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Université Catholique de Louvain

Faculté de Philosophie, Arts et Lettres

Département de Langues et Lettres


françaises et romanes

DU « MOI SOCIAL » AU « MOI PROFOND » DE L’ARTISTE


CONVERSION D’UN ETHOS PÉJORATIF

Séminaire d’esthétique littéraire (LROM2715)


sous le tutorat de M. Michel LISSE

Travail présenté par Charles LIZIN

Année académique 2020-2021

1
2
Sommaire

Sommaire…………………………………………………………………………………..….…….. 3

Introduction…………………………………………………………………………………..……... 5

I. Le paramètre « auteur » chez Sainte-Beuve, Proust et les analystes du discours……….…...…… 7

I. 1. De la méthode de Sainte-Beuve à l’antibiographisme proustien………………..………… 7

I. 2. L’analyse du discours : un retour au biographisme ?…………………………..………….. 9

II. L’inscription de l’auteur dans le tiers de l’institution littéraire….………….………….….……. 11

II. 1. La paratopie : amorce de l'élaboration d'une posture auctoriale.……….…….…….….... 11

II. 2. La posture auctoriale : une construction prise entre le texte et son contexte….…..….…. 12

III. De l'homme du monde à l'homme de lettres..…………………………………………….…… 16

III. 2. Proust, chroniqueur mondain……………………………………………………….….. 16

III. 2. De la mondanité à la solitude : l’émergence du romancier.………………………….… 17

III. 3. Le parcours de Marcel : de la quête au rejet de la mondanité.……….…….….……..… 21

Conclusion…………………………………………………………………………………………. 27

Bibliographie………………………………………………………………………………………. 30

3
4
Introduction

En 1908, Marcel Proust rédige pour le Figaro un article intitulé « Contre Sainte-Beuve ». Après
quelques remaniements, ce texte est renommé « La méthode de Sainte-Beuve ». Celui-ci intègre le
recueil de critiques littéraires publié à titre posthume en 1954 et intitulé, d’après l’article initial,
Contre Sainte-Beuve. Dans ce célèbre essai, considéré comme l’embryon du cycle romanesque de la
Recherche du temps perdu, Marcel Proust fustige Charles-Augustin Sainte-Beuve. Il lui reproche
d’avoir mis au point une méthode d’interprétation consistant à expliquer le texte littéraire à la
lumière de la vie de l’auteur.

Proust considère que l’on peut prétendre connaître la vie publique d’un auteur, mais pas celle
de l’artiste. Latente, celle-ci ne se révèle que par intermittences dans le travail artistique. Proust
distingue ainsi le « moi social » superficiel du « moi profond » de l’artiste. Vincent Engel explique à
propos de cette distinction :

[…] Proust a clairement démontré, dans ses attaques contre Sainte-Beuve, que le "moi social" d'un
écrivain ne peut se confondre avec son "moi profond" et qu'il faut se garder impérativement de tout lien
avec l'homme que l'on croit pouvoir connaître […]. Rares sont ceux qui se sont demandé, pourtant, le réel
crédit qu'il fallait accorder à une telle affirmation lorsqu'elle est formulée par un écrivain qui, plus que
tout autre sans doute, tenait à conserver secret l'essentiel de sa vie privée.1

Selon Vincent Engel, Proust aurait établi cette distinction dans l’intention de préserver son
intimité. Il est vrai que, de cette manière, l’écrivain cherchait probablement à nier tout
rapprochement entre son orientation sexuelle et celle du Baron de Charlus, par exemple. Ce qu’il
faut comprendre par là, c’est que Marcel Proust souhaitait se prémunir de toute attaque susceptible
d’affecter sa réputation.

Si le monde représenté dans l’œuvre de fiction est à même d’influencer l’autorité de celui qui la
crée, cette dynamique fonctionne également dans le sens inverse. D’ailleurs, si André Gide s’accuse
d’avoir refusé la publication de la Recherche à la N. R. F., c’est – avouera-t-il dans une lettre
adressée à Marcel Proust – parce qu’il le considérait comme un snob, un mondain amateur.

Le monde créé et le monde d’où l’on crée correspondent en fait aux deux dimensions du
discours : le texte et son contexte. L’un et l’autre interagissent, selon Dominique Maingueneau.
Néanmoins, l’auteur de la Recherche avait de bonnes raisons de les isoler. En distinguant le « moi
social » du « moi profond » Prout « établit une barrière entre une instance profane qui vaquerait aux

1 ENGEL, Vincent. 2013. Fiction : l'impossible nécessité. Sur les récifs des sirènes naissent les récits des silènes.
Hévillers : Ker édition. p. 290.

5
affaires du monde ordinaire et une instance sacrée qui se tiendrait dans l'enceinte protégée de la
chose littéraire »2.

Autrement dit, cette distinction permet de légitimer à la fois l’œuvre, à laquelle on ne saurait
reprocher les travers de l’auteur en tant qu’homme du monde, et son créateur, qui apparaît comme
une instance sacrée – pour reprendre les termes de Dominique Maingueneau. Ainsi, qu’il en ait été
conscient ou non, Proust désirait présenter une image avantageuse de lui, celle du créateur retiré des
affaires du monde. En renégociant lui-même son image d’auteur, l’écrivain tente de se faire une
place dans le monde des Lettres. Ruth Amossy explique à ce propos que « c’est lorsque l’image
d’auteur est produite et assumée par l’écrivain dans une stratégie de positionnement plus ou moins
délibérée […], qu’elle peut recevoir le nom de posture »3.

La posture telle que la définit Jérôme Meizoz comporte deux dimensions : la première,
contextuelle, correspond à la manière de se présenter en public ; la seconde, textuelle, correspond à
l’image que l’auteur donne de lui à travers des choix stylistiques, formels et thématiques visibles
dans le texte.

La méthode d’interprétation établie par Jérôme Meizoz consiste donc à analyser les relations
qui existent entre l’image publique de l’écrivain et celle qu’il laisse transparaître dans ses textes.
C’est grâce à cette méthodologie qu’il sera possible de répondre à la question suivante : dans quelle
mesure, sur les plans textuels et contextuels, la distinction que Proust établit entre le « moi social »
et le « moi profond » permet-t-elle à l’auteur de revaloriser sa posture auctoriale et de le légitimer
au sein du champ littéraire ?

Pour se faire, il sera nécessaire, dans un premier temps, de revenir sur les postulats de Sainte-
Beuve et de Proust afin de comprendre l’apport de l’analyse du discours et l’intérêt d’appliquer la
méthode d’interprétation mise au point par Jérôme Meizoz. Naturellement, il conviendra ensuite de
poser le cadre théorique et méthodologique. Il s’agira plus précisément de définir les concepts de
paratopie, de posture et d’ethos. Ce n’est qu’à l’aide de ces outils qu’il sera alors possible, dans un
troisième et dernier temps, d’analyser les dimensions textuelles et contextuelles de la posture
auctoriale élaborée par Marcel Proust.

2 MAINGUENEAU, Dominique. 2006. Contre Saint-Proust ou la fin de la littérature. Paris : Éditions Belin. p. 70.
3 AMOSSY, Ruth. 2009. « La double nature de l’image d’auteur ». In Argumentation et analyse du discours. [En
ligne]. vol. 3. n° 3. §° 15. https://doi.org/10.4000/aad.656 (consulté le 25 mai 2021).

6
I. Le paramètre « auteur » chez Sainte-Beuve, Proust et les analystes du
discours

La méthode de Jérôme Meizoz permet d’étudier l’une des médiations possibles entre l’homme
et son œuvre. En cela, la méthodologie des analystes du discours semble contraire à l’esthétique
proustienne qui refuse tout rapprochement entre l’œuvre et son auteur. Néanmoins, il ne s’agit pas
pour autant de revenir à la critique biographique telle que l’envisageait Sainte-Beuve. Saisir les
différentes nuances qu’il existe entre ces différentes approches permettra de mieux comprendre
l’enjeu de cette étude.

I. 1. De la méthode de Sainte-Beuve à l’antibiographisme proustien

Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, les écrivains vivaient du mécénat et étaient tenus d’ajuster leurs
œuvres à la demande des puissants. Dès lors, la personnalité de l’auteur apparaissait bien peu dans
les processus de création et de réception de l’œuvre. Dans la première moitié du XIX e siècle, le
champ littéraire s’autonomise, ce qui favorise l’apparition de la critique biographique. David
Vrydaghs explique à ce propos :

Cette méthode critique se développe en effet à partir du moment où l’écrivain devient son propre maître et
que s’impose en littérature un régime de singularité selon lequel l’originalité de la création, la singularité
du style et le génie de l’écrivain deviennent les critères à partir desquels se mesure la valeur d’une œuvre
littéraire.4

Les partisans de cette méthode biographique soutiennent que, pour interpréter une œuvre
littéraire, il faut d’abord connaître l’homme qui en est l’auteur. Selon eux, une solide connaissance
biographique permet de découvrir l’intention de l’auteur qui confère tout son sens à l’œuvre. Le
représentant le plus illustre de la critique biographique est Charles-Augustin Sainte-Beuve. Sa
pensée ne saurait être mieux résumée que par ses propres mots :

La littérature, la production littéraire, n’est point pour moi distincte ou du moins séparable du reste de
l’homme et de l’organisation ; je puis goûter une œuvre, mais il m’est difficile de la juger
indépendamment de la connaissance de l’homme même ; et je dirais volontiers : tel arbre, tel fruit.
L’étude littéraire me mène, ainsi tout naturellement à l’étude morale. 5

4 HEINICH, Nathalie. 2005. L’élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique. Paris : Gallimard. Cité
dans VRYDAGHS, David. 2017-2018. Théorie de la littérature. [Syllabus]. Unamur, département de Langues et
Lettres françaises et romanes. p. 45.
5 SAINTE-BEUVE, Charles-Augustin. 1865. Nouveaux lundis. Tome III. Paris : Michel Lévy frères. p. 15.

7
Bien avant que Roland Barthes ne proclame « la mort de l’auteur », certains écrivains ont
contesté la méthode de Sainte-Beuve, le plus célèbre étant Marcel Proust. Celui-ci ne conçoit pas
que l’on puisse juger l’œuvre d’un auteur en s’appuyant sur des connaissances plus ou moins
étayées de sa vie :

L’œuvre de Sainte-Beuve n’est pas une œuvre profonde. La fameuse méthode, qui en fait, selon Taine,
selon Paul Bourget et tant d’autres, le maître inégalable de la critique du XIX e, cette méthode, qui consiste
à ne pas séparer l’homme et l’œuvre à considérer qu’il n’est pas indifférent pour juger l’auteur d’un livre
[…] d’avoir d’abord répondu aux questions qui paraissaient les plus étrangères à son œuvre […], à
s’entourer de tous les renseignements possibles sur un écrivain, à collationner ses correspondances, à
interroger les hommes qui l’ont connu, en causant avec eux s’ils vivent encore, en lisant ce qu’ils ont pu
écrire sur lui s’ils sont morts, cette méthode méconnaît ce qu’une fréquentation un peu profonde avec
nous-mêmes nous apprend : qu’un livre est le produit d’un autre moi que celui que nous manifestons dans
nos habitudes, dans la société, dans nos vices.6

L’homme public que l’on peut prétendre connaître en conversant avec lui ou avec ceux qui
l’ont connu ne se révèle pas de la même manière que le « moi profond » de l’artiste. Le premier est
superficiel et ne constitue qu’une « image menteuse »7. Proust explique :

Ce qu’on donne à l’intimité, c’est-à-dire à la conversation […] et à ces productions destinées à l’intimité,
c’est-à-dire rapetissées au goût de quelques personnes et qui ne sont guère que de la conversation écrite,
c’est l’œuvre d’un soi bien plus extérieur, non pas du moi profond qu’on ne retrouve qu’en faisant
abstraction des autres et du moi qui connaît les autres, le moi qui a attendu pendant qu’on était avec les
autres […].8

Ce que l’on peut afficher lors d’une conversation intime ne constituera donc jamais qu’un faux-
semblant puisque, selon Proust, on s’évertue à convenir aux autres. À l’inverse, « ce qu’on donne
au public, c’est ce qu’on a écrit seul, pour soi-même, c’est bien l’œuvre de soi »9. Ainsi, Proust
réserve à l’activité artistique la tâche d’exprimer ce qu’il y a de plus vrai en chacun de nous. C’est
la raison pour laquelle il écrit :

En aucun temps, Sainte-Beuve ne semble avoir compris ce qu’il y a de particulier dans l’inspiration et le
travail littéraire, et ce qui le différencie entièrement des occupations des autres hommes et des autres
occupations de l’écrivain. Il ne faisait pas de démarcation entre l’occupation littéraire, où, dans la
solitude, faisant taire ces paroles, qui sont aux autres autant qu’à nous, et avec lesquelles, même seuls,
nous jugeons les choses sans être nous-mêmes, nous nous remettons face à face avec nous-mêmes, nous
tâchons d’entendre, et de rendre, le son vrai de notre cœur, et non la conversation !10

6 PROUST, Marcel. 1971. Contre Sainte-Beuve. Paris : Gallimard. « Bibliothèque de la Pléiade ». pp. 221-222.
7 Ibid. p. 224.
8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ibid.

8
I. 2. L’analyse du discours : un retour au biographisme ?

La nouvelle critique qui émerge au début des années 1960 hérite de l’esthétique proustienne.
De la même manière que l’auteur de la Recherche, les formalistes russes et les structuralistes
français dénoncent l'idée selon laquelle la signification de l'œuvre est déterminée par l’intention de
l’auteur. Influencés par la linguistique structurale et le modèle de Jackobson, ils considèrent la
littérature comme une communication entre un destinateur et un destinataire, soit entre un auteur et
un lecteur. Dès lors, la particularité de la littérature tient au fait qu'elle constitue un énoncé, un
message, dont le sens n’est pas nécessairement précisé par l’auteur. C’est la raison pour laquelle
Roland Barthes déclare en 1967 la « mort de l’auteur ».

À partir de la fin des années 1960, une nouvelle discipline voit progressivement le jour :
l’analyse du discours. Cette discipline ne fait autorité dans les études littéraires que depuis les
années 1980, grâce, notamment, aux travaux de Dominique Maingueneau. Celui-ci rappelle qu’« en
France, au début des années 1970, ce qu’on appelait l’ "analyse du discours" était un phénomène
marginal et qui se voulait dissident »11.

Aujourd’hui, l’analyse du discours est considérée comme une approche socio-sémantique, car
elle prend en compte les caractéristiques linguistiques de l’énoncé, mais aussi le contexte de
l’énonciation. Les chercheurs qui adhèrent à cette méthode réprouvent la conviction des
structuralistes selon laquelle un texte doit être analysé isolément, à part de son contexte. Dominique
Maingueneau déplore ce parti pris d’ignorer le contexte :

On a beau insister depuis les années 1960 sur la différence entre le "narrateur" (en termes plus
linguistiques "l'énonciateur"), corrélat du texte, et "l'écrivain", qui lui serait extérieur, la valeur explicative
d'une telle distinction reste très faible. Prolongeant en cela l'esthétique proustienne, elle établit une
barrière entre une instance profane qui vaquerait aux affaires du monde ordinaire et une instance sacrée
qui se tiendrait dans l'enceinte protégée de la chose littéraire. Et à ce niveau peu importe qu'on invoque
"l'énonciateur" ou "le moi créateur" : par là on entend préserver l'autonomie du texte, son pouvoir d'excès
à l'égard de tout contexte […].12

Ainsi, Maingueneau souhaite-t-il « dépasser l’opposition binaire entre texte et contexte qui
scinde la critique littéraire universitaire, donc à invalider les fondements du désaccord qui s’est
creusé entre les tenants de la critique "traditionnelle", l’histoire littéraire en première ligne, et la
nouvelle critique […] »13.
11 MAINGUENEAU, Dominique. 2017. « Parcours en analyse du discours ». In Langage et société. [En ligne]. vol. 160-
161, n°2-3. §°7. https://doi.org/10.3917/ls.160.0129 (consulté le 25 mai 2021).
12 ID. 2006. Op. cit. p. 70.
13 COQUEREAU, Phillip Schube. 2010. « Paratopie : quand l’analyse du discours littéraire (se) joue des frontières ». In
Protée. [En ligne]. vol. 38. n°3. §°15. https://doi.org/10.7202/045616ar (consulté le 25 mai 2021).

9
Pour se faire, Maingueneau propose de prendre en considération un paramètre dont ni Proust, ni
Sainte-Beuve n’avaient tenu compte, celui de l’institution littéraire. Il affirme qu’« au lieu d'opposer
l'artiste solitaire et la foule, le "moi social superficiel" et le "moi créateur profond", il faut introduire
le tiers de l'institution »14, estimant que « les œuvres s'élaborent à travers la manière dont chaque
écrivain dans sa vie s'inscrit dans [l'] espace littéraire. »15

C’est la raison pour laquelle la notion de posture s’avère être un outil pertinent pour étudier le
mode d’élaboration des œuvres littéraires. En effet, Jérôme Meizoz la définit comme « la manière
singulière d’occuper une "position" dans le champ littéraire »16. À ce titre, examiner la posture
auctoriale d’un écrivain permet de rendre compte de la manière dont celui-ci s’inscrit dans l’espace
littéraire.

La posture, c’est l’image que l’écrivain donne de lui à travers et en dehors du texte. Cette image
de soi, le plus souvent, est construite par l’écrivain en vue de se singulariser et/ou de se légitimer au
sein du champ littéraire. Il s’agit donc d’une construction en partie aménagée par l’auteur lui-même.
On aurait donc tort de croire que cette image d’auteur correspond parfaitement à la réalité, ce que ne
manque pas de souligner David Vrydaghs :

Ce personnage public, cette image de soi que l’écrivain construit, est, par bien des aspects, fictive ; du
moins s’éloigne-t-elle souvent de la biographie réelle de ces écrivains. […] On ne peut donc pas parler de
méthode biographique au sens strict à propos de cette théorie de l’interprétation. Il faut néanmoins
souligner qu’en étudiant cette création médiatique, elle s’intéresse à l’une des médiations possibles entre
l’homme et l’œuvre […].17

Ainsi, même si cette méthodologie s’oppose à l’esthétique proustienne, elle ne rejoint pas pour
autant le biographisme de Sainte-Beuve, loin s’en faut. Les tenants de cette méthode sont parvenus
à trouver un entre-deux qui, sans ignorer l’apport des réflexions antérieures, a su les dépasser.

14 MAINGUENEAU, Dominique. 2006. Op. cit. pp. 64-65.


15 Ibid. p. 64.
16 MEIZOZ, Jérôme. 2007. Postures littéraires: mises en scène modernes de l’auteur. Genève: Édition Slatkine, p. 18.
17 VRYDAGHS, David. Op. cit. p.49.

10
II. L’inscription de l’auteur dans le tiers de l’institution littéraire

L’élaboration de l’œuvre dépend donc, en partie, de la manière dont l’écrivain s’inscrit dans
l’espace littéraire. Mais cette inscription est problématique en ce qu’il s’agit précisément du champ
littéraire, dont les limites sont mal définies. Dominique Maingueneau, pour rendre compte de cette
difficulté, a développé la notion de paratopie qu’il conviendra de préciser. Cela est d’autant plus
nécessaire que celle-ci est un facteur important pouvant servir d’amorce à la constitution d’une
posture auctoriale.

II. 1. La paratopie : amorce de l'élaboration d'une posture auctoriale

Pour comprendre la notion de paratopie, il faut d’abord saisir la spécificité de l’institution


littéraire qui est sa relative autonomie par rapport à la sphère sociale. Dominique Maingueneau
considère que le champ littéraire, même s’il ne se confond pas entièrement avec la société, ne peut
prétendre à une autonomie absolue. Il précise :

Les milieux littéraires sont en fait des frontières, à la fois des lieux et ce qui ne peut se penser en termes
de lieu. Certes, le champ littéraire fait en un sens "partie" de la société, mais l'énonciation littéraire
déstabilise la représentation que l'on se fait communément d'un lieu, avec son dedans et son dehors. La
littérature […] suppose à la fois l'impossibilité de se clore sur soi et l'impossibilité de se confondre avec la
société "ordinaire", elle joue de et dans cet entre-deux.18

Cette difficile appartenance tient au fait que tout énonciateur, lorsqu’il produit un discours sur
le monde, crée une figure qui le singularise, qui montre sa non-appartenance à ce monde, de sorte à
légitimer sa prise de parole. Pour porter un discours sur la persécution, par exemple, il est important
d’avoir été soi-même persécuté, explique Maingueneau. Pour autant, le discours tenu par
l’énonciateur ne peut prétendre à l’universalité puisqu’il est le récit d’une expérience personnelle,
particulière. Somme toute, il s’agit d’aménager les conditions de sa propre énonciation pour
qu’elles soient conformes au discours qui la justifie. Autrement dit, « c’est d’un seul mouvement
produire une œuvre et construire par là-même les conditions qui permettent de la produire »19. C’est
ce mouvement rétroactif entre les conditions de l’énonciation et l’énoncé qui rendent ce rapport
d’appartenance – ou de non-appartenance – si complexe. Ce rapport paradoxal, Maingueneau
propose de l’appeler paratopie :

L'appartenance au "champ" littéraire n'est pas l'absence de tout lieu, mais plutôt une difficile négociation,
dans le discours même, entre le lieu et le non-lieu : cette localisation parasitaire, cette appartenance
18 MAINGUENEAU, Dominique. 2006. Op. cit. p. 66.
19 Ibid. p. 71.

11
paradoxale qui vit de l'impossibilité même de définir une véritable appartenance, nous avons proposé de
la nommer paratopie.20

D’une certaine façon, est potentiellement paratopique celui qui n’appartient pas totalement au
monde social dans lequel il vit. Dès lors, la paratopie apparaît comme une forme de marginalité.
Mais Maingueneau précise qu’on aurait tort de la réduire à une marginalité sociologique. La
paratopie, explique-t-il, est indissociable d’un processus de création :

Il n'y a pas de "situation" paratopique extérieur à un processus de création : donnée et élaborée,


structurante et structurée, elle est à la fois ce dont il faut se libérer par la création et ce que la création
approfondit, elle est à la fois ce qui donne la possibilité d'accéder à un lieu et ce qui interdit toute
appartenance. Intensément présent et intensément absent de ce monde, victime et agent de sa propre
paratopie, l’écrivain n’a pas d’autre issue que la fuite en avant, à travers le mouvement toujours incertain
d’élaboration de l’œuvre.21

Ainsi, l’énonciateur investit sa situation paratopique dans le texte. Cette dynamique qui
consiste à montrer dans l’œuvre « ce qui la rend possible [et qui] configure un monde réfléchissant
les conditions de ce processus même de configuration »22, Maingueneau le nomme « embrayage
paratopique ».

En exploitant son potentiel paratopique, tout écrivain est susceptible de faire émerger son
image d’auteur, bien identifiable dans le champ littéraire. En effet, la condition paratopique de
l’énonciateur lui permet de légitimer son discours : « […] il est des œuvres dont l'autolégitimation
passe par le retrait solitaire de leur créateur, il en est d'autres qui exigent sa participation à des
entreprises collectives. »23 Autrement dit, « par sa manière de "s'insérer" dans l'institution littéraire
et la société, l’écrivain construit les conditions de sa propre création »24. Or, comme cela a déjà été
souligné, la façon dont un écrivain intègre le champ littéraire – dont l’élaboration de l’œuvre
dépend –, peut être appréhendée à travers la notion de posture auctoriale.

II. 2. La posture auctoriale : une construction prise entre le texte et son contexte

La notion de posture auctoriale est indissociable de l’image d’auteur telle que Ruth Amossy
l’envisage dans ses travaux. Celle-ci présente un constat en citant Roland Barthes : « […] dans le
texte, d’une certaine façon, je désire l’auteur : j’ai besoin de sa figure comme il a besoin de la

20 Ibid. p. 67.
21 Ibid. p. 71.
22 Ibid. p. 73.
23 Ibid. p. 67.
24 Ibid.

12
mienne »25. De cette façon, elle présente la figure auctoriale comme une dimension inhérente à la
lecture. Elle montre que, spontanément, le lecteur cherche à percevoir celui qui lui adresse un texte
sans s’exhiber, celui qui ne se laisse reconnaître que par sa signature sur la première de couverture.
Ruth Amossy explique que c’est une manière de concrétiser le dialogue pour le lecteur qui associe à
cet être inconnu un visage, un caractère, ou encore une idéologie. Et elle ajoute que « [le lecteur]
construit ce faisant un personnage hypothétique avec lequel il lui plaît d’entrer en relation »26.

Il ne s’agit pas pour le lecteur d’élaborer lui-même une figure auctoriale dans son intégralité,
mais plutôt de l’aménager en fonction de ses connaissances. Car les diverses images de l’auteur,
comme le rappelle Ruth Amossy, passent nécessairement par la médiation d’un imaginaire d’époque
et se modèlent sur ce que José-Luis Diaz appelle des « scénarios auctoriaux »27, ce qui signifie que
l’image qu’un auteur reçoit ou donne de lui est indissociable des représentations stéréotypées de
l’écrivain dans un contexte déterminé. Employer le terme « construction » est donc judicieux en ce
sens qu’il s’agit de la réélaboration d’un modèle préconçu intégré par le lecteur qui l’actualise, le
renégocie au cours de sa lecture.

Ruth Amossy souligne que ces modèles ne sont pas simplement imposés de l’extérieur et que
les écrivains eux-mêmes participent à leur gestation, les font circuler et se les approprient. Elle
explique à ce propos :

[…] l’écrivain n’est pas indifférent à son "image d’auteur" et […] il désire, dans une certaine mesure au
moins, la contrôler. […] C’est que l’écrivain doit, bon gré mal gré, sciemment ou involontairement, se
situer dans le monde des Lettres – se positionner dans le champ littéraire – et que son image d’auteur
joue un rôle non négligeable dans la position qu’il occupe ou qu’il désire occuper. D’où la tentative de
reprendre possession de ce qui se dit de lui pour infléchir son image dans le sens désiré, selon le courant

dans lequel il se range ou la place qu’il aspire à tenir28.

Ainsi, l’image d’auteur n’est pas seulement liée à un imaginaire social : elle est aussi
indissociable d’une stratégie de positionnement dans le champ littéraire. Ruth Amossy précise que
« c’est lorsque l’image d’auteur est produite et assumée par l’écrivain dans une stratégie de
positionnement plus ou moins délibérée (elle n’a pas besoin d’être consciente et calculée), qu’elle
peut recevoir le nom de posture »29.

25 BARTHES, Roland. 1973. Le plaisir du texte. Paris : Seuil, p. 45-46, cité dans AMOSSY, Ruth. Op. cit. §°15.
26 AMOSSY, Ruth. Op. cit.
27 DIAZ, José-Luis. 2007. L’écrivain imaginaire. Scénographies auctoriales à l’époque romantique. Paris : Champion,
cité dans AMOSSY, Ruth. 2009. Op. cit. §° 10.
28 AMOSSY, Ruth. Op. cit. §° 9
29 Ibid.

13
Suite aux travaux d’Alain Viala, Jérôme Meizoz définit la posture comme « la manière
singulière d’occuper une "position" dans le champ littéraire »30. Ruth Amossy annonçait déjà que la
posture ne consiste pas seulement en une projection d’un imaginaire social ou en un personnage
hypothétique que pourrait se représenter le lecteur. Jérôme Meizoz se veut plus explicite encore
lorsqu’il précise qu’« une posture n’est pas seulement une construction auctoriale, ni une pure
émanation du texte, ni une simple inférence d’un lecteur. Elle relève d’un processus interactif : elle
est co-construite, à la fois dans le texte et hors de lui, par l’écrivain, les divers médiateurs qui la
donnent à lire (journalistes, critiques, biographes, etc.) et les publics. »31

C’est la raison pour laquelle Jérôme Meizoz établit une distinction qui confère un sens plus
englobant à cette notion de posture. Selon lui, celle-ci recouvre à la fois une « dimension rhétorique
(textuelle) et actionnelle (contextuelle) »32. Il explique :

Pour moi, cette notion a une double dimension, en prise sur l'histoire et le langage : simultanément elle se
donne comme une conduite et un discours. C'est d'une part la présentation de soi, les conduites publiques
en situation littéraire (prix, discours, banquets, entretiens en public, etc.) ; d'autre part, l'image de soi
donnée dans et par le discours, ce que la rhétorique nomme l'ethos. En parlant de "posture" d'auteur on
voit décrire relationnellement des effets de texte et des conduites sociales. Autrement dit, sur un plan
méthodologique, cette notion articule la rhétorique et la sociologie. En effet, elle ne considère pas
l'interne textuel sans son son pendant externe et vice-versa […].33

Autrement dit, une posture inclut deux dimensions : la première, non-discursive, correspond à
« l’ensemble des conduites non-verbales de présentation de soi »34 ; la seconde, discursive,
correspond à ce que Jérôme Meizoz appelle « ethos discursif ».

Selon Ruth Amossy, l’ethos est « l’image que le locuteur construit de lui-même dans son
discours, et non la représentation préalable que le public se fait de sa personne »35. Dominique
Maingueneau nuance cette affirmation. Selon lui, l’ethos ne se réduit pas à une représentation
préalable du locuteur, mais il explique qu’« il existe bien souvent chez les destinataires une
représentation "pré-discursive" du locuteur, c’est-à-dire antérieure à l’énonciation ; c’est
particulièrement évident […] pour les écrivains, par exemple, pour lesquels on dispose souvent,

30 MEIZOZ, Jérôme. 2007. Op. cit. p. 18.


31 ID. 2009. « Ce que l’on fait dire au silence : posture, ethos, image d’auteur ». In Argumentation et Analyse du
Discours [En ligne]. vol. 1. n° 3. §° 5. https://journals.openedition.org/aad/667 (consulté le 24 mai 2021)
32 Ibid. p. 17.
33 Ibid. pp. 21-22.
34 ID. 2004. L’œil sociologue et la littérature. Genève: Éditions Slatkine, p. 51.
35 AMOSSY, Ruth. « Éthos » dans Le dictionnaire du littéraire. dir. ARON, Paul et BEAUDET, Marie-Andrée. 2010. 3e
éd. Paris : Presses Universitaires de France. « Quadrige ». pp. 258-260.

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avant la lecture de tel ou tel de leurs textes, d’une image d’auteur » 36. C’est la raison pour laquelle
Dominique Maingueneau distingue l’« ethos discursif » de l’« ethos pré-discursif » ou « préalable ».

À cette première distinction s’ajoute celle qui oppose l’« ethos dit » et l’« ethos montré ».
Dominique Maingueneau envisage cette catégorisation à travers le couple conceptuel « locuteur-L »
vs « locuteur-λ » d’Oswald Ducrot37. Il explique que « le locuteur-L (le locuteur qui est en train
d’énoncer) est censé promouvoir les qualités du locuteur-λ (le locuteur en tant qu’être du monde,
hors de l’énonciation) »38. Et il ajoute que de cette façon « l’ethos se montre dans l’acte
d’énonciation, il ne se dit pas dans l’énoncé »39. C’est la raison pour laquelle il convient de parler
d’« ethos montré ». Néanmoins, il arrive parfois que l’énonciateur évoque sa propre énonciation.
Dans ce dernier cas de figure, il convient de parler alors d’« ethos dit ». Mais Dominique
Maingueneau rappelle que « si l’ethos montré fait partie intégrante de toute énonciation, l’ethos dit,
lui, n’est pas obligatoire »40.

36 MAINGUENEAU, Dominique. 2014. « Le recours à l’ethos dans l’analyse du discours littéraire ». In MEIZOZ, Jérôme,
MÜHLETHALER, Jean-Claude et BURGHGRAEVE, Delphine (dir.). Posture d'auteurs: du Moyen Âge à la modernité.
Université de Lausanne. [En ligne]. §° 6. http://www.fabula.org/colloques/document2424.php (article consulté le 26
novembre 2019).
37 DUCROT, Oswald. 1984. Le dire et le dit. Paris : Minuit, cité dans MAINGUENEAU, Dominique. 2014. Op. cit. §° 7.
38 MAINGUENEAU, Dominique. 2014. Op. cit.
39 Ibid.
40 Ibid.

15
III. De l'homme du monde à l'homme de lettres

Puisque l’objet de cette étude consiste à analyser les moyens par lesquels Marcel Proust
revalorise sa posture auctoriale, il conviendra, dans un premier temps, de présenter les diverses
raisons pour lesquelles celui-ci a envisagé de remanier son image d’auteur. Il s’agira de rendre
compte de l’ethos préalable (ou pré-discursif) de l’écrivain, soit sa réputation avant que celui-ci
n’ait publié son cycle romanesque. Aborder ensuite la dimension contextuelle (ou actionnelle)
permettra à la fois de corroborer ce qui aura été soulevé concernant la réputation de Marcel Proust
et de comprendre la manière dont celui-ci s’en détache. Enfin, il sera possible d’examiner la façon
dont l’écrivain investit cette stratégie dans la Recherche de sorte à comprendre l’élaboration de cette
posture auctoriale sur le plan textuel.

III.1. Proust, chroniqueur mondain

Dans le Contre Sainte-Beuve, Marcel Proust estime que la conversation détourne l’artiste de sa
vocation et de son moi véritable. Il dénonce le critique dont les écrits, selon lui, ne sont que des
conversations, en particulier les Causeries du Lundi. « L’écriture journalistique dont relève la
critique sainte-beuvienne n’est elle-même qu’une forme de conversation »41, ajoute Maingueneau.
L’écriture journalistique, qui apparaît comme une conversation superficielle avec la foule, corrompt
la critique et la littérature. Pourtant, alors même que Proust reproche à la l’écriture journalistique
d’accorder une place trop importante à l’opinion du public, l’écrivain destinait son article de 1908,
« Contre Sainte-Beuve », au Figaro, à la presse donc.

À ce propos, on sait que Proust aspirait à obtenir une rubrique quotidienne dans le Figaro.
Ainsi, il supplie Robert de Flers de lui trouver une place dans le périodique : « La température, ou
les chiens écrasés ou le courrier musical, ou le courrier des théâtres, ou le courrier de la Bourse, ou
le courrier mondain […] je serai ravi d'être titulaire et tu verrais que je suis capable de m'abstenir de
littérature, d'être bref et pratique. »42 L’écrivain parviendra finalement à ses fins. Et le Figaro est
loin d’être le seul périodique pour lequel Proust a écrit :

Essaimé entre le Mensuel, le Banquet, la Revue Blanche, le Figaro, le Gaulois et certains autres, les textes
de la jeunesse de Proust, pour la plupart, étaient ainsi destinés au journal et à la revue, petits essais,
littéraires et autres, lancés au cœur du continent périodique. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer un

41 MAINGUENEAU, Dominique. 2006. Op. cit. p. 13.


42 Corr. XIII. pp. 195-196. Cité dans CERQUEIRA DOS ANJOS, Yuri. 2018. Marcel Proust et la presse de la belle
époque. Paris : Éditions Champion. p. 81.

16
écrivain de la stature de Proust renoncer à une voix personnelle pour nourrir ce monstre toujours affamé
qu'est la presse.43

Proust s’applique à faire ce qu’il finira par reprocher à Sainte-Beuve. Il s’abaisse à rédiger des
chroniques sur la vie mondaine. Guillaume Pinson affirme que « la carrière du Proust-écrivain est
affectée par sa part "médiatique" »44. Et il ajoute : « Lorsque, en 1896, il rassemble certains de ses
textes dans Les plaisirs et les jours, le jeune auteur ne fait que confirmer la prééminence du modèle
journalistique […]. »45 Somme toute, « Proust s'inscrit dans la prolongation d'une observation
journalistique où s'entremêlent regard esthétique et chronique sociale »46.

Ce début en tant que chroniqueur de mondanités valut à Marcel Proust une réputation de
journaliste snob plutôt que d’écrivain. Cette réputation lui fit d’ailleurs obstacle lorsqu’il chercha à
faire éditer le premier tome de la Recherche. Considérant Proust comme un mondain amateur,
André Gide refusa de l’éditer à la N. R. F., ce qu’il regretta a posteriori :

Le refus de ce livre restera la plus grave erreur de la N.R.F., et (car j'ai cette honte d'en être beaucoup
responsable) l'un des regrets, des remords, les plus cuisants de ma vie. […] Pour moi, vous étiez resté
celui qui fréquente chez madame X ou Y, et celui qui écrit dans le figaro. Je vous croyais […] un snob, un
mondain amateur, - quelque chose d'on ne peut plus fâcheux pour notre revue.47

C’est pour ne pas avoir su se détacher de l’image qu’il s’en était faite qu’André Gide méjugea
Marcel Proust de cette façon. Il faut comprendre par là que l’ethos préalable de l’écrivain était alors
péjoratif au point de lui porter préjudice.

III.2. De la mondanité à la solitude : l’émergence du romancier

Avant d’examiner la dimension contextuelle (ou comportementale) de la posture auctoriale de


Marcel Proust, il convient de signaler un risque que ce type d’analyse comporte et de montrer la
manière de s’y soustraire. Denis Saint-Amand et David Vrydaghs expliquent que : « [se fonder]
partiellement sur la dimension comportementale de la mise en scène de soi d’un auteur [représente
le risque] de franchir la frontière qui sépare la recherche de la collection d’anecdotes ou de sombrer
dans la description psychologisante »48.

43 PINSON, Guillaume. 2005. « Marcel Proust journaliste. Réflexions sur les "Salons parisiens" du Figaro ». In Marcel
Proust Aujourd'hui. vol. 3. p. 125.
44 Ibid. p. 124.
45 Ibid.
46 Ibid. p. 126.
47 Corr. XIII. p. 53. Cité dans CERQUEIRA DOS ANJOS, Yuri. Op. cit. p. 80.
48 SAINT-AMAND, Denis et VRYDAGHS, David. 2011. « Retours sur la posture ». In ConTEXTE. [En ligne]. vol. 8. n°1.
§°11. https://doi.org/10.4000/contextes.4692 (consulté le 27 mai 2021).

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Pour que son travail ne se réduise pas à une simple collecte d’anecdotes ou à une somme
d’élucubrations, le chercheur peut espérer trouver des documents fiables qui permettent d’accréditer
ses hypothèses, qui attestent la volonté de l’écrivain de se présenter de telle ou telle façon en dehors
de ses textes. Nonobstant, « si, de nos jours, l’analyse de la dimension non-discursive de la posture
est facilitée par le développement des médias (interviews télévisées des écrivains, reportages,
photographies, etc.), la provenance de ces traces comportementales est fréquemment problématique
pour les siècles antérieurs »49.

De Marcel Proust, on a conservé deux entretiens. Les deux ont été réalisés en 1913 : le premier
par Élie-Joseph Bois pour Le Temps et le second par André Arnyvelde pour Le Miroir.50 Ces
témoignages sont essentiels en ce qu’ils rendent compte de la volonté de construire un nouvel ethos,
celui du « romancier ». C’est donc à la lumière de ces documents que sera analysée la dimension
comportementale de la posture auctoriale de Marcel Proust.

Au départ, Proust était vu comme un mondain, un snob. Il est vrai, à ce propos, que l’écrivain
était fasciné par le beau monde des salons où « comme à l'époque des Précieuses, certaines femmes
se [voulaient] les arbitres des élégances du temps et [tenaient] un salon avec le désir d'attirer toute
une société choisie] »51. C’est vers 1888 que Proust intègre la grande bourgeoisie. Dans son
documentaire, Sarah Mondhale explique :

Il a décidé de s’introduire dans les cercles les plus fermés de la société : les salons des aristocrates
parisiens très influents. Là, il flatte bassement les ducs et duchesses, manœuvre pour obtenir des
invitations, et charme ses hôtesses par des poèmes et des compliments. […] Son ascension sociale est
légendaire. À l’époque, on dit de quelqu’un qui cherche à gagner des faveurs par des compliments
extravagants qu’il proustifie.52

Ainsi, Marcel Proust fréquente les salons de Geneviève Halévy, de Madeleine Lemaire ou
encore celui de Mme Arman de Caillavet, l'égérie d'Anatole France, qu’il admire53. Cette vie
mondaine contraste avec celle que Proust mène à partir des années 1910, quand il décide
d’emménager au 102, boulevard Haussmann. Dans son appartement, Proust s’isole du monde au
point de faire tapisser les murs de panneaux de liège pour se préserver du bruit. Atteint d’une
maladie respiratoire, l’écrivain reste dans son lit en position semi-allongée pour écrire son cycle
romanesque.54 Michel Erman résume la situation de la manière suivante : « En quelque mois, une

49 Ibid.
50 CERQUEIRA DOS ANJOS, Yuri. Op. cit. p. 145.
51 ERMAN, Michel. 2015. Le Paris de Proust. Éditions Alexandrines. « Le Paris des écrivains ». p. 31.
52 MONDHALE, Sarah (réal.). 1992. Marcel Proust – une vie d’écrivain.
53 ERMAN, Michel. Op. cit. pp. 31-34.
54 Ibid. pp. 66-67.

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œuvre au long cours est ébauchée par un Proust reclus dans sa chambre aux volets et aux rideaux
toujours clos car elle donne sur le boulevard, son vacarme et ses arbres. »55

L’attitude de Proust face au monde qui l’environne livre de précieuses indications quant à la
dimension non-verbale de sa posture : il apparaît comme un génie reclus dans sa tour d’ivoire.
Pourtant, Proust n’a pas cesser de fréquenter les milieux mondains. D’après Michel Erman, c’est
« grâce sans doute à un traitement d'acide phosphorique qui le remet d'aplomb, [qu’] il retrouve une
vie sociale comme au temps de sa jeunesse et sort plusieurs soirs par semaine »56. Proust organise
même des dîners au Ritz et des concerts privés de musique de chambre, le tout à ses frais.57

Alors, pourquoi considère-t-on que le Proust mondain a disparu pour laisser place au Proust
romancier si les deux continuaient de coexister ? Sans doute parce que l’auteur de la Recherche a
lui-même veillé à ce que ce scénario auctorial soit véhiculé et dissipe sa réputation de chroniqueur
mondain. Les deux entretiens susmentionnés, parus en novembre 1913 – comme le premier tome de
la Recherche –, cautionnent cette conjecture.

Concernant le premier entretiens, Yuri Cerqueira Dos Anjos précise « [qu’] il est très probable
que cette entrevue ne fut pas une pure transcription d’un échange verbal entre intervieweur et
interviewé, mais un texte créé, une rencontre fictive. [Néanmoins] comme l’explique Nathalie
Mauriac Dyer, […] l’entretien se fonde sur des sources écrites par Proust […]. »58 Ce que l’on peut
lire dans cet entretien est donc vraisemblablement ce que Proust voulait qu’on y lise : « [Proust
tenait] à rédiger des notes et à les transmettre au journaliste afin de mieux contrôler l’interaction et
l’article qui en [a résulté]. »59 Cela témoigne du fait que Marcel Proust n’était pas insensible à son
image d’auteur et qu’il désirait en contrôler la fabrication.

Pour gommer son passé médiatique et diffuser son image de romancier, Proust semble passer
sous silence ses débuts en tant que chroniqueur. Dans le premier entretien, l’écrivain n’est présenté
que comme traducteur et commentateur de Ruskin et comme auteur des Plaisirs et des jours,
préfacés par Anatole France.60 Cerqueira Dos Anjos en vient à dire que « la presse devient une
donnée accessoire et [que] l’image de l’isolement prend totalement le dessus […]. De ce corps
malade, enfermé, l’image est éloignée de celles de l’homme attentif et connaisseur de la presse et

55 Ibid. p. 69.
56 Ibid. p. 85.
57 Ibid. p. 86.
58 CERQUEIRA DOS ANJOS, Yuri. Op. cit. pp. 146-147.
59 Ibid. p. 147.
60 Ibid. p. 145.

19
des nouveautés qu’on remarque dans quelques autres de ses écrits »61. Les conclusions de
Cerqueira Dos Anjos se voient confirmées par l’article du Temps dans lequel on peut lire :

Dans la chambre aux volets presque toujours clos, M. Marcel Proust est couché. La lumière électrique
accentue le mal du visage, mais deux yeux admirables de vie et de fièvre lancent des lueurs sous le front
couvert par la chevelure. M. Marcel Proust est encore l’esclave de la maladie, mais il n’y paraît plus
quand l’écrivain, prié de s’expliquer sur son œuvre, s’anime et parle.62

Dans le second article, paru dans Le Miroir, Proust fait également l’éloge de la solitude du
romancier et de l’individualité de l’activité artistique. Il explique à propos de son isolement :
« Cette réclusion, je la crois profondément profitable à mon œuvre. L’ombre, le silence et la
solitude, en abattant sur moi leurs chapes épaisses, m’ont obligé à recréer en moi toutes les lumières
et les musiques et les frémissements de la nature et du monde. »63

De l’écriture journalistique, résultant de la conversation mondaine, Proust passe à la littérature,


fruit d’un travail laborieux que l’on réalise soi-même pour soi-même. L’écrivain incarne alors la
figure du créateur individuel, unique. À cette image médiatique qui s’est répandue à travers les
nombreux articles de presse se substitue progressivement l’image médiatisée de l’écrivain pur grâce
au développement postérieur de la carrière de l’écrivain et à ses efforts dans ce sens.64

Pour clore ce point relatif à la dimension comportementale de la posture auctoriale de Proust,


voici un constat de Dominique Maingueneau concernant la théorie des deux moi, qu’il met en
regard avec la vie de l’auteur :

La thèse emblématique du Contre Sainte-Beuve, la séparation entre les deux moi, peut invoquer à son
appui un exemple remarquable, celui de Proust lui-même. D'un côté le moi futile du snob, de l'habitué du
Ritz, de l'homme qui écrit quelques articles dans le Figaro et fréquente des cercles choisis ; de l'autre, le
créateur enfermé dans une chambre sans communication avec l'extérieur, qui laisse, à coup d'excitant et
de narcotique la création dicter ses horaires, qui prétend se soustraire aux bavardages et aux transactions
mondaines. Contre Sainte-Beuve, théorise ce qui sera la manière proustienne de vivre la littérature, de
gérer une activité créatrice qui se pose comme rejet des vaines conversations du monde. L'écrivain
véritable, celui dont Proust trace le programme de vie, celui dont la vie doit illustrer la thèse des deux
moi, l'un trivial et l'autre divin, c'est au premier chef, lui-même. En revanche, Sainte-Beuve incarne la
figure abhorrée du mixte, de celui qui n'a pas su ou pu provoquer la séparation salvatrice entre les deux
moi. À la fois écrivain et mondain, écrivain et journaliste, critique et journaliste, il est la figure menaçante
à laquelle doit s'arracher l'auteur de Contre Sainte-Beuve.65

61 Ibid. p. 146.
62 Le temps. 13 nov. 1913. Cité dans CERQUEIRA DOS ANJOS, Yuri. Op. cit. p. 146.
63 Le Miroir. 21 déc. 1913. Cité dans CERQUEIRA DOS ANJOS, Yuri. Op. cit. p. 148.
64 Cité dans CERQUEIRA DOS ANJOS, Yuri. Op. cit.
65 MAINGUENEAU, Dominique. 2006. Op. cit. pp. 18-19.

20
III.3. Le parcours de Marcel : de la quête au rejet de la mondanité

Les conclusions de Dominique Maingueneau montre à quel point Proust exploite les conditions
de son énonciation pour les théoriser dans le Contre Sainte-Beuve. Un embrayage paratopique se
réalise donc en ce que le monde d’où Proust théorise est investi dans le monde qu’il théorise. Mais
qu’en est-il de la Recherche ? Proust exploite-t-il de la même manière son potentiel paratopique
dans son cycle romanesque ? Autrement dit, le monde raconté interfère-t-il avec le monde d’où
Proust raconte ? C’est en examinant la dimension discursive de la posture auctoriale de Proust dans
son roman et en la comparant avec sa dimension non-verbale qu’il sera possible de répondre à ces
questions.

Avant de décrire l’ethos discursif de Proust dans la Recherche, il convient de préciser les
conditions qui rendent possible une telle analyse. David Vrydaghs et Denis Saint-Amand expliquent
que les matériaux les plus directement profitables à l’analyse de la dimension discursive d’une
posture sont les textes autobiographiques et les prises de paroles (écrites ou orales) dans lesquelles
l’auteur fait part de ses réflexions en son nom propre, et ils estiment qu’il vaut mieux restreindre le
champ d’application du concept de posture à ces seules productions.66

Dès lors, faut-il ignorer les œuvres de fiction ? Les deux chercheurs affirment que non, car il
existe deux cas de figure où ces textes peuvent être sollicités :

D’abord lorsque l’auteur, dans une intervention qu’il fait en son nom propre, pose un jugement sur ses
œuvres de fiction (comme le célèbre « Madame Bovary, c’est moi » de Flaubert). Dans ce cas toutefois, ce
n’est pas Madame Bovary qui comporte des traits posturaux, mais l’exclamation de Flaubert. Second cas
de figure : certains personnages romanesques sont construits de manière à être des doubles de l’auteur,
partageant le même prénom, certains pans de sa trajectoire, une idéologie comparable, [etc.]. Une étude de
posture devra tenir compte de ces œuvres, dans le sens où elles brouillent la distinction entre l’auteur et
son personnage.67

La Recherche correspond à ce deuxième cas de figure. En effet, le narrateur s’appelle Marcel,


comme Proust68, ce qui tend à les présenter comme des alter ego. De surcroît, l’auteur et le narrateur
partagent une même idéologie et suivent une trajectoire plus ou moins similaire. Le narrateur est
donc susceptible de recevoir certains traits posturaux de l’auteur. C’est ce que la suite de cette
analyse tentera de démontrer et de nuancer.

66 SAINT-AMAND, Denis et VRYDAGHS, David. Op. cit. §°12.


67 Ibid.
68 Afin d’éviter toute confusion, nous appellerons systématiquement l’auteur Proust et le narrateur Marcel.

21
À l’instar de Proust, le narrateur souhaite intégrer les salons mondains et admire l’aristocratie.
Dans le premier tome, Marcel pose une question à Legrandin à propos des Guermantes et décrit
l’état d’esprit dans lequel il se trouve à ce moment-là :

[…] Legrandin était lié avec plusieurs personnalités aristocratiques des environs, […], prenant mon
courage, je lui dis : "Est-ce que vous connaissez, Monsieur, la... les châtelaines de Guermantes ?",
heureux aussi en prononçant ce nom de prendre sur lui une sorte de pouvoir, par le seul fait de le tirer de
mon rêve et de lui donner une existence objective et sonore.69

La réaction de Marcel montre à quel point il est fasciné par le beau monde, par les aristocrates
qu’il considère comme les stars de son temps. Le narrateur dit aussi à leur sujet qu’« ils étaient, en
une matière précieuse, les colonnes qui soutenaient le temple […], ils étaient comme les Statues
d’or des apôtres de la Sainte-Chapelle, piliers symboliques et consécrateurs, devant la Sainte
Table. »70 Dans cette dernière description, son admiration frôle l’idolâtrie.

Marcel désire entrer dans ces salons, mais est conscient de leur caractère très fermé. Quand
Mme de Guermantes l’invite à dîner, c’est pour lui une consécration inespérée :

Deux minutes auparavant j’eusse été stupéfait si on m’avait dit que Mme de Guermantes allait me
demander d’aller la voir, encore plus de venir dîner. J’avais beau savoir que le salon Guermantes ne
pouvait pas présenter les particularités que j’avais extraites de ce nom, le fait qu’il m’avait été interdit d’y
pénétrer, en m’obligeant à lui donner le même genre d’existence qu’aux salons dont nous avons lu la
description dans un roman ou vu l’image dans un rêve, me le faisait, même quand j’étais certain qu’il était
pareil à tous les autres, imaginer tout différent ; entre moi et lui il y avait la barrière où finit le réel. Dîner
chez les Guermantes, c’était comme entreprendre un voyage longtemps désiré, faire passer un désir de ma
tête devant mes yeux et lier connaissance avec un songe.71

Ce passage raconte l’enjouement du jeune Marcel à l’idée de se hisser dans les cercles fermés
de l’aristocratie. Comme pour l’auteur, l’ascension sociale du narrateur est un facteur
d’épanouissement. De la même manière que Proust fréquentait les salons de Geneviève Halévy, de
Madeleine Lemaire ou de Mme Arman de Caillavet, le narrateur côtoie ceux de Mme de
Guermantes, de Mme Verdurin, de Mme de Sainte-Euverte ou encore de Mme de Villeparisis.

En dehors de sa préoccupation d’intégrer les salons, Marcel ambitionne également de devenir


écrivain. Comme Proust, le narrateur, fait ses débuts dans la presse. Il tente de faire publier l’un de
ses articles dans le Figaro. Mais sa première tentative est un échec : « J’avais rejeté à mes pieds le
Figaro que tous les jours je faisais acheter consciencieusement depuis que j’y avais envoyé un

69 PROUST, Marcel. 1954. À la recherche du temps perdu. Tome I. CLARAC, Pierre et FERRÉ, André (éd.). Paris :
Gallimard. « N. R. F. ». p. 127.
70 Ibid. Tome II. pp. 28-31.
71 Ibid. p. 375.

22
article qui n’y avait pas paru […]. »72 À plusieurs reprises, le narrateur espère trouver son article
dans le Figaro, mais sans résultats : « J’ouvrais le Figaro. J’y cherchais et constatais que ne s’y
trouvait pas un article, ou prétendu tel, que j’avais envoyé à ce journal […]. »73 Marcel désespère de
ne pas voir son article apparaître dans le Figaro : « Françoise m’apporta le Figaro. Un seul coup
d’œil me permit de me rendre compte que mon article n’avait toujours pas passé. »74 Quand enfin
son article est publié, Marcel n’en revient pas tant il n’y croyait plus :

J’ouvris le Figaro. Quel ennui ! Justement le premier article avait le même titre que celui que j’avais
envoyé et qui n’avait pas paru, mais pas seulement le même titre, voici quelques mots absolument pareils.
Cela, c’était trop fort. J’enverrais une protestation. Mais ce n’étaient pas que quelques mots, c’était tout,
c’était ma signature… C’était mon article qui avait enfin paru !75

De la même manière que Proust insistait auprès de Robert de Flers, Marcel souhaite ardemment
être publié dans le Figaro. On connaît l’opinion de Proust à propos de la presse. Cet avis semble
partagé par Charles Swann qui s’exprime à propos des quotidiens :

Ce que je reproche aux journaux, c’est de nous faire faire attention tous les jours à des choses
insignifiantes, tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie les livres où il y a des choses
essentielles. Du moment que nous déchirons fiévreusement chaque matin la bande du journal, alors on
devrait changer les choses et mettre dans le journal, moi je ne sais pas, les… Pensées de Pascal ! 76

Ne croirait-on pas ces mots sortis de la bouche de Proust lui-même, lui qui considérait la presse
comme une conversation superficielle sur les circonstances de la vie mondaine ? Ces articles n’ont
rien à voir avec la littérature, la vraie, pourrait-on dire. C’est à cette littérature-là qu’aspire le jeune
Marcel. Seulement, il ne parvient pas à écrire. Il finit même par se décourager et renonce à
l’écriture :

Il me semblait alors que j’existais de la même façon que les autres hommes, que je vieillirais, que je
mourrais comme eux, et que parmi eux j’étais seulement du nombre de ceux qui n’ont pas de dispositions
pour écrire. Aussi, découragé, je renonçais à jamais à la littérature, malgré les encouragements que
m’avait donnés Bloch. Ce sentiment intime, immédiat, que j’avais du néant de ma pensée, prévalait contre
toutes les paroles flatteuses qu’on pouvait me prodiguer [...].77

Si le narrateur ne parvient pas à réaliser son vœu de devenir écrivain, c’est parce qu’il n’a
pas encore trouvé la matière de son livre. Il ne la découvrira d’ailleurs que lorsqu’il prendra le
temps de chercher les vérités profondes de son âme, c’est-à-dire lorsqu’il partira à la rencontre

72 Ibid. Tome I. p. 347.


73 Ibid. Tome II. p. 12.
74 Ibid. p. 119.
75 Ibid. pp. 567-568.
76 Ibid. Tome I. p. 26.
77 Ibid. pp. 260-261.

23
de ce « moi qui [attend] pendant que [Marcel est] avec les autres »78. Dès lors, les autres et le
moi superficiel qui connaît les autres constituent une menace : l’amour, l’amitié, les liens
sociaux, en l’empêchant d’être seul avec lui-même, compromettent l’objectif du narrateur, le
détournent de sa vocation d’écrivain.79 Cette perception de l’amour apparaît très nettement
dans l’extrait suivant :

Profitant de ce que j’étais encore seul, et fermant à demi les rideaux pour que le soleil ne m’empêchât pas
de lire les notes, je m’assis au piano et ouvris au hasard la Sonate de Vinteuil qui y était posée, et je me
mis à jouer ; parce que l’arrivée d’Albertine était encore un peu éloignée, mais en revanche tout à fait
certaine, j’avais à la fois du temps et de la tranquillité d’esprit. Baigné dans l’attente pleine de sécurité de
son retour avec Françoise et la confiance en sa docilité comme dans la béatitude d’une lumière intérieure
aussi réchauffante que celle du dehors, je pouvais disposer de ma pensée, la détacher un moment
d’Albertine, l’appliquer à la Sonate.80

Dans ce passage, Marcel présente Albertine comme une source de distraction d’une certaine
manière. Il profite d’être seul pour se consacrer à la musique. Ce n’est qu’à partir de ce moment-là
qu’il dispose pleinement de sa pensée. Il peut jouir d’être seul avec lui-même. Ainsi, l’amour
constitue une tentation à laquelle le narrateur ne peut se permettre de succomber, ce dont il se rend
compte plus tard :

Était-ce cela, ce bonheur proposé par la petite phrase de la sonate à Swann qui s’était trompé en
l’assimilant au plaisir de l’amour et n’avait pas su le trouver dans la création artistique, ce bonheur que
m’avait fait pressentir comme plus supra-terrestre encore que n’avait fait la petite phrase de la sonate,
l’appel rouge et mystérieux de ce septuor que Swann n’avait pu connaître, étant mort comme tant d’autres
avant que la vérité faite pour eux eût été révélée ? D’ailleurs, elle n’eût pu lui servir, car cette phrase
pouvait bien symboliser un appel, mais non créer des forces et faire de Swann l’écrivain qu’il n’était
pas.81

Le narrateur explique que si Charles Swann est mort avant de devenir l’écrivain qu’il rêvait
d’être, c’est parce qu’il s’est détourné de la création artistique pour s’adonner aux plaisirs de
l’amour.

Marcel n’a pas plus de considération pour l’amitié. Il estime que « l’artiste qui renonce à une
heure de travail pour une heure de causerie avec un ami sait qu’il sacrifie une réalité pour quelque
chose qui n’existe pas »82. La conversation avec des intimes détournent le sujet de la solitude et de

78 PROUST, Marcel. 1971. Op. cit. p. 224.


79 NARÉI, Fatémé et JOOZDANI, Zohreh. 2010. « Moi superficiel et moi profond chez Proust ». In Revue des Études de
la Langue Française. vol. 1. n° 2. p. 62.
80 PROUST, Marcel. 1954. Op. cit. Tome III. p. 158.
81 Ibid. pp. 877-878.
82 Ibid. p. 875.

24
l’art, qui sont les conditions nécessaires pour que se révèle à lui son « moi profond ». L’amitié,
d’après le narrateur, est une abdication de soi. Il explique à ce propos :

La conversation même qui est le mode d’expression de l’amitié est une divagation superficielle, qui ne
nous donne rien à acquérir. Nous pouvons causer pendant toute une vie sans rien dire que répéter
indéfiniment le vide d’une minute, tandis que la marche de la pensée dans le travail solitaire de la création
artistique se fait dans le sens de la profondeur, la seule direction qui ne nous soit pas fermée, où nous
puissions progresser, avec plus de peine il est vrai, pour un résultat de vérité.83

Marcel considère l’amitié comme une perte de temps. La conversation entre amis sollicite
l’esprit de l’écrivain qui ne peut dès lors plus se consacrer à la création artistique. Ce que Marcel
pense de l’amitié, il l’éprouve dans Du côté de chez Guermantes :

J’éprouvais à les percevoir [les souvenirs des soirées passées à Doncières, à Rivebelle et à Combray] un
enthousiasme qui aurait pu être fécond si j’étais resté seul, et m’aurait évité ainsi le détour de bien des
années inutiles par lesquelles j’allais encore passer avant que se déclarât la vocation invisible dont cet
ouvrage est l'histoire. […] Mais Robert, ayant fini de donner ses explications au cocher, me rejoignit dans
la voiture. Les idées qui m’étaient apparues s’enfuirent. Ce sont des déesses qui daignent quelquefois se
rendre visibles à un mortel solitaire, au détour d’un chemin, même dans sa chambre pendant qu’il dort,
alors que debout dans le cadre de la porte elles lui apportent leur annonciation. Mais dès qu’on est deux,
elles disparaissent, les hommes en société ne les aperçoivent jamais.84

Seul avec ses pensées, le narrateur sent germer en lui le sentiment profond qui pourrait lui
apporter l’inspiration nécessaire pour accomplir sa vocation. Mais dès que son ami Robert le rejoint,
celles-ci se dissipent et la matière de son roman lui échappe encore. L’amitié écarte constamment le
narrateur de son objectif. Pour écrire le projet de sa vie, celui-ci se résout finalement à l’isolement :

Certes, j’avais l’intention de recommencer dès demain, bien qu’avec un but cette fois, à vivre dans la
solitude. Même chez moi, je ne laisserais pas de gens venir me voir dans mes instants de travail, car le
devoir de faire mon œuvre primait celui d’être poli ou même bon. Ils insisteraient sans doute, eux qui ne
m’avaient pas vu depuis si longtemps, […] mais j’aurais le courage de répondre à ceux qui viendraient
me voir ou me feraient chercher, que j’avais, pour des choses essentielles au courant desquelles il fallait
que je fusse mis sans retard, un rendez-vous urgent, capital, avec moi-même. Et pourtant, bien qu’il y ait
peu de rapport entre notre moi véritable et l’autre, à cause de l’homonymat et du corps commun aux deux,
l’abnégation qui vous fait faire le sacrifice des devoirs plus faciles, même des plaisirs, paraît aux autres de
l’égoïsme. […] Et bien loin de me croire malheureux de cette vie sans amis, sans causerie, comme il est
arrivé aux plus grands de le croire, je me rendais compte que les forces d’exaltation qui se dépensent dans
l’amitié sont une sorte de porte-à-faux visant une amitié particulière qui ne mène à rien et se détournant
d’une vérité vers laquelle elles étaient capables de nous conduire.85

83 Ibid. Tome I. p. 907.


84 Ibid. Tome II. pp. 397-398.
85 Ibid. Tome III. pp. 986-987.

25
Finalement, il y a bien lieu de considérer le narrateur comme un double de l’auteur. Leur
idéologie concernant l’amour, l’amitié et la mondanité se rejoignent : ces relations superficielles
font perdre son temps à l’écrivain dont le « moi profond » ne parvient pas se révéler. Proust et
Marcel suivent également une trajectoire similaire : les deux écrivent d’abord pour la presse et
connaissent une ascension sociale importante en intégrant les salons aristocratiques ; puis, après
avoir perdu leur temps à poursuivre de telles futilités, ils décident de s’exclure de la société
mondaine et de se consacrer entièrement à la littérature. En outre, Marcel est lui aussi atteint d’une
maladie, ce qui tend à renforcer le rapprochement entre l’auteur et le narrateur.

Il convient d’apporter quelques nuances concernant la trajectoire du narrateur. Dans la


chronologie des événements, la réclusion de Marcel n’est véritablement affectée que dans le Temps
retrouvé, soit le dernier volume de la Recherche. Ainsi, il existe bien une évolution entre le début et
la fin du cycle romanesque. Néanmoins, cette progression n’est pas constante. De la même manière
que cela avait été souligné à propos de Proust – qui, malgré sa décision de s’isoler dans sa chambre,
sortait encore, organisait des dîners et des concerts –, Marcel n’applique pas ses principes de façon
catégorique et permanente. Le narrateur affirme même que « des intervalles de repos et de société
[lui seront] nécessaires »86 par moments. Ainsi, le narrateur ne cesse pas de fréquenter totalement les
salons, de voir ses amis ou à désirer des jeunes filles en fleur.

Que l’on parle de l’auteur ou du narrateur, ces libertés ne doivent pas être perçues comme une
remise en cause du passage de l’image d’un Proust mondain à celle du romancier reclus dans sa tour
d’ivoire. Il s’agit simplement de constater que, même si l’auteur et le narrateur sont présentés
comme des écrivains solitaires, il n’empêche que l’attitude qui leur valut la réputation de mondain
ne disparaît pas complètement, elle n’est qu’atténuée. En retournant la pièce du côté face, Proust
occulte le côté pile, mais ce dernier ne cesse pas d’exister pour autant. Par ailleurs, ces moments où
l’auteur et son double fictif sortent de leur condition d’artiste permet de cautionner la théorie
proustienne qui consiste à séparer le « moi social » du « moi créateur ».

86 Ibid. p. 987.

26
Conclusion

Au terme de cette analyse, il semble possible d’apporter quelques éléments de réponses à la


question formulée en introduction : dans quelle mesure, sur les plans textuels et contextuels, la
distinction que Proust établit entre le « moi social » et le « moi profond » permet-t-elle à l’auteur de
revaloriser sa posture auctoriale et de le légitimer au sein du champ littéraire ?

Cette question de recherche part du principe qu’il existe une corrélation entre l’un des principes
esthétiques de l’œuvre proustienne, qui conditionne son mode d’élaboration, et la manière qu’a son
auteur de s’insérer dans le champ littéraire. L’hypothèse posée en introduction consistait à supposer
qu’en distinguant son « moi social » de son « moi profond » (ou « créateur »), Marcel Proust
cherchait à revaloriser son image d’auteur, en se présentant comme un génie créateur, et à légitimer
son œuvre, à laquelle on ne saurait reprocher les travers de l’écrivain en tant qu’homme du monde.

Avant même de vérifier cette hypothèse, il a fallu dans un premier temps, revenir sur la théorie
proustienne des deux moi et sur le postulat des analystes du discours, qui justifie la méthodologie
adoptée pour cette étude. Il a été démontré que l’esthétique proustienne se caractérisait par un
antibiographisme catégorique visant à séparer l’homme de son œuvre. Cette position conteste la
méthode de Sainte-Beuve dont l’objectif consistait à expliquer le sens de l’œuvre par la vie de
l’auteur. Quant aux analystes du discours, ils considèrent que « la thèse proustienne ignore cette part
de l'auteur qui agit dans le champ littéraire, responsable d'œuvres qui y sont produites, mises en
circulation, évaluées… L'institution ne se laisse pas prendre dans la distinction fruste et statique
entre un "écrivain", être en chair et en os doué d'un État civil, et un "énonciateur", actant d'une
scène d'énonciation […] »87.

Ainsi, sans revenir au biographisme sainte-beuvien pour autant, Dominique Mingueneau


souligne l’importance de ne pas négliger les médiations qu’il existe entre l’énonciateur, le discours
qu’il tient et son contexte d’énonciation :

On ne peut dissocier les opérations énonciatives par lesquelles s'institue le discours et le mode
d'organisation institutionnel que tout à la fois il présuppose et structure. Son énonciation ne fait qu'un
avec la légitimation de sa propre autorité et avec la validation de l'univers qu'il déploie. Dans la scène
d'énonciation qui se construit, la légitimation du dispositif institutionnel, les contenus déployés et la
relation interlocutive s'enchevêtrent et s'étayent.88

87 MAINGUENEAU, Dominique. 2006. Op. cit. p. 80.


88 Ibid.

27
C’est la raison pour laquelle Dominique Maingueneau a développé le concept de paratopie, qui
correspond à la manière par laquelle un auteur s’intègre à la fois dans le champ littéraire et dans la
sphère sociale et à sa façon d’investir sa propre situation paratopique dans l’œuvre littéraire.
Somme toute, il s’agit de « [configurer] un monde réfléchissant les conditions de ce processus
même de configuration »89.

Il a également été souligné que c’est en exploitant son potentiel paratopique que tout écrivain
est susceptible de faire émerger une posture auctoriale puisque celle-ci correspond à « la manière
singulière d’occuper une "position" dans le champ littéraire »90. Ainsi, il a d’abord fallu décrire les
conditions de l’énonciation pour caractériser la dimension comportementale (ou contextuelle) de la
posture auctoriale de Proust ; puis, examiner sa manière d’investir ces conditions dans la Recherche
afin de caractériser son ethos discursif, soit la dimension textuelle de sa posture d’auteur.

Sur le plan contextuel, les observations faites à propos de l’ethos préalable de Proust et de son
mode de vie ont révélé une importante évolution relative à son image d’auteur. Au départ, Proust
s’ingénie à intégrer les salons très fermés des aristocrates et rédige des articles pour la presse
mondaine. Ces débuts lui ont valu la réputation préjudiciable de snob, de mondain amateur.
Conscient de cette fâcheuse réputation, Proust s’est ensuite présenté comme un écrivain retiré des
affaires du monde. Sa maladie le contraignant à rester dans son lit, il écrit seul, reclus de la société.
Ces conditions lui permettent de gommer sa réputation de chroniqueur mondain et de se présenter
dorénavant comme un romancier, un artiste créateur. Cette supposition, qui consiste à reconnaître à
l’auteur la volonté d’infléchir son image, n’a rien d’hasardeux, puisque les deux entretiens que l’on
a conservés de Proust vont dans ce sens.

Sur le plan textuel, il s’est agi de démontrer que l’embrayage paratopique effectif dans le
Contre Sainte-Beuve, un ouvrage davantage théorique, l’était aussi dans la Recherche, soit une
œuvre de fiction. En effet, les conditions de l’énonciation se voient investies dans le cycle
romanesque au point que le narrateur apparaisse comme un double fictif de l’auteur. Ainsi, la
description de leurs similitudes, de leur idéologie et de leur trajectoire a permis de caractériser la
dimension discursive de la posture auctoriale de Proust.

Outre l’homonymat et la maladie, qui tendent à les rapprocher, le narrateur et l’auteur partagent
une idéologie similaire à propos de l’amour, de l’amitié et de la mondanité, autant de futilités qui
retardent le travail de l’artiste et empêchent le « moi créateur » de se révéler. Jean-Yves Tadié la
résume comme suit :

89 Ibid. p. 73.
90 MEIZOZ, Jérôme. 2007. Op. cit. p. 18.

28
La conversation empêche la vie spirituelle ou, au mieux, la dilapide [...]. La création seule exprime la vie
spirituelle : elle ne vient pas de notre moi superficiel et social, mais de notre moi profond. Il faut faire
silence pour l’entendre et l’écouter, dans la solitude à laquelle l’amitié [l’amour et la mondanité] nous
donne l’illusion d’échapper alors qu’[ils] nous [rendent] incapables de nous réaliser.91

Cette idéologie détermine la trajectoire du narrateur, qui, à peu de choses près, suit celle de
l’auteur. Marcel débute dans la presse et parvient à se faire publier dans le Figaro, comme Proust. Il
arrive également à intégrer les salons mondains et connaît une ascension sociale importante. Mais
lorsqu’il comprend que la conversation de la vie mondaine l’empêche de progresser, de se réaliser
en tant qu’écrivain, le narrateur décide de s’exclure de la société. À l’instar de Proust, Marcel finit
par s’isoler du monde pour accomplir sa vocation d’écrivain.

Proust exploite donc son potentiel paratopique, car il investit ce qui le singularise et l’exclut de
la société et du monde des Lettres – sans l’en extraire complètement – dans la Recherche, à travers
le narrateur. De cette manière, il parvient à se présenter à travers et en dehors du texte comme un
écrivain solitaire, un génie en marge. À propos de la condition marginale de l’écrivain, Paul Aron et
Pierre Popovic écrivent : « [L’] image d’eux-mêmes que livrent les écrivains est particulièrement
sensible à la marginalité. [Car] l’une des caractéristiques de l’idéologie moderne de la littérature est
de sublimer le déclassement (social et/ou culturel) de quelques créateurs […] et de projeter l’aura
issue de cette sublimation sur l’ensemble du groupe professionnel des écrivains. »92

En distinguant le « moi social » du « moi créateur », Proust entend préserver l’image du


romancier qu’il est devenu de sa réputation de mondain. Ainsi, à travers cette distinction, il parvient
à convertir son image d’auteur qu’il revalorise de sorte à légitimer son statut d’écrivain. Il s’agit
donc bien d’une stratégie de positionnement au sein du champ littéraire en ce que cette image
d’auteur que Proust a lui-même élaborée devait le faire entrer dans la légende de la littérature.

91 TADIÉ, Jean-Yves. (dir.). 2010. Proust et ses amis. Paris : Gallimard. « Les Cahiers de la NRF ». p. 291.
92 POPOVIC, Pierre et ARON, Paul. « Marginalité » dans Le dictionnaire du littéraire. Op. cit. p. 458.

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Bibliographie

Bibliographie primaire

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