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Paris
1829
SPINDLER, C.
f/E~jar dM diable
Histoire tirée des papier frère Médard, capucin
Tome 1
Symboleapplicable
pour tout,ou partie
des documentsmtcrofiimés
illisible
Ongma!
NFZ43
12010
L'ËMXIR
DUDIABLE.
JARiS. –IMPRIMERIE DE COSSON. 1
rue&int-G{''mattt-ttts-t'rcs,a<'o.
&'iMSM
DU
MABLE,
~Mr~ t<~ p~t~
M T~&B N&M:&~$
MïPM~
PCBH~E
PAR C. SPÏNDLBR,
BT TRADUtTE DE L'AHEMANB
TOMEPREMIER.
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~TB~UNAY-YALL~. UM~
&PZ GpjsjTijtOAcrt,.
x~ a5.
4829.
i'.
2
Ï~EMXÏR
E)~ MâBM.'
CHAPITREPREMIER.
y
f<
6 L'ÉLIXIR DU DIABLE.
dévouéque plus tard
méprirent que
mes paronst après avoir
joui d'une
grande aisance, étaient tombés dans
une extrêmepauvreté tandis
que mon
Père, que l'espritmalin avait, à son en-
trée dans ïe monde, entraîné dans un
crime affreux,éclairévers la fin de tes
jours sur le péché mortel qu'il avait
commis, s'était décidé à faire un pèle-
rinage au Tilleul-Sacré monastèresi-
tué en Prusse, pays fort
étoile du lieu
de notredemeure.
Mespremierssouvenirsprésentent
mon esprit lesdoucesimagesdu mona-
stère et de la magnifiqueéglisedu Til-
leul-Sacré.Je croisêtre encoredans la
forêt tourne, entouré du gazonvert et
épais et des fleurs qui me servaientde
berceau. Pas un reptile venimeux,pas
un insecte nuisible n'habite la sainte
demeuredu religieux.Ni lebourdonne-
ment des mouches~ ni le chant du
grillonne vient interromprele silence
solennel dans lequel ne retentissent
S i~HXîRM~MABtE.
d'autres sons que les hymmes des pré-
très qui, accompagnésde nombreux
pèlerins,agitentdesencensoirsd'ordans
de longues et superbesprocessions.Je
crois voir encore au milieu del'église
le tronccouvertd'argentduTilleul,dans
les branches duquel des
anges vinrent
déposer -le portrait miraculeux de la
Mèrede Dieu. Il me semble
que les an-
ges et les saintspeints ou sculptés sur
les murs et ïc dOi~cJe 1 égli&ewe t}ou-
Tient encore. Les récits que ma mère
m'a ~it de ce couvent merveilleux
où saprofondedouleurtrouvade
pieuses
consolations, se sont tellement identi-
nës avec moi-même, que je m'imagine
avoirtout vu tout entendu, quoiqu'il
soitimpossiblequema mémoires'étende
jusque là, car je n'avaisqu'un an et
demi quand ma mère quitta ce saint
lieu.
Jevenaisd'acheverm a seizièmeannée,
quand le curédéclaraque j'étais sumsam-
ment prépayé pour pouvoir commencer
les haute? études théoÏogiquesdans le
séminaire de la ville voisine. Je m'étais
déclaréen faveurde l'état ecclésiastique,
et cette résolutionavait rempli de joie le
CŒurde ma mère car elle expliquait et
accomplissait les mystérieuses prédic-
tions des pèlerins qui paraissaientavoir
quelque rapport avec le songe remar-
quable de mon père, dont on ne m'a-
vait jamais fait part. Il semblait à ma
mère que ma décision effaçaitle pèche
de mon père et sauvait son âme des
horreurs d'une condamnation étcrneUe.
La princesseaussi que je ne pouvais
plus voir qu'au parloir, approuvaforte-
ment mon projet, et me réitéra la pro-
messe de me soutenir de toute son in-
fluencepour me faire obtenir une di~nifé
ecc!ésiastique.Quoique ta ville fut si-
~5o L'~HXïR DU DIABt.E.
En attendant,le pèreLéonardavaitsu
d'un autre côtéprocurerà ses
religieux
une sorte de liaison avec les hommes
qui ne pouvaitque leur êtreavantageuse.
De riches donsqu&le couventrecevait
de toutes parts lui donnaientle
moyen
d'accueiUirdanscertainsjoursdel'année
L'~HXIR Dt MABM. 3S
Le père Léonards'é!e~aïtau-dessus
t'~HXÏH DU MABM< "!<
~7
Ma mèrem'écrivitqu'elleétait depuis
convaincue que l'état sécu-
long-temps
lier ne me conviendraitpas et que je
choisiraisla retraite; que le vieuxpèle-
rin du Tilleul-Sacrélui était apparu le
de Saint-Médard et lui avait pré-
jour
senté sonfils vêtud'unerobede capucin.
La princesseapprouvaaussipleinement
ma résolution.Je lesvisencoreune fois
l'une et l'autreavantde prendrel'habit,
ce qui ne tarda pas, attenduque, d'a-
mesinstantes prières, on m'avait
près
de la moitié du noviciat.La
dispensé
vision qu'avait eue ma mère fut cause
que je pris le nom de frèreMédard.
Jetrouvailes relationsdesfrèresentre
eux et toute l'organisationintérieure
du couvent,en ce qui avaitrapportaux
exercicesde piété, tellesqueje les avat~
au premier aspect. La doQce
jugées
;qui régnait autour de moi
tranquillité
une céleste paix dans mo&
répandit
L~MXïR DC MAMB. 5<
âme c'était la réalisation de ce songe
bienheureux dont me berçaient depuis
ma plus tendre enfance les souvenirsdu
TilIeuI-Sacré. Pendant la cérémonie de
ma prise d'habit, j'aperçus parmi Ïes
spectateurs la sœur du maître de cha-
pelle elleme parut triste, et je crus voir
des larmes dans ses yeux mais !e jour
de la tentation était passé et ce fut
peut-être le coupable orgueil que m'in-
spirait la facilité de ma victoire qui
donna lieu au sourirequi se peignit sur
mes lèvres.
Le 6~reCyrillerenfermade nouvel
la mystérieusecassettedans l'armoire,
et me remit le trousseau de clefs, au
nombredesquellesse trouvaitaussicelle
qm ouvraitcettearmoire.Cesecretavait
fait sur moi une impressionextraordi..
naire; mais, plusje sentais~s'é!everen
moi un désir secret de contempler"!a
merveilleuserelique, plus {ej
me*rap-
pelaisl'avisdu frère Cyrilleet je m'ef-
forçaisd'en éloignerla pensée.Quand
ce ûèrem'ettt quitté j'examinaiencore
p DDDIABM.
L'~MXm
64
'u4
une fois les saints objets dont la garde
venait de m'être connée,t après quoi
la dangereuse clef du trousseau
j'enlevai
et je la cachai au fond de mon pupitre
et sous tous mes papiers.
étaitpluspleine
La fête anna FégUse
Ï~HXÏRDCMABM. 6.e
que d'ordinaire, et je montai en chaire,
non sans éprouverune secrète
inquië~
tude. En commençant demeurai
je ûdèle
à mon manuscrit, et le
père Léonard
aie dit plus tard que j'avais
parlé d'une
voixtremblote maiscette voix
s'accor-
dait assez avecles réûexions
pieuses et
mélancoliques par lesquelles mon dis-
cours s'ouvrait, et la
plupart de mes
auditeurs crurent y voir un artifice
o~oire.BientôtcependantdesétinceIIes
d'un enthousiasmecéleste enflammèrent
mon sein; je ne songeai
plus à mon ma-
nuscrit et je m'abandonnai
entièrement
à l'inspiration du moment. Je
sentais
mon sang pétillerdans mes
veines, j'en-
tendais ma voix tonner sous les
voûtes,
je voyaisma tête é!evée mes bras éten.
dus entourés de l'auréole de
l'enthou-
siasme. Je terminaimon discours
par un
court passage dans
lequel je trouvai
moyen de renfermerl'esprit de tout ce
que je venaisde proclamer de saint et
68 BUMABtE.
L'~MXXR
de sublime. L'effet de mon sermon fut
extraordinaire, sans exemple.Destor-
rens de larmes, des exclamationsd'une
joie, des prières retentissaientde
pieuse
toutes parts. Les religieuxm'accablèrent
de louanges;ie père Léonardm'embrassa
et m'appela l'honneur de son couvent.
Ma réputation ne tarda pas à s'étendre
au loin, etles hab~anstes plus distinguée
de la ville arrivaient en foule et long-
temps avant l'heure des offices, dans
notre petite église pour entendre prê-
cher le frère Médard.
e Ne vousscandalisezpas dé grâce
mon père,f des discours un peu lé-
gers de nous autres mondains. Soyez
persuadé que M. le comte et mût
Dous honorons !es saints comme des
hommes pleins du plus noble enthou-
siasmepour la religion, qui ont su re-
noncer, pour le salut de leur âme et
pour celui des hommes, à tous les p!aï-
sirs de la vie et souventà la vie eïle~
même mais quant à des histoiresdu
gen~ de celle que vous venez de nous
raconter. je croisque ce ne sont que de
~piritueUesanémonesimaginées par ces
rnême~ saints, et que, par un malen-
t']ÉMXt& M MABÏ.Ë.
Le gouverneurtira de sa poche un
tire-bouchon d'acier et ouvrit la bou-
teille en dépit de mes remontrances.
Aumomentoù le bouchon partit, je crus
voir sortirune petite flammebleue qui
s'éteignit sur-le-champ.L'odeur devint
t'ËMXIR DU MABÏ.E. 85
Je rougis, car je ne
pus m'empêcher
d'éprouver 'quelque honte à l'idée que
je ne devais mon renouvellement d'en-
thousiasme qu'à un verre de vin vieux.
Je baissai les yeux et la tètent le
père
Léonard me laissa à mes réflexions.
Moi-même je n'étais pas sans crainte de
voir cesser au bout de fort
peu de temps
l'exaltation que je ne devais qu'au vin
et de la voir remplacéepar une faiblesse
d'autant plus~grande; mais il n'en fut
pas ainsi. Je sentisau contraire, avec le
retour de mes forces, une
augmenta..
tion d'énergie et le besoin de satisfaire
Ï.UXÏR M DIABLE.
93
toute l'ambition que ïâ vie du couvent
me permettait (réprouver.
J'insistai en conséquencepour
qu'on
me permît de prêcher de nouveauà la
prochaine fête, et cela me fut accordé.
Peu d'instans avant de monteren chaire
je pris un verre du vin merveilleux.Ja-
mais je n'a vaisparléà Jafois avec
plus de.
feu et d'onction. Le bruit de ma
guéri-
son complète serépanditbientôt au
loin;
l'élise se remplit de nouveau comme
autrefois mais plus j'obtenaisde succès
auprès de la fouie, plus le père Léo-
nard devenait gravent réservéavec moi.
Je commençais à lehaïr du fond de mon
âme, car je. ne doutais pas qu'il ne fût
rempli d'envie et d'orgueilmonastique.
~e brûlais d'impatiencede
savoirce
queia princesseme dirait, et j'attendais
Expression de sa satisfactionavec un
~ésïr que je ne saurais
dépeindre.H me
semblaitqu'aprèsavoir
montrësonéton-.
Dementdesdisposîtionsquemon enfance
avait offertes, eUe ne
pouvaitmanquer
alors de me recevoir avec un
respect
96 Ï/~MXIR DUMABM.
involontaire.Cependant, quandl'office
fut terminé, et que je demandaià la
voir, elle me fit répondrequ'éprouvant
une indispositionsubite, il luiétait im-
possiblede recevoirqui que ce fût. J'en
fus d'autant plus aSUgé,que dans mon
orgueil,je m'étaisimaginéquel'abbesse~
pleine d'enthousiasmepour mestalens,
éprouveraitd'elle-mêmele besoind'en-
tendre encorede ma bouche quelques
pieusesexhortations. Mamère, que je
vis) me parut agitée par une douleur
secrètedontje ne demandaipas la cause,
parce que ma conscienceme disait va-
guementque je n'y étais pas étranger.
Elle me remit une lettrede la princesse
en me disant que je ne devais l'ouvrir
que quandje seraisde retourdans mon
couvent*A peineétais-jerentré dansma
celluleque j'en rompisle cachet et que
je lus avecétonnementce qui suit
espèce. Je me déchirai}usqu*ausang
avec la discipline,afin
d'échapperà î~
damnation éternellequi me menaçait:
car Je feu que cette femme
étrangère
avait aÏïumédans ma poitrine excitait
en moi les désirs les plus
coupables,et
me causait une souffranceà
laquelle je
cherchaïs vainementle moyen de me
dérober.
Le
dernier
jour que}ecomptaisy re~
ter était enfinarrivé.Par un hasard fa-
vorable, je &*éta!sprocuré des habits
boufg~oisassezpropres,et je résolusde
quitter le couventdansh nuit pour n'y
p!us jamaisrentrer. Le soïei! était déjà
couchequand le prieur me fit appeler
inopinémentauprèsde lui. Je tremblais
en m'y rendant, car je ne doutais
pas
qu'il n'eût découvertmon projet I.e
père Léonardme reçut d'un air beau-
coup plus sérieux qu'à l'ordinaire et
même avecune dignité
imposante qut
me fit frémirmalgrémoi.
a Frère Médard, me
dit-il ta con-
duite insensée, que je ne
regarde que
comme Met de cette exaltation d'es-
prit exagérée à laquelle tu te i;vrp3
depuis quetque temps, par des vues qui,
Ïû8 I.'ËMXtR DU DïABtE.
5'
CHAPITREVÏL
Absorbédansmespensées, je me te-
nais sur le bord de Fabîme, les yeux'
ûxës surle fond, d'où il me semblait que
le corps sanglant du comte allait sortir
me menacer. J'éprouvais la même
pour
sensation que si je l'eusse assassiné, et
tenais fermement dans ma
je toujours
main !e chapeau, l'épée et le porte-
feuille. Le jeune homme continua
et ma destinéeextraordinaire m'avait au
même instant envoyélà pour le rempla-
cer. La force irrésistible de cette même
destinée me poussa à continuer le rôle
commencé involontairement
que j'avais
à jouer; elle remporta sur tous mesdou~
tes et écouta la voixintérieure qui m'ac-
cusait de meurtre et de sacrilége.J'ouvris
le portefeuille, dans lequel je trouvai
lettres et des valeurs consi-
quelques
dérables en effetsde commerce.Je voulus
examiner les unes et les autres, afin de
me mettre au fait des relations du comte;
mais l'inquiétude qui me dévorait, la
foule d'idées différentesqui se croisaient
dans mon esprit ne me laissèrent pas
assez de sang-froid pour y rien com-
prendre.
a'
avoir fait pas, je m'ar-
Après quelques
de nouveau; je m'assis sur un ro-
rêtai
voulais essayer. de me calmer
cher je
de me ris-
un peu, je sentaisle danger
L'~HXIRDUDIABLE. ~a5
quer ainsisans avoirété préparé au mi-
lieu d'un cerclede personnes et d'objets
qui m'étaient tous également inconnus.
Des cors retentirent dans le bois, et des
voix joyeusesse firent entendre et s'ap-
prochèrent de moi. Le cœur me battit
avec violence; ma respiration s'arrêta;
un monde nouveau une nouvelle exis-
tence allaient donc s'ouvrir pour moi i
Je me détournai dans un étroit sen-
tier qui me conduisit à une descente ra"
pide. Ensortant du bois je visau-dessous
de moi, dans la vaUée, un grand et
beau château.
Je répondis amrmattvement, et
Reinholdne tarda pas à selivrerà une
gaieté qui paraissaitêtre naturelleà son
caractère. Noustraversâmesle parc et
nous arrivâmesenfinà un bosquet situé
tout près du château, et d'oùla vue s'é-
tendait sur une délicieuseperspective
dans les montagnes. Un
domestique
sortaiten ce momentdela grande
porte
du château. Reinhold l'appela lui
donna quelquesordres, et au bout de
peu de tempson nousservitun fort bon
déjeuner.Pendant que noustrinquions,
je crus remarquerque Reinholdme re-
gardait attentivement,et commes'il eût
cherché à rassemblerses idées pour
rappelerun souvenirconfus; à la fin il
éclata
t34 1/JÉMXm DU MABÏ.E.
a Kous passions le
plus souvent i'hi-
ver dans la résidence voisine; mais
peu
de temps aprèsla naissance d'Auréi!e,la
baronne ayant senti s'affaiblir sa santé,t
nous y passâmes aussi l'été, attendu
qu'elle avait besoin sans retâche des
soins des plus habiles médecins. Elle
mourut à l'entrée du printemps, et pré-
cisément au moment où une améliora-
tion sensibledonnait lieu d'espérer une
prompte et parfaite guérison.
Le baron ne cessait de se
fepandre
en louanges d'Eupbémie, et ce
fut
~ne de ces occasionssi raresoù nos avis
diSerèrent. J'avam rhab!tude dans la
société de tout observeren silence, mais
sans prendre une part directe à ce
qui
se passait. D'après cela je n'avais
pas
manque d'examiner Euphémie, qui, se-
lon son habitude de ne jamais
négligea
p'erstmne, m'avait plusieurs fois adressé
quelques mots pleins d'aSab:Ute. Je ~s
forcé d'avouer qu'elle était la plus Me
femme quej'eusse vue, que l'esprit et
~ensibUitebrillaient dans tout.ce qu'eUe
R'~UXïR M MABM.
Ce fut a cette
époque qu'une série
de malheurs vint accabler
cette maison
et y porter le deuil.
Euphémie ne tarda
pMà écrire au baron
qu'Hermogëneavait
été attaqué subitrment d'une
profonde
mélancolie qui parfois dégénéraiten
fré-
nésie qu'il cherchait la solitude, mau-
hissait son destin et ne voulait
écouter
ni Ïes conseilsde son ami
ni ceux des
~5~ L~MXïR DU MABM.
n y a quelquetempsque la baronne
écritque, d'aprèsle conseildesoncon.
fe6S€Uï',e!leenverraitici un religieux,de
qui le commerceet les discoursconso.
lans auraient peut-être sur
Hermogène
uneinfluenceavantageuse,attenduque
€â mélancolie avait une tendanceévt<-
dammentpieuse.Je suis,en venté, bien
aise~nmop~re, q~un heureuxhasard
vous ait conduit à la capitale, et quele
choixsoit tombé sur vous.Vouspourrez
rendre le reposà une familleaffligéesi
vous voulezbien vous rappelerde du't-
gerversun doublebut vosefforts,que le
seigneurdaignebeoir!Tâchezd'un côté
de découvrirle terrible secretd'Hermo-
gène. Quand il s'en sera confesséil se
sentira pïus tranquille, et vouspourrez
alors tâcher de le convaincrequ'Hpeut
~ire son salutdans le mondeaussibien
i56 DuniÀ~M.
ï.~MXïR
que dansle cïditre.Maisd'un autre côté,
Tapprochez-vous auss! de la baronne~
Voussaveztout. Vousavouerezavecmoi
que si ce que j'ai vu ne suffit,pas pour
fonderune accusation,il estnéanmoins
impossiblequ'elle soit innocente.Vous
penserez,je suis sûr, comme moisous
tous les rapports, quand vousaurezvu.
de près Euphémic.Sa constitution ar-
dentelui donnedu penchautpour !adé-
votion.Peut-êtreréussirez-vous,grâceà
l'éloquence dont vousêtes doué, à pé*-
Détrerjusqu'au fond de son coeur,
i'ébranïer et à la corriger, ann qu'elle
cessede trahirsonépouxet devivredans
un péché qui seraitla perte de sonâme.
et d'uneforceextraordinaires.On voyait
que c'était le chagrin, et non pas lés an-
néea, qui avaitsillonné sonfrontet blan-
chi ses cheveux. Malgré cela il régnait
dans ses discours et dans toute sa con-
duite un enjouement et unebienveillance
qui disposaient chacun en sa faveur.
Quand Reinhold m'eut présenté comme
la personne dont la baronne avait an-
noncé l'arrivée, il me regarda d'un oeil
scrutateur, quidevint plus aimable après
que Reinhold eut a{outé qu'il m'avait
connu autrefois au couventdes capucins
à* où il m'avait entendu prêcher et
où j'entraînais tout~c monde parla force
demon éloquence. Le baron metendit la
main d'un air plein de franchise, et dit
en se tournant vers Reinhold
ENachevantde parlerHermogènese
retirad'un pas précipité.J'étaisanéanti.
Tout mon courage, toute ma présence
d'espritavaientdisparu.En ce moment,
je vis Euphémie sortir du ch&teauen
costumede promenade. Je n'avais de
secourset de consolationà espérer que
ï/ÊLMnR
BCMABM. !~5
d'elle. J'allai donc à sa rencontre. Et-
~ràyëeà la vue démonf rouble, elle m'eu
demanda la cause, et je lui racontai en
détait l'entretien que je venais d'avoir
avec HcrtnogènC) ajoutant que je ne
pouvais me défendre de la crainte que,
par quelque circonstance inexplicable,t
il n'eût découvert notre secret. Eupbë-
mie traita fort légèrement une circon-
stance qui me mettait au désespoir;
elle sourit d'une manière si étrange
qu'elle me fit frissonner et répondit
e Enfonçons nous davantage dans
le parc, car d'ici l'on peut nous ob-
server, et l'on pourrait s'étonner de ce
que le révérend père Médard me parle
avectant de feu.
description qu'Euphémïevenait de me
faire dé ta tendance de savjtepour me
faire sentir aussila puissanceprépondé-
rante qui m'animait moi-même comme
l'émanation d'un principe plus élevé.
Je nie sentais pénétré de quelquechose
de surnaturel qui me plaçait tout à coup
dans une position d'où je voyaisles ob.
jets dontj'étais entouré sousdescouleurs
tout-à-fait nouvelles.La forced'esprit
le pouvoir dont Euphémie s'était van-
tée, me paraissaientdignes du plus pro~
fondmépMs.Dans le moment même où
cette malheureuse croyaitjouer son jeu
imprudent avecles combinaisons les plus
dangereusesde la vie, elle était livrée au
hasard ou à une fatale destinée que ma
maindirigeait. C'était ma forceseulequi,
excitée par des puissancesmystérieuses,
pouvait l'obliger à regarder comme un
a<met un alHé celui qui ne portait lat
ressemblanceextérieurede son ami que
pour la perdre et qui l'enlaçait de ma-
8*
t~6 E~HX~R DÏABM.
9
CHAPITREXI.
« Ne devines-tu pas,
Victorin, dit<
~le a la Rh,!es pensées sublimes et bien
dighe~de moi qui se pressent dans mon
esprit ~lais non, cela n'est pas possible.
Prépare, eh atténdaïtt, tes ailes pour me
t~HXtR DU DÏABM.
Ï~6
<~
Lesregardsd'Euphemie,dont j'avais
appris à connaîtrele senscaché, me di-
saient qu'il venaitde se passerquelque
chose dont elle se sentait particulière-
ment irritée mais il me fut impos-
sible, pendant toute la journée,r de
trouver un moment pour la voirsans
témoins.
lèventdufonddeceprécipice~et causent
à ceux qui osent y regarder un étour-.
dissecaentaux suites fatalesduquel il
est impossible de résister.Le baron,e
aucune foi à ce conte s'est
n'ajoutant
fois placé sur le bord de
dé}àplusieurs
ce précipice,pourjouir de la belle per-
l'on y.découvre.ïl ne te sera
spectiveque
dif&ci!ed e l'engager à te conduire
pas
lui-mêmedanscelieu dangereux.Quand
tu y serasaveclui, il suffirad'un conp
de ta main pour nous délivrerà jamais
de ce vieilinsensé.
Non,jamais m'écriai-jevivement:
connaisce affreux,)e con-
je précipice
le du Diable. Retire-toiet
nais Siège
de me au crime. D
cesse porter
s'élança ver
Acesmots, Euphémie
moi les yeux ennammésde coléreuses
traits étaient renversés. Une passion
agitaitson sein ·
fougueuse
Ï'ÉMXÏR BB BÏABEE. aeS
a Hommefaibleet pusiManime!s*é-
CNa-t-etie,oses-tubien dansta lâcheté
~'opposerà ce que {~n'ésotuPTu~alEoe~
doncmieuxte soumettreà un joug hon~
teux que de ïégner avec moî? Mais tu
es en mon pouvoir.Vainementespères-
tu te dérober aux liens qui te tiennent
enchaîné à mes pieds. Obéisà mesvo-
lontés. Il faut que demain l'homme
dont l'aspect m'est odieux, ait cesséde
vivre.?a
Pendant qu'Euphémiemeparlait, je
me sentispénétrerdu plus profondmé-
pris pour sa jactance, et je lui répon-
dis en riant d'un air si dédaigneux,que
la pâleur de l'effroi et de l'inquiétude
couvrit soudainsonfront:
Je m'aide
permit à Euphémie ladeforce d'âme qui
se montrer le
lendemain aussi
tranquille et aussi gaie
que de coutume. EUe raconta
même
qu'elle avait éprouvé pendant la
une ~P~ed'acc~ de nuit
avait somnambuii,me,t
qui été suiv, d'une
attaquede nerfs.
Le baron parut la
plaindre. Les regards
~Og E~!M DC MAS~Ë.
Et au mêmeinstant, je me sentis
aaisir avec une force gigantesque.
C'était Hermogène!
<Courezaprés l'assassin e
Je me remis, et m'étant
jeté sur le
cheval, je dis au chasseurde retourner
à la petite villeet
d'y attendre mes or-
dres. Aussitôt qu'il eut
disparu dans
l'obscurité, je descendisde nouveaude
cheval,et, le prenantpar la bride, le
je
conduisisavec précautiondans
l'épaisse
forêtde sapinsque j'avaisdevantmoi et
dans laquelleje crus devoirm'enfoncer.
MN DU T~ÏE PREMÏER.