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C’est une agitation douce.

Celle des visiteurs curieux, des bus incessants, de la pierre chargée d’histoire,
des étudiants fatigués, excités. C’est le château de Guillaume, illuminé de violet à la nuit tombée. C’est
le cœur de Caen. Pourtant, ma vue est pleine de verdure. Les moutons broutent dans les douves.
Campagne et ville se brouillent. Puis c’est le béton, les voitures, mes pas pressés vers le lycée ou ma
tête posée contre la vitre froide du bus. Je ne m’attarde pas en centre-ville. Seulement parfois pour
combler ma faim avec des amis. Mais mon regard parcourt les pavés, les couleurs, les statues. J’écoute.
Je sens l’air frais. Puis c’est la mairie, l’Abbaye aux hommes, la beauté stable de l’architecture opposé
aux va et viens lassants des voitures. Malherbe est pareil. Un aéroport constant des rêves, des échecs,
des fou-rires et des coups de stress. Un ensemble de vieux bâtiments rapiécés avec des grandes fenêtres.
Je passe près de la patinoire. Une pensée pour une amie. Je longe l’hippodrome. Un regard pour les
chevaux. Je traverse l’Orne. Je m’arrête. Toujours. Regarde l’eau calme, sa couleur sombre, le ciel et le
tram qui passe. Ce tram je le connais par cœur, la ligne 3 m’agace, les deux autres me calment.
Dans le T1, retour de psy, je jette un coup d’œil vers la bibliothèque Alexis de Tocqueville. La BADT.
Elle est familière, plus, elle est de famille. Si j’y entre, on me sourit. L’ombre de ma mère est encore
dans les murs.
Retour à la maison, à travers l’agitation du centre-ville et de ces adolescents. Sentiment d’entre-soi.
Mais, là, cinq heures par semaines, sentiment d’ouverture. Même tram, dans l’autre sens, je passe par la
gare. Mes sens sont plus éveillés. Lieu dangereux, pourtant côtoyé. Je connais les rails vers Paris.
Cependant ce jour là je ne m’arrête pas, je descends à l’arrêt suivant, marche 900 mètres, foule d’un pas
rapide le trottoir et ses irrégularités que je devine en fermant les yeux. Enfin, j’arrive. Rue de l’Union.
Je crois voir un vieux garage, en fait c’est mon lieu préféré. La poignée de la porte est dure à tourner
mais la lumière, les sourires, la chaleur et l’odeur familière qui m’accueille valent toutes les peines du
monde. Monde dans lequel je me perds ensuite pour quelques heures de théâtre et par le regard de mes
camarades de groupes qui dit : maison.
Un week-end, je retourne dans mon ancienne maison. Il faut passer devant le Lycée Charles de Gaulle,
lieu de rendez-vous avec mes amis de toujours. Ceux qui étaient à Dunois, parfois même à Fernand
Leger, qui ont partagé avec moi la douce enfance de ce quartier résidentiel qui côtoie celui plus animé
du Chemin Vert. J’y connais ma première salle de spectacle, l’adresse d’une amie intime et le centre
aéré détesté. Il n’y a pas vraiment d’odeur, pas trop de couleur.
Un soupire d’aise m’échappe quand je retrouve la verdure de mes douves et ses moutons.
Je lève les yeux, nos baies vitrées au plafond m’offrent le ciel. Peu importe où je suis à Caen, il est
toujours beau, même dans ses teintes de gris .

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