergie aug-
mente, plus l’espace de phases autorisés est grand). Si au départ  ∗mag() < 0, alors le cristal cède

∗ ()
forcément de l’énergie aux degrés de liberté de vibration (rappelons que  mag < 0 correspond
aux énergies mag > 0 les plus élevées). On peut également analyser le problème graphiquement
et étudier l’intersection des deux fonctions mag

(mag) et  ∗vib( vib) avec  =  mag + vib fixée.
T*

E
T *(f)
T *(
vib
i)

-1.0 -0.5 0.5 1.0 E mag


T *(
mag
i)

b) Les électrons participent à la liaison chimique : ce sont des particules légères dont la dy-
namique est plus rapide que celle des ions, plusieurs milliers de fois plus lourds. Les spins
électroniques sont fortement couplés aux degrés de liberté de vibration et relaxent très vite vers
l’équilibre. À l’inverse les spins nucléaires sont assez faiblement couplés avec les autres degrés
de liberté. Le temps caractéristiques sur lequel spins nucléaires et degrés de liberté de vibration
échangent de l’énergie est de l’ordre de la minute (cf. figure 5.1) !

Remarque. Lorsque la température du cristal varie de mag


∗ () < 0 à  ∗ ( ) > 0, elle passe par
mag

mag = ∓∞ (figure ci-dessus).

Exercice 5.7 Les températures (absolues) négatives sont les plus


chaudes !
∗ () ∗ ()
Initialement les deux systèmes ont des températures 1 < 0 et 2 > 0. Deux cas selon la
valeur de  = 1 + 2 :
1) Soit  ∗1 ( ) = 2∗ ( ) > 0.

2) Soit 1∗ ( ) =  2∗ ( ) < 0. L’énergie du système S 1 a baissé dans les deux cas, donc il a cédé
de l’énergie. Il était initialement plus chaud.
T*

T *(f)

E
T *(
2
i)

-1.0 -0.5 0.5 1.0


E1
*(i)
T1

312
Solutions

Exercice 5.8 Distribution de Maxwell


a) Le nombre de microétats d’énergies inférieures à  est Φ () =
    2



  ∕  ! 3 d3 1 ⋯ d3   H  −  ∕(2) . Le nombre de microétats accessibles,
=1  
d’énergies ∈ [,  + ], est donc donné par Ω() = Φ′ ( )  =   Σ ( ) ∕  !  3 .
La dépendance en  est déduite d’un simple argument d’analyse dimensionnelle

en introduisant les variables  =   et en utilisant ( ) = (1∕ ) ( ) :
 


Σ () =  3∕2−1 3 3
d  1 ⋯ d   1 −  2∕(2) . L’entropie présente la dépen-
=1
dance  () =  ln Ω() = (3 ∕2) ln  + ⋯ (en supposant   1). La température du

gaz est  ∗ = 2∕(3 ).


b) La distribution microcanonique est la distribution uniforme sur l’ensemble des mi-
croétats accessibles, i.e. est concentrée sur la couche d’énergie  (cf. exerice 5.2) :
 
 2 

 (1 , ⋯ ,  , 1 , ⋯ ,   ) =    − . La constante de normalisation est donnée par
=1
2
1∕ =   Σ  ( ).
c) La loi marginale de l’impulsion de l’atome  est donnée en intégrant sur toutes les autres
variables
 2

Σ  −1  − 
 
2
 (  ) = d3 1 ⋯ d 3 d3 1 ⋯ d 3  −1 ∗ (1, ⋯ ,   , 1, ⋯ ,   ) =
Σ ( )
On utilise simplement Σ () ∼  3∕2 :
 3∕2  3∕2  
 2 2  2 2
 () ∝ 1 − = 1− ⟹  () =  exp −
2 3 2  ∗  →∞ 2 ∗

On trouve la normalisation  = (2  ∗ ) −3∕2.

Problème 5.1 Extensivité et dilatations


1/  ,  ,  et ∗ sont extensives, d’où  ∗ =   (  ∕,  ∕ ).
2.a) Les énergies des états individuelles dépendent de la taille comme ∼ 1∕2 . Cela reste vrai
pour l’énergie totale (somme d’énergies d’états individuels) d’où ′ = −2 .
Faisons abstraction un moment de la dépendance en  qui ne joue pas de rôle pour discuter l’effet
des dilatations. L’entropie est conservée durant la dilatation adiabatique :  ∗( ′ =  −2 ,  ′ =
3  ) =  ∗(,  ). On choisit  =  1∕2 d’où  ∗(,  ) =  ∗ (1,   3∕2 ) = fct(  3∕2). On
re-introduit  et on déduit
  3∕2
∗  
 (,  ,  ) =   () avec  = (B.9)
 

313
Solutions

 
3/ On utilise ∕ = 3∕(2  ) et ∕ = ∕ , d’où  ∗∕ = 3∕(2 )  ′ () et
 
∗ ∕ =  ∕ ′ (). Le rapport des deux nous donne la pression

2
∗ = . (B.10)
3
L’isentrope est la transformation à ∗ = cste, d’où  2∕3 = cste. Combinée à (B.10), nous
déduisons l’équation de l’isentrope

 ∗  5∕3 = cste (régime classique et quantique) (B.11)

Une observation remarquable : (B.10,B.11) sont très généraux et s’appliquent aussi bien au
régime classique que quantique (pour des atomes).
 
4/ Gaz classique : On impose que 1∕ ∗ = 3∕(2 )  ′() est indépendant de  , d’où
′ () ∝ 1∕, i.e.  () =  ln( ) où  et  sont deux constantes. On a retrouvé la structure
   3∕2
∗ =   ln + cste de la formule de Sackur-Tetrode.
 

Remarque : Isotherme versus isentrope. Pour les gaz parfaits, si l’équation de l’isotherme
 = cste est universelle, indépendante de la nature du gaz (atomique, moléculaire, etc), elle est
limitée au régime classique. En revanche l’équation de l’isentrope  5∕3 = cste n’est valable
que pour le gaz monoatomique, cependant elle est valable aussi bien dans le régime classique
que quantique.
5/ Gaz de bosons et condensation de Bose-Einstein La condition  ∗ = 0 prend la forme
∗ ∕ = 0 (en utilisant ∕ = −5∕(2 )) d’où  ()−(5∕2)  ′ () = 0, i.e.  () =  5∕2
où  est une constante. L’entropie est bien indépendante de  :

∗ (,  ,  ) =   2∕5  3∕5 (gaz de bosons condensés) . (B.12)

On déduit  ∗ = 5 ∕(3 ∗) ∝ ( ∕ ) 2∕5. Combiné avec (B.10), nous obtenons l’équation d’état
 5∕2
∗ =   ∗ (B.13)

qui est évidemment indépendante de la densité puisque la dépendance en  a disparu, où  est


une constante (cf. chapitre 13).

Problème 5.2 Distributions de Fermi-Dirac et Bose-Einstein


1/ d∗ = (1∕ ∗ ) d − ( ∗∕ ∗ ) d .

2/ Fermions
a. Le nombre de manières de distribuer les  fermions dans les  boîtes correspond au nombre
 
de manières de choisir  boîtes occupées et  −  vides : Ω = !∕  !( −  )! .
 ∗  
b. L’entropie est  ∗ ≃  ln  − ln  −( − ) ln( − ). D’où ≃  ln ( − )∕ .


314
Solutions

c. Puisque tous les états individuels ont même énergie, l’énergie est simplement reliée au nombre
 
de fermions :  = . D’après la question 1 : d∗ = ( − ∗ )∕ ∗ d. En identifiant les deux

expressions de d∗ nous déduisons ( − )∕ = exp ( −  ∗)∕  ∗ }.
d. L’occupation moyenne d’un état individuel est F() =  ∕. D’après le d, nous obtenons la
distribution de Fermi-Dirac
 ∗ ∗
 −1
F () = e (− )∕  + 1 ∈ [0, 1] (principe de Pauli) . (B.14)

La fonction est tracée dans les chapitres 11 et 12.


3/ Bosons Pour calculer le nombre de manières de distribuer les  bosons dans
 les  cases on
utilise le même argument que dans l’exercice 3.3, d’où Ω = ( − 1 +  )!∕  !( − 1)! .

Nous déduisons l’expression de l’entropie (dans la limite   1 et   1) ∗ ≃  ( +
  ∗  
) ln( +  ) −  ln  −  ln  . D’où ≃  ln ( + )∕ .


 ∗ ∗
 
L’identification avec d = ( −  )∕ d donne cette fois ( +  )∕ = exp ( −
∗ )∕  ∗ }. L’occupation moyenne  B() =  ∕ correspond à la distribution de Bose-Einstein
 ∗ ∗
−1
B() = e (− )∕  − 1 ∈ ℝ+ . (B.15)

L’occupation n’est cette fois pas bornée puisque chaque état quantique peut être occupé par un
nombre arbitraire de bosons (cf. Fig 13.1).
Le résultat montre que le potentiel chimique est contraint, ∗ < , afin d’assurer la positivité
de la distribution. Pour que cette condition soit satisfaite pour tous les états individuels, elle doit
l’être pour le fondamental ∗ < 0 . Cette différence entre fermions et bosons sera à l’origine
du phénomène très intéressant de « condensation de Bose-Einstein » qui sera étudié en détail au
chapitre 13.
Problème 5.3 Gaz parfaits quantiques sur réseaux
A. Chaque particule peut occuper une des  cases, les particules sont indépendantes, donc
Ωdisc(, ) =   . L’entropie microcanonique est  ∗disc (, ) =  ln . La pression
def
microcanonique est ∗disc =  ∗  ∗disc∕ = (1∕)disc

∕ nous redonne l’équation d’état du
gaz parfait classique disc =     en fonction de la densité moyenne  =  ∕ .
∗ ∗

B. Particules indiscernables.
1/ Fermions Il ne peut y avoir qu’un fermion au plus par case, d’où ΩFerm(, ) =
   
!∕  !( −  )! . On obtient  ∗Ferm(, ) ≃    ln  −  ln  − ( −  ) ln( −  ) .
2/ On déduit
  ∗
 ∗Ferm = − ln(1 − ) . (B.16)

Le principe de Pauli impose  ⩽ 1.
2/ Gaz de bosons En reprenant le truc du problème 5.1 on obtient ΩBos(, ) = ( +  −
 
1)!∕  !( − 1)! (l’argument est aussi le même que dans l’exercice 3.3). D’où  ∗Bos(, ) ≃

315
Solutions

 
 ( +  ) ln( +  ) −  ln  −  ln  . Le calcul de la pression conduit à  ∗Bos =
  ∗
ln(1 +  ∕ ), i.e.

 ∗
 ∗Bos =  ln(1 + ) . (B.17)

Figure B.2
Pressions des gaz parfaits sur réseau (bosons et fermions) en fonction de la densité. La
ligne en tirets correspond au gaz parfait classique.

3/ Conclusion Dans la limite diluée   1∕, les trois équations d’état coïncident ∗Bos ≃
∗Ferm ≃  ∗disc. La probabilité d’occupation d’une cellule (d’un état individuel) est très faible
et les corrélations quantiques ne jouent pas de rôle.
Dans le régime de forte densité on observe que ∗Ferm > ∗disc : le principe de Pauli génère une
augmentation de la pression par rapport au cas classique, liée à l’interdiction pour deux fermions
d’occuper le même état individuel, i.e. une « répulsion » effective. Si le modèle du gaz sur réseau
présente une divergence logarithmique de la pression lorsque l’on s’approche de la densité max-
imale max = 1∕, nous verrons que tel n’est pas le cas pour le modèle continu qui sera étudié au
chapitre 12, qui prédit un comportement ∗Ferm ∝  5∕3.
Dans le cas des bosons on a  ∗Bos < ∗disc : en favorisant le regroupement des particules dans
un même état individuel, le postulat de symétrisation génère une diminution de la pression,
i.e. joue le même rôle qu’une « force attractive » effective. Le gaz de bosons sera étudié au
chapitre 13 où sera pris en compte l’effet de l’énergie des particules : nous découvrirons l’appari-
tion du phénomène de condensation de Bose, correspondant au regroupement des bosons dans
un unique état individuel (le fondamental). Notre modèle de gaz sur réseau ne présente pas de
phénomène de condensation car, en l’absence d’énergie tous les états sont dégénérés et il n’y a
pas de fondamental dans lequel les bosons pourraient se condenser.
Enfin, une dernière remarque : nous avons évoqué la répulsion entre fermions et l’attraction entre
bosons. Attention, il s’agit d’interaction effective induites par les corrélations quantiques puisque
nous étudions un modèle de particules sans interaction.
Problème 5.4 Force de déplétion
A. Effet du volume exclu sur la pression
1&2/ Le volume disponible pour la première molécule est =  , pour la seconde est =  − ,
pour la troisième ≈  −2, etc. Le nombre de microétats accessibles est proportionnel au produit

316
Solutions


  
des volumes accessibles : Ω ≈  − ( − 1) . En outre l’analyse a négligé l’effet de
=1
l’énergie cinétique, qui produit le facteur  qui ne jouera pas de rôle par la suite.
3/ Dans la limite    pour laquelle le raisonnement précédent est valable, on peut écrire

  
ln Ω = ln  − ( − 1) + ln  et linéariser le logarithme. La somme correspond à moyen-
=1
ner la fonction sur  ∈ {1, ⋯ ,  } et fait donc intervenir la valeur de la fonction au milieu de

   
l’intervalle, pour  =  ∕2. Par conséquent ln  −(−1) ≃  ln  −∕2 . Finalement
=1
l’entropie microcanonique est ( , ) ≃  ln ef f avec  ef f =  − ∕2.
 ∗
4/ La pression microcanonique  ∗∕ ∗ = d’où ∗ =   ∗∕( − ∕2). On identifie une

densité critique  = 2∕ (la densité est notée  =  ∕ ), d’où
  ∗
∗ = (B.18)
1 − ∕
 qui s’interprète comme la densité de la phase compacte. Notons que cette approximation ne
décrit pas correctement les contraintes stériques entre sphères dures au voisinage de la phase
compacte. On pourra vérifier que la phase la plus compacte où les sphères s’arrangent
 pour former
un réseau cubique centré correspond à une densité maximale  = (8∕9 3)∕ ≃ 1.61∕.

B. Force entropique
1/ En présence de la grosse molécule, le volume accessible  et donc le volume effectif  ef f sont
réduits de 𝓁3 .
2/ Si la grosse molécule se trouve à une distance  <  de la paroi, elle ne permet pas aux « petites
molécules » de se trouver entre la paroi et la grosse molécule. Un volume supplémentaire 𝓁 2
est donc perdu pour les petites molécules. Dans ce cas ef f →  − ∕2 − 𝓁 3 − 𝓁2 . Si la
grosse molécule est immobile, l’entropie microcanonique des petites molécules dépend de la
 
distance  : ∗ ( , , ) ≃   ln  − ∕2 − 𝓁3 − 𝓁2  pour  <  et ∗ ( , , ) ≃
 
 ln  − ∕2 − 𝓁3 pour  > .
3/ L’augmentation de l’entropie est favorisée, ce qui correspond à la situation où la grosse
molécule se rapproche de la paroi. Celle-ci subit donc une force dirigée vers la paroi. L’inter-
prétation est simple : en volume, les chocs des petites molécules sur ses huit faces produisent
des forces qui s’équilibrent. Au voisinage de la paroi ( < ) le déficit des forces exercées sur la
face proche de la paroi est responsable de la force effective qui pousse la grosse molécule vers la
paroi. Cette force a une origine purement entropique.
4/ En posant ef f =  − ∕2 − 𝓁 3 nous obtenons la force  ≃ − H ( −  )  𝓁 2∕ 
ef f ,
qui décrit l’attraction de la grosse molécule par la paroi pour  < .

Insistons : nous n’avons introduit aucune interaction dans le modèle (d’ailleurs il n’y avait pas
d’énergie). La force attractive est d’origine purement entropique.

317
Solutions

Problème 5.5 Pression osmotique



1/ a. Le solvant accède à tout le volume  : Ω = Ω (,  ) avec  =  1 +  2.
! ,
b. Les systèmes étant en contact thermique, on a égalité des températures. On prend comme
 1∕2  
définition des pressions de chaque côté = avec   =  ln Ω (,  1 + 2, ). On
 1∕2
obtient comme attendu  1 = 2 =   ∕ .
c. Solvant et soluté sont indépendants : on multiplie leur nombre de microétats

 1 
Ω = Ω (,  ) Ω ( ,  )
! ,   ! ,  
et  =  ln Ω  .
d. Avec les définitions précédentes des pression, on a : 1 =  ∕ +    ∕ 1 et
2 =   ∕ d’où le résultat. Pour les potentiels chimiques, on peut prendre comme défi-
1∕2  
nition = avec  = 1 + 2. Or   est une fonction de 1 +  2 et donc on aura
 1∕2
1 =  2 (notez que   n’est pas une fonction de 1 + 2 , d’où la surpression).
 
1,1  2, 2
2/ a. D’après le cours, à l’équilibre Ω ≃ Ω ( ,  ) Ω ( ,  ) avec  = 1, +
 1! , 1, 1  2! , 2, 2
2, et  = 1, + 2, fixés et  1, et 1, les valeurs qui maximisent l’entropie totale. Ainsi,   =
1, +  2, et (cours) on en déduit l’égalité des pressions  1 =  1  ∕ 1, =  2 =  2 ∕2,
puis 1∕ 1, = 2 ∕2,.
b. Après ajout du soluté
  
1,1 2,2 1,
Ω ≃ Ω, (1, , 1) Ω, (2, , 2 ) Ω, (, ,  ).
 1!  2!  !
Il y égalité des pression à l’équilibre ce qui donne 1, = 2, avec  1, = (1 +  )  ∕1,
et 2, =  2  ∕2, .

c. Le soluté entraîne une surpression lors de son introduction qui tend à augmenter  1. À
l’équilibre, on s’attend à 1, >  1,. Vérifions par le calcul : Δ1 = 1, − 1, = ⋯ =
 
 1 +  1  
 − (avec  =  1 + 2 ) puis dans la limite considérée : Δ 1 ≃  2  . Si
 +   2
la variation de volume est faible, la concentration  =  ∕1, ≃  ∕1, peut s’exprimer en
 
1, 1 1
fonction de quantités mesurables  ≃ + Δ1 .
    1,  2,
   
Exercice 6.1 Faisons le calcul en utilisant  = = − :
   

  ln   ln   ln  −
− =  = − ln  −   = −  ln  +  = = C .
    

318
Solutions


    2 
Pour la chaleur spécifique :  = = + = − , d’où   = = − .
     2
2
Exercice 6.2 Repartons de la définition de la variance Var() = 2 −  et cherchons à
exprimer le premier terme en fonction de  :
 
 1  2 − 𝓁 1  2  − 𝓁 1 2 
 =2 C 2
 𝓁 𝓁 = 𝓁 e = e = (B.19)
𝓁
 𝓁   2 𝓁
  2
Or, nous avons aussi
   2
2 ln   1  1  1  2 2
= = − + = − +  2 = Var( ) . (B.20)
 2     
2   2

Exercice 6.3 Considérons un seul moment magnétique. Les poids de Boltzmann pour cha-
cune des orientations sont ± = −± ∕. L’aimantation prend les valeurs 𝔪 = ±𝔪0. d’où
 (±𝔪0 ) = 𝔪0( 𝔪 0  − −𝔪 0 )∕ = 𝔪 0 th(𝔪0 ). Pour la seconde méthode, le
C

𝔪 = ± ±
 C 
travail élémentaire magnétique s’écrivant − d, on en tire  = − , ou 𝔪  = − pour
sh(𝔪 0)
 
ln 2 ch(𝔪0) =   𝔪0
  
ch(𝔪 0)
C
un seul moment. Le calcul donne 𝔪 =  , en

accord avec le résultat précédent.

Exercice 6.4 Par définition, C = − C
ln . Avec la première forme de (6.32), il vient  =

  
− − ∕2 − ln(1 − e−
) = ∕2 + e− ∕(1 − e−) = (1∕(e − 1) + 1∕2).

C 
Avec la deuxième forme, = ln(sh(∕2)) = ∕2 × ch(∕2)∕ sh(∕2).

Exercice 6.5 Longueur thermique ultrarelativiste
Pour une particule ultrarelativiste on convertit une longueur en énergie en écrivant énergie=
∕longueur, d’où Λ  ∼ ∕(  ). Pour une analyse plus précise voir l’exercice 7.3.
Exercice 6.6 Considérons un fluide dont le grand potentiel est une fonction extensive des vari-
ables ( , ,  ). Parmi les 4 grandeurs, seules  et  sont extensives. La propriété d’extensivité
prend donc la forme  ( , ,  ) =   ( , ,  ). Dérivons cette relation par rapport à  et util-
 
isons (6.64) :  ( , ,  ) =  ( , ,  ) =  ( , ,  ) = −  G ( , ,  ). On déduit
 
que la fonction  () = G( , ,  ) = − ( , ,  )∕ est en fait une constante indépendante
de  si bien que G ne dépend pas du volume et il reste la relation (6.65).
Exercice 6.7 les pièges sont indépendants les uns des autres. La grande fonction de partition
se factorise selon


  − (  − )  
 
 
Ξ= ⋯ e =1 = ⋯ e− (  − ) = e− ( − ) =  .
1  1   =1 =1  

Reste à calculer  = e − ( −) = 1 + e  ( +0) , car une particule au plus par piège.
=0,1

319
Solutions

Exercice 6.8 Pour  pièges occupés parmi , les microétats correspondent à toutes les
manières de répartir   atomes parmi les  pièges. Par ailleurs, l’énergie d’une telle config-
uration s’écrit 𝓁 =  = − 0 et reste la même pour tous les microétats de même  .
   −
En revenant à la définition de la fonction de partition, on peut donc écrire :  = e 𝓁 =

   𝓁
 0
e 0
1= e puisque le nombre de microétats à  donné est le nombre de combi-
𝓁

naison de  parmi . Enfin, utilisons (6.57), en tenant compte que max =  dans ce cas, pour
écrire
   
  ( +0 )  
Ξ(, , ) = e
(,  , ) = e = 1 + e ( + 0) , (B.21)
 =0  =0

où nous avons reconnu un développement du binôme.
Exercice 6.9 Les résultats sur le gaz
 parfait de la section a nous permettent d’écrire  =
 
e avec  =  ∕Λ et Λ  = ∕ 2  . En combinant ces résultats, nous obtenons
3

   
2 3∕2 
 =  exp , si bien que 0 ( )∕ = e− ( +0) et que (6.68) se réécrit
 2  
 = 1∕(0 ( )∕ + 1) qui donne le bon résultat.
𝓁  1∕−1 2𝓁 2 𝓁
Exercice 6.10 Nous avons  𝓁 = −  = = , puis le passage à
     
C 
la moyenne donne le résultat. Le théorème d’équipartition donne  =   tandis que
2
C  =   est indépendante de  (voir la section a en notant que seule  dépend de ). On
retrouve bien le même résultat en les combinant.
Exercice 6.11 En canonique, nous avons 𝓁C = e −𝓁() ∕ (, ), d’où
𝓁C 𝓁 C 1  C  C
= − 𝓁 − 𝓁 = 𝓁 C
𝓁 +  (B.22)
     𝓁
  𝓁C
Or, comme  𝓁C = 1 et = 0, on obtient la relation (6.84) en sommant sur 𝓁. De
𝓁
 𝓁
même, dans l’ensemble microcanonique, les énergies des microétats accessibles étant les mêmes
1  ∗( 𝓁 ,)∕
 = 𝓁 et en écrivant 𝓁∗ = e , on obtient

 𝓁∗ 1  ∗  𝓁 ∗ 1  ∗ ∗ 1 1  ∗ ∗

= 𝓁 + 𝓁 = −   +  (B.23)
          ∗ 𝓁 𝓁   𝓁
La sommation sur 𝓁 donne dans ce cas la relation (6.85).
2
Exercice 6.12 Avec l’énergie potentielle donnée, le hamiltonien s’écrit (,  ) = −
2
 cos  et la fonction de partition se factorise selon
 d d ∞ 2
d  −  2

 −∞  0
 − ( cin + pot )
= e = e 2 d e cos  = cinpot (B.24)

320
Solutions


2 
Par une intégrale gaussienne, le premier terme vaut cin = , tandis que le second ne

s’intègre pas mais on note que, lorsque  = 0, il vaut 2, le « volume » exploré par la pointe du
1
dipôle. On peut écrire, en se rappelant que  = − ln  :

 d d
 e− ( cin− cos  )
 =  cos 
 
 d d − ( − cos  ) 
1  1  ln 
= e cin = =− .
     
Ce résultat est normal puisque  et  sont des variables conjuguées. On remarquera qu’en
revanche   = 0 à cause du sin  dans l’intégrale.
Exercice 6.13 On a dans ce cas une somme
 de Riemann qui apparaît dans la limite  
2 rot
rot = dans l’expression : posons  =  qui devient alors une variable continue
2  
  
 − 2 2
+∞ +∞  2 
rot  −∞
 2 
cin = e 2 ≃ e− d = = . (B.25)
=−∞ rot 

Exercice 6.14 1/ L’énergie potentielle s’écrit pot = − cos . Il vient, en prenant garde à
l’ordre des intégrales :
 d ddd 
= e − (cin +pot ) (B.26)
2
 2 ∞ 2 ∞ d 2

d − 
0 0  −∞  −∞ 
 −
= d e cos  d e 2 e 2 sin2  (B.27)
  

1  
= 2 d e  cos 2 (B.28)
 0  ∕2  ∕2 sin2 
  
4 2  42  
0
1  cos 
= d sin  e  cos  = − e (B.29)
2 2  0
2  sh(∕  )
= 4 (B.30)
 2 ∕  
  
cin pot

où le résultat se décompose comme le produit des contributions cinétique et potentielle à la fonc-


tion de partition. En l’absence de champ externe, pot = 4 correspond à l’angle solide total au

encore le « volume » accessible pour la pointe du vecteur .
2/ Même raisonnement qu’à l’exercice 6.12 :
 d dd d
e− ( cin− cos )
 =  cos 
2 
 d ddd 
1  − (cin− cos ) 1  ln 
= e = = − .
  2   

321
Solutions

On calcule
  2  
8  
 = −  ln + ln(sh(∕  )) − ln(∕  )
2

 ch(∕  )  
puis la dérivation conduit à  =   −  = ( ∕  ). On trouve
  sh(∕  ) 

les comportements   ≃  pour      et  ≃  pour     . On se convainc
3 
sur les intégrales que   =   = 0 comme attendu par la symétrie du problème.

Exercice 6.15 1/ La probabilité élémentaire que la pointe du vecteur pointe dans une direction
dΩ sin  dd 
(,  ) vaut d (, ) = = , rapport de la surface élémentaire autour du point et de
4 4
dd
la surface de la sphère unité. On aurait d (, ) = sur une surface  plane. Ici, la courbure

de la sphère entraîne une dépendance en .
2/ On a toujours  pot = − cos . En présence d’un champ externe, l’énergie potentielle va
modifier la distribution angulaire avec une probabilité proportionnelle au poids de Boltzmann

d (, ) ∝ e−pot qui ne dépend que de . En intégrant sur , on obtient pour la densité
4
sin 
de probabilité d’avoir  :  () = e cos  avec  un facteur de proportionnalité que l’on
2 

0
sh()
détermine par la condition de normalisation ( )d = 1, ce qui donne  = . Au

 sin()e cos 
final,  () = .
2 sh()

0
3/ Dans cette approche, on écrit  =  cos( )( )d. Le calcul de l’intégrale se fait par
intégration par partie en dérivant le cos  et l’on retrouve le résultat précédent.

Exercice 6.16 1/ Expression générale :  = e  . Pour  = 1∕2, on a  = e−∕2 +
=−
 2
e+∕2 = 2 ch(∕2). Pour  quelconque, considérons e  = e  ( +  ) = e =
=− =0
 (2+1)     sh(( + 1∕2))
e − 1 ∕ e − 1 , qui donne  = . On retrouve le cas  = 1∕2 en notant que
sh(∕2)
sh() = 2 ch(∕2) sh( ∕2).

C 

e    

 d d
2/ 𝔪  =   = e = = − . Le calcul donne
=−   =−  d d
𝔪 =   [ln sh(( + 1∕2)) − ln sh(∕2)] =   ().
C d
d
C  ( + 1)   C
3/ Pour     , 𝔪  ≃   . Pour      , 𝔪  ≃   (aiman-
3  
tation maximum). À haute température, on lit directement les valeurs de  sur la courbe : elles
correspondent aux valeurs de la légende de la figure 6.6.

322
Solutions

Exercice 6.17 Nous devons introduire deux multiplicateurs de Lagrange  1 et  2 associés aux
deux contraintes et considérer la fonction auxiliaire (faisons  = 1 pour alléger) ({𝓁 }) =
       
− 𝓁 ln 𝓁 +  1 1 − 𝓁 + 2  − 𝓁 𝓁 . Son extremum est donné par =
 𝓁
𝓁 𝓁 𝓁  
− ln 𝓁 − 1 − 1 −  2 𝓁 = 0 ∀ 𝓁, i.e. 𝓁 = exp − (1 +  1 +  2𝓁 ) . Le sens physique
physique des multiplicateurs n’est pas très clair : par comparaison avec l’approche plus physique
 
du chapitre 6, nous posons 1∕ = exp − (1 + 1 ) et identifions le second avec l’inverse de la
température, 2 = , ce qui permet de retrouver 𝓁 = (1∕) exp(−𝓁 ).

Exercice 6.18 a) Nous suivons la même logique


  que cette
 de l’exerice
 6.17 : nous
 considérons
la fonction auxiliare ({𝓁 }) =  ({𝓁 }) + 1 1 − 𝓁 +  2  −  𝓁 𝓁 . Son extremum
𝓁 𝓁
   2  1∕(−1)
correspond à = 0. On trouve sans peine que 𝓁 ∝ 1 +  𝓁 . On peut toujours
𝓁 1
reparamétrer 2 ∕1 comme on veut : posons  2∕1 = (1 −  )  ,
 1∕(−1)
𝓁 ∝ 1 − ( − 1)  𝓁 (B.31)

dont la limite  → 1 redonne 𝓁 ∝ exp(−𝓁 ) (notons qu’il y a une part d’arbitraire, lié à
notre définition de , dans la paramétrisation 2∕1 = (1 − )  . On aurait pu prendre  2∕ 1 =
(1 −  ) ( )  où ( ) est une fonction régulière t.q. (1) = 1).
   1∕(−1)
b) Si le spectre est non borné supérieurement, il est clair que 𝓁 ∝ 1 + 2 𝓁 ne
1
𝓁 𝓁
va converger que si  < 1. La contrainte est plus forte si l’on considère  𝓁 𝓁 < ∞ : la conver-
𝓁
∞   −1∕(1−) ∞

 
gence à l’infini prend la forme d (  )  1 + 2  ∼ d  −1−1∕(1−) < ∞
1
ce qui impose  − 1∕(1 −  ) < 0 i.e.  > ∕(1 + ). Finalement il faut que  ∕(1 +  ) <  < 1. Si
ces deux conditions ne sont pas respectées, le problème de maximisation de l’entropie de Rényi
n’a pas de solution.

Pour en savoir plus :


• Dans la littérature on trouvera la distribution (B.31) sous le nom d’« entropie de Tsallis ».
def    
Celui-ci a introduit une autre définition de l’entropie Tsallis = 1− 𝓁 . Il est
−1 𝓁 
évident que Tsallis est simplement reliée à l’entropie de Rényi Tsallis = ( − 1)−1 1 − exp (1−

 )Renyi
 . Sa maximisation conduit donc à la même distribution 𝓁 .

Problème 6.1 Équilibre chimique et loi d’action de masse


1/ Notons 1( 1) la fonction de partition du gaz monoatomique et  2 (2) celle du gaz molécu-
laire. Lorsque 1 et 2 sont fixés chacun, puisque les deux gaz parfaits sont indépendants, la
fonction de partition du mélange est  =  1(1 ) 2 ( 2). Cependant, l’agitation thermique
permet des dissociations des molécules et des recombinaisons des atomes. Les deux nombres

323
Solutions

1 et  2 fluctuent (i.e. sont des variables internes) et sont uniquement contraints par la loi de
conservation 0 =  2 + 21 . La fonction de partition du mélange est obtenue en sommant
1(1 ) 2 (2) sur toutes les valeurs permises des variables internes :

0 
0  
−  1(2(0 −2 ))+2(2 )
=  1(2(0 − 2 )) 2 (2 ) = e (B.32)
2 =0  2 =0

en termes des deux énergies libres 1,2 = −  ln 1,2 .


def
2/ Introduisons l’énergie libre réduite ( 2 ) = 1 (2(0 − 2)) +  2 (2). Dans la limite ther-
 
modynamique, la somme  = 2
e− ( 2) est dominée par les valeurs de 2 minimisant
 1  2
l’énergie libre réduite, i.e. ( 2 )∕2 = 0, d’où 2 (2(0 − 2 )) = ( ). D’après la
1  2 2
définition des potentiels chimiques, cette équation peut s’écrire
2 1 = 2 . (B.33)
Cette équation définit la valeur la plus probable de la variable interne 2, dont la distribution est

(2 ) = e− (2 )∕.
3/ Loi d’action de masse Dans l’approximation de Maxwell-Boltzmann, nous pouvons écrire
1 1
1 =  où 1 est la fonction de partition pour un atome de chlore. Nous déduisons que
1 ! 1
1
le potentiel chimique se met sous la forme 1 = =   ln(1 ∕1 ). La fonction de parti-
1
tion d’un atome est proportionnelle au volume : 1 =  1 ( ) où  1( ) est une fonction de la
1
température, d’où 1 = =   ln(1 ∕1 ( )). Pour le gaz monoatomique, on a simplement
1
1 ( ) = 1∕3 où  est la longueur thermique de Broglie. De même 2 =    ln(2∕ 2) =
  ln(2 ∕2 ( )) où 2 ( ) est une autre fonction de la température. Les deux fonctions 1,2 ( )
contiennent toute l’information sur la nature des deux gaz. La condition d’équilibre 2  1 =  2 se
reécrit donc en fonction des densités et de la température comme :
21 def 1( ) 2
=  ( ) = . (B.34)
2 2 ( )

Remarque. La fonction  ( ) sera déterminée précisément plus loin, dans l’exercice 8.9
page 181.

Exercice 7.1 La fonction génératrice est  () =



  
ln 1 −  . Dans la limite  → 1 −,
  =1
la fonction ln 1 −  varie lentement lorsque  est incrémenté, ce qui justifie de remplacer la
somme par une intégrale  () ≃
∞  
0
d ln 1 − e  ln  . Posons  = − ln  > 0. L’intégrale est
∞   ∞ 
0 0
reliée à la représentation (A.11) de la fonction zeta : d ln 1−e− = −(1∕) d  e  −
−1
1 = −Γ(2) (2)∕ . Q ED.

324
Solutions


Exercice 7.2 Nous avons déterminé la position du point col ∗ ≃ exp[−∕ 6 ] → 1 −,
qui est l’extremum de  () (prendre en compte les termes correctifs dans  () n’apporterait
que de petites corrections à ce résultat). Au voisinage de ce point on a donc  () ≃  (∗ ) +
(1∕2) ′′ ( ) ( −  )2. Si  varie sur l’axe réel, le point  est un minimum de  (), toutefois
 ∗ ∗ ∗ 
c’est un maximum si  varie perpendiculairement à l’axe réel. Le terme dominant la dérivée
 −3
seconde est  ′′
( ∗) ≃ ( 2 ∕3) − ln  ∗ > 0. Le contour passe verticalement au niveau du
point col (cf. figure), donc, localement nous pouvons paramétrer le contour comme  = ∗ + i  :

e( ∗)
 2i  2i
d  ()  id (1∕2) ′′ (∗ ) (i )2
Ω() = e ≃ e  (∗) e  ≃ ,
2 ′′
 ∗
( )

où nous avons admis que seul le voisinage de ∗ contribue significativement à l’intégrale sur le
contour.
φ

point col φ∗

Finalement, le facteur pré-exponentiel est donc donné par les deux contributions
1 1
 e−(1∕2) ln(2∕(− ln  ∗)) ≃  .
2 ′′
(∗ ) 4 3

Exercice 7.3 1/ La règle semiclassique donne


 

 ! 3  
1
Φ() = d 3 1 ⋯ d3  d31 ⋯ d3 H − 
   . (B.35)
=1

On déduit la densité d’états par dérivation


 
1  

! 3 
′ 3 3
( ) = Φ () = d 1 ⋯ d    − 
   . (B.36)
=1

Nous ne savons pas calculer ces intégrales qui n’ont pas d’interprétation géométrique simple
comme dans le cas non relativiste.
2/ La fonction de partition canonique s’exprime comme  intégrales séparables dans ℝ3 :

∞ 
1  −  

0 !  3 
() = d () e − = d3 1 ⋯ d 3 e =1
 
1 

= d3  e−
! 3

325
Solutions

La fonction de partition pour une particule se calcule en passant en coordonnées sphériques


 0
8
 =  −3 d3  e− = 4   −3 d 2 e− = . Écrivant  =  ∕ 3 , on
()3
fait apparaître la longueur thermique ultrarelativiste  =  2∕3∕(  ) (cf. exercice 6.5
page 117). Finalement  =  ∕! =  −3 où  est une constante.

3/ On pose  = 3 , d’où  ( ) =   −3 ⟶ ( ) =  3−1 et par intégration Φ() =
Γ(3)

 3 , qui correspond à (7.41).
Γ(3 + 1)
4/ Microcanonique ∗ =   ln Ω( ) avec Ω( ) = (  ) = Φ()(3∕). La différence
entre ln Ω() et ln Φ() est donc un terme ln(3∕) sous-extensif. D’après (14.22)
   
   3

 (,  ,  ) =   ln +4 (B.37)
 2 3

La température microcanonique  ∗ = ∕(3 ), qui ne dépend que du rapport  ∕ (intensif).


 ∗
La pression microcanonique est ∗ =  ∗ =    ∗ ∕ . On retrouve l’équation universelle

des gaz parfaits ∗  =   ∗ . Exprimée en fonction de  ,  et , l’expression ∗ (,  ) =
 ∕(3  ) diffère toutefois de celle du gaz parfait non relativiste ((5.59)).
C 
5/ Canonique On obtient  = − ln  −3 = 3  .

Attention : ici le théorème d’équipartition ne s’applique pas pour les particules relativistes car
l’énergie n’est pas quadratique dans les impulsions.
L’énergie libre s’écrit :
   3  
    
 ( ,  , ) = −  ln +1 =   ln( 3 ) − 1 . (B.38)
2 


On trouve C = − =   ∕ et on vérifie bien l’équivalence des ensembles.

Problème 7.1 Équivalence des ensembles (moyennes) mais inéquivalence
des fluctuations

A. Description canonique
1/ La densité de probabilité canonique dans l’espace des phases est
C(, 1 , ⋯ ,  ;  , 1 , ⋯ ,  ) =  e − (⋯ ;⋯) où  est une norme, avec la contrainte
que  ∈ ℝ+ et que les positions  soient toutes dans le volume  =  .
2/ On commence par intégrer sur les impulsions :
∞ ∞

! Λ  3 0  Vol.=  ! Λ  3  0
1 1 1 1
= d d 3
1 ⋯ d3  e−  = d () e− 
 

326
Solutions

 
où  = 22 ∕(  ) est la longueur thermique des atomes et Λ = 22 ∕(  ) =

∕  celle de la paroi. On utilise (A.1), d’où
   +1
   
= . (B.39)
 3+1 

 
  
Nous obtenons l’énergie libre  ( , , ) = −  ln  ≃ −  ln . Comme
 →∞  3 
 ∕ est la pression (intensive), l’expression a les bonnes propriétés d’extensivité.
C 
3/ L’énergie cinétique est quadratique : on utilise le théorème d’équipartition :  cin = (3 +
 C  C 5 + 3
1)∕2   . On utilise  = − ln  avec  ∝ −(5+3)∕2 d’où  =   .
 2


C
4/ La position moyenne du piston est par définition  (⋯) C(⋯)  où l’on intègre
=
dans l’espace des phases, avec C(⋯) =  e− . La constante de normalisation est  =
1∕( ! 3+1 ). En utilisant que  contient un terme pot = +  on peut remplacer  par
une dérivée partielle par rapport à la force conjuguée  , que l’on sort de l’intégrale
=1∕


   
C   1  
 = (⋯)  e −  = − (⋯) e − = − ln  = + . (B.40)
  
C
On déduit explicitement  = ( + 1)    ∕ .
C C C C
Plus directement : on pouvait identifier  pot =  − cin = ( + 1) =   , qu’il suffit
de diviser par  .
 =  , donc cette relation est l’équation d’état,  =   .
5/ On procède de la même manière pour la variance :
 2    2

    2 
1  1  1 − 1 − 2 1 −
− ln  = − (⋯) e = (⋯) e  − (⋯) e 
   

 2 C
C C 1 
qui correspond bien à 2 −  = 2 .
Q ED . On déduit explicitement =− =  2
  
C
( + 1)( ∕ ) 2. Les fluctuations relatives sont négligeables   ∕ = 1∕  + 1 ⟶ 0.
 →∞

B. Analyse microcanonique
1/ Au A.3 et A.4, on a trouvé cin = (3 ∕2) et pot =    . On peut interpréter  dans

 ∗ −1 ∗ 3
la première comme cin =  cin ∕cin , d’où, par intégration,  cin =  ln cin + ⋯.

2 
De même pot =   ln pot + ⋯.

327
Solutions

2/ On étudie les fluctuations de pot =   . On peut utiliser la formule (5.29) : Var(pot ) =


 ∗ 
  −1
pour  ∗  cin
cin
∗ . D’après ∗
 ( ∗ )2 1∕cin

+ 1∕ ∗pot ∗
=  pot cin = 1∕ = 3 ∕2

 ∗ 
pot  −1
2 3
et pot

= 1∕ =  , on déduit Var( pot ) =  ( ∗ ) 2 +1 =  (   ∗ )2 ⇒
 3 5
 
∗ 2
3 
Var() ≃ . En conclusion :
5 


∗  
C 3     
 = = mais  ∗= <C
 =   (B.41)
 5  

L’origine de cette réduction des fluctuations est dans la contrainte sur l’énergie totale.  = cin +
pot est fixée dans l’ensemble microcanonique. Une fluctuation de  pot =   doit donc être
compensée par une fluctuation de cin, ce qui réduit les fluctuations, par rapport à la situation de
l’ensemble canonique pour laquelle pot =   et  cin fluctuent indépendamment.

Pour en savoir plus :


• Cette question a été discutée récemment dans l’article L. Cerino, G. Gradenigo, A.
Sarracino, D. Villamaina & A. Vulpiani, «Fluctuations in partitioning systems with few
degrees of freedom », Physical Review E 89, p. 042105 (2014).
L’analyse que nous avons donnée ici simplifie le calcul proposé dans l’article, qui fait
un calcul direct de Var() à partir de la distribution dans l’espace des phases.

Problème 7.2 Ensemble isotherme-isobare


1/ Lorsque  est fixé, les deux systèmes sont indépendants, d’où 12 = 1 (1 ) 2 (2 ). Lorsque
la contrainte est relâchée,  est une variable interne qui fluctue, d’où

0
d
12 =  ( ) 2 ( ( − )) (B.42)
Λ 1

où Λ = 22 ∕ paroi  est la longueur d’onde thermique de la paroi (ce facteur vient du
terme d’énergie cinétique associée au mouvement de la paroi).
2/ On note 𝓁 les énergies du système 1 et Λ celles du système 2. La probabilité d’un microétat
du système 1  2 est 𝓁Λ = e − (𝓁+ Λ) ∕ 12 (loi jointe). La probabilité d’un microétat du
𝓁Λ = e −𝓁 2( tot −  𝓁 )∕12 (loi marginale).

système 1, ∀ l’état de 2 est donc 𝓁 =

Nous noterons dorénavant 𝓁  1 le volume caractérisant le microétat.


Λ

 
3/ Nous introduisons 2 = −   ln 2 , d’où 𝓁 ∝ exp −  [ 𝓁 +2(tot −𝓁 )] . Lorsque 2 
𝓁 =  1, on développe l’énergie libre  2( tot − 𝓁 ) ≃ 2(tot ) + 𝓁  où    2 = −2 ∕ 2.
Finalement, nous obtenons que la probabilité d’occupation d’un microétat du système 1 est (7.43)

328
Solutions


où  = e− ( 𝓁+𝓁 ) est la fonction de partition du nouvel ensemble, appelé « ensemble
𝓁
isotherme-isobare » puisque température et pression sont fixées.
def
4/ L’enthalpie libre  = −   ln  joue donc le rôle de fonction génératrice des propriétés
thermodynamiques pour le nouvel ensemble. Le volume est maintenant une variable interne
(fluctuante) dont la moyenne est donnée par
ii 
 = . (B.43)


Nous appliquons la formule de Gibbs-Shannon  ii = −   𝓁ii ln 𝓁ii :
𝓁

ii ii
 + −
ii
 = (B.44)

ii ii
qui nous rappelle la transformation de Legendre de la thermodynamique  =  −   ii +   .
Problème 7.3 Gaz 1D de particules en interaction
A. Ensemble canonique La fonction de partition canonique est
 

( − 1)!  0 0
1
 ( ) = d1 ⋯ d −1 d1 ⋯ d  −1 e− , (B.45)

où la factorielle tient compte de l’indiscernabilité. Chaque intégration sur une impulsion produit
un facteur 1∕Λ . On ordonne les coordonnées des particules comme 0 <  1 < 2 < ⋯ <
 −1 < . Puisqu’il y a ( − 1)! manières d’ordonner les  − 1 variables muettes, on simplifie
ainsi la factorielle d’où
   

0  1  −2
1 (−−1 )
 ( ) = d1 d2 ⋯ d  −1 e−  . (B.46)
Λ

−1

On ne sait pas calculer cette intégrale multiple à cause des contraintes.

B. Ensemble isotherme-isobare La particule  est maintenant libre de se mouvoir, et l’on exerce


une force  (la « pression ») sur celle-ci. L’hamiltonien reçoit donc deux termes supplémentaires
 
2 ∕(2) +   . La mesure complète exp −  (  +  ) correspond bien à la mesure de
l’ensemble isotherme-isobare, éq. (7.43).
1/ Le terme cinétique pour la particule  produit un facteur 1∕Λ  supplémentaire. L’intégration
sur la particule définissant le bord du système,  = , avec le terme potentiel produit une

 −1
intégrale supplémentaire d e −, d’où (7.45). En introduisant les nouvelles variables
 =   − −1 ∈ ℝ +, l’intégrale multiple devient séparable, d’où :
 
 ( ) .
∞ ∞

0 0
d d − (()+ )
 ( ) =  ( ) e− = e (B.47)
Λ Λ

329
Solutions

2/ La mesure est e− ( +), la dérivation par rapport à  fait descendre le « volume » , d’où
ii ii
 = −(1∕ ) ln  . Définissant l’enthalpie libre  = −  ln  , on déduit  =  ∕.
ii
3/ L’intégrale est élémentaire : () = e− ∕(Λ ). On obtient  =  ( +   ∕), ce
ii
qu’on reécrit plus suggestivement  ( − ) =   , qui a la forme de l’équation d’état d’un
gaz parfait où le volume est diminué de , qui est le volume de la phase compacte. On reécrit
l’équation d’état sous la forme  =   ∕(1 − ) : la pression diverge au voisinage de la densité
maximale  = 1∕.
Exercice 8.1 L’énergie potentielle est l’énergie potentielle de pesanteur  ( ) =  en
prenant l’origine au niveau du sol  = 0. En notant 0 la densité du gaz au niveau du sol, on
a immédiatement() = 0 e−∕  qui fait apparaître la longueur caractéristique   ∕.
Exercice 8.2 Pour le gaz parfait, 0 () =   ln(Λ3 ), l’approximation s’écrit  =  0 (( )) +
 ( ) qui s’inverse en ( ) = e( − (  ))∕  ∕Λ 3 . Pour  = 0, notons 0 = e∕   ∕Λ3 la densité
du système homogène correspondant à , alors ( ) = 0 e− ( )∕  qui est le résultat obtenu
par la loi de Boltzmann.
Exercice 8.3 Le maximum de la probabilité est obtenue pour  ∗ qui annule la dérivée
  
d() 2 3 − 2  2 ∗ 2
∝ 2 −  e  =0⇒ = .
d 2 

Avec (A.5) et en posant



4 3∕2 4 Γ(2)  2 2 8 
(2) 3∕2 
 2
= ,  =  3e− ∕2 d = = .
  (2)3∕2 2  

43∕2 43∕2 Γ(5∕2)  2  5∕2 3 
(2)3∕2 
De même, 2  = 4e −2 ∕2 .
 d = =
(2) 3∕2 2  
Exercice 8.4 Faisons le calcul pour une molécule en partant de vib ≃ 1 + e− ∕vib avec
 
vib = 1∕  vib .  vib = −
ln  vib ≃ − e − ∕vib = e− ∕vib ∕ vib comme e − ∕vib  1. Puis,
 
 2
 
à l’aide de = −  2 ,  vib ≃  e − ∕vib qui redonne bien (8.28). Le calcul à partir de
    2
vib
2
rot ≃ 1+3e −2 ∕rot rajoute la présence des facteurs 3 et 2. Il vient  rot
 ≃  
2
(3e−2 ∕rot ) =
2
2
12 2
e−2 ∕rot qui correspond bien à (8.30).
rot
Exercice 8.5 Les molécules isotopiques H2 et HD diffèrent principalement par la masse des
noyaux et donc par leur masse réduite  . Le modèle que nous avons présenté donne rot ∝  −1

et
−1∕2 (H2 ) (HD) (H 2) (HD)
vib ∝  . Les valeurs données dans le tableau satisfont rot ∕rot = 4∕3 et vib ∕vib =

2∕ 3 avec une très bonne précision.

330
Solutions

 ln 
Exercice 8.6 1/  =   . Sous la dilatation  →  ′ =  , on a  →  ′ =  3 et

 ln ′
 
1 ,…, ) . D’un côté, on écrit
− ( comme
 →  ′ =  3 3 3
⋯  1 ⋯   e


′ ′
1  33−1   3 
  
′ = ′ − ′ ⋯  3

 1 ⋯ 3

   ⋅ ∇   e− (1,…, )
     3

 ln ′    ln ′
qui, en prenant  = 1 donne  = 3 −   
 ⋅ ∇  . De l’autre, =
  =1 
  

 ln ′  ′ 2
 ln  ′  ln  ′  ln  

= 3  ′
soit en  = 1, =1 = 3 . En combinant les
    
 ln       .
deux, on trouve bien = −  ⋅ ∇
  3   

2/ Remarquons simplement que  = −∇   de sorte que  =   ∕ +  ∕ . De plus, si
 = − est la force exercée par  sur , on a
 

=
 
1 1    1 
 ⋅  = ( −  ) ⋅  = −  ⋅ =−   ( )
  
2    2     2    
La moyenne du terme du viriel est similaire à celle sur l’énergie d’interaction, il suf-
dans le raisonnement ce qui conduit à   =

fit de remplacer () par 



2 0
 
  () () 4 2 puis au résultat (8.51).


  
Exercice 8.7 1/ On écrit  = () 3 et 2 = ()( ′) 3  3 ′ puis, par
  
 2
  
définition, Δ2 =  2  −  2 = ( ) ( ′ ) 3 3 ′ − () 3  et l’on regroupe
  
les deux termes sous la même intégrale double.
2/ Pour un fluide, ( )  =  et  (,   ′ ) =  ( =  −  ′ ) par isotropie. En insérant (8.43) dans
l’intégrale, il vient
  ∞

  0
Δ2 = ( −  ′ ) + 2 ( () − 1)  3  3  ′ =  + 2 3  ′ ( () − 1)42 ,
 
et enfin (8.68) qui nous permet de conclure.

Exercice 8.8 1/ Le flux entrant par un côté vaut  =  ∕ d’une part, et  =  avec
le courant  = , la densité  =  ∕ et l’aire  = 2 d’autre part. On trouve   ∕ =

2 ∕3 = 𝓁 ∕ pour une face, en simplifiant à l’aide de  = 𝓁. On obtient  = ≃
 
2 × 1019 avec  = 300K et  = 105Pa, 𝓁 =  ≃ 10 −6m, de sorte que  ∕ ≃ 10−4 . Ainsi,
le reste du fluide joue le rôle de réservoir de particules et de thermostat, le système a un grand

331
Solutions

nombre de particules mais n’en échange qu’une fraction négligeable avec le réservoir. On pourra
le considérer comme un système macroscopique dans la situation grand canonique.
2/ En combinant les relations (6.66) et (6.59), on obtient la relation.
3/ Le potentiel chimique  n’étant fonction que des variables intensives, il existe une fonction F
telle que ( ,  , ) = F ( =  ∕ ,  ). En dérivant par rapport à  et  , il vient (exactement
le même raisonnement pour la pression ) :
           
 1 F   F   
= et =− 2 ⇒ =−
  ,      ,      ,    ,
   
 
4/ On utilise la relation de Maxwell =− , pour écrire
  ,   ,
      
−1   
 = −   = − = − −
   ,    ,
  ,
   
     
= − = =   =   2 ,
  ,    ,

G
 
 ,

1 
de laquelle on tire (8.68). Pour le gaz parfait,  =   ∕ donne  = − = 1∕, ce
 2
 2 G 
qui donne G 
=  et  G

∕ = 1∕   1.

Exercice 8.9 Loi d’action de masse (suite du problème 6.1)


1/ Fonction de partition pour un atome : 1 =  ∕3 .
2/ a. translation = 23∕2 ∕3 où le facteur vient du doublement de la masse intervenant dans la
longueur thermique.
b.  rot est l’échelle de quantification du spectre quantique des énergies de rotation. Dans la
limite   rot on peut traiter le problème de la rotation classiquement, on obtient rotation =
 ∕rot .
c. À température   vib , la vibration est gelée. On écrit  vibration ≃ 1 dans ce régime (on ne
prend pas en compte le fondamental du spectre quantique de vibration, qui est déjà inclus dans
l’énergie de liaison).
3/ En reprenant la notation du problème 6.1 on écrit 1 = 1 ∕ = 1∕ 3 et  2 =  2∕ =
23∕2 −3

( ∕rot )e0 ∕  pour décrire le régime de température ambiante (rot     vib) :
Finalement
e−0 ∕ 
 ( ) = 2−3∕2 ∝  e−0∕ 
3
 ( ∕rot )
En allant vers les températures   0 ∕ , le facteur exponentiel génère une atténuation ex-
trêmement forte. Puisque 0∕  = 29 000 K, on peut dire que l’effet de la dissociation est

332
Solutions

complètement négligeable à température ambiante (à  = 290 K, il y a atténuation par un facteur


1 ∼ e −0 ∕2 = e−50 ≃ 2 × 10−22 ; si  0 ∼ 1023 , il y a à peine une molécule dissociée).

Exercice 9.1 Entropie microcanonique du rayonnement


C
Nous avons obtenu l’énergie canonique  ( ,  ) = ( 2 ∕15)  (   )4∕()3 et l’én-
C
ergie libre  ( ,  ) = −( 2∕45)  (  ) 4 ∕()3 d’où  C ( ,  ) = ( −  )∕ =
 3
 (4 2∕45)    ∕() .
Autre méthode : on remarque que la capacité calorifique est  ∝  3 . En utilisant   =
 C∕ on déduit  C =   ∕3 et on utilise l’éq. (9.47).
L’équivalence entre ensembles permet d’écrire  ∗ = C . Nous exprimons le résultat comme
fonction de l’énergie et du volume :

 1∕4  3∕4
∗ 4 2   1∕3
 (,  ) =  ∝  3∕4  1∕4
3 15 

ce qui fait ressortir la propriété d’extensivité.

Problème 9.1 Mesure de   (expérience de Kappler)


1/ Dans l’approximation des petits angles, la fonction de partition du miroir devient
+ +∞ +∞ +∞

− −∞ −∞ −∞


2 2
 = (1∕) d d  e − (,) ≃ (1∕) d e −   ∕2 d e− ∕(2) =
   
 ∕ . On peut introduire l’échelle de température charactéristique   = (∕  )  ∕

qui correspond à l’échelle de quantification du spectre de l’oscillateur harmonique quantique.
Notre traitement classique est donc valable pour   . Le calcul des intégrales donne alors
 =  ∕ . L’énergie moyenne du miroir est  = − ln  = 1∕ =   .


2∕2
2/ Les fluctuations peuvent être obtenues par un calcul direct 2 = (...) d  2 e −   , etc.

Plus directement on utilise le théorème d’équipartition de l’énergie :  =   ∕2 =  2 ∕2


d’où 2 =    ∕ .
exp
3/ L’application numérique donne  =  2 ∕ = 1.372 × 10 −23 J.K−1 . L’écart relatif à la
exp
valeur qui sert aujourd’hui de référence est ( −   )∕ ≃ 0.0063, soit une erreur de 0.6 %,
ce qui est tout à fait remarquable !

4/ Sous vide on élimine l’effet des fluctuations thermiques liées aux interactions avec le gaz, dont
l’analyse est le principe de l’expérience.

333
Solutions

Problème 9.2 Thermodynamique d’une corde vibrante



∞ ∞

0
1/ Dans l’approximation d’un spectre continu ( → ∞), on utilise ⟶ d, d’où () =
=1

d ( −  ∕) = ∕( )   0 est constante.


0
2/ La fonction de partition canonique quantique  associée au mode de pulsation   est   =
 
1∕ 2 sh( ∕2) . On déduit l’énergie moyenne du mode () = ( ∕2) coth(∕2). Dans
la limite  → 0, on retrouve l’énergie fondamentale du mode  () →  ∕2.
 
3/ L’énergie moeyenne d’excitation de la corde est () −  ∕2 . Donc l’énergie d’excitation

par unité de longueur est
   
 ∞
    2 ∞ d   (  )2
 0 0 e − 1
 
E ex ( ) = 0 d coth −1 = = .
2 2   6  
On déduit que la chaleur spécifique par unité de longueur dépend linéairement de la température :
C ( ) = (∕3)  ∕(  ). Ce résultat est équivalent au comportement de la chaleur spécifique
de vibration d’un cristal (modèle de Debye),  ( ) ∝  3, avec un exposant distinct qui vient de
la différence entre les dimensionnalités des deux problèmes.
4/ Pour une corde de dimensions macroscopiques dans des conditions normales, les effets quan-
tiques sont négligeables. Rappelons que le modèle caractérisé par le spectre de fréquences propres
a toutefois des limitations liées à l’approximation faite pour écrire l’énergie élastique (notre
expression est valable pour les petites déformations, i.e. les basses fréquences).
5/ a) Un microétat correspond à la donnée de l’ensemble des couples de coordonnées normales
 
{,   }. La probabilité canonique est  C({ ,  }) ∝ exp −  .
b) Dans le régime classique, on peut appliquer le théorème d’équipartition qui nous donne
(2∕2) 2 =   ∕2, d’où 2 =   ∕(2 ) ∝ 1∕ 2.
La distribution C(⋯) est un produit de gaussiennes associées aux différents modes, i.e. le
problème est séparable. Les coordonnées normales sont décorrélées :    ′ = , ′  2. À l’aide
de ce dernier résultat, nous obtenons
   ′     
2     
() 2 =  ′ sin sin =  1 − . (B.48)
 ,′      

Les fluctuations sont donc plus importantes au milieu de la corde et s’annulent sur les bords à
cause des conditions aux limites.
c) A.N.
: Pour des valeurs macroscopiques typiques  = 1 m,  = 10 N et  = 300 K, on obtient
 = (∕2)2 ≈ 0.1 Å, ce qui est complètement négligeable (par exemple si l’on s’intéresse à
une corde de piano, la tension est plus grande,  ∼ 1000 N donne  ≈ 10 Å). Pour la corde de
nanotubes de carbone :  ≈ 0.6 Å.

334
Solutions

Exercice 10.1 Équation de van der Waals


a) Écrivons les deux termes de (10.7) comme  = cin + int . Le premier, cin = 2cin ∕(3ef f ),
peut être associé à l’énergie cinétique cin = (3∕2)  dans le volume effectif  ef f =  − 
(l’effet du volume exclu est d’augmenter la pression). Le second int = −2  ≃  ∕ est une
contribution négative de l’interaction attractive.
∞
b) Le développement du viriel est  =   ( )  où 1 = 1. On développe (10.7) en
=1  ∞ −1 
puissances de la densité (série géométrique), ∕(1 − ) =   , d’où
=1


2( ) =  − et   ( ) = −1 pour  > 2 . (B.49)
 

 caractérise la répulsion de cœur dur, qui a pour effet d’augmenter la pression par rapport au
(repuls)
gaz parfait,  = −1 > 0. La partie attractive du potentiel n’intervient que dans le second
coefficient, 2(attrac) = − < 0, et apporte une contribution négative à la pression, dont l’effet
se réduit lorsque la température augmente.
Commentaire : il est intéressant de remarquer que, dans la limite de basse densité, l’approxi-
mation de champ moyen reproduit le résultat exact (8.62) du chapitre 8, ce qui nous donne un
certain contrôle sur cette approximation.

Exercice 10.2 1/ Chaque spin d’un sous-réseau n’interagit qu’avec des spins de l’autre sous-
réseau de sorte que    = (  + (  − ))( + ( − )) ≃ −   +    +    , en
négligeant le produit des fluctuations ( −  )( −  ). Par ailleurs on reécrit la somme sur les
     
liens comme une somme sur les sites = = , où vois() désigne

les voisins de  (on somme soit sur les sites de  soit sur ceux de  ). On déduit
,   ∈  ∈vois( )  ∈  ∈vois( )

  
cm =  (−  +     +    ) −   −   
,   
      
= −   +    +    −    −  
2 ∈ ∈vois() ∈ ∈vois() ∈ ∈
   
     
= −    − ( −   )  −       − (  −  )  ∈  (B.50)
2 ∈ 2 

 
avec 1= 1 =  le nombre de plus proches voisins et  =  =  ∕2.
∈vois() ∈vois()

2/ L’Hamiltonien de champ moyen est séparable et, dans chaque sous-réseau, chaque spin a
  
  
le même Hamiltonien. Ainsi,  =     avec  = e 2   2 ch[ ( −   )] et  =

  
e 2   2 ch[ (  −   )] et une énergie libre par spin  cm = cm ∕ qui vaut

    
cm ( , ) = −    −  ln 4 ch[ ( −  )] ch[ (  −   )] (B.51)
2 2

335
Solutions

cm
On détermine les aimantations de chacun des sous-réseaux par  =     = − et   =

cm
  = − . Il vient le couple d’équations couplées :

 = th[ ( −  )] et   = th[ (  −   )] (B.52)

1
3/ Considérons  =  = . Le paramètre d’ordre est l’aimantation alternée  stag = ( −
2
 ). Supposant que  = − on a stag =   = −, d’où

 stag = th[ (  +   stag )] (B.53)


Le paramètre d’ordre stag satisfait la même équation auto-consistante que dans le cas ferro-
magnétique. On aura donc   =   et un comportement identique de la solution stag en
fonction de  et de . Cependant, d’autres quantités, comme la susceptibilité, vont se comporter
différemment. (Voir également le commentaire à la fin de l’exercice 10.3).

Exercice 10.3 1/ Écrivons e  = e(−) e  = e(−) e . Or, ∀, e  ⩾ 1 +  ⇒
e(−)  ⩾ 1 +  −  = 1, soit e  ⩾ e. Par définition
 −  − ( − ) e− 𝓁,0
= e 𝓁 = 0 e 𝓁 𝓁,0

𝓁 𝓁
0
=  0e − ( −0 ) 0 ⩾ 0 e−  −0 0 (B.54)

avec 𝓁,0 les énergies de 0 et 0 = e−𝓁,0 . En utilisant  = − ln  et  0 =
𝓁
−  ln  0 avec −  ln e−  −0 0 =  − 0 0, on trouve l’inégalité (10.63).

2/a/ comme 0 est séparable, on retrouve immédiatement le résultat du cristal paramagnétique


1 
=   = th( 0 ). N’oublions pas que  est une fonction de  0.
  

2/b/ Calculons les différents termes de var . On peut utiliser le résultat du cristal paramagnétique

pour 0 ce qui donne 0 = −  ln[2 ch( 0)]. Par ailleurs,  −   0 = −    0 −
 , 
( − 0)    0. Or,  0 =  et comme 0 est séparable, les spins sont indépendants donc

non-corrélés si bien que    0 =   0 = 2 . Finalement,

var ( 0) = −  ln[2 ch(0 )] −   ( 0 )2 −  ( −  0)( 0) (B.55)
2
avec  le nombre de plus proches voisins et où l’on a explicité la dépendance en 0 .
2/c/ L’extrêmalisation de (B.55) par rapport à 0 conduit à
1 dvar sh(0 ) d d
= −    − (0 ) − ( −  0) + (0) (B.56)
 d 0 ch(0 ) d0 d0

=th(0 )=(0 )

336
Solutions

∝ 1∕ ch( 0)2  0, il reste − (0) +  0 −  = 0, soit 0 =  +  


d
Comme
d0
(on retrouve le champ de Weiss). En réinjectant ce résultat dans la définition de , on trouve
l’équation auto-cohérente  = th( ( +  )) qui la même que dans le cours.

Commentaire (sur la méthode de champ moyen) : Si on applique la méthode variation-


nelle au modèle d’Ising anti-ferromagnétique (AF) on peut vérifier que les deux énergies libres
approchées cm ( ,  ) (exercice 10.2) et var (,  ) (exercice 10.3) ne coïncident pas ! Le
problème posé par « l’approche champ moyen » (dans la version présentée dans l’exercice 10.2)
est de ne pas reposer sur un principe variationnel, i.e. sur un critère de minimisation bien défini.
En particulier, elle fournit une « énergie libre de champ moyen » cm ( ,  ) qui n’est pas mini-
male pour la phase AF (i.e. qui correspond à un point col). Autrement dit, bien que les équations
auto-cohérentes que nous avons obtenues pour déterminer   et  soient correctes,  cm(  , )
n’a pas de sens hors de la ligne  = − . En revanche l’approche variationnelle fournit une
énergie libre variationnelle var ( ,  ) minimale dans la phase AF.

Pour en savoir plus :


• Cette observation est discutée dans l’article : Raphaël Agra, Frédéric van Wijland &
Emmanuel Trizac, Eur. Jour. of Phys. 77, 407 (2006), arXiv:cond-mat/0601125.

Exercice 11.1 Le spectre des énergies à deux particules est , =  +  . La fonction de
partition à deux bosons s’écrit avec la contrainte  ⩾  (cf. figure B.3)
 1  − ( + ) 1  −2  1  
B
2 () = e− ( +) = e + e = ( )2 + (2 ) .
⩾ 
2 ,  2  2
...

...

...
...
...
...
...
...

...
...
...
...
...

...
...
...
...
...

m m m
... ... ...
... ... ...
... ... ...
... ... ...

n n n
discernables bosons fermions

Figure B.3
Représentation graphique des états quantiques pour deux particules. Les états sont
indiqués en trait gras.
Pour deux fermions, la contraintes est  > . La fonction de partition s’écrit donc
 1  − ( + ) 1  −2  1  
2F () = e− (  + ) = e − e = ( )2 − (2 ) .
>
2 ,  2  2

Nous reconnaissons le premier terme qui correspond à la règle semiclassique indis.


 =   ∕ !.
Le second terme est donc une correction quantique due au postulat de symétrisation.

337
Solutions

 
1 2 
Exercice 11.2 1/ Nous écrivons d’après (11.7)  B∕F
2 () =  ± =
  2 23∕2
2 1 
1 ± 3∕2 , où nous avons utilisé que Λ → 2Λ  si  → 2 . Le terme ±1∕(2 3∕2) étant
2 2 
une perturbation, nous obtenons l’énergie libre
 
1  
MB
 ( ,  , 2) =  ( ,  , 2) −   ln 1 ± ≃  MB ( ,  , 2) ∓  (B.57)
2 
3∕2 23∕2

Δpaire

où  MB( ,  , ) = −   [ln(∕ )+1] est l’énergie libre du gaz parfait classique étudiée au
chapitre 6. Δpaire est la correction due aux corrélations quantiques, pour une paire de particules.
2/ Nous extrapolons maintenant au cas d’un gaz de  particules en écrivant  ( ,  , ) ≃
 ( − 1)
class( ,  , ) + Δpaire où nous avons multiplié Δ paire par le nombre de paires
2
du gaz  =  ( − 1)∕2 ≃  2 ∕2. Nous obtenons finalement  ( ,  , ) ≃ class( ,  , ) ∓
   Λ3
2 . Cette expression n’est valable que dans un régime de relativement haute tempéra-
25∕2 
ture car elle ignore les corrélations à  > 2 particules. Nous déduisons le comportement de la
pression :

   ∕  Λ3
=− ≃   1 ∓ 2−5∕2  Λ3 i.e. 2 ( ) = ∓ . (B.58)
 25∕2
La correction quadratique dans la densité fait apparaître le paramètre  Λ3 et a un signe opposé
dans les cas bosonique et fermionique. L’expression est en accord avec le comportement attendu
(figure 11.3).
Exercice 11.3 Par exemple, pour les bosons
 
ΞB = 1 +  e − +  2e−2 + ⋯ (B.59)

 
+ (3 )
 −  2
 −2 
 − ( +  )
=1+ e + e + e (B.60)
  >

le terme quadratique en  est construit d’une part par les termes quadratiques 2 e −2 de  , et
d’autre part par les produits  e−  e − de termes linéaires (chaque couple apparaît une fois
dans le développement). En notant que
 −2  − ( + )  − ( + )
( )2 = e  +2 e   → e   = [( ) 2 − (2)]∕2 (B.61)
 > >
et en comparant ce développement avec (B.64), nous retrouvons bien la relation pour les bosons.
Pour les fermions, c’est plus simple
e− (  +) + (3 )
   
ΞB = 1 +  e − = 1 +  e−  +  2 (B.62)
  >
qui redonne également le bon résultat. Ce développement permet de déterminer (, 3), etc. . . en
regardant les termes d’ordre supérieur en .

338
Solutions

Exercice 11.4 Effectuons une intégration par parties dans (11.26) en écrivant () =
1 d  
 () . Nous obtenons
 d
1 ∞
 0
 1 B∕F
 B∕F = − d ( ) = −  . (B.63)
e  ( −  ) ∓ 1 

Exercice 11.5 1/ La fonction de partition grand canonique comme fonction génératrice de la


fonction de partition canonique :
1 
(,  ) = Ξ(, ) . (B.64)
!   =0

2/ Dans ce cas l’expression du grand potentiel est obtenue en écrivant ln(1 ∓ e− (  − )) ≃
def 
∓e− ( − ), soit  MB = −  e  , où  = e−  est la fonction de partition à une par-

ticule. Cette formule illustre de façon extrême avec quelle facilité le formalisme grand canonique
permet de passer des propriétés à un corps, la fonction de partition , aux propriétés à plusieurs
particules, le grand potentiel.
3/ Nous pouvons également examiner la structure de la grande fonction de partition ΞMB =
MB  
e− = exp e   = e  . Nous déduisons la fonction de partition canonique en utilisant
1 
(B.64) : MB =  .
!
Problème 11.1 Bosons et fermions dans un puits harmonique 1D
A. Approximation de Maxwell-Boltzmann La fonction d’une particule est  =
 
1∕ 2 sh(∕2) . Dans l’approximation de Maxwell-Boltzmann, la fonction de partition
des  particules est MB = (1∕ !)  ∼ (∕ ) e . Ce résultat ne distingue pas entre bosons
et fermions. Notons que la validité de cette approximation est  MB  1 ; lorsque   1 cela
impose ∕  1 i.e.     . C’est une approximation valable aux hautes températures :
 
   
 MB
∼ e . Ce qui correspond au résultat d’un calcul complètement classique.
  
Nous déduisons le potentiel chimique MB ( , ) ≃    ln( ∕) ≃  ln ∕  .

B. Bosons
1/ Rappel : particules discernables. Les états quantiques pour des particules discernables sont
des états produits tensoriels de la forme  1    2   ⋯     . Puisque les particules sont
indépendantes, la sommation sur les états quantiques correspond à sommer sur les  nombres
quantiques indépendamment les uns des autres :
∞ 
 ∞ ∞
 ∞
    −
disc = ⋯ exp − (1 + ⋯ +  ) = e  . (B.65)
1 =0 2=0  =0 =0

Bosons. Les états bosoniques sont des états symétriques sous l’échange des particules (ou des
nombres quantiques). Si deux bosons occupent deux états individuels  1  et  2 , on doit tenir
compte que  1 , 2  bosons et  2,  1 bosons désignent le même état dans la sommation sur les

339
Solutions

états quantiques. Si l’on souhaite effectuer une sommation sur les états quantiques à  bosons
 1 , 2 , ⋯ ,   bosons, il faut donc ordonner les nombres quantiques 1 ⩽  2 ⩽ ⋯ ⩽  afin de
ne pas faire apparaître plusieurs fois le même état. La fonction de partition est donc


∞ 
∞ 
∞  
bosons = ⋯ exp − ( 1 + ⋯ +  ) . (B.66)
1 =0 2 =1  =−1

La somme sur les nombres quantiques est contrainte par le postulat de symétrisation.
On peut découpler les sommes en introduisant les nouvelles variables de sommation 1 = 1,
2 =  1 + 2 = 1 + 2 , 3 = 2 +  3 = 1 +  2 + 3 , etc, avec   ∈ ℕ. On déduit

− 

 
 

1
bosons = e 2 e − ( −+1)  = e − 2 . (B.67)
=1  =0 =1
1 − e −

Il est clair que si   1 ∀ , i.e. si    , nous retrouvons le résultat classique
1   
bosons ≃ .
! 
Nous pouvons d’ores et déjà introduire l’échelle charactéristique de température qui sépare le
régime classique de haute température du régime de basse température où les corrélations quan-
tiques deviennent dominantes : ∗ = ∕ . En abaissant la température à partir du régime
classique (hautes températures), l’effet du postulat de symétrisation commence à se faire sentir à
l’échelle ∗ = ∕  , bien plus élevée que l’échelle fournie par le gap du spectre individuel,
∕ . La présence de ce facteur  traduit précisément l’effet des corrélations quantiques qui
favorisent le regroupement des bosons dans le fondamental dès   ∗ .
2/ De l’expression de bosons nous déduisons l’énergie libre (11.38). Le premier terme ∕2
est simplement l’énergie fondamentale du système, lorsque tous les bosons se trouvent dans le
fondamental individuel.
C
3/ L’énergie  = −  ln bosons est donnée par la somme :

  

C
 = +  − 1
. (B.68)
2 =1
e

L’analyse de ses comportements fait apparaître trois cas limites.


C
a) Si    , tous les termes de la somme sont petits. Gardons le premier :  ≃

 +  e −∕  . La correction s’interprète comme l’excitation d’un boson dans le premier
2
état excité individuel.

 

0
Dans la limite     , on peut remplacer la somme par une intégrale, → d :
=1

  ∗ ∕
 (  )2
2 0  0
C  d  d 
 ≃ + = + , (B.69)
 e − 1 2 e − 1

340
Solutions

où ∗ = ∕ . Nous distinguons encore deux régimes :


b) Lorsque   ∗ (i.e.      ), on peut remplacer la borne supérieure par l’∞
C   2(  )2
d’où  ≃  + . La capacité calorifique présente donc un comportement linéaire
2 6
C 2  
en température à basse température :  ( ) =  ∕ ≃    ∕ ∗ .
3
c) Lorsque   ∗ (i.e.       ), on peut considérer que l’intégrant est proche
C  (  )2 ∗
de 1, d’où  ≃  +  ≃   (conséquence du théorème d’équipartition).
2  
Autrement dit on a retrouvé le résultat classique comme il se doit puisque l’effet du postulat de
symétrisation ne se fait plus sentir au delà de ∗ . Dans ce cas on retrouve une capacité calorifique
constante  ( ) ≃  .
4/ On déduit de (11.38) le potentiel chimique
     
( , ) = +   ln 1 − e−∕  = +  ln 1 − e− ∗∕ . (B.70)
2 2
Dans la limite classique,   ∗ , on retrouve ( , ) ≃  MB( , ) =  ln( ∗ ∕ ). Dans la
limite quantique,   ∗ , le potentiel chimique sature à la valeur du fondamental individuel :

( , ) ≃ −    e− ∗ ∕ .
2

Remarque. Il est intéressant de comparer ces résultats avec ceux du problème combinatoire
des partitions d’un entier (annexe 7.B page 149). C’est très clair sur l’entropie ( C ≃   dans
le régime intermédiaire) : en écrivant l’énergie d’excitation comme  ( ) −  (0) =   ≃
 2 ( )2  2 2 
nous obtenons   ∕() ≃ 6 ∕, d’où  C ≃   ∕() =   2∕3,
6  3
en exacte correspondance avec le résultat de l’annexe. Notons que dans ce régime, le potentiel
chimique est sur le fondamental  ≃ 0 = ∕2 et la conservation du nombre de bosons ne joue
pas de rôle.

Remarque. nous verrons au chapitre 13 que le fait que le potentiel chimique soit une fonction
continue et dérivable de la température est lié à l’absence de phénomène de condensation de
Bose-Einstein en 1D.
C. Fermions. Les états fermioniques, que nous notons  1 ,  2, ⋯ ,   fermions , sont anti-
symétrisés. Afin de tenir compte de cette contrainte, nous imposons aux  nombres quantiques
1 < 2 < ⋯ <  . Le calcul est donc tout à fait similaire à celui du cas bosonique. Les deux
calculs sont tellement proches que les deux fonctions de partition sont proportionnelles :
 ( − 1)
fermions =  bosons e − Δ0 où Δ0 =  . (B.71)
2
Ce résultat remarquable montre que les propriétés thermodynamiques des deux systèmes (bosons
et fermions) sont absolument identiques. La raison est que les excitations des deux systèmes
coïncident puisqu’elles correspondent à augmenter l’énergie par quanta . L’unique différence

341
Solutions


est dans la valeur de l’énergie fondamentale des deux systèmes : bosons
0 = et 0fermions =
2

2 (la constante s’interprète comme Δ 0 = fermions
0 − bosons
0
).
2
Pour finir, il est intéressant de calculer le potentiel chimique des fermions, ( , ) ≃ (  −
1 1
)+( ) en ln(1− − ∕ qui tend vers l’énergie de Fermi   = lim ( , ) =   −1 (le dernier
2   →0
état occupé).
Problème 11.2 2nd coefficient du viriel des gaz parfaits quantiques
1/ Partant de (11.26), une intégration par parties donne
∞ ∞
e− (− )
0 0
 B∕F = − d Φ() = − d Φ() () = − G  (B.72)
1 ∓ e− (− )

où l’on a utilisé les propriétés d’extensivité  ( ,  , ) = −G ( , )  (puisque  G = − ).

2/ Le nombre moyen de particules est
∞ ∞ 
0 0
G
 = d ( ) () =  d Φ()  ′()[1 ±  ′ () (B.73)

′ 
où nous avons fait une intégration par parties en utilisant  () = − ()[1 ± () .
G G
3/ On considère le rapport des deux relations précédentes ∕(−  B∕F ) =    ∕(G  ) =
  ∕, qui donne donc (11.39).
La limite classique (diluée) correspond aux faibles occupations ()  1, ce qui permet de
négliger le terme en ()2 dans l’intégrale : on retrouve  ≃    .
4/ Second coefficient du viriel. a) Calcul semiclassique de la densité d’états intégrée pour
un atome libre de spin  dans une boîte (chapitre 3) donne Φ() =   3∕2 avec  =
4
(2 + 1) (2∕ 2 )3∕2 . Par la suite on oubliera l’éventuelle dégénérescence de spin, i.e.  = 0.
3
MB def
b) Gaz parfait classique. Dans la limite classique,  est tel que () ≃ e − (− ) =  () 
∞ ∞ 
0 0
MB 3
1. L’intégrale  = d ( )  () =  e d  e − s’exprime à l’aide de la
2
fonction Γ (annexe). On obtient
def
 = e =  Λ3 (classique) (B.74)

22
où Λ = est la longueur thermique.
 

0
c) On fait () →  MB () dans (11.39). Les deux intégrales d Φ() () et

0
d Φ() ()2 sont faciles à calculers et s’exprime à l’aide de la fonction Gamma. On obtient
finalement  ∕ ≃ 1 ± 2 −5∕2.

342
Solutions

d) Dans la limite diluée, on peut remplacer la fugacité dans le développement par l’expression

classique (B.74). Le développement précédent prend donc la forme ≃ 1 ∓ 2 −5∕2 Λ 3 , et
 
on retrouve le résultat de l’excercice 11.2 :


2
∕
( ) ≃ ∓2 −5∕2 Λ3 ∝ ∓ −3∕2 (B.75)

e) Pour les fermions, le postulat de symétrisation (le principe de Pauli) induit une répulsion ef-
fective, i.e. la pression est augmentée, 2 > 0. Pour les bosons, c’est l’inverse : le postulat
de symétrisation induit une attraction effective, i.e. 2 < 0. Dans la limite classique l’effet du
postulat de symétrisation disparaît et donc 2( ) ∝  −3∕2 → 0.
C’est ce qu’on observe sur la figure dans le domaine de température 1 K <  < 10 K.

Remarque. Dans le problème, nous avons uniquement discuté l’effet des corrélations quan-
tiques (postulat de symétrisation) sur le second coefficient du viriel. Ce dernier est également
sensible aux interactions entre atomes. Pour cette raison, le comportement de plus haute tempé-
rature est assez différent de celui observé dans le régime 1 K <  < 10 K. Au delà de 20 K, le
coefficient du viriel change de signe : il est dominé par l’effet de l’interaction répulsive de cœur
dur entre atomes. Il décroît avec la température au delà de 200 K (i.e. l’isotherme rejoint la loi
de Mariotte).
Problème 12.1 Métal et semimétal en 2D
A. Hétérojonction GaAs/GaAlAs1− .

 ( −   ) = 2
 d
 (2)2
1/ Densité d’états : 0 = 2   ( −  ) où   = 2 2 ∕(2∗). En

2D, on obtient facilement 0 = 0 ∕ = ∗∕( 2).




d (;  ) où (; ) est la distribution de Fermi avec  0 =  0 . L’inté-


0
G
2/  ( , ) =  0
grale se calcule sans problème (par rapport au cas 3D on profite du fait que la densité d’états est
constante) :
G   
 ( , ) = 0 ln 1 + e  . (B.76)

3/ À limite thermodynamique on utilise la formule précédente pour décrire la situation où le


nombre d’électrons  est fixé : en inversant  = ( , ) on déduit le potentiel chimique comme
fonction de  et  =  ∕ :  ( ) = (1∕) ln e ∕ 0 − 1 .
 

2
En faisant  → ∞, on obtient l’énergie de Fermi  =  ∕ 0 = .
∗ 
L’AN pour une densité  ≃ 10 15 m−2 donne  ≃ 3meV (∗ = 0.067   est dans l’introduction)
et  ≃ 35 K.
On écrit
 
(  ) =  ln e  ∕ − 1 . (B.77)

343
Solutions

À haute température (   ) on retrouve le comportement classique ( ) ≃   ln( ∕ ),


ce qui correspond aux températures ambiantes. À basse température (   ), dans un cryostat,
l’énergie de Fermi peut être considérée comme constante : ( ) =  + ( e − ∕ ).
∞ 1 2
0
G
4/ Le développement de Sommerfeld donne  ( , ) =  0 d  (; ) ≃  0  +
2
2
2
 C 1   2 
(  ) d’où  ( , ) ≃   1 + ( ∕ ) 2 . Nous obtenons la capacité calorifique
6 2 6
2
linéaire, caractéristique d’un métal,  ( ) ≃  ( ∕  ).
6
classique
Classiquement on aurait  =  en 2D. À  = 1 K, le principe de Pauli réduit la
classique
capacité calorifique d’un facteur  ∕  ≃ 0.05.
B. Graphène
1/ La densité d’états est symétrique par rapport à  = 0. Choisissons  > 0. Densité d’é-
 ( −  ) = 2 2
 d
 (2)2
tats par unité de surface : () = 2 2  ( −  0 ) =

2
 

 0
2
d  ( − 0 ) d’où () = .
( 0)2
2/ On montre facilement la propriété en utilisant 1 − (;  ) = (−; −). Le premier terme
s’interprète comme le nombre de trous, ou anti-électrons (i.e. le nombre de lacunes d’électrons
dans la bande de valence), et le second terme comme le nombre d’électrons de conduction.
G G
3/  est tel que  = 0. En utilisant (12.32), on écrit  ( , ) =  (0, 0) = . Le nombre de
trous doit égaler le nombre d’électrons. Puisque la densité d’états est symétrique, cela implique
(  ) = 0 ∀  .
Λ∕ 
2(  )2
(0 0
d 
4/ On obtient la densité sous la forme  = . Puisque Λ∕  ∼
e + 1)2
11 000 K   on remplace la borne supérieure par l’∞. D’après la formule de l’annexe, l’inté-
   2
grale vaut 2∕12, d’où finalement le comportement quadratique   = . À  = 300 K
6 0
on obtient  ≈ 1.3 × 1015 m−2 , ce qui est comparable au 2DEG (mais ici la densité diminue
rapidement avec  , donc à  = 1 K on obtiendrait une densité ∼ 10−5 plus faible).
0 Λ

−Λ 0
5/ En retranchant(0) = d ( )  = − d (−)  et en utilisant 1 − (; 0) = (−; 0),

on montre facilement la relation demandée. On déduit ( ) = 


4(  )3 Λ∕ 
d  2
(0 )2 0
.
e + 1
En faisant la même approximation (Λ∕  → ∞), l’intégrale est (3∕2) (3), d’où finalement


6 (3) (  )3 36  (3)
( ) ≃ =  ( )   (B.78)
 (0 )2 2
 
 
18  (3)   2 108  (3)
et  ( ) ≃ =   ( )  .
 0 2

344
Solutions

6/ On a donc une décroissance plus rapide de la capacité calorifique  ( ) ∼  2 que dans un


métal, qui vient de la raréfaction des états à  → 0.
Problème 12.2 Magnétisme d’un gaz d’électrons bidimensionnel
A. Paramagnétisme de Pauli
1/ Nous avons vu dans le probléme 12.1 que, pour  = 0, la densité d’états est constante 0 =
 ∗
pour  > 0. Lorsque   0, les énergies sont décalées vers le haut ou vers le bas suivant
2
∓  . Les deux densités d’états sont donc plates à partir de ∓ :
 22
l’état de spin : ,± =
2∗
1
±() = 0 H ( ±  ).
2
2/ Pour chaque état de spin, le calcul est analogue à celui du problème 12.1. D’après (B.76) :
0 ∞
 ∞
  
2 ∓ 2 0
± = d (; ) = 0 d (;  ±  ) = 0 ln 1 + e ( ± ) . (B.79)
2

3/ On considère  = + +  − fixé.
a) À l’aide de l’expression précédente, nous obtenons e2 + 2 ch(  )e + 1 = e 2 , où nous
avons introduit  =  ∕0 . d’où
 
( , ) = ln
1
ch ( ) + e  − 1 − ch( )
2 2 (B.80)

On vérifie que la limite  = 0 redonne le résultat du problème 12.1.


Considérons la limite  → 0 (i.e.  → ∞).
• Cas  >   : Le crochet est [⋯] ≃ e  d’où  (0, ) =  . Le potentiel chimique est
indépendant du champ magnétique ; cette situation est illustrée par la figure ci-dessous, partie
gauche.
  
• Cas  <     : il faut écrire le développement de la racine ⋯ ≃ e    1 + 2e2 ( −)
1

d’où (0, ) = 2 −  . Cela correspond à la situation où le gaz est complètement polarisé
2

en spin (partie droite de la figure ci-dessous).

ρ+(ε)
+ −F
ε =)−(
εF ( B)= εF
−F ) B ( 2 −F
ε

0
0
2 εB + −B
ρ−(ε) ερ )−(
εF −F

b) Si  = 1 T, ce qui est déjà un très fort champ magnétique, nous obtenons  ≃ 50 eV soit
0.5 K. D’une part cette énergie est plus faible que l’énergie de Fermi dans un gaz d’électrons 2D

345
Solutions

(quelques 10 K, cf. problème 12.1), d’autre part, à moins de considérer des très basses tempéra-
tures (dans un cryostat) c’est plutôt plus petit que   . Dans la limite         on peut
donc considérer que ( , ) ≃ ( , 0) ≃  est indépendant du champ magnétique.

c) On a donc ± = 0 ( ±  ). L’aimantation est  =   (+ − − ) = 02  d’où


 para
2
Pauli = 0 2 . (B.81)

Notons que la susceptibilité est toujours positive, quelle que soit la charge des porteurs, ce qui
traduit simplement l’alignement des moments magnétiques sur le champ.

B. Diamagnétisme de Landau
1   
1/ L’expression générale du grand potentiel est  = − ln 1 + e − ( − ) . Dans le cas
 

 
du spectre de Landau la somme sur les états individuels prend la forme ⟶ 2 
 L . En
 =0
remarquant que 2L =  0 , nous obtenons

 ( , , , ) = −0
  


ln 1 + e − ( (+1∕2)−) . (B.82)
 =0

2/ On peut appliquer la formule d’Euler-MacLaurin en faisant simplement  →   et  ( ) →


−(0 ∕) ln(1 + e− (− )), qui décroît bien à l’infini. L’application de la formule donne

0   2
 
 ( , , , ) =  ( , , , 0) +
1 1
(B.83)
→0
+⋯
2 e − + 1 12 ∗

3/ L’aimantation diamagnétique est dia


 = − ∕ (grandeur conjuguée du champ mag-
def
nétique). Combinant cela avec la définition de la susceptibilité diamagnétique Landau =
 ∕  nous obtenons que  Landau = −  ∕   =0
2 . La comparaison avec le
lim dia 2
→0
développement (B.83) permet d’identifier la susceptibilité de Landau
1  2 1 def  
Landau = − 0  ∗ où ∗ = . (B.84)
3 e− +1 2∗
Évidemment, la réponse diamagnétique ne dépend que de ∗ , puisque l’hamiltonien est seule-
ment fonction de ∗.

C. Synthèse. À température nulle ( → ∞ et  →  ) on obtient simplement Landau =


1  2
− ∗ 0 . La susceptibilité est négative : la présence du champ provoque le mouvement
3
cyclotron (circulaire) des électrons. La rotation des charges génère un champ qui s’oppose au
champ responsable du mouvement (loi de Lenz), d’où Landau < 0. La susceptibilité totale est
  2 
1 
 = Pauli + Landau = 0 2 1 − . (B.85)
3 ∗

346
Solutions

Si ∗ =  , le paramagnétisme domine et la susceptibilité est positive (cas usuel dans un métal).



En revanche si la masse effective est assez faible ∗ <  ∕ 3, le diamagnétisme peut devenir
dominant.
Problème 12.3 Ferromagnétisme itinérant et instabilité de Stoner
A.1/ Gaz de fermions libres sans spin. La densité d’états intégrée est donnée par le calcul
 4
semiclassique : Φ() = 3 (2) 3∕2, d’où la densité d’états par unité de volume et par spin
  3∕2  3
1 2 
() = . À  = 0, l’énergie de Fermi est donnée en écrivant  = Φ( ) d’où
4 2 2
2
 = (62 )2∕3 .
2

3(6 2) 2∕3 2 5∕3
0
3
2/ L’énergie du gaz vaut 0 =  d ( ) , d’où E 0 () =   =  .
5 10 

B. Électrons en interaction dans l’approximation de champ moyen


1/ [ ] = [énergie] × [volume] d’où [𝓁] = [longueur].
2/ Il suffit d’introduire ↑ =  (1+ M )∕2 et  ↓ =  (1−M )∕2 dans E (↑ , ↓ ) = E 0(↑ )+E 0( ↓)+
 ↑ ↓ .

3/ On suit une approche variationnelle : on a exprimé le paramètre M , qu’on a supposé a priori


non nul, puis on introduit un critère (minimisation de l’énergie) pour déterminer le paramètre a
posteriori. On se limitera ici au régime M  1.
a/ En utilisant le développement limité, on obtient

3(1 − 𝓁 1∕3) M 2 + M 4 + (M 6)


25∕3  
E (↑ , ↓ ) = 2 E0 (∕2) + 2 × 34 (32) 2∕3

25∕3  
b/ On voit que la densité d’énergie est de la forme E ≃ const + (⋯)  M 2 + M 4 où

 = 3(1 − 𝓁 1∕3 ) peut changer de signe en fonction de la valeur de 𝓁 1∕3. La valeur critique de
l’interaction est simplement reliée à la densité : 𝓁 = −1∕3 . Si l’interaction est faible, 𝓁 < 𝓁  ,
le minimum de l’énergie est M = 0: le métal est dans une phase paramagnétique. Si 𝓁 > 𝓁 ,
l’énergie a deux minima en M = ± −∕2  0 : le métal est dans une phase ferromagnétique
(il est aimanté en l’absence de champ magnétique extérieur).
c/  ∼ 1∕(   ).

Exercice 13.1 a) En dimension  la densité d’états d’une particule libre est () ∝ ∕2−1 .
La condition d’apparition de la condensation de Bose Einstein est donc  ⩾ 3.
b) Dans un puits harmonique () ∝ −1. La condition pour la condensation est cette fois  ⩾ 2.

347
Solutions

Exercice 13.2 Discontinuité de la capacité calorifique des bosons


pour 𝜶 > 𝟐.
1) Cas  ⩾ BE.
a) En introduisant la densité d’états dans l’expression générale de l’énergie des bosons, un
changement de variable donne  ∕A = 0 (  ∕0) +1Γ( + 1) Li +1().
Le régime classique correspond à  → 0, d’où  ∕A ≃ 0 (  ∕ 0 )+1Γ( + 1) . Combinée
avec ∕A ≃ (  ∕ 0 ) Γ( ) , éq. (13.30), on obtient  ≃   .
b) Pas de difficulté en utilisant (13.33).
c) On prouve facilement que Li′ (1) =  (  −1) à partir de la représentation en série de la fonction.
D’où Li () ≃  () +  ( − 1)( − 1) pour  → 1− . Nous déduisons la forme approchée de
( − 1) en fonction de  que nous re-injectons dans le développement l’énergie pour  → 1 − :
 
  (  + 1)  ( )  ( )
≃ − +1 +  pour  → 1+ .
 ( )  (  − 1)  (  − 1)
 +) = ( + 1)  (  + 1)  ( )
La dérivation donne (1 − .
 ( )  (  − 1)
 pour  ⩽ BE est simplement obtenue en faisant  = 1 dans l’expression
2) L’expression de 
 = +1  (  + 1)∕ ( ) et déduisons  = ( + 1)  (  +
obtenue pour  ⩾ BE : on obtient 
1)∕ ( ).
 − )−(1
3) Nous comparons les deux expressions de la capacité calorifique : (1  +) = ()∕ ( −
1). QED .
La discontinuité est visible sur la figure 13.7 (cas  = 3). Pour  → 2 la fonction zeta au
dénominateur diverge,  ( → 1) → ∞, donc la discontinuité disparaît ; on a vu qu’il n’y avait
pas de discontinuité pour  = 3∕2, Fig. 13.5, on peut donc se douter que c’est le cas dans tout
l’intervalle  ∈]1, 2].

Pour en savoir plus :


• La présence d’interactions régularise cette discontinuité, et on attend plutôt un comporte-
ment plus régulier en pratique. Une étude numérique a été proposée dans : A. Minguzzi,
S. Conti and M. P. Tosi, « The internal energy and condensate fraction of a trapped
interacting Bose gas », Journal of Physics : Condensed Matter 9, p. L33–L38 (1997).

Problème 13.1 Loi de Bloch


1/ On écrit la relation de dispersion  = 2 ∕(2 ∗ ) où  ∗ est la masse effective des magnons.
Considérons la densité d’états intégrée Φ() : la règle semiclassique nous donne Φ() =


( ∕ ) d H ( − ) =   ∕2∕( Γ(∕2 + 1)) (2∗ ) ∕2. Une dérivation conduit à la den-

sité d’états individuels () =    2 −1 où  = [∗ ∕(2 2)]∕2∕Γ( ∕2). Le nombre moyen
−1  

0

de magnons à température  est  =    d  2 ∕ e − 1 .

348
Solutions

2/ Nous pouvons exprimer l’intégrale à l’aide de la fonction  de Riemann en utilisant (A.11) :


( ) ∝   =   Γ(∕2)  ( ∕2)(  )∕2 . (B.86)
En dimension  = 3, on obtient donc ( ) ∝  3∕2 (loi de Bloch), i.e. un comportement
tout à fait différent de celui prédit par modèle d’Ising rappelé dans l’introduction, comme on
s’y attendait. C’est précisément le comportement observé expérimentalement (Fig. 13.10). La
validité de ce traitement est valable à basse température, tant que ( )  (0), notamment
car nous avons simplifié la relation de dispersion des modes magnons, qui dévie du comportement
quadratique aux plus hautes énergies. On observe en effet une déviation à la loi de Bloch pour les
plus hautes températures. En outre on a vu dans le chapitre 10 que l’annulation de l’aimantation
au voisinage de la température critique,  ∼  , fait intervenir un exposant non trivial,  ( ) ∼
( −  ) où  ≃ 0.32 en  = 3, dont l’origine est tout à fait non triviale et s’explique par la
compétition entre interaction entre moments magnétique et fluctuations thermiques.
3/ Le cas des dimensions inférieures est intéressant : si  ⩽ 2 l’intégrale qui donne le nom-
bre de magnons est divergente, à cause de la contribution des modes de basse énergie :   ∼

0

d  2 −2 = ∞. Cette divergence du nombre de magnons peut s’interpréter comme une diver-
gence des fluctuations thermiques empêchant l’apparition d’un ordre ferromagnétique en  ⩽ 2.
Nous illustrons ici un théorème très important de la matière condensée : le théorème de Mermin-
Wagner (en présence d’interactions à courte portée, la brisure spontanée d’une symétrie continue
ne peut donner lieu à une transition de phase en dimension  ⩽ 2 qui est la dimension critique
inférieure).
Problème 13.2 Fluctuations dans un condensat de Bose-Einstein
1/ Si  diminue à  fixé, on a vu qu’il existe une température finie, BE , à laquelle le potentiel
chimique atteint sa limite supérieure autorisée,  =  −
0 = 0
−. En dessous de cette température,

un nombre macroscopique de bosons s’accumulent dans l’état individuel fondamental, i.e. 0 =


( ). L’expression grand canonique pour le nombre moyen de bosons est  =
G  B
 . On

G
admet qu’elle décrit également la situation canonique à la limite thermodynamique,  → .
Si le spectre des états individuels est très dense (décrit par une densité d’états), on peut remplacer


la somme par une intégrale ⟶ d ( ). Pour  <  BE, il faut cependant singulariser la

contribution du fondamental, 0( ), qui devient macroscopique, alors que le nombre moyen de
bosons excités   ( ) s’exprime encore comme « un nombre macroscopique de contributions
microscopiques » :

0
1
 = 0 ( ) + d ( ) pour  ⩽ BE (i.e.  = 0)
e  − 1
En utilisant une intégrale de l’annexe on obtient ( ) = (3)(   ∕) 3.
 = BE est la température en deçà de laquelle  0 devient macroscopique ; cependant il
peut encore être considéré microscopique à la transition, i.e. on peut écrire 0 (BE ) = 0 et
 1∕3
(BE ) =  d’où BE =  ∕ (3) ∕ .

349
Solutions

2/ La fraction condensée est 0( )∕ = 1 − ( ∕ BE ) 3 pour  ⩽ BE (et nulle au delà).
3/a/ La variance du nombre de bosons excités est la somme des variances (les états sont
indépendants et le condensat joue le rôle de réservoir pour les bosons excités)
  B  
e 

e
0
B
Δ 2 = Var( ) =  1 +  = = d ( )
 − 1)2 (e  − 1)2
>0 >0 >0 (e

On a utilisé que  = 0.
b/ Une I.P.P. donne
   3

  3 (2)
()3  0
2 1  
Δ = d =  (2) =
e − 1  (3)  BE

c/ d’où  = 0 +  est fixé, d’où Var( 0 ) = Var( −  ) = Var( ). Nous déduisons :

Δ0 (2)  3∕2 def 
= avec  = . (B.87)
0 (3) 1 −  3 BE

Δ0 1
Les fluctuations relatives divergent en approchant la température critique : ∼
0  BE − 
pour  → BE

2.5

2.0 ΔN 0/N0

1.5

1.0

0.5 N 0/N

0.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2 1.4

T /TBE

Pour en savoir plus :


• Cette analyse a été proposée dans l’article :
H. David Politzer, « Condensate fluctuations of a trapped, ideal Bose gas », Physical Review
A 54, p. 5048 (1996).
Une analyse plus soigneuse a été faite dans :
M. Holthaus, E. Kalinowski and K. Kirsten, « Condensate fluctuations in trapped Bose
gases : canonical vs. microcanonical ensemble », Annnals Physics 270, p. 198 (1998).

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352
Index
A champ moyen (approximation de), 212, 221
chaos, 8
adiabatique (transformation), 98
classe d’universalité, 233
aléatoire (variable), 10 Clausius, Rudolf, 1, 56
antiferromagnétisme, 220, 236, 335 col (méthode du), 28
approximation de Maxwell-Boltzmann, 112, compressibilité, 88, 127, 173, 175, 181, 213, 286
116, 238, 246, 249–251
(exposant critique), 218, 233
argon, 157, 170 condensation de Bose-Einstein, 278, 282
Avogadro (nombre d’), 60 conditions aux limites, 40, 44, 55
de Dirichlet, 40, 309
B périodiques, 45, 309
Bessel (fonctions de), 27 conditions normales de température et de
big bang, 195 pression, 7, 157
binomiale (distribution), 20, 23, 28 conjuguée
blocage de Pauli, 268 (variable canoniquement), 38, 49
Boltzmann, Ludwig, 1, 60, 91 constante de Boltzmann, 60
Born-Oppenheimer (approximation de), 161 construction de Maxwell, 215
Bose-Einstein (distribution de), 99, 184, 246, contact thermique, 79, 81, 105
278, 315 et irréversibilité, 84
boson, 53, 99, 100, 198, 237, 239, 242, 243, 246, Cooper (paires de), 279, 307
250, 251, 254, 255, 276, 279, 339, 342 coordonnées normales, 187, 203, 205
(corrélations quantiques), 255, 284 corps noir, 195
condensation, 282 corrélations quantiques, 237
dans un piège harmonique, 287 corrélations, 16
bra, 52 covariances (matrice des), 17
Bragg-williams (approximaton de), 223 cristal paramagnétique, 76, 113, 137, 219
brisure spontanée de symétrie, 230 températures négatives, 85
bruit de Schottky (bruit de grenaille), 307 crochets de Poisson, 51
cumulants, 18, 19, 25
C curie (loi de), 221
Curie-Weiss (loi de), 227
capacité calorifique, 83, 107, 161
(exposant critique), 233 D
à la transition liquide-gaz, 218
de l’oscillateur harmonique, 184 Debye (modèle de), 193
de vibration des solides, 190 dégénérescence, 40, 43
(modèle de Debye), 195 Démocrite, 2
des gaz réels, 174, 213 densité d’états, 42
du gaz de fermions, 265, 268, 271 densité de modes, 188
du gaz diatomique, 166 dérivée fonctionnelle, 291
du gaz parfait de bosons (cas général), 289, détente de Joule, 87
296 développement de Landau, 228
du gaz parfait de bosons libres, 285 développement du viriel, 169, 335
du gaz parfait diatomique, 166 diamagnétisme de Landau, 273, 346
du gaz parfait monoatomique, 85, 157 diatherme, 79
du gaz parfait polyatomique, 168 diluée (limite), 78, 157, 238
du modèle d’Ising, 226, 228 dimension critique, 233
du para et ortho H 2, 180 dimension critique inférieure, 349
et fluctuations, 110 distribution de Bose-Einstein, 99, 184, 246,
rotationnelle, 163, 164, 166 278, 315
vibrationnelle, 163, 164, 166 distribution de Dirac, 301
casimir (pression), 201 distribution de Fermi-Dirac, 99, 246, 257, 315
chaleur latente, 216 distribution de probabilité, 11
de condensation de Bose-Einstein, 287 Dulong et Petit (loi de), 191
chaleur spécifique, 287

353
Index

E de Landé, 133
gyromagnétique, 76, 133, 220
échange (interaction d’), 220 Fermi (énergie de), 262
effective (interaction), 161, 169, 200, 220
Fermi-Dirac (distribution de), 99, 246, 257, 315
effet Hall quantique entier, 234 fermion, 53, 99, 100, 237, 239, 242, 243, 251,
effet Hall quantique fractionnaire, 307 254, 255, 339, 342
élementaire, 2
(corrélations quantiques), 255
émergence, 4, 24, 189 ferromagnétisme, 219, 224
énergie de Fermi, 262 itinérant, 220, 274
énergie libre, 107, 138, 139, 141, 144, 209 fluctuation-dissipation, 110, 181
(extensivité), 108
fonction d’onde, 39, 52
(interprétation thermo.), 108 fonction de corrélation de paires, 172
d’un solide (vibrations), 193 fonction de grande déviation, 30, 81
de l’oscillateur harmonique, 185 fonction de partition, 106
du champ e-m, 198
fonction génératrice, 18, 119
du gaz parfait classique, 157 fond diffus cosmologique, 195, 199
du gaz réel (vdW), 213 forces de van der Waals, 169
sur le plateau de liquéfaction, 215
formule de trace, 310
energie libre, 147 fugacité, 120, 251, 280
ensemble canonique, 105
ensemble grand canonique, 118
ensemble isotherme-isobare, 154
G
ensemble microcanonique, 72 gap d’énergie, 164, 284, 289, 296
enthalpie, 216 gaussienne (distribution), 20
enthalpie, 147 gaz parfait, 7, 21, 75
enthalpie libre, 154 classique
enthalpie libre, 147 (fonction de grand partition), 122
entropie (fonction de partition), 112
(extensivité), 75, 78, 93 (potentiel chimique), 90
(principe d’entropie maximale), 93 (pression), 88
canonique, 107 monoatomique, 78, 117, 157
de Rényi, 68, 135, 323 Sackur-Tetrode (formule de), 78
de Tsallis, 323 de bosons libres, 279
grand canonique, 121 diatomique, 161
microcanonique, 74 moléculaire, 160
réduite, 81, 84, 87 polyatomique, 168
Sackur-Tetrode (formule de), 78, 287 quantique, 237
statistique (de Gibbs-Shannon), 62 de bosons, 276
entropique (effet), 77, 101, 209, 317 de fermions, 257
ergodicité, 37 sur réseau, 99
espace des phases, 38 gaz sur réseau, 99
espérance, 14 gaz ultrafroids, 279
état individuel, 111 gaz ultrafroids (BEC), 293
état singulet, 252 Gibbs, J. Willard, 1
états triplets, 252 Gibbs-Duhem (relation de), 148
étoiles à neutrons, 258 Ginzburg (critère de), 225
étoiles naines blanches, 258 grand potentiel, 147
Euler-MacLaurin (formule), 274 grand potentiel, 120
évènement, 9 grandes déviations, 29
exposants critiques, 232 Gross-Pitaevskii (équation de), 292
extensive (variable), 75 Gumbel (loi de), 26
extensivité, 75, 93, 108
H
F
Heisenberg (modèle de), 220
facteur hétéronucléaires (molécules), 160, 179
d’occupation, 100, 123, 149, 243 homonucléaires (molécules), 160, 179

354
Index

hooke (loi de), 37 Maxwell-Boltzmann (approximation de), 112,


hypothèse ergodique, 41 116, 238, 246, 249–251
hystérésis, 229 Mayer (relation de), 157
mécanique quantique, 8, 52
I Meissner (effet), 279
mélange statistique, 41
indépendance, 13 Mermin-Wagner (théorème), 203, 349
indiscernabilité, 47, 52, 93, 237, 239 mésoscopiques (fluctuations), 310
individuel (état), 98, 240, 243–245, 257, 278 métal, 272
intensive (variable), 75 métastable (état), 215
irréversibilité, 4, 56, 84, 91 méthode du col, 28
ising (modèle d’), 221 microétat, 39–41
mobilité électronique, 271
J modèle microscopique, 4, 78, 211
jauge de radiation, 196 modèle phénoménologique, 4, 78
modes propres
K de la chaîne de ressorts, 203
de vibration, 187
ket, 52 du champ électromagnétique, 196
Kronecker (symbole de), 10 mole, 7
kurtosis, 26 moments (définition), 18
mouvement brownien, 11
L moyenne (définition), 14
Landau (développement de), 228
N
Landau (diamagnétisme de), 273, 346
Laplace (transformation inverse), 19 Nernst (théorème de), 269, 287
Laplace (transformation), 19 nombre d’occupation, 243
Lennard-Jones (potentiel de), 5, 170
Lenz (loi de), 346 O
limite centrale (théorème de la), 21, 29
limite thermodynamique, 84, 104, 111, 127, ondes de spin, 296
136, 137, 139, 140, 141, 147, 231, 263, opalescence critique, 211, 218
265, 266, 280 ortho-hydrogène, 179
loi oscillateur harmonique, 183
de Bloch, 296, 348 densité d’états, 44
de Boltzmann, 111, 116
de Curie, 221 P
de Curie-Weiss, 227 para-hydrogène, 179
de Lenz, 346 paradoxe de Gibbs, 94
de Rayleigh, 306 paradoxe de l’irréversibilité, 91
de Rayleigh-Jeans, 199 paramagnétisme, 219
de Stefan-Boltzmann, 199 paramagnétisme de Brillouin, 134
de Wien, 199 paramagnétisme
longueur thermique, 117, 157, 238, 239, 280 de Pauli, 273, 345
ultrarelativiste, 117, 152 paramètre d’ordre, 230
Lucrèce, 2 parseval-Plancherel (relation de), 302
pauli (blocage de), 268
M pauli (paramagnétisme de), 273, 345
macroétat, 41 Perrin, Jean, 11
magnéton de Bohr, 133, 273 phénomènes collectifs, 2
magnons, 297, 348 phonons, 189
masse effective de l’électron, 261 photons, 198
matrice densité, 54 Planck (loi de), 199
Maxwell (relations de), 148 point critique (Van der Waals), 216
Maxwell, John C., 1 poisson (crochets de), 51
polariton, 279

355
Index

polylogarithme (fonction), 280 supercritique (fluide), 210


pomeranchuk (effet), 258 superfluidité, 279
postulat de symétrisation, 52, 239 supraconductivité, 279
postulat fondamental susceptibilité magnétique, 227
de la physique statistique, 72, 73 systèmes à deux niveaux, 55, 76, 113
de la thermodynamique, 56, 74
potentiel chimique T
canonique, 109, 126
grand canonique, 119 température
microcanonique, 89 absolue, 81
pression critique, 210, 214, 216, 219
canonique, 126 de Fermi, 262
Casimir, 201 microcanonique, 81
de radiation, 200 théorème
grand canonique, 121 d’équipartition, 115, 115
microcanonique, 88 de Feynman-Hellmann, 129
principe de Pauli, 99, 169, 220, 240, 242, de la limite centrale, 21, 29
243, 258, 260, 262, 263, 269 de Liouville, 50
probabilités, 7, 9 de Mermin-Wagner, 203, 349
produit tensoriel, 59 de Nernst, 269
théorie ergodique, 41
Q thermodynamique
1er principe, 142
Quantique (mécanique), 8, 52 2ème principe, 56, 91
3ème principe, 269
R thermodynamique 2éme principe, 142
transition de phase, 209
Radiation (pression de), 200 liquide-gaz, 214
Rayleigh-Jeans (loi de), 199 para-ferro, 219
relation quantique, 234
de Gibbs-Duhem, 148 topologique, 234
de Maxwell, 148 travail, 89
Rényi (entropie de), 68, 135, 323
réservoir de volume, 154 V
réservoir de particules, 118
Réversible (transformation), 89, 142 Van der Waals, 169, 213
vapeur saturante, 211
S variable
aléatoire, 10
Sackur-Tetrode (formule de), 78, 78, 287 canoniquement conjuguée, 38, 49
semiconducteur, 272 conjuguée, 109, 128
semimétal, 272 variance, 15
séparable (problème), 111, 112, 162, 190
Sinai (problème de), 69 W
skewness, 26
soleil (température), 199, 200 Weiss (domaines de), 219
sous-extensive (variable), 75 Wien (loi de), 199
sphères dures, 69, 155, 211
spin, 39, 53 Z
spinodale, 215, 217
Stefan-Boltzmann (loi de), 199 ℤ2, 230
Stirling (formule de), 302 zone de Brillouin, 189, 203

356

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