Vous êtes sur la page 1sur 2

parchemin, codex bohaïrique, IXe siècle (traduction : L. Th.

Lefort, dans Les Vies coptes de saint


Pachôme et de ses premiers successeurs, Louvain 1943)

22. Il se trouvait seul un jour en un endroit, occupé à récolter un peu de roseaux pour son travail
manuel ; pendant qu’une fois il veillait là selon sa coutume, un ange du Seigneur lui apparut et lui dit
jusqu’à trois fois : « Pachôme, Pachôme, la volonté du Seigneur est que tu serves le genre humain et
que tu le lui offres. » Lorsque l’ange du Seigneur s’en fut allé, notre père Pachôme se mit à réfléchir :
« Cette affaire vient du Seigneur » Et lorsqu’il eut terminé la récolte de ses quelques roseaux, il s’en
retourna à sa demeure.

23. Par une disposition providentielle de Dieu vinrent à lui trois hommes, c’est-à-dire Pšentaêsi,
Sourous et Pšoï, et lui dirent : « Nous désirons devenir moines près de toi et servir le Christ. » Alors il
s’entretint avec eux pour savoir s’ils pourraient se séparer de leurs parents et suivre le Sauveur, puis il
les éprouva ; et ayant constaté que leurs dispositions étaient bonnes, il les revêtit de l’habit

GUILLAUMONT, Antoine, Aux origines du monachisme chrétien. Pour une phénoménologie du monachisme,
Bégrolles en Mauges 1979.

GOEHRING, James E., « Monastic Diversity and Ideological Boundaries in Fourth-Century Christian Egypt »,
Journal of Early Christian Studies 5/1 (1997), p. 61-84.

IOAN, Ovidiu, « Controverses entre la hiérarchie ecclésiale et les moines dans le christianisme syriaque », dans
Florence JULLIEN (dir.), Le Monachisme syriaque, Paris 2010, p. 89-106.

JUNOD, Éric, Les Sages du désert. Antoine, Pachôme, Évagre Syméon, Genève, Labor et Fides, 1991.

VIII- L’essor du monachisme


Bibliographie 8

21

Margaux Spruyt HSP – ICP – Histoire du Christianisme Exemplier 2023-2024

monacal et les reçut auprès de lui avec joie et amour de Dieu. Ceux-ci, une fois entrés dans la sainte
congrégation, se livrèrent à de grands exercices et à des ascèses nombreuses. Ils voyaient Pachôme
peinant seul dans la besogne du monastère soit la culture du petit potager, soit la préparation de leur
manger. [...] Alors ils s’adressèrent à lui en disant : « Nous sommes peinés de te voir te fatiguer seul
dans la maison. » Et il leur dit : « Quel est l’homme qui attellera sa bête à une saqieh et l’oubliera, si
bien qu’elle tombe et meurt ? Eh bien moi, si le Seigneur voit que je suis fatigué, il nous enverra des
autres capables de nous aider en tout bon travail. » De fait, il leur fixa, d’après les saintes Écritures,
des règles, une constitution sans pierre d’achoppement, et des traditions utiles à leurs âmes : l’égalité
absolue dans leur vêtement et leur nourriture, et la décence dans leur couche. [...]

Quand il constata que beaucoup de gens étaient venus habiter ce village, il prit les frères ; ils s’en
allèrent leur construire une église, pour y faire la synaxe ; d’ailleurs, il y avait beaucoup de gens aux
alentours de cet endroit. De fait, c’était lui qui prenait leur offrande à sa charge, parce qu’ils étaient
d’une grande pauvreté.

Il prenait les frères et s’en allait là le samedi recevoir les sacrements. C’était également lui leur
lecteur ; et il surveillait le regard de ses yeux, selon le mot de l’Évangile : « Celui qui regardera une
femme pour la désirer, a déjà commis l’adultère avec elle en son cœur. » Lorsque les frères
atteignirent la centaine, il construit une église dans son monastère pour qu’ils y louassent Dieu ; mais
il se rendait encore au village pour faire l’oblation le samedi soir ; tandis que le clergé venait au
monastère leur faire l’oblation le dimanche matin, parce que, parmi eux, personne n’avait rang dans le
clergé de la sainte Église ; car, en vérité, notre père Pachôme ne voulait pas de clercs dans ses
monastères, à cause de la jalousie et de la vaine gloire. [...]

Il désigna quelques-uns, parmi les frères capables, pour l’aider en ce qui concernait le salut de leurs
âmes ; il en mit un à la tête de la première maison, celle des petits économes avec un « second » à son
service, pour l’aider à tenir leur réfectoire et à leur faire la cuisine ; il en désigna également un autre
avec son «second», pour s’occuper de la nourriture et du soin des frères malades éventuellement [...]

Pachôme a vécu au début du IVe siècle en Haute-Égypte. Quelques décennies après Antoine, il
regroupe autour de lui des moines avec lesquels il va vivre sous une règle commune. La
tradition de l’Église lui a attribué la paternité de cette nouvelle forme de vie chrétienne, qui a
connu en Occident une postérité exceptionnelle. Grâce à la traduction latine de Jérôme, et
grâce à Cassien, ces règles vont être reçues en Occident et marquer de manière indélébile sa
vie monastique. À la différence de l’Orient, où c’est la vie érémitique qui a fini par s’imposer,
l’Occident a été un terrain plus favorable à cette forme de spiritualité initiée par Pachôme.

En effet, après avoir connu un essor fulgurant, la vie communautaire pachômienne va finir par
s’éteindre complètement en Égypte. Aujourd’hui, si la vie monastique copte présente des
aspects communautaires, elle reste fondamentalement érémitique dans ses représentations et
dans ses modes de vie. Elle s’est adaptée et organisée, intégrant seulement certains éléments
de la vie communautaire, pour des raisons pratiques. En Occident, en revanche, les ermites
des premiers siècles ont disparu, et les refondations tardives de formes de vie érémitique ne
pourront que chercher, de réformes en réformes, ce paradis perdu de la solitude radicale.

En quoi consiste donc le fait communautaire ? Quelle est l’intuition de Pachôme ? Sur quelle
expérience s’appuie-t-il pour proposer à des frères de vivre ensemble sous une règle commune
? Quel a été le sens de son itinéraire spirituel ?

Pour répondre à ces questions, il est nécessaire de se pencher sur la difficile question des
sources pachômiennes. La tradition nous a transmis très peu de textes sous le nom de
Pachôme : trois corpus de règles monastiques, u

Vous aimerez peut-être aussi