Vous êtes sur la page 1sur 2

LA CONVERSION AU SUBJECTIVISME

Si le goût est une chose de caprice, s’il n’y a aucune règle du beau, d’où viennent
donc ces émotions délicieuses qi s’élèvent si subitement, si involontairement, si
tumultueusement au fond de nos âmes, qui les dilatent ou qui les serrent, et qui forcent
de nos yeux les pleurs de la joie, de la douleur, de l’admiration, soit à l’aspect de quelque
grand phénomène physique, soit au récit de quelque grand trait moral ? Apage, Sophista !
Tu ne peruaderas jamais à mon cœur qu’il a tort de frémir, à mes entrailles qu’elles ont
tort de s’émouvoir.
DIDEROT, Essai sur la peinture

Le figuré n’est pas faux et la métaphore a sa vérité aussi bien que la fiction.

BOUHOURS, La Manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit

Je ne saurais espérer d’être approuvé si je ne parviens point à faire reconnaître au


lecteur dans mon livre ce qui se passe en lui-même, en un mot les mouvements les plus
intimes de son cœur. On n’hésite guère à rejetter comme un miroir infidèle le miroir où
l’on ne se reconnaît pas.

DUBOS, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture

Le cœur s’agite de lui-même et par un mouvement qui précède toute délibération


quand l’objet qu’on lui présente est réellement un objet touchant... Notre cœur est fait, il
est organisé pour cela. Son opération prévient donc tous les raisonnements, ainsi que
l’opération de l’œil et celle de l’oreille les devancent dans leurs sensations. Il est aussi rare
de voir des hommes nés sans le sentiment dont je parle, qu’il est rare de trouver des
aveugles-nés. Mais on ne saurait le communiquer à ceux qui en manqueraient, non plus
que la vue et l’ouïe... On pleure à une tragédie avant que d’avoir discuté si l’objet que le
Poète nous y présente, est un objet capable de toucher par lui-même, et s’il est bien imité.
Le sentiment nous apprend ce qui en est avant que nous ayons pensé à en faire
l’examen... Si le mérite le plus important des poèmes et des tableaux était d’être
conformes aux règles rédigées par écrit, on pourrait dire que la meilleure manière de
juger de leur excellence, comme du rang qu’ils doivent tenir dans l’estime des hommes,
serait la voie de discussion et d’analyse. Mais le mérite le plus important des poèmes et
des tableaux est de nous plaire. Tous les hommes, à l’aide du sentiment intérieur qui est
en eux, connaissent sans savoir les règles, si les productions des arts sont de bons ou de
mauvais ouvrages.
DUBOS, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture
L’esprit ne saurait jouir deux fois d’apprendre la même chose ; mais le cœur peut
jouir deux fois du plaisir de sentir la même émotion. Le plaisir d’apprendre est
consommé par le plaisir de savoir.

DUBOS, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture

Qu’est-ce donc que le goût ? Une facilité acquise par des expériences réitérées, à
saisir le vrai ou le bon, avec la circonstance qui le rend beau et d’en être promptement et
vivement touché.

DIDEROT, Essai sur la peinture

Vous aimerez peut-être aussi