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R E P E R E S Les cahiers de l’accompagnement

L’ACCOMPAGNEMENT,
ENTRE CONTRAINTE ET LIBERTÉ
QUELLES FORMES
DE COOPÉRATION POUR L’INSERTION ?

60 Editions du CARIF Poitou-Charentes


Présentation générale

Les Journées de l'accompagnement rassemblent depuis 2001 des intervenants du champ


de la formation, de l'insertion sociale et professionnelle, de l'insertion par l'économique,
de l'orientation, du bilan de compétences, de la validation d'acquis… désireux d'é-
changer autour des pratiques d'accompagnement. Elles sont coordonnées par le GIP
Qualité de la formation en partenariat, selon les thèmes abordés, avec l'AGEVIF-CAFOC,
le CIBC Charentes et Vienne, le CREAHI Poitou-Charentes, le CARIF Poitou-Charentes.

Ce numéro de la collection Repères regroupe les travaux et réflexions menés dans le


cadre des Journées de l'accompagnement en juin 2004 (L'accompagnement, entre
contrainte et liberté) et juin 2005 (Quelles formes de coopération pour l'insertion ?).

Cette nouvelle parution complète les documents précédemment publiés :

• Repères n°42 (épuisé)


- Ethique et accompagnement
- Les compétences des accompagnateurs
• Repères n°47
- L'entretien dans les pratiques d'accompagnement
- Les limites de l'accompagnement
• Repères n° 52
- Accompagnateurs, quels repères identitaires ?
- Missions, rôles et effets de l'accompagnement

Tous ces documents sont téléchargeables à partir des sites :

www.gip-qualiteformation.fr
www.carif-poitou-charentes.asso.fr
Pour toute information :

GIP Qualité de la formation


22 bis rue Arsène Orillard - BP 393
86010 POITIERS cedex
Tél : 05 49 50 32 90
Courriel : bienvenue@gip-qualiteformation.fr

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’Accompagnement 1


Ont contribué à ce numéro :

Catherine BERNATET, INSTEP Aquitaine

Anne GODIN-KIENON, GIP Qualité de la formation

Magali HUMEAU, AGEVIF-CAFOC, Poitiers

Abdelaâli LAOUKILI, ARIP, Paris

Ouiza MEZIANE, CARIF Poitou-Charentes

Elisabeth PELLOQUIN, CREAHI Poitou-Charentes

Patrick POITIERS, IRFREP Niort, Ligue de l'Enseignement Poitou-Charentes

Didier VALDES, AGEVIF-CAFOC, Poitiers

Coordination : Sonia SPERONI, GIP Qualité de la formation

2 Les Cahiers de l’Accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


SOMMAIRE
LES CAHIERS DE L’ACCOMPAGNEMENT
L’accompagnement, entre contrainte et liberté.
Quelles formes de coopération pour l’insertion ?

INTRODUCTION .....................................................................................................................4

PREMIÈRE PARTIE : L’ACCOMPAGNEMENT, ENTRE CONTRAINTE ET LIBERTÉ ..............................6

Présentation de la journée du 25 juin 2004......................................................................................6

La gestion par les procédures et le métier d’accompagnateur, Conférence d’Abdelaâli LAOUKILI .......7

Compte-rendu des ateliers .............................................................................................................23

Bibliographie ................................................................................................................................35

DEUXIÈME PARTIE : QUELLES FORMES DE COOPÉRATION POUR L’INSERTION ?......................36

Présentation de la journée du 30 juin 2005 ...................................................................................36

Réussir les parcours d’insertion : quel renouvellement des pratiques d’accompagnement ? Conférence

de Catherine BERNATET ................................................................................................................37

Témoignages régionaux ................................................................................................................48

Compte-rendu des ateliers .............................................................................................................52

Bibliographie ................................................................................................................................69

REPÈRES
N U M É R O 60 3
Introduction

L’ACCOMPAGNEMENT, vaille-t-on ? et nous invitait à examiner


ÇA SERT À QUOI ? notre travail de praticien de l'accompa-
Lors de notre rencontre de décembre gnement avec une question : Comment
2003, nous avions souhaité traiter l'ac- expliquer à un financeur à quoi se mesure
compagnement non seulement en termes l'autonomie ?
de pratiques mais aussi permettre une L'accompagnement, d'abord pensé en
réflexion sur les effets attendus et les effets termes de pratiques, est peu à peu perçu
produits ; en d'autres termes, réfléchir comme objet de commande, d'évaluation,
ensemble sur l'accompagnement, ça sert à de procédures et cela suscite d'emblée
qui ? ça sert à quoi ? En fait, ce thème était des réticences, s'exprime en termes d'in-
présent depuis plusieurs années et s'est peu compréhensions et de difficultés. En effet,
à peu précisé. Dès la première conférence l'application d'une certaine rationalité à
en juin 2001, Guy BOURGEAULT nous une pratique qui se caractérise par la
demandait : Quelles sont mes adhésions, complexité et l'incertitude de la rencontre
mes solidarités premières ? nous incitant à humaine ne va pas sans poser questions.
y réfléchir selon une éthique personnelle et
une éthique professionnelle, nous recom- UN OBJET FLOU
mandant de porter le questionnement Maëla PAUL nous avait avertis : l'accom-
éthique vers l'amont des interventions, pagnement est une nébuleuse ; Marine
quand se rédigent les cahiers des charges PEYRE en 2003 signalait que, bien
et les contrats. Tandis que Bernard LANGE- souvent, la formation et le parcours des
LIER dans un atelier sur le rapport à l'ar- accompagnateurs ne permet pas de
gent demandait : Qui achète la prestation définir une identité professionnelle à
d'accompagnement ? Il évoquait déjà l'é- bords nets. Christian HESLON nous a
valuation de la mesure et les critères de demandé : Sommes-nous convaincants ?
résultats ; on signalait le manque de Si l'accompagnement est bien un objet
transparence pour l'accompagnateur de ce flou, sommes-nous capables de le penser
qui est négocié au niveau de la commande. de façon suffisamment claire pour les
Un an plus tard, André CHAUVET nous autres et en particulier pour les finan-
lançait plus abruptement : Pour qui tra- ceurs ?

4 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Cette pratique souvent bricolée, qui s'est concertation qui ouvrent aux acteurs de
construite sur la créativité et l'autonomie l'accompagnement des espaces de dia-
des praticiens, se voit aujourd'hui de plus logue et de réflexion. Le nombre et la
en plus régulée, prescrite, décrite dans des diversité des participants de cette ren-
contrats d'accompagnement ou dans les contre confirment les Journées de l'ac-
cahiers des clauses techniques des appels compagnement comme un tel espace,
d'offres, évaluée, cadrée par des indica- propice à la réflexion partagée entre pra-
teurs, soumise à des exigences de résultats. ticiens et décideurs. C'est en tout cas un
Globalement et pour simplifier, les disposi- axe de travail que le GIP Qualité de la
tifs de commande et d'évaluation mettent formation entend poursuivre.
de la contrainte là où le professionnel
croyait travailler dans la liberté d'une ren-
contre singulière avec un individu.
L'émergence de cette préoccupation, pro-
gressive mais constante, nous a assez natu-
rellement conduits vers le thème de la
journée de juin 2004 : L'accompagnement,
entre contrainte et liberté avec une inter-
vention de Monsieur Abdelaâli LAOUKILI
sur la gestion par les procédures et le métier
d’accompagnateur.

DES ESPACES DE DIALOGUE


ET DE RÉFLEXION
La réflexion menée en 2003 et les moda-
lités qu’elle a empruntées nous avaient
confirmé la pertinence de travailler au
niveau des structures et de leur environne-
ment institutionnel, en transversalité sur
certaines mesures et en mettant du lien
entre commanditaires et praticiens. La
rencontre de juin 2005 a traité des
formes de coopération pour l'insertion
mises en œuvre entre les acteurs de l'ac-
compagnement, le monde économique,
les décideurs politiques du territoire.
Madame Catherine BERNATET y a pré-
senté des exemples de coopération et de

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 5


L’accompagnement,
entre contrainte et liberté
Journée du 25 juin 2004

PRÉSENTATION tableaux tirés de sa présentation, vous est


proposé en première partie de ce numéro.
Organisée par le GIP Qualité de la forma- Il est suivi des comptes-rendus des ateliers
tion en partenariat avec l'AGEVIF-CAFOC, ayant permis de poursuivre la réflexion
le CIBC Charente et le CREAHI, une autour des thèmes suivants :
Journée de l'accompagnement intitulée
"L'accompagnement entre contrainte et • Entre commanditaires et praticiens,
liberté" s'est tenue à POITIERS le 25 juin quels espaces de régulation ?
2004. Elle a rassemblé 85 participants du • En quoi les procédures modifient-elles la
champ de l'accompagnement (en forma- relation accompagnant / accompagné ?
tion, insertion sociale et professionnelle, • Les cadres de l'accompagnement : iden-
insertion par l'économique, orientation, tification et typologie des contraintes.
bilan de compétences, validation des
acquis…) autour du thème des contraintes
dans lesquelles s'inscrivent les pratiques
d'accompagnement ; contraintes qui inter-
pellent le praticien, interrogent ses marges
de liberté, mais aussi qui structurent l'action
et la rendent lisible.

Monsieur Abdelaâli LAOUKILI, psychoso-


ciologue, membre de l'ARIP (Association
de Recherche et d'Intervention Psycho-
sociologiques) et du comité de rédaction de
1
la revue CONNEXIONS , a proposé une
conférence intitulée : Le métier d'accompa-
gnateur face à "l'homme procédural".

L’article de M. LAOUKILI, rédigé après son


1. Les procédures comme organisateurs institutionnels.
intervention et enrichi de quelques Revue Connexions n° 79. Editions ERES, 2003.

6 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


LA GESTION PAR LES PROCEDURES ET LE METIER D’ACCOMPAGNATEUR

Par Abdelaâli LAOUKILI, Psycho-sociologue, intervenant à l’ARIP


et consultant associé à TANIT RH

INTRODUCTION Pour comprendre les ressorts et les carac-


téristiques de ce nouveau mode de fonc-
On assiste, depuis une dizaine d’années,
tionnement, nous proposons une grille de
à une introduction forte de procédures et
lecture cherchant à articuler de façon
de méthodes de gestion dans tous les sec-
dynamique les liens qui existent entre trois
teurs d’activités, des entreprises privées
grands types de variables :
aux administrations et associations à "but
non lucratif". Ces procédures et méthodes • les valeurs et la logique du système éco-
visent, comme énoncé souvent, l’introduc- nomique et les contraintes qu’il impose à
tion d’une logique d’efficacité et de résul- la sphère sociale de manière générale, au
tats dans la gestion des moyens, mais travers notamment du rétrécissement des
aboutissent souvent à un contrôle sur les budgets alloués à l’intervention publique
comportements et conduites des acteurs et dans la logique libérale,
leur conformité à des modes opératoires • les systèmes d’organisation et de gestion,
définis préalablement. Le présent article leur rationalité et la place prise par la tech-
vise à comprendre les logiques structu- nique au détriment de la logique délibéra-
relles et culturelles, systémiques, qui font tive entre les acteurs,
de la gestion par les procédures un mode • les représentations intériorisées par les
de fonctionnement de plus en plus domi- acteurs et les processus d’influence et de
nant, ayant des effets assez importants, et pouvoir à l’œuvre dans ces nouveaux
souvent assez néfastes, sur le rapport au modes de fonctionnement.
travail et les relations de travail. Il s’agit
donc de comprendre la logique propre de DÉTERMINANTS
ce "nouveau" mode de fonctionnement ET CARACTÉRISTIQUES DU MODE DE
qui, pour certains, ne fait que "recycler" FONCTIONNEMENT PROCÉDURAL
ou "mixer" d’anciens types de fonctionne-
ment (bureaucratie, taylorisme, techno-
Prégnance de l’économique
cratie) pour aboutir à un néo-taylorisme
sur les autres sphères
ou à une nouvelle bureaucratie2, détour- de la vie sociale
nant ou transgressant par là, toutes les
De manière macro-économique et dans la
promesses qui ont été faites par les théo-
logique libérale dominante, il existe une
riciens du management sur la participa-
2. Voir DIET Emmanuel, "L’homme procéral. De la perver-
tion, l’implication, l’initiative et l’auto- sion sociale à la désubjectivation alienante", in
nomie des salariés. Connexions, Erès, n° 79, 2004.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 7


pression sur les Etats nationaux pour de favoriser un meilleur usage des moyens
réduire leurs dépenses et se retirer d’un - sa prégnance risque de mettre de côté les
certain nombre de secteurs de la vie éco- autres buts à atteindre ou conditions à
nomique au profit du marché et des respecter dans la définition des objectifs et
logiques capitalistiques. Cette pression le choix des moyens. En effet, pour qu’une
"intériorisée" et conçue dans une certaine procédure soit juste, il faut qu’elle nous
vision du rôle de l’Etat comme agent éco- permette d’atteindre les objectifs visés mais
nomique fonctionne comme l’indicateur aussi, comme c’est le cas dans le domaine
de la "bonne gestion". L’Etat, converti juridique, qu’elle puisse garantir les droits
ainsi à un rôle de gestionnaire, se et les intérêts des différentes parties. Pour
retrouve investi dans une approche comp- ce faire, chaque procédure doit comporter
table et à court terme des politiques une phase incontournable d’élaboration et
publiques conçues comme sources de de partage des buts et des conduites
dépenses et devant générer des résultats à attendus à partir d’une vision commune de
court terme. L’introduction des logiques ce qui, dans le réel, pose problème ou doit
d’évaluation (E. DIET parle de "folie éva- être amélioré.
luative") est là pour sommer les différents
acteurs, dans le champ social notamment, Il est clair que la vision du "technocrate"
de justifier les ressources et budgets (celui qui a une vision technique du pro-
alloués par des résultats tangibles et visi- blème) dans sa volonté de maîtrise et de
bles dans les champs de leur responsabi- contrôle du réel, ne s’accommode pas
lité. La visée procédurale et de contrôle est facilement avec les nécessités d’engager
ainsi réalisée par le truchement de la une délibération avec les autres acteurs,
logique comptable et de la logique éva- foncièrement incertaine et "consomma-
luative, qui à défaut d’évaluer des résul- trice" de temps. Le contrôle de l’incerti-
tats ne pouvant être observés qu’à plus ou tude et le contrôle des coûts se trouvent
moins long terme, deviennent un contrôle ainsi et de manière inconsciente comme
sur les moyens et les conduites des acteurs des impératifs majeurs aux yeux de notre
pour y arriver. technocrate, pas toujours si libre ni si
innovant pour concevoir des dispositifs
Prédominance de la logique
d’élaboration et de mise en œuvre des
instrumentale sur la logique
décisions adaptés aux enjeux et
délibérative
contraintes de la situation. La conception
Les procédures sont souvent présentées, et implicite à ce type de fonctionnement (voir
parfois à juste titre, comme une recherche le tableau sur les structures d’organisation
d’optimisation et d’efficacité dans la p. 10), est celle d’individus très compé-
gestion des moyens. Si cet objectif ne doit tents et capables par leur intelligence de
pas être contesté en soi - la vocation d’une concevoir des systèmes de décision et
procédure est en effet d’aider à aller vite et d’action qui englobent les différents

8 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


aspects d’un problème. De ce fait, ils sont • Dans la première, caractéristique du
capables de se passer de la concertation fonctionnement actuel des systèmes, la
et de la logique délibérative, ou alors seu- visée reste le succès ou l’efficacité, c’est-
lement de la traiter au travers d’une phase à-dire l’atteinte des objectifs de l’organi-
de consultation préalable et sommaire, sation. L’exigence du pouvoir est grande
visant plus à asseoir une logique straté- et il existe une répartition hiérarchisée des
gique (comment éviter les résistances) rôles et des fonctions au sein du système.
qu’à s’engager véritablement dans la Les relations sont de sujet à objet et la
prise en compte des besoins et intérêts des conviction (l’adhésion dira-t-on) s’obtient
uns et des autres. par influence, séduction, emprise, persua-
sion/dissuasion ou récompense/punition.
Jürgen HABERMAS3 démontre l’importance
L’environnement ou le champ d’action est
prise par la technique dans la société
objectivé et l’action des partenaires est
moderne. A la suite des auteurs de l’Ecole
limitée à leur valeur de moyens (ou res-
de Francfort (ADORNO, MARCUSE, HOR-
sources) stratégiques pour atteindre les
KHEIMER)4, il se préoccupe des liens entre
buts. L’accord est obtenu.
la logique des systèmes et la logique du
monde vécu (voir schéma page suivante).
• Dans la seconde, la visée est l’entente.
"La technique a arraisonné la société et l’a
L’exigence du pouvoir est faible et celle de
soumise à ses raisons" et il existe de plus en
la validité est forte. Les relations sont de
plus une disjonction entre le fonctionnement
sujet à sujet et la conviction est favorisée
des "systèmes" et le "monde vécu". Les
par exigence réciproque de validité et de
impératifs des systèmes économiques et
vérité. L’environnement fait l’objet d’une
bureaucratiques menacent aujourd’hui de
évaluation multidimensionnelle, objective
"coloniser" totalement la sphère privée et
et subjective, et les actions des partenaires
publique. "Je fixe des objectifs à mes
ont autant d’importance les unes que les
enfants" m’avait un jour dit fièrement un
autres. L’accord, à la fin, est partagé.
cadre supérieur d’une multinationale infor-
HABERMAS insiste sur l’ambivalence struc-
matique, persuadé qu’il était de la justesse
turelle entre d’un côté la logique des sys-
des principes de management de la société
tèmes et, de l’autre, la logique du monde
où il travaillait et de leur transférabilité sup-
vécu. Le dépassement de cette ambivalence
posée bénéfique dans sa vie familiale.
ne peut se faire qu’au travers d’un accord
commun sur deux choses : l’importance du
Pour sortir de la disjonction entre les sys- problème à traiter, c’est-à-dire les
tèmes et le monde vécu, J. HABERMAS
3. HABERMAS Jürgen, "La technique et la science comme
arrive à distinguer entre une communica- idéologie", Gallimard, 1990. "Théorie de l’agir commu-
tion stratégique et une communication nicationnel", Fayard, 1987.
4. Encyclopaedia Universalis, 1997 : voir le chapitre
d’intercompréhension : consacré à l’Ecole de Francfort.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 9


COMMUNICATION STRATÉGIQUE
ET COMMUNICATION D’INTERCOMPRÉHENSION
(J. Habermas)

Logique Logique
du Système du Monde vécu
Ambivalence

Communication stratégique Communication d’intercompréhension

Exigence de pouvoir Exigence de validité

Réelle
Potentielle
Validité Reconnaissance réciproque de la
Faible exigence de justification
des arguments validité
de la validité
Liée à l’acceptation de la réfutation

Suscitée par exigence réciproque de


Suscitée par influence : validité dans trois mondes :
- séduction, emprise - vérité (monde objectif)
Conviction
- persuasion / dissuasion - justesse morale (monde social)
- récompense / punition - authenticité, expression esthétique
(monde subjectif)
Relations entre
Sujets / Objets les acteurs Sujets / Sujets

Médiatisation par la symbolisation


Médiatisation par la technicisation Moyens de du Monde Vécu
coordination et du système de rationalité

Clivage Dialectique
Société
entre Système et Monde Vécu entre Système et Monde Vécu

Sans feed-back Interaction Avec feed-back

Objectivation Environnement Evaluation réciproque

Limitée à leur valeur Action des Aussi importante


de moyens stratégiques partenaires que la sienne propre

Faible Transparence Forte

Unilatéral Réciproque
Engagement
Accord obtenu Accord partagé

10 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


valeurs et buts poursuivis, et la visée Pour PALMADE, un problème existe à
démocratique, c'est-à-dire le mode de partir du moment où l'on ne connaît ni le
participation. Les procédures, pensées but que l’on va poursuivre ni le chemin qui
souvent sur le registre d’une communica- va nous permettre d’y arriver. On se trouve
tion stratégique et non d’une communica- dans un "état initial insatisfaisant" sans
tion d’intercompréhension, risquent d’a- connaître suffisamment les raisons de cette
boutir à de nouvelles formes de domina- insatisfaction, pas plus que "l’état-but" qui
tion, qui viendraient accentuer ou masquer nous permettrait de dépasser cette insatis-
la domination dans le réel. HORKHEIMER faction et d’atteindre nos objectifs, ni les
et ADORNO ont montré que le "pouvoir moyens ou le chemin pour y arriver.
du progrès", entendu comme progrès
technique, entraîne nécessairement "le Un travail itératif est donc nécessaire entre :
progrès du pouvoir". Ils ont mis en évi-
• notre état d’insatisfaction (état initial) :
dence que la rationalité et la logique de la
de quoi est-on insatisfait, pourquoi,
domination ont permis, pendant la
comment s’exprime notre insatisfaction,
deuxième guerre mondiale, la mort de
n’est-elle pas liée avec autre chose dont
plusieurs millions d’hommes dans les
on n’a pas une idée ou une information
camps de concentration.
précise, est-ce important et urgent pour
nous de la traiter maintenant ?
Réduction des problèmes • nos objectifs ou notre représentation de
au détriment de la complexité l’état-but dans lequel disparaîtrait l’insatis-
Guy PALMADE5, dans un travail sur faction : quels sont les buts finaux (intrans-
l’étude des problèmes, présente une itifs) que l’on doit se fixer pour sortir de
approche qui se distingue assez nettement l’état d’insatisfaction, quels sont les buts
des approches TWI6 ou de la Qualité. Ces intermédiaires (transitifs) qui peuvent nous
méthodes ont servi, dès les années 80, de aider ou par lesquels on doit passer pour
modèles à l’ensemble des approches pro- atteindre le but final, poursuit-on un seul
cédurales qui se sont développées par la objectif ou est-on obligé d’en avoir plu-
suite et dont les nouvelles technologies de sieurs à la fois, quels sont les liens entre
l’information et de la communication ces différents objectifs, sont-ils complé-
(NTIC) ont favorisé l’essor. Ces méthodes, mentaires, opposés, contradictoires, quel
assez prisées par nos ingénieurs et techni- optimum doit-on pouvoir réaliser sur les
ciens et ayant une certaine pertinence objectifs pour que leur atteinte soit faci-
dans le domaine de la production indus- litée, existe-t-il des priorités dans l’atteinte
trielle, ne s’avèrent pas toujours adaptées des différents objectifs, etc ?
quand les problèmes sont complexes ou à 5. PALMADE Guy, "L’étude des problèmes", document non
publié. Service de formation d’EDF.
plusieurs entrées tel qu’il est question 6. Training Within Industry, méthode de qualité d’origine
souvent dans le monde social. américaine.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 11


• les variables réductrices (de la distance la réalité "extérieure". L’auteur insiste sur la
au but) : il s’agit de l’ensemble des élé- nécessité d’éviter deux biais :
ments sur lesquels on peut agir (varier) et - une approche technocratique qui consi-
qui vont nous permettre d’arriver à nos dère que tous les problèmes peuvent se
buts. Elles peuvent être de plusieurs traiter au travers d’approches opératoires
natures : des moyens ou des ressources et par la quantification sur des variables
techniques, financiers, humains, autres, qui doivent être "objectivées" ou mesurées,
des conduites et des comportements des ce qui laisserait de côté tout ce qui ne peut
agents concernés par le problème ou qui l’être a priori ;
peuvent intervenir dans la solution.
- une approche "psychologisante" qui a ten-
• les contraintes : ce sont l’ensemble des dance à penser que "tout serait résolu si le
éléments qui vont agir dans le sens problème des relations humaines était traité".
contraire à la réduction de la distance au Il faut donc, selon l’auteur, éviter le clivage
but et sur lesquels on ne peut pas inter- entre ce qui est, d’un côté, affectivité, émo-
venir. Ils peuvent exister comme des tions, conduites et motivations individuelles et
données à prendre en compte dès le collectives et, de l’autre, institutions, réalités
départ ou qui vont apparaître au fur et à économiques et technologiques.
mesure de notre avancée vers le but. Ces
Une des caractéristiques du fonctionne-
contraintes peuvent se présenter comme
ment par les procédures dans une vision
des caractéristiques du champ sur lequel
technocratique est de considérer que les
on veut intervenir, des limites dans les
problèmes n'existent qu'en extériorité ou
moyens dont on peut disposer comme nos
que l’on pourrait tout "objectiver" et tout
propres limites ou impossibilités. Notre
rationaliser, qu’il suffirait aux acteurs
créativité à contourner ces contraintes
d’appliquer la bonne méthode pour y
peut nous aider à trouver d’autres moyens
arriver. Dans cette conception, la subjecti-
pour arriver à nos buts.
vité est une dimension qui doit être tenue
à l’écart car elle risque de "fausser" les
Dans cette approche, PALMADE fait la dis- capacités de jugement, ou alors les fac-
tinction entre ce qu’il appelle des pro- teurs subjectifs ne sont pas pris en compte
blèmes en extériorité et des problèmes en car "trop variables" pour être "tenus"
intériorité. Les premiers renvoient aux ques- dans une équation. Cette tendance à la
tions et aux réalités économiques, tech- maîtrise du réel dans une équation
niques, matérielles, en somme tout ce qui mathématique est aussi bien une exigence
peut être extérieur aux agents. Les seconds forte du système capitaliste qu’une tour-
concernent les émotions, affectivité, repré- nure d’esprit des technocrates chargés de
sentations et motivations des acteurs, ce qui le faire fonctionner. L’incertitude, les aléas
leur est intrinsèquement lié et qui se trouve de la subjectivité doivent être neutralisés,
vécu ou mobilisé dans leur interaction avec sinon contrôlés au maximum.

12 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Le nouveau management, Cette homogénéisation des modes de
les procédures et le contrôle social fonctionnement quel que soit le type d’or-
Max PAGES et ses collaborateurs7 ont ganisation et les valeurs qui les instituent
montré comment le management en tant est dénoncé par plusieurs auteurs.
que "pouvoir de la science" et "science du
pouvoir" est de moins en moins le champ Eugène ENRIQUEZ8 avait déjà montré les
d’amateurs, il se "scientise" de plus en différences existant entre cinq types d’orga-
plus. Par conséquent le pouvoir n’est plus nisation : charismatique, bureaucratique,
dans les mains de chefs "omnipotents" à
technocratique, coopérative et en réseau.
qui l'on peut s’opposer ou résister. Il
Ceci, aussi bien au niveau des valeurs insti-
réside "désormais dans les rouages, les
tuantes (les valeurs fondatrices) qu’au
mécanismes et les procédures, l’appa-
niveau de ce qui est institué (les modes d’or-
reillage, les dispositifs des organisations,
plutôt que dans les individus qui les font ganisation et de fonctionnement).
fonctionner (…). Ce sont donc les règles,
les politiques, les dispositifs de l’organisa- L’auteur démontre comment, dans tout pro-
tion, et non plus les décisions du chef, qui cessus de modernisation ou de change-
gouvernent la vie quotidienne. Les inves- ment des organisations, il est nécessaire de
tissements et les conflits inconscients faire attention à leur structure. Celle-ci ne
majeurs ne sont plus vécus dans le rapport constitue pas seulement un organigramme
aux chefs mais à l’organisation. On ne répartissant le pouvoir et le travail, dans
fantasme plus sur le chef, devenu simple une vision mécaniste (structure bureaucra-
agent de l’organisation, mais sur l’organi- tique) ou rationnelle (structure technocra-
sation elle-même." (op cit p. 250). tique) mais c’est l’ensemble des valeurs et
Les procédures qu’on voit fleurir de plus modes de fonctionnement intériorisés par
en plus dans les organisations, quel que les individus qui fait la structure. On ne
soit leur type, ne sont plus des protocoles peut donc agir seulement sur l’un des para-
ou des règles élaborées dans un coin par mètres pour produire le changement.
quelques bureaucrates zélés ou en mal de
reconnaissance, mais le résultat d’un On peut noter avec Jean-Claude ROUCHY9
système fonctionnant de manière globale que les transpositions d’outils et de
et aboutissant à des formes plus ou moins méthodes d’une structure à une autre ne suf-
totalitaires. L’avènement des NTIC permet fisent pas pour créer le changement ou l’ef-
à ce système d’asseoir son contrôle sur les ficacité attendue.
moindres détails de la vie d’une organisa- 7. PAGES Max (et coll.), "L’emprise de l’organisation",
tion. Il suffit dorénavant de définir les Desclée De Brouwer, 1998.
8. ENRIQUEZ Eugène, "Evaluation des hommes et structures
règles, de les mettre dans les "tuyaux" (les d’organisation des entreprises", in Connexions, Erès, n°
19, 1976, EPI. "Structures d’organisation et contrôle
fameux systèmes d’information) et tout le social", in Connexions, Erès, n° 41, 1983.
monde se trouve obligé de fonctionner à 9. ROUCHY Jean-Claude, SOULA-DESROCHES Monique,
"Institution et changement : processus psychique et organi-
l'identique. sation", Erès, 2004.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 13


STRUCTURES D’ORGANISATION ET MODE DE FONCTIONNEMENT

14
(E. Enriquez)
Charimatique Bureaucratique Technocratique Coopérative En réseau

Organigramme Structure en étoile Modèle mécaniste, Organigramme plat, Flou et fluctuant. Chaque partie ou
autour d’une système pyramidal et réduction des lignes chaque établissement
personnalité hiérarchique, fonctions hiérarchiques, garde sa structure
charismatique, structure définies par règles et fonctionnement par propre.
qui reste floue. normes. groupes de travail.
Principes de Absence de règles et Division du travail Autorité de compétences Interdépendance et Partenariats et
fonctionnement compétition entre poussée, organisation règles de gestion participation dans la complémentarité des
collaborateurs. rationnelle, rationnelles. définition et la objectifs.
fonctionnement normé. réalisation des objectifs.
Critères de choix des Dévouement, loyauté et Critères de qualification Compétence technique. Critères de qualification Choix mutuel en

Les Cahiers de l’accompagnement


collaborateurs obéissance à l’égard qui définissent la bonne plus larges, qualification fonction d’intérêts
du chef. occupation du poste. pour une carrière plus que communs et/ou de
pour un poste unique. compétences
complémentaires.
Participation aux Diviser pour mieux Activités régies par Marge d’autonomie laissée Prise d’initiatives quant Décision collégiale sur
décisions régner, pas de consignes. dans le choix des moyens. aux objectifs à les objectifs communs.
délégation explicite. poursuivre, aux moyens
et aux méthodes à utiliser.
Inconvénients / Chacun est en Cloisonnement des Utopie d’un savoir L’autocontrôle nécessite Le partenariat nécessite
Fonctionnement compétition pour être services, lourdeur et univoque et impersonnel une fonction permanente de fait une démarche
reconnu et apprécié difficultés à changer, auquel chacun doit se d’analyse des processus de confrontation des
par le chef. intériorisation par les soumettre sans interroger de régulation de la représentations
individus des préceptes les valeurs qui le fondent, conflictualité liée à mutuelles et d’évolution
de l’organisation qu’ils renforcement de la l’interdépendance, des identités
vivent comme compétition entre ses utopie sous-jacente professionnelles, la
interdictrice et les membres qui désirent être d’une fratrie a- question de l’unité
surveillant attachés à l’organisation, conflictuelle où existerait culturelle se pose.
constamment. la prendre comme idéal l’égalité des
et se vouer à elle, on se compétences et des
défait de ceux qui ne investissements
correspondent pas au personnels. Un état
profil de la fonction. "d’illusion groupale".

Edition CARIF Poitou-Charentes


"C’est le cas des efforts de décideurs ou de bureaucratie perdant toute capacité de
consultants dans certaines structures renouvellement et d’adaptation à une
bureaucratiques qui, pour les rénover ou en réalité changeante et de plus en plus com-
accroître l’efficacité, préconisent sans le plexe. Le résultat en a été une perte de sens
savoir l’adoption de certaines caractéris- et d’efficacité, qui finit par remettre en
tiques des structures technocratiques (mana- cause l’administration elle-même. Que n’a-
gement, direction par objectifs, entretiens t-on glosé sur les fonctionnaires "ronds de
d’évaluation, gestion par les compétences, cuir", "fainéants", l’administration inca-
etc.). Ce sont des instruments et des tech- pable de se réformer et autres qualificatifs
niques isolés de leur contexte d’ensemble et subjectivant ou idéologisant les causes
perdant du coup toute cohérence et tout d’une telle difficulté de changement. En
sens. Un haut degré de confusion est atteint cherchant à imiter l’entreprise privée, prise
si l’on conserve une structure pyramidale et comme modèle, en empruntant certains de
une autorité hiérarchique en préconisant ces méthodes et outils de management à
des "outils" correspondant à des structures "l’anglo-saxonne", les promoteurs de ce
plates et à l’autorité de compétence, en type de changement n’ont pas vu qu’on ne
instaurant des groupes transversaux par passe pas comme cela d’une structure de
projet dans une autre logique. Ces groupes type bureaucratique à une autre de type
de travail inter-services, mêlant les niveaux technocratique et qu’il fallait considérer la
hiérarchiques, peuvent à tout moment être cohérence d’ensemble du système.
contestés et voir leurs élaborations annulées L’aveuglement a été parfois idéologique
par une autorité hiérarchique qui peut se (moins d’Etat et plus de marché), parfois
sentir menacée de cette situation para- technique (il suffit d’utiliser les méthodes de
doxale." management et les outils des entreprises
performantes) et parfois les deux à la fois.

Historiquement, l’usage des procédures a En guise de résumé…


été initié dans les structures bureaucra-
tiques au moment de la création des
Les procédures représentent un mode de
grandes administrations, ce qui a, au
fonctionnement :
niveau des valeurs instituantes, constitué
- centré sur le faire (évacuant le sens),
(peut constituer encore) un réel progrès ; la
finalité étant en effet de fournir le même - évitant la subjectivité,
service pour les citoyens, de manière éga- - ayant une vision de la réalité positive et
litaire et d’éviter toute discrimination, favo- fonctionnaliste,
ritisme ou népotisme, caractéristiques de la - intériorisé par les acteurs,
société traditionnelle et des relations infor- - visant une efficacité (optimum sur les
melles. Ces procédures se sont muées, par moyens et résultats à court terme) et un
la suite, en un rituel bureaucratique, en contrôle sur les moyens et les conduites.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 15


LE TRAVAIL SOCIAL, explique la grande souffrance des travailleurs
L’ACCOMPAGNEMENT sociaux". Nous voilà ainsi fixés sur les moda-
ET LES TENSIONS lités et les conséquences de l’introduction des
AVEC LA LOGIQUE PROCÉDURALE logiques procédurales dans le travail social.

Les contradictions et tensions vont appa-


Une des caractéristiques du mode de fonc- raître sur différents niveaux :
tionnement par les procédures, comme on • action individuelle/règles et traitement
vient de le voir, est que ses promoteurs ne homogènes,
tiennent pas compte du contexte et des struc- • approche globale/morcellement et
tures organisationnelles dans lesquels ils fragmentation,
veulent le mettre en place. C'est comme s’il • prise en compte de la subjectivité et du
vécu/objectivité réduite au comporte-
existait un mode de fonctionnement
ment manifeste,
rationnel et efficace quels que soient les buts • suivi à moyen et long terme/réponse
et les valeurs d’une institution, d'une organi- ponctuelle et évaluation à court terme,
sation, ou que ce mode de fonctionnement • mobilisation et co-production par la
n’était pas lui-même porteur de ses propres personne accompagnée/logique de
valeurs et logiques d’action. Cette "dépoliti- prestation de service.
sation" (absence d’interrogation sur les buts
et finalités, sur les intérêts des acteurs en pré- Il n’est pas nécessaire de continuer la liste
sence) est une caractéristique importante de pour s’apercevoir comment le modèle
la gestion par les procédures. implicite de la logique procédurale reste le
modèle marchand (vente de service) dans
Dans le cadre du travail social, l’accompa- lequel le besoin de contrôle amène à l’éva-
gnement par des professionnels repose, luation des résultats à court terme et où l’ef-
comme le souligne Brigitte BOUQUET10, "sur ficacité globale des politiques et dispositifs
trois principes fondamentaux : l’action indivi- est tronquée par la simple observation de
duelle (chaque individu vit une situation parti- la réalisation des actions ou de la mise en
culière et on doit y répondre de manière per- œuvre des moyens (centration sur le faire).
sonnalisée), l’approche globale des pro- On est dès lors autorisé à se poser la ques-
blèmes d’une même personne et l’action col- tion de l’efficacité du fonctionnement pro-
lective. Mais celle-ci, poursuit-elle, s’est pro- cédural, au-delà de sa dénonciation à
gressivement effacée dans les années 90, à cause de la souffrance et des tensions qu’il
cause des dispositifs légaux qui privilégient de suscite. Cette souffrance vient des injonc-
plus en plus la réponse ponctuelle, frag- tions paradoxales vécues par les tra-
mentée, et ce malgré le nouveau référentiel du vailleurs sociaux entre leur professionna-
développement social local (qui reste plus une lisme (l’art de leur métier), leur exigence
rhétorique qu’une réalité). C’est cette nouvelle 10. Ethique et travail social, une recherche de sens. Brigitte
logique de la prestation de services qui BOUQUET, DUNOD, 2003.

16 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


de résultats face aux situations de préca- tion forte de ce qui peut se passer. Ainsi se
rité, et des procédures et des moyens de trouvent évacuées dans ce raisonnement, et
fonctionnement de plus en plus aliénants surtout dans les modalités de sa transposi-
ou inadaptés. tion dans d’autres champs, les situations
contradictoires ou conflictuelles ainsi que
L’interrogation sur l’efficacité et l’effi- les situations complexes et incertaines. Ces
cience du mode de fonctionnement procé- dernières ne peuvent être facilement trai-
dural doit être, à notre avis, au centre des tées sans l’intervention des sujets et acteurs
réflexions des travailleurs sociaux, aussi de la situation qui vont leur donner sens et
bien dans une perspective critique (et de agir en fonction du sens ainsi attribué.
contestation) des finalités (masquées) et
des modes opératoires de ces procédures De ce point de vue et comme le note
que dans un projet de dépassement et Emmanuel DIET, "les procédures organi-
d’invention de nouveaux dispositifs d’in- sationnelles apparaissent d’emblée
tervention plus adaptés à la réalité de leur comme radicalement différentes aussi
métier et à ses spécificités. bien des procédures juridiques et de leur
finalité de régulation symbolique, que des
De l’inefficacité des démarches protocoles scientifiques, soumis à l’inter-
et politiques procédurales rogation critique et à la vérification,
dans le champ social qu’elles miment dans le faire-semblant de
l’imposture… La logique du faire fonc-
Les champs juridique et plus récemment
tionne comme productrice de l’impossibi-
informatique ont servi de "modèles" de défi-
lité de penser et même de figurer".
nition et de description de ce que doit
contenir une procédure, entendue à la fois
comme un processus de traitement de l’infor- On peut ainsi montrer les limites des pro-
mation et de résolution de problèmes, mais cédures et donc leur inefficacité sur les dif-
aussi comme un ensemble de prescriptions férentes fonctions qu’elles cherchent le
destinées à fixer les rôles, droits et devoirs plus souvent à satisfaire :
des acteurs. En effet, dans le champ juridique
on trouve des notions d’obligation et de • La fonction politique : Il s’agit de la
responsabilité des différents acteurs, alors prise en compte de l’intérêt, des droits et
que dans le champ informatique on retrouve obligations des différents acteurs ainsi
la notion de traitement de l’information sous que la définition du champ de responsa-
forme d’algorithmes et de raisonnement bilité et de pouvoir des uns et des autres.
binaire en oui/non, ou présence/absence. Une "bonne procédure" serait, dans ce
La visée reste, et c’est là une des sources de cas-là, une procédure dans laquelle l’en-
la limite des procédures, une "délimitation" semble des intérêts, droits et obligations
des champs des possibles et une anticipa- seraient pris en compte. On peut cons-

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 17


tater, a contrario, que dans le cas où la conformer à une norme qu’on peut du coup
procédure est vécue comme trop contrai- mieux maîtriser et anticiper, ne serait-ce que
gnante, peu adaptée à la réalité, ou peu dans les tableaux de bord chiffrés avec des
mobilisatrice, c’est qu’en amont de sa indicateurs présélectionnés et pas toujours
mise en œuvre, souvent, il n’y a pas eu suffisamment pertinents !
suffisamment de partage et d’élaboration
commune autour des objectifs et des fina-
• La fonction psychologique : Il s’agit du
lités de ladite procédure. La procédure est
besoin de l’individu d’avoir un contrôle sur
souvent présentée uniquement sur le
la réalité, angoisse archaïque d’autant
registre de la rationalité instrumentale et
plus forte que la réalité devient complexe
de la recherche d’efficacité ou de confor-
et chargée d’incertitudes. Ce besoin de
mité, comme si ses promoteurs n’avaient
contrôle est d’autant plus satisfait quand la
aucun autre objectif (politique, le leur
procédure mise en place permet une cer-
notamment) dans sa mise en œuvre.
taine efficacité, d’où un renforcement,
parfois obsessionnel de la tendance à
fabriquer des procédures. Dans le cas où
• La fonction technique : Il s’agit des
la procédure ne marche pas, elle risque de
aspects stratégiques, techniques et organi-
susciter encore plus d’angoisses qu’elle ne
sationnels contenus dans la mise en œuvre
permet d’en endiguer. Un autre cas est
de la procédure. Si on peut constater que
décrit par des chercheurs sur la souffrance
les approches techniques et organisation-
au travail qui peut résulter d’un décalage
nelles ont permis un développement impor-
entre le mode de traitement des problèmes
tant dans le sens de la rationalisation et de
prévu par la procédure et la réalité vécue
l’efficacité des processus de traitement de
par les personnes en situation. Ce déca-
l’information et, dans une certaine mesure,
lage, dans la mesure où il n’est pas
de la décision, il n’en demeure pas moins
reconnu, par la hiérarchie notamment, va
vrai que la centration sur la rationalisation
susciter une angoisse et une souffrance au
et la mise sous contrôle de certaines varia-
travail liées à la contradiction entre l’obli-
bles d’action définissables a priori ont eu
gation d’appliquer les procédures et l’im-
pour conséquence de scotomiser voire de
possibilité de cette application, ou à la
laisser de côté et en dehors du processus de
tension "déniée" entre la procédure et la
traitement d’information d’autres variables,
réalité vécue par les personnes.
dites parfois irrationnelles, car relevant de
la subjectivité des acteurs et ne pouvant être
observées qu’a posteriori. La difficulté du Le champ social en général, et l’accompa-
gestionnaire à prendre en compte ce type gnement socioprofessionnel ou socio-
de variables l’amène à les considérer psychologique en particulier, sont caracté-
comme irrationnelles, susceptibles soit risés par la complexité des dimensions à
d’être laissées de côté, soit de devoir se prendre en compte (caractéristiques de la

18 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


personne accompagnée, cadre et dispositif de dégager ou de montrer des résultats
institutionnel de travail, multiplicité et variété tangibles, le champ de l’accompagnement
des fonctions, des compétences et des se trouve obligé de s’adapter à ces nou-
appartenances des intervenants, multiplicité velles donnes et de développer de nou-
des buts et plus ou moins grande transitivité veaux dispositifs et pratiques d’interven-
des objectifs poursuivis, interdépendance tion. Pour ce faire, la crise qu’il traverse
des structures et collectifs de travail, etc.). doit pouvoir l’aider à engager une
Quand une démarche procédurale échoue réflexion et des pratiques nouvelles.
à intégrer l’ensemble des facteurs, elle
devient, sinon inefficace, du moins un
• Une réflexion et une élaboration interne
facteur supplémentaire de stress et de
de son identité et de sa pratique : Il est
contrainte. Dès lors, les différents acteurs
important que chaque organisme ou struc-
vont l’utiliser, soit pour affirmer leur pouvoir
ture puisse engager une réflexion en interne,
et imposer leur logique, soit pour se pro-
sur sa raison, ses valeurs fondatrices, ses
téger face au risque anticipé, craint, de
modes de fonctionnement, d’intervention et
non-atteinte des résultats. La centration sur
sur sa pratique. Il faut ainsi pouvoir élaborer
"le faire procédural" devient ainsi l’objectif
et partager en interne l’identité et la spécifi-
et le mode de coordination et d’évaluation,
cité de chaque structure ou établissement.
en place et lieu d’une véritable coopération
Cette identité ainsi que les valeurs qui la
et mobilisation vers l’atteinte des objectifs.
constituent ne doivent pas rester indéfiniment
L’énergie ainsi dépensée par les acteurs,
inscrites dans le marbre mais être interro-
soit dans le respect scrupuleux de procé-
gées, revisitées en fonction de l’évolution des
dures et de cahiers des charges techniques
demandes des publics et des contextes insti-
dans leurs moindres détails, soit dans la
tutionnels d’exercice du métier. Cette interro-
recherche de leur contournement, finit par
gation est en elle-même facteur d’évolution
épuiser les ressources qui doivent être
des pratiques et de créativité.
déployées dans l’invention et l’imagination
créatrice de dispositifs de travail adaptés à
l’esprit de la loi et aux besoins des per- • Une réflexion et une coordination sur les
sonnes accompagnées. dispositifs d’intervention transverses : Les
dispositifs d’accompagnement font rare-
De la nécessité d’adaptation ment appel à une seule structure : le travail
et d’innovation dans la conception est assuré la plupart du temps de manière
des dispositifs et des pratiques inter-institutionnelle et comporte l’interven-
d’intervention et tion de plusieurs professionnels. Si les acti-
d’accompagnement vités et tâches sont souvent réparties dans
Contraint par la logique procédurale et une logique administrative et bureaucra-
administrative, la réduction et/ou la justifi- tique, chaque activité relevant en effet d’un
cation de ses moyens et ressources, sommé domaine de qualification précis et même

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 19


codifié, il manque souvent l’intégration de logique procédurale implique l’intégration
ces activités dans un ensemble cohérent de la complexité des problèmes dans le
tendant vers un but et nécessitant des temps champ de l’accompagnement et, par
de coordination et de transformation de conséquent, le refus de leur réduction
l’information dans un espace collectif. Il dans la rédaction des cahiers des charges
s’agira donc de bien identifier les objectifs techniques. Ce document très important et
et contributions de chaque structure ou assez inducteur par ailleurs des stratégies
intervenant et de les relier vers une finalité de réponse et d’évaluation, doit faire
et un but commun à l’ensemble du système l’objet d’un soin particulier. La participa-
d’action. Le partage du but commun, l’inté- tion, dans la mesure du possible, des pro-
gration de la contribution et des compé- fessionnels du secteur à sa rédaction est
tences spécifiques à chaque structure ou une condition d’appropriation et de mise
intervenant sont nécessaires à la coordina- en œuvre par la suite. Cette rédaction
tion de l’ensemble. doit, par ailleurs, éviter de trop orienter la
La sortie du système bureaucratique actuel solution. Elle devra clarifier l’esprit et le
de répartition des missions, objectifs et but à atteindre et laisser la possibilité aux
budgets où le financeur est en même temps professionnels, en leur faisant confiance,
celui qui décide, où la régulation se fait de créer et proposer des solutions adap-
essentiellement de manière administrative tées aux problèmes posés. L’orientation
sur les moyens, est nécessaire pour laisser sur les buts et la liberté laissée sur les
place à des espaces multi-partenaires choix des moyens et des méthodes pour y
ayant une fonction de coordination, d’éva- arriver constituent des facteurs favorables
luation et de transformation de l’informa- à la créativité et à l’innovation qui carac-
tion en vue d’ajuster les dispositifs et pro- térisent le secteur de l’accompagnement.
duire de nouvelles idées. L’administration
(centrale ou régionale) pourra garder un
rôle d’animation et de synthèse des travaux Exiger une évaluation, sans tomber dans la
de ces espaces, en vue d’ajuster les poli- caricature des artefacts actuels, est une
tiques et dispositifs de manière institution- démarche légitime de la part des comman-
nelle. Cette conception, aux antipodes de ditaires. Il faut qu’elle soit mieux articulée
la démarche procédurale, va nécessiter des aux objectifs et finalités de chaque action et
itérations successives entre la conception dispositif. Au lieu que les démarches d’é-
des politiques, leur mise en œuvre et leur valuation soient "normées" et imposées,
ajustement sur le terrain au travers d’éva- comme c’est souvent le cas par les com-
luations intermédiaires et finales avec les manditaires, il serait mieux de demander
professionnels eux-mêmes. aux professionnels eux-mêmes de proposer
des modes d’évaluation des objectifs qu’ils
• De nouvelles pratiques de contractuali- veulent poursuivre et sur lesquels ils s’en-
sation et d’évaluation : Sortir de la gagent. Que ce soit en termes de résultats

20 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


ou de mise à disposition de moyens, l’en- proposition d’alternatives à la logique pro-
gagement des professionnels devra porter cédurale. Comment, en effet, sortir d’une
aussi sur la meilleure façon d’évaluer et de posture de dénonciation et de critique de
vérifier les progrès réalisés. cette logique, de plus en plus dominante
La communication sur les visées et le che- car intériorisée par les commanditaires et
minement nécessaire à tout processus d’ac- les professionnels, pour aller vers la
compagnement doit aider les profession- conception de dispositifs d’intervention plus
cohérents, plus efficaces et porteurs de sens
nels à mieux faire connaître "l’art" de leur
pour chacun des acteurs ? Créer du lien,
métier aux commanditaires et responsables
rassembler ce qui est découpé a priori par
institutionnels et à partager les principes et
l’organisation du travail et la répartition
finalités de chaque type d’action.
des rôles, clarifier et articuler les différents
types d’intervention, permettre à la per-
• Un professionnalisme en partage à sonne accompagnée de se retrouver elle-
nourrir et à développer : les valeurs par- même et de mieux profiter des apports et
tagées par un grand nombre des profes- du travail avec chacun des intervenants :
sionnels de l’accompagnement reposent, tels peuvent être les objectifs et visées de
comme le note Saül KARSZ11, sur trois ces dispositifs à élaborer et à expérimenter
principes : "le principe de charité (on dira avec les différents interlocuteurs.
le comportement d’aide de manière
laïque) ; la prise en charge, basée sur la
considération éthique que chacun peut CONCLUSION
jouir des mêmes droits (au logement, à la Nous avons cherché à montrer comment
scolarité, au travail, etc.) ; la prise en la logique procédurale est le résultat de
compte, qui considère que l’usager doit trois éléments conjoints :
participer à l’accompagnement qui lui est • les contraintes imposées par le système
proposé". Ces valeurs, aussi importantes économique (réduction et contrôle des
et mobilisatrices soient-elles, ne suffisent coûts),
pas à développer un professionnalisme en
• les logiques de rationalisation organisa-
situation, professionnalisme qui doit
tionnelle du management post-moderne
garder sous les yeux les contraintes et
caractérisées par la technicisation et la
logiques des systèmes sans laisser de côté
désubjectivation,
ou tronquer par quelque procédé opéra-
• les résonances intrapsychiques et les
toire et par la logique technicienne, les exi-
mécanismes de lutte contre l’angoisse
gences du "monde vécu" des exclus.
ainsi que la volonté de maîtrise du réel
spécifiques à la posture procédurale.
Il s’agit de créer et de développer des
espaces d’échanges et d’analyse des pra- 11. Philosophe et sociologue, il dirige depuis 1989 le sémi-
naire "déconstruire le social" (Paris Sorbonne). Il a publié
tiques entre les professionnels. Ces espaces "Pourquoi le travail social ?", Dunod, 2004 et dirigé
seront, de fait, des lieux d’élaboration et de "L’exclusion, définir pour en finir", Dunod, 2000.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 21


Les contradictions entre le fonctionnement dispositifs d’accompagnement doivent
procédural et le métier d’accompagnateur être pensés comme un ensemble et éviter
ont pour conséquences d’appauvrir les d’être morcelés et découpés en actions de
possibilités de créativité et d’adaptabilité prestations de services sans lien les unes
nécessaires au métier et de renforcer le avec les autres. L’évolution des personnes
malaise ressenti par les professionnels accompagnées est un processus long,
dans l’exercice de leur métier. Pour se spécifique à chacune d’elles, mais qui
dégager de ce fonctionnement, les profes- nécessite un cadre et des dispositifs
sionnels, ainsi que les commanditaires, adaptés et pertinents. Le partage entre les
doivent refonder leur mode de coopéra- réseaux de professionnels, mais aussi des
tion et de travail. Les cahiers des charges commanditaires, est à même de favoriser
techniques doivent refléter la réalité du l’émergence et l’élaboration de ces dispo-
terrain dans sa complexité et valoriser les sitifs et pratiques nécessaires à l’accom-
expériences innovantes. Les objectifs et les pagnement aujourd’hui.

22 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Compte-rendu des ateliers

ENTRE COMMANDITAIRES ET PRATICIENS :


QUELS ESPACES DE RÉGULATION DES CONTRAINTES POSÉES-IMPOSÉES
PAR LES CAHIERS DES CHARGES ?
Animation : Magali HUMEAU, AGEVIF-CAFOC
Cet atelier part du constat que l’accompa- vant dans la durée. Et puisqu’il faut rendre
gnement met en œuvre des processus des comptes, l’idée n’est pas loin "qu’on ne
complexes, de l’ordre de l’imprévisible, nous fait pas confiance" et l'on peut se sentir
dont la logique semble en contradiction contraint, voire "fliqué" avec le corollaire de
avec celle impulsée par la volonté de la menace "on va réduire mon budget".
respecter les cadres posés a priori par les
Pour les seconds, il y a quelquefois constat
cahiers des charges du commanditaire.
d’absence "de remontées de terrain" ou
"d’informations utiles" dans les bilans. Les
Ainsi, les propositions pédagogiques, en commanditaires et/ou financeurs se
matière d’accompagnement, semblent posent souvent des questions sur : "qui
connaître parfois le même inconfort qu’une sont vraiment les bénéficiaires des forma-
personne assise entre deux chaises : d’un tions ou de l’accompagnement ? En quoi
côté des praticiens, de l’autre des com- leur sont-ils utiles ? Qu’en font-ils ensuite ?
manditaires, chacun ayant la sensation de Quels changements vont être induits, et à
ne pas toujours se faire entendre. quels indices le verra-t-on concrètement ?
C’est ainsi que pour les premiers, les for- Les durées estimées par les praticiens se
mations souvent trop courtes ne favorisent justifient-elles vraiment ? Pourquoi 30
pas un accompagnement dans la durée. heures et pas 24 ou 50 par exemple ?".
Alors que les cahiers des charges ne Les mêmes objets peuvent paraître telle-
parlent que d’évaluations et critères de ment différents lorsqu’ils sont présentés
réussite, il n’est pas facile de faire entendre sous un autre angle : l’ombre d’un
qu’il y a lieu d’aller au-delà du succès ou cylindre n’est pas la même selon qu’il est
de l'échec à l’examen et de tenir également éclairé par le dessus (l’ombre portée est
compte des réussites d’un projet profes- un cercle) ou par le côté (l’ombre est celle
sionnel et/ou de vie. La réussite ne ren- d’un rectangle)12. Travailler ensemble
voyant pas uniquement à un diplôme ou à devient possible dès lors que le praticien
un emploi, elle valorise aussi un processus. prend aussi en compte l’éclairage et le
Le cadre du financement semble restreindre besoin du commanditaire.
quelquefois l’évaluation en ne favorisant pas 12. Charles Hampden-Turner, 1990, Atlas de notre
des évaluations de type qualitatif et s’inscri- cerveau, Les éditions d’organisation.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 23


La fonction de régulation, permettant de Concrètement, comment investir les cadres
faire des feed-back, d’évaluer pour modi- imposés a priori à l’accompagnement ?
fier, laisse aussi une place aux partages de Grâce KRASKA prend l'exemple de la for-
points de vue, aux mises en perspective. A- mation de formateurs "Ingénierie de l’ap-
t-elle sa place en amont, pendant et en aval prentissage Né pour Apprendre" qu'elle
de la mise en place des actions d’accompa- proposait dans le cadre du dispositif
gnement pour faire évoluer ses cadres, ses Safran14 dont la démarche est fondée sur
contraintes ? Faut-il lui faire une place ? l’accompagnement des stagiaires dans la
Comment l’investir ? Qui doit l’investir ? durée. Oui, mais comment faire avec des
C’est à ces questions que cet atelier a
stages courts financés sur la modalité du
tenté de répondre, à partir de deux témoi-
face à face, qui s’arrêtent une fois les
gnages, par des échanges et débats sur
journées d’intervention finies ?
l’opportunité, l’utilité de ces espaces de
régulation, en croisant les points de vue :
commanditaire, opérateur et usager. Pour dilater la durée de l’accompagne-
ment des personnes, deux phases, souvent
Première intervention : oubliées de la situation pédagogique, ont
"La contrainte comme point été investies : l’amont du face à face et
de départ, socle, cadre de son aval :
référence, règle du jeu". 1. L’amont est investi par un petit travail
que réalisent les participants : il porte sur
Grâce KRASKA, ingénieur en ingénierie de un questionnement et un état des lieux dont
formation, formatrice à l’Université de La les personnes seront déjà porteuses dès
Rochelle - IDEA (Institut du Désir leur premier jour de stage. Le phénomène
d’Enseigner et d’Apprendre), commence d’inertie dans le début d’une rencontre
son intervention par deux illustrations13,
joue moins alors, puisque les personnes
prises hors du domaine de la formation,
sont déjà en marche. Cette démarche a été
rendant compte du fait que les cahiers des
initiée par Hélène TROCME-FABRE, auteur
charges posés, a priori, par des financeurs
des sept films Né pour Apprendre15 utilisés
ou commanditaires peuvent être aussi l’oc-
dans la formation.
casion d’échanges, de régulation et de
marges de liberté pour tous les partenaires.
13. L’une fait référence au jeu du monopoly, l’autre montre
comment un projet peut dépasser largement le cadre
Nos limites sont-elles celles de nos institu- initialement prévu en ne le rendant pas limitant puis-
qu’on peut en sortir tout en le conservant.
tions ou celles que nous nous fixons nous-
14. Safran est le dispositif d’appui à la professionnalisation
mêmes, centrés que nous sommes sur une des acteurs de l’information, de l’accompagnement des
logique "proscriptive" (ce qui n’est pas parcours et de la formation proposé en Poitou-Charentes.
Il est mis en oeuvre par le GIP Qualité de la formation et
prescrit est donc interdit, ce qui clôt toute financé par la DRTEFP et la Région Poitou-Charentes.
possibilité nouvelle non prévue) ? 15. 1995, vidéogramme en sept séquences, ENS Editions, Lyon

24 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


2. L’aval du stage permet d’exploiter le Régulièrement les participants nous font
questionnaire d'évaluation préparé par le part de l’intérêt de la démarche. Cet
GIP Qualité de la formation et rempli le accompagnement à distance investit le
dernier jour par les participants pour lui moyen et long terme et le bilan contribue
donner une nouvelle dimension. Toutes les à favoriser un ancrage dans la durée. Des
réponses à ce questionnaire sont saisies échanges a posteriori ont lieu avec des
de manière exhaustive. Les réponses participants, des contributions écrites ulté-
quantitatives font apparaître le degré de rieures nous parviennent.
satisfaction pour chacun des items, et les En faisant des renvois d’évaluation aux
réponses qualitatives sont regroupées de commanditaires et financeurs sous cette
manière thématique pour faire émerger forme, l’objectif était de répondre à l’ab-
des pistes. Le tout prend la forme d’un sence ressentie de remontées du terrain.
document (4 pages, type journal à Un des bénéfices secondaires est que nous
colonnes) étayé d’images pédagogiques nous sommes vus proposer d’augmenter
prises sous forme de photos pendant la de quatre à cinq jours la durée de la for-
formation et légendées avec des phrases mation, tant les participants avaient pointé
fortes et idées-clés de la formation. le décalage entre la densité et la durée de
Peuvent y prendre place aussi les repré- celle-ci. Ces retours a posteriori ont permis
sentations et questionnements de départ, d’adapter les contraintes posées a priori
les perspectives envisagées par chacun à dans les cahiers des charges.
l’issue de la formation.
Dans d’autres régions, ce type de démarche
"Rendre compte de …" au delà de la expliqué en amont nous a amenés avec cer-
contrainte, une démarche participative tains commanditaires et financeurs à
moduler la durée de la formation (déclinée
Le document final est envoyé deux à trois à raison de deux jours par an durant quatre
mois après la fin de la formation à ans en région limousine, soit huit jours au
chaque participant avec un courrier l’invi- lieu de cinq pour le Poitou-Charentes), voire
tant à nous renvoyer, dans les six mois, un à transformer la formation en mise en
état des effets de la formation, sur le plan appétence (un module seulement d’initia-
personnel et/ou professionnel (dans sa tion à la démarche en région strasbour-
pratique, avec ses collègues et institution, geoise ou picarde), ou même de déve-
avec les stagiaires ou personnes accom- lopper un projet d’accompagnement per-
pagnées). Il est aussi remis, avec les origi- sonnalisé aux besoins d’une région (deux
naux des réponses, à l’organisateur (ici modules de deux jours, puis une formation
les directeurs des services de l’Université - de six jours en région corse, avec un
IDEA et SUDEF) et également au com- accompagnement à distance pour une pro-
manditaire/financeur. duction collective a posteriori).

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 25


Sortir du cadre initial et élaborer un Comment accueillir les différentes
projet contraintes ?
Les participants expriment souvent en fin Chacun d’entre nous a une représentation
de formation la volonté de se revoir pour de la notion de contrainte qui peut être un
refaire le point et continuer à réfléchir frein dans ses projets ou au contraire une
ensemble ; de leur côté, les financeurs et force. Si je veux décoller en deltaplane, je
commanditaires se demandent quelque- ne peux le faire que face au vent qui m’op-
fois à quoi peut servir cette formation-ci pose sa force. De manière intéressante,
ou celle-là, ce qu’en disent les participants c’est grâce à cette énergie qui semble
et surtout ce qu’ils en font après. contraire que je pourrai décoller : en y
faisant face, je pourrai me poser sur les
Un projet s’est imposé et s’est construit sur
filets d’air et utiliser cette énergie qui devient
un partenariat IDEA/GIP Qualité de la
mon partenaire pour décoller et voler.
formation/SUDEF : une Journée sur les
Effets de la formation pour répondre à
cette double demande en invitant d’an- Ce qui m’anime avant tout, c’est l’utilisation
ciens participants de la formation Né de la contrainte comme énergie de départ
pour Apprendre de 1997 à 2003. pour avancer ensemble, sachant que "l’éla-
boration d’un projet requiert au moins trois
conditions : que celui qui en est porteur
Un travail de réflexion a donc été réalisé "pense" la réalité d’abord comme insatis-
en avril 2004 sur le concept "d’effets de la faisante, ensuite comme transformable et
formation". Trois témoins ont également enfin qu’il réussisse à l’imaginer différente",
présenté leur réflexion ou leur pratique comme le souligne P. MARTIN16.
après la formation. Le groupe a partagé
constats, questionnements et explicitations.
Seconde intervention :
Trois pistes ont conclu cette journée : d’au- "De l’utilité du cahier des charges
tres présentations de mises en œuvre sur et des instances de régulation"
le terrain en bénéficiant de l’éclairage du
groupe ; d’autres journées de ce type qui
Pour Annick LE MEAUX, chargée de
répondent à un besoin d’évaluation et
mission à la DDTEFP 79 (Direction Du
d’arrêt sur image ; l’exploration d’une
Travail de l’Emploi et de la Formation
thématique comme le "changement" et
Professionnelle), responsable du service
"les déclics". Se pose aussi la question de
insertion, formation, développement
l’exploitation de tout ce matériau désor-
local, et Christophe MEUNIER, formateur
mais à notre disposition : productions
à la Chambre de Métiers 79, le cahier des
écrites individuelles et collectives, témoi-
gnages et quelques images filmées des
16. 1992, "Le projet : un défi nécessaire face à une société
travaux et des témoignages. sans projet", l’Harmattan

26 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


charges, en tant qu'outil procédural, doit - de prendre en compte, par les échanges
permettre de générer des espaces de entre partenaires, la situation globale du
concertation pour partager, entre tous et bénéficiaire,
tout au long des prestations, le sens de ce - d’éviter l’isolement de l’accompagnateur
qui se trame dans les accompagnements. face aux problèmes des accompagnés,
S’il y a des discordes entre les acteurs de - de changer de point de vue en portant
l’accompagnement (commanditaires, son regard sur les difficultés rencontrées
prestataires, usagers) cela est dû à des par les accompagnés,
écarts de valeurs, d’où la nécessité de - de faire remonter les problèmes auxquels
mettre en place des espaces de concerta- sont confrontés les acteurs du terrain.
tion et d’évaluation pour identifier, recon- Globalement, cela a été un gain en qualité
naître et partager les valeurs de l’accom- et cela a permis de faire évoluer concrète-
pagnement. Les cahiers des charges ment les actions d’accompagnement.
doivent prévoir des instances de régula-
tion pour (ré)interroger les besoins et ana-
Des espaces de régulation
lyser les effets produits sur les personnes. à fonctions multiples

Dans le cadre d’une action d’accompa- Sur la base des témoignages et échanges
gnement vers l’emploi de personnes han- qui ont suivi, nous avons identifié que les
dicapées, commanditée par la DDTEFP 79 espaces de régulation entre commandi-
en 2001, plusieurs espaces de régulation taires, financeurs, prestataires et usagers
ont été mis en place : ont des fonctions multiples :
- Analyse des besoins du public concerné - Partager les insatisfactions et y remédier
en partenariat avec la CRAMCO (Caisse ensemble.
Régionale d’Assurance Maladie du - Questionner les cadres/contraintes
Centre Ouest), la MSA (Mutualité Sociale posés a priori : pourquoi ces cadres-là ?
Agricole), l’EPSR (Equipe Professionnelle Quel sens ont-ils ? Les reconnaître
de Soutien et de Reclassement des per- permet en effet d’agir plus facilement de
sonnes handicapées) et des associations l'intérieur, d’une certaine manière et
représentant les personnes handicapées. paradoxalement de les alléger. Le cadre
- Réunion mensuelle des partenaires, y peut ainsi devenir fédérateur.
compris le prestataire par la présence des - Inventer et négocier de nouvelles règles
accompagnateurs, pour valider les d’action.
entrées des personnes dans le dispositif et - Se décentrer par rapport à ses propres
pour faire évoluer les prestations. démarches, les mettre en perspective.
- Modérer/éviter la méfiance réciproque
Dans la réalité du terrain, ces temps de entre financeur, commanditaire d’un
régulation ont permis : côté et prestataire de l’autre.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 27


- Partager le sens des actions d’accompa- d’autres. La mise en place d’espaces de
gnement. régulation entre acteurs de l’accompagne-
ment permet donc de prendre en compte les
Mais en revanche, installer de tels espaces contraintes tout en les assouplissant, tout en
ne va pas de soi. Cela nécessite : en jouant, selon les vécus et les phénomènes
- Une confiance entre les différents parte- observés sur le terrain.
naires ou acteurs de l’accompagnement.
- L’investissement dans une réflexion sur ce Il y a néanmoins un risque à voir les pro-
qui est en jeu dans l’accompagnement. cédures s’alourdir par l’établissement de
- La capacité à rendre compte auprès de "procédures de régulation". Dans bien
ses partenaires des informations perti- des cas, ces régulations se déroulent de
nentes sur les usagers : d’où viennent-ils ? manière implicite. L’installation d’ins-
Où les a emmenés l’accompagnement ? tances de régulation ne doit pas sup-
- Inscrire ces espaces dans le temps, sur le primer ces capacités à réagir de manière
moyen ou le long terme. opportune. Il importe que l’ouverture
induite par le questionnement des pra-
tiques et de ses effets reste la préoccupa-
Se pose la question de la place de l’u-
tion centrale des acteurs de l’accompa-
sager dans ces espaces de régulation. Les
gnement. Si, comme l’affirme M. LAOU-
instances de régulation prévoient souvent
KILI, les procédures en exprimant une évo-
la participation de représentants des
lution vers plus de rationalité sont un
accompagnés. Ceci étant dit, et sachant
avatar de la modernité, voire de la post-
qu’il ne devrait pas y avoir d’accompa-
modernité, en revanche, elles ne doivent
gnement sans l’adhésion de l’usager, les
pas occulter le sens souvent implicite des
actions qui le mettent face à l’accompa-
démarches d’accompagnement. Ce sens
gnateur laissent place à de multiples pro-
pouvant se travailler à l’intérieur
cessus de régulation, où les uns et les
d’espaces de régulation qui sont avant
autres tâtonnent, bricolent, négocient,
tout des espaces de partage entre les dif-
recherchent le sens de ce qui est en jeu.
férents acteurs de l’accompagnement.

Le cadre donné est un point d’ancrage et un


repère structurant de départ. Il est possible
de rester dans les limites de la prescription
initiale, de la respecter ET de construire en
bonne intelligence des modalités de fonc-
tionnement inédites. Il y a alors élargisse-
ment des contraintes avec une prise en
compte d’un environnement particulier et de
ce qui se joue avec ces acteurs-là et pas

28 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


EN QUOI LES PROCÉDURES
MODIFIENT-ELLES LA RELATION ACCOMPAGNANT / ACCOMPAGNÉ ?
Animation : Elisabeth PELLOQUIN, CREAHI Poitou-Charentes

Comment concilier la rationalité des pro- par un engagement réciproque, et per-


cédures et les phénomènes affectifs inhé- mettent de donner des repères : "ça a du
rents à toute relation dont la relation d’ac- sens, c'est écrit, signé". On donne une
compagnement ? place à la personne. Un autre avis est
La mise en place de procédures a-t-elle un émis sur ce sujet : l'écrit est "utile, impor-
impact sur la qualité de la relation ? tant, investi pour nous (les accompagna-
teurs), pas pour les bénéficiaires".
Un tour de table des participants permet à
chacun d'évoquer son expérience en La procédure peut être une contrainte
matière de procédures. Le mot "procé- pour l'accompagnateur, mais elle garantit
dures" dans cet atelier a été utilisé surtout une égalité de traitement pour chaque
dans le sens d'"outils" tels que fiches-types, personne. La procédure peut faciliter l'ac-
documents formalisés et formulaires divers compagnement car elle met un cadre. Le
dont les participants soulignent tous l'utili- problème est que les procédures et les for-
sation dans leur structure pour l'accueil, le mulaires à remplir varient et se multiplient
suivi et l'évaluation des personnes reçues, selon les financeurs, ce qui alourdit le
les bilans des actions et dispositifs, plus système. Si les procédures sont trop
rarement pour fixer le cadre des entretiens. lourdes, elles deviennent un carcan.
Sur le rôle de l'accompagnateur, on
Une grande partie des échanges a traité retiendra que :
de la question de la pertinence des procé- - "c'est de la responsabilité de l'accompa-
dures, que ce soit en direction des bénéfi- gnateur de rendre les procédures plus
ciaires ou des accompagnateurs et de la humaines".
structure qui les accompagne. - "il faut savoir s'approprier au mieux les
outils pour accompagner les bénéfi-
De l'utilité des procédures ciaires".
pour les bénéficiaires ?
Les participants se sont entendus pour dire … et pour les accompagnateurs
que la procédure pouvait être au service et les structures
du bénéficiaire. Les procédures au niveau chargées de l'accompagnement ?
individuel constituent un outil au service Tout le monde s'entend également sur ce
de la personne car elles sont une manière sujet pour dire que les procédures "c'est
de contractualiser avec le bénéficiaire, casse-pieds", "il y a beaucoup de pape-

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 29


rasse", "la paperasserie, c'est quelque personne ; auparavant, nous utilisions un
chose d'imposé et lourd", "quand on a document à remplir, ce qui était fasti-
des financeurs multiples, il faut écrire la dieux, formaliste."
même chose plusieurs fois dans leurs for-
mulaires respectifs, c'est lourd, il y a une Dans un service d'accueil familial pour les
perte de temps". personnes âgées, on utilise une procédure
Mais ils sont d'accord aussi sur le fait que, d'agrément très précise : visite au domi-
en l'absence de projet clairement défini cile, formulaires à remplir, puis la procé-
dans une structure, "on a un flou dans les dure d'accompagnement est assez floue,
procédures et on navigue à vue". il n'y a pas de cadre précis. Les membres
de l'équipe ont commencé une réflexion
Le cadre de la validation des acquis de l'ex- sur leurs pratiques et créent ensemble des
périence (Université de Poitiers) est évoqué outils de suivi d'accompagnement.
avec des procédures nombreuses, compati- Une autre structure accompagne les por-
bles ou non entre elles, émanant des institu- teurs de projet dans leur démarche de créa-
tions, des partenaires et des financeurs. tion. Les outils reposent sur l'écriture par les
Cette multiplication pose des problèmes de porteurs de projet de ce qu'ils ont en tête. La
dates, de financement… on se demande s'il procédure évaluation/suivi se fait par une
ne faudrait pas créer une procédure pour se entente entre le bénéficiaire et l'accompa-
repérer dans les procédures. gnateur sur les objectifs fixés ensemble.

Les procédures, du "bricolage" Concilier des intérêts divergents,


de praticiens sur le terrain ? un pari impossible ? Ou comment
Les financeurs fournissent les documents et faire avec les procédures ?
formulaires qui leur sont nécessaires, mais Dans cette partie des échanges, sont évo-
les acteurs sur le terrain construisent aussi quées les difficultés que ressentent les pro-
eux-mêmes, en équipe ou seuls, les outils fessionnels à concilier les intérêts du
dont ils ont besoin : financeur décrits dans les cahiers des
- "les outils de suivi sont élaborés par l'ac- charges et ceux des bénéficiaires :
compagnatrice elle-même, en fonction des - "on est toujours pris entre deux choses :
personnes bénéficiaires". la procédure comme outil (son aspect
- "nous utilisons des documents/formu- positif) et la procédure comme contrainte
laires imposés par les financeurs et des (son aspect négatif)".
documents conçus par nous-mêmes donc - "on a l'impression d'être dans un étau
adaptés à nos besoins". entre l'obligation économique d'un côté
- "nous avons modifié nos procédures (les résultats de la structure) et la réalité du
d'accueil et d'orientation : nous avons public" (cas d'une entreprise de travail
opté pour des échanges simples avec la temporaire d’insertion).

30 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


- "la notion de "rentabilité" de notre L'opérateur rend des comptes au finan-
mission peut être choquante, puisqu'on ceur. L'opérateur contractualise avec le
travaille avec des personnes. Il peut y bénéficiaire. Quelle liaison ?
avoir un écart important entre la com-
mande et la demande du terrain". On peut regretter que les processus soient
cloisonnés. Il faudrait partager la
Pour une consultante en ressources démarche d'évaluation.
humaines (coaching), "les procédures
sont des outils qui nous permettent d'avoir Quand des structures travaillent
une clarté, une lisibilité sur les objectifs et ensemble, elles essaient d'harmoniser
les stratégies à adopter pour y arriver. leurs approches et de donner du sens au
Elles sont formalisées et écrites, et permet- parcours des personnes.
tent d'avoir de l'ordre (on en a besoin), il
faut aussi laisser la place au désordre Pour une définition
(créativité, oser, inventer) et avoir un de la procédure
mélange des deux". Un des participants propose au groupe la
définition suivante :
Les procédures sont vivantes, elles doivent
évoluer. Elles doivent être justifiées et com-
Procédure : ensemble des règles, des for-
prises, sinon elles deviennent un carcan.
malités qui doivent être observées, des
Il semble que les financeurs exigent tou-
actes qui doivent être accomplis pour
jours mais on peut aussi leur faire
arriver à une solution juridictionnelle ;
entendre des choses. Par exemple, les ensemble de procédés utilisés dans la
procédures demandées par le financeur conduite d'une opération complexe.
étaient basées sur des évaluations quanti- La procédure s'appuie sur un procédé,
tatives. Après discussion, le financeur a mais on l'a formalisé (écriture, schéma).
accepté d'intégrer des évaluations quali- Procédé : ensemble des actions qui
tatives, à y mettre davantage la parole mènent à un résultat (= recette) côté prag-
des acteurs. matique.
Dans le cas de l'exemple VAE : Comment Processus : ce qui se passe dans la réalité
quitter le mode artisanal (ce n'est pas (= le réel).
péjoratif !) sur la partie stricte de l'accom- Procédure : méthode, marche à suivre
pagnement (caractère non obligatoire) pour obtenir un résultat (Petit Larousse
pour arriver aux exigences au final d'un illustré 2000).
jury pétri de la culture de la norme ?
Il y a aussi le problème du passage du Le tableau suivant a été proposé pour
témoin : comment éviter qu'un candidat ait signaler les ambivalences, les contradic-
à raconter sept fois son histoire de vie ? tions que suscite la notion de procédure :

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 31


Points positifs Points négatifs

Harmoniser Incompatibilité de différentes procédures


Moins de stress Plus de stress
Offrir des repères pour réduire la Lourdeur, lenteur
complexité
Outil de "rentabilisation" Carcan
Garant Complexité
Clarté, lisibilité

Enfin, quelques plus souvent sur des documents écrits) dans


recommandations… l'accompagnement des publics proches de
- Humaniser les procédures, ne jamais l'illettrisme.
perdre le sens. Les procédures ne sont - Harmoniser, évaluer les procédures.
jamais que des outils au service d'un but. - Construire ou choisir, s'approprier les
- Intégrer les procédures (qui s'appuient le procédures, les faire évoluer, les faire vivre.

LES CADRES DE L’ACCOMPAGNEMENT :


IDENTIFICATION ET TYPOLOGIE DES CONTRAINTES.
Animation : Sonia SPERONI et Anne GODIN, GIP Qualité de la formation

Partant de la définition suivante de la 1 - Le cadre législatif, réglementaire, poli-


contrainte : "Obligation qui m'incombe, tique.
mais que je n'ai pas choisie", l’animatrice 2 - Le cadre de la commande.
propose à chacun des participants de 3 - Le cadre technique (conditions de
réfléchir à la question suivante : réalisation de l’accompagnement).
Qu’est-ce que j’identifie comme une 4 - Le cadre de la relation accompa-
contrainte dans ma pratique d'accompa- gnant/accompagné.
gnement ?
Chaque présentation d'un mot-clé est l'oc-
Après un temps d'auto-questionnement, casion d'expliquer comment on perçoit cet
chaque participant transcrit sous forme de élément comme une contrainte, de donner
mots-clés (ou d’expressions) trois du sens à l'inscription dans l'un ou l'autre
contraintes repérées dans son contexte
des cadres proposés.
professionnel. Une fois cette identification
réalisée individuellement, chaque partici-
pant présente au groupe une des ses Le tableau suivant reprend les éléments
contraintes en l'inscrivant dans un des principaux des échanges selon ces quatre
quatre cadres proposés par l’animatrice : entrées :

32 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Remarques et commentaires
Les mots des participants
des participants
LE CADRE LEGISLATIF, REGLEMENTAIRE, POLI- Travail avec des partenaires différents.
TIQUE Interinstitutionnel. Lourdeur administrative. Loi
• Loi, réglementation contre l'exclusion, agrément de l'ANPE.
L'administratif Position humaniste : question du citoyen, prise
Trop d'administratif de distance sur le législatif pour que la
contrainte de ce cadre devienne un catalyseur.

• Statut de la personne Il faut prendre en compte le statut de la personne


Entrer dans une "case" avant de savoir ce qu'elle veut faire (âge,
Les possibilités de financement sexe…). Est-ce que la personne est dans "la
bonne case" ?

• Superposition Une personne accompagnée par plusieurs per-


des dispositifs de mesures sonnes en même temps. Accompagnement
Les accompagnements multiples subi. Voir plusieurs interlocuteurs. Il peut y avoir
La communication plusieurs commandes : les personnes sont
Orientation (de la personne) orientées vers plusieurs choses, leur statut est
engagé, ça engage aussi la position de l'ac-
compagnateur. Réglementation du statut de la
personne (cloisonnement).

• Orientation politique Exemple : remettre au travail tout de suite des


Manque de "moyens" pour atteindre l'ob- femmes qui ne travaillent plus depuis 15 ans.
jectif de l'action
Les possibilités de financement

LE CADRE DE LA COMMANDE C'est une contrainte pour l'accompagné et le


• Travail administratif commanditaire. Missions conventionnées.
Rendre compte des résultats Comptabiliser le nombre de CDD, CDI. Il y a
La notion de résultat l'obligation de moyens, mais l'obligation de
L'obligation de résultat(s) résultats peut être contre productive (par
rapport au chemin parcouru par l'accom-
pagné).

• Durée de la prestation/droits heure Le paiement d'heures stagiaires. C'est une logique


de nombre d'heures par stagiaire et pas une
• Modalité "stage" logique d'objectifs de la personne : c'est le temps
Le temps (cité 3 fois) qui est financé. Le temps financé dans la com-
mande ; l'écart par rapport au temps réel de l'ac-
compagnement.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 33


Remarques et commentaires
Les mots des participants
des participants
LE CADRE TECHNIQUE Diverses temporalités, temps de la prestation,
(CONDITIONS DE REALISATION) temps de la personne. Il y a conjugaison des
• La durée temps : temps de la commande, temps tech-
Le temps (entre la définition du projet nique, temps de l'accompagné.
et l'action) Dans le cas de la VAE, durée impartie (cf aussi
La durée plus ou moins adaptable la commande).
aux besoins Les rapports au temps : les temps ne sont pas
Le temps imparti (cité 3 fois) les mêmes selon les personnes.
Les durées de plus en plus courtes

• Se déplacer, lieu de travail


Le temps – espace

• Les limites de l’accompagnant


Les connaissances techniques liées aux
champs d’intervention
Le statut de l'accompagnateur :
la précarité des emplois de l'insertion

LE CADRE DE LA RELATION Par sa singularité/diversité, l’autre me contraint


ACCOMPAGNANT/ACCOMPAGNE à exercer mon métier, à l’écouter. L’autre va
• Singularité, diversité heurter mes représentations, je me repositionne
L'autre sans cesse sur cette dimension. Ici la contrainte
n'est pas la pression, c'est un catalyseur, à
chaque fois qu'on rencontre la personne.

• Professionnalisme de la relation Notre investissement peut nous mettre en


Les limites de l'action danger.
Les limites de l'implication C’est parce que c’est un travail relationnel que
Distance entre accompagnant la distance avec l’accompagné est une
et accompagné contrainte. On ne fait pas un travail psycholo-
gique.
Le cadre déontologique protège l'un et l'autre.

• Les limites de l'action On est dans une relation professionnelle, on


La durée de la relation peut choisir de retrouver les mêmes personnes
dans des contextes différents, privés.

34 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


BIBLIOGRAPHIE
L’accompagnement, entre contrainte et liberté.

OUVRAGES

• Les illusions du management. Jean-Pierre LE GOFF. Editions La Découverte, 2000

• La barbarie douce, la modernisation aveugle des entreprises et de l’école. Jean-


Pierre LE GOFF. Editions La Découvert, 1999.

• Souffrance en France. Christophe DEJOURS. Edition Seuil, 1998. Réf. CARIF : £2365

• Théorie de l’agir communicationnel. Jürgen HABERMAS. Ed. Fayard, 1987

• Morale et communication. Jürgen HABERMAS. Ed. Flammarion, 1999

• La technique et la science comme idéologie. Jürgen HABERMAS. Ed. Denoêl, 1978

• L’emprise de l’organisation. Max PAGES et coll. Ed. PUF, 1984

• Institution et changement. Jean-Claude ROUCHY et Monique SOULA DESROCHE.


Ed. ERES, 2004

• Les paradoxes du travail social. Michel AUTES. Ed. Dunod, 1999

• Ethique et travail social, une recherche de sens. Brigitte BOUQUET. Ed. Dunod, 2003

• Jürgen Habermas, une introduction. Stéphane HABER. Pocket/La Découverte, 2001

• 1984. George HABER. Ed. Gallimard, 1950 ou Folio 1981.

REVUES

• Les procédures comme organisateurs institutionnels. Revue Connexions N°79,


Edition ERES, Octobre 2003. Disponible au GIP Qualité de la formation.

• A quoi sert le travail social ? Revue ESPRIT, Mars-avril 1998.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 35


Quelles formes
de coopération pour l’insertion ?
Journée du 30 juin 2005

Organisée par le GIP Qualité de la forma- Charentes - Directeur de l'antenne de


tion en partenariat avec l'AGEVIF- Niort) et Elisabeth GABILLARD (IRTS
CAFOC, le CARIF Poitou-Charentes et la Poitiers - Coordonnatrice du département
Ligue de l'Enseignement Poitou-Charentes- "Modes d'Emplois")
IRFREP, la Journée de l'accompagnement
intitulée "Quelles formes de coopération Accompagnement vers l’emploi mar-
pour l'insertion ?" s'est tenue à Venours chand de personnes bénéficiaires du RMI
(86) le 30 juin 2005. Elle a rassemblé une sur le Pays des Six Vallées par Stéphanie
centaine de participants intéressés par les CHAIGNEAU (Chargée de mission,
formes de coopération entre les personnes équipe de prospection placement IOD),
en orientation et recherche d'emploi, les Anita LOUET (Responsable de l'unité terri-
professionnels de l'accompagnement et les toriale d'intervention sanitaire et sociale)
acteurs socio-économiques. et Thierry FAYOUX (Directeur, PAIO
ERIGE Lusignan)
Madame Catherine BERNATET, consultante
auprès des professionnels de l'insertion et Les comptes-rendus d'ateliers permettent
de la formation à l'Instep Aquitaine et ani- de poursuivre la réflexion autour des
matrice régionale des APP en Aquitaine a thèmes suivants :
proposé une conférence intitulée :
• Comment favoriser la participation des
Réussir les parcours d'insertion : quel
renouvellement des pratiques d'accom- personnes à leur projet de vie et d’in-
pagnement ? sertion professionnelle ?
• Inscrire le temps de l’insertion, de l'o-
L’article de Catherine BERNATET, rédigé rientation, de la mobilité profession-
après son intervention, est suivi des deux nelle, comme un temps de formation et
séries de témoignages régionaux sur les de développement des personnes ?
pratiques d'insertion et d'accompagne-
• Inscrire le temps de l'insertion comme
ment des parcours :
un temps relié à l’activité économique,
sociale et culturelle d'un territoire ?
Parcours Femmes en Poitou-Charentes :
un partenariat, des réseaux pour l'inser- • Quels (nouveaux) besoins de profession-
tion des femmes par Patrick POITIERS nalisation pour les métiers de l’insertion
(IRFREP- Ligue de l'Enseignement Poitou- et de l'accompagnement des parcours ?

36 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


REUSSIR LES PARCOURS D'INSERTION :
QUEL RENOUVELLEMENT DES PRATIQUES D'ACCOMPAGNEMENT ?
Par Madame Catherine BERNATET, consultante auprès des professionnels de
l'insertion et de la formation à l'INSTEP Aquitaine,
animatrice régionale des APP d'Aquitaine

J’ouvrirai cette journée en proposant plu- Mais avant d’aborder toutes ces questions,
sieurs définitions du mot coopération. Quel il est primordial de se rappeler quelques
sens retenir pour désigner le concours dates et évènements importants relatifs au
apporté par chaque professionnel dans un thème même de notre rencontre.
partenariat effectif ? Les plus appropriés
pour notre sujet pourraient être : une part Qu’est-ce que l’insertion ?
prise à une œuvre faite en commun17, la C’est d’abord, depuis une trentaine d’an-
capacité de collaboration et de participa- nées, un système administratif qui a connu
tion à un projet commun, une mise en une certaine évolution avec l’instauration
réseau des connaissances18. du RMI dès 1988, désignant des dispositifs
La notion de partage, de "faire et des modes d’intervention auprès des
ensemble", corollaire à une aptitude des publics dits "en difficulté" sociale et/ou
protagonistes de "savoir faire ensemble" professionnelle. Il faut remonter au premier
est abordée. Il y a urgence à faire se ren- choc pétrolier des années 1970 pour voir
contrer les acteurs du social, du politique, apparaître un ensemble de mesures spéci-
de l'économique, autour des parcours fiques prescrites pour une population
d'insertion mis en place par les per- déterminée : les jeunes de moins de 25 ans
sonnes. Sur cette idée centrale de coopé- éprouvant des difficultés à trouver un
ration, nous examinerons plusieurs points travail et les chômeurs de longue durée
: d’abord les modes de collaboration exis- dont les qualifications devenues obsolètes
tant entre les acteurs de l’insertion et les les engagent à s’acheminer toujours plus
usagers venus les rencontrer dans l’élabo- nombreux vers l’ANPE toute récente.
ration de parcours vers l’emploi ; puis l’in-
tervention auprès des publics comme
Ces difficultés sont considérées à l’époque
synonyme de formation et de développe-
comme étant de nature conjoncturelle
ment des personnes ; ensuite, les besoins
alors que déjà le caractère en partie struc-
nouveaux en matière de professionnalisa-
turel du chômage est reconnu.
tion des métiers de l’insertion et de l’ac-
Quelles sont les mesures appliquées depuis
compagnement au regard des mutations
une trentaine d’années ? 1977 : mise en
de la société et du monde du travail ;
place des Trois Pactes pour l’Emploi… et le
enfin, le partenariat de territoire dans l’é-
chômage continue d’augmenter. 1981 :
mergence des parcours réussis. Sur
Bertrand SCHWARTZ remet un rapport au
chacun de ces sujets, je me propose de
Premier ministre intitulé L’insertion sociale
présenter des expérimentations vécues
et professionnelle des jeunes en réponse à
dans le cadre de coopérations réussies
pour l’insertion et issues de mon expé- 17. Le Petit Larrousse Illustré de l’An Deux Mille, 1999.
rience professionnelle. 18. L’office de la Langue Française, 1989.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 37


une demande de ce dernier qui, dans sa croyances, des valeurs communes et le
lettre de mission, sollicitait des propositions sentiment de participer à un grand
novatrices afin que "les jeunes de 16 à 18 ensemble sans cesse renforcé par des
ans ne soient jamais condamnés au interactions régulières. C’est pourquoi
chômage ni à des emplois trop précaires". "demander un droit à l’insertion" aboutit
Ce rapport montrait, entre autres, que le souvent pour l’individu à l’acceptation
chômage perdurait non plus à cause d’une d’une solitude toute particulière, celle du
inadéquation entre le profil professionnel chômeur dont le statut n’est pas valorisant.
des demandeurs d’emploi et les besoins
des entreprises, mais à cause d’un "déficit L’insertion est pensée comme une action
de places" vacantes dans la société. portée sur des publics à normaliser pour
1982/1985 : la volonté d’une action à atteindre un état d’adaptation à une vie
visée plus structurelle qui associe un rap- professionnelle dont l’accès semble tou-
prochement des actions sur l’économique jours se complexifier. De quelle forme d’a-
et le social est acquise. La démarche qui en daptation parle-t-on ? De celle qui
découle est inscrite au niveau local par consiste à former de futurs professionnels
l’institution des PAIO et des Missions de métiers dits "en tension" dont les
Locales. La pratique de la formation par conditions d’emploi pérennes et les rému-
l’alternance dont le concept prévaut depuis nérations décentes semblent illusoires et
le temps du compagnonnage verra son peu probantes depuis plusieurs années ?
apogée avec l’instauration des contrats de Ne doit-on pas aujourd’hui s’attacher à
qualification et des contrats d’adaptation. produire une politique de formation
Depuis, plusieurs plans de lutte contre le continue qui orienterait ses programmes
chômage ont été proposés : PAQUE, vers l’accès pour les personnes à une
TRACE et aujourd’hui CIVIS pour les autonomie des savoirs propice aux déve-
jeunes. Programme des 900 000 chô- loppement des intelligences plutôt qu’à de
meurs, Plan de cohésion sociale pour les seuls apprentissages dont l’ambition est de
plus de 25 ans… pour n'en citer que fournir une main-d’œuvre aux besoins
quelques uns. changeants des entreprises ? Dans une
société qui s’accommode de plus de 10,4 %
Malgré de réelles bonnes volontés et beau- de chômeurs, il serait juste de s’interroger
coup d’argent investi, le chômage sur l’efficacité d’un tel système et de réflé-
perdure, s’accroît, s’exerce à des circon- chir au moyen de faire de l’insertion une
volutions et augmente inexorablement. chance d’accéder à l’emploi. Comment ?
Pourquoi ? En parallèle des raisons écono- En favorisant la participation des per-
miques avancées, il me semble qu’il existe sonnes à leur projet de vie et d’insertion
plusieurs raisons ancrées dans le système professionnelle. En considérant les béné-
établi pour lutter contre ce fléau. En effet, ficiaires comme des individus porteurs de
l'insertion n’est pas, comme on aimerait le capacités à trouver par eux-mêmes une
croire, synonyme d’intégration des publics solution à leur orientation. Mais prend-on
au sens défini par DURKHEIM : l'apparte- le temps de consulter les sans-emploi
nance à un groupe ou à une société à quant à leurs idées, leurs expériences,
partir du moment où leurs membres se leurs connaissances à propos des possibi-
sentent liés les uns aux autres par des lités de sortir de l’exclusion ? Les sollicite-

38 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


t-on comme experts au même titre que les ensemble de compétences individuelles et
professionnels dont le métier est de les partenariales, le développement d’un senti-
accompagner vers l’emploi dans le cadre ment d’appartenance à un groupe de pairs
d’une collaboration où chaque savoir travaillant sur un territoire. Chargée de
serait entendu à la même place ? C’est le cette étude, j’ai choisi de bâtir ma
pari soutenu en septembre 2000 par l’or- méthode d’investigation à partir de l’en-
ganisme Partenaires pour l’Emploi-PLIE quête ethnosociologique19 : au lieu de
(Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi) et poser des hypothèses, puis de concevoir
une enquête destinée à les vérifier, la
la Mission Locale d’Epinay sur Seine.
démarche ethnosociologique consiste à
enquêter sur une partie de réalité sociale-
Un coopération réussie : historique qui nous est inconnue. Ce que je
public/acteurs de l’insertion savais des banlieues parisiennes, des
Les acteurs de l’insertion de cette ville de la façons d’y vivre, des façons de penser,
Seine Saint-Denis sont confrontés, comme était de l’ordre des stéréotypes, des pré-
beaucoup d’autres, à la lutte journalière jugés et autres représentations collectives.
contre un chômage récursif. Cependant, Je n’y avais jamais vécu, jamais travaillé.
En m’appuyant sur cette ignorance, je
en dépit d’un manque de diplôme, d’une
pouvais, grâce à la méthodologie de ce
scolarité défaillante ainsi que d’autres fac-
type d’enquête, mieux écouter, mieux
teurs invalidants, certains demandeurs regarder en étant dégagée de tout a
d’emploi réussissent à sortir de l’exclusion. priori. Ainsi, un type d’observation parti-
Comment y réussissent-ils et quels sont les culier et un questionnement fondé sur les
processus activés ? Le Plie et la Mission récits de vie, m'ont permis de comprendre
Locale devinent que ces éléments pour- les facteurs de réussite vers l’emploi des
raient se traduire en savoirs professionnels jeunes et des adultes dans les banlieues
nécessaires aux pratiques d’accompagne- dites sinistrées et d'apporter dans l’espace
ment. Ils imaginent de donner la parole à public sous la forme d’une monographie
des personnes ayant connu des difficultés Cités de Mémoires puis d’un livre Oser
d’insertion et qui sont aujourd’hui dans le réussir l’insertion20 des éléments de
monde du travail. Ainsi, vingt personnes, connaissance objective et critique fondés
jeunes et adultes, ont accepté de raconter sur l’observation concrète et enfin de pro-
leur parcours de vie ; dix acteurs de l’in- poser un modèle de ce fonctionnement en
sertion ayant accompagné ces parcours y dégageant des savoirs nouveaux et des
hypothèses plausibles.
ont livré leur témoignage, acceptant de
porter sur leurs pratiques professionnelles La posture d’accompagnateur/interviewer
un regard critique. instaurée dans la méthode ethnosociolo-
gique a permis aux personnes consultées
La recherche action Cités de Mémoires a
permis de signifier par l’exemple que de prendre conscience de l’importance de
chaque individu porte en soi la possibilité leurs témoignages et des savoirs profes-
de sa réussite. Cités de Mémoires, c’est sionnels qui pouvaient s’en dégager.
aussi le repérage, par les acteurs de l’in- 19. Voir à ce propos : Daniel Bertaux. Les récits de vie. Perspectives
sertion, de la diversité des compétences ethnosociologique. Paris, Nathan, 1997. Alex Lainé. Faire de
mises en œuvre à l’occasion de l’accompa- sa vie une histoire. Théories et pratiques de l’histoire de vie en
formation. Paris, Desclée de Brouwer, 1998.
gnement des personnes dans leur parcours 20. Catherine Bernatet, Oser réussir l’insertion, Paris,
d’accès au travail, la capitalisation d’un Editions de l’Atelier, 2005.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 39


Le type d’entretien choisi s’inspire des Seine. L’enquête proposée aux acteurs de
courants de L’Ecole Nouvelle21 ainsi que l’insertion a eu pour objectif de faire
de l’approche rogérienne. Il propose de émerger chez chacun d’entre eux un
retrouver par la narration les savoirs mis savoir "dormant" ou inédits, né au cœur
en œuvre dans des expériences réussies des pratiques d’accompagnement. En
au regard de la personne, porteuses pour plus des entretiens individuels, j'ai
elle de joie et de satisfaction. Entre sep- proposé des entretiens collectifs sur les
tembre 2000 et mai 2001, se sont valeurs liées aux métiers, les récits d’ex-
succédé : entretien, transcription, relec- périences professionnelles avec l’objectif
ture, deuxième version, puis troisième de renforcer un partenariat balbutiant (les
entretien pour validation ; cela a donné la uns et les autres ne se connaissaient pas et
monographie Cités de mémoires. Pendant échangeaient par fiche navette). Enfin,
le temps de l’élaboration, les personnes j’ai emprunté à Yves Clot22 la méthode du
ont développé beaucoup de confiance en Sosie qui permet une explicitation très
elles, se sont reconnu des potentialités objective de l’acte professionnel.
nouvelles et ont engagé des projets collec-
En effet, la clarification des gestes et des
tifs. Certaines se sont mises à l’écriture,
attitudes journalières permet de prendre
d’autres ont imaginé des projets de lutte
toute la mesure du métier raconté et d’y
contre la violence urbaine, d’autres
découvrir des compétences inattendues
encore ont témoigné lors d'une confé-
qui, sorties de leur automatisme, augmen-
rence organisée en octobre 2002 par la
tent l’amplitude des savoirs agis dans le
Caisse des Dépôts de Bordeaux.
métier exercé. A l’issue de ces rencontres,
Lors de cette rencontre, l’auditoire recon- le groupe de professionnels exprima le
naît implicitement chez les auteurs de désir de continuer ce travail en intégrant
Cités de Mémoires une expertise dans la dès septembre 2001 de nouveaux parte-
lutte contre le chômage. Il découvre et naires dans leur groupe d'échange et
questionne, discernant à la fois le monde d'analyse de la pratique. A Epinay-sur-
de l’insertion, la paupérisation, la vie de Seine, les responsables des structures sou-
la cité et les formidables ressorts mis en haitent que leurs équipes s’expriment et
œuvre pour sortir de l’exclusion. Le succès mettent en lumière les ressorts et les
de cette manifestation dépassa le départe- savoirs propices à l’accompagnement des
ment de la Gironde car il fut convenu que parcours réussis.
ce type de conférences serait reconduit
dans l’ensemble des Caisses des Dépôts Les travaux de ce groupe reconnu par
de France. Très rapidement une demande l’ensemble des partenaires engagés don-
fut formulée par celle d’Angers. nèrent naissance à la Maison de l’initia-
tive et de l’Emploi d’Epinay-sur-Seine
dans laquelle les professionnels ont cons-
La reconnaissance des compétences des truit pas à pas leur collaboration. Chacun
demandeurs d’emploi mises en exergue travaille à partir de ses particularités mais
lors de ces conférences a pour corollaire dans un objectif pensé en commun : l’ac-
la formalisation et le partage des savoirs compagnement des personnes à la réali-
détenus par les professionnels de l’inser- sation de leur projet personnel et profes-
tion intervenant sur la ville d’Epinay-sur- sionnel. D’autre part, le public est partie

40 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


prenante du fonctionnement de ce dispo- portée par le demandeur d’emploi, aboutis-
sitif : un centre ressources, des personnes sement d’une coopération effective entre
ressources, un lieu destiné à la recherche des personnes et les accompagnateurs. Les
d’emploi (matériel informatique, techniques employées trouvent leur source
internet…), des espaces de paroles. C'est dans la théorie des démarches participa-
une opportunité pour organiser la cohé- tives que le Conseil Economique et Social
sion, la continuité des services. Ouverte définit ainsi en juin 2003 : "Il faut se recen-
en avril 2002, la Maison de l’initiative et trer sur les personnes, les reconnaître même
de l’Emploi regroupe ainsi les différents lorsqu’elles sont en très grande difficulté,
services liés à l’emploi et à l’insertion en comme des interlocuteurs; il s’agit de substi-
donnant une large place à l’initiative et tuer à une logique de méfiance, une logique
aux projets des demandeurs d’emploi. de confiance. Il faut maintenant franchir
L’expérience entamée en septembre 2000 une nouvelle étape. Il s’agit, en prenant en
a incontestablement favorisé la synergie compte le point de vue des personnes en
des acteurs de terrain et des partenariats situation de précarité et les acteurs de
efficaces pour lutter contre le chômage. terrain, de transformer en vrai parcours
Elle entretient l’enthousiasme des per- vers le droit commun, les dispositifs qui
sonnes en recherche d’emploi qui conti- actuellement créent des inégalités." Il s’agit
nuent à témoigner de leurs savoirs dans la aussi de rechercher dans les passés sco-
lutte contre l’exclusion. laires, professionnels et de formation, la
réussite plutôt que l’échec. Il convient de
considérer les publics comme des personnes
A Epinay-sur-Seine, les témoignages mon-
et cesser de les réduire selon des détermi-
trent qu’il est nécessaire de résister aux
nants administratifs (DELD, Rmiste, les plus
injonctions de placement à l’emploi à n’im-
de 50 ans, les "pas prêts à l’emploi ", les
porte quel prix, supportées à la fois par le
"trop diplômés", etc.). Ces appellations
professionnel et la personne en insertion. Il
caricaturales des dispositifs focalisent des
s’agit de bâtir de façon réaliste pour soi un
représentations et des stéréotypes, stigmati-
projet dans lequel chaque individu peut se
sent les individus et empêchent leur inser-
reconnaître en temps qu’être humain
tion.
accompli. Le temps d’élaboration du projet
n’exclut pas l’accès à des emplois précaires
21. L’école nouvelle est un mouvement fondé par Roger
à condition qu’ils s’inscrivent dans une Cousinet et François Chatelain dès 1945 en France. Ce
logique de cheminement individuel, qu’ils mouvement est issu des réflexions sur la pédagogie. Dès
aient du sens pour la personne, qu’ils soient 1920, R. Cousinet écrit ses premiers livres dans lesquels
il considère l’enfant comme un apprenti et définit les dif-
librement consentis. Il s’agit de permettre à férentest façons d’envisager l’acte d’apprendre. Le point
ce sens d’advenir en inscrivant le temps de commun des pédagogues fut l’observation du dévelop-
l’insertion, de l’orientation, de la mobilité pement des enfants, non pour agir dessus, mais dans le
but d’agir sur le milieu scolaire, pour le rendre plus
professionnelle comme un temps de forma- favorable et mieux adapté à la croissance de l’enfant.
tion et de développement des personnes. L’évolution nouvelle disait Roger Cousinet ne comporte
pas de système, ce n’est pas un ensemble de règles ou
de procédés, ni même de méthodes... C’est un esprit, on
L’insertion et l’accompagnement ne peut prendre une part de cet esprit. On le fait sien
tout entier ou on lui demeure étranger.
A quel moment peut-on dire qu’un parcours 22. Professeur au Laboratoire de Psychologie du
a réussi ? Quand l’évaluation est d’abord Conservatoire National des Arts et Métiers.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 41


Dans les pratiques de travail social, l’ac- personne. Les professionnels de l’insertion le
compagnement fait référence à une savent, le voient, et en parlent peu, préférant
posture, à une éthique, à la recherche d’un parfois s’en remettre aux méthodes et outils
accès à l’autonomie, à un mode de relation propres à leur métier plutôt que de tenter de
spécifique avec les personnes. Le socio- développer leur professionnalisme en s’au-
logue Robert CASTEL parle d’accompagne- torisant d’autres compétences qui pren-
ment effectif comme étant celui qui consiste draient pleinement en compte les capacités
à s’adresser à la personne en fonction de des personnes accompagnées à trouver des
ses besoins, de sa situation et qui passe à la solutions à leur insertion.
fois par un soutien psychologique et par la
garantie de ressources effectives. La loi de
S’autoriser d’autres compétences, c’était
cohésion sociale a inscrit l’accompagne-
en 1993 pour l’équipe du secteur emploi
ment dans les nouveaux contrats : CAE;
du CIDF23 de Bordeaux dont je faisais
contrat d’avenir, RMA, tutorat…
partie, reconnaître les limites de notre pro-
Le Plan BOORLO semble nous renvoyer à un fession face à l'inédit : pour la première
droit à l’accompagnement et au devoir de fois, un nombre important de cadres allo-
réussir l’insertion dans le cadre d’une relation cataires du RMI arrivaient sur le marché
tripartite - les personnes en recherche d’em- du chômage. Ces personnes (médecin,
ploi, les professionnels et les acteurs de l’éco- avocat, DRH, comptable, etc.) possédaient
nomique - au service de laquelle se mettent des diplômes, une expérience profession-
en place des politiques publiques. Je crois nelle conséquente et maîtrisaient parfaite-
que l’efficacité d’un tel plan peut trouver sa ment les techniques de recherche d’em-
réussite dans une approche particulière qui ploi. Toutefois, elles ne parvenaient pas à
s’appuie sur la reconnaissance et l’utilisation réintégrer le monde du travail. Nous ne
des savoirs des chômeurs et des personnes savions pas comment faire.
en emplois précaires et sur la légitimation et
le respect de la fonction accompagnement
Notre démarche a été de proposer au
dans les métiers de l’insertion.
groupe venu nous rencontrer de réfléchir
Je me situe dans une conception globale de ensemble autour d’une idée envisagée en
l’accompagnement qui tente d’allier éthique, équipe. Cette réflexion conjointe, le
technique, garantie du droit au travail et aux tâtonnement pas à pas, la confiance
revenus, individualisation des parcours et mutuelle dans la mise en place d’actions
personnalisation de la prise en charge. ont permis par la suite de concrétiser la
L’accompagnement se définit comme une démarche suivante : mener une réflexion
présence auprès de quelqu’un. On y trouve sur les possibilités d’insertion dans le
la notion de compagnon. La particularité de monde du travail par le développement
cette relation installe deux individus en inter- de pôles d’intérêts extra-professionnels ;
action et requiert de la part du professionnel accroître ou retrouver la capacité de se
des compétences relationnelles qui révèlent détacher de la recherche d’emploi obses-
chez l’accompagné une volonté de cons- sionnelle pour augmenter ses chances de
truire lui-même son parcours Si l'accompa- retrouver un travail ; créer un lieu d’é-
gnement concerne l’ensemble des profes- changes de savoirs et d’information, uti-
sionnels du social, l’acteur principal reste la liser les lieux, les personnes ressources et

42 Les Cahiers de l’accompagnement


23. Centre d’Information des Droits des Femmes.
Edition CARIF Poitou-Charentes
les supports logistiques. C’est à partir de lisation des connaissances encourage la
cette coopération dynamique que la remontée des informations sur les difficultés
méthode "S’en détacher pour l’obtenir" a de terrain et sur les évolutions des besoins
vu le jour. Son objectif premier : rompre de professionnalisation constatés entre
l’isolement et rechercher des centres d’in- pairs. Il faut consulter le public, prendre ce
térêts personnels, apprendre à gérer son temps-là plutôt que de proposer des solu-
temps entre la réalisation d’objectifs d’é- tions dans l'urgence. On est tenté de faire
panouissement personnel et de recherche du conseil car les gens attendent beaucoup
d’emploi, enfin, s’insérer dans un réseau de nous. L'accompagnement demande du
social pour trouver un équilibre visant à temps, il faut changer notre regard sur les
acquérir la capacité de trouver un personnes.
emploi. De 1993 à 2001, quinze
Qu'est-ce qu'on vient chercher dans ce
groupes se sont succédé avec des résul-
métier ? Il est nécessaire d'éclaircir cette
tats de l’ordre de 75 % en termes d’em-
question pour pouvoir se professionnaliser,
ploi, de formations qualifiantes ou de
dans le champ des sciences humaines, la
création d’entreprise. Nous avions
psychologie mais aussi la sociologie, la
repoussé les limites de notre métier en
psychosociologie, l'interculturel, le droit,
osant reconnaître nos difficultés et en
l'économie politique… L’accès à la forma-
proposant au public lui-même de s’asso-
tion continue ou à la validation des acquis
cier à nos réflexions. La démarche
de l’expérience permet de contextualiser
posée, il nous a fallu l’enrichir, la ques-
des capacités en les adaptant à un
tionner, l’actualiser sans cesse. Nous
contexte local spécifique.
avons défini des besoins nouveaux, nous
nous sommes perfectionnés et remis en C’est à mon avis une garantie du maintien
question par la formation continue et la de la déontologie d’un corps de métier qui
coopération. pourrait, sans cela, céder à des exigences
qui seraient en désaccord avec ses valeurs
L’insertion et la
et son éthique. On le sait, ce secteur est
professionnalisation des acteurs difficile à repérer au niveau de ses pra-
Quels que soient le niveau de formation tiques quotidiennes comme de ses résultats
initiale, les diplômes, l’expérience profes- dont l’évaluation aujourd’hui ne s’effectue
sionnelle, l’excellence dont disposent pratiquement que sur les taux de place-
souvent les acteurs de l'accompagnement, ment à l’emploi. Cette difficulté d’identifi-
les métiers de l’insertion sociale et profes- cation repose sur les représentations diver-
sionnelle requièrent une constante profes- gentes entretenues par la population, les
sionnalisation. Le besoin d'information est acteurs sociaux, voire les acteurs politiques
constant sur les dispositifs, les métiers, les à partir des multiples images identifica-
emplois. La professionnalisation est au toires de leur profession - formateurs ?
cœur de la pratique partenariale. éducateurs ? animateurs ? chargés d’inser-
Pourquoi ? Parce que celle-ci permet l’ap- tion ?…- et sur des peurs que peut susciter
prentissage de nouveaux savoirs par une chez chacun d’entre nous le mot chômage.
réflexion sur l’action, par exemple dans un Souvent pris dans les aléas du quotidien et
groupe d’échanges et d’analyse de pra- de la gestion de l’urgence avec lesquels il
tiques institué entre partenaires. La mutua- faut bien se débrouiller, soumis à des

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 43


actions nombreuses et diversifiées, les pro- blèmes familiaux, de santé, d’empêche-
fessionnels de l’insertion disent être parfois ments scolaires anciens, de motivation. A
cloisonnés dans leurs pratiques et regret- partir de ces constats, l’équipe et moi-
tent de ne pouvoir consacrer assez de même avons posé des objectifs d’accom-
temps à l’analyse de leur métier. pagnement de ces élèves à partir de
Cela questionne les moyens de coopération méthodes actives en orientation des
entre les acteurs du social, du politique et adultes notamment la démarche du porte-
de l’économique autour des parcours mis feuille de compétences. Dans un premier
en œuvre avec les personnes. Pouvons- temps, l’équipe s’est formée à cette
nous inscrire le temps de l’insertion comme méthode puis, ensemble, nous avons créé
un temps relié à l’activité économique, un outil inédit24 d’accompagnement des
sociale et culturelle d’un territoire ? projets de l’élève avec comme objectifs :
aider les élèves à formuler par écrit un
L’insertion et le territoire projet de formation professionnelle ou le
Que ce soit à l’école, dans les milieux métier qu’ils souhaitent exercer ; à
sociaux, économiques et culturels, il est prendre conscience de leurs savoirs, de
temps de concevoir une forme de parte- leurs compétences, à opter pour un élar-
gissement de choix professionnels. La
nariat qui favoriserait l’utilisation des poli-
démarche repose sur quatre règles :
tiques de l’emploi au service des indi-
vidus. Cela repose sur l’émergence d’une
communication dont les contours et les • le respect du temps pris par l’élève pour
formes sont encore à inventer. Il faut que construire son projet : la démarche du
les initiatives et les expériences existant portfolio est jalonnée d’exercices, de
déjà puissent être valorisées et permettre maturation, de retours en arrière, de dis-
un travail effectif entre les intervenants cussions, de confrontation d’idées,
d’un territoire. Cela suppose un désir et • l’analyse de l’ensemble de la personne
une compétence à se connaître pour et non simplement le côté scolaire et pro-
pouvoir agir ensemble. Le bon vouloir ne fessionnel : le bilan personnel doit ana-
suffit pas. Il s’agit de travailler, avec lyser les manifestations de la motivation
méthode et exigence de changement, des dans l’ensemble de la vie,
relations coopératives qui produiraient • l’utilisation de l’imaginaire et du ludique
des réponses adaptées aux problèmes avant d’aborder le réel : la notion de
d’insertion ou d’exclusion. J’ai rencontré "deuil d’un projet" disparaît ainsi car c’est
nombre d’expériences allant dans ce sens. l’élève lui-même qui vérifie au fil du
Au Lycée Professionnel Bel Orme à temps, parce qu’il en est acteur, la faisa-
Bordeaux à partir de 1997, l’équipe du bilité de son projet,
secteur Santé, Social, Services s’interro- • l’utilisation des phases personnel/pro-
geait quant au problème des élèves fessionnel pour faciliter les déclics :
orientés souvent par défaut vers l'établis- moment où l’élève comprend quelque
sement. Ces élèves connaissaient des dif- chose sur lui-même, moment-clé qui
ficultés scolaires et n’étaient pas tous permet l’élaboration du projet.
volontaires pour suivre les formations
envisagées pour eux. Les difficultés sco- 24. Bâtir son itinéraire pour construire sa vie - LPP/LTP Bel
laires étaient souvent dues à des pro- Orme, Bordeaux, 1997.

44 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Pendant l’année chaque professeur devient délaissé au gré des fluctuations écono-
référent/accompagnateur des portfolios de miques, sociétales et politiques.
trois ou quatre élèves. A la fin de l’année
scolaire, un jury se réunit, composé de pro- L’insertion ne peut fonctionner sans une col-
fessionnels du secteur Santé, Social, laboration avec le monde de l’économique.
Services, d’enseignants, et de moi-même. A partir d’études réalisées dans les six pays
Chaque élève en classe terminale de CAP ou partenaires sur les processus d’insertion
BEP présente son parcours, explique ses des jeunes de 16 à 25 ans et d’un dia-
projets, explicite ses atouts, clarifie le chemin gnostic territorial élaboré à l’échelle trans-
qui reste encore à parcourir. Parfois, à nationale auprès des acteurs de l’insertion
l’issue de ces jurys et grâce à la clarté des et de l’entreprise, est née en 2003, la for-
discours et à la motivation des jeunes, des mation expérimentale Eurojobmediator
emplois sont proposés. Les premières expé- (projet européen Léonardo Da Vinci II). Elle
riences ont montré les résultats suivants : se présente sous la forme de modules de
• Pour les élèves : le développement de la formation pour les acteurs de l’insertion
motivation, une meilleure compréhension (futurs médiateurs externes) et les entre-
du monde du travail et de ses conditions prises (futurs médiateurs internes). Le projet
d’accès, la nécessité de se former et de a donné lieu à la rédaction d’une charte de
développer des compétences sociales. bonnes pratiques de l’Eurojobmédiateur.
• Pour les enseignants : une vision de Un site web25 ainsi qu’un DVD26 ont été
l’élève dans sa globalité, une aide dans la créés.
relation, une meilleure connaissance du
monde du travail. Je suis intervenue dans le projet porté par
la Mission Locale d’Agen (Lot et Garonne)
pour un module de communication entre
Cette collaboration entre élèves, ensei- les acteurs de l’insertion et dix entre-
gnants et professionnels a donné nais- prises d’Agen, grandes, moyennes et
sance au Café de l’emploi. A la manière petites. L’objectif principal est le suivant :
des "cafés philo", c’est un lieu de ren- faciliter le parcours des jeunes en insertion
contre convivial qui réunit les jeunes, les et notamment leur cheminement dans l’en-
équipes pédagogiques et les entreprises treprise, par la mise en place d’un réseau
autour de débats, de conférences, d’ate- de partenaires. Deux objectifs secondaires
liers thématiques et d’entretiens indivi- tout aussi importants : d’abord connaître
duels. Ici, la parole s’exprime autrement et clarifier les domaines de l’insertion
qu’à l’occasion de rencontres institution- sociale, de l’insertion professionnelle ainsi
nalisées. Chacun fait évoluer ses repré- que les champs d’activités des différentes
sentations du monde du travail, de l’école, structures d’accueil et leurs missions
de la formation et entame un dialogue respectives (coopérations externes) puis
constructif quant à l’insertion des jeunes.
Mais de telles initiatives demandent un 25. www.eurojmediator.org
soutien institutionnel à long terme. Il faut 26. Eurojmediator : création d’une formation de médiateur
le courage et le militantisme des acteurs pour une insertion durable en entreprise de jeunes en dif-
ficultés (témoignages vidéo, outils pédagogiques, docu-
de terrain pour soutenir ce type de projet, ments d’information, apports des échanges transnatio-
qui nécessite des financements et peut être naux) - Production/réalisation Télimage.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 45


positionner les formés, issus de l’entre- rapport entre emploi et formation, entre
prise, et ceux issus du secteur de l’inser- actions publiques et stratégies économiques
tion, dans une recherche d’adéquation d’un territoire, entre salariés tuteurs et per-
entre leurs différents enjeux et ainsi ren- sonnes en formation. Mieux connaître les
forcer leurs capacités d’actions communes dispositifs, résister à la prégnance de la
(conduite au changement). Après ces deux performance, oser sortir de sa culture pro-
jours de rencontres, les chefs d’entreprises, fessionnelle pour rencontrer d’autres sec-
les DRH et les acteurs de l’insertion disent teurs et se reconnaître un corps de métier à
qu’ils ont appris à mieux communiquer part entière amèneraient une somme de
tout en prenant en compte la façon de compétences propices à l’apport de solu-
penser des partenaires, qu’ils ont mis en tions quant aux problèmes d’insertion des
œuvre des projets communs basés sur la personnes. Cette sincérité de coopération
mutualisation des savoirs et l’utilisation des portant sur les pratiques, les outils et la
compétences entre les médiateurs internes capacité d’agir ensemble fonde un terreau
et les médiateurs externes, qu’ils ont de motivations et de compétences qui pour-
recherché ensemble des solutions aux dif- raient à mon sens faire de l’insertion un
ficultés. Ainsi, la transversalité des compé- synonyme d’intégration où chaque per-
tences et la reconnaissance de valeurs sonne accompagnée saurait se reconnaître
communes entres les deux types de média- une identité sociale reconnue et valorisée.
teurs ont permis l’interactivité, la volonté
commune d’agir ensemble, l’engagement.
Depuis, plusieurs projets ont vu le jour QUELQUES RÉACTIONS ET
comme les petits déjeuners entreprises / ÉCHANGES APRÈS LA CONFÉRENCE
acteurs de l’insertion, des actions d’inté-
grations innovantes dans l’entreprise pour Coopérer avec les entreprises
les acteurs de l’insertion, dans les struc- Les chefs d'entreprise, les DRH ont une
tures d’accompagnement (mission locale, représentation négative du secteur de l'in-
organisme de formation, etc.) à l’occasion sertion : les accompagnateurs sont de
des entretiens avec les jeunes pour les doux rêveurs humanistes et les jeunes ou
entreprises. Au bout d’un an, le bilan les salariés des SIAE ne sauraient s'a-
effectué en avril 2005 montre que les per- dapter aux postes à pourvoir. Ça bloque
sonnes ayant participé à l’intégralité de la le processus d'insertion, ils ne veulent pas
formation ont renforcé leur collaboration de ces publics dits "en difficulté". De leur
et cela s’est traduit par un meilleur accès et côté, les acteurs de l'insertion voient l'en-
un meilleur maintien des jeunes en emploi. treprise comme un lieu d'exploitation,
dénoncent les mauvaises conditions de
travail. Les entreprises s'engagent quand
CONCLUSION elles ont besoin de recruter ou de stabi-
liser des salariés sur les postes. A Agen,
Choisir la mise en place d’un partenariat des visites se sont déroulées en entreprise,
qui invente des formes de coopération pro- sur les postes de travail ; il y a eu des
pices à la lutte contre l’exclusion comme à remarques sur les conditions de travail, les
Epinay-sur-Seine, à Agen ou à Bordeaux, salaires, qui ont conduit à des améliora-
c’est oser l’instauration d’un nouveau tions. Pour arriver à ça, il faut d'abord de

46 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


la bonne volonté et des lieux de rencontre. tives. Ça fait partie de la responsabilité de
Il faut faire bouger ces représentations, l'adulte : favoriser la citoyenneté,
permettre à ces deux mondes de se ren- apprendre aux plus jeunes à vivre, à être
contrer, ne pas "parler boulot" tout de en société.
suite, faire tomber les peurs, les masques
car au fond les valeurs sont les mêmes. Insertion et sens du travail
Ne faut-il pas distinguer demandeur
Coopérer d'emploi et demandeur d'activité ? Des
avec les décideurs politiques gens insérés, actifs socialement et plutôt
Les professionnels de terrain ont à faire satisfaits sont contraints de maintenir leur
entendre leur professionnalisme lors de la statut de DE. Faut-il courir après un
mise en place des dispositifs. Il faut des emploi pour tous ou laisser les places aux
rencontres pour faire passer ce savoir et jeunes ? Les plus âgés eux, s'y retrouvent
avec la famille, l'entraide, ils se sentent
ces compétences issus du terrain, cons-
utiles. L'emploi pour tous n'est pas une
truits avec les personnes en insertion, par-
affaire de choix politique, on n'agit pas
ticiper à une co-construction des cahiers
dessus. Aujourd'hui les entreprises
des charges et des évaluations. Il peut y peuvent faire du profit en dehors de la
avoir des écarts dans la lecture d'une cir- force salariale par la financiarisation de
culaire par exemple. L'association l'économie. Deux millions et demi de per-
"Education et société" s'efforce de par- sonnes vivent en dessous du seuil de pau-
tager avec les politiques sur des thèmes vreté. Les 35 heures ont entraîné des
(actuellement sur les effets de la décentra- questions sur ce qu'on fait du temps libéré
lisation) qui sont l'occasion de débat et donc sur le sens de la vie, sur ce qui est
public, de discussion. Il faut imaginer des important pour chacun. On ne demande
moyens de ne pas tout accepter. pas à un demandeur d'emploi ce qu'il
veut faire de sa vie. On ne nous paye pas
pour parler de ça mais est-ce que notre
Coopérer avec le monde associatif
métier c'est de l'aider à s'insérer dans une
Une épicerie sociale a pour but de distri- norme ?
buer des aliments mais aussi de restaurer
Il faut requestionner le sens du travail sur
le lien social, de favoriser la solidarité et
le terrain politique. C'est une importante
l'insertion des personnes. Comment le
question de société, GORZ et MEDA27
monde associatif en lien avec les plus pré-
l'ont abordée dans les années 90. Le
caires peut-il contribuer à l'insertion
travail conserve aujourd'hui une place
sociale de ces publics, quels sont les ingré-
primordiale par la valorisation sociale et
dients du lien social ? responsabilité ? soli-
le sentiment d'appartenance qu'il
darité ? L'action associative peut déve-
procure.
lopper des compétences, redonner une
identité, développer des savoirs, des
astuces, les mécanismes de l'accès à l'em-
ploi. La mutualisation et la solidarité 27. André GORZ, Métamorphose du travail, quête de sens.
peuvent être innovantes, il faut mettre en Galilée, Paris, 1988. Dominique MEDA, Le travail, une
place très tôt de telles expériences associa- valeur en voie de disparition. Aubier, Paris, 1995.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 47


Témoignages régionaux

Parcours Femmes en Poitou-Charentes :


un partenariat, des réseaux pour l’insertion des femmes.

Elisabeth Gabillard La durée est un élément important, un


(IRTS Poitiers - Coordonnatrice du parcours peut durer 2 ans. Cela permet
département "Modes d’Emplois") de faire des coupures, des pauses.
Une action expérimentale a été menée à Le dispositif "Parcours femmes" relie
Poitiers en 1983, puis en 1986 une étude quatre structures dans la région Poitou-
sur l'insertion professionnelle des femmes Charentes, une par département :
sans qualification dans la région. Cette • Charente : Retravailler
action a constitué un démarrage et l’étude • Charente-Maritime : GRETA
a donné des préconisations et permis la (anciennement la MEP)
création du dispositif "Parcours d’accès à • Deux-Sèvres : IRFREP
l’emploi pour les femmes " pour l'insertion Ligue de l'enseignement
des femmes sans qualification ou avec un • Vienne : IRTS Modes d'emplois
bas niveau de qualification. Ce dispositif
partenarial est pris en charge dans le Ces quatre structures travaillent en partena-
cadre du contrat de plan Etat Région et riat depuis plus de quinze années avec une
s'attache aux difficultés d'accès à l'emploi volonté d'échanger sur les pratiques. Depuis
rencontrées par les femmes. 1992, elles s'investissent dans différents
projets européens (NOW, puis EQUAL) ce
Très souple, il combine des formations et qui leur donne du temps pour travailler
un accompagnement individuel, à temps ensemble, mener des études, partager des
partiel ou à temps plein, offre différents pratiques et s'outiller conjointement.
modules comme des remises à niveau, la
gestion du temps, la recherche d'emploi et Après plus de quinze ans, la priorité n'est
s'appuie sur les ressources locales en plus l'accès à l'emploi le plus rapidement
matière de formation qualifiante. possible : cela conduit trop souvent à main-
tenir les femmes dans la précarité avec des
L'accompagnement est individuel, c'est un
emplois peu qualifiés, à temps partiel, à
élément essentiel qui donne du sens au horaires décalés. Nous travaillons davan-
parcours. Il est réalisé en lien avec des tage dans une perspective d'accompagne-
professionnels spécialisés (santé, psycho- ment centré sur la personne, dans la cons-
logie, social). truction de parcours plus durables.

48 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Depuis 2002, dans le cadre du pro- Les observations de terrain ont permis de
gramme européen EQUAL, les structures modifier le dispositif, par exemple
travaillent sur les axes suivants : admettre qu'une femme peut concilier son
• diversification des orientations profes- inscription dans le dispositif et un travail à
sionnelles comme moyen d'accéder à temps partiel.
des emplois plus qualifiés, à temps plein, L'objectif principal, le projet partagé, est
• préparation pour l'accès à la VAE, l'amélioration de l'insertion professionnelle
• conciliation vie familiale / vie profes- des femmes. Le dispositif accueille 150 à
sionnelle, 200 personnes par département, soit 800
• technologies de l'information et de la femmes dans la région. Nous arrivons à un
communication taux d'insertion supérieur à 50 %.
(le site www.cyb-elles.org permet de dif-
fuser des travaux, de l'information). Entre nos quatre organismes, pas de
concurrence, mais un partage des outils et
"Parcours femmes" a aussi mené des études le respect des différences. Il n'y a pas de
sur les spécificités de l'accompagnement secret, ni de propriété des idées et des
des femmes vers l'emploi, sur l'évolution des outils. D'ailleurs, tout ce que nous produi-
métiers féminins, engagé des réflexions sons ensemble est diffusé, car nous tra-
avec l'organisation de séminaires (par vaillons sur des financements publics.
exemple en octobre 2004, une rencontre Chaque département a son réseau de
sur la "Diversification des orientations pro- proximité, chaque organisme ses spécifi-
fessionnelles des femmes"). Notre partena- cités et il nous faut respecter ces diffé-
riat nous a permis de créer et d'échanger rences. Nous avons une prise de décision
des outils et des séquences de formation. commune et un équilibrage du temps
Ces outils (le portefeuille de compétences, passé par chacun. Chacun de nous est
l'attestation d'activités) sont testés par des autorisé à parler au nom des autres sur les
femmes avant d'être finalisés et généralisés. décisions majoritaires.

En quinze ans de travail en commun, nous


Nous travaillons sur des questions et pro-
sommes passés de valeurs communes à
blématiques minoritaires. Par exemple, en
une culture commune.
1992, la question de la diversification des
emplois féminins n'était pas à l'ordre du
Patrick POITIERS
(IRFREP- Ligue de l'Enseignement jour. On s'est exposé ensemble. Se vivre
Poitou-Charentes - Directeur de comme une minorité, cela nous a soudés,
l'Agence des Deux-Sèvres) nous a amenés à parler d'une seule voix.
On peut parler d'une évolution de notre
coopération, d'une construction progres- Sur le programme européen EQUAL, en
sive du dispositif. partenariat avec l'AFPA, 26 personnes

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 49


ont participé aux activités : construction pays, ce qui suppose de bien organiser
d’outils, diffusion d'information, partage les activités. Le partenariat transnational
de valeurs. La caractéristique du partena- exige de se caler, d'avoir partagé avant.
riat transnational EQUAL, c'est qu'il y a Cette formalisation est constructive.
de nombreux partenaires dans chaque

Accompagnement vers l’emploi marchand


de personnes bénéficiaires du RMI sur le Pays des Six Vallées (Vienne).

Thierry FAYOUX l'emploi direct pour un public peu ou pas


(directeur PAIO ERIGE Lusignan) qualifié, niveau bac maximum, jeunes,
Notre propos concerne aujourd'hui les bénéficiaires du RMI, demandeurs d'em-
bénéficiaires du RMI mais la PAIO reçoit ploi. Six équipes sur la Vienne assurent un
toute sorte de public. Nous travaillons service de proximité vers les entreprises et
dans le Pays des Six Vallées, 48 com- les demandeurs. En 2004, nous avons
munes sur lesquelles il n'y a aucune struc- accompagné 120 personnes dont la
ture pour l'emploi. moitié allocataires RMI.

Anita LOUET Thierry FAYOUX


(responsable de l'Unité territoriale
Pourquoi ce partenariat ? Nous nous
d'intervention sanitaire et sociale
sommes demandé : quels freins mettons-
de Fontaine le Comte)
nous - nous-mêmes, acteurs du social - à
L'UTISS est rattachée au Conseil Général
l'accès direct à l'emploi ? Certaines per-
avec pour missions :
sonnes sont passées par toutes les mesures
• l'accueil, l'écoute, l'orientation et l'ac-
et n'accèdent pas pour autant à l'emploi.
compagnement de tout public, jeune,
famille, adulte, pour les personnes ren-
Toute demande d'emploi est entendable
contrant des difficultés de toute nature ;
• le suivi et l'accompagnement des béné- mais certaines personnes ne savent pas se
ficiaires du RMI avec le dispositif des vendre et se mettre en valeur. Il faut
contrats d'insertion. arrêter de se dire que les gens ne sont pas
prêts et agir sur le système. On évite ainsi
Stéphanie CHAIGNAUD les parcours longs, les étapes préalables ;
(chargée de mission, équipe de c'est un gain direct pour la collectivité.
prospection placement IOD, Cap
Emploi) Stéphanie CHAIGNAUD
La structure existe depuis 1995 et dépend On part de la demande de la personne,
du Conseil Général. Elle vise l'accès à de ce qu'elle a envie de faire et de ses

50 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


savoir-faire. Si on ne part pas de la per- insiste sur l'idée de compétences mini-
sonne, si elle n'est pas volontaire, cela ne males (et non maximales) et d'adaptation.
fonctionne pas. On travaille avec l'entreprise, on fait une
L'emploi qu'elle souhaite existe-t-il ? S'il étude de poste qui débouche parfois sur
n'existe pas sur le secteur, on lui propose un changement de définition. Les
autre chose. Nous prospectons alors les employeurs ont besoin d'aide pour les
entreprises sur le type d'emploi que recrutements mais aussi sur l'organisation
recherche la personne. Nous envisageons des postes dans l'entreprise. C'est cela,
ensemble le poste, les conditions de agir sur le système. 92 % des personnes
travail… en emploi restent en emploi l'année sui-
vante. 30 % des gens rebondissent sur
Si la personne est intéressée, elle est mise d'autres types d'emplois.
en contact avec l'emploi sur le terrain.
Nous allons ensemble rencontrer le chef
Anita LOUET
d'entreprise et les collègues, visiter les
lieux, afin que chacun décide en connais- Le RMI sur notre secteur concerne 450
sance de cause. Nous l'accompagnons allocataires pour 58 % de contractualisa-
tout au long de la période d'essai qui ne tion. Nous organisons des temps de ren-
doit pas être une période de test mais un contre entre nos trois structures autour des
temps d'adaptation. Selon le cas, on fait parcours, sur les besoins repérés du béné-
en sorte que la personne soit opération- ficiaire. Il y a des entretiens tripartites, des
nelle à la fin de la période. réajustements sur le contrat d'insertion.
Une commission technique de validation,
Thierry FAYOUX instance mise en place en 2005, réunit
Les critères de sélection sont généralement des élus du Conseil Général et des per-
bien plus élevés que ce qui est nécessaire. sonnes ressources. Les cellules d'appui
Dans le secteur rural, il y a des entreprises sont des espaces de réflexion et d'infor-
qui ont des problèmes de recrutement. On mation sur les situations des personnes.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 51


Compte-rendu des ateliers

COMMENT FAVORISER LA PARTICIPATION DES PERSONNES À LEUR PROJET


DE VIE ET D’INSERTION PROFESSIONNELLES ?
Animation : Patrick POITIERS, Ligue de l'enseignement IRFREP
avec Emmanuelle MAZEAUD, CARIF Poitou-Charentes

Si la participation de la personne à son • Contractualiser, verbaliser l’intervention :


projet de vie et d'insertion professionnelle - exposer le sur quoi on va travailler, le
suppose qu'on la prenne en compte dans sa comment, avec qui
globalité, quelles formes de coopération cela - faire exprimer ce que la personne attend
implique-t-il et entre quels types d'acteurs ? de la prestation/intervention
- pourquoi est-on là ensemble ?
Comment donner du sens à l’engagement
de l’individu et le rendre acteur de cette • Entrer dans la (en) relation
démarche ? La formulation de la question - rassurer, gagner la confiance
parait incongrue, voire paradoxale pour - éviter la violence de certaines questions
certains… du genre : "quel est votre projet ?" tout
en prenant en compte l’injonction au
• S’il n’y a pas de participation de la per- projet par exemple pour les allocataires
sonne ça veut dire qu’il n’ y a pas de du RMI
projet de vie. - permettre à l'envie, au vouloir de s'ex-
• On peut avoir un projet sans être acteur primer
(c'est-à-dire qu’il n’y a pas de mise en
œuvre, pas encore de démarrage …). • Ce qui se joue dans la relation
- transfert
Coopérer avec la personne : - préjugés
Coopérer avec la personne ce serait aller - émotions
vers "l’entrée en actes" et accompagner le - pouvoir (position non égalitaire)
cheminement. Comment faire pour se rap- - jugement (le projet irréaliste : pour qui ?)
procher, pour rejoindre la personne sur
son projet ? Comment s'articulent le projet • Comprendre, interpréter les actes posés
de la personne et le projet du travailleur par la personne
social pour la personne ? - quelle est son intention ? sa motivation ?

52 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


- Est-ce qu'elle fait ce qu’elle croit qu’on - 9 objectifs pédagogiques identifiés
attend d’elle ? - 6 intervenants
- un temps de concertation pour se
Il convient de s’assurer que les non-actes démarquer, pour mieux travailler en
ne viennent pas du fait d’incapacités à équipe, formaliser, mettre à jour, préciser,
comprendre des situations plus complexes le type de compétences, les limites des
qu’il n’y paraît (par exemple téléphoner interventions, les pratiques, les outils ….
pour une période en entreprise ; prendre Des étapes structurées avec une semaine
contact pour obtenir une information,...) : de détermination, d’engagement qui
le manque de compétences n’est pas
permet de présenter la commande institu-
signe de manque de motivation.
tionnelle au jeune et de confirmer le choix
des intervenants.
• Le temps dans la relation
- laisser le temps qu’il faut ?
2. Suivi MGI en Charente
- y a-t-il un schéma type de déroulement
- mise à plat du partenariat
de mise en projet ? avec des étapes ?
- instance de suivi en présence du jeune :
La coopération cellule d’appui
entre acteurs de l’insertion
La multiplicité des accompagnateurs, des 3. Comités opérationnels des PLIE
accompagnements autour d’une même per- - CLI, DDTEFP, entreprises d’insertion,
sonne peut être un plus pour la personne : etc.…
elle peut y prendre ce dont elle a besoin ; la
personne "fait le tour", elle profite des 4. La Ligue – IRFREP 79 : coopération
expertises et de la diversité des services. entre pairs
• pour plus de cohérence autour de la - Mise en place d’équipes projet pour des
personne en difficulté ? jeunes en insertion
• pour un service optimisé ? - L’engagement au cœur du projet
• pour répondre aux exigences du financeur ?
La coopération entre acteurs de l'insertion
Des étapes peuvent être dédiées, partagées est une pratique émergente, avec des
avec d’autres acteurs. Le partage d'infor- limites et des difficultés. Les participants
mations sur la personne exige une vigilance confirment le souhait de faire évoluer les
aux règles d’éthique et de déontologie. pratiques, d'aller, au-delà des relations
inter-personnelles facilitantes, vers des
coopérations raisonnées. Pour cela, il faut
Quelques exemples
pouvoir se dire les choses, se comprendre,
de coopération réussie
entendre les critiques, aller au-delà des
représentations réciproques pour faire
1. Chantier d’insertion jeunes par le ensemble, partager des outils construits
sport en Charente, CFOSEP ensemble.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 53


INSCRIRE LE TEMPS DE L’INSERTION,
DE L’ORIENTATION, DE LA MOBILITÉ PROFESSIONNELLE,
COMME UN TEMPS DE FORMATION ET DE DÉVELOPPEMENT DES PERSONNES ?
Animation : Didier VALDES, AGEVIF- CAFOC
avec Christine CAVAILLE, GIP Qualité de la formation

Est-ce que l'intervention des professionnels seulement sur les savoir-faire, mais aussi
de l'insertion ou de l'orientation se situe sur le savoir-être.
nettement dans une logique de l'ajuste- Nous proposons à notre public un
ment, du placement, de l'adéquation ? Ou apprentissage ou ré-apprentissage des
bien l'accompagnement est-il censé mettre rythmes de vie collective, de vie au travail
la personne dans un processus de change- mais aussi des modules qui permettent de
ment ? Avoir un "effet formateur" ? changer leurs représentations de la for-
mation pour qu'ils n'hésitent plus à se
Didier VALDES former entre deux boulots. On fait évoluer
Nous essaierons d’explorer au cours de cet le comportement des personnes par
atelier les limites de la notion de formation rapport à la formation.
rapportée aux situations d'insertion ou de Il y a une image de la formation qui
mobilité professionnelle. Ces temps d’o- renvoie à l'école, à l'échec scolaire, et qui
rientation et de mobilité professionnelle, peut faire peur. Une formation Premiers
s'ils induisent un processus de changement, secours qui n'est pas sanctionnée peut
peuvent-ils être considérés comme des constituer un point de départ, permettre
temps de formation ? Quelles sont les une nouvelle approche de la formation.
contraintes ? Quel rôle a l'accompagne-
ment dans la mise en place d'un processus Tout dépend de la définition que l'on donne
de changement ? Si ces situations d’entre- de la formation. On se forme quand on
deux contribuent au développement de la transforme ce que l'on a en quelque chose
personne, peuvent-elles pour autant se d'autre. L'accompagnement ne forme pas
penser comme un temps de formation ? mais induit un processus de changement
chez la personne.
Des actions entre L'action menée sur l'accompagnement en
accompagnement et formation emploi, il s'agit bien d'accompagnement ;
Nous menons des actions d'insertion pro- par contre, la période en entreprise, c'est
fessionnelle sur le terrain et réalisons un de la formation et c'est l'entreprise qui
accompagnement des jeunes de moins de l'assure. Puisqu'il y a eu un changement,
25 ans. Il y a une dynamique de groupe, que la personne a rebondi, c'est qu'il
les objectifs de formation ne portent pas s'agit de formation.

54 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Il y a des personnes qui sont très éloignées étapes de la formation ou autre chose ?
de la formation (sous méthadone, sans Il est très important de leur laisser des
logement, avec des tas de problèmes…) et traces de ce qu'on fait.
qui pourtant arrivent à reprendre pied Les personnes se sentent valorisées quand
parce qu’elles sont en professionnalisation elles reçoivent les attestations de forma-
en entreprise, alors que d'autres qui sem- tion, même si elle n'est pas diplômante.
blent très près de l’insertion n'arrivent pas Ça peut donner parfois envie d'aller plus
à entrer dans la formation. Il faut arriver loin. C'est une fierté, on peut en parler, on
à trouver ce qui est "déclencheur" chez la l'a fait, ça nous appartient.
personne. Le travail en partenariat est Dans le cadre du contrat d'insertion, il
précieux ici car il peut aider à trouver la faudrait intégrer toutes les étapes dans
meilleure solution pour la personne. une formation, pour que la personne se
l'approprie et se rende compte de ce
On doit répondre à une logique institution- qu'elle a fait dans son parcours. Désigner
nelle plutôt qu'à une logique pédagogique. ça comme une formation permet de valo-
On nous demande de mettre en formation riser la personne.
des jeunes qui ont un problème depuis 16
ans par rapport à l'école. Pour arriver à Accompagnement
des résultats, il nous faut contourner cer- vers la formation ou vers l'emploi
taines directives. Avec la décentralisation, Il y a un paradoxe : on considère que les
la formation professionnelle glisse vers la gens qui vont en formation sont en "sortie
Région. On a connu une période où l'in- positive" alors que ceux qui sont dans
sertion sociale était financée. L'insertion a d'autres démarches comme par exemple
glissé sur les Conseils Généraux. On ne une mission d'intérim, sont considérés en
peut plus proposer des actions de forma- "sortie négative" dans les statistiques.
tion de type social et insertion. Tout ce Il faut laisser à la personne du temps pour
qu'on peut faire, c'est de la qualification, et faire des expériences (par exemple, le
encore, avec des métiers bien ciblés, de travail en intérim), se poser, essayer autre
l'insertion vers l'emploi et c'est tout. chose et petit à petit en faire de plus en plus.

Pour tous ces temps d'accompagnement, peu Pourquoi vouloir considérer l'accompa-
importe le terme qu'on y met : formation, gnement comme de la formation ? Est-ce
information, accompagnement, il est impor- que c'est par rapport aux financeurs ?
tant d'évaluer les actions : l'action a-t-elle des Pour nos financeurs, ce n'est pas la for-
effets sur la personne et son parcours ? mation qui prime, c'est l'emploi. L'objectif
d'insertion est l'emploi.
Il faut ancrer un certain nombre d'étapes On nous demande d'amener les gens en
pour la personne. Est-ce qu'on appelle ces emploi durable, en CDI et on sort de nou-

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 55


veaux contrats de travail, des CDD sur 2 Les partenariats apporteraient des
ans… sommes de compétences qui permet-
traient d'apporter des solutions aux per-
C'est un problème de définition sémantique. sonnes bénéficiaires. Mais cela pose aussi
L'insertion n'est pas une fin en soi, c'est un le problème des personnes renvoyées
processus, une mise en mouvement. Dans le d'un organisme à un autre.
travail en mission temporaire, on oriente les
personnes vers la formation quand les com- Il faut aussi avoir une logique institution-
pétences manquent, mais de premier nelle de territoire pour avoir à proximité
abord, parler de formation fait peur. des structures d'accompagnements, d'in-
sertion, intermédiaires…
Il ne faut pas oublier que l'insertion passe
par plein de choses avant d'aborder la Professionnalisation
formation et l'emploi. Notre action est souvent peu lisible pour
Cela dépend des personnes. Pour beau- les financeurs. Ils refusent parfois de
coup, l'insertion sociale et l'insertion pro- financer des projets car ils ne compren-
fessionnelle peuvent se faire en même nent pas ce que l'on fait. Il faudrait
temps. L'emploi peut parfois régler des pouvoir mettre en place un diplôme d'ac-
difficultés sociales. compagnateur pour enlever le côté
Le terme formation peut faire peur aux opaque de l'insertion.
personnes (échec scolaire), le mot
"travail" est valorisant. Il existe déjà des formations à l'Université
(licence professionnelle des métiers de
Le chantier d'insertion est un point de l'insertion) et à l'AFPA (Conseiller en
départ : travail, salaire avec les effets Insertion Professionnelle) mais les finan-
induits de reconnaissance. On ne parle ceurs ne les connaissent pas non plus.
pas d'accompagnement, ni de formation.
Cela dépend vraiment de l'organisme et Il faut souhaiter que de nos métiers puisse
de sa mission. naître une formation de longue durée :
c'est une question de survie de nos métiers
Coopération et partenariat pour lesquels il n'existe pas d'identifica-
Il y a différents réseaux et des partenaires tion à un diplôme.
à solliciter et utiliser. On est malheureuse-
ment sur des dispositifs où c'est la perfor-
mance qui prime. C'est à nous de co-
construire un dispositif d'évaluation avec
les financeurs. Surtout ne pas vouloir s'en
débrouiller tout seul.

56 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


INSCRIRE LE TEMPS DE L’INSERTION COMME UN TEMPS RELIÉ
À L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE, SOCIALE ET CULTURELLE D’UN TERRITOIRE ?
Animation : Sonia SPERONI, GIP Qualité de la formation
avec Anne-Marie HAMON, CARIF Poitou-Charentes

Sonia SPERONI avec nombre d'associations, un réseau


Avec le RMI-RMA relevant des départe- d'entreprises…
ments, l'individu "allocataire" est à charge
du territoire où il réside. Du coup, l'injonc- Et surtout, l'individu n'est pas seulement
tion à (ré)insérer s'impose plus directement un anonyme demandeur d'emploi ou allo-
à un territoire : parce qu'il s'agit de ses cataire ; il est habitant-citoyen-voisin-
habitants et parce qu'il paye, l'insertion parent-adhérent sur un territoire, lieu de
renvoie à la question des ressources mêmes vie, lieu de travail, territoire d'action où il
du territoire : il est plus ou moins riche pour peut être en lien avec une diversité d'ac-
pouvoir payer, plus ou moins développé teurs. Il n'est pas seulement "à charge"
économiquement pour pouvoir insérer. mais peut être une ressource, un potentiel
Cela renforce la nécessité pour les acteurs de développement, d'animation, créateur
du social de s'intéresser de près aux possi- d'activité pour demain.
bilités offertes localement, à mobiliser les
entreprises, les partenaires socio-écono- Ces trois dimensions conduisent-elles "tout
miques au nom d'un "civisme local", d'un naturellement" à mobiliser une diversité
développement local. Certains parlent de de dimensions autour de la personne :
développement local durable quand l'éco- économique, sociale, culturelle… Malgré
nomique n'oublie pas le social… le clivage entre ces dimensions, comment
faire du lien, se mettre en lien, se retrou-
Par ailleurs, on fait le constat que les pro- ver partenaires sur un même territoire
fessionnels de l'insertion ne sauraient tra- d'action ?
vailler en vase clos (entre ALE - ML - EI …) Comment faire pour établir ce lien là ? La
sinon il y a échec à insérer professionnel- proximité est-elle suffisante ? Quelle cohé-
lement, stigmatisation des bénéficiaires sion donne-t-elle aux projets d'insertion
enkystés dans le chômage ou l'emploi professionnelle ?
aidé. Pour les amener vers le secteur mar- Le territoire est-il porteur d'une logique
chand, le monde de l'entreprise, les pro- locale de développement et de partenariat
fessionnels de l'insertion s'intéressent au ou bien la logique des réseaux prime-t-
tissu socio-économique local, sont en lien elle encore ?

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 57


La mobilisation d'une diversité de dimen- Les actions d’insertion pour les bénéfi-
sions autour de la personne apporte-t-elle ciaires du RMI sont mises en place dans
des solutions nouvelles ? C'est peut-être un travail en réseau avec des travailleurs
une fausse bonne idée ; quelle en est la sociaux. II y a un paradoxe du RMI : c’est
plus value ? Qu'est-ce qu'on fait mieux un dispositif d'État qui répond à la fois à
avec des partenaires qu'entre soi ? une philosophie et à une politique. La
commission locale d’insertion (CLI) a pour
Coopération objectif le fonctionnement et le contrôle du
autour des allocataires RMI dispositif.

Le Revenu Minimum d'Insertion est une


allocation départementale qui oblige à Un nécessaire partage
contractualiser avec un instructeur, il faut de pratiques
décliner qui on est, ce qu’on veut faire. Travaillent au sein de la CLI des personnes
Certains contrats d’insertion doivent per- qui ont des pratiques et des valeurs diffé-
mettre à la personne de bouger. Dans ce rentes. Toutes ne partagent pas une
cas, il faut mettre en œuvre les outils pour culture de l'accompagnement. Les tra-
lui permettre de le faire, tant sur le plan vailleurs sociaux sont davantage dans une
social, que sur celui du logement et de la posture d’aide pour répondre à des
santé et pour certains, de l’emploi. À un besoins, à des urgences, alors que la CLI
allocataire du RMI qui souhaite s’insérer a pour rôle de faire bouger les gens hors
professionnellement, il faut permettre du dispositif, de trouver une solution de
d’accéder à tous les outils qui peuvent le sortie. On ne parle pas le même langage.
mener à l’emploi. D’autres ont besoin de On entend des choses comme "Vous
plus de temps. Le RMI n’est pas une fin en obligez les personnes à travailler alors
soi. Il doit être un moyen pour s’en sortir. que c’est difficile pour eux et qu’il n’y a
Mais il faut des mesures coercitives si les pas de travail. Vous ne les mettez dans un
termes du contrat ne sont pas respectés. parcours que pour les insérer".

Être bénéficiaire du RMI correspond à des Nous sommes donc confrontés d’un côté
situations très disparates. L'allocataire au malaise social du bénéficiaire et de
peut avoir 55 ans et être en attente de la l’autre, à la pression sociale du Conseil
retraite, être un diplômé de 30 ans, avoir Général et plus largement de la société.
un statut d’agriculteur ou d’artisan, sortir Cette incompréhension engendre l’inertie.
d’hospitalisation, etc. Cette hétérogénéité C’est déstabilisant pour le public qui
des publics ne peut qu’engendrer des entend des discours différents : du dis-
contractualisations hétérogènes. Les pro- cours moralisateur sur le travail, à la
blématiques territoriales sont elles aussi charge contre la société et la violence du
diverses. système.

58 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Il est important que les interlocuteurs com- discours en fonction de la personne à qui
prennent dans quelle logique chacun il s’adresse et de l’endroit où il se trouve.
évolue sinon il peut y avoir des malen- Il faut donc partager sur la lecture que
tendus. Une personne peut être radiée de chacun peut avoir de la situation et se
la liste des demandeurs d’emploi non recentrer sur la personne. C’est le rôle des
parce que le conseiller en aura décidé animateurs de CLI d’amener chacun à
ainsi mais sur injonction de la structure respecter les postures de l’autre.
par exemple. Il peut arriver que l’ANPE Le temps de coordination n’est pas
pose un diagnostic social et que l’assistant calculé. Il est informel si les relations entre
social émette un avis contraire : "il faut les partenaires sont bonnes. Mais en
que la personne travaille". La position de même temps, s’il n’est pas institutionna-
chacun est fonction de l’évaluation que lisé, il risque de ne pas avoir lieu.
chacun a pu faire.
Cela vaut aussi pour la logique du secret L’échange de pratiques et la coopération
professionnel qui n'est pas partagée par sont des temps professionnels essentiels qui
tous. Il faudrait pouvoir former tous les manquent face à un public dont les problé-
prestataires du dispositif ce qui est plus matiques se complexifient de plus en plus.
difficile à réaliser. Les problèmes psychiatriques par exemple,
ne sont pas évoqués dans l’insertion. Etre
L'ensemble des intervenants ont une légiti- dans un parcours d’insertion, c’est aussi
mité dans l’accompagnement. L’assistant s'inscrire dans une vie sociale. Insertion ne
social a sa légitimité, l’ANPE aussi, tout signifie pas qu’emploi. Nous avons besoin
comme l’animateur PLIE ou l’organisme d’échanger sur les réalités et les pratiques de
qui s’occupe des handicapés. Si le bénéfi- chacun parce qu’on a parfois tendance à
ciaire est sous tutelle, la personne respon- oublier les usagers. Ils ne sont pas unique-
sable chargée de la tutelle est aussi légi- ment consommateurs, ils sont aussi acteurs.
time que les autres à intervenir. Il faut aussi les écouter et prendre en compte
Dans ce cas, comment met-on le bénéfi- ce qu’ils veulent et ce qu’ils peuvent faire.
ciaire au cœur des préoccupations ?
Certains partenaires ne sont pas prêts à La commission technique de validation,
partager, à lâcher leur terrain. Des c’est une volonté du Conseil Général de la
comités techniques ont été mis en place Vienne de mettre en place des temps for-
pour intervenir sur le suivi de la personne. malisés. Nous y échangeons sur les situa-
Ils réunissent des travailleurs sociaux du tions, sur nos savoir-faire, des informa-
Conseil Général, des CCAS, l’ANPE, des tions. Les instructeurs y assistent pour pré-
organismes de formation, la CRAMCO senter les contrats d’insertion. Les instruc-
etc. Le bénéficiaire reçoit des injonctions teurs sont des assistants sociaux qui éla-
différentes. Il n’a pas toujours le même borent le contrat et en posent les objectifs.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 59


En Charente, les acteurs de l’insertion d'éviter toute répercussion sur la per-
bénéficient de financements pour des sonne. Le travail se fait sur des cas précis,
journées de formation et d’analyse des les représentations que chacun a de la
pratiques animées par Dominique PADE. situation. La supervision n’a rien à voir
C’est important car tous n’ont pas la avec un cours théorique. C'est une excel-
même culture, les mêmes objectifs, les lente réponse aux difficultés de partage et
mêmes injonctions. de coordination.
Ces journées thématiques réunissent deux
fois par an et à leur demande, des accom- Coopération
pagnateurs socioprofessionnels, tra- avec le secteur économique
vailleurs sociaux, animateurs, assistants On peut penser que la richesse du terri-
sociaux, des deux circonscriptions de toire intervient sur le nombre des bénéfi-
Jarnac et Cognac. On y travaille sur les ciaires du RMI or ce n'est pas le cas : la
limites de l’intervention et les pratiques de richesse locale ne permet pas pour autant
chacun. C’est sans doute insuffisant mais l'insertion de tous. Les mutuelles dans les
c’est intéressant. Deux-Sèvres, produisent de la richesse.
Une journée sur l’insertion a réuni 250 Pourtant, à Niort résident 40 à 42 % des
personnes. De cette émulation a émergé le allocataires RMI du département et le
besoin de créer un programme local d’in- département compte la plus forte concen-
sertion sur trois ans, pour partager tration des bénéficiaires du RMI de Poitou-
valeurs et cultures. Charentes. À Bressuire, où les chômeurs
sont environ 5 %, le nombre d’allocataires
a peu fléchi. Actuellement, c’est comme si
Comment mieux travailler ensemble pour
deux réalités économiques coexistaient
monter des parcours plus efficients et
sur un même territoire sans rapport entre
cohérents ?
elles.
On constate que les bénéficiaires du RMI
souffrent de problèmes psychologiques, la Quel lien y a-t-il entre la logique sociale et la
solution est-elle pour autant dans l'em- logique économique ? L’accompagnement
bauche d'un psychologue ? Ou dans la social, c’est ce qu’on sait le mieux faire.
formation ? Depuis trois ans, on demande Mais sur le plan économique ? Un réseau
ce type de formation pour les travailleurs économique actif est nécessaire pour faire le
sociaux, les ASP28, les animateurs de lien avec les entreprises. Des allocataires
chantier, le personnel d’accueil. RMI sont employables, il faut non seulement
Une journée annuelle de partage des pra- que l’offre soit repérée, décodée et acces-
tiques qui s’apparente à de la supervision sible mais surtout que leur demande d'em-
touche dix-sept partenaires, soit environ ploi soit légitimée.
vingt personnes. On y échange sur les
parcours qui nécessitent un accord afin 28. Accompagnateur socioprofessionnel

60 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Il faut aussi se mettre d’accord avec la per- collaboration et de ce fait, détermination
sonne sur ce que c’est que l’emploi, ce que de la fonction et de la légitimité de chacun.
ça implique en termes de déplacements, de Comment faire pour sortir de ces stratégies
garde d’enfants, etc. On met souvent des d’évitement ? Comment fait-on pour qu’une
étapes, on inscrit les gens sur des dispositifs thématique réunisse l’économique, les
faute de pouvoir faire le lien avec l'entre- accompagnateurs sociaux, le financement
prise. Il y a trop souvent rupture, voire oppo- (et donc les politiques) ? Il n’y a jamais les
sition, entre l’accompagnement socioprofes- trois ensemble, il en manque toujours un…
sionnel et la richesse, la vie économique.

Le forum "Chemins de la réussite en Haute


Le territoire peut être un territoire de ren- Saintonge" a rassemblé des personnes
contre – nous sommes alors dans le déve- qui ne travaillaient jamais ensemble sur
loppement local – ou un territoire de repli un territoire fermé de 80 km de long, à l’i-
– et là, il s’agit de cohabitation. dentité très forte, qui connaît des diffi-
Aujourd'hui seulement 15 % à 20 % des cultés économiques et sociales.
métiers sont des métiers de production Ce forum a été une réussite et sera recon-
alors que nous maintenons une définition duit en 2006. Il a réuni en mai 2005 tous
archaïque : le métier comme fabrication de les ASP, les entreprises, les organismes de
quelque chose qu’on vend. Mais de plus en formation, le Conseil Général, l’ANPE, les
plus souvent, le métier c’est autre chose, services sociaux, la COTOREP, les chan-
des services par exemple. Faut-il remettre tiers d’insertion, les consulaires, en pré-
des gens dans l'emploi sur une conception sence de Jean-Louis BORLOO. Les entre-
antérieure du travail ou bien inventer autre prises sont venues par l’intermédiaire des
chose ? Bien sûr nous n'avons pas toute la consulaires et de l’ANPE – un travail de
légitimité pour cette question, c'est pour- GPEC est en cours sur la zone – qui ont
quoi il nous faut travailler avec les élus, les lancé les invitations. Cette journée était
entrepreneurs sur cette "autre chose". Mais dédiée aux demandeurs d’emploi qui sont
comme ce n’est pas une injonction forma- venus nombreux et ont pu prendre des
lisée et que les logiques politiques sont dif- contacts. Les objectifs ont été atteints. Il y
férentes, la rencontre n’a pas lieu. a eu des signatures de contrats avec des
Le territoire est équipé, voire suréquipé, chantiers d’insertion grâce à la mobilisa-
dans une logique d’évitement. En tion conjointe des intervenants, bénéfi-
Allemagne par exemple, l’équivalent de ciaires compris, l’engagement de la per-
l’ANPE est financé par l’État et les entre- sonne étant indispensable. La signature
prises. En conséquence, toutes les offres des contrats découle de l’action, de la
des entreprises passent par cet organisme. volonté du territoire. Cette rencontre a
Nous sommes loin de ce résultat… S’il y a permis de travailler sur l’analyse des pra-
volonté de rencontre sur le territoire, il y a tiques et les acteurs souhaitent continuer

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 61


dans le but d’offrir le meilleur aux per- Tout est question de choix politiques, des
sonnes en difficulté. Cette collaboration capacités du département à assumer les
pourrait déboucher sur la création d’une compétences qui lui incombent.
maison de l’emploi. Davantage de personnes en emploi, c’est
moins d'allocataires à payer.
Pour l’accès à l’emploi direct, il faut agir
sur les représentants d’entreprises, les fédé- Le Conseil Général finance des actions
rations, les clubs d’entreprises, les commer- d’insertion. Nous avons monté un groupe-
çants… La directrice de la PAIO de Ruffec ment d’employeurs pour l’insertion et la
fait partie d’un club d’entreprises, quand qualification (GEIQ) artisanal. Le consti-
on arrive à entrer par un contact personnel, tuer a nécessité un travail de fourmi, de
c’est un réseau qui s’ouvre. longue haleine, de réseau, de relations ;
nous avons fait jouer les clauses d’exécu-
tion sociale sur les marchés publics. Mais
Il faut s’autoriser à aller au-devant du
ce projet pose un problème de reconnais-
secteur économique. Nous n’osons pas
sance en interne avec le service écono-
investir certains lieux où pourtant il existe
mique.
des moyens de promouvoir notre activité :
des structures de pays, comme les conseils
La CAPEE est un réseau qui regroupe plu-
de développement, les communautés de
sieurs associations et structures d’inser-
communes ont des chargés de mission. Il
tion. Ce réseau est composé de vingt-trois
faut donc vraiment s’autoriser à faire le
membres dont douze structures d’insertion
nécessaire pour être légitimé, y aller. Et
par l’activité économique (SIAE). Parmi
c’est le technicien, l’acteur direct, qui doit
eux, des centres sociaux, la Croix rouge,
fréquenter ces lieux, pas le directeur ou le
le comité poitevin pour le logement, etc.
président.
Ceci permet une vision globale sur l’inser-
tion et d’établir des relations avec les
Insertion et accès à l'emploi entreprises. Ce fonctionnement en réseau
Au Conseil Général de Charente, le permet de ne pas travailler "en boucle".
service d'accès à l'emploi est passé de six Une personne est chargée de la prospec-
à trente personnes. Une méthode proche tion ciblée pour l'emploi. Il est difficile
de IOD29 est utilisée pour mettre directe- pour les entreprises d'insertion de laisser
ment les personnes en emploi sans pour sortir un salarié pour une évaluation en
autant négliger l’accompagnement social, milieu de travail (EMT) par exemple, de
les problèmes de santé, etc. suspendre le contrat d’une personne et lui
L’accompagnement relève de la volonté permettre de revenir ensuite à son poste
affichée d’animer la politique d’insertion. de travail.
Ce sont aussi des structures et des accom-
pagnateurs socioprofessionnels 29. Intervention sur les offres et les demandes.

62 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


On se heurte à des limites juridiques et on d’équipe ont alors réclamé une prime pour
se trouve confronté à la logique de pro- l’encadrement de ce public.
duction des SIAE.
Quand on prononce le mot "insertion", on
En rencontrant une liste ciblée d’entre- sent tout de suite des réticences. Depuis
prises, le prospecteur peut faire appa- que nous avons supprimé le mot insertion
raître dans l’entreprise des besoins qui ne du nom de notre structure, nous avons vu
correspondent pas au profil des per- croître le placement des stagiaires.
sonnes accompagnées. Mais ce temps
n’est pas pris en compte, la personne Si on décline le terme CIRMA30 auprès des
chargée de la prospection n'est pas payée entreprises, on perd 80 % des possibilités
pour cela. Pourtant c'est avec ce type de de placement. Il faut donc les prospecter
service rendu que l'entreprise voit qu'on avec un autre discours. Nous disposons
peut lui être utile. Le rapprochement avec d’outils comme les clauses d’exécution
l'entreprise passe aussi par là. Hélas, la sociale. La mise en place de cet outillage
logique financière nous limite : on reste est simple pour les entreprises. Ces
sur une logique de financement par clauses existent dans les contrats d’entre-
public. Si tous les financeurs étaient d’ac- tien, de construction, de démolition.
cord sur un forfait global, il n’y aurait pas Il faut parallèlement que les collectivités
de problème. Mais on est sur une logique soient convaincues que les acteurs de l’in-
de public, de dispositif et pas sur une sertion sont capables d'intervenir là-
logique de territoire. dessus. Démontrer l’intérêt de l’insertion
est une démarche volontariste, il faut aller
convaincre, oser, prendre le risque.
Des représentations
Se faire connaître et se faire reconnaître,
qui freinent la coopération
c’est primordial. On peut se dire qu’on a
De nombreux chefs d'entreprise ont une
réussi à établir le contact quand on
mauvaise représentation des personnes en
accède aux offres d’emploi qui ne
insertion. Cela pose un réel problème. Pour
passent pas par l’ANPE, lorsqu’on est
la cueillette du melon, par exemple, nous
sollicité par une entreprise pour pourvoir
travaillons depuis des années en amont avec
une offre.
l’ANPE pour le placement des personnes,
étudiants, demandeurs d’emploi et bénéfi-
On voit émerger une compétence com-
ciaires du RMI, sans que les employeurs le
merciale dans le secteur de l’insertion. Les
sachent. Lorsque le Conseil Général des
APP31 reçoivent des demandeurs d’emploi
Deux-Sèvres a organisé le transport des per-
mais aussi de plus en plus de salariés.
sonnes pour résoudre un problème de mobi-
lité, l'identification a été faite tout de suite 30. Contrat d’insertion revenu minimum d’activité
entre Conseil général et insertion ; les chefs 31. Ateliers de pédagogie personnalisée

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 63


Ils ont des difficultés à communiquer avec penser qu’une personne en insertion n’a le
les entreprises et ont choisi de les aborder droit que de trouver du travail, éventuelle-
par l’intermédiaire des OPCA. En rencon- ment d’aller bien, d’être en bonne santé. Il
trant les conseillers des OPCA, les coor- faut arrêter de penser l'allocation RMI
donnateurs APP acquièrent une compé- comme synonyme de difficulté.
tence de développeur local. Il faut réussir à
porter nos valeurs sur le champ des entre- Il faudrait davantage de cofinancement
prises tout en répondant à leurs besoins. pour accéder à la culture. Il existe un finan-
cement pour les spectacles du festival
Les enjeux ne sont pas les mêmes : l'enjeu Musiques métisses à Angoulême. À Poitiers,
est économique pour l'entreprise qui il y a une bourse spectacles, portée par le
espère embaucher des personnes immé- bénéficiaire valable sur la Ville de Poitiers.
diatement adaptables ou adaptées ; du
côté social, l’enjeu est d’insérer. La On fait de l’insertion économique et
démarche à faire vers l’entreprise doit être sociale avant tout ; culturelle s’il reste
une démarche individualisée. C'est par quelque chose.
contacts avec les entreprises locales qu'on
arrive à placer les salariés les plus
adaptés à l’emploi.

Le mot "insertion", les personnes n’en


veulent pas, les entreprises non plus.
Denis Castra32 a montré que la fréquenta-
tion des structures d’insertion débouche
sur des contrats aidés. Il faut trouver un
système qui libère de la culpabilité d’être
sans travail. Le vieux modèle de l’emploi
s’affronte à la réalité. Il faut penser le
travail, penser l’insertion selon un schéma
qui se vit déjà, hors CDI…
Le travail est une valeur qui génère une
confrontation entre générations.

Insertion et vie culturelle


On a largement évoqué le lien avec l'éco-
nomique, le social. Mais il existe aussi un
lien culturel. Les personnes au RMI sont des
32. L’insertion professionnelle des publics précaires. Castra
personnes à part entière. On a tendance à Denis. Paris : PUF, 2003.

64 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


QUELS (NOUVEAUX) BESOINS DE PROFESSIONNALISATION
POUR LES MÉTIERS DE L’INSERTION
ET DE L’ACCOMPAGNEMENT DES PARCOURS ?
Animation : Ouiza MEZIANE, Animation régionale ML-PAIO
avec Catherine METAIS, GIP Qualité de la formation

La professionnalisation est un axe fort de la mise en réseaux et la mutualisation des


l'animation régionale des ML-PAIO. bonnes pratiques.
Comment se définissent les besoins et les
réponses de formation pour les autres 2) La mutualisation des savoirs partena-
réseaux d'acteurs de l'insertion ? riaux :
Les coopérations entraînent-elles des Des échanges de pratiques inter-réseaux
besoins ou des occasions de profession- sont régulièrement mis en place avec l’ob-
nalisation croisée ? jectif de mieux travailler ensemble pour
mieux répondre aux besoins des jeunes.
Les modalités de C’est la formalisation des partenariats
professionnalisation par réseau engagés au travers de conventions : pro-
positions d’un cadre de travail régional,
L’expérience de professionnalisation des socle commun partagé, qui peut se
PAIO/Missions Locales décliner localement en fonction des spéci-
L'expérience de professionnalisation ficités territoriales. Actuellement une
engagée avec les structures d'accueil en convention est en cours de signature avec
Poitou-Charentes montre qu'il s'agit d'un l’Administration pénitentiaire et le SAIO33.
axe fort de l'animation régionale :
3) Le partenariat entre le secteur de l’in-
1) La professionnalisation constante des sertion et de l’entreprise :
activités du réseau : C’est un axe prioritaire pour les ML/PAIO
Elle se traduit par la mise en place régu- qui œuvrent dans ce sens depuis plusieurs
lière de journées d’échanges de pratiques années. La professionnalisation dans ce
sur des thématiques diverses : santé, domaine a pris la forme d'une formation-
orientation… Les ML-PAIO qui le souhai- action sur la relation et le partenariat avec
tent font part des expériences et des outils l'entreprise et plus globalement le monde
qu’elles développent mais également des économique.
difficultés qu’elles rencontrent. L’objectif
est de pouvoir questionner les pratiques et
de tenter de répondre par l’information, 33. Service académique d’information et d’orientation.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 65


La professionnalisation des salariés de est un élément de professionnalisation avec
ML-PAIO repose sur un partenariat avec un programme départemental autour de
le GIP Qualité de la formation : repérage l’insertion. L'offre de professionnalisation
des besoins, accompagnement sur des est une forme de reconnaissance des fonc-
thématiques en lien avec leurs pratiques tions exercées par les personnes.
mais aussi participation au dispositif
Safran34. Par ailleurs, la DDASS de Charente met en
La convention collective des ML-PAIO mise place l'intervention d'un psychologue
en place en 2001 est un autre élément auprès des accompagnateurs sur la mesure
structurant la professionnalisation. ASI (Accompagnement Social Individualisé).
Certains personnels bénéficient des for-
mations proposées par le CNFPT. Conseil Général Deux-Sèvres
Plusieurs types d'accompagnements sont
Le réseau IRIS (union régionale des struc- financés par le Conseil Général (PLIE…).
tures d'insertion par l'activité écono- Le département travaille avec la Région et
mique) l’AFPA sur l’accompagnement socio-pro-
La professionnalisation du réseau prend fessionnel suivant un cahier des charges.
différentes formes avec la mise en place Un programme de professionnalisation
d’une démarche qualité dans les pra- (ASPIR) a été mis en place.
tiques d’accueil et d’accompagnement
(40 personnes par an pour les formations Rectorat / MGI
accueil) et des réunions de structures du (Mission Générale d’Insertion de
réseau autour de thématiques de l'Education nationale)
réflexion. Un tutorat d’insertion est co- Dans l’Education nationale, la profession-
animé avec le CREAHI. nalisation passe par la voie des concours.
Les professionnels des SIAE participent Chaque agent a droit à quatre jours
également aux actions du dispositif annuels de formation ; les actions du
Safran. Par ailleurs, ils ont accès à des dispositif Safran sont donc une bonne
programmes nationaux du réseau IAE qui réponse sur cette durée.
peuvent leur être proposés en région. La MGI a instauré des partenariats avec
la PJJ (Protection Judiciaire de la
Conseil Général Charente Jeunesse). Des réunions organisées régu-
Il existe une volonté du département de lièrement au niveau départemental, sont
professionnaliser les acteurs, en particulier aussi un élément de professionnalisation.
par la mise en place de groupes d’analyse
de pratiques (aller en formation, c’est avant 34. Le dispositif de professionnalisation des acteurs de l’in-
formation, de l’accompagnement des parcours et de la
tout échanger). Le partenariat entre les tra- formation, financé par l’Etat (DRTEFP) et la Région
vailleurs sociaux et les accompagnateurs Poitou-Charentes.

66 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


Campus des Métiers 79 convention collective et le besoin de
(Chambre de Métiers des Deux-Sèvres) reconnaissance est fort : la VAE peut y
La Chambre de Métiers dispose d’un pôle répondre. Les formations doivent être
insertion pour lequel s'est constitué un adaptées à la situation des salariés : deux
réseau interne de formateurs. Un supervi- ans pour le titre d'Encadrant technique
seur intervient en analyse transactionnelle d’insertion, c’est trop long, là encore, la
pour les situations où il s'agit de rétablir la VAE peut être utile.
communication. Par ailleurs, un besoin de formation est
Le pôle insertion bénéficie également des pointé sur les fonctions de direction. Il fau-
formations proposées par l’AFPA dans ce drait penser à la gestion anticipée des
domaine (Conseiller en insertion profession- compétences.
nelle et Encadrant technique d’insertion). Les actions du dispositif Safran répondent
bien dans l’ensemble aux besoins mais,
Les besoins de selon les dates de programmation, il faut
professionnalisation parfois attendre plusieurs mois alors que
Le GIP Qualité de la formation a mené en le besoin est immédiat.
début d’année 2005 une enquête concer- La modalité "échanges" est une nécessité :
nant le dispositif Safran auprès des utili- il faut échanger sur les "valeurs" entre
sateurs et de leurs employeurs. L’enquête techniciens, politiques et financeurs car
a permis d’une part, de mieux connaître l’objectif est le même.
les pratiques et les habitudes de formation
et, d’autre part, de repérer des éléments Conseils Généraux
de satisfaction ou d’insatisfaction pour (Deux-Sèvres – Charente)
envisager des améliorations. Le manque de moyens financiers peut être
Cela a permis de recueillir des éléments un frein à la formation. Il est important
utiles à la préparation de l’appel d’offres d’avoir un niveau de culture partagé et de
Safran 2006 : problèmes rencontrés, travailler sur l’analyse de la pratique.
points à améliorer, besoins de profession- Il faudrait pouvoir valider les expériences
nalisation recensés … et attribuer des attestations d’activités au
Cet atelier est aussi une opportunité d’en- plan régional.
tendre les besoins de professionnalisation Une formation serait nécessaire pour aller
pour les métiers de l’insertion et de l’ac- vers l’entreprise.
compagnement des parcours.
Rectorat / MGI
Réseau IRIS Le besoin a été pointé d'actions sur la
Les besoins sont repérés par des actions médiation pour être mieux à même de
sur le terrain mais aussi à travers une traiter les problèmes et, plus largement,
enquête. Les SIAE ne disposent pas de la relation avec les familles.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 67


Des "débriefings" seraient nécessaires : peutes. Comment peut-on entendre la souf-
une supervision est demandée depuis des france alors que cela n’est pas notre métier ?
années. Il faut des lieux d’écoute et d’é- Il existe des besoins de formation sur l'ac-
change pour pouvoir exprimer ses diffi- compagnement des publics en grande dif-
cultés professionnelles. ficulté : écoute / demande des personnes
Le travail en partenariat est source de pro- avec des pathologies légères qui sont
fessionnalisation ; il permet l'acquisition pour l'accompagnateur des cas difficiles.
de connaissances, de pratiques d’inter- Quelle est la différence entre la dépres-
ventions différentes. sion et la maladie mentale ? Il y a des
besoins de se former aux conduites addic-
PAIO Surgères tives : toxicomanie, alcoologie et aussi des
Les conseillers des structures d’accueil apports en psychologie pour être capable
regrettent de ne pas se réunir pour faire de dialoguer avec un toxicomane. Des
remonter les besoins du terrain ; seuls, les formations sur la non-violence seraient
directeurs se réunissent régulièrement. aussi utiles dans l’accompagnement.
Dans le réseau des PAIO-ML, l’entrée se Pour conclure
fait par les compétences et non par le Il faut garder la multiplicité des réseaux et
diplôme. D’où la difficulté d'obtenir l'ac- leur démarche de professionnalisation.
cord pour une formation qualifiante : l’em- Elle permet la richesse et la diversité. Le
ployeur hésite à engager un financement dispositif Safran et les démarches de pro-
car le salarié peut partir ailleurs après sa fessionnalisation par réseau doivent être
formation. De plus, partir deux ans en for- complémentaires. On n'y trouve pas les
mation, c’est long ! On culpabilise vis-à-vis mêmes choses.
de l’équipe qui doit pallier l’absence.

Sur quelques besoins spécifiques…


Le public change mais un formateur ou un
accompagnateur n'a pas à jouer les théra-

68 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


BIBLIOGRAPHIE
Quelles formes de coopération pour l’insertion ?

OUVRAGES

• Oser réussir l’insertion. BERNATET Catherine. Paris : Les Editions de l’Atelier, 2005.

Résumé : Qu'est-ce qu'une insertion réussie ? A partir de quand peut-on dire d'une per-
sonne qu'elle est insérée ? L'insertion est-elle un leurre ?... L'auteur s'appuie sur les résul-
tats d'une recherche-action menée en Seine-Saint-Denis pour explorer des voies diffé-
rentes menant à des parcours réussis. Réf. GIP : II-40-BER - Réf. CARIF : L3245

• Le travail non qualifié - Permanences et paradoxes. MEDA Dominique, VENNAT


Francis. Paris : Edition La Découverte, 2004.

Résumé : En France, cinq millions de salariés occupent des emplois non qualifiés qui sont
en recrudescence depuis les années 90. Cette recherche explore le contenu de ces
emplois, le profil des salariés et leurs trajectoires. L'ouvrage invite à pointer l'enjeu poli-
tique de cette question : est-il possible d'atteindre les objectifs européens de qualité de
l'emploi et d'économie de la connaissance, tout en favorisant le développement d'em-
plois peu qualifiés ? Réf. GIP : I-3-MED

• L’insertion professionnelle des publics précaires. CASTRA Denis. Paris : PUF, 2003.

Résumé : Pourquoi les dispositifs d'insertion en France produisent-ils si peu d'accès à


l'emploi de droit commun ? Analysant quelques représentations invalidantes dominant
ce secteur professionnel, l'auteur montre, en particulier, l'impasse que constituent des
approches trop strictement centrées sur l'individu et ses cognitions au détriment des
contextes et des conduites concrètes. Réf. GIP : II-40-CAS

• Les bricoleurs de l’indicible. LABBÉ Philippe. Paris : Editions APOGEE, 2003.

Résumé : Combinant travail conceptuel et contribution méthodologique, particulièrement


sur le projet et son évaluation, cet ouvrage développe une théorie critique de l'action au
service des professionnels des missions locales et PAIO et, plus largement, de tous les pro-
fessionnels de l'intervention sociale et de l'insertion des jeunes en difficulté. Outre un his-
torique des missions locales et une mise en perspective de l'insertion, cet ouvrage propose
une méthodologie de la démarche du projet. Réf. GIP : II-41-LAB - Réf. CARIF : £3050

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 69


• Et le travail se transforme. CONSTANTIN Hélène, MAGNIER Jacqueline. Strasbourg :
CRAPT-CARRLI, 2002.

Résumé : Des professionnels de l'insertion s'interrogent sur leur propre rapport au travail
pour mieux comprendre comment leurs publics y sont eux-mêmes confrontés. Il s'agit de
mises en perspective du travail d'accompagnement social et professionnel sur des
aspects aussi divers qu'inattendus : les cadres du travail d'accompagnement, l'identité
professionnelle, le sens du travail et sa reconnaissance. Réf. GIP : II-5-CRA

• Pratiques d’accompagnement social et professionnel. Collectif d’auteurs. Strasbourg :


CRAPT-CARRLI, 2002.

Résumé : Onze textes, onze points de vue d'acteurs questionnant les pratiques d'ac-
compagnement social et professionnel... Réf. GIP : II-5-CRA

• L'insertion : défi pour l'analyse, enjeu pour l'action. Collectif d’auteurs. Sprimont :
PIERRE MARDAGA, 2001.

Résumé : Cet ouvrage regroupe différentes contributions de chercheurs en psychologie,


en économie et en sociologie. Confrontés à la question de l'insertion, ils souhaitent
démonter les mécanismes conduisant à l'exclusion et contribuer ainsi à l'amélioration de
l'efficacité des dispositifs visant la réinsertion. Réf. GIP : II-40-LIE

• La crise des identités : l’interprétation d’une mutation. DUBAR Claude. Paris : PUF,
2000 (Le lien social).

Résumé : Cet ouvrage dresse un bilan des changements intervenus dans la société fran-
çaise, depuis les années 1960, en matière de vie privée, de vie de travail et de
croyances symboliques (religion, politique, etc.), où il apparaît que si les formes anté-
rieures d'identification des individus (culturelles, statutaires...) ont perdu de leur légiti-
mité, les formes nouvelles (réflexives, narratives...) ne sont pas encore pleinement cons-
tituées, ni reconnues. Réf. GIP : III-01-DUB - Réf. CARIF : £2699

• Les sciences humaines : panorama des connaissances. DORTIER Jean-François.


Edition Sciences humaines, 1999.

Résumé : Cet ouvrage se veut guide pour parcourir les différents domaines des sciences
humaines à travers les théories, les auteurs, les recherches. Anthropologie, linguistique,
psychologie, sciences cognitives, psychologie sociale, sociologie, économie, histoire,
géographie, philosophie : panorama d'un univers de connaissances. Réf GIP : III-0-DOR
(Ed. 1998)

70 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


• Les jeunes face à l’emploi. ROSE José. Paris : Ed. Desclée de Brouwer, 1998.

Résumé : Au cours des dernières années nous avons assisté à une accumulation inten-
sive de données et de réflexions sur l'emploi des jeunes. Accumulation suffisamment forte
pour pouvoir, aujourd'hui, mettre en avant quelques acquis, sélectionner quelques "faits
stylisés" significatifs parmi la multitude des observations empiriques et résumer les prin-
cipales interprétations disponibles. Tel est l'objet de ce livre qui aborde successivement
les questions suivantes : qu'est-ce que la jeunesse ? Que fait l'école ? À quoi servent les
politiques d'emploi ? La situation en France est-elle singulière ? Les entreprises jouent-
elles un rôle déterminant ? Existe-t-il un marché du travail des jeunes ? Réf. GIP : I-3-
ROS - Réf. CARIF : £2464

• Les jeunes, l’insertion, l’emploi. CHARLOT Bernard, GLASMAN Dominique. Paris :


Edition PUF, 1998.

Résumé : Cet ouvrage reprend les travaux de la Troisième Biennale de l'éducation et de


la formation (Sorbonne et CNAM, avril 1996). Il traite de questions vives : la question de
l'insertion, mais aussi par extension, celles de "l'intégration", du devenir du monde
rural... Il les aborde dans une perspective de recherche, mais aussi d'innovation, en mul-
tipliant les approches (chercheurs, acteurs de terrain, politiques ou professionnels). Toutes
ces questions sont abordées dans cet ouvrage, organisé en cinq parties : 1 - L'insertion
des jeunes : des questions nouvelles, 2 - L'insertion, problèmes des entreprises ? 3 -
"Inséreurs" et "insérables", 4 - Parcours d'insertion, 5 - L'insertion et la construction de
soi. Réf. GIP : II-40-CHA - Réf. CARIF : £2409

• Les métamorphoses de la question sociale. CASTEL Robert. Paris : Edition Fayard,


1995.

Résumé : Il a fallu des siècles de sacrifices, de souffrances et d'exercice continu de la


contrainte pour fixer le travailleur à la tâche, puis pour l'y maintenir en lui associant un
large éventail de protections qui définissent un statut constitutif de l'identité sociale. Mais
c'est au moment même où la "civilisation" du travail paraissait consolidée que l'édifice
s'est fissuré, faisant ressurgir la vieille obsession populaire d'avoir à vivre "au jour la
journée". L'onde de choc produite par l'effritement de la société salariale traverse toute
la structure sociale. Quelles sont alors les ressources mobilisables pour faire face à cette
hémorragie et pour sauver les naufragés de la société salariale ?
Réf. GIP : III-01-CAS - Réf. CARIF : £1819

QUELQUES REVUES

• Le pouvoir des mots : A propos de l’encadrement socio-éducatif des jeunes " sans avenir
" - A quelles conditions des jeunes " difficiles et sans avenir " arrivent-ils à se réinsérer, voire
à s’insérer ? Isabelle COUTANT. Revue Formation Emploi n°89, Janvier - Mars 2005.

Edition CARIF Poitou-Charentes Les Cahiers de l’accompagnement 71


• Un article paru dans La lettre de l’insertion par l’activité économique, N° 105, Juillet-
Août 2004 : Les compétences cachées des ENQ.

• Dossier : L’accompagnement des personnes en difficulté. Françoise LEPLATRE.


Actualité de la Formation Permanente n°176, Janvier - Février 2002.

QUELQUES SITES

• Bilan de la politique de l’emploi en 2003 (texte intégral) : résultats et analyses des


mesures pour l’emploi : emplois aidés, actions d’insertion et de formation, accom-
pagnement des restructurations. Les dossiers de la DARES, n°1, 2005. Ministère de
l’Emploi, du travail et de la cohésion social - Direction de l’animation de la recherche
des études et des statistiques.
www.travail.gouv.fr/publications/picts/titres/titre2488/integral/BILAN%202003.pdf

• Quelles ruptures de tendance dans l’emploi peu qualifié ? Islem Gafsi, Nathalie
Greenan, Yannick L’horty, Ferhat Mihoubi – Centre d’Etude des Politiques
Economiques de l’Université d’Evry-val d’Essone. Mars 2004, 84 p. Téléchargement
au format Pdf :
www.travail.gouv.fr/etudes/pdf/EPEE.pdf

• Le travail non qualifié : enjeux économiques et sociaux d’une catégorie statistique-


Emploi non qualifié : quel(s) usage(s) pour quels parcours professionnels ?
C. Béduwé, B. Fourcade, P. Lemistre, M. Ourtau – LIRHE, Université des Sciences
Sociales de Toulouse. Juillet 2003, 139 p. Téléchargement au format Pdf :
www.travail.gouv.fr/etudes/pdf/LIRHE2003.pdf

• La construction sociale des frontières entre la qualification et la non qualification.


M. Charlier, T. Colin, B. Grasser, J-P. Higelé, A. Khristova, J. Rose, T. Rouyer, G. Ryk-
GREE Groupe de Recherche sur l’Education et l’Emploi. Juillet 2003, 162 p.
Téléchargement au format Pdf :
www.travail.gouv.fr/etudes/pdf/GREE2003.pdf

• Les enjeux de la qualification des employés – Conditions de travail et compétences


des " non qualifiés ". Nicole Gadrey, Florence Jany-Catrice, Martine Pernod-Lemattre
(CLERSE-IFRESI Université de Lille 1). Juin 2003. Téléchargement au format Pdf :
www.travail.gouv.fr/etudes/etudes_g.html

72 Les Cahiers de l’accompagnement Edition CARIF Poitou-Charentes


UNION
Impression: IRO - La Rochelle

Ce fascicule est édité par le CARIF Poitou-Charentes


15, rue Alsace-Lorraine - 17044 La Rochelle Cedex 1
✆ 05 46 00 32 32 - N° ISSN : 1262-0408
Novembre 2005

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