Vous êtes sur la page 1sur 56

L'admiration sérieuse et profonde que nous avons

vouée aux écrits du Docteur J. Malfatti , un des savants

les plus distingués , en même temps qu'un des praticiens


les plus habiles de la studieuse Allemagne , nous a fait
entreprendre la traduction de cet ouvrage.

Au moment où l'antique Germanie cherche à recons-


truire son unité fédérative , perdue depuis des siècles , et
qu'elle finira probablement par retrouver dans le nôtre,
il ne sera pas sans intérêt d'examiner les efforts entre-

pris par ce peuple de hardis penseurs , de laborieux


athlètes , pour ramener aussi la science à l'unité , comme

à son départ originel , à son centre commun .

Déjà Oken , en Allemagne , et les Ampère , en France ,


avaient été frappés du besoin d'une synthèse universelle ,
qui en remontant aux sources mêmes de la science ,
permît de la considérer dans son ensemble , d'en saisir

a priori tous les développements , de mesurer d'un coup-


d'œil le chemin qu'elle a dù parcourir de ses principes
absolus et généraux à ses divisions transitoires et mul-
tiples, improprement désignées du nom de connaissan-
ces humaines ; fragments inanimés d'une seule unité vi-

vante , légendes scolastiques d'un palimpseste effacé, sur


lequel la divinité avait inscrit sa parole révélatrice. Ce

point de vue général , cette science collective et suprême


VII -

a été appelée par Platon , Proclus Diadochus et par leurs


successeurs du nom de Mathèse , ou d'hiérarchie de la

science. ( Disciplina scientiæ) .


Nous avons amoncelé volumes sur volumes ; nous
avons comblé des catacombes savantes avec les débris

intellectuels des générations évolues , nous avons créé

des nomenclatures dont l'aspect seul suffit pour rebuter


ceux qui se sont livrés à la recherche de la vérité : amas

effrayant de décombres sous lequel on peut à peine re-


trouver quelques parcelles du feu sacré de la pensée di-
vine et cependant les progrès réels de la science ne
sont nullement en rapport avec ces matériaux immenses

qui devaient servir à l'édifier , faute d'un plan général ,


d'une synthèse unitaire , qui tout en la simplifiant, serait
´pour la vie humaine dans l'infini ce que sont pour elle

les inventions plus modernes de locomotion et de trans-


mission à l'égard du temps et de l'espace.

· Parmi les ouvrages récemment composés selon cette


tendance , un des plus remarquables est sans contredit

celui du Docteur Malfatti , parce qu'il résume sous un

petit nombre de pages tous les intelligents efforts de ses

devanciers , et les poursuit ab ovo jusqu'à leurs extrêmes


développements à travers les résultats positifs de l'ana-
tomie et de la pathologie . L'application du système py-
thagorique à la philosophie médicale , la recherche de
l'unité dans la multiplicité , de la vie dans la mort , du

cercle divin ou prégénésétique dans l'ellipse organique


ou génésétique , dont les deux foyers sexuels reviennent
momentanément au centre animique ou divin par l'ex-
OTH

DE
BLI

LYON
VIII

tase, telle est l'essence du livre du Docteur Malfatti ,

qui par l'originalité de ses vues , par la grandeur du but


qu'il s'était proposé , par la hardiesse de son langage,
mérite d'être rangé au nombre des plus importants es-

sais philosophiques de notre époque.


Nous avons rencontré dans cette traduction des diffi-

cultés nombreuses , et propres à décourager un labeur

moins opiniâtre, une volonté moins soutenue à la pour-


suite de la vérité . De l'aveu même des publicistes étran-

gers qui ont rendu compte de cet ouvrage , la langue


allemande, ce véritable kaléïdoscope scientifique , déjà si
riche en inversions et en combinaisons de tout genre ,

s'y trouve élevée à une puissance nouvelle. Cependant ,


nous avons cherché à étreindre autant que possible la

pensée de l'auteur, afin de la transmettre toute vivante


à nos lecteurs français ; tâche périlleuse et ardue pour

un scrupuleux observateur des lois d'une langue telle

que la nôtre , désespérante de précision et de fermelé .


Nous avons dû créer quelques expressions , hasardées
peut-être, et qu'une nouvelle édition de ce livre nous

permettra de rectifier toutefois si notre travail n'a

pas d'autre mérite, au moins peut-il revendiquer à bon


droit celui de la fidélité .

Paris, 31 janvier 1849.

CHRISTIEN OSTROWSKI .
PRÉFACE DE L'AUTEUR .

De même qu'il n'y a qu'un Dieu , une vérité , une


création , une vie , de même aussi il n'y a eu et il n'y a
qu'une hiérarchie de la science dont l'unité vivante , je
le dis à regret , menace de tomber à travers ses divi-
sions et séparations multiples , dans une déplorable anar-
chie , résultat d'opinions , de systèmes exclusifs et de
connaissances démembrées et fractionnées à l'infini .

Nulle part, aujourd'hui , cette anarchie n'est plus pro-


fonde qu'en médecine , et nulle part aussi , la synthèse
d'un si grand nombre de connaissances fragmentées
n'est plus mécanique ni plus inanimée que dans cette
même science où la pensée et l'acte devraient pour ainsi

dire s'incorporer comme science et comme création ,


dans une vie universelle et, ( selon la pensée et l'expres-
sion allemandes) s'élever à la dignité de science univer-
selle de la vie.

Il n'est donc pas surprenant que dans cet état de


désordre, la psychologie , délaissée par la physiologie , se
désincorpore , pour ainsi dire , dans la pensée , de même
.
que la physiologie , séparée de la psychologie , se désa-
nime, expire dans la matière.
Ce serait en vain que la pathologie , flottant sous l'im-
minence de ce double suicide , chercherait à atteindre le
point d'arrêt désiré ; l'histoire de nombreux systèmes
est là pour prouver le contraire, et celui qui domine
aujourd'hui ne semble -t-il pas creuser son propre tom-
beau dans l'anatomie dite pathologique , devenue elle-
1
II

même presque exclusivement une science des cimetières .

Il n'a point manqué cependant de médecins philoso-


phes , surtout parmi les allemands , qui se soient efforcés
d'empêcher cette désertion de la science hors l'unité.
Parmi ceux-ci se distingue surtout la classe des iatro-ma-
thématiciens dont les efforts intelligents auraient obtenu
de grands résultats , s'ils eussent appliqué la quantitative
mathématique de notre temps à la qualitative du passé.
C'est vers ce noble but et sur cette voie donnée qu'ont
été dirigées les études que j'ai faites durant une pratique
de 46 années , que j'étais occupé à transformer mes pen-
sées en actes et formuler mes actes en pensées .
Libre de la contrainte des préjugés scolastiques ,

je me suis appliqué , n'enseignant jamais , mais appre-


nant toujours , à rechercher la vérité sur ces hauteurs
et dans ces profondeurs où elle se laisse pressentir et
saisir mais jamais démontrer ; la poursuivant dans ces
espaces où l'on peut en trouver la preuve , mais non aussi
facilement l'évidence , afin de la reconnaître sous tous
ses aspects. Envisagée ainsi hors de sa triplicité de hau-
teur , de profondeur et d'étendue , elle se renferme et
se manifeste dans un acte d'unité vivante , et se révèle
à nous comme unité de la science , comme vérité abso-
lue.
Tout en m'éloignant du point de vue habituel de la
science , et surtout de celui de la physiologie et de la
psychologie , je m'y croyais autorisé par cette question
qui leur est correlative : avons- nous la connaissance
d'une action et d'une fonction unique de l'organisation
humaine? - Certainement non.

Mais de ce que cette action et cette fonction se pas-


sent en nous , que nous les excerçons et que nous pou-
III

vons les décrire minutieusement , nous croyons à tort


que nous pouvons les concevoir , et là-dessus nous amon-
celons des décombres scientifiques .

Quoique les présentes Études ( de même que les sui-


vantes sur la pathologie) , n'aient été faites à différentes
époques que comme de libres dissertations , elles pro-
viennent cependant d'une idée - mère , de celle de l'u-
nité de la science , telle que nous croyons l'avoir en-
trevue depuis longtemps dans l'Organon mystique de
la mathèse ( mathesis) des Indiens . — Mais comme à la
fin de notre travail il nous est arrivé d'en retrouver la
clé perdue , nous commencerons par nous occuper de
l'Organon lui-même , et nous prierons le lecteur qui ne
serait point familiarisé avec la science des Hindous de
suspendre son jugement jusqu'à ce qu'il ait pu se con-
vaincre de l'importance de cet Organon par la lecture
des démonstrations concordantes qui ressortent des pré-
sentes Études .

Vienne, 20 juillet 1844.


PREMIÈRE ÉTUDE .

La mathèse (mathesis) (1) comme hiéroglyphe ou symbolique de la vie triple


de l'univers, ou l'Organon mystique des anciens Indiens.

Le point de vue hiérarchique de la mathèse originelle jeta les


anciens peuples dans un tel étonnement qu'au rapport de So-
crate et de Platon , ils n'admettaient pas que cette science univer-
selle fût d'invention humaine ; ils la regardaient comme étant
au-dessus de la portée de leur intelligence, et l'attribuaient à
― Les Égyp-
quelque divinité qui la transmettait aux hommes.
tiens , par exemple , la faisaient descendre de Theut ou de Her-
mès l'égyptien.
Les philosophes ci-dessus nommés , ainsi que leurs illustres
successeurs , n'ont eux-mêmes parlé de la mathèse que comme
d'une scientia divina cujus Deus est præses. —Ainsi s'est exprimé,
entre autres , Proclus Diadochus dans le sens de Platon : « Mathesis
(disciplina ) reminiscentia est, quæ quidem non extrinsecus animis
advenit , uti quæ a sensibilibus consurgunt phantasmata, nec ad-
ventitia adscititiaque, veluti quæ in opinione posita est cognitio.—
Verum excitatur ab iis quæ apparent, perficitur vero ab intus ab
ipsa cognitione ad sese conversa. »
C'est à cette réminiscence spirituelle de la vie de l'âme qu'on

(1) Disciplina scientiæ.


6

peut rapporter ces belles paroles de Locre : « Nous ne recon-


naissons ce qui nous apparaît comme divin que parce que nous y
participons. - Pris en soi , ce qui est divin , nous est compléte-
ment inconnu. »
Parmi les philosophes plus modernes, qui ont considéré la
mathèse comme une hiérarchie de la science selon le sens admis
du mot , se sont fait particulièrement remarquer Denys l'Aréopa-
gite et Jacob Boehm.
Selon le premier, elle est l'Organon sacré, et elle a pour ob-
jet la similitude et l'union la plus parfaite avec Dieu , ( Deifi-
catio) , qui est le guide vers toute science sacrée.
Au dire du second , elle doit être considérée, dans la révélation
des trois principes divins , comme le triple principat de la hiérar-
chie de la science , comme nous le voyons développé très-ingé-
nieusement dans la triple vie.
Mais dans le cours de l'histoire de l'univers , c'est-à-dire dans
l'histoire de l'esprit humain , qu'est-il advenu de ce point de vue
originel de la science? -- A-t- il longtemps encore gardé sa haute
signification ?
Nullement. - Du moment où le mauvais génie de la division
et du démembrement de la science se fut emparé de lui , il a été
à jamais perdu. --La mathèse , brisée dans ses éléments substan-
tiels , c'est-à - dire dédoublée en métaphysique et en mathéma-
tiques , perdit alors le milieu vivant de l'unité sacrée. x x Dans la
première de ces sciences, son esprit , privé de tout point d'ap-
pui , s'absorba dans des formes logiques purement idéales , et,
dans la dernière , elle ne laissa après elle ( comme son image
corporelle) qu'un muet hiéroglyphe et des chiffres symboliques
incompris, qui n'ont conservé qu'une pure signification quanti-
tative . De là, par cette désastreuse division de l'idéalisme et du
réalisme qui, comme des éléments l'un à l'autre contraires , cher-
chent encore aujourd'hui leur milieu , la mathèse cessa d'être
la science universelle de la vie.
- 7

On ne saurait accorder assez d'admiration aux louables et per-


sévérants efforts avec lesquels les philosophes de tous les temps
jusqu'au nôtre , se sont appliqués à ressaisir le point de vue perdu
de la mathèse, comme science universelle de la vie, et nommé-
ment à ramener , par la synthèse , dans la vie de la science et à
son unité ce que l'analyse avait détaché de la science de la vie.
Mais alors même qu'il leur arriva de saisir cette unité , ils ne pu-
rent s'y maintenir ou s'en rendre complétement maîtres, par cette
multitude de directions divergentes que suivit la pensée et son flux
et reflux perpétuel . - Après la perte de ce haut point d'appui
que l'Organon indien de la mathèse offrait à l'esprit, la chaîne du
dualisme de la pensée et de la matière contenue en nous , devait
nécessairement acquérir une prépondérance entravante pour
la science. On ne peut se rendre maître et se défaire de ce
dualisme que par un combat temporaire hors de l'état individuel ,
au moyen d'une certaine exaltation et d'un acte unitaire de trans-
figuration , semblable à celui de notre procréation spirituelle et
corporelle ; acte pendant lequel , à son point culminant, cette
double érection se joint , d'une part , au divin , de l'autre à la
nature , sans pouvoir toutefois y demeurer. Un plus long séjour
conduirait en effet à l'épuisement et à la mort de l'individu.

Mais, dira -t-on , comment est-il arrivé que, malgré de si puis-


sants obstacles, un des plus grands peuples de l'antiquité , les
Indiens et les Brahmanes surtout aient su atteindre , autant que
possible , le plus haut point de vue de la mathèse par la con-
ception et le maintien de la métaphysique et des mathématiques
dans une seule vivante unité ?.

La réponse est facile. Ce peuple consacrait toute son existence


à la vie contemplative, au prix des plus grands sacrifices indivi-
duels, de la plus complète abnégation ; ce qui valut de la part
des Grecs , à ses nombreux gymnosophistes et solitaires la plus
haute admiration . Voilà comment et pourquoi ils ont pu attein-
-- -

dre à cette élévation et s'y maintenir par la réitération et l'exal-


tation d'actes de transfiguration spirituelle ( 1) .
C'est lors du réveil de cet acte divin de transfiguration dans
l'homme qu'est venue , je le présume , l'idée de la renaissance
(palingenesis) chez les Indiens qui , comme on le sait , se disaient
deux fois nés.

Que , dans le fait , leurs Brahmanes aient pu découvrir l'admi-


rable Organon mystique de la mathèse dans cette seconde nais-
sance, cela est présumable , et s'accorde complétement avec l'opi-
nion populaire ci -dessus citée , relativement à l'origine divine
de la mathèse et de son Organon .

A cette question : Pourquoi l'Organon de la mathèse s'est-il cou-

(1) Ce fut aussi par cet acte de sainte transfiguration que les prophètes, dans
les premiers temps , produisirent leurs prophéties , les saints leurs intuitions
divines, comme le dit Gordius (Sup. Dyonis.) , à propos de l'instruction par
les Saintes Écritures : « Quare tantùm ad inaccessum illud lumen adspiremus,
quantùm se insinuaverit divinorum ille radius oraculorum, quò eminentioribus
istis rerum divinarum splendoribus, sobrietate quadam, ac sanctitate, con-
temperantur. »
Ce qui, dans la contemplation de la vie, a été atteint dans le principe par la
mortification des sens, par l'abaissement de l'individu, a été de nouveau re-
cherché, de nos jours, quoique rarement avec autant de pureté et d'élévation,
au moyen d'une sorte d'anticipation artificielle de la mort (par le magnétisme
animal). Le même fait a été aussi observé depuis longtemps dans des cas
d'altérations fortuites de la santé, qui ont pour effet particulier de concentrer et
d'élever momentanément la vie somatique de l'individu , et il a été reconnu là
comme somnambulisme artificiel , ici comme somnambulisme spontané.
C'est ce qui peut avoir conduit Hippocrate à formuler cette sentence : Ali-
quid divini latet in morbis.
Ici, je ne puis me défendre de répéter le mot de mon ami Fri-Schlegel , de
glorieuse mémoire : « Les germes de toute vérité et de toute vertu gisent dans
l'homme comme images de Dieu. Des pressentiments et des mouvements in-
complets précèdent souvent pendant longtemps ce qui doit plus tard avoir une
complète réalité. - De même que les pensées de la raison se lient l'une à l'au-
tre, de même aussi dans une plus haute région toutes les vérités qui se rap-
portent à ce qui est divin se touchent par des relations invisibles. -· Celui à
qui il a été donné une fois d'en connaître une, peut voir s'étendre sa percep-
tion et pressentir au moins la totalité ; seulement la première étincelle de lu-
mière de la vérité provient nécessairement d'en haut. »
9 --

vert d'un voile mystique ? on peut répondre en se fondant sur


deux raisons puissantes :
Premièrement , parce que toute grande vérité ( religieuse ,
par exemple ) ne devait pas être profanée , ni communiquée aux
indignes.
Deuxièmement , parce qu'un tel Organon ne pouvait être saisi
ni par la parole , ni par l'écriture , mais seulement au moyen
d'un hieroglyphe et de chiffres symboliques , car il fallait que
l'intuition spirituelle qu'on trouvait en lui fût perçue dans le
plus court espace de temps , et aussi que les apparitions physiques
obtenues par des efforts soutenus eussent lieu dans le moins
d'étendue possible .
Ainsi seulement il était possible de saisir , dans un acte pres-
sant de la pensée et sous un coup-d'œil étendu , l'unité dans la
diversité, la substance dans la forme , l'action dans la fonction ,
bref , la vie générale dans la vie particulière, et vice versâ.
Ce n'était que dans un organisme hiéroglypho- symbolique de
cette sorte que le rayon lumineux de la vérité recueilli pouvait
enflammer et entretenir sans trouble le procès de lumière ignée
de la pensée et le transposer dans un présent toujours renaissant.
Par l'effet de cette mathèse saisie dans le procès de la vie or-
ganique , toute séparation cesse d'être possible , et son côté sub-
jectif (la métaphysique) et son côté objectif (les mathématiques)
s'unissent en un seul tout et fondent l'unité vivante de la science
universelle.
On avait depuis longtemps déjà pressenti dans l'hiéroglyphe
et la symbolique de cette science ( les mathématiques ) la pré-
sence des muets débris d'un monument spirituel s'élevant jadis
à de hautes proportions que l'on avait cherché à reconnaî-
tre et à reconstruire , non pas tant à l'aide des figures géomé-
triques que des signes arithmétiques. - C'est aussi là qu'ont
tendu mes études , dont le but particulier a été de rechercher à
fond dans la réunion vivante de la métaphysique et des mathé-
---- 10 -

matiques, la substance de la science hiéroglyphique et symboli-


que de l'Organon de la mathèse.
Dans une assemblée publique composée de personnes émi-
nentes , et tenue en 1841 , lors de l'expiration du terme de ma
présidence triennale , j'ai essayé de faire connaître , par un dis-
cours rapsodique , le premier germe de cette recherche .
Aujourd'hui , comme alors , je pars de ce principe : que
l'ellipse est l'hiéroglyphe fondamental de la mathèse hiérarchi-
que ; qu'elle n'est pas seulement un héroglyphe humain , mais
plutôt un hieroglyphe universel : qu'elle est en nous , parce que
nous sommes en elle― parce qu'elle est l'hieroglyphe de la créa-
tion (1) .

L'ellipse réelle ( l'ellipsoïde) ne peut pas plus recevoir le nom


d'invention humaine , que son corps comme ellipsoïde (l'oeuf) , n'est
une œuvre originelle de sa production , mais bien celle de sa re-
production ( ré-engendrement ) , car il a un foyer extérieur, dans
l'espèce par l'effet de l'accouplement .
L'ellipse idéale n'est pas davantage l'œuvre de sa propre ré-
flexion , parce que cette dernière a aussi son foyer dans la voie
idéale elliptique , comme la terre a le sien dans le soleil.
De même que dans les nids extérieurs des ovipares et
dans les nids intérieurs des vivipares ( il s'agit du placenta) ,
la reproduction corporelle , par son foyer extérieur figure
une enveloppe ovale , comme amnios de l'espèce , de même
aussi la création spirituelle par son foyer extérieur dans
l'ellipse universelle sidérale , se reflète dans un berceau ex-
térieur de la pensée , c'est-à-dire dans le zéro elliptique ,

(1) Celui qui ne voit dans le cercle, de même que dans l'ellipse , que le pro-
fil d'un espace vide, et les prend l'un pour l'autre d'une manière absolue, celui-
là ne pense point à l'intériorité de la vie non révélée du premier, intériorité
admise déjà par les Indiens , ni à l'extériorité de révélation de celui-ci par la
seconde; - - c'est aussi pour cette raison que le cercle a été considéré, depuis
l'époque où les hommes ont pensé , comme l'hieroglyphe divin prégénésétique,
de même que l'ellipse l'a été comme l'hieroglyphe de la génésétique,
11

comme hieroglyphe de la mathèse ou l'enveloppe idéale de


l'amnios spiritualisé de son espèce.
C'est ainsi que l'hiéroglyphe de l'humanité se joint à l'hiéro-
glyphe du monde , et le zéro , comme ellipse et ellipsoïde tout à
la fois , comme milieu entre la métaphysique et les mathémati-
ques, est l'inclusion de l'idéal dans le réel , la conception de l'en-
veloppe spirituelle et corporelle dans l'homme comme dans
toute la nature .
Le zéro métaphysico -mathématique comme hiéroglyphe origi-
naire de la mathèse en tant que science générale de la vie , repré-
sente non- seulement le dualisme de sa vie propre dans les deux
foyers de son ellipse en mouvement , mais aussi le procès de
la vie universelle dans sa zône interfocale , où l'union des deux
foyers en produit un troisième (le ternaire) et indique le moment et
le point d'entrée et de sortie réciproque de l'idéal dans le réel ,
de l'enveloppe spirituelle dans l'enveloppe corporelle , comme
âme , comme cœur de la vie entrant sans cesse dans le réel et
sans cesse en sortant (1 ) .
C'est à bon droit que Proclus a apprécié ce milieu de la ma-
thèse comme essence de la science mathématique. Il y avait done
aussi de la précision dans le sens des Indiens et des Chinois qui
figuraient le milieu de la décade ( ainsi que nous le verrons ) , au
moyen de l'hieroglyphe fondamental du zéro elliptique.
A partir de ce milieu l'on touche , comme ellipse idéale ou
enveloppe spirituelle , au cercle prégénésétique éternel, et par

(1) L'indifférence de la zône interfocale a bien lieu dans le cercle, mais ja-
mais dans l'ellipse toujours en mouvement à l'état de vie ; dans l'idéal comme
dans le réel , l'idée d'une différence relative peut seule avoir de la valeur, car
retourne-t-elle à l'indifférence, c'est-à-dire au passage de ses foyers dans un
centre originel, elle cesse dès-lors d'être une ellipse, c'est un cercle. - De
même que l'intelligence humaine a reconnu dans l'équivalence et le repos du
cercle une vie prégénésétique, divine (d'après Schelling : la vie de la vie), de
même aussi elle a trouvé dans une antithèse sexuelle des foyers de l'ellipse tou-
jours en mouvement, tout ce que nous connaissons de la création.
- 12 -

l'ellipsoïde réelle ou par l'enveloppe corporelle à la sphère infi-


nie de la nature .

De même que Platon et ses successeurs ont suivi la pre-


mière direction dans l'esprit universel comme histoire de l'Uni-
vers , de même aussi Aristote et les siens ont suivi la se-
conde dans l'histoire de la nature. - De même que le premier,
en partant des limites du cercle divin , éleva à une connaissance
réelle la réminiscence psycho-spirituelle dans l'enveloppe corpo-
relle , de même Aristote fit retourner , à une reconnaissance, la
perception empirique acquise aux limites de la sphère de la na-
ture infinie dans l'enveloppe spirituelle .
C'est à cela que se rapporte aussi la double hiérarchie de la
science, selon Denys l'Aréopagite . Voici ses propres expres-
sions « Duplex est etiam apud nos hierarchia , sensilis nimirum
et intellectilis, propter contemplationem. — Primæ humana sym-
bola , secunda angelica intuitio respondent. Contemplatio autem
est mentis immediata et exilis sensuum applicatio ad ea, quæ pro-
ponuntur. -- Istiusmodi igitur hierarchia symbola profanis et ab
ecclesia extraneis mysteria sunt : verumtamen contemplatio tan-
quam suprema cognitio quoque fide opus habet (1 ) et mysterium
appellatur. - Attamen symbola tantum vocat mysteria quoad eos
qui nondum initiati sunt. »
Ces deux directions scientifiques se rapportent au zéro méta-
physico-mathématique comme premier procédé des mathémati-
ciens , c'est-à-dire qu'ils réveillent en lui le ternaire pythago-
rique , comme + 0 ou 0+; ou + idéal · réel , ou +
réel - idéal.
C'est de la même manière que l'homme ouvre aussi son hiéro-
glyphe intérieur, et cela, d'une part, au moyen de la voix et
de la parole ; de l'autre par le dessin et l'écriture : dans le pre-

(1) Si l'on a appelé la foi une raison sacrée, Jacob Boehm la précise d'autant
mieux lorsqu'il dit : « La faim et la soif de l'âme vers Dieu , reçues et mainte-
nues dans l'idée (Phantasie), telle est la foi. »>
- 13 ―

mier cas, au moyen de sa bouche , qui s'ouvre et se ferme entre


l'ellipse et l'ellipsoïde ; dans le second, au moyen de ses mains
ellipsoides s'ouvrant et se fermant dans les décimales des dix
doigts.
Là où la parole devient intérieure , où l'écriture forme un con-
tour vide, ombreux, là se substantifie à proprement parler l'hié-
roglyphe renfermé en soi. — C'est pour cela que, dans ce cas,
le zéro métaphysico-mathématique nous semble être nul, n'être
rien , tandis que, dans le cas contraire , il est tout.
C'est ici que le champ immense de la symbolique s'unit à la
figure du zéro comme hiéroglyphe de l'homme et du monde.
Ce champ est le triomphe de l'esprit humain , car ce que l'hié-
roglyphe renfermé contient en simultanéïté et en co-existence
ne peut être compris par l'homme que par la succession des
temps et dans l'extension de l'espace.
Ainsi est éclose la découverte merveilleuse des chiffres numéri-
ques, qui n'ont plus été regardés que comme purs exposants
mathématiques , depuis que par l'oubli de la métaphysique,
ils ont aussi perdu leur caractère qualitatif originel , leurs rap-
ports avec l'ellipse idéale, et par suite leur valeur symbolique.
Eh quoi , si les chiffres numériques n'étaient autre chose que
la construction parfaitement combinée de la naissance, de l'être
et des modifications du zéro elliptique comme hiéroglyphe du
monde et de l'homme dans le temps et dans l'espace ! Si l'Orga-
non de la décade était symétriquement formé de cette construc-
tion , si c'était par sa conjonction que le procès de la triple vie
apparaissant dans l'ellipse comme hiérloglyphe du monde , était
symboliquement représenté !
Je vais faire connaître maintenant , avec franchise , comment ,

par suite de l'examen de l'ellipse, je suis arrivé à ces impor-


tantes questions, comment je croyais les avoir déjà résolues, et ce
que j'en ai enfin obtenu.
Que les chiffres numériques ne soient point une construction
- 14 -

fortuite, mais au contraire une construction bien combinée du


zéro elliptique comme hiéroglyphe de l'homme et du monde,
c'est là la conclusion que j'ai d'abord tirée de leur invariable ca-
ractère aux différentes époques de l'histoire du monde. - Mon-
tucla s'exprime à ce sujet , comme suit : » Remontant à l'épo-
que la plus reculée des peuples, il est étonnant de voir leur ac-
cord surprenant sur le même système de nunération . - En ef=
fet , si nous exceptons les anciens Chinois et un peuple (Thrace)
dont parle Aristote, tous les autres semblent s'être accordés à
choisir la progression décimale. »

A cette remarque , j'en ajouterai une autre , c'est que dans le


cours de tant de millions d'années la langue d'aucun peuple n'a
subi aussi peu de changements que le caractère des chiffres nu-
mériques , et ceux qu'ils ont éprouvés, comme nous le voyons
dans Boëce , Planude , d'Alcéphadi , Sacro Bosco , Roger Bacon ,
ne sont point essentiels et ne contredisent jamais la construc-
tion ci-dessus mentionnée de l'individuel ni la conjonction du sys-'
tème ; il en est même quelques-uns qui concourent à l'éclaircis-
sement et viennent à l'appui de notre opinion , comme , par
exemple, ce qui est relatif au nombre 4 dans Boëce , Planude et
Sacro Bosco , et ce dont nous parlerons plus tard .

Nous remarquons plus loin que les chiffres numériques avaient ,


chez les peuples de l'antiquité , une toute autre signification que
celle de simples signes de numération , puisque les Indiens
eux-mêmes , de même que d'autres peuples orientaux appliquaient
leur alphabet aux opérations numériques. Rien de plus re-
marquable que ce que nous rapporte Hager ( V. Mines orientales
de Hammer ) d'après Philostrate , à savoir que nommément , le
philosophe indien Yarca , interrogé par Apollonius sur le mys-
tère des chiffres numériques aurait répondu : « Ne noi serviamo ai
numeri ne i numeri servano a noi. >>

S'il reste à savoir à quel peuple de l'antiquité la découverte


- 15 -

des signes numériques appartient, toujours est-il qu'en dépit des


contestations élevées à ce sujet, c'est au peuple indien, qu'on
les fait remonter . Ainsi les Arabes , à qui l'on a voulu en général
lės attribuer, en renvoyèrent l'honneur aux Indiens, comme à la
source de toute science , où les Chinois , les Phéniciens , les
Perses , les Égyptiens, les Grecs et les Romains puisèrent la leur .
Si l'on vient à objecter que les Chinois, qui n'ont point d'alpha-
bet, mais seulement des chiffres syllabiques, n'auraient pu dé-
couvrir aussi les signes numériques , on fournit par là une preuve.
de plus en faveur de la découverte de leur symbolique par les
Indiens . La Mais il est certain que les Chinois , après avoir une fois
connu ces signes , ont contribué beaucoup à leur perfection-
nement , ainsi que l'ont découvert Schlegel et Hager , d'abord
dans l'ancien Y-King, le livre de l'Unité ; ensuite dans le 11 et
le 12º livre de l'ouvrage nommé Sing- li , qui traitent des mystères
et de la vertu des nombres.
Plus tard des philosophes renommés ont attribué une grande
valeur aux signes numériques, et parmi ceux -ci les catholiques ,
tels que saint Jérôme , saint Augustin , saint Ambroise , saint
Grégoire, saint Athanase, saint Bazile, saint Hilaire , ainsi qu'O-
rigène , Rubanus , Beda et autres. Ils étaient profondément
convaincus qu'une puissance merveilleuse est cachée dans les
nombres ; Themisticus , Boëce , Averroës de Babylone et Platon
faisaient l'éloge de la vertu de ces nombres , comme si sans eux il
n'y eût eu aucune philosophie possible. Il est assez surprenant
qu'à ce propos ils parlent , il est vrai , du nombre rationnel et
formel, mais jamais du matériel. Ils affirment en même temps
que l'harmonie et la voix ne s'unissent qu'au moyen de nombres
et de proportions. L'axiôme suivant de Pythagore surtout est co-
lossal tout l'univers repose sur des nombres . Dans toutes
ces assertions, et particulièrement dans beaucoup d'autres de
ce dernier auteur , on trouve tant de mysticisme que le vrai s'y
laisse plutôt pressentir qu'entrevoir, et que l'on est forcé de con-
16 ―

clure ou à une science perdue ou à une science cachée sous le


voile du mystère dont ils l'ont environnée.
Cette conjecture s'est élevée dans mon esprit , surtout relati-
vement à Pythagore , qui , formé à l'école indienne , étonna
l'Europe lettrée par sa science appliquée surtout à la géomé-
trie et à l'arithmétique, sans avoir indiqué la source où il l'avait
puisée. Plusieurs de ses disciples, et parmi ceux- ci Philo-
laüs , avaient également fait cette remarque ; au point que ce
dernier disait : Symbolice autem nobis tradit magister Pythago-
ras, ac si Cerdones illum intelligere non deberent.
Il est possible, ( comme je l'ai dit plus haut ) qu'alors aussi ,
comme plus tard en Égypte , la science ait été étroitement liée
avec la religion et le culte, et que, conservée dans les mains des
prêtres, elle n'ait été communiquée à quelques-uns que sous le
plus grand mystère.
Tout cela excita naturellement en moi le désir d'apprendre à
connaître plus à fond l'École indienne.
Mais, quel ne fut pas mon étonnement, quand je trouvai dans
l'enseignement de ce peuple, vraiment grand , le problème de
mes études antérieures déjà résolu , et ses développements por-
tés à toutes les hauteurs que l'esprit humain pourrait jamais
atteindre. - Si mes pénibles travaux préparatoires m'ont peut-
être rendu capable de pénétrer profondément dans la Mystique de
cet enseignement , si je puis soulever le voile sous lequel sont ca-
chés surtout les chiffres numériques, et retrouver ainsi l'Organon
mystique perdu de la mathèse originelle , je me jugerai assez
heureusement rémunéré de mes labeurs .
Maintenant, allons droit au sujet.
Si jamais la mathèse a été la vraie hiérarchie de la science,
ce fut certainement la mathèse indienne. - Elle se présente à
nous sous trois aspects :
1º Dans la métaphysique prégénésétique, ou dans les puis-
sances de préformation de Dieu ;
17 -

2º Dans le passage de celles-ci en formes allégoriques person-


nifiées comme lien du métaphysique et du physique ;
3º Dans sa marche ascendante dans le temps et l'espace ,
sous la symbolique mystiquement conservée des signes numé-
riques.
Sur ces trois degrés du plus haut idéal , et de son passage dans
le réel , le prégénésétique est aussi peu séparé du génésétique que
celui- ci de celui-là, en sorte que l'acte de passage progressif de
la genèse dans son au- delà et dans son en - deçà est nécessairement
toujours perçu et saisi sous toutes ses faces , et que ce qui est là
éternel, infini , immortel , devient ici éterno - temporel, infini-fini ,
et immortel- mortel.
Sans nous laisser aller trop avant dans le champ de la méta-
physique indienne, nous nous bornerons à ce qui en elle se rap-
porte plus étroitement à notre sujet , et, poursuivant avec per-
sistance son grand idéal dans les puissances allégoriquement
personnifiées , nous nous efforcerons de retrouver la disposition et
la signification primitives des signes numériques de la décade .
Nous n'avons pas la prétention de nous prononcer d'après les
opinions divergentes de quelques traducteurs, sur la valeur et la
supériorité des livres indiens et des sectes indiennes, mais nous
accordons une valeur presqu'absolue aux collections de maté-
riaux laissées par cette grande nation à qui l'on doit la plus haute
découverte humaine. Par la même raison , nous honorons aussi
particulièrement les travaux d'un Frédérick Schlegel (1) , d'un
Nicolas Muller (2) , qui ont cherché à pénétrer le sens intime de
ces matériaux . Notre travail devra beaucoup à la collection
substantielle et pleine d'érudition du dernier de ces savants, re-
lativement aux figures allégoriques.
D'après les fragments recuillis de l'Oupnek-hat , du Weda et
du Schaster , nous apprenons que l'idée du Dieu unique Brahm , non

(1) Histoire de la littérature indienne.


(2) De la Foi, de la Science et l'Art des anciens Hindous.
2
18 -

révélé et renfermé en soi , dans l'unité a précédé la décade divine .


- Les représentations figuratives qui en ont été faites étaient en-
veloppées d'un cercle de nuages ou d'un manteau circulaire , avec
un pied dans la bouche , comme le Brahm renfermé en lui-même
avant l'extérioration du monde .

Le premier acte ( encore en soi ) de révélation de Brahm


fut celui de la Trimurti , trinité métaphysique dés forces divi-
nes, (procédant à l'acte créateur ) de la création , de la conser-
vation et de la destruction ( du changement ) qui sous le nom
de Brahma, Wishnou , et Schiwa , ont été personnifiées et regar-
dées comme étant dans un accouplement intérieur mystique. ( E
circulo triadicus Deus egreditur . )

Cette première Trimurti divine passa alors dans une révélation


extérieure , et dans celle des sept puissances précréatrices , ou
dans celle du premier développement métaphysique septuple
personnifié ; par les allégories de Maïa , Oum, Haranguerbehah,
Porsch, Pradiapat, Prakrat et Pran : ainsi se terminait la dé-
cade divine (1) .

Mais leur prototype dans le prégénésétique demeura aussi comme


type du génésétique , ainsi que nous le voyons dans les dix chif-
fres symboliques de notre décade. Si l'on établit un parallèle
entre la décade prégénésétique et la décade génésétique, on sera
forcé de reconnaître dans la dernière une représentation frap-
pante de la première ; cela a déjà également lieu , dans la repré-
sentation de la Trimurti par les trois chiffres 1 , 2 , 3 , qui à la ma-
nière de la Trimurti , renferment aussi en eux toute la décade ; et ,
de même que les premiers ceux - ci se déploient dans les sept
autres chiffres de la décade , aussi bien dans le champ de l'arith-
métique que dans celui de la géométrie.

Le parallèle sera d'autant plus frappant que nos recherches

(1) Selon les Écritures , dans la révélation de saint Jean , apparaissent d'a-
bord les 7 communes, les 7 étoiles et les 7 flambeaux.
19

tendront davantage à démontrer que les sept signes numériques


suivants de la décade correspondent complétement aux puissan-
ces allégoriques ci - dessus énoncées , qu'ils leur doivent même leur
origine, et qu'on les y trouve même mystiquement indiqués.
Conséquemment à notre recherche, le chiffre 4 appartient à
Maïa, le 5 à Oum, le 6 à Haranguerbehah, le 7 à Porsch, le 8 à
Pradiapat, le 9 à Prakrat , et le 10 à Pran.
Ainsi que nous le verrons ce rapport important de la décade
génésétique , comme nombre dix, avec la décade prégénésétique
(comme embrassant tout) , cet Organon , profondément conçu et
bien coordonné dans le temps et l'espace au moyen d'allégo-
ries et de chiffres pouvait seul garder et maintenir l'unité de la
science dans toute son intégrité.
Mais , dès le principe , nous nous heurtons à la plus grande
difficulté, nommément à celle que nous offre la recherche de la
symbolique et de la construction des trois premiers chiffres 1 , 2 , 3 ,
car leur symbolique se rapporte à la plus haute idée de la
Trinité, et leur construction figurée doit fonder et fixer néces-
sairement celle de toute la décade .
Après une longue recherche, nous sommes arrivés à la décou-
verte de deux moyens renfermés dans l'intelligence de la sym-
W Le premier se
bolique et de la construction de ces chiffres.
rapporte au cercle prégénésétique éternel et à la sphère infinie,
et le second au passage des deux ( sphère et cercle) dans le gé-
nésétique comme ellipse et ellipsoïde , comme révélation du pre-
mier dans le dernier.
Les Indiens ont également suivi ces deux voies , et si la pre-
mière s'est rapportée entièrement à l'idée de la Trimurti ( dans sa
révélation interne) tout au plus seulement avec indication du nom-
bre cinq (5) Oum , comme correspondant à l'hieroglyphe fon-
damental de la décade , nous trouvons d'autant plus dans la se-
conde voie péniblement découverte le fondement de la construc
tion et la figuration des trois premiers chiffres numériques.
20 -

En ce qui concerne le premier , c'est-à-dire le prégénéséti-


que, nous le trouvons d'après Nicolas Muller (tab. 1 , fig. 5b )
comme image d'Oum , où un cercle figurant le temps infini ( le
serpent de l'Éternité ) circonscrit un carré dans lequel se
trouve un triangle avec le pentagone mystique (5) suspendu au
milieu.

Mais cette représentation , dans l'état de la plus grande équi-


valence et du plus grand repos où la pensée humaine mise en mou-
vement peut difficilement demeurer , doit vraisemblablement aussi
avoir conduit les Égyptiens à la chercher non dans le moment du
repos mais dans le mouvement et même dans les signes distincitifs
du règne animal , comme ce fut le cas pour les cornes d'Ammon ,
c'est-à-dire pour des cornes de bélier, qui se développent sphéri-
quement et tendent à retourner en cercle vers la tête, comme
image analogue des efforts de la pensée vers l'extérioration et de
son mouvement rétro -curviligne vers l'intérieur.

Le commencement de la révélation extérieure (des efforts vers


l'extérioration) a été représenté dans la configuration maté-
rielle d'Apis , dans le taureau aux cornes projetées en forme de
rayons.

En ce qui concerne la deuxième voie , le passage dans le gé-


nésétique , nous sommes porté à penser que les Indiens eux-
mêmes peuvent avoir emprunté aux signes distinctifs du règne
végétal particulièrement , la forme de leurs trois premiers si-
gnes de numération. —La forme imagée la plus frappante et la
plus concordante du règne végétal était dans ce cas celle de la
Cissoïde.

D'après ce que Jacob Wagner remarque très-judicieusement


dans sa philosophie des mathématiques relativement à cette forme
aperçue par Pappus et Dioclès , la cissoïde commence en un
point par deux courbes divergentes , et offre dans sa simple
beauté l'image d'une explosion partant d'un point , et dont la
24

projection se sépare vers deux directions opposées , ou bien


encore elle est l'image de la vie paisible , qui s'entrouvre comme
les fleurs d'un grand nombre de plantes , surgissant de leur
ovaire et décrivant deux courbes de droite et de gauche.

Que de fait , les trois premiers signes numériques aient pu


emprunter leur construction à la cissoïde ainsi que leur sym-
bolique à la vie végétale qui se développait en elle, c'est ce
qu'on peut présumer avec la plus grande vraisemblance déjà
d'après l'examen de la figure 3 vue dans une position horizon-
tale , (fig. a) ; car comme le point générateur de la cissoïde
devient rayon (tige) , comme dans la figure du nombre (1 )
et que cette tige se divise et devient bis secta , binaire , le un
divisé forme deux courbes, mais dont l'une seulement est repré-
sentée dans la partie supérieure courbée du nombre deux (2)
(fig. b), tandis que l'autre dans sa partie divisée ( prise comme
unité ) est supposée dessous.

C'est ce que Boëce et Sacro Bosco pourraient bien avoir voulu


exprimer par leur retourné.

De la réunion de ce chiffre divisé et de sa jonction avec la


figure du nombre UN ( 1) ressort le chiffre trois comme figure de
la cissoïde vue dans une position horizontale (fig. a) .
En conséquence , la première unité numérique est consti-
tuée comme un dans trois, comme trois dans un (comme trois
fois un).

Ceci trouve aussi sa démonstration dans la progression inté-


rieure et la rétrogression de la figure symbolisée du nombre trois
(3) (fig. a) ; car de même que les deux courbes du nombre trois
par un trajet plus spacieux hors de leur centre prennent égale-
ment la figure du cercle , de même elles retournent , dans
une rétrogression temporelle des deux extrémités vers le mi-
lieu dans le rayon et de celui-ci dans le point comme centre du
cercle.
22

Il pourrait être important de faire déjà ici observer que , de


même que la figure du nombre trois est une répétition (réunion)
des figures des nombres un et deux , nous rencontrerons pareil-
lement les mêmes rapports dans le nombre six relativement aux
nombres quatre et cinq, et dans le nombre neuf relativement aux
nombres sept et huit, ce qui prouve aussi que les inventeurs des
signes numériques symbolisaient en eux le mystère d'un trinôme
ternaire.
Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je trouvai dans les
allégories indiennes deux puissances divines préformatives de
l'image figurée de la cissoïde comme plante , dessinée au milieu
de leur visage ! La première était dans l'image de Brahma
(tabl. I , fig. 1 ) du Derma Schaster , où , à la place des yeux l'on
voyait deux lys d'eau sous la forme la plus approximative de celle
de la cissoïde , qui , d'abord unis , forment le rayon (tige) à la
place du nez , puis divisés en deux courbes opposées , s'arrêtent à
- celles des sourcils. -Dans le milieu des courbes se trouvaient, au
lieu des yeux , deux fleurs de lotus, portant dans leur sein la
représentation de l'esprit symbolique , cosmogénérique. - - La
seconde figure allégorique était celle d'Oum (tab . 1 , fig. 5 ) , où ,
au lieu des lys d'eau , s'élève une palme qui , se divisant en deux
rameaux ployés , forme le nez au moyen de sa tige , et les sour-
cils au moyen de ses deux branches courbées ( 1 ) .
Il ressort évidemment de là que les Indiens ont considéré la
signature de la cissoïde non-seulement comme purement végé-
tale, mais en même temps comme animale , et même comme
humaine , et se sont par-là élevés au-dessus des Égyptiens.
Quand on considère bien les traits décisifs du milieu du
visage humain , on est vraiment émerveillé de voir comment une
ligne droite , comme rayon , indique la conformation du nez , et
comment deux courbes qui la prolongent également comme

(4) Selon les Saintes Écritures, interprétation des Septante , Zacharias cut
la vision de la sainte Trinité sous le symbole de deux branches d'olivier.
23 -

celles d'une tige , figurent en se projetant à gauche et à droite ,


les sourcils et les deux arcs des orbites , précisément à la ma-
nière de la cissoïde , tandis qu'une des ailes du nez est encore
représentée dans le trait inférieur du nombre deux (2) et indique
la division exprimée par le nombre deux ( bissectio).
Si l'on ajoute à ce fait décisif une observation physio-psy-
chologique , à savoir que l'homme plongé dans un état de pro-
fonde réflexion s'efforce de rapprocher les deux sourcils vers le
milieu de son front qui se plisse, et aussi de les attirer au centre
du cercle , on reconnaîtra au milieu du visage de l'homme non-
seulement la symbolique générale de la vie spirituelle puissante,
mais aussi la construction des chiffres désignés ( comme nom-
bre ternaire sacré) (1) .
Le symbole de la Trinité une fois aussi évidemment et aussi
profondément empreint dans la physionomie de l'homme comme
image de Dieu , nous ne pouvons nous étonner de ce que l'idée de

(1) Si l'on observe, chez l'individu placé sous l'influence d'une pensée
profonde, dans le rapprochement et la fusion des deux courbes de sourcils au
milieu du front, les paisibles efforts qu'ils font pour tendre vers le centre du
cercle, on voit dans le cas opposé, par leur extension et leur rétraction dans
une ellipse plus ou moins allongée , la caractéristique des passions de l'homme
se manifester sans équivoque.
La Mythologie nous donne déjà l'explication du fait, lorsqu'elle représente
Jupiter ébranlant la terre par un mouvement de ses sourcils. - Dans le pre-
mier cas comme dans le second, la configuration des paupières, des lèvres et
des muscles du visage correspond précisément à cel'e des sourcils, et ainsi la phy-
sionomie entière devient un fidèle exposé de la direction haute ou basse de la
pensée et du sentiment. -– De même que la première direction conduit à un
angle droit du visage, de même la seconde en éloigne.
La profonde signification de l'angle droit du visage, était, comme en le sait,
si hautement reconnue des artistes classiques de la Grèce, et ils y attachaient
tant d'importance, que ce n'était que par lui et en lui qu'ils croyaient pouvoir
reconnaître la plus grande animation et déification de la physionomie.
Et en effet, nous retrouvons aussi dans cet angle droit le grand signe du pas-
sage de l'ellipse humaine dans le cercle divin.
L'angle facial consiste , on le sait , en deux lignes , dont l'une, proje-
tée de la partie latérale du crâne, divise en deux le trou de l'oreille et va
finir à la racine du nez, d'où l'autre part pour s'élever à la hauteur du front.
24 -

la Trinité sainte soit innée dans l'esprit de l'homme comme le


démontre l'histoire de tous les peuples, et que l'idée d'une force
triple fondamentale repose au fond de la plupart des systèmes
des penseurs . - Elle est la forme générale de l'existence que
la première cause a communiquée à tous ses actes, elle est l'es-
tampille pour ainsi dire de la divinité , qui a imprimé sa marque
aux pensées de l'esprit comme aux formes de la nature : elle
est l'évidence métaphysique .
En terminant ici , comme à la fin des articles qui suivront ,
je me permettrai de citer des opinions exprimées à ce sujet , et
surtout celles des philosophes grecs. Ainsi s'exprimaient unani-
mement, parmi ces derniers , Ausonius , Pharnutus , et Pollux :
Ternarius numerus primus perfectus ; »
Et Plutarque ajoutait :
Quia principium , medium et finem habet ; »
Aristote :
« Præter hæc tria numera non est alia magnitudo , quod tria
>>sunt omnia et ter undequaque, ut Pythagorici dicunt ; omne et
» omnia tribus determinata sunt ; »
Martien Capella :
« Trias vero princeps imparium numerus perfectusque censendus ,
» nam prior initium, medium et finem sortitur, et centrum me-
dietatis ad initium finemque interstitiorum æqualitate componit; »
Aretas :
« Ternarium initium est multitudinis uti arithmetica vult ars ; »
Homère :

« Trifariam omnia divisa sunt; »>


Photius rapporte de Nichomée :
« Ternarius vero primus omnium actu impar est , primusque
»perfectus numerus et medietas et proportio, qui Unitatis vim in
» actum atque exporrectionem procedere facit. -- Idem prima est
» omnium et quidem propria Unitatum coagmentatio, hinc porro
» ad physiologiam numerum hinc traducunt ; causa enim est rei tri-
25 -

»pliciter separabilis et infinitatem numerorum deficiens , simile


»quoque et idem et ejusdem proportionis et determinationis. «<
Le passage du 3 dans le 4 correspond à celui de la Trimurti
dans Maïa, et comme cette dernière ouvre le deuxième ternaire
de la décade prégénésétique, de même le chiffre 4 ouvre celle
du deuxième ternaire de notre décimale génésétique :
Donc

MAIA = 4. ( Table 1 , figure 4 ) .

De même que le chiffre 4 a sa symbolique dans Maïa , de même


aussi sa construction figurée se reconnaît dans l'idée du passage
du cercle dans l'ellipse . - Mais parce que ce passage a été ad-
mis par quelques- uns plutôt dans la ligne droite ( le temps ) , par
d'autres également dans la ligne courbe ( l'espace) , nous trouvons
deux sortes de constructions du chiffre 4.
A la première appartient la présente forme du 4 .
Comme la caractéristique de l'ellipse ( dans l'idéal aussi bien
que dans le réel , ) est la prédominance de sa longueur sur l'axe
transversal , la délinéation fondamentale du chiffre 4 est aussi
celle-ci : (fig. c) . --
— Si l'on ajoute à ce signe celui de la multiplica-
tion, comme étant celui qui prédomine dans le ternaire moyen ,
on a la figure complète comme suit : (fig. d).
La seconde méthode est admise par Boëce , Planude et d'Alce-
phadi.
Dans Boëce , elle repose en partie sur le cercle divisé en deux
fractions égales , en partie sur les axes de l'ellipse .
Elle est ainsi figurée : ( fig. e) .
Dans cette figure un demi-cercle repose sur l'axe transversal ,
tandis que du côté extérieur du grand axe sort une ellipse à
moitié ouverte (1 ) , et en réalité on ne pouvait mieux formuler la
pensée du passage du cercle dans l'ellipse.
(1) La signification du demi-cercle semble avoir été, pour la première fois
- 26

On trouve ceci plus simplement énoncé dans Planude


dans d'Alcephadi. Le nombre 4 est formulé au moyen d'une ellipse
à moitié ouverte placée à la fin d'une ligne horizontale et tournée
vers l'extérieur. La ligne a à son commencement un petit
trait ( virgula) qui signifie la multiplication . - Cette figure ex-
prime ainsi la pensée que le cercle passe dans une ellipse au
moyen de la prédominance d'une dimension ( la longueur ) . -
Elle ressemble à un cinq couché : (fig. f).
L'idéal qui conduisait au dessin figuré du chiffre 4 est celui
qu'avaient les Indiens dans la compréhension prégénésétique de
Maïa.
Selon leur doctrine, Maïa est l'exercice de la force triforme.de
la Trimurti, comme ex-engendrement de cette dernière. - Elle
est femelle et douée de force virile ; elle est hermaphrodite. -
Elle est à moitié Brahma , à moitié Maïa. - Elle est , d'après
le Weda , l'acte spontané de séparation de la double sexualité
dans la forme originelle de la demi-divisibilité féminine et vi-
rile. - Elle est l'imagination divine avec des affections d'a-

mour, avec une force d'attraction et de passion qui l'entraîne


vers son fils allégorique Kama . — Elle est l'image réfléchie du
monde sortant à son commencement du voile des nuages.
Elle est l'esprit originel , l'âme originelle de l'animation du
monde , de la plasticité et de la configuration formelle. - Elle
est l'éternel amour inhérent à la divinité, se consumant avec une
pure innocence dans l'acte de la génération .

déterminée par Dioclès. Mais comme nous n'avons jamais été à même de décou-
vrir ses œuvres, nous devons nous borner au commentaire que nous donne à ce
sujet Proclus sur Euclide. Voici ses propres paroles :
« Cum semicirculus cum terminis circuli et rectæ lineæ communicet, conside-
randus est uti binarius inter unitatem et numerum ( uti medius) ; nam si
unitas componatur plus facit ac si multiplicetur. Numerus vero contra. Que-
madmodum igitur iste binarius unitatis atque magnitudinis medietas est, ita
semicirculus cum rectis lineis juxta basim, cum circulo in circulumferentia
communicat. Progrediuntur autem rectilineæ figuræ per numerum, qui a
ternario incipit usque ad infinitum. »
- 27

Par un examen plus attentif de son image ( fig. 4 ) on trouve,


vers le milieu de sa poitrine , quatre groupes entièrement figu-
rés de perles pendantes , première signification du nombre
quatre. Mais le principal ornement de son vêtement consiste
en un saillant et riche emblème composé d'une ellipse renfer-
mée dans un parallélogramme , ainsi qu'il suit : (fig. g) et nous
rappelle la construction donnée plus haut de ce chiffre. - Il
est à remarquer , et notre point de vue le confirme , que le pa-
rallélogramme qui renferme l'ellipse n'a pas la forme d'un carré
ni d'un parallélogramme rectangle , mais plutôt celle d'un rhombe ,
comme on arrive à ce dernier si l'on répète un triangle rectangle
semblable (fig. h) sur un de ses côtés, (fig. i) ce qui précisément
symbolise le déploiement de la Trimurti dans Maïa . - De même
que le carré mis en mouvement passe dans un rhombe , de même
le cercle dans une ellipse .
Mais à l'examen de ses mains l'on voit clairement que Maïa
tient avec l'une , dont tous les doigts sont fermés , le cordeau du
monde , et avec l'autre saisit le voile qui l'enveloppe , de sorte que
le pouce séparé des autres doigts vient à être caché sous le voile ,
tandis qu'elle laisse voir ces autres quatre doigts libres et à nu.
Dans cette figure , comme dans les autres , nous attachons une
valeur particulière à l'examen des mains , car nous avons re-
marqué que dans le nombre des doigts, le chiffre correspondant
est pour la plupart du temps indiqué.
Parmi les philosophes grecs qui ont exprimé une opinion sur
le 4 , Philo disait particulièrement :
«<< Quaternarius hic primus solidi naturam ostendit, cum præce-
>
» dentes numeri incorporeis rebus dicati sint : adest enim longitudo,
»latitudo et superficies, sed non profunditas. >>
Aristote nommait aussi le chiffre 4 primam profunditatem , et
Pachemius corpus simpliciter.
Mais ces opinions, formées seulement du point de vue géomé-
trique, ne concordaient point avec les vues élevées des Indiens sur
- 28

ce sujet ils admettaient dans Maïa , non point une image réelle,
mais bien une image idéale de l'être, non pas un sexe corporel ,
mais seulement un genre spirituel- animique , ainsi que nous l'a-
vons reconnu dans nos études sur la différence qui existe entre
animus ( l'esprit animal ) et anima ( l'âme ) durant la vie origi-
nelle de l'homme ( dans l'Éden selon les Écritures ) (1).
L'idéal d'une révélation générique de Maïa se joint à

OUM = 5. (Tabl. 1. fig. 5ª, 5b. - Tabl. 2 , fig. 5º) .

Si le nombre 4 a reçu en lui la révélation apparue dans le pre-


mier ternaire du cercle au sein de l'ellipse , de l'unité dans le
dualisme, et si comme seconde puissance de ce dernier il l'a trans-
formé en un quaternaire d'hermaphrodisme voilé , de même se
symbolise, dans le nombre cinq, le moment et le point où cet
hermaphrodisme idéal voilé vient à entrer dans le réel et à de-
meurer comme Lingam du monde. ― Ceci s'établit d'autant
mieux que les anciens ont fait dériver l'origine du nombre 5 de
la somme du nombre 2 devenu d'abord , à leur sens, un nombre
féminin , et du nombre 3 devenu d'abord viril .
Cette allégorie divine qui occupe le milieu de la décade ainsi
que le chiffre important 5 qui lui correspond représente ce grand
hieroglyphe du monde qui s'enchaîne avec Maïa au moyen de son
voile renfermant en lui tous les types et du quel Haranguer-
behah apparaît sous le symbole de la première ellipse fermée , qui
n'est pas encore l'ellipsoïde ..
Les Chinois ont considéré le chiffre 5 comme le premier nom-
bre moyen complet et l'ont représenté sous la forme d'un zéro
fermé (fig. k).
Mais les Indiens ont dessiné dans le 5 la double représenta-
tion plus précise d'une ellipse à moitié ouverte et à moitié fer-
mée ( telle que celle de notre zéro métaphysico-mathématique) ;
car le signe fondamental du chiffre 5 est comme (fig. 1 ) , ce qui

(1) Voyez la Ve Étude sur le genre double.


29

le surmonte est le signe de la multiplication (fig. m) , signe qui ,


comme il a été dit , appartient particulièrement au ternaire
moyen le caractère de la durée et de la conservation , ne
pouvant être affirmé que par la multiplication.
Ce que dit la doctrine indienne sur l'allégorie d'Oum , la plus
importante de toutes , est vraiment surprenant . - D'après le
développement de Dieu dans Maïa , il fallait que le miroir chan-
geant de l'imagination reçût une idéale et réelle consolidation
dans Oum , comme dans la volonté corporellement figurée du
Créateur.
Oum est un mot mystique de symbole , et on lit dans les 3 li-
vres de Beid, que dans ce mot gît le principe fondamental et la
racine du Tout.
»>Oum est une préclamation de tout ce qui devient ; un pro-
totype du premier développement cosmogénésique . — Un souffle
de la vie originelle. Le contenant de la nature à venir.
L'enveloppe de la science. - Le corps mystique de Brahm. —
L'âme de tout avec et dans Brahm .
« Oum a été sa propre forme originelle de toute éternité, mais
cependant il s'est affirmé lui-même dans la méditation de la
pensée humaine mise en mouvement par le travail. - L'homme
l'a cherché comme faisant retentir le souffle spirituel inarti-
culé de Dieu dans la connaissance , révélant la science , re-
flétant sa lumière sur le mystère de la vérité. - Et comme
l'homme voulait le manifester aux autres hommes , il devint sub-
stanteur des éléments, revêtement des lettres , forme du son . >»
Qui pourrait ne pas reconnaître dans ces magnifiques paroles
le rapport et la signification de nos chiffres hiéroglyphiques ?
Quand même on n'aurait pu trouver la construction du zéro
elliptique dans sa figure allégorique , on aurait déjà saisi néces-
sairement dans ces mots seuls son rapport symbolique avec zéro.
Dans la figure d'Oum ( Tabl. I , fig. 5b ) , quoique formée
du cercle et dans le cercle, comme nous l'avons dit plus haut,
30 --

sort de la bouche de Brahma dans un rayonnement triple la pre-


mière triade ou le trinôme ternaire de la décade , qui porte sur
l'œuf du monde , tandis qu'au milieu du quadrilatère et du trian-
gle inscrits dans le cercle , le pentagone reconnu mystique
(= nombre 5) , est indiqué. Mais ce point de vue se présente de la
manière la plus évidente dans la fig. 5 , Tabl . II , où Oum est
repré enté sous une forme humaine , comme viril et comme fé-
minin dans ' acte de l'accouplement.
Ici nous retrouvons le rapport au nombre 5 non-seulement
dans les cinq doigts de ses deux mains , mais aussi dans les cinq
doigts de ses pieds. Ce que cette allégorie a de plus remar-
quable consiste en ce que des doigts des pieds et de ceux des
mains de la figure d'homme sort un torrent de feu , etc. , etc. , tan-
dis que des doigts des pieds et de ceux des mains dé la figure
de femme jaillit , au contraire , un torrent d'eau.
Donc le chiffre 5 est , en lui -même et dans la décade , en même
temps représenté et symbolisé par deux éléments originels dou-
bles, comme viril et féminin .
Les philosophes grecs ont également bien senti qu'apprécié
l'importance du chiffre 5. - Aussi Anonymus le nommait-il «< Ne-
mesis , quia distribuit convenienter tum cœlestia tum divina et na-
turalia elementa . »
Et il reconnaissait en lui : « Facultas minima vivendi cum tria sint
secundum physicos, quæ vivificant post corporationem, facultas ve-
getativa, animalis et rationalis ; ac rationalis quidem juxta septe-
narium constituta , animalis juxta senarium, vegetativa necessario
in quinario incidit ita ut etiam extremitas quædam minima facul-
tatis vivendi existat. »
Plutarque dit : « Quinarius primum omnia complectitur omnis
numeri speciem , et binarium primum parem , et ternarium pri-
mum imparem , unde item nomen illi matrimonium , tanquam ex
viro et fœmina constet. »
Martianus Capella : « Hunc numerum qui neget esse diametrum,
31 D

nam decadis perfectio circulusque hujus hæmisphæri secatur. —


Semideus quod in medio sit constitutus . Geminus quod senarium
sibi dividat. »
Anonymus « Cordialem vocat juxta similitudinem cordis quod
in medio animalia posita habent . Appellatur quoque providentia ,
justitia, quia inæqualia æquat. Sonumprimum in musica esse Quin-
tam. »
Macrobius : « Hic ergo numerus simul omnia et supra et sub-
jecta designat , aut enim Deus summus est , aut meus ex eo nata
in qua species rerum continentur , aut mundi anima quæ anima-
rum omnium fons est , aut cœlestia sunt usque ad nos ; aut ter-
rena natura est , et sic Quinarius rerum omnium numerus
tur. »

Je me permettrai , en finissant ce chapitre , de poser celte ques-


tion : Si la dénomination d'Oum , d'une part , comme souffle de
Dieu , admise par les Indiens comme son terme mystique , ne dé-
rive pas de Om , par analogie avec Brahm , et si , d'un autre côté,
le mot Ovum (œuf du monde) ne provient pas du mot Oum ?-Je
le présume d'autant plus , que le zéro elliptique comme hiéro-
glyphe du monde participe à ces deux mots, et de leur milieu
s'unit au cercle divin d'une part , et de l'autre à la sphère
de la nature ( 1 ) .
Cet aspect avait frappé le grand Proclus , lorsque, dans l'arti-
cle : De circuli in numeris contemplatione quoad potentiam , il
s'exprime comme suit : Quo circa in numeris quoque hic media
continet centrá totius numerorum progressionis quæ ab unitate

(1) Ce que Jacob Wagner dit , dans sa Philosophie des Mathématiques , à


ce sujet mérite d'être rapporté icí : « Si le milieu est un chiffre unique, sa puis-
sance est égale aux produits d'égales distances : Ainsi dans a, b, c , d , e on
trouve ae = bd et c² ae ==
= bd. Un rapport est-il donné dans le nombre c,
on en peut déduire une équation. Cette équation repose donc sur une antithèse.
En algèbre l'équation est considérée comme un cercle fermé de transforma-
tions , qui sont une ombre de la vie organique. »
L'idée que Wagner se faisait du cercle diffère complétement de la nôtre , de
- 32

usque ad Denarium circumvolvitur. Quinarius enim atque


Senarius ex omnibus circularem ostendit potentiam quippe qui
in iis quæ fiunt ex sese progressionibus in sese iterum revertun-
tur , cum non multiplicantur in sese desinunt. Progressionis
imago est multiplicatio , regressionis exitus in eadem specie.
Horum autem utrumque circularis præbet potentia , excitans
a manente veluti centro causas multitudinis productrices, con-
vertens vero post productiones multitudines ad causas. Duo itaque
numeri medium inter omnes possident locum circuli proprietatem
habentes , quorum unus omnes masculorum imparisque naturæ
convertibile genus præcedit; alter vero omne fœmineum et par
fœcundasque series ad propria revocat principia juxta circularem
potentiam.

HARANGUERBEHAH = 6. ( Tabl . 1 , fig. 6) .

Comme conclusion du deuxième ternaire , (de Wischnou , de la


durée) , il comprend en lui le chiffre 5 et toute sa symbolique ,
comme 6 , comme 5 fermé, comme ellipse fermée. - Six consis-
tant en 3 fois deux et 2 fois trois , en lui se substantifie non-seu-
lement la totalité reçue de l'hermaphroditisme idéal et réel
comme genre, comme esprit du monde renfermé dans l'oeuf du
monde , et cela dans le sens propre des anciens , mais aussi l'idée
d'un développement en dehors de soi du sexe fini dans la troi-

telle sorte que, dans le cas cité , nous pourrions , au lieu du mot cercle , nous
servir de celui de circulation. Car le cercle étant une équivalence pure, au-
cun acte de changement ne peut avoir lieu en lui , à moins qu'il ne soit mis
en mouvement , mais alors il cesse par là même d'être cercle et devient el-
lipse. Proclus dit : « Que madmodum porro si circulus in modum fundæ mo-
veatur, ellipsis statim apparet. d
Je croirais presque que l'idée et le nom de cercle proviennent de cette trans-
formation, surtout par cette raison que c'est dans ce changement du cercle en
ellipse et réciproquement que nous concevons tout le procès de la vie dans
la création.
- 33

sième puissance du 2 = 8 , sexe qui , dans le troisième ter-


naire, s'exprime dans une individualité infinie.
Ce que nous apprenons de l'Oupnekhat , du Weda et du Schas-
ter sur l'Haranguerbehah allégorique nous conduit à la percep-
tion abstraite d'une normalité précréatrice de l'âme du monde
représentée dans un idéal de la substance.
<< Haranguerbehah est la faculté de coordination des éléments
fondamentaux de la force de production , des images de la forme
du monde .
»> En lui gît le germe originel du monde des phénomènes , de
même que ses formes originelles dans l'idée.
>>Il est à la fois informe et a de nombreuses formes , il n'a
point de sens et cependant un grand nombre de bouches , il est
omnivore ; car, lorsque l'eau était enceinte du feu , il était le fruit.
>> Il est l'âme en tant qu'il anime les formes vitales ;
>>L'étoffe du monde idéal ordonné et le précréateur , la vie de
la pensée ;
>>>Le configurateur du monde , la puissance de figuration du
monde jointe à la connaissance de soi-même (séïté) .
>>> La lumière et l'humide universels étaient ses aides-archi-
tectes du monde.
>> Il était la forme de l'humanité symbolique-mystique et les
sexes en lui ont été d'avance représentés. >>
L'image allégorique d'Haranguerbehah consiste en un autel
décoré d'un grand ostensoir. Un énorme tronc d'arbre étend à
fond ses racines dans l'eau , la terre et le feu et s'élève au-dessus
du ciel des nuages et des lumières. ― Au lieu de branches , cet
arbre du monde porte un cercle composé de quatorze têtes , re-
présentant l'esprit du monde qui règne en toutes choses . L'in-
térieur , que renferme le cercle des têtes est la mer de lumière
et de flammes dévorantes , au milieu de laquelle , comme des
langues de feu , nage la multitude des âmes individuelles futures,
ainsi que la carpe d'or dans les flots argentés par le soleil.
3
34

Tandis que Maïa (fig. 4) , d'après le dessin , est encore her-


maphrodite, que dans Oum (Tab. 2 , fig. 5º ) , des puissances viriles
et féminines à découvert surpèsent dans la partie supérieure du
corps , nous voyons dans Haranguerbehah (fig. 6) , des puissances
viriles et féminines séparées : et tandis que, dans le voile de Maja
les individus sont encore représentés dans un contour vide , nous
voyons ici les reptiles , les monstres marins ainsi que les bêtes
féroces terrestres et au sommet de la progression l'être humain
dans les deux sexes. - Cependant la mer de lumière à l'inté-
rieur , substance de la figure de l'Haranguerbehah , indique que
l'individualité en lui n'est pas considérée comme obtenue , mais
que comme symbole de l'espèce , il commence déjà à toucher
les limites de son passage à l'individualité.

Nous retrouvons la forme du chiffre 6 dans les contours infé-


rieurs , par exemple , dans le serpent ailé qui étreint l'œuf du
monde. - Symbolisation vraiment sublime des Écritures , qui , au
jour de la création de l'être vivant sur la terre , s'exprimèrent
ainsi :
«Et Dieu dit : Que l'eau porte le reptile et que le volatile dé-
ploie ses ailes au-dessus de la terre. >>

Au reste, de même que la forme du chiffre 3 , qui renferme le


premier ternaire 1 et (fig. b) renferme aussi le 2 , de même la
forme du 6 (fig. n) comprend en soi la caractéristique du 4 et du
5 (fig. 1 ) . En effet on en trouve une interprétation dans Boëce
qui formule ainsi le sextenaire (L) , or le sextenaire est la conclu-
sion du deuxième ternaire.

Les aphorismes des philosophes grecs concordent , en thèse


générale, avec ces significations .

Ainsi Martien Capella , dit : « Senarius perfectus esse censeba-


ur , quia partibus suis impletur : nam et sextam sui intra se
continet , quod est unus et tertiam , quod est duo , et medietatem ,
quod est tria. »
35 -

Cassiodore ; « Perfectus ex partibus suis , si enim conjunxeris


unum , duo , tria , perfectum habebis senarium, »
Philippe Abbas de Bone : « Quod Senarius in sex æqualiter
unitates dividitur , in tres binarios, in duos ternarios, quorum uni-
tas sipariter conjungatur eumdem complent Senarium. »
Augustin ; « In verbo Senario (faciamus hominem) et in sexta die. »
Philon : « Aptissimus generationi est Senarius , nam post uni-
tatem primus est perfectus ex suis partibus , æquatus atque exinde
completus e dimidio quidem Ternario , tertia vero Binario , uti
sexta Unitate : et uti dicam mas simul et fæmina existit atque e
viribus utriusque et concinnatus, Veneri dicatur quia utriusque
sexus, id est ex Triade, qui mas quod impar est , ex Dyade, quæ
fœmina (paritate ) , nam bis Terni sexus fit. »
Photius Senarius a forma formæ ratione reddita dicitur , et
solus inter numeros animą accomodatus atque Universi articula-
tio , animæ effector et qui vitalem habitum ingerendi vim habet. »
Anonymus : « Ex pari et impari primus mare et fæmina, poten-
tia et multiplicatione fit Senarius. Nomen habet Archidices ; quod
Quinario maxime vicinus sit. »
En effet , de même que le chiffre 6 est la conclusion de 5 , il
est le commencement de 7 comme Porsch,

PORSCH = 7, ( Tabl. 1 , fig. 7. )

Porsch est dans le même rapport avec Haranguerbehah , que


7 avec 6.
Les allégories et les chiffres se trouvent ici comme commence-
ment du troisième ternaire et conclusion du deuxième , ainsi
qu'antérieurement Maïa ( = nombre 4 ) se trouvait comme com-
mencement du second ternaire et conclusion du premier ternaire
(de la Trimurti) .
Le chiffre 7 ouvre le troisième ternaire comme passage du
général dans le particulier, de l'espèce dans l'individų , et commé
réalisation de la conversion indiquée dans le deuxième ternaire
-- 36 ---

de l'hermaphroditisme dans le sexe ; par cela même que dans


le troisième ternaire seulement il pouvait être question d'une in-
dividualité réelle obtenue.
De même que nous pouvons nous imaginer 4 comme prove-
nant de 3 + 1 , c'est-à -dire que comme selon toute vraisem-
blance du premier ternaire , par l'effet du développement d'une
nouvelle force fondamentale , provient le second ternaire ; et 4
comme deux fois 2 représente géométriquement la germination
dans l'espace , ( mais seulement encore dans l'idéal -– comme sur-
face) ; de même aussi 7 peut être compris soit comme 6 + 1 ou
- Dans le premier cas, c'est le passage du second ternaire
4 +3.
dans le troisième au moyen d'un nouveau développement ; dans le
second cas , c'est cette vérité géométrique , que tout corps
(individu ) peut être considéré comme extension de surface (4) ,
opérant dans trois directions (longueur, largeur, profondeur) .
Il faut cependant remarquer que 7 ne représente pas encore
l'individu lui-même devenu réel , mais d'abord la pensée du dé-
veloppement de la Trimurti divine à travers Maïa , Oum, Haran-
guerbehah, comme membres intermédiaires dans la matière ; et
quelque confuses et énigmatiques que soient la symbolique et
l'allégorie du chiffre 7 chez les Indiens dans la forme de Porsch ,
(fig. 7) , on aura bientôt levé jusqu'au moindre doute si l'on vient
à considérer que l'idée de la matière peut être comprise, tantôt
comme plus atomistique , - · c'est-à-dire comme le substratum im-
muable gisant au fond de tout changement de forme extérieur , -
-
tantôt comme plus dynamique , — alors que la force procréante
prend la place de l'atôme.
Nous voyons dans l'Oupnekhat , le Weda et le Schaster ce qui
suit, sur l'allégorie de Porsch :
« Brahm , dans Porsch , est le père du temps et son image
avant le temps divisible qui roule dans l'espace sur les ondu-
leuses images de l'apparence.
>> Porsch est la qualité mystique de la divinité dans son acte
- 37 -

de tout éclairer de sa lumière, de tout pénétrer , de tout remplir.


» Il est la lumière de Dieu dans les germes fondamentaux du
spirituel par excellence .
» Il est le développement multiple de l'universel dans les in-
nombrables individualités ; le moteur du souffle et du pouls , le
mobile des variations de l'imagination fécondante de Maïa .
>> Porsch est la stabilité dans la mobilité , la constance dans le
changement, la permanence spontanée dans le passager.
» Il se meut au-dessus des images ondulantes de l'apparence •
plus ferme que les apparitions du temps dans le temps ; parce
qu'il est antérieur à l'apparition des mondes et qu'il ne connaît
hors de lui aucune mobilité destructive.
» Il a deux natures : celle de l'excitation à la procréation intel-
lectuelle , et la nature qu'il prend par l'immixtion dans la subs-
tance universelle qui se donne à elle-même sa forme.
>> De même que la divinité est la forme de tout langage , de
même Porsch est la forme de toutes les images.
>> Porsch est l'archétype de toutes les apparitions hermaphrodi-
tiques , conçu mystiquement dans l'image originelle des corps. Il
a sa place dans le soleil et dans l'intelligence de l'homme. »
La figure de Porsch est parfaitement conforme à cette ana-
lyse. (fig. 7).
C'est une statue de grande dimension sur un socle massif, de-
devant laquelle Brahm se meut comme un soleil aux puissants
rayons ; c'est ainsi que le côté atomistique est signifié par la sta-
tue massive d'une manière indubitable , de même que le côté
dynamique par le soleil rayonnant.
Il se meut au-dessus du voile de Maïa et de la collection de
ses modèles originels , tandis que ce voile lui-même embrasse
de nouveau la statue.
Mais du milieu du piédestal massif, nous voyons sortir de l'œuf
du monde dans la direction même de son axe de longitude
4 + 3 puissants rayons de feu ; ce qui se répète également dans
-- 38

l'axe transversal , mais de telle sorte, que les 4 inférieurs s'éten


dent davantage en largeur , tandis que les 3 supérieurs ten-
dent plutôt vers la profondeur. Il en est de la longueur pré-
dominante avec la largeur et la profondeur comme du caractère
triadique et tétradique déterminé ; nous y reviendrons dans
notre Étude sur le rhythme et le type.

Ce que des philosophes d'une époque ultérieure ont dit au


sujet du chiffre 7 , s'éloigné beaucoup de la majestueuse allé-
gorie de Porsch.

Les pythagoriciens nommaient le chiffré 7 « universitatis prin-


cipium. >>>
Nicétas l'a considéré comme « Virgo quoque et patre carens. »

Anonymus dit ( d'une façon vraiment anonyme ) : « Quod


enim neque gignitur , neque gignit , immotum manet. Il nom-
mait ce chiffre : « Minerva tritogenia , et vox in septenario nu-
mero. - Minervam quidem, quod similiter et ficta virgo et conjugii
expers existat, nec ex matre nata ( hoc est pari numero ) , nec ex
patre ( hoc est impari ) sed ex vertice omnium patre , sicuti hic ex
numeri patre Unitate : et ita est Minerva virilis quædam , fœminea
autem диа divisibilis numerus. »
Le même dit encore ailleurs :

« Non solum humanæ vocis septem sunt elementorum soni, sed


etiam organicæ et mundane et simpliciter concinnæ. - Non so-
lum quod a septem stellis emittuntur sola et prima ut dicimus sed
quod etiam diagrammati septem fides apud musicos contigerunt ,
quia cum tres sint anima forma aut partes , prudens , animosa •
desiderativa , quatuor virtutes perfectissimæ fiunt, sicuti trium in-
tervallorum quatuor termini in corporali augmento. »
Aristote Aut numeri effectus et numerum causas eorum esse •
quæ à principio et nunc in cœlo sunt atque fiunt, numerum autem
nullum alium esse præter hunc ( septem ) ex qua mundus est cons-
titutus. »
39

Chalcidius : « Septenarius non ex duplicatione nascitur alterius


alicujus, nec inter decumanum limitem parit quemquam , proptera
Minerva nominatus, Minerva ex Jovis capite sine matris utero pro-
creata memoratur. Quod ad Senarium sapientem couvenientem-
que suis partibus numerum , monasque est caput numerorum cum
accesserit, Septenarium creat. »
Mais en supposant qu'il soit arrivé aux philosophes grecs eux-
mêmes de perdre le sens originel du chiffre 7 , on restait d'au-
tant plus unanime dans la représentation générale figurée de
ce chiffre au moyen de lignes droites , mais jamais et nulle part
au moyen de la ligne courbe , comme ne renfermant pas encore
l'individu.
Le signe employé pour figurer le nombre 7 était ou (fig. o ) ,
ou ( fig. p ) , signes indiquant dans la première figure (un angle
aigu aux côtés inégaux) , l'angle aigu dans l'ellipse , ou la diffé-
rence entre le petit et le grand diamètre , ou bien encore le rap-
port entre l'ellipsoïde et le cône , tandis que la seconde figu-
ration généralement admise du nombre sept donne immédiate-
ment l'image de la longueur , de la largeur et de la profon-
deur avec surcroît de longueur .

PRADIAPAT = 8. ( Tabl. 1 , fig. 8).

Dans huit l'individualité est enfin obtenué, comme on le voit


dans la figure du chiffre 8 fermée avec une parfaite symétrie.
Dans tout le troisième ternaire domine principalement le nom-
bre 3, tel que nous le voyons dans 3 + 4 - 7, que nous le re-
connaissons dans 23 8 et que nous le retrouvons dans 3 ×
3 = 9.
Huit, troisième puissance du premier nombre pair (plus pré-
cisément principe féminin , reproductif des précédents ) , avait
donné l'idée de l'espace rempli dans trois directions ; de l'espace
40 -

non pas seulement géométriquement vide , mais encore corporifié ,


tandis que la double ellipse qui s'entrelace nous indique , comme
étant dans une opération d'activité toujours vivante , l'individualité
qui ne se sépare jamais du monde universel ; -- le dualisme de
l'esprit et du corps (le sexe) , déjà exprimé dans l'acte de deve-
nir ; -- les deux foyers dans l'homme , la raison et la sensibilité.
Les fragments suivants rassemblés de l'Oupnekhat , du Weda
et du Schaster offrent à ce sujet une entière conformité :
<<Pradiapat est la faculté qui tend à imager le monde , avec
la connaissance de soi , le préfigurateur des formes sensuelles
et de l'individualisation.
» Il est l'omnisage et omnipotente puissance de disjonction de
l'individualité hors du faisceau élémentaire de toutes les par-
ties du grand Tout.
» Il est le miroir du monde figuré de Maïa- le sentiment pro-
pre de l'élévation avec l'aspiration expansive et puissante à se
révéler au dehors.

» De même que la poule est incitée à déposer l'œuf produit en


elle, de même Pradiapat l'est , par la passion de génération , à
déposer librement l'œuf du monde sous les lumières matérielles
du monde des sens.

» Il est l'instinct de la révélation du monde , le désir qui crée


les formes , uni à l'imagination et à la conscience de soi.
» Il était la main de Brahma dans l'acte de la création , et ce
que Brahma a fait éclore hors de l'œuf du monde , est arrivé
sous le souffle de délivrance de Pradiapat.
>> Il est l'existence qui a le sentiment d'elle-même , l'existence
vivante, le cœur palpitant de tout le genre humain dans son
aïeul. »

Les remarques des philosophes grecs sur le chiffre 8 so: t


d'une bien moindre importance et d'une nature purement géo-
métrique.
- 41

Ainsi on nommait l'Octonaire « primus cubus, uti monas om-


nium numerorum primus. »
«Solidum corpus efficit qui plenus jam dicitur propter corporea
soliditatis effectum. Alii Neptuno , alii Vulcano attribuebant. Octo
sunt spheræ cœlestes. Octonarius securitas vocatur et fundamentum.
Combien au contraire la figure indienne allégorique de Pra-
diapat est significative par la pose d'une de ses mains à la tête
et de l'autre au cœur !
Mais on voit dans les deux mains , des deux côtés , 4 doigts
seulement; parce que les deux pouces sont reployés et entièrement
cachés : 4 + 4 = 8.
Cet acte accomplit et représente un sentiment de séïté indi-
quant la connaissance de soi-même. Sous la figure est placé
l'œuf du monde éclos.
Les semences de Pradiapat sont nommées les Dewta , les
Djeniari et les hommes ; à savoir les forces de la bienfaisance ,
les facultés nuisibles et le membre d'union de l'un avec l'autre,
et de l'univers avec la divinité : - l'homme .
Ce qui a été dit relativement au chiffre 8 est parfaitement
conforme au dicton indien , à savoir que Pradiapat est le miroir
du monde figuré de Maïa dans le sexe , et que lorsqu'il portait sa
volonté vers la femme , la moitié de son corps se séparait de lui .
-Nous entrevoyons ici pourquoi Sacro Bosco et Roger Bacon ont
désigné le chiffre 4 comme un 8 partagé en deux (fig. q. )
- Ceci a encore lieu chez les Indiens modernes, quoique dans
un sens contraire , de bas en haut.
Dans les deux téguments animique - spirituel et animi-
que-corporel du sexe de l'homme , nommément dans ce-
lui de la tête et celui du ventre , nous voyons l'origine de l'in-
dividualité , car la cavité thoracique ( comme son ternaire ) est
placée dans une manière d'être indépendante , ainsi que cela se
manifeste dans la vie du fœtus , où ( comme nous l'avons indiqué
antérieurement ) la cavité thoracique est plutôt hors de soi
- 42

qu'en soi , voire dans le placenta. ― Ce n'est que quand le fœtus


est produit , que la cavité thoracique s'enferme en elle-même ,
et l'individualité complétement obtenue correspond alors au pas-
sage de Pradiapat dans Prakrat, ou du chiffre 8 en 9.

PRAKRAT 9: (Tabl . 2 , fig. 9) . X

De même que Prakrat se découvre entre les allégories , de


même le nombre 9 se trouve entre les chiffres comme la conclu-
sion du troisième ternaire de la décimale : 3 X 39.

L'idée de l'individu , qui d'après son sens géométrique, ainsi


que pour sa participation au passage du cercle dans l'ellipse ,
et proprément de la sphère dans l'ellipsoïde , est si bien symbo-
lisée dans le nombre 8 , cette idée a cependant encore offert à la
profonde faculté de contemplation des Indiens un côté de la dé-
pendance de l'individu , nommément celle de la triple vie de
l'œuf du monde , comme vie sidérale , tellurique et atmosphéri-
-
que. — Dans l'homme c'est d'une part lá tête , le ventre , la poi-
trine ; d'autre part la raison , la sensibilité, le cœur (l'âme) .

L'image de Prakrat est une figure de femme avec le bouclier


de Maïa aux pieds , assise sur un trône , dont le fondement
triangulaire à neuf surfaces ; ceinte de la couronne radiée de
Brahma qui passe à travers les colliers d'or du plaisir des sens ,
elle est chargée de la tête aux pieds de chaînes entrelacées et
attachées à la tête avec des pointes tournées vers le haut.
Dans son giron est assise l'image divine de la Trimurti , avec
des attributs très -significatifs. - Brahma tient le Weda et un
lotus ; - Wischnou , le cercle de rotation du monde ; - Schiwa,
le trident enflammé ; - Prakrat jette des deux mains les modè-
les des formes de Maïa dans un tablier attaché par devant et les
-
mêle. Au piédestal on voit Maïa , agitant le voile de l'image
du monde ( la génisse ) .
- 43 -

Sa couronne, dans le tour supérieur , porte pour ornement 9


perles , 6 dans le deuxième , et dans le troisième 3 plus grosses
reliant les autres et indiquant la valeur des trois ternaires.
Prakrat a été considéré dans la doctrine indienne comme prin-
cipe fondamental du changement phénomenal dans l'intellectuel ,
et , dans le sens physique , comme principe fondamental de
l'immersion de l'esprit dans les liens de la matière.

Prakrat a été aussi nommé le tempérament de la triple qualité


procréatrice , conservatrice et destructive. En effet cette subs→
tance trilatérale de Maïa relie en elle toutes ces qualités , de telle
sorte que l'une ressort de l'autré , et que ce qui est la mort pour
l'une est la vie pour l'autre, parce que sa substance porte en
elle l'esprit , qui ne meurt jamais au milieu des changements
de formes.

De même que Pradiapat est l'auxiliaire mystique principal de


Brahma, la main qui l'aide dans ses parturitions , de même Pra-
krat doit être considéré comme l'appui mystique de Maïa , comme
l'idée normale de la trinité démiurgique et comme la forme des
trois mondes. ― Pradiapat est l'accomplissement de la création
avec la force efficace de transformation , - Pradiapat est la con-
clusion du troisième ternaire , de même que la figure du chiffré
9 renferme en soi celle des chiffres 7 et 8 ; - car qu'est 9 ,
si ce n'est une figure qui indiqué les trois directions du septe-
naire (fig. p.) avec la forme elliptique du 8. C'est ainsi que peut
encore avoir prévalu l'idée de donner une forme analogue au
six et au trois.

Les philosophes nommaient le Novenaire « musis sacer, ad fi-


nem perducens. » — Encore la vraie signification , cherchée dans
un rapport purement géométrique , a-t-elle été ici perdue.

Eulogius dit : « Est igitur quadratus numerus novenarius , quia


ex tribus in se triplicatis constat , ut a numero pari qui fœmininus
habetur , tribus illis limitibus duplicatis cubus exoritur ; ita
44 -

tribus per naturam ter triplicatis efficitur alius cubus generis im-
paris. »
Censorinus : « Quadrati numeri potentissimi dicuntur cum Pla-
tone , qui quadrato numero annorum humanam vitam consummari
putavit , novenario qui complet annos 81. »
Anonymus : « Novenarius nihil suprà recipit , sed circumcingit
omnia inter se manifesta ex regressionibus ; nam usque ad illum
quidem naturalis progressio, post autem illum retrolabens. - De-
cem enim unitas fit per unius elementaris quantitatis substractio-
nem, hoc est per unitatem unam. - Undecim autem est rursum bi-
narius sive per unum sive per duo sublatus. »
« Oceanum et visum finientem vocabant eum.- Promethea, quia
non sinit quemquam ultra illum procedere numerum. Concordia ,
cum numeros in unum cogat. - Anæcia , quia primus impar qua-
drangularis est ex Triade perfecta. - Perfectus, quia ex perfecto
Ternario fit. »
On aperçoit dans toutes ces citations une tendance à atteindre
le chiffre 10 ou la décade génésétique ; qui , comme unité réalisée
dans un organisme spirituel et corporel complet (d'après la ma-
jestueuse allégorie indienne) , vient à se fixer dans Pran : ―― et
c'est par cette recherche que nous finirons.

PRAN = 10. (Tabl. 2 , fig. 10) .

Pran fut considéré comme la forme originelle du souffle du


monde vivifiant tout , en même temps qu'Oum l'a été comme son
corps mystique. « C'est le principe du mouvement dans la forme
originelle du temps et de l'espace, la pulsation de la nature et
le mouvement du souffle et du pouls spirituels (les cinq vents de
la vie).
>>> Il est la forme originelle de l'air et de l'eau , et l'exhalation du
plus délicat fluide vital des cinq modes de sensualité.
» Pran est en réalité le foyer de tous les sens autour du cœur
- 45 -

et il se trouve au milieu de toutes les prédominances sensuelles .


» Pran est la principale partie intérieure de l'âme dans l'idée ,
de même que réellement il est sa partie ignée- spirituelle , sem-
blable au feu du soleil. - C'est pour cette raison que dans la

réalité il y a pour Pran , comme pour le soleil , une voie inté-


rieure et une voie extérieure .

>> Pran est grand , parce qu'il ne se lasse ni dans l'action d'entrer
ni dans celle de sortir.

» Il préexistait déjà aux sens et aux membres dans le corps de


la mère. - Il est le souverain du petit monde (microcosme)
dans l'homme.

▾ En lui (par la nutrition) la matière s'avance par la voie des


sens vers la nature , de même que , sur l'autre voie spirituelle ,
l'intuition spirituelle pénètre de nouveau les éléments . >»
Dans sa main droite , dont les cinq doigts sont ouverts , la

figure de Pran porte un sceptre avec cinq petites boules pous-


sées électriquement dans toutes les directions (symbole de la dé-
cimale dans l'objectif et le subjectif ) . Au milieu de la poitrine
est un bouclier, sur lequel sont tracées cinq petites ellipses (re-
présentant la moitié de la décimale) . - Le bras et la main gau-
ches sont dirigés vers le haut , les trois premiers doigts de la main
étendus , mais les deux autres fermés, ce qui a pu signifier , d'un
côté , l'aggrégation du trinôme ternaire dans l'existence idéo-
réelle, d'un autre côté , par l'union du nombre 3 au 5 ( = 8) figuré
dans la poitrine, le symbole de l'individualité.

Son rapport au monde extérieur s'exprime par des rayons


puissants qui sortent des yeux , des narines , des oreilles et
de la bouche, et par lesquels il fait découler et refluer l'essence
divine de la vie.

De même que le soleil rayonne au-dessus de sa tête , de même


on voit briller sur sa poitrine , la lune avec le cercle de nuages.
46

autour de son ombilic. Il siége comme roi du souffle de la vie sur


l'œuf du monde , du quel, par cinq ouvertures , les courants de
Pran jaillissent visibles (comme l'image de l'univers hors de
l'homme ).
Les philosophes de la Grèce eux-mêmes ont aussi attribué une
grande valeur à la décimale. D'après Gronovius : « Denarius
uti quadratus habitus , atque maxime honoratus ; omnium maxi-
mus dicebatur; perfectionis symbolum putabatur ; mundus, cœlum,
fatum, avum , fides , potentia, necessitas , atlas, »>
Martianus Capella : « Decas vero ultra omnes habenda , quæ
omnes numeros diversæ virtutis et perfectionis intra se habet, »
Philippe Presbyter : « Quia per ipsum itinerando omnis nu-
merus in infinitum multiplicatur ; numeri qui secantur unitatem
recurrunt. »

Cassiodore : « Denarius numerus more cœli in se ipsum revolvi-


tur et nusquam deficiens invenitur. Crescit nova conditione in se
redeundo , addita semper ipsa calculatione. Quod in uno incipit ,
in Decimo consummatur . »
Nicetas : « Decas autem prima unitas perfecta et generatrix
perfectionis non ex absoluta unitate (prima monas) sed ex relativa
perfectionem adquirit : primo , quia ad hanc usque numeri progre-
diuntur ac rursus revolvuntur ; secundo, centenarium numerum pro-
ducit , qui est perfectissimus. »
Mercure Trismégiste : « Unitas itaque secundum rationem de-
narium complectitur, ac denarius unitatem. Jure igitur secundum
rectam rationem deficiunt, velut a decem facultatibus , id est, nu-
mero denario repulsæ ; denarius , enim , ok filii , anima genitor
est. »
Onophrius « Veteres nuncupant hunc mundum , quia præter
unitates omnes in se numeros comprehendit. >>>
Mercure Trismégiste : « Numeri sanctimonium , quia cum ali-
quid promitterent mutuo id porrecta manu ac consertim decem di-
gitis confirmarent. Denarius Dechas nuncupabatur, velut monstrator
- 47

infiniti qui ipse et ramos habet, quare ex illo numeri omnes tanquam
rami quidem nascuntur. »
Philoponus « Vocabat Denarium mundum illum , quidem nu-
merorum , hunc vero omnium corporum , ideo et vocabant sphae-
ram. »

Iamblique : « Convivia pythagorica non plus quam decem homi-


nes habere. >>
Ici trouve aussi sa place le sage et vrai mot de Proclus :
« Unio et communio ab unitate pendet. >>>
Mais ce qui semble très-significatif , c'est que les Grecs ont
donné aux neuf Muses , pour les présider , un Dieu-Homme ,
de même que nous reconnaissons dans Pran la pensée de l'unité
dans la multiplicité , d'une prévoyance et d'une spiritualisation
permanente de la matière .

CONCLUSION.

Cette exposition symbolique renfermée dans un hieroglyphe


elliptique , déduite des dix puissances divines préformatrices et
représentée au moyen de dix signes numériques , est celle de l'Or-
ganon indien de la mathèse, et celle d'un grand système unitaire
de contemplation du monde.
* S'il est vrai , comme le dit N. Muller, que l'homme spiritualisé

en Dieu, n'est plus qu'à un degré au-dessous de l'image mystique


de la Théophanie , il en était ainsi chez les anciens Indiens surtout ,
puisque leur Organon de la mathèse se rapportait purement et
simplement à l'acte de révélation divine de la genèse . - Où done ,
en effet, la créature pouvait-elle chercher et retrouver le créa-
teur vivant si ce n'est dans cet acte de la création auquel elle
participait elle -même ?
Mais comme un acte de création divine , élevé au-dessus du
temps et de l'espace , ne pouvait être compris que dans la simul-
tanéité et la co-existence , dans l'ubiquité de la trinité déjà ré-
48

vélée de même il ne pouvait être assigné au plus grand acte


de transfiguration intuitive de l'homme qu'un moment et un point
de contemplation divine.

C'est aussi pour cela que les Indiens virent le triple développe-
ment de la Trimurti dans les puissances préformatives, et celles-
ci à leur tour dans la formation. - C'est pour cette raison qu'ils

ne séparaient jamais le prégénésétique du génésétique , l'en-deçà,


de l'au-delà , c'est pour cela qu'ils ne concevaient aussi l'intui-
tion spirituelle que comme acquise dans le commencement de
l'espace , c'est-à-dire au passage du cercle illimité à l'ellipse limi-
tée , et dans le commencement du temps , c'est-à-dire au pas-
sage de l'unité du centre du cercle dans le dualisme des foyers
-
de l'ellipse , de la zône moyenne de laquelle , sort pour y re-
tourner, la trinité son ternaire immuable, et, cependant toujours
permanent dans son procès.
C'est de cette manière que l'image spirituellement entrevue
d'une décade prégénésétique a été admise dans son reflet génésé-
tique ; et que dans un hiéroglyphe elliptique et dans dix chiffres
numériques elle reçut la forme et le mouvement.
Le grand philosophe tyrien Sanchoniaton , a dû l'envisager
sous ces deux points de vue lorsqu'il a dit , à propos du premier
(la déchéance de l'homme) : « Ante rotundus eram, nunc sum de-
pressus in ovum. » (Voyez Vº . Étude) et relativement au deuxième,
quand il représentait Thot créant les dieux pour en faire des
chiffres sacrés.
Il règne surtout dans l'intérieur de la décimale , parmi les dix
chiffres, une symétrie merveilleuse , qui est aussi surprenante
que l'harmonie qu'on aperçoit entre les puissances allégoriques
de la décade divine.

De même que toute la décade prégénésétique d'après ce qui a


été dit , est dans son premier ternaire (comme Trimurti) , de même
la décade génésétique est contenue dans le premier ternaire des
--- 49

chiffres numériques (1 , 2, 3) , de telle sorte que hors de lui il n'y


a plus aucun nombre.
Ainsi que dans la première son ternaire ressort dans une invo-

lution et par une évolution triple, en produisant la décade pré-


génésétique , de même ici du triple développement du premier
ternaire génésétique sorttoute la décimale arithmétique et géomé-
trique. Comme là , par la triple évolution divine, Brahma rè-
gne dans le premier ternaire , Wischnou dans le second, Schiwal
dans le troisième , et que ces trois ternaires ont le carac-
tère , dans le premier, de la création ; dans le second , de la con-
servation ; et de la destruction dans le troisième , ainsi , - dans
la décimale des chiffres au premier ternaire domine l'unité
(trois fois 1 = 3 , ) comme addition en tant que devenir ;
dans le deuxième ternaire le deux ( trois fois 2 = 6, )
comme multiplication car ce n'est que par la multiplication ,
que l'acte de devenir et de durer se maintient en état de
conservation , - et dans le troisième ternaire le trois ( trois
fois 3 = 9 ) comme caractère de l'individualisation dans la
création et dans la destruction , comme soustraction en tant
que transformation .
L'accord numérique des chiffres entre eux relativement à l'ex-
pression commune de la décimale est tout aussi remarquable. -
Si on les additionne séparément entre eux dans leur sens pro-
gressif et regressif , ils donnent toujours la somme entière
de la décimale. ― Cela a lieu , par exemple , par l'addi-
= 10 , de même que par celle de 2 avec 8 — 10 ,
tion de 1 avec 9—
et de 3 avec 7 - 10.- Dans le ternaire moyen , c'est 4 +6 - 10.
Mais dans le 0 métaphysico -mathématique ( chiffre 5) où s'enfer-
ment le commencement et la fin de la décimale , la moitié de la
décimale est partagée d'un côté comme 5 dans l'idéal , de l'autre
côté comme 5 dans le réel , de sorte que la décimale organisée
complétement est 55 = 10.
Que par cette conjonction le caractère symbolique des chiffres
4
50

numériques non - seulement se maintient , mais encore qu'il ac-


quiert une plus haute importance , c'est ce qui ressortira avee
évidence de la cinquième Étude, où il sera question du carré des
Indiens.

Sacro Bosco s'est exprimé sur ce sujet d'une manière aussi


belle que véridique dans le vers suivant ;

Hæc algorithmus, ars presens (dicitur) in qua


Talibus Indorum fruimur bis quinque figuris.

Ce que nous avons dit de l'addition a lieu aussi pour les au-
tres opérations arithmétiques de la multiplication et de la sous-
traction dans leurs applications propres. Il en est de même
de la géométrie .
La signification donnée par Sacro Bosco dans les mots : bis
quinque figuris d'une décimale partagée en deux moitiés (comme
nous l'avons trouvée formulée dans l'allégorie de Pran) se con-
firme par une comparaison plus rigoureuse de la décade prégé-
nésétique avec la décade génésétique,
De même que là , Oum allégorique se tenait au milieu de
deux quaternaires de puissances préformatives , dont l'un avait
une valeur super-sensuelle (comme Logophanie) , l'autre une va-
leur sensuelle (Épiphanie) , de même ici le zéro elliptique vient
se placer comme hiéroglyphe de la mathèse entre deux quater-
naires de chiffres numériques, dont le premier représente l'idéal
(métaphysique) , de même que le second le réel (mathéma-
tiques).
De même que le premier quaternaire prégénésétique se révé-
lait dans Oum comme souffle de Dieu , comme parole , ainsi
le premier quaternaire génésétique se manifeste aussi dans le
zéro de la mathèse comme hiéroglyphe humain dans l'apparition
merveilleuse du langage.
Ainsi qu'Oum se pose dans Haranguerbehah comme première
¡ncorporation de l'esprit (commé œuf du monde spiritualisé) , de
- - 51

même le zéro ressort comme hiéroglyphe humain dans le chif-


fre 6 comme étant l'enveloppe spirituelle-corporelle de l'am-
nios général de l'espèce .
Que cette vue ait été aussi celles des anciens , c'est ce qui se
laisse apercevoir à la manière dont ils désignaient le châtiment
de l'homme par sa déchéance dans le terrestre . Ce châtiment
consistait dans l'emprisonnement du chiffre 4 dans 0 (fig. r ) ,
ou de l'espèce spirituelle-animique tombée dans les liens du
corps.
En ce qui touche l'une et l'autre décade , nous remar-
quons qu'Oum est avec Pran dans le même rapport que le
zéro avec l'Organon de la mathèse. - Car Oum étant con-
sidéré comme le corps mystique de Pran , ce n'était que de
lui et de son centre que la décade des puissances allégoriques
pouvait devenir Pran organique.
Le zéro , (fig. s ) , complète la moitié idéale et réelle de la
mathèse dans sa décimale comme 10 , avec l'unité devenue
réelle de la décade génésétique , placée à côté du zéro.
Mais comme cette unité est purement relative, polaire , sexuelle ,
unitas est gemina, et même , selon J. Wagner , une fraction ma-
thématique, la décade génésétique devient aussi la racine éter-
nelle de reproductions d'elle-même à l'infini.
Si l'on trouve encore des traces d'une science qualitative
dans les chiffres numériques , ce cas se rencontre surtout dans
les opinions ariérées , plutôt sur la forme que sur le fonds , qui
en sont restées relativement à l'impair et au pair (impar et par) ,
et en raison desquelles on tient le premier pour un exposant du
devenir, le second pour un exposant du devenu ; de sorte que l'on
a considéré celui-là comme masculin , celui-ci comme féminin.
Mais tous ces aperçus d'une vie universelle, fractionnée dans
les chiffres numériques isolés, ne pouvaient recevoir toute leur
valeur que de leur conjonction avec le zéro métaphysico - mathé→
matique comme organe commun de la décimale.
52 -

Philolaüs dit à ce sujet : « On ne doit considérer l'œuvre et la


valeur des chiffres que d'après la puissance qui se trouve dans
le nombre dix ; car elle est grande , elle fait et accomplit tout,
elle est le commencement de la vie divine , céleste et humaine ,
dans laquelle elle sert aussi d'introductrice. >»<
Si le sexe de la décimale se manifeste déjà d'une manière
précise, c'est dans la tétrade que cela a lieu. Lorsque je m'ap-
pliquai à examiner la doctrine de Pythagore , qui n'est point encore
dégagée de tout mysticisme , je me confirmai d'autant plus dans
l'opinion que l'idée du sexe gît dans le caractère propre de
la tétrade de la décimale ; ainsi que j'ai cherché à le démontrer
dans la cinquième Étude sur le double sexe en général et sur le
masculin en particulier .
Si l'on suppose dans la décade une polarité et un sexe , la pre-
mière introduira dans la vie générale un mouvement intérieur et
extérieur comme celui de rotation de la terre autour de son or-
bite, et le second une génération intérieure et extérieure en soi
et hors de soi , comme dans le règne organique ; c'est pourquoi la
décade entre aussi dans une lutte entre la période triadique et té-
tradique du temps et de l'espace , lutte dont nous croyons dans la
quatrième Étude sur le rhythme et le type , sur l'accord et l'an-
tagonisme en général et particulièrement dans l'homme, avoir
défini le grand principe.
A quelque degré et de quelque côté que nous voulions con-
sidérer la décade : dans l'hiéroglyphe du monde ou de l'homme ;
des plus hautes limites du prégénésétique jusqu'aux extrêmes
limites du génésétique ; dans la trinité de l'esprit , de l'âme et
du corps ; dans le sidéral , l'atmosphérique et le planétaire ;
dans les trois règnes de la nature ; dans notre cerveau , notre
cœur et nos entrailles, nous trouvons partout une substance à
triple vie et une vie sous une triple forme (comme 1 dans 3 ,
comme 3 dans 1) , même dans la grande objectivité de la vie
triple dans l'œuf et de l'œuf triple dans la vie, où nous croyons
― 53 -

pouvoir reconnaître , d'après notre troisième Étude , l'architecto-


nique de l'organisme humain .
Si l'on considère maintenant cette vie dans son procès seu-
lement et non dans son produit , comme cela a lieu dans notre
deuxième Étude , la mathèse sera aussi, dans les réactions vi-
vantes intérieures de son trinôme ternaire et dans l'Organon ellip-
tique extérieurs toujours en mouvement et ne s'immobilisant
jamais en carré, l'hiéroglyphe vivant et la symbolique révélée de
la vie triple du monde.
Nec immobilis quidem ejus est actio , sicut intelligens , nec motu
locali, neque alterante quemadmodum sensus, sed vitali convolvi-
tur et incorporeum actionum ornatam (1) .

(1) De medietate mathematica scientiæ, Proclus Diadochus.

Vous aimerez peut-être aussi