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Près de toi Les enquêtes de Hailey

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Rylie Dark

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Avec Jalousie Maeve Sharp 2 1st Edition Rylie Dark

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Glas mortuaire Dans les profondeurs du Bayou 3 1st


Edition Hailey Edwards

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PRÈS DE TOI

(Les enquêtes de Hailey Rock – Tome 2)

Rylie Dark
TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR SIMON ODASSO
Rylie Dark

L’auteure à succès Rylie Dark a créé la série de romans à suspense SADIE


PRICE FBI, qui comprend six tomes (pour l’instant), la série de romans à
suspense CARLY SEE FBI, qui comprend six tomes (pour l’instant), la
série de romans à suspense MIA NORTH FBI, qui comprend six tomes
(pour l’instant), la série de romans à suspense MORGAN STARK FBI, qui
comprend cinq tomes (pour l’instant), la série de romans à suspense
HAILEY ROCK FBI, qui comprend cinq tomes (pour l’instant), la série de
romans à mystère TARA STRONG, qui comprend cinq tomes (pour
l’instant) et la série de romans à suspense ALEX QUINN, qui comprend
cinq tomes (pour l’instant).

Lectrice gourmande et fan depuis toujours des romans à mystère et à


suspense, Rylie aime beaucoup recevoir de vos nouvelles, donc, n’hésitez
pas à vous rendre sur www.ryliedark.com pour en apprendre plus et rester
en contact.

Copyright © 2023 par Rylie Dark. Tous droits réservés. À l’exclusion de ce qui est autorisé par l’U.S.
Copyright Act de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou
transmise sous toute forme que ce soit ou par aucun moyen, ni conservée dans une base de données
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exemplaire supplémentaire pour chaque destinataire. Si vous lisez ce livre sans l’avoir acheté, ou
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propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les
noms, personnages, entreprises, organismes, lieux, événements et incidents sont tous le produit de
l’imagination de l’auteur et sont utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes
réelles, vivantes ou décédées, n’est que pure coïncidence. Image de couverture : Copyright Rob van
Hal, utilisée sous licence à partir de Shutterstock.com.
LIVRES PAR RYLIE DARK

UN SUSPENSE ALEX QUINN


PREMIÈREMENT, LE MEURTRE (Livre #1)

LES ENQUÊTES DE TARA STRONG


AU DÉSESPOIR (Livre #1)
INTROUVABLE (Livre #2)

LES ENQUÊTES DE HAILEY ROCK


DERRIÈRE TOI (Livre #1)
PRÈS DE TOI (Livre #2)

UN THRILLER MORGAN STARK DU FBI


TROP TARD (Livre #1)
TROP PRÈS (Livre #2)
TROP LOIN (Livre #3)
TROP PERDU (Livre #4)

UN THRILLER A SUSPENSE DE L’AGENT DU FBI CARLY SEE


SANS ISSUE (Livre #1)
SANS RETOUR (Livre #2)
IMPOSSIBLE DE RENTRER (Livre #3)

UN THRILLER À SUSPENSE DE MIA NORTH DU FBI


REGARDEZ-LA FUIR (Livre #1)
REGARDEZ-LA SE CACHER (Livre #2)
REGARDEZ-LA HURLER (Livre #3)
REGARDEZ-LA DISPARAITRE (Livre #4)
REGARDE, ELLE S’EN VA (Livre #5)

UN THRILLER À SUSPENSE DE SADIE PRICE


OBSÉDÉ PAR LE MEURTRE (Livre#1)
OBSÉDÉ PAR LA RAGE (Livre #2)
OBSÉDÉ PAR LUI (Livre #3)
SEULEMENT UNE FOIS (Livre #4)
CONTENU

PROLOGUE
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
CHAPITRE 18
CHAPITRE 19
CHAPITRE 20
CHAPITRE 21
CHAPITRE 22
CHAPITRE 23
CHAPITRE 24
CHAPITRE 25
CHAPITRE 26
Prologue
Une épicerie à Tampa dans le sud du Missouri.
5 heures 45.

Veronica Holder bâilla en sortant de sa Honda abîmée, garée devant la


supérette. La rue était sombre, déserte, elle était complètement seule alors
qu’une nouvelle journée débutait : des heures interminables passées à
répondre à des clients, nettoyer le sol, remplir les étals et s’occuper des
livraisons. Tout cela pour à peine plus que le salaire minimum.
Âgée de vingt-cinq ans, Veronica ne distinguait pas beaucoup d’espoir
dans l’aube qui commençait à colorer l’horizon à l’est. Tampa était une ville
agréable, nombre de ses habitants étaient sympathiques, mais cet endroit
était une véritable impasse. Certes, elle avait de la famille ici, et Stuart la
demanderait probablement en mariage dans les mois qui venaient, mais elle
ne voulait pas que sa vie se résume à cela. Peut-être qu’elle aurait mieux
fait d’aller à l’université après tout.
— Pour y étudier quoi ? dit-elle à voix haute avant de fermer la
portière de sa voiture avec un claquement agressif, le seul bruit dans la rue
silencieuse.
Elle n’avait jamais été une grande fan de lecture ni de l’école. Elle
avait à peine réussi à terminer le lycée. Cependant, elle aurait pu entrer dans
une école d’esthétique, ou autre.
Elle supposait qu’il n’était pas trop tard. Elle était encore jeune, mais
elle était tellement fatiguée. Travailler comme gérante signifiait gagner bien
trop peu d’argent par rapport à la tâche à accomplir. Il n’y avait pas de
second employé avant huit heures et il lui incombait donc de faire
l’ouverture, remplir la caisse, s’assurer que l’équipe de nuit n’ait pas trop
bâclé le ménage et le restockage puis de préparer du café.
Heureusement, qu’il est en libre-service, pensa-t-elle alors qu’elle
traversait le parking vide. Comme les chips et les burritos à réchauffer.
Bien évidemment, son patron ignorait qu’elle se servait ainsi.
Elle regarda autour d’elle tout en avançant, sa main ne s’éloignant
jamais du Smith & Wesson qu’elle gardait dans un étui à sa ceinture. Elle
sortait toujours armée depuis que le gérant de nuit avait été attaqué et volé
deux ans plus tôt. La vague d’enlèvements et de meurtres qui avait eu lieu à
Pleasant, dans le comté voisin, le mois dernier, n’avait rien fait pour
changer ses habitudes.
Les chaînes de télévision étaient venues l’interroger, comme ils
l’avaient fait avec tout le monde. Elles lui avaient demandé si elle se sentait
plus en sécurité maintenant que l’assassin avait été capturé. Elle avait alors
montré son arme, faisant reculer le reporter de la ville, avant de lancer :
— Je me sens toujours en sécurité grâce à ce petit bijou.
Ce qui lui avait permis de passer aux informations et de devenir une
légende locale. Ses amis découvraient encore de nouvelles photos d’elle
accompagnées de commentaires amusants.
— Je suppose que ce sont mes quinze minutes de gloire, avait-elle
l’habitude de dire.
Toutefois, malgré son courage de façade, cette histoire l’avait
terrifiée. Comme tous les habitants de l’Ozark, y compris ceux qui
prétendaient le contraire.
Un faible bruit dans son dos la poussa à se retourner précipitamment,
la main posée sur la crosse de son revolver.
Ce n’était qu’un emballage, soufflé par le vent, glissant sur le pavé,
quelques mètres derrière elle.
La vache. J’ai eu une sacrée trouille.
Puis elle vit quelque chose qui lui donna la chair de poule.
Quelqu’un, allongé sur un banc, de l’autre côté de la rue.
Le meuble en pierre était attenant à la laverie située entre le magasin
de cigarettes électroniques et un débit de boissons. Ces divers magasins
étaient fermés, le parking était vide, et elle n’apercevait personne à
l’exception de la silhouette allongée.
Veronica l’étudia, son pistolet toujours à la main. Elle crut distinguer
une femme. Celle-ci ne bougea pas.
Veronica observa rapidement les alentours, le cœur battant à tout
rompre.
Les meurtres ont pris fin, dit-elle dans sa barbe. C’est juste quelqu’un
qui roupille. Peut-être une droguée.
Il n’y avait pas de sans-abri dans la ville de Tampa, même si, de
temps à autre, les policiers expulsaient des campeurs sauvages des bois.
Cependant, il arrivait que des accros aux narcotiques s’allongent et
s’assoupissent durant plusieurs heures dans des endroits improbables. Ce
qui devait être le cas ici.
Veronica fit demi-tour en direction de la supérette qu’elle devait
ouvrir rapidement afin que tout soit prêt pour les lève-tôt qui débarqueraient
sous peu. Néanmoins, quelque chose la poussa à s’arrêter.
Peut-être que ce fut le fait qu’il s’agisse d’une femme, visiblement
jeune, qui l’incita à traverser la rue et aller la voir. Bien que les filles seules
ne risquent généralement pas grand-chose dans les petites villes du sud du
Missouri (du moins, jusqu’à ce que ce malade fasse un massacre à
Pleasant), elle ne pouvait pas laisser une personne inconsciente sur un banc
au vu et au su de tous.
C’est probablement une droguée, pensa-t-elle en s’approchant. Je vais
jeter un rapide coup d’œil puis j’appellerai les flics.
— Ohé ? lança Veronica tout en traversant la chaussée.
Elle ne bougea pas. Veronica regarda des deux côtés de la rue,
personne.
— Ohé ? répéta-t-elle en continuant à avancer.
Elle s’arrêta à nouveau, cligna des paupières et la contempla de plus
près.
Qu’a-t-elle sur le visage ?
Une grande tâche sombre. Veronica fit un pas vers elle, main sur son
arme, jusqu’à ce qu’elle remarque que cette tâche était un tatouage sur sa
joue gauche. Un cœur barré d’une croix.
Définitivement une droguée. Personne d’autre n’oserait se dessiner un
motif si laid directement sur la peau.
Veronica passa ensuite sur le côté de la fille. Cette dernière avait de
longs cheveux bruns. Elle était vêtue d’un jean et d’une chemise, elle ne
paraissait pas avoir plus de dix-neuf ans.
— Si jeune et déjà en train de s’infliger ça ? marmonna Veronica. Hé !
Réveillez-vous !
Elle secoua la femme. Le corps lui sembla rigide. Veronica prit une
inspiration surprise et recula.
— Non. Oh non, mon Dieu, pas ça.
Veronica se mordit la lèvre, tendit la main en avant, hésita une
seconde puis toucha la joue juste à côté du tatouage en forme de cœur.
Froide comme de la glace.
Veronica Holder lâcha un hurlement et courut se mettre à l’abri à
l’intérieur de son lieu de travail.
Chapitre 1
West Creek, sud du Missouri
9 heures, le même matin.

Hailey hésitait entre gifler son interlocutrice et fondre en larmes.


— Je suis navrée, mais je n’ai tout simplement rien à te dire, indiqua
Olivia Baker.
La femme assise en face d’Hailey dans un carré d’un café de West
Creek, à soixante-quinze kilomètres de Pleasant lui avait donné une fausse
piste.
Dès qu’Hailey eut terminé de s’occuper de l’affaire des meurtres aux
Épouvantails le mois dernier, une habitante de la ville, nommée Belinda
Fraser l’avait approchée pour lui révéler que le jour de la disparition de sa
petite sœur Mindy, Belinda l’avait aperçue dans un mystérieux pick-up Ford
vert. Elle n’avait pas pu distinguer le conducteur, mais avait vu la jeune
femme en train de rire.
Cette information avait stupéfait Hailey. Elle avait vécu avec le
scénario cauchemardesque de l’enlèvement brutal de sa benjamine par un
inconnu toute sa vie. La police avait questionné tous les habitants du comté,
toutes les relations de Mia, et n’avait pas découvert le moindre suspect.
Mais si elle avait été emmenée par un étranger, pourquoi s’était-elle
installée de son plein gré sur le siège passager d’un mystérieux pick-up ?
Elle avait donc possiblement été kidnappée par une connaissance.
Quelqu’un qui avait trompé les autorités ou qu’elles n’avaient jamais
interrogé.
Ou peut-être que Belinda racontait absolument n’importe quoi. Tout
cela s’était déroulé il y avait très longtemps et elle avait reconnu avoir fumé
de la marijuana lors des événements. Les forces de l’ordre n’avaient pas
accordé de crédit à son récit lorsqu’elle avait contacté la permanence
téléphonique à l’époque.
Hailey s’était jurée de découvrir le fin mot de l’histoire une fois
qu’elle en aurait terminé avec les meurtres aux Épouvantails. Belinda Fraser
l’avait rappelée dès que cela avait été le cas.
— Je me souviens d’autre chose à propos de ce jour, à la Coupure,
avait-elle déclaré en faisant référence à une gorge étroite à proximité d’une
route menant à la ville.
Il s’agissait d’un lieu facilement accessible en voiture où les
adolescents aimaient traîner pour y faire la fête. Il y avait également de
nombreuses cachettes au cas où leurs parents, ou la police, viennent les y
chercher.
— De quoi s’agit-il ?
Hailey était à la fois surprise qu’elle se soit remémoré un nouveau
détail après tant d’années et contrariée qu’elle ne l’ait pas fait plus tôt.
— Juste après avoir vu le pick-up s’arrêter devant l’entrée de la
Coupure et avoir remarqué Mindy lever la tête et rire, Olivia Baker est
arrivée. Elle a dû les croiser. Elle travaillait en banlieue de la commune et
rentrait alors qu’ils quittaient la ville, donc ils se sont forcément aperçus sur
la route.
Hailey se rappelait Olivia Baker. Elle aussi était au lycée à l’époque et
avait une réputation de fêtarde. Elle connaissait tout le monde et était venue
chez eux une fois afin de demander si elle pouvait baby-sitter Mindy. Elle
savait donc à quoi cette dernière ressemblait.
À présent, celle-ci se trouvait face à elle, dans le café de West Creek,
paraissant bien plus âgée. Le temps n’avait pas été clément avec elle.
— Je suis navrée, je ne me rappelle pas grand-chose, répéta Olivia.
— Essaye de te souvenir de tout ce que tu peux, insista Hailey tout en
tentant de contrôler son impatience.
— Je rentrais de mon boulot au relai routier. J’étais serveuse le matin.
Après avoir fini de bosser, je me suis dirigée vers la Coupure pour y
retrouver des gens qui m’avaient indiqué qu’ils y seraient. C’était une belle
journée ensoleillée, donc j’avais baissé les fenêtres de ma voiture. Je
n’avais pas la clim dans cette épave ! lança Oliva avec un éclat de rire.
— Continue, dit Hailey incapable de dissimuler l’irritation dans son
ton.
Oliva s’éclaircit la gorge.
— Hum ouais. Bref, quoi qu’il en soit, je me souviens d’avoir
conduit, de m’être approchée de la Coupure et ensuite d’avoir vu le pick-up
vert. Le soleil se reflétait sur le pare-brise, donc je ne pouvais pas distinguer
l’intérieur, mais un bras pendait à la fenêtre du passager.
— Que faisait-il ? Il était là, c’est tout ?
— Le véhicule ?
— Le bras.
— Oh, non, elle ne l’avait pas simplement passé dehors, elle jouait
avec, elle faisait des vagues dans le vent. (Elle leva la main et mima une
forme sinueuse.) Je l’ai remarqué parce que je me souviens que lorsque
nous étions plus jeunes, Gloria ne cessait de nous prévenir de ne pas mettre
la main à l’extérieur si nous ne voulions pas nous la faire arracher par une
voiture qui croiserait notre route.
— Gloria ? La conductrice du bus scolaire ?
— Ouais. Tu l’avais aussi ?
— Elle m’a donné le même avertissement.
— Ouais, eh bien, lorsque j’ai croisé le pick-up, j’ai jeté un coup
d’œil sur ma gauche pour inspecter l’habitacle. Je ne sais pas pourquoi, je
suppose que j’étais simplement curieuse de découvrir qui Gloria
engueulerait en l’apercevant agir de la sorte dans son autobus. C’est alors
que j’ai remarqué Mindy. Comme je te vois toi. Certes, ça n’a duré qu’une
seconde et je ne la connaissais pas très bien, mais cela m’a surpris. Elle était
toujours si sage. Elle était très obéissante, et tu te souviens ? Gloria faisait la
leçon à tous les gamins du car à propos de ce genre de gestes.
— À quoi ressemblait le chauffeur ?
— Je ne l’ai pas bien vu.
— Attends, si tu l’as croisé en roulant en sens inverse, tu aurais dû
être plus proche de lui que de Mindy.
Est-ce que tu aurais même réussi à remarquer Mindy ? Elle était si
petite.
Hailey commença à se demander à quel point Olivia Baker était un
témoin fiable.
— Il était penché, comme pour changer la radio ou pour récupérer
quelque chose dans la boite à gants, je n’ai pas distingué son visage.
— Que peux-tu me dire à son sujet ?
— Il paraissait assez imposant. Costaud ou gros, je n’en suis pas
certaine. Mais peut-être ai-je eu cette impression parce qu’il était plié en
deux ? Ça rend les gens plus larges, surtout de profil. Il portait une chemise
à carreaux, je crois. Une couleur claire. Rouge ? Orange ? Il me semble
qu’il avait aussi une casquette de baseball. Désolée, je ne sais pas vraiment.
— As-tu communiqué tous ces détails à la police ?
Hailey avait utilisé ses liens privilégiés avec les autorités pour obtenir
le dossier complet de l’affaire, mais n’avait eu ni le temps, ni le courage, de
commencer à le feuilleter.
— Oui. Mais ils n’en ont pas vraiment tenu compte. Ils n’arrêtaient
pas de me demander si j’avais pu me tromper, si je n’avais peut-être pas vu
Mindy à l’intérieur du véhicule. Au bout d’un moment, j’ai fini par céder et
admettre que je n’en étais pas certaine.
Hailey se pencha en avant.
— Tu as eu l’impression que l’on te mettait la pression pour retirer
ton témoignage ?
Olivia baissa le regard vers la table et traça un cercle avec son index.
— Je ne sais pas si je parlerais de pression, mais je ne pense pas
qu’ils accordaient beaucoup de crédit à mon histoire. Ils n’arrêtaient pas de
me demander de répéter, d’exiger des détails, ce genre de choses.
Ce qui était la procédure policière standard. Néanmoins, mal
appliquée, elle pouvait pousser un témoin à modifier sa version et Olivia
n’était qu’une adolescente à l’époque. À la réputation douteuse qui plus est.
Hailey tenta de se remémorer si elle avait eu des ennuis avec les autorités,
mais n’y parvint pas. Peut-être qu’il pourrait valoir le coup de se renseigner.
— Tu te souviens du nom de l’agent qui t’a interrogé ?
— Oh, hum… il commençait par un C.
— Le prénom ou le nom de famille ?
Le travail d’enquête serait tellement plus rapide si les gens
s’exprimaient correctement.
— Le nom de famille. Il sonnait italien.
— Cafora ? Joe Cafora ?
Oliva claqua des doigts.
— C’est ça ! Il pensait que je lui faisais perdre son temps. Peut-être
que tu devrais lui parler.
Hailey s’affaissa.
— Il est mort il y a cinq ans.
— Oh. Navrée de l’apprendre. Je ne sais plus trop ce qui se passe à
West Creek. J’ai une toute nouvelle vie ici. (Oliva baissa à nouveau le
regard et retraça des cercles invisibles sur la table.) J’aurais souhaité être
plus assertive, le pousser à me croire. En particulier lorsque Belinda m’a
confirmé qu’elle l’avait vue aussi. J’ai tenté de l’inciter à contacter
directement la police, vraiment. Mais elle refusait obstinément. Elle s’est
contentée de joindre le standard d’information anonymisé.
Parce qu’elle fumait des joints et couchait avec le type qu’Alice a fini
par épouser.
Hailey n’avait pas révélé ce détail à sa sœur. En fait, elle ne lui avait
rien dit du tout.
— Alors, est-ce que quoi que ce soit d’autre te revient à l’esprit ? Est-
ce que le camion te paraissait familier ?
Olivia secoua la tête.
— Non. Désolée, j’aimerais pouvoir t’aider plus. Ça me tue de penser
qu’elle a disparu comme ça. Mais tu sais, quand l’agent Cafora a douté de
moi, j’ai commencé à me remettre en question. Ce n’est que lorsque
Belinda m’a révélé ce qu’elle avait observé à la Coupure, que je me suis
autorisée à croire ce que j’avais vu.
Et Belinda ne s’est jamais présentée pour appuyer ses dires parce
qu’elle était défoncée et s’envoyait en l’air avec Bob.
Mais, pourquoi les policiers n’avaient-ils pas revisité la déposition
d’Olivia après avoir reçu l’appel anonyme parlant du pick-up vert ? Bien
que les deux témoignages soient peu fiables, ils se complétaient et ils
ignoraient que les deux personnes se connaissaient.
Alors pourquoi ce travail bâclé ?
Hailey lâcha un soupir et lui tendit sa carte de visite.
Elle commençait à croire qu’elle avait gâché ses congés.
Après avoir abattu une montagne de paperasse et de débriefing suite
aux meurtres aux Épouvantails, Hailey avait pris une semaine de vacances,
déclarant être à bout.
Ce qui était vrai, mais s’était également avéré être une excuse. Elle
était venue ici pour enquêter sur la disparition de sa petite sœur presque
vingt années plus tôt, lorsqu’Hailey avait eu seize ans et Mindy seulement
douze.
Elle tentait de refermer une plaie ouverte et de lui permettre de guérir.
En vain.
— Si tu te remémores quoi que ce soit, appelle-moi.
Olivia posa une main sur la sienne.
— Promis.
Hailey la retira, se leva et se dirigea vers la sortie.
Alors qu’elle s’en approchait, un policier entra. Il s’agissait de
Gregory Hicks, un bon agent, la cinquantaine, qu’Hailey connaissait
vaguement.
— Salut, Hailey, ils se sont dépêchés de te faire revenir on dirait.
— Oh, je suis en vacances, répliqua-t-elle.
Hicks pencha la tête.
— Vraiment ? Je pensais qu’ils t’avaient contacté après la découverte
du corps hier matin.
— Un cadavre ? Où ça ?
— Tampa. Alice ne t’en a pas parlé ?
— Non.
Alice ignore que je suis dans le Missouri.
— Oh, je vois, lâcha Hicks, visiblement perplexe. (Il n’était pas assez
proche de l’une d’elles pour être au courant de leur rivalité.) Eh bien, c’est
dans le comté voisin, donc je suppose qu’elle ne travaille pas là-dessus. Les
informations vont en parler ce soir. Ils ont gardé l’affaire secrète pendant un
moment afin d’explorer certaines pistes.
— Et que s’est-il passé ?
Hicks se tourna vers le bar.
— Un café et un bagel, Marcie, demanda-t-il à la femme qui se
trouvait derrière.
— Je vous amène ça tout de suite, agent Hicks.
Celui-ci s’installa dans un carré et Hailey s’assit.
— Il semblerait qu’une jeune fille ait disparu. Ses parents…
— Quel âge ?
— Dix-huit ans.
Le cœur d’Hailey se remit à battre à toute vitesse. Faire remonter ces
anciens souvenirs à la surface l’avait rendue nerveuse. Elle s’était imaginée
une gamine de douze ans ayant été enlevée. Néanmoins, cela paraissait
assez sérieux.
Hicks continua.
— Donc je disais, cette jeune femme s’était volatilisée. Au début, ses
parents ont pensé qu’elle s’était enfuie avec ce type qui lui tournait autour
et ils n’ont pas appelé la police. Ils n’ont rien fait jusqu’à ce que le petit-ami
les contacte en leur demandant où elle se trouvait. Elle avait manqué un de
leurs rendez-vous. C’est alors qu’ils se sont inquiétés et ont signalé sa
disparition.
— Et on l’a retrouvée ?
Hicks acquiesça avec un air sombre.
— Morte, sur un banc, tôt ce matin, en plein centre de Tampa. Je n’ai
pas les détails, mais il semblerait qu’elle ait été empoisonnée.
Hailey frissonna légèrement. Un autre meurtre dans une petite ville de
l’Ozark.
Pour une raison inconnue, une interrogation lui vint à l’esprit et elle
l’exprima presque malgré elle. Elle s’entendit parler, ayant l’impression
d’être très loin.
— Et que faisait la victime lorsqu’elle a été vue pour la dernière fois ?
— Elle était sur son vélo.
Tout le corps d’Hailey se raidit et sa vision s’embrouilla. Hicks
continuait, il semblait lui poser une question, mais elle ne l’écoutait plus.
Elle ne pouvait penser qu’à une seule chose.
Lors de sa disparition, Mindy était également à bicyclette.
Chapitre 2
Hailey se rendit à Tampa, à moins d’une heure de route de West Creek
et une demi-heure de Pleasant. Le shérif local était un dénommé Bud Roper.
Celui-ci était la représentation visuelle de la caricature que l’on pouvait se
faire d’un péquenaud du sud devenu policier. Ventripotent, toujours couvert
d’un chapeau de cowboy et en train de mâcher du tabac. Tout le monde
avait donc été surpris quand il avait tabassé le Grand Sorcier Impérial du
Ku Klux Klan lorsque ce dernier avait tenté d’organiser une manifestation à
travers Tampa.
— Nous n’aimons pas les types comme lui ici, avait-il déclaré à la
presse avec un accent à couper au couteau, avant de chiquer son tabac, en
direct sur une chaîne nationale. Nous les avons flanqués à bord du premier
bus qui quittait la ville, son équipe et lui. Nous les avons installés à
l’arrière.
L’événement s’était déroulé avant l’avènement des réseaux sociaux,
sans quoi Bud Roper serait devenue une légende virale.
Le Grand Sorcier Impérial avait tenté de le poursuivre en justice, mais
tout le monde avait témoigné qu’il avait résisté lors de son arrestation.
À l’exception des autres membres du Klan, bien évidemment, mais
personne ne les avait écoutés.
Hailey repéra Bud au volant, sur Main Street, ou du moins ce qui
passait pour la rue principale dans une ville de moins d’un millier
d’habitants, la vitre baissée, son bras imposant pendant à la fenêtre. Cela lui
fit repenser à la conversation douloureuse qu’elle venait d’avoir.
Elle klaxonna et lui fit signe. Bud mit une seconde à le remarquer
puis se gara sur le côté de la chaussée. Hailey fit demi-tour et s’installa
derrière lui.
Ils sortirent et partirent à la rencontre de l’autre.
— Eh bien, ça alors ! lança Bud. Hailey Rock, déjà de retour dans
l’Ozark !
Il lui serra la main avec un plaisir sincère. Mon Dieu, ce qu’il serait
agréable que plus de gens réagissent de la sorte en la croisant.
— Salut Bud,
— Qu’est-ce que tu fais ici ?
— C’est… (elle fit une pause.) Une longue histoire. J’étais à West
Creek et j’ai entendu dire que quelqu’un d’autre avait été assassiné.
Bud grimaça.
Quelqu’un d’autre. Cela faisait plus d’un an qu’il n’y avait pas eu de
meurtre dans le comté, puis la communauté avait dû faire face à un tueur
escaladant dans la violence à un rythme plus rapide que tout ce qu’elle avait
pu observer dans sa carrière. Cela avait perturbé la région entière et, à alors
que le Missouri pensait pouvoir commencer à retrouver une vie normale, le
cauchemar recommençait.
Bud baissa le regard.
— Je ne comprends plus rien à ce monde, chuchota-t-il.
— Alors, raconte-moi ce qui s’est passé ?
— Trisha Palmer, dix-huit ans, elle a eu son bac l’an dernier. Elle
vivait toujours chez ses parents et travaillait au supermarché. Sa famille est
assez pauvre et elle ne projetait pas de déménager ni d’aller à l’université.
Elle n’avait pas donné de signe de vie depuis quatre jours. Au début, ses
proches ont pensé qu’elle était partie avec son petit-ami. Ils ne l’aiment pas
et ils se sont déjà disputés à ce sujet. Mais c’est alors que celui-ci a appelé
pour demander de ses nouvelles. Cela les a conduits à signaler sa
disparition. Nous avons commencé les recherches et nous avons trouvé son
vélo.
Hailey se raidit.
— Son vélo ?
Roper hésita à continuer. Après avoir rassemblé son courage, il reprit :
— Sur Spring Hill Road, près du lac artificiel.
Hailey tituba, son champ de vision se brouilla. Elle dut se retenir au
capot de sa voiture de location pour ne pas tomber.
Ils avaient retrouvé la bicyclette de Mindy près d’une étendue d’eau
similaire.
Bud le savait. Il était suffisamment âgé pour avoir déjà fait partie des
forces de police à l’époque. Il s’était joint aux recherches. Comme tous les
agents des quatre comtés voisins.
— Où… où sur Spring Hill Road ?
Bud posa une main sur son épaule.
— Sur l’accotement, près des buissons.
Hailey s’assit sur sa voiture. Elle n’avait pas le choix si elle ne voulait
pas tomber.
Un bas-côté, à proximité de taillis. Tout comme le vélo de Mindy.
Elle prit plusieurs longues inspirations afin de se détendre. Bud
patienta.
Elle visualisa le lieu. Elle connaissait suffisamment Tampa pour
pouvoir imaginer la route. Ce n’était pas bien difficile étant donné la petite
taille de la ville.
— Ce n’est… pas dans la direction du supermarché.
— Non, mais c’est un coin populaire à vélo. Elle avait plusieurs jours
de congé, donc le magasin n’a pas appelé avant le troisième. Ils ont essayé
de la joindre sur son téléphone, et elle n’a pas répondu. Ils n’ont pas tenté
de contacter ses parents ce qui fait que ces derniers n’ont pas réalisé qu’elle
n’était pas au boulot.
— Donc ils ont cru qu’elle était avec son petit-ami pendant tout ce
temps ?
— Les Palmer m’ont indiqué qu’il arrivait que Trisha passe la nuit
chez lui, donc bien qu’ils n’approuvent pas, ce n’était pas inhabituel. Ce
n’est que lorsqu’il les a joints pour leur demander où elle se trouvait qu’ils
ont eu des doutes.
— Vous pensez qu’il est suspect ?
Sa respiration était à nouveau régulière. Son cœur continuait à battre à
tout rompre, et elle gardait une sensation de malaise au creux de l’estomac,
mais se concentrer sur l’enquête l’aidait à reprendre le contrôle de son
corps.
— Non. Il nous a contactés dès que les Palmer et lui ont recoupé leurs
informations. Je l’ai interrogé, après avoir vérifié où il s’était rendu et
fouillé sa caravane. J’ai aussi confirmé auprès des voisins. Je n’ai trouvé
aucune preuve de son implication, je ne crois pas qu’il soit coupable.
Hailey acquiesça. Elle avait confiance en Bud.
— Et donc le corps a été retrouvé devant une supérette ?
— Allongé sur un banc. Nous attendons le rapport toxicologique. Elle
semble avoir été empoisonnée. Aucun signe de violence ou d’agression
sexuelle. Détail étrange : elle avait un nouveau tatouage sur la joue. Un
cœur avec une croix, comme s’il avait été barré.
Hailey se tourna vers lui.
— C’est bizarre. En avait-elle d’autres ?
— Une petite rose sur l’épaule et un chaton sur la cheville. Elle les
appréciait, semble-t-il. J’ai contacté tous les salons dans un rayon de cent
cinquante kilomètres. La majorité d’entre eux n’étaient pas encore ouverts
donc j’ai appelé les propriétaires chez eux. Aucun n’a réalisé le dernier. Il
fait amateur, même si je n’y connais pas grand-chose.
— Donc c’est un cadeau du tueur.
— C’est ma théorie.
— Et vous tentez de contenir le scandale ?
— L’histoire est en train de s’ébruiter. Tu sais que les ragots vont vite
ici. Nous organisons une conférence de presse pour les infos du soir.
— Les médias vont déferler sur la ville comme un ouragan.
Bud grimaça.
— Ouais. Elmer vient à peine d’en terminer avec ses ennuis et à
présent, on dirait que c’est à mon tour. Bon sang, nous en avons déjà été
envahis par les reporters, une fois que les habitants de Pleasant en ont eu
assez de leur parler. Nous nous en sommes difficilement débarrassés, et
maintenant ça. (Il fit une pause, la contempla, puis continua.) Et il y a autre
chose. Ça reste entre nous, par contre.
— Quoi ?
— Une autre fille a disparu. Elle aussi avait dix-huit ans.
La crise de panique d’Hailey reprit à nouveau. Elle eut la sensation de
partir, très loin, puis elle entendit le shérif poursuivre.
— Elle s’appelle Janice Murphy. Elles étaient dans la même classe.
Sans être de grandes amies, elles traînaient parfois ensemble. Tu sais à quel
point les classes peuvent être petites. Tout le monde se connaît. Janice s’est
inscrite à l’IUT de Forsyth. Elle vit également avec ses parents et
lorsqu’elle n’est pas rentrée avant-hier soir, ils nous ont contactés. Ils
ignorent que Trisha Palmer a disparu. Hier après-midi, nous avons localisé
sa voiture, garée sur le parking du centre commercial de Forsyth. Son
téléphone se trouvait à l’intérieur, il n’y avait pas de signe de lutte.
— Personne ne laisse son téléphone dans son véhicule. Surtout pas
une jeune de dix-huit ans.
— En effet. Je pense que son ravisseur l’a abandonné là afin qu’il ne
puisse pas être tracé. Nous n’avons toujours pas retrouvé celui de Trisha. La
compagnie des télécoms dit qu’il a été éteint et que, bien qu’ils ne puissent
pas obtenir un emplacement exact, il semble avoir été désactivé à l’endroit
où le vélo a été découvert. Le coupable l’a probablement balancé dans l’eau
ou jeté dans les bois.
— Nom de Dieu, lâcha Hailey en se frottant les yeux. (Elle fit une
pause avant de poser la question qu’elle redoutait, mais qui nécessitait une
réponse.) Est-ce qu’il y a la moindre indication que Janice Murphy soit
passée sur Spring Hill Road ?
— Non.
Cette réponse la soulagea sans la rassurer. Le fait que Trisha Palmer
ait été enlevée dans un lieu similaire à celui de Mindy qui plus est alors
qu’elle se déplaçait à bicyclette avait été éprouvant.
Son esprit rationnel lui disait qu’il ne s’agissait que d’une
coïncidence. Les jeunes du coin faisaient régulièrement du vélo à proximité
de la route, en particulier celles proches du bassin de retenue. Ces lieux
étaient plus plaisants avec leurs panoramas agréables. Et, bien qu’ils ne
soient pas censés y nager, les adolescents s’y baignaient souvent.
Mais, grâce à sa formation au FBI, elle savait que le modus operandi
d’un meurtrier était comme une empreinte de leur tempérament dérangé qui
en révélait le fonctionnement. Le Tueur aux Épouvantails, qui les réduisait
en pièce avant de les remplacer par des êtres humains, tentait d’exorciser
une sorte de trauma profond. Celui-ci était la conséquence d’actes similaires
subis lorsqu’il était petit. Peut-être que ce nouvel individu avait un lien avec
l’eau, les bassins artificiels ou la natation.
Ou les filles.
Pouvait-il s’agir du même ravisseur ? La méthode semblait analogue,
malgré les âges un peu écartés. Un individu qui s’en prenait à des enfants à
peine pubères comme Mindy ne visait généralement pas les jeunes femmes,
mais ce n’était pas systématiquement vrai. Parfois, les assassins changeaient
au gré du temps ou choisissaient parmi une grande variété de victimes. Il
pouvait s’agir de la même personne.
Hailey reprit le contrôle de son souffle, serra les épaules et se
redressa.
— Si nous avons un autre tueur en série sur les bras, alors je devrais
me joindre à vous. C’est ma spécialité.
Bud posa une main affectueuse sur son omoplate en un geste paternel.
— Pour être franc, je pense que cela te touche d’un peu trop près. Il
n’y a pas de preuve d’un lien avec…
— Je ne suis pas en train de te demander la permission. Je t’informe.
(Hailey réalisa qu’elle avait aboyé sur un homme gentil et perspicace. Elle
lui serra la main.) Je garderai la tête froide, je te le jure.
— Je l’espère.
Il ne paraissait pas convaincu et Hailey eut la brusque crainte d’avoir
fait une promesse qu’elle ne pourrait pas tenir.
Chapitre 3
— Nous ne sommes pas encore certains qu’il s’agisse d’un tueur en
série, dit Hailey, mais étant donné que je suis sur place, je devrais jeter un
coup d’œil et j’aimerais que Graham se joigne à moi.
Hailey était installée dans sa chambre d’hôtel, en pleine discussion en
téléconférence avec son parton, le directeur adjoint Zach Miroslaw. Son
partenaire, Graham Vance, était assis à côté de lui.
Ils n’auraient pas pu avoir l’air plus différents. À cinquante-sept ans,
Miloslaw était rondelet et faisait son âge. Graham, qui avait pourtant trente-
huit ans, semblait plus jeune et était en pleine forme grâce à des
entraînements quotidiens au gymnase du FBI. Hailey avait la sensation que
c’était ainsi qu’il évacuait la frustration de son récent divorce.
— Vous pensez qu’il s’agit d’un imitateur inspiré par votre affaire
précédente ? demanda son supérieur.
— La méthode est différente, mais nous ne pouvons pas écarter cette
hypothèse, répliqua Hailey. Ce nouvel assassin a pu fantasmer sur le fait de
passer à l’acte durant des années et être motivé par le Tueur aux
Épouvantails.
Elle grimaça en disant cela. Les médias avaient trouvé ce sobriquet
et, elle avait beau haïr le côté sensationnaliste de celui-ci, il était resté.
— C’est certainement une possibilité, acquiesça Graham. Et ce
meurtrier vise des jeunes femmes d’un âge similaire à celles du Tueur aux
Épouvantails. (Il se tourna vers Miroslaw.) J’aimerais me rendre sur place,
monsieur. Je n’ai pas grand-chose à faire ici pour le moment, simplement
des recherches de base.
Hailey fit le calcul dans sa tête et en déduisit que ce devait être le tour
de son ex de garder les enfants. Ce pauvre Graham n’avait rien d’autre de
prévu cette semaine. Il serait sûrement content de pouvoir sortir de la ville
et tenir compagnie à sa meilleure amie.
Ils s’étaient d’abord rapprochés en tant qu’équipiers, puis lorsque sa
femme avait commencé à devenir distante, ils étaient devenus bons copains.
Il était agréable de savoir qu’elle pouvait compter sur lui, cela diminuait un
peu la solitude de sa propre existence.
Miroslaw réfléchit un instant puis hocha la tête.
— Très bien, s’il s’avère que ce n’est rien, vous rentrerez, mais si
l’affaire est effectivement sérieuse, il ne pourra qu’être utile de vous avoir
sur place dès le début.
Graham regardait son téléphone.
— Je peux prendre un vol pour Saint Louis cette après-midi, louer
une voiture et te rejoindre ce soir.
— Va à K. C., c’est plus proche.
— K. C. ?
— Kansas City.
Il pianota sur son appareil pendant quelques secondes.
— Ah ! Ce vol arrive une heure plus tôt. Parfait. (Il leva la tête.) Dois-
je réserver une chambre ?
Hailey remua un peu sur son siège. La question était gênante. Lors de
leur visite précédente, ils s’étaient installés chez sa grande sœur, Alice et
son mari, Bob. C’était le dernier endroit où Hailey souhaitait dormir et
Graham voulait probablement éviter de se retrouver au milieu des tensions
des Rock. Mais s’ils s’établissaient dans un hôtel, sa famille le prendrait
sûrement mal.
Non pas qu’elle tienne particulièrement à eux. À l’exception de ses
nièces. Elles étaient l’exception.
Cependant, les siens habitaient dans le comté voisin. Alice ne serait
pas chargée de cette enquête. Ils pourraient ignorer la venue d’Hailey et
Graham. Ses nièces ne seraient pas déçues et celle-ci pourrait s’épargner
bien des ennuis.
— J’ai déjà une chambre, je t’en réserverai une.
— Très bien, dit Graham. Je t’appelle une fois que je serai à Kansas
City puis à nouveau lorsque je serai proche de la ville.
— D’accord. Je ferais mieux de me remettre au travail. À très vite.
Elle coupa la communication avant de se rasseoir dans sa chaise et de
lâcher un long et profond soupir.
Maintenant, la partie difficile allait suivre. Elle devait enquêter et
faire en sorte que sa venue ici ne remonte pas jusqu’aux oreilles d’Alice.
Comment pourrait-elle expliquer sa présence dans le Missouri ?
Hailey n’était pas prête à lui avouer la vraie raison. Pas alors qu’une affaire
lui avait été confiée.
Une nouvelle investigation qui pourrait avoir un lien avec l’ancienne.
***

Graham Vance traversa Tampa avec un sentiment d’émerveillement. Il


ne pensait pas voir un jour une zone plus rurale que Pleasant, la ville natale
d’Hailey, mais la bourgade du Missouri remportait le prix du village le plus
paumé.
Bien que l’endroit ne soit pas aussi vallonné que Pleasant, le comté
d’Ozark était encore moins peuplé. Il conduisit le long d’interminables
étendues d’autoroute sans apercevoir plus qu’une rare ferme isolée. Tous les
quelques kilomètres, une commune si petite que l’on pouvait la manquer si
l’on clignait des yeux, apparaissait. Celle-ci était généralement à peine plus
grande qu’une intersection, un feu de signalisation, une station-service et un
silo à grains. Dix maisons et un modeste camping avec un peu de chance.
Et à présent, il entrait dans Tampa. Non pas la ville en Floride aux
centaines de milliers d’habitants, mais celle du Missouri, peuplée de
750 citoyens. Et il s’agissait de la capitale du comté ! Le cœur battant de
l’Ozark.
En d’autres circonstances, il aurait éclaté de rire. Désormais, cela ne
faisait que le déprimer. À l’heure actuelle, seules 749 ou même
748 personnes vivaient encore ici. Un tueur était en liberté et il mettrait une
communauté à feu et à sang.
Il avait l’habitude de la côte Est, où les métropoles connaissaient des
douzaines de meurtres par semaine. Graham doutait que cet endroit en ait
vu autant lors de la dernière décennie.
Une fois sorti de l’Autoroute 160, il distingua l’Hôtel 6, où Hailey
leur avait réservé des chambres, un peu plus loin devant lui. Il sentit un
léger frisson d’impatience et de nervosité le parcourir. C’était généralement
l’effet que son équipière avait sur lui.
Cela avait été le cas depuis le début de leur partenariat, à l’époque où
Graham pensait être dans une union stable qui durerait jusqu’à la fin de sa
vie. Et pourtant, Jennifer était devenue distante, avait cessé de
communiquer et avait fini par lui demander un divorce sans lui donner de
raison. Il avait été qualifié de « séparation sans égard à la faute ». Mais si un
mariage avec deux enfants se terminait, cela devait bien être à cause de
quelqu’un, non ?
Il était convaincu que ce n’était pas lui. Il avait aimé Jennifer. C’était
toujours le cas. Et il adorait leurs bambins. Il ne l’avait jamais trompée non
plus. Jennifer avait-elle remarqué son attirance pour Hailey ? Si oui, elle ne
l’avait jamais confronté à ce sujet. Elle ne s’était même pas plainte de ses
longues absences dues à son travail, du moins pas plus que les épouses de
n’importe quel autre agent. Et elle n’avait jamais mentionné ça comme
raison pour leur divorce.
Elle ne lui en avait donné aucune, en fait. Elle s’était contentée de
partir.
À présent, il était seul. Enfin, pas tout à fait. Il chassait désormais un
tueur au milieu de nulle part, en compagnie d’une femme qui l’avait rangé
dans la case « amie » sans même s’en rendre compte, plusieurs années plus
tôt.
Ta vie prend vraiment une tournure incroyable, mon grand.
Il gara son véhicule, sortit et se dirigea vers la chambre qu’Hailey lui
avait indiquée.
Elle ouvrit après qu’il eut frappé, toujours aussi belle et farouche.
Et stressée. Et triste.
Il se passe tellement de choses que j’ignore dans ton existence.
J’aimerais que tu te confies à moi.
Elle lui adressa un sourire forcé.
— Bienvenue à Tampa. J’espère que la ville n’est pas trop immense
pour toi.
Cela avait été une blague récurrente entre eux depuis la dernière
affaire. Il avait toujours vécu dans les centres-villes urbains de la côte est.
Elle était née et avait grandi dans la petite commune de Pleasant.
— Ça ferait passer Pleasant pour New York, répliqua-t-il.
— Nous avons rendez-vous avec Bud Roper, le shérif de la
municipalité.
— D’accord, je m’installerai plus tard. Allons-y. Tu veux prendre ta
voiture ou la mienne ?
— Ni l’une ni l’autre. Son bureau est à sept cents mètres dans cette
direction, indiqua-t-elle en tendant le doigt. À l’autre bout de la ville. Ça te
permettra de te faire une idée des lieux.
Ils commencèrent à marcher. Tampa semblait être un endroit moins
prospère que Pleasant. Il n’y avait pas les édifices en brique du dix-
neuvième siècle que l’on voyait dans la majorité des agglomérations du
Mississippi. Ces résidences étaient construites avec du matériel de moins
bonne qualité et étaient plus petites. Ils passèrent devant une pizzeria, un
salon de coiffure, un magasin discount et un barbier. Voilà en quoi consistait
l’intégralité du centre-ville commerçant. Le commissariat s’avéra être un
bâtiment à étage situé entre un bureau d’assurance agricole et un
établissement fermé.
Quelques personnes traînaient dans les rues. Un pick-up roula
lentement devant eux et un homme imposant avec une barbe rousse touffue
leur lança un regard suspicieux.
— Ont-ils fait une déclaration officielle ? demanda Graham.
— Pas encore, mais tout le monde est au courant.
— Pour le décès et la disparition ? (Hailey acquiesça. Il y eut une
pause.) Comment se porte Pleasant ?
— La ville guérit, je suppose. Doucement.
— Est-ce qu’Alice va se joindre à nous ?
— Non. Sa juridiction se limite au comté voisin.
— Je sais, mais elle a appelé des renforts lors de l’affaire des
Épouvantails.
— Ça n’est pas encore le cas ici.
Elle paraissait tendue, son dos était raide, et elle se concentrait droit
devant elle.
Graham n’ignorait pas qu’il vaudrait mieux d’éviter de poser la
question, mais il décida de le faire tout de même. Il avait le sentiment que
c’était important.
— Oh. Hum. Hailey ? Est-ce que ta famille est au courant de ta
présence ?
Elle ne le regarda pas lorsqu’elle répondit d’un ton pressé et nerveux.
— Non.
Ils entrèrent dans le commissariat en silence. Graham se demandait
comment elle avait occupé ses vacances sur place si elle n’était pas allée
rendre visite à ses proches. Ils franchirent une porte abîmée en contreplaqué
et pénétrèrent dans une salle. Une secrétaire leur tournait le dos et tapait sur
un ordinateur de bureau qui aurait dû être remplacé il y a des années.
Graham était surpris qu’il fonctionne encore. Un homme, la soixantaine, au
ventre proéminent, portant un uniforme et un chapeau de cowboy, malgré le
fait qu’il soit à l’intérieur, leur fit signe derrière une table.
— Entrez donc.
Graham releva que tous les meubles semblaient dater des années
soixante-dix, avec leur vieille peinture verte et leur armature en métal. Le
PC donnait l’impression d’avoir été acheté cinq ans plus tôt. Il ne remarqua
ni autre bureau ni cellule, mais il vit toutefois un crachoir posé par terre.
L’objet attira son attention lorsque le policier y projeta du jus de tabac qui
toucha le bord avec un tintement aigu.
Celui-ci se leva et leur tendit une main imposante.
— Bud Roper, shérif du comté d’Ozark. Ravi de faire votre
connaissance.
— Agent spécial Graham Vance, FBI, Unité d’Analyse
Comportementale. (Il regarda autour d’eux.) Vous n’avez pas d’adjoint ?
— Non, je suis tout seul. Heureux de vous avoir. Hailey ne tarit pas
d’éloges à votre sujet.
Cela fit s’emballer le cœur de Graham.
— Où se trouve le commissariat principal ? demanda-t-il.
— Vous y êtes. Il y en a un autre sur l’autoroute. Vous venez de K. C.,
pas vrai ? Vous êtes passé devant.
Graham ne se rappelait pas avoir remarqué quoi que ce soit de tel,
mais décida de ne pas insister.
— Vont-ils nous aider avec l’enquête ?
— Bien sûr, mais ils sont en sous-effectif. C’est un réel soulagement
de vous avoir. (Il récupéra un dossier sur son bureau.) L’expert médical est
venu faire son boulot. Le corps est dans le funérarium de la ville. Allons là-
bas y jeter un coup d’œil. Voici les photos du crime. Je vous les montrerai
une fois que nous serons arrivés.
Ils se rapprochèrent de la porte. Graham lança un ultime regard au
commissariat presque vide, preuve de la négligence financière de l’état. Il
savait que, tôt ou tard, le shérif Roper serait forcé de demander des renforts.
Ce qui signifiait Alice et, à en juger la situation lorsque la dernière
fois que les deux sœurs s’étaient retrouvées dans la même pièce, les
étincelles risquaient de voler.
Chapitre 4
Hailey regarda tristement le corps de Trisha Palmer, étendu sur une
table de la réserve du funérarium Ogilvie. La victime était une fille mince,
athlétique, et jolie, avec de longs cheveux bruns. Un tatouage d’un cœur sur
sa joue gâchait des traits agréables. Celui-ci faisait la taille d’une pièce de
cinquante cents, avait été réalisé à l’encre noire et était barré d’un X.
Charles Ogilvie, le propriétaire des lieux et maire de la ville, secoua la tête.
L’homme maigre d’environ soixante-dix ans détenait ce poste depuis aussi
loin que remontaient les souvenirs de Hailey.
– Quel gâchis. Je déteste quand elles sont si jeunes.
— Vous avez participé à l’examen médical ? s’enquit Hailey.
— Oui, mais c’est le docteur de Jefferson City qui a fait la majorité
du travail, c’est sa spécialité.
— Nous avons reçu son compte rendu, indiqua le shérif Roper. Étant
donné les événements récents, la priorité a été donnée à ce cas. Le rapport
toxicologique a montré la présence de traves de Flunitrazépam et d’une
grande quantité de benzodiazépine. C’est ce qui a causé son décès.
— Des somnifères ? lança Hailey, surprise. Elle est morte d’une
overdose ?
— Il semblerait.
— A-t-elle été agressée sexuellement ? demanda Graham.
— Nous n’avons trouvé aucune indication de la sorte, affirma le
directeur des pompes funèbres. Absolument aucun signe de violence. C’est
étrange. Pourquoi est-ce que quelqu’un utiliserait la drogue du violeur sans
passer à l’acte ?
— Pour la neutraliser, précisa Hailey. Mais dans quel but ? (Personne
n’avait de réponse à cette question. Hailey continua à réfléchir à voix
haute.) Donc, notre tueur lui a fait consommer du Flunitrazépam, peut-être
afin de l’enlever. Peut-être qu’elle était allée dans un restaurant local ou un
établissement similaire. Elle serait ensuite partie à vélo et serait tombée
dans les vapes avant d’être récupérée par notre assassin. Attendez, non, son
corps l’aurait métabolisé entre le moment de sa disparition et lorsqu’elle a
été retrouvée. Donc elle a reçu cette drogue avant que le meurtrier ne
l’achève d’une overdose de somnifères.
— Notre homme aurait pu utiliser deux fois de la Flunitrazépam,
suggéra Graham.
Bud Roper secoua la tête.
— J’ai posé la question à tous les établissements du coin. À
l’exception d’un passage à la laverie automatique tôt le matin, elle ne s’est
pas rendue dans un restaurant ou un magasin. Aucune occasion de lui faire
consommer à moins qu’elle ne soit allée chez quelqu’un et nous n’avons
aucun témoin de cela non plus. Tout le monde se connaît ici, ils se seraient
souvenus si elle était entrée dans une boutique.
— Cela ne laisse plus que les résidences privées. Et avons-nous des
pistes sur ses déplacements avant son enlèvement ? demanda Hailey.
— Nous n’avons pas de certitude. Elle a un grand frère qui habite à
Little Rock. Son père rend visite à de la famille sur la côte ouest toute la
semaine. Sa mère était absente toute la journée. Elle travaille dans une
station-service sur l’autoroute de l’État. Je n’ai pu trouver personne qui
saurait où elle se rendait à vélo à l’exception d’un voisin qui l’a aperçu
partir de chez elle vers 14 h, la date de sa disparition.
— Est-ce qu’elle avait un sac ?
— Non, elle allait juste se promener.
— Mais elle aurait pu rendre visite à quelqu’un. Et ingérer le
stupéfiant à ce moment-là.
— Possible, confirma Graham. Mais elle a disparu pendant plusieurs
jours. Peut-être qu’elle a été retenue en captivité et droguée ensuite.
Bud acquiesça.
— Possible. Mais celui qui l’a enlevé, en supposant que cela soit la
raison de son absence, l’a traité humainement. Elle ne présente aucune
ecchymose. Et regardez ça.
Il ouvrit le dossier contenant les photos du crime. Celles-ci montraient
Trisha, allongée sur un banc, ses vêtements propres et bien arrangés, les
yeux fermés, les bras sur le côté, préparée pour son futur cercueil.
— Il respecte les morts, marmonna Graham. Peut-être même qu’il les
vénère ?
— Un attachement qui aurait dégénéré ? déclara Hailey. Ce tatouage
avec un cœur barré n’était pas là lorsqu’elle a disparu, n’est-ce pas ?
— Personne ne l’a mentionné et la mère l’avait vue tôt ce matin,
avant qu’elle parte au travail et que Trisha se rende au lavomatique. La
théorie la plus probable est qu’il s’agisse de l’œuvre du tueur.
— Il est récent, un jour ou deux, indiqua Ogilvie. La peau est encore
légèrement enflée. L’examinateur médical a dit qu’il avait été réalisé alors
qu’elle était toujours en vie ou juste après son décès, étant donné que
l’épiderme avait réagi de façon normale. Si elle avait été morte depuis un
certain temps, il n’aurait pas changé.
— Le motif ne semble pas très bien fait, ajouta Hailey.
Ogilvie tira un peu le drap afin de révéler un petit tatouage de rose sur
son épaule gauche et un chaton à l’intérieur de sa cheville droite.
— Effectivement, dit-il. Comme vous pouvez le constater, ceux
qu’elle avait faits avant sont colorés et de bonne facture. Je vois beaucoup
de tatouages dans ce travail. Le dernier a été réalisé par un amateur.
Observez les bordures. Le X en particulier est très brouillon.
— Peut-être qu’il était nerveux, ou effrayé. Ou en colère, proposa
Hailey.
— Possible, confirma Ogilvie.
Bud prit alors la parole.
— Lorsque j’ai contacté les salons, j’ai découvert celui qui s’était
occupé de ses deux tatouages précédents. Trisha ne leur avait jamais
mentionné vouloir un cœur.
— Certainement pas un de ce genre, continua Hailey. Pauvre fille.
Bien, nous ferions mieux de nous mettre au travail. Je ne crois pas que nous
puissions apprendre quoi que ce soit d’autre ici. Janice Murphy a disparu.
Elle est peut-être toujours en vie et retenue captive.
— J’ai déjà parlé avec sa famille, indiqua Bud. Ils ignorent qui aurait
pu vouloir l’enlever. J’ai rassemblé un groupe de ses amis. Des habitants du
coin, et d’autres qui vont en cours avec elle à Forsyth. (Il regarda l’horloge
accrochée au mur.) Nous devrions nous mettre en route, ils vont nous
attendre.
Ogilvie recouvrit la dépouille du drap avant de lâcher un soupir.
— Et je dois me rendre à une conférence de presse dans une demi-
heure. Mon Dieu, que vais-je dire aux gens ?
Bud posa la main sur son épaule.
— Tu trouveras quelque chose, Chuck. J’en suis sûr.

***
Cinq filles et deux garçons, tous âgés de dix-huit à vingt ans, étaient
assis dans le salon d’une modeste résidence au centre de Tampa. Celle-ci
était la propriété des parents d’une des jeunes femmes. Ces derniers se
tenaient dans l’entrebâillement, à observer la scène avec une expression
nerveuse sur le visage.
Les étudiants étaient installés sur le canapé ou des fauteuils avec
Hailey, Graham et le shérif Roper debout face à eux.
— Nous ignorons complètement qui aurait pu lui vouloir du mal, dit
l’une d’entre eux. Elle était amie avec tout le monde.
— Avait-elle des rivaux à l’université ? s’enquit Hailey. Ou même
datant du lycée.
Ils se dévisagèrent mutuellement et haussèrent les épaules.
Une nouvelle étudiante prit la parole.
— Je veux dire, elle a eu des différents classiques avec les autres
filles, mais rien de sérieux. Personne ne la détestait.
— Fréquentait-elle quelqu’un ? Ou sortait-elle d’une rupture ?
— Moi, déclara l’un des garçons.
Celui-ci était athlétique et élancé. Il donnait l’impression d’être un fils
de fermier. Hailey l’étudia du regard.
— Depuis combien de temps étiez-vous ensemble ?
Son interlocuteur fit la grimace.
— Nous avons rompu il y a un petit moment. Nous nous sommes
fréquentés durant environ trois mois. Nous nous sommes rencontrés au
bureau des élèves, elle était gentille.
Hailey remarqua l’emploi du passé.
— Pourquoi vous êtes-vous séparés ?
Il haussa les épaules et évita de la regarder dans les yeux.
— Elle m’a dit qu’elle voulait se concentrer sur son travail scolaire.
Elle était vraiment décidée à réussir. La moitié de nos rencards étaient des
sessions de révision. Mais, un jour, elle m’a balancé qu’elle « n’avait pas de
temps à consacrer à une relation ». Elle ne m’a pas envoyé beaucoup de
messages après cela. Elle ne m’évitait pas non plus, elle discutait quand je
la contactais, mais ne faisait jamais le premier pas.
— Et de quand cela date-t-il ?
— Environ un mois.
— Savez-vous si elle fréquentait quelqu’un d’autre ?
Hailey posa la question à tout le groupe, mais ce fut l’ancien petit-ami
qui répondit.
— Nan. Elle était trop concentrée sur ses études. Elle les prenait
vraiment au sérieux. Elle n’arrêtait pas de déclarer qu’elle « voulait partir de
cette ville qui ne menait nulle part ». Elle rêvait de devenir professionnelle à
Chicago ou peut-être New York.
— Donc pas d’autre relation ? répéta Hailey, en fixant une fille qui
remuait dans son siège.
Personne ne répondit, certaines étudiantes se dévisagèrent et
haussèrent les épaules. Hailey se concentra sur celle qui semblait mal à
l’aise.
— Janice Murphy a disparu et pourrait avoir été enlevée. Trisha
Palmer, que nombre d’entre vous connaissaient, a été kidnappée et
assassinée. J’ai besoin de savoir toutes les informations que vous pourriez
détenir, peu importe à quel point elles peuvent paraitre gênantes ou peu
pertinentes.
La jeune femme en question leva timidement la main, comme si elle
était en cours et n’était pas certaine d’avoir la bonne réponse. Cela lui
donnait l’air encore plus juvénile.
— Janice… voyait plus ou moins quelqu’un d’autre.
L’ex-petit ami se tourna brusquement, la surprise et la peine étaient
visibles sur son visage. La colère était néanmoins absente. L’étudiante
rougit et tritura la bordure de sa jupe.
— Développe, Catherine, ordonna le shérif Roper. Tu as toujours été
une bonne fille. Tu n’as jamais eu d’ennuis et tu ne risques pas de t’en
attirer.
— Je ne sais rien, marmonna-t-elle
— Parlez-nous de ce petit-ami, insista Hailey. Est-ce qu’elle a
commencé à le fréquenter après cette autre rupture ?
Catherine acquiesça. L’ex-compagnon de la victime baissa la tête.
— Continue, Catherine, reprit le shérif.
— Eh bien, elle m’a avoué il y a environ un mois qu’elle voulait
rompre avec Greg parce qu’elle avait rencontré quelqu’un. Navrée, Greg.
Hailey se pencha en avant. La gêne de leur interlocutrice indiquait
qu’elle n’avait pas simplement peur de vexer son camarade.
— Poursuivez, la pressa Hailey.
— Elle a dit qu’il était vraiment passionnant. Qu’il n’avait rien en
commun avec ceux qu’elle avait fréquentés avant. Janice n’avait pas eu de
petit-ami sérieux au lycée ou alors seulement des types timides. Elle était
toujours concentrée sur ses études. Elle avait toujours les meilleures notes,
vous voyez le genre. Mais dernièrement, elle paraissait différente.
— Comment ça ? demanda le shérif.
— Elle était… toute excitée. Elle affirmait qu’elle aurait souhaité ne
pas avoir gâché autant de temps sur le travail scolaire, qu’elle avait
rencontré une personne qui lui donnait l’impression d’être réellement
vivante.
Greg baissa les yeux et rougit.
— Comment s’appelle-t-il ? s’enquit Roper.
Catherine haussa les épaules.
— C’est là que ça devient étrange, elle ne me l’a jamais révélé. Je
n’arrêtais pas de lui demander si c’était quelqu’un que je connaissais, et
puisque je viens de Tampa, je connais plus ou moins tout le monde, mais
elle se contentait de sourire et de me répondre qu’il s’agissait de « l’homme
auquel je m’attendrais le moins ».
— Elle a donné d’autres indices ?
— Plus ou moins. J’ai cherché à savoir pourquoi elle refusait de le
dire, à moi ou à qui que ce soit. Est-ce que l’un d’entre vous a entendu
parler de ce type ? (Elle regarda autour d’elle. Ils secouèrent tous la tête.
Greg jura dans sa barbe. Catherine se tourna à nouveau vers Hailey.) Je suis
sa meilleure amie depuis qu’Anna a déménagé, en seconde. Elle me raconte
des choses qu’elle ne révèle à personne d’autre. Donc j’ai cherché à
découvrir pourquoi elle était si mystérieuse à ce sujet et elle s’est mise
vraiment en colère. Pas contre moi, mais de manière générale, elle disait «
tout le monde me jugerait ».
— Est-ce qu’elle a développé ? s’enquit Hailey.
— Plus ou moins. Je lui ai demandé si c’était un type plus âgé,
quelqu’un de marié avec des enfants et elle a lâché quelque chose comme «
beurk, non ». J’ai ensuite voulu savoir s’il s’agissait de quelqu’un qui avait
une petite amie et elle a rétorqué : « Je ne sortirais jamais avec une personne
dans le genre ni ne pourrait tromper quelqu’un. C’est pour ça que j’ai
rompu avec Greg dès que je l’ai rencontré. » Désolée, Greg.
Ce dernier ne répondit pas. Voyant comment il se morfondait, Hailey
ne pensait pas qu’il était suspect. Ce mystérieux nouveau petit-ami, par
contre…
Catherine continua.
— Elle a dit que c’était un type que tout le monde détestait, mais qui
était vraiment gentil une fois que l’on apprenait à le connaître. Elle refusait
de développer et m’a fait jurer de n’en parler à personne, Greg en
particulier. Elle ne voulait pas être jugée et souhaitait éviter que l’on se
mette en travers de leur chemin. Elle était sincèrement amoureuse, c’était
évident.
Catherine se tut.
— Est-ce que quelqu’un d’autre était au courant pour ce type ?
demanda Roper.
Aucune réponse.
Hailey observa la pièce, tentant de regarder dans les yeux chacun des
amis proches de Janice Murphy, à la recherche du moindre signe de
dissimulation. Elle n’en vit aucun.
— C’est important, les jeunes, insista le shérif. Si l’un d’entre vous
sait quoi que ce soit, dites-le maintenant. La vie de Janice Murphy pourrait
en dépendre.
— J’aimerais pouvoir vous en dire plus, désolée, répondit Catherine.
(Elle afficha alors une expression surprise.) Oh ! Elle envoyait beaucoup de
SMS ces derniers temps. Vous pourriez peut-être éplucher sa facture de
téléphone.
Le shérif acquiesça.
— Nous avons fait une demande en urgence auprès de l’entreprise et
tous les réseaux sociaux dont ses parents avaient connaissance. Nous
devrions avoir cette information dans la journée.
Dans la journée, pensa Hailey. Il pourrait être trop tard.
Il pourrait être déjà trop tard.
Chapitre 5
Pourquoi Janice se comportait-elle ainsi ? Pourquoi ne répondait-elle
pas à la question ? Pourquoi restait-elle assise, repliée sur elle-même dans
un coin de la pièce avec un air effrayé ? Pourquoi sembler avoir peur de
lui ? De lui ?
Pourquoi pleurait-elle ?
Janice Murphy était une fille tellement adorable. Il l’admirait depuis
qu’elle avait commencé à devenir une femme, à l’âge de quatorze ans.
Calme, studieuse, mais chaleureuse et gentille. Elle faisait du bénévolat au
refuge pour animaux et écrivait de jolis courts poèmes qu’elle n’osait pas
montrer aux autres.
Il avait jeté quelques coups d’œil dans son carnet et, le cœur battant à
tout rompre par peur de se faire prendre, avait photographié chacun d’entre
eux.
Il les avait ensuite appris par cœur.
Bien que Janice ait toujours été polie, respectueuse et lui ait peu parlé,
il avait remarqué ses véritables sentiments. Comme dans ce poème,
Printemps, qu’elle avait écrit à quinze ans : mon cœur germe en même
temps que les bourgeons, je suis une pousse sur le point de devenir une
fleur. Ce passage était évidemment à propos de lui. Ils s’étaient rencontrés
durant cette saison et l’une des premières choses qu’elle lui avait dites était
« il semblerait que le printemps arrive, je vais bientôt aider ma mère dans le
jardin ».
Quelle adorable étincelle de vie ! Si heureuse et joyeuse à l’idée de
voir commencer une nouvelle année et les premières éclosions de passion.
D’amour pour lui.
Alors pourquoi pleurait-elle ?
Il se tenait dans l’entrebâillement de sa pièce au sous-sol, une salle
qu’il avait nettoyée exprès pour cette réunion. Il avait chassé toutes les
araignées, repeint les murs, posé de la tapisserie et tout insonorisé.
Puis il avait meublé l’endroit avec tout ce dont elle aurait pu avoir
besoin. Un lit confortable (une place, il ne voulait pas lui mettre une
pression quelconque.), une coiffeuse antique qu’il avait payée une petite
fortune, une grande télévision, des animaux en peluche et des livres.
Mais pas internet. Son instinct lui disait de ne pas lui fournir internet
ou un téléphone. Elle avait beau l’adorer, des personnes de son ancienne vie
pourraient lui manquer. Elle était jeune, après tout, et il lui serait difficile de
s’habituer immédiatement à sa nouvelle existence.
Janice était accroupie à l’autre bout de sa jolie chambre, le plus loin
possible de la porte.
Le plus loin possible de lui.
— Tu as besoin de quoi que ce soit ? demanda-t-il.
— S’il vous plait, laissez-moi partir, bégaya-t-elle.
— Tu sais que tu ne le veux pas vraiment. Certes, tout cela est
soudain, mais ça vaut mieux.
— Ne me faites pas de mal. Permettez-moi de m’en aller et je ne
dirais rien à personne. Épargnez-moi, je vous en prie !
— J’en serais incapable, Janice. J’ai attendu que tu sois assez âgée. Je
t’ai même laissé avoir des petits amis. J’en ai souffert, je dois l’avouer, mais
je sentais que tu avais besoin de te découvrir, de déployer tes ailes avant de
pouvoir t’envoler avec moi. Tu te souviens de ce poème que tu as composé
en première ? Vole avec moi. Il était tellement beau, j’ai remarqué qu’il
parlait de nous.
Janice cligna des paupières et le regarda en face pour la première fois.
— Vous avez lu mon carnet ?
— Et j’en suis navré. Mais je devais m’assurer que tu écrivais bien à
propos de moi. Je ne voulais pas t’embêter.
— Hein ?
— Tu as faim ? Soif ? J’aurais vraiment dû installer un frigo ici. Je
m’en occuperai dès aujourd’hui.
— Comment avez-vous lu mon carnet ?
— Tu le laissais dans ton sac lorsque tu allais déjeuner.
— Où ça ?
Il éclata de rire.
— Il n’y a pas tant de lieux différents à Tampa.
Elle ne partagea pas son hilarité.
— Donc vous me harcelez depuis tout ce temps ?
— Te harceler ? Absolument pas. C’est ce que font les prédateurs. Je
tiens à toi Janice, et je sais que l’inverse est vrai.
Elle le dévisagea, brusquement furieuse.
— Je tiens à vous ? Je ne vous connais même pas !
Il fit un pas en arrière, sonné. Il se contenta de le contempler pendant
un moment. Elle détourna le regard, effrayée par son propre emportement.
Elle a peur. Ça explique tout.
— Ne dis pas des choses pareilles pour me blesser, Janice. Je sais que
tout cela est très soudain. Tu étais si terrifiée lorsque je t’ai prise dans ta
voiture. J’en suis navré, mais je pensais que tu m’avais remarqué dans la
cafétéria.
— La cafétéria ?
— Où tu étais assise et lisais ton livre de biologie. Toujours aussi
studieuse ! Bravo ma grande. Et lorsque tu t’es levée pour aller chercher des
serviettes, c’est là que j’ai mis quelque chose dans ton verre.
— C’est pour ça que je ne me souviens de rien ? J’avais l’impression
d’être saoule alors que je n’avais rien bu. Je pensais avoir attrapé la grippe.
Il sourit.
— Non, désolé d’avoir dû agir de la sorte, mais j’avais peur que tu
réagisses mal. Je voulais que tu abandonnes ton ancienne vie et te réveille
dans la nouvelle… à mes côtés. À présent, nous pouvons être ensemble,
Janice. Nous n’avons plus à nous cacher. Tu ne pouvais pas montrer ton
amour, c’est désormais possible. Juste toi et moi. Pour toujours.
Janice le dévisagea une seconde. Il sentit une sensation de malaise
l’envahir lorsqu’il vit la lueur dans ses yeux.
— Qu’est-ce que vous racontez ? Je ne sais même pas qui vous êtes.
Il eut l’impression que son cœur venait de se briser et d’être réduit en
cendres.
Pendant une seconde, il eut le sentiment que la pièce se mettait à
tourner. Il s’appuya contre l’encadrement afin de ne pas tomber. Janice se
tenait devant lui, partagée entre la colère et la peur, ne semblant
sincèrement pas le reconnaître.
Elle n’avait pas écrit ces poèmes à propos de lui. Ou si c’était le cas,
il n’avait été qu’une amourette d’adolescente rapidement oubliée. Elle était
passée à autre chose. Pas lui. Ces conversations, ces moments volés
lorsqu’elle était plus jeune, n’avaient aucune importance à ses yeux. Janice
ne s’en rappelait même pas.
C’était ce qui l’avait inquiété lorsqu’ils s’étaient croisés dans la rue
principale ou au supermarché, ces instants où elle ne lui avait pas fait signe
et qu’il avait été trop timide pour lui dire bonjour. Ce n’était pas qu’elle
était discrète, elle ne se souvenait vraiment pas de lui.
Rien de tout ça n’avait signifié quoi que ce soit pour elle.
Comment pouvait-il s’être trompé à ce point ?
Comment pouvait-il s’être trompé à ce point, deux fois ?
Il lâcha un long soupir, les larmes lui montaient aux yeux. À travers le
flou, il pouvait la voir l’observer, mais il ne pouvait distinguer l’expression
sur son visage. Il ne le voulait pas.
— Eh bien, croassa-t-il avec difficultés. Je suppose que tout ça était
une immense erreur.
Il sortit de la pièce, Janice l’appela, mais il l’ignora. C’était terminé.
Il claqua la lourde porte avec un bruit sourd puis mit le verrou. Il
s’essuya les yeux, et remonta jusqu’à la cuisine d’un pas pesant.
Il était l’heure de préparer à dîner. Il se ferait un bon ragout de bœuf.
Elle devait avoir faim. Elle n’avait quasiment rien mangé depuis le petit
déjeuner qu’elle avait à peine touché. Comme Trisha Palmer, Janice
Murphy s’était méfiée de tout ce qu’il avait tenté de lui donner. À chaque
fois, il avait dû goûter ce qui se trouvait dans leur assiette avant qu’elles
acceptent d’en prendre. Il ferait de même avec le ragout. Il en préparerait
une importante portion et son arôme riche briserait la volonté de Janice. Il
en avalerait quelques bouchées en premier et elle suivrait son exemple.
Une petite quantité ne lui ferait pas de mal. Le Flunitrazépam qu’il
mélangeait à l’intérieur lui donnerait un léger tournis, mais il assommerait
Janice. Il avait fait des recherches. Avec son poids supérieur et une dose
plus modeste, il pourrait s’occuper de la suite sans crainte de vaciller.
Ce qui signifiait lui amener son dessert. Sous l’influence de la drogue,
elle ne pourrait pas résister, elle en serait incapable. Il pourrait lui verser un
de ses milk-shakes spéciaux dans la gorge.
Un bon milk-shake à la fraise, fait-maison, avec une solide ration de
somnifères en suppléments.
— Ne t’en fais pas, Janice, chuchota-t-il en découpant les légumes
dans sa cuisine moderne tout équipée. Tu ne souffriras pas. Tu ne m’aimes
peut-être pas, mais moi si. Je te protègerai de la douleur du monde. Tu ne
sentiras rien. Tu t’endormiras et ne te réveilleras jamais. Ça vaut mieux que
d’être éveillé, crois-moi. Je t’épargnerai d’avoir à éprouver ce que je
ressens actuellement.
Chapitre 6
— Nous les avons, dit Bud Roper en levant la tête de son ordinateur
dans le petit commissariat de Tampa.
Hailey se redressa à son tour, abandonnant sa fouille des anciens
rapports de police afin de découvrir des crimes similaires dans la région.
Graham, qui partageait un bureau avec elle et effectuait un travail tout aussi
ennuyeux pour la même absence de résultat, l’imita.
— Tu as les relevés téléphoniques ?
— Ouaip, ses messages. Nous avons également l’autorisation
d’accéder à son Snapchat, quoi que ça puisse être.
— C’est un réseau social, expliqua Hailey. Mes nièces l’utilisent.
Elle sentit les filles lui manquer à nouveau. Une fois que tout cela
serait terminé, elle se fit la promesse de souffrir en silence et d’aller leur
rendre visite à Pleasant. Peut-être n’aurait-elle pas à passer trop de temps
avec Alice, Bob et sa mère.
Hailey et Graham se dirigèrent vers le shérif et regardèrent par-dessus
son épaule alors qu’il épluchait les messages de Janice Murphy.
Ils tombèrent sur quelque chose d’intéressant presque
immédiatement. Ses deux dernières conversations étaient avec les filles
qu’ils avaient interrogées aujourd’hui. La précédente avec un dénommé
Will Fisher. Le contenu était long, il s’agissait d’un vrai échange, très
intime, rempli d’émoticônes en forme de cœurs ou en train de s’embrasser.
Roper grommela.
— Hum. Une fille bien comme Janice qui traîne avec Will Fisher ? Je
n’y aurai jamais cru.
— Qui est-ce ? demanda Hailey.
— Un jeune. La vingtaine, il me semble. Il vit ici à Tama et n’a
jamais accompli grand-chose. Je l’ai arrêté plusieurs fois pour
consommation d’alcool par un mineur et je l’ai pris avec de l’herbe. Il avait
quinze ans à l’époque, donc ça n’a rien donné.
— A-t-il commis des crimes dernièrement ?
— Une échauffourée. Lui et deux autres types buvaient près de la
retenue d’eau et se sont disputés. Ils se sont lancés dans une bagarre à trois.
J’y effectue régulièrement un saut la nuit pour vérifier qu’il ne se passe rien
de trop grave. Il faut bien laisser les jeunes s’amuser un peu, afin qu’ils ne
fassent pas pire. Mais je ne tolère pas les pugilats. Je leur suis tombé dessus
alors que la situation commençait à dégénérer. Je les ai séparés, leur ai pris
leurs bières, les ai fouillés, mais je n’ai rien trouvé. Ils ne sont jamais passés
devant un juge, aucun n’a porté plainte. On pourrait dire que Will Fisher l’a
emporté, ceci dit, les deux autres étaient dans un sale état.
— Un vrai citoyen modèle, lâcha Hailey.
Roper acquiesça et projeta du tabac à chiquer dans le crachoir prévu à
cet effet avec un ding puissant. Graham fit la grimace.
— Excusez-moi, dit le shérif. Vous savez, quelque chose me titille
depuis un moment. Je vais passer quelques coups de fil. Pourquoi ne
fouillez-vous pas ce Snapchat pour voir ce que vous pouvez y trouver ? Ils
ont envoyé un truc qu’ils appellent une interface. Apparemment, vous
pouvez l’utiliser pour faire comme si vous étiez sur son compte. Vous
n’avez même pas besoin de télécharger le logiciel.
Le shérif traversa la pièce et sortit son téléphone. Hailey et Graham
passèrent sur Snapchat. Hailey n’était pas vraiment familière avec
l’application, elle ne s’en servait que pour discuter avec ses nièces, mais
elle était assez simple d’emploi. Elle trouva rapidement les conversations
avec Will Fisher et les afficha à l’écran.
Ces discussions et images partagées n’étaient stockées que durant
vingt-quatre heures avant d’être automatiquement effacées, mais les
utilisateurs pouvaient enregistrer tout ce qu’ils voulaient.
Les sauvegardes contenaient des phrases éparses de Will, datant de
ces derniers mois.
« Tu es tellement sauvage. Qui l’eût cru ? »
« Je suis tellement content que tu montres ta vraie personnalité. »
« C’était GÉNIAL, hier soir. »
« Tu devrais me présenter à tes amis, les secouer un peu. »
« Je pense à toi, ma belle. »
Il y avait également une série de clichés, tellement que Hailey eut
l’impression que Janice les avait tous gardés.
Ils montraient un jeune homme musclé avec une tignasse blonde
bouclée soigneusement décoiffée. Il portait un débardeur qui laissait
paraitre un tatouage de crâne sur son biceps droit. Sur la plupart des photos,
son visage arborait une expression langoureuse, les autres étaient des gros
plans sur de grands yeux marron chaleureux lançant un regard brûlant à
l’objectif.
Si Hailey avait été beaucoup plus naïve, elle aurait pu s’imaginer
tomber sous le charme d’un type comme lui. Au moins jusqu’au moment où
elle aurait découvert sa personnalité. Pour une élève modèle telle que Janice
Murphy, son comportement de mauvais garçon de la minuscule ville était
probablement un attrait supplémentaire.
Ils continuèrent à faire défiler les images avant de lâcher tous les deux
un petit cri de surprise.
Il s’agissait d’une photo de Janice, dans ce que Hailey supposait être
sa chambre. Seins nus.
— Elle a gardé son propre selfie coquin ? lança Graham.
Il avait détourné le regard. Dans son travail, il lui arrivait souvent de
tomber sur des clichés privés, régulièrement compromettants. Il n’avait
jamais été à l’aise avec ça, ce qui était l’un de ses nombreux traits positifs.
— Un souvenir de sa période rebelle ? se demanda Hailey à voix
haute.
— Peut-être, il n’y a pas de discussion sauvegardée de ce jour-là.
— Il a dû dire quelque chose. Pourquoi ne l’a-t-elle pas conservé
alors qu’elle a préservé tant d’autres choses.
— Peut-être n’a-t-elle pas apprécié ce qu’il a écrit ?
— Ce cliché a été envoyé il y a deux semaines. Voyons ce que les
SMS qu’elle lui a adressés à cette date nous disent.
Ils les affichèrent à l’écran et les firent défiler jusqu’à la période en
question.
Janice : Tu l’as effacé, comme je te l’ai demandé ?
Will : Pourquoi ferais-je une chose pareille ?
Janice : C’est gênant. Je n’aurais jamais dû le faire.
Will : Il n’y a pas de quoi être gênée. Tu es très belle.
Janice : Efface-la, c’est tout. D’accord ?
Will : Pourquoi ???
Janice : Je ne veux pas que quelqu’un d’autre la voie.
Will : Je ne la montrerai à personne.
Janice : Ces images finissent toujours par fuiter. Tu te souviens de ce
que je t’ai raconté à propos de cette fille en seconde ?
Will : Ce type était un enfoiré, je ne ferais jamais une chose pareille.
Janice : S’il te plait ?
Will : Tu as réfléchi à ma question ?
Janice : Je ne veux pas faire ça. C’est humiliant. Pourquoi ne peut-on
pas faire l’amour normalement ?
Will : Pas ça ! lol. J’ai laissé tomber cette histoire. Je te demande si
tu envisagerais de venir vivre avec moi.
Janice : Oh. (Rougit.) Mes parents me tueraient.
Will : Tu es une adulte. Ce n’est pas à eux de décider.
Janice : Je vais continuer à y penser.
Will : Allez. Viens habiter avec moi !!!
Janice : Peut-être.
Will : J’effacerais cette photo si tu acceptes.
Janice : Supprime-la, et j’y réfléchirai.
Will : Nan. Tu dois d’abord dire oui. 😊
Janice avait sauvegardé toute la conversation. Pourquoi ?
— Il la manipule, déclara Graham. C’est un séducteur et elle est hors
de son domaine de compétence. Une jeune fille timide, subjuguée par un
beau parleur.
Hailey acquiesça. Elle n’avait pas besoin qu’on lui explique, mais elle
était contente qu’il s’en soit rendu compte seul. Pour la centième fois,
Hailey se demanda comment Jennifer avait pu envisager de quitter cet
homme doux et sensible, mais fort.
Le shérif Roper revint et rangea son téléphone.
— Il s’avère que ma mémoire est bonne. Je viens de discuter avec la
mère de Trisha Palmer. Sa fille a fréquenté Will Fisher il y a un an. Elle
prétend qu’elle a rompu avec lui, qu’elle était vraiment contrariée par
quelque chose qu’il avait fait ou dit, mais sans avouer quoi.
— Will a poussé Janice à prendre une photo nue et a ensuite refusé de
l’effacer, indiqua Hailey.
Roper cracha à nouveau du tabac.
— Il semblerait que nous allons devoir lui rendre une petite visite. Sa
caravane est à deux rues d’ici. Je vais vous envoyer l’adresse. Donnez-moi
cinq minutes d’avance et je me posterai à l’arrière au cas où il tente de fuir.
Puis vous pourrez aller frapper gentiment.
Hailey posa sa main sur la crosse de son pistolet rangé dans son étui
sous sa veste.
— Est-ce qu’il est armé ?
— Oui, mais c’est le cas de tout le monde dans le coin.
— Vous croyez qu’il pourrait être dangereux ? s’enquit Graham.
Le shérif prit une expression sombre.
— Je pensais qu’il n’était qu’un délinquant immature. À présent, je
n’en suis plus aussi sûr.
Hailey et Graham sortirent. L’obscurité de la nuit tombait sur la ville,
et ils purent apercevoir les camionnettes des chaînes d’informations
s’éloigner de la modeste mairie où Ogilvie venait de donner une conférence
de presse. Une petite foule d’habitants se trouvait encore sur place. Hailey
les étudia à distance lorsqu’ils passèrent devant eux, mais ne vit pas Will
Fisher.
Ils atteignirent le coin et arrivèrent devant une étroite rue bordée de
préfabriqués ainsi que le camping résidentiel où vivait Fischer au fond.
— Gerard ! Rentre !
Le cri de la femme les poussa tous les deux à se retourner. Un garçon,
la quinzaine, faisait une roue arrière avec son vélo un peu plus loin. Celle-ci
était sans doute sa mère, et lui faisait de grands signes depuis le porche.
— Oh ! S’il te plait ! Juste quelques minutes de plus !
— TOUT DE SUITE. J’ai quelque chose à te dire.
Elle repéra alors Hailey et Graham, deux étrangers, vêtus
différemment des locaux et se précipita dans la rue à la poursuite de
l’adolescent.
— D’accord, maman, ne sois pas si relou.
Celle-ci ramena son fils dans la maison en lançant un regard effrayé
par-dessus son épaule.
Exactement comme à Pleasant, pensa amèrement Hailey. Une ville où
les enfants pouvaient faire du vélo en toute sécurité la nuit est désormais
teintée. Ils vivront dans la peur à présent. Même si Fischer s’avère être le
tueur et que nous le capturons, même si nous l’empêchons de faire une
seconde victime, Tampa cessera d’être une petite municipalité tranquille et
connaître la paranoïa des vastes métropoles.
Ils atteignirent le camping au bout de la rue, une propriété couverte de
graviers, où cinq modestes caravanes étaient ordonnées en ligne. Aucune
n’était grande ni bien entretenue. Des emballages et des canettes de bière
vides étaient étalés dans l’herbe.
Peut-être est-ce la raison qui la poussait à refuser d’emménager.
Ils arrivèrent devant le numéro trois, la résidence de Fischer, et ne
virent aucune lumière allumée. Un bruit de pas les fit se retourner, et ils
croisèrent Roper.
— Sa voiture n’est pas là, lança-t-il. Essayons au Swill Saloon.
— Le Suisse Saloon ?
Le shérif lâcha un éclat de rire.
— Non, le Swill Saloon. Ils servent également les mineurs. Je les ai
pris plusieurs fois sur le fait. Je les ai forcé à mettre fin à leur activité l’an
dernier, mais ils ont rouvert, sous un nouveau propriétaire, et ont repris
leurs mauvaises habitudes.
Hailey en avait entendu parler. Elle s’était imaginé que ce dépotoir
ferait faillite il y a des années. Des nombreux établissements peu
fréquentables du Missouri rural étaient possédés par des organisations
louches qui se contentaient de changer le nom du détenteur pour contourner
les ordonnances de fermeture. Les « salons de massage » situés à côté des
aires routières fonctionnaient également de la même façon.
— Et il se rend là-bas ? s’enquit-elle.
— Il aime boire et il n’a pas l’âge légal, donc je suppose qu’il y sera.
Ce n’est pas comme s’il travaillait de nuit, il en fait le moins possible. Son
père qui réside à Saint Louis l’entretient.
— Allons-y, lança Hailey.
— Je vais rester à nouveau en retrait, afin de ne pas les effrayer. Je me
garerai un peu plus loin dans la rue, si je le vois arriver ou partir, je
l’intercepterai. Vous, entrez et arrêtez-le.

***
Ils trouvèrent le Swill Saloon (domicile du pichet à 5 $) sur
l’autoroute d’État du Missouri 181, quelques kilomètres après le lycée. La
vitrine était nue, sans fenêtre, faisant ressembler l’endroit à un entrepôt
reconverti, implanté tout au fond d’une allée couverte de graviers. Une
douzaine de voitures et de pick-up étaient stationnés dans un ordre relatif
sur la propriété, leur position dépendant de la bonne volonté des
conducteurs. Hailey secoua la tête pendant que Graham traversait le
labyrinthe de véhicules pour y dénicher une place disponible.
Ils s’installèrent et sortirent. Un duo d’adolescente était assis à
l’arrière d’une immense automobile et discutait avec un fermier vêtu d’une
salopette devant avoir deux fois leur âge.
Le pick-up n’était pas vert, mais noir. Hailey avait inspecté la couleur
de tous ceux qu’elle avait croisés depuis qu’elle avait entendu l’histoire des
derniers jours de Mindy.
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an uncouth figure was seen to move slowly down the marble steps
and then pass out into the centre of the arena. A hush fell upon the
multitude, as the hermit was recognised and dragged before the
tribunal of the Governor. “I have come,” he said, “to shew how little I
think of your edicts and to confess my faith in Jesus Christ, and I
have chosen this moment, O Governor, because I know your cruelty,
which surpasses that of all other men.” They put him to the torture:
he delighted in his pain. “The more you torture me,” he said, “the
greater will be my reward. There is a bargain between God and us.
Each pang and torment that we suffer here will be rewarded there by
increased glory and happiness.”
Licinius had thus, like Maximin, made himself the champion of the
old religion and the religious reactionaries. When in 323 war again
broke out between himself and Constantine, it was as the professed
enemy of Christianity and its God that he took the field. The war was
a war of ambition on both sides, but it was also a war between the
two religions. We have mentioned elsewhere the oath which Licinius
took before the battle, when he vowed that if the gods gave him the
victory he would extirpate root and branch the Christian religion. Fate
gave him no opportunity to fulfil his promise. Defeated at Adrianople
and at Chrysopolis, and then exiled to Thessalonica, Licinius had not
many months to live. Before he died he saw his pagan councillors
pay for their folly with their lives and heard the rejoicings of the
Christians of the East at the fall of the last of their pagan
persecutors. The Church at last had won her freedom and was to
suffer at the hands of the State no more. Eusebius has fortunately
preserved for us the text of the edict addressed by Constantine after
his victory to the inhabitants of Palestine, recalling from exile, from
the mines, and from servitude the Christian victims of the recent
persecution, restoring their property to those who had suffered
confiscation, offering to soldiers who had been expelled in disgrace
from the army either a return to their old rank or the certificate of
honourable discharge, and giving back to the churches without
diminution the corporate possessions of which they had been
robbed. Constantine not merely passed the sponge over the
administrative acts of Licinius: he granted large subsidies to the
bishops who had suffered at the hands of “the dragon,” and himself
wrote to “his dearest beloved brother,” Eusebius of Cæsarea, urging
him to see that the bishops, elders, and deacons in his
neighbourhood were “active and enthusiastic in the work of the
Church.”[78]
CHAPTER IX
CONSTANTINE AND THE DONATISTS

If Constantine hoped that by the Edict of Milan he had stilled the


voice of religious controversy, he was speedily disillusioned. He was
now to find the peace of the Church violently disturbed by those
belonging to her communions, and the hatreds of Christians against
one another almost as menacing to the tranquillity of the imperial
rule as had been the bitter strife of pagan and Christian. In the same
year (313) he received an appeal from certain African bishops
imploring him to appoint a commission of Gallican bishops to settle
certain difficulties which had arisen in Africa. The Donatist schism,
which was destined to last for more than a century, had begun.
Its rise may be traced in a few words. Northern Africa had long
been the home of a perfervid religious fanaticism. Montanism and
Novatianism had found there their most violent adherents, to whom
there was something peculiarly attractive in extravagant protest
against the laxity or the liberalism of the Church elsewhere, and in
emphatic insistence on the narrowness of the way which leads to
salvation. Those who set up the most impossible standard of
attainment; those who demanded from the Christian the most
absolute spotlessness of life; those who insisted most strenuously on
the enormity of sin and made fewest allowances for the weakness of
humanity—these were surest of being heard most gladly in northern
Africa. During the persecution of Diocletian and Maximian many of
the African Christians had ostentatiously courted martyrdom.
According to Catholic authors, such martyrdom had been sought not
only by saints, but by men of immoral and dissolute life, who thought
to purge the stains of a sinful career by dying in the odour of sanctity.
Others, again, while not prepared to die for the faith, were not
unwilling to suffer imprisonment for it, inasmuch as their fellow-
Christians looked well after the creature comforts of those who
languished in gaol. Mensurius, Bishop of Carthage and Primate of
Africa, strongly disapproved of these proceedings. He
discountenanced the fanaticism, which he knew to be the besetting
weakness of his people; refused to recognise as martyrs those who
had provoked death; and checked, as far as possible, the
indiscriminate charity of his flock. If his critics are to be believed,
Mensurius had resort to a trick in order to save the Holy Books of his
own cathedral and thus escape the choice of being a traditor or of
suffering for conscience’ sake. It was said that when the officers of
the civil power demanded the Holy Books in his keeping, he handed
over to them a number of heretical volumes, which were at once
burnt, while the Sacred Scriptures were carefully concealed. It is not
surprising, therefore, to find that Mensurius was charged with actual
persecution of those Christians who had a sterner sense of duty than
himself.
It is manifest, however, from what took place at a synod of bishops
held in Cirta in 305 that many of the natural leaders of the African
Church had quailed before the persecution of Diocletian. They had
assembled, under the presidency of Secundus, Bishop of Tigisis and
Primate of Numidia, in order to fill the vacant see of Cirta. Secundus
opened the proceedings by inviting all present to clear themselves of
the charge of having surrendered their Holy Books, and began to put
the question directly to each in turn. Donatus of Mascula returned an
evasive answer, and said that he was responsible only to God. Many
pleaded that they had substituted other books for the Scriptures;
Victor of Russicas alone confessed that he had handed over the
Four Gospels. “Valentinianus, the Curator, himself compelled me to
send them,” he said; “pardon me this fault, even as God pardons
me.” Then came the turn of Purpurius, Bishop of Limata. Secundus
accused him not of being a traditor, but of the murder of two of his
nephews. Purpurius stormed with rage. He vowed that he would not
be browbeaten, and declared that Secundus was no better than his
fellows and had purchased his own immunity, like the rest of them,
by surrendering the Scriptures. As for murdering his nephews, the
charge was true. “I did kill them,” he said, “and I kill all who stand in
my way.” This candid avowal seems to have occasioned no surprise
among the members of this extraordinary synod; they were all too
indignant with Secundus for raising inconvenient questions and
pretending to a sanctity beyond his colleagues. Eventually, another
nephew of Secundus threatened that they would all withdraw from
his communion and make a schism (recedere et schisma facere),
unless he let the matter drop. “What business is it of yours what
each has done?” asked the outspoken nephew. “It is to God that
each must tender his account.” The president thereupon drew in his
horns, pronounced the acquittal of the accused, and with a general
murmur of “Deo gratias,” they proceeded to the election of a bishop.
Their choice fell upon Sylvanus, himself a traditor, much, it is said, to
the indignation of the people of Cirta, who raised cries of, “He is a
traditor: let another be elected. We want our bishop to be pure and
upright.” Sylvanus had surrendered, without even a show of
compulsion, one of the sacred silver lamps from the altar of his
church. It is more than possible that the report of the proceedings at
this synod, which is found only in works written specifically—but by
episcopal hands—against the Donatists, is highly exaggerated.
Among the bishops present at Cirta were those who, a few years
later, were the principal leaders of the Donatist schism. But, even
when all allowances are made for party colouring, the picture it gives
of the Numidian Church is far from flattering.
During the life of Mensurius overt schism was avoided, though the
Church of Carthage was by no means untroubled. For even before
the persecution broke out, a certain lady named Lucilla had fallen
under the censure of the ecclesiastical authorities, and had left the
fold in high dudgeon. She became the lady patroness of the
malcontent Christians of Carthage and the prime mover in any
ecclesiastical intrigue that was afoot. She had been wont, before
taking the Eucharist, to kiss the doubtful relic of a martyr, and she
had set greater store on the efficacy of this unregistered bone than
on the virtues of the sacred chalice. It was not, of course, for relic
worship that Cæcilianus, the Archdeacon, rebuked her, for the early
Church everywhere acknowledged its intercessional value, and it
was the usual practice for an officiating priest, before celebrating, to
kiss the relics that were placed on the high altar. Lucilla was
reproved because her relic was not recognised by the Church.[79] It
was doubtful whether it had belonged to a martyr at all, and, in any
case, its identity had not been duly authenticated. But before
Mensurius could deal with this revolted daughter the tempest of
persecution broke over Africa. The angry and insulting epithets with
which the Catholic historians have loaded Lucilla are perhaps the
best testimony to her ability and influence. She was very rich and a
born intriguante (pecuniosissima et factiosissima), and as she had
what she considered to be a personal insult to avenge, she was as
willing as she was competent to cause trouble and mischief.
Shortly before the overthrow of Maxentius, one of Mensurius’s
deacons issued a defamatory libel against the Emperor and then
took sanctuary at Carthage. The Bishop refused to surrender him
and was peremptorily summoned to Rome. Evidently expecting that
the Emperor would condemn him and order the confiscation of the
holy vessels of his church, Mensurius secretly handed them over to
the custody of certain elders in whose honesty he thought he could
place implicit reliance. But he took the precaution—a wise one, as it
subsequently proved—to make an inventory, which he gave to an old
woman, with instructions that if he did not return she was to hand it
to his lawfully appointed successor. Mensurius then went to Rome,
succeeded in convincing Maxentius of his innocence, but died on the
way home, in 311 A.D. As soon as the news of his death reached
Carthage, the round of intrigue began. According to Optatus, two
deacons named Botrus and Celestius, each hoping to secure his
own elevation, hurried on the election, in which the Numidian
bishops were not invited to take part. The passage is obscure, for
Optatus goes on to say that the choice fell upon Cæcilianus, who
was elected “by the suffrages of the whole people,” and was
consecrated in due form by Felix, Bishop of Aptunga. When
Cæcilianus called upon the elders to restore the Church ornaments,
they quitted the Church—the suggestion of the Catholic historian is
that they had hoped to steal them—and attached themselves to the
faction of Lucilla, together with Botrus and Celestius, whom St.
Augustine roundly denounces as “impious and sacrilegious thieves.”
The schism was now complete. It had its origin, says Optatus,[80] in
the fury of a headstrong woman; it was nurtured by intrigue and drew
its strength from jealous greed.
Cæcilianus’ position was speedily challenged. The malcontents
appealed to the Numidian bishops, urging them to declare in synod
whether the election was valid. Accordingly, the Numidian Primate,
Secundus of Tigisis, came with seventy other bishops to the capital,
where they were received with open arms by the opposition party.
Cæcilianus seated himself on his throne in the cathedral and waited
for the bishops to appear. When they did not come he sent a
message saying, “If any one has any accusation to bring against me,
let him come to make good the charge.”, But the Numidian bishops
preferred to meet elsewhere within closed doors and finally declared
the election of Cæcilianus invalid on the ground that he had been
consecrated by a traditor. To this Cæcilianus replied that, if they
thought Felix of Aptunga had been a traditor, they had better
consecrate him themselves, as though he were still a simple deacon
—a sarcasm which roused the violent Purpurius to exclaim: “Let him
come here to receive the laying on of hands, and we will strike off his
head by way of penance.” They then elected Majorinus, who had
been one of Cæcilianus’ readers and was now a member of Lucilla’s
household. There were thus two rival bishops of Carthage. Those
who supported Cæcilianus called themselves the Catholic party;
their rivals, until the death of Majorinus in 315, were known as the
party of Majorinus, though their moving spirit seems to have been,
first, Donatus, the Bishop of Casæ Nigræ, and, afterwards, Donatus,
surnamed Magnus, who gave his name to the schism.
Though Africa was thus split into two camps, there is no evidence
that Majorinus was recognised by any of the churches of Europe,
Egypt, or Asia. These all looked to Cæcilianus as the rightful bishop,
and so, when Constantine, fresh from his victory over Maxentius,
wrote to the African churches in 312 to announce his intention of
making a handsome present of money to their clergy, it was to
Cæcilianus that the letter was addressed, and the schismatics were
rebuked in the sharpest terms. The letter ran as follows:
“Constantine Augustus to Cæcilianus, Bishop of
Carthage.
“Inasmuch as it has pleased us to contribute something towards
the necessary expenses of certain ministers of the lawful and most
holy Catholic religion throughout all the provinces of Africa, Numidia,
and both Mauretanias, I have sent letters to Ursus, the most noble
governor of Africa, and have instructed him to see that three
thousand purses are paid over to your Reverence. When, therefore,
you have received the above mentioned sum, you will take care that
the money is divided among the clergy already spoken of according
to the instructions sent to you by Hosius.
“If you consider this amount insufficient for the purpose of
testifying my regard for all of you in Africa, you are to ask without
delay Heraclidas, the procurator of the imperial domains, for
whatever you may think necessary. For I have personally instructed
him that whatever sum your Reverence asks for is to be paid without
hesitation.
“And since I have heard that certain persons of ill-balanced mind
(quosdam non satis compositæ mentis) are acting in such a manner
as to corrupt the people of the most holy and Catholic Church with
wicked and adulterous falsehoods (improba et adulterina falsitate), I
would have you know that I have given verbal instructions to
Anulinus, the proconsul, and to Patricius, the vicar of the præfects, to
include among their other duties a sharp lookout in this matter, and,
if this movement continues, not to neglect or ignore it.
“Consequently, if you find persons of this character persevering in
their mad folly (in hac amentia perseverare) you will at once
approach the above mentioned judges and lay the matter before
them, that they may punish the culprits (in eos animadvertant) in
accordance with my personal instructions.
“May the divinity of the Supreme God (Divinitas summi Dei)
preserve you for many years.”

In conjunction with this must be taken the letter addressed by


Constantine to Anulinus, the proconsul of Africa:

“Greetings to our best beloved Anulinus! Inasmuch as it is


abundantly proven that the neglect of the religion which preserves
the greatest reverence for divine majesty has reduced the State to
the direst peril, while its careful and due observance has brought the
most splendid prosperity to the Roman name and unspeakable
felicity to all things mortal, thanks to divine goodness, we have
resolved, best beloved Anulinus, that those, who with due
righteousness of life and continual observance of the law, perform
their ministry in this divine religion shall reap the reward of their
labours.
“Wherefore, it is our wish that all who, in the province under your
care and in the Catholic Church over which Cæcilianus presides,
minister to this most holy religion—those, viz., whom people are
wont to call the clergy—shall be absolved[81] from all public duties of
any kind, lest, by some slip or grave mischance, they may be
distracted from the duties they owe to the Supreme Divinity, and that
they may do the better service to their own ritual without any
disturbing influences.
“Inasmuch as these people display the deepest reverence for the
Divine Will, it seems to me that they ought to receive the greatest
reward the State can bestow.”
THE AMPHITHEATRE AT ARLES.
EXTERIOR VIEW. PRESENT DAY.

These are two remarkable letters. They clearly prove that the
schism in the African Church was making a stir outside Africa, and
that the Emperor had been instructed in the main points at issue.
The new convert had cast his all-powerful influence upon the
Catholic side—an Emperor would naturally be biassed against
schism—and he was prepared to utilise the civil power in order to
compel the return of the schismatics to obedience. So little observant
was he of his own edict of toleration that he was prepared to use
force to secure uniformity within the Church! Constantine, indeed,
reveals himself not merely as a Christian, but as a Catholic Christian;
his bounty is reserved for the Catholic clergy, and the immunity from
public duties involving heavy expense is reserved similarly for them
alone. Nevertheless, the party of Majorinus petitioned the Emperor to
appoint a commission of Gallican bishops to enquire into and report
upon their quarrel with the Bishop of Carthage.

“We appeal to you, Constantine, best of Emperors, since you


come of a just stock, for your father was alone among his colleagues
in not putting the persecution into force, and Gaul was thus spared
that frightful crime. Strife has arisen between us and other African
bishops, and we pray that your piety may lead you to grant us judges
from Gaul.”
(Signed by Lucianus, Dignus, Nasutius, Capito, Fidentius, and
other bishops of the party of Majorinus.)

This petition was forwarded by Anulinus, the proconsul, whose


covering letter, dated April, 313, describes the opponents of
Cæcilianus as being resolute in refusing obedience. The Emperor,
who was in Gaul when the petition reached him, granted the desired
commission and instructed the bishops of Cologne, Autun, and Arles
to repair to Rome. Cæcilianus was instructed to attend with the
bishops belonging to his party; ten of the rival bishops attached to
Majorinus were to appear in the character of accusers, and for
judges there were to be Miltiades, Bishop of Rome, the three
Gallican bishops, and fifteen other Italian bishops selected by
Miltiades from all parts of the peninsula. They met in October in the
palace of the Empress Fausta, on the Lateran. Constantine had
already written a letter to Miltiades, in which he deplored the
existence of such serious schism in the populous African provinces,
which, he said, had spontaneously surrendered to him, under the
influence of divine Providence, as a reward for his devotion to
religion. He, therefore, looked to the bishops to find a reasonable
solution.
At the first sitting the credentials of the accusers of Cæcilianus
were examined, and some were disqualified on the score of bad
character. Then, when the witnesses were called, those who had
been brought to Rome by Majorinus and Donatus avowed that they
had nothing to say against Cæcilianus. The case of the petitioners
practically collapsed, for the judges refused to listen to
unsubstantiated gossip and scandal, and Donatus in the end
declined to attend the enquiry, fearing lest he should be condemned
on his own admissions. Later on, a second list of charges was
handed in, but was not supported by a single witness, and then
finally the commission passed on to enquire into the proceedings of
the Council of the seventy bishops who had declared the election of
Cæcilianus invalid. They had no difficulty in reaching a general
decision.
The accusations against Cæcilianus had clearly broken down and
the verdict of Miltiades began in the following terms: “Inasmuch as it
is shewn that Cæcilianus is not accused by those who came with
Donatus, as they had promised to do, and Donatus has in no
particular established his charges against him, I find that Cæcilianus
should be maintained in the communion of his church with all his
privileges intact.” St. Augustine warmly eulogises the admirable
moderation displayed by Miltiades, who, in the hope of restoring
unity, offered to send letters of communion to all who had been
consecrated by Majorinus, proposing that where there were two rival
bishops, the senior in time of consecration should be confirmed in
the appointment, while another see should be found for the other.
But the Donatists would listen to no compromise. They appealed
again to the Emperor, who, with a very pardonable outburst of wrath,
denounced the rabid and implacable hatreds of these turbulent
Africans.
Knowing that the quarrel would be resumed in full blast if
Cæcilianus and Donatus returned to Africa, Constantine detained
them both in Italy. Two Italian bishops, Eunomius and Olympius,
were meanwhile sent to Carthage to act as peacemakers and
explain to the African congregations which was the true Catholic
Church. It was none other, they said, than the Church which was
diffused throughout the whole world, and they insisted that the
judgment of the nineteen bishops was one from which there could be
no appeal. The Donatists, however, retorted that if the verdict of
nineteen bishops was sacred, a verdict of seventy must be even
more so. They resisted the overtures of their visitors, and thus, when
Donatus and Cæcilianus in turn reappeared on the scene, the fires
of partisanship did not lack for fuel. It was no longer possible for the
Donatists to press for a rehearing on the ground of the personal
character of Cæcilianus. They had had their chance in Rome to
impugn the Primate’s character, and had failed. They now shifted
their ground and based their claim upon the fact that Felix of
Aptunga, who had consecrated Cæcilianus, was a traditor, and the
consecration was, therefore, invalid.
But was Felix a traditor? This was a plain, straightforward
question, involving no disputed point of doctrine. Constantine,
therefore, wrote to Ælianus, Anulinus’s successor as proconsul of
Africa, instructing him to hold a public enquiry into the life and
character of Felix of Aptunga. Part of the official report has come
down to us. Among the witnesses were those who had been the
chief magistrates of Aptunga at the time of the persecution. These
must all have been acutely conscious of the curiously anomalous
position in which they stood. If they found that Felix had delivered up
the Holy Books and utensils of the church, their verdict would acquit
him of having broken the law of Diocletian, but would convict him of
being a traditor, and would, therefore, be most unwelcome to the
reigning sovereign. If they decided that Felix was not a traditor, they
would convict him of having broken the law of Diocletian and convict
themselves of having been lax administrators. The favour of a living
Prince, however, outweighed consideration for the edicts of the
dead, and the finding of the court was that “no volumes of Holy
Scripture had been discovered at Aptunga, or had been defiled, or
burnt.” It went on to say that Felix was not present in the city at the
time and that he had not temporised with his conscience (neque
conscientiam accommodaverit). He had been, in short, a godly
bishop (religiosum episcopum). The character of Felix was,
therefore, entirely rehabilitated and the validity of the consecration of
Cæcilianus was unimpaired.

THE AMPHITHEATRE AT ARLES AS IT APPEARED IN 1686.


FROM AN OLD PRINT.

Then follows the Council of Arles in 314. With a forbearance rarely


displayed by a Roman emperor to inveterate and unreasoning
opposition, Constantine yielded to the clamour of the Donatists for a
new council on a broader and more authoritative scale than the
commission of Italian and Gallic bishops. But his disappointment and
disgust are plainly to be seen in his letter to the proconsul of Africa.
Constantine began by saying that he had fully expected that the
decision of a commission of bishops “of the very highest probity and
competence” would have commanded universal respect. He found,
however, that the enemies of Cæcilianus were as dogged and
obstinate as ever, for they declared that the bishops had simply shut
themselves up in a room and judged the case according to their
personal predilections. They clamoured for another council: he would
grant them one which was to meet at Arles. Ælianus, therefore, was
to see that the public posting service throughout Africa and
Mauretania was placed at the disposal of Cæcilianus and his party
and of Donatus and his party, that they might travel with despatch
and cross into Spain by the quickest passage. Then the letter
continued:

“You will provide each separate Bishop with imperial letters


entitling him to necessaries en route (tractorias litteras) that he may
arrive at Arles by the first of August, and you will also give all the
bishops to understand that, before they leave their dioceses, they
must make arrangements whereby, during their absence, reasonable
discipline may be preserved and no chance revolt against authority
or private altercations arise, for these bring the Church into great
disgrace.
“On the other matters at issue, I wish the enquiry to be full and
complete, and an end to be reached,[82] as I hope it may be, when all
those who are known to be at variance meet together in person. The
quarrel may thus come to its natural and timely conclusion.
“For as I am well assured that you are a worshipper of the
supreme God, I confess to your Excellency that I consider it by no
means lawful for me to ignore disputes and quarrels of such a nature
as may excite the supreme Divinity to wrath, not only against the
human race but against myself personally, into whose charge the
Divinity by its Divine will has committed the governance of all that is
on earth. In its just indignation, it might decree some ill against me.
“And then only can I feel really and absolutely secure, and hope
for an unfailing supply of all the richest blessings that flow from the
instant goodness of Almighty God, when I shall see all mankind
reverencing most Holy God in brotherly singleness of worship and in
the lawful rites of our Catholic religion.”[83]

Not only did Constantine write in this evidently sincere strain to the
proconsul of Africa; he also sent personal letters to the bishops
whose presence he desired. Eusebius has preserved the text of one
of these, which was addressed to Chrestus, Bishop of Syracuse, in
which the Emperor instructs him not to fail to reach Arles by August
1st, and bids him secure a public vehicle from Latronianus, the
Governor of Sicily, and bring with him two presbyters of the second
rank and three personal servants. In obedience to Constantine’s
wishes the bishops assembled at Arles by the appointed day. It is not
known how many were present. On the fullest list of those who
signed the canons there agreed to are found the names of thirty-
three bishops, thirteen presbyters, twenty-three deacons, two
readers, seven exorcists, and four representatives of the Bishop of
Rome. But from the extreme importance attached to the council in
later times it is certain that many more attended, and the numbers
have been variously estimated at from two to six hundred. Not a
single Eastern bishop was present. It was a council of the West,
representing the various provinces of Africa and Gaul, Spain, Britain,
Italy, Sicily, and Sardinia. From Britain came Eborius of York,
Restitutus of London, and Adelfius, the Bishop of a diocese which
has been variously interpreted as that of Colchester, Lincoln, and
Caerleon on Usk, with a presbyter named Sacerdos and a deacon
called Arminius. The Bishop of Rome, Sylvester, sent two presbyters
and two deacons.
The Council investigated with great minuteness the points raised
by the Donatists, but it is clear from the report sent to Sylvester that
the Donatists were no better supplied with evidence than they had
been at Rome. They simply repeated the old, unsubstantiated
charge against Cæcilianus that, as deacon, he had forcibly
prevented the members of the Church of Carthage from succouring
their brethren in prison during the persecution of Diocletian, and the
disproved accusation against the bishop who consecrated him that
he had been a traditor. In a word, they had absolutely no case and
the Council of Arles endorsed the verdict of the Council of Rome.
The synodal letter to Sylvester began as follows:

“We, assembled in the city of Arles at the bidding of our most


pious Emperor, in the common bonds of charity and unity, and
knitted together by the ties of the mother Catholic Church, salute
you, most holy Pope, with all due reverence. We have endured to
listen to the accusations of desperate men, who have wrought grave
injury to our law and tradition, men whom the present authority of our
God and the rule of truth have so utterly disowned that there was no
reason in their speeches, no bounds to the charges they brought,
and no evidence or proof. And so, in the judgment of God and the
Mother Church, which has known and attests them, they stand either
condemned or rejected. Would that you, dearest brother, had found it
possible to take part in such a gathering. We verily believe that in
that case a more severe sentence would have been passed upon
them, while if your judgment had coincided with ours, the joy of our
assembly would have been intensified. But since you found it
impossible to leave the chosen place where the Apostles make their
daily home, and where their blood testifies ceaselessly to the glory of
God, we thought, dearest brother, that we ought not simply to take in
hand the subject for the discussion of which we had been called
together, but also to consider other matters on our own account, and,
as we have come from diverse provinces, diverse are the topics on
which it seemed good to us to take counsel.”

The letter then enumerates the canons to which the signatories


had agreed and transmits them with the remark that as the Bishop of
Rome’s dioceses were wider than those of any other bishop, he was
the most suitable person to press the acceptance of these canons
upon the Church.
It does not fall within the province of this book to discuss these
twenty-two canons; it will suffice to indicate the more important in the
briefest outline. The first suggested that Easter should be celebrated
on the same day throughout the whole world; the second insisted on
the clergy residing in the places to which they were ordained; the
third threatened with excommunication deserters from the army in
times of peace (qui arma projiciunt in pace). Of special importance in
connection with the questions raised by the Donatists were the
canons which prohibited the rebaptism of heretics if they had been
baptised in the name of the Holy Trinity; which recognised the
validity of baptism conferred by heretics, if conferred in the proper
form; which ordered that a new bishop should be consecrated by
seven, or at least three, bishops and never by a single one; which
removed from the ministry all those who were clearly proved to have
been traditores or to have denounced their brother clergy, though, if
these had ordained any others to the ministry, the validity of the
ordination was not to be challenged. Worthy also of note is the
canon removing from the communion of the faithful all those
engaged in any calling connected with the arena or the stage, such
as charioteers, jockeys, actors, pantomimists, and the like, as long
as they continue in professions which, in the eyes of the Church,
tend to the subversion of public morals; the canon which
excommunicated those of the clergy who practised usury, and the
canon exhorting those whose wives had been unfaithful not to marry
again, as they were legally entitled to do, during the lifetime of their
guilty partners.
If the Council of Arles was exceptionally fruitful in respect of new
rules passed for the improvement of ecclesiastical discipline, it
proved an entire failure in its primary object, that of putting an end to
the Donatist schism. The African malcontents still refused to
acknowledge Cæcilianus and had the effrontery to appeal to
Constantine for yet another investigation. As the bishops of the West
were obstinately prejudiced against them, they desired the Emperor
to be gracious enough to take charge of the enquiry himself.
Constantine did not conceal his anger in the important letter which
he addressed to the bishops at Arles, thanking them for their labours
and giving them leave to return to their homes. He wrote:

“Certainly I cannot describe or enumerate the blessings which God


in His heavenly bounty has bestowed upon me, His servant. I rejoice
exceedingly, therefore, that after this most just enquiry you have
recalled to better hope and future those whom the malignity of the
Devil seemed to have seduced away by his miserable persuasion
from the clearest light of the Catholic law. O truly conquering
Providence of Christ, our Saviour, solicitous even for these who have
deserted and turned their weapons against the truth, and joined
themselves to the heathen. Yet even now, if they will truly believe
and obey His most holy law, they will be able to see what forethought
has been taken in their behalf by the will of God.
“And I hoped, most holy brethren, to find such a disposition even
in the stubbornest breasts. For not without just cause will the
clemency of Christ depart from those, in whom it shines with a light
so clear that we may perceive they are regarded with loathing by the
Divine Providence. Such men must be bereft of reason, since with
incredible arrogance they persuade themselves of the truth of things,
of which it is neither meet to speak nor hear others speak,
abandoning the righteous decisions which have been laid down. So
persistent and ineradicable is their malignity. How often already have
they shamelessly approached me, only to be crushed with the fitting
response! Now they clamour for a judgment from me, who myself
await the judgment of Christ. For I say that, as far as the truth is
concerned, a judgment delivered by priests ought to be considered
as valid as though Christ Himself were present and delivering
judgment.[84] For priests can form no thought or judgment, unless
what they are taught to utter by the admonitory voice of Christ.
“What, then, can these malignant creatures be thinking of,
creatures of the Devil, as I have truly said? They seek the things of
this world, abandoning the things of Heaven. What sheer, rabid
madness possesses them, that they have entered an appeal, as is
wont to be done in mundane lawsuits?... What do these detractors of
the law think of Christ their Saviour, if they refuse to acknowledge
the judgment of Heaven and demand judgment from me? They are
proven traitors; they have themselves convicted themselves of their
crimes, without need of closer enquiry into them.... Do you, however,
dearest brothers, return to your own homes, and be ye mindful of me
that our Saviour may ever have mercy upon me.”
It is not a little difficult to understand why an Emperor who wrote
such a letter as the above should have again acceded to the
Donatist demand for a rehearing. Possibly the Donatists had
powerful friends at court of whom we know nothing, some member, it
may be, of the Imperial Family, or perhaps the case against them
was not so one-sided as the Catholic authorities agree in
representing. At any rate, Constantine summoned Cæcilianus to
appear before him in Rome. Here is the letter which he wrote to the
Donatist bishops to apprise them of his determination:

“A few days ago I had decided to accede to your request and


permit you to return to Africa, that the case which you think you have
established against Cæcilianus might be fully investigated and
brought to a proper conclusion. But, after long and careful
consideration, I have deemed the following arrangement best.
Knowing, as I do, that certain of you are of a decidedly turbulent
nature and obstinately reject a right verdict and the reasoning of
absolute truth, it might conceivably happen, if the case were heard in
Africa, that the conclusion reached would not be a fitting one, or in
accordance with the dictates of truth. In that event, owing to your
exceeding obstinacy, something might occur which would greatly
displease the Heavenly Divinity and do serious injury to my
reputation, which I desire ever to maintain unimpaired. I have
decided therefore, as I have said, that it is better for Cæcilianus to
come here and I think he will speedily arrive.
“But I pledge you my word that if, in his presence, you shall
succeed in proving a single one of the crimes and misdeeds which
you lay to his charge, it shall have as much weight with me as if you
had proved every accusation you bring forward. May God Almighty
keep you safe for ever.”

At the same time Constantine wrote to Probianus, the successor


of Ælianus in the governorship of Africa, instructing him to send
under guard to Italy certain witnesses who had been imprisoned for
forging documents purporting to shew that Felix of Aptunga was a
traditor. Cæcilianus failed to appear at the appointed time, for some
reason which is unknown to St. Augustine, who gives a brief account

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