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ISBN : 978-2-9813576-9-4 Souci, mépris , indifférence : Programme long du colloque ACSALF

Dépôt légal - Bibliothèque et Archives Nationales du Québec, 2019
Dépôt légal - Bibliothèque et Archives Canada, 2019

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 Table des matières

Mot de bienvenue et remerciements

Plan pour se rendre au Pavillon Lionel-Groulx,

Université de Montréal

Programme

Résumés des plénières

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Résumés des ateliers organisés par les

participant.e.s

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Résumés des présentations individuelles

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Mot de bienvenue et
remerciements
Chères et chers collègues,
C’est avec plaisir que nous vous accueillons à
l’Université de Montréal pour le colloque
international de l’Association canadienne des
sociologues et des anthropologues de langue
française (ACSALF). Comme vous pouvez le
constater à la lecture de ce programme, nous
avons pu réunir un groupe impressionnant de
communications scientifiques autour d’un
thème riche – Souci, mépris, indifférence –
associée à une problématique qui l’est tout
autant : comment se déploie, se détermine ou
s'étiole ce qui compte et ne compte pas.
Cet événement n’aurait pu se produire sans la
précieuse collaboration de l’Université de
Montréal, plus particulièrement celle du
Département d’anthropologie. Le comité
organisateur tient à remercier plus
particulièrement le professeur Guy Lanoue,
directeur du Département d’anthropologie,
pour son appui indéfectible au projet. Malgré la
situation difficile que vivent les universités du
Québec, le Département d’anthropologie a
engagé des ressources humaines et matérielles
pour donner une scène aux étudiant.e.s,
chercheur.e.s et professeur.e.s afin de leur
permettre de nous présenter leurs travaux.
Nous souhaitons aussi remercier toutes les
personnes qui ont rendu possible ce colloque,
les bénévoles, notamment, et plus
particulièrement Phillip Rousseau qui en a
assuré la coordination et Laurence Lallier-
Roussin qui assure la coordination de l’ACSALF.
Nous les remercions chaleureusement.
Le colloque de l’ACSALF offre une magnifique
occasion de traiter de thèmes transversaux qui
préoccupent et regroupent une panoplie de
chercheur.es aux horizons et intérêts
diversifiés. C’est ce qui fait la richesse de ces
rencontres qui s’y déploient depuis plus de
vingt-cinq ans sous l’égide de l’ACSALF.
Nous ne saurions terminer sans dire quelques
mots au sujet de l’ACSALF. Cette association est
le principal outil dont nous disposons pour
organiser des colloques majeurs qui reflètent
les préoccupations des chercheur.es de langue
française, œuvrant ici comme ailleurs. L’ACSALF
souhaite aussi être plus engagée et sortir des
murs universitaires, ce qui tend à se refléter
dans les activités que nous proposons et aussi
dans notre programmation pour ce colloque.
Au cours des prochaines années, le conseil
d’administration de l’ACSALF travaillera à
rendre l’association de plus en plus pertinente
pour celles et ceux dont les recherches socio-
anthropologiques nous inspirent. À la suite de
l’enquête que nous avons conduite cette
année, des nouvelles orientations seront
proposées pour mieux refléter l’engagement et
les préoccupations de ses membres et en
élargir l’impact en offrant plus de services et
d’activités et une orientation mieux définie.
Au nom du comité organisateur du colloque et
du conseil d’administration de l’ACSALF, je vous
souhaite de riches rencontres et discussions.
Bon colloque!
Marie-Claude Haince PhD
Présidente de l’ACSALF
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Souci, mépris, indifférence
Carrefour des arts et des sciences
Université de Montréal
Pavillon Lionel-Groulx
3150, rue Jean-Brillant

Local C-2081/83c(2e étage)

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Programme
Mercredi 23 octobre 2019
***Inscriptions – à partir de 10 h 00***
Carrefour des arts et des sciences
Salle d'exposition Marius-Barbeau : C-2081/83
Pavillon Lionel-Groulx
3150, rue Jean-Brillant (2e étage)
Séances parallèles – 13 h 00 à 14 h 30
Atelier 1 – Production et transmission des savoirs :
enjeux éthiques et politiques
Penser la collaboration : Entre points de contacts
disciplinaires et travail collaboratif
Métivier, Andrée-Ann et Anne-Marie Rouillier (U. Laval)
Financement de la recherche dans les pays politiquement
sanctionnés
Saremi, Samar (U. Montréal)
Les conséquences de l’indifférence face à la participation
des adolescents en recherche : un enjeu majeur en santé
mondiale en lien à la santé sexuelle et reproductive
Brisson-Morales, Julien (U. Montréal)
Sensibilité environnementale de l’élève et éducation
environnementale : une analyse du ‘beau’ à partir de la
socio-construction de la relation élève-élève dans la
résolution d’un souci environnemental
Djane, Kabran Aristide (U. Peleforo Gon Coulibaly)
Atelier 2 – Discrimination et marginalisation : entre
mépris et indifférence (1)
L’itinérance des femmes Kanaka Maoli : regard empirique
sur les conditions de (sur)vie
Fournier-Dufour, Laurie (U. Laval)
Quand de l’indifférence sociale et spatiale naissent de
petites rebellions. Des récits de vie féminins qui
bouleversent la migration urbaine autochtone à Canarana
(Xingu, Brésil)
Bourdages Duclot, Sarah (U. Laval)
La précarité résidentielle des locataires vieillissants :
construction d’un problème public (1985-2019)
Simard, Julien (INRS-UCS)
Atelier 3 – (Re)compostions urbaines
Négociation d’existence des résidents dissimulée derrière
la reconstruction identitaire — un cas d’étude du quartier
urbain Nanluoguxiang, Chine
Yu, Liqing (U. Laval)
L’aménagement foncier du district d’Abidjan et la pratique
des petits commerces
Koman, Franck Patrick (U. Félix Houphouët Boign)
Des interactions et valuations urbaines ordinaires comme
enjeux d'urbanité
Ocquidant, Olivier (U. Lyon)
La concentration ethnique résidentielle chez les
immigrants Chinois, Italiens et Africains : Le cas de
Montréal
Zadi, Djoro Gauthier (INRS-UCS)
Reconnaissance socio-spatiale et jeux d’acteurs dans la
fabrication du quartier de Canaan (Haïti)
Neptune Prince et Anie Bras (U. Quisqueya)
Atelier 4 – Remous politiques
Frustration et subversion dans la France pré-
révolutionnaire: de l'expérience personnelle du mépris au
sentiment commun de l'oppression. Histoire d'une
convergence des luttes
Coursins, Régis (U. Montréal)
Nouvelles expressions de l’indignation autour de la
transition démocratique en Tunisie
Leblanc, Anne (U. Laval)
L’importance du nid familial dans le parcours d’un(e)
djihadiste : une comparaison entre Italie, Québec et Tunisie
Braà, Amani ( U. Montréal et U. Cà Foscari de Venis)
S’immoler : mettre le mépris en lumière
Moriau, Jacques (U. Libre de Bruxelles)
Entre mépris, souci et indifférence : les mécanismes de la
lutte contre-insurrectionnelle et de la réconciliation au
Chiapas (Mexique)
Aguenier, Lucas (U. Laval)
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Pause-café – 14 h 30 à 15 h 00
Séances parallèles – 15 h à 16 h 30
Atelier 5 – Souci du soi, souci de l’autre, l’appropriation
de l’islam chez les jeunes au Québec : réseaux,
solidarités, identification
Organisation : Géraldine Mossière (U. Montréal)
Construction identitaire de jeunes convertis à l’Islam :
trajectoires religieuses et (ré)appropriation des valeurs
musulmanes
De Guise, Catherine et Josiane Le Gall (U. Montréal)
Conversion et formes de socialisation : de l'importance des
réseaux dans la construction identitaire des jeunes
Fally, Marie (U. Montréal)
Imaginaires religieux et liens spirituels de jeunes Québécois
convertis à l’islam
Kostecki, Isabelle (U. Montréal)
Sociabilités musulmanes et médias socionumériques chez
de jeunes Québécois
Marcotte, Roxanne (UQÀM)
Discutant.e : Mossière, Géraldine (U. Montréal)
Atelier 6 – Accompagner et soutenir : circuits
d’(in)attention
Souci, (in)attention et sollicitude dans la relation avec un
proche atteint d’une maladie neurodégénérative
Noir, Mathieu (U. Lumière Lyon 2)
L’activité de travail des préposées aux bénéficiaires dans
les ressources intermédiaires : « on fait tout, on touche à
tout »
Laurence-Ruel, Corynne (U. Montréal)
Mépris, souci et indifférence : repenser nos conceptions de
la mort pour promouvoir la santé en fin de vie
Lessard, Émilie (U. Ottawa)
Quelles sont les familles les mieux soutenues par l’État au
Québec ?
Mathieu, Sophie (U. Montréal)
La migration des étudiants coréens en France. Liens
familiaux et circulation du care : Investissements des
parents, dettes des enfants.
Ha, Jung-Im (EHESS)
Atelier 7 – Discrimination et marginalisation : entre
mépris et indifférence (2)
Se défaire des marques du mépris, ou les tentatives de
sortie de la minorisation sociale : quel objet de lutte ?
Charest-Réhel, Sandrine (U. Ottawa)
Étudier la reconnaissance et le mépris présents dans les
contacts mixtes : retour sur une anthropologie de la
condition noire en Belgique
Collin, Jonathan (Haute École Léonardo de Vinci)
Les femmes en situation de migration accueillies dans
l’hébergement hivernal temporaire français : quelles sont
les formes de (non)considération ?
Arnaud, Clothilde (U. Lumière Lyon 2)
Les frontières ethniques de la discrimination des
Québécoises et des Québécois minoritaires : dévoiler et
questionner la légitimité de la barrière à l’emploi par un
testing intersectionnel à Québec
Beauregard, Jean-Philippe (U. Laval)
Atelier 8 – Les (dé)valorisations médiatiques
Stratégies d’adaptation aux « soucis, mépris et
indifférences » socio-numériques dans la ville de Cotonou
Montcho, Rodrigue Sèdjrofidé (U. de Parakou)
La mise en scène doxique dans le discours publicitaire
marocain : cas de la publicité télévisuelle de
télécommunication
El Farssi, Imane (U. Hassan II)
Médias numériques dans le monde de l’art : De nouveaux
modes de valorisation des œuvres
Sirois, Guillaume (U. Montréal)
YouTubeur, j’aime te mépriser !
Dulaurans, Marlène (U. Bordeaux Montaigne) et Jean
Christophe Fedherbe (Cellule d'Identification Criminelle
et Numérique de Bordeaux au sein de la Gendarmerie
Nationale)
Mot de bienvenue – 17 h 00
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Table-ronde – 17 h 30 à 19 h 00
Souci, mépris, indifférence : quels enjeux pour
la recherche hors des murs de l’université ?
Houda Asal (chercheure CDPDJ)
Victor Armony (UQÀM)
Animation
Vincent Romani (UQÀM)
Marie-Claude Haince (U. Montréal)
Soirée d’ouverture – 19 h 00 à 21 h 00
Jeudi 24 octobre 2019
Séances parallèles – 9 h 00 à 10 h 30
Atelier 9 – Les enjeux du développement immobilier et
des politiques d’inclusion : entre mépris et
dépossession (1)
Atelier du Collectif de recherche et d’action sur l’habitat
(CRACH)
Organisation : Goyer, Renaud (UQÀM et U. Montréal),
Hélène Bélanger (UQÀM) et Louis Gaudreau (UQÀM)
Présentation et introduction
Goyer, Renaud (UQÀM et U. Montréal), Hélène Bélanger
(UQÀM) et Louis Gaudreau (UQÀM)
Les enjeux du développement immobilier et les inégalités
résidentielles
La promotion immobilière à Montréal et les rouages de la
production d’inégalités résidentielles
Fauveaud, Gabriel (U. Montréal), Louis Gaudreau
(UQÀM) et Marc-André Houle (Collège Maisonneuve)
Dynamiques immobilières et fragmentation à Parc-
Extension, un quartier péricentral d’immigration en
transition
Jolivet, Violaine (U. Montréal) et Chloé Reiser (U.
Montréal)
Atelier 10 – Hantise technologique et capture des
affects en milieux anthropisés
Atelier présenté par le groupe Stasis
Organisation : Rivard Patoine, Annabelle (U. Montréal)
Métropolisation et subjectivité : flux, fragments et
psychopolitique
Gauthier, Nicolas (UQÀM)
Ontopolitique et théorie du Nudge : le « coup de pouce »
technologique
Dormeau, Léna (Chercheure indépendante)
Gouvernementalité algorithmique et dispositifs de
modulation des affects
Rivard Patoine, Annabelle (U. Montréal)
La condition capsulaire : technologie et indifférence dans
l’Anthropocène
Guinard, Ségolène (U. Paris 8)
Atelier 11 – Les multiples établissements du souci
Généalogie du « gang de rue » au Québec : de l'institution
d'une panique morale à sa traduction scientifique
Décary-Secours, Benoit (U. Montréal)
Se soucier des auteurs de violences conjugales. Répression,
responsabilisation et compassion
Trachman, Mathieu (EHESS)
La sollicitude rythmée par le temps. La prise en compte
des droits du patient à l’urgence
Lavoie, Bertrand (U. Sherbrooke)
Le vocabulaire du souci : une exploration à partir des
métiers du customer care
Ouellet, Claudine (U. Laval)
« Le territoire c’est la valeur » : production de valeur et de
personne chez les Innus d’Unamen Shipu
Duchesne, Émile (U. Montréal)
Atelier 12 – Évolutions des soins
Le corps-capital du patient de la médecine
translationnelle : (re)penser les représentations du soin et
de la recherche
Gagné, Janie (U. Montréal)
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L’écoute dans la pratique du travail social clinique en santé
mentale; du dispositif à la pratique de soi
Galbrun, Frédérick (U. Montréal)
Dire sa douleur : un récit peu crédible
Carde, Estelle (U. Montréal)
Désirabilité, transformations et prescription de la résilience
post-trauma
Desjardins, Chloé (U. Ottawa)
Traumatismes et reconnaissance : évolution de la
considération du stress post-traumatique pour les
membres des forces armées
Roupnel, Servane (U. Laval)
Pause-café – 10 h 30 à 11 h 00
Conférence plénière 11 h 00 à 12 h 30
Éléments d’une enquête psychopolitique sur la
réaction globale
Dalie Giroux (Université d’Ottawa)
LUNCH – 12 h 30 à 14 h 30
Séances parallèles – 14 h 30 à 16 h 00
Atelier 13 – Les enjeux du développement immobilier et
des politiques d’inclusion : entre mépris et
dépossession (2)
Atelier du Collectif de recherche et d’action sur l’habitat
(CRACH)
Organisation : Goyer, Renaud (UQÀM et U. Montréal),
Hélène Bélanger (UQÀM) et Louis Gaudreau (UQÀM)
Les politiques sociales et urbaines face aux inégalités
résidentielles
La création de logements avec soutien communautaire : une
façon d’exercer du care et de réduire les inégalités de santé
Desroches, Marie-Ève (INRS-UCS)
La mixité sociale au service de la gentrification ? Une
analyse à partir du quartier d’Hochelaga-Maisonneuve à
Montréal
Nastase, Iulia (U. Montréal)
Atelier 14 – Geste concret et expérience imaginaire de
l’accompagnement : soignant.e, cinéaste,
spectateur.rice
Organisation : Froger, Marion et Suzanne Beth (U.
Montréal)
Filmer le réel et son ordinaire. Dans un même geste, retenir
et soutenir le désir d’images
Lardeux, Anne
L’indifférence comme refuge des images ? Deux films de
Kore-eda Hirokazu
Beth, Suzanne (U. Montréal)
L’accompagnement au prisme de la relation imaginaire et
de l’engagement du spectateur : expérience filmique et
« savoir-être avec »
Froger, Marion (U. Montréal)
Discussion : Houde, Geneviève (UQÀM) et Hubert Caron-
Guay (cinéaste)
Atelier 15 – Les quartiers, territoires d’hospitalité pour
les immigrants ?
Organisation : Goudet, Anna (INRS-UCS) et Annick
Germain (INRS-UCS)
Le rôle des quartiers pour comprendre la résilience des
familles immigrantes nouvellement établies
Veronis, Luisa (U. Ottawa), Anyck Dauphin (UQO), Jen
Ridgley (Carleton U.) et Brian Ray (U. Ottawa)
Perspectives sur l’accueil : la perception et le vécu de
personnes immigrantes et d’intervenants de trois quartiers
montréalais accompagnés par l’initiative Vivons nos
quartiers
Goudet, Anna (INRS-UCS) et Catherine Paquette (INRS-
UCS)
Explorer les lieux accueillants : les registres de l’hospitalité
Germain, Annick (INRS-UCS) et Islem Bendjaballah
(INRS-UCS)
Atelier 16 – Le souci de soi face au souci des autres
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Transmettre le souci pour la beauté: une responsabilité
maternelle en milieu urbain et instruit taiwanais
Keyser-Verreault, Amélie (U. Laval)
Un souci « futile »? Les préoccupations esthétiques des
femmes et leurs détracteurs
Lavoie Mongrain, Catherine (UQÀM) et Chiara Piazzesi
(UQÀM)
Souci, mépris et indifférence dans le développement
personnel : étude sociologique d’une configuration
sémantique
Beaulieu, Virginie (UQÀM)
Psychologisation, individualisation et mise en récit de soi
dans le travail social : Vécu et résistance
Plasse Bouteyre, Christine (U. Catholique de Lyon)
Les rapports de genre à l’épreuve de la cuisine
Zirari, Hayat (U. Hassan II)
Pause-café 16 h 00 à 16 h 30
Conférence plénière – 16 h 30 à 18 h 00
À la recherche des sentiments chez Foucault :
au bord du pouvoir/ au cœur du savoir
Ann Laura Stoler
(New School for Social Research, NY)
Vendredi 25 octobre 2019
Conférence plénière – 9 h 00 à 10 h 30
De l’indifférence à la politique du déni : violence
d’Etat et tracés du pouvoir en Iran
Chowra Makaremi (CNRS Paris)
Séances parallèles – 10 h 30 à 12 h 00
Atelier 17 – Les enjeux du développement immobilier et
des politiques d’inclusion : entre mépris et
dépossession (3)
Atelier du Collectif de recherche et d’action sur l’habitat
(CRACH)
Organisation : Goyer, Renaud (UQÀM et U. Montréal),
Hélène Bélanger (UQÀM) et Louis Gaudreau (UQÀM)
Le mépris dans les rapports locatifs : enjeux de l’action
collective (TABLE RONDE)
Renaud, Gabrielle (Comité Logement Plateau Mont-
Royal)
Breault, Geneviève (Association des locataires de
Villeray)
Belley, Sandrine (Popir Comité Logement)
Atelier 18 – Les conditions de l’attention (1)
Organisation : Perreault, Julie (U. Concordia et U.
Ottawa) et Pascale Devette (U. Montréal)
Se mettre à la place de l'autre grâce à l'imagination.
Attention, curiosité, jalousie et perversité.
Fiasse, Gaëlle (U. McGill)
L’anxiété existentielle dans les manuels self-help
contemporains : porter attention à soi comme mode de
souffrance
de Courville Nicol, Valérie (U. Concordia)
Le rôle de l’attention dans la définition des problèmes
sociaux
Otero, Marcelo (UQÀM)
Atelier 19 – Mobilités, indifférence et souffrance (1)
Organisation : Blain, Marie-Jeanne (U. Montréal) et Marie
Fally (U. Montréal)
Personnes réfugiées, solidaritéS et lien social : pour vaincre
l’indifférence et la souffrance
Blain, Marie-Jeanne, Roxanne Caron et Lourdes
Rodriguez del Barrio (U. Montréal)
Trajectoires de migration et d’installation de femmes
réfugiées en situation monoparentale à Montréal : entre
agentivité et ancrage social
Fally, Marie (U. Montréal)
Faut-il se soucier des enfants migrants? La question de
l’accès a la justice pour les enfants migrants détenus au
Canada
Lopes, Jennifer (U. Montréal)
Être musulmane au Québec : entre l’effort de l’intégration
et l’hostilité sociale
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Bensalah, Fatiha (U. Sherbrooke)
Atelier 20 – Effets de mémoires
L’UNESCO, la mondialisation de l’immobilier, et la
revalorisation des rentes foncières dans les villes de la
périphérie mondiale
Hayes, Matthew (U. St. Thomas)
À rebours de l’indifférence et de l’oubli, le travail de
mémoire en contexte minoritaire
Forgues, Éric (U. Moncton)
Dire la vérité » et « se faire croire » : obstacles
épistémiques à la narration des violences relatives aux
buanderies Madeleine en Irlande
Rousseau, Audrey (UQO)
Résonance du zapatisme au Québec : Déploiement de
formes de vies alternatives
Goulet Poulin, JeanSol (U. Laval)
LUNCH – 12 h 00 à 13 h 30
Séances parallèles – 13 h 30 à 15h 00
Atelier 21 – Les enjeux du développement immobilier et
des politiques d’inclusion : entre mépris et
dépossession (4)
Atelier du Collectif de recherche et d’action sur l’habitat
(CRACH)
Le mépris dans les rapports locatifs : expériences
individuelles et collectives
L’accessibilité à la justice des locataires non-représentés-es.
Une auto-ethnographie des procédures devant la Régie du
logement et la Cour du Québec.
Gentil, Olivier (U. Montréal) et Olivier Grondin (UQÀM)
L’expérience de la dépossession : l’insalubrité, l’éviction et
la touristification comme perte de contrôle de son espace
de vie
Goyer, Renaud (U. Montréal, UQÀM) et Hélène Bélanger
(UQÀM)
Atelier 22 – Les conditions de l’attention (2)
Organisation : Perreault, Julie (U. Concordia et U.
Ottawa) et Pascale Devette (U. Montréal)
L’attention à l’invisible : les vertus politiques de l’attention
en régime d’ultravisibilité et de compartimentation
Devette, Pascale (U. Montréal)
Phénoménologie du temps de loisir contemporain.
Accélération, aliénation et marchandisation de l’attention
Martineau, Jonathan (U. Bishop)
Comprendre les cadres de l’attention judiciaire : L’exemple
des procès pour agressions sexuelles au Canada et au
Québec
Perreault, Julie (U. Concordia et U. Ottawa)
Atelier 23 – Mobilités, indifférence et souffrance (2)
Organisation : Blain, Marie-Jeanne (U. Montréal) et Marie
Fally (U. Montréal)
Que peut-on dire des liens entre statut migratoire et
santé ?
Cloos, Patrick (U. Montréal)
L’indifférence des états euro-méditerranéens face à la
souffrance des jeunes. L’expérience des migrants
clandestins algériens en France »
Otmani, Rim (C.R.A.S.C)
Les nouveaux temporaires. Les travailleurs détachés dans
l’agriculture intensive en France
Castracani, Lucio (U. Aix-Marseille)
Discutant.e : Rodriguez del Barrio, Lourdes (U. Montréal)
Atelier 24 – Les politiques du discrédit. Ethnographies
croisées des pratiques de jugement, de traitement et
de contrôle des comportements jugés problématiques
Organisation : Fernandez, Fabrice, Stéphanie Gariépy et
Sophie Marois (U. Laval)
Président.e : Fernandez, Fabrice (U. Laval)
Jugement, traitement et contrôle des personnes non
représentées
Bernheim, Emmanuelle (UQÀM)
Mères (in)discréditables : ethnographies des discours et
pratiques d’évaluations des « figures saillantes » de la
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maternité en situation de consommation de drogues
Neff, Maïa (ENS Lyon, U. Laval)
La justice thérapeutique : Regards sur les contraintes
composites
Michaud, Audrey Anne (UQÀM)
Les discrédits affectifs. Ethnographie politique de
l’enquête sur remise en liberté
Fernandez, Fabrice et Stéphanie Gariépy (U. Laval)
Le travail interprofessionnel en centre désigné : la mise en
tension des représentations des victimes de violences
sexuelles
Brunet, Marie- Êve (U. Laval)
Pause-café – 15 h 00 à 15 h 30
Séances parallèles – 15 h 30 à 17 h 00
Atelier 25 – Les conditions de l’attention (3)
Organisation : Perreault, Julie (U. Concordia et U.
Ottawa) et Pascale Devette (U. Montréal)
Quelques dilemmes des attentions collapsonautes
Citton, Yves (U. Paris 8)
(vidéoconférence)
Atelier 26 – Aux frontières de l’humain :
posthumanisne, non-humain et écologies
Du souci des non-humains à l’indifférence du vivant : quels
sont les enjeux du nouveau matérialisme ?
Wolfe, Maxime (U. Montréal)
Écologie et féminisme : au carrefour des marges
Delhoum, Iris (U. Montréal)
Entrelacements Tao-poissons dans l’anthropocène
austronésienne
Santini, Gabriella (U. Ottawa)
Enjeux et stratégies de désaffection environnementale au
Brésil
Maccali, Paul (U. Montréal)
Posthumanisme et politiques de la race. Penser une
décolonisation des humanités récusées
Metende, Ulrich Aurélien (U. Yaoundé)
Atelier 27 – Familles immigrantes, processus
d’intégration et institutions. Reconfigurations
quotidiennes
Organisation : Paré, Marie-Ève ( INRS-UCS) et Anna
Goudet (INRS-UCS)
Stoppés à la frontière canadienne : Citoyenneté, mobilité
et affiliation parentale chez les enfants racisés de couples
Nord-Sud
Geoffrion, Karine (U. Carleton)
Comprendre la confluence du genre, de la race et de la
charge familiale pour mieux intervenir sur l’intégration des
immigrantes Maghrébines au Québec
Ben Soltane, Sonia (U. Ottawa)
Quand le droit mine l’accès à la justice. Récits de femmes
monoparentales immigrantes sur leur expérience avec les
institutions juridiques
Paré, Marie-Ève (INRS-UCS)
Les institutions et l’intimité. Regard sur les redéfinitions de
la gestion de l’argent au sein de couples immigrants
Goudet, Anna (INRS-UCS)
Atelier 28 – Enjeux de parentalité
Déni de reconnaissance et violence obstétricale:
contribution à une analyse du vécu des parturientes
Bordeleau-Payer, Marie-Laurence (U. McGill)
La mise au monde par césarienne entre mépris et souci
Sestito, Rosanna (U. Lausanne)
La reconnaissance sociale des expériences vécues de la
grossesse chez les hommes trans
Shankland, Mylène (UQÀM)
Être sans enfant : ou comment trouver sa place dans une
société qui valorise la parentalité
Charton, Laurence (INRS-UCS) et Andreea-Catalina
Panaite (U. Montréal)
Assemblée générale de l’ACSALF
17 h 00 – 18 h 30
Bilan de la Présidence
Marie-Claude Haince (U. Montréal)
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 Atelier 30 – (Inter)subjectivités, structures et émotions
Présentation des données
André Tremblay (U. Ottawa) Les opinions dans les interactions de travail comme mise
en œuvre effective des collaborations
Bilan financier Tremblay, Sylvain (Chercheur indépendant)
André Tremblay (U. Ottawa)
Le care a-t-il une méthodologie?
Élections Daci Atlamaz, Zehra Nur (U. Ottawa)

Pathos de la réconciliation et naissance de la biopolitique

Prix George-Henri Lévesque coloniale dans l’œuvre de jeunesse de Bartolomé de las
18 h 30 à 20 h 00 Casas
Desmarais, Jean-Philippe (UQÀM)

Samedi 26 octobre 2019 Atelier 31 –Institutions du souci, du mépris et de

Séances parallèles – 10 h 00 à 11 h 30
Atelier 29 – Contre mépris et indifférence,
l’anthropologie juridique peut-elle faire la différence ?
Organisation : Lopes, Jennifer et Karine Bates (U.
Montréal)
l’indifférence
Corruption dans l’administration publique ivoirienne :
entre construction et destruction sociale
Ouantchi Honoré (U. Felix Houphouët-Boigny)
Changer de grade dans les universités au Cameroun, quand
le professionnel oblige le care du social
Mounsade, Fadimatou (U. Catholique d’Afrique Centrale)

Président.e : Bates, Karine (U. Montréal) Les malades face à l’apathie du personnel de soins en
milieu hospitalier au Cameroun
La conscience juridique dans les familles immigrantes au
Wogaing Jeannette (U. Douala)
Québec. Limites et avenues d'un outil conceptuel
Paré, Marie-Ève (INRS)
Sociologie de l’insertion socio-professionnelle des jeunes
au Canada et au Maroc
L’accès aux institutions (non -) étatiques de résolution des
Boulahcen, Ali (U. Mohammed 5)
litiges fonciers pour les anciens réfugiés et déplacés
internes au Burundi
Tchatchoua Djomo, Rosine (Centre Leiden, Wageningen Atelier 32 – (In)visibilités dans les arts et la culture
U.) populaire

Conflits de travail et modes de résolution : comment Le Hip-hop en Haïti : mépris, révolte et construction des
l’anthropologie juridique éclaire-t-elle le cas des identités collectives
travailleurs ? Larose, Sandy (U. Laval)
Thomas, Camille (U. Montréal)
Situer la danse du Lindy hop - quand sa représentation de
Philanthropie nationaliste : Régulation des organisations la joie participe d’un processus d’effacement et d’exclusion
non gouvernementales et nouvelles directions de l’action Sékiné, Anaïs (Chercheure indépendante)
caritative islamique en Inde
Larouche, Catherine (U. Laval) Au cœur de l’inquiétude : la satire comme échappatoire
chez les jeunes adultes canadiens
Corinne Laporte (U. Ottawa)
Vivre la loi. L’expérience des enfants migrants détenus au
Canada
Lopes, Jennifer (U. Montréal)

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La femme de galère dans les séries télévisées des années
2000 en Côte d’Ivoire ou la visibilité de l’indifférence par la
culture populaire
Dénommée, Julie (U. Montréal)

Fin du colloque

14
 Résumés des plénières
(par ordre alphabétique)
Houda Asal (chercheure CDPDJ)
Victor Armony (UQÀM)
Table-ronde
Souci, mépris, indifférence : quels enjeux pour la
recherche hors des murs de l’université ?
Cette table ronde propose d’aborder certains
des enjeux liés à la production du savoir hors du
cadre universitaire et traitant de
problématiques complexes et sensibles. Quelle
attention porte-t-on à la recherche faite hors
des murs de l’université ? Quels sont les enjeux
méthodologiques soulevés ? Comment produire
une recherche engagée sans se faire accuser de
manquer de scientificité ? Comment rendre la
recherche accessible pour un grand public sur
des questions sociales et politiques brûlantes?
Comment soulever des questions difficiles tout
en transmettant l’urgence de certains
phénomènes ?
Deux chercheur.es ayant récement produit des
travaux criant d’actualité sur de
tels phénomène sont donc été invité.es par
l’Association canadienne des sociologues et
anthropologues de langue française(ACSALF) à
venir nous faire part de leurs expériences
récentes. Houda Asal (étude sur les crimes
haineux) et Victor Armony (rapport sur le
profilage racial) présenteront donc les défis qui
se sont posés à eux lors de leurs recherches et
la diffusion de celle-ci.
Dalie Giroux (Université d’Ottawa)
Éléments d’une enquête psychopolitique sur la
réaction globale
Présentation de quelques pistes d’un travail
d’enquête en cours sur la structure et l’histoire
de la pensée réactionnaire contemporaine au
Québec, dont le répertoire affectif présente des
expressions récurrentes de mépris et
d'indifférence. Qu’est-ce qu’on peut appeler
une « pensée politique » ? La réaction
québécoise, qui s’inscrit dans le courant actuel
des populisme de droite nationaliste, présente-
t-elle néanmoins des particularités ? Comment
étudier un phénomène de pensée collectif ? Y a-
t-il un « mystère de Québec » et a-t-il à voir avec
cette montée du nationalisme de droite ? Quelle
place accorder à la dimension orale de la
pensée dans une telle étude ? Il ne s’agit pas
d’abord de juger du phénomène, mais de
l’aborder sous l’angle de l’analyse de discours,
de l’auto-histoire et du racontar intersectionnel
– optique, s’il en est, du souci.
Chowra Makaremi (CNRS Paris)
De l’indifférence à la politique du déni : violence
d’État et tracés du pouvoir en Iran
Suite à révolution iranienne de 1979, la violence
d’État qui a marqué les années 1980 a
refaçonné la vie politique et l’espace public, en
éliminant par la mort ou l’exil les groupes
porteurs d’un autre projet que celui de la
République islamique. Or, tandis que les
responsables de ces violences occupent
aujourd’hui les plus hautes fonctions politiques,
le régime iranien échappe à toute
catégorisation simpliste et binaire comme
« autocratie », notamment du fait de sa grande
vigueur électorale qui démontre la légitimité du
pouvoir et la volonté de participation des
citoyens. Entre les perpétrateurs d’hier et les
15
conditions concrètes d’exercice de la
citoyenneté iranienne aujourd’hui, un fil rouge :
celui de la participation politique et de ses
frontières retracées. En tirant ce fil du passé
présent, ou absent, j’aimerais explorer les
relations entre violence et justice à la lumière
du déni comme une micro-politique du pouvoir.
Il s’agit comprendre le passé de la violence
d’Etat et son actualité. Exclure certains citoyens
– les faire fuir ou disparaître – ne revient pas
seulement à forger une communauté nationale
purifiée de toute expression dissidente, mais à
reconfigurer, de manière sans cesse
renouvelée, les règles de la participation
politique, et les frontières de la dissidence et de
l’adhésion.
Ann Laura Stoler (New School of Social
Research, NY)
À la recherche des sentiments chez Foucault : au
bord du pouvoir/ au cœur du savoir
Dans cette conférence je pose une question qui
me hantait depuis les années : Comment
pouvons-nous comprendre la place et le
déplacement des sentiments dans l’analytique
du pouvoir et du savoir chez Foucault ?
Comment expliquer l’étrangeté de la présence
et de l’absence simultanée des affects qu’on
trouve un peu partout dans ses écrits, ses cours
au collège de France et dans ses nombreux
entretiens. Pourquoi insiste-t-il donc sur le fait
que chaque sentiment ait une histoire sans
évoquer la façon dont cette histoire doit se
faire ? Curieusement, personne n’a posé cette
question. Ici, je commence à ouvrir une porte
qu’il l’a laissé pour nous entrouverte.
Résumés des ateliers
organisés par des
participant.e.s
(par ordre de présentation)
Souci du soi, souci de l’autre, l’appropriation
de l’islam chez les jeunes au Québec : réseaux,
solidarités, identification
Organisation
Mossière, Géraldine (Université de Montréal)
Au Québec comme ailleurs, les jeunes
présentent une religiosité particulièrement
active, sous des formes individualisées, souvent
désinstitutionnalisées et avant tout choisies (Le
Gall 2013 ; Lefebvre 2008 ; Mossière & Le Gall
2018, 2012 ; Perreault 2011). Cette population se
caractérise par une tendance à la mobilité
physique et aux changements d’appartenance
dont la quête du soi et la curiosité envers
l’altérité ne sont que quelques déterminants
(Collins-Mayo & Dandelion 2012). Dans le cas de
l’islam, outre les personnes nées et socialisées
dans l’islam, beaucoup de jeunes sont
également des convertis qui ont choisi cette
religion, ou des « réaffiliés » qui se
réapproprient et réinterprètent la religion
héritée de leurs parents. À cette étape
charnière de la vie que représente le passage à
l’âge adulte, la variable religieuse peut
représenter une ressource particulièrement
signifiante pour construire les identifications
individuelles et les solidarités collectives, mais
aussi pour structurer les liens sociaux et formes
de sociabilité ou de convivialité. Dans cet
atelier, nous présentons des données
ethnographiques collectées auprès de jeunes
musulmans résidant au Québec et discutons le
rôle de l’islam dans leur expérience subjective
du quotidien et dans leurs identifications
16
collectives. Nous montrons en particulier
comment cette appropriation de l’islam s’inscrit
dans des dynamiques de solidarité, de
convivialité, voire dans des engagements
sociaux qui contribuent aux dynamiques
d’identification des jeunes. Afin de montrer
comment l’islam permet de construire et
d’exprimer ce qui compte et ce qui ne compte
pas pour ces jeunes, nous explorons :
- La place de l’islam dans les espaces de
sociabilité où évoluent les jeunes
(environnement scolaire, milieu familial,
vie de quartier, cercle amical, réseaux
sociaux, associations), les formes de
socialisation et de solidarité qui se
développent dans ces espaces ;
- La façon dont l’islam et ses
représentations structurent les liens
sociaux, organisent de nouvelles
solidarités avec les pairs, la famille et le
milieu social immédiat, ou au sein de
diverses associations (à caractère
religieux ou non), et des réseaux sociaux
(forums d’échanges Internet) ;
- Les nouvelles formes d’autorités
(religieuses) qui émergent et
s’expriment au sein de ces espaces ;
- L’influence de ces modes de sociabilité
sur les processus d’identification des
jeunes (facteurs d’attractivité, de
répulsion, etc.) ;
- L’articulation de ces identifications avec
les diverses appartenances dont les
jeunes sont porteurs (famille, ethnicité,
genre, génération) ;
- Le rôle de l’environnement social et
politique sur ces stratégies identitaires
et leur possible instrumentalisation
comme voie de contestation ou de
créativité politiques.
Les enjeux du développement immobilier et
des politiques d’inclusion : entre mépris et
dépossession
Organisation
Goyer, Renaud (Université du Québec à
Montréal et Université de Montréal)
Bélanger, Hélène (Université du Québec à
Montréal)
Gaudreau, Louis (Université du Québec à
Montréal)
La question du logement est centrale au bien-
être des populations et au développement des
quartiers et des villes. Mais les problèmes
d’accessibilité au logement s’accroissent dans
les villes, notamment avec l’explosion du
nombre de condos et ses effets indirects sur les
prix de l’immobilier, mais aussi sur les loyers
dans le parc locatif privé (Statistique Canada,
2015). Différents outils existent à l’échelle
municipale pour répondre aux besoins distincts
des populations résidentes en matière de
logement. C’est le cas des incitatifs à la mobilité
résidentielle des ménages pauvres de ghettos
vers des quartiers de classe moyenne aux États-
Unis (Kirszbaum, 2009), des mesures limitant
l’installation des populations défavorisées dans
les quartiers pauvres comme à Rotterdam
(Ouwehand et van der Laan, 2007), ou encore
des opérations de destructions/reconstruction
des grands ensembles et de « rééquilibrage de
la localisation des logements sociaux » en
France (Lelevrier, 2010 : 61) et dans certaines
villes américaines comme Chicago (Zielenbach,
2003). En parallèle, les « stratégies d’inclusion »,
comme celle adoptée en 2005 par la Ville de
Montréal, permettent de construire des
logements sociaux, mais dans des proportions
insuffisantes. Ces actions favorisent
délibérément la mixité sociale, défendue
comme un moyen d’intégration des
populations plus démunies et marginalisées.
Mais pour certains chercheurs, la mixité sociale
17
programmée serait une stratégie de
gentrification et de « nettoyage social » (Lees,
2008; voir aussi Germain et al., 2010). Ces
actions délibérées, en plus de fragiliser le
rapport au logement et au territoire, expriment
une forme de mépris des cultures et modes de
vie des populations qui vivent dans les quartiers
en voie de transformation.
L’atelier, organisé le Collectif de recherche et
d’action sur l’habitat, s’inscrit dans la
thématique Ancrages, localisations et
positionnements et jettera les bases d’une
réflexion critique sur les processus de
revitalisation et de transformation des quartiers
centraux. Les communications dans cet atelier
aborderont la question de la dépossession
sociale et spatiale à travers les processus de
gentrification et les politiques de mixité sociale.
Notre objectif est de relever dans les pratiques
des promoteurs, dans politiques des acteurs
municipaux et dans l’expérience des locataires
les formes de mépris contribuant au
phénomène de dépossession.
Hantise technologique et capture des affects
en milieux anthropisés
Atelier présenté par le groupe Stasis
Organisation
Rivard Patoine, Annabelle (Université de
Montréal)
Les sociologies classiques de la ville, que ce soit
chez George Simmel ou Walter Benjamin, ont
mis de l'avant les manières dont les
stimulations urbaines, déjà au XIXe siècle,
favorisaient un engourdissement des
perceptions et des affects pour permettre de
s'y déplacer. Aujourd'hui, cette infrastructure
physique est redoublée par une infrastructure
technologique qui opère de nouvelles
médiations par la capture de l'attention des
citoyens devenus utilisateurs, avec l'objectif de
surveiller leurs comportements et de prélever
leurs données. Tandis que la technologie se
manifeste de plus en plus comme Umwelt,
devenant elle-même écoumène ou espace
anthropisé (Berque 2000), cet atelier proposera
une réflexion sur les modes de capture
qu'opèrent les dispositifs technologiques sur
les affects.
Dans les environnements de plus en plus
artificialisés, le contrôle de la nature s'arrime à
une modulation fine des affects (Deleuze 1990,
Han, 2016). En nous inspirant de la philosophie
des possessions (De Baise 2011), nous
aborderons la question de comment la
dynamique de numérisation de la société non
seulement vise, mais produit et module en
temps réel de nouveaux agencements et
arraisonnements productifs. Dans ce contexte,
l'exigence de connectivité généralisée se
présente par moment comme un mépris de la
possibilité de retrait, considérée comme la plus
élémentaire à une autre époque. Face à
l'anxiété généralisée, la résistance aujourd'hui
doit-elle se présenter essentiellement comme
un blocage des flux, autant au niveau de
l'écologie physique que de l'écologie mentale?
Le droit à l'indifférence et à la déconnexion
deviendra-t-il une nouvelle forme de lutte? Par
ailleurs, qu'opposer à la généralisation de cette
prédation - captation qui agit en même temps
comme soumission des sujets à des modes
d'existence que l'on pourrait qualifier de
capsulaires, tant ils reproduisent dans le même
temps des logiques de ségrégation entre les
vivants? Comment résister à cette forme
spécifique, négative, de la fragmentation et du
morcellement, qui est à la fois sociale, raciale et
écologique ? Nous travaillerons donc ici à
partir de l'hypothèse que si l'écologie de
l'attention (Citton, 2014) ainsi que l'exercice du
souci de l'autre doivent faire partie de toute
réelle prise de conscience politique, celles-ci ne
18
peuvent se manifester qu'à condition de
pouvoir se déprendre des autres processus de
capture qui marchandisent l'attention et
rendent l'esprit indisponible à toute capacité
réelle à se mettre en lien, à entrer en résonance
(Rosa 2018), capacité dont la restauration est
pourtant plus que jamais nécessaire.
Geste concret et expérience imaginaire de
l’accompagnement : soignant.e, cinéaste,
spectateur.rice.
Organisation
Froger, Marion (Université de Montréal)
Beth, Suzanne (Université de Montréal)
Accompagner c’est, minimalement, se tenir aux
côtés de celle ou celui qui va son chemin. Cela
implique une sensibilité particulière à la
distance et aux seuils dans le rapport à l’autre,
qu’il soit proche ou étranger et quelque que
soit la forme d’engagement ou le type de
relation que l’on peut avoir avec elle ou lui.
Accompagner se vit sous le régime du doute:
on marche sur des œufs, on se cherche une
place à côté. Trouver la mesure dans son
rapport au monde et à cet autre est alors aussi
difficile que nécessaire.
Dans la situation de soin (tous contextes et
institutions confondus), les moments qui
demandent de l’accompagnement sont plus
communs qu’on ne le croit : le soin ne se
résumant pas à un pur acte d’intervention, il est
aussi un acte de présence et de soutien –
parfois aussi ténu qu’une parole, un sourire, un
regard, mais aussi un silence ou des yeux
baissés – aux côtés de l’autre qui s’aventure, se
fragilise, s’égare, s’oublie ou se meurt. Situer
cet acte de présence entre « être » et « faire »
suppose des formes de disponibilité, de
sensibilité, et une compréhension de son rôle
qui débordent les assignations, les protocoles
et les territoires d’intervention distribués dans
les institutions et les services.
Cette modalité de présence fut aussi une des
plus recherchées dans un cinéma documentaire
soucieux d’éviter les erreurs intrusives du
cinéma direct dont il assumait par ailleurs la
continuation. Si le cinéaste et son équipe
s’entendent pour faire oublier la caméra et le
micro, peuvent-ils conférer à leur regard et leur
écoute les traits d’un accompagnement malgré
leur appareillage et leur motivation à « faire un
film » ? Et comment cette présence et ce projet
sont-ils reçus par la personne filmée et
« accompagnée » ? Enfin, comment
l’accompagnement s’offre à vivre
imaginairement au spectateur ? Cette
expérience esthétique renvoie-t-elle (ou non) à
ces expériences d’accompagnement in situ,
comment se distingue-t-elle des autres
expériences offertes par le cinéma et autres
médias ?
Pour ce panel, nous partirons de l’idée
paradoxale d’une présence en retrait en
accordant une attention spéciale au rôle des
médialités qui disposent à l’accompagnement,
puis à l’expérience imaginaire que nous en
propose le cinéma, sans perdre de vue la
particularité d’une manière discrète d’être en
relation. Ce panel propose de faire le lien entre
les gestes concrets de l’accompagnement et
son expérience imaginaire, rendue possible par
le travail des cinéastes, pour explorer la
complexité émotionnelle et morale de ce
« retrait » et de cette « discrétion » qui soutient
l’autre et témoigne d’une forme tenue mais
sans doute essentielle de bienveillance.
Les quartiers, territoires d’hospitalité pour les
immigrants ? »
Organisation
19
Goudet, Anna (INRS-UCS)
Germain, Annick (INRS-UCS)
Le contexte actuel des migrations
internationales, marqué notamment par un
nombre accru de déplacements forcés de
population, met à l’épreuve l’accueil des
sociétés d’établissement et se confronte à un
discours public hostile (Vertovec 2017). Pour
éviter de tomber dans les pièges des discours
simplificateurs, des chercheurs ont à plusieurs
reprises mis en évidence une échelle propice à
l’étude fine de cette oscillation entre hospitalité
et hostilité, celle des quartiers urbains. Les
quartiers sont en effet des lieux – matériels et
sociaux – d’expériences et de rencontres
quotidiennes (Amin 2002) comme d’inattention
civile (Leloup et al. 2016), des lieux de
déploiement du tissu associatif et institutionnel
(la présence ou non de services, le niveau de
concertation entre organismes) (Germain
2004).
Quels sont les espaces qui comptent pour les
uns (les intervenants) et pour les autres (les
immigrants et nouveaux arrivants de différents
statuts) ? Quelles visions différentes de l’accueil
y sont mobilisées ? Le mépris et l’indifférence
résonnent-ils de manière semblable pour les
différents types d’immigrants ? Comment la
reconnaissance est-elle activée par les
intervenants ?
Au final, comment le travail d’accueil de
populations aux statuts précaires redéfinit-il le
travail des organismes au service des personnes
réfugiées et immigrantes ?
L’objectif de cet atelier est de revenir sur des
expériences récentes d’accueil dans des
contextes variés de villes canadiennes, en
explorant toutes les dimensions de l’accueil, du
souci au mépris, et en mélangeant les points de
vue des acteurs. Une place sera faite d’entrée
de jeu aux positionnements théoriques sur
l’hospitalité.
Les conditions de l’attention
Organisation
Devette, Pascale (Université de Montréal)
Julie Perreault (Université d’Ottawa)
La question de « l’attention » a pris un essor
considérable dans les dernières décennies, tant
en sciences sociales qu’en philosophie. Entre
les troubles de l’attention, les réflexions sur
l’ère numérique et le « multitasking »,
l’indifférence et la distraction, l’invisibilité des
discours subalternes (compris en deçà de
l’attention) et l’explosion des thématiques du «
souci », nombreux sont ceux et celles qui
interrogent la complexité du phénomène de
l’attention. Pourtant, la nature même de ce qui
fait « l’attention » est difficile à circonscrire,
entre ses dimensions ontologique et affective,
éthique et politique, économique ou
esthétique, comme le démontrent aussi bien les
études récentes d’Yves Citton sur l’Écologie de
l’attention que les réflexions des éthiciennes du
care depuis les années 1990. Les travaux
contemporains sur le sujet se caractérisent par
une diversité d’approches et de points de vue,
attachés aussi bien à la théorie critique (Estelle
Ferrarese, Harmut Rosa) qu’à la pensée
postcoloniale (Elsa Dorlin), la phénoménologie
(Nathalie Depraz, Paul Ricœur), la sociologie
des émotions (Pascale Molinier), la théorie
morale (Joan Tronto, Simone Weil) ou
l’économie politique (Franck Georg). Si toutes
ces perspectives ne se ressemblent pas, une
conscience commune des écueils de l’attention
dans la modernité avancée semble toutefois les
rassembler, faisant ainsi écho à la dialectique
entre souci, mépris et indifférence.
20
Cet atelier propose de réfléchir à la notion
d’attention depuis ces divers angles et ses
multiples acceptions. Faisant le pari de la mise
en dialogue de la pluralité des approches, nous
souhaitons interroger les formes de vie, les
subjectivités et les conceptions de l’être
humain constitutives des multiples formes de
l’attention, et cibler les conditions matérielles
qui les rendent possibles. Qu’est-ce que ça veut
dire, aujourd’hui, de « porter attention »?
Quelles sont les conditions de cette attention ?
Pourquoi portons-nous à porter attention à ceci
plutôt qu’à cela, et avec quelles conséquences?
Qui porte attention à quoi, et comment? Notre
attention est-elle trop sollicitée ? Pas assez ?
Quels sont les affects mobilisés par l’attention
et dans quelles circonstances? Peut-on éduquer
« la » ou « les » attentions ? Etc. Autant de
questions par lesquelles nous souhaitons
mettre en jeu la matérialité du sensible.
Mobilités, indifférence et souffrance
Organisation
Blain, Marie-Jeanne (Université de Montréal)
Fally, Marie (Université de Montréal)
La globalisation engendre des mobilités
humaines inégalées. Le phénomène des
migrations internationales revêt différentes
couleurs selon les positionnements politiques
et idéologiques: entre un discours porté par le
progrès économique et social du pays, versus
une nécessaire fermeture des frontières et de
protection face à une « crise migratoire ». Une
tension constante se laisse percevoir entre
utilitarisme, humanisme et disqualification voire
exclusion. Les figures de l’immigrant sont
hétérogènes, tout comme les catégories
administratives qui offrent un accès variable
aux droits et espaces de citoyenneté (réfugiés,
immigrants temporaires, en situation
irrégulière).
Ce panel, Mobilités, indifférence et souffrance,
explore de façon transversale les effets de
différentes catégories juridiques du migrant
(réfugiés, migrants temporaires, sans-papiers,
statut précaire, enfants migrants), assignant
dans certains cas à des espaces de
marginalisation, où s’observent des limitations
d’accès aux droits et à la reconnaissance
sociale. Que cela soit en contexte français ou
canadien, les contributions soulèvent des
espaces de souffrance et d’indifférence causés
par les effets de la précarisation du statut
migratoire. Elles ont également en commun un
souci de proximité vis-à-vis de ces populations,
se traduisant par une méthodologie qualitative
alliant les entretiens en profondeur et pour
plusieurs l’observation ethnographique.
Les communications portent sur: 1) les
trajectoires de réfugiés syriens et la création de
liens sociaux afin de contrecarrer la précarité et
l’exclusion (au Liban, Québec) (Blain, Caron et
Rodriguez); 2) les trajectoires d’immigration et
d’intégration de mères réfugiées
monoparentales au Québec (Fally); 3) l’accès à
la justice pour les enfants migrants détenus au
Canada (Lopes); 4) les questions liées à
l’intégration des femmes musulmanes au
Québec (Bensalah). 5) les liens entre statut
migratoire et santé (Cloos); 6) les migrants
clandestins algériens en France et l’indifférence
des états euro-méditerranéens (Otmani); 7) les
nouveaux travailleurs temporaires agricoles en
France et la construction d’une vulnérabilité
(Castracani); 8) En clôture, Lourdes Rodriguez
del Barrio agira à titre de commentatrice.
Celles-ci relèvent le vécu et le sens donné à
leurs expériences. L’analyse des discours et des
représentations met aussi en exergue des
mécanismes agissant en parallèle: 1) la présence
de discours paradoxaux et d’espaces
d’exclusion engendrés par les positionnalités de
21
ces migrants; 2) la mise en place de stratégies
afin de contrecarrer, jusqu’à un certain point,
les effets de la précarisation et de l’accès limité
à certains droits, afin de permettre la (sur)vie, la
création de liens et ultimement l’inclusion.
Les politiques contemporaines du discrédit.
Ethnographies croisées des pratiques de
jugement, de traitement et de contrôle des
comportements jugés problématiques
Organisation
Fernandez, Fabrice (Université Laval)
Gariépy, Stéphanie (Université Laval)
Marois, Sophie (Université Laval)
Au regard des orientations néolibérales du
traitement politique des comportements jugés
problématiques, les manières dont les
organisations publiques (médicales, sociales,
pénales, judiciaires et leurs dispositifs parfois
hybrides) et les agents de l’État qui y travaillent,
traitent les personnes dont ils ont la charge,
suscitent nombre de débats dans l’espace
social, public et politique contemporain.
L’objectif général de notre atelier est de mieux
comprendre les logiques d’actions que ces
professionnels mettent en œuvre dans leurs
activités quotidiennes de jugement, de
traitement, de contrôle et de régulation.
Pour ce faire, nous proposons de croiser
différentes études ethnographiques afin de
montrer les logiques à l’œuvre dans les régimes
d’action et le travail concret de mise en scène
de différentes formes d’autorité morale et
normative. Il s’agit ici de penser la question du
souci de l’autre, du mépris et de l’indifférence à
l’aune des usages que ces acteurs font du
discrédit moral pour juger, ordonner, discipliner
mais aussi soigner, rétablir et réhabiliter.
Comment, dans leurs activités quotidiennes,
participent-ils à la construction de différentes
formes de discrédit en transformant ou non –
selon les contextes, les contraintes et les
mandats qui sont les leurs – des individus
« discréditables » en « individus discrédités »,
pour reprendre la célèbre formulation d’Erving
Goffman (1963). Comment l’évidence morale du
discrédit se construit-elle, se diffuse-t-elle, se
maintient-elle et dans quel objectif ? Quels sont
les espaces de discours, d’affrontement et de
prise en charge que ces politiques du discrédit
suscitent et alimentent ? Comment les
opérations pratiques de jugement modélisent-
elles l’individu discrédité (par exemple le
« délinquant », le « déviant », le « fou », mais
aussi parfois la « victime ») ? Quels sont les
éléments cliniques et les éléments relatifs à la
personnalité qui pèsent sur la production de ce
discrédit ? Quels types de justifications
(morales, épistémiques, éthiques, juridiques,
etc.) sont invoqués pour le justifier, le légitimer
et le maintenir ?
Attentifs aux dimensions émotionnelles et
morales de l’action publique, nous proposons
aux panélistes de se saisir de ces questions en
mettant l’accent sur le rôle des émotions, des
valeurs et de la morale dans la production du
discrédit et ces usages au cœur des procédures
de jugement, de contrôle et de coercition.
Familles immigrantes, processus d’intégration
et institutions. Reconfigurations quotidiennes
Organisation
Paré, Marie-Ève (INRS-UCS)
Goudet, Anna (INRS-UCS)
Les familles sont au cœur de l’immigration au
Québec, tant pour les personnes immigrantes
dont le projet migratoire s’articule
généralement par et pour le Nous familial (Vatz
Laaroussi 2001) que pour les politiques
d’immigration qui favorise la sélection de
22
nouveaux arrivants dans une optique familiale :
90% des immigrants reçus ont moins de 45 ans
et 21% d’entre eux ont entre 0 et 14 ans (MIDI
2015). Pourtant, les obstacles rencontrés par les
familles immigrantes les premiers temps de leur
arrivée au Québec ont été de nombreuses fois
mis en évidence empiriquement (Guruge et al
2010, Boudarbat et Grenier 2014) et contribuent
à la précarité du Nous familial (Vatz Laaroussi,
Rachédi et Helly 2008). Ces obstacles, de nature
systémique, ont des conséquences
différenciées sur les trajectoires des familles
immigrantes. L’existence de ces défis
quotidiens dans le processus d’intégration peut
aussi entraîner le déploiement d’une mosaïque
de stratégies, souvent innovantes, pour contrer
leurs effets précarisant, dont le recours aux
services d’institutions étatiques et civiles du
Québec.
Les institutions, civiles et gouvernementales, et
leurs représentants, sont ainsi autant du côté
des obstacles que des stratégies employées par
ces familles pour les contourner. De surcroît
des recherches sur les relations entre les
services et les familles immigrantes démontrent
la permanence d’un climat de méfiance de part
et d’autre, chacun se percevant mutuellement
comme étant fermés, inflexibles et porteurs de
préjugés (Hassan & Rousseau, 2007, Vissandjée
et al 2014).
Pourtant au cœur de l’expérience migratoire
des familles nouvellement installées au Québec,
les manières dont se nouent et se déroulent
leurs relations avec les institutions restent à
explorer plus finement. Comment les familles
immigrantes et leurs membres vivent et
définissent leurs expériences ? Quelles
influences ces relations – ou leur absence – ont-
elles sur leurs parcours d’inclusion et leur vie
quotidienne familiale ? Quels stratégies ou
moyens mobilisent-elles pour s’approprier ces
relations ?
Cet atelier propose une réflexion sur le sens de
ces relations, les reconsidérations qu’elles
imposent et leurs répercussions sur les
dynamiques familiales. Une sensibilité sera
accordée aux études empiriques portant sur le
vécu des familles immigrantes et ce, dans leur
pluralité.
Contre mépris et indifférence, l’anthropologie
juridique peut-elle faire la différence ?
Organisation
Lopes, Jennifer (Université de Montréal)
Bates, Karine (Université de Montréal)
Dans un monde marqué par de profondes
mutations, les droits individuels et collectifs
sont en constante transformation, laissant
certains sujets de droit dans un vacuum
juridique qui peut susciter à la fois mépris et
indifférence. L’atelier que nous proposons vise
à penser l’apport de l’anthropologie juridique
aux sociétés contemporaines. Ainsi, ce panel
intitulé « Contre mépris et indifférence,
l’anthropologie juridique peut-elle faire la
différence ? » interroge la manière dont
l’anthropologie juridique peut contribuer à
analyser empiriquement les droits humains ou
encore à participer activement au soutien des
populations marginalisées, en faisant émerger
de nouveaux angles de compréhension du droit
et des phénomènes qu’il génère.
L’objectif de cette table ronde est d’explorer de
nouvelles avenues, de nouveaux outils
théoriques ou empiriques permettant une
réflexion postcoloniale du droit et de discuter
dans quelle mesure l’anthropologie du droit
offre-t-elle un nouvel sinon meilleur
entendement des formes de pratiques
juridiques des sociétés actuelles ? Il s’agira
également de penser comment ce champ
disciplinaire pourrait s’engager plus activement
23
auprès des individus et des collectivités pour
défendre leurs droits face aux hégémonies en
place.

Afin d’approfondir ces questionnements, cinq

communications seront présentées à travers
des exemples ethnographiques en Inde, en
Afrique et au Canada. Seront abordées les
questions de conscience juridique à travers une
recherche sur les familles immigrantes
africaines et de leur rapport au droit et ses
institutions en matière familiale au Québec
(Marie-Ève Paré), de L’accès aux institutions
(non -) étatiques de résolution des litiges
fonciers pour les anciens réfugiés et déplacés
internes au Burundi (Rosine Tchatchoua
Djomo), d’accessibilité à la justice et la
résolution des conflits de travail pour des
travailleurs employés d’une entreprise française
à Trinidad et Tobago (Camille Thomas), mais
également des effets des nouvelles mesures de
régulation du secteur non gouvernemental sur
la légitimation sociale et politique de leurs
acteurs dans l’État de l’Uttar Pradesh, en Inde;
et enfin, de l’accès à la justice pour les enfants
migrants détenus au Canada (Jennifer Lopes).
Les recherches de terrain dont il sera question
pendant cet atelier nous permettront de porter
une réflexion sur l’avenir de l’anthropologie
juridique dans nos sociétés actuelles.

24

Résumés des présentations
individuelles
(par ordre alphabétique)
Aguenier, Lucas
Université Laval
Entre mépris, souci et indifférence : les
mécanismes de la lutte contre-insurrectionnelle
et de la réconciliation au Chiapas (Mexique)
Le premier janvier 1994, les zapatistes de
l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN)
ont pris les armes pour s’opposer publiquement
au gouvernement mexicain et dénoncer le
mépris dont il a fait preuve à leur égard. Les
premières années du conflit ont ainsi été
marquées par les conditions classiques de
« guerre de basse intensité » : par une double
logique de sanctions violentes envers les
groupes rebelles et d’offres économiques
visant à les coopter. L’enlisement du conflit à la
fin des années 1990 poussa toutefois le
gouvernement à réorienter sa stratégie contre-
insurrectionnelle en démilitarisant
progressivement les régions rebelles et en
s’affichant davantage à l’écoute de leurs
besoins. Le « souci » véhiculé par le
gouvernement face aux zapatistes et leurs
alliés trancha toutefois avec sa volonté explicite
de réinstaurer ses anciennes relations
clientélistes avec les groupes dissidents de la
région. La « paix » toute relative qui finit par
s’imposer au Chiapas a marqué les débuts
progressifs d’une indifférence générale que
connaissent aujourd’hui les groupes rebelles. À
partir de données recueillies au cours d’une
recherche menée avec plusieurs de ces
groupes, je montrerai les conséquences
directes de vingt-cinq ans de guerre contre-
insurrectionnelle dans cette région. Dans une
deuxième partie, j’expliquerai en quoi cet
exemple nous permet de mieux comprendre les
rouages et les temporalités du couple « souci »
et « indifférence » dans les perspectives de
« réconciliation » affichées par les
gouvernements des démocraties libérales
modernes face à des mouvements sociaux qui
remettent en cause leur légitimité.
Arnaud, Clothilde
Université Lumière Lyon 2
Les femmes en situation de migration accueillies
dans l’hébergement hivernal temporaire français
: quelles sont les formes de (non)considération ?
Cette communication s’inscrit dans le cadre
d’une recherche doctorale portant sur les
marges d’autonomie à l’intersection des
situations migratoires, familiales et
résidentielles de femmes sans domicile en
situation de migration en France. Elle s’appuie
sur une quarantaine d’entretiens biographiques
semi-directifs menés auprès de femmes
hébergées dans le cadre du « plan hivernal » —
dispositif politique annuel français qui prévoit
l’hébergement temporaire de personnes
pendant la période hivernale — et de données
ethnographiques recueillies au sein d’une
structure associative mettant en œuvre cet
hébergement. Cette communication
questionnera les formes de (non) considération
organisant l’accueil et le maintien de ces
femmes en hébergement ainsi que les manières
dont sont vécues ces formes d’(in)attention par
ces femmes. Nous chercherons à éclairer la
place des constructions genrées, et relevant de
processus de racisation, dans les formes de
considération organisant le système d’accès et
de maintien en hébergement. Quelles sont les «
formes de considération » ? Qui est considéré,
selon quels critères (sexe, statut administratif,
situation familiale) ? Il s’agira également de
questionner l’ambivalence de la prise en
considération. Comment ce système différencie
25
les personnes entre elles en fonction de leur
statut migratoire et familial ? Dans quelle
mesure ces critères permettent-ils des
processus d’autonomisation ?
Beaulieu, Virginie
Université du Québec à Montréal
Souci, mépris et indifférence dans le
développement personnel : étude sociologique
d’une configuration sémantique
Des formules telles que « le jour où j’ai décidé
d’être heureux », « à la recherche de son vrai soi
» ou encore « comment gérer ses émotions ? »
sont aujourd’hui omniprésentes dans les
sociétés occidentales contemporaines. Elles
font, entre autres, les titres de différents
articles de revues, d’ouvrages et de blogues –
et ce, tant sur Internet qu’en librairie. Si, à
première vue, il est possible d’y observer un
ensemble de contenus disparates, y porter une
attention plus fine permet d’y discerner une
particularité : ce langage renvoie à un
phénomène social spécifique, le
développement personnel (DP). Parce que sa
présence est de plus en plus identifiée par
nombre de chercheur.e.s en sciences humaines
et sociales (voir notamment Marquis, 2012), j’ai
consacré ma recherche de maîtrise au
développement d’une analyse sociologique
portant sur cet objet. Ma communication vise à
présenter les résultats de mon mémoire de
maîtrise (Beaulieu, 2017). À partir d’une analyse
de discours de quatre best-sellers du DP, j’ai
(re)construit – ce que je nomme – le « schéma
du DP ». Ainsi, j’ai pu mettre au jour
l’organisation du système de significations
délinées lors de mes lectures, soit le réseau de
représentations sur lequel se fonde ce type de
littérature. Puisque l’étude de ces modes de
rationalisation permet de repérer les idées qui
balisent le champ de l’intérêt/désintérêt des
auteur.e.s-adeptes des livres de DP, je serai en
mesure d’aborder les trois thématiques qui
animent le présent colloque, et ce, à la lumière
des contenus analysés : 1) le souci de soi ; 2) le
mépris du social ; et 3) l’indifférence à l’autre.
Plus largement, cet exposé propose non
seulement de saisir le DP telle nouvelle forme
de pouvoir qui – en cherchant à orienter les
conduites individuelles – participe à la «
régulation de l’ordre intérieur » des
contemporain.e.s (Ehrenberg, 1998), mais
également de penser cet objet comme un
phénomène religieux car, en adressant la
dimension existentielle de la réalité humaine
(Beaulieu, 2017), celui-ci veut définir les
croyances et pratiques des individus – avenue
théorique que je cherche à développer dans le
cadre de mon projet de recherche doctoral.
Beauregard, Jean-Philippe
Université Laval
Les frontières ethniques de la discrimination des
Québécoises et des Québécois minoritaires :
dévoiler et questionner la légitimité de la
barrière à l’emploi par un testing intersectionnel
à Québec
Des testings menés à l’embauche dans dix pays
ayant adopté des lois antidiscriminatoires dans
les années 1960-70 ont confirmé une
discrimination persistante contre les non-Blancs
et les femmes (Riach et Rich 2002). Dans
l’étude de Pager et Quillian (2005), l’adhésion
des employeurs au principe d’égalité constatée
dans le sondage téléphonique est en décalage
avec les données du testing : les Noirs reçoivent
environ trois fois moins d’invitation à l’entrevue
que les Blancs. Notamment en raison des
préjugés et des stéréotypes raciaux, explicites
et implicites, devenus plus subtiles et cachés
que par le passé (Quillian 2005), il est ardu
d’analyser les fondements de la discrimination,
26
influencée à la fois par des facteurs
intrapsychiques, organisationnels et structurels
(Pager et Shepherd 2008). Malgré les progrès
des dernières décennies, la discrimination
ethnoraciale resterait un facteur important des
inégalités socio-économiques (Pager 2007), tel
que l’a montré l’enquête menée à Montréal (Eid
et al. 2012). Nous avons créé un dispositif de
testing intersectionnel novateur pour analyser
l’impact croisé de l’ethnicité et du genre dans
l’accès à l’emploi à Québec. L’échantillon
comprend 523 offres d’emplois et 1 569 CV
fictifs et équivalents en tous points, sauf pour le
nom. Globalement, l’analyse des résultats
illustre une discrimination hiérarchisée selon le
genre et l’ethnicité, laquelle suggère que les
employeurs préfèrent les candidats féminins et
latinoaméricains. À l’opposé, les candidats
arabes et africains ont été exclus de l’accès à
l’entretien environ deux fois sur trois. Nous
questionnons la légitimité ainsi que le caractère
systémique et potentiellement raciste de cette
discrimination.
Bélanger, Hélène
Université du Québec à Montréal
L’expérience de la dépossession : l’insalubrité,
l’éviction et la touristification comme perte de
contrôle de son espace de vie
Le logement représente le socle par lequel les
membres d’une collectivité s’ancrent sur un
territoire et dans une communauté mais qui
leur permet également de se protéger de la
communauté et du territoire. Or, plusieurs
phénomènes fragilisent ce rapport au logement
et aux espaces, notamment pour les locataires.
Le premier a trait aux problèmes de plus en
plus prégnants de salubrité des logements
contribuant à l’exclusion sociale des locataires
qui y font face. Le deuxième consiste à
l’augmentation des déplacements forcés
(éviction ou reprise de logement) de locataires
pour permettre à des promoteurs de
transformer le cadre bâti pour en tirer
davantage de profits. Dans les deux cas, les
locataires font face à un phénomène de
dépossession de leurs espaces du logement et
du quartier. Généralement analysés de façon
séparée, il nous apparaît toutefois que des
processus similaires sont à l’œuvre dans ces
deux phénomènes et notre objectif ici est de
lier ces phénomènes afin d’y relever les
processus de dépossession présents et les
rapports sociaux inégalitaires qu’ils révèlent. La
présente communication se base sur deux
recherches collaboratives en compagnie du
comité logement montréalais portant sur la
production des inégalités dans l’expérience du
logement des locataires et cherche à montrer
comment ces phénomènes de dépossession
sont marqués par un mépris des populations
vivant dans ces appartements et ces quartiers.
Dans les deux cas, nous nous sommes tournés
vers la notion « d’expérience sociale » pour
mettre en évidence les rapports sociaux
inégalitaires présents à partir d’une recherche
qualitative basée sur des entrevues semi-
dirigées et séances d’observation auprès du
comité logement à Montréal.
Bensalah, Fatiha
Université de Sherbrooke
Être musulmane au Québec : entre l’effort de
l’intégration et l’hostilité sociale
L’hostilité à l’égard de tout ce qui relève de la
religion et du foulard (voile) des musulmanes,
est souvent exploitée dans de multiples
contextes sociopolitiques au Québec, et
instrumentalisée dans les stratégies d’exclusion
sociale. Dans les débats socio-politiques autour
de la question musulmane, ce sont les femmes
musulmanes, faible minorité de 2 % environ de
27
la population québécoise, qui se retrouvent au
cœur de la tourmente, et autour desquelles le
débat public et politique fait rage (Vatz
Laaroussi et Laaroussi, 2016). Cette question
m’a amenée à en faire mon sujet d’essai de fin
de Maitrise, et m’a motivé de participer dans les
différentes étapes d’une recherche-action-
médiation empirique (2015-2019) menée dans 11
pays du Nord et du Sud. L’esprit de cette
recherche a permis aux femmes de tous
horizons de partager un espace d’expression
sans préjugés et dans un rapport d’égalité.
Cette étude a abouti à la publication en mai
2019 de l'ouvrage « Femmes et féminisme en
dialogues : enjeux d’une recherche-action-
médiation », où j’y ai participé dans 2 chapitres
et un témoignage sur la réalité de la femme
musulmane au Québec. Ma réflexion ne porte
pas un regard fataliste ou essentialiste sur la
question des Musulmans. Elle s’inscrit comme
une tentative de réflexion sur l’apport
rassembleur que la médiation interculturelle
peut déployer, pour mener notre société au
bon port d’un vivre ensemble harmonieux.
Bendjaballah, Islem
INRS-UCS
Explorer les lieux accueillants : les registres de
l’hospitalité
Quels sont les lieux accueillants pour les
immigrants, par rapport à ceux qui le sont
moins, voire pas du tout, associés à une
certaine hostilité ? Quelles dynamiques
d’hospitalité y sont à l’œuvre ? Ces
représentations varient-elles selon les statuts
de nouveaux arrivants, notamment les plus
précaires (réfugiés, demandeurs d’asile) ? Telles
sont les questions au cœur d’une enquête
menée dans deux quartiers montréalais, l’un au
centre-ville, l’autre dans une ancienne banlieue,
deux quartiers caractérisés par une immigration
variée. Nous mobiliserons des résultats
préliminaires pour revenir sur les perspectives
théoriques ouvertes par une conception
relationnelle de l’hospitalité (Gotman,
Godbout) et de la reconnaissance (Honneth).
Certaines dimensions seront interrogées
relatives à leur application aux études urbaines,
par exemple la question de la visibilité.
Ben Soltane, Sonia
Université d’Ottawa
Comprendre la confluence du genre, de la race et
de la charge familiale pour mieux intervenir sur
l’intégration des immigrantes Maghrébines au
Québec
Dans cette présentation, je propose d’explorer
les parcours d’intégration d’immigrantes
maghrébines installées à Montréal selon une
approche intersectionnelle. Mon objectif est de
comprendre et de rendre visible le rôle et le
poids de la famille, les dynamiques de genre, et
de la race dans la formulation des parcours
d’intégration de ces immigrantes. La vie privée
des immigrants est un site de réajustements, de
contacts et d’hybridité, elle est le lieu où la «
vraie » intégration se déploie. Dans cette
intimité familiale, les immigrantes maghrébines
ont un rôle primordial à jouer, ainsi que dans le
processus d’intégration de leurs familles. Les
immigrantes font un ensemble de tâches qui
sont nécessaires à l’organisation de la vie
quotidienne, mais dont la finalité est d’assurer
l’intégration de la famille entière. Elles offrent
aussi un ensemble de tâches plus complexes
dont la fonction est d’apporter un soutien
moral et financier à leurs conjoints, enfants, et
parfois même à des parents vieillissants restés
au pays. Ce travail invisible et intime
d’intégration est non seulement indispensable,
mais il se fait souvent au détriment de l’intérêt
des femmes car il les empêche de faire le travail
28
nécessaire à leur intégration économique et
peut représenter une barrière à la socialisation
Bernheim, Emmanuelle
Université du Québec à Montréal
Jugement, traitement et contrôle des personnes
non représentées
Au Québec, le nombre de personnes non
représentées par avocat devant les tribunaux à
tous les niveaux d’instance serait en hausse.
L’absence de statistiques officielles ne permet
pas de connaître l’ampleur du phénomène,
mais le sujet est de plus en plus discuté par la
communauté juridique qui le considère comme
un problème occasionnant délais et coûts et
imposant un important fardeau aux acteurs
judiciaires. Depuis quelques années, certains
n’hésitent pas à parler de « crise ». L’étude de la
littérature juridique, de la jurisprudence et de la
documentation institutionnelle démontre que
la question des droits des personnes non
représentées n’y figure pas ou presque pas. À
partir de deux terrains ethnographiques menés
dans différents tribunaux montréalais, je
discuterai des dynamiques de contrôle et de
discrédit de la parole des personnes non
représentées, notamment par l’utilisation du
vocabulaire juridique, du formalisme et de la
procédure.
Beth, Suzanne
Université de Montréal
L’indifférence comme refuge des images ? Deux
films de Kore-eda Hirokazu
Pour évoquer les rapports entre cinéma et
accompagnement je voudrais partir du constat
paradoxal énoncé par le réalisateur portugais
Pedro Costa, qui observe : « Je trouve qu’Ozu
est le réalisateur le plus punk au monde, le plus
révolutionnaire, grâce à sa façon de rester
toujours en avant tout en conservant une
extrême générosité (Costa 2005) ». La ligne
éthique tracée par sa remarque repose sur une
dissociation entre capacité d’accueil et
effacement devant ce qui est accueilli, entre
expérience de liberté et attitude
compassionnelle. Cette perspective non
sentimentale est indissociable, dans les films
d’Ozu, du traitement de la famille, à savoir de
ce qui apparaît bien souvent comme le
contexte premier du soin, au sens minimal
d’une attention aux besoins. Ma présentation
portera sur deux films réalisés à quatorze ans
d’intervalle par Kore-eda Hirokazu, un cinéaste
japonais inscrit dans la lignée d’Ozu, Nobody
Knows (2004) et Une histoire de famille (2018).
Tous deux mettent en scène des formes
d’échec de cette fonction censément basique
de la famille, des effondrements du souci
habitant proverbialement la parentalité. Les
deux films donnent ainsi une consistance
sensible à certaines formes d’indifférence, qui
comprennent l’abandon et le refus mais
également des modalités plus indécidables –
par exemple une sorte de « souci délinquant »
dans Une histoire de famille. Il s’agira donc de
rendre compte de ce que déploie la réalisation
de ces films, à partir de ce qui se présente a
priori comme le hors-champ du soin, du souci,
de l’accompagnement.
Blain, Marie-Jeanne
Université de Montréal
Personnes réfugiées, solidarités et lien social :
pour vaincre l’indifférence et la souffrance
Le nombre de personnes déplacées dans le
monde a atteint des sommets inégalés dans la
dernière décennie avec 25,4 millions de
réfugiés, dont 6,3 de la Syrie. Les conjonctures
29
sociopolitiques ont créé des réactions extrêmes
dans certaines régions du monde : fermeture
des frontières, discours xénophobes, voire
banalisation de la souffrance humaine par le
renvoi. Ces situations de refuge créent de
vives épreuves. Or, les expériences permettent
également de sortir de ces épreuves, de créer
un sens nouveau, de développer des stratégies
de résilience, tandis que parallèlement, la
solidarité et la création de lien social agissent
comme filet pour sortir de l’indifférence, voire
de la souffrance. Cette communication est
basée sur deux recherches qualitatives réalisées
auprès de réfugiés de la Syrie, soit en pays de
transit, au Liban, ou au Québec (CRSH 2015-
2017 Rodriguez, Caron, Blain
et Rufagari; CRSH en cours 2017-2019 Caron,
Blain et Rodriguez). Nos propos se
basent sur les perspectives des personnes
réfugiées de la Syrie rencontrées :
39 au Québec et 26 en « transit » au Liban. En
guise de données secondaires, nous ajouterons
la perspective de parrains (n=22) qui ont
contribué à accueillir des réfugiés dans les
dernières années. Les entrevues mettent en
lumière l’importance des formes de
mobilisation et de solidarités déployées pour
(sur)vivre. L’hospitalité et le lien
social apparaissent centraux aux yeux des
personnes réfugiées pour retrouver un
équilibre, mais aussi donner sens, tandis que
certains vont eux-mêmes mobiliser des
stratégies individuelles et familiales de
solidarité, par-delà la figure victimisante du
‘réfugié’.
Boulahcen, Ali (U. Mohammed 5)
Sociologie de l’insertion socio-professionnelle
des jeunes au Canada et au Maroc
Les progrès enregistrés au Maroc ne profitent
pas aux jeunes, qui représentent plus d’un tiers
de la population. Parmi eux, nombreux sont
ceux qui souffrent de l’exclusion et du
chômage. D’après des études récentes, le
chômage touche plus de quatre jeunes urbains
sur dix. Une problématique au centre des
préoccupations de l’État. Selon les données du
Haut-commissariat au plan (HCP), le Maroc a
enregistré à la fin de 2017 un taux de chômage
de 10,2%. Surtout, celui-ci touche
principalement les jeunes âgés de 15 à 24 ans
(26,5%), avec un taux qui culmine à 42,8% en
milieu urbain. Un grand nombre parmi eux
arrive sur le marché du travail de l’informel,
comme seule possibilité d’insertion. Les
diplômés sont, par ailleurs, plus exposés au
sous-emploi que les personnes n’ayant suivi
aucune formation. Le chômage touche
également les femmes, plus dans le milieu rural
que dans le milieu urbain, avec un taux de 14,7%.
C’est donc un problème épineux qui revêt un
caractère d’urgence et nécessite, plus que
jamais, des solutions rigoureuses et efficaces. À
qui faut-il incomber la cause de ce chômage ? À
la faible diversification du tissu productif
national ? À la transition démographique ? À
l’économie marocaine qui n’a pas créé
suffisamment d’emplois par rapport au nombre
de jeunes arrivés sur le marché du travail ? Aux
diplômés, souvent peu qualifiés ? L’agrégation
de tous ces facteurs, dans un pays en voie de
développement, tel que le Maroc, est un
handicap de taille pour la promotion de
l’emploi. Qu’en est-t-il du Canada comme pays
développé.
30
Bordeleau-Payer, Marie-Laurence
Université McGill
Déni de reconnaissance et violence obstétricale :
contribution à une analyse du vécu des
parturientes
Selon Axel Honneth (1992), le déni de
reconnaissance constitue une forme de mépris
social s’exerçant à l’endroit des individus. Il
s’incarne dans des rapports de forces qui
supposent une asymétrie favorisant
l’émergence de pratiques empreintes de
violence. Lorsque cette violence est portée par
le corps médical auprès de parturientes, celle-ci
se reconnaît par son caractère systémique et
genré et se qualifie de violence obstétricale. La
mise au monde constitue un moment singulier
où la mère-en-devenir se trouve dans un état où
force et vulnérabilité se côtoient et où le «
savoir instinctif » de celle qui met au monde et
le « savoir légitimé » du corps médical se
confrontent. Or, dans ce contexte, le sens
moral des praticiens est soumis à la mise en
œuvre d’une déontologie qui apparait souvent
en faveur de ces derniers et ce, au détriment
des parturientes dont les besoins sont silenciés,
déniés, voire bafoués. L’organisation des soins,
les pratiques et les attitudes contribuent à
exclure certains droits et favorisent ainsi un
acte de dépossession dont la fameuse phrase
suivante rend bien compte : « Madame, on va
vous accoucher maintenant. Couchez-vous sur
le dos. » Inspirée de témoignages recueillis dans
le contexte d’un groupe de discussion sur les
accouchements difficiles, cette communication
souhaite éclairer certains des mécanismes
inhérents au déni de reconnaissance engagé
dans la violence obstétricale, de façon à
participer à faire entendre la voix des mères et
ultimement, à faire reconnaître leur droit à la
dignité.
Bourdages Duclot, Sarah
Université Laval
Quand de l’indifférence sociale et spatiale
naissent de petites rebellions. Des récits de vie
féminins qui bouleversent la migration urbaine
autochtone à Canarana (Xingu, Brésil)
En partant de récits de vie et d’extraits d’un film
co-réalisé dans le cadre d’un terrain
ethnographique collaboratif et coconstruit de
15 mois dans la région du Xingu au Brésil entre
juin 2016 et mars 2018, la présente
communication propose une préanalyse des
données recueillies. À partir d’un cadre
théorique, méthodologique et éthique croisant
la co-construction, la responsabilité
relationnelle (Wilson 2008) et les féminismes
autochtones décoloniaux, la préanalyse de ces
données présentée est construite au regard
d’un axe transformateur qu’est la mobilité des
femmes xinguanas dans l’espace entre le
territoire du Xingu et la ville de Canarana. Cet
axe de mobilité spatiale révèle entre autres les
mouvements elliptiques entre la communauté
et la ville, la négociation d’une identité urbaine
et sa reconnaissance, l’isolement et finalement
la précarité, observés ici sous l’angle féminin.
Dans le cadre géographique et social de cette
ville néocoloniale créée en 1975, les
mouvements spatiaux des xinguanos sont à la
fois source de conflit entre les résidents urbains
et ceux des villages, mais également entre les
résidents urbains et les autres résidents
coloniaux. Ce croisement de tensions place les
femmes xinguanas au cœur de situations
socialement et culturellement conflictuelles. À
travers cette communication, il est ainsi
question de relever, grâce à une approche
éthique, engagée et collaborative, les formes
de mépris et d’indifférence, de discrimination et
d’invisibilisation vécues par les femmes
xinguanas, ainsi que les petites rebellions
qu’elles articulent et déploient à travers leur
31
agencéité tant personnelle que collective et
intergénérationnelle
Braà, Amani
Université de Montréal et Université Ca Foscari
de Venise
L’importance du nid familial dans le parcours
d’un(e) djihadiste : une comparaison entre Italie,
Québec et Tunisie
L’importance du nid familial dans le parcours
d’un(e) djihadiste : une comparaison entre
Italie, Québec et Tunisie. Depuis les attentats
terroristes qui ont marqué ces dernières
années, la préoccupation des autorités
publiques pour les phénomènes de
basculement de jeunes, de n’importe quelle
origine, nationalité ou société, dans la violence
politique terroriste, ainsi que la focalisation de
la presse sur ce sujet, ont fortement réhabilité
la notion de radicalisation et d’extrémisme
religieux. Les défis posés sont, en premier lieux,
de nature épistémologique : le terme continue
à être l’objet de critiques qui tiennent à la fois à
ses effets politiques et à une certaine
imprécision quant à sa signification.
Deuxièmement, les cadres de compréhension
des phénomènes historiques les plus
pertinents, qui permettraient de contextualiser
la propagande de ces groupes qui fascinent de
plus en plus les nouvelles générations.
Troisièmement, le fameux profil type des jeunes
qui y adhérent. Comment se fait-il que – en
sociologie – on ne considère presque jamais la
relation entre les jeunes qui prennent ces choix
extrémistes et leurs familles, de même que le
contexte migratoire et social dans lequel ils
vivent ? Notre projet s’inscrit dans la continuité
de la problématique développée dans notre
mémoire de maîtrise, où nous avons interrogé
le radicalisme religieux menant à la violence
sous trois angles, soit : (1) la naissance, le
changement et le développement qu’il a eu dès
sa naissance ; (2) la définition problématique du
profil des jeunes djihadistes par les agences
publiques de sécurité et d’encadrement des
jeunes à risque ou revenants de zones de
conflits ; (3) le rôle des familles dans le parcours
de radicalisation de leurs enfants. Après avoir
tenté de contribuer de façon originale aux
débats théoriques sur le phénomène de la
radicalisation menant à la violence, nous
souhaitons aller plus loin en développant
conjointement ces trois niveaux d’analyse : le
premier s’intéresse aux fragilités internes à la
sphère familiale, leurs soucis, le mépris et
l’indifférence qu’elles subissent, le second à
l’articulation du phénomène avec l’influence
des facteurs macrosociaux qui le nourrissent et
le troisième s’intéresse aux réponses et aux
aides qu’on propose à ces familles.
Bras, Anie
Université Quisqueya et directrice du Centre de
Recherche et d’Appui aux Politiques Urbaines
Reconnaissance socio-spatiale et jeux d’acteurs
dans la fabrication du quartier de Canaan (Haïti)
Les pratiques d’« inventivités habitantes »
laissées aux démunis ont pour conséquence de
fabriquer de quartiers précaires caractérisés par
une dynamique de « sans », où la quête de
reconnaissance sociale passe à travers des
pratiques de gouvernance non-réglementaire.
En effet, les quartiers précaires d’aujourd’hui
seraient des lieux de marquage d’existence tant
pour les humains que pour les objets fabriqués,
ainsi le monde urbain en ce sens est le lieu de
lutte pour la reconnaissance sociale autant qu’il
est l’espace où se jouent les scènes de
l’indifférence et du mépris social. De ce point de
vue, les quartiers précaires sont fabriqués à
partir d’un détournement du « centre de
traduction » (normes et acteurs) qui passe à
32
travers d’une circulation d’objets humains et
non-humains grâce à laquelle les acteurs se
signifient socialement. Ces scènes se jouent à
travers des mécanismes d’appropriation, de
localisation, de nomination et de distribution de
ces objets dans une dynamique territoriale.
C’est cette dynamique qu’Akrich, Callon et
Latour (2006) appellent « Acteur réseau » et qui
est communément appelé sociologie de la
traduction. Le quartier de Canaan, situé dans la
région métropolitaine de Port-au-Prince, créé
pour héberger les « sans-abris » victimes du
séisme du 12 janvier, fait face aujourd’hui à des
enjeux de gouvernance territoriale dans la mise
en place des « dispositifs techniques et spatiaux
». Cette consistance matérielle qu’ajoutent les
acteurs sur l’espace ne s’éloigne pas de la
sociologie de la traduction, selon laquelle
l’urbain se définit comme assemblage d’objets
d’usage et fabriqués qui se déploient tant dans
les espaces privés que publics. Notre objectif
est de comprendre la relation entre les « objets
humains et non-humains » dans la quête de
reconnaissance sociale au cours du processus
de recomposition socio-spatiale du quartier. En
ce sens, cet article se propose d’interroger, en
s’appuyant sur la sociologie de la traduction, la
relation entre les acteurs et les dispositifs
techniques et spatiaux au cours du processus
de recomposition socio-spatiale de Canaan. Les
techniques des observations sociologiques
(entretiens, groupe de discussion, visites de
terrain) sont utilisées pour éclairer nos propos.
En effet, les premiers éléments de l’enquête
révèlent que la quête de reconnaissance sociale
importe sur les normes relatives à la
dénomination des rues, des places, des lieux de
stationnement, des sous-quartiers, à travers
lesquels passe le jeu des acteurs.
Brisson-Morales, Julien
Université de Montréal.
Les conséquences de l’indifférence face à la
participation des adolescents en recherche : un
enjeu majeur en santé mondiale en lien à la santé
sexuelle et reproductive
Les adolescents sont l’un des groupes qui ont
été le plus ignorés en santé mondiale et ceux
qui ont fait le moins de progrès en termes de
santé avec les avancés en développement
international. Ceci incorpore un enjeu de très
grande importance du fait que nous avons
présentement sur Terre la plus grande cohorte
d’adolescents dans toute l’histoire de
l’humanité. Les adolescents en tant que
mineurs sont presque toujours
systématiquement exclus de participer à des
projets de recherche, malgré que la
participation de ceux-ci pourrait leur en être
bénéfique ; par exemple, pour guider des
interventions de santé qui répondraient à leurs
besoins. De manière générale, cette constante
exclusion des adolescents à participer à des
projets de recherche n’est pas reconnu comme
étant un problème dans le monde de la
recherche, il est perçu comme acceptable que
l’on exclut la participation des adolescents.
Toutefois, devrions-nous continuer à être
indifférents envers l’exclusion des adolescents
à des projets de recherche ? Est-il acceptable
d’être inattentifs aux adolescents dans le
monde de la science ? S’il s’agissait d’autres
groupes (ex. femmes, personnes autochtones,
immigrants) qui seraient constamment exclus
de participer à des projets de recherches,
resterions-nous indifférents ? Cette
présentation explorera les conséquences et
enjeux éthiques en lien au taux très faible de
participation des adolescents à des projets de
recherche et plus spécifiquement en lien à la
santé sexuelle et reproductive. L’objectif de
cette présentation est de soulever des
arguments éthiques pour changer cette culture
33
d’indifférence dans les milieux scientifiques
face à l’exclusion des adolescents à la
recherche – que ce soit autant la recherche en
santé que les sciences sociales, en sociologie et
anthropologie en particulier.
Brunet, Marie- Êve
Université Laval
Le travail interprofessionnel en centre désigné :
la mise en tension des représentations des
victimes de violences sexuelles
Travail en réseau, travail concerté, équipe de
gestion multidisciplinaire; la collaboration
interprofessionnelle semble s’imposer de plus
en plus comme la nouvelle méthode de
traitement dans le milieu dans la santé et des
services sociaux. Ses différentes déclinaisons se
regroupent sous une même vision du soin : la
rencontre de plusieurs professionnel·le·s qui
traitent, au même moment ou sur un même
continuum, une personne en demande d’aide
en vue d’améliorer les services offerts et leur
efficience. C’est sous ce paradigme, encore
émergeant au début des années 2000, que ce
sont développés les Centres désignés pour les
victimes d’agression sexuelle récente.
Méconnue du grand public, et peu présente
dans les recherches actuelles, l’intervention
auprès de ces victimes conjugue à la fois le
travail des forces policières, du monde médical
et de l’intervention sociale. À partir de la réalité
des pratiques au Centre désigné de la région de
Québec, un premier regard est porté aux
nombreux enjeux relevant spécifiquement des
tensions morales qui émergent de la
représentation que font chacun des groupes de
professionnel·le·s des victimes de violences
sexuelles.
Carde, Estelle
Université de Montréal
Dire sa douleur : un récit peu crédible
La conceptualisation médicale de la douleur a
profondément évolué au cours de ce dernier
demi-siècle. Adoptant le dualisme, attribué à
Descartes, qui oppose le corps à l’esprit, la
médecine a longtemps réduit la douleur à une
sensation corporelle et rejeté dans le registre
peu valorisant du « psychogène » toute douleur
non validée par une lésion organique
objectivable. Mais à partir des années 1960, elle
a commencé à reconnaitre la contribution de
facteurs psycho-sociaux dans la production de
la douleur. Brisant le lien obligatoire avec une
lésion tissulaire, ce modèle dit bio-psycho-social
postule que la douleur est avant tout … ce que
le patient en dit. Cette révolution conceptuelle
semble pourtant bien loin du vécu des
personnes porteuses d’une douleur chronique.
52 d’entre elles, rencontrées en entretiens,
rapportent deux types de rhétoriques de leurs
médecins, fondées sur l’opposition corps-esprit.
Dans la première, les médecins mettent en
cause la réalité de leur douleur parce qu’aucune
lésion organique n’étaye leur plainte : celle-ci
est réduite à un problème psychologique (si
leur douleur n’est pas dans leur corps, c’est
qu’elle est dans leur tête). Dans la seconde, une
lésion est reconnue, mais pas le sujet souffrant
qui en est porteur : les personnes sont
confrontées à un défaut d’empathie de la part
de leur médecin. Dans les deux cas, le récit de
leur douleur place les personnes dans un
rapport social fondamentalement inégalitaire :
elles sont minorisées.
34
Caron, Roxanne
Université de Montréal
Personnes réfugiées, solidarités et lien social :
pour vaincre l’indifférence et la souffrance
Résumé : voir Blain, Marie-Jeanne
Castracani, Lucio
Université Aix-Marseille
Les nouveaux temporaires. Les travailleurs
détachés dans l’agriculture intensive en France
Le contrôle de la mobilité de la part des États
joue un rôle essentiel dans l'offre d'une main-
d'œuvre agricole diversifiée afin de garantir la
compétitivité des économies agricoles
nationales. Dans le sud de la France, le profil
dominant était durant plusieurs décennies celui
du saisonnier Maghrébin embauché par le biais
de contrats de l’Office français de l'immigration
et de l'intégration. Depuis la moitié des années
2000, ce profil est de plus en plus rejoint, voire
remplacé, par milliers de travailleurs d’origine
latino-américaine et subsaharienne, détachés
par des entreprises de travail temporaire (ETT)
espagnoles sur la base de la directive
européenne qui régule la prestation de service
internationale dans l’Union européenne. Les
travailleurs détachés sont méprisés dans les
débats politiques, car accusés de favoriser le
dumping social. En même temps, la législation
européenne contribue à leur vulnérabilité en les
excluant des bénéfices sociaux et de la
possibilité de résidence en France. Cette
communication analyse les relations socio-
économiques façonnées par les besoins des
employeurs français et la mobilité des
travailleurs. Si les discours officiels ne
considèrent pas le détachement comme un
projet migratoire, les pratiques des travailleurs
détachés nous amènent à d’autres
considérations. Ces réflexions se basent sur une
enquête de terrain en cours dans le sud de la
France, basés sur des observations et des
conversations informelles dans les lieux de
rencontre des travailleurs détachés (ex. marché
aux puces, église, ) et près des campements
fournis par les ETT, ainsi que sur des entretiens
semi-structurés menés avec des travailleurs
détachés équatoriens (obj. 25).
Charest-Réhel, Sandrine
Université d’Ottawa
Se défaire des marques du mépris, ou les
tentatives de sortie de la minorisation sociale :
quel objet de lutte ?
On propose d’interroger deux modalités de
lutte face au mépris, compris comme un des
effets des processus de catégorisation et de
marquage (ethnique, de race, de sexe) qui
délimitent les frontières entre groupes, et qui
sont produits par les rapports sociaux inégaux
(Guillaumin, 1972, 1992 ; Juteau, [1999] 2015).
Dans les années 1960, la lutte à ces inégalités se
déploiera dans une visée d’égalité, puis
subséquemment pour la reconnaissance des
différences. Devenues signifiantes socialement,
ces « différences » et leur traitement sont objet
de débats et d’analyses, alors que les rapports
sociaux restent peu étudiés. Une première
analyse de travaux sur les notions de « passing
», « mobilité » et « transfuge » montre qu’on y
fait état des modalités du franchissement de
frontières, mais que l’analyse des rapports
sociaux est délaissée au profit des
caractéristiques des groupes et des
(im)possibilités de passage d’un groupe ou
catégorie à l’autre. Ces résultats d’analyse
soulèvent la question des outils disponibles
pour penser à la fois la minorisation sociale et la
sortie de celle-ci. Dans une démarche à visée
épistémologique, on rend compte d’un examen
35
exploratoire de la préhension des rapports
sociaux dans deux corpus qui procèdent de
modalités différentes de sortie des statuts
minorisés : un corpus centré sur un échantillon
de politiques de reconnaissance sociale,
fondées sur le mode « collectivité/communauté
», et un corpus constitué de récits
autobiographiques, centrés sur l’unité «
individu ». Ce qui nous intéresse est la saisie
conceptuelle des processus de minorisation et
de leur sortie dans ces corpus.
Charton, Laurence
INRS-UCS
Être sans enfant : ou comment trouver sa place
dans une société qui valorise la parentalité
Depuis les années 1960, le mariage n’est plus
dans les sociétés occidentales contemporaines
l’événement de référence commune qui fonde
le couple, la famille et les liens entre ses
membres (Charton, 2006). Il se présente
comme une forme conjugale parmi d’autres
formes de vie commune possible, et ne s’inscrit
plus obligatoirement dans la durée. Dans ce
contexte, c’est l’enfant et le lien de filiation
indissoluble qui l’unit à ses parents qui
semblent faire « la famille ». Ainsi, même si
aujourd’hui des injonctions reproductives
paraissent moins souvent guider les individus et
que des groupes revendiquent la possibilité de
rester volontairement sans enfant, devenir
parent est une étape majoritairement valorisée
tant par les femmes et les hommes que par les
sociétés. Les responsabilités parentales
continuent de répondre à des attentes
individuelles, collectives et à des normes
sociales, permettant aux individus de conforter
leur identité, et de perpétuer leur groupe tout
en accédant à une reconnaissance familiale et
sociale. Cette valorisation de la parentalité
confronte les femmes et hommes inféconds, à
différentes réactions allant de l’indifférence à
l’empathie en passant par l’incompréhension
voire au mépris de l’absence d’enfant.
Comment les femmes et les hommes sans
enfant, par choix ou par circonstances de la vie,
vivent-ils dans ce contexte leur infécondité ?
Comment cette non-présence d’enfant est-elle
perçue par leur entourage et comment y font-
ils face ? Quelle place cette infécondité prend-
elle dans leur reconnaissance sociale et
familiale ? Pour répondre à ces questions, nous
nous intéresserons aux réactions que des
femmes et des hommes sans enfant disent
avoir rencontré de la part de leur entourage,
mais aussi de la perception qu’elles.ils ont
d’elles.eux-mêmes et des stratégies mises en
place pour (re)trouver voire revendiquer leur
identité de femmes et hommes sans enfant et
leur place dans leur famille et dans la société. Le
corpus analysé est composé d’entretiens semi-
structurés réalisés avec 16 femmes et 15
hommes âgé.é.es entre 42 et 62 ans à
l’automne 2018, à Montréal et en périphérie.
Ces femmes et ces hommes ont évolué dans un
environnement socioculturel où l’accès à la
contraception médicale est relativement facile,
et dans un environnement marqué par des
parcours de vie diversifiés et pluriel et des
aspirations plus individualistes.
Citton, Yves
Université Paris 8
Quelques dilemmes des attentions
collapsonautes
Comme porter attention, et à quoi, dans un
univers médiatique où s’accumulent les courbes
exponentielles annonçant notre inéluctable
effondrement civilisationnel à l’horizon de
quelques décennies ? La collapsologie peut être
interprétée comme le symptôme et le
catalyseur d’un défi insurmontable auquel sont
36
confrontées nos attentions intensément
médialisées en ce début de XXIe siècle. Cette
présentation essaiera de cartographier
quelques-uns des problèmes attentionnels qui
se posent aux collapsonautes que nous
sommes appelés à devenir.
Cloos, Patrick
Université de Montréal
Que peut-on dire des liens entre statut
migratoire et santé ?
L’objectif de cette communication est de
discuter la santé des migrants à statut précaire
résidant à Montréal. Les connaissances dans ce
domaine sont très limitées. Pourtant, la
littérature suggère que le nombre de migrants
à statut précaire augmente au Canada, et que
ce type de statut est associé à des conditions
de vie potentiellement délétères. La discussion
s’appuiera sur une étude mixte que nous avons
réalisée entre juin 2016 et septembre 2017 avec
des personnes migrantes sans assurance
médicale à Montréal. La collecte des données
s’est déroulée dans l’espace urbain montréalais
et à la clinique migrants de Médecins du
Monde. Nous discuterons plus spécifiquement
de l’accès aux soins de santé et de l’état de
santé de ces personnes, et des facteurs qui
leurs sont associés. La discussion portera
également sur les liens que nous pouvons
dresser entre la position sociale (statut
migratoire, genre, région de naissance, statut
socio-économique), la discrimination, le réseau
social, les conditions de vie, et la santé.
Collin, Jonathan
Université de Liège – Institut Parnasse-ISEI
Étudier la reconnaissance et le mépris présents
dans les contacts mixtes : retour sur une
anthropologie de la condition noire en Belgique
Au départ de matériaux recueillis lors d’une
enquête de terrain menée entre juillet 2013 et
mars 2017, la contribution mobilisera les
travaux d’Erving Goffman et la théorie de la
reconnaissance d’Axel Honneth pour proposer
une étude de la condition noire de jeunes Afro-
descendants dans la région urbaine de Liège
(Belgique). Il s’agira en particulier d’analyser les
activités auxquelles ces jeunes prennent part à
la lumière de la trilogie honnethienne de
l’amour, du droit et de la solidarité. Bien que les
jeunes rencontrés bénéficient en général
d’amour au niveau familial, et du respect, en
apparence du moins, des règles de droit et de
non-discrimination prévalant au sein de la
société belge, il apparaît en effet qu’ils ne
jouissent par contre que de peu de solidarité –
ou d’estime sociale. C’est singulièrement le cas
dans les contacts mixtes que constituent les
interactions ethno-raciales, en ce que ces
dernières sont fréquemment marquées par un
nonrespect des règles de civilité, c’est-à-dire de
« l’ordre de l’interaction » goffmanien. Il
convient alors de s’interroger sur l’important
travail de figuration réalisé par les individus
noirs pour gérer le mépris qui se fait jour dans
de telles interactions, de même que sur les
adaptations produites au quotidien pour
préserver la civilité dans les contacts mixtes. A
cet égard, il s’agira par ailleurs d’insister sur
l’articulation des dimensions microsociale et
macrosociale de la reconnaissance et du
mépris.
Coursins, Régis
Université de Montréal
Frustration et subversion dans la France pré-
révolutionnaire: de l'expérience personnelle du
37
mépris au sentiment commun de l'oppression.
Histoire d'une convergence des luttes
Dans la France littéraire de la deuxième moitié
du XVIIIe siècle, il y eut beaucoup d’appelés,
mais peu d’élus. Happés par les Lumières,
nombreux sont les hommes de lettres à n’avoir
pas obtenu la reconnaissance matérielle et
symbolique en accord avec leur talent et leur
mérite. Ils faisaient l’expérience de
l’indifférence de leurs pairs illustres, mais
surtout des préjugés qui avaient cours dans le
monde des lettres, et qui les rabaissaient au
rang de vulgaires littérateurs. Le ressentiment
éprouvé par ces proscrits dépasse le monde des
lettres. Il cible ultimement la société
monarchique, jugée responsable de leurs maux.
Car le despotisme littéraire était pour eux
l’expression du despotisme monarchique, à
côté du despotisme ecclésiastique, ministériel,
mercantile, aristocratique, etc... Mais à ce
premier temps de la subsomption se succède
un deuxième, qui cette fois-ci déborde le cadre
de la France, et vise toutes les monarchies en
Europe, coupables d’instaurer un régime
d’oppression. Il s’agira ici d’apporter une mince
contribution à l’histoire des émotions durant
l’âge des Révolutions (Reddy 2000, Knott 2009,
Eustace 2014 et Lucena-Giraldo 2013). Nous
porterons notre attention sur un groupe qui y a
pris une part active, et tâcherons de l’éclairer à
travers la notion de « frustration relative »
comme temps de l’expérience subjective de
l’oppression, puis de « communauté pathique »
comme temps de l’expérience narrative de
l’oppression.
Daci Atlamaz, Zehra Nur
Université d’Ottawa
Le care a-t-il une méthodologie ?
Cette communication s’attardera aux
méthodologies inspirées de l’éthique du Care.
Je vais démontrer que les méthodologies de la
recherche participative et collaborative sont
appropriées pour une approche qui accorde la
priorité au care. Je vais également illustrer mes
propos avec la situation des réfugiés et des
immigrants au Canada. Après avoir présenté les
principes de l’éthique du care, je montrerai leur
chevauchement avec les fondements des
recherches participatives. L’éthique du care
remet en question les formes de connaissance
dominantes et les contextes sociopolitiques
actuels qui privilégient quelques-uns au
détriment du plus grand nombre,
spécifiquement les privilégiés par rapport aux
personnes non privilégiées (Gilligan, 1983;
Tronto, 1993). Les soins attirent ainsi l'attention
sur les personnes dont le savoir et le savoir-
faire sont réduits, méprisés voire niés (Laugier,
2010). Les recherches participatives valorisent
également des connaissances assujetties (Fals-
Borda, 1991a, 162) dans une logique
d‘empowerment, d’émancipation et d’
autonomisation. La situation des immigrants et
des réfugiés est ici exemplaire (Nelems, Currie,
2012; Rousseau et al., 2005; Lucko, 2018; Collie
et al., 2010; Brabeck et al., 2014; Pham, 2016;
Bertozzi, 2012; Cahill, 159) de la pertinence
d’avoir d’une approche combinant le care à une
approche de recherche participative. Différents
thèmes en découlent : la prise de conscience
(Rahman, 1991; Tilakaratna, 1991; Gaventa,
Cornwall, 2001), la détermination des tâches et
la distribution des responsabilités entre les
chercheurs et les participants (Park, 2001;
Mantoya, Kent, 2011); la réduction des
inégalités (Fals-Borda, 1991b); le souci de
production démocratique de la connaissance et
à son utilisation pour le bien-être de ses
producteurs (Friedmann, 2001). L’éthique du
care « nourrit » donc le domaine de la recherche
participative en lui fournissant une
épistémologie puissante et subversive qui
38
donne aux immigrants le pouvoir dont ils ont
besoin pour leur émancipation. Enfin, cette
présentation abordera le fait que la recherche
participative et collaborative dans une
perspective de care, ne donne pas une voix à
ceux qui l’ont perdue; mais leur donne les outils
pour qu’ils trouvent leur propre voix/voie.
Finalement, l’éthique du care crée un nouveau
territoire dans lequel elle invite à réfléchir à des
solutions aux divergences structurelles qui
placent les recherches participatives dans des
ambiguïtés éthiques (Brabeck et al., 2014).
Dauphin, Anyck
Université du Québec en Outaouais
Le rôle des quartiers pour comprendre la
résilience des familles immigrantes nouvellement
établies
Le but de cette étude est d’examiner le rôle des
quartiers dans la détermination de la résilience
des familles immigrantes. Notre attention se
porte en particulier sur la manière dont
l’environnement social et spatial du quartier
(par exemple, les services disponibles, la
composition démographique, la situation du
logement, le transport, les opportunités
d’emploi, la présence d’organismes
communautaires, les enjeux d’équité et
d’inclusion, la sécurité) influence
l’établissement et les expériences d’intégration
des familles issues de l’immigration. Pour ce
faire, nous examinons trois quartiers dans la
région métropolitaine interprovinciale
d’Ottawa-Gatineau (Canada) à travers une
approche de recherche collaborative intégrant
des méthodes qualitatives (ethnographie
critique, entretiens photovoice, rencontres
communautaires). La nature comparative de
notre étude sera essentielle pour fournir de
nouvelles informations sur le rôle de facteurs à
plusieurs échelles (locale, municipale,
provinciale), permettant ainsi de mieux
comprendre comment le contexte structurel et
institutionnel façonne la résilience des familles
immigrantes à plus petite échelle (au niveau du
voisinage, de la communauté, des ménages et
des individus). Outre sa contribution à faire
avancer les connaissances sur la résilience des
familles immigrantes et des « quartiers
résilients », l’étude vise à fournir des
recommandations concrètes sur les politiques
et des pratiques susceptibles d’intéresser les
partenaires communautaires et les praticiens
de divers secteurs, ainsi que les décideurs
politiques aux trois niveaux du gouvernement.
Décary-Secours, Benoit
Université de Montréal
Généalogie du « gang de rue » au Québec : de
l'institution d'une panique morale à sa
traduction scientifique
Depuis une vingtaine d'années, le gang de rue
est associé à l’émergence d’une nouvelle
« classe dangereuse » au Québec. Il fait
aujourd'hui l'objet d'un champ d'expertise
consolidé et laisse place à des plans
d'intervention nationaux visant sa prévention,
son contrôle et sa répression. Plusieurs études
ont récemment révélé la contingence
historique, la variabilité définitionnelle et les
frontières incertaines du gang de rue. Inspirés
de l'approche généalogique, nous proposons
de questionner les fondements
épistémologiques de la catégorie du « gang de
rue » par une analyse des luttes, tensions et
instabilités qui sous-tendent son émergence. Le
gang de rue voit d'abord jour au Québec à la fin
des années 1980 à travers un discours
médiatique servant de propagation à une
panique morale à forte valeur normative. Nous
allons démontrer qu'en s'appuyant sur
l'imaginaire d'un « cataclysme à venir » comme
39
forme d'injonction à agir, ce discours
médiatique fait pression sur les institutions
publiques pour reconnaître comme «
incontestable » la réalité du gang de rue. De
manière paradoxale, ce même discours
médiatique révèle l'instabilité, la contingence et
le biais racial de cette catégorie conceptuelle.
Cette tension entre, d'un côté, une injonction à
agir et, de l'autre, la persistance d'une
instabilité épistémologique, structure
aujourd'hui en partie le discours scientifique sur
le gang de rue et traverse les dispositifs de
sécurité et les techniques de cadrage des
jeunes au sein d'espace urbains marginalisés et
appartenant à des groupes racisés. En lien avec
la thématique du congrès, ces tensions
épistémologiques sont abordées sous l'angle
du mépris des réalités vécues par les
populations soumises à la catégorie du gang de
rue.
De Courville Nicol, Valérie
Université Concordia
L’anxiété existentielle dans les manuels self-help
contemporains : porter attention à soi comme
mode de souffrance
J’ai défini 6 modes de souffrance
socioémotionnelle dans une analyse de 21
manuels populaires (1970-2010). Ces manuels
aident leur lectorat à composer avec un
problème d'anxiété. Les auteurs comme les
lecteurs, les experts comme les non-
spécialistes, génèrent de façon stratégique ces
assemblages affectifs (Wetherell) de pratiques
et d’expériences. Je présenterai un bref survol
de chaque mode, après quoi je m’attarderai à
l’un d’entre eux, soit l’anxiété existentielle.
L’anxiété existentielle est un conflit émotionnel
qui implique par un travail d’attachement au
vrai soi — un soi proactif, créatif, engagé,
persévérant et courageux capable de traverser
les eaux troubles d’un futur incertain dans une
réalité autoréférentielle. La souffrance
existentielle exprime le désir de construire sa
propre réalité. Elle traduit tout autant la peur
de l’égarement, du manque de motivation, et
de l’emprise de distractions négatives.
De Guise, Catherine
Université de Montréal
Construction identitaire de jeunes convertis à
l’Islam : trajectoires religieuses et
(ré)appropriation des valeurs musulmanes
À partir des données d’une étude
ethnographique, nous examinons les processus
d’identification de jeunes convertis à l'islam ou
qui expriment une forte attirance pour cette
religion en soulignant la non-linéarité de leurs
expériences d’une part, et le rôle de leurs
interprétations de l’islam dans l’orientation de
leurs identités et comportements d’autre part.
La manière dont les jeunes articulent leurs
référents culturels et symboliques avec de
nouveaux référents musulmans révèle une
diversité de profils. Dans cette communication,
nous présentons celui de jeunes pour qui le
choix de l’islam est lié à un positionnement
politique et constitue une ressource pour
fabriquer et exprimer des modes
d’engagements sociaux particuliers (implication
dans des associations caritatives, quête de
justice et d’égalité, utilisation des marqueurs
visibles de l’islam comme outils de
contestation, etc.) Dans un contexte où l’islam
et les populations musulmanes sont fortement
stigmatisés, les jeunes souhaitent se démarquer
voire combattre ces stéréotypes dominants, et
se forger et diffuser leur propre vision de
l’Islam. Plusieurs étaient d’ailleurs habités par
un désir de contestation de la vision
hégémonique et un sentiment d’empathie
envers les plus marginalisés avant même de se
40
convertir. En décrivant des cas rencontrés, nous
montrons que ces parcours d’entrée dans
l’islam constituent des processus de production
d’une identité alternative, que les jeunes
qualifient eux-mêmes « d’entre-deux. »
Delhoum, Iris
Université de Montréal
Écologie et féminisme : au carrefour des marges
Yuval Harari a démontré que la force des
“imagined orders” (les mythes dominants
présentés comme naturels) réside,
historiquement, dans le langage et la création
de récits multiformes, touchant à l’ensemble
des productions socio-culturelles et s’incarnant
dans le monde matériel. Une sélection
idéologique s’opère : certaines fictions sont
massivement diffusées, d’autres sont
marginalisées et méprisées. Patriarcat et
capitalisme se sont ainsi imposés. Mais des
récits alternatifs, tels que les mouvements
féministes et environnementaux, tentent de
s’imposer à travers différents médiums. Je
propose de recouper ces deux exemples, afin
de mettre en relief les façons dont l’idéologie
dominante nous pousse à les mépriser, et les
effets de cette mise à l’écart. Cela semble
d'autant plus essentiel que le concept
d’écoféminisme contient une alliance cruciale
pour penser la fin de ces systèmes oppressifs.
J’étudierai la dépréciation de ces récits suivant
un cadre littéraire comparatiste : je parlerai
d’écocritique et de récits féministes
contemporains, afin de repenser l’individu et
son ancrage dans le collectif. Je traiterai de la
notion de souci à travers l'anxiété qui sous-tend
ces mouvements. Cet angle est
particulièrement riche puisque si le souci est
souvent au départ du militantisme, il favorise
aussi la mise à l’écart, voire le déni des
problématiques qu’ils soulèvent : l’écologie
laisse entrevoir un futur dans lequel l’humain
n’est plus, le féminisme met en lumière des
souffrances souvent dissimulées. L'affect
tiendra une place essentielle dans ma
problématique, entre cette peur, la gestion du
rejet, la colère face à l'impuissance, et la
volonté de rébellion.
Dénommée, Julie
Université de Montréal
La femme de galère dans les séries télévisées des
années 2000 en Côte d’Ivoire ou la visibilité de
l’indifférence par la culture populaire
Cette présentation s’intéresse aux séries
télévisées ivoiriennes des années 2000 réalisées
en majorité par des femmes et reconnues
comme tournant autour des relations
matrimoniales. Toutefois, en combinant
l’analyse de leurs trames narratives et le
parcours de leurs réalisatrices, une autre figure
que celle de la femme mariée ressort, celle des
femmes de galère. Cette figure du langage
populaire ivoirien fait référence aux femmes qui
ont soutenu financièrement leur conjoint alors
qu’il était dans la « galère » et qui sont mises de
côté lorsque l’homme réussit, reléguées par
une femme plus éduquée. Les propos des
réalisatrices, comme les séries télévisées,
mettent de l’avant différentes formes de
trahison et problématisent les nouvelles voies
de la réussite sociale pour les femmes. En effet,
la scolarisation des femmes, l’urbanisation et la
place grandissante des femmes dans l’informel
ont modifié les voies de la mobilité sociale pour
plusieurs femmes. Ignorées par les modèles
d’émulation féminine du cinéma ivoirien des
années 1980 et par les expériences féminines
abordées par la littérature académique, ces
réalisatrices « femmes de galère » prennent la
caméra et mettent de l’avant la trahison des
hommes et l’indifférence face à leur situation. À
41
travers elles, la présentation souhaite
complexifier l’image de la femme africaine et
mettre en lumière la relégation subie par ces
femmes, tout en proposant une réflexion sur
les dynamiques entre la culture populaire et les
figures de la relégation et de l’indifférence.
Quels impacts ces séries ont-elles eu sur la vie
de ces femmes ? Pourquoi la femme de galère,
tout en étant une figure quotidienne du
langage populaire ivoirien, n’est jamais au
centre de ces séries ? Revanche, stigmatisation
ou prise de pouvoir, comment penser la
visibilité de l’indifférence dans la culture
populaire ? Autrement dit, comment se pense
et se vit la femme de galère dans la société
ivoirienne après l’immense succès des séries
des années 2000 ?
Desjardins, Chloé
Université d’Ottawa
Désirabilité, transformations et prescription de la
résilience post-trauma
La résilience post-trauma est un important
concept en recherche psychologique qui
permet d’adresser une capacité naturelle de
récupération suivant un traumatisme dans le
cadre du paradigme dominant du Stress Post-
Traumatique biomédical. L’absence d’une
maladie psychologique n’élimine pas le lien qui
est formé entre le sujet résilient et le sujet
traumatisé. L’émergence de la résilience dans le
domaine de la psychologie est intimement liée
à la pathologisation du trauma, nécessitant une
expertise médicale. Selon les sciences
psychologiques contemporaines, le sujet
résilient est toujours vulnérable à un syndrome
post-traumatique futur. Ainsi, des programmes
en psychologie alternative se sont formés afin
de bâtir la résilience individuelle et assurer un
bien-être, libre du risque et de la vulnérabilité
potentiels. L’intervention agit comme vaccin
sur le système immunitaire de la résilience dans
le contexte d’une crise temporel qui s’opère
entre le souci pour l’événement traumatique
passé et un futur prescrit. Cet essai
anthropologique, suivant un terrain
ethnographique à Vancouver auprès d’une
organisation médicale alternative axée sur la
résilience, examine la façon dont des sujets
résilients s’intègrent à des narratifs temporels
contrôlées et transformés pour atteindre le
bien-être. Il s’agit de s’attarder à leur
engagement envers des temporalités
thérapeutiques contemporaines dans le
contexte de la vulnérabilité et du risque, tout
en identifiant ceux qui désirent la résilience. Par
une conception des techniques du soi au sens
de Foucault, la résilience est élaborée selon ses
modalités performatives sous le regard
médical, permettant prescription et
proscription.
Desmarais, Jean-Philippe
Université du Québec à Montréal
Pathos de la réconciliation et naissance de la
biopolitique coloniale dans l’œuvre de jeunesse
de Bartolomé de las Casas
Cette communication vise à reconstruire une
généalogie de la réconciliation entre les
Autochtones et les Euro-américains, en situant
cette problématique comme étant le résultat
de la tension entre 1) les identités, cultures et
subjectivités euro-américaines (pôle subjectif,
affectif et perceptif) et 2) l’économie-politique
du colonialisme ; contrôle des formes
d’exploitation racialisées et déploiement d’une
« économie morale » de la gouvernementalité
(pôle objectif-institutionnel). Nous analyserons
l’émergence de l’idéologie de la réconciliation
dans l’œuvre de jeunesse de Las Casas en
analysant la tension entre ces deux pôles
(subjectif et objectif). D’abord nous discuterons
de la « conversion » lascasienne qui débute en
42
1511, à la suite d’une expérience négative du
rituel chrétien du sacrement de pénitence et de
réconciliation (la confession), en conséquence
duquel il y aura passage de la posture de mépris
d’un encomenderos propriétaire d’esclaves
taïnos vers l’êthos subséquent (et
institutionnalisé) de « Protecteur universel des
Indiens » (titre qu’il reçoit en 1518 par le régent
des Indes, le cardinal Cisneros). La figure de Las
Casas fut la figure paradigmatique de ce
mouvement de réforme du colonialisme
naissant (qui culminera dans l’échec des
Nouvelles lois de 1542). Nous nous pencherons
sur son premier projet de réforme, tel
qu’exprimer dans le Memorial de remedios de
1518, dont l’objectif principal est de permettre
une exploitation intensive des « Indiens » qui ne
serait plus meurtrière. Nous analyserons le
complexe de relations au cœur de la
réconciliation comme terrain de lutte : 1) pôle
subjectif : lutte de la subjectivité settler contre
le besoin chrétien de réconciliation
(indifférence versus souci de son âme) ; 2)
institutionnel : lutte de l’économie-politique
espagnole versus le pouvoir pastoral chrétien
(dont le souci est préserver la vie comme
précondition pour sauver les âmes) ; qui se
déplacera et sera intégré vers le « bon
gouvernement » (sécularisation, émergence de
l’État moderne providentiel) ; 3) onto-politique :
intégration de l’exploitation et de la vie
biologique (corporelle) à travers les dispositifs
biopolitiques ethnocidaires ; tentative de
destruction des modes de vie culturels
précolombiens et création d’une dépendance
« vitale » envers l’État colonial (subjection
raciste, déshumanisation, « réservation » de la
force de travail racisée).
Desroches, Marie-Ève
INRS-UCS
La création de logements avec soutien
communautaire : une façon d’exercer du care et
de réduire les inégalités de santé
La dichotomie publique/privée a
historiquement favorisé la création et la
reproduction d’oppressions et de privilèges
entre les genres. Dans ce cadre, les logements
sont associés à la sphère privée en raison des
relations liées au care qui y prennent place, et
de son association au marché́ immobilier. Le
contexte actuel de marchandisation du
logement alimente la vulnérabilisation de
certaines femmes puisqu’il affecte leur accès à
un logement sain, sécuritaire et abordable.
Cette insécurité́ en matière de logement a
d'importantes répercussions sur leurs capacités
et possibilités à exercer du care envers elles-
mêmes et leurs proches ce qui, in fine, affecte
leur santé. Cette communication explore
comment de nouveaux logements sociaux avec
soutien communautaire peuvent brouiller la
dichotomie publique/privée, freiner la
vulnérabilisation et, conséquemment réduire
les inégalités de santé. Pour y arriver, nous
mobilisons des outils conceptuels de l’éthique
du care pour comparer des logements sociaux
pour femmes cheffes de familles
monoparentales à Montréal, Toronto et
Vancouver. Notre étude révèle que les
processus de création favorisent une
intensification du care à l’égard de ces femmes
ce qui, à terme, transforme les paysages du
care. De plus, leur passage, plus ou moins long
dans les projets, leur permet d’accéder à un
ensemble d’espace et de relations oscillant
entre le privé et public qui leur permet de
réduire leur vulnérabilité́, mais également de se
réinscrire dans des réseaux où elles sont
interdépendantes. Cet élargissement et ce
nouveau rôle au sein des paysages du care leur
permettent de prendre soin d’elles-mêmes, de
leurs familles et de leurs communautés et
43
d’ainsi contribuer à la réduction des inégalités
de santé.
Devette, Pascale
Université de Montréal
L’attention à l’invisible : les vertus politiques de
l’attention en régime d’ultravisibilité et de
compartimentation
Les éthiques du « care » fondent leurs
approches sur l’importance de l’écoute, de
l’attention et de l’observation : il s’agit d’être
réceptif à son environnement afin d’agir pour
répondre à un besoin de la manière la plus
adéquate. Ainsi, Joan Tronto considère qu’une
société pleinement démocratique, sur le plan
des valeurs tant individuelles
qu’institutionnelles, va de pair avec une
amélioration de nos capacités d’attention aux
autres (1993). Or, plutôt qu’une amélioration
des capacités perceptives (écoute, attention et
souci pour autrui), plusieurs font le constat
d’une captation de l’attention (Citton, 2014) ou,
encore, d’une compartimentation de
l’attention, en assignant les tâches de soin à
certaines catégories de personnes, surtout aux
femmes et aux « subalternes » (Ferrarese,
2018). Certaines chercheures parlent même de
« care négatif ». Ainsi, Elsa Dorlin (2017) avance
l’idée que l’attention ne résulte pas d’un lien
affectif positif, mais, au contraire, d’un
ensemble de contraintes systémiques,
historiques et politiques. Ici, l’attention est
surtout comprise comme un dispositif de survie
propre aux subjectivités précarisées, habitées
par le fait d’être constamment en éveil et sur
ses gardes. Partant de ces réflexions sur
l’attention, j’aborderai la pensée de Simone
Weil en cherchant à creuser le lien entre
matérialité et type de régime attentionnel. Si
Weil est tout à fait sensible aux relations de
pouvoir qui affectent la capacité d’attention, il
demeure chez elle une conception de
l’attention, associée à un travail sur soi, qui
libère en partie le « soi » des effets que le
pouvoir déploie sur sa propre perception et
invite à un geste éthique radicalement différent
des logiques de dominations auquel il répond.
Djane, Kabran Aristide
Université Peleforo Gon Coulibaly (Korhogo/
Côte d’Ivoire)
Sensibilité environnementale de l’élève et
éducation environnementale : une analyse du
‘beau’ à partir de la socio-construction de la
relation élève-élève dans la résolution d’un souci
environnemental
Cet article explique le protocole de l’éducation
environnementale dans le cadre de la
résolution d’un souci environnemental en se
fondant sur la fédération d’une conscience
environnementale et d’une émotion à
l’environnement, partant d’une reconfiguration
socio-construite des élèves à l’adhésion
collégiale d’une beauté partagée, dans le cadre
d’un projet d’espace vert à l’école primaire. Il
s’appuie ainsi sur une méthode mixte
(quantitative et qualitative) de données d’une
enquête sociologique au sein d’une école
primaire de la commune de Treichville à Abidjan
(Côte d’Ivoire), avec 37 élèves. L’analyse de
contenu et l’analyse structurale nous ont
permis au final, de faire ressortir que la
conscience à l’environnement des élèves n’est
aucunement influencée par le niveau de la
classe, le type d’école et le sexe de l’élève, mais
plutôt par des valeurs culturelles, développées
hors de la classe, renforcées par la relation
élève-élève. Par ailleurs, c’est à l’émotion que
revient l’adhésion à un projet de
reconfiguration des espaces verts de l’école par
les élèves, au demeurant à une beauté
collégiale. Ces résultats sont discutés au regard
44
des travaux d’écosociologie de Jean-Guy
Vaillancourt.
Djomo, Rosine Tchatchoua
Université de Montréal
L’accès aux institutions (non -) étatiques de
résolution des litiges fonciers pour les anciens
réfugiés et déplacés internes au Burundi
Cette communication est basée sur des
données ethnographiques collectées dans le
cadre de mon projet de recherche doctoral au
Burundi. L’accès à la justice des personnes
affectées par les conflits armés et les
déplacements forcés demeure un défi de taille
au Burundi. Dans ce contexte, un grand nombre
de réfugiés et déplacés internes ont été
encouragés à retourner dans leurs localités
d’origine. Néanmoins, ces retours ne se sont
pas passés sereinement, les terres de
nombreux réfugiés ayant été appropriées
durant leur absence. L’adoption d’un code
foncier en 1986 et de divers décrets et lois par
les pouvoirs politiques en place a contribué à
consolider ces expropriations. Le retour des
réfugiés dans un contexte d’après-guerre
instable et de pluralisme juridique a ainsi donné
lieu à de nombreux litiges qui restent non
résolus. Ces litiges persistent et la question de
l’accès à la justice se pose avec acuité. Les
contraintes majeures relèvent de la légitimité
sociale des institutions existantes, des coûts
exorbitants liés aux procédures et pratiques, et
de l’instrumentalisation de la justice par les plus
riches et les mieux connectés politiquement.
Néanmoins, on remarque une résurgence du
recours aux mécanismes de justice coutumière
– le conseil des sages (Bashigantahe) -
favorisant médiation et ententes à l’amiable
pour stimuler la cohésion sociale. Malgré le
manque de reconnaissance des mécanismes de
justice coutumières, ils sont généralement
privilégiés au niveau local. Ignorer l’impact de
telles alternatives ralentit le processus de
reconstruction sociale et de consolidation de la
paix dans un pays déjà très affecté par la
violence et les injustices.
Dormeau, Léna
Chercheure indépendante
Ontopolitique et théorie du Nudge : le « coup de
pouce » technologique
La théorie du « Nudge » est développée en 2010
par l’économiste Richard Thaler et le juriste
Cass Sustein. Se revendiquant d’un nouveau
mouvement, le « paternalisme libertaire »,
Thaler et Sustein sous-titrent leur ouvrage
Comment inspirer la bonne décision, légitimant
ainsi leur volonté d’influencer les
comportements individuels ainsi que les
pratiques collectives. Se référant
abondamment aux sciences du comportement,
ils développent une architecture du choix, dite
« méthode douce », ayant pour objectif
d’orienter délibérément les individus dans des
directions susceptibles d’accroître leur bien-
être. L’architecture façonnée par les nouvelles
technologies peut être considérée comme le
terrain d’expression d’un « nudge global ».
Notre espace est personnalisé, aménagé ;
rhizomatique et réticulaire plus que vertical ;
viral et non plus disciplinaire ; fonctionnant par
mimesis. Il nous ressemble, nous accueille, et
nous invite à exprimer nos affects. Les efforts
intenses de la recherche vers la lecture des
émotions par le biais des ondes EEG22 par
exemple, considérées comme un préalable à
des formes de détection de certains
mouvements de pensées, sont symptomatiques
de ces formes d’intra-contrôle émergentes, que
nous subissons autant que nous réclamons.
Nous interrogerons l’économie de l’attention,
qui paraît centrale dans ces nouvelles formes,
45
en questionnant le « nudge » comme pratique
représentative des processus de « piégeage de
soi », préemptant la liberté à sa source.
Doudou, Dimi Théodore
Université Alassane Ouattara (UAO)/Centre de
Recherche pour le Développement (CRD)
Vécu des ménages relatif à l’indifférence lors de
la crise de l’eau de 2018 à Bouaké (Côte d’Ivoire)
La ville de Bouaké située dans le centre de la
Côte d’Ivoire, a connu récemment une
importante crise d’eau potable. Celle-ci est
apparue au premier trimestre 2018 et s’est
étendue à la fin du deuxième. Elle était si
accentuée qu’elle fut médiatisée avec un écho
sur le plan international et dans les réseaux
sociaux. Pendant cette période, il était courant
d’entendre des plaintes exprimées par des
citoyen(ne)s en circulant dans les rues des
quartiers de la ville. Plusieurs ont attiré notre
attention, car elles avaient tendance à
dénoncer une certaine « négligence » au niveau
des politiques publiques. C’est cette
indifférence, que le présent travail de recherche
a questionné du point de vue de son vécu par
les populations des ménages. La recherche
repose sur une trentaine d’entretiens semi-
directifs approfondis conduits auprès de
ménages dans lesquels ont été interrogés le
chef ou son représentant et parfois le couple
ou même le couple avec les enfants. Le déficit
d’information et la faible communication des
pouvoirs publics sur cette crise, la non-
couverture de toutes les populations par les
solutions proposées par les pouvoirs publics, la
génération de dépenses excessives et
imprévues, la désorganisation du quotidien des
ménages, la pénibilité de la quête et de la
collecte quotidienne d’eau, la trop longue
durée de la crise, sont autant de faits sur
lesquels se fondent les ménages enquêtés,
comme preuves de l’indifférence. Les acteurs
mis en cause sont pluriels : l’Etat, les autorités
locales, les structures de gouvernance et de
distribution d’eau, les privés revendeurs d’eau,
etc. L’oubli, le délaissement, la souffrance, la
discrimination, la corruption sont les mots
reflétant le vécu de cette indifférence.
Duchesne, Émile
Université de Montréal
« Le territoire c’est la valeur » : production de
valeur et de la personne chez les Innus d’Unamen
Shipu
Dans cette communication, je souhaite montrer
comment le territoire a émergé comme valeur
chez les Innus de Unamen Shipu, première
nation de famille linguistique algonquienne
dont le territoire occupe la partie nord-est de la
péninsule Québec-Labrador. En premier lieu, je
montrerai comment la relation au territoire est
fondamentale dans la production de personnes
dans la société innue. Les activités de chasse
permettent aux Innus d’acquérir du
manitushiun, un pouvoir chamanique de type
mana dont l’accumulation constitue la
personne innue. Si cette dimension est toujours
importante aujourd’hui, des changements
majeurs ont eu lieu depuis que les Innus ont
abandonné le nomadisme au milieu du 20e
siècle. L’expérience de la dépossession et
l’émergence des relations marchandes ont
mené les Innus à penser leur territoire en
termes de valeur. Les Innus ont remarqués que,
dans la logique de l’État canadien, leur territoire
peut être vendu. En réponse, ils ont développé
leur propre régime de valeur relié au territoire,
qui se veut un complément à la production des
personnes. Cette nouvelle conception du
territoire a mené à l’inversion de la relation
entre la notion de personne et le territoire : à
l’époque du nomadisme, la mobilité sur le
46
territoire était dépendante des relations de
parenté alors qu’aujourd’hui, la production des
personnes est dépendante de la relation au
territoire. Pour les Innus, voir le territoire
comme une valeur est une position éthique
basée sur leur mode de conduite et leur
juridicité, pensé en opposition aux politiques de
l’État.
Dulaurans, Marlène
Université Bordeaux Montaigne – Laboratoire
du MICA (Médiation, Information,
Communication)
YouTubeur, j’aime te mépriser !
Le déploiement des nouvelles technologies a
profondément bouleversé la nature de nos
relations et a fait émerger de nouveaux espaces
de socialisation sur Internet. YouTube
encourage notamment une culture constante
de la visibilité et de la représentation qui se
construit dans le regard de l’autre. Bien souvent
elle se matérialise par une dynamique
conversationnelle qui s’engage entre la
communauté et le YouTubeur. Mais parfois les
propos dévient et se transforment alors en une
« cohorte de la haine » en ligne. Ils exercent un
véritable harcèlement en meute. Cette
communication propose donc par une
approche compréhensive d’interroger
scientifiquement les pratiques de flaming, ces
messages hostiles et insultants en ligne qui
touchent à l’intégrité physique des victimes et
la manière dont ces violences symboliques sont
pleinement banalisées voire communément
acceptées. Pour mener notre analyse, nous
nous basons sur des études de cas relevant
d’infractions identifiées par la gendarmerie
nationale, conjuguées à des entretiens semi-
directifs de victimes et d’enquêteurs.
L’approche que nous préconisons trouve son
ancrage au cœur d’un cadrage théorique
mobilisé autour du constructionnisme social et
de la manière dont la parole devient un moyen
d’action. Alors que le lien social et les affinités
relationnelles avec leur communauté jouent un
rôle capital pour les YouTubeurs notre objectif
vise dans cette contribution à comprendre
pourquoi la relation qu’ils entretiennent avec
leurs abonnés se veut soucieuse de
transparence ? Comment la banalisation des
commentaires « rageux » peuvent-ils être
constitutifs de nouvelles formes de mépris dans
le cas des raids numériques ? Quels mécanismes
d’indifférence sont mis en place par les
YouTubeurs pour pallier ces cyberviolences ?
El Farssi, Imane
Université Hassan II, Casablanca (Maroc)
La mise en scène doxique dans le discours
publicitaire marocain : cas de la publicité
télévisuelle de télécommunication
À l’ère de la mondialisation, la publicité
demeure un outil de communication privilégié
qui a bouleversé aussi bien les économies
modernes que la vie quotidienne des individus
et leurs modes de penser et de se penser. Au
Maroc, elle est devenue un instrument
d’observation des évolutions identitaires et
doxiques dont elle est à la fois le reflet et le
véhicule. En ce sens, notre communication est
axée sur cette focalisation de plus en plus
exacerbée du discours publicitaire marocain sur
la question identitaire et les différents enjeux
doxiques que ce fait puisse impliquer. Nous
nous intéressons plus spécifiquement aux
publicités télévisuelles de télécommunication.
En effet, la caractéristique bipolaire de l’acte de
communication des spots de
télécommunication et leur nature sémiologique
mixte en plus de la structure rivalitaire qui
fonde leur dynamique stratégique d’imitation
et de différenciation, sont à l’origine de leurs
47
logiques de positionnement qui s’expriment
souvent à travers des codes d’expression et de
structuration caractérisant leurs univers de
consommation et de communication. Ces codes
définissent une sorte de doxa ou plus
probablement des doxas sur lesquelles s’appuie
de manière plus ou moins explicite l’ensemble
de leurs stratégies énonciativo-persuasives.
Cette notion de doxa en tant que norme
tacitement partagée est prise dans le sens
communément admis en linguistique et en
sémantique de l’énonciation, autrement dit, ce
qui fait plus ou moins l’objet d’un consensus
entre les partenaires de l’énonciation. Ainsi, on
pourrait constater à travers les différentes
orientations stratégiques des spots étudiés,
qu’il n’y a pas en général une seule doxa, mais
plusieurs univers doxaux à partir desquels se
construisent leurs diverses productions. La
corrélation entre ces univers donne naissance à
trois niveaux doxiques distincts, selon lesquels
les spots de télécommunication seraient, d’une
part, un siège-relais d’une doxa catégorielle
propre au secteur des télécommunications et
d’autre part, un relais fidèle d’une doxa sociale
typiquement marocaine, à ces deux processus
de relayage s’ajoute un troisième niveau faisant
de ces spots des pourvoyeurs doxiques par
excellence, une sorte de mode de régulation
identitaire et d’acclimatation sociolinguistique.
Fally, Marie
Université de Montréal
Conversion et formes de socialisation : de
l'importance des réseaux dans la construction
identitaire des jeunes
Les conversions à l’Islam méritent d’être
observées dans leur dimension relationnelle
dans la mesure où les expériences de sociabilité
peuvent orienter et modifier la trajectoire des
individus qui changent de religion. Inversement,
l’entrée dans l’islam peut entrainer des
positionnements éthiques et politiques voire
des formes de rejet social qui tendent à
reconfigurer les rapports sociaux des convertis.
Ces observations sont particulièrement
marquées pour les jeunes puisqu’ils se situent à
une étape charnière de leur parcours de vie, où
les formes de solidarités et de convivialités
peuvent s’avérer essentielles dans leur passage
à l’âge adulte. À partir des résultats d’un projet
ethnographique mené via des entrevues avec
44 personnes, nous brossons un portrait des
diverses façons dont l’Islam et les
représentations qu’en font les jeunes convertis
peuvent façonner des modes de sociabilité et
initier de nouvelles solidarités, en soulignant
combien celles-ci fluctuent au gré des
trajectoires des jeunes. Nous montrons en
particulier comment leur mode d’appropriation
de l’Islam leur offre des outils de combat de
l’indifférence via leurs engagements
communautaires et leurs relations familiales et
amicales, ainsi que des stratégies pour
composer avec les expériences de mépris
social, ce qui les amène à développer une
variété de convivialités tout-à-fait singulière.
Notre présentation s’appuie sur l’analyse des
cercles familiaux, relations amoureuses et
autres réseaux sociaux.
Fally, Marie
Université de Montréal
Trajectoires de migration et d’installation de
femmes réfugiées en situation monoparentale à
Montréal : entre agentivité et ancrage social
Le nombre de personnes réfugiées dans le
monde s’élève aujourd’hui à 25.4 millions
(UNHCR 2019). L’UNHCR demeure
48
critique envers les faibles quotas accordés aux La promotion immobilière à Montréal et les
personnes réfugiées au Canada rouages de la production d’inégalités
et recommande depuis 2018 que la résidentielles
priorité d’accueil soit accordée aux
populations les Le développement immobilier contribue à
plus vulnérables, notamment les femmes seules donner à la ville et aux espaces résidentiels une
avec enfants, qui sont forme matérielle durable ainsi qu’à leur associer
au cœur de ma recherche. Si elle incarne une des images et représentations particulières. Il
réalité très variée dans les pays d’origine, la influence de cette façon les conditions d’accès
monoparentalité devient, en contexte de au logement, ses usages et, plus largement, les
migration forcée, synonyme de précarité, manières d’habiter la ville. À Montréal, qui
d’instabilité et d’inégalités sociales et traverse une période de forte croissance
économiques. Qu’elles soient dans cette immobilière, les pouvoirs publics ont, comme
situation volontairement et durablement ou en bien des endroits, confié l’essentiel de ce
seulement temporairement, les obstacles développement à des entreprises de promotion
quotidiens des immobilière. Celles-ci ont largement contribué à
femmes réfugiées monoparentales sont la popularisation et à la diffusion de la forme
d’autant plus nombreux que les sociétés résidentielle du condominium (de la
d’accueil ne fournissent pas de soutien adapté à copropriété divise) qui est à l’origine
leur situation dans leur spécificité. Par cette d’importantes inégalités d’accès au logement
recherche, je m’interroge sur et à certains secteurs désormais très convoités
les stratégies qu’elles mettent en place pour de la ville. La communication présentera les
s’ancrer dans la société résultats d’une enquête récente sur le mode
québécoise et pour faire face aux défis qui leur d’organisation et les principaux acteurs du
sont propres. Mon pré-terrain indique développement résidentiel. Cette enquête, qui
qu’incertitude et agentivité s’entrecroisent au s’appuie sur une étude des permis de
cours des trajectoires migratoires, tandis construction accordés par la Ville de Montréal
que naissent différentes stratégies, de la survie et sur des entretiens réalisés auprès de
à l’établissement, appuyés par des réseaux différents intervenants du développement
individuels et collectifs. C’est grâce à un retour résidentiel, donne l’occasion de rendre visible
sur mes données préliminaires obtenues en deux opérateurs importants : les fonds
entrevues (objectif : 25) que je présenterai les d’investissement et les promoteurs
effets de la trajectoire migratoire sur immobiliers. D’une part, les fonds démontrent
la famille et la place du transnationalisme dans un intérêt grandissant pour ce secteur d’activité
le vécu des réfugiées. Aussi, je mettrai en et s’engagent plus activement dans des projets
lumière la spécificité de la situation des résidentiels de grande envergure. D’autre part,
femmes monoparentales dans la trajectoire de les promoteurs les plus aptes à exercer la
réfugié et particulièrement dans l’étape de maîtrise des méga projets financés par les
l’installation en terre d’accueil. fonds imposent un nouveau régime en
adoptant le profil de l’entreprise de gestion
exerçant son emprise sur plusieurs étapes de la
Fauveaud, Gabriel production du cadre bâti urbain : financement,
Université de Montréal conception et construction des immeubles,
expertise de négociation avec le pouvoir

49
municipal, mise en marché et vente des
produits d’habitation. Les partenariats plus
nombreux entre promoteurs et fonds
d’investissement sont liés à l’accélération de la
production du condominium à Montréal et des
dynamiques de financiarisation qui participent
en retour de l’aménagement de nouvelles
zones résidentielles et de nouveaux
équipements collectifs pour ménages fortunés.
Fedherbe, Jean Christophe
Cellule d'Identification Criminelle et Numérique
de Bordeaux au sein de la Gendarmerie
Nationale
YouTubeur, j’aime te mépriser !
Résumé : voir Dulaurans, Marlène
Fernandez, Fabrice
Université Laval
Les discrédits affectifs. Ethnographie politique de
l’enquête sur remise en liberté
À travers une enquête ethnographique de six
mois au sein d’une chambre pénale et criminelle
canadienne (Québec), notre objectif est de
questionner la nature ambivalente des
politiques du cautionnement dans les enquêtes
sur remise en liberté. Notre communication vise
à mettre en lumière de quelle manière le
traitement et les évaluations morales des
relations entre les accusés et leurs «cautions»
sont façonnés par les orientations néolibérales
et managériales du traitement pénal ordinaire
des déviances, en participant à la construction
de discrédits affectifs
Fiasse, Gaëlle
Université McGill
Se mettre à la place de l'autre grâce à
l'imagination. Attention, curiosité, jalousie et
perversité.
Paul Ricœur et Hannah Arendt ont beaucoup
insisté sur le rôle éthique de l'imagination pour
pouvoir se mettre à la place d'autrui et éviter de
lui faire ce que nous ne voudrions pas qu'il nous
fasse, une capacité absente chez le fameux nazi
Eichmann selon Arendt. Dans cet exposé,
j'analyserai les différentes facettes de
l'imagination ainsi que les autres capacités en
œuvre dans une telle attention à l'autre.
J'insisterai sur le contact avec le réel grâce à
l'activité sensorielle, sur la perception de la
différence de l'autre, mais aussi sur la
bienveillance. Je soulignerai également des
travers de l'attention au niveau éthique telles
que la jalousie engendrée par une curiosité
excessivement attentive ou la perversité qui
consiste à percevoir ce qui fera souffrir l'autre.
Forgues, Éric
Université de Moncton – Institut canadien de
recherche sur les minorités linguistiques
À rebours de l’indifférence et de l’oubli, le travail
de mémoire en contexte minoritaire
Les travaux sur les communautés linguistiques
en situation minoritaire montrent que leur
épanouissement sur les plans identitaire,
culturel et linguistique repose sur des luttes
visant leur reconnaissance et sur des activités
de mobilisation et d’engagement de divers
acteurs pour construire et protéger des
espaces sociaux qui offrent des cadres de
socialisation dans la langue minoritaire. Cette
lutte pour la reconnaissance s’observe
également dans le rapport qu’entretient la
communauté minoritaire envers son passé et
dans son travail de mémoire. Plus une
50
communauté témoigne d’une grande vitalité
ethnolinguistique, plus elle sera activement
engagée dans un travail de mémoire afin que
cette mémoire soit reconnue par le groupe
majoritaire. Le cas de la communauté
acadienne dans les provinces maritimes offre
un laboratoire pertinent et instructif pour saisir
la forme que peut prendre le travail de
mémoire en contexte minoritaire. Notre
communication présente quelques résultats de
notre étude de lieux de mémoire en Nouvelle-
Écosse et d’activités commémoratives du passé
acadien. Notre étude visait à saisir les discours
des organisateurs ou gestionnaires de ces lieux
ou activités, de même que les expériences qui y
sont vécues par les visiteurs. L’analyse s’appuie
sur des documents provenant des lieux de
mémoire étudiés, des entretiens auprès des
organisateurs et des visiteurs, ainsi que des
observations directes. Elle montre que les
activités et les lieux de mémoire sont l’occasion
de « mettre en scène » le passé acadien, parfois
dans le cadre de performances mêlant, dans
certains cas, faits historiques et fiction, et
donnant lieu à des constructions symboliques
qui visent à inscrire le présent dans une trame
narrative historique.
Fournier-Dufour, Laurie
Université Laval
L’itinérance des femmes Kanaka Maoli : regard
empirique sur les conditions de (sur)vie
Dans l’intention de parfaire notre
compréhension des conditions de (sur)vie liées
à l’itinérance féminine à Honolulu, ce mémoire
empirique cherche à observer quels sont les
vécus subjectifs et objectifs de ces femmes.
Pour ce faire, des entrevues semi-dirigées
furent réalisées auprès de 29 femmes de la
communauté itinérante de Pu’uhonua O’
Wai’anae. S’intéressant aux intersections
entre autochtonie, questions de genre et
processus de marginalisation liés à l’itinérance,
ce mémoire s’attarde aux expériences
individuelles et collectives de ces femmes. Une
première analyse des données compilées
permet d’estimer un mépris social exercé à
l’égard des personnes en situation d’itinérance
à Honolulu. La marginalisation et la
stigmatisation auxquels les femmes
rencontrées sont confrontées illustrent
aisément ce mépris social. Également, ces
femmes témoignent d’interventions coercitives
étatiques et gouvernementales d’exclusion
physique et verbale des lieux publics pouvant
témoigner de ce mépris social. L’itinérance
hawaiienne ne peut être observée sans
considération pour l’autochtonie des Kanaka
Maoli. D’après mes observations, le
colonialisme auquel l’archipel fut confronté
entraina une indifférence à l’égard de la culture
autochtone, ce qui se traduirait par une
invisibilisation d’éléments forts de la culture
hawaiienne au dépend d’une capitalisation. On
assiste donc à l’utilisation d’éléments culturels
forts, comme la danse ou les vêtements
traditionnels, afin de vendre différents services
ou biens touristiques. Face à ces formes
d’invisibilisation, le développement et le
maintien de Pu’uhonua O’ Wai’anae peut être
perçu comme un lieu alternatif de conservation
et de valorisation du savoir et des valeurs
autochtones hawaiiennes.
Froger, Marion
Université de Montréal
L’accompagnement au prisme de la relation
imaginaire et de l’engagement du spectateur :
expérience filmique et « savoir-être avec »
J’analyserai la position d’accompagnement
qu’occupe le spectateur, rendant possible
51
l’attention dans la « proximité distante » (Isaac
Joseph, 2007). Accompagner est une forme «
d’être-avec » qui court-circuite les mécanismes
projectifs et identificatoires et les élans
compassionnels qui décrivent habituellement
l’engagement moral et émotif du spectateur.
Elle se propose d’analyser essentiellement 3
films aux formes distinctes. Le récit
autobiographique : Histoire de Paul (René Féret,
1975) ; la fiction : Les gens normaux n’ont rien
d’exceptionnel (Laurence Ferreira Barbosa,
1993) ; le documentaire : Elle s’appelle
Sabine (Sandrine Bonnaire, 2008). Elle reviendra
sur l’importance du cinéma dit moderne quant
à l’avènement de cette sensibilité spectatorielle
– à partir d’un film justement nommé
L’accompagnement (1966) de Jean-André
Fieschi.
Gariépy, Stéphanie
Université Laval
Les discrédits affectifs. Ethnographie politique de
l’enquête sur remise en liberté
Résumé : voir Fernandez, Fabrice
Gaudreau, Louis
Université du Québec à Montréal
La promotion immobilière à Montréal et les
rouages de la production d’inégalités
résidentielles
Résumé : voir Fauveaud, Gabriel
Gentil, Olivier
Université de Montréal
L’accessibilité à la justice des locataires non-
représentés-es. Une auto-ethnographie des
procédures devant la Régie du logement et la
Cour du Québec
Les quartiers qui traversent une période de
gentrification sont surreprésentés dans les
demandes de reprise, d’éviction, et de fixation
de loyer à la Régie du logement. Cette situation
s’explique par la volonté des locateurs et
locatrices d’augmenter les loyers qu’ils
perçoivent des logements qui sont loués depuis
une longue période. Bien que le Code civil du
Québec prévoie que le droit personnel au
maintien dans les lieux (art. 1936) soit la pierre
angulaire du droit du logement québécois, les
populations les plus marginalisées peinent
souvent en s’en prévaloir, particulièrement
dans un contexte de gentrification. Dans une
telle situation, il est alors pertinent de
s’intéresser à la capacité réelle des institutions
judiciaires à protéger les droits des locataires.
Notre conférence se fonde sur notre propre
expérience à la Régie du logement et à la Cour
du Québec, afin de réfléchir l’accessibilité à la
justice pour les locataires non représenté.e.s.
En plus des nombreuses audiences auxquelles
nous avons participé, notre analyse s’appuie sur
l’observation de plusieurs dizaines de dossiers,
ainsi qu’une revue de la littérature. La plupart
des études se penchant sur la question
s’intéressent au rapport profane et non informé
des justiciables à la bureaucratie des cours de
justice administrative. À la différence, la
singularité de notre projet réside plus
spécifiquement dans l’exploration des
particularités subjectives de l’expérience de
non-représentation par-delà cette absence de
familiarité. Nous tentons d’explorer et de
réfléchir à l’impact des éléments systémiques et
structurels caractéristiques de l’expérience
52
particulière des justiciables non-représentés-es
à la Régie du logement. Nous proposons que
par-delà la question de la familiarité avec le
domaine du droit, un facteur déterminant de la
vulnérabilisation des justiciables non-
représenté.e.s découle du rapport
bureaucratique et détaché qu’entretiennent
certains-es professionnel.le.s du droit avec les
procédures judiciaires dans lesquelles ces
justiciables sont impliqués. Notre conférence se
développe en trois sections. D’abord, nous
présenterons notre cas, ainsi que le processus
de collecte de données qui l’accompagne.
Ensuite, nous présenterons le concept de
travaillisation pour réfléchir une perspective sur
l’activité juridique développée par des
profesionnel.le.s du droit. Finalement, nous
discuterons des effets psychologiques et
subjectifs que nous avons expérimentés en
relation à la procédure judiciaire.
Goudet, Anna
INRS-UCS
Perspectives sur l’accueil : la perception et le
vécu de personnes immigrantes et
d’intervenants de trois quartiers montréalais
accompagnés par l’initiative Vivons nos quartiers
L’arrivée nombreuse de personnes réfugiées et
demandant l’asile dans le Grand Montréal en
2016-2017 a suscité une sensation de
débordement, voire de « crise », au sein des
organismes d’accueil. C’est dans ce contexte
que l’initiative Vivons nos quartiers a été
développée (TCRI et Centraide) pour favoriser
la mise en place et le partage des pratiques
d’inclusion à l’échelle des quartiers de
Montréal, par l’offre de formations aux
intervenants communautaires et
institutionnels, l’accompagnement de comités
de quartiers en rapprochement interculturel et
l’organisation d’activités de sensibilisation
destinées aux citoyens. Notre recherche
ethnographique documente le déploiement de
cette initiative dans différents quartiers. La
première phase du projet a consisté à observer
les activités de formations. L’analyse a montré
l’effet double de la « crise migratoire » sur les
intervenants : la paralysie et la mobilisation. En
informant et en suscitant des interactions, les
formations Vivons nos quartiers contribuent à
rassurer et à mobiliser les intervenants, et à
encourager in fine leur résilience. La deuxième
phase, en cours, repose sur l’observation de la
mise en place, l’évolution et les actions de
comités dans trois quartiers montréalais, au
rapport à l’immigration varié (Bordeaux-
Cartierville-Ahuntsic, Hochelaga-Mercier-
Maisonneuve, Sud-Ouest). En parallèle, nous
réalisons des entrevues photovoice avec des
personnes immigrantes, résidentes de ces
mêmes quartiers, afin de connaître leurs
perceptions et expériences de l’accueil et de
l’in/hospitalité dans leurs milieux de vie. La
communication présente les résultats
préliminaires de ce projet en mettant en
dialogue les points de vue des intervenants et
des personnes immigrantes sur l’accueil dans
ces quartiers.
Gagné, Janie
Université de Montréal
Le corps-capital du patient de la médecine
translationnelle : (re)penser les représentations
du soin et de la recherche
Présentée comme un nouveau paradigme ou
encore un des mots clés les plus ‘‘chauds’’ dans
la médecine depuis le début du 21esiècle, la
médecine translationnelle (MT) constitue une
discipline en plein essor visant à fusionner la
recherche fondamentale et le soin clinique.
Révolutionnant la façon dont les soins de santé
sont appliqués aux patients, la MT se heurte
53
aux principes fondamentaux de l’éthique de la
recherche biomédicale, principes découlant du
Code de Nuremberg. Influençant de manière
significative les relations patient-médecin, mais
aussi les rapports entre soin et recherche, elle
propose un modèle médical qui s’inscrit dans le
sillage des innovations technoscientifiques et
biomédicales propres au processus de
biomédicalisation décrit par Clarke et ses
collègues. La MT suppose alors une conception
particulière du patient qui participe à la
recherche biomédicale, indissociable du
contexte bioéconomique dans lequel elle
émerge. Depuis les années 1990, la perspective
du partenariat patient-médecin propose de
considérer le patient comme malade, mais aussi
comme un membre à part entière de l’équipe
du soin, voire comme un collaborateur. Ainsi, il
sera question dans cette communication
d’aborder en quoi le patient-collaborateur de la
MT tend vers cette ontologie double où le
malade se trouve à la fois sujet (citoyen) et
objet (ressource biologique) de la médecine.
Enfin, permettant une compréhension du
patient à la fois comme acteur de sa santé et de
la santé, la MT ouvre une réflexion pertinente
quant aux rapports à la santé, mais aussi au
soin et à la recherche véhiculés dans nos
sociétés contemporaines.
Galbrun, Frédérick
Université de Montréal
L’écoute dans la pratique du travail social
clinique en santé mentale ; du dispositif à la
pratique de soi
Le travail social, par les valeurs que cette
profession préconise, porte des lignes de
tension qui créent des paradoxes éthiques
entre ses fondements idéologiques et les
exigences liées à son exercice en institution
(Weinberg et Taylor, 2011). Ces tensions sont
particulièrement présentes dans la pratique
clinique auprès d’individus réputés souffrir de
troubles mentaux, où on constate l’importation
de concepts et de théories issues du champ
médical et psychiatrique (Frazer et al., 2009).
Ce faisant, l’adoption d’une lecture biologique,
symptomatique et individualiste de la santé
mentale éloigne les travailleuses sociales d’un
cadre de pratique qui recommande
d’appréhender ce phénomène en fonction des
déterminants sociaux de la santé (OTSCTCFQ,
2013). À travers l’étude de la pratique de
l’écoute en travail social clinique en santé
mentale, nous apportons un éclairage
particulier sur un des lieux où s’actualisent ces
tensions. En partant de résultats de recherche
portant sur l’écoute d’une parole qualifiée de
délirante par les travailleuses sociales
québécoises, nous proposons une modélisation
de l’écoute comme activité polymorphe, qui se
déploie sur différents niveaux (Galbrun, 2018).
L’écoute étant reconnue comme une activité
pouvant être autant exercée par un sujet que le
constituer (Purdy, 2010), nous empruntons à la
pensée de Michel Foucault les concepts de
dispositif et de pratique de soi, afin d’en
réfléchir les implications dans la pratique
clinique. Se profile ainsi une éthique de l’écoute
qui, dans son intention et son attention,
permettrait de minimiser les risques de déni de
reconnaissance et de réification des individus
souffrant de troubles mentaux graves.
Gauthier, Nicolas
Université du Québec à Montréal
Métropolisation et subjectivité : flux, fragments
et psychopolitique
S’il y a déjà un peu plus de cent ans, plusieurs
ont noté le cloisonnement mental nécessaire à
la vie dans une grande ville (Simmel et sa
54
Sociologie des grandes villes, Benjamin et son
travail sur le Paris du XIXe siècle), force est de
constater qu’aujourd’hui tout un chacun opère
une forme de séquençage des temporalités et
des espaces à partir d’un travail sur ses affects
et le recentrage de son attention selon les
fonctions sociales attribuées à tel ou tel
découpage métropolitain (Deleuze, Citton). Ce
paradigme de capture de l’attention et du
travail affectif, bien que très fluide et souple,
constitue néanmoins une dimension cardinale
des processus de valorisation capitalistes et de
gouvernementalité néolibérale (Han,
Chamayou), la faillite momentanée ou durable
de l’auto-modulation subjective à celui-ci
entraînant rapidement une marginalisation
sociale et économique, impulsée à la fois par la
gestion des subjectivités déployée dans les
milieux de travail ainsi que dans la saturation du
tissu urbain par un pouvoir thérapeutique
(Lopez Petit, Rafanell i Orra) et une
psychopolitique (Han). Si plusieurs ont lu
certaines de ces dynamiques comme des
formes sociales du mépris dans la lutte pour la
reconnaissance (Honneth), nous considérons à
la suite de Rosa que cette accélération sociale
et cette fragmentation tendent à devenir
consubstantielles aux politiques de l’innovation
et de la métropolisation, privant les sujets
métropolitains d’une vie bonne entrant en
résonance avec le monde et nous forçant à
soulever à nouveaux frais les questions
relatives à des écologies mentales et politiques
qui nous permettraient d’esquisser les contours
d’un dehors à ces dynamiques (Neyrat,
Haraway).
Geoffrion, Karine
Carleton University
Stoppés à la frontière canadienne : citoyenneté,
mobilité et affiliation parentale chez les enfants
racisés de couples Nord-Sud
Pour plusieurs femmes canadiennes en couple
binational avec un homme originaire d’un pays
du Sud global, le désir d’avoir des enfants ou
une grossesse apportent un lot de
considérations complexes et souvent non
envisagées. Les négociations administratives
relatives à l’obtention des documents de
citoyenneté et à la mobilité transnationale des
enfants figurent au cœur de ces préoccupations
et génèrent souvent des anxiétés et des
craintes liées à l’accès aux privilèges que
confère la citoyenneté canadienne (Sharshar
2009). L’affiliation parentale et sa
reconnaissance affective et administrative—
notamment, lors de la traversée des frontières
nationales avec les enfants—devient parfois un
site de contentieux entre les parents et met au
jour des enjeux de pouvoir Nord-Sud visibles à
travers des démarches administratives plus ou
moins intrusives. En s’appuyant sur une étude
ethnographique portant sur les intimités Nord-
Sud de femmes canadiennes, cette
présentation jette un regard critique sur les
négociations qui s’effectuent entre les parents
binationaux sur les questions de la citoyenneté
des enfants et de leur mobilité transnationale
et sur les démarches bureaucratiques requises
avec les institutions étatiques. Dans un
contexte où les mères blanches occidentales
sont souvent dépeintes comme un idéal en
matière de parentalité, en opposition aux
parentalités du Sud (Shome 2011), la traversée
des frontières avec leurs enfants racialisés
devient un moment clé montrant la fragilité des
féminités blanches lorsque les privilèges liés à la
blanchitude (Deliovsky 2009) et leur affiliation
parentale est remise en question par les
autorités canadiennes.
Germain, Annick
INRS-UCS
55
Explorer les lieux accueillants : les registres de
l’hospitalité
Résumé : voir Bendjaballah, Islem
Goudet, Anna
INRS-UCS
Les institutions et l’intimité. Regard sur les
redéfinitions de la gestion de l’argent au sein de
couples immigrants
Loin d’être une unité économique homogène,
le « ménage » est le lieu de rapports de pouvoir
et d’inégalités (Pahl 1989), notamment en
fonction du genre qui structure les circulations
et significations de l’argent. L’observation de la
gestion de l’argent entre conjoints se révèle un
outil porteur pour saisir les dynamiques
conjugales, dans la mesure où les transactions
monétaires sont porteuses de sens, sont
marquées socialement (Zelizer 1994). L’étude
de l’argent au sein des couples fait ressortir ces
inégalités dans leurs logiques, leurs
mécanismes d’acceptation et les formes de
solidarité et d’affection qui les traversent. Ces
arrangements financiers évoluent au fil de
toute relation, mais la spécificité des couples
immigrants a été peu étudiée. À partir d’un
corpus de 25 entrevues approfondies auprès
d’immigrant.e.s, en couple et arrivé.e.s ces
dernières années dans la région de Montréal
par le programme des « travailleurs qualifiés »,
cette communication propose d’explorer
l’évolution de la situation financière de ces
couples. Nous porterons une attention
particulière au rôle joué par les contacts avec
les institutions québécoises dans les
redéfinitions des arrangements entre conjoints,
et du sens qu’il leur est accordé. Trois axes
structureront notre exposé : l’aide financière de
dernier recours (l’absence d’accès des premiers
mois, puis sa nécessité contrainte), les
allocations familiales (et leur marquage
maternel), et les institutions financières (entre
endettement et incitatifs pour immigrants). Les
récits recueillis montrent la nécessité d’une
analyse intersectionnelle des vécus de chacun
des membres des couples, face aux difficultés
qu’ils rencontrent et aux reconfigurations de
leur quotidien qu’elles entraînent.
Goulet Poulin, JeanSol
Université Laval
Résonance du zapatisme au Québec :
déploiement de formes de vies alternatives
Les idées zapatistes résonnent au Québec à la
suite de l’insurrection du 1er janvier 1994 :
l’indignation chiapanèque face à l’hostilité de
l’ordre néo-libéral, via des réseaux
transnationaux, entre alors en coprésence avec
les imaginaires politiques qui circulent en
situation québécoise. Ce moment s’inscrit dans
l’histoire des liens de solidarité entre le
Mexique et le Québec. Les missions catholiques
des années 1970-80, les mouvements
altermondialistes des années 1990-2000 et les
initiatives de solidarités actuelles sont autant
d’interfaces qui la jalonnent. Cette
communication vise à rendre compte de la
place de la résonance des idées zapatistes avec
les imaginaires politiques circulant dans les
milieux militants au Québec et plus
particulièrement de l’impact de cette
résonance sur les initiatives de solidarités avec
les communautés en résistance dans l’état du
Chiapas, au Mexique. Ainsi, les sujets individuels
et collectifs entre lesquels circulent ces
imaginaires politiques ont comme vecteur de
convergence un souci pour les formes de vies
alternatives et un mépris pour celle imposée
par « la mondialisation néo-libérale » :
patriarcale, coloniale et capitaliste. Afin de saisir
la concrétude de ces dynamiques, les
56
campagnes récentes du Comité de Défense des
droits Humains en Amérique Latine seront
analysées. Ces initiatives de solidarité directe
entre le CDHAL et les communautés en
résistances au Chiapas sont motivées par un
souci pour la dignité, l’autonomie et
l’autogestion et par un mépris pour
l’extractivisme et les minières canadiennes qui
l’incarnent. Bien que la résonance du zapatisme
y est particulièrement directe, elle ne se limite
pas à ce milieu.
Goyer, Renaud
Université du Québec à Montréal
L’expérience de la dépossession : l’insalubrité,
l’éviction et la touristification comme perte de
contrôle de son espace de vie
Résumé : voir Bélanger, Hélène
Grondin, Olivier
Université du Québec à Montréal
L’accessibilité à la justice des locataires non-
représentés-es. Une auto-ethnographie des
procédures devant la Régie du logement et la
Cour du Québec
Résumé : voir Gentil, Olivier
Guinard, Ségolène
Université Paris 8
La condition capsulaire : technologie et
indifférence dans l’Anthropocène
Au cœur de la crise écologique généralisée que
nous vivons, de nombreuses voix tentent
d’imaginer des manières d’habiter la
catastrophe qui ne passent ni par l’évitement ni
par la rédemption (Tsing, Haraway). Si les Zones
d’aménagement différé (ZAD) et les cabanes
(Macé) nous proposent des formes-de-vie
précaires, situées et en lutte avec les
infrastructures responsables du désastre,
d’aucuns prônent au contraire sa gestion et son
évitement par un approfondissement
technologique. À partir d’une ethnographie
menée auprès de scientifiques et d’ingénieurs
impliqués dans la conception d’environnement
artificiel pour le vol habité, nous brosserons le
portrait d’une condition capsulaire qui vise
l’indifférence des organismes en général et
humains en particulier à des environnements
hostiles à la vie. Au travers des notions de
fermeture, d’abstraction et d’action
artificialisante développées dans la
mécanologie simondonienne, nous
caractériserons cette technologie et cet
imaginaire capsulaires, qui n’opèrent pas
seulement sur le milieu mais visent à le produire
intégralement. La capsule est ainsi un concept
qui s’inspire des logiques de l’habitat spatial;
renvoyant à une condition terrestre et
contemporaine, elle désigne les gestes et les
technologies qui consistent à répondre à la
crise en feignant d’ignorer les sommations
qu’elle nous adresse. Elle est ainsi l’enveloppe
hyperréelle (Baudrillard) qui vise à neutraliser
les contraintes et les affects du désastre réel.
Ha, Jung-Im
École des Hautes Études en Sciences Sociales
La migration des étudiants coréens en France.
Liens familiaux et circulation du care :
Investissements des parents, dettes des enfant
Dans le cadre d'une ethnographie (2011-2015)
des parcours biographiques d'étudiants
coréens en France et leurs familles en Corée du
Sud, cette recherche restitue l'analyse de la
comparaison de groupes d'étudiants coréens
57
selon le moment de l'arrivé en France entre
2000 et 2010. La communication vise à
déterminer les évolutions des rapports des
étudiants avec leur famille, les modalités de
soutien et les projets de vie a posteriori, entre
ces deux groupes à partir de la classe, du sexe,
de l'âge. Dans le cadre transnational,
l'expérience de la distance incite à se
rapprocher pour maintenir une relation
familiale grâce aux nouvelles technologies de la
communication et accentue le dynamisme du
soutien affectif. Au lieu de la double absence
proposée par Sayad, aujourd'hui, la période
"transitoire" de la migration étudiante entraîne
une double présence matérielle et émotionnelle,
tout au long du séjour à l'étranger. En effet, les
logiques temporelles des soutiens familiaux
s'adaptent ou subissent des modifications à
diverses situations à distance. Selon la volonté
d'individus et le soutien effectif, l'engagement
familial peut être reconstitué dans sa diversité.
Cette recherche est une occasion de faire le
point pour aborder les obligations morales et
pratiques qui doivent advenir, ce que nous
appelons le care différé, à la fois care
"temporalisé", "à retardement", mais toujours
"à distance".
Hayes, Matthew
St. Thomas University
L’UNESCO, la mondialisation de l’immobilier, et la
revalorisation des rentes foncières dans les villes
de la périphérie mondiale
La croissante popularité culturelle des modes
de vie mobiles où sont menés des projets de
développement personnel à travers un
emplacement temporaire ou transitoire dans
une culture ou un espace différent mais plus
authentique et sensé, a d’importantes
conséquences sur les communautés réceptrices
de ces mobilités. Cet article se fonde sur des
notes ethnographiques et des entretiens
qualitatifs menés sur les mobilités mode de vie
(lifestyle mobilities) dans trois villes désignées
patrimoine de l’humanité par l’UNESCO :
Cuenca (Équateur), Rabat (Maroc) et Lisbonne
(Portugal). La valeur culturelle de voyager
porte de nouveaux enjeux sur l’utilisation de
l’espace urbain, surtout dans les villes
désignées pour les mobilités mode de vie. Dans
de plus en plus de villes de la périphérie
mondiale, l’espace et la patrimoine sont
appropriés par les intérêts immobiliers et
revendu à des classes moyennes mondiales
avec beaucoup de mobilité transnationale, afin
de revaloriser les rentes foncières. Ces
mobilités Nord-Sud de retraités actifs ou de
« nomades numériques » divergent fortement
de l’expérience des migrations Sud-Nord. Les
nouveaux modes de vie mobiles et les formes
d’investissement immobiliers transfrontaliers
potentialisent de nouvelles constructions, de
nouveaux modèles de logement et de nouvelles
manières de travailler. Ils stimulent également
de nouvelles valeurs de mobilité, de vie active
et de recherche de bonheur dans des espaces
qui sont souvent idéalisés et même
essentialisés par leur différence culturelle.
Houle, Marc-André
Collège Maisonneuve
La promotion immobilière à Montréal et les
rouages de la production d’inégalités
résidentielles
Résumé : voir Fauveaud, Gabriel
58
Jolivet, Violaine
Université de Montréal
Dynamiques immobilières et fragmentation à
Parc-Extension, un quartier péricentral
d’immigration en transition
Parc Extension est un quartier péricentral de
Montréal. Territoire étroit, très densément
peuplé et enclavé, il est considéré comme un
espace de transition pour les immigrants
récemment arrivés au Québec. Si le quartier,
renommé Little Pakistan, a longtemps servi de
simple lieu de passage, beaucoup de familles
immigrantes souhaitent aujourd’hui s’y installer
de façon plus durable. Dernièrement, de grands
aménagements urbains, à l’instar du campus
MIL qui accueillera le pavillon des Sciences de
l’Université de Montréal en septembre 2019,
sont en train de transformer la place de Parc
Extension dans les dynamiques métropolitaines
et bouleversent déjà la stratification sociale du
quartier avec une croissance fulgurante des
reprises/évictions et l’installation d’étudiants et
de familles de classes moyennes plus aisées. De
nouveaux projets immobiliers notamment des
condos et résidences pour étudiants, prônant la
mixité sociale, voient le jour dans le quartier
alors que les indicateurs socio-économiques et
l'insalubrité du parc locatif actuel laisse plutôt
présager une dislocation socio-spatiale du
quartier. Notre objectif est donc d'interroger
les dynamiques de fragmentation à l'échelle du
quartier, entre quartier de transition et quartier
en transition. Quel est l’impact d’un tel
aménagement sur les dynamiques immobilières
d’un quartier péricentral subissant d’ores et
déjà les prémisses de la gentrification ?
Comment se positionnent les familles
immigrantes habitant le quartier ? Ont-elles
encore la possibilité d’y trouver un espace
d’ancrage ? Cette présentation s’appuie à la fois
sur une analyse de l’évolution des annonces de
logement dans le quartier afin de démontrer
comment les propriétaires anciens et récents
revalorisent leur patrimoine immobilier en vue
d'une studentification / gentrification en
considérant les mots-clés comme "campus"
"Université" " étudiants" dans les annonces
(Kijiji, du proprio, centris et Craiglist), ainsi que
sur une analyse qualitative des entretiens semi-
directifs menés avec une dizaine d’informateurs
clefs et une trentaine des familles immigrantes
habitant le quartier, aussi bien dans des
logements privés que dans des logements
sociaux et communautaires.
Keyser-Verreault, Amélie
Université Laval
Transmettre le souci pour la beauté: une
responsabilité maternelle en milieu urbain et
instruit taiwanais
« Les femmes aiment naturellement être belles
» sont des propos que l’on entend
régulièrement lorsque l’on fait l’ethnographie
de la beauté féminine à Taiwan. Basée sur plus
de trois ans de recherche ethnographique à
Taipei, Taiwan, cette présentation, montre que,
loin d’être naturel, paroles qui invisibilisent le
réel travail que demande la beauté, cette
préoccupation pour la beauté, qui prend la
forme d’un véritable souci dans le Taipei
contemporain, est le fruit de tout un processus
de transmission depuis la petite enfance des
filles dont les mères ont la responsabilité.
Plutôt que de simplement condamner la
transmission du souci pour la beauté comme
étant le produit de rapports sociaux de sexe,
une approche originale permettant de tenir
compte de la capacité d’agir de ces femmes
urbaines et instruites est proposée. En effet, le
souci pour la beauté émerge dans des rapports
sociaux clairement inégaux, telle n’est pas la
question, mais cette transmission prend tout
son sens si on considère la beauté comme un
59
élément déterminant du capital humain des
femmes. Les mères ont donc la responsabilité
de s’assurer de valoriser la beauté de leurs filles
et de leur transmettre les compétences
nécessaires au travail que demande
l’apparence. Cette approche permet
d’apprécier la rationalité derrière une facette
délicate de la relation mère-fille dans le Taiwan
contemporain.
Koman, Franck Patrick
Université Félix Houphouët Boigny/Côte
d’Ivoire – Abidjan
L’aménagement foncier du district d’Abidjan et la
pratique des petits commerces
Après les élections présidentielles de 2015,
L’Etat de Côte d’Ivoire a entrepris une vaste
politique d’aménagement urbain du district
d’Abidjan. Dans ce processus d’aménagement,
sans précédent, de la zone urbaine du district,
plusieurs acteurs de petits commerces ou de
commerces qualifiés d’informel, occupant des
espaces ou la voirie considérés du domaine
public sont soumis à une phase de
déguerpissement. En effet, ils ont vu leurs
activités économiques arrêtées suite aux
différentes mesures prises par les autorités
étatiques. Ceci a provoqué des différends. Ces
différends entre les acteurs du commerce et les
autorités étatiques se traduisent par des
rapports de contestation au niveau de
l’aménagement foncier. Cette étude a donc
pour objectif d’analyser les rapports de
contestations de l’aménagement du foncier au
sein du district d’Abidjan. A cet effet, nous
avons procédé à une observation participante
dans la commune de Koumassi et nous avons
également élaboré des guides d’entretien à
l’endroit des membres du Ministère de la
construction du logement et de l’urbanisme
afin de collecter des données. Ainsi, de notre
analyse, les rapports de contestation
s’expliquent par les sentiments de souci, de
mépris et d’indifférence qu’éprouvent les
acteurs sociaux pratiquant le commerce au sein
du district d’Abidjan, face au processus
d’aménagement que connaît cette
agglomération de la Côte d’Ivoire.
Kostecki, Isabelle
Université de Montréal
Imaginaires religieux et liens spirituels de jeunes
Québécois convertis à l’islam
Cette communication propose de faire une
incursion dans l’imaginaire religieux de jeunes
Québécois musulmans afin d’explorer le
rapport qu’ils entretiennent avec Dieu. En
reprenant les données d’une recherche
ethnographique menée auprès de jeunes
convertis ou exprimant une forte attirance pour
cette religion, nous présentons un des profils
identifiés en nous focalisant sur des nouveaux
musulmans qui mettent l’accent sur leur
expérience religieuse. Nous verrons comment
certaines pratiques du quotidien, comme la
prière et d’autres pratiques « invisibles » se
déroulant dans leur corporéité et intériorité,
leur donnent à vivre au quotidien une relation
directe avec une Altérité spirituelle dans un
registre d’intimité (Luhrmann 2004). Ce faisant,
nous considérons provisoirement Dieu non pas
comme représentation ou construit, mais
comme agent supranaturel engagé dans un lien
relationnel avec le sujet croyant. En adoptant la
logique interne du vécu des informateurs, nous
cernerons en quoi ces expériences
relationnelles avec la divinité sont significatives
et adaptatives dans la mesure où elles
contribuent à guider leurs engagements
sociaux et leur direction de vie. Nous
discuterons de l’implication sociale de ces vécus
en montrant que cette présence continue, aussi
60
influente soit-elle dans leur éthique
relationnelle et sur leurs relations
interpersonnelles, reste largement dissimulée à
leurs proches non-musulmans.
Laporte, Corinne
Université d’Ottawa
Au cœur de l’inquiétude : la satire comme
échappatoire chez les jeunes adultes canadiens
L’état des choses dans le monde laisse présager
un avenir plus qu’incertain pour les Milléniaux
et les générations qui s’ensuivent. De plus en
plus de rapports sont publiés démontrant que
la génération milléniale possède « des revenus
plus bas, moins d'actifs et moins de richesse »
que les générations précédentes (Kurz, Li et
Vine 2018); qu’il ne reste que douze ans pour
limiter le changement climatique avant qu'il ne
devienne catastrophique (GIEC 2018), et que le
fascisme fait un retour fulminant (Albright
2018). Il n’est pas étonnant que cette
génération ressente un sentiment de
catastrophe imminent. Confrontés au
sentiment d'impuissance, les jeunes adultes
canadiens se tournent en masse vers les médias
sociaux et les nouveaux médias pour débattre,
échanger des idées et parfois même rager sur la
politique, bien souvent dans un ton
humoristique. De nombreux genres de contenu
satirique, tels que les émissions de télévision,
les podcasts et les plateformes en ligne ont
émergé en réponse à la désillusion politique et
au scepticisme grandissants. Alors que la
critique satirique existe depuis longtemps, la
manière dont le contenu satirique a été mis à la
disposition des jeunes adultes a évolué avec
l’apparition des nouvelles technologies. En
faisant appel aux théories anthropologiques de
l’affect, la participation politique, et la satire,
cette discussion vise à approfondir les
connaissances anthropologiques concernant la
création, la circulation et la réception de telles
formes de critique politique médiatisée, afin
d’évaluer l’importance de la consommation de
la satire politique et comment celle-ci se traduit
dans d'autres formes d'action politique. Cette
présentation portera en bref sur les écologies
des réseaux sociaux et leurs effets et affects –
cynisme, dépression publique, anxiété, et plus
encore – chez les jeunes adultes canadiens de
18 à 28 ans. Demandé simplement : qu'est-ce
que les Milléniaux et la Génération Z trouvent
humoristique? inspirant? Comment la critique
politique satirique se manifeste-t’elle dans la
culture digitale et la culture politique
générationnelle? Que ce soit une réponse
affective enracinée dans le désespoir ou le rire,
une discussion entre pairs ou un débat houleux
dans la section des commentaires sur les
réseaux sociaux, ces manifestations politiques
reposent au cœur de cette problématique.
Lardeux, Anne
Cinéaste et auteure
Filmer le réel et son ordinaire. Dans un même
geste, retenir et soutenir le désir d’images
Le travail de la caméra documentaire, et de
l’équipe qui la porte, entretient une proximité
avec la forme de présence que décrit
l’accompagnement – une présence non
directement active, attentive et en retrait.
Toutefois, sous cette surface à la rassurante
innocuité, se trame une ambiance plus tendue.
Filmer c’est un débordement : des présences
décalées débarquent dans un milieu qui ne les
prévoyait pas et doit s’en accommoder.
L’accompagnement est ici non nécessaire et, le
plus souvent, motivé par une extériorité
lointaine. Et tout le monde se demande, y
compris la filmeuse anthropologue
crépusculaire, ce que l’on fout là. Si le
sentiment d’encombrement finit par se muer
61
en accompagnement consenti, ça ne suffit pas
pour autant à résoudre les images à faire. Or le
film ne saurait advenir sans le combat
nécessaire du désir d’images, du désir de
formes. Marielle Macé dit qu’il faut travailler
avec le tourment de la qualification, soit faire
comparaître des formes et les juger, ce qui
reviendrait à les voir en ce qu’elles valent et
défendent. Il faut se coltiner la tâche ardue
d’accompagner le réel, de le «nécessiter», d’en
comprendre et d’en affronter les manières,
quitte à les combattre, mais en soutenant celles
qui, dans le plus grand dénuement, montrent –
quand plus personne n’y accorde de
l’importance –, tout ce que justement elles
valent, par un geste, une forme ténue ou
fuyante mais bien vibrante. Comment travailler
à partir de ce désir d’images, en retenant de
filmer celles qu’on nous enjoint de vouloir et
soutenant celles par lesquelles émerge cette
brève mais immanente vibration des vies.
Larose, Sandy
Université Laval
Le Hip-hop en Haïti : mépris, révolte et
construction des identités collectives
L’apparition du hip-hop en Haïti constitue un
regain sur le plan musical dans ce pays de la
Caraïbe. Si la chanson a été toujours un médium
d’expression des velléités populaires, le hip-hop
a donc renforcé, à sa manière, cette démarche
tout en constituant une nouvelle forme
d’expression de la révolte populaire et de
dénonciation des mépris, et de l’indifférence.
Les discours de révolte sont une marque de
fabrique des chansons du hip-hop depuis la
chute de Duvalier en 1986 jusqu’à aujourd’hui.
Haïti a été, d’une manière ou d’un autre, a
différentes périodes de son histoire, le théâtre
de lutte pour la reconnaissance. Nos recherches
(2011, 2015, 2017) sur le hip-hop en Haïti nous
ont permis de comprendre que les jeunes des
quartiers défavorisés demandent une
reconnaissance, et luttent constamment contre
le mépris dont ils sont quotidiennement
victimes. Dans une perspective de relecture du
paradigme de la reconnaissance (Honneth,
2007), on se pose la question suivante :
comment le mépris peut-il pousser certains
jeunes à se jeter dans la résistance à travers un
discours de révolte? Le hip-hop est le moyen
que ces jeunes utilisent pour exprimer des
nouvelles identités collectives. D’où l’usage
d’une culture (le hip-hop) elle-même
marginalisée comme espace d’expression
politique et de critique du pouvoir dans le souci
d’une société meilleure. Il est important de
mentionner que c’est la dimension collective de
l’identité qui nous intéresse dans le cadre de
cette réflexion. La musique hip-hop demeure
l’un des seuls moyens d’expression de cette
jeunesse oubliée et qui n’a pas la voix au
chapitre dans une société gérontocratique
comme Haïti. En ce sens, « La quête d'identité
collective s'inscrit vraisemblablement dans un
contexte d'individualisation plus forte de
l'activité humaine et en constitue, d'une
certaine façon, une réponse » (Wittorski,
2008:1).
Larouche, Catherine
Université Laval
Philanthropie nationaliste : Régulation des
organisations non gouvernementales et
nouvelles directions de l’action caritative
islamique en Inde
En Inde, comme dans plusieurs autres pays, les
lois encadrant l’enregistrement et les sources
de financement des organisations non
gouvernementales se sont resserrées au cours
des dix dernières années et influencent la façon
dont les acteurs non étatiques définissent leurs
62
objectifs et approches. L’une des
préoccupations centrales de l’anthropologie du
droit est de tenter de saisir comment différents
cadres normatifs influencent les acteurs
sociaux et comment ceux-ci agissent en
fonction des lois les affectant. Fondée sur une
recherche ethnographique avec des
organisations caritatives islamiques situées
dans l’État de l’Uttar Pradesh, en Inde, cette
présentation porte ainsi sur les effets qu’ont les
nouvelles mesures de régulation du secteur non
gouvernemental sur la façon dont ces acteurs
établissent leur légitimité sociale et politique.
Plus spécifiquement, j’analyse les stratégies
développées par les organisations caritatives
musulmanes en réponse aux lois restreignant
les activités de nature « politique ou
antinationale » qui semblent cibler en
particulier les associations formées par des
groupes minoritaires ou travaillant auprès de
populations minoritaires. Ma recherche
démontre que plutôt que de contester ou
d’esquiver ces lois potentiellement
discriminatoires, plusieurs organisations
décident de s’y « surconformer », en mettant de
l’avant une forme de philanthropie nationaliste.
La particularité de cette pratique permet
d’apporter une nouvelle perspective analytique
à l’anthropologie du droit, qui s’est surtout
attardée aux stratégies de résistance ou de
contournement des lois.
Laurence-Ruel, Corynne
Université de Montréal
L’activité de travail des préposées aux
bénéficiaires dans les ressources intermédiaires :
« on fait tout, on touche à tout »
Je propose de présenter les résultats d’une
recherche sur le travail des préposées aux
bénéficiaires (PAB) dans les ressources
intermédiaires (RI) pour aîné.es à Montréal. Il
s’agira donc de traiter du souci de l’autre (care)
et des soins pour aîné.e.s du point de vue des
travailleur.se.s qui sont largement féminisées et
racisées et les plus précaires du secteur.
L’objectif est de contribuer à la sociologie de ce
métier en examinant le cas des RI et les
expériences des travailleuses concernées. À
partir des principaux constats issus de la
littérature féministe existante, la recherche vise
à documenter : 1) leurs conditions d’emploi ; 2)
leur activité de travail et leurs tâches ; 3) leur
rapport au travail, soit les manières dont elles
l’investissent positivement et négativement.
D’un point de vue théorique, je propose de
saisir les caractéristiques de leur travail en
continuités des divisions sexuelle et raciale du
travail au sein du rapport salarial et
institutionnel, à partir d’un cadre féministe
matérialiste et des analyses de la « division
raciale du travail reproductif » (Nakano Glenn,
1992 ; Duffy, 2011). En plus de faire ressortir un
sentiment d’injustice face aux conditions plus
avantageuses dans les CHSLD publics, nos
résultats suggèrent que leur travail se
caractérise par : une organisation temporelle
dépendante des patient.es et leurs besoins, un
caractère indéfini en termes de tâches et des
aspects relationnel et imprévisible qui
impliquent un travail d’« engagement subjectif
» (Dussuet, 2008), une « charge mentale »
(Haicault, 1984) et une « disponibilité
permanente » (Chabaud-Rychter et al., 1985)
qui ne sont pas reconnus et qui tendent à être
invisibilisés et naturalisés. L’enquête fait
également apparaître un rapport ambivalent au
travail entre un sentiment d’amour du métier et
des personnes âgées et un sentiment d’être
exploitées. Le discours de l’amour apparaît
davantage comme une stratégie permettant
aux préposées de « tenir » dans le travail, mais
constitue paradoxalement un discours qui
naturalise les compétences pour le réaliser.
63
Lavoie, Bertrand
Université de Sherbrooke
La sollicitude rythmée par le temps. La prise en
compte des droits du patient à l’urgence
Les différents professionnels de la santé dans
une salle d’urgence (infirmières, urgentologues,
administrateurs) doivent prendre des décisions
quotidiennes concernant leurs pratiques
d'harmonisation, lesquelles impactent la vie des
patient.e.s et de leurs proches. Ces décisions
sont de plusieurs ordres : aménagement de
l'espace (intimité ou accompagnement
familial), respect de restrictions alimentaires
(végétarisme, véganisme, hallal, casher, etc.),
mise à disposition d'intervenant.es en soins
spirituels, réponses devant des refus de soins
ou encore disponibilité d’interprètes. Comment
ces pratiques d’harmonisation se matérialisent-
elles dans une salle d’urgence, alors que le
temps est compté et que la vitesse d’exécution
des tâches est garante de la sécurité des
patient.e.s ? L’objectif de cette communication
est de décrire différentes pratiques
d’harmonisation observées dans deux salles
d’urgence entre les mois de mai à septembre
2019. Suivant la méthode de l’ethnographie, j’ai
été jumelé à des infirmières et à des
urgentologues de deux salles d’urgence pour
un total de près de 150 heures d’observation
sur place, incluant 15 entrevues semi-dirigées.
Ayant accès à l’ensemble des secteurs des deux
salles d’urgence (triage, observation, pédiatrie,
cardiologie et traumatologie), je propose de
décrire ces pratiques d’harmonisation par le
terme de « sollicitude rythmée par le temps »,
soit la présence de multiples gestes, paroles et
décisions qui poursuivent une volonté d’aider,
de rassurer et de soigner, en ayant une seule et
même contrainte : le temps.
Lavoie Mongrain, Catherine
Université du Québec à Montréal
Un souci « futile » ? Les préoccupations
esthétiques des femmes et leurs détracteurs
Cette présentation portera sur les soucis
esthétiques des femmes, ainsi que sur le mépris
et l’indifférence qu’ils inspirent aux sciences
sociales. Nous discuterons d’abord des discours
féministes et scientifiques construisant les
préoccupations des femmes quant à leur
apparence comme une internalisation de
normes oppressives, une collaboration avec
l’ordre patriarcal, une futilité féminine, un
symptôme de narcissisme ou d’une faible
estime de soi. En deuxième partie, nous
présenterons les résultats d’une étude
qualitative menée auprès de 11 femmes de 21 à
51 ans partageant régulièrement des selfies sur
les réseaux sociaux. À l’aide des données tirées
de cette étude, nous montrerons, d’une part,
comment les soucis esthétiques manifestés par
les répondantes témoignent de soucis liés à la
représentation d’un soi respectable, aux
jugements perçus sur sa légitimité, ainsi qu’à sa
valeur en tant qu’individu. D’autre part, nous
explorerons la réflexivité des femmes quant
aux discours méprisants à l’égard de leurs
préoccupations esthétiques, ainsi que leurs
stratégies pour re-signifier leurs soucis en
termes acceptables, c’est-à-dire en termes
autres qu’esthétiques (politiques,
thérapeutiques, de self-coaching, etc.). Ce
faisant, les femmes mobilisent de nombreux
discours (féministes, postféministes,
publicitaires, etc.) que nous restituerons de
manière critique lors de cette présentation.
Nous conclurons en discutant de possibles
avenues dans la recherche pour s’approprier la
beauté des femmes comme un objet de
recherche complexe, révélateur de mécanismes
sociaux et genrés de construction du soi.
64
Leblanc, Anne
Université Laval
Nouvelles expressions de l’indignation autour de
la transition démocratique en Tunisie
Lors la révolution de 2010 et 2011, la Tunisie a
entamé un processus de transition vers une
gouvernance démocratique. La société civile
cherche désormais à se faire entendre par ses
groupes dirigeants et occupe une place
grandissante dans les débats politiques. L’ONG
Al Bawsala est née des suites de la révolution et
de la volonté de suivre les débats autour de la
rédaction de la constitution de 2014, ainsi que
celle de relier l’électorat aux député.e.s. Je
présenterai ici les résultats saillants d’une
ethnographie de cette organisation, faite lors
d’un séjour en Tunisie à l’été 2018. Je cherchais
alors à comprendre comment une ONG
tunisienne de droit et d’action politique entre
en relation avec le système des droits humains
de son pays. J’argumente que cette ONG
constitue une figure de résistance
incontournable de l’ère postrévolutionnaire
tunisienne, en orientant ses travaux en deux
pans : d’abord sur l’observation et la critique de
la vie parlementaire, et ensuite sur la
décentralisation du pouvoir vers la mobilisation
citoyenne. Nous verrons les luttes que ce
groupe mène contre ce qu’elle qualifie de
dérives démocratiques, telles la corruption et
les atteintes aux droits et libertés dans les
projets de loi débattus en assemblée. Cette
indignation devant la mésestime des élites pour
les enjeux citoyens et l’insensibilité
bureaucratique se canalise chez elle en une
revendication d’une plus grande transparence
politique. L’ONG a également pour mission
d’activer une citoyenneté nouvelle fondée sur
le souci de la collectivité par un intérêt accru
pour le domaine politique.
Le Gall, Josiane
Université de Montréal
Construction identitaire de jeunes convertis à
l’Islam : trajectoires religieuses et
(ré)appropriation des valeurs musulmanes
Résumé : voir De Guise, Catherine
Lessard, Émilie
Université d’Ottawa
Mépris, souci et indifférence : repenser nos
conceptions de la mort pour promouvoir la santé
en fin de vie
En articulant les transformations des
conceptions du mourir et de la mort autour des
mécanismes de production du mépris, de
l’indifférence et du souci, quelles sont les forces
socioculturelles sur lesquelles reposent les
enjeux tels que l’accès aux soins de fin de vie,
l’aide médicale à mourir, les besoins et les
préférences des personnes en fin de vie et leur
proche? Basée sur une recherche doctorale
(observation-participante et entrevues semi-
dirigées) portant sur l’expérience des soins
palliatifs à domicile de personnes âgées en fin
de vie, de proches aidants endeuillés et d’une
équipe dédiée aux soins palliatifs à domicile,
cette présentation vise à susciter une réflexion
anthropologique sur les enjeux contemporains
de la fin de vie et de la mort au Québec. Les
résultats préliminaires démontrent un besoin
de promouvoir la santé en fin de vie, par le
développement de communautés
bienveillantes envers les soins palliatifs et la
mort, tout en valorisant les expériences du
mourir. D’une part, les avancées médicales
repoussent toujours plus loin les limites de la
mort, parfois au mépris de la vie, tout en
reproduisant les comportements de tabou, de
déni et d’évitement de la mort propres aux
65
sociétés occidentales. D’autre part, le
développement des soins palliatifs se soucie
d’accompagner avec bienveillance les mourants
dans une société qui n’accepte pas la mort et
où la notion de « care » en fin de vie impose un
lourd fardeau aux proches aidants. Finalement,
une réponse socioculturelle qui promeut une
indifférence généralisée face à la mort
naturelle, par une mise en scène de la mort-
spectacle, où l’on choisit de montrer les morts
tragiques et violentes, au mépris de la diversité
des expériences du mourir.
Lopes, Jennifer
Université de Montréal
Faut-il se soucier des enfants migrants? La
question de l’accès à la justice pour les enfants
migrants détenus au Canada
La question de l’arrivée irrégulière des
migrants, notamment des enfants, est cruciale
pour la société canadienne. En effet, doit-on
s’inquiéter de l’arrivée d’enfants migrants? Doit-
on protéger ces enfants? Comment l’état
canadien gère-t-il cette situation? Malgré des
efforts pour favoriser des solutions alternatives
à la détention, 7126 adultes et 88 enfants
migrants ont été détenus au Canada en 2018.
L’incarcération d’enfants migrants soulève des
enjeux politiques et sociaux sérieux sur le plan
des droits humains. Le premier facteur
préjudiciable est la judiciarisation. Notre
recherche s’intéresse ainsi à la judiciarisation
des enfants arrivant de manière irrégulière au
Canada, soit sans détenir de visa approprié, et
interroge leur accès aux droits et à la justice
depuis leur arrestation jusqu’à la décision
juridique sur leur statut. L’objectif premier est
d’observer de quelle façon cette judiciarisation
est néfaste pour ces enfants et inefficace pour
le gouvernement. Cette communication
présentera quelques résultats de notre enquête
ethnographique (en cours), menée au Québec
et en Ontario ayant émergés d’entrevues semi-
dirigées de familles, d’enfants et de
professionnels intervenants auprès de la
population migrante afin de : 1) comprendre
l’incidence du droit international sur les
discours, sur les décisions de recevabilité ou de
rejet d’asile et sur les pratiques opérées au
regard de ces enfants ; 2) analyser la
conception de l’enfant migrant par les
professionnels intervenants auprès de cette
population et d’observer les dynamiques
d’interaction des différents acteurs ; 3) cerner la
construction de cette enfance transitoire en
partant de leur expérience et des stratégies
migratoires.
Lopes, Jennifer
Université de Montréal
Vivre la loi. L’expérience des enfants migrants
détenus au Canada
La question de l’arrivée irrégulière des
migrants, notamment des enfants, est cruciale
pour la société canadienne. Malgré des efforts
pour favoriser des solutions alternatives à la
détention, 7126 adultes et 88 enfants migrants
ont été détenus au Canada en 2018.
L’incarcération d’enfants migrants soulève des
enjeux politiques et sociaux sérieux sur le plan
des droits humains. Le premier facteur
préjudiciable est la judiciarisation. Notre
recherche s’intéresse ainsi à la judiciarisation
des enfants arrivant de manière irrégulière au
Canada, soit sans détenir de visa approprié, et
interroge leur accès aux droits et à la justice
depuis leur arrestation jusqu’à la décision
juridique sur leur statut. L’objectif principal est
d’observer de quelle façon cette judiciarisation
est néfaste pour ces enfants et inefficace pour
le gouvernement. Cette communication
présentera quelques résultats de notre enquête
66
ethnographique menée au Québec et en
Colombie-Britannique. Une enquête qui tente
de comprendre l’expérience judiciaire des
enfants et ainsi de saisir comment ceux-ci
vivent la loi dans un quotidien où ils ne
disposent pas de leurs droits.
Maccali, Paul
Université de Montréal
Enjeux et stratégies de désaffection
environnementale au Brésil
Les dernières déclarations du président
brésilien Jair Bolsonaro laisse entrevoir une
certaine forme de mépris envers les enjeux
environnementaux qui tendent à préserver
l’écosystème amazonique. Cette position
climatosceptique plutôt controversée qui s’est
déployée au sein d’autres gouvernements
populistes révèle une certaine performativité
du pouvoir. Face à cette idéologie, des
mouvements de sauvegarde et de protection
de la forêt Amazonienne se mobilisent au
niveau national et international, soucieux du
devenir de cet espace présenté comme
appartement à l’humanité tout entière. Ce soin
porté (politics of care) à la nature comme lieu
de formes de vie et modes d’existence conduit
à une revendication des droits des êtres animés
et inanimés. A contrario, le peu d’empathie
pour la nature comme espace de vie affiché par
le gouvernement semble exprimer une
indifférence aux études prédisant une crise
écologique sans précédent. Il s’agit de mettre
en évidence les mécanismes d’intensité
collective saisis dans ce discours politique
désaffecté de considérations liées au
changement climatique. De plus, voir la
désaffection comme un affect et l’étudier en
tant que tel offre une nouvelle clé de
compréhension à cette vague populiste qui
semble faire de plus en plus d’initiés. Cette
stratégie questionne ce qui compte ou pas, ce
qu’on gagne ou perd en désintéressant les
populations de ces attentions
environnementales. Jusqu’à quel point peut-on
évoquer la production sociale d’une
désaffection environnementale dans la
rhétorique du discours populiste de Jair
Bolsonaro ? Est-ce une stratégie d’indifférence
ou un réel détachement des préoccupations
écologiques ?
Marcotte, Roxanne
Université du Québec à Montréal
Sociabilités musulmanes et médias
socionumériques chez de jeunes Québécois
Les médias socionumériques favorisent le
maintien de très nombreux réseaux,
notamment pour les musulmans depuis le 11
sept. 2001 : ils facilitent à la fois le maintien
d’affiliations avec groupes et communautés du
pays d’origine et l’établissement de nouveaux
liens dans le pays d’accueil. Il s’agira donc
d’explorer comment certains jeunes
musulman.e.s (de première, 1.5 et seconde
générations, principalement de Montréal) – qui
sont de plus en plus sollicités par les
environnements numériques – se soucient de la
facette religieuse de leurs identités et de la
place qu’elle occupe dans leurs rapports aux
autres. À l’aide de 22 entrevues,
nous chercherons à repérer les soins qu’ils
portent à leurs rapports aux différents
éléments de leurs croyances, pratiques et
usages des médias socionumériques. Il s’agira
d’explorer leurs expériences de l’être ensemble
(sentiment d’appartenance, de solidarité, etc.)
et les significations qu’ils donnent à leurs
activités et relations en ligne avec les autres –
individus et groupes (communauté de foi,
mosquée, association d’étudiants musulmans,
confrérie soufie, etc.). Tout en sachant que,
67
dans le contexte d’une individualisation
croissante et d’une globalisation effrénée, les
pérégrinations numériques et religieuses de
certains de ces jeunes leur permettent de
développer un sentiment subjectif
d’appartenance à diverses communautés
« imaginées » et « électives », sorte de
« communalisation religieuse » virtuelle, il ne
faut pas négliger le fait que les modalités de
socialité musulmane en ligne ne sont que
rarement complètement désincarnées et
virtuelles, reposant notamment sur leur
appartenance à diverses communautés (famille,
cercle d’amis, communauté religieuse, etc.)
hors ligne.
Martineau, Jonathan
Bishop’s University
Phénoménologie du temps de loisir
contemporain. Accélération, aliénation et
marchandisation de l’attention
Cette intervention souhaite établir quelques
coordonnées sociohistoriques et conceptuelles
pour une réflexion sur les temps de loisir, ou «
temps libre », dans le régime de temps mondial
contemporain. La question d’intérêt principal
est celle du rapport entre le temps libre et le
marché, et ses diverses délinéations selon les
situations d’emplois, et les temporalités de
genre. La chronopolitique contemporaine
repose en grande partie sur une « aliénation
temporelle », soutenue par les processus de
reproduction du capital à l’échelle globale, et
donne lieu à une domination exacerbée des
temporalités du marché sur les temps sociaux
et personnels. La définition historique du temps
de loisir comme temps « extraéconomique »,
exempt des soucis de reproduction matérielle,
est aujourd’hui rendue désuète par les
restructurations néolibérales de la dualité
temps de travail/temps de loisir et la
colonisation des temps libres par les
temporalités marchandes non seulement du
surconsumérisme de masse, mais de la
production de valeur marchande,
principalement sous les formes de la
production d’attention, et d’informations. La
pénétration des temps libres par les
compulsions de productivité, de ponctualité, et
l’aliénation temporelle qui caractérise le temps
du marché témoigne de la perméabilité des
temps libres aux pressions exercées par la
culture du travail capitaliste, et aux procès
marchands réels de marchandisation de
l’attention et de production de valeur
d’échange dans le capitalisme numérique
contemporain. L’intervention examine ces
questions à partir d’un engagement critique
avec la théorie de l’accélération sociale, la
phénoménologie du temps, et l’économie
politique hétérodoxe.
Mathieu, Sophie
Université de Montréal
Quelles sont les familles les mieux soutenues par
l’État au Québec ?
En 1997, en plein Sommet sur l’économie et
l’emploi et dans un contexte de restructuration
des programmes sociaux, Lucien Bouchard à la
tête d’un gouvernement péquiste, annonce les
grandes lignes d’une nouvelle politique
familiale dont l’objectif principal est celui de
faciliter la conciliation travail-famille. Trois
programmes sont au cœur de celle nouvelle
politique : la provision de services de garde à
faible coût par l’entremise des centres de la
petite enfance (CPE), la promesse de la mise en
place d’un Régime québécois d’assurance
parentale, et un système d’allocations familiales
offerts aux familles démunies, dont le montant
varie en fonction du revenu, du nombre
d’enfants et du nombre de parents. Le Québec
68
est souvent qualifié de province nordique en
raison de l’aide généreuse offerte aux familles,
conférant même à la province le titre flatteur
de « paradis des familles » (Godbout et St-
Cerny, 2008). Comment la politique familiale de
1997 a-t-elle évolué au cours des 20 dernières
années ? Peut-on conclure que l’aide aux
familles au Québec est une aide universelle ?
Les familles québécoises ont-elles un meilleur
accès aux services de garde et aux congés
parentaux aujourd’hui qu’à la fin des années
90 ? Le texte démontrera l’évolution et la
transformation « tranquille » (Mathieu, 2019) du
soutien du gouvernement envers les familles en
mettant l’accent sur la possibilité pour les
parents avec des caractéristiques sociales
diverses de se prévaloir des trois principaux
programmes au cœur de la politique familiale
québécoise. En outre, il sera argué que le volet
« universel » de la politique familiale s’est
transformé, d’une part avec la mise en place en
2005 de prestations universelles de Soutien aux
enfants, et d’autre part avec l’abolition en 2015
du coût unique pour l’utilisation d’une place en
centre de la petite enfance.
Metende, Ulrich Aurélien
Université de Yaoundé-I (Cameroun)
Posthumanisme et politiques de la race. Penser
une décolonisation des humanités récusées
Notre époque se caractérise par l’émergence
de la raison numérique, combiné à la
suprématie des codes et à la domination des
algorithmes avec comme effet l’émergence
d’une abstraction généralisée du vivant. Suivant
le prisme des propos technoscientifiques d’une
manière globale et techno-biomédicale en
particulier, nous assistons au passage de
l’homo sapiens à l’homo deus, c’est-à-dire la
transformation technique de l’homme qui est
un produit direct de son « désir-maitre », de
domination et de contrôle de soi et du monde.
Toutes ces pratiques autour du développement
technologique de l’homme, qui aboutissent au
fantasme de l’ « homme augmenté » ou du
« posthomme » constituent de notre point de
vue un fait colonial, car il s’agit ni plus moins
d’une volonté de réorganisation du vivant, à
partir d’une division de l’humanité en –humain,
sous-humain, plus-humain et non-humain. Si les
discours de science-fiction et les pratiques
scientifiques actuelles font du posthomme,
l’homme par excellence, c’est-à-dire un être
capable d’échapper au tri aveugle de la loterie
génétique pour se constituer en « homme-
dieu », il nous faut saisir le lien entre cette
vision utopique et l’idée de frontière raciale qui
aura contribué à la théorisation des politiques
de la race. Partant de ces dichotomies au sein
de l’humanité, nous envisageons à travers cette
communication la possibilité d’une
décolonisation des humanités récusées, suite
au processus de débiologisation de la vie.
Métivier, Andrée-Ann
Université Laval
Penser la collaboration : Entre points de contacts
disciplinaires et travail collaboratif
Comment penser la collaboration en
anthropologie ? À la fois ancrage thématique et
point de départ de la communication que nous
présenterons conjointement, ce concept a pris
deux formes dans nos travaux
ethnographiques. La collaboration est d’abord
apparue comme point de contact entre
l’anthropologie et la neuropsychologie, pour
l’une, et la santé publique, pour l’autre.
L’observation des modes d’engagement les
plus courants (Fitzgerald et Callard 2015) de
l’anthropologie vis-àvis de ces deux champs
disciplinaires nous a amené à remettre en
question notre propre posture
69
épistémologique. Dans cette présentation,
l’objectif sera donc de nous interroger sur les
fruits de telles collaborations, mais aussi
d’avancer une réflexion critique et engagée sur
cette idée même d’interdisciplinarité. En plus
de cette dimension interdisciplinaire, nous
explorerons les particularités du travail
collaboratif avec les participant(e)s à la
recherche. Ces participants, spécialistes des
approches méditatives d’un côté et parents de
nourrissons de l’autre, nous permettent un
regard croisé sur la posture de l’anthropologue
face à la source et la forme des rationalités qui
nous sont partagées. Nous mettrons donc en
perspective le travail fait auprès d’une
communauté scientifique, privilégiée d’avoir
une tribune pour se faire entendre, avec celui
fait auprès d’individus lambda. En effet, de
manière à comprendre les relations dynamiques
entre des gens et des institutions détenteurs ou
non de pouvoir, il nous apparaît pertinent,
comme anthropologues, d’étudier non
seulement ce qui se trouve « en dessous » de
nous, mais aussi ce qui se trouve « à côté » et «
au-dessus » (Gullestad 2009).
Michaud, Audrey Anne
Université du Québec à Montréal
La justice thérapeutique : Regards sur les
contraintes composites
Afin de diminuer la surreprésentation des
personnes ayant des problèmes de santé
mentale dans le système judiciaire canadien, les
tribunaux spécialisés ont émergé comme une
alternative aux tribunaux traditionnels. Les
tribunaux de santé mentale s’inscrivent dans la
famille des tribunaux spécialisés et proposent
une réponse plus adaptée pour les personnes
accusées. S’inscrivant dans la philosophie de la
justice thérapeutique, ces tribunaux proposent
d’arrimer la personne avec une équipe
traitante, d’augmenter son bien-être tout au
long des procédures et de s’attaquer aux
causes des accusations : les problèmes de santé
mentale. Les résultats présentés dans cette
communication émergent d’une enquête
doctorale où un modèle de la justice
thérapeutique a été construit. Cette
communication s’attardera à une notion clé de
ce modèle soit les contraintes composites qui
sont nécessaires au fonctionnement du tribunal
visant tantôt le soin, tantôt la punition, faisant
émerger du même coup l’idée d’une justice
protectionnelle et d’une justice sanctionnelle.
En conclusion, cette communication invite à
réfléchir sur ces nouvelles logiques
d’intervention qui participent à une
judiciarisation de la fragilité sociale.
Montcho, Rodrigue Sèdjrofidé
Université de Parakou (Bénin)
Stratégies d’adaptation aux « soucis, mépris et
indifférences » socio-numériques dans la ville de
Cotonou
Les soucis, mépris et les indifférences, formes
d’interaction sociale objectivant, entre autres,
les difficultés auxquelles les sociétés sont
confrontées, s’exportent aujourd’hui à travers
les médias sociaux. Le numérique
consubstantiel à la vie sociale devient aussi un
fertilisant pour l’expression des phénomènes
sociaux comme le souci, le mépris,
l’indifférence et les violences de toute sorte.
Face aux difficultés qu’elles créent, les victimes
développent bien des stratégies d’adaptation
dans la ville de Cotonou. Cette recherche vise à
analyser les stratégies d’adaptation des acteurs
aux « soucis, mépris et indifférences » liés aux
nouveaux médias dans la ville de Cotonou. Pour
atteindre cet objectif, il est adopté une
démarche méthodologique qualitative basée
sur l’approche ethnométhodologique. 75
personnes ressources ont été contactées par
70
les techniques du choix raisonné et de la boule
de neige. De nouvelles formes de soucis, de
mépris et d’indifférences sont produites par le
biais des médias sociaux dans la ville de
Cotonou. Leurs mutations sont liées à
l’individualisation des trajectoires socio-
numériques et l’hyper-accessibilité peu régulée
des nouveaux médias. Néanmoins, plusieurs
stratégies d’adaptation sont développées par
les acteurs en fonction de leurs
représentations. Avec la persistance des
déviances, le défi d’une éducation numérique
responsable mérite d’être davantage relevé.
Moriau, Jacques
Université Libre de Bruxelles – Institut de
Sociologie
S’immoler : mettre le mépris en lumière
Comment faire du mépris une question
politique ? La pratique de l’immolation,
précisément quand elle n’est pas porteuse de
revendications politiques clairement exprimées
et revendiquées, se pose comme un dispositif
qui vise à mettre en lumière des conditions
d’existence insoutenables (Citton, 2012). User
du corps jusqu’à son annihilation pour le faire
une dernière fois compter parmi le groupe des
vivants. Telle pourrait être une définition du
geste d’immolation. Dans cette communication
nous proposerons de penser l’immolation
comme un geste de politisation, c’est-à-dire
comme un geste qui peut se lire comme disant
quelque chose du pouvoir, qu’on en soit privé,
qu’il soit subi ou exercé. Pour ce faire nous
ferons passer notre réflexion par trois
moments principaux. Dans un premier temps,
sur la base d’une courte histoire du répertoire
(Tilly, 1984) de l’immolation, il s’agira de
distinguer les occurrences « explicitement »
politiques (Biggs, 2005) de celles qui ne
revendiquent pas ouvertement ce label. Un
deuxième temps sera consacré à une
herméneutique de gestes récents d’immolation
« non politiques » commis en Europe et à la
façon dont ils s’inscrivent dans une
« thanatopolitique » (Mbembe, 2006), ultime
résistance face à une biopolitique ultra-
individualisante. Enfin, la conclusion tentera de
montrer comment cet usage du corps comme
lieu ultime du politique dit quelque chose de
notre présent mais se lie également avec
d’autres figures de résistance « dépolitisée » qui
ont tenté de « donner corps à la vérité »
(Foucault, 2009).
Mounsade, Fadimatou
Université Catholique d’Afrique Centrale
(Cameroun)
Changer de grade dans les universités au
Cameroun, quand le professionnel oblige le care
du social
« Petit je t’ai à l’œil, tu ne changeras pas de
grade », au-delà de l’hilarité que cette phrase
adressée par un enseignant de rang magistral à
un autre en début de carrière universitaire, ainsi
que de ses reprises dans un registre de
moquerie, cette dernière résume un nombre de
frustrations, batailles et émotions que vivent
les universitaires dans leurs évolutions de
carrière d’enseignants-chercheurs au
Cameroun. Le grade universitaire devient un
ancrage institutionnel d’une domination
méprisante perpétuée par une « théorie de
l’échelle cassée après moi » qui rend compte
d’un climat social de défiance, indifférence et
résignation qui de plus en plus caractérise
l’environnement universitaire de travail. S’il est
vrai que des mécanismes institutionnels de
promotion des évolutions de carrière sont
déployés, il ressort qu’à côté des textes parfois
à la mesure de son ou ses auteur(s), les
perceptions et représentations montrent que le
71
grade universitaire est un enjeu de frustration,
de pression voire d’avilissement du collègue. Ce
qui affectent les rapports sociaux au travail et
plonge dans un stress à la fois organisationnel
et individuel. Le care, considéré ici comme une
attention aux rapports sociaux aux traitements
des souffrances, de l’attention et du souci
(Paturel, 2012) notamment en situation de
travail, va amener à analyser le climat social,
l’organisation étant un espace de socialisation
(Sainsaulieu, 1977). Il s’agit de faire une lecture
du climat social comme révélateur des
politiques et stratégies de gestion du social
déployés dans l’organisation pour gérer la
diversité induite par la socialisation. L’une des
différences marquantes de l’environnement de
travail est la catégorisation professionnelle qui
s’exprime à travers les grades et les statuts du
personnel. Dans le monde de l’enseignement
universitaire, encore très marqué par le
mandarinat, ces catégorisations dépeignent sur
les relations socioprofessionnelles et la
performance sociale. La méthodologie
privilégiée pour la collecte de données
anthropologiques a été des focus groups en
cours de réalisation et histoires de carrières
professionnelles anecdotiques de changement
de grade dans deux universités de renommée
au Cameroun.
Nastase, Iulia
Université de Montréal
La mixité sociale au service de la gentrification ?
Une analyse à partir du quartier de Hochelaga-
Maisonneuve à Montréal
La notion de mixité sociale est devenue un
thème itératif des débats portant sur les enjeux
du renouvellement urbain, sur les politiques
d’accès au logement et, plus généralement, sur
la gentrification (Germain et Rose, 2010 ;
Bridge, Butler, Lees, 2012). La mixité sociale est
tour à tour utilisée, à différentes fins, par des
acteurs aussi divers que les politiques, la
société civile, les universitaires, les
planificateurs urbains et les producteurs
urbains, comme les promoteurs immobiliers
(Charmes et Bacqué, 2016). Pour les uns, la
mixité est un idéal juste à atteindre ; pour les
autres, elle participe à invisibiliser la complexité
des rapports de pouvoir qui se jouent entre les
acteurs de la fabrique urbaine et les
dynamiques d’exclusion qu’ils sous-tendent. Au
cours de cette présentation, nous verrons
comment la notion de mixité sociale
accompagne la transformation actuelle du
quartier d’Hochelaga-Maisonneuve. L’objectif
vise à analyser les motivations, modalités
d’action et intérêts des acteurs publics, privés
et de la société civile qui défendent la notion de
mixité sociale, et qui s’appuient sur elle pour
justifier ou participer à la transformation du
quartier d’Hochelaga-Maisonneuve. Nous nous
demanderons si la notion de mixité sociale, en
tant qu’elle fait l’objet de politiques et de
projets spécifiques, réduit les impacts négatifs
de la gentrification, ou au contraire sert à mieux
les justifier et à les retirer du débat politique.
Cette conférence présentera les résultats
préliminaires d’une recherche de maitrise en
cours.
Neff, Maïa
ENS Lyon, Université Laval
Mères (in)discréditables : ethnographies des
discours et pratiques d’évaluations des « figures
saillantes » de la maternité en situation de
consommation de drogues
Au cours de la diffusion de l’épidémie de VIH,
des consommations de drogues en situation de
maternité sont identifiées et mises en lumière.
Celles-ci sont dès lors analysées dans de
nombreuses recherches épidémiologiques,
72
médicales et de sciences sociales sous l’angle différents matériaux empiriques (observations
d’enjeux propres à la santé publique tels que et vingtaine d’entretiens avec l’ensemble des
les conséquences de la consommation des professionnel.le.s), j’analyserai les discours et
mères sur le foetus, l’exposition aux risques les pratiques quotidiennes des professionnels
sanitaires ou les pratiques de consommations en tant que logiques de (re)production de
(Campbell, 2000 ; Simmat-Durand, 2002, Boyd, politiques institutionnelles du discrédit. Il
2004 ; Simmat-Durand et al. 2012, 2013 ; s’agira donc d’esquisser les enjeux de
Couvrette et al., 2016a, 2016b). Plus rares sont construction et de diffusion de figures de la
les études qui questionnent le cadre maternité (in)acceptable dans le cadre d’usages
institutionnel entourant la maternité de de drogues en situation de grossesse et de
femmes usagères de drogues, et ce, dans un maternité.
contexte de réprobation sociale et morale
accrue pour les mères consommatrices
(Simmat-Durant, 2007, 2008). Parmi les Noir, Mathieu
institutions spécialisées en addictologie et en Université Lumière Lyon 2
réduction des méfaits, les Centres de Soins,
d’Accompagnement et de Prévention des Souci, (in)attention et sollicitude dans la relation
Addictions (les CSAPA) en France proposent avec un proche atteint d’une maladie
des prises en charge médico-sociale neurodégénérative
multidisciplinaires (par des psychologues,
psychiatres, infirmier.e.s, assistant.e.s social.e.s,
Cette communication propose d’analyser les
éducateurs/trices etc.) et, offrent des
modes d’appréhension de la maladie
interventions intégrant cette question de la
d’Alzheimer (et des maladies apparentées) et
grossesse puis de la parentalité lorsqu’il s’agit
de son accompagnement par l’entourage de la
de publics féminins. Cette communication
personne atteinte. Le propos sera décliné afin
prend ainsi pour objet la prise en charge de la
de répondre à la question : sur quoi porte le
maternité dans un CSAPA spécialisé sur les
souci et à l’inverse l’indifférence (voire le
questions de parentalité et portera sur la
mépris) pour le proche atteint ? Au-delà de
manière pour des professionnels (travailleurs
l’identification d’une diversité des logiques
sociaux et personnel médical) de traiter- au
familiales d’aide, il s’agira de saisir sur quels
sens médical, social et, moral ; une situation «
aspects portent l’(in)attention à la personne
discréditable » dans le sens commun : celle de la
atteinte. L’intérêt est d’en repérer les
maternité dans un contexte de consommation
éventuelles évolutions dans le temps à travers
de drogues. Comment, dans leur travail
un matériau longitudinal, car la maladie est
quotidien, les professionnel.le.s contribuent-ils/
évolutive, tout comme l’appréhension de la
elles à façonner les contours des situations
pathologie et de son propre rôle d’aidant. La
discréditables ou non, en matière de
question du souci et de l’indifférence pour le
consommation pour des mères ou futures
proche atteint sera mise au regard du recours
mères? Et ce, à partir de quels critères et
aux dispositifs d’aide aux aidants déployés par
modalités? Cette communication s’appuie sur
des politiques publiques qui œuvrent dans
les résultats préliminaires de mon premier
l’objectif d’un maintien à domicile de l’aidé le
terrain de recherche dans le cadre de ma thèse:
plus longtemps possible. Tandis que ces
une enquête de terrain de 4 mois en France au
politiques d’aide aux aidants participent à un
sein d’un CSAPA. Par le recoupement de
effort de production sociale du souci (familial)

73
pour autrui, on sait peu de choses sur les effets
du recours aux dispositifs d’aide. Les analyses
s’appuieront sur un matériau qualitatif
composé de vagues d’entretiens réalisées
auprès de proches aidants dans la perspective
d’un suivi longitudinal. Ce travail s’inscrit dans
le cadre d’une recherche de doctorat qui porte
plus largement sur l’analyse des dynamiques
d’ajustements à la maladie (et leurs évolutions
dans le temps) par l’entourage d’une personne
atteinte d’une maladie neurodégénérative, au
regard du contexte actuel de renforcement des
modalités de soutien aux aidants.
Ocquidant, Olivier
Université de Lyon – Centre Max Weber
Des interactions et valuations urbaines
ordinaires comme enjeux d'urbanité
Notre enquête porte sur les composantes
sensibles de l'urbanité d'une ville post
industrielle de taille moyenne (Saint-Étienne,
France). Elle vise à comprendre comment se
constituent et se défont les attachements par
l'examen des interactions dans l'espace public
(Goffman, 2013; Hennion, 2009). Nous avons
constaté que, dans l'expérience, les
attachements à la ville s'élaborent à travers des
processus de valuations sensibles ou
écologiques (Dewey, 2011; Thibaud, 2015). Les
situations de félicités interactionnelles
(convenances, inattention civile, expériences
esthétiques, engagements de familiarité)
invitent à prendre soin de leur contextes
d'apparition, à s'en soucier (Mayol, 1980 ;
Dewey, 2010 ; Thévenot, 2006). Les lieux et
situations d'infélicités interactionnelles (civilités
troublées, embarras lors de contacts mixtes,
épreuves écologiques) font plutôt l'objet de
détachements, d'indifférence, voire de mépris
(Breviglieri et Trom, 2003 ; Goffman, 1975 ;
Garcia Sanchez, 2007). Néanmoins, les
situations d'interactions ordinaires induisent la
plupart du temps un ajustement des conduites
(ou tact), visant à minorer les épreuves et les
tensions. En ce sens, le souci (ou l'attachement)
relève d'un agir et d'un faire prenant forme
selon des degrés variés (complicité, civilité,
tact, indifférence, mépris), répondant à des
valuations (ou estimations) en cours. Selon les
situations, ces types de « soucis » distribuent
spécifiquement l'attention, selon différents
partages du sensible (Joseph, 1998 ; Rancière,
2000). A partir de matériaux de notre terrain
(entretiens, observations, parcours
commentés), notre présentation analysera
dans ce cadre théorique quelques exemples de
formations de souci, d'indifférence et de
mépris, considérés en situations.
Otero, Marcelo
Université du Québec à Montréal
Le rôle de l’attention dans la définition des
problèmes sociaux
Le passage de certains phénomènes non
conformes au statut de problèmes sociaux est
un processus crucial qui est au cœur de la
constitution de l’inventaire des pratiques,
comportements et attitudes « problématiques »
qui balisent en creux l’univers de la conformité.
Ce passage est crucial car la manière de « porter
attention » à un phénomène non conforme
entraine des conséquences décisives sur les
stratégies d’intervention qui seront mobilisées
à son égard. En effet, on ne réagit pas de la
même façon si on caractérise un phénomène
non conforme comme inattendu plutôt
qu’inquiétant, bizarre plutôt que choquant,
étonnant plutôt qu’indignant, original plutôt
qu’offensant, accidentel plutôt que suspect,
exotique plutôt que menaçant, sous-représenté
plutôt que dangereux. Notre manière d’y porter
attention nous oriente sur ce qui doit être fait
74
en termes d’action ce qu’on pourrait
schématiser dans la polarité suivante :
intervenir et « corriger », dans l’un des pôles, ou
observer et « laisser être », dans l’autre. C’est
bel est bien le passage gradué de l’anomalie à
l’anormalité, de la description au jugement, de
l’histoire naturelle à la pathologie. Ce passage
(ou basculement) habilité et légitime
l’intervention (aide, accompagnement,
thérapeutique, encadrement, répression, etc.)
et distribue selon les cas de figure des attitudes
émotionnelles différentes (compassion,
indulgence, tolérance, répulsion, rejet, dégout,
etc.). Or, lire un phénomène non conforme est
lui « porter attention » en suivant certains
codes (ou règles) et certains affects (ou
émotions) qui à la fois guident et colorent
l’attention. Nous tenterons de comprendre
comment opère ce processus.
Otmani, Rim
Centre de Recherche en Anthropologie Sociale
et Culturelle (Algérie)
L’indifférence des états euro-méditerranéens
face à la souffrance des jeunes. L’expérience des
migrants clandestins algériens en France
La migration illégale par voie maritime est un
phénomène qui ne cesse de s’amplifier et qui
concerne particulièrement une catégorie
sociale jeune, rêveuse et ambitieuse.
Néanmoins, face à des politiques algériennes
qui sous-estiment le mal-être des individus âgés
de moins de trente ans, la Méditerranée est
alors empruntée depuis plusieurs années par un
nombre indéterminé de jeunes Algériens
désirant s’installer en France dans le but d’une
ascension sociale. Une fois en France, ces sujets
migrants sont rejetés par la société d’accueil eu
égard de leur statut juridique non conforme.
Marquée par des ruptures, des exclusions et
des précarités cumulatives, force est de
constater que la réalité de la vie en
clandestinité s’oppose aux espoirs et aux
aspirations des migrants. De ce fait, confrontés
à une double exclusion et à un sentiment
d’étrangeté tant dans le pays d’origine que
dans le pays d’accueil, les sujets migrants vivent
des souffrances multi-situées, croisées et
multidimensionnelles. À partir des résultats de
ma thèse de doctorat de sociologie (2015) et
d’une enquête exploratoire descriptive réalisée
en Algérie entre 2017 et 2018, la présente
communication, fondée sur une approche
qualitative, analyse l’articulation de la
« souffrance » dans un contexte politique
dissuasif, répressif et répulsif. Elle introduit une
réflexion sur le sens attribué à l’expérience de
la souffrance telle qu’elle est ressentie et/ou
vécue.
Ouantchi, Honoré,
Université Felix Houphouët-Boigny Abidjan
(Côte-d’Ivoire)
Corruption dans l’administration publique
ivoirienne : entre construction et destruction
sociale
La corruption, considérée comme l'utilisation
d'une charge publique ou privée pour un profit
personnel dans l'inobservation des règles
administratives, d’éthique ou de la morale, s’est
ancrée dans les mœurs et s’est constituée
comme un habitus (Bourdieu, 2000). L’objectif
de cette communication est de montrer les
manifestations de cette pratique ainsi que les
efforts de pour l’endiguer. Il ressort de l’étude
que plusieurs années après les indépendances,
la pratique de la corruption s’est généralisée à
toute la société et particulièrement à
l’administration publique. Les enquêtés
estiment qu'aujourd'hui plus qu’hier, tout se
monnaie, tout se négocie. De manière générale,
les pratiques les plus courantes sont les pots de
75
vin, les rackets, les détournements de biens ou
de deniers publics ainsi que d'autres types
d'abus qui sont notamment, les fraudes aux
examens et concours, les malversations à des
fins d'enrichissement personnel, et ce malgré
les réponses institutionnelles de lutte contre la
corruption. Ce qui est inquiétant, c'est la
banalisation (De Sardan, 1998) du phénomène
de la corruption, qui tend à devenir une
pratique normale. Elle est une réalité en
expansion qui gangrène la société ; en
témoigne le classement mondial IPC1 où le pays
occupe la 103e place sur 180 en 2017. L’étude,
élaborée sur la base de recherche
documentaire et d’enquête qualitative, met en
exergue la prégnance d’un fléau qui a du mal à
être contenu.
Ouellet, Claudine
Université Laval
Le vocabulaire du souci : une exploration à partir
des métiers du customer care
Dans les dernières années, nous avons assisté à
une plus grande préoccupation pour le client au
sein des organisations et à une évolution des
modes de gestion de la relation organisations
consommateurs. Dans une économie désormais
dite « de services », de nombreux travailleurs
œuvrent dans ce secteur et, pour une partie
d’entre eux, « être au service du client »
constitue le socle sur lequel repose leur métier ;
ainsi, se soucier du client et être attentif à ses
besoins s’avèrent au cœur du travail des agents
du service à la clientèle. Pour mieux saisir la
figure de ces travailleurs chargés de prendre
soin du client, nous avons analysé les offres
d’emploi leur étant destinées. En rendant
visible une partie du travail prescrit, que ce soit
sur le plan des pratiques ou du registre
émotionnel, les offres d’emploi constituent
autant d’artéfacts qui témoignent du rôle
attribué par les organisations pour une
catégorie d’emploi, de même que les attentes
qui y sont associées. En prenant appui sur ce
corpus, cette communication vise à mettre en
relief le vocabulaire du souci dans le champ du
customer care, se voulant ainsi l’occasion
d’explorer sous un autre angle ce métier
souvent associé au taylorisme. En écho au
thème de ce colloque qui invite à s’interroger
notamment sur « ce qui compte », un regard
sera posé sur l’expression d’une relation
humaine et la mise en avant d’un discours
managérial axé sur l’importance du client, tout
en soulignant certaines logiques paradoxales
traditionnellement associées à la relation de
service.
Panaite, Andreea-Catalina
Université de Montréal
Être sans enfant : ou comment trouver sa place
dans une société qui valorise la parentalité ?
Résumé : voir Charton, Laurence
Paquette, Catherine
INRS-UCS
Perspectives sur l’accueil : la perception et le
vécu de personnes immigrantes et
d’intervenants de trois quartiers montréalais
accompagnés par l’initiative « Vivons nos
quartiers »
Résumé : voir Goudet, Anna
Paré, Marie-Ève
INRS-UCS
76
Quand le droit mine l’accès à la justice. Récits de
femmes monoparentales immigrantes sur leur
expérience avec les institutions juridiques
Produit d’une histoire culturelle, le droit est une
dimension du social ancrée dans un corpus de
représentations, de structures et de pratiques
localement contextualisé (von BendaBeckmann
2002). En ce sens, il porte en lui les
composantes de son inaccessibilité (Galanter
2009). Ainsi, subjacente à la logique de
rationalisation du droit étatique décrite par
Max Weber, la rhétorique de l’autonomie, de la
neutralité et de l’universalité (Bourdieu 1986)
induit une distanciation du droit étatique et de
ses institutions juridiques par rapport à la
société (Sarat et Grossman 1981). À cet égard,
l’opacité bureaucratique, la spécialisation du
savoir professionnel (Merzt 2007), les
procédures juridiques et les coûts associés sont
des illustrations des nombreux obstacles qui
complexifient la relation avec les sujets de
droit. Le droit devient alors à la fois une voie
d’autonomisation ainsi qu’un instrument
d’exclusion (Vissandjé, Bates et al. 2014) et ce,
particulièrement pour les catégories sociales
vulnérables telles que les familles immigrantes
(Roy et Dutrisac 2018). Dans ce contexte, les
récits phénoménologiques, recueillis dans le
cadre d’une étude ethnojuridique, illustrent
qu’empiriquement la neutralité ontologique
s’apparente davantage à de l’indifférence, voire
de la condescendance institutionnelle. En se
basant sur les concepts de la mobilisation
juridique et de la conscience juridique (Merry
2013), cette présentation vise à restituer les
voix des femmes monoparentales immigrantes
en présentant comment leurs expériences
exemplifient les défis d’accès à la justice au
Québec en matière de droit familial.
Paré, Marie-Ève
INRS-UCS
La conscience juridique dans les familles
immigrantes au Québec. Limites et avenues d'un
outil conceptuel
Cette présentation parlera de l'importance du
concept de conscience juridique dans le courant
droit et société, ce en quoi il a contribué, de
même que ses limites. Puis, elle démontrera
que malgré les critiques formulées depuis une
décennie (Silbey 2005, Lovell 2012), il s'agit d'un
outil conceptuel qui peut être adapté,
notamment en l'articulant avec le concept de
mobilisation juridique, pour comprendre
comment des catégories sociales marginalisées
perçoivent le droit et le vivent au quotidien.
Dans cette optique, j'exemplifierai cet aspect
par l'utilisation de ma recherche sur les familles
immigrantes africaines et de leur rapport au
droit et ses institutions en matière familiale au
Québec.
Perreault, Julie
Université d’Ottawa
Comprendre les cadres de l’attention judiciaire :
L’exemple des procès pour agressions sexuelles
au Canada et au Québec
La pratique judiciaire est un lieu hautement
formalisé. L’on s’attendrait à ce que l’attention
y soit codée suivant les normes juridiques les
plus strictes et des processus de preuve
transparents. Comme le souligne le juriste
Michel Van de Kerchove (2000), cependant,
l’expérience prouve souvent le contraire, la
pratique du droit criminel, par exemple, ne
s’explicitant dans son fonctionnement que par
une attention aux différents types de vérité et
régimes de normativité qui s’y conjuguent. D’un
point de vue ethnographique, l’on dira alors
que l’étude du droit comme pratique nous
fournit les clés de sa signification interne. À
77
l’inverse, porter attention à la manière dont le
droit porte attention à travers sa pratique nous
permet aussi d’interroger les limites
structurelles qu’il impose à la signification des
phénomènes sociaux dont il traite. Le concept
d’attention devient ainsi un outil heuristique
privilégié pour comprendre les conditions
matérielles et symboliques de l’application du
droit, au même titre que les schémas de vérité
et les structures normatives par lesquels il
formate d’avance le réel. Nous proposons
d’étudier ce jeu de l’attention dans le cadre des
procès pour agressions sexuelles au Canada et
au Québec, à travers un examen de la
jurisprudence récente en la matière. Ce faisant,
nous espérons comprendre un peu mieux
certaines limites internes du droit quant à
l’accès à la justice pour les victimes, le respect
du droit des accusés, et la compréhension
commune de la « réalité » des agressions
sexuelles dans l’espace social.
Piazzesi, Chiara
Université du Québec à Montréal
Un souci « futile »? Les préoccupations
esthétiques des femmes et leurs détracteurs
Résumé : voir Lavoie Mongrain, Catherine
Plasse Bouteyre, Christine
Université Catholique de Lyon
Psychologisation, individualisation et mise en
récit de soi dans le travail social : Vécu et
résistance
Il s’agirait dans cette intervention d’envisager,
le processus généralisé de psychologisation à
l’œuvre dans nos sociétés, aux injonctions
d’autonomie et de responsabilité importantes,
comme une tendance lourde de l’individualisme
contemporain, à produire et à solliciter, dans
bien des espaces sociaux, notamment dans le
champ du travail social français, des
équipements, des accompagnements, des
aides…de « solidification de soi ». C’est au cœur
de ces dispositifs que l’appel au retour
biographique sur soi et la mise en récit de soi
devient une référence légitime. L’injonction à
mettre en récit sa vie, ses difficultés, sa
trajectoire est constitutive aujourd’hui de
formes renouvelées de « contrôle social »
notamment dans l’accompagnement de la
parentalité. Nous envisagerons cette généralité
au prisme des rapports, souvent complexes,
ambivalents, des familles populaires françaises
aux services sociaux qui ont précisément
tendance, depuis un certain nombre d’années,
à porter ces nouvelles pratiques et exigences
dans le rapport au public. À partir d’un travail
de pré-enquête, auprès de femmes d’un
quartier populaire amenées à côtoyer quelques
professionnelles de l’accompagnement social,
nous montrerons que ce « gouvernement de soi
» par la parole, cette « biographisation »
nécessitant réflexivité, engagement et
objectivation de soi, indispose un certain
nombre de personnes qui ont souvent bien du
mal avec cette politique de l’exposition et de la
mise en récit de soi. Ces dispositifs peuvent être
ressentis négativement, vécus comme des
formes de jugement et d’invalidation de ce que
sont ces familles ou être interprétés comme de
l’immixtion par certaines, en difficultés,
rencontrées lors de nos premières
observations. En retour, ils engendrent chez le
professionnel, le sentiment d’un public qui ne
joue pas « le jeu », qui ne s’implique pas, faisant
preuve de cette manière-là d’une forme d’«
irresponsabilité » incompréhensible. Nous
montrerons que loin d’être un défaut de
compétences « techniques » à faire face à ces
interactions normées, il s’agirait bien pour ces
familles « sous contrôle », d’engager, par-delà
des expressions diverses qui mettent en
78
tension l’estime de soi, des formes subtiles de
résistance : la ruse comme tactique mise en
œuvre pour faire face à la « domination » sans
forcément l’affronter directement.
Prince, Neptune
Université Quisqueya (CRAPU/uniQ) et Institut
National des sciences appliquées (INSA) de
Lyon
Reconnaissance socio-spatiale et jeux d’acteurs
dans la fabrication du quartier de Canaan (Haïti)
Résumé : voir Bras, Anie
Ray, Brian
Université d’Ottawa
Le rôle des quartiers pour comprendre la
résilience des familles immigrantes nouvellement
établies
Résumé : voir Dauphin, Anyck
Reyser, Chloé
Université de Montréal
Dynamiques immobilières et fragmentation à
Parc-Extension, un quartier péricentral
d’immigration en transition
Résumé : voir Jolivet, Violaine
Ridgley, Jen
Carleton University
Le rôle des quartiers pour comprendre la
résilience des familles immigrantes nouvellement
établies
Résumé : voir Dauphin, Anyck
Rivard Patoine, Annabelle
Université de Montréal
Gouvernementalité algorithmique et dispositifs
de modulation des affects
Vers la fin des années 1970, Michel Foucault
développe, dans ses cours au Collège de
France, l’idée que la gouvernementalité s’est
graduellement établie dans la modernité en
tant que pouvoir qui s’exerce par le milieu.
C’est d’autant plus vrai au sein d’une économie
post-fordiste au sein de laquelle, du moins
selon les auteurs opéraïstes et post-opéraïstes,
le processus de valorisation du capital effectue
une ponction non plus seulement à partir d’un
lieu de travail qui serait séparé du lieu de vie,
comme par exemple l’usine, mais bien à partir
du tissu urbain lui-même. Pour ces auteurs
(Tronti, Berardi, Citton), le sémiocapitalisme
valorise non seulement le travail au sens large
(notamment gratuit et reproductif), mais aussi
les signes, les affects, les données, etc. Le
développement du capitalisme néolibéral peut
ainsi se comprendre comme e l’élargissement
des dispositifs de capture et de modulation des
affects et des conduites. On peut considérer les
projets de ville intelligente comme le
paroxysme de ce développement, au sein
desquelles de nouveaux types de souveraineté
permises par le numérique correspondent à de
nouveaux types de savoir-pouvoir. À partir de
l’exemple des données massives (Big Data),
nous mettrons en parallèle deux types de
grammaires de ces nouveaux savoir-pouvoir qui
opèrent tous deux en tant que mise en visibilité
et d’emphase sur ce qui compte au sein de la
gouvernementalité algorithmique (Rouvroy):
premièrement, la mise en place de cartes
digitales comme outils censés représenter et
79
potentiellement valoriser l’ensemble du réel, et
deuxièmement, les dispositifs de capture de
l’attention humaine en tant que celle-ci est la
denrée que consume la multiplication des
informations chez les citadins.
Rodriguez del Barrio, Lourdes
Université de Montréal
Personnes réfugiées, solidarités et lien social :
pour vaincre l’indifférence et la souffrance
Résumé : voir Blain, Marie-Jeanne
Rouillier, Anne-Marie
Université Laval
Penser la collaboration : Entre points de contacts
disciplinaires et travail collaboratif
Résumé : voir Métivier, Andrée-Ann
Roupnel, Servane
Université Laval
Traumatismes et reconnaissance : évolution de la
considération du stress post-traumatique pour
les membres des forces armées
La considération du stress post-traumatique au
sein des forces armées et de la société civile a
évolué au cours du temps. Précédant les
années 1980, ce qu’on appelait « névrose de
guerre » était au cœur d’un régime de soupçon,
de mépris et d’indifférence, alors qu’on accusait
les soldats de simuler leurs symptômes pour
quitter le front. Ce n’est qu’à la suite de la
Guerre au Vietnam que la recrudescence de
suicides de vétérans mena à un régime de
reconnaissance grâce à l’officialisation du
diagnostic du syndrome de stress post-
traumatique. Résultat d’une construction
médicale, les infrastructures de santé
dépassent désormais la seule considération des
forces armées. L’état des militaires de retour de
combat devient un « souci » de santé publique
ayant une portée sociale et juridique faisant
naître des questions de légitimité, de
reconnaissance juridique, mais également des
enjeux politiques et sociaux. Nous sommes
donc désormais face à deux forces
ambivalentes qui s’opposent. D’une part, la
reconnaissance du diagnostic au sein de la
société civile qui fait part de nombreux
paradoxes entre la définition du trouble et
l’expérience réelle des soldats. D’autre part, le
contexte culturel des forces armées qui, encore
aujourd’hui, perçoit le SPT comme un tabou
refusant tout signe de faiblesse au sein de ses
rangs. À travers deux ethnographies menées
auprès de militaires français et de militaires
franco-canadiens, ma communication propose
de revenir sur les enjeux de ce diagnostic qui,
en tant que véritable paradoxe, soulève de
nombreux enjeux concernant le souci, le mépris
et l’indifférence.
Rousseau, Audrey
Université du Québec en Outaouais
Dire la vérité » et « se faire croire » : obstacles
épistémiques à la narration des violences
relatives aux buanderies Madeleine en Irlande
L’opprobre social et l’exploitation économique
qui justifiaient les activités de réforme des
buanderies Madeleine en Irlande (des
institutions religieuses ayant enfermé des
milliers de femmes et de filles entre le 18e et le
20e siècle), reflètent le tabou entourant la
sexualité féminine, et l’idée d’une possible
« contamination » morale et sociale, justifiant
de faire disparaître ces « pénitentes » derrière
80
des portes closes (Fischer, 2016; Costello, 2015).
En explorant ce que Fricker (2007) nomme
l’« économie de la crédibilité », j’entreprendrai
de rendre visibles deux formes de silence dont
ont été victimes les survivantes des buanderies
Madeleine. Le premier empêche ou prévient
leur prise de parole, alors que le second renvoie
à l’irreprésentable ou l’indicible. Après avoir
décrit l’éthos discursif diffamatoire (fondé sur
le soupçon et le blâme) qui pendant longtemps
a empêché ces femmes de prendre la parole et
d’être crues. J’explorerai l’ambiguïté actuelle
du dialogue de réparation – l’État irlandais
reconnaît sa responsabilité dans le maintien de
ce régime de confinement (McAleese, 2013),
alors que les autorités religieuses refusent de
s’excuser et de répondre des abus commis dans
leurs établissements –, et ce, afin de
conceptualiser l’émergence d’un nouveau
risque de déqualification des « témoins
témoignant » (Rousseau, 2017) et de leurs
interprétations de ce qui est arrivé.
Sahgui Nékoua P. Joseph
Université d’Abomey-Calavi (UAC)/Bénin
Le vécu des immigrés de l’Atacora (Bénin) à
Abeokuta au Nigeria : de l’indifférence aux soucis
d’intégration
La présente recherche se propose d’analyser
les dynamiques du vécu des immigrés de
l’Atacora dans une situation multiculturelle
engendrée par les migrations. L’internalisation
des échanges, la suppression des barrières
linguistiques et culturelles ou du moins leur
accessibilité, favorisant le multiculturalisme
configuré et créant de nouvelles solidarités,
implique le développement des flux migratoires
dans les grands enjeux contemporains. La
recherche a pour objectif de déconstruire et de
reconstruire le vécu des immigrés de l’Atacora à
travers l’identification de la réalité observable
afin d’expliquer l’indifférence et les soucis que
vivent ceux d’Abeokuta. La démarche
méthodologique adoptée est historique et
dialectique. Les techniques de collectes des
données tels que la recherche documentaire,
les entretiens, l’observation directe et les récits
de vie ont permis d’obtenir des informations.
Avec un échantillon de choix raisonné de 67
acteurs, la théorie transnationale et celle des
réseaux relationnels ont permis d’analyser les
résultats empiriques. Les résultats de cette
recherche montrent que les considérations et
les rapports de cohabitation entre les
autochtones et les immigrés ont toujours créé
une ambiance d’indifférence et un souci
d’intégration. Mieux, leur situation de mépris
handicape leur reconnaissance comme citoyens
à part entière. Ce qui fait qu’ils ne sont ni
vraiment du côté du même, ni totalement du
côté de l’autre. Ils sont captés au niveau de la
saisie, en tant que présence-absence, en tant
qu’objets et non en tant que sujets.
Saremi, Samar
Université de Montréal
Financement de la recherche anthropologique
dans les pays politiquement sanctionnés
En tant que technologies du pouvoir, les
sanctions politiques ont une histoire
intrigante. À l’image d’une enquête
ethnographique, j’examinerai le mécanisme
bureaucratique de financement des recherches
anthropologiques qui se déroulent dans les
pays sanctionnés. Je concentrerai mon
attention sur la Fondation de Wenner-Gren en
lien avec sa politique vis-à-vis des recherches
sur l’Iran. Bien qu’une institution privée, la
fondation indique qu’elle est obligée de
respecter le « Patriot Act » américain ainsi que
toutes les lois applicables aux États-
Unis. Comme l’explique directement la
81
Fondation : « La fondation a été enregistrée aux
États-Unis et est donc une entité américaine ».
Par conséquent, toute proposition de
recherche effectuée dans les pays sanctionnés
nécessite une autorisation de l’Office of Foreign
Assets Control (OFAC) ; étape qui prend environ
un an. L'effet négatif de telles procédures sur
une étude est indéniable car les
anthropologues de pays sanctionnés comme
l'Iran se heurtent déjà à de nombreux obstacles
en raison de la position risquée des sciences
sociales dans ces régions du monde. Les
implications de telles sanctions sur la recherche
obligent inévitablement les anthropologues à
se conformer aux nouvelles règles s’ils
souhaitent obtenir un financement et explorent
d’autres moyens afin de poursuivre leur étude.
Étant donné que la production de
connaissances sur les pays sanctionnés
éclaircira ces systèmes politiques fermés, il est
essentiel de démontrer les effets de la
limitation des ressources financières des
anthropologues. La transformation des
systèmes politiques avait été l’objectif de
sanctions à l’encontre des pays. Toutefois,
garder ces lieux dans le noir ne fera que susciter
davantage de sanctions.
Santini, Gabriella
Université d’Ottawa
Entrelacements Tao-poissons dans
l’anthropocène austronésienne
Les recherches scientifiques suggèrent que les
îles sont les premières régions touchées par le
changement climatique. Celles-ci seraient
confrontées à la hausse du niveau de l’eau, à
l'augmentation des typhons et à la diminution
des portions de terres sèches. Cependant, peu
de recherches ont exploré la dimension
humaine de cette crise écologique. Les effets
des changements climatiques ont le pouvoir de
déclencher de nouvelles formes de solidarité,
d'identité et de mobilisation. C’est le cas à l’île
des Orchidées. Un terrain d’un mois sur cette île
à Taïwan m’a permis de comprendre la
complexité humaine et sociale de cet enjeu
écologique. J’ai constaté que les conséquences
du tourisme accru et du stockage de déchets
nucléaires sont vécues plus concrètement dans
la vie quotidienne des Tao que les effets un peu
moins évidents des changements climatiques –
cela dit, ils ne sont pas détachés et indifférents
aux transformations plus subtiles des
changements climatiques. Les Tao sont coincés
dans un double bind. Malgré que le tourisme et
le stockage nucléaire polluent l’île avec divers
types de déchets, les insulaires bénéficient de
l’économie que ces deux industries leur
apportent. S’ils cessent ces activités
économiques, ils ne pourront continuer de vivre
une vie prospère sur l’île des Orchidées
puisqu’ils devront trouver du travail mieux
rémunéré sur le continent taïwanais. Cette
recherche vise à fournir une perspective
anthropologique sur la manière dont les
insulaires vivent et évoluent avec les multiples
facettes de la crise écologique. D’un projet
communautaire artistique à l’émergence d’une
identité virtuelle Tao, certains insulaires ont su
adopter des stratégies créatives pour non
seulement protéger les écosystèmes îliens,
mais pour préserver leur identité culturelle au
sein d’un futur technologique. Toutefois, un
défi demeure : engager la collectivité Tao.
Existe-il une voie/voix à suivre pour les Tao dans
l’anthropocène ?
Sékiné, Anaïs
Chercheure indépendante
Situer la danse du Lindy hop - quand sa
représentation de la joie participe d’un processus
d’effacement et d’exclusion
82
Le Lindy Hop et les danses Jazz africaines
américaines du début du XXe siècle sont
actuellement le fait d’une sous-culture
internationale, globalement non-africaine-
américaine. Depuis les années 90, son
développement et sa longévité peuvent
s’expliquer en partie par la mise en valeur d’une
expérience joyeuse et accessible à tous. Les
danses swing sont régulièrement présentées
comme la promesse d’une vie bonne, heureuse,
connectée, hospitalière et sans frontière.
L’étude de cette sous-culture a démontré que
cette promesse participe d’un processus
d’appropriation culturelle complexe. D’un point
de vue culturel et affectif, cette vision de la
« joie » s’inscrit dans une problématique
postcoloniale. En effet, force est de constater la
désertion de la population d’origine du swing.
Les plus jeunes générations de danseurs noirs
peinent à trouver leur place, en dépit de
l’implication de certaines figures majeures de
l’histoire originelle du Lindy hop sur la scène
internationale. L’appropriation culturelle du
Lindy hop génère ainsi une réécriture du sens et
des valeurs initialement donnés à sa pratique
sociale. Les notions de joie, de liberté, de
communauté sont appropriées et resignifiées
dans une apparence d’équivalence des identités
et des discours, comme le souligne Bell Hooks
qui affirme qu’on ne peut comprendre cette
joie sans comprendre la douleur de l’histoire
des noirs. La question difficile de la ségrégation
se pose bien différemment qu’à l’ère du swing,
cependant, il est impossible d’éviter ce sujet qui
apparaît de manière plus sournoise et est
transformé par l’actualité.
Sestito, Rosanna
Université de Lausanne
La mise au monde par césarienne entre mépris et
souci
Qu’est-ce qu’une « bonne » mise au monde ?
(Butler, 2014). Qui décide de la voie
d’accouchement « idéale » ? Comment mener
un « bon accouchement » dans un système de
naissance souvent considéré comme tant
mauvais ou même violent ? La parturition par
césarienne peut-elle être considérée comme
une « system-challenging praxis » (Sestito, 2017)
dans la société iranienne contemporaine ? Alors
que l’OMS se mobilise contre la « culture de la
césarienne » qui s’est instaurée dans certains
pays comme le Brésil, la Chine et considérée par
certain.e.s comme le fruit du biopouvoir sur le
corps des femmes, la mise au monde
chirurgicale représente une préservation de la
sécurité lors de la parturition, des avantages
esthétiques et donc un accès à la « modernité »
en Iran. A partir de données empiriques sur
l’augmentation de l’accouchement par
césarienne en Iran, j’interroge la césarienne en
tant que projet politique national et
international mais aussi en tant que support de
subjectivation féministe. La définition de santé
reproductive donnée par l’OMS oriente la mise
au monde en Iran. Est-ce que la santé
reproductive représente une catégorie qui
garantit la protection juridique et un accès aux
structures sociales et sanitaires ? Ou plutôt une
manière d’institutionnaliser la normalisation
des corps reproductifs et des conduites,
notamment à partir d’un processus de
pathologisation des comportements jugés
déviants – comme par exemple les femmes qui
refusent un accouchement par césarienne ou
les femmes qui demandent une césarienne
pour des raisons esthétiques ou pour des
raisons émotionnelles (notamment la peur
d’accoucher) ?
Shankland, Mylène
Université du Québec à Montréal et Université
de Montréal
83
La reconnaissance sociale des expériences vécues
de la grossesse chez les hommes trans
Dans le cadre de mon mémoire, je me suis
intéressée à la reconnaissance sociale des
hommes trans vivant une/des grossesse(s). Mes
recherches confirment le manque criant
d’études sur cet enjeu. L’objectif de ce
mémoire est d’observer les différentes
significations culturelles qui stigmatisent les
vécus des expériences d’hommes trans ayant
vécu une ou plusieurs grossesses. L’analyse
cherche à examiner la culture
cisgenrenormative et hétéronormative,
particulièrement en ce qui concerne le domaine
de la famille. Utilisant des approches féministes
poststructuraliste et transféministe, le
phénomène a été appréhendé avec la théorie
de la reconnaissance sociale d’Axel Honneth
(1992). Ainsi, l’enjeu est questionné selon trois
aspects : (1) les rapports entre ces hommes et
leur environnement social – de proximité – afin
d’examiner l’impact de ces relations sur leur(s)
expérience(s), (2) les rapports entre ces
hommes et le personnel soignant, ainsi que les
étranger.es qu’ils ont côtoyé afin de
questionner la solidarité sociale et (3) examiner
l’invisibilité de ces réalités via la norme
juridique. Ceci nous permettra d’éclairer les
dynamiques entre l’alignement de l’identité
physique et psychique de ces personnes, avec
les signes apparents de la grossesse et les
caractéristiques secondaires féminines qui
l’accompagnent. L’étude s’est concentrée sur
les réalités québécoises, puisque les contextes
juridiques sont particuliers à chaque province
canadienne. De plus, la méthode privilégie
l’expertise des hommes trans à travers leurs
expériences. Ainsi, des entretiens semi-dirigés
ont été réalisés avec trois participants. Cet
échantillon est suffisant considérant la rareté
de la population visée. Cette communication
présentera les résultats de recherche de mon
mémoire.
Simard, Julien
INRS-UCS
La précarité résidentielle des locataires
vieillissants : construction d’un problème public
(1985-2019)
En contexte de gentrification, il semblerait que
les mères monoparentales, les personnes
racisées, les personnes sans emploi et les
personnes vieillissantes constituent les
populations les plus susceptibles de vivre de la
précarité résidentielle et/ou des épisodes de
déplacement forcé (Atkinson 2011). Les
personnes vieillissantes résidant dans le parc
locatif privé, particulièrement celles qui
dépendent de revenus de pension fixes, ont
souvent du mal à suivre les hausses de loyer qui
peuvent accompagner les processus de
gentrification (Morris 2017). Or, au Québec, la
visibilité de la précarité résidentielle des
personnes vieillissantes locataires résidant dans
les quartiers centraux montréalais n’a acquis
que tout récemment une certaine portée
publique. En 2016, la tentative d’éviction de
Pierino Di Tonno, photographe de 82 ans, a fait
les manchettes grâce au travail du Comité
logement de la Petite-Patrie. Peu après, une
nouvelle loi protégeant certains locataires
vieillissants contre l’éviction et la reprise de
possession a été adoptée à l’unanimité à
l’Assemblée nationale. Comment cet enjeu a-t-il
pu acquérir le statut de « problème public »
(Henry 2009) ? De quelle manière les divers
acteurs – comités logement, partis politiques,
médias – ont-ils établi un processus de cadrage
de l’action collective efficace (Benford et Snow
2000), permettant de transformer l’indifférence
en souci ? Les données présentées dans cette
communication sont issues d’un terrain
ethnographique réalisé à Montréal dans le
cadre d’une thèse en études urbaines. Je
84
mobiliserai des données d’observation, des
extraits d’entretiens ainsi qu’une analyse
d’archives pour démontrer que ce passage de
l’indifférence au souci s’est construit en
mobilisant la « vulnérabilité » des personnes
vieillissantes.
Sirois, Guillaume
Université de Montréal
Médias numériques dans le monde de l’art : De
nouveaux modes de valorisation des œuvres
Dans le monde de l’art (Becker, 2008), la
visibilité des productions artistiques était
traditionnellement déterminée principalement
par les critiques d’art, ces agents opérants
entre les institutions et le marché (Moulin,
1992) pour établir la valeur, tant symbolique
qu’économique, des œuvres. Or, l’émergence
de l’environnement numérique a conflit interne (entre employés ou avec un
considérablement modifié le régime de visibilité
propre au monde de l’art, notamment sous
l’influence grandissante de nouveaux services
de nouvelles artistiques basés sur le web. En
effet, ces nouveaux médias font circuler
l’information à une vitesse et une échelle jamais
vues auparavant grâce à des textes courts,
principalement descriptifs et faciles à lire, qui
mettent l’accent sur les actualités propres au «
monde de l’art » et au « marché de l’art ». Sous
la poussée de ces acteurs, le monde de l’art
semble évoluer d’un « paradigme esthétique » à
un « paradigme journalistique » (Hellman &
Jaakkola, 2011) se détournant ainsi d’une
économie du prestige (English, 2005) qui a
longtemps caractérisé la presse artistique pour
s’orienter plutôt vers une économie de
l’attention (Citton, 2014). Basée sur une analyse
de contenu de textes produits par deux sites
dominants (Artsy.net ou Artnet.com), cette
communication montre que les modes de
valorisation de l’art contemporain, et
ultimement ce qui compte et ne compte pas
dans le monde de l’art, sont en pleine mutation
à l’échelle globale. Alors que se met en place un
régime de visibilité axé sur la vélocité et la
célébrité, les rapports entre valeurs
symboliques et valeurs marchandes des œuvres
s’en trouvent fortement altérés (Velthuis,
2005).
Thomas, Camille
Université de Montréal
Conflits de travail et modes de résolution :
comment l’anthropologie juridique éclaire-t-elle
le cas des travailleurs ?
Qu’ils soient natifs, expatriés ou travailleurs
temporaires, les employés d’une entreprise,
locale ou internationale, méconnaissent
souvent leurs droits au travail. Mais en cas de
supérieur hiérarchique) que se passe-t-il ?
Existe-t-il des ressources ? Quels types de
ressources ? Lesquelles seront mobilisées par
les sujets concernés ? Comment ces sujets de
droit s’informent-ils de leurs droits ?
L’anthropologie juridique questionne ainsi les
modes de résolution de conflits et la
connaissance juridique des sujets de droits pour
résoudre ou éviter un conflit (Nader, 1991 &
2002). Dans un contexte sociopolitique
international où les droits des travailleurs sont
de plus en plus remis en question (Piché, 2009),
l’indifférence à leur égard semble s’exprimer
localement et globalement. Cette présentation
s’appuie sur un terrain ethnographique de 3
mois dans la filiale d’une entreprise française
installée à Trinidad et Tobago où a été analysée
l’accessibilité à la justice et la résolution des
conflits de travail pour plusieurs catégories de
travailleurs, employés par une même entreprise
française, mais travaillant dans les Caraïbes. La
délicatesse du sujet implique la mise en place
85
d’une stratégie d’adaptation favorisant la
confiance des personnes à interviewer afin
qu’elle puisse partager leurs expériences
personnelles. Ce terrain de maîtrise a permis
d’amorcer des réflexions méthodologiques et
théoriques quant à la pratique ethnographique
en milieu de travail où l’intérêt principal se
porte sur les modes de résolutions de conflits
au travail. Nous discuterons des enjeux et défis
de l’anthropologue à conduire une thèse de
doctorat au sein de l’écosystème montréalais
par l’analyse du lien entre le bien-être au travail
et les conflits de travail parmi les créateurs de
start-up et leurs employés.
Timofeeva, Ekaterina
Université d’État de Saint-Pétersbourg
Le problème des « migrants » : entre
stigmatisation et indifférence. Vers la
reconnaissance de l’autre
Les notions d’« immigré » et de « migrant »
n’ont pas la même connotation. Cependant, ces
notions sont souvent confondues, tant dans les
discours médiatiques que sociologiques. La
question centrale que l’on se pose consiste
donc à savoir quels sont les dispositifs mis en
place pour favoriser l’usage des deux
qualificatifs. Je propose donc d’envisager la
nature du stigmate attachée au terme de
« migrant » qui évoque une situation plus
précaire que celle d’« immigré ». Comme le
montre l’analyse de contenu des journaux
locaux à Paris et à Saint-Pétersbourg réalisée
dans le cadre de l’enquête sur les processus
d’intégration des immigrés dans les deux villes,
le terme de « migrant » est devenu péjoratif, il
met l’accent sur le « défi national », évoque
l’origine étrangère et se réfère implicitement à
l’appartenance « ethnique » des personnes. Les
populations ainsi traitées et catégorisées sont
racialisées. Se pencher sur le degré
d’intégration des « migrants » soulève la
question de la stigmatisation des populations
non-« autochtones » alors que leur intégration
dans la société n’est qu’un cas particulier de
l’intégration de la société dans son ensemble.
Dans la lignée de A. Honneth, je m’appuie sur le
concept de reconnaissance dans l’étude de
différentes formes d’expression du mépris
social dans des sociétés démocratiques
proclamant les valeurs d’égalité et de dignité de
tous.
Trachman, Mathieu
École des hautes études en sciences sociales –
Institut national d’études démographiques
Se soucier des auteurs de violences conjugales.
Répression, responsabilisation et compassion
À partir de 2008 en France sont mis en place
des dispositifs de prévention des violences
conjugales en direction des auteurs. Alors que
la protection des victimes et la sanction des
auteurs étaient jusque-là les deux volets de la
lutte contre les violences conjugales, l’attention
de l’administration pénitentiaire se porte sur les
hommes condamnés, et des groupes de parole
sont créés au sein des Services de probation et
d’insertion pénitentiaires (SPIP). Comme l’ont
noté certaines associations féministes, ce
déplacement conduit à consacrer du temps et
de l’argent aux auteurs de violences alors que
l’accompagnement des victimes de violences
conjugales reste insuffisant. Pour celles et ceux
qui animent ces groupes de parole il s’agit
cependant de répondre à la violence masculine
en évitant sa réitération. Cet objectif
n’empêche pas une certaine compassion,
parfois exprimée par ces professionnel.le.s,
compassion qui peut être partagée par le
sociologue à l’écoute d’hommes dont la
trajectoire est marquée par la précarité,
l’incarcération et des violences structurelles. À
86
partir d’une enquête menée en France au sein
des SPIP et dans les établissements
pénitentiaires, cette communication souhaite
interroger la prise en charge des auteurs de
violences conjugales, et plus précisément ses
modalités pratiques et ses effets affectifs et
théoriques : comment se soucier des auteurs de
violences conjugales ? En quel sens ce souci
déplace notre compréhension des violences
conjugales ? Je m’attacherai en particulier à
analyser les positions morales que suscite
l’attention portée aux auteurs, de la part de
celles et ceux qui travaillent dans
l’administration pénitentiaire comme des
chercheur.e.s en sciences sociales ; et
l’inscription des violences conjugales dans un
ensemble de violences plus larges qui rend la
responsabilisation des hommes condamnés,
pourtant au centre de leur peine, difficile. Cette
communication repose sur une ethnographie
mêlant observations de groupes de parole,
entretiens avec des auteurs de violences
conjugales et des professionnel.le.s qui les
prennent en charge et archives judiciaires
menée depuis 2013 en région parisienne.
Tremblay, Sylvain
Chercheur indépendant
Les opinions dans les interactions de travail
comme mise en œuvre effective des
collaborations
Entre système social et monde vécu, Habermas,
Mead, Durkheim, Weber, Parsons, conçoivent
des sociétés dont le rapport est rapide, presque
simultané. Ce qui cause des contraintes de
coordination des systèmes d’action et
d’intégration sociale. Certes, un accord peut
être objectivement contraint, mais ce qui
advient de façon visible par l’influence
extérieure ou l’emploi de la violence ne peut
compter subjectivement. L’accord repose sur
des convictions communes (Habermas, 1987a,
T1: 296 dans Robichaud, 2015 : 81). 1- Nous
discuterons des « opinions ». Elles sont, nous
pensons, un élément pour gérer un capital
important : sa propre personne. 2- Les impacts
de cette gestion avec la coordination (règles et
normes) engendrent parfois de la souffrance.
Nous parlerons de l’éclairage que nous offrent
les travaux de Marcelo Otero à ce sujet. 3- Nous
présenterons des auteurs de courants de
pensées sociologiques distincts, mais utiles à
l’observation/interprétation/reconstruction de
diverses formes d’actions collectives. Nous
commencerons par ceux qui précisent les
formes du capital social, de la rationalité et de
la subjectivité. 4- Nous expliquerons pourquoi
des auteurs nous conduisent à introduire notre
notion de réseau de coopération « typique ».
Soit l’élaboration de typologies (sous-
systèmes), nos échantillons, desquels nous
pouvons extraire de l’information. Ensuite nous
discuterons de l’apport du fonctionnement «
typique » (systémique) de nos (sous-systèmes)
au sens qu’ils tendent à faire système ou à
interagir au niveau du travail de production.
Veronis, Luisa
Université d’Ottawa
Le rôle des quartiers pour comprendre la
résilience des familles immigrantes nouvellement
établies
Résumé : voir Dauphin, Anyck
Wogaing Jeannette
Université de Douala
Les malades face à l’apathie du personnel de
soins en milieu hospitalier au Cameroun
87
La santé occupe une place non négligeable
dans les stratégies sectorielles adoptée par le
gouvernement du Cameroun (Ministère de la
Santé Publique, 2016) en vue de résoudre la
problématique de la qualité de vie de
populations majoritairement pauvres dans un
contexte de faiblesse infrastructurelle. L’accent
est le plus souvent mis sur la qualité du plateau
technique (les ressources humaines et
infrastructurelles), la disponibilité des
médicaments, la couverture vaccinale, les
dépistages gratuits de grandes pandémies. La
relation avec le patient, pourtant déterminante
dans une évaluation de la performance des
soins et du système de santé, semble superflue.
Or, les discours des patient.e.s dans les
formations sanitaires camerounaises et les
représentations induites montrent un
personnel de soins en conflit avec ceux qu’ils
sont censés accompagner, entre agressivité et
indifférence. Ainsi, dans une analyse
compréhensive faite d’observations,
d’entretiens et de deux études de cas en milieu
hospitalier doualais, nous nous proposons
d’examiner comment un corps professionnel
théoriquement de soutien, d’espoir et de don
de soi devient, par bien de facteurs psycho-
socio-anthropologiques, déshumanisé et
déshumanisant. La réflexivité des pratiques/-
ants mais aussi la perception des malades
doivent aider à la mise en place d’un système
de santé autour duquel gravite un modèle
translatif du couple malade/patient. Faire de
l’empathie une valeur essentielle des acteurs de
la santé signifie se défaire de leurs polarités
hiérarchiques, pour davantage d’efficacité.
Wolfe, Maxime
Université de Montréal
Du souci des non-humains à l’indifférence du
vivant : quels sont les enjeux du nouveau
matérialisme ?
Dans un contexte de crise écologique où
l’impact environnemental des actions humaines
ne cesse d’être souligné et où des voix de plus
en plus nombreuses se font entendre pour que
l’être humain prenne conscience de sa
responsabilité à l’égard des autres êtres
vivants, le discours véhiculé par le nouveau
matérialisme semble adopter une position
ambiguë quant à la voie, aussi bien théorique
que collective, que nous devrions prendre. La
volonté de décentrement du sujet humain que
l’on retrouve dans le nouveau matérialisme se
caractérise par une redéfinition ontologique de
la matérialité et, corollairement, du vivant et de
la vie. Au lieu de considérer celle-ci comme une
contrainte ou comme une substance passive,
inerte et prédictible, le nouveau matérialisme
vient accorder à la matérialité, aussi bien
organique qu’inorganique, animée qu’inanimée,
des capacités agentives, génératives et
productives intrinsèques. Si cette redéfinition
de la matière, de l’agentivité et de
l’intentionnalité, opérée par les néo-
matérialistes apparaît comme un projet
explicite de passer d’une épistémologie
sujet/objet à une onto-épistémologie
humain/non-humain, afin de palier à
l’indifférence anthropocentriste par la prise en
compte de l’agentivité des non-humains, le
terme de « non-humain » vient toutefois
recouvrir et rassembler un ensemble fort
différent d’entités et de phénomènes qui rend
difficilement compte de la spécificité du vivant,
alors qu’il s’agit pourtant d’un aspect crucial de
la réflexion contemporaine sur notre rapport au
monde. Cette communication s’intéressera
ainsi à la conceptualisation du vivant au sein du
courant théorique du nouveau matérialisme et
aux enjeux qui y sont liés.
Yu, Liqing
Université Laval
88

Négociation d’existence des résidents dissimulée
derrière la reconstruction identitaire — un cas
d’étude du quartier urbain Nanluoguxiang, Chine
À proximité de la Cité interdite au cœur de
Pékin, le quartier Nanluoguxiang a connu des
changements en termes spatiaux et sociaux,
depuis la réforme chinoise lancée en 1978.
Composé de plusieurs ruelles et maisons à cour
carrée, il a été patrimonialisé au niveau
municipal en 1990. Depuis, la protection du
patrimoine, la rénovation urbaine et la
croissance touristique impulsées par les
politiques municipales ont provoqué une forte
tendance de gentrification au quartier.
S'appuyant sur 11 mois d’enquête
ethnographique avec l'observation participante
et des conversations informelles, la
présentation s’attache à mettre en lumière la
manière dont les résidents du quartier ont
négocié leurs moyens de subsistance face aux
nouvelles tensions et opportunités émergeant
de la transformation du quartier. En utilisant les
notions d’infrapolitique, de frontière
identitaire, d’agency, la recherche révèle que
derrière la revendication et la reconstruction
d’une identité locale, se dissimulent des projets
de vie des résidents, leurs attentes et leur
anxiété dus aux turbulences de mutation
économique et sociale. Une variété de
stratégies et de tactiques ont été formulées par
les résidents engagés dans une résistance
quotidienne face aux migrants économiques
aussi bien que l’autorité locale. Bien que sous
différentes formes, les résidents et les migrants
affrontent tous à la précarité produite par les
nouvelles politiques étatiques. Tout en
devenant une main géante en coulisse, la
domination de l’État se voit renforcée plus que
jamais.
Zadi, Djoro Gauthier
INRS–UCS
La concentration ethnique résidentielle chez les
immigrants Chinois, Italiens et Africains : Le cas
de Montréal
Presque toutes les études antérieures
soulignent que plusieurs groupes d’immigrants
habitent dans des quartiers ethniques
relativement homogènes, témoignant de la
concentration résidentielle et de la formation
d’enclaves ethniques. La concentration
résidentielle des immigrants peut être
considérée comme une réponse à la
discrimination perçue sur le marché du
logement ou au sentiment de privation relative
éprouvé dans une certaine communauté.
L’établissement volontaire ou involontaire des
immigrants dans plusieurs localités a fait naitre
des « niches ethniques ». D’une part, cette
concentration ainsi que l’économie d’enclave
ethnique, facilitent l’accès aux assistances
informelles et promeuvent un niveau
relativement élevé de stabilité sociale et de
cohésion potentielle au niveau du quartier,
favorisant l’accumulation du capital social entre
les immigrants et leur insertion socio-
économique. D’autre part, elle risque de
conduire à une ségrégation socio-spatiale et à la
polarisation sociale. La présente étude
s’inscrirait ainsi dans le thème : Ancrages,
localisations, positionnements. Cette étude
examine la concentration ethnique résidentielle
dans la RMR de Montréal pour quatre groupes
d’immigrants : Chinois, Italiens, Africains Noirs
et ceux du Maghreb. Les analyses s’appuient
sur les micro-données confidentielles du
recensement de 2011. Nous identifions d’abord
les niches ethniques en tenant compte de 200
entités administratives à l’aide de la méthode
des Odds Ratio. Ensuite, nous utilisons la
régression logistique pour analyser les
déterminants de la probabilité d’habiter dans
89
une niche ethnique. Les résultats révèlent que révèle être un espace pertinent pour rendre
les immigrants se concentrent dans des compte des changements en cours dans les
quartiers relativement pauvres. L’âge, Le relations de genre dans l’espace urbain, espace
niveau d’instruction, la connaissance des en mouvement et porteur de nouvelles
langues officielles, le niveau de compétence, le contraintes et opportunités intéressant les
revenu, la taille du ménage, le mode relations à l’alimentation des femmes et des
d’habitation, l’année d’immigration, etc., sont hommes. La communication consiste à explorer
des facteurs influençant le fait d’habiter dans les tensions et de tiraillements vécues entre
une niche; toutefois leur effet varie d’une aspirations d’émancipation de nombreuses
groupe ethnique à l’autre. femmes et la pression des « injonctions »
sociales visant la perpétuation du rôle sexué de
« responsables » de l’alimentation familiale.
Zirari, Hayat Cette communication se place dans une
Université Hassan II – Casablanca perspective d’anthropologie alimentaire et de
genre sur un sujet qui se situe au cœur des
Les rapports de genre à l’épreuve de la cuisine débats mettant en jeu les rapports hommes-
femmes dans une société marocaine urbaine en
Cette communication se base sur les résultats pleine mutation.
d’une recherche de terrain portant sur les
pratiques alimentaires et rapports de genre
dans l’espace urbain (Casablanca, Maroc). Dans
le cadre de cette recherche, la cuisine – activité
sexuée assumée principalement par les femmes
– s’est révélée être un espace révélateur de
changements de rôles sexués et de
reconfiguration dans les rapports entre
hommes et femmes au sein de la famille. Il
s’avère également être un lieu d’expression
franche de la surcharge mentale exprimée de
manière claire et spontanée de la part des
femmes. L’activité cuisine, destinée aux soins
des autres (principalement enfants et époux)
met les femmes face à des arbitrages et
tiraillements entre ce qu’elles doivent faire et
ce qu’elles aspirent à être. Le souci des autres
et la disponibilité qu’elle mobilise de leur part,
connote d’une sollicitude et d’une
forme d’engagement du fait, d’une part, de sa
nature récurrente, préoccupante et invisible et,
d’autre part, de l’indifférence et absence de
reconnaissance d’empathie de la part des
hommes. La cuisine – en tant qu’activité sexuée
et destinée exclusivement aux soins des autres
notamment enfants et époux – la cuisine se

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