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Préface

Astrem, les terres du cataclysme


Les races du monde connu vivent encore dans la peur des conséquences de la guerre
Psittakéanne qui est pourtant terminée depuis longtemps. Les traces dévastatrices de leurs
attaques chimiques et de leur magie ont scarifié le monde connu et perturbé l’équilibre naturel
et magique d’Astrem. La déroute des Ogres, La scission à l’origine de la création des Didepans et
des Tolgoïs, la destruction de la Nouvelle Tjenie et la création de la faille nécromante, les
tempêtes chaotiques au nord des Terres Vrakhannes et surtout, la création du virus de
l’Effacement.

Les Psittakéas ont depuis longtemps abandonné les efforts de guerre pour des motifs inconnus,
ils allaient pourtant gagner la guerre sur le long terme. Des accords ont été signés, des
conditions émises, et maintenant les races du monde vivent dans un état de paix fragile, de
petits conflits éclatant encore ici et là. Les différentes Cité-États vivent relativement isolées les
unes des autres; seuls quelques aventuriers, guildes, marchands et diplomates (pour la plupart
Fubunnais…) osent braver les zones sauvages séparant les civilisations d’Astrem.

Bordée du continent des Géants au sud, des tempêtes de sable et les automates corrompus à
l’est, un océan infini et peuplé de créatures marines colossales au nord et des fjords explosifs et
des volcans montant jusque dans les nuages à l’ouest, Astrem est malgré tout assez paisible
présentement comparée à ses alentours, pour l’instant tout du moins…

Chapitre I
Éveil catastrophique
Le vent souffle sur une plage, de hautes herbes se balançant sous ses ordres chaotiques
et une fine poussière se voit balayée sur son passage. Quelques fins grains de cette
poussière se déposent sur un visage. Un corps étendu, immobile, sans vie. Des yeux
vides de cette étincelle distincte sont le terrain de jeu de petits insectes qui dansent de
cette valse folle qu’est la vie, fragile chose qui décide du concept de réalité, d’existence.

D’un autre côté, la prise de conscience de la douce obscurité qui, lors des premiers
instants du réveil, nous calme et nous soulage du vide ou des tourments qui nous
hantent dans notre sommeil. Mais ce calme ici est teinté d’une étrangeté, d’un malaise
impalpable. S’en suit alors la germination d’un sentiment de panique, d’urgence
d’émerger de cet état d’impuissance, d’échapper à cette vulnérabilité effrayante qui ne
devrait en aucun cas être. Des yeux s’ouvrent, laissant pénétrer l’agressante lumière qui
n’était pourtant voilée que par des paupières enflammées par la douleur du sable infiltré
irritant les globes maintenant accablé d’une rougeur que les larmes, insuffisantes,
n’arrivaient à soulager.
Une légère vibration du sol chatouillait les membres endoloris d’Aris. S’intensifiant peu à
peu en un martellement pour aboutir sur de fortes mais brèves secousses, tout sembla
prendre une éternité à se produire mais en même temps, impossible de réagir,
spectateur silencieux du malheur qui s’abattait sur lui. Sa vision s’éclaircissait sur le bien-
fondé de sa tourmente précédente. Une main démesurée tenta de l’agripper mais en le
soulevant du sol, pris de panique, Aris se changea en souris et glissa entre les doigts de
ce qu’il savait désormais comme étant un ogre. Les ogres sont grands, selon tous les
standards raciaux d’Astrem, mais face à sa stature de Fubunn, ils sont énormes. Les gros
doigts gras de l’ogre tentaient tant bien que mal de récupérer le petit Fubunn
maintenant devenu minuscule.

Le cœur battant la chamade, Aris voyait l’ombre de la main le plonger dans une noirceur
qui intensifiait sa panique qui finit par le perdre. N’arrivant pas à coincer sa proie, l’ogre
tapa fort du pied au sol, ce qui projeta la souris dans les airs, mettant fin à sa fuite et
permettant à la main de la cueillir facilement. Il grogna des paroles dans une langue
inintelligible pour Aris et le laissa tomber dans les profondeurs d’une sacoche remplis de
détritus métalliques et de cadavres, plus ou moins complets, et plus ou moins
malodorants.

Peu loin de là, couverts de vase, un petit être, plus petit encore que notre précédent
Fubunn Aris, et de piètre apparence, pleure, panique, crie à l’aide en essuyant tant bien
que mal le visage d’un Frisor étendu face contre terre, en le lui remontant avec ses deux
minuscules mains. Tout ce raffut ne tarde pas à attirer l’attention d’un ogre, autre que le
mentionné juste avant. De stature semblable, moins gras et coiffé d’un casque lourd
parsemé de pointes acérées couvrant totalement sa tête, ce dernier approchait à grands
pas du duo en détresse. À son arrivée, le kobold sursauta en brandissant en un éclair un
poignard qui ne semblait être, comparé à l’ogre, qu’un simple aiguillon. Le kobold, ne
quittant pas des yeux l’ogre à la tête métallique, lécha sa lame avec sa fine et longue
langue. Sa salive violacée s’écoulait de sa bouche et glissait de son arme. Malgré la taille
de son adversaire, et l’issu incontournable d’un tel affrontement, le kobold défendrait
son maître au péril de sa vie.

Sans hésitation, l’ogre tendit le bras pour empoigner le kobold, ignorant la ridicule
posture offensive de ce dernier. La main gigantesque écrasant le petit corps fluet sentit à
peine la blessure infligée par le poignard empoisonné. À cet instant, le frisor leva la tête
et expulsa un jet de vase mélangé à des sécrétions et quelques restes de sont dernier
repas. Voyant son esclave au prise avec cet énorme menace, le maître aux écailles
blanches souillées par la vase prononça des mots dans sa langue sifflante. Une pierre et
deux gros coquillage sortirent du sol mouillé en un bruit de succion désagréable. Un
rictus se dessina sur le visage lézardesque du frisor quand le corps du mollusque se
cachant dans l’un des coquillages montra signe de vie. D’un mouvement brusque d’une
main, il broya la créature en lévitation. L’essence de vie de cette dernière se concentra
en une fumée ectoplasmique qui enveloppa la pierre ainsi que le coquillage vide
demeuré intact. Les deux projectiles, suite à la commande magique de Perif, s’élancèrent
vers l’ogre.
L’ogre qui écrasait le kobold senti un malaise et tituba un instant. De sa main, montait
dans son bras une sensation d’engourdissement suivi de près par une sensation de
brûlure intense. Son bras devenait jaune, comme ses vaisseaux sanguins éclataient les
uns après les autres, l’immobilisant. Cette soudaine montée de pression eut en
contrepartie un spasme incontrôlable de raidissement de tous les muscles de son bras.
L’ogre hurla de douleur mais le kobold, jetant un dernier regard en larme vers son
maître, laissa paraître un léger sourire avant que son visage se déforme en agonisant de
se voir broyé sous la pression incontrôlée du poing juste avant que les projectiles
enchantés ne l’atteignent de plein fouet.

« Grik! Espèce d’incapable! Tu parles d’un moment pour me laisser tomber! »

L’ogre sonné par les projectiles de Perif et paralysé par le poison de Grik tituba un
instant. Perif se redressa, imposant ses six pieds onze pouces de haut à l’ogre qui en
faisait presque trois de plus. Il avait espéré que son incantation aurait achevé, ou du
moins incapacité un peu plus son adversaire. L’ogre handicapé était maintenant dans
une colère meurtrière. Il s’élança vers le frisor en bottant un énorme morceau d’épave
que Perif n’esquiva de justesse qu’en s’écrasant au sol. Le temps d’essayer de se
redresser, l’ogre était sur lui, le bras fonctionnel dans les airs près à s’abattre sur lui. Perif
ferma les yeux, sachant sont heure arrivée mais le coup fatidique n’arriva jamais. Se
mêlant au cri de rage de l’ogre semi-paralysé, les ordres d’un autre ogre, plus lourds et
plus vieux, qui avaient stoppé l’attaque de l’ogre au casque de métal. Son bâton, qui
semblait être un plein tronc d’arbre tout tordu, avait émis un flash rose suite à l’impact
du bras de l’ogre assassin de Grik. Perif voulu profiter de cet instant pour lancer un autre
sortilège mais le vieil ogre le fixa en soupirant un simple son guttural, lui coupant l’usage
de la voix et ainsi de ses capacités magiques. L’énorme duo se tournant lentement vers
lui, Perif tomba à la renverse, impuissant et résigné. Un bruit de percussions métalliques
retentit plus loin, l’ogre mage fit signe de la tête à son compère qui acquiesça et parti
dans cette direction.

Un combat faisait rage entre, d’un côté deux fubunns armés d’un seul sabre pour les
deux, un tolgoï une hache en os à la main et un brrshrnki muni d’une longue lance
double, et de l’autre deux ogres, un avec une lourde masse d’arme et l’autre une longue
chaîne rouillée aux énormes maillons. Les deux fubunns esquivaient la masse d’arme,
lente mais d’apparence lourdement mortelle. Ils avaient presque l’air de s’amuser avec
leur ogre, chacun de son côté, se lançant le sabre et attaquant chacun son tour. Leur
timing était parfait, quand un esquivait une attaque, il jonglait avec le sabre et l’autre
l’attrapait en vol et entaillait l’ogre, légèrement mais sûrement, tandis que chaque élan
de masse monstrueuse ne frappait que de l’air ou le sol.

Du côté de l’ogre à la chaîne, cela se passait tout autrement. La chaîne tournoyante au


dessus de la tête de l’ogre s’envolait à intervalles irrégulières et au pire, heurtait sa cible,
et au mieux, l’immobilisait et l’attirait vers l’ogre qui alors le frappait de sa main gantée
de fer clouté. Le Brrshrnki manœuvrait du mieux qu’il pouvait pour éviter la chaîne, ce
dont à quoi il réussissait plus ou moins. Sa longue lance à double pointe tournoyait au
bout de ses longs bras doublement articulés, blessant de temps à autre l’ogre mais
servait surtout à parer la chaîne folle qui semblait se débattre selon sa propre volonté.
Le tolgoï se portait moins bien. Il était couvert d’ecchymoses et des ponctions sur son
torse laissaient fuir des coulées noires mais cela ne semblait que peu le déranger, du
moins pour l’instant…

Les deux fubunns virevoltants allaient vraisemblablement venir à bout de leur opposant
mais à leur grand malheur, un deuxième ogre se joigna au leur. Comme le sabre
s’envolait des doigts du navigateur vers le second, sans prévenir, le coutela de l’ogre
justement arrivé pénétra par la nuque du fubunn nouvellement désarmé et pointa , le
tranchant de la lame à la verticale, par sa bouche béante d’un étonnement mortel. La
lame poussait sa bouche à s’ouvrir de plus en plus grande et c’est les yeux écarquillés et
le visage démontrant de soudains spasme faciaux et le corps ramollissant tel une poupée
de chiffon, il se retrouva, jambes fléchissantes, à genoux. Sa chute le fit glisser de la lame
assassine. Face contre le sol, dévisagé et ensanglanté, ainsi fut la fin de l’épopée du
navigateur. À la vue de son compagnon, non pas seulement d’équipage mais aussi de vie,
le second en commande du navire maintenant échoué cria sa peine en se laissant choir
sur le sol, il avançait en larme, se traînant à quatre pattes, plus rien n’avait d’importance
que de rejoindre son bien-aimé partit servir les intérêts du Grand Güas.

Pendant que l’ogre blessé ramassait le cadavre du navigateur au sol pour le jeter dans
une poche déjà presque pleine, un autre s’approcha du fubunn rampant une main levée
pour tenter de toucher le corps s’élevant dans les airs et le frappa à la tête du pommeau
de son épée ce qui lui fit perdre connaissance et s’écrouler au sol. Il fini aux côtés de sa
douce moitié. Le combat du brrshrnki et du tolgoï continuait. Le premier était désormais
blessé, mais moins gravement que le deuxième. Le tolgoï était sale, recouvert de croutes
d’une pâte dont les ingrédients étaient du sable et son sang. Coups de chaîne sur coups
de poing sur chutes au sol, le Brrshrnki faisait des manœuvres risquées pour essayer de
dévier l’attention de l’ogre sur lui pour épargner un peu le tolgoï. Au contact de la chaîne
sur son visage, le tolgoï perdit une dent mais un déclic se produisit dans sont esprit.

Ses yeux se virent injectés de sang, quelques larmes sanguines glissèrent sur ses joues, il
se vit basculer dans une transe meurtrière. L’expression de rage de son visage tordu
aurait pu laissé croire qu’il était sous l’influence de capsules chimiques psittakéannes
mais il n’en était rien. Grace à son soudain regain de vigueur, le tolgoï s’élança vers l’ogre,
plus rapidement que ce dernier ne puisse rappeler sa chaîne. À quelques mètres de son
adversaire, il sauta et utilisant le genoux de l’ogre comme appuie, il continua son
ascension vers le sommet de la montagne de graisse et de muscles qu’était l’ogre sous le
choc du revirement de situation.

Un genou sur la clavicule saillante de l’ogre, une hache dans une main et l’oreille de
l’ogre dans l’autre pour s’y agripper solidement, le tolgoï laissa s’échapper un cri en
abattant sans relâche la hache dessinant des arcs sanglants à chacun de ses va et vient.

Gren : « Mr. Stross, Gren est faché! »

L’ogre qui semblait il y avait un instant en plein contrôle du combat s’était vu la moitié du
visage transformée en un amas de chair informe avant de s’écrouler sur le sol, la
mollesse de ses chaires faisant des vagues. Retombant sur ses pieds, le tolgoï se
précipita vers l’autre ogre qui arrivait sur eux. Déployant ses bras comme pour s’envoler,
l’enragé plongea sur son nouvel opposant. Il ne remarqua pas que le brrshrnki était déjà
au sol quand, abruptement son élancée se vit interrompue par l’épée de l’ogre qui en un
clin d’œil avait transpercé son abdomen.

« Gren à mal… »

Son manque d’intellect était bien plus que contrebalancé par sa force et son endurance
physique. Un tel traitement aurait plus que suffit pour achever n’importe qui.

C’est sur ces paroles et le sang, coulant de ses multiples blessures et d’une texture et
couleur qui ne laissaient rien présager de bon, que Gren abouti avec son camarade
d’escarmouche, dans un filet aux mailles serrées, solides et trainé sur le sol.

Pour ceux encore conscient et dont la situation permettait l’observation du paysage, un


spectacle inattendu se dévoilait. Le feu du ciel, l’œil embrasé, le créateur de lumière, peu
importe le nom qu’on lui donnait, se voilait déjà la face derrière un mur montagneux
comme personne n’en avait jamais observé. Il plongeait pratiquement tout le continent
dans une pénombre troublante. Ici le jour fuyait et laissait la noirceur s’épanouir selon
toutes ses volontés. Elle maîtrisait l’environnement de ce continent monstrueux, peuplé
de créatures monstrueuses qui rampaient hors de leurs cachettes pour tirer profit des
ténèbres.

La noirceur était impalpable et omniprésente. Elle n’apportait ici aucun réconfort.


Messagère de malheurs à venir, elle liait le destin de cette cohorte hétéroclite sans
qu’aucun n’en ait encore conscience.

Chapitre II
Seuls mais unis
Jetés les uns après les autres, et entassés dans un chariot de construction primitive mais
robuste, chaque prisonnier se retrouvait auprès de visages connus mais non familiers.
Sous le choc de ce drame dont ils étaient les principaux acteurs, certains étaient en
pleurs, d’autres, immobiles, fixaient le vide infini qui, les séparant de leur réalité,
s’agrandissait à chaque révolution des roues d’une lenteur épique. La cellule roulante
contenait, en plus des incarcérés, les sacs remplis des corps sans vie de leurs
compagnons de voyage et d’objets divers provenant de leur naufrage.

« Nous sommes perdus! » cria de panique un vieil homme dont les riches habits
désormait en lambeaux lui donnait l’air d’un épouvantail.

L’exclamation de désespoir fit monter le niveau de panique qui plafonnait déjà.

« Silence humain… » Siffla Perif.


Le vieux continua : « Vous imaginez que les ogres feront des pieds et des mains pour
combler nos besoins essentiels durant notre agréable séjour en la magnifique
destination de choix pour une excursion qu’est leur sombre et terrifiante demeure? »

« Taisez-vous vieil homme… » réitéra le frisor.

« Nous ne somme que du bétail pour eux : ils nous mettront aux travaux forcés, nous
abaisseront au statut de simples esclaves et nous tortureront jusqu’à ce que nous
finissions une pomme dans la bouche, tournant sur… »

Périf s’élança pour frapper le visage de l’humain démoralisant les condamnés mais
comme le mouvement se mit en branle, la pointe de la lance d’un ogre, suivant d’un pas
lourd le chariot, transperça l’abdomen du noble en haillons pour terminer sa course à
quelques centimètres de l’œil gauche de Perif.

« perdus, nous sommes perdus… » fut la dernière intervention vocale de l’humain, les
yeux fixés sur la lance et ses deux mains l’empoignant par réflex. Il s’écroula sur le sol dès
que la lourde lance de l’ogre glissa hors de lui, ses mains maintenant sur sa plaie béante
qui inondait le peu d’espace disponible de son épais fluide vital.

La stupéfaction des passagers du convois malheureux était choquante. Tous béats, les
yeux écarquillés et le visage et/ou autre parties du corps parsemées d’éclaboussures de
sang, un morceau de cervelle roulait le long du visage du Second au commandement qui
avait le regard perdu dans une réalité qui était étrangère à celle des autres prisonniers.
Un léger rictus commença à se dessiner sur ses lèvres. Il devint doucement un sourire
qui se transforma en une grimace loufoque exposant les dents larges et serrées par
l’immense tensions de ce qui se tramait dans sa tête. Ses épaules se mirent à sauter de
façon saccadée et un petit rire nerveux s’échappa d’entre ses dents. Des larmes
coulaient sur ses joues couvertes de boue et un filet de mucus glissait d’une de ses
narines. Il s’esclaffa alors, recrachant le résidu cérébral qui ne s’était qu’une seconde logé
sur ses lèvres. D’un mouvement brusque qui rassit le Fubunn traumatisé, Perif mit sa
main écailleuse sur la bouche de ce dernier et le traina plus au fond avec lui, loin du
regard de l’ogre à la lance qui avait agit l’instant plus tôt.

« Si tu veux mourir, attends de le faire lorsque tu ne risqueras pas de m’amener avec toi
peau-lisse! » Siffla Perif au Second qui se débattait à peine.

« Shhhh… » Un geste de sa main libre et un seul mot : « Siold! » et Perif fit sombrer le
Fubunn dans le sommeil. « Quelle perte de ressources magique… Stupide individu… Je
suis entouré d’incapable et vais mourir comme un chien sans honneur…»

« Parle pour toi Frisor. » lança Aris, qui regardait fixement Perif dont la queue gigotait de
petits spasmes suite à son commentaire désobligeant.

Perif se retourna lentement, premièrement sa tête au bout de son long cou, suivi de ses
épaules et du reste de son corps, d’un mouvement fluide mais sec, à la façon du lézard
qu’il est presque. Créé du sang et de la magie des dragons de la Terre des Colosses à
l’extrémité sud d’Astrem, les ‘sors sont de fiers et obéissants soldats pour leurs maîtres
et créateurs contre les hordes de géants qui refusent de se soumettre depuis de temps
immémoriaux. Il est peut-être un des rares enfants perdus, son maître ayant disparu
depuis trop longtemps, mais il n’en reste pas moins fier de ses capacités et ce n’est
certainement pas un de ces trapus de peau-lisse qui l’insulterait, surtout en cet endroit
et en ces circonstances.

« Répète un peu ce que tu viens de dire, ridicule petit personnage insignifiant… »

Perif claqua des doigts et des flammes s’allumèrent dans ses yeux noirs, dessinant des
reflets sur les écailles fines de son visage paraissant de plus en plus menaçant. Gren étira
son bras avec difficulté pour barrer la route au sorcier qui semblait vouloir chercher les
embrouilles avec Aris. Le regard foudroyant de Perif se tourna vers le tolgoï amoché mais
avant que quelque action ne puisse faire dégénérer la situation au-delà de son niveau de
gravité actuel, Stross s’interposa.

« Nous devrions garder nos énergies à essayer de trouver une solution ensemble au lieu
de se chamailler comme des enfants. »

Perif se calma un peu, son regard passant de Aris à Stross et Gren, en reculant d’un pas.
Les yeux des prisonniers étaient rivés sur Stross, attendant, suite à son intervention,
l’annonce d’un plan d’évasion quelconque. Rien que le silence emplissait le vide qui
rendait de plus en plus difficile de percevoir une lueur d’espoir. Après un long moment
qui sembla interminable, l’instigateur de ce qui aurait pu être un conflit par sa remarque,
brisa la glace.

« Je crois que j’ai le début de ce qui pourrait être une solution… »

Tous se tournèrent vers Aris, un maigre espoir illuminant leurs yeux.

Chapitre III
Tandis que le véhicule transportant les naufragés maintenant prisonniers fait lentement
son chemin vers le camp des ogres, à ce même camp, des préparatifs sont en cours.

Entourées d’une barricade constituée de pieux et de gigantesques os semblant être les


côtes d’une créature aux proportions gigantesques, les larges huttes des ogres ont une
apparence effrayante. Le cuir les constituant avait été fabriqué avec des peaux
d’hommes primitifs. On y distingue encore les orbites, narines et bouches cousus, les
touffes de cheveux des pauvres victimes dont les congénères arpentent le camp en tant
qu’animaux de compagnie ou sont enfermés dans des cages en attendant de servir pour
l’élevage des futures générations d’esclaves jusqu'à ce que leur utilité en soit réduite à
servir de repas et à fabriquer une pièce de cuir.

Dans la tente de la matriarche en charge du campement est enchaîné une reysha. Cette
dernière avait été offerte en cadeau à Malabagk pour ses loyaux services envers Ograk,
la capitale de l’île des ogres, qui nécessite un apport constant d’esclaves pour
fonctionner. Les reyshas sont rares sur Astrem, et les esclaves de cette race démoniaque
sont encore plus rares. Malabagk ne sortait que très rarement de son campement depuis
plusieurs mois, son surpoids (incroyable déjà chez les ogres considérés dans la moyenne
à cet égard) limitait désormais sa mobilité.

Plus grande de deux bon pieds que ses compatriotes et plus lourde de plus de cent
livres, elle restait échouée sur un amas de fourrures et de coussins dans sa tente près de
deux fois la taille des autres dans le camp. Assise et penchée par en avant, ses jambes
étaient dissimulées pas son abdomen et sa poitrine gigantesque. Tous ses plis et replis
suintaient à grosses gouttes et chacune d’elles laissaient une trace plus ou moins propre
en glissant sur sa peau grasse. L’odeur dans sa tente était infecte et combinée à la
chaleur humide qui y régnait, les autres esclaves y étaient toujours nauséeux et
incapables de pourvoir aux soins qu’exigeait l’ogresse obèse. Sablnazshey semblait quant à
elle très bien se porter dans cet environnement épouvantable. Elle était même souriante et
toujours prête à dorloter sa répugnante maîtresse. Elle se souvenait peu d’Iirduqudbit, sa ville
natale, mais la chaleur étouffante des huttes des ogres, leur odeur forte, tout cela faisait
resurgir des bribes de sa jeunesse.

Depuis dix ans déjà elle vivait parmi les ogres sur leur île lointaine. Son père était un
charlatant qui charmait les passants avec de belles promesses comme celles qu’il avait fait à
sa mère, une junkie psychotique de laquelle Sablnazshey avait appris à se cacher lors de ses
crises. Suite au décès subit de son père pris malencontreusement au beau milieu d’un conflit
entre un ahavah et un sin’ha, les deux races dirigeantes de la cité-volcan, sa mère tomba dans
le plus creux des abîmes de son addiction. Troquée par sa mère à un tolgoï pour une dose
d’æspérol, la petite ne fit pas long feu en sa compagnie.Ce dernier était un joueur invétéré et
la perdit dans une gageure qui tourna mal.

Son nouveau maître était dur et abusif. Les sévices qu’elle subit sous sa garde furent
innombrables et innommables. Toujours silencieuse et obéissante, elle survécu péniblement
jusqu’au jour où suite à un évènement qu’elle ignore, elle fut offerte en cadeau à une héroïne
qui s’était distinguée lors d’une bataille lointaine. Cette heroïne était Malabagk. Malgré sa
cruauté innée, cette ogresse adorait se faire prendre soin d’elle. Sablnazshey avait appris
malgré tout le reste, avec son précédent maître, ce que les ogres aimaient le plus comme soins
et caresses. Ils aiment pardessus tout avoir mal.

Caresses après griffures et morsures, prévoyant les moindres désirs de sa maîtresse,


Sablnazshey devint vite sa favorite et Malabagk alla jusqu'à se défaire de toute sa cohorte
d’esclaves pour ne conserver que la reysha. Elle n’avait pas particulièrement d’affection pour
l’ogresse mais cette dernière la nourrissait, lui fournissait un toit et ne levait qu’à de très rares
occasions la main sur elle ; tout cela était déjà plus que ce que sa propre mère avait fait pour
elle.

La seule autre personne avec qui Sablnazshey interagissait était Ba, une primitive qui
arpentait la place centrale du campement, enchaînée à un arbre mort. Les esclaves primitifs
semblait presque lui vouer un culte. Ils lui apportaient à boire et à manger, se privant d’une
partie de leur maigre ration, quand ils en ont une. Ogres et esclaves vont voir Ba pour des
soins. Elle invoque de la lumière le soir tombé et peut guérir les blessures mineures et les
empoisonnements. Elle tente quelquefois de défendre un esclave qui se fait maltraiter. Les
ogres n’osent pas trop la brutaliser car elle est très utile au retour des expéditions et il faut
qu’elle soit disposée en tout temps à user de ses dons. Certaines compagnies d’ogres ont leurs
propres guérisseurs, mais celle de Malabagk n’en est point.

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