humaine, au vue de nos connaissances actuelles Yves HALFON conscience fluctuants : rêveries, absences, etc. : les La relation thérapeutique surtout ailleurs) pour enfin réduire son anxiété, sa Paris « common every day trances » décrit par Erickson6. Pourquoi le mot «hypnose», puisque ce n’est douleur, en lui proposant des suggestions appro- Nous retrouvons ces états de conscience fluc- pas un sommeil priées. tuants dans des moments de solitude mais aussi Définir l’hypnose comme un sommeil, se révèle Et cet effet analgésique, antalgique, s’installe par
P our comprendre le fonctionnement de l’hyp-
nose, deux éclairages sont essentiels. Quand nous parlons de l’hypnose nous devons tenir lors de conversation entre amis ou lors d’entre- tiens cliniques, en cabinet médical ou dentaire ou à l’hôpital. être une définition trompeuse et tronquée. L’étymologie du mot « hypnose » vient du mot « Hypnos » Dieu du sommeil selon les Grecs. Mais la confiance que le patient va donner au soignant pour permettre à ce dernier par des suggestions appropriées, accompagner son patient vers des compte : qui est ce dieu ? Hésiode9 a écrit un très beau plages de confort inattendu par lui. - du fonctionnement de la conscience de l’être hu- Cette conscience flottante rêveuse « être là sans texte, sur lui « Hypnos » dont la fleur symbolique Mario Beauregard : « La plupart des experts main, 1 être là » vient donc, très spontanément, au cours est le pavot: « personnification du sommeil, Hypnos s›accordent sur la définition de l›hypnose comme - de l’interrelation sociale entre deux personnes où d’une journée d’éveil. On ne peut pas être attentif tenait à la main des fleurs de pavot et procurait aux étant une interaction sociale coopérative dans la- les rôles sont bien définis. tout le temps à notre environnement. Ou elle peut hommes un repos paisible et des rêves agréables. » quelle une personne - le sujet - se fait réceptif et être déclenchée par des situations extrêmes qu’on L’observation des patients montrent très souvent attentif aux suggestions verbales données par une subit, ou par des personnes dont les propos ou les un état d’hypotonie musculaire qui a pu faire croire autre personne - l’hypnotiseur, qui fait des sugges- actes nous empêchent de réagir. à cette hypothèse, « Nos observations suggèrent tions spécifiques pour aider le sujet à modifier une que le processus hypnotique est un état caractérisé affection médicale, une perception ou un comporte- Le rythme ultradien, une explication de la transe par une somnolence apparente [objectivé par une ment. »15 hypnotique. fragmentation du rythme EEG) et des mouvements Il y a effectivement une rhétorique particulière16 : Ernest Rossi explique cette notion d’attention flot- oculaires lents] qui entraîne une activité hallucinatoire les suggestions faites par le praticien répondent tante par les rythmes ultradiens que l’être humain intense avec simultanément une diminution de l’at- à des principes de sémantique et d’intonation de vit chaque jour. Le cycle ultradien, découvert en tention et de l’orientation du sujet envers les stimuli la voix (techniques hypnotiques d’induction) afin 1957 par Dement et Kleitman. Derrière ce nom somatiques ou venant de l’extérieur »10 de produire chez le sujet, qui est d’accord de col- barbare se cache un phénomène naturel. « Ultra- L’hypnose n’est pas non plus de la simple relaxa- laborer, un changement dans le mode de fonction- dien» signifie simplement « plus d’une fois par jour tion, même si la relaxation de type « training auto- nement du cerveau avec des modifications de ses », alors que circadien signifie « une fois par jour ». gène » est issue de Schultz. perceptions, et ainsi de ses interprétations, de ses Selon ces découvertes, le corps fonctionne selon Point n’est besoin de l’alcaloïde du pavot pour comportements. un rythme activation/repos de 90mn/20mn envi- diminuer la douleur ou l’angoisse. Pour De Le soignant se doit d’aider le patient qui a perdu ron. Ces cycles correspondent à ceux du sommeil. Lee, psychiatre, lors d’une conférence: « Le seul tout contrôle sur lui-même, à cause de ses peurs, L’intéressant ici est que ces cycles continuent anesthésique sans danger, c›est l›hypnose... Je suis et l’hypnose, qui est un savoir, une pratique de- pendant la journée. Le creux ultradien sera cette navré de voir mes collègues dédaigner cette méthode vient l’outil à privilégier dans la communication Un mode de fonctionnement de période de 20 mn ou l’état de conscience se mo- aussi puissante et inoffensive. »11 thérapeutique avec le patient. Le praticien par la conscience, habituel chez l’être difie naturellement (rêverie, distraction, …) Ce que l’hypnose saura l’éloigner de cette imaginaire mor- humain Milton H. Erickson appelait « common every day bide pour l’amener de nouveau vers un comporte- trance ». ment adapté. Quand l’imagination domine L’hypnose renvoie à un mode de fonctionnement Ces moments de repos sont très perceptibles, la Références bibliographiques de la conscience tout à fait habituel chez l’homme, personne paraît passer un moment de réflexion ou 1. Neurophysiology of hypnosis , A. Vanhaudenhuysea, aussi important que la conscience attentive à la de rêverie interne : S. Laureysa, M.-E. Faymonville, Neurophysiologie Cl- réalité. C’est un moment de rêverie (« le regard - le corps devient immobile, inique/Clinical Neurophysiology (2014) 44, 343— ailleurs, où on est là sans être là »), ou bien un mo- - les réflexes tels que clignement des yeux ou la 353 ment de grande concentration où la conscience déglutition se trouvent ralentis ou même ab- 2. B. Cyrulnik, L’ensorcellement du monde, Odile Jacob, est perméable à ses propres représentations sents, Paris, 1997, p. 101. chargées d’émotions ou perméables aux sugges- - le regard peut paraître « perdu au loin » ou les 3. A. Koestler, Le cri d’archimède, Calmann-Lévy, Paris, tions, discours, écrits des autres. yeux se ferment, spontanément, pendant 1965, p. 128 à 159. Pour Boris Cyrulnik, l’homme rencontre l’hypnose quelques instants, 4. S. Dehaene, Le code de la conscience, Odile Jacob, Pa- « une première fois, grâce aux structures sensorielles - les battements cardiaques et les mouvements ris, 2014, p. 115 perçues, comme un nouveau-né face à sa mère ou respiratoires se ralentissent, 5. Hypnose et psychothérapie, J. Balken, l’harmattan, un homme devant un feu, et une seconde fois, par la - etc. L’académie de médecine12 reconnaît à l’hypnose Paris, 2003, p.17 fonction sémiotique de ses perceptions. »2 sa capacité de réduire la douleur et en corollaire sa 6. Erickson : Entrer en transe c’est comme « s’éloign- La conscience de l’être humain fluctue donc d’une conscience éveillée à la réalité, où nous pouvons capacité de diminuer l’angoisse. er » parce qu’on prend de la distance par rapport aux réalités extérieures., cité par Ronald A. Havens« La AO NEWS#005 | SCIENTIFIQUE agir sur le réel, avoir une action, et ces moments de Tentatives d’explications neuro-physiologiques sagesse de Milton H. Erickson,Satas, Bruxelles, 2015. conscience « flottante », conscience rêveuse. Ces Il est encore bien difficile de connaître les méca- 7. Intérêt dans le domaine du soin, Revue du praticien, états spontanés et atténués du fonctionnement nismes neurophysiologiques de l’hypnose. Ce- A. Vanhaudenhuyse, M.-E. Faymonville, vol 65, Avril de la conscience constituent une part de l’acti- pendant un certain nombre de recherches nous 2015 vité normale de l’esprit. Ces états se présentent donne des éclairages. Ces dernières sont faites 8. E. Rossi, Du symptôme à la lumière, Satas, 2001 de façon routinière. Enfin de compte comme le de plus en plus, en utilisant les outils de la neu- 9. Hymnes orphiques, parfum d’Hypnos, le pavot, tra- dit Arthur Koestler : « La conscience est affaire ro-imagerie fonctionnelle13 Pendant l’état hypno- duction le Conte De Lisle, 1869 de degrés. »3 Stanislas Dehaene : « Notre cerveau tique, certaines recherches montrent qu’il y a une 10. L’hypnose, « Des bases neurophysiologiques à la pra- abritent toute une série de dispositifs astucieux désactivation du précunéus et du cortex cingulaire tique clinique, M. –E. Faymonville, J. Joris, M. Lamy, mais inconscients, qui évaluent en permanence postérieur. Ces régions sont impliquées dans les P. Maquet, S. Laureys, Conférences d’actualisation les entrées sensorielles, guident notre attention et La plasticité émotionnelle processus conscients chez l’homme. Ces mêmes 2005, p. 59-69, Elsevier SAS orientent nos pensées. »4 Dans cet état de présence/absence, où le filtre du régions sont relativement moins actives aussi 11. cité par J. Hoareau dans Hypnose clinique, Masson, raisonnement ne fonctionne plus, la personne vit pendant les phases de sommeil ou en cas d’at- 1992. un phénomène étonnant qui est sa capacité d’ab- tente de la conscience, comme l’état végétatif14. 12. Rapport de l’Académie Nationale de Médecine, 5 sorption, une perméabilité accrue aux suggestions Très souvent l’induction hypnotique est une pro- Mars 2013, sur « Les thérapies complémentaires » de l’environnement, ou d’autres personnes, voire position de détachement de la réalité en deman- dont l’hypnose. de ses propres ruminations mentales7. dant au sujet de se concentrer sur un souvenir 13. Utilisation par exemple de la tomographie à émission Ce mode de fonctionnement peut être profitable agréable. Des recherches montrent que lorsqu’on de positons (TEP) et l’eau marquée à l’oxygène 15 à la personne. Cependant bien souvent et notam- ajoute à cette imagerie mentale, des suggestions comme radiotraceur pour mesurer le débit sanguin ment dans son rapport à son corps à la maladie, spécifiques, les résultats sont amplifiés. cérébral régional. En général, un débit sanguin élevé aux soins, la personne se fragilise par ce mode de reflète une plus forte consommation d’oxygène, et fonctionnement psychologique. L’hypnose dans Une inter relation donc une activité plus élevée dans les zones du cer- les creux ultradiens est tout autant un outil de ré- L’hypnose médicale fait partie de ce vaste pro- veau concernées par une activité. La définition de la transe cupération, de régénération qu’un outil de thérapie gramme qu’est la communication thérapeutique. 14. Laureys S, Faymonville ME, Moonen G, et al. « PET En hypnose médicale, le mot transe est très sou- psychobiologique. Le processus hypnotique en médecine est précis scanning and neuronal loss in acute vegetative state. » vent utilisé. Ce mot désigne simplement cet état Rossi : « L’hypnose thérapeutique naturaliste procure : fixer l’attention du patient, soit en partant de ses Lancet 2000, 355, 1825-26, discussion 1825-27. d’intériorisation. C’est cette focalisation sur notre un état agréable dans lequel ces cycles ultradiens préoccupations, soit en légitimant ses perceptions 15. Les pouvoirs de la conscience,, M. Beauregard, Inte- monde intérieur avec une déconnexion plus ou peuvent se normaliser simplement par eux-mêmes, sensorielles immédiates, soit tout simplement en rEditions, 2013, p. 113 moins complète de l’environnement5. et de la sorte réduire le pouvoir des processus psycho- lui proposant de fixer son attention sur un objet 16. P. Watzlawick, Le langage du changement, éléments Pendant la journée, par exemple, dans des états somatiques pathogènes, directement à leur source quelconque et ensuite de le diriger vers un état de de communication thérapeutique, Points Seuil, Paris, de conscience fluctuants, dans des états de psychophysiologique. » 8 conscience dissocié de la réalité (un peu présent, 1980 9